La - Dépêche - Coloniale - Illustrée - bpt6k9742962f 2
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15 Janvier 1904 (4' Année). — N° 1. Directeur J.-PAÙL TROUILLET Bureaux 12, Rue Saint-Georges, Paris
Adresse télégraphique : Deponiale - Paris : :
Téléphone : 157-47
DE 141qîqol A HAIPHONG
par Long Tcheou -- flanning ~ Oateheoa
- Canton
- Hongkong
La révolte et la famine au Quang-Si. mais sur de hautes colonnes -d-e briques, précau- plus loin la rivière descendant du Yunnan:
L'influence française dans les deux Quangs. tion rendue nécessaire par les crues formida- moins importante elle-même.
bles de la rivière.
NE occasion m'est offerte de traverser la Des rivières, du fleuve, de'yjioris-nous. dire,
province du Quang-Si que l'on dit en car le grand fleuve Kiang, que toutes les
pleine révolte. Je veux la saisir aux cartes présentent comme prenant sa source
cheveux pour ne pas me brouiller avec au Yunnan, pourrait tout aussi bien trouver
la sagesse des nations et prendsplace,un beau son acte de naissance sur notre territoire de
matin dans l'express -
de Langson-Dong--
dang. En cette ville,
le complaisant délé-
gué de MM. Guigal
et Flambeau, les
grands e n t r ep-r e -
neurs de transports,
fournit aux voya-
geurs coolies et voi-
tures.
Dix-sept kilomè-
tres pour gagner Ma-
cham, où l'on peut
passer la nuit;
La Dépêche Colo-
-
Puis Long Tcheou apparaît, Long Tcheou Le Song Bang Giang vient se joindre à lui Tcheou, M. Dautremer, seul représentant de la
avec ses maisons perchées, non sur des pilotis, près de Long Tcheou et tous deux recevront France au Quang-Si, doit se rendre à Nanning-
fou pour inaugurer, le 1er juin, une école franco- cédant aux dernières pluies, s'est effondré sur les autres laissent pendre-de longs caillots de sang.
chinoise installée dans cette ville. J'ai obtenu paperassesinutiles qui dormaient sous son ombre. Encore couvertes de leur peau, elles ne doivent
de l'accompagner. Dans les beaux bâti-
Le taotaï de Long Tcheou, S; E. Jou Lin — ments de la mission
c'est-à-dire Pluie Bienfaisante— que je connus catholique, logent un
jadis en des jours plus heureux, vient d'être dis- missionnaire, le Père
gracié pour avoir eu la main trop lourde dans Costenoble et trois Sœurs qui dirigent unor- être exposées que depuis deux ou trois jours
la répression de la révolte. Il doit quitter sous phelinat de jeunes gens et de jeunes filles. Une odeur infecte se dégage.
Plus loin, au centre de vas-
tes avenues et de rues bien tra-
cées qui devaient former le plan
d'une ville européenne lors de
la construction du chemin de
fer.de pénétration, se dressent
de superbes maisons luxueuse-
ment meublées, destinées à
MM. les ingénieurs, que l'on at-
tend.
Un fonctionnaire des Tra-
vaux Publics de l'Indo-Chine
passe ses journées à dresser
l'inventaire du mobilier, de la
vaisselle, de l'argenterie, qu'il
soigne avec des attentions de
ménagère fidèle. De temps fi
autre, il braque sa jumelle du
haut de l'œilde-bœuf du grand
pignon, espérant découvrir les
ingénieurs tant attendus, mais, Avant de rentrer, après avoir trouvé close la
comme sœur Anne, il ne voit porte du Dr Pelofi, actuellement en congé avec
rien venir.
Sur le bord du fleuve, les bu
peu'dé jours son yamen ombragé, mais il nous la
reauxde Douane impériale chinoise. Le com-
missaire est:un.:Françaisi l'aimable M. de, Ga-
déconseillé de voyager par ces temps troublés.
lembert, qu assistent
deux jeunes gens, l'un
Belge et l'autre Italien.
Une courte excur-
sion -dans le. canot de
la Douane jusqu'aux
deux coquets pagodons
qui s'élèvent presque en
face l'un de l'autre à
l'extrémité de la ville.
La tour de la rive
gauche est dédiée à
Tien Ho (la déesse du
Ciel). Les deux étages
de la rive droite ont été
élevés à la mémoire de
Fo-Po, fameux général
qui rétablit l'ordre (?)
jadis en pays d'Annam.
Les Annamites ont une
grande vénération pour
sa mémoire et viennent
souvent brûler en son
temple des baguettes
parfumées. C'est du
moins ce que nous af-
firme M. Ping, un let-
tré aux longs ongles,
' aux chaussettes bien
11ne pourra nous donner d'escorte. Nous ne de- tirées et à l'ombrelle en soie, dernier genre.
vons pas partir. En face de Long Chen Jfiao, le Temple de l'Es-
— Nous partirons sans escorte, telle est nolre
prit du Dragon, quatre têtes de suppliciés se
réponse. balancent dans des paniers de bambou.
Une visite aux Français du pays. De tous, le Je me trompe. L'une d'e les s'est détachée. Le
consul est certainement. le plus mal logé. Ce panier gît à terre. La têtela été dévorée par les sa charmante femme, nous poussons une pointe
matin même, le plafond dé la salle des archives., chiens, il n'en reste plus qu'une mâchoire:. Les jusqu'à la Grotte du Maréchal Sou, pagode pit-
toresquement installée dans une immense roche.
Un escalier à larges dalles y conduit.
Le temple est très fréquenté par la population
C'est notre chiffre. Nous avons, en effet,
pour compagnon de route un Lorrain, M. Patin,
fil del'eau des.papiers enflammés afin d'apaiser
les Génies de la rivière. Il arrive des jonques,
compatriote et ami du consul. des jonques, des jonques, et nous avons l'expli-
d'alentour. Défilent devant nos yeux la Mission, la Douane, cation de notre longue attente.
^
Nous ne regreltons pas notre peine, car les têtes des suppliciés, la pagode de l'Esprit du
rencontrons en chemin deux ravissantes jeunes nous Les bateliers, qui n'osent guère se mettre
Dragon, les pagodons pittoresques de Fa Po et route par ces jours de trouble, ont demandé au en
Chinoises, pas farouches, qui nous font les hon- de Tsien Ho. -Enfin nous avons quitté Long
neurs-du lieu. taotaï de profiter de notre escorte. Et voilà com-
Tcheou !
ment un consul de France se trouve à la tête
Une dernière démarche du taotaï. Sommes- Fausse joie ! Le bateau s'arrête et le capi-
nous vraiment décidés à partir? Le, brave d'une escadrille et convoie sur le Tso-Kiang, à *
taine Tchang qui commande la canonnière vient l abri du drapeau tricolore,
homme ne peut y croire.
annoncer qu'il nous faut attendre une seconde une trentaine de
Lorsqu'il est enfin convaincu de notre iné- canonnière que le taotaï veut adjoindre à la jonques chinoises lourdement chargées.
branlable résolution, le mandarin se décide à Sur l'une des canonnières, deux soldats,
sienne. Il nous invite à visiter son bâtiment qui mu-
envoyer jusqu au Consulat une canonnière qui porte à l avant un vieux canon dont la pauvre nis de la longue trompette de cuivre, soufflent
doit nous servir d'escorte. des notes graves et prolongées que se renvoient
âme est pleine d'une natte -enroulée,. deux au- les échos d'alentour. Les casaques rouges des
Ce mot évoque l'idée d'un pimpant petit bâti- ..
tres ^canons joujoux de soixante centimètres de
ment à vapeur. En Chine, dans l'intérieur, il réguliers .se détachent sur les blouses bleu
long et une aptique coulevrine fort originale. des rameurs. Bravo pour le départ! cru
faut en rabattre. La canonnière qui doit proté- Au-dessus de la cabine sont rangés les para- Le long cortège des jonques de
ger notre sampan est une modeste jonque en pluies bleus eL les pipes des dix marins. Tout retarde la marche du Dragon Volant. Ncommerce
bois, à huit rameurs, sale d'aspect et que nous soldat chinois se munit avant tout de ces deux Qtre équi-
visiterons en détail tout à l'heure. Originale ustensiles ; les armes viennent ensuite par sur- page se repose de.temps à autre pour permettre
quand même, avec ses trois larges étendards qui croît. Profitant du repos, les hommes se sonl aux barques moins agiles dé rallier le gros du
flottent à l'arrière. mis à jouer aux cartes. convoi. ; t
En avant, en route! Le courant nous emporte. Pays pittoresque, mais pauvre, désolé. Des
Nous pénétrons clans la cabine, très propre, mamelons arides, où l'on sent la pierre à fleur
Le Faï Loung ou Dragon Volant tel est le '
— en bois verni. Dix fusils Mannlicher bien entre- de brousse, lorsqu'elle ne jaillit pas elle-même.
nom du sampan consulaire — arbore à l'avant et tenus sont aux râteliers. Quatre grands sabres Des rochers calcaires, creusés, vrillés, troués et
a l arrière des drapeaux tricolores tout flam- d'exécution aussi nets et soignés que des armes
bants neuf. Les bannières de lajonque d'escorte de musée se dressent sur l'un des panneaux,
ressemblant parfois à de gigantesques éponges.
por tent, largement tracé, le caractèreIrao, d u nom Comme horizon, des masses de la même forma-
tandis que sur 'l'autre s'alignent les ceintures tion et du même aspect que celles de là baie
de -l amiral qui commande les forces du fleuve. garnies de nombreuses cartouches.
Le Dragon Volant bondit sous l'impulsion de d Along ou duNinh-Binh. Il fa lit descendre loin
Une bouteille de champagne voit sauter son avant de rencontrer le moindre village.
- sur la plage d 'avant. A l'intérieur, une cabine voyage! et nous trinquons à notre heureux Vers trois heures, un escalier de _pierre
nous
avec un-lit de camp assez large et de la place Pendant ce -temps, les matelots allument à la invite à suivre les coolies qui vont aux provi-'
pour se tenir trois autour d'une petite table. proue des baguettes sions. En haut, une pagode banale, sauf gé.nie
un
odoriférantes et jettent au à tête et pat tes de coq, qui nous foudroie duregard.
plus de cent mètres de haut, mince et trouée en
son milieu comme une sapèque de Titan.
Un peu à l'écart, dans la brousse, une colline
rocheuse qui surveille un coude du fleuve. Elle
paraît creusée d'une infinité de grottes. La ju-
melle laisse voir des branchages de défense et
même une paillotte pour abriter les sentinelles.
Un soldat nous dit que souvent des pirates
viennentse réunir dansceblockhausnaturelpour
découvrir de loin les convois et attendre en sûo:
reté l'occasion de fondre sur les bateliers sans
défense. Doux pays!
Les jonques se sont arrêtées à Tolou, impor-
tant., mais paisible village, où notre flottille vient
apporter une animation inaccoutumée. Pas
d'enceinte fortifiée. Commerce nul en ce mo-
ment, bien que le marché couvert, assez vaste,
indique un centre d'approvisionnements à cer-
tains jours. Quelques chevaux y sont abrités en
compagnie d'une mule. Est-ce la mule protec-
trice de la cité?
Les caractères To et Loti rappellent, en effet,
le cerf et la mule. Nous trouvons le cerf peint
en fresque dans une petite pagode proprette
non loin du fleuve. Il broute des fleurs de pêcher
en allongeant une langue voluptueuse, le vilain
gourmand.
Dans une maison, une vieille paysanne dévide
des cocons, comme ont dû le faire ses ancêtres
pendant des milliers et des milliers d'années.
Dans une bassine d'eau bouillante, des c-ocons
tressautent. De l'un d'eux s'échappe un fil de
soie, que la bonne femme tire de la main gau-
che, après l'avoir fait passer sur un axe mobile.
De la droite, avec des baguettes, elle maintient
le cocon dans l'eau bouillante.
Acheté quelques bonbons au -sucre de canne
qui nous paraissent presque aussi savourèux que
les fondants de Boissier.
Le long des sampans amarrés à la grève vient
mendier, les pieds dans l'eau et s'appuyant sur
un bambou, une vieille, vieille, vieille, ratatinée
comme un antique parchemin, pauvresse au
chef branlant, vêtue d'un lambeau de toile qui
laisse voir sa maigreur de squelette. Elle im-
plore, la misérable, et nous lui donnons quel-
ques piécettes blanches qu'elle ne paraît guère
apprécier, car elle ne connaît que les sapèques.
Survient un orage d'une violence extrême.
La plage est. large. La vieille, qui rentrait au
village, s'arrête en chemin, s'accroupit et sup-
porte l'ondée avec une résignation tout orien-
tale.
Puis elle revient près des jonques, tandis que
nos coolies, entourant de pantagruéliques pla-
tées de riz fumant, terminent avec délices leur
troisième repas de la journée.
La voix chevrotante de la pauvre femme les
supplie. Sa main décharnée se tend vers les re-
pus qui, d'une baguette dédaigneuse, cherchent
encore dans les bols un dernier morceau de porc
qui puisse tenter leur appétit satisfait. Alors,
s'étale dans toute sa hideur l'âme chinoise.
Il n'est pas un ouvrier de France qui, n'ayant
même pas assez pour satisfaire sa faim, refuse
un morceau de pain au vieillard que la misère
accable. Nous ne saurions manger en laissant
près de nous un être affamé.
Nos Chinois ricanent, échangent des propos
plaisants, donnent des conseils à la pauvresse
et... remportent à la cuisine du bord le riz qu'ils
n'ont point su manger.
Pris sur le vif, voilà le néant moral du Chi-
nois.
Croisé presqu'au départ du mouillage le
convoi du général Hoang Yun-Tchen qui se
rend à Long Tcheou pour prendre la succession
de Sou Kong-Pao, le maréchal Sou. Il comman-
dait jusqu'ici la circonscription de Pé Sé.
Quatre superbes jonques à roues, très déco-
rées. Elles avaient été achetées à Canton par le
maréchal.
Les bagages et les soldats d'escorte suivent
sur de nombreuses jonques à rames.
Les pirates de la région doivent être dans le
marasme. Plus de coups demain à tenter depuis
plusieurs jours car le" fleuve est sillonné par une
multitude de jonques armées ; convoi du nou-
veau taotaï, du colonel, du général, le nôtre et
bientôt celui du disgrâcié Jou-Lin. Le métier
ne rapporte plus. Il leur faudra chercher autre
chose.
A Mo-Yao, dans une haute muraille de pierre,
à plus de trente mètres du sol, une grotte for-
mée par une clôture en pisé. Deux étages ont
rizières et des champs de maïs.. Un peu plus
loin, des villages.
« Superbe position pour des pirates qui, par
cette nuit noire, nous canarderaient de la berge
»,
en toute sécurité disais-je à mes compagnons
de route au moment où une appétissante soupe
au lard faisait son apparition sur la table.
A peine avais-je terminé ma phrase que le
commandant du détachement nous avisait qu'il
plaçait des sentinelles sur les deux berges du
ileuve. Pour la première fois depuis notre dé-
part on ne se contente pas des hommes de garde
qui veillent à bord des jonques.
Et l'adieu au jour est entonné par les cinq
trompettes, solennel et simple, majestueux et
doux.
Nous nous prenons à écouter tout émus cette
mélodie à l'unisson qui ne ressemble à rien
de ce que nous sommes accoutumés d'entendre.
Le silence s'est fait sur les jonques. Chacun a in-
terrompu sa besogne. Les coolies sont graves,
attentifs. Le tambourin bat la charge, par sac-
cades brèves, impératives. Les musiciens,
comme grisés eux-mêmes par l'infinie poésie qui
se dégage des choses par ce calme d'une nuit
d'été, enflent dans un puissant crescendo leurs
sons qu'ils adoucissent ensuite jusqu'au souffle
à peine perceptible, pour terminer par un appel
sec, strident, sonore.
Celui qui créa cette mélodie était un maître
à l'égal de nos plus grands, il savait faire vibrer
l'âme humaine.
Les sentinelles ont pris la garde à terre et sur
les jonques. Par intervalles, elles se répondront
de chaque bord avec les tamtams, les tambours
ou les gongs qu'elles frapperont d'un coup pen-
dant la première veille (de- sept à neuf heures),
de deux coups pendant la suivante et ainsi de
suite jusqu'à ce qu'une sonnerie d'une tonalité
joyeuse, claire et non plus grave, et mélancoli-
que vienne convier chacun au lever de l'aurore.
:29 mai. ---- Nous glissons entre des champs de
-
millet.
Le Si-Kiang, avons-nous dit, est formé par
deux rivières ou fleuves, le Tso-Kiang ou Fleuve
de Gauche; sur lequel nous naviguons et le You-
Kiang ou Fleuve de Droite dont nous rencon-
trons aujourd'hui le confluent.
A la fourche, un poste chinois est abrité sous
.les arbres. L'officier a déployé tous ses éten-
dards pour nous faire honneur. Debout sur le
rouf d'une de nos jonques-canonnières, deux
hérauts sonnent une fanfare. Suivant la coutume
antique, ils dirigent le pavillon de leur longue
trompette vers le sud, tournant ainsi le dos' au
poste, qui.est orienté vers le nord.
Il fait jour encore, quand, de loin, une pagode
,àisep.t étages, une tour de bonheur, élevée sur
'une haute colline, annonce l'approche de la
grande ville,.
Une série d'e coudes, puis unelforêt de mâts.
Des centaines de jonques sont blotties au pied
..de la berge, que domine le quartier commerçant
.de Nanning. Quelques massives tours carrées in-
diquent des Monts de Piété. La ville commer-
çante, est en dehors de l'encei-nte que l'on voit
maintenant apparaître avec ses larges créneaux.
Le fleuve fait un angle droit.
Pas de canonnière française. C'est une grosse
déception pour nous.
•
Dominant toute la ville, une construction
neuve, couverte en tuiles rouges, se dresse au-
dessus des murailles. Le drapeau tricolore y
flotte à la brise, comme tout joyeux de nous
souhaiter la bienvenue.
Une inscription : ECOLE BERTHOLET.
Bravo! Grâce aux bons Frères, c'est le drapeau
français qu'aperçoivent tout d'abord ceux qui
se rendent à Nanning. Cela nous est une joie
au cœur.
Le Dragon Volant s'arrête au pied de l'esca-
lier humide et glissant sur lequel circule la
foule des ménagères et des coolies, qui viennent
puiser au fleuve une eau infecte.
Ville sale d'aspect. Des détritus, accumulés
depuis des siècles, ont formé hors des murs une
véritable montagne, sur laquelle sont juchés
-par centaines des curieux que notre flottille
attire.
« Hector », un grand braque allemand, qui fait
partie de notre expédition, captive particulière-
ment l'attention des indigènes. Ils paraissent
n'avoir jamais vu chien de semblable taille.
Arrivent les délégués de l'évêque qui nous
conduisent à la mission, tout proche de la porte
dessous de ma chambre. J'ai dormi sur une pou-
drière.
Aussi vais-je passer cette nuit bien au frais
sur la plate-forme qui domine le toit de la mai-
son. Une natte; un oreiller de bambou. Il fait
exquis sous ce ciel bleu profond où des clous de
diamant scintillent de leurs facettes.
Le choléra a ravagé la cité chinoise. En de
nombreux endroits on veille les morts. Des
lamentations s'élèvent jusqu'à ma solitude. Puis
le chant plaintif de la flûte semble interroger le
mort par de petites phrases courtes, incisives,
persistantes.
Les sentinelles battent les veilles. Les trompes
poussent de longs hululements là-bas, au loin,
de l'autre côté du fleuve...
Et.lapetite flûte aiguë, mordante comme un
cri de vieille femme, pleure toujours le mort !
Dimanche 31 mai. — Monseigneur Lavest
célèbre la messe dans une modeste salle qui
sert de chapelle. Une cloison de bois sépare les
hommes des femmes.
Remarqué un malheureux paralytique affreu-
sement recroquevillé. Il rampe sur le sol et,
pour comble, n'entend ni ne peut parler. Les
missionnaires ont, un jour, trouvé ce malheureux
à leur porte. Il l'ont recueilli, soigné, consolé,
C'est leur joie que d'ouvrir les bras à ces aban-
donnés de tous, que de remasser ces épaves de
la yie.
Visité, en compagnie de l'évêque, le, sémi-
naire où deux Pères préparent une vingtaine de
jeunes gens.
En entrant à l'école, trouvé la communauté
en émoi. Demain, les frères attendent à déjeu-
ner toutes les autorités de la ville et voici que
les tueurs, mécontents d'un nouveau droit
d'abatage qui leur a été imposé, se sont mis
en grève. Impossible de se procurer dans toute
la ville le moindre morceau de bœuf ou le plus
petit quartier de porc.
Une dépêche arrive sur ces entrefaites. La
canonnière Argus était en route pour Nanning-
fou lorsque la baisse des eaux l'a surprise. Elle
est en ce moment aux environs de Kou-H'ien,
attendant une nouvelle crue.
Aucun bateau français n'a jusqu'ici remonté
le Si-Kiang jusqu'à un point aussi rapproché de
notre frontière. Deux canonnières anglaises y
ont, par contre, montré le pavillon britannique,
le Sandpiper, en 1900, premier bateau à vapeur
admiré parles gens du pays, et le Moorhen,l'an-
née dernière.
Les deux frères nous racontent qu'ils étaient
à leurs classes lorsque trois officiers (1) du
Moorhen se présentèrent chez eux, la pipe à la
bouche et leur demandèrent combien il y avait
d'Anglais dans la ville. Paraissant étonnés d'ap-
prendre qu'il ne s'y trouvait.aucun sujet du Roi
Edouard, ils s'enquérirent de ce que l'on ensei-
gnait à l'école et soumirent les frères à un véri-
table interrogatoirede juge d'instruction. Après
avoir accepté quelques rafraîchissements, ils
invitèrent leurs hôtes à leur rendre visite à
le
bord, lendemain à huit heures du matin. Lors-
que les frères se rendirent au quai, ils apprirent
que la canonnière avait levé l'ancre dès sept
heures et demie. Les visiteurs des frères étaient
tout autre chose que des gentlemen.
Cette année donc, nos marins viendront à
leur tour. Peu s'en est fallu qu'ils ne fussent
arrivés pour l'inauguration de l'école et la fête
eût été complète. Le Génie qui règle les desti-
nées du Tsotriang en a décidé autrement.
On annonce aussi- l'arrivée de fonctionnaires
du Colonial Office de Hong-Kong qui apporte-
ront ici du riz. Ils arriveront comme les cara-
biniers d'Offenbach, un peu tard.
La récolte est, en effet, sur le point de se faire.
Elle donne de belles espérances. Aussi, les mar-
chands qui détenaient des stocks importants ont-
ils ouvert leurs magasins pour déverser leur riz
sur le marché. Conséquence: la denrée pré-
cieuse qui se pavait, il y a quelques jours, onze
piastres le picul de 60 kilogs, ne vaut plus à
cette heure que cinq piastres et même moins.
•1eT juin. Branle-bas de combat dès avant
—
lé lever du soleil. C'est le grand jour pour
l'Ecole Bertholet. On achève d'enlever des
cours les briques, le plâtras, les débris de toute
(1) Nous avons appris depuis que ces trois visiteurs de-
vaient être des sous-officiers, rar le Moorhen ne compte que
deux officiers à son bord. Si l'on n'est habitué aux uniformes,
on peut confondre facilement la tenue des officiers de la ma-
rine anglaise avec celle des sous-officiers.
nature. Le soleil promet une chaude journée. de gala, mais une riche veste de soie et le cha- Au nom de ses camarades, l'étudiant remercie
Les élèves ont revêtu leur plus belle robe. Ils peau surmonté du bouton de corail clair. Jeune, le consul « qui n'a pas craint de faire un long
sont là au grand complet, très gais, fiers d'offrir bonne allure, regardant bien en face et ne de- voyage bien pénible en cette saison », M. Hai-
une fête, car c'est douin, jadis consul à Canton, et Mgr Lavest;
beaucoup la leur que qui furent les fondateurs de l'Ecole ; il remercie
la fête d'aujourd'hui. les professeurs « qui leur ont appris à connaître
Ces messieurs vont et à aimer » et, après avoir constaté que « c'est
recevoir. avec la France et le Tonkin que les Chinois du
Pan...Pan...Pan... Quang Si ont le plus d'intérêts, que c'est la
Pan... Pan... Pre- France qui, en Europe, tient le premier rang
mière salve de pé- pour la science et Je progrès, » il ajoute: « Main-
tards. C'est le brave tenant que la générosité française nous a élevé
général P'an qui s'a- une belle école, nous continuerons nos études
vance... pan... qui avec plus d'ardeur encore, afin d'être vite capa-
s'avance... pan... Son bles de servir utilement notre pays. »
lin chaï l'a précédé S'avance ensuite un lettré, M. Lin, pourvu de
apportant la carte du son diplôme de bachelier. Très intelligent, à
mandarin qui est l'imagination sans cesse en travail, ainsi que
lch'en-lai', comman- nous. pûmes nous en convaincre en conversant
dant de place, litté- avec lui, Lin exercera très certainement une
ralement général en grande influence sur ses compatriotes. Il a, sans
fonctions dans une le moindre conseil, composé de toutes pièces
ville. un discours plein d'aperçus originaux. C'est
Des soldats entrent dans sa langué et très écouté des mandarins que
deux par deux dans le jeune lettré lit les fins caractères tracés par
la cour au pas très son élégant pinceau.
accéléré. Il faut lire tout ce long discours. La place me
Fort chics dans manque ici pour le reproduire tout entier. Je ne
leur costume som- veux en extraire que deux passages qui mon-
bre : pantalon noir, treront la tournure d'esprit de la Jeune Chine :
courte casaque, to- « Les hommes doués de qualités extraordi-
que de laquelle tom- naires, dit M. Lin, sont comme les esprits vi-
bent sur la nuque taux d'un royaume. C'est d'eux que dépendent
deux queues de re- sa prospérité ou sa ruine. Un royaume ne de-
nard, ils se rangent pour laisser place à la chaise mandant qu'à parler; le sous-préfet P'ong, vrait jamais manquer de ces hommes capables ;
verte du tch'en-lai'. Le vert est, on le sait, la grand, voûté, diaphane, Lête de fumeur, aussi c'est dire que l'instruction ne devrait jamais ces-
couleur réservée aux mandarins du rang de loquace que le ton-lin. ser d'être donnée; C'est ainsi que les sciences
taotaï. Une série de mandarinots militaires en grand ont fait fleurir le Japon. L'Europe voit surgir
Sort de la chaise, abrité sous un immense pa- costume. Des soldats de toute casaque, de toute tous les jours de nouvelles inventions qui se
rasol rouge, un gros bonhomme joufflu comme coiffure. transforment de jour en jour en de plus merveil-
un amour de Boucher, tellement joufflu que l'on Les fonctionnaires chinois sont reçus par leuses encore...
aperçoit à peine entre les replis de la chair grais- M. Dautremer et Mgr Lavest. Il est superbe, « ...
La Russie, depuis le retour de Pierre le
seuse deux paupières mi-closes. Pantagruélique notre consul, dans ses beaux habits brodés d'or. Grand de ses différents voyages, a changé ses
figure de moult haulte liesse, aux yeux percés Croix en ligne sur la poitrine, l'épée au côté, la études et tout a été bien ordonné. L'Angleterre
en trous de vrille",'eût dit notre bon Rabelais! plume noire au chapeau, très à son aise avec a emprunté ses sciences de la Hollande (vivent
Superbe robe de cérémonie en soie violet ces mandarins qui peuvent converser en leur les Boërs !) et l'Amérique doit beaucoup à la
foncé, dans laquelle sont tissées des fleurs et langue avec lui. France pour la composition de son droit et ces
des arabesques. Sur la poitrine et au milieu du Quant au prélat, plein de bonne grâce, mais pays se sont fortement constitués. Naguère, le
dos, le carré brodé d'or avec le léopard symbo- s'effaçant autant qu'il le peut, et même trop, à Japon a demandé l'appui de beaucoup d'hom-
lique, insigne de son grade. Un collier de jade mon sens, il laisse bien voir ce qu'il est l'un mes étrangers, le Siam a invité beaucoup de
savants d'Europe pourlui enseigner les sciences
:
et d'autres pierres précieuses tombant jusqu'au- des meilleurs parmi les excellents.
dessous de la poitrine. Sur la tête, un chapeau Tous prennent place dans la grande salle de et ces pays sont devenus puissants et riches.
de paille d'or à franges rouges et surmonté du l'Ecole, où viennent se ranger les élèves. Combien plus notre Empire, dont l'étendue est
bouton de corail. Sur les murailles, on a déployé les tœi-tse, immense et les habitants innombrables, peut-il
sentences en caractères tirer force et honneur des écoles que fondent
que les mandarins envoyè- parmi nous des royaumes amis. Qu'y a-t-il de
rent, suivant4a coutume, plus beau?
pour le grand jour de «
Des hommes remarquables par leurs qua-
l'inauguration. lités, il en aura, les affaires s'étendront, les ri-
Immenses pièces de soie chesses de son sol sortiront de toutes parts ; les
rouge, sur lesquelles cou- denrées les plus variées circuleront, abondantes.
rent des caractères en or, Il pourra supporter la concurrence et lutter
en velours noir, en soie contre les cinq parties du monde. C'est ce que
floche. Décoration riche nous désirons de tout cœur et le but que nous
autant qu'originale. poursuivons.
Les soldats et les servi- «
Courage! les amis, courage! »
teurs de yamens, avides de Bien guidé lorsqu'ilaura mieux digéré les élé-
voir et d'entendre, se pres- ments'p,Liisés dans les ouvrages réformistes de
sent aux embrasures des Kang-yu-wei sur Pierre le Grand, sur le Siam,
portes. Les cours, toutes sur l'Amérique et autres sujets historiques, le
les classes, sont envahies bachelier Lin deviendra quelqu'un.
par. une foule: sympathi- Le consul, M. Dautremer" développe cette
que. Le sous-préfet doit idée que l'école est la base de tout accroisse-
placer des sentinelles pour ment social. « Quand vous aurez appris notre
qu'on n'envahisse pas l'é- langue, quand vous aurez pénétré nos idées,
tage. s'écrie-t-il. vous vous rendrez compte que nous
Plusieurs milliers de Chi- ne venons faire ici qu'une œuvre de paix, que
nois stationnent devant les nous ne désirons qu'une chose : améliorer et
portes et dans les rues d'a- développer le commerce et l'industrie de la pro-
lentour, attirés par les cor- vince et entretenir avec vous des relations d'ex-
tèges et le bruit de la cellent voisinage. »
fêle... Fa-ko...Fa-ko-jen... Ce discours est ensuite redit en langue chi-
La France... Les Fran- noise par le consul lui-même aux mandarins
çais... entend-on dans tou- présents et dodelinant de la tête.
tes les bouches. Rien que Cinq ou six des élèves lesplus avancés, parmi
A partir de ce moment/la pétarade éclate les. cortèges des mandarins occupent près d un lesquels Aristide, fils du préfet Hoang, viennent
ininterrompue,tandis que se succèdent en grand demi-kilomètre dans les ruelles où ils station- déclamer des fables de La Fontaine, qu'on leur
costume le taotaï Hô, qui fait son entrée àvec nent. Fa-ko... Fa-ko... Rentrons. La cérémonie a expliquées. Cela se voit à leur débit et à leurs
une escorte de réguliers ; — -lé préfet Hoang, va commencer. gestes.
tête superbe, franche et énergique. Avec sa bar- Un grand jeune homme à lunettes noires, Puis, ils présentent à chacun de nous leurs
biche et ses fortes moustaches, il a l'air d'un de M. Prosper, notre interprète d'hier, vient faire cahiers d'écriture et de devoirs. Chose digne de
nos anciens préfets de l'Empire — le général
; une profonde révérence au consul et lit un com- remarque, l'écriture est presque chez tous ex-
K'ong, qui remplit les fonctions de ton-lin, com- pliment en français d'une voix bien timbrée (1). cellente, et cependant ces jeunes gens n'ont que
mandant des troupes. Il n'est pas en charge ac- quelques mois de scolarité.
(1) Lire les discours in extenso dans la Dépêche Coloniale, Comme spécimen, voici un billet envoyé par
tuellement; aussi n'a-t-il pas revêtu son costume n° du 20 juillet 1903.
un élève commerçant, M. Li, qui, après quatre c'est dans le tuyau de l'oreille consulaire qu'il tesse de ce Chinois de Chine qui n'a jamais
mois d'études, est arrivé à pouvoir se faire lire insinue de rabelaisiens propos soulignés par une quitté le Royaume Fleuri ?
et comprendre aussi aisément. bonne tape dans la bedaine sanglée du repré- Les mandarins voulaient nous conduire jus-
sentant de la République, tandis que lui-même qu'au quai d'embarquement. Nous les avons
laisse entendre de petits gloussements de poule priés de n'en rien faire, mais une jonque-canon-
d'Inde. Ah! le brave homme Encore un petit
! nière nous attend. A vrai dire, l'escorte ne nous
verre de vin à sa santé. Et pour me prouver à la sembleplus utile en cette partie du fleuve. Au-
mode chinoise, qu'il me tient raison, P'an me tantla circulation était nulle en. amont de Nan-
présente son verre incliné dans lequel n'est ning, autant elle se montre active en aval. Très
plus une seule goutte, de vin. Tu dieu messei-
! nombreuses, en effet. sont les jonques remon-
gneurs, quel gaillard ! tant vers la ville. Le vent qui sout'fte un tantinet
Pan C'ést mon abdomen maintenant qu'atta-
!
nous est contraire,mais leur est favorable..Aussi
que le guerrier. Peut-être est-ce par une rémi- les jonques marchandes ont-elles hissé leurs
niscence. des Boxeurs .qu'il se livre ainsi à des voiles. Morceaux de toile ou nattes cousues en-
exercices dekanguroo-boxeur ! tre eux et séparés par de longs bambous hori-
C'est le moment de photographier les grou- Les toasts ont commencé. zontaux. Quelques-unes bien tendues, jolies de
pes. Malheureusement le soleil n'éclaire aucune Toast très vibrant de pa triptismede Mgr Lavest, formes, d'autres invraisemblablesloques qui pa-
des façades et force nous est de placer nos pa- toast du consul, toast des mandarins,toast enfin raissent placer les Chinois parmi les partisans
tients dans un coin dela cour,avec, comme fond, de l'auteur de ces lignes au nom de la presse. convainc,us de la voilure à jour discutée parmi
le réfectoire des frères. Les mandarins prennent, alors congé, salués les marins d'Occident.
Les autorités banquetteront dans la grande par quelques milliers de pétards, et leur cortège, Quelques rapides.se présentent. Notre Dragon
pièce de l'étage. En bas, les élèves font un jo- fend non sanspeiné lafoule qui se presse, venue Volant. lès franchit eh se jouant sur la vague
yeux dîner chinois et l'entrain ne manque pas de tous les points de la ville., dans, les rues Les pauvres coolies des jonques qui remon- .
davantage autour de notre table. avoisinantes et jusque sur les remparts de la cité. tent le.courant s'arcboutent surla perche qu'ils
Les mandarins ont quitté leur casaque écla- Bonne journée à marquer d'un caillou blanc. tiennent appuyée à l'épaule. S'accrochant par
tante pour revêtir des tuniques très riches dans 2 juin. — Les pétards d'adieu ! les mains, par les pieds, aux passerelles de bam-
leur simplicité. Mon voisin, le gros général P'an Nous quittons en effet isfanning fou .dès le ma- bou, ils rampent .en poussant des cris surhu-
qui se trouve à la gauche du consul, porte une tin, laissant non sans une émotion vraie. au mi- mains pour s'exèiter l'un l'autre et fournir le
délicieuse tunique de lin, jaune, tissée à jours et lieu de la foule jaune celte poignée de bons maximum d'effort. Dans quelques instants, insou-
sur laquelle se dessinent discrètement des ara- Français qui accomplissent ici une œuvre de cieux et gais, ils se remettront à la rame, se
besques de même couleur à peine nuancées dévouement. racontant mainte histoire pour lutter encore
comme teinte. Parements des manches en soie Si les missionnaires américains ne nous ont tout à l'heure contre les difficultés mugissan-
blanche moirée. Une ceinture avec une très large pas même envoyé leur carte, aucun des manda- tes de la route. Merveilleuse machine que le coo-
boucle de jade travaillée. Au pouce gauche une rins n'a manqué à ce devoir le matin du départ. lie chinois !
énorme bague de même matière sur laquelle se L'urbanité qui disparaît deplus en plus des re- Ce soir, une natte, s'il en a ; sinon, le plan-
déroule un dragon. lations sociales se réfugierait-elle chez les Céles- cher de la jonque. Un morceau de bois pour
Avec sa face épanouie, P'an a maintenant l'air tes? Ces derniers se vantent d'en être les seuls
du vicaire capitulaire des anciens jours, alors fidèles. Ont-ils tort ?
reposer sa tête et le pauvre s'en ira dans le pays
des rêves!
qu'ils n'étaient pas encore réduits à la portion Un aulre exemple. Le tao!aï, apprenant que Les rives du fleuve n'ont plus le même aspect
congrue. Quelques verres de vin blanc ont com- j'avais accepté à dîner chez le préfet, crut de son que de l'autre côté de Nanning. Plus guère de
plètement mis à son aise le gros bonhomme qui devoir d'envoyer pour cette même soirée aux roches, mais de, petits mamelons couverts d'une
rendrait des points à Gargantua lui-même. Ce trois Français de passage à Nanning une invita- herbe maigre. Des faux cotonniers.
qu'il dévore ! Ce qu'il boit ! Mes facultés d'ab- tion collective en son nom comme en celui du Rien pour borner l'horizon. Des buffles, des
sorption plutôt estimées sérieuses sont presque préfet et du sous-préfet. M. Dautremer et M. bœufs que les enfants surveillent sur les berges.
annihilées par celles de mon voisin De défi en Patin ayant déclaré s'abstenir, je dus les suivre Peu de villages. Les agglomérations se tiennent
défi, nous en sommes à notre quatrième flacon, dans leur abstention. Le pauvre préfet, navré du
et le déjeuner ne fait que commencer. P'an 'ne presque toutes à l'écart de la rivière.
contretemps et ne pouvant me recevoir,. m'en- Vers le soir, cependant, nos bateliers accos-
se tient plus de joie, il interpelle par son pelit voie au moment du départ une collection de tent dans l'anse d'un petit port fluvial, Choung
nomle taotaï qui ne paraît guère goûterles plai- porcelaines du Kiang-Si, sa province d'origine. Tong. Ici, un groupe de roches sur lequel des
santeries de son commandant d'armes, puis, Que dites-vous, belles lectrices, de la délica- maisons sont pittoresquement juchées. Une
vieille pagode. De hauts escaliers tortueux esca- de leur tache, rouge, elle aussi. Pour y placer un «
Le 98 jour du 5e mois de la 2ge.année de
ladant les falaises. Le coin est joli mais les mort, les Chinois font une terrasse plate et creu- Fiang Sü. »
rochers ont pendant toute la .journée reçu les sent la montagne de façon à former une sorte Sur la gauche, le cachet du mandarin qui a
brûlantes caresses du soleil et ils veulent nous d'hémicycle en fer à cheval. Un trou horizontal écrit de sa main, en caractères rouges, le mot
en envoyer le souvenir avec une générosité que permettra d'enfoncer le cercueil dans la partie « protection ».
nous goûtons assez peu. médiane du cintre, tandis que les deux pointes Nous nous hâtons de quitter le grand escalier
Aucun souffle d'air en cette crique trop abri- du fer à cheval se rapprocheront comme pour de Houan Tcheou, où les gamins sont venus
tée. Aussi voulons-nous la quitter pour passer la mieux étreindre le mort. nombreux voir les «. Diables d'Occident ». Nous
nuit à.quelques longueurs de perche plus loin. Presque toutes les tombes sont simplement nous hâtons, car le soleil attaque obliquement
3 juin. — Pays presque plat ; nul comme inté- creusées dans le sol et leur demi-cercle rouge, le fleuve dont les eaux sont devenues grises,
rêt. Passé ce matin devant un gros bourg déplus s'accusant nettement sur -la verdure, produit un épaisses, lourdes. Nous glissons sur un miroir
de deux cents foyers, dont toutes les maisons étrange effet. d'étain poli, éblouissant, aveuglant.
sont démantelées, sans toitures. Les pagodes Quelques-unes plus riches ont des revêtements Les bateliers se sont arrêtés. En toute hâte ils
elles-mêmes ont été détruites et laissent voir des de pierre passés à la chaux et sont éblouissantes jettent deux ancres dans la vase durcie de la
pans de murailles décorées, des colonnes encore au soleil. berge, l'une à l'avant, l'autre à l'arrière et assu-
couvertes de laque, lamentables débris d'une Les champs de maïs montrent leurs épis pres- jettissent les paillottes qui couvrent notre em-
splendeur récente. que mûrs. Plus haut, des tentatives de reboise- barcation. Ils n'ont pas encore achevé quel'orage
C'est Lon Lin, repaire de pirates redoutables. ment paraissent avoir été faites, car de jeunes sa- éclate, furieux, effrayant. Eclairs sans interrup-
Le fameux général Ma, le Ma Ton Lin, a passé pinières jettent assez fré -
par là. On sebattit. Ma, fut victorieux.Il fit tom- quemment leur note
ber 80 têtes sous le glaive et donna l'ordre à ses sombre sur la gamme
soldats de ne plus laisser du village pierre sur claire, mais infiniment
pierre. variée des fonds.
Ubi soliludinem faciunl,pacem appellant. Un rocher porte une
inscription en caractères
Les siècles se succèdent ; l'histoire de l'hu- qui indique la hauteur
manité ne varie guère. Elle peut s'écrire aujour- maxima des eaux du
d'hu«i comme du temps de Tacite. fleuve pendant la der-
Vers le midi, appuyée sur les contreforts de nière année, soit environ
calcaire polis et recourbés ainsi que des ventres cinq mètres au-dessus
prenant leur bain dans la rivière,,s'allonge une du niveau actuel. De.dis-
vieille, vieille muraille crénelée. La brousse, les tance en distance quel-
arbres même l'ont envahie, disjointe. Des brè- ques briqueteries.
ches se sont ouvertes et, sur les ruines, les Un long rapide, dont
hommes ont créé un sentier. Seule, une tour de les roches émergent des
veille paraît se tenir en bonne forme. eaux pendant plusieurs
Nous sommes en face. de l'antique cité de kilomètres, nous permet
Yoang Chouen H'ien, sous-préfecture où les es- de gagner du terrain.
prits délicats aimaient aller rêver sous les tran- La chaleur est devenue
quilles ombrages. Elle laisse voir encore sur les insupportable. L'après-
bords du fleuve une série de p'ai kong, temples midi est longue. Toute
élevés aux ancêtres des familles opulentes. sieste impossible. Nous
Nous nous arrêtons à l'un des escaliers de la nous prenons à trouver
ville pour expédier une dépêche et permettre au monotone cette naviga-
cuisinier d'aller aux provisions. tion sans incident.
Aussitôt, trois ou quatre Chinois debelle mine Vers trois heures,
se présentent au commandant de la jonque-ca- Houan Tcheou, sous-pré-
nonnière qui est amarrée près de nous, minau- fecture devant laquelle stationnent un grand tion, trombes d'eau, vacarme d'enfer, coups de
dent en jouant de leurs longs éventails en nombre de jonques. vent qui font rage. Rien ne manque.
plumes d'aigle et s'enquièrent de ces voyageurs Afin d'éviter de nouvelles visites de fonction- La moitié des paillotes est emportée. L'eau
qui font ainsi flotter le drapeau tricolore sur le naires du likin, le consul envoie deux bateliers couvre nos bagages, pénètre partout.
grand fleuve. avec sa carte requérir du sous-préfet un laissez- Soudain, une ancre dérape. Le vent nous
Ce sont des fonctionnaires du likin qui ne passer pour notre embarcation. éloigne de la berge. Les coolies sautent à l'eau,
connaissent pas leurs règlements, car malgré Une demi-heure après, les deux hommes re- rapides, très adroils. Ils retiennent la barque;
l'immunité consulaire, ils se mettent en demeure viennent avec la carte du fonctionnaire chinois leurs muscles se tendent ; la jonque les entraîne.
de visiter les cales de notre sampan sans nous a.insi qu'une large feuille agrémentée de cachets Un cri — et dans un effort désespéré, ils la
en référen^^ ; rouges et dont voici la traduction :
maintiennent hésitante une seconde. Par bonheur
Quelçyj^peu 'interloqués par l'interpellation -(( Le sous-préfet de Houan Teheôu, nommé
>
le vent se calme pour souffler à nouveau tout à
de M. Dautremer qui s'adresse à eux dans leur Ou, invite les deux bateliers qui s'appellent l'heure, mais ce leur a suffi pour amarrer plus
langue, ils prennent le parti de filer en esquis- Yang Yin Loung et Ning Ki H'ié, conduisant le solidement cette fois le Dragon Volant.
sant un de ces rires idiots qui eussentrcomblé bateau de Son Excellence Dautremer, à le pro- Une petite émotion nous a secoués, car vrai-
d'aise Môssieu Auguste,de clownesque mémoire. téger et à le conduire en lui faisant faire bonne ment peu s'en est fallu que nous ne fussions re-
Notre messager es1revenu du bureau télégra- route sans danger en se conformant aux règle- jetés en plein courant sans bateliers. Le vent
phique. Il a bien découvert l'immeuble et les ments établis. Les deux susnommés devront s'acharnantcontre ce qui nous reste de paillotes
domestiques, mais le Chinois chargé du service faire attention à ce qu'il n'arrive rien de fâcheux. eût sans doute fait chavirer le frêle sampan si
était invisible et demeura introuvable. Les deux conducteurs doivent respecter ceci celui-ci ne s'était brisé contre une des roches qui
Trois heures à nos montres. On en prend à (suivent les cachets des bateliers que le manda- parsèment le fond de la rivière.
son aise dans l'administration des télégraphes rin a fait apposer en sa présence). Nous désirions un incident il s'est produit.
chinois. Force nous est de repartir avec notre Sauvés ! Merci,
dépêche. mon Dieu! Trémolo
Gîte d'étape à Fo Ying Kok, au pied de la pa- à l'orchestre.
gode du Grand Empereur Ta Ouang Miao que Ici, c'est la grosse
les derniers baisers du soleil, pénétrant à cette voix assourdie du
heure par la baie qui sert de porte, font tressail- tonnerre fuyant au
rs
lir et étinceler dans les profbndeu de saretraite.
4 juin. — Le fleuve est plus large ; de deux à
loin comme à regret
qui se charge de la
trois cents mètres, suivant les endroits. partie symphonique.
Un important affluent de la rive gauche, qui 5 juin. L'orage
—
n'est indiqué sur aucune des cartes, vient se a rafraîchi la tempé-
joindre à lui huit où neuf milles environ avant rature. Je l'ai bien
notre passage devant Ilouan Tcheou. senti dès le matin
Aujourd'hui ce son t des collinesboisées en par- 5 juin, en m'e rele-
tie qui se succèdent à nosyeux. Le pays est plus vant de ma natte et
peuplé. Des buffles et des bœufs en grand nom- de mon oreiller de
bre gardés par des gamins qui s'ébrouent dans bambou achetés à
l'eau en jouant avec les bonnes grosses bêtes Nanning.
qui se laissent faire, placides. Des pêcheurs. J'avais dormi su r le
Des bacs lourdement chargés qui accusent une pont, sans paillote,
circulation que nous n'avions pas connue jus- bravant les coups
qu'ici. de lune et les ophtal-
La terre rougeâtre des sentiers et même des mies lunaires qui
routes charretières dessine des rubans, qui se m'ont épargné. La
déroulent criards de ton sur le vert tendre des rosée, moins clé-
collines. mente, m'a couvert
De nombreuses tombes parsèment les coteaux de ses pleurs. Je
ruisselle. Le soleil se chargera tout à l'heure Kourouchi toki ni Kami danomi,-murmurai-je. gation des chaloupes chinoises sur le Si-Kiang.
d'assécher. Quand on est dans l'ennui on s'adresse aux Tous les matins, dès l'aube, ces chaloupes des-
Peu après le départ qui est sonné à quatre dieux. — Le proverbe japonais a grandement
heures du matin, rencontré un convoi de lourdes raison.
jonques portant un pavillon dont les caractères Voilà le premier rapide. Le Dragon Volant
annoncent que les bâtiments effectuent le trans- saute comme une coquille denoix. Un faux coup
port dU.l'iz pour la Société de bienfaisance des de barre et nous irions nous briser sur un de
deux Quangs et. de Canton. ces rochers qui émergent et entre lesquels notre
«JenTchai tang—littéralement—sociétéqui -barque zigzague.
envoie par humanité. » Long, ce rapide. Plusieurs minutes de des-
Les Cantonnais viennent,au secours de leurs cente à une vitesse effrayante, puis un palier.
camarades du Quang-Si. Le second pilote a pris la barre d'avant. Un
Les d eux rives du Si-Kiang sont ici très dissem- ou deux coups au moment opportun et nous
blables : l'une avec ses champs de maïs ; l'autre, franchissons un petit seuil par un étroit pas-
rocheuse avec de nombreux pics dans lesquels sage.
sont creusées ou aux flancs desquels sont Le rapide est passé — trois milles en trois
creusées de pittoresques pagodes. minutes environ.
D'un temple de Quan-In, la Déesse de la Misé- Les pilotes viennent prendre congé du consul
ricorde, se détache un bonze quêteur monté sur et ces deux déguenillés en recevant leur piastre
six gros bambous assemblés. Il pagaie jusqu'à de pourboire montrent une fois dé plus combien
notre bateau et les bateliers, suivant la coutume le moindre des Chinois a le sentiment des situa-
que nous avons déjà observée sur le Yang-tsé- tions et des nuances.
Kiang et sur la rivière Yuen, versent un bol de
riz dans son écuelle.
Ils se sontenquis de la qualité de M. Dautre-
mer. Ils le savent consul, fonctionnaire et lors-
Ri ve droite, Choueï-Kouan (d'après nos coo- que, agenouillés, portant les mains de leurs ge- cendent en huit ou neuf heures jusqu'à Kong-
lies, car les cartes sont muettes), gros village noux à leur front, ils murmurentleur losié, tosié, Hao où s'opère un transbordement.
où une dizaine de jonqueg prennent des char- beaucoupmerci, beaucoup merci — ils ajoutent : Les paysans viennent apporter à la ville des
gements de bois et de pierres taillées. ta jen, Kao chenk — grand homme nous vous peaux, du sucre de canne, des arachides, mais
Arrêt en face d'un nouveau village et l'occa- souhaitons de l'avancement. depuis trois ou quatre ans la récolte des arachi-
sion nous est fournie de comprendre la diffi- On n'est pas plus aimable. Nous nous joignons à des s'est trouvée presque nulle. Pendant les
culté de sé renseigner que rencontrent les topo- ces braves Chinois et nous n'ajouterons qu'un bonnes années on exporte beaucoup de riz sur
graphes et les voyageurs qui ne comprennent pas mot à leur phrase, un mot de circonstance : Canton.
' à merveille la langue des pays qu'ils traversent. rapide. Sous-préfecture, Kouay Yun possède un
Quel est ce village ? 6 juin. Nous avions passé la nuit à moins mandarin dont on nous a beaucoup parlé. Né
— —
d'un kilomètre de Koui ll'ien afin de humer un
(1) feou, répond le chef batelier, aux environs de Macao, M. Tchan King Fa, c'est
— Ta tan
c'est-à-dire le haut du grand rapide, la tête du peu d'air en pleine campagne, sensation appré- son nom, a fréquenté les Européens depuis sa
grand rapide. ciable par ces températures de verrerie. Et nous jeunesse. Une parle aucune langue d'Occident,
— Comment ?chou ne nous doutions pas qu'une canonnière fran- mais il s'est accoutumé pour le commun de la
— Tan l'eou — reprend le même Chi-
çaise se trouvait tout près de nous. Caché à nos vie à presque tous nos usages.
nois — soit l'arbre de la tête du rapide. — yeux par un coude du neuve, l'Argus est, en effet, Très énergique, il a complètement dompté
Voyez, nous dit-il, il y a un grand arbre là-haut. mouillé en rade de la sous préfecture chinoise. les rebelles et rétabli le calme dans sa circons-
Enfin, la carte porte Tan t'eou seu : bureau
de la tête du rapide.
Et tout cela s'explique. L'agglomération n'a
sans doute pas d'aulre nom légal que Tête du
Grand Rapide. Nous sommes en haut du grand
rapide, nous disait le chef sampanier.
Les cartographes qui se sont adressés à l'Ad-
ministration ont eu leurs renseignements du
bureau des likin qui y est installé, et les bateliers
se rappellent toujours le grand arbre qui, de
loin, les guide vers le port. Nous prenons ici
deux pilotes pour franchir les passes.
Des bonzes viennent faire la quête. Dans leur
panier un livre de prières. Sur le devant, une
planchette qui porte les caractères San Kaï
,Ifiao, Temple dela frontière des trois pays, puis
qui indiquent sans doute les pays susdits : Marn
Ngan. Cha Tcheou et KOlla-Holla. Tout au bas
de la planchette Chiang-Yeou, huile parfumée,
c'est-à-dire Offrez le parfum.
:
Et nos bateliers qui, l'autre jour, gavés, refu-
saient un bol de riz à une vieille centenaire, en
déversent des platées dans le panier des bonzes
et confient à ceux-ci des baguettes d'encens que
les quêteurs iront allumer devant la bonne
déesse.
Un des pilotes a pris la barre à l'arrière. L'au-
tre se tient près de l'énorme rame d'avant pour
faire évoluer la jonque, s'il estbesoin, avec plus
de rapidité dans un passage difficile.
Au pied d'une colline sauvage et boisée s'élève
un vaste temple, remarquablement entretenu. Grande est notre joie de rencontrernos braves cription. L'on parle de trois ou quatre milles
C'est là que s'arrêtent les commerçants lors- marins et des officiers aussi sympathiques que têtes tombées sur son ordre en cinq mois. Lui-
qu'ils s'apprêtent à descendre le rapide. Un es- le lieutenant de vaisseau Crespin et l'aspirant même nous avouera tout à l'heure de quatorze
calier aux larges dalles est gardé par deux lions Grellet de la Deyte. à quinze cents. Le terrain d'exécution était à ce
de marbre. Il conduiL à des portiques sculptés Profitant de la dernière crue, la canonnière a point détrempé par le sang que les bourreaux
et, autant que nous pouvons nous en rendre pu monter jusqu'ici, mais la baisse des- eaux ne ont dû demander un aulre emplacement pour
compte — filant comme des flèches — à toute lui a pas permis de gagner Nanningrou. Elle s'y procéder à leur sinistre besogne.
une série de temples. rendra dès la première crue un peu sérieuse. Arrivé le 16 janvier dernier à Kouay Yun, le
Des stèles de pierre; de grands panneaux Pour l'heure, les eaux baissent avec une déses- sous-préfet trouva les prisons remplies.
rouges, verts, dorés, avec des caractères d'or ou pérante persistance. Il faut même changer de — Je veux des prisons nettes, déclara-t-il, et
de laque noire sont autant d'ex-voto déposés mouillage d'urgence, pendant le déjeuner, de le jour même fiL comparaître devant lui les cent
par des mains pieusement craintives ou crainti- crainte de voir Y Argus. s'échouer. ^ ' et quelques truands qui s'y trouvaient à l'om-
vement pieuses. Nous pouvons, en lire deux au Koui H'ien, portent lés cartes, est la pronon- bre.
passage avec la lorgnette. ciation mandarine des deux caractères que les Lorsque se leva l'aurore du 17 janvier,92 têtes
— Fou ,Po
Cheng Kïng. Les vagues (étant) Cantonnais et les gens du -pays prononcent tombèrent successivement sous le grand coute-
apaisées (par la déesse) on passe sans danger. Kouay Yun. las des bourreaux. Les autres accusés furent
Tien Ngen Thou Tchang. La bienveillance C'est le plus grand centre commercial entre rendus à la liberté. Les prisons étaient vides.
du—ciel nous porte secours. Nanning et Outcheou. Là, en effet, viennent J'eus le registre de mort sous les yeux. Le 22
Nos bateliers ont ouvert à l'avant dela cabine s'approvisionner de coton et de cotonnades, de du même mois de janvier, j'y vis vingt-deux
une petite armoire-autel. Ils allument des bou- pétrole, de marchandises européennes, améri- exécutions ; le 24, dix-huit; le 25, quatorze;
gies parfumées et font éclater des pétards. caines ou japonaises, les habitants de toutes les le 27, onze et aujourd'hui même, tandis que
(1) Tan veut dire rapide. Son caractère composé signifie campagnes environnantes. nous ouvrions les yeux à l'aube, quarante-deux
littéralement eau difficile. Kouay Yun est le point terminus de la navi- Chinois furent décapités.
Je veux voir ce terrible homme et lui fais pas- des gongs, des tamtams, des pétards, des sol- les magazines et les revues illustrées qu'il
ser ma carte. Il sera heureux de me recevoir, dats ajustent sous le second portique une haute aperçoit sur une table.
dit-il, à l'heure que je voudrai fixer. et solide cage de bois en forme de cône qui ser- Le Shetch avec ses photographies d'actrices
Yamen fraîchement remis à neuf. Les énor- vira tout à l'heure sans doute à la mort lente a pour le mandarin un attrait particulier. Se
mes portes noires sur lesquelles se dressent les par suspension de quelque malheureux.. Brr!! carrant dans un fauteuil après avoir allumé une
Génies et les Gardiens de couleur éclatante vien- Dimanche, 7 juin. — J'ai parlé tout à l'heure- cigarette anglaise, le sous-préfet de Kouay Yun
nent de s'ouvrir devant ma chaise. Tamtams et du Père Poulat. C'est que Kouay Yun est le est ici comme chez lui. Il offre ses chevaux aux
gongs résonnent; une musette grince. Trois centre d'une chrétienté dont le brave homme missionnaires qui se rendent à Nanning, s'assi-'
coups de canon. Et un Chinois, petit, souriant, est l'apôtre. mile un vigoureux whisky and soda et continue
en habit de demi-cérémonie avec une superbe Figure fine et douce. On voit tout de suite à prospecter les piquantes théâtreuses tandis
robe grenat, ceinture à boule de jade ouvragé, que cet homme doit être bon, bon comme du
chapeau à globule, s'avance pour me recevoir que je prends congé.
pain blanc, suivant l'expression de ma nourrice. Encore une visite qu'un Anglais, personnage
et m'introduire dans ses appartements particu- Il est si joyeux de nous voir, car les Français officiel cependant, oubliera de me rendre. On
liers. sont rares dans ce coin de Chine qu'il habite rencontre des mufles sur le Si-Kiang.
Surprise. Derrière le prétoire, le mandarin a depuis trente ans, depuis qu'il a quitté le 4e ba- Non loin de la demeure des Anglais, rencon-
fait élever en sapin verni une maison à étagps taillon de chasséurs à pied avec lequel il fit la tré un si dreu lou qui vaut un coup de véras-
dans la salle à manger où il me reçoit avec le campagne de 1870.
père Poulat qui veut bien me servird'interprète; Le père et le mandarin ne furent pas toujours
cope, littéralement four pour les caractères
dignes d'égards. On sait quel respectles 'Chinois
une table est garnie deporcelaines, de cristaux, camarades. Il y eut des frictions. L'un voulait ont pour les caractères écrits ou imprimés.
de porte-bouquets du meilleur goût. Argente- tout simplement la tête de l'autre, mais les Toute manifestation écrite de la pensée est sacrée
rie Louis XV. Un lustre supportant des lampes deux hommes sont aujourd'hui dans les meil-
à alcool dernier cri. leurs termes. Le sous-préfet gourmande sans pour eux. On ne laissera traîner ni une lettre ni
Au lieu de la traditionnelle tasse de thé, c'est un journal. Des fours sont préparés pour que le -
cesse le bon père pour qu'il se fasse construire feu les consume. En voici un de joli modèle.
un verre dé délicieux Blackberry-Brandy de une maison à étage et n'habite plus au ras du Dans la grande rue de Kouay Yun la foule se
A. Droz, de Bordeaux, que ce mandarin raffiné sol. presse vers une petite pla-ce. A droite, derrière
nous offre. Il s'y connaît, le gaillard ! A la bonne Le missionnaire allait se laisser séduire. Il de lourds grillages de bois se tiennent des hom-
heure, nous voilà revenus dans les pays civi- avaitquelques maigres économies, mais la famine mes que protègent quelques soldats à casaque.
lisés. se fit plus durement sentir un beau jour et,pour Les clients de la rue leur tendent quelques pié-
Le tour du propriétaire. Un bureau de Hong- venir en aide à ses ouailles, le pauvre vida son cettes de monnaie et reçoivent en échange une
kong avec fauteuil à pivot.Sur un guéridon des
à
revues chinoises publiées Cantonna Shanghai,
au Japon. Aux murailles, de fines aquarelles
bas de laine blanche.
Aujourd'hui, les espérances de la récolte du
cinquième mois ont relevé les courages. Ici
planchette ornée de caractères. Passant à gau-
che de la place, sur une estrade de pierre, ils
remettent leur ticket et voient tomber des mesu-
achelées à Singapour. comme à Nanning fou le riz de l'an dernier a res de riz dans leur sac ou leur panier.
La salle d'audience pour les affaires civiles fortement baissé de prix. Nous sommes devant le guildhall et le théâtre
estinstallée dans la maison.d'habitation. Nous Les'Anglais ont,fait quelques distributions. des Cantonnais. C'est là que se fait la distribu-
sommes dans une de nos Justices de paix. Voilà Un délégué.du: Colonial Office de Hongkong, tion du riz amené par la Société de Bienfai-
le bureau gàrni du tapis vert, la barre pour les M. FlejjC.heç, est même ici en ce moment.' Il a sance chinoise dont nous avons rencontré dif-
témoins. On; se. prend: ,à .chercher le. Christ de- laissé'complètement en dehors la mission catho- férentes fois les jonques sur le fleuve. Les Can-
vant lequel c.eux-ei vont prêler serment. lique, bien que les lettres du Père Poulat aient tonnais ne délivrent pas leur riz gratuitement
Et, pour finir, une chambre. noire et un cabi- été. mises- sous les yeux du, gouverneur de la mais avec un rabais d'environ 100/0 sur le prix
net de photographies. Le sous-préfet me montre colonie anglaise, sir Henry Blake, et qu'elles des marchands. Ils ont déjà distribué de 70 à
un.véràscope' Richard, plus perfectionné que. lé aient s.èr.vi; à provoquer la charité publique. 80 ouans soit de 7 à 8.000 piculs (420 à 480 ton-
mien, vieux compagnon qui m'a suivi; en brousse M. Fle.t.cher, n'est même pas venu faire visite nes) dans la seule ville de Koui H'ien.
pendant ces sept, dernières années et qui me au Père, le seul Européen cependant de Kouay Excursion à cheval jusqu'à la Montagne du
servira ènéore,aujourd'hui à plaquer le manda- Yun. Midi — Nam Shan — qui renferme dans son
rin- Fidèle à mon principe, je vais trouver le. dé- sein une série de grottes et de couvents boud-
Nous sommes devenus, Tchan-King-Fà et légué,du-Colonial Office installé près du Guild dhiques.
moi, une vraie paire d'amis.;!! me veut à dîner dés Marchands dans la vaste maison d'un négô. Les pagodes élevées sur les flancs de la col-
ce soir même et dépêche une invitation à mes ciant cantonnais, en compagnie de deux mis- line et notamment celle de la Longévité qui se
compagnons de route ainsi qu'aux deux officiers sionnaires -wesleyèns qui se dirigent sur Nan- dresse à l'entrée des grottes, donnent un cachet
de l'Argus,. ning fou. pittoresque à ce rocher boisé.
Dîner à l'anglaise très bien ordonné et remar- Pendant que nous conversons et parlons de Une anecdote sur le terrible sous-préfet Tchan
quablement soigné pour la partie liquide. Le la réception faite en France au roi Edouard, le qui nous est contée pendant que nous chevau-
sous-préfet possède un cuisinier dressé à sous-préfet Tchan vient, en voisin, papoter avec chons sur la route.
Hongkong qui lui prépare tous ses repas à la les trois Anglais qui, tous, parlent couramment Trois notables d'un village que nous aperce-
mode d'Occident. le chinois. Il est dans les meilleurs termes avec vons à notre gauche étaient venus le trouver
Tandis que nous quittons le yamen au bruit eux, les traite en camarades, feuillette aussitôt pour attester l'innocence d'un individu accusé
de piraterie. Le sous-préfet convainquit de crime tandis que de l'autre il se livrait sur ma personne
celui qu'il avait fait arrêter et l'envoya avec les un de ces sauvages n'eût seulement tendu une
à une prise de possession indiquant nettement perche aux naufragés.
trois vieillards, ses cautions. Tous étaient li.got- le but de sa visite. Et toujours des roches sur notre route!
tés. La tête^ du pirate vola sous le taillant du Ahurissement. Coup de pied dans les roton- Un nouveau choc plus terrible encore que le
sabre puis l'on fit agenouiller ses trois compa- dités et fermeture de porte. Quatre nouvelles premier. Cette fois, plus de doute. Le Yuen Fat
gnons devant trois vigoureux bourreaux. Les tentatives de l'éphèbe qui alla ensuite impor- s'incline effroyablement sur babord puis d'àu-
sabres se levèrent pour donner le coup fatal et... tuner un autre voyageur. Le calme se fit tant sur tribord et... de nouveau continue sa
le délégué du sous-préfet fit relever les pauvrés dans l'auberge. route.
vieux pour les renvoyer à leur famille. Gageons Et l'enseigne de la Verlu Riche se balan- Les poings se tendent vers les deux timoniers
que ceux-là ne se porteront plus garants de la çait au souffle de la brise sous la clarté de qui tiennent la barre. Les passagers chinois
vertu d'autrui ! .la lune pleine! crient, hurlent. Les ,deux hommes, superbes de
8 juin. — A. sixheures du matin, les cha- 9 juin. — A bord du Yuen Fat, déniché un dédain, restent impassibles et refusent obstiné-
loupes chinoises quittent Koui H'ien. type peu banal : H. B. Tom, agent des Sociétés ment d'aborder à la berge.
Typé connu de tous ceux qui ont fréquenté Bibliques, Chinois et mandarin de septième Je compte plus de deux cents personnes à
l'Extrême-Orient. De l'huile, de la graisse, du rang. Sa carte chinoise porte qu'il est aussi le bord, alors que 80 eussent été déjà serrées. La
cambouis partout et... une odeur ! délégué du général commandant en chef les chaloupe est de beaucoup trop. chargée. Arri-
De la place pour quarante ou cinquante per- forces du Chékiang. verons-nous jusqu'à Outcheou?
sonnes en les entassant à l'instar des harengs Figure de singe, futé comme un renard, Quatre Chinois du bord sont tombés à l'eau
dans un barillet boulonnais ; mais le Chinois H. B. Tôm est bavard comme plusieurs per- et nous les avons vus disparaître dans les tour-
étant infiniment plus compressible que le ha- ruches. Il parle du reste un anglais correct et billons. Voilà peut-être le sort qui nous attend.
reng, la chaloupe prend tous ceux qui se pré- nous met au courant de sa vie. Il a visité LÓn- 0 Perrichon! Quel voyage mon Dieu! quel
!
sentent et chacun trouvera à se caser. Il en dres, Paris, l'Amérique en compagnie d'un pré- voyage !.
montera cent, cent cinquante, deux cents. Nous lat wesleyen dont il porte la photographie dans Unèxhaloupe plus légère apparaît à l'horizon
le devions bien voir. le médaillon de sa chaîne de montre. derrière nous. Les pilotes consentent enfin à
Sur la berge, une stèle qui porte l'invocation De son vrai nom Hoang Bao Tom, originaire ralentir pour la laisser passer et nous montrer
sanscrite à Bouddha « Na mou a/n/ to fo ». Nos du Fokien, le bon apôtre a vu américaniser son ainsi le chenal.
Annamites qui murmurent dans les pagodes ou nom. Il est devenu H. B. Tom et nous présente Ouf! A deux heures du soir, Outcheou!
sur les routes de pèlerinage cette prière de tous même des cartes H. B. Tom and Co, Bible So- Outcheou avec la Vigilante, le cordial sha-
les jours prononcent « Na mo a si da lat ». ciety-Manila. kehand du commandant Carol et de l'aspirant
Nous sommes à bord du Tsai Fa (prononcia- Notre gaillard, qui adore voyager, a, en effet, Lavabre. Outcheou, avec une confortable et
tion mandarine) ou Choei Fat (prononciation parcouru le Japon, les Philippines, et il va main- luxueuse jonque. envoyée par le Gouverneur
cantonnaise),c'est-à-dire « le bateau qui produit tenant chercher sa femme et ses enrants à Out- pour la durée de notre séjour et qui vient mouil-
les richesses ». Ainsi soiL-il-
! cheou pour les conduire à Nanning. Les Amé- ler auprès de la canonnière. Outcheou avec son
Les rives sont maintenant beaucoup plus peu- ricains vont établir en cette ville un centre préfet, ses mandarins, ses soldats au rutilant
plées. Les villages se succèdent. Une multitude' important de propagande. costume qui veulentnous conduire de suitechez
de buffles paissent, ou se baignent dans là ri- Tom est paré pour les voyages. Il a valises en le Gouverneur dans ces chaises qui nous atten-
vière sous l'œil des enfants qui ont, ici comme cuir du dernier chic, natte caoutchoutée, plaids, dent. Mais nous sommes faits comme des che-
en Annam, la spécialité de garder et de con- waterproofs, coussins à gonfler. Il vient de se mineaux après dix heures de semblable naviga-
duire ces énormes bêtes. confectionner deux bolées pleines d'arrow-root tion dans cet odieux rafiot ; aussi le consul
De fortes jonques avec des voilures superbes, et procède maintenant à sa toilette coram po- décide-t-il de remettre à demain sa visite. Nous
mais aucune n'est aussi originale que la voile- pulo. envoyons nos cartes chinoises suivant la cou-
écumoire saisie hier au vol à bord de l'Argus. Horreur! L'affreux macaque retire de sa tume. Les caractères de mon nom signifient
De nombreuses et riches pagodes, notamment bouche un râtelier complet et le présente avec ~« Fleur précieuse », ceux de M. Dautremer La
celle « des Vagues Calmées ».
Nous passons devant Koueipinglou, jadis flo-
orgueil à ses compatriotes pétrifiés. La voilà-
bien la civilisation Saligaud !
!
vertu s'appuyànt sur la beauté
beauté dirait Gavroche.
!
». «
Mince de
rissante cité mais que les likin impériaux et les Le Sikiang court par instants entre de hautes Et tandis que nous faisions ramer les coolies
douanes préfectorales ont tuée. Un gros affluent falaises qui affectent formes les plus étranges. de.la j-onque gouvernementale pour gagner la
amenait à la ville les produits de la région. Lors- Un massif peut être pris pour les ruines mous- canonnière, nous les voyons soudain abandon-
que les douanes furent imposées, les habitants sues d'un château-fort avec ses terrasses, son ner les lourdes godilles et se précipiter à l'ar-
ouvrirent une route de terre pour éviter la pré- donjon,ses tours épaisses. C'est Long Fou- Shan, rière. C'est un délicieux bambino de quatre
fecture et retrouver les chaloupes et les jonques la Montagne du Bonheur. Plus loin,la Montagne ou c.inq ans, le fils du patron, qui est tombé
à Kong Hao oÍl nous arrivons vers deux heures. du Dragon. Quelques tours élégantes à cinq, dans le courant rapide et tend ses petits bras
Kong Hao. Cinq ou six chaloupes. Une nuée sept et jusqu'à neuf étages. au-dessus de l'eau. Le père s'est jeté dans
de jonques et de sampans qui indiquent un im- Presque à chaque instant, la chaloupe ralen- le fleuve. Il a saisi le bambin, mais le courant
portant mouvement commercial. Sa tranquillité tit pour prendre des passagers que des sampans menace de l'entraîner. Les trois femmes du
est absolue. Depuis Koui H'ien les jonques cir- amènent. Un coup de gaffe pour accoler le sam- bord ont déjà pris place dans le canot à l'ar-
culent sans escorte. pan à la chaloupe. Les Chinois escaladent les rière. La maman saisit son marmot qu'elle dé-
L'une des chaloupesamarrées à la berge nous
conduira demain à Outcheou mais on ne peut
bastingages et la barque s'éloigne pendant que
nous reprenons de la vitesse.
vore de baisers et l'on repêche père. -
Pendant ce temps, la jonque é1àÏt absolu-
encore indiquer celle qui partira. Il faut atten- Le Yuen Fat évolue à travers une succession ment désemparée. Personne à la barre, per-
dre l'arrivée de deux ou trois sleam-launclzes de rapides. Partout émergent des têtes de roches, sonne aux avirons.
venant de la grande ville et qui atteindront et d'autres, invisi-
Kong Hao dans le courant de l'après-midi, nous bles. doivent nous
dit-on. guetter au passage.
Résultat: Presque tous les voyageurs du Chœi
Fat restent à bord de la chaloupe, attendant le
.
Crac! Un choc
épouvantable à tri-
transbordement. Les odeurs des sampans bord. Nous avons
d'alentour montent écœurantes. touché. Les passa-
Une promenade à terre pour visiter les chan- gers sont jetés les
tiers de construction de sampans, quelques uns sur les autres,
corderies et fabriques de nattes. crient, s'affolent. Le
Une auberge flottante à l'enseigne de la bateau s'incline for-
«
Vertu Riche » nous invite au repos. Neuve, à tement sur bâbord.
étages, avec vérandahs, tout en bois verni, elle J'ai à ce moment la
ressemble aux beer-halls que les Japonais ont notion très nette de
installés sur le bord de leurs rivières, à Kioto, mon impuissance
par exemple. absolue et la quasi-
Dîner à la chinoise au milieu de la foule des certitude de la der-
curieux qui nous contemplent. nière minute. Adieu
On annonce pour quatre heures du matin le à tous !...
départ du Yuen Fak. La température est plus Comme par mira-
lourde encore. On ne respire plus. Heureuse- cle la chaloupe se re-
ment l'orage éclate. - dresse, hésite, puis
Les chambres de l'auberge sont propres, neu- reprend sa marche.
ves, sinon luxueusement meublées Le mobilier Nous allons couler
se compose d'un lit de camp, d'une table, et sans doute. Non, le
d'une lampe-pigeon. Chaque voyageur a sa Yuen Fat ne s'en-
natte et son oreiller. La partie supérieure des fonce pas.
chambres est à claire-voie pour permettre à l'air De chaque côté de
de circuler. Il fait maintenant presque frais. nous, la berge, à
A peine venais-je de m'étendre qu'un coup cent cinquante mè-
discret frappé à la porte me fit ouvrir. Un bel tres environ. Nous
éphèbe de 14 à 15 ans, cuisses et torse, nus, ten- hélons des sampaniers. Ceùx qui sont arrêtés Non, vrai ! Quel voyage !
dait une main en demandant un kamcha (1) nous regardent, narquois. Les autres fuient à 10 juin.
— Du fleuve, Outcheoufou paraît une
1) Pourboire, bacchich. toutes rames. Si un accident s'était produit, pas ville habitée par de nombreux Européens.
En face du mouillage de la Vigilante, en effets déen qui n'a pas froid aux yeux. L'année der- coiffés de petits canotiers à ruban noir présen-
se dressent deux importantes maisons en pierre nière, attaqué sur un grand chemin par des tent les armes tandis que les clairons sonnent
de taille, à trois étages, solides comme des for- bandits, il saisit la lame du couteau de l'un « V'là l'général qui passe » et que les tambours
teresses, immenses comme des casernes. Elles d'eux avec sa main gauche qui fut presque déta- battent aux champs suivant le rythme fran-
sont occupées par des missionnaires, améri- chée du poignet. çaIS.
cains. -
- Le gouverneur nous
Un aulre groupe de missionnaires de même
,
reçoit à la descente de
nationalité habile l'intérieur de la ville. nos chaises.
Un bel immeuble est occupé par le commis- Il porte une superbe
saire des Douanes impériales ; un autre par son tunique de lin jaune, bro-
assistant. chée. Chapeau à boutôn
Derrière, un club où les officiers de nos ca- de corail.
nonnières reçoivent le meilleur accueil. Table dressée h l'eu-
Au fond de la ville murée, dans un quartier ropéenne. Des cristaux ;
perdu, la mission française que dirige Je père de l'argenterie ; des
Pélamonrgue, un maître ès photographie qui fleurs. Des petites car-
tes rouges avec carac-
tères cHinois indiquent
les places de chacun.
S. E. Ouang Tcheu-
tchoen fut jadis délégué
au couronnement du
Tsar. Il est familier de
nos usages.
Menu mi-européen
mi-chinois placé devant,
les convives à la fois en
caractères et en anglais,
car l'intendant du man-
darin ne parle que cette
langue européenne.
Oxtail
Nids d'hirondelles
Crabes farcis
Ailerons de requins
Pudding au macaroni
Awabi (1)
Pâlé de pigeons
Biche de mer
Saucisses grillées
Canard laqué et rôti
Plum-pudding
Desserts
Fruits -
.au sud-est de la province) ayant fait décapiter mois. Venez-y pour déterminer avec nous la somme d'argent En résumé, les troubles du Quang-Si n'ont, à
un lettré influent, conseiller et indicateur d'un que, sans retard, vous livrerez à nos soldats et il vous sera aucun moment, affecté le caractère d'un mou-
chef de bande, celui-ci s'empara de quatre ou délivré un décret du chef Hong pour tranquilliser le peuple. vement anti-européen, pas plus qu'ils n'ont ac-
cinq sous-préfectures. Dès son premier succès, Par le fait même que vous serez soumis, vous serez en paix
dans vos villages; si vous résistez et ne faites pas votre sou- cusé de tendances anti-dynastiques.
les malandrins de tout acabit s'étaient joints à
mission, nous ,détruirons certainement vos maisons, n'épar-
son pavillon. Le maréchal Sou, chef suprême gnant rien. Hommes et femmes, grands et petits, tout sera ( Texte et photographies de A. RAQUEZ.)
-a Dépêche Coloniale
e ILLUSTRÉE
31 Janvier 1904(4' Année). —N° 2.
«Adresse télégraphique : Deponiale - Paris
Directeur J.-PAUL TROUILLET
:
Bureaux : 12, Rue Saint-Georges, Paris
Téléphone : 157-47
que la construction d'une voie ferrée: pas un étaient par la promesse de gagner un peu plus
seul homme n 'eût eu l'idée de venir s'engager
volontairement comme travailleur sans leur s'ils avaient terminé plus tôt le travail.
Ces chefs d'équipes se trouvaient tout natu-
autorisation. En s'adressant aux chefs, on simr rellement transformés au bout de quelques
plifiait d'ailleurs la tâche des Européens,chaque se-
maines en petits tâcherons, en minuscules entre-
chef de village devenaitresponsable des hommes
fournis par lui. preneurs pour des travaux ne dépassant pas,
C'est ce procédé qui fut employé en perma- en une seule fois, quelques centaines de
francs.
nence à Allada et Abomey. Ce procédé a remarquablement réussi, mais
Dans le sud, les réquisitions de ce genre,
on a été obligé de tenir toujours ces tâcherons
que l'on fut obligé de faire au début, réussirent en tutelle, c'est-à-dire de payer directement
toujours assez mal et n'eurent qu'une courte leurs ouvriers. Ceux ci n'avaient en effet, dans
durée. sitionnés d'Allada et de Calavi, et c'est au- leur patron, qu'une confiance très limitée, et
Heureusement, en revanche, c'est sur la côte, tour de ce noyau de 250 hommes environ, que croyaient toujours lésés quand ils étaient payésse
et là seulement que l'on peut.recruter en assez sont venus se grouper des. gens de tous pays-
grand nombre des travailleurs volontaires, Nagots, Popos, Yoroubas, Dahoméens, Mahis, : par lui, même quand il leur donnait plus que
Là, le contact avec les Européens familiarise leur compte, -ce qui s'est produit bien rarement,
etc., etc., qui ont porté l'effectif de ce chantier il faut l'avouer.
l'indigène avec le travail individuel, en même
>
à un chiffre variant entre cinq cents et mille Dans les provinces d'Allada et d'Abomey,
temps qu'il lui fait prendre des 'habitudes et lui cinq cents travailleurs. on
fut tout naturellement amené à profiter de l'or-
cré(des besoins qui le poussent à se procurer de On commença naturellement par le paiement ganisation du pays pour faire entreprendre
l'argent et l'obligent aussi à chercher du travail. à la jquriiée,- pour-fam-iliariser les habitants avec directement le travail par les chefs.
Tandis que l'habitant de l'inlérieur vit tran- le travail à faire et les encourager en leur assu-
quillement de sa culture et n'a nul besoin d'au- A cet effet, des conventions, véritables mar-
rant, dès le début, un salaire journalier conve- chés de gré à gré, furent passés, l'une avec le roi
tres ressources, celui de, la côte passe par des nable. Mais, dès que ce fut possible, on s'efforça d'Allada, l'autre avec l'un des chefs de canton
alternatives de bien-être et de dénuement, trou- d'introduire dans tous les chantiers le travail à de la province d'Abomey pour l'exécution des
faire dans chacune de ces deux régions. 1
Le travail était divisé. en tâches, et chacune
au point voulu..
travaux de déboisement et de terrassement à qui une fois rempli est pris par un aide, et vidé
Dès le début, on mit naturellement entre les
d'un ancien cours d'eau qui faisàit communi-
quer parallèlement à la côte, le lac Nokoué avec
le lacToho et les lagunes de Ouihah.
de ces tâches attribuée à un chef de canton qui mains des travailleurs dès outils européens. A partir du moment où l'eau a- cessé d'y couler
la répartissait entre ses dilférents villages. Dans les chantiers de la côte, grâce à la pré- avec vitesse, les détritus végétaux s'y sont accu-
Le prix d exécution était calculé à la super- sence des volontaires .ayanUdéjà travaillé .au mulés et il s'est formé au-dessus dela boue noi-
ficie, pour le déboisement, au cube pour le ter- Lagos, et aussi à cause de la faible consistance
.
râtre eL- liquide qui en forme la grande masse,
rassement. Pour fixer le prix d'unité, on se basa du terrain sablonneux, l'emploi de la pelle ren- une couche flottante presque solide d'herbes et
sur les résultats obtenus dans les parties exé- dit de bons services, mais dans les provinces de- plantes aquatiques sur laquelle ont poussé
cutées précédemment à la journée, de façon que d'Allada et d'Abomey, les indigènes se mon- des arbres : devenus grands, ceux-ci s'enfoncent
les travailleurs fussent assurés d'un salaire mi- traient d'abord réfractaires.
nimum convenable, en travaillant consciencieu- peu à peu dans le marais et vont pourrir dans ses
Quelques uns cependant en firent docilement profondeurs.
sement. En outre, pour accélérer la marche du l'essai et, au début, l'on en vit qui, posant la
-
Le sol de cette cuvette formé, du côté sud,
travail, une prime était allouée, chaque fois que pelle sur le sol, l'emplissaient de terre avec d'alluvions apportées par la mer, est sablonneux,
la vitesse normale, calculée d'après l'effectif leurs mains, la plaçaient sur leur tête et allaient tandis que du côté nord, il est composé d'une
minimum exigé, était dépassée. gravement en verser le contenu sur les talus. argile rouge et dure mêlée de sable ferrugineux
Ces conventions ont donné un excellent ré- Par contre; la pioche fut très appréciée, pour qu'on appelle terre de barre et qui- constitue
sultat. attaquer les terrains consislants, sur lesquels le toute la masse de la.région d'Allada.
Au point de vue de travail proprement dit, fer mince de la houe se brisait. C'est ce marécage qu'il s'agissait de combler.
elles ont permis d'exécuter rapidement, et à Le rendement, quoique faible, était encore On comptait qu'il faudrait y employer 100.000
bon compte, un cube de terrassement considéra- suffisant pour qu'on n'ait pas cru devoir, dans mètres cubes de remblai et, pour commencer,
ble; s'il avait fallu réquisitionner et payer direc- une première campagne, forcer les indigènes à on fit sur le marais une sorte de tablier formé
tement à la journée les travailleurs nécessaires modifier leurs habitudes sur ce point. de branchages recouverts de terre. Après deux
pour obtenir la même rapidité, on eût boule- Mais il est certain que, plus familiarisés avec mois de travail, les deux rives se trouvaient ainsi
versé le pays, dépensé plus -du double, et, en le terrassement, ils comprennent peu à peu reliées par un passage peu solide, mais suffisant
l'avantage de nos outils, et que l'usage de ceux-
ci se répand progressivement dans l'exécution
des travaux actuellement en cours.
Pour les transports de terre, tous les moyens
ont été employés successivement et concurrem-
ment avec un succès inégal. La brouette et le
petit camion à- bras sont trop lourds et exigent
de la part des hommes un .effort auquel ils ne
sont pas habitués. Au contraire, Je panier a
donné, pour les petites distances, de bons ré-
sultats. Les indigènes, habitués dès .l'en.fance à
circuler avec des charges sur la tête, portent
allègrement leurpanier, ptein tlé' terré ou même
de boue -rui.ssel3:rite; en marchant au pas à là
file indienne, pendant que l'un d'eux marqué la
cadence en chantant et en: frappant sur iIne
pelle: -
Enfin, pour les transports à plusieurs cen-
taines de mètres, c'est naturellement le wagon-
net qui a été employé. D'abord manié avec
quelque appréhension, il a été rapidement ap-
précié par les travailleurs, grâce au salaire plus
élevé qu'il leur permet de gagner, et, familiarisés
ayec son emploi, ils aiment à le faire circuler
avec une vitesse qui confine à la témérité.
Les travaux dans la région du Sud :
de Kotonôu à Pahou, Ouidah
et Tori.
le nombre des Européens disponibles eût
outre, Le travail le plus important, celui qui devait
pour supporter le piéton et même des voitures à
été complètement insuffisant pour diriger le être organisé le premier, était la construction de
bras.
chantier. la plate-forme dans la région même de la côte à Ce fut chez les noirs un étonnement d'autant
Au point de vue politique, ce mode d'exécu- partir de Kotonou par où devait nécessairement plus grand que, d'après les idées des croyants
tion a été encore plus avantageux en ce sens arriver le matériel de chemin de fer. du fétichisme, cette lagune était habitée par des
qu'au lieu de tendre à désorganiser les pays et Deux points surtout devaient présenter des esprits et ne pourrait jamais être comblée. Le
de gêner l'action de l'administration locale, il difficultés sérieuses et exiger, pendant la saison
roi d'Allada, Gi-Gla, auquel on avait demandé
a permis de marcher absolument en commu- des pluies qui commençait le 1er juin, un effortdes hommes pour ce travail, avait répondu d'un
nauté d'action avec celle-ci, puisqu'il maintenait, considérable. air inquiet qu'il n'osait pas s'en charger ; puis,
en le renforçant même, le principe de la subor- Traversée des lagunes. après réflexion, il avait déclaré qu'il ne le ierait
dination des indigènes à leurs chefs naturels, et si on commençait par poser sur la lagune
ceux-ci, encouragés à la fois moralement par que
Le premier étaitla traversée des lagunes Avre- une grande plaque de fer, reposant sur les bords,
cette consécration de leur autorité, et pécuniai-
keté-Akoba et Vossa qui constituent, entre Ko-, pour soutenir la terre, de façon à permettre
rement. par une indemnité proportionnée au tonou et Godomey, un marécage nauséabond, esprits de continuer à se mouvoir librement dans aux
salaire de leurs hommes, devaient naturellement presque à sec pendant l'hiver, mais couvert d'un le sein des eaux car autrement, disait-il, ceux-ci
prêter un concours dévoué à l'exécution du mètre d'eau vers le mois d'août et de septembre. protesteraient en démolissant l'ouvrage au fur
:
travail. Une végétation lacustre recouvre toutes ces la- et à mesure de son avancement.
En outre, on a pu éviter d'amener ainsi dans
7
gunes dans lesquelles il était d'autant plus dif- Cependant, on passait couramment et à pied
la région de nombreuses équipes de volon- ficile de passer qu'on y faisait parfois la rencontre sec d'une rive à l'autre, et le remblai^commen-
taires étrangers qui eussent emporté au loin desdésagréable d'un caïman se promenant dans le çait à s'éleyer au-dessus de la chaussée en bran-
sommes importantes représentant le paiement sentier à la recherche de quelque proie facile. chages. Les féticheurs étaient consternés; mais
de travaux exécutés aux frais de la colonie, et Il est vrai que'ces sauriens, s'ils inspiraient aux tout à coup ils relevèrent la tête quand ils appri-
qui en échange y eussent apporté des idées porteurs isolés une terreur justifiée, se retiraient rent que sous le poids de la terre qu'on accumu-
d'insubordination et de causes de discorde nui- toujours précipitamment devant la masse im- tait peu à peu sur ce pont flottant, celui-ci venait
sibles aux intérêts du pays. posante et bruyante formée par 4 ou 6 hama- de céder, créant entre les remblais amorcés
caires transportant un blanc. entre les deux rives une brèche d'une centaine
Outillage employé. Le sol de ces lagunes est presque toujours de mètres.
sablonneux, ce qui a permis d'y établir assez C'étaient les fétiches qui s'étaient vengés et
Les outils indigènes sont naturellement assez vite, au moyen de sable glané sur tous les même, disait-on, avaient appelé à leur secours
som-
rudimentaires. Pour le déboisement, les habi- mets qui émergeaient à peu de distance du tracé, des hippopotames qui, pendant la nuit, enle-
tants se servent uniquement de coupe-coupe et un premier passage provisoire sur lequel a été vaient la terre apportée au cours de la journée.
d'une petite hache dont le fer n'a que quatre installée la voie Decauville destinée à terminer' Pour lutter contre les fétiches, il fallait quel-
à cinq centimètres de largeur. Pour le terras- les terrassements commencés.dans les premiers chose de nouveau, de plus puissant que les
que
sement, ils emploient une houe à fer large jou-rs de juillet 1900; ceux-ci furent achevés vers voitures .employées jusqu'à ce moment.
et à manche court : c'est le seul. oulil em-. le 15 septembre. Vers le 1er décembre, on amena des wagonnets
ployé pour la culture; les indigènes le ma- Le second travail difficile était la traversée de devenus disponibles par suite de l'achèvement
par une
il
nient avec habileté, et arrivent à remuer rapi- la lagune de Pahou dont la largeur est de 250 mè- des travaux de la garedeKoionOll,et se trouva,
dement un gros cube de terre, mais il faut lui tres et la profondeur de 15 à lomètres au milieu. circonstance toute fortuite, que le chef
adjoindre un panier tressé en côtes de palmier, Cette lagune représente très probablement le lit de l'équipe chargée d'utiliser les wagonnets
Les travaux dans la province et qui vint s'installer à Toffo le 1er octobre. siégeant à la gauche du roi, se chargeront de
Le travail consistait à partir du point choisi l'autre moitié.
d'Allada. comme entrée dans la Lama, et à gravir, au L'ordre en estdonné; que le travail com-
moyen d'un sentier à la pente approximative de mence et marche rapidement.
C'est dans la province d'Allada que les tra- 10 millimètres, afin de faire dépasser 15 mètres Mais une difficulté surgit alors ; les deux
vaux de construction du chemin de fer avaient. dans le tracé définitif, le versant formant la ministres arrivèrent à Ouagbo, suivis du per-
commencé tout d'abord. limite sud de la dépression pour atteindre le pla- sonnel nombreux qui ne quitte jamais un grand
En effet, à son départ pour la France, en oc- teau qui la domine. chef ; et, se figurant qu'ils allaient entreprendre
tobre 1899, -la mission d'études avait laissé dans Ce versant très boisé est coupé par des ra- immédiatement le travail à la fois sur toute la
la colonie le sergent Pascal, avec ordre de faire, vines assez profondes aboutissant à une vallée longueur du chantier, demandèrent au lieute-
au moins partiellement, le report du tracé sur qui traverse la Lama dé l'Est à l'Ouest, sous le nant de les accompagner sur le terrain de
le terrain et d'ouvrir un passage le long de la nom de Kenomadjè. L'étude se heurta à plu- Ouagbo à Tchitopa, afin qu'ils puissent faire
ligne projetée. sieurs d'entre elles : il fallut exécuter de nom- mesurer les tâches de chaque village.
Ce sous-officier s'était installé à Alladâ, et breux cheminements autour de ces points ditfi- Il fallut des explications sans lin pour leur
avait commencé le tracé et le déboisement d'une ciles et raidir progressivement, la pente jus- faire comprendre que le travail n'était préparé -
piste d'une vingtaine de mètres de largeur. qu'à 12 millimètres pour passer au-dessus de que sur les 12 premiers kilomètres, c'est-à-
Vers le nord, le travail fut poussé jusqu'à Ato- l'origine des ravins sans les franchir. Ces diffi- dire de Ouagbo à Toffo, et qu'ils devaient exé-
j
gon, six kilomètres d'Allada ; vers le Sud, us-
qu'à Adjara, c'est-à-dire jusqu'à la rive nord de
cultés occasionnèrent des pertes de temps. Par
contre, on en regagna dès qu'il fut certain que
cuter d'abord cette première section pendant que
l'on préparait la suite. Il y a lieu d'observer à
la lagune de Pahou, qu'il atteignit à la fin du le tracé amorcé pouvait aboutir sur le plateau ce propos, que ce fut là une tendance constante
mois de mai 1900. près du point présumé : car on put alors faire des chefs, contre laquelle on fut obligé de réa-
Sur la plus grande partie de cette bande de marcher deux opérateurs à la rencontre l'un de gir sans cesse. Ils insistaient chaque fois pour
l'autre. obtenir des tâches énormes et, si on les leur
L'étude dura environ un mois et, dès que le livrait, se montraient incapables de les répartir
tracé définitif eut été approuvé, un sentier soi- convenablement et surtout de les faire exécuter
gneusement débroussé , dessQuçhé/et piqueté avec méthode : le travail traînait en longueur et
figura sur le terrain l'emplacement de l'axe de vers la fin il fallait presque user de contrainte
la future plate-forme. qui ne comportait plus de pour le faire achever. Aussi' en est-on venu peu
courbes de, rayon inférieur à 300 mètres ni de à; peu à appliquer;le système des petites tâches,
déclivités supérieures à 12 millimètres par chacune'représentant au maximum un mois de
mètre. travail pour l'équipe qui l'entreprend.
Débroussement. Dans la circonstance, il fallut un ordre for-
mel. de Gi-G!a pour décider, les chefs à entre-
Il s'agissait alors de d-ébrousser et de dessou- Erendre le travail sur la section préparée et le
çher le plus rapidement possible l'emplacement ambou royal entra en action pour délimiter les
nécessaire aux terrassements, opération qui tâches.
pouvait être fort longue dans une région où des Ce fut alors un exode ininterrompu de tous les
arbres gigantesques alternaient avec une brousse villages du royaumevers'lechantier. Chaque
très dense. chef venait chercher au campement des Euro-
Encouragé par la réussite du premier essai péens une corde faite en liane du pays, repré-
de ce genre, fait au Sud d'Allada, le Directeur sentant la largeur du débroussement à exé-
décida non seulement de confier ce travail au cuter. Il recevait en même temps que la corde
roi Gi-Gla, mais de le charger aussi ensuite de des explications détaillées sur la « manière de
l'exécution des terrassements.- Le roi Gi-Gla, s'en servir » et s'en allait emportant l'objet
ayant accepté cette proposition, un marché fut comme un véritable fétiche. Moins respectées
rédigé à cet effet et signé par les deux parties cependant que ce dernier, quelques cordes
contractantes en présence du résident d'Al- furent parfois raccourcies par des chefs de vil-
lada. lage. réputés dans le pays comme ayant « mau-
Ce ne fut pas une petite difficulté que d'expli- vais le tête ».
quer au. roi -et .à. ses. ministres le détail des A ce moment (décembre 1900) l'harmattan
commençait à souffler : les nuits et les matinées
)
des remblais était presque nulle avaient été en dans le sud de la Lama un travail analogue allant
effet couvertes d'eau, et, pour assécher défini- Au mois d'août 1902, les terrassements et les
tivement la plate-forme, on en releva le niveau aussi à la rencontre des équipes d'Abomey. En ponts étaient à peu près achevés, mais pour
même temps les ponts de la Lama se construi- rendre la plate-forme réellement praticable, il
de 1 m. 50 sur toute la largeur de la Lama saient ; un approvisionnement de 300 tonnes de
(15 kilomètres). était nécessaire de la recouvrir d'une couche
ciment avait été amené de Kotonou (88 kilom.) de matériaux destinés à protéger la surface
contre l'action de l'eau de pluie. On commença matériaux nécessaires à la construction du pont assurer le montage des poutres métalliques fut
par recouvrir les parties les moins bonnes d'une d'Atchéribé et des ponts voisins constituaient un peu commode, car les Dahoméens n'avaient
couche de pierres transportées au wagonnet, chargement total de près de 1.000 tonnes qu'il jamais vu un travail de ce genre ; aussi le mon-
puis on recouvrit dela même manière les autres fallait transporter sur wagonnets depuis Akisa tage du pont demanda-t-il plusieurs mois de
parties de la plate-forme d'une couche de terre (kilom. 103) où l'amenaient les trains de l'exploi- travail.
d'alluvions recueillie dansle voisinage du TchiLo. tation, jusqu'à Atchéribé, c'est-à-dire sur 70kilo- Les terrassements dela plate-forme comprise
Ennn, comme la Compagnie chargée de la mètre.s. La moitié environ de l'approvisionne- entre le Zou et Paouignan ont été faits en grande
superstructure et de l'exploitation venait d'ache- ment dé ciment se trouvait dans des tonneaux partie par des équipes fournies par le roi des
ver la pose du rail jusqu'à Toffo, on en profila étanches, dits ponchons, pesant environ 1.000 Dassas, et par le roi de Paouignan, dans les
pour passer avec elle une convention en vertu kilo{?s ; mais l'autre moitié se trouvait dans des mêmes conditions que celles précédemment
de laquelle elle posa immédiatement les rails barils ordinaires craignant l'eau II fallait donc fournies par les cercles d'Abomey et d'Al-
sur toute l'étendue de la Lama et mit à la dis- organiser les convois de manière à ne pas expo- lada.
position du capitaine Sou, qui était chargé de ce ser ces barils à la pluie. On était heureusement Quelques bouteilles de tafia décidèrent rapi-
travail, une locomotive et des wagons pour y au commencement de la saison sèche et l'on dis- dement ces deux grands chefs à fournir des
effectuer les transports de terre nécessaire à posait d'une centaine de wagonnets et de20 kilo- équipes de travailleurs. Celui de Paouignan,
l'achèvement du travail. mètres de voie portative. Des magasins en pail- Ada, est très amateur de ce liquide, qui lui
50.000 mètres cubes de sable pris à Toffo et lotes furent installés le long de la ligne à vaut, dit-il, les compliments de ses nombreuses
à Kissa ont été ainsi transportés en décembre, Akisa, Kinta, Cana, Savakon, Dan, Diridji, épouses.
janvier et février 1903, sur la plate-forme, qui Setto et Atchéribé à des distances telles que les En résumé, l'infrastructure va donc dans
n'a subi pendant la période de pluies suivante manœuvres pussent partir le matin avec leur quelques semaines être achevée jusqu'au kilo-
que des tassements à peu près nuls. Des herbes wagonnet chargé et revenir le soir avec le même mètre 193, à partir de Kotonou.
ont été plantées dans les talus pour éviter toute wagonnet vide. Des équipes spéciales les char- Maisl'œuvre de la mission, qui consiste d'une
érosion. geaient pendant la nuit et, le lendemain matin, manière générale, à doter le Dahomey des voies
Ces travaux avaient naturellement augmenté le convoi partait de nouveau. 400 hommes y de communication qui lui sont indispensables,
dans de notables proportions le prix de revient furent employés pendant plus de quatre mois. ne s'arrête pas là.
du kilomètre de plate-forme qui ressort à près Au commencement, tout allait bien, l'eau était C'est ainsi qu'elle construit en même temps
de 70.000 francs dans la Lama, tandis qu'il n'est abondante encore dans les villages, at en outre une route de Ouidah au lac Ahémé, destiné à
que de 12.000 francs environ dans le reste de la les orangers plantés autrefois par les rois recevoir plus tard un tramway prolongeant la
ligne. pour permettre aux troupes de se rafraîchir en voie actuelle; un chenal navigable dans le lac
passant étaient couverls de fruits, de sorte que Ahémé ; une route de Porto-Novo à Saketé, futur
Prolongement jusqu'à Paouignan. les convoyeurs trouvaient partout de quoi étan- chemin de fer également.
Aussitôtlesgros remblais terminés,les ouvriers cher leur soif. Mais peu à peu l'eau devint plus Enfin, elle fait exécuter, en vue du prolonge-
fournis par la province d'Abomey furent de rare sur le plateau, les oranges finirent par ment du chemin de fer jusqu'au Niger, une
nouveau dirigés vers Setto et Atchéribé, où 1^ s'épuiser, et sous les rayons ardents du soleil, de route carrossable, qui-rsuit le tracé actuelle-
pont sur le Zou était à construire pendant la nombreux indigènes se virent, à certains jours, ment étudié jusqu'à Parakou.
saison sèche suivante. dans l'impossibilité. absolue de continuer le
Le capitaine Crosson-Duplessis entreprit le voyage. Les convois n'arrivaient plus que la Etudes pour le prolongement de la
tracé et le piquetage de Setto à Paouignan en nuit. Il fallut organiser, en des points assez rap- ligne jusqu'à TchaÓurou-Parakou.
octobre 1902, fit exécuter les terrassements prochés, un service de distribution d'eau et
jusqu'à Atchéribé en novembre et décembre, de victuailles, pour assurer la régularité de ces La mission de iS99, avait arrêté son élude de
puis, désigné pour diriger une étude de chemin transpo-rts. La direction des travaux était à cette détail du tracé du chemin de fer à Atcheribé,
de fer à la Côte d'Ivoire, remit son service au époque installée à Dan auprès d'une source ou plus exactement au passage du- Zou. Ce n'est
capitaine Clément, qui entreprit peu après la ferrugineuse excellente. C'est donc de là que pas que ce point éloigné de toute localité im-
maçonnerie du pont d'Atchéribé. partaient des théories de porteurs d'eau chargés portante- pût en aucune façon constituer une
Le granit est apparent dans le lit de la rivière ; de ravilailler les conv.ois. tête de ligne même provisoire : il avait été sim-
les fondations furent donc faciles. La portée du Enfin, au. mois de mai, tout le matériel était plement adopté comme terme d'une première
pont est de 60 mètres en trois travées de 20 mètres. transporté au lieu d'emploi, et les piles du pont série d'études, et c'était là un choix rationnel à
La hauteur des piles et culées est de 12 mètres. d'Atchéribé s'achevaient peu après. Le recrute- tous égards, car le pont sur le Zou constitue un
Le ciment, les poutrès' métalliques et autres ment des ouvriers spécialistes nécessaires pour ouvrage d'art important et difficile, et il fallait
que Le projet rapporté renfermât au moins une importance passée, mais il ne compte plus ment leur emplacement et les chemins qui y
reconnaissance de son emplacement et une éva- aujourd'hui qu'une seule famille d'une dizaine mènent et ensuite se livrer à une ascension fati-
luation de son prix de revient. de membres. gante et même parfois -dangereuse.
Quant aux reconnaissances, elles avaient été Si l'on s'informe des causes de cette déchéance Le premier village au Sud,Dassa-Pueckpëré,
exécutées jusqu'à Tchaourou, par le capitaine on apprend qu'il y a là un des nombreux méfaits est d'un accès particulièrement difficile : il est
Cambier. des pillards dahoméens. à 200 mètres environ au-dessus de la vallée, on
Le travail à entreprendre consistait donc à Sur le plateau qui domine le Zou, au Nord, y monte par un véritable sentier de chèvres qui
faire un lever détaillé de la zone de passage de on trouve encore sur plusieurs kilomètres les à
n'est vrai dire qu'une suite de rochers formant
des dalles et des marches, toutes polies par
l'usure et fortement inclinées, par suite extrê-
mement glissantes. Le noir marchant pieds nus
s'y tient facilement, mais l'Européen est menacé
à chaque pas de faire une chute qui serait cer-
tainement fatale; aussi, après quelques glissades,
se décide-t-ilà retirer ses chaussures, à la grande
joie des indigènes. On pénètre dans le village
par un étroit passage resserré entre deux
énormes blocs. Les cases sont construites en
terre et collées au rocher; quelques-unes même
sont formées en partie par une roche surplom-
bante et ressemblent plus à des tanières de
fauves qu'à des habitations humaines. Des
troupeaux de cabris courent et sautent de roche
en roche.
Tout ce -qui est nécessaire, il faut aller le
chercher dans la vallée, même l'eau.
Ce bizarre mode d'existence, a été motivé tou-
jours par la même préoccupation de se défendre
contre les incursions des Dahoméens.
En cas d'attaque, les défenseurs se tiendraient.
prêts à -écraser l'ennemi sous :une grêle de
;
pierres amassées à cet effet sous une forme d«
mur au bord du précipice.
Un village pourtant est construit au pied de
la montagne c'est le chef-lieu de la région, Dassa-
:
"Zoumé, résidence du chef auquel on accorde le
'titre pompeux de roi des Dassas.
La population n'estpas dénuée d'une certaine
intelligence, mais elle vit absolument à l'écart,
loin dès grandes routes, sans commerce, ni
industrie, s'adonnant uniquement à la culLure et
ne vendant ses produits que sur les marchés de
la région.
Elle est animée d'excellentes dispositions à
l'égard de la voie ferrée. Le roi montre même
un: zèle enthousiaste dont on ne peut s'empêcher
de -Sôlirii-é et il est certain qu'avec adresse et un
peu de générosité on pourra l'amener à fournir
la ligne projetée entre Atc'hesribé et Tcliaourou-
un concours très sérieux IÓrs' de la construction
traces du camp de Zouvei, où se réfugia l'armée de la plate-forme:
Parakou. de Behanzin après la prise d'Abomey. Dans toute cette région des Dassas, la ligne
11 fut décidé que l'étude serait poussée En arrivant à Paouignan, le premier objet qui aura forcémenl un tracé tourmenté; elle longera
d abord jusqu'à Savé, où l'on rencontre une frappe la vue est la ligne télégraphique de de près le pied des montagnes en suivant les
population, qui, parlant une larigue différente Zagnado à. Savalou qui passe à la lisière du sinuosités et en contournant de nombreux
du dahoméen, ne viendrait pas volontiers tra- village. Cette brusque transition d'une région ravins.
vailler dans les régio.ns situées plus au Sud, complètement déserte à une autre dotée de ce Au Nord de Dassa-Zoumé, au fond du village
tandis qu'elle pourra ainsi à bref délai être témoin irrécusable de la civilisation moderne, de Doudja, il faut franchir deux défilés succes-
employée à commencer les travaux dans son produit un contraste amusant. sifs encombrés de rochers, et l'on arrive enfin
propre pays. A Paouignan réside le
Sur ce court espace d'une centaine de kilo- chef de tous les villagesdes
mètres environ entre Atcheribé et Savé, on régions Paouignan, Baffo,
allait prendre contact avec trois races diffé- Zoblogo et Agouagon.
rentes. A première vue, on ne
D'abord celle des Mahis qui occupe toute la se douterait pas que ce
région de Savalou et de Paouiguan et se rap- personnage est investi
proche de la race dahoméenne dont elle parle la d'une autorité de cette
langue. importance, car il nléri-
Puis les Dassas, petit peuple de montagnards terait d'être cité comme
qui a conservé sa physionomie propre et son un modèle d'indolence et
dialecte spécial. d'inertie, passant ses jour-
Enfin, au delà de l'Ouémé, on entre chez les nées à fumer, assis à la
Nagots et on trouve une population complète- porte de sa case et faisant
ment différente des Dahoméens à tous égards. bon marché de ses préro-
Le service des études fut confié au capitaine gatives de chef, s'il peut à
Bachellery. ce prix éviter.un dérange-
La direction générale de la ligne avait été ment quelconque.
déterminée à l'aide de la carte des reconnais- Heureusement le chef
sances exéculée en 1899 et les points de passage du village le remplaçait
fixés à priori étaient les localités de Paouiguan, avantageusement et rendit
Dassp-Zoumé et Agouagon. même de grands services.
Les opérations successives à faire étaient les
suivantes : Les Dassas.
Reconnaissance du terrain, détermination de La région des Dassas
la bande à lever, balisage de l'axe de cette, offre un aspect particu-
bande. lier. Elle se réduit en
Ensuite piquetage, chaînage et nivellement somme à un pâté monta-
de l'axe, eL enfin, en s'appuyant sur ces diverses gneux allongé du Sud au
mesures, lever du terrain à l'échelle de 1/10.000e. Nord, découpé irrégulièrement et bordé de cha- au point culminant de la région un peu avant
que côté par une vallée profonde, en particulier Henhimé.
Région de Paouignan. à l'Ouest, par celle du Louto. En suivant le che- Le marché de Henhimé est assez curieux ; il
min qui longe le pied des hauteurs, on est sur- est situé dans un des nombreux cols qui par-
D'Atcheribé à Paouignan, on ne rencontre pris de rencontrer des habitants, mais de n'aper- tagent la chaîne des Dassat» en une succession
sur la route habituelle que le, seul village de cevoir aucun village. Ceja tient à ce qu'ils sont de massifs rocheux.
Hogon. perchés au sommet du la montagne et qu'il Le voyageur passant à Henhimé trois jours
De nombreuses cases en ruines attestent son faut pour y arriver d'abord connaître exacte- sur quatre, ne se douterait guère qu'il se trouve
sur 1 emplacement du marché le plus important C'est à Agouagon que commence la partie la séculaires aux formes tourmentées, embarras-
de la région : aucune case, mais d'énormes blocs plus difficile du travail, la descente sur l'Ouémé,
éboulés de la montagne, abrités d'arbres gigan- sées.
puis la remontée jusqu'à Savé sur l'autre rive. Le lit est parsemé de blocs de rochers qui,
tesques et c'est là que. s'assemble et s'installe Il y a là une dénivellation d'une centaine de
aux basses eaux, forment une série de bassins et
tous les quatre jours une foule grouillante de mètres à franchir successivement dans les deux
vendeurs et d'acheteurs dont quelques-uns même de barrages et ^"'est à ce rait que le
viennent souvent de 30 kilomètres à la ronde. sens. - fleuve doit de conserver de l'eau en tout temps.
Il y a là un mouvement assez important pour Les arbres et l'eau donnent au son une réso-
qu 'il ait amené à prévoir l'établissement d'une nance extraordinaire, les moindres bruits se
gare en ce point. répercutent saris fin, et l'on cause d'une rive à
Après Henhimé, on quiLte la région des Dassas .- i
l'autre en forçant à peine la voix, bien que la
pour se diriger sur Agouagon. distance soit de 120 à 150 mètres.
7 Les iudigènes éprouvent une vive satisfaction
Agouagjn. à barbotter dans l'eau et à y jouer comme des
C'est un centre aussi important que celui de canards ; aussi, ils n'ont pas plutôt déposé leurs
Paouignan, c'est le point de rencontre de quatre charges qu'ils sont déjà dans le fleuve, et y pas-
routes se dirigeant vers Assanti, Savalou, BatI'o, seront désormais tous leurs instants de loisir.
Savé. Il forme pour toute la région tête de pont La nuit passée sur le bord du fleuve est peu
agréable.
ou plus exactement tête de passage surl'Ouémé. Le voisinage de l'eau amène de nom-
Un fleuve de cette importance ne peuten effet
être franchi en,un point quelconque : aux basses breux moustiques, et des animaux variés, gre-
nouilles,pintades,panthères,hippopotames, etc.,
eaux on ne le passé qu'à un gué reconnu. et fré- unissent leurs cris dans un concert peu favo-
quenté ; pendant les. crues, il faut une pirogue. rable au sommeil. •
Il en résufté' que la circulation d'une rivé à
l'autre du-fleuve est aussi rigoureusement cana- Pendant les crues, le niveau du fleuve monte
lisée qu'elle l'est chez nous par les ponts. d'une dizaine de mètres, les eaux se répandent
De plus l'indigène voyageant seul a horreur sur les rives en formant une nappe d'inonda-
de la solitude, il ne se sent en sécurité que sur tion dont la largeur atteint 500 mètres ; aussi
les chemins fréquentés, et à plus forte raison se faudra-t-il pour le franchir un pont de 180 mètres
garderait-il bien de franchir un cours d'eau en de long avec des piles de 10 à 12 mètres de hau-
teur ; ce sera un ouvrage d'art important.
un endroit désert : il en sera empêché non pas
tant par la peur de se noyer ou de rencontrer La région de Savé.
des animaux dangereux, hippopotames ou caï- Au delà de l'Ouémé, on tombe en plein pays
mans, que par la vague crainte du fétiche parti- Nagot. Le type physique change : le Nagot a la
culier attaché à chaque rivière qui n'admet pas figure plus aplatie, le nez plus épaté ; les indi-
qu'on se permette de le déranger en s'écartant vidus des deux sexes portent tous un tatouage
des endroits licites. caractéristique composé de trois lignes obliques
De toute la région, et en particulier des vil-
lages du Nord, Thio, Oco et même Assanti, les L'Ouémé. et parallèles sur chaque joue.
indigènes se rendant à Savé s'imposent pour Les hommes ont l'habitude de se tailler en
En arrivant sur le bord du fleuve,
franchir l'Ouémé un détour parfois considérable une impression de grandeur et de majesté.on éprouve pointe les deux incisives centrales de la mâchoire
venant Agouagon. Lès supérieure : il en résulte un vide assez disgra-
en passer Dar rives sont cou vertes d'une épaisse forêt d'arbres cieux et qui influe sur la prononciation. Les
mey, par un récent courrier, les travaux de la partie du Soudan qui se relié au haut Da- transport d'une tonne à destination du Tchad,
première section Kolonoii-Paoui.gnan seront en- homey et en général pour notre empire africain pour réaliser une économie appréciable sur des
tièrement terminés à la fin de cette année, au occidental une question de sécurité, de protec- prix par caravanes, n'en constituentpas pour cela.
plus tard. La' construction immédiate et rapide tion, de défense et de police intérieure. un prix encore normal, puisqu'il a été établi
de la seconde section Paouignan-Tchaourou L'intérêt stratégique et politique de l'achève- sur les bases suivantes : "
dont le tracé a déjà été étudié par le colonel, ment de la voie se manifeste donc de la façon la 950 francs de France à Sorbo, sur le Niger;
(juyon, s impose donc et 1,000 francs de Sorbo
en première ligne et au Tchad.
est indispensable au Enfin, nous ne pou-
développement normal vons pas négliger d'in-
du Dahomey. sister sur l'intérêt con-
La colonie, qui, sans sidérable que présente
subvention ni emprunt, la question de navigabi-
est déjà parvenue à lité du Niger, des ('en-
construire la première, finsdu Sénégal au point
section Kotonou-Paoui- d'aboutissement de nos
gnan en moins de trois locomotives entre Kari-
ans pourra, nous en 4 mama et Madékali;
avons la conviction, c'est le terminus de na-
subvenir encore, par vigabilité de notre Ni-
ses propres moyens, ger (Nil français) relié
aux dépenses d'infra- directement à la mer, et
structure rapide de la formant de la sorte un
seconde section Paoui- circuit économique de
-gnan-Tclzaourou, avec la plus grande valeur.
les ressources pro- A l'aide de ces quel-
venant des excédents ques considérations,
considérables de son tout ce qui est vague,
budget, croissant d'an- indécis, indéterminé,in-
née en année. On sait certain, deviendra pré-
que les travaux de cis, organisé, positif.
superstructure sont Comment hésiter? Du
déjà concédés et nous reste, nous avons déjà,
avons dit comment il sur ce point, l'opinion
serait facile d'y faire de M. Etienne.
face, en modifiant les (( ]1 y a un intérêt de
conventions primitives. premier ordre, disait-il
Nous croyons inutile dernièrement, à ce que
d'insister sur la néces- la ligne française du
sité impérieuse de con- Dahomey atteigne aussi
tinuer les travaux, sans promptement que pos-
le moindre arrêt, sans sible le Niger. C'est là
la moindre hésitation, qu'elle trouvera l'ali-
sans reprendre haleine, [ment de son trafic. C'est
car il faut que la loco- [à cette condition que le
motive atteigne Tchaourou dans deux ans au plus nette. Ne l'envisagerait-on même qu'au seul chemin de fer, si bien commencé, se transfor-
plus tard, si nous ne voulons pas être devancés point de vue des ravitaillements rendus indis- mera de ligne d'utilité locale en ce qu'il doit
par le chemin de fer de Lagos, et perdre ainsi pensables par l'établissement de nos postes devenir, une des grandes voies de pénétration de
le bénéfice de notre situation commerciale pri- dans le centre africain que ce serait assez pour l'Afrique française. Que l'on songe bien que
vilégiée et de la rapidité merveilleuse avec la- légitimer l'effort dont nous parlons. sur ce Lerrain une lutte de vitesse est engagée
quelle a été construit avec Ja colonie anglaise
le premier tronçon de voisine du Lagos. Le
notre voie ferrée. chemin de fer du Lagos
A Tchaourou, une à Ibadandrainera à son
partie seulement de la profit, si l'on -n'y prend
tâche à accomplir sera garde, le trafic qui de-
terminée, car nos comp- vrait être réservé au
toirs y pourront absor- chemin d-e fer du Daho-
ber le commerce des mey. Il est ' indispen-
caravanes qui fait la sable que dans cinq ans
fortune des marchés de les locomotives fran-
Lagos et du Togo ; çaises atteignent lé Ni-
mais tous ceux qui ont ger. )>
à cœur l'extension de Nous ne pensons pas
la souveraineté de la que la troisième section
France en Afrique et la
- prépondérance Tchaouroll-Niger
de son puisse être laissée à la
commerce sur les mar- charge de la colonie du
chés africains recon- •Dahômey sans que des
naissent l'impérieuse ressources extraordi-
nécessité de pousser la naires ne lui soi-ent as-
voie jusqu'au Niger dès surées, soit en l'auto-
l'achèvement de la risant à recourir à un
deuxième section. emprunt spécial, soit,
N'ya-t-ilpas, en effet, ce qui serait plus équi-
. intérêt considérable
un table à notre avis, en lui
à ce que nous soyons réservant une partie
les maîtres absolus des des fonds de l'emprunt
relations que peuvent de 65 millions réalisé
avoir entre elles les par le gouvernement de
différentes parties de l'Afrique occidentale
notre Soudan? Telles pour des travaux séné-
éventualités de la vie galais beaucoup moins
politique des popula- urgents et ne présen-
tions indigènes peuvent tant pas au point de vue
se présenter dans nos national des avantages
propres territoires ; tel- aussi considérables.
les répercussions de la L'oeuvre que nous
politique indigène sui- avons à accomplir est
vie ou appliquée par nos voisins, -peuvent se On connaît, l'expérience particulièrement encore assez vaste, les bénéfices assez certains
produire, qui nécessiteraient une action immé- brillante exécutée par le capitaine Lenfant à pour que nous. n'abandonnions pas une ligne de
diate et énergique ou même de longue durée, travers les rapides de Boussa, et renouvelée par conduite qui ne nous a attiré, jusqu'ici, que des
et pour laquelle nous risquerions d'être gênés le capitaine Fourneau. Mais on oublie trop éloges unanimes et a prouvé, une fois .de plus,
comme il nous est déjà arrivé de l'être à facilement que ces expériences ne sauraient la compétence colonisatrice de la nation fran-
l'époque des Samory. C'est pour toute celte devenir une pratique courante et que le coût de çaise.
-
Superstructure. — Exploitation. la situation économique, en 1902, de notre co- porté les trois quarts de la quantité des coton-
Nous l'avons dit en commençant, les travaux
de superstructure et l'exploilation du chemin de
fer ont été concédés le26 juin 1900 à la Compa-
Ionie du Dahomey. Ce rapport contient diverses
critiques que nous analysons ci-après :
L'année 1902 fut excellenle pour les affaires
la
nades du Royaume-Uni alors qu'en réalité les
cotonnades pour presque totalitéd'origine
britannique. Les steamers allemands allant
au Dahomey. Les principaux produits de la co- prendre du fret à Manchester, une très large
gnie Française des chemins de fer au Dahomey. lonie — l'huile et les noix de palme— donnèrent proportion des cotonnades d,e cette cité manu-
Nous avons dit aussi qu'en moins d'une
année, la ligne avait été mise en exploi- facturière est transportée par ces
tation régulière de Kotonou à Ouidah. steamers et les statistiques, sans aller
et à Toffo, soit un parcours de plus de plus loin, les comprennent au nombre
100 kilomètres. Nos voisins d'Afri- des importations de produits alle-
-
mands. La vérité est que sur le chiffre
que avaient été surpris de la rapidité de 90,000 liv. st. représentant les
d'exécutionetdelaperfection del'entre- cotonnades d'origine allemande,
prise. Les administrateurs et les ingé- 60.000 liv. st. au moins proviennent
nieurs anglais et allemands du Came- d'Angleterre et devraient être ajoutées
roun, du Lagos, du Togo et de la aii total des exportations de ce pays
Gold Coast avaient manifesté une admi-
ration sincère et des sentiments de au Dahomey.
courtoise envie pour le succès d'une En outre de cela, le tabac et le pé-
aussi grande entreprise. trole qui figurent comme provenant de
Il semblait que dans qua'tre ans, divers pays','sont en réalité d'origine
le rail dahoméen devait atteindre le américaine, mais ces produits ont,
Niger et arriver bon premier aux comme les cotonnades, été transportés
régions promises d'un si grand avenir par des navires appartenant à d'autres
agricole et commercial. nationalités et inscrits comme en pro-
C'était compter sans les misères venant.
administratives, sans les jalousies et Le Royaume-Uni figure pour une
les intérêts particuliers. faible proportion dans le chiffre des
Depuis dix-huit mois les travaux sont exportations du Dahomey, les princi-
arrêtés à Toffo, — et le rail n'a pas fran- paux produits de la colonie trouvant
chi les marécages de la Lama. un marché plus rémunérateur sur le
Nous savons que des difficultés continent européen.
s'étaient produites entre la Compagnie Le'Dahomey n.e possède pas de taxes
des Chemins de fer et la colonie, au douanières proprement dites, mais des
taxes] de consommation sur toutes les
sujet des concessions territoriales.-On marchandises. Il n'existe aucun droit
avait promis des territoires- considé- différentiel, ni distinctif. La taxe de
rables, trois cent mille hectares ..j..Qn.. a 25 0/0 sur la monnaie étrangère a été
compris que c'était une faute ; on a, imposée pour obliger à l'usage de la
voulu les retirer et on a fait entendre monnaie française au lieu de la mon-
à la Compagnie qu'elle devait y renon- naie anglaise, laquelle était préférée
cer. La constructi-on des remblais de par les indigènes. Bien qu'il y ait peu
la Lama a paru à la Compagnie ne pas de monnaie anglaise en circulation,
offrir des garanties suffisantes de sLa- les prix sont presque toujours établis
biiité. Jinhn, la colonie n a pas dissi-
mulé sa volonté d'être maîtresse des en schellings et en pences.
tarifs, dans l'intérêt général du pays. Parlant de Kotonou, le rapport s'ex-
Il s'en est suivi d'interminables pour- prime ainsi :
parlers et des négociations à trois ou quatre Kotonou, le terminus du chemin de fer
abondamment et, en outre, les cours de ces du Dahomey, est une cité moderne dont. les rues
degrés, conduites par les fonctionnaires avec produits en Europe furent excellents. sont tirées au cordeau. Malheureusement, la
l'ordinaire terreur des responsabilités, par les Le consul consLate que le montant des im- seule communication entre Kotonou, port de
directeurs de la Compagnie avec une prudence portations, tel qu'il est établi dans les statisti- la colonie, et Porto-Novo, son principal centre
inquiète. ques officielles, que prétendent donner les pays d'affaires, se fait par eau et par la lagune. A
Ces jours-ci nous avons encore interrogé, l'exception des canots indigènes, les seuls
des deux côtés, les personnes intéressées.
moyens de transport appartiennent à la Com-
« Tout est arrangé ),, nous a-t-on dit, du côté pagnie des magasins et appontements du Daho-
<lu ministère et de la colonie; il-.n'y a plus
qu'à rédiger et à signer. » (. mey dont les appareils ne sont pas tous propres
au service qu'ils font. Cette Société ne possède
« Tout est arrangé », nous a-t-on-répété, du qu'une chaloupe et cinq allèges de 15à20 tonnes.
côté de la Compagnie; « il n'y a plus qu'à èxa- Il n'existe pas de service régulier pour les pas-
miner les rédactions et à conclure...
Et alors, pourquoi les travaux ne. sont-ils pas sagers, et les marchandises débarquées à'Koto-
repris et continués? Pourquoi n'enCOtiragè.:.t-on nou ne sont rendues à Porto-Novo que 7 à 10
jours plus tard.
pas les négociants dahoméens à s'établir sur Ta
?
ligne Pourquoi n'informe-t-on pas le public,
français de l'accomplissement de cette'œuvre'
Il résulte de cet état de choses que beaucoup
de marchandises passent par le port britannique
de Lagos qui est plus avantageux pour les
importante qui donne un débouché.nouveau à exportations dans chaque sens.
l'activité métropolitaine?
Pourquoi? Parce que les projets dressés ou
préparés par les gouverneurs et les ingénieurs Mouvement commercial
de la colonie sont enfouis sous les dossiers des
chefs de service et des techniciens du minis- au Dahomey.
tère des Colonies... parce qu'au pavillon de Flore Troisième trimestre 1903.
on engouffre les dossiers, qu'ils s'y entassent,
inertes, et qu'en donnant chaque jour cinq Les échanges pendant ceLLe période ont con-
minutes à chaque affaire, oh est impuissant
- tinué-à diminuer dans une trèsforte proportion,
à faire aboutir une étude sérieuse, une réforme comparativement à la période correspondante
éLudiée, un arrangement consciencieux; de 1902, par suite des perturbations causées
Le mal que nous signalons est ancien ; il est par le déficit dans la récolte des noix de palme.
trop connu ; mais nous nous permettons dé Le mouvement commercial n'a atteint que
signaler ici qu'au grand préjudice des intérêts 4,996,657 francs,soit une diminution de 2,984,061
engagés au Dahomey, il a considérablement franco sur les résultats du troisième trimestre
empiré depuis bientôt deux ans. de 1/annéê dernière, qui s'étaient élevés à
Ce serait grand dommage, cependant, d'avoir 7,980,718 francs.. La diminution ci-dessus se J
réuni en France et en Afrique, dans une pensée réparlitde: la manière suivante entre les impor-
et un effort communs, les bonnes volontés d'in- talions et les exportations : ;
génieurs remarquables, d'établissements finan-
ciers de premier ordre, d'administrateurs esti- Importât. Exportât. Total j
més pour échouer... devant une pile de cartons! Francs Francs Francs ;
3e trimestre 1903 2 518.645 2.418.012 '4.996.617 '
EMILE LENOIR. d'origine, ne peut être exact- en ce qui concerne 3e trimestre 1902 4.5-74-829— 3-305J389 -7 9.BO...1.L8 j
ces pnys, car il a été évidemment accepté que Différence en moins en
Une appréciation anglaise. les marchandises transportées par un navire à 1903
............ «
2.136.181 827.877 2.984.001
destination du Dahomey sont originaires du pays
Le consul d'Angleterre à Dakar a envoyé à de ce navire. Avant d'examiner quelles sont les marchan-
-son gouvernement un volumineux rapport sur L'Allemagne, par exemple, paraît avoir im- dises ayant provoqué celte réduction, nous
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
15 Février 1904 (4° Année). - Directeur J.-PAUL TROUILLET 12, Rue Saint-Georges, Paris
Aperçu historique. grand parmi les hauls mandarins. Sous le des- ports de' Tourane, de Oui-Nhon, de Xuân-Day
potique Tu-Duc, ils étaient peu puissants. Ils et nous permettait d'installer à Rué un fonc-
'EST SOUS le règne de Louis XVI que la veulent le devenir et choisissent un roi, Duc- tionnaire d'un rang très élevé, chargé de sou-
France entra pour la première fois en re- Duc, dont ils espèrent exploiter la faiblesse ; Duc- tenir les intérêts de la France en Aunatn. Quel-
lations politiques avec l'Empire d'An- Duc meurt après quatre jours de règne. On le ques mois après, Hiep-Hoa mourait et son suc-
nam. A cette époque, le prince Nguyên, remplace par Hiep-Hoa, impuissant à parler en cesseur, Kien-Phuoc, signa le traité de 1884 qui
Anh, qui prit plus tard le nom de Gia-Long, maître et dominé complètement par les manda- subsiste toujours. Ce traité reconnaissait for-
sollicita par l'intermédiaire de Mgr Pigneau de rins. La Cour n'est plus qu'un foyer d'intrigues mellement notre protectorat. Désormais, des
Béhaine, évêque d'Adràn (Cochinchine), l'appui où chacun conspire et cherche à s'emparer du fonctionnaires français placéb dans chaque pro-
de notre flotte et de nos troupes pour conquérir pouvoir. vince en contrôlaient l'administration ; les ser-
le trône de ses ancêtres,dont il avait été. dépos- C'est alors que M. Harmand, notre plénipo- vices des douanes et des travaux publics nous
sédé. Son fils entreprit même le voyage de France tentiaire au Tonkin, voulant profiter de ces étaient confiés.Toute difficulté semblait aplanie.
et signa à.Versailles,en 1797, un traité Sur ces entrefaites, S.M.Kien-Phuoc
par lequel il s'engageait au nom de mourut et fut remplacé par Ham-
son père à nous céder la baie de Nghi.Peu de temps après l'avène-
Tourane, les îles voisines et Poulo- ment de ce dernier, eutlieu l'attentat
Condor. De plus, il nous autorisait de Hué. Les Annamites, à l'instiga-
à installer des agents consulaires, tion du ministre Tuyet, attaquèrent
partout où nous le jugerions conve- la légation et la concession françai-
nable, dans ses Etats. ses. Cette échauffourée 'fut rapide-
Grâce à notre concours, Gia-Long ment calmée. Le palais impérial fut
pacifia rapidement l'Annam et le pillé et Ham-Nghi, enlevé par Tuyet,
Tonkin, s'empara de Hanoï et de se réfugia dans la région monta-
Hué. C'est dans cette dernière ville gneuse du Quâng-Binn, où il fut
qu'il établit sa capitale et qu'il mou- pris. On l'interna à Alger où .il de-
rut après un règne de plus de vingt meure actuellement. Le gouverne-
ans. Son fils Minh-Manglui succéda. ment annamite lui sert une pension.
Sous son règne, quelques-uns des Son successeur, Dong-Khanh, con-
.officiers français qui avaient secondé tribua pour beaucoup, par s'a dou-
Gia-Long achevèrent la construc- ceur et son intelligence, à fortifier
tion des citadelles qui existent en notre position en Annam. Nous fon-
-Indo Chine. Minh-Mang ne dissimula dions sur lui de grandes espérances.
jamais les sentiments, d'animosité il mourut après trois années de règne,
qu'il nourrissait contre eux et ceux, Son fils étant trop jeune.pour monter
très rares, qui avaient survécu et sur le trône, ce fut Than-Thai, le
habitaient Hué durent quitter l'An- roi actuel, qui fut proclaméroi d'An-
nam et regagner la France. L'un nam. Pendant sa minorité, un con-
d'eux, Chaigneau, exerça pendant seil de régence régla avec nous tou-
quelques années les fonctions de tes les affaires de l'Annam. Désor-
consul à Hué, fonctions presque mais, la Cour de Hué fut plus calme.
purement honorifiques, du reste, Les luttes intestines qui l'avaient
étant donné que pendant un demi- agitée pendant la période particuliè-
siècle la France n'eut plus avec rement troublée qui s'étend de la
l'Annam que des relations diploma- mort de Tu-Duc à celle de Dong-
tiques sans grande importance. Khanh, prirent fin. Peu à peu les
En 1852, à la suite du massacre partisans de l'ancien régime dispa-
de deux missionnaires et dela persé- rurent et les princes, les grands man-
cution dirigée par le roi Tu Duc con- darins, les ministres, convaincus que
tre les indigènes convertis au catho- l'empereur trouverait toujours appui
licisme, un navire français, le Cati- auprès de nous, que nous ne sau-
nat, détruisit l'un des forts de Tou- rions souffrir des changements de
rane. En 1858, la France et l'Espa- règne continuels comme cela avait
gne, dont les missionnaires étaient eu lieu pendant quelques années,
.victimes de continuelles vexations, ont fini par se désintéresser des af-
envoyèrent à Tourane une expédi- faires de la Cour pour ne plus s'oc-
tion qui s'empara d'un des forts et cuper que de nous aider à adminis-
en prit possession. Plus tard, un trer sagement leur. pays en nous
'arrangement survint entre les deux prêtant le concours de leur influence
puissances et nous restâmes seuls et de leurs connaissances.
maîtres de celte position. Depuis 1 avènement de I han-1 haï.
En 1874, après la mort de Francis Garnier, circonstances, résolut de s'attaquer à Hué, per- la tranquillité de l'Annam a été profondément
un traité nous permit d'installer un consulat à suadé à juste litre que plus c'était là qu'il fallait Lroublée à deux reprises différentes. D'abord par
à Qui-Nhon. s'attacher à frapper le énergiquement. l'insurrection qui éclata au Than-Hoa,où nous
Malgré nos dispositions pacifiques, la Cour L'amiral Courbet bombarda et détruisit les eûmes à lutter dans des régions d'un accès diffi-
de Hué n'avait pas vu sans mécontentement forts de Thuan-An et M. Harmand, certain cile contre Cam-ba-Thuoc. A la mort.de ce chef
noire intervention en Annam. En apparence qu'après une telle démonstration, la Cour ne se qui fut pris et décapité, tout rentra dans le calme.
pleine de bienveillance et de courtoisie pour ressaisirait pas de sitôt, monta à Hué pour Enfin, en 1895, éclata la fameuse rébellion du
nos nationaux, elle encourageait secrètement, imposer au Gouvernement annamite un traité Nghê-Tinh. Pendant près de deux ans, des
au Tonkin, les Pavillons Noirs à la résistance et qui reconnaîtrait nos droits en Annam et au bandes parfaitement organisées et armées,
la lutte recommença, plus âpre que jamais. Le Tonkin. En effet, la Cour, affolée à l'idée que obéissant à un mandarin, Pham-dinh-Phung,
19 mars 1883, le commandant Rivière fut tué les marins de l'amiral Courbet étaient prêts à nous opposèrent une résistance acharnée. La
aux portes de Hanoï. Quelque temps après, le marcher sur Hué et à s'attaquer à la citadelle, Cour d'Annam intervint et nous prêta son appui
roi-Tu-Duc, notre irréductibie ennemi, mourait souscrivit à toutes les conditions exigées par et-la révolte prit fin à.la mort de Pham-dinh-
sans laisser d'héritier. A partir de ce moment, M. Harmand et S. M. Hiep-Hoa signa le traité du Phung.
les événements se précipitent. Le désarroi est 25 août 1883 qui nous assurait l'ouverture des Depuis, l'Annam est tranquille. Les révoltes
qui eurént lieu au Tonkin n'eurent aucune Montagnes. — L'Annam est longé du nord au Phuyen, traversent des massifs presque impra-
répercussion ici et lors de l'attaque dirigée en
-
sud par une chaîne de montagnes ou plutôt par ticables. A partir de Phuyen, le relief s'accentue
1897 contre Haiphong, Haiduong et Thai-Binh, une série de contreforts qui le séparent du Laos. très sensiblement avec l'énorme croupe de
fes populations de l'Annam ne nous donnèrenl Ces contreforts vont en s'étageant jusqu à la Varella et du Padaran qui ont .donné leur nom à
au-cune inquiétude. chaîne dite annamitique qui comprend des som- deux caps très redoutés des navigateui s.
Les Annamites ont compris qu'ils avaient tout mets de 1.200 à 1 500 mètres. Toutes ces hau- Fleuves. — Les fleuves sont très nombreux.
intérêt à ne pas entrer en lutte avec nous et que teurs sont uniformément recouvertes de forêts ; Ils ont, à peu de chose près, un cours similaire,
la pacification absolue du pays est indispen- coulant de l'ouest à l'est, presque perpendicu-
sable à son développement économique. Peu à lairement à la mer. Tous prennent leur source
peu la méfiance a disparu. Dans les provinces dans la chaîne de partage des eaux entre le
jadis les plus troublées, les indigènes acceptent Laos et l'Annam. Tombant presque sans tran-
sans récriminèr notre protectorat et, si parfois sition de la montagne dans la plaine, ils s'étalent
nous avons à enregistrer quelque acte de vio- sur une grande largeur et n'offrent malheureu-
lence envers un huropéen, c'est uniquement sement-qu'une profondeur des plus médiocres.
une vengeance personnelle. Ajoutons du reste De plus,ils s'ensablent facilement, surtout dans
que ces faits sont très rares et qu'un Européen l'Annam central. Dans le pays plat, leur cours
peut se promener d'un bout à l'autre de l'An- est très capricieux et leur régime très variable.
nam sans avoir rien à craindre. Pendant la saison des pluies, ils enflent très
rapidement et sont peu praLicables. Les inon-
Aperçu géographique. dations sont fréquentes pendantles mois de sep-
tembre, octobre et novembre. Elles occasion-
L'Annam est borné au nord par le Tonkin, au nent beaucoup de dégâts, notamment dans les
sud par la Cochinchine, à l'est parla merde rivières.
Chine, à l'ouest parle Laos. C'est un paysessen- Climat. — L'Annam est un pays sain. La tem-
tiellement maritime, puisqu'il s'étend sur une pérature y est rarement excessive comme au
longueur côlièrede 1.200 kilomètres et sur une Tonkin ou en Cochinchine. Au point de vue
largeur de 60 à 80 kilomètres au plus. On a pu climatériqUe,on peut le diviser en quatre zones.
le comparer à un long bâton supportant deux Dans la première, qui comprend les provinces
paniers : la Cochinchine et le Tonkin. Au point de Thanh-Hoa et du Nghê-An, le climat se rap-
de vue de la configuration, la comparaison ne proche sensiblement de celui du Tonkin : été
manque pas de justesse. Au point de vue écono- là végétation y est très dense. D'un relief forte- chaud, plutôt sec; hiver également sec et assez
mique, nous verrons plus loin qu'elle est ment accentué, elles sont d'un accès très- diffi- rigoureux.
complètement inexacte. cile et jusqu'à présent, sauf dans le Nghê-An, 'Dans la 2e zone, qui s'étend du Quang-Binh
Les ports. — La côte, profondément décou- les essences qu'on y rencontre ont été peu ex- à Hué, l'été est plus pénible, les pluies abon-
pée, offre à la petite navigation indigène de ploitées. dantes, l'hiver très humide.
nombreux abris dont la sécurité laisse malheu- L'étendue de la plaine vers la montagne est Dans la 38 zone, qui comprend les provinces
reusement à désirer. Le du Quang-Nam, de
peu de profondeur des Quang-Ngai, de Binh-
ports annamites ne per- Dinh, l'été est moins
met pas aux navires d'un chaud, mais l'hiver est
tonnage relativement également pluvieux.
élevé de les fréquenter. Enfin, dans le Sud, le
C'est que; dans,les baies climat est à peu près le
de Tourane,de Qui-Nhon, même qu'en Cochinchi-
de Nhat-Trang, dePhan- ne, chaud et humide. En
Rang; les bateaux des général,l'Annarnestsain,
Messageries maritimes à cause de la proximité
et quelques vapeurs de la mer.
étrangers qui y touchent, Cyclones. — L'es cy-
sont, obligés de mouil- clones sont très fréquents
ler fort loifi de terre. en Annam pendant les
Les inconvénients qui en mois de septembre, oc-
résultent sont assez évi- tobre et novembre. Il ne
dents pour qu'il soit su- se passe pas d'année
per-ITu d'y insister. D'au- qu'on n'ait à en déplo-
tres ports, tels que Ben- rer les conséquences dé-
Thuy, Fnifo, Coluy, sastreuses. Celui de 1897
Xuan-day, Phan-Tiet ravagea la province du
sont fréquentés par de Quang-Binh. En 1900,
nombreuses jonques qui la province du Quang-
font le cabotage et vont Nam et la ville de Tou-
même en Cochinchine et rane furent fortement
en Chine. éprouvées.
A Tourane, les études Populations. — La
de la construction d'un plaine esthabitéepar une
port ont été poussées ac- race unique, de même
tivement il y a quelques origine que les Tonki-
années par les travaux nois et les Cochinchi-
publics. La baie de Tou- nois. Toute la partie
rane est très vaste, mais montagneuse qui s'étend
malheureusement peu du côté du Laos est peu-
profonde et sujette à plée de tribus moi. Plus
l'ensablement. Plusieurs grands, plus robustes
emplacements ont dû être que les Annamites, les
écartés pour des raisons Moi sont turbulents, pil-
diverses, au fur et à me- lards, constamment en
sure qu'on les choisis- guerre. Depuis quelques
sait. Il en est résulté une années, grâce aux postes
perte de temps considé- que nous avons installés
i-able. chez eux, nous avons
A côté du port offi- réussi à empêcher leurs
ciel, un autre portsecrée incursions en pays an -
pelit appétit à Tourane, namite, incursions qui
grâce à 'la Société des servaient à leur procurer
DockseLHouillères.Cette des esclaves, des femmes
société a utilisé l'îlot de et du bétail. Il est dif-
l'Observatoire pour y ficile d'évaluer, même
édifier des magasins où approximativement, le
peuvent être déposées les marchandises débar- très inégale. Dans le Quang-Binh, le Quang- chiffre de cette population montagnarde. Quant
quées des vapeurs ou à embarquer et oùles navi- Tri, le Thua-Thien et le nord du Quang-Nam, aux Annamites, ils sont au nombre de 5 millions
res peuvent s'approvisionner de charbon. L'îlot les premiers contreforts de la chaîne annami- environ.
de l'Observatoire est relié à Tourane par une tique finissent près de la mer. C'est ainsi que la Les Chinois sont peu nombreux. Ils se consa-
route de 4 kilomètres environ. D'ores et déjà route mandarine de Hué à Tourane passe.par crent uniquement au commerce. Les plus grands
ce port rend les plus grands services à la navi- trois cols, dont l'un de 470 mètres, que celles de centres chinois sont Faifo, Phan-Tiet, Phan-
gation et au commerce. Quang-Ngai à Binh-Dinh, du Binh-Dinh; au Kang, Tu-Ya, Hué et Ben-Thuy (Nghe-An). Ils
relèvent de la justice française et sont soumis à
l'impôt de capitation et à celui des patentes.
!
qui est de 2S:20 (5 fr. environ par personne et
l'impôt foncier qui varie suivant la richesse des
Le budget de l'Annam pour i90-1 a été arrêté
à la somme de 2.412.175 piastres. On voit
depuis 1898, les impôts ont plus que doublé.que,
Administration. Justice. — La juslice indigène est rendue par
les autorités provinciales. Un mandarin, le
Depuis quelques années, l'organisation poli- Quan-an-sat. est chargé dans chaque province
tique et financière de l'Annam a été profondé- des fonctions de juge. La justice est absolument
ment modifiée. L'ancien résident général, qui, gratuite. Tous les jugements rendus sont
dans l'espèce, était surtout un plénipotentiaire, envoyés à l'approbation du Ministre de la jus-
a fait place à un Résident supérieur relevant Lice qui les soumet, après les avoir examinés
au
directement du gouverneur et du secrétaire gé- point de vue juridique, au Résident supérieur.
néral de l'Indo-Chine. Il est l'ordonnateur du Ils ne sont exécutoires que lorsque ces deux
budget local, dispose comme il l'entend du per- hauts fonctionnaires les ont approuvés. Cette
sonnel placé sous ses ordres, en un mot possède manière de l'aire, qui ofl're aux indigènes le
les mêmes pouvoirs, les mèmes attributions que maximum de sécurité, rappelle assez bien notre
les gouverneurs de nos colonies de l'Afrique organisation judiciaire et ses différents degrés.
occidentale depuis la création de l'Union afri- Sauf à fourane où il existe une justice de
caine. C'est par lui que toutes communications paix française, les affaires auxquelles sont
sont faites au roi et aux membres du Conseil mêlés des Européens et des sujets étrangers
secret, ministres de l'empire d'Annam. sont jugées par les Tribunaux consulaires, com-
En l'ail, le roi s'occupe peu d'administration. posés du Résident, président, et d'un fonction-
Il ne donne sa signature que pour la nomination naire des services civils, greffier. C'est le Pro-
des fonctionnaires indigènes, approuve les ju- cureur général de l'Indo-Chine qui a la haute
gements des tribunaux provinciaux après qu'ils main sur ces tribunaux.
ont été revus par le ministère de la justice et Garde indigène. — Dans chaque province une
prend des ordonnances chaque fois que la chose brigade de gardes indigènes commandée par un
est nécessaire pour une création nouvelle. Dans inspecteur et des gardes principaux européens
un pays aussi attaché à ses traditions, l'assenti- est chargée d'assurer la sécurité. Ces milices
ment du roi ne peut que donner une grande sont, ainsi que ledit le décret de formation, des
force à toutes les mesures d'intérêt général que forces de police mises à la disposition des Hé-
nous croyons devoir prendre. En dehors de ces sidents. Leur effectif est variable : 150 à 400
circonstances exceptionnelles, le roi laisse à ses hommes suivant les provinces. Généralement la
ministres le soin de régler de concert avec le plus l'orte partie de ces brigades demeure au
Résident supérieur tout ce qui concerne l'admi- chef-lieu. Des détachements de 15à 50 hommes
nistration de son empire. Le principe même du commandés par des gardes principaux et des
Protectorat subsiste donc en entier. Nous ne gradés indigènes occupent des postes, impor-
sommes pas des dominateurs, mais, bien au tants parleur position stratégique. C'est surtout
contraire, nous nous aidons du concours et des dans la région montagneuse, à proximité des tri-
conseils que peuvent nous fournir à l'occasion bus moi pillardes qu'on a placéces détachements.
les mandarins. Travaux publics. — Le service des Travaux
Auprès des différents ministères sont placés publics, dirigé par un Ingénieur en chef, est
deux fonctionnaires de la Résidence supérieure chargé des études de chemins de fer et des
qui sont surtout chargés de contrôler le travail grands travaux d'irrigation ainsi que de l'en-
des bureaux indigènes. Cette institution est tretien des principales routes. Quant aux Ira-
excellente. Elle donne les meilleurs résultats. vaux d'intérêt local, tels que petits bâtiments,
L'administration provinciale est confiée à des réfection des routes et des ponts, ce sont les
fonctionnaires français. Le chef de province est Résidents qui ensont chargés. En cela, la façon
toujours assisté d'un chancelier et d'un ou deux d'opérer diffère complètement de celle du Ton-
commis dont 1un est chargé de la perception. kin et de la Cochinchine où un agent des Tra-
Dans les grandes provinces, comme le Than- vaux publics est détaché dans chaque province.
lIoa, le Nghè-An, le Binh-Dinh, le nombre des Doucines el Régies. —Les Agents des Douanes
fonctionnaires est plus considérable. A côté de et Régies sont chargés d'assurer la perception
nos représentants travaillent les mandarins, au des droits dont sont trappées les marchandises
nombre de cinq ou six. Ce sont un tong-dôc ou terrains imposés. Je ne parle que pour mémoire à l'importation et à l'exportation et des droits
un tuÙn-phu, un bo-chanh, un an sât, un lanh des taxes de la Hostie sur l'alcool, le sel, le tabac, de consommation sur l'alcool, le sel... etc. Ce
binh (mandarin militaire) et un dôc-hoc (direc- l'arec et les bois, qui sont perçues par l'admi- service est placé sous les ordres d'un Inspec-
leur des études). Ces teur qui réside à rlou
mandarins ont sous rane. Une récente cir-
leurs ordres des secré- culaire le place sous
taires. En outre, dans l'autorité du HésidenL
chaque province, des supérieur.
préfets et sous-préfets Centres urbains. —
dirigentles diversescir- Une ordonnance royale
conscriptions qui la a créé, il y a quelques
composent. Ils relèvent années, des centres ur-
du résident et des man- bains à Than-IIoa,
darins du chef-lieu. Vinh, Hué, Faifo, Qui-
D'une façon générale, Nhon, Phan-Thiel. Ces
ces mandarins servent villes ont leur budget,
d'intermédiaires entre- alimenté par des taxes
la population et nous. urbaines, le produit des
Finances. — Jusqu'en marchés et abattoirs,
1898, l'impôt était perçu et par des subvcnLions
parla Cour.A cette épo- du budget local. Tou-
que, le système finan- rane, concession fran-
cier de l'Annam fut çaise, est administré
complètement remanié. par un maire secondé
C'est par nos soins que par une commission
l'impôtest perçu. Nous municipale, dont les
en demeurons proprié- membres sont choisis
taires moyennant rem- parmi les notables com-
boursement à la Cour merçants de l'endroit
de Hué de 950.000 pias- et nommés par le GOll-
tres environ, chiffre de verneur général.
l'impôt que les provin-
ces lui versaient avant Les voies de
1898. Cette somme sert
à la Cour à payer tou-
communication
tes les dépenses de
l'administration indi-
en Annam.
gène ainsi que la liste Fleuves el lagunes. —
civile du roi et des prin- Au point de vue des
ces. Ces dépenses sont voiesde communication
ellectuées sous notre contrôle. Les Annamites nistration dès Douanes pour le compte du bud- naturelles, l'Annam est plus mal partagé que le
sont astreints à nous payer l'impôt personnel get général de l'înJo-Chme Tonkin et la Cochinchine. Cela se conçoit aisé-
des fleuves se prêtent particulièrement à cette Thé. — On trouve des plantations de thé dans provinces de Bmh-Dinh, du Quang-Nam et du
culture à laquelle conviennent de préférence le Quang-Ngai, dans le Binh-Dinh et surtout dans Quang-Ngai que l'on rencontre le plus de ma-
les terres d'alluvions ou sablonneuses. C'estune le Quang-Nam, en particulier dans les huyên de gnaneries. Ces provinces fournissent des soies
culture qui exige beaucoup de soins et d'atten- Hoavan et de Ha-Dong. Depuis quelques années, et des crépons très estimés.
tion, mais qui est des plus rémunératrices. Il en raison des demandes de plus en plus consi- Le mûrier le plus répandu en Annam est un
est difficile d'en évaluer l'importance ainsi que dérables qui leur étaient faites, les Annamites arbrisseau annuel, qui atteint jusqu'à 2 mètres
le rendement, qui est variable. En dehors des se sont mis àen planter de grandes quantités et de hauteur. On le trouve dans les terrains légè-
essais tentés par les planteurs européens, l'ad- à soigner leurs théiers. C'est ainsi qu'ils ont rement sablonneux, sur les rives un peu élevées
ministration s'occupe", depuis deux ans, deJa fait des progrès très sensibles pour la taille des des fleuves. Les magnaneries sont générale-
ment situées à proximité des plantations de
mûrier. Le matériel employé par les magnaniers
est très simple quelques paniers en bambou
:
tressé, des étagères et une moustiquaire pour
défendre les vers des mouches et des insectes.
La soie filée se divise en trois qualités. La
première vaut de 60 à 80 ligatures (environ
12 piastres) les 1.500 grammes. La seconde et
la troisième se vendent entre 8 et 10 piastres.
La soie de première et de deuxième qualité est
employée par les tisserands qui fabriquent des
crépons ou des pièces de soie.
La sériciculture est susceptible, en Annam,
de grandes améliorations, tant au point de vue
du choix de la graine que de la préparation de
la soie. Depuis quelques années cependant
quelques progrès ont été accomplis, notamment
au Binh-Dinh, grâce à la présence d'Européens
qui ont fait venir de France des métiers perfec-
tionnés, et qui ont ainsi permis aux indigènes
de préparer des crépons réputés. Dans le Quang-
Nam, beaucoup de filés de soie sont achetés
par une maison française, qui les expédie à
Lyon, où on les tisse. La soie de l'Annam ne le
cède en rien à celle de Canton, qui est si estimée.
Certains la préfèrent même en raison de son
élasticité, de sa souplesse, de sa résistance.
L'exportation a du reste suivi une marche as-
cendante des plus prononcées : de 1895 à 1901
elle est passée de 390 kilos à 77.000. Il est tou-
tefois à noter que jusqu'en 1899, à cause de la
question du tabac au point de vue des améliora- arbres, pour la cueillette et le séchage des feuil- détaxe dont jouissaient à leur entrée en France
tions à apporler à cette culture et de l'écoule- les. les produits de Cochinchine, les grèges de l'An-
ment possible, en Europe, des tabacs d'Annam. En 5 ans, l'exportation de ce produit en nam étaient expédiées par Saïgon d'oùelles re-
Ues graines de tabacs étrangers tels que France a plus que décuplé. De 12 à 13 tonnes partaient comme soies de Cochinchine.
Havane, Palatinat, Kentucky, Sumatra ont été environ "elle est montée à 180 tonnes en 1900.
distribuées aux indigènes des provinces de L'année 1901 a été marquée par une baisse sen-
Quang-tri, '1hua-Thien et Quang-Nam. Des- sible de 30 tonnes. Ce léger arrêt est dû surtout Jusqu'à ce jour, les maisons françaises s'oc-
conseils leur ont éLé donnés et les expériences à la réclame faite pour les thés de Ceylan. cupant uniquement de commercer avec les in-
ont eu lieu sous le contrôle des chel's de ces Le thé revient en Annam à un prix dérisoire. digènes sont rares, mais leurs efforts ont été
provinces. Partout, les résultats ont été parti- Sa préparation n'exige qu'un matériel très peu couronnés de succès et leur exemple tend à
culièrement satisfaisants grâce aux précautions
prises et à l'emploi d'un engrais spécial. « la
martelline »... Les tabacs ainsi obtenus pos-
sèdent toutes les qualités exigées par les grandes
usines d'Europe arome, finesse, couleur, sou-
:
plesse et combustibilité!
Cette très intéressante expérience prouve que
l'Annam est un pays où le tabac vient très bien,
mais doit être cultivé et traité autrement qu'il
ne l'a été jusqu'à ce jour, si on veut l'introduire
sur les marchés d'Europe. Il n'est pas douteux
que, convenablement soigné, il ne parvienne à
être d'une vente facile et rémunératrice. La Ré-
giefrançaise, Hambourg et Anvers en achèteront
autant qu'il en sera produit.
Colon. — La culture du coton est répandue
dans tout l'Annam et principalement dans le
Nord où elle a pris depuis quelques années une
extension de plus en plus considérable. Actuel-
lement, les surfaces plantées en cotonniers sont
évaluées; à 2.500 hectares.,Le coton est utilisé
pu r'.lësl Annamites pour la fabrication de tissus
grossiers. Il donne lieu à un-commerce d'expor-
tation, qui serait plus important si une culture
plus soignée fournissait un produit de qualité
1 supérieure et si: les craintes de disette ne for-
çaient les indigènes à préférer à toute autre cul-
ture celles qui servent ,à l'alimentation. Cepen-
dant le climat et le sol de l'Annam conviennent
très bien à la culture et au développement du
coton. Des essais tentés au Than-Hoa avec des
cotonniers provenant de l'Inde.et de la Louisiane
ont donné des résultats excellents. Cèux de la
Louisiane ont donnééjusqu'àd deux récoltes. Leurs
gousses sont très belles et chaque arbre en porte
deux cents environ.
Le coton trouve facilement acquéreur en Indo- compliqué. Rendu en France, il revient à prouver qu'il y a beaucoup à faire, en Annam,
Chine, chez les indigènes et chez les filateurs 1 fr. 50 environ le kilo. Si l'on compare ce prix pour des négociants sérieux qui voudraient s'y
européens qui sont installés au Tonkin. La. con- à celui de la vente qui n'est pas inférieur à installer. Elles ont réussi, grâce à leur persé-
sommation qu'on fait de ce produit sous forme 3 francs, en gros, et qui va jusqu'au double et vérance et à leur loyauté, à entrer en lutte avec
de « filés »'ou de tissus est assez considérable au triple lorsque la vente a lieu, au détail, -on les Chinois — avantagés pourtant par leur con-
pour qu'on puisse assurer qu'une plantation comprend que les bénéfices soient considéra- naissance des mœurs et de la langue du pays
dirigée par des Européens écoulerait très lacile- bles. et à leur faire une sérieuse concurrence. La —
ment et dans d'excellentes conditions tout le Soie. — L'Annam est par excellence le pays plus importante est sans contredit la maison
coton qu'elle produirait. producteur de la soie. C'est surtout dans les Dérobert et Fiard, installée à Faifo, à Quang-
plus possible de faire de réserves et de soutenir tent bas. Ces encouragements ont pour but
qu'il, n'y a pas, ici, place pour les planteurs prise forestière et la Société vit son chiffre
euro- d assurer une production à peu près régulière d'affaires croître si rapidement et dans de telles
péens. Je crois, au contraire, que l'Annam est au et, malgré l exportation considérable qui en est proportions qu'elle n'hésita pas à porter à un
moins aussi riche que les autres pays de l'Indo- faite sur la Cochinchine où ils atteignent des million un capital qui n'était que de 500.000francs
Chine et que les Européens, commerçants prix très élevés, les chevaux continuent à ne
agriculteurs qui viendront s'y installer y auront ou au début. Actuellement elle se livre.à l'exploita-
autant de chances de réussir que parloutailleurs. pas êtr-e trop rares en Annam qui est, par tion des produits forestiers proprement dits et à
excellence, le pays producteur.
phrase de M. Doumerqui
à
Je ne puis faire mieux que de citer ce sujet
se une Enfin, il existe à Hué une école d'agriculture
la fabrication des allumettes. Pour ce, elle pos-
sède une vingtaine de bâtiments. L'outillage est
trouve dans son rap- où sont tentées les cultures intéressantes, aussi très perfectionné : il comprend plusieurs chau-
port sur la situation de Indo-Chine: ((La coloni-
1 bien indigènes qu'étrangères, avec toutes les
« sation, écrit M. Doumer, a eu en Annam,
dières et moteurs qui peuvent mettre en marche
(( depuis l ordonnance royale de 1897,
ressources de l'outillage moderne. L'école, diri- cinquante machines diverses. Les .bâtiments
un essor gée par des agents européens, comprend des sont éclairés à l 'acétylène, L'usine est reliée au
(( presque inespéré. Le nombre et l'importance champs d'essais, une jumenterie et une sorte de fleuve par un chemin de fer à voie étroite qui
(( des entreprises faites dans
ce pays est déjà ferme-modèle. sert à transporter rapidement les produits à
très important : ce sont peut-être les plus
<( L'industrie française a précédé, en Annam, la bord des bateaux.
« belles et les plus intéressantes de l'Indo- colonisation purement agricole et compte des La production de ces usines a suivi une pro-
« Chine. Les noms de MM. Lombard, de Mont- établissements de tout premier ordre, tels que gression constante. Au début elle se montait à
<(
fort, baron Pérignon, sont connus de tous. la Société forestière de Ben-Thuy (près Vinh), la 1.000 tonnes de bois par an et à 1.200 caisses
(( Les capitaux engagés par eux, les efforts Société « la Laotienne » (à Vinh) les mines d'or d'allumettes.
« intelligents qu'ils ont faits sont considérables ; de Bong Min (Quang-Nam), la Société des Docks Aujourd'hui elle s'élève à 5.000 tonnes et à
« les résultats obtenus par eux font honneur à et Houillères de Tourane, la Société du Nord de 70.000 caisses représentant environ 50.000.000
« la colonisation française. » l'Annam (distillation et vente de l'alcool, venle de boîtes d'allumettes. La Société envoie
De son côté, l'administration, il faut le recon- de l'opium etdu sel), l'usine Bogaërt à Hué, etc. France de grosses quantités d'e bois de lim, en-en
naitre, n'a rien négligé pour que l'agriculture Nous nous trouvons là en présence d'entre- tr'autres, qui arrive à lutter avantageusement
prît l'extension qu'on est en droit d'attendre prises considérables, possédant d'importants ca-
dans un pays aussi riche. Tous les ans, elle pitaux, dirigées par des hommes compétents et avec le chêne principalement dans la confection
des parquets et des boiseries. Ces bois sont,
accorde aux planteurs européens des primes pouvant figurer parmi les plus puissantes de
d'encouragement. Pour les indigènes, elle a l'Indo-Chine. Installés depuis plusieurs années, au préalable, passés à l'étuve qui les débar-
institué des concours régionaux et généraux rasse des insectes et les empêche de se défor-
ces établissements sont actuellement en pleine mer. Ces envois sont faits en Europe par un
ouverts aux principales cultures; les produits prospérité et montrent suffisamment la place navire appartenant à la Société. Quant aux
les plus beaux sont primés et de cette façon, elle qu'occupe l'Annam dans l'Union indo-chinoise. allumettes, elles sont vendues dans toute l'Indo-
entretient, parmi les cultivateurs annamites, Nous allons les passer en revue. Chine.
une heureuse émulation. La Société forestière et commerciale est L'usine occupe environ 1.000 ouvriers et fait
Dans les provinces du Sud, des dépôts d'éta- située à Ben-Thuy, port de la province du des affaires avec presque tous les marchands de
lons ont été installés. Les propriétaires indigènes Nghê-An.Cette province est une des plus grandes bois indigènes de la région. De plus, la confection
y amènent leurs juments, très nombreuses en etdesplus riches de l'Annam. Elle est séparée des boîtes d allumettes est confiée à des femmes
particulier dans le Binh-Dinh et le Khanh Hoa du Laos par d'immenses forêts où se rencon- qui trouvent ainsi le moyen de gagner, chez
où l'on s'en sert comme bêtes de bât, et tou- trent des essences très estimées dont le trans- elles, quelques sous par jour.
chent une prime à la saillie. Ils touchent égale- port sur la côte offre assez peu de difficultés. La Actuellement la Société est dans une situa-
ment une prime lorsque leurs iuments met- région était donc bien choisie pour une entre- tion très prospère. Elle a étendu son champ
La Dépêche Coloniale
' ILLUSTRÉE
29 Février 1904(4" Année). — ND4, Directeur J.-PAUL TROUILLET Bureaux : 12, Rue Saint-Georges, Paris
Adresse télégraphique : Deponiale Paris :
- Téléphone : 157-47
Lia Corée
ANÇÉÈ comme un pavillon à l'orient teur Matignon (1), donnait son nom au roi de Chemulpo, qui est le port de la capitale; Fou-
extrême de l'Asie, la péninsule de Corée Corée en guise d'investiture chaque année, une
; san, à l'extrémité méridionale de la péninsule,
forme la transition entre la masse conti- ambassade chinoise se rendait à Séoul pour en face de l'île japonaise de Kiousiou ; enfin
nentale de la' Chine et le morcellement porter le calendrier impérial, et le roi quittait Gensan, à l'est, au sommet de la concavité'qui
insulaire du Japon. On l'a souvent comparée à rapproche la mer du Japon du'golfe duPetchili,
l'Italie, dont elle aurait à peu près les dimen- D'autres puissances imitèrent le Japon ; les
sions (soit plus de la moitié de la France) et Etats-Unis, l'Angleterre, l'Allemagne en: 1882,
surtout la structure générale, avec un arc de l'Italie et la Russie en 1884 ; finalement, les ports
montagnes ouvert à l'ouest, et une côte orien- principaux de la Corée furent librement ouverts
;
tale peu hospitalière. La Corée demeure encore,
en ce début du xx" siècle, l'un des coins les
moins connus du monde c'est que, pendant
bien longtemps, elle n'a réservé aux étrangers,
surtout aux Européens, qu'un accueil des moins
au commerce de toutes les puissances ; mais
on peutdire que, sauf des exceptions peu impor-
tantes, le Japon fut le seul à en profiler. Il faut
rappeler à ce propos un incident qui remonte à
1882 : la légation japonaise de Séoul ayant été
sympathiques en 1784, des missionnaires catho-
: attaquée par le peuple à la suite d'intrigues de
liques y abordèrent cependant et firent d'assez palais, 5.000 soldats furent débarqués par le
nombreuses conversions ; mais ces succès dési- Japon dans la péninsule ; l'empereur de Gorée
gnèrent plus. particulièrement à l'arbitraire et dut payer de fortes indemnités aux personnes
aux cruautés abominables des autorités coréen- lésées et au gouvernement de Tokio; mais de
nes les prédicateurs et leurs néophytes; h di- plus, les concession- japonaises furent éten-
verses reprises, des prêtres, des chrétiens indi- dues, les coupables châtiés et le ministre japo-
gènes périrent par les plus affreux supplices ; nais désormais entouré d'une garde.
beaucoup d'autres malheureux, pour échapper Depuis lors, rassuré ou résigné, l'empe-
il ces persécutions, se réfugièrent dans les mon- reur de Corée montra moins de mauvaise vo-
tagnes de l'intérieur, qu'ils déboisèrent pour les lonté contre les étrangers; il acheta des armés,
mettre en cultures. des munitions, même des instruments de cul-
- 1
*
qu'elle n'est pas si en retard qu'on le prétend et fenêtres sont comme au Japon garnies de fut tué le premier roi de la dynastie actuelle. Il
sur l'Europe. Mais cela n'empêchera ni l'Eu- papier; Les Coréens sont cependant gens y a une tache sur une des dalles et les Coréens
rope ni le Japon de s'inspirer d'autre chose que modernes pourle chauffage, Ils paraissent même déclarent qu'elle provient du du roi tué là
de la justice pour disposer de la Corée sans le être les inventeurs du sang
calorifère, car ils chauffent il y a plus de cinq cenls ans. La nuit qui suivit
consentement de ses habitants. leursmaisonspar lesoUs-sol, àFaidé de conduits l'assassinat, un bambou s'éleva à l'endroit
de fumée qui passent sous l aire du plancher. maculé parle sang; ce bambou tellement
poussa
Fflsan, située à l'extrémité nord-est de la fort qu il dépassa bientôt le bambou le plus
Corée, se compose d'une concession japonaise élevé des forêts ; mais il ne cessa cependant
Dans le livre que nous citons plus haut, et d'une ville indigène. de pas
encore croître. A la fin, lorsque la cime attei-
M. de Pimodan nous donne quelques aperçus On s'intéressera à la description de cette ville gnit le ciel, les branches continuèrent à s'élever
pittoresques sur le pays, notamment sur deux qui sera sans doute le théâtre d'événements jusqu'à ce que le bambou, racines et tout, eût
villes qu'il a visitées en 1897: Gensan et Fusan. importants. disparu. C'est à la suite de cet étrange événe-
La description de ces deux villes peut don- La concession, nous apprend le commandant ment que le pont est nommé Pontdu Bambou
ner une idée assez exacte de ce qu'est au de Pimodan, peuplée de cinq à six mille Japo- sacré ». Une tablette en marbre «
qui est érigée
point de vue spécial des mœurs l'ensemble du nais, quelques Chinois et quelques Européens, dans une maisonnette attenante donne la
est située au pied de pittoresques monticules légende. en
pays, car le commandant de Pimodan, fonc-
tionnaire, attaché militaire, s'est absolument couverts de pins qui s'avancent dans le fond Entre les années 918 et 1392, les moines
interdit dans son ouvrage toute considération d'une belle rade arrondie. bouddhistes furent en grande faveur à la cour.
de nature politique : La ville indigène, beaucoup moins grande On raconte une bonne histoire du moine Hyen-
Gensan ou Kunsan a été ouvert au commerce que Gensan, paraît encore plus pauvre, mais est Chi qui, ayant déplu au roi à la suite de ses
japonais en 1880 et à celui de toutes les nations curieuse par son vieux port, ses murailles crou- nombreux méfaits, inventa le miracle suivant
en 1883, mais en 1897, en dehors des missions lantes, sa citadelle ruinée d'où la vue s'étend afin de regagner son prestige perdu.
Une nuit, pendant que tout le monde était mais néanmoins Lrès répandu. Ils sont excessi- ils n'ont pas le loisir d'être gourmets. Leur
profondément endormi, il creusa, vis-à-vis de sa vement bavards ; tout est occasion de palabres pitance ne comporte aucune variété. La nourri-
porte, un trou dans lequel il déposa un tonneau interminables : ils sont paresseux, laissent de ture animale est rare. Ils utilisent leurs bœufs
de fèves et sur lesquelles il plaça une statuette préférence tra\ailler leurs épouses. Il faut trois et vaches comme des animaux de bât et de trans-
de Bouddha en or, la couvrant tout juste d'assez
de terre pour la soustraire à la vue.
Coréens pour faire la besogne d'un Japonais.
Aussi la pratique de la paresse les a-t-elle effé-
la
port, chair en est donc peu savoureuse; ou
bien ils constituent un objet d'exportation pour
Le lendemain matin, lorsqu'il paru t à la cour, minés et sont-ils beaucoup moins vigoureux que le Japon ou la Chine. Ils n'utilisent pas le lai-
tage, d'ailleurs peu abondant, de leurs vaches ;
comme chez les Chinois, boire dulaitest consi-
déré comme une malpropreté.
La seule nourriture animale usitée est le pois-
son cru ou fumé. Néanmoins les Coréens sont
trop paresseux pour exploiter les immenses
ressources que pourraient donner les réserves
poissonneuses de leurs fleuves et de leurs côtes.
Ils laissent cela aux Japonais et aux Chinois.
Ils mandentpresqucexcinsivement duriz bouilli.
Parfois ilsy ajoutent quelques légumes, navets.
feuillesde plantain etde fougères, choux chinois,
Le Coréen ne travaille que pour ses besoins
immédiats ; pas de grandes réserves alimen-
taires chez lui ; aussi la famine désole-t-elle sou-
vent le pays. Il existe comme en Chine des mai-
sons de thé où l'on peut se procurer quelque
nourriture, le plus souvent des gâteaux de riz
bouilli. Il y a loin toutefois de ces huttes sor-
dides aux splendides restaurants où le Céleste,
gourmet délicat, se fait servir de trente-cinq à
quarante plats raffinés et de haut goût.
Organisation politique.
D'une superficie d'environ 220.000 kilomè-
tres carrés, y compris les îles, soit à peu près
l'élendue dela Grande-Bretagne, 'i'une popula-
il
tion estimée tanlôt six millions, tantôt au triple,
ce quidénole unecerlaineanarchiedans uri pays
autrefois doté d'unministère spécial du recense-
ment, soumise à plusieurs climats, ce qui expli-
que en partie la difficulté d'administrer le pays,
la Corée est gouvernée par un monarque ab-
solu, assisté jusqu'en ces dernières années de
deux ministres principaux, lp. ministre de la
il annonça qu'il venait d'avoir une révélation Chinois et Japonais. Les femmes ont l'aspect Droite et celui de la Gauche et d'une mulLitude
qui lui avait, appris que s'il arrosait le terrain plus solide que leurs seigneurs -et maîtres. de conseillers et de fonctionnaires.
devant sa porte, Bouddha sortirait de terre. Une L'ivrognerie est un vice que les nations occiden- Le souverain actuel porte le surnom deYi,
l'oule se réunit, il arrosa le terrain à chaque tales n'auront pas la peine d'importer en Corée; comme tous ses prédécesseurs en souvenir du
heure; les lèves commencèrent à s'entler, la il y a depuis longtemps droit de cité. On sy fondnteur de la dynastie qui compte 513 ans
slatueLLe de Bouddha força graduellement son enivre avec du vin et de l'eau-de vie de riz; d'existence. Il est d'ailleurs défendu de pro-
chemin à travers lu légère couche de terre et l'ivresse n'y cause pas scandale et il est reçu et noncer ce nom sncré et les ministreseux-mêiries
les spectateurs se prosternèrent. admis qu'un haut mandarin roule sous la table du souverain ne lui parlent que prosternés de-
Les fonctionnaires sont très nombreux, ils
forment le cinquième de la populalion adulle.
Etre fonctionnaire à la solde du gouvernement
est l'ambilion suprême du Coréen : c'est peut-
être le seul point de ressemblance qu'il ait avec
le Français,si l'on en croit les mauvaiseslangues
qui prétendent qu'en tout Français il y a un
budgélivore qui sommeille. Les hauls fonction-
naires sont recrutés dans une aristocratie de
naissance, les « Yang Ban », pour lesquels tout
travail autre est interdit et constitue une
déchéance. Mnis la seule naissance ne donne pns
droit aux honneurs. Nul ne peut aspirer à des
E laces qui sont supérieures à son rang dans la
hiérarchie sociale (il y a huit casles), mais les
honneurs ne sont répartis qu'entre les plus
instruits, qu'entre les leltrés. Le mandarinat
existe comme en Chine; tout aspirant fonclion-
naire doit se soumettre, au concours. Bien plus,
le fait pour un gentilhomme de ne pas réussir
à passer l'examen d'admission aux fonctions
publiques, le fait déchoir de sa noblesse si son
père a eu le malheur de se trouver dans le même
cas. Le cancre héréditaire est exclu de l'aristo-
cratie. Toutefois, cela est surtout théorique :
sea, une expérience préliminaire pour vérifier pas il l'appliquer sur le conducteur. Ce pro- de l'exploiter pendant, une périodede dix années,
si son projet était, pratique et télégraphia d'un blème fut résolu de 1846 à 1848. mais à condition qu'il exécuterait les travaux en
marin, dont la longueur ne devait pas avoir moins gutta-percha et enveloppé de toile goudronnée. tionale on décida que le Niagara partirait d'Ir-
de 2.000 milles. Le revêtement extérieur était composé de dix- lande en filant la première moitié du câble et
Ces expériences furent faites d'abord par huit fils de fer d'un millimètre de diamètre. Le que VAgamennon continuerait et achèverait la
M. Witehouse, dans l'atelier de M. Newal, à poids d'un mille était de 1.800 à 2.000 livres. pose, en sorte qu'un navire américain aurait
l'honneur de poser le câble sur le rivage anglais
et qu'un navire anglais aurait celui d'apporter
aux cousins d'Amérique l'autre extrémité de la
ligne.
Les Anglais avaient, tenu que VAgamennon
portât exactement la moitié du câble tout
Greenwich, puis à Londres, dans la nuit du Le câble entièr avait coûté 4.473.000 francs. comme la frégate américaine, qui était d'un
9 octobre 1856. Pour cette dernière, on avait Dans le courant de juin 1857, ce câble fut. plus fort tonnage. Amour-propre bien mesquin
réuni bout à bout des fils souterrains et sous- chargé sur deux grands navires: VAgamennon, qui faillit avoir les conséquences les plus graves
marins, appartenant à diverses Compagnies vaisseau de ligne de 3.200 tonneaux, mis à la dans l'expédition suivante.
anglaises, de façon à obtenir une longueur de disposition de la Compagnie par l'Amirauté bri- La flottille, composée des deux grands vais-
2.500 milles. En faisant traverser au
courant cet immense circuit, on ob-
tint des signaux distincts, à raison de
210 à 240 par-minute.
En 1856, les lignes américaines
dont nous avons parlé plus hautétaient
représentées par un stock de 300 000
livres en actions de£25 ou 500 francs.
Ces actions étaient tombées à 10 pence
(1 franc). Des spéculateurs américains
en ramassèrent le plus possible dans
ces prix. Le principal d'entre eux,
Cyrus Field, vint en Angleterre et or-
ganisa une nouvelle Société pour po-
ser un câble, de là côte de Terre-Neuve
à -la côte d'Irlande, faisant suite aux
câbles qui rattachaient Terre-Neuve
au continent américain. Ils ménagè-
rent entre cette Société et la Com-
pagnie des « Lignes de Terre-Neuve »
un arrangement suivant lequel celle-
ci devait avoir le tiers du prix des dé-
pêches. On écoula ensuite les actions
au pair sur la place de Londres.
Cette seconde Compagnie prit le
nom de A liantic Telegraph Company
et fut constituée au capital de 8 mil-
lions 750.000 francs, divisé en 350 ac-
tions de 2.500 francs ; elle prit pour
ingénieur M. Bright et pour physi-
cien M. Witehouse.
La distance entre les deux points
extrêmes, Valentia et Trinity-Bay, est
de 1.834 milles ; on avait effectué des
sondages le long de la route que le
câble devait suivre, et on avait re-
connu que le fond de la mer forme
une sorte de plateau sablonneux très
favorable pour l'immersion d'un con-
ducteur.
Le câble fut achevé vers le mois de
juin 1857; en plus dès 1.834 milles
nécessaires, on avait préparé 600.milles pour tannique, et le Niagara, frégate à vapeur de seaux portant le câble et de quatre petits na-
parer à toutes les éventualités.
Le conducteur était formé de plusieurs fils de
cuivre réunis en faisceau, il était entouré de
américain....
5.000 tonneaux, appartenant au gouvernement
Par un sentiment de haute courtoisie interna-
vires, quitta le port de Cork (Irlande), où elle
s'était réunie, et se rendit à la baie de Valentia,
point du continent européen le plus rapproché
.
était heureusement repêchée, ressoudée, pro- de parler, ont été construits en France, par des capitalistes anglais, ces derniers ont fait con-
longée jusqu'à Terre-Neuve, ce qui fit deux câ- usines françaises, et posés par des bâtiments tinuer les essais et, grâce à l'énergique di-
bles pour la Compagnie Anglo-Américaine, français aidés cependant par des navires anglais.
En 1868, le gouvernement français autorisa rection de quelques hommes d'élite, ils sont
Le câble anglo-américain de 1865 cessa de arrives, peu à peu, à constituer les premiers
deux étrangers, MM. Reuter et Erlanger à poser fonctionner le 11 mars 1873 et ne put être ré- conducteurs qui ont formé comme les assises
une ligne télégraphique entre Brest et Saint- paré. Celui de 1866, après avoir fait défaut en du vaste réseau actuel.
Pierre et Miquelon, qu'une autre ligne devait 1874 a été réparé, et donna des communications
rattacher au continent américain. L'île fran- On ne peut évidemment pas discuter le droit
jusqu'au 13 janvier 1877. Ces deux câbles ont qu'a tout pays de faire poser des câbles télégra-
été remplacés, des compagnies nouvelles ont phiques entre ses possessions, quelle que soit la
été créées, de sorte qu'en ce moment
les relations télégraphiques de l'Eu-
rope avec l'Amérique du Nord sont
assurées par six Compagnies dispo-
sant de 14 lignes, savoir: Compagnie
française, 2 câbles; Ang/o-Amel'Ù'(fll
C y, 4 câbles; Direct-Câble Cil, 1 câble;
Commercial-Cable Cij, 4 câbles ; "-es
fern-Union, 2 câbles ; Compagnie
Allemande (Emden, Açores, New-
York), 1 câble (1).
La Méditerranée, la mer Rouge,
l'Océan Indien, les mers de Chine et
du Japon, sont aussi et depuis long-
temps sillonnées de câbles qui forment
d'immenses festons le long des côtes.
Le Pacifique seul était respecté; un
chaînon manquait pour que la cein-
ture électrique du globe l'fil complète.
Le dernier anneau de ce chaînon a
été soudé, l'an dernier, aux îles Fidji.
Plus récemment encore, un autre câ-
ble a été posé de San-Francisco à
Manille. A l'heure actuelle, 440.000
kilomètres de fils sous-marins relient
entre eux tous les continents et une
grande partie des îles qui constituent
l'univers civilisé, 80.000kilomètres de
taise, à notable distance des Etats-Unis, appa- ces lignes sont exploités par les administrations distance qui les sépare. La Grande-Rretagne
rut comme une ressource pour diviser le câble télégraphiques; l'autre partie, de beaucoup la n'a donc fait qu'user de son droit naturel en re-
en deux sections et aussi comme un expédient plus, importante, est la propriété de 30 compa- liant entre eux un grand nombre de points du
précieux pour éviter le tribut de 33 0/0 payé gnies privées dont 20 ont leur siège à Londres, globe qui sont soumis à sa domination.
par les câbles existants aux lignes de terre dé- 4 à New-York, 2 à Buenos-Ayres, 2 à Cologne, Jusqu'à ces dernières années, l'industrie des
nommées ligne de « Terre-JXeuve » dont. nous 1 à Copenhague et
une autre à Paris. câbles s'est à peu près localisée en Angleterre
avons parlé précédemment. Situation de l'Angleterre. comme conséquence normale du besoin que
La Compagnie, au capital de '25 millions, de- les Anglais avaient de correspondre avec les
vait avoir son siégea Paris. Le nouveau câble Nous avons vu que c'est à l'Angleterre que autres pays et avec leurs colonies. C'est la si-
fut construit en A-ngleterre de la même
manière que celui de 1866 et posé en
1869 par le Grecit Eastern accompagné
du Chiltern, du Hawk et du Scandernia,
Sir S. Canning avait la direction supé-
rieure. MM. Clark et Forde étaient les
ingénieurs de la Compagnie transa-
tlantique française; le Great Ecistern
était sous le commandement du capi-
taine H alpin.
La Compagnie avait en France un
monopole d'atterrissement de 20 ans.
Mais l'autorisation américaine n'était
pas régulière et quand le Clzillern VOll-
lut atterrir le câble qui devait relier
Saint-Pierre à Duxbury, il fut signifié
au représentant de la SociéLé que 1'011
s'opposerait de force au débarquement,
du câble s'il ne s'engageait pas, au nom
de ladite Société, aux conditions que
pourrait, lui imposer le Congrès. La
Compagnie dut céder devant ces me-
naces. Le Congrès américain vota en-
suite un bill déclarant que toute au-
lorisalion d'aLterrir serait refusée à une
Compagnie étrangère si une Compagnie
américaine ne pouvait atterrir, à son
tour, sur la terre d'où venait le premier
câble. La Société française fut ainsi
forcée de renoncer à son moiiol)ole. Le
câble français ne tarda pas à être acheté
par la Compagnie anglo-américaine.
Quelques années plus tard, une nou-
velle Compagnie française fut consti-
tuée au capital de 40 millions sous la
présidence de M. Pouyer-Ouertier. Le
câble fut fabriqué en Angleterre par
la maison Siemens, de Londres, et posé
en 1879, par le vapeur télégraphique
le Faraday qui lui appartenait. La
ligne part de Brest, touche également
à Saint-Pierre et Miquelon et aboutit au cap revient évidemment l'honneur d avoir constitué, tuation insulaire de la Grande Bretagne qui a
Cod (Etats-Unis). Elle appartient actuellement à par l effort puissant de capitaux, la persé- naturellement amené dans le Royaume-Uni la
la Compagnie française d's câbles télégraphi- vérance eL l'habileté de ses
ses spécialistes. la ma- création de cette industrie spéciale dont pen-
ques. Cette société, la seule du genre que nous jeure partie du réseau de câbles qui dessert dant de longues années tous les autres pays,
ayons en France, possède un réseau assez 1 'unl%,ei-s. Malgré l'insuccès des premières ten- même ceux qui possèdent des réseaux sous-
étendu dans l'Atlantique. Un point important à tatives, malgré des pertes très importantes qui marins, ont été les clients un peu forcés. De
remarquer est que tous les câbles qu'elle ex- ont été supportées presque en totalité par les puissantes compagnies anglaises se formèrent,
ploite, sauf celui de 1879, dont nous venons 1) Une deuxième ligne est en construction. qui mirent en coupe réglée les océans, les
k.
mers, les détroits, les golfes qui séparent les The Electrician faisait remarquer à ce sujet que fut fortement blâmée en haut lieu. « Le gouver-
continents, les pays et les îles. Différents gou- le temps employé par la reine pour traverser nement de Sa Majesté, écrivait lord -Ripon, le-
vernements, tels que les gouvernements russe, la métropole avait suffit pour transmettre ce 3Q août 1893, ne-peut qu'envisager avec regret
turc, hellénique et italien ont été obligés, pour message aux parties les plus éloignées de l'em- l'action du gouvernement de. Queensland et. de
leurs communications d'Etat, de louer à ces pire, pour le remettre aux destinataires et rece- la Nouvelle-Galles du Sud. Elle implique un
compagnies anglaises des lignes dont elles cè- voir leur réponse. abandon des principes de cohésion coloniale, un
dent l'usage moyennant finance, mais qui leur 2° Lorsque Li-Hung-Tclfang alla visiter les oubli des intérêts de l'empire, qui ont occupé
appartiennent toujours. grands ateliers de la Telegraph Construction and
Le réseau anglais s'étend une place si importante dans les discussions de
avec une sûreté et Maintenance Co, à Greenwich, on put, expédier la conférence de 1887 ; de plus, elle paraît dimi-
une méthode qu'on peut regretter, mais qu'il en Chine (23.350 kilom.) un télégramme de nuer ]es)f chances d'obtenir l'appui de ces colo-
86 mots en deux minutes et de- nies dans la pose d'un futur câble transpacifique
mie et avoir la réponse au bout sous un contrôle purement britannique. »
de sept minutes et demie - ftinsi ramenés à l'ordre, les gouvernements
3° La mort de la reine Victo- australiens se sont inclinés ; le câblede la Nou-
ria, survenue le 22 janvier 1901. velle-Calédonie est resté à l'état de tronçon,
à 6 h. 45 du soir, fut connue simplement utile pour la colonie française.
22 minutes plus tard, à Geor- Quant aù câble anglais du Pacifique, un autre
getown (Guyane anglaise). itinéraire lui a été tracé daiis les. conférences
4° Les journaux anglais nous réunies à OLIawa et à Londres en 18.97 et ]899.
signalent en, ce moment qu'un 11-part de Vancouver et va d'un bond jusqu'à
match très curieux vient d'avoir la petile île anglaise de Fanning; il y a là 5.995
lieuentre la Eastern telegraph Co kilomètres d'un seul tenant, c'est-à-dire la plus
et la New Pacific Line, deux grande longueur immergée jusqu'à ce jour. De
compagnies de câbles importan- "Fanning, le câble va toucher l'archipel"Fidji, à
tes. Des deux bureaux des deux l'île Souva, puis il se dirige surl)I.e-dè Norfolk,
compagnies à Sydney, on a où il se bifurque ,d'une part.sur Brisbane, de
transmis, à six heures du soir, l'autre sur la, Nouvelle-Zélande}. D'après la for-
un message identique donnant
les résultats du criquet match
mule recommandée par' la conférence de Lon-
dres, cet immense ruban appartient aux gouver-
qui se disputait dans cette ville. nements de Londres, dù Canada, de l'Austratie,
Treize minutes après que ce et de la Nouvelle-Zélande. La compagnie qui l'a
message fut remis à l'employé posé l'exploitesous le contrôle d'une commis-
du bureau de l'Eastei,n tele- sion où ces divers gouvernéments sont repré-
graph Co, à Sydney, ce même sentés. Cette ligne est ouverte au trafic depuis
message fut remis à son adresse le 8 décembre 1902.
à Londres. L'autre compagnie En résumé, on peut dire que les nouveaux
l'a délivré en quatorze minutes câbles de l'Angleterre atterrissent partout en
à son adresse, à Londres, après territoire anglais, car à Madère et à Saint-Vin-
réception à son bureau à Syd- cent, possessions du Portugal, les Anglais Font
ney. C'est un record important bien les maîtres. Par suite, ces câbles sont par-
dans le trafic télégraphique. La tout sous le contrôle du gouvernement anglais
distance de Sydney à Londres et des gouvernements coloniaux; ainsi, est très
est de 19.300 kilomètres. nettement marqué le caractère impérial de
Il y ar quelques années seule- l'œuvre.
ment, lorsque la Grande-Breta-
est difficile de ne pas admirer. Toutes les nations
sont tributaires de l'Angleterre et sont obligées,
gne voulait télégraphier à ses possessions des
Indes et de l'Australie, elle était obligée d'em-
Situation de la France.
sauf quelques exceptions, de lui confier la trans- prunter des lignes aboutissant à différents En face de l'immense réseau anglais, si bien
mission de leurs télégrammes. Il en résulte pays étrangers. Or, en temps de guerre, ces pproprié aux besoins de la paix et de la guerre,
aussi que non seulement ses territoires colo- lignes auraient pu lui faire défaut. Aussi lu commerce et de la politique, quels résultats
niaux forment un bloc, mais qu'elle enserre s'esl-elle préoccupée de relier ses principales louvons-nous dresser à notre tour ? S'il esttou-
encore dans un immense réseau toutes les co- colonies par un réseau, dit réseau impérial, ours vrai que c'est à Paris que M. Brell trouva
lonies des autres peuples. Nous verrons plus composé de câbles en eau profonde et n'atterris- 'our l'aîné des câbles le concours que Londres
loin que, non content des avantages qu'il tire sant qu'en des territoires
de cette situation, le gouvernement anglais en britanniques. OEuvre
a souvent abusé pour servir ses intérêts, au grandiose qui est aujour-
détriment de la courtoisie internationale et des d'hui à peu près ache-
égards qu'il devait aux autres puissances. vée.
Ce gouvernement, ainsi que les compagnies La côte de Cornouail-
de télégraphes, ont montré dans l'établissement les est reliée au Cap par
de leurs réseaux sous-marins un sens prati- un câble qui ne touche
que, une prévoyance et un esprit politique qu'aux îles Madère,
indiscutables. Ainsi, les cahiers des charges Saint-Vincent, Ascen-
portent cette quadruple condition 1° que les
:
sion et Sainte-Hélène,Au
compagnies de câbles ne devront pas avoir Cap,les télégrammes em-
d'employés étrangers; 2° que les fils ne passe- pruntent les lignes ter-
ront dans aucun bureau étranger et ne pour- restres. Puis, de Durban
ront être sous le contrôle d'aucun gouvernement (Natal), part un autre câ-
étranger; 3° que les dépêches du gouvernement ble qui passe aux îles
impérial et colonial auront la priorité lorsqu'elle Maurice, Rodrigues et
sera demandée ; 4° qu'en cas de guerre, le gou- des Cocos, et aboutit en
vernement pourra occuper toutes les stations Australie à Perth et à
en territoire anglais ou sous le' protectorat de
l'Angleterre et se servir du câble au moyen de
Adelaïde.Lasecondepa f-
Lie du réseau impérial
ses propres employés. comprend un câble trans-
Voici quelques exemples, exemples pris en pacifique qui relie l'Aus-
pleine paix, de l'organisation de la télégraphie tralie au Canada-
sous-marine anglaise. Il est intéressant de
IoLe message adressé nu peuple anglais à l'oc- remarquer qu'à l'origine,
casion du jubilé de l'impératrice Victoria a été les promoteurs de cette
immédiatement réexpédié télégraphiquement à entreprise avaient songé
toutes les colonies de 1 empire britannique. A à se servir de la Nou-
un signal convenu à l'avance, les transmissions velle-Calédorne comme
avaient été interrompues sur les lignes de la point d'atterrissement
Cie Eastern telegraph et de toutes les compa- intermédiaire. La Nouvelle-Calédonie, en effet, lui refusait, que de chemin parcouru depuis par
gnies anglaises qui s'y rattachent, de manière estsurla ligne directe de l'Australie au Canada, nos voisins! Pendant que la capitale de l'empire
à dégager complètement ces lignes. Le message et c'est dans cette pensée que fut concédée, britannique est devenue le formidable point de
quitta Buckingam-Palace à Il h. Il. A Il h. 44 à la Compagnie française des câbles télégra- jonction et l'aboutissement final de tous les fils
on recevait la réponse de Hong-Kong; puis phiques la pose et l'exploitation du câble qui télégraphiques qui réunissenl les diverses par-
arrivaient successivement celles du Cap, de relie Bundaberg (Queensland) à Ouaco (Nou- ties du globe, la France est sur presque tous
Maurice, de Sierra-Leone, de Gibraltar, des velle-Calédonie). Mais cette initiative des gou- les points du monde tributaire des compagnies
provinces d'Australie, de Zanzibar, etc. ; la der- vernements de Queensland et de la Nouvelle- anglaises. C'est ainsi que l'on a pu dire et avec
nière, celle de Brisbane, parvenait à 1 h. 18, Galles du Sud, qui n'avaient pas craint de sub- raison, « que toute la période difficile de noire
c'est-à-dire 2 h. 17 après l'envoi du message. ventionner une ligne touchant enterre française, histoire coloniale de ces vingt dernières années
s'est déroulée sous ce régime paradoxal : les une interruption regrettable. Il-faut remarquer à Oran et de là à Tanger; trois câbles de Mar-
renseignemeritsjles plus confidentiels, les ins- que nous disposons, dans cette partie de l'Afri- seille à Alger et un câble de Marseille à Tunis.
tructions de la nature la plus délicate circulant que, d'un réseau aérien assez entendu. Ceréseau, De plus, l'Algérie et la Tunisie sont en commu-
de Paris en Indo-Chine, au Soudan, à Madagas- construit au fur et à mesure de la conquête par nication par de nombreux fils aériens.
car, par les soins de ceux mêmes- qui suivaient nos dévoués collègues coloniaux, met en com- Les deux câbles de Marseille à -Bône, qui
notre Dolitiaue en ces contrées avec la curio- munication par voie de terre, et de terre fran- appartiennent à la Compagnie anglaise Easlern
sité la plus^passionnée. » Quel est
donc l'état actuel de nos commu":
nications télégraphiques sous-ma-
rines avec les étrangers et avec
nos colonies ?
Mer du Nord. £ Deux câbles
appartenant à la Grande Compa-
gnie des télégraphes du Nord (com-
pagnie dite danoise) relient Calais
à Fano (Danemark). Ces câbles,
prolongés jusqu'à Libau (Russie),
servent pour nos communications
avec nos possessions d'Extrême-
Orient.
Manche. — Huit câbles sont la
propriété commune des,gouverne-
ments français et anglais qui les
exploitent. Nous y trouvons cepen-
dant un câble du Havre à Beachy
Head, appartenant à la Compagnie
Anglo-American^ 'un 26, du Havre
à Waterville (Irlande), qui appar-
tient à la Compagnie Commercial
cable, et un 3e, de Brest à Penzan-
cè, lequel est la propriété de la
Compagnie française : Ces trois câ":
bles ne sont employés que pour la
transmission des télégrammes à
-
destination de l'Amérique.
Océan Atlantique. — Les com-
munications télégraphiques de la
France avec-l'Amérique du Nord
sont assurées par une ligne qui'
part de Brest, touche à Saint-Pierre
et Miqùelon et aboutit d'un côté
au cap Canso (Nouvelle-Ecosse),
de ;l'autre-au cap Cod, près Boston.
Il y a lieu de remarquer que cette
ligne, qui appartient actuellement
à la Compagnie française, a été
posée en 1879 par les Anglais qui
en connaissent le tracé aussi bien
que nous. Une autre ligne appar-
tenant à la même compagnie et
mise en exploitation le 1er jan-
vier 1899, relie directement Brest
au cap Cod et le cap Cod à New-
York.
La ligne New-York-Ilaïti est as-
sez difficile à définir. Est-elle fran-
çaise ou américaine ? Elle appar-
tiendrait à une société américaine
de nom afin de satisfaire aux con-
ditions imposées par le gouverne-
ment des Etats-Unis. Cette ligne,
construite en France et posée en
1896 par -la Société induslrielle des
téléphones, appartient à la Société
United States' and Hayti telegraph
and cable company, dont le siège
est à New-York. Le conseil d'admi-
nistration est présidé par le prési-
dent du conseil d'administration
de la Compagnie Commercial cable.
D'autres câbles appartenant à la
Compagnie française relient Haïti
à Cuba, Saint-Domingue au Vene-
zuela et PUertÓ-Plata il. la Martini-
que, avec embranchement de la
Martinique à la Guadeloupe, à Ma-
rie-Galante, aux Saintes d'une part,
à Paramaribo d'autre part, avec
prolongement sur Cayenne et Para
(Brésil).
Les télégrammes pour toutes nos
.possessions de la côte occidentale
d'Afrique sont transmis par fil
aérien jusqu'à Cadix, puis par le
câble espagnol de Cadix à Téné-
riffe et enfin par le câble posé de ce dernier çaise, Saint-Louis avec Conakry par Kayes ou telegraph, ne sont pas employés pour nos 'rela-
point par la Compagnie anglaise Spanish natio- Kita, avec Grand-Bassam par Koury et de ce tions avec nos possessions de l'Afrique du Nord.
nal avec le concours financier de la France. dernier point avec Cotonou. Il y a là plus de Océan Indien. — Sur les côtes orientales
Cette ligne qui appartient au gouvernement 8.000 kilomèlres de fils qui servent au trafic de d'Afrique, nous trouvons le câble d'Obock à
français est exploitée par ladite compagnie, colonie à colonie. Ils ne sont pas utilisés pour Périm exploité par la Cie Eastern et deux câbles
Au delà de Saint-Louis, nous trouvons les les relations internationales. appartenant au gouvernement français l'un :
câbles de Dakar à Conakry, de Grand-Bassam Méditerranée. — Dans la Méditerranée, d'Obock à Djibouti, l'autre de Mozambique à
à Cotonou et de Cotonou à Libreville qui viennent l'Etat possède deux câbles qui unissentla France
d'être rachetés par l'Etat à la 1Vesl African tele- à la Corse ; deux câbles qui unissent la Corse à
Majunga (Madagascar), Mais pour arriver à ces
tronçons de câble, il faut avoir recours à la jouis-
graph C". Il y a là de Conakry à Grand-Bassam l'Italie et à la Sardaigne; un câble de Marseille sante compagnie anglaise Eastel'n,C'est encore à
elle que nous devons nous adresser pour réparer notre réseau colonial au réseau de la Grande tons les dividendes payés aux actionnaires des-
les câbles précités. Service très onéreux et Compagnie des Télégraphes du Nord et de là dites compagnies par des bénéfices que celles-ci
fort aléatoire. aux lignes russes de la Sibérie. tirent de la clientèle française d'outre-mer et
Océanie. — La Nouvelle-Calédonie est reliée Il faut cependant remarquer que nous avons
à l'Australie par un câble appartenant à la par des subventions importantes payées direc-
quand même recours à une compagnie étran- tement par notre gouvernement pour la pose et
Compagnie française et posé en 1893 de Ouaco gère et que cette compagnie a des relations pour l'exploitation de certaines lignes.
Ainsi le câble Ténérifle-Saint-
Louis a été posé par la Spanish
national lelegraph (Cie anglaise)
moyennant une subvention de
11700.000 francs.
Pour les lignes Conakry-Grand-
Bassam et Porto-Novo-Libreville,
il a été, jusqu'à leur rachat, alloué
à la Wesl African telegraph (Cie
anglaise), une subvention annuelle
de 300.000 francs.
Le câble Obok-Périm est exploité
parl'Eastern lelegraph (Cie anglaise)
moyennantune subvention annuelle
de 37.500 francs.
Le câble Cap-Saint-Jacques-H ué
Hué-Haïphong est. exploité par le•
service colonial de l'Indo-Chine,
mais nous payons à 'Eàilei,n Ex-
tansion (C'u anglaise) une subven-
tion annuelle de 265.000 francs.
Telle est notresituation. La télé-
graphie sous-marine est comme un
vaste monopole entre les mains
puissantes de l'Angleterre. L'in-
convénient de cet état de choses
peu t .n'être pas très grave en temps
ordinaire et en ce moment surtout
où « l'entente cordiale » - règne
entre les deux pays. Mais qu'il y
ait une tension subite dans leurs
relations? Qu'une guerre survienne
entre les deux nations? Nos télé-
grammes seraient arrêtés et voilà
nos navires et nos administrations
coloniales sans nouvelles, sans
instructions précises, séparées de
la mère-patne par des milliers de
lieues, abandonnés à leurs propres
forces.
On peut remarquer que cette
situation n'est pas spéciale à la
France, car les autres nations
n'échappent pas non plus au mono-
pole anglais. Mais en France, le
péril est plus grand, en raison de
nos intérêts politiques et commer-
ciaux presque toujours en opposi-
tion et en lutte avec ceux de nos
voisins d'outre-Manche.
Dans tous les cas, la Grande-
Bretagne peut réaliser à i-on profit
le « blocus télégraphique .». Elle a
d'ailleurs souvent abusé de sa si-
tuation privilégiée et les compa-
gnies anglaises ont rappelé, à main-
tes reprises, par un sans-gène bien
fait pour indisposer les puissances,
que la transmission des câblogram-
mes est soumise à leur bon plaisir.
L'histoire de ces dernières années
nous en fou l'nit de nombreux exem-
pies, notamment pour la France.
En 1870, la notification de la
déclaration de guerre ne fut trans-
mise à l'escadre française d'Ex-
trême-Orient qu'après avoir été
communiquée aux navires de com-
merce allemands, à ce moment dans
les ports chinois.
En 1885, pendant l'expédition du
Tonkin, l'Angleterre, qui s'était
procuré la clef du chiffre employé,
avait connaissance de toutes les
dépêches de l'amiral Courbet avant
le ministère français. C'est ainsi
que l'incident de Langson fut télé-
graphié de Londres à l'ambassade
anglaise à Paris, avant d'être connu
à Bundaberg, près de Brisbane. Là, et même assez étroites avec la compagnie anglaise voi- du gouvernement français. En 1888, un télé-
plus que partout ailleurs, nous sommes tribu- sine. gramme du Congo, au roi des Belles, à propos
taires dp, l'Angleterre puisque nos télégrammes Aucun câble, même étranger, ne relie l'Europe de l'expédition Stanley-Emin-Pacha, fut com-
traversent toute l'Australie. aux Comores. à la Réunion et aux établissements muniqué à la presse anglaise par les employés
Indo-Chine, — Pendant longtemps et jusqu'à français de l'Océanie. du bureau de San-Thomé, avant d'être envoyé
ces dernières années, nous étions dans l'obli- Non seulement nous sommes obligés de à son adresse.
gation d'employer les voies anglaises pour cor- confier à ces compagnies anglaises nos télé- En 1893, lors des incidents du Siam, des
respondre avec nos colonies indo-chinoises. grammes pour la plupart de nos colonies, non interruptions anormales et très significatives se
Un câble, posé en 1901, de Tourane à Amoy seulement nous leur confions par là les secrels produisent sur les lignes de la Compagnie an-
nous affranchit de cette obligation en reliant de notre défense coloniale, mais nous augmen- glaise Easlernpendant quenos bâtiments remon-
talentle.Mcnam. L'ultimatum envoyé de Paris à grès, les câbles constituent, en réalité, la, plus compléter son immense réseau,qu'à établir cer-
l'amiral Humann, pour être remis à Bangkok, formidable des armes de guerre. Dé tous points taines lignes secondaires.C'est ainsi que l'île des
fut communiqué au. Foreign Office par les com- semblables aux chemins de fer stratégiques, ils Cocos va devenir un des points que nos voisins
pagnies anglaises chargées de le transmettre. donnenl sur mer une supériorité considérable. appellent.des <.nœuds de câbles télegraphiques)),
la
En 1894, mort,du sultan du Maroc, suscep- On prétend même quela télégraphie sous-marine, De ce point, déjà relié à l'Australie et au Cap,
tible d'entraîner de. graves complications, fut non seulement sera un puissant auxiliaire dans une ligne ira rejoindre Ceylan, une autre Singa-
dissimulée pendant vingt-quatre heures aux une armée navale, mais aura peut-être plus pour. Mais ce n'est pas seulement dans le do-
gouvernements intéressés, pendant que le d'influenceque les cuirassés et les croiseurs,par ce maine des communications sous-marines que la
ministre d'Angleterre à Tanger, pour correspon- fait que la transmission des idées sera tellement Grande-Bretagne a poursuivi sa marche en
dre avec Londres, occupe pendant une nuit rapide, que la métropole et ses colonies ne feront avant ; les travaux de la grande ligne transcon-
' enlière le câble anglais, qui seul reliait alors le
.
plus qu'un. Ce rôle de la télégraphie sous- tinentale, destinée à relier l'Egypte au cap de
Maroc à l'Europe. marine, si important au point de vue maritime et Bonne-Espérance, continuent dans la région du
colonial, a été signalé et mis en évidence, lac Tanganyka.
au cours de ces dernières années, par L'Allemagne, malgré sa situation géographi-
des écrivains de la plupart des puissan- que,veut avoir descâbles quisoient indépendants
ces maritimes. et lui assurent la sécurité pour ses communi-
Pour notre part, nous avons démon- cations télégraphiques.
tré, dans plusieurs éludes publiées dans Pendant les sept dernières années, les câbles
la Dépêche Coloniale, qu'en tèmps de océaniques lui ont coûté plus de 18 millions. En
guerre, les câbles ne sont pas protégés 1898, uncâblede 117, kilomètres lut posé entre
.et qu'en tout temps les télégrammes Sassnitz et Frelleborg. En 1899, l'Afrique alle-
privés peuvent être contrôlés ou. arrêtés mandedu Sud-Ouest fut reliée avec le système
et le service télégraphique suspendu. des câbles existants par une ligne de 247 kilo-
Nous avons signalé aussi que la protec- mètres, et en 1900, le premier câble germano-
tion de la neutralisation des câbles sous- américain fut posé entre Emden et New-York
marins en temps de guerre, si fréquem- parles Açores,soit une longueur de 7,724 kilo-
ment discutée depuis 1869, n'a pas fait mètres. Vers la même époque, on entreprenait
le moindre progrès sur le terrain des la pose des premiers câbles allemands sur les
conventions internationales. 11 existe uni- côtes de Chine ; l'un d'eux va de Tsing-Tan
quement l'article 15 de la Convention (Kiao-Chan) à Çhifu (455 kilomètres), le second
signée à Paris, le 14 mars 1884; article relie la première ville à Shanghaï, soit 700 kilo-
bien irfutile puisqu'en son absence la mètres. En 1901, on relia l'Allemagne à l'Angle-
situation serait absolument' la même. terre, et un câble téléphonique fut placé entre
Les belligérants ont d'ailleurs toujours Fehmarn et Laland. Un second câble allemand-
profité de cette liberté et par une ironie américain, parles Açores, vient d'être commencé;
singulière, ce sont 1rs marins des Etats- il sera terminé avant la fin de cette annéé, tandis
Unis, pendant la guerre hispano-améri- qu'une ligne vient d'êlre achevée à Vigo (2,086
caine, qui ont, les premiers, porté la plus kilomètres).
brutale atteinte à cette chose sacrée de Le 24 juillet 1901, l'Allemagne et la Hollande
leur ancien président. ont conclu un arrangement dans le but d'établir
Les Anglàis ont également usé du droit une communication télégraphique avec leurs
En 1895, pendant l'expédition de Madagascar, qui leur était conféré par les règlements en vi- possessions coloniales d'Asie.
nos télégrammes subirent des retards de trois ou gueur lorsqu'en 1899, au début de la guerre avec Aux termes de cette convention, le gouverne-
quatre jours, et la presse anglaise connut tou- la République Sud-Africaine, ils ont soumis les ment néerlandais s'engage à poser et à exploi-
jours les nouvelles avant le gouvernement fran- télégrammes à certaines restrictions, et quand ter, entre Balikpapan, sur la côte de Bornéo, et
çais. ils ont établi, sur divers points et notamment à Ménado, sur la côte nord de l'île Célébes, un
En 1898, lors des événements de Fachoda, les Aden:, une surveillance qui entiavait l'échange câble sous-marin qu'il reliera à la ligne télégra-
commandants des navires français stationnés aux des communications télégraphiquesofficielles et phique entre Landangan, île de Java et Bandjer-
colonies ne reçurent les dépêchesqui leur étaient privées. île
masin, de Bornéo.
-adressées par le ministre de la Marine qu'avec Mais ces restrictions ont occasionné une cer- Les deux gouvernements s'engagent à faire
un retard de plusieurs jours. taine gêne dans les relations commerciales et de communs efforts pour obtenir l'établisse-
Lors des événements du Transvaal et au début aussi dans les rapports de divers- Etats avec ment, parune entreprise allemande-néerlandaise
des hostilités, les communications télégra- leurs colonies. Telle est l'origine du mouvement dont l'administration sera placée sous le con-
phiques avec l'Afrique du Sud cessèrent tout à qui s'est produit non seulement en
coup. C'est ainsi qu'un télégramme mit 17 heures France, mais aussi en Russie, en Al-
pour aller de Prétoria à Berlin. Il n'y avait pas lemagne et en Italie. La presse de
que les dépêches à destination ou en provenance ces pays a unanimement blâmé la
du théâtre de la guerre qui étaient retardées ou conduite de l'Angleterre en ces cir-
arrêtées. Les communications officielles et constances. De violentes protesta-
privées, échangées avec tous les pays de la côte tions se produisirent de tous côtés.
orientale d'Afrique, étaient rigoureusement cen- Comme M. Rey le fait remarquer,
surées à Aden. C'est ainsi que le 11 octobre avec raison, le gouvernement britan-
-1899, une dépêche adressée à Madagascar par nique n'avait cependant excédé en
une société commerciale française, était inleiv rien les droits que la convention
ceptée par les autorités anglaises; le 2 janvier signée à Saint-Pétersbourg, en 1875,
1900, une autre dépêche, pour la même destina- reconnaît à tous les Etats de l'Union.
tion, bien que rédigée en langage clair, était En établissant la censure sur les télé-
également arrêtée. Dans ces cas, il faut le recon- grammes privés, en suspendant
naître,le gouvernement anglais n'a fait qu'user même la transmission des télégram-
du droit qui lui était conféré par les règlements mes d'Elat, il ne faisait qu'appliquer
en vigueur. les articles 7 et 8 de cette convention,
comme on les avait appliqués jus-
Les câbles en temps de guerre. qu'à ce jour dans tous lés pays. On
peut seulement lui reprocher, dans
Dans le message qu'il adressait à la reine l'exercice de son droite un certain
d'Angleterre, à l'occasion de la pose du premier manque de mesure qui a transformé
câble transatlantiqne (1858), M. Buchanan, pré- les actes Jes plus légitimes en for-
sident de la République des Etats-Unis, s'expri- malités tracassières, bien faites pour
mait ainsi : « Est-ce qu'elles ( les nations ) indisposer l'opinion publique des
ne déclareront point d'un commun accord que, autres pays. Des rigueurs inutiles,'
passant même au milieu- des mers dont elles se surtout lorsqu'elles s'appliquent aux
disputeront la possession, il (le télégraphe atlan- neutres, sont au premier chef des
tique) n'en sera pas moins considéré comme une actes impolitiques dont aucun gou-
chose sacrée ? vernement ne devrait assumer la responsabilité; trôle des deux pays contractants, d'un câble
Déjà à cette époque, les Anglais firent remar- elles sont, de plus, contraires aux principes gé- entre Menado et les îles Palan, l'île de Yap, l'île
quer que le télégraphe, n'est pas exclusivement néraux du droit des gens, d'après lequel la de Guam, ou un autre pointrapproché- du câble
utile aux .relations commerciales et pacifiques; guerre comporte l'ensemble minimum de me- américain de l'Océan Pacifique, ainsi que d'un
«
c'est, dirent-ils, un instrument de guerre dont sures coercilives nécessaires pour réduire l'en- autre câble entre les îles Palan et Shanghaï. Cette
la campagne de Crimée a montré la puissance et nemi. dernière ligne établira la liaison avec le câble
dont il sera difficile de se passer .dans les opéra- allemandChangha'ï-Kiao-Tchéou-Tche-fouet la
tions militaires futures. » Et le Spectator Projets des puissances étrangères. ligne terrestre sibérienne, par l'intermédiaire du
d'ajouter: « l'homme qui tient une corde, quelle râble Tche-fou-Port-Arthur, de la compagnie
qu'elle soit, s'en sert pour ses affaires, surtout Nous avons vu que l'Angleterre venait d'exé- danoise des Télégraphes du hord.
s'il est Anglais ou Américain. » cuter les grands projets qu'elle avait formés Tout conflit éventuel sera soumis au tribunal
Instruments de civilisation, de paix et depro- depuis quelques années. Il ne lui reste, pour arbitral de la Hayequi.décidera en dernier ressort.
* S
l v
Les Etats-Unis, devenus puissance coloniale, Le 21 octobre 1902, le ministre du Commerce maintenant, en France, deux sociétés françaises
ont pensé aussitôt àrelier la métropole aux colo- procédait à l'adjudication publique de la four- pour la.construction des câbles.
nies nouvelles. Le 10 février 1899, le.Président niture et de la pose de trois câbles à immerger : 1° L'importante Société induslrielle des Té-
de la République exposait, dans un message, le 1° de Brest à Dakar; 2° de Tamatave à la Réu- léphones, qui possède deux usines : l'une à Be-
projet d'un grand câble transpacifique destiné à nion et de la Réunion à Maurice ; 3° de Saïgon zons pour la préparation del' « âme », l'autre à
relier la Californie aux Philippines. à Pontianak avec atterrissement à Poulo-Con- Calais pour la construction d-e l' « armature
Ce projet, qui donna lieu à de nombreuses dor. Cette société a conslruit le câble de Marseille à :JI
discussions, fut voté le 23 septembre 1901. Le dernier de ces câbles a seul été adjugé. Oran, celui de la Nouvelle-Calédonie et tous les
Bientôt un contrat était signé avec la Telegraph Depuis lors, des conventions ont été signées et câbles français de l'Atlantique, sauf le P. Q.
Construction and Maintenance el) de Londres une. loi, en date du 23 novembre dernier, auto- Elle vient de recevoir la commande du câble
et le 23 septembre 190'i le steamer-câble Siluer- rise, jusqu'à concurrence de la somme maxi- Brest-Dakar ;
toi.viz quittait la Tamise emportant le câble des- mum de 22.975.000 francs, la dépense néces- 2° Les établissements Grammont, .. dont. les
tiné à la première section San-Francisco-Hono- saire à la construction et à l'immersion des câ- usines sont situées à Pont-de-Chérui et à.Saint-
lulu. La première dépêche lancée par ce câble bles précités. Cette somme sera remboursable Tropez. Ces établissements ont construit Je.
est datée du 1er janvier 1903. La ligne fut en- en trente années par une annuité inscrite au câble de Marseille à Bizerte et à «Tunis AL. de
suite prolongée par les îles Med- concert avec la précédente Société,
way et de Guam jusqu'à l'île de les câbles, de Mozambique à Ma-.
Luçon et le 4 juillet dernier le pré-
sident Roosevelt l'inaugurait par
j unga et de Tourane à Âmôy. ;
Un câble sous-marin, se, com-
un message adressé au gouverneur pose de trois parties principales :
Taft à Manille. Le travail entier a 1° l' « âme » cylindrique qui occupe
été fait en 18 mois, à compter de le centre. Elle est formée d'un
la date de la signature du contrat. toron de fils de cuivre entouré
Actuellement, ce câble est prolon- d'une enveloppe isolante.en gutta-
gé par celui qui est établi de Ma- percha ; 20 un revêtement -destiné.
nille à Hong-Ko^ug et qui appar- à séparer l'âme de l'enveloppe
tient à la compagnie-anglaise Eas- extérieure. Ce matelas est -gén.é-,
tern Extension. Lorsque la section ralement constitué au moyen, de
Manille-Shanghaï sera posée, il y deux couches de fils de jute. en-
aura un cible tout américain al- roulés en sens contraires; 3°, une
lant d'une rive à l'autre du Pacifi- armature composée d'un certain
que et s'entrelaçant avec les câbles nombre de fils de fer ou d'acier
déjà existants qui enveloppent les enroulés en hélices. Les . .filsde
côtes de Chine, du Japon, des co- l'armature doivent être jo,hÜifs.:Le
lonies anglaises, etc. tout est recouvert d'un, guipage
que l'on peut. former .aw moyen
Projets français. d'un composé bitumineux, enroulé
de la même manière que les fils
A la suite des événements de du matelas ou de rubans de toile
ces dernières années, un mouve- également enduits de composé bitu-
ment d'opinion publique s'est ma- mineux.
nifesté en faveur d'une action di- L'armature varie considéra-
recte de la France et de la création blement d'épaisseur et de force
d'un réseau sous-marin national, selon les profondeurs. Il existe
affranchi de toute ingérence étran- généralement trois types de câbles
gère. Le groupe colonial des con- le type d'atterrissage, le type inter- :
Ainsi, le 20 avril 1902, l'administration pourra obtenir pour lui le droit d'atterris-
des postes de l'Empire allemand a modifié sement, il devra exploiter la ligne. Toutes
comme il suit le traité conclu, en mai 1899, les fois, au contraire, qu'il se heurtera à
avec la Deulseh-Atlantische Telegraphenge- un refus, il s'adressera à une compagnie ».
sellschaft : l'Empire accorde à la société, «
Donc, lorsqu'on se trouvera en pré-
pour ses deux câbles Borkum-Açores-New- sence d'un câble allant à travers des eaux
Y ork, une subvention annuelle de2.1:35.000fr., neutres de territoire français à territoire
pendant quarante ans, représentant un inté- français, la question ne se posera pas. Pour
rêt de 5 p. 100 du capital, mais obtient, en quelle raison ici, en effet, ferait-on inter-
échange, une part de bénéfices de 0 fr. 20 venir une compagnie? Quand on construit
par mot transmis; si le, nombre total des une ligne téléphonique de Paris à Marseille,
mots dépasse 3 millions 3/4 par an, l'Empire fait-on appel pour son exploitation à une
reçoit encore 0 fr. 625 par mot en plus, soit société privée? Hien ne vient dans celle hypo-
la moitié du tarif (1 fr. 25) jusqu'à concur- thèse entraver l'exercice du droit souverain
de l'Etat et le contraindre à abdiquer en
rence de la subvention annuelle, ce qui se faveur de sociétés financières.
réalise avec 7,270.000 mots ; la part de béné-
fices redescend alors à 0 fr. 20 par moi. Les « Pour une entreprise de ce genre, faite
intérêts de l'Etat et de la compagnie sont aux risques de l'Etat et par l'Etat, entiè-
ainsi parfaitement sauvegardés. rement payée par lui, concéder au moment
L exploitation par l'Etat a donné lieu, où il n'y a plus qu'à recueillir des bénéfices,
en France, à deux objections principales
c'est une opération que votre Commission
l'une d'ordre diplomatique, l'autre d'ordre : déclare à l'unanimité inadmissible. Il n'y
financier. M. Maurice Ordinaire, au nom de la lion, ont été unanimement aurait pas d'homme assez imprévoyant pour
Commission des colonies, a rejeté l'exploi- auiait avantage àélnblir d'avis que l'Etat i risquer dans l'administration de ses propres
tation par l'Etat, parce que, disait-il, de l'aveu les lignes télégraphiques et,à exploiter lui-même tfaires? » La Commission s'est donc bornée à
du projet du Gouvernement, on se heurterait il BerLeaux, dans projetées. Ainsi M. rire application de ces principes en décidant
son l'apport sur le budget des
des difficultés d'ordre diplomatique, les aLLer- 1 lost,es et des Télégraphes xpressément et formellement que les câbles
rissements en quelques pays étrangers n'étant ger de 1900, dit que ccchar- iresl-Dakar et Tamatave, La Héunion, allant
une société privée d'établir le cable avec
ordinairement accordés qu'il des particuliers ou capital et de l exploiter son e territoire français à territoire français,
à des compagnies dont on exige mème parfois tion annuelle, moyennant une subven- eraient exploités par l'Etat. Cette décision,
la naturalisation comme le faille Gouvernement France-Etats-Unis, c'est comme, dans le cas du câble l
ui a fait l'objet d'un article additionnel, a
des Etats-Unis. C'est également cet argument d s'exposer à servir l'intérêt té ratifiée par les deux Chambres. C'est l'appli-
un capital supérieur à celui que l'Etal aurait
qui a influé d'une façon décisive sur l'esprit des consacré ation d'une mesure que nous réclamions
il la même entreprise, le crédit de epuis plusieurs années; c'est la réalisation
membres de la Commission du budget. ces
lorsqu en 1901 ceux-ci furent appelés à d'un des vœux que nous avons fait voter
donner leur avis sur le projet, de loi por- par le Congrès colonial de 1903.
tant approbation d'une convention conclue L'Administration française possède et
entre l'Etat et la Compagnie française des exploite elle-même certains câbles une
:
câbles télégraphiques. partie de ceux de la Manche, quelques
Nous devons d'abord faire remarquer câbles côtiers, ceux de de la Corse, de
que la Commission des colonies a précé- l'Algérie et de la Tunisie, de Dakar à
demment admis le principe que les « lignes Konakry, de Grand-Bassam à Cotonou, de
télégraphiques sous-marines à établir Cotonou à Libreville, de Djibouti à
entre la métropole et ses colonies, devront, Obock, de Mozambique à Majunga, d'Oran
s'il n'y a pas d'impossibilité matérielle à Tanger et de Tourane à Amoy. Elle
absolue, être directes et sans atterrissage était, jusqu'à la construction du câble du
)).
étl'anger Ainsi, par application de ce
principe, les atterrissages en pays étran-
gers ne seront qu'une exception et la
t
Pacifique, celle de toutes les adminis-
trations d'Eta qui possédait la plus grande
longueur de câbles.
diplomatie n'aura à intervenir que très On peut dire, sans crainte d'être démenti
rarement. En outre, quelle sécurité y et sans chercher a diminuer la valeur des
aurait-il pour nous dans ces compagnies, agents qui sont au service des Compagnies
françaises d'origine, mais nationalisées, privées, que cette exploitation a eu au
soumises aux lois étrangères et employant moins pour effet d'entretenir entre les
un personnel étranger? Comment le "'ecl'et agents de l'Etat une utile émulation et de
de nos correspondances serait-il gardé placer la France à la tête de toutes les
par ces employés étrangers ? C'est que, en nations pour l'exploitation des câbles
dehors de certains codes particuliers s'ap- sous-marins. Depuis quelques années, des
pnquam, a êtes atrarres secrètes elles-mêmes innovations techniques ingénieuses assu-
il n'est presque jamais impossible à sociétés étant naturellement très inférieur à rent l'exploitation plus intensive des lignes
certains
praticiens (le pénétrer le secret d'une dépêche celui de l'Et.at ; c'est également s'exposer, par
le jeu même des souscriptions d'abord ou des
sous-marines appartenant à l'Etal. La plus im-
chiffrée surtout quand ceLLe dépêche portante est due à M. Pierre Picard, inspecteur
incident politique concerne transactions ensuite, à n'avoir devant soi qu'une des Postes et des Télégraphes à Paris.
un ou une expédition coloniale société, française seulement de
d une certaine importance. nom, mais dont
Au point de vue financier, le Gouvernement les actionnaires pourraient, se trouvera un mo- Le télégraphe Paris-Alger.
f.ptîn[!ait],Cfu'?n? compagnie privée évitait ment donné en majorité étrangers, et exerce-
à raient peut-être une action contraireaubutque Dès les premières tentatives de la télégraphie
« avoir à supporter directement et im- le Gouvernement
médiatement
, ,. la charge d'une dépense d'établis- se propose. Les compagnies sous-marine, on a reconnu que l'énorme capa-
concessionnaires ne créeraient pas un trafic cité électro-statique des câbles sous-marins
rendait ce genre de conducteurs absolument ré- être appliqué, sur les trois câbles de Marseille- de la Dépêche coloniale illustrée, a créé la plus
fractaire aux procédésordinairesdela télégraphie. Alger, l'appareil multiple imprimeur Baudot qui grande parlie des réseaux de" la Cochinchine et
On s'aperçut bien vite qu'il fallait des appa- avait, jusqu'à ce jour, résisté à lous les essais. de la Nouvelle-Calédonie.
reils beaucoup plus sensibles et d'une nature La description complète de la nouvelle mé- Conclusion.
tout à fait spéciale : c'est à sir W. Thomson thode ne saurait entrer dans le cadre, forcément
(lord. Kelvin) que revient l'honneur d'avoir doté restreint, de cet article. Disons seulement, pour De cette modeste étude, on peut conclure que
la télégraphie sous-marine des deux appareils les spécialistes, qu'elle est, en quelque sorte, la télégraphie sous-marine est importante non
la contre-partie de tous les autres systèmes. seulement au point de vue national, mais à celui
Le principe fondamental de la méthode Pierre du monde entier.
Picard consiste à n'émeltre, sur le câble, que De nos jours, on se déplace avec une facilité
des courants instantanés et rigoUleusement al-
ternés bien qu'inégalement espacés.
De plus — et c'est là le point le plus original
de la méthode — après chaque émission, le
câble est isolé au départ.
C'est par le système Pierre Picard que le
service télégraphique est assuré d'une manière
beaucoup plus rapide et plus régulière entre
Marseille et Alger depuis le commencement de
l'année 1900 ; depuis le mois d'avril 1903, ce ser-
vice s'effectue directement entre Paris et Alger.
On se rendra compte de la nouvelle difficulté
vaincue en apprenant que les trois câbles sous-
marins sont groupés, sans confusion possible,
sur un fil unique reliant Marseille à Paris. Al-
Ainsi, pendant le voyage présidentiel en
gérie, le palais d'Hiver à Alger et le palais de
l'Elysée à Paris ont été directement reliés entre
eux pour donner, au chef de l'Etat, une com-
munication personnelle, par les mêmes voies qui
assuraient en même temps le service général!
...
l'arachide du Sénégal pour l'ensemencement. dant à l'abaissement de ce tarif. Dans sa séance
La culture de cette graine, qui s'était peu à Tiroupapalyour, à 3 milles au nord de Goude- du Il: septembre dernier, la Chainbre consta-
peu répandue dans les environs de Pondichéry, lour. Les ressources limitées de la colonie n'ont tait que ce droit met la colonie de l'Inde en état
a pris une extension considérable dans les pro- point permis jusqu'à présent de réaliser ce pro- d'infériorité vis-à-vis des expéditeurs de ceux
vinces de Tanjore et de Madura. Nos commer- Jet. des pays étrangers, qui sont admis au bénéfice
çants se sont dès lors trouvés dans l'obligation La situation douanière, dont les filateurs de du tarif minimum, car il suffit à ces derniers
de s'en approvisionner, pour la plus grande Pondichéry se sont amèrement plaints ces der- de s'adresser au consul de France pour obtenir
partie, dans les districts du sud de l'Inde. Or -l,- niers temps, est la principale cause de la dimi- un certificat délivré à titre gratuit.
réseau du chemin de fer anglo-iudien est tel nution constatée dans les. exportations des gui- La Chambre décidait, dans cette même séance
que les arachides achetées par le commerce nées. de demander encore à l'administration, sinon la,
local sur les marchés anglais sont forcées. de L'arachide n'est naturellement pas le seul délivrance gratuite des certificats d'ori&ine,- tout
passer par le port de Goudelour avant d'entrer commerce de l'Inde française. Les filatures de au moins une modification des actes qui régis-
sur notre territoire et astreintes, pour être Pondichéry expédient des guinées dont les, sent le droit à percevoir, droit que, dans l'inté-
rendues de Goudelour à Pondichéry, à un cir- exportations ont donné les chiffres suivants: rêt du commerce, il serait nécessaire de limiter
cu-itconsidérablede48 milles environ (77kilom.) 1889 2149 balles. strictement aux frais occasionnés par la déli-
par l'embranchement de Villapuram à Pondi- 1894 7049 — vrance de ces certificats. Ce serait d'ailléurs
chéry. Si l'on considère que le port de Goude- 1898., 5998
- dans la légalité, — attendu que les modérations
lour est distant du nôtre d'une. vingtaine de,
kilomètres (14 milles) seulement, on compren-
dra facilement combien ce long détour était
onéreux pour le commerce local et dans quelle
1899
1900;
1901....
1902.......
....
.* ,
8029
7460 —
5326 —
4808 -
de droits du tarif minimum de la loi de 1892 ont
été concédées nonpas aux budgets des colonies
françaises, mais à leurs producteurs.
La Chambre de commerce, estimant que la
situation d'infériorité il a pu le placer a l'égard La place de Pondichéry. expédie encore des demi-protection accordée aux produits de l'Inde
des exportateurs anglais. loùrteaux d'arachides qui servent comme en- était absolument insuffisante et en vue d'encou-
au lendemain, avait, par une vile cupidité, fati- commerce aura obtenu les satisfactions qu'il établir un régime approprié à ces mœurs. C'est
gué la graine, à laquelle on ne s'était soucié réclame au point de vue du régime douanier ainsi que notre système des contributions indi-
d'accorder ni repos ni engrais. et qu'il aura, enfin, son chemin de fer de Gou- rectes n'atteint, en ce pays, aucune des castes
Déjà des essais timorés de graines de prove- delour et ses magasins généraux, Pondichéry élevées et partant riches, castes qui ne font
nance de Mozambique et importées par un yoya- prendra un nouvel essor, comparable à celui de usage ni de tabac, ni de boissons spiritueuses.
geur venu de l'île Maurice, commençaient à 1901. 11 y a là
une réforme à opérer.
donner d'assez bons résultats, lorsque la Cham-
bre de commerce et la Chambre d'agriculture Le budget et les réformes budgétaires. « Ici, comme partout, dit le gouverneur, c'est
songèrent à une importation de graines du Sé- « le contribuable riche ou aisé qu'il faut sur-
Le budget de l'Inde française est, depuis
négal et de Bombay. Sur leur demande, l'Ad- « tout atteindre, et nous obtenons ce résultaL
quelques années, dans une situation prospère. « par l'établissement d'un régime rationnel de
ministration locale fit introduire en 1898 une L'exercice 1902 s'était soldé par un excédent
certaine quantité de semences d'arachides de ces « droits d'enregistrement.
de recettes qui, déduction faite des dépenses
deux pays. Cette importation, faite sur une « A cet impôt le malheureux échappe; celui
engagées et non liquidées, peut être évalué à « qui possède seul est atteint.
petite échelle et à titre d'essai, était mise à la 85,000 roupies environ.
disposition de nos cultivateur!.; « Comment par exemple justifier l'immunité
L'exercice 1903 présente des résultats non « singulière dont bénéficient, au point de vue
Mais au-
tant les grai- « du droit de
« lots et ven-
nes de Bom- tes, les
bay se mon- «
traient infé- « transmis-
rieures, au- «sions de
tant les sé- « biens par
négalaises «
donation
donnaient « entre vifs à
des résultats «titre gra -
dépassant «
tuit?
toutes les es- « Cette ex-
pérances. « cep lion ré-
L'expérience « pondait
tentée en « sansdoute,
lorsqu'elle
1898par la «
fut édictée,
Chambre d'a- «
griculture a «
àdesnéces,
achevé de « si tés du mo-
convaincre « ment, elle
les plus in- « ne s'expli-
crédules. <' que plus
Un champ, « aujour-
d'une super- «
d'hni.
ficie d'envi- « N'est-il
ron deux ca- «pas super-
« flu d'ajou
nys (1 hectare), avait été apprêté à cet effet, la- moins satisfaisants, et dès maintenant on peut « ler que, dans notre colonie, les libéralités de
bouré et fumé en temps opportun et partagé en espérer régler deux dettes importantes léguées' ce genre sont d'une fréquence inconnue ail -
trois parties égales. par le passé : la première, de 39,000 roupies, se
«
leurs?
La partie nord du champ recevait trente li- s
rapportant aux Irais d'exploitation du chemin de « Quant aux droits de mutation par décès, à
vres de semences Boinbay ; la partie sud rece- fer Péralam-Karikal de 1898 à 1901 ; la seconde, leur progression en raison inverse du degré
vait trente-deux livres et demie de semences du de 15,000 roupies, résultant de la—transaction «
de parenté, il ne saurait y avoir, je crois, dis-
«
pays ; et enfin la partie centrale recevait trente- par laquelle l'Administration a pu clore la série « cussion sur la question de principe.
deux livres un quart de semences du Sénégal. des procès engagés depuis 1861 entre la colonie
« On objectera, pour nos Etablissements, le
Les résultats furent les suivants
Bombay, 1/2 balle ou 21 livres;
Pays, 1 balle ou 41 livres ;
: et la famille Appavou.
Le budget de 1904 était déjà préparé lorsqu'on
apprit que la commission du budget avait réduit
«
«
«
-
régime si fréquent des communautés fami-
liales. Nous avons tenu compte de cette
situation particulière à l'Inde, et nous exemp-
Sénégal, 10 balles ou 632 livres. de 135,000 à 100,000 francs le chiffre de la sub- tons du droit en question les biens de cette
«
L'expérience était concluante. vention de la colonie. D'où une différence en nature, sous réserve d'une déclaration préa-
Contrairement à la graine du Mozambique, la moins de 21,000 roupies dans les prévisions de «
sénégalaise est susceptible, par sa nature, de « lable et du paiement d'un abonnement ana-
recettes. Il a fallu retrouver un peu à la hâte ces « logue à la taxe des biens de mainmorte, qui
supporter un long magasinage ; la trituration 21,000 roupies pour rétablir l'équilibre rompu.
donne une huile limpide exempte de rancidité « rétablit l'égalité de traitement. »
Dans son important discours d'ouverture de Une autre réforme importante serait la sup-
et se décantant très vite ; elle fournit enfin un la session cI.Li Conseil général, le gouverneur de pression de la taxe dite des propriétés bâties
tourteau excellent. nos possessions de l'Inde a présenté les réformes dont le produit, est abandonné aux communes,
Aussi, actuellement, la graine du Sénégal est que l'Administration attendait du Conseil géné- et son remplacement par un impôt perçu au
seule utilisée, c'est ce qui explique la formidable ral. Ces réformes ont pour but, sans compro- profit du budget local et établi d'une manière
saute du chiffre des exportations de 1900 à 1901. mettre l'équilibre du budget, de répartir d'une uniforme pour les Etablissements de Pondichéry,
En somme, l'avenir économique de Pondi- façon plus équitable les charges incombant aux Iyarikal, Mahé et Yanaon. La situation particu-
chéry est assez brillant. N'oublions pas en ef- contribuables et les recettes attribuées aux lière de Chandernagor était trop complexe pour
fet que, bien que ne possédant qu'une rade fo- communes. comprendre actuellement cet Etablissement
raine, notre port est encore le meilleur de toute Dans un pays comme l'Inde, où les mœurs dans la réforme projetée.
la côte orientale de l'Inde. Aussi, lorsque le ont un caractère si particulier, il fallait en effet L'impôt ainsi établi serait, en principe, perçu
Ces plantés seraient celles que la mangouste Celte eau de Mouttripaléom, qui est, puiséelà, quelques caches, on peut s'abreuver de ccillou,
—
qui, on le sait, est réfractaire aux piqûres de ser- n'a pas toute la pureté que lui assigne un chau- cet alcool indigène honni des hautes castes, que
pent,— mange instinctivement, lorsqu'elle vient vinisme local et respectable. Elle est forcément l'on retire de l'inépuisable cocotier. Il est à
de livrer balaiJle à quelque cobra. souillée à sa source, par suite de l'habitude
Voici en tout cas les trois plantes qui sont déplorable des Indiens de puiser l'eau en y plon- remarquer, dans ces cantines, la petite case
clandestine où l'on pénètre sans être vu et oÜ,
employées par les médecins empiriques du sud de geant à même la panncllc qu'ils ont portée sur dans l'obscurité, les buveurs amoureux de l'in-
l'Inde, contre la morsure des serpents venimeux : leur tète, qu'il ont posée par terre dans un coin cognito reçoivent par un guichet leur mesure
10 Moulagcinangué (Polygala arvensis). C'estla quelconque de leur maison, et qui, sans avoir d'alcool et peuvent s'en donner à cœur joie, loin
plus active. l'aspect sale, peut être très bien souillée au des appréciations de la foule.
2° Siriijanangué ,Pùlygala glabra). Se rencon- point de vue microbien, par tous ces contacts Mais nous voici harcelés par des mendiants,
tre surtout dans les régions montagneuses. plus ou moins impurs. On frémit en son- se frappant le ventre en gémissant et poussant
3° Périyanangué (Polygala telophioïdes). C'est geant aux conséquences que pourrait avoir des lamentations à fendre l'âme. La mendicité
la moins efficace, mais la plus commune. le contact de l'eau de .\IoulLl'ipalé0111 avec une n'a rien d'humiliant pour les Brahmanes et l'on
Les feuilles fraîches de ces polygolées sont pannelle souillée par un cholérique ou un typhi- peut ajouter pour tous les Brahmaniques. Les
broyées dans un mortier en pierre et roulées en que. Une simple pompe substituée à la source à lois les plus anciennes de l'Inde (le Code de
pilules de la grosseur d'un petit pois. Pour les air libre suffirait a éviter ce danger très réel. Manon) la leur imposent même comme
deux premières espèces, on fait absorber au Pondichéry est divisé en deux parties bien devoir. En effet, le Brahmane, que Dieu a crééun le
malade une pilule toutes les heures ; pour la distinctes et nettement séparées par un canal maître de tout ce que produit la terre, ne fait,
troisième, trois pilules toutes les heures. Cette ce sont la ville blanche et la ville noire la
:
médication doit être continuée jusqu'à guérison. ; en s'y livrant, que chercher à rentrer dans sa
première uniquement habitée par les Européens, propriété. Ce sentiment ennoblit à ses yeux sa
Quand les malades ont les dents serrées la deuxième réservée à la population indigène. misérable condition ; il donne à sa démarche et
et que la déglutition est devenue difficile, on Inutile de dire que celle-ci est de beaucoup la à ses instances une sorte de grave condescen-
leur rase la tête, on y fait une grande incision et plus intéressante pour le touriste qui recher- dance
on applique, sur la plaie ainsi faite, un cata- che surtout le pittoresque, l'imprévu ou plutôt Malheureusement,
.
à ces mendiants pleins de
plasme chaud de ces mêmes feuilles broyées. le non vu,la couleur, le mouvement. dignité, vient s'ajouter toute la cohorte des lé-
Pendant ce traitement, on ne doit nourrir le L'âme de la ville indigène, le centre des afl'ai-
malade qu'avec du cange bouilli sans sel On preux, échappés de la léproserie, et de tous
!
res, c'est le Bazar. On appelle ainsi le quartier les estropiés, dont la demi-nudité ne nous laisse
doit déplus s'opposer à ce que le malade som- central où se Lient le marché, où se rencon- échapper de leurs ulcères. Lorsqu'on
meille le premier jour. Tout cela est de la haute trent tous les négociants indigènes, où se con- aucun
fait le tour du marché de Pondichéry, il faut
fantaisie. En réalité, aucun de ces remèdes n'est cluent toutes les transactions. Si les Indiens avoirle cœur solidement attaché pour résister
efficace. n'ont pas le sens des grandes opérations com-
D'ailleurs les Indiens ont ainsi un Grand nom- au spectacle repoussant des misères qu'y
merciales, ils excellent dans le commerce des étalent les malheureux à la recherche de auel-
bre de remèdes pour toute
espèce de maux. Leurs que rogaton. Il faut bien
sorciers ne le cèdent en longtemps aussi pours'ha
rien aux médecins chinois bituer à voir sans sour-
et annamites ; comme eux ciller, circuler des gens
ils soignent leurs malades aux monstrueuses élé-
des drogues invrai- phantiasis qui, traînant
avec leurs jambes déformées,
semblables et d'inefficaces
incantations, et ne les en- vontà leurs affaires comme
voient à l'hôpital européen si de rien n'était.
Tout autour du Bazar
que pour s'en débarrasser
au moment olt ils vont se trouvent des boutiques,
mourir entre leurs mains. appartenant à une catégo-
Au centre de l'immense rie plus cossue et plus as-
place du Gouvernement se sise du commerce indien.
trouve une fontaine aux Là, se rencontrent toute
formes un peu lourdes la camelote et toute la
d'un temple grec trop mas- pacotille qu'y déverse l'Eu-
sif, fontaine qui distribue rope en mal de débou-
habitants de Pondi- chés. Enfin, plus en de-
aux hors de cette zone, se
chéry une eau assez pure,
amenée de Mouttripaléom. trouve un quartier tran-
A cet endroit, se trouvent quille où, à l'ombre de la
puits et étang mission catholique, les pe-
un un que tits employés, les petits
les Indiens ont poétisé
d'une légende, que voici: fonctionnaires, ont leur
L'empereur Krichenarayer, accompagné de infimes nécessités de la vie. Leurs besoins sont petite petite maison dans une
f(
ministre Appadji, rendait restreints rue proprette ombragée de cocotiers. Au-
son se avec toute la si que les bénéfices de la ventede quel- tant le quartier du Bazar est agité, traversé de
pompe des souverains asiatiques à la pagode queschiques de bétel, de quelques bananes,
de Villenour, lorsqu'il apprit en route que dans même de modestes bousesde vaches suffisentouà jarkhas (1) lancées à toute allure, sillonné de
char î etles légères attelées de bœufs trotteurs,
le village d'Oulgat'et se trouvait un individu assurer leur existence. Aussi,il faut
nommé Vissouarayamodéliar, dont le corps pré- calme ils regardent les gens qui soupèsent,
voir quel petits et rapides, autant l'autre quartier indi-
sentait une particularité si curieuse, que l'em- cultent et décrient leurs marchandises.aus- gène est calme et gentil.
Le Enfin, si l'on s'écarte jusqu'aux boulevards
pereur désira l'aller voir. C'est dans cette partie rabais d'une cache (un peu moins d'un centime) qui font le
de son voyageque le monarque passa à Mouttri- occasionne des palabres interminables dans tour entier de la ville, on ne ren-
paléom. Là, dans un paysage plein de fraîcheur, cette langue désagréable aux oreilles contre plus que de pauvres bicoques en terre,
il aperçut tout à coup une maison si somptueuse péennes qu'est le tamoul. euro- recouvertes de feuilles de palmier entrecroisées
les grandes pluies de mousson ont vite
qu'il la prit pour un temple. Le marché, subdivisé en un grand nombre de que fait de délabrer. Comme ornements préférés,
A peine achevait-il un geste d'adoration de- petites halles, est réparti par spécialité fruits, leurs
vant cette pagode divine, qu'un brahme vint légumes, viandes, etc.; les odeurs varient : murs sont recouverts de ces bouses de
l'avertir que ce qu'il prenait pour un temple l'endroit. Nous avons nommé les bousesavec vaches tant recherchées, qui sont là. séchant
de de leur mieux.
n'était autre, chose que l'habitation d'une baya- vache; un coin est réservé à leurs petits tas C'est sur ces boulevards ombragés de grands
dère nommée Ayes. D'où colère effroyable du desséchés ; c'est que dans la vie brahmanique, arbres
monarque, qui ordonna la maison soit où la vache est de tous l'animal le plus sacré, que se trouve l'entréedu Jardin colonial.
que En même temps qu'un lieu de promenade déli-
détruite de fond en comble, et qu'à la place où l ultime produit de ce noble mammifère est cieux,
elle s'élevait oncreusât un puits et un étang. utilisé à des emplois domestiques variés, dont quelques c est un jardin d'essais, où l'on peut voir
La danseuse Ayes, la bayadère sacrifiée au les plus courants sont l'allumage du feu et le carrés de cotonniers,et surtout un grand
service des dieux et à la joie des hommes, s'of- nettoyage antiseptique des appartements. nombre de pieds de vanilliers. Celte liane touf-
frit alors pour faire faire elle-même, à ses frais, fue s'enlace en rangs épais autour de tu-
Les musulmans, marchands de pagnes et de teurs, l'ombre protectrice des grands ses
ces travaux qui devaient la ruiner. Ce beau geste cotonnades de sous
toutes sortes, tiennent unegrande arbres. Sa culture demande des soins spéciaux
de prostituée antique lui valut de laisser son place au Bazar, ainsi que les marchands de
à la postérité, aujourd'hui et nos lecteurs savent que c'est à une véritable
nom et encore, la fon- graines et de piments. Mais, si l'on jette un fécondation artificielle
taine de Pondichéry porte le nom de fontaine regard curieux sur toutes les infimes industries tion. Les qu elle doit sa reproduc-
d'Ayes, et sur un des frontispices se détache en qui vivent au bazar, on trouve des choses produits du Jardin colonial de Pondi-
relief la silhouette un peu massive de la baya- santes. Voici lefcrblanlier qui, amu- chéry sont, paraît-il, excellents.
avec les vieilles En continuant cette promenade sur les bou-
dère, nonchalamment étendue. touques à pétrole, fabrique, presquesans outils, levards extérieurs, l'oreille
C'est à cette fontaine que les femmes indien- ses batteries de cuisine indigènes à des prix frappée est désagréablement
vont faire leur provision d'eau par le grincement discordant des
nes ; et
c'est un défiant la concurrence. Voici le restaurant en breux moulins à huile, où nom-
'spectacle,f{tii ne manque pas de pittoresque, que plein vent, où, accroupi un lourd pilon, que
talons, lepaysan font tourner lentement deux bœufs, écrase les
le défilé incessant,de ces femmes, aux pagnes en voyage d'affaires, oùsurle ses boy en rupture de graines entassées, Plus loin,
"multicolores, portant avec grâce sur leur tète, patron, dévore pour demi-fanon (dix centi- grands bras d'une picote, remplissant on aperçoit les
un
souvent presque jolie, leur lourde pcinnelle mes) un repas qui, sans être pantagruélique, lui un réser-
d'eau. est suffisant. Voici la cantine où, moyennant (1) La jarkha est une petite voiture indigène il deux
roues,
sans ressort.
réuni la masse des sipayes pour la diviser en- A cette époque, la paix d'Amiens venait de
suite en cinq parties. Chacune d'elles était des- ... Cen était fait de nos possessions jusqu'en 1814.
tinée à former un bataillon de 1.003 hommes, nous restituer nos anciennes possessions de Après la paix dé 1814, le comte du Puy, gou-
1 'lii(le. Le Premier Consul profita de la période
cadres compris, et chaque bataillon, divisé
en de paix pour réorganiser les sipayes (c'est ainsi verneur de l'Inde française, adressa un rapport
dix compagnies, devait être attaché à l'un des qu'ils furent dénommés). au roi, lui demandant qu'il fût procédé à la
cinq régiments composant l'armée de l'Inde. réorganisation du corps des cipahis.
Le décret du 28 fructidor an X les formait Cette réorganisation ne reçut point de sanc-
Dans chaque bataillon, il y avait un comman- bataillon, et la réunion de deux ou trois par de tion officielle, mais un arrêté local prescrivit
dant européen et deux sous-aides-majors, dont
-
un Européen et un Indien.
La tenue restait la même, quant à la
coupe;
rement, il
ceux-ci constituait une demi-brigade. Provisoi-
1 effectif
élevait être levé deux bataillons, dont
pour chacun comprenait : compagnie
qu'il serait formé une compagnie de cipahis à
Pondichéry, une à Chandernagor et un détache-
1 ment de 30 hommes pour chacune des places de
certains de répondre à un vœu de nos lecteurs .-@stbeaucoup moins connue que celle du soldat En outré, le jour où l'on voudra utiliser les
en traitant des coudions d'existence matérielle des garnisons de France. études déjà faites, l'amélioration du sort du
et en quelque.sorte intime de nos. troupiers aux Courant les quatre.coins du monde, il reste soldat colonial sera chose extrêmement simple.
colonies. C'est peut-être là une question plus plus ignoré, et, n'étant pas en contact jour- Les réformes proposées n'ont rien de révolu-
spéciale: et plus abstraite que celles exposées nalier avec les siens, il éprouve beaucoup plus tionnaire ; il s'agit simplement de substituer 4
d'habitude dans cette publication. Cependant, de difficulté que le soldat métropolitain à faire l'action à grande distance, imprécise et toute-
elle est .de toute actualité et son importance est entendre les desiderata des garnisons lointaines. puissante de la métropole, l'action directe des
d'autant plus considérable qu'elle comporte des Qu'on ne voie pas dans l'opinion que- nous ex- intéressés.
Le but de l'étude qui va suivre et pour la- connurent qu'il fallait maintenir à l'armée colo- « l'interprétation la plus large, la plus libérale
quelle nous nous sommes, SH/; place, conscien- niale sa charte propre, et donner à ses procédés «
des règlements, et la volonté d'en subordonner
cieusement documenté,est de mettre en lumière d'éducation, d instruction et d'administration «
la lettre à l'esprit. » (1)
ces vérités et ces principes, trop peu connus un caractère spécial, une élasticité appropriée A l'époque où ces lignes étaient écrites, un
encore de ceuxqui, à titre officiel ou privé, s'in- au rôle que cette armée est appelée à jouer et des orateurs les plus écoutés parmi ceux qui
aux conditions toutes particulières, dans les- ont pris part à la discussion de la loi sur l'armée
quelles servent les hommes qui y sont incor- coloniale, a développé,à un pointde vuespécial,
porés. les mêmes idées à la tribune de la Chambre.
L'histoire des campagnes coloniales montre «
Je considère, disait M. Fleury-Ravarin, que
jusqu'à l'évidence que, dans nos possessions «
les connaissances acquises par nos officiers à
lointaines, les troupes ont des laçons de sub- «
l'Ecole supérieure de Guerre De trouvent pas
sister, de' marcher et 'de combattre complète- «
d'application aux colonies, où les circôns-
ment différentes de celles que l'expérience a « lances sont
absolument différentes. En revan-
consacrées pour l'armée métropolitaine. «
che. d'autres aptitudes, qu'on n'acquiert pas
Aux colonies, la vie de chaque jour comporte « à
l'Ecole supérieure de Guerre, leur sont né-
un régime spécial, une hygiène bien comprise «
cessaires..
et des précautions multiples. C'est un devoir «
L'officier colonial n'a pas besoin, en effet, .
impérieux pour les commandants
d'unité et de détachement d'y songer
constamment, et,.. plus encore qu'en
France, de s'inquiéter sans cessé du
mode d'existence de leurs hommes et
de s'efforcer de l'approprier de leur
mieux à la situation du moment, au
climat, à la nature et aux ressources
du pays,
Donner aux divers besoins du sol-
dat la plus large satisfaction possible
et lui procurer toutes les distractions
compatibles avec la bonne exécution
du service, tel est le but à rechercher
et à atteindre.
Or, il faut pour cela que des moyens
suffisants soient laissés à l'initiative
du chef et que, d'autre part, celui-ci
sache faire appel au concours et à la
bonne volonté de tous ses subordon-
nés pour assurer à la communauté
la plus grande somme de bien-être,
la vie la plus facile et la plus agréable.
Cette initiative, cette liberté d'allu-
res du commandant d'unité doivent
être à peu près complètes pour tout
ce qui concerne l'installation maté-
rielle et la subsistance de sa troupe.
Laissez-le faire et demandez-lui seu-
lement de se préoccuper constamment
des besoins de ses hommes et même,
dans certaines circonstances, de ne
pas hésiter à provoquer leurs avis sur
la meilleure direction à donner à la
téressent à l'existence, faite de dévouement et gestion des intérêts communs. D ailleurs, une «
d'éLre un ..grand tacticien ni un grand straté-
d'abnégation, de notre soldat colonial. latitude aussi grande laissée aux commandants «
gist,e: mais il lui. faut par contre des connais-
d'unités implique une largeur dp, vues, un esprit « sances spéciales : il doit être administrateur,
pratique et un ensemble de qualités et de con- «
ingénieur, agriculteur, voire même, en cer-
Lors de la discussion de la loi sur l'organi- naissances qui doivent caractériser l'officier co- « tains cas, diplomate; il doit connaître le ma-
sation de l'armée coloniale en avril 1900, une lonial et le rendre apte à dénouer les situations «
niement des populations indigènes eL arriver
joute oratoire très vive s'engagea à la Chambre par des solutions nettes et expéditives. «
à parier leur langue. »
sur la question de savoir^ si cette armée serait Un article de M. le lieutenant-colonel Lyautey, Entre le soldat de France et le soldat colo-
rattachée au ministère de la Guerre, ou conti. aujourd'hui général, publié il y a quatre ans nial, ladifférence est plus marquée encore. Ce
nuerait à.dépendre du ministère de la Marine. par la Revue des Deux Mondes, a énuméré ainsi dernier doit être considéré et traité comme un
L'accord s'e fit cependant dans les partis op- ces qualités de l'officier colonial : soldat de carrière, exerçant une véritable pro-
posés sur la question de l'autonomie. «L'initiative,la soif des responsabilités,l'appel fession et ayant droit, par conséquent,aux mêmes
Partisans et adversaires du rattachement re- « constant au
bon sens ; la passion du mieux, (1) Revue des Dèux Mondes du 15 janvier 1900, page 306.
reçues à ce litre entre les divers détache- tages, notamment ceux de stimuler l'initiative Nous allons indiquer rapidement ce qu'a été et
ments au prorata des effectifs et les adresse des, officiers et des hommes et de se prêter ce qu'est encore aujourd'hui le fonctionnement
au commandant territorial sous les ordres beaucoup mieux que tout autre à la satisfaction de la masse de ravitaillement à Madagascar.
duquel ces détachements sont placés. des besoins de.la troupe. En outre,cette décen- Mais auparavant, nous ferons remarquer que
Madagascar est, en effet, au point de vue tralisation est extrêmement économique pour c'est surtout après là période de conquête et
administratif, divisé en cercles et en pro- l'Etat, en ce sens qu'elle permet de simplifier d'opérations militaires proprement dites que
vinces. les rouages administratifs et que, d'autre part, le système a pu être appliqué avec un réel avan-
Les troupes stationnées dans les cercles ou l'intérêt qu'une bonne gestion offre pour tous tage. Au cours d'une expédition, en effet, on a
provinces sont sous les ordres de l'officier le est le plus sûr garant que les fonds du patri- besoin avant tout d'un résultat rapide et décisif,
plus ^levé en grade. C'est celui-ci qui dispose moine commun seront judicieusement employés. et la préocupation des économies et du bien-
des sommes acquises par chaque détachement Toutefois, en ce qui concerne le logement des être matériel de la troupe se trouve reléguée au
qu'il commande, et qui les affecte à la construc- troupes, nous avons fait remarquer que le mé- second plan. Il faut que le service d'alimenta-
tion sur son territoire des casernements néces- tier de constructeur étant une spécialité, il faut, tion fonctionne sans à-coups, avec une régula-
saires. pour oblenir un fonctionnement de la masse de rité en quelque sorte mathématique, et qu'il
Un contrôle très simple, suivi sur place parle baraquement exempt de toute critique, arriver soit soumis pour cela à des règles exclusive-
Commissariat des troupes coloniales,. corps à donner à quelques-uns au moins des intéres- ment militaires, ne laissant guère place à l'ini-
d'administration militaire analogue à l'Inten- sés, officiers de compagnie ou sous-officiers, tiative des intéressés. C'est ainsi qu'en guerre,
dance, permet de se rendre compte de toutes les une instruction technique et pratique suffisante. on est amené à organiser des convois de subsis-
opérations et constate l'authenticité des justifi- En matière d'alimentation, ces aptitudes de tances, à instituer des officiers d'approvisionné-
cations. l'officier ou du gradé ne sont pas nécessaires : ments, à créer des centres de distribution, etc.
Le commandement /
local a donc la plus large aussi, a-t-on pu, pour1 cet objet spécial, pra- Il en va tout autrement après la période de
initiative et peut utiliser tous les concours. tiquer à Madagascar une expérience en grand conquête et même pendant celle où, le pays
D'excellents résultats étant encore incomplè^
ont été ainsi obtenus; tementpacifié, les trou-
ils s'accentuent de jour pes sont réparties en
en jour et on tirera de
petits détachements
la masse de 'baraque- dans de nombreux pos-
ment tous les avantages tes de l'intérieur.
qu'elle peut procurer C'est dans ces condi-
lorsqu'une éducation .tions que le général
spéciale, progressive, Gallieni a commencé à
appliquer à Madagas -.
aura fait acquérir aux
officiers et à certains car le système de la
cadres de notre armée massé de ravitaillement
coloniale les aptitudes et on verra par les dé-
techniques qui peuvent veloppements qui sui-
encore leur être néces- vent que ce mode de
saires. A ce point de procéder n'a offert que
des avantages.
vue, le souci qu'ils mon-
trent de la santé et du
bien-être de leurs trou-
Dès le début de l'oc-
pes sera le m'eilleur cupation française, la
stimulantpourlestrans-
former rapidement en question du ravitaille-
constructeurs ..et leur ment des troupes appa-
faire apporter à des rut comme particuliè-
études et travaux, en rement complexe à Ma-
-
réalité fort simples, dagascar.
l'amour-propre et l'en- Une des principales
train qui sont les meil- difficultés était l'éten-
-leures conditions du due du territoire de
succès. l'île dont la superficie
dépasse celles de la
III. — Alimen- France, de la Belgique
tation. et de la Hollande réu-
nies et dont la longueur
Nous avons indiqué atteint près de 1.600 kil.
plus haut que le sy stème du camp d'Ambre au
des masses consiste à camp Sainte-Marie.
mettre, d'une façon en quelque sorte directe, qui se trouve ainsi particulièrement concluante. D'autre part, dans ces vastes régions, où plus
à la disposition des petites unités ou des déta- Elle a consisté à instituer, sur les bases déjà de 200 postes étaient alors disséminés, il n'exis-
chements d'unités en service aux colonies les indiquées, une masse de ravitaillement des- tait aucune voie de communication praticable
sommes que l'Etat prévoit pour leur entretien. tinée à assurer la subsistance des troupes répar- aux convois. Au premier abord, on put croire
.. Ce système présente d'incontestables avan- ties dans plus d'une centaine de postes. que le grand développement des côtes permet-
Donc, maintenons rigoureusement la
tenue, et, aux colonies comme ailleurs,
exigeons que l'homme ait le complet
réglementaire pour la garnison ou le
poste qu'il occupe. Mais, ceci posé, lais-
sons au commandant de détachement
-une~ large part d'initiative pour consti-
tuer cette tenue à ses hommes. Or, il- est
facile de démontrer que le moyen le plus
rapide et le plus économique d'obtenir
ce résultat est de mettre entre les mains
du chef responsable cet outil : le sys-
tème des masses, qui, pour l'habillement
comme pour l'alimentation et le loge-
ment, donnera au soldat la plus grande
somme de bien-être et à 1 Etat le maxi-
mum d'économie.
Il va de soi, d'ailleurs, que le système
de la masse s'appliquera uniquement à
l'habillement et qu'on continuera, pour
des raisons qui se comprennent d'elles-
mêmes, à imposer non pas seulement
des modèles, màis aussi dés provenances
identiques pour tout ce qui touche à
l'équipement et à l'armement.
Lorsqu'on examine d'un peu près le
mode actuel de fourniture de l'habille-
ment à nos troupes coloniales, on est
vite convaincu de l'importance des éco-
nomies qui peuvent être réalisées sur ce
chapitre du budget, tout en augmentant
le bien-êLre et. la commodité des hom-
mes.
Dans le système de centralisation ex-
cessive encore en vigueur et dont le gé-
néral Gallieni a proposé récemment la
modification,
les effets desti-
nés à l'habille-
ment des hom-
mes répartis
dans les nom-
breux postes de
Madagascar ont
une odyssée des
plus compli-
quées et n'arri-
vent à destina-
tion — presque
toujours à con-
tres-temps —
qu'après avoir
été grevés de
frais de trans-
port ou autres,
aussi multiples
qu'onéreux.
D'ailleurs, la
seule raison
pour laquelle
raient fort bien, comme
les précédentes, arriver montre la nécessité de
trop tard. réformer d'urgence des
En outre, en suppo- pratiques administratÍ-
sant même que, par le ves surannées et, tout en
système actuel, les qua- maintenant, comme nous
tre grands magasins de l'avons indiqué ci-des-
l'île soient toujours ju- sus, le principe absolu de
dicieusement approvi- 1 uniformité de la tenue,
sionnés, il y a encore de d'appliquer à sa confec-
graves inconvénients à tion le système des mas-
rendre obligatoire, dans ses, et de laisser une
tous les cas, le recours large initiative aux com-
à ces magasins pour la mandants de détache-
fourniture des effets des ment pour assurer l'ha-
troupes réparties sur billement de leurs hom-
tous les points de l'île. mes dans les conditions
Pour fixer les idées, réglementaires.
nous citerons ce fait que Au point de vue de la
nous tenons de source comptabilité, les incon-
sérieuse à Tllléal" un
:
vénients du système en
détachement ayant un v i gu eu r n e so n L pa s m oi n s
besoin urgent d'effets de graves. C'est ainsi qu'à
khaki et trouvant surpla- Madagascar, il n'existe
ce d'excellents tissus et pas moins de trois comp-
de bons ouvriers tailleurs tabilités d'habillement
indigènes, travaillant pour les différents régi-
presque pour rien, a été ments européens ou in-
obligé cependant, pour digènes. Dans tel corps,
se conformer à la règle, l'habillement est délivré
de demander ces effets gratuitement aux hom-
au magasin de Majunga mes pour des durées dé-
qui, ne les possédant terminées, à l'issue des-
pas, a rendu compte à quelles les effets sontof-
Tananarive, d'ou on fut ficiellem e n écl a rés h o r s
I
d
éclarés
L'Arrangement Franco-Anglais
oici le texte de la convention signée Anglais et les Français seront soumis, sur le pied la Convention de La Haye. Les détails réglant la
entre la France et l'Angleterre : d'égalité, aux lois_ et règlements actuellement en constitution du tribunal et les conditions des enquêtes
vigueur ou qui seraient édictés, dans la suite, pour la à ouvrir pour mettre les demandes en état feront
Le Président de la République française et prohibition, pendant un temps déterminé, de la l'objet d'un arrangement spécial entre les deux
S. M. le roi du Royaume-Uni de la Grande-Ht'etagne pêche de certains poissons ou pour l'amélioration gouvernements.
et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des des pêcheries. Il sera donné connaissance au gouver- ART. 4. — Le gouvernement de S. M. Britannique,
mers, empereur des Indes, ayant résolu de mettre fin, nement de la République française des lois et règle- reconnaissant qu'en outre de l'indemnité mentionnée
par un arrangement amiable, aux difficultés survenues ments nouveaux, trois mois avant l'époque où ceux-ci dans l'article précédent, une compensation territo-
il Terre-Neuve, ont décidé de conclure une convention devront être appliqués. riale est due à la France pour l'abandon de son (Irivi-
à cet effet, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires La police de la pêche sur la partie de la côte sus- lège sur la partie de l'île de Terre-Neuve visée à l'ar-
respectifs : mentionnée, ainsi que celle du trafic illicite. des ticle 2, convient, avec le gouvernement de la Répu-
Le Président de la République française, S. E..M. liqueurs et de la contrebande des alcools, feront blique française, des dispositions qui font l'objet des
Paul Cambon, ambassa- articles suivants
deur de la République
française près S. M. le La Gambie.
roi du Royaume-Uni de
la Grande-Bretagne et frontière
ART. 5. — La
•d'Irlande et des terri- existant entre la Séné-
toires britanniques au gambie et la colonie an-
delà des mers, empereur glaise de la Gambie sera
des Indes : et modifiée de manière à
S. JI. le roi du Royau-
me-Uni de la Grande- assurer à la France la
Bretagne et d'Irlande et possession de Yarbou-
des territoires britanni- tenda et des terrains et
points d'atterrissement
ques au delà des mers, appartenant à cette loca-
empereur des Indes, le lité.
Très Honorable Henry
Charles Keilh Petty-Fitz- Au cas où la naviga-
maurice. marquis de tion maritime ne pour-
Lansdowne. principal se- rait s'exercer jusque-là,
crétaire d'Etat de S. M. un accès sera assuré en
aval au gouvernement
au département des af- français sur un point de
faires étrangères;
Lesquels, après s'être la rivière Gambie, qui
communiqué leurs pleins sera reconnu, d'un com-
pouvoirs, trouvés en mun accord, comme
bonne et due forme, sont étant accessible aux bâti-
ments marchands se li-
convenus de ce qui suit. vrant à la navigation ma-
sous réserve de l'appro- ri iiiiie.
bation de leurs Parle-
ments respect ifs : Les conditions dans
lesquelles seront réglés
Terre-Neuve. lé transit sur la rivière
Gambie et ses affluent?,
ARTICLE pREMiHH.
ainsi que le mode d'ac-
— La cès au point qui vien-
France renonce aux pri-
vilèges établis à son pro- drait à être réservé à la
fit par l'article XIII du France, en exécution du
traité d'Utrecht. et con- paragraphe précédent,
firmés ou modifiés par feront l'objet d'arran-
des dispositions posté- gements à concerter en-
rieures. tre les deux gouverne-
ART. 2. ments.
— La France Il est, dans tous les
conserve pour ses res- cas, entendu que ces con-
sortissants, sur le pied ditions seront au moins
d'égalité avec les sujets aussi favorables que cel-
britanniques, le droit de les du régime institué
pêche dans les eaux ter-
ritoriales sur la partie par application de l'acte
de la côte de Terre-Neuve général de la Conférence
comprise entre le' cap africaine du 26 février
Saint-Jean et le cap Raye, 1885. et de la Convention
franco-anglaise du 4 juin
en passant par le Nord : 1898, dans la partie an-
ce droit s'exercera pen- glaise du bassin du Ni-
dant la saison habituelle
de pèche, finissant pour tout le monde le 20 octobre l'objet d'un règlement établi d'accord entre les deux ger.
de chaque année. gouvernements. Les îles de Los.
Les Français pourront donc y pêcher toute espèce ART. 3. — Une indemnité pécuniaire sera allouée
de poisson, v compris la boëtte, ainsi que les crus- par le gouvernement de S. M. Britannique aux ART. 6. — Le groupe désigné sous le nom d'iles de
tacés. Ils pourront entrer dans tout port ou havre de citoyens français se livrant à la pèche ou à la prépa- Los, et situé en face de Konakry, est cédé par S. M.
cette.côte et s'y procurer des approvisionnements ou ration du poisson sur le « Treaty Shore », qui seront Britannique à la France.
de la boëtte et s'y abriter dans les mêmes conditions obligés soit d'abandonner les établissements qu'ils y
que les habitants de Terre-Neuve, en restant soumis possèdent, soit de renoncer à leur industrie, par
ART. 7.
— Les personnes nées sur les territoires
cédés à la France par les articles 5 et 6 de la pré-
aux règlements locaux en vigueur: ils pourront aussi suite de la modification apportée par la présente sente convention, pourront conserver la nationalité
pêcher à l'embouchure des rivières, sans toutefois convention à l'état de choses actuel. britannique, moyennant une déclaration individuelle
pouvoir dépasser une ligne droite qui serait tirée de Cette indemnité ne pourra être réclamée par les faite il cet effet devant l'autorité compétente par elles-
l'un à l'autre des points extrêmes du rivage entre les- intéressés que s'ils ont exercé leur profession anté- mêmes ou, dans le cas d'enfants mineurs, par leurs
quels la rivière se jette dans la mer. rieurement à la clôture de la saison de pèche de 1903. parents ou tuteur.
Ils devront s'abstenir de faire usage d'engins de Les demandes d'indemnité seront soumises à un Le délai dans lequel devra se faire la déclaration
pêche fixes (stake-nets and fixed engines) sans la per- tribunal arbitral, composé d'un officier de chaque d'option prévue au paragraphe précédent sera d'un an,
mission des autorités locales. nation, et, en cas de désaccord, d'un surarbitre dési- à dater du jour de l'installation de l'autorité française
Sur la partie de la côte mentionnée ci-dessus, les gné suivant la procédure instituée par l'article 32 de sur le territoire où seront nées lesdites personnes.
Les lois et coutumes iudigènes actuellement en
vigueur, seront respectées autant que possible.
Egypte et Maroc. En foi de quoi S. E. l'ambassadeur de la République
française près S. M. le roi du Royaume-Uni et de Ja
Aux îles de Los, et pendant une période de trente ARTICLE PREMIER. Le gouvernement de S. M. Bri- Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britan-
années, à partir de l'échange des ratifications de la —
tannique déclare qu'il n'a pas l'intention de changer niques au delà des mers, empereur des Indes, et le
présente convention, les pêcheurs anglais bénéficie- l'état politique de l'Egypte. principal secrélaire d'Etat pour les affaires étrangères
ront, en ce qui concerne le droit d'ancrage par tous De son côté, le gouvernement de la République de Sa Majesté Britannique dûment autorisé à cet effet,
les temps, d'approvisionnements et d'aiguade, derépa- française déclare qu'il n'entravera pas l'action de
ration, de transbordement de marchandises, de vente ont signé la présente déclaration et y ont apposé
l'Angleterre dans ce pays en demandant qu'un -terme leurs cachets.
de poisson, de descente à terre et de séchage des filets, soit tixé à l'occupation britannique ou de toute autre Fait à Londres, en double expédition, le 8 avril 1904.
du même régime que les pêcheurs français, sous manière, et qu'il donne son adhésion au projet de
réserve toutefois, par eux, de l'observation des pres-
criptions édictées dans les lois et règlements français
décret khédivial qui est annexé au présent arrange- Déclaration concernant le Siam,
ment, et qui contient les garanties jugées nécessaires Madagascar
qui y seront en vigueur. pour la sauvegarde des intérêts des porteurs de la
Niger et Tchad.
Dette égyptienne, mais à la condition qu'après sa mise et les Nouvelles-Hébrides.
en vigueur aucune modification n'y pourra être intro-
-
ART. 8. A l'est du Niger, et sous réserve des
modifications que pourront y apporter les stipulations
duite sans l'assentiment des puissanc s signataires de
la Convention de Londres de 1885.
Il est convenu que la direction générale des anti- Le
Siam.
gouvernement de Sa Majesté Britannique et le
insérées au dernier, paragraphe du présent article, le quités en Egypte continuera, d'être, comme par le gouvernement de la République française maintien-
tracé suivant sera substitué à la délimitation établie passé, confiée à un savant français. nent les articles 1 et 2 de la déclaration signée à
entre les possessions françaises et anglaises par la Les écoles françaises- en Egypte continueront à Londres, le 45 janvier 4896, par le marquis de Salis-
convention du 14 juin 1898 : jouir de.la même liberté que par le passé. bury, principal secrétaire d'Etat pour les affaires
Partant du point sur la rive gauche du Niger indiqué étrangères de Sa Majesté Britannique à cette époque,
gouvernement de la République fran- et le baron de Courcel, ambassadeur de la République
à l'article 3 de la convention du 14 juin 1898, c'est-à- çaise déclare qu'il n'a.pas l'intention de changer l'étal
dire la ligne médiane du "DaUo'l-Mâouri, la frontière politique du Maroc. française près Sa Majesté Britannique à cette époque.
suivra cette ligne médiane jusqu'à sa rencontre avec De son côté, le gouvernement de S. M. Britannique Toutefois, en vue de compléter ces dispositions, ils
la circonférence d'Un cercle- décrit du centre de: la reconnaît qu'il. appartient à la France, notamment déclarent, d'un commun accord, que l'influence delà
ville de Sokoto avec un rayon de 460.932 mètres commepuissance limitrophe du Maroc Grande-Bretagne sera reconnue par la France sur les
(100 milles). De ce point, elle suivra l'arc septen- sur une vaste territoires situés à l'ouest du bassin de la Mémam, et
étendue, de veiller à la tranquillité dans ce pays, et de
trional de ce cercle jusqu'à un point situé à 5 kilo- lui prêter son assistance pour toutes les réformes celle -de la France sera reconnue par la Grande-Bre-
mètres au sud du point d'intersection avec ledit arc administratives,1économiques, financières et militaires tagne sur les territoires situés à l'est de la même
de ce cercle de la route de Dosso à Matankari par dont il a besoin. région, toutes les possessions siamoises à l'est et au
Maourédé. Il déclare qu'il n'entravera pas l'action de la France sud-est de la zone susvisée et les iles adjacentes rele-
Elle gagnera de là, en ligne droite, un point situé à à cet effet, sous réserve que cette action laissera intacts vant ainsi désormais de l'influence française,, et,
20 kilomètres aunordde Kôu'ni (Rirni-N'Kouni'),puisde les' droits dont,, en vertu des traités, conventions et d'autre part, toutes les possessions siamoises à l'ouest
là,'également en.ligne droite, un point situé à 15 kilo- usages, la Grande-Bretagne jouit au Maroc, y compris, de cette zone et du golfe de Siam, y compris la pénin-
a
mètres au sud de Maradi, etrejoindl ensuite direc- le droit de cabotage entre les ports marocains dont
ttment l'intersection du parallèle 13° 20' de latitude bénéficient les navires anglais .depuis 4504.
sule malaise et les îles adjacentes; relevant de l'in-
fluence anglaise.
nord avec un méridien passant à 70 milles à l'est de la ART. 3:- Le gouvernement de' 'S. M. Britannique,
seconde intersection du 44, degié de latitude nord de son côté, respectera les droits dont, en vertu des
Les deux parties contractantes, écartant d'ailleurs
toute idée d'annexion d'aucun territoire siamois, et
avec l'arc septentrional du cercle précité. traités,'conventions et usages, la France Jouit en résolues à s'abstenir de tout acte qui irait à l'encontre
De là, la frontière suivra, vers l'est, le parallèle Espagne, y compris le droit de .rlab,o.tage accordé aux des dispositions des traités existants, conviennent que,
13°20'de latitude nord jusqu'à sa rencontre avec la sous cette réserve et en regard de l'un et de l'autre,
rive gauche de la rivière Komadougou Ouobé (Koma- ART.-
navires français entre les PQi'ts"'égyptiens
4. —' Les deux gouvernements, également
dugu Waube), dont elle suivra le thalweg jusqu'au lac attachés au principe -
de la liberté commerciale, tant
l'action respective des deux gouvernements s'exercera
librement sur chacune des deux sphères d'influence
Tchad. Mais si, avant de rencontrer cette "rivière, la en Egypte qu'au . Maroc, déclarent qu'ils ne: s'y .prête- ainsi définies.
frontière arrive à une distance de 5 kilomètres de la ront à aucune inégalité, pas plus' dans l'établissement Madagascar.
route de caravane de Zindér à Yo, par Soua Kololoua des droits de douane ou autres taxes que dans l'éta- En vue de l'accord en préparation sur les questions
(Sua Kololua), Adeber, et Kabi, la frontière sera blissement des tarifs de transport par chemin de fer. de juridiction et du service postal à Zanzibar et sur la,
tracée à une distance de 5 kilomètres au sud de cette Le commerce de l'une et de Fautre nation avec le côte adjacente, le gouvernement de Sa Majesté Britan-
route jusqu'à sa rencontre avec la rive gauche de la Maroc et avec l'Egypte joUira: .d'ù- même traitement niqué renonce à la réclamation qu'il avait formulée
rivière'Komadougou Ouobé (Komadugu Waube), étant pour le transit par les possessions françaises et britan- contre l'introduction du tarif douan er établi à Mada-
toutefois entendu que si la frontière ainsi tracée niques en Afrique. Un accord entre les deux gouver- gascar après l'annexion de cette lie à la France. Le
venait à traverser un village, ce village, avec ses ter- nements réglera les conditions d,e ce transit et déter- gouvernement de la République française prend acte
rains, serail attribué au gouvernement auquel se rat- minera les points de: pénétration. de cette déclaration.
tacherait la partie majeure du -village et'de ses ter- Cet engagement-réciproque -est valable pour une
rains. Elle suivra ensuite, comme ci-dessus, le thalweg période de trente ans. Faute de dénonciation expresse Nouvelles-Hébrides.
de ladite rivière jusqu'au lac Tchad. faite une année au moins à l'avarice, cette période Les deux gouvernements conviennent de préparer de
De là elle suivra le degré de latitude passant par le sera prolongée de cinq en cinq-ans." concert un arrangement qui, sans impliquer aucune
thalweg de l'embouchure de ladite rivière jusqu'à son Toutefois, le gouvernement, de la République fran- modification dans le statu quo politique, mette fin
intersection avec le méridien passant à 35' est du çaise au Maroc et le gouvernement de Sa Majesté Bri-
centre de la ville de Kouka. puis ce méridien vers le tannique en Egypte se réservent de veiller .à ce que aux difficultés résultant de l'absénce de juridiction
sud jusqu'à son intersection avec la rive sud du lac les concessions de routes, chemins de fer, ports,'etc., sur les indigènes des Nouvelles-Hébrides.
Ils conviennent de nommer une commission pour
Tchad. soient. données dans des conditions'telles que l'auto- le règlement des différends fonciers de leurs ressor-
Il est convenu, cependant, que lorsque les commis- rité de l'Etat sur ces grandes entreprises d'intérêt tissants respectifs dans lesdités il es. La compétence
saires des deux gouvernements qui procèdent, en ce général demeure entière. " ~ de cette commissionet les règles de sa procédure feront
moment, à la délimitation de la ligne établie dans ART. 5.— Le gouvernement de Sa Majesté.Britan- l'objet l'objet d'un accord préliminaire entre les deux
l'article IV de la convention du 14 juin 4898, seront nique déclare qu'il usera de son influence pour que gouvernements.
revenus et pourront êlre consultés, les deux gouver- les fonctionnaires français actuellement au service
nements prendront en considération toute modification égyptien ne soient pas mis dans des conditions moins
à la ligne-frontière ci-dessus qui semblerait désirable avantageuses que celles appliquées aux fonctionnaires
pour déterminer la ligne de démarcation avec plus de anglais du même service.
précision. Afin d'éviter les inconvénients qui pourraient Le gouvernement de la République française, de
résulter de part et d'autre d'un tracé qui s'écarterait son côté, n'aurait pas d'objection à ce que des condi-
des frontières reconnues et bien constatées, il estcon- tions analogues fussent consenties aux fonctionnaires Voici le résumé du projet de décret dont il est
-.o,venu que, dans la partie du tracé où la frontière n'est britanniquesactuellement au service marocain. question dans la déclaration concernantl'Egypte:
pas déterminée par les routes commerciales, il sera ART. 6. —Afin d'assurer le libre passage du canal de Nous, khédive d'Egypte, vu les décrets mentionnés
tenu- compte des divisions politiques actuelles des Suez, le gouvernement de Sa Majesté Britannique
territoires, de façon à ce que les tribus relevant des déclare adhérer aux stipulations du traité conclu le aux annexes à la présente loi; avec l'assentiment des
puissances signataires de la convention deXondres:
territoires de Tessaoua-Maradi etZinder soient, autant 29 octobre 1888, et à leur mise'en'vigueur. Le libre
sur la proposition de notre ministre des Finances, et
que possible, laissées à la France, et celles relevant passage du canal étant ainsi garanti, l'exécution de la l'avis conforme de notre Conseil des ministres
des territoires de -la zone anglaise soient, autant que dernière phrase du paragraphe 4er et, celle du para- :
sera, s'il est besoin, modifiée de façon à assurer à la ART. 7. — Afin d'assurer le libre passage du détroit 1° Sont comprises dans la Dette publique :
France une communication en eau libre en toute de Gibraltar, les deux gouvèrnements conviennent de La Dette garantie
saison entre ses possessions du nord-ouest et du sud- ne pas laisser élever de fortifications ou des ouvrages La Dette privilégiée ;
ouest du lac, et une partie de la superficie des eaux stratégiques quelconques sur la partie de la côte maro- La Detle unifiée ;
libres du lac au moins proportionnelle à celle qui lui caine comprise entre Mélilla et les hauteurs qui domi- La Dette domaniale;
était attribuée par la carte formant l'annexe no 2 de nent la rive droite du Sébou exclusivement. Toutefois, La Dette générale de la DaÏra-Sanieh.
la convention du 14 juin 1898.. 2° Toutes ces Dettes sont représentées par des titres -
pêche...
cette disposition ne s'applique pas aux points actuel-
Dans la partie commune delà rivière Komadougou, lement occupés par l'Espagne sur la rive marocaine de au porteur, munis de coupons semestriels.
les populations riveraines auront égalité de droits pour la Méditerranée. 3° Les coupons sont payables et les titres sont rem-
la ART. 8. Les deux gouvernements, s'inspirant de boursables en or, sans aucune déduction.
— 4° Les paiements et remboursements ci-après sont
ART. 9.
— La présente convention sera ratifiée, et leurs sentiments sincèrement amicaux pour l'Espagne,
les ratifications en seront échangées, à Londres, dans prennent en particulière considération les intérêts effectués, pour ce qui concerne les Dettes garantie, pri-
le délai de huit mois, ou plus tôt si faire se peut. qu'elle tient de sa. position géographique et de ses
En foi de quoi S. E. l'ambassadeur dela République possessions territoriales sur la côte marocaine de la
à
vilégiée et unifiée, au Caire, Londres, àParis et à Berlin.
Le change des paiements à Paris et à Berlin est
française près S. M. le roi du Royaume-Uni de la Méditerranée, et au sujet desquels le gouvernement fixé en monnaie francaise et en monnaie allemande,
Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britan- français se concertera avec le gouvernement espagnol. par la Commission de la Dette publique, de concert
niques au delà des mers, empereur des Indes, et le Communication sera faite au gouvernement de Sa avec le ministre des Finances, sans que ce change
principal secrétaire d'Etat pour les affaires étran- Majesté Britannique de l'accord qui pourra intervenir puisse jamais dépasser la parité de la livre sterling, ni
gères de S. lVI. Britannique, dûment autorisés à cet à ce sujet entre la France et l'Espagne. être inférieur à 25 francs, ou 20 marck 25 pfennigs
effet, ont signe làprésente convention et y ont apposé ART. 9. Les deux gouvernements conviennent de 5° Pour ce qui concerne les Dettes domaniale et
leurs cachets. — DaÏra-Sanieh. les paiements et remboursements con-
se prêter l'appui de leur diplomatie pour l'exécution
Fait à Londres, en double expédition, le 8 avril des clauses de la présente déclàration relative à tinuent à être effectués dans les mêmes villes et aux
4904. l'Egypte et au Maroc. mêmes taux d'échange que jusqu'ici.
6° Il n'est pas admis d'opposition au paiement des Celui desobligations de la Dette domaniale est de
coupons ou au remboursement des titres. ne sont pas expressément abrogées: ou modifiées par la
Toutefois, au cas ou, là déclaration de la perle
4 1/2 0/0, payable .le 1er. juin. et le 1er décembre. Celui présente-loi. Les dispositions du litre III de la présente
ou des obligations de la Dette Daïra-Sanieh est de 4 0/0, lui leur seront en outre applicables.
du vol de titres ou de coupons leur paraîtrait suffi- payable le 45 avril et le 15 octobre. .Le titre Il règle la composition et les pouvoirs de la
samment ctablip, les administrations et' banques 8° Les obligations des dettes ci-dessus ne pourront Commission de la Dette publique, iltraite du service
chargées du service des emprunts auront'la fàculté de être frappées d'aucun impôt au profit-du gouverne-
surseoir provisoirement au paiement desdits titres ou et des garanties des Dettes garantie, privilégiée et
ment égyptien. unifiée et en indique le mode d'amortissement et de
coupons. 9° Les,obligations de la Dette garantie jouissent de remboursement.
7° L'intérêt annuel des obligations de la Dette la garantie résultant de la convention internationale Le titre- III traite de la Dette domaniale et de la
garantie est de 3 0/0 ; il est payable semestriellement en date du 18 mars 18S5. Daïra-Sanieh.
aux échéances du 1er mars et du der septembre. Celui Lesdites obligations, ainsi' que celles des Dettes pri- Le titre IV fixe des dispositions diverses : transfert
des obligations de la Dette privilégiée est de 3 1/2 0/0 vilrgiée et unitiée, sont, en outre, garanties de la ma- du fonds de réserve et des économies de conversion,
payable le 15 avril et le 15 octobre. lJÍèle résultant des articles 30 à 43 de la présente loi. délais de prescription, abrogations: etc.
Celui des obligations de la Dette unifiée est de 4 0/0, 10° Les emprunts Domanial et Daïra-Sanielj conti- La présente loi entrera en vigueur trente jours après
payable le '1CI' mai et le 1er novembre. nueront à êlre réglés par ces dispositions tant qu'elles sa promulgation au Journal officiel.
U'IL y ait à l'heure présente opportunité politique du Maroc. Be son côté, le gouvernement reconnaissant, surun pied d'égalité,auxressortis-
à clore par un compromis équitable les de Sa Majesté Britannique reconnaît qu'il appar- sants britanniques, — mais à la faculté de créer
litiges pendants depuis nombre d'an- tient à la France, notamment comme puissance des établissements à terre. En revanche, toute
nées enlre notre pays et la Grande- limitrophe du Maroc sur une vaste étendue, de facilité sera donnée à nos nationaux pourlapêche
bretagne, j'aurais, en ce qui me concerne, mau- veiller à la tranquillité de ce pays et de lui prêter et l'achat de laboëtte, ainsi que pour la capture
vaise grâce à le contester. Je me suis déclaré assistance pour toutes les réformes administra- du homard, solennellement admis à la qualité
favorable à cette entente avant même que les iltives,besoin. économiques, financières et militaires dont
de poisson, ce qui termine une longue et quelque
négociations qui viennent d'aboutir lussent ou- a
vertes. J'ai dit mon sentiment très nettement à L'Angleterre se désintéresse du Maroc comme peu oiseuse controverse. Dépossédés de leurs
établissements à terre, nos nationaux du French
-ce sujet dans un article qu'a inséré, il y a quel- ,nous nous sommes désintéressés de l'Egypte. Shore auront droit à une indemnité.
ques mois déjà, \&.National Review (1) et qui n'a Elle y met toutefois une double condition : il Mais une compensation était due également à
pas passé inaperçu, de l'autre côté de la Man- ne sera pas construit de fortifications sur la la France pour l'abandon de son privilège. Le
che, dans les milieux gouvernementaux et par- partie de la côte qui fait face à Gibraltar; la gouvernement britannique nous la donne par la
lementaires, où volontiers on me représentait liberté commerciale, c'est-à-dire l'égalité de cession des îles de Los, en face de Conakry;
comme personnifiant l'intransigeance du parti traitement dans les tarifs de douane et dans les par l'attribution d'un port sur la partie navi-
colonial français, ou ce qu'il a plu à nos voisins gable de la Gambie, enfin par la rectification de
d'appeler « la politique de coups d'épingles ». 'la frontière entre le Niger et le Tchad. J'attache,
J'ai dit que sans rien abandonner de nos légi- pour ma part, un très grand prix à ces conces-
times revendications il y avait à Terre Neuve, sions. Les îles de Los, qui n'ont aucune valeur
en Aft-ique, au Maroc, aux Nouvelles-Hébrides en elles-mêmes, présentent une réelle impor-
et au Siam des solutions possibles, si on en tance pour la défense de Conakry. Le regretté
abordait de part et d'autre l'examen ave'c fran- Ballay, dont il est impossible de ne pas évoquer
chise et avec un sincère désir d'aboutir. Je ne la mémoire quand il est question de celte colo-
me flatte point d'avoir été ainsi un des artisans nie de la Guinée, qui lui doit sa prospérité,
du récent accord. Je constate simplement que Ballay me parlait bien souvent de l'intérêt qu il
le sentiment que j'ai exprimé en mon nom per-
sonnel correspondait au sentiment qu'ont affir- y aurait à ne pas laisser dans des mains étran-
gères ces îlots qui ne pouvaient servir qu'à de'
mé les deux gouvernements en signant un arran- mauvais desseins, à la contrebande de douane
gement que, pour ma part, je n'hésite pas à ou à l'installation de batteries menaçant la
trouver honorable et satisfaisant. ville. Jusqu'à présent, les délégués de la France,
Qui dit arrangement dit transaction, c'est-à- dans les négociations auxquelles donnèrent lieu
dire abandon d'une partie de ses droits.ou de les délimitations successives faites avec l'An-
ses prétentions en échange de certaines conces- gleterre sur cette partie de la côte d'Afrique,
sions. Voyons donc, sans entrer dans le détail s'étaient heurtés à des finsde nori-recevoir abso-
•de ce contrat diplomatique, dopt la teneur est lues quand ils réclamaient les îles dé Los.
suffisamment connue, ce que la France aban- Le cabinet de Londrès nous octroie aujour-
donne et ce qu'elle obtient: Les sacrifices que 'd'hui ce qu'il avait précédemment refusé. Ce
npus consentons portent d'une part sur l'Egypte, n'est pas un don insignifiant. Il en va de même
d'autre part sur Terre-Neuve. Ils ont pour de la roule vers le Tchad que nous assure le
contre-parties des avantages qui noussont accor- nouveau tracé : rectification due, je le veux bien:
..dés sur la Côte occidentale d'Afrique et au Ma-
en équité, mais que la lettre des traités que
roc. En Egvpte, nous reconnaissons la situation nousavionssignés permettait de i-efuser-. L'accès
•dé fait que l'Angleterre à pu s'y créer par suite à un point navigable de. la Gambie répond
de notre propre défaillance: La faute commise également à. des desideratafréquemment expri...,
en 1882, malgré Gambetta, qui n'a ménagé alors més par le commerce français dans cette région.
au gouvernement et aux Chambres ni ses aver- Je dirai peu de choses des stipulations concer-
tissements ni ses plus éloquentes objurgations, nant Madagascar, le Siam et-les Nouvelles-
•
était de celles — nous l'avons bien vu après Fa- Hébrides. A Madagascar, par l'acceptation d'un
•choda — qui n'auraient pu être réparées qu'en tarif douanier qui fonctionne depuis plusieurs
courant- l'aléa d'une guerre. Vingt années de années, elles mettent un terme à des protesta-
platoniques protestations n'ont pas retardé d'un tions qui ne pouvaient avoir dans l'esprit même
jour le progrès de l'influence britannique dans tarifs de chemin de fer, est garantie pour une PfJ- de -ceux qui les formulaient, de sanction bien
le pays des Pharaons. riode de trente ans. Notons d'ailleurs que cet en- pratique. Au Siam, c'est un commentaire de la
Nous nous engageons aujourd'hui à ne pas gagement que nous prenons vis à-vis de l'Angle- déclaration de 1896 qui donne raison à la thèse
l'entraver, à ne plus demander à l'Angleterre terre au Maroc, l'Angleterre le prend vis-à-vis de que nous avons toujours soutenue, à savoir que
qu'elle fixe une limite de temps à son occupa- nous en Egypte. C'est une contre-partie qui pour- ce protocole, à moins de le supposer dépourvu
tion. Nous promettons, en somme, d'accepter rait avoir sa valeur si les théories de sir Chamber- de toute portée pratique, devait avoir pour
de bonne grâce ce que, avec la plus mauvaise lain en matièred'union douanièrevenaient à pré- résultat de faire reconnaître par l'Angleterre
humeur du monde — décidés que nous sommes valoir. Non moins satisfaisante apparaît, à mon l'influence de la France à T'est du bassin de la
à ne pas recourir aux moyens violents —nous avis,la convention qui règle l'abandon des privilè- 'Meinam, de même que la. France reconnaissait
-aurions été impuissants à empêcher. Rien n'est ges que le traité d'Utrecht nous avaitattribués au l'influence britannique .à l'ouest de ce même
abandonné des garanties précédemment accor- French Shore. Je ne referai pas ici l'historique bassin. AuxNouvelles"Hébrides, lecondominium
dées à nos nationaux en Egypte. La situation des difficultés qu'a soulevées l'interprétal ion de à deux subsiste, mais pour en atténuer les incon- -
des créanciers de la dette égyptienne est môme ce traité, je rappellerai seulement que la situa- vénients des mesures seront prises entre les deux
améliorée par la clause qui les met à l'abri, jus- tion de fait, admise de part et d'autre à défaut gouvernements en vue de régler la question de
qu'en 1910 et 1912, d'un remboursement anti- d'arrangement sur le fond, et prorogée d'année la juridiction indigène et de mettre fin aux diffé-
cipé L'Angleterre, enfi.n, adhère à la convention en année depuis 1890, n'était rien moins qu'avan- rendsfonciers de leurs ressortissants dans ces îles.
qui proclame la neutralité du Canal de Suez... tageuse pour nos pêcheurs. Le droit exclusif. S'il est exagéré de croire que ces projets de rè-
A- cet article premier de la déclaration qui règle de pêcher dans les eaux du French Shore et de glements mettront fin à toutes les difficultés, on
les conditions dans lesquelles la France se désin- construire des établissements de sécherie à peut augurer cependant des formules concilian-
téresse. de l'Egypte correspond l'engagement terre leur était, il est vrai, reconnu, mais par le tes qui consacrent ces accords que l'ère,des con-
pris par l'Angleterre a de ne pas entraver l'action bait bill, c'est-à-dire par l'interdiction de pêcher flits aigus a pris fin et que les intérêts français
,de la France au Maroc ». Ici. il faut citer le texte, ou d'acheter l'appât nécessaire à la pêche ; cette en Océanie pourront se développer sans entrave.
car chaque mot a sa valeur : industrie, si importante pour le recrutement de En résumé, je le répète encore, les résultats
Le gouvernement de la République française notre marine de guerre, était gênée d'une façon obtenus dans ces négociations sont pleinement
déclare qu'il n'a pas l'intention de changer l'état très sensible. Nous renonçons aujourd'hui, non satisfaisants'. Je n'hésite pas., en ce qui me con-
(1) Voir la traduction, in extenso de l'pttp étude dans la pas au droit de pêcher dans les eaux du French cerne, à leur donner une approbation sans
Dépêche Coloniale du 1er juillet 1963, n° 2096. Shore, — ce droit,- nous le conservons, en le réserve. ELG. ETIENNE.
French-Shore. Enfin, cette côte nous était réservée pour les teurs français, petits ou grands, avaient tenté
établissements à terre de séchage, de manipu- quelque installation sur le French Shore.
lation ou autres que la pêche peut entraîner; Cette situation d'une côte de cent quatre-
Que devient notre situation sur la côte de ayant étendu au homard la qualification de
Terre-Neuve? vingts kilomètres d'étendue, entièrement prohi-
poisson, nous récoltions ce crustacé dans les an- bée, pour le profit de cette poignée d'étrangers
Chaque année, de nos ports du Nord, une f'ractuosités des rochers et nous le préparions à
flottille importante met à la voile pour pêcher la terre. Mais le nombre de maisons qui profitaient aux centaines de mille de Terre-Neuviens, pos-
sesseurs naturels du sol, avait une apparence si
sent les questions coloniales, n'ignorait l'étrange souveraineté, que nul ne pouvait, en France, aux îles de Los la citadelle qui protège, et non
situation où l'attribution de ces îles à l'Angle- mettre sérieusement en doute. Il y a près de la forteresse qui menace, le chef-lieu de nos
terre plaçait le chef-lieu de notre Guinée, Cona- quarante ans, le Dictionnaire géographique de possessions de la Guinée. Et, sans nous arrêter
kry. Le voyageur qui, pour la première fois, Dezobry et Bachelet, édition de 18()(), renfer- à ces projets belliqueux dans la période d'en-
visitait la ville française, était stupéfait de voir mait, au sujet des lies de Los, cette note laco- tente cordiale qui vient de s'ouvrir, nous devons
l'horizon fermé, sur la mer, par des îlots britan- nique, mais très nettement affirmative « Sur considérer enfin que les îles de Los devenues
niques. Il éprouvait à peu près les sentiments sept, trois sont habitées. Elles appartiennent
que nous aurions, en France, en apprenant, sur aux Anglais. » Telle étant la situation, on
s'explique comment les îles de Los demeurèrent
placées sous la souveraineté britannique quand
s'ouvrit la série de délimitations qui devaient,
dans ces régions, définir les droits de la France
et ceux de l'Angleterre. On discutait seulement
sur ce qui pouvait ètre contesté, et ce n'était
pas là le cas des îles de Los. Après comme avant,
les conventions du 10août 1889, du 26 juin 1891,
du 21 janvier 1895, les îles de Los étaient an-
glaises et restèrent anglaises. La fondation de
Conakry ne donnait que plus de prix à l'archipel
pour le gouvernement britannique, et si la
question de leur attribution définitive s'était
trouvée posée dans ces négociations particu-
lières, elle aurait alors pesé de tout son poids
dans la balance, d'un poids écrasant pour les
intérêts français.
Pour que la France cessât de se trouver dans
cette situation assez fausse et quelque peu ridi-
nos côtes, que Belle-Ile, Ouessant, ou l'île de cule, il fallait un règlement plus général de nos françaises, englobées dans la sphère des intérêts
Batz, appartiennent à une puissance étrangère, litiges avec l'Angleterre.. Le gouvernement français, vont permettre de compléter, dans
et le thème était, facile à l'indignation. Com- français eut la sagesse de le comprendre, et, l'intérêt du commerce de toutes les nations, le
ment le gouvernement français avait-il eu la l'occasion se présentant, il vient d'avoir le mé- balisage et l'éclairage du port de Conakry, en-
faiblesse de céder à l'Angleterre un archipel qui rite, non moins grand, d'en avoir su tirer parti. core imparfaitement défendu contre une cein-
commande l'entrée d'une ville dont nous avons Qu'on ne s'y trompe pas d'ailleurs ;il ne saurait ture de récifs, qui semblent être plus ou moins
fait le point de départ de notre action dans cette s'agir simplement d'une satisfaction de pur les satellites de l'archipel.
profit de la France; elle irait donc joindre la admettre que ce sacrifice, si tant est que pareil sion est un acte d'équité qui serait banal entre
rive occidentale du Grand Lac, un peu au sud mot convienne, a une valeur appréciable au particuliers, car il ne constituerait pour eux
d Arégué, à 25 kilomètres au sud de l'embou- regard de l'importance des intérêts mis en jeu qu'un acte d'honnêteté courante.
chure de Ll rivière Komadougou-Ouabé et à en- dans l'ensemble des nouveaux arrangements. Il Seule durable sera, en cette contrée, la fron-
viron 60 kilomètres au nord des ruines de Kouka. s'agit en effet d'une population maximum de tière qui nous permettra de relier facilement
Les sacrifices consentis déjà dans cette déli- 60,000 habitants et de lieues carrées de sable. nos possessions soudanaises à celles du Ilaut-
mitation par le gouvernement anglais ont paru quel qu'en soit le nombre, d'unevaleur absolue, Congo. C'était le but que s'étaient proposé en
considérables à quelques journalistes d'outre- complètement nulle. toute bonne foi les plénipotentiaires de 1890
Manche. En y ajoutant ceux, indispensables, La délimitation de 1898 repose, on ne doit c'est celui que doivent atteindre ceux de 1904.
;
que nous réclamons ici, on aura peine à faire pas l'oublier, sur une base inexacte sa revi-
: Ll-Colonel PÉROZ.
E fleuve Como, un des plus importants du de leurs paillettes lui laisse la sensation d'un barcation du touriste quitte Libreville, elle entre
Gabon, présente a priori un aspect peu pays de rêves. rapidement dans cette partie du Gabon où l'es-
enchanteur. Ses rives basses, couvertes Il se jette dans l'estuaire aux portes mêmes de tuaire et le Como ont mêlé leurs eaux intime-
de palétuviers, n'inspirent guère au Libreville. C'est de là que nous allons suivre les ment. -Le regard peut s'étendre de droite à
voyageur le désir de le reconnaître. Et cepen- 150 kilomètres de son cours sinueux. gauche, il percevra une activité réconfortante.
dant, en le remontant, les méandres qu'il décrit, Borné au nord par la -chai'ne.. des monts de A Pongara, chez Rapo.tiombo, toujours roi, de la
les- criques où il se resserre, la végétation Cristal, au sud.par la ligne équatoriale parlant pointe et depuis peu fonctionnaire, est la belle
luxuriante, les orchidées odorantes, les lianes de la rivière Iambi et aboutissant à la Banga, plantation.Brandon, sur laquelle 10.000 cocotiers
gigantes'ques qui en égaient les bords changent affluent direct de l'Ogooué, à l'est par ladite devant être èn pleine production pour 906
totalement sa physionomie. Banga, à l'ouest par l'Assango, il cesse d'être pointent vers le ciel leurs rameaux vigoureux.
Le pays fut longtempsprospère, mais, comme navigable au moment où il se transforme en A Denis, M. Jeanselme commence le défriche-
tout bon congolais, il suivit de 1898 à 1903 son cascades, comme celles produites par son prin- ment d'une concession destinée à la culture du
rude ch'emin de Dam-as. Aujourd'hui., sa vitalité cipal affluent M'Bei, au-dessus du poste de Fula, cacao.
s'affirme à nouveau, il mérite d'être connu. à Kingélé. Elles atteignent 70 mètres d'éléva- Ce colon travailleur en possède déjà, à l'île
Le fleuve Como, d'aucuns disent la rivière, tion, retombant formidables et bruyantes dans aux Perroquets, 20.000 pieds sur lesquels il basa
prend sa source dans les monts de Cristal, à dis- le grand silence de leurs solitudes. jadis ses espérances de réussite. Ils sont au-
tance si chatoyants à l'œil que le reflet bleuté Quand, poussée par une brise favorable, l'em- j ourd'hui en plein rapport.
Pour faire partie intégrante du domaine ga- En face de lui, l'île Ningué-Ningué possède un Le Bokoué, la M'Bei, le Rembué lui appar-
bonais, l'île se différencie cependant de la grande banc de sable où semestriellement est échoué, tiennent.
terre. Ses abords en sont plus gracieux, son aux fins de visite, l'aviso de la station locale. Cependant, poussée progressivement par les
charme irrésistiblement attirant, surtout si la Tout à côté se trouve la briqueterie de la mai- Musulmans Yanghérés, il faut s'attendre à la
famille ailée des perroquets salue l'approche de son Brandon, annexe en quelque sorte de sa voir un jour précipitée, à la mer et, disparaître
l'étranger d'un joli caquetage de bienvenue. plantation de cacao. ainsi d'un pays dont elle chassa elle-même les
Elle est l'escale obligatoire à laquelle nul ne Aux environs, sur la rive gauche du Bokoué, légitimes propriétaires.
doit se soustraire. Mais le voilier avance. Voici un jeune homme, M. Stéphane, mis récemment Les Pahouins ont une belle prestance, le corps
l'hospitalière mission de Donghila juchée, tel en possession de 600 hectares, s'apprête à en s'harmonise dans ses proportions et dans ses
un château fort, sur le sommet du plateau auquel tirer bon parti. formes. L'œil vif, les ,dents blanches taillées en
elle emprunte son nom. Là aussi le cacao, le En remontant le Como vers la M'Bei, le pays pointes, les lèvres épaisses, les attaches fines,
café, la va nille prospèrent. Les sœurs entourent change sensiblement d'apparence. Dans le bas- les muscles saillants, les membres souples, le
de soins jaloux les parterres où la rose donne sin supérieur le sol est élevé, couvert de pla- thorax développé, la stature élevée donnent de
l'accolade à l'œillet, fraternise avec -le jasmin teaux boisés et de montagnes, dont l'altitude l'ensemble de l'individu cette impression qu'il
varie entre 200 et 600 niè- appartient à une race robuste et intelligente.
tres. La femme conserve ses charmes jusqu'à sa
C'est là, à Ayémé, un première maternité. Peu après, la décrépitude
peu avant d'arriver à la commence. Elle va vite, pour cette malheureuse
mission catholique d'Asa- réduite, à 30 ans, à passer inaperçue au milieu
kama, que l'œil se repose des siens Notre compassion et nos constants
!
côté où il se plaçait lui-même, commande le de l'échangeprotocolaire de la poule et du tabac, nouveaux, l'essai entraîne fatalement des aléas.
passage des pirogues venant .de la M'Bei ou du nous dûmes visiter son village. Le mieux est de les encourir, tout en les restrei-
Bokné. Quel village, grands dieux Deux cases, deux
! gnant.
Il est de séjour agréable, nonobstant l.,s rats cuisines, trois femmes, cinq poules, une chèvre, Les centres pahouins ont rarement de l'im-
qui l'ont envahi et les puces ailées appelées deux cochons et le second chef... frère du pre- portance dans le Como, et bien que groupés les
« fouroux »,
dont il pullule au lever et au coucher mier ! unes à côté des autres, les familles forment des
du soleil. Il nous fut expliqué que, selon l'ordre d'héré- villages distincts dont chacun prétend à un chef
A l'habiter, on semble aussi éprouver l'insta- dité en ligne collatérale, le cadet hériterait de et à sa personnalité civile
bilité d'un paquebot. Son constructeur ignorait toutes ces richesses » à la mort de l'aîné ! ! ..
Tout au plus, en cas d'hostilités déclarées, se
«
sans doute l'usage du fil à plomb, car il penche Lg race pahouine occupe l'est de la chaîne grouperont-ils aux côtés de l'homme de guerre
lamentablement ! des monts de Cristal. Si quelques familles sont désigné par son rang social pour être placé à
Hormis son importance politique, le poste est campées au bord des arroyos, le gros de la leur tête.
le centre d'un groupement d'exploitationsindus- population réside à l'intérieur du pays qu'elle Leur faiblesse vient en toutes choses de leur
trielles et agricoles relativement considérable. occupe solidement. désunion, et notre grand Brazza l'a bien com-
1
pris qui a attiré cette Anthropophage, le
race à la côte, convaincu Pahouin du Como est
des servicesqu'elle pour- resté. Cependant, dans le
rait y rendre et aussi voisinage de nos postes,
du peu de danger résul- il s'abstient de cette
tant pour nous de son coutume barbare, non par
manque de cohésion. honte pour lui-même,
Le chef puise quel- mais par crainte de puni-
quefois son autorité dans tions.
son expérience, le plus La religion est le
souvent dans sa richesse. fétichisme. Autant dire
Celle-ci est en raison qu'il n'en a pas. Rien à
directe du nombre de ses tirer de lui en dehors
femmes, de ses piro- de ses amulettes.
gues de pêche, de son Son pasteur s'appelle
bétail. le sorcier.
La terre appartient à Poisons, maléfices,
la collectivité, mais la guerres, un fleuve de
propriété du coin oc- sang coule de la main
cupé ou cultivé est indi- de cet homme néfaste!
viduelle. Pour devenir riche,
Les Pahouins du Cii- découvrir un voleur,
mo, tout comme ceux gagner des palabres, ren-
habitant. le Congo, d'ail- dre sa femme fidèle, on
leurs, sont venus du a recours à lui.
centre de l'Afrique. Du- Tout le monde peut
rant de longs siècles, ils s'improviser sorcier,mais
n'eurent point de rela- l'initiation en est déli-
tions avec l'Européen. cate. Entre manger en-
Leur constitution ci- tière la racine de « l'alo-
vile est celle de la famille. mé » à base de strych-
Une consanguinité rap- nine ou en absorber
prochée exclue du ma- une quantité suffisante
riage. Toutefois, le fils pour n'être qu'abomi-
épousera les femmes de nablement ivre, il y a
son père à l'exception de l'épaisseur d'un fil. Mort
sa mère évidemment. est le postulant si, can-
Le Pahouin est poly- didat maladroit, il ne ré-
game. Lafemmedemeure pond pas par son « as-
asservie à son époux, tuce » à ses ambitions
mais on ne saurait en futures.
déduire qu'elle soit escla- Sorti vainqueur de
ve, car il n'en a jamais. l'épreuve, « l'Esprit » est
Quand les prisonniers avec lui. Il est digne de
ne sont point immolés, tous les égards, capable
on les relaxe après ran- de toutes les audaces,
çon. sa vie de tromperies va
Le père dispose de commencer...
sa fille. Il la marie au Une moralité relative
plus offrant, souvent se dégage, on le voit, de
même plusieurs fois. Sans cette religion enfantine.
libre arbitre, elle doit En toutes circons-
obéir, d'où les unions tances, la première épou-
mal assorties. En prin- se a le pas sur les autres.
cipe, jusqu'à son maria- En cas de répudiai ion le
ge, le fils remet à son n° 2 remplace le nU 1,
père le produit du travail elles concourent toutes
quotidien. Le père, par aux soins du ménage.
contre, doit la première Le chien et les ani-
compagne à son enfant. maux debasse-cour étant
Aussitôt uni, le ménage monnaie courante, sont
se retire dans sa nou- rarement comestibles.
velle case et y fonde une Les légumes, base de la
famille. nourriture, se compo-
L'ascendant n'a plus, sent, suivant les saisons,
dès lors, sur le descen- du manioc,de la banane,
dant qu'une autorité mo- de la patate, de l'igna-
rale, très forte cependant. me, de la canne a sucre,
La naissance d'une fille de la pistache, ou de la
est saluée d'une vive pomme de terre du pays.
allégresse. Dès l'instant Le Pahouin quitte peu
où elle voit le jour, elle son village, aussi ses
est marchandise con- services ne doivent-ils
voitée. guère s'escompter au
Adultes, les enfants delà de six mois à de
suivent leurs parents, la très rares exceptions
fille aux champs, le fils près.
à la chasse et à la pêche. En somme, la région
Dans le village, le gar- du Como n'est ni dé-
çon passera des heures, pourvue de richesses na-
jamais perdues pour lui, turelles ni d'originalité.
sous le hangar où se Son beau soleil un
règlent les palabres. Il instant obscurci brille
suivra mot pour mot aujourd'hui d'un éclat
la dialectique diffuse renaissant, puisqu'il y a
des orateurs et, plus fait éclore des énergies
patient que ses frères nouvelles.
occidentaux, attachera L'élan donné n'est
d'autant plus d'intérêt point pour nous surpren-
aux affaires litigieuses dre. Gageons qu'il ne
qu'elles seront plus em- saurait s'arrêter.
brouillées. X.
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
15 Mai 1904 (4' Année).
— N° 9.
Adresse télégraphique : Deponiale Directeur J.-PAUL TROUILLET Bureaux : 12, Rue Saint-Georges,
- Paris
: Paris
Téléphone : 157-47
ES forêts constituent 1 une des principales le teck. Certains arbres, tels que l 'élépliatill(li"
richesses de nos possessions coloniales, de 00.000 francs, et des meubles et ouvrages
et l'on est surpris de constater que pen-
l acacia arabique, lp
bombax sécrètent des gom- bois pour une valeur de 28.000 francs. en
dant longtemps les mesures de nréspr- mes et des laques. Voici la statistique afférente L'exportation des gommes a été, cette même
à l'année 1900 des importations de bois : année, de HUmOfrancs.
vation et de conservation ont été complètement A Malie 4.200 francs.
négligées. Sans parler, en etret, des profits A Pondichéry Etablissements français de
considérables que peut procurer l'exploitation A Karika! .. 1--10.000
2.000
1
— POcéanie.
rationnelle des bois, surtout quand il s'agit L exportation des bois. a été nulle. —
cl essences rares comme celles que
Ils se composent d'une centaine d'îles dont la
l'on trouve aux colonies, des rai- superhcie totale est d'environ
sons d'intérêt général exigent im- 400.000 hectares.
périeusement leur maintien : elles L'archipel de la Société, où se
régularisent 1(' régime des sources trouvent notamment les iles de
et des cours d'eau, elles maintien- Tahiti et de Moorea, est très boisé,
nent les terres sur les pentes, il y a de nombreux cocotiers et
elles assainissent des régions insa- l'on peut dire d'une manière géné-
lubres ou marécageuses, elles con- rale que c'est le cocotier qui cons-
tribuent, enfin, à atténuer les ri- titue l'arbre caractéristique de nos
gueurs du climat. possessions océaniennes. Le coprah
A l'heure actuelle, il semble que ou la noix de coco sèche est le
l'on ait compris l'utilité et la né- principal produit exporté. Outre
cessité de réglementer l'exploita- les cocotiers, il y a des arbres à
tion des bois et forêts. Des mesures pain (maiores), des bananiers (feïs)
en ce sens viennent d'être prises et et des orangers dont on exporte
il peut être intéressant, au moment aussi les fruits. La flore est par-
où l'attention se porte sur ces ticulièrement riche aux îles Tua-
questions, d'examiner successive- motou. Elle est pauvre à Râpa et
ment nos différentes colonies, en aux iles Cambier.
indiquant pour chacune d'elles L'exploitation des bois d'ébénis-
son importance au point de vue fo- terie est insignifiante dans les éta-
restier et les textes qui régissent blissements français de l'Océanie.
l exploitation des bois. Si ceux-ci Les principales essences de ces
sont rares dans quelques-unes de bois sont le tamanu, le tou, le miro
nos possessions telies que la Côte ou faux bois de rose, l'oranger, le
des Somalis, les îles Saint-Pierre citronnier, etc. On en exporte an-
et, Miquelon, les établissements de nuellement à peu près cent mètres
l'Inde et de l'Océanie, ils sont, au cubes en vue de la marqueterie.
contraire, très abondants dans Les bois de construction sont
d'autres, à la Guyane, au Congo, exportés en petite quantité en Cali-
à la Côte d'Ivoire notamment, et fornie (bois de iamanu et de burao
il y a lieu de se préoccuper de leur surtout). On les utilise pour la ma-
mise en valeur. rine.
Il n'y a, à proprement parler, au
Saint-Pierre et Miquelon. cune exploitation forestière dans
ces possessions d'Océan ie.
Cela
tient à la cherté de la main-d'œu-
Ces îles, qui ont une grande im- vre et à l'absence de moyens de
portance en ce qui touche la pèche communication.
de la morue, n'en ont aucune au
point de vue agricole et forestier. La Guadeloupe.
La végétation y est pauvre ; à Saint-
Pierre, il y a quelques genévriers, La superficie de celte île est de
des bouleaux nains, dont les mieux 94.000 hectares, dont 42.000 de
forêts.
venus n'ont pas deux mètres de En vue d'empêcher le déboise-
hauteur, et quelques massifs de
sapins rachitiques. A Langlade. ment inconsidéré, le gouverneur
les arbres et les sapins peuvent de la colonie vient, par une circu-
atteindre une hauteur de six mè- laire en date du 14 aoùt 1902,
tres. de remettre en vigueur d'ancien-
Les importations de bois sont nes ordonnances de 1722, 1767,
d'environ 400.000 francs. 1772 et 1776, en attendant qu'une
réglementation lorestiere ait été
Etablissements français de l'Inde. Côte des Somalis. élaborée (1). Parmi les principales dispositions
de ces anciennes ordonnances que l'on fait ainsi
Il existe sur la côte de Tadjourah des palmiers revivre momentanément, il faut citer celles qui
Les territoires de Pondichéry et de Chander- dattiers, mais, à l'intérieur des terres, la végé- obligent à laisser en bois de haute futaie le
nagor, établissements essentiellementurbains, ne tation est fort pauvre et l'on ne rencontre guère dixième au moins de la superficie des habita-
présentent aucun intérêt au point de vue agri- sur les plateaux situés au delà d'Obock et de tions, qui défendent de défricher à plus de mi-
cole: à Karikal, il n'existe ni bois, ni forêts. A Djibouti que des arbustes, des mimosas etquel-
Malié, la flore est très riche, on y cultive des hauteur des montagnes, de faire des abatis
cocotiers, aréquiers, jacquiers, manguiers et ques palétuviers. d'arbres dans les communes du Vieux-Fort et
Les indigènes tirent de certains de ces ar- des Trois-Rivières, sans autorisation préalable
poivriers, etc. Les bois y sont très touffus. Parmi bustes et des lianes de la gomme et du caout-
les essences propres à l'ébénisterie et à la tein- de l'Administration, de déboiser les bords des
chouc.
ture, il faut citer l'agalloche, le callambac, En 1900, il a été importé des bois (du pitchpin
l'ébène noir, le gaïac, le bois de fer, le santal, surtout) et du charbon de bois pour une valeur ordonnances sont insérées au Journal Officielde la
(1) Ces
Guadeloupe du 16 août 1902.
sources et des cours d'eau sur une longueur de le bois de lettres, le satiné, le boco, le moutouchi, ans sur les deux tiers de sa circonférence et
16 m. 24 de chaque côté, etc. le panatoco, le patawa, etc. donne en moyenne quatre litres de suc, soit deux
Quelques-unes des sept îles des Saintes sont il n'existe aucun texte sur la législation kilos de gomme coagulée.
couvertes d'arbres dits bois d'Inde. Dans l'île forestière, et c'est dans ceux relatifs aux con- Un homme peut saigner de quatre à six arbres
anglaise de la Dominique, les feuilles de ces cessions de terres domaniales qu'il faut cher- par jour. Le caoutchouc balata se vend environ
arbres sont expédiées en Amérique oit l'on cher les règles sur l'exploitation des forêts. On 5 francs le kilo, il contient une proportion
en extrait de l'huile. ne peut, en effet, à l'heure actuelle, exploiterde notable de gutta.
On y trouve aussi des noyers, des manguiers, forêts en Guyane que sur des terrains concédés,
des mancenilliers dont les feuilles et l'écorce et il est utile d'indiquer sommairement com La Réunion.
renferment un suc vénéneux. Le bois de cet ment ces concessions ont lieu.
arbre qui est nuancé convient admirablement à D'après les dispositions du décret du 15 no- L'île de la Réunion était couverte autrefois
l'ébénislerie. vembre 1898, les terrains domaniaux sont alié- de forêts, mais celles-ci ont été dévastées et,
Il a été importé pendant l'année 1900 à la nés par voie d'adjudication publique, sans que actuellement, l'étendue des régions boisées ne
Guadeloupe pour 1.325.000 francs de bois com- les lots puissent dépasser une étendue de dépasse pas le tiers dela superficie totale. La
muns et 170.000 francs de meubles et d'ouvrages 1.000 hectares. Un prix minimum est fixé parle moitié de cette étendue appartient aux particu-
eu bois. gouverneur et, s'il n'est pas atteint, les terrains liers et l'autre moitié au domaine.
L'exportation du bois commun a représenté sont concédés de gré à gré. Les forêts de l'Etat renferment seules les
pour la même année une valeur de 32.000 francs L'arrêté du 11 août 1899 dispose que le gou- essences précieuses d'ébénisterie et de char-
et ce bois qui consiste principalement en bûches verneur peut accorder aux immigrants qui jus- pente, celles des particuliers s'appauvrissentde
et fagots est exporté dans les colonies et pêche- tifient de ressources suffisantes des concessions jour en jour et ne contiennent que des essences
ries françaises. gratuites de 10 à 25 hectares, choisies par eux de faible valeur.
Il a été exporté des feuilles de bois d'Inde pour parmi les terrains disponibles. Ces concessions Il y a trois types de forêts domaniales, celles
une valeur de 1.500 francs, du bois de campêche sont provisoires pendant cinq ans. des hauts plateaux, celles de la zone moyenne
pour une va- et celles du
leur de 31 .000 littoral (1).
francs et du Sur les hauts
rocou pour plateaux, à
27.000 fr. une altitude
de 1.200 à
La Marti- 1.600 mètres,
nique. elles com-
prennent
Cette colo- principale-
nie est très ment des ta-
boisée, les marins des
bois et forêts hauts (sorte
forment, en d'acacia, aca-
effet, le quart cia helero-
environ de la p h ijll<t), et
superficie to- sont suscep-
tale de l'île. tibles d'être
Les princi- aménagées
paux bois de en futaies ré-
construction gulières. En
sont: le ba- fait, à l'ex-
lata, qui est ception de la
devenu très forêt de Bo-
rare, ainsi louve, elles
quel'acomat, sont à l'état
le poirier qui deforètsvicr-
s'emploie ges. Ce bois
principale- de tamarin
ment pour les des hauts
pilotis à la convient à
mer. une foule d'u-
Les autres sages, on l'u-
essences qui tilise pour le
seraient sus- chauffage, la
ceptibles charpente et
d'être utili- la marine.
sées pour l'é- Dans la zo-
bénislerie ne ne moyenne
sont pas ex- de l'île, dont
Dortées. l'altitude va-
Les bois du Diamant et de Sainte-Luce au Un deuxième arrêté du mème jour a réglé l'le de 100 à 1.200 mètres, il y a peu de forêts
sud de l'île fournissent les traverses des voies les conditions de vente des terrains domaniaux domaniales. C'est là, en effet, où se trouvent les
ferrées des usines ; on se sert des palétuviers d'une superficie de 100 à 1.000 hectares. Cette terres cultivées de l'île et toutes celles qui,
pour le chauffage des boulangeries. vente a lieu par voie d'adjudication publique, susceptibles de mise en valeur, ont été concé-
La production du charbon de bois peut s'éva- et lamise à prix ne peut être inférieure à 50francs dées.
luer à 1.400.000 hectolitres par an, elle est COll- l'hectare pour les terres situées dans l'île de Les bois ^domaniaux dans cette région occu-
sommée sur place. Cayenne, et à 10 francs l'hectare pour les lots pent les pentes d'encaissement des rivières et
L'île de la Martinique exporte du bois de cam- situés ailleurs. Lorsque la mise à prix n'est pas ravins (cirque de Cilaos, plaine des Palmistes,
pêche, elle importe beaucoup de bois de cons- couverte, le gouverneur peut concéder les ter- etc.). Les forêts qui vont de la ligne dite du
truction provenant de l'étranger pour la plus rains de gré à gré. sommet des montagnes jusqu'aux tamarins des
grande partie. Des concessions dépassant 1.000 hectares hauts sont également domaniales. Elles ren-
peuvent être accordées, après avis du Conseil ferment un certain nombre d'essences de valeur
Guyane. général, aux Sociétés ou aux particuliers qui (bois rouges, bois de pomme, benjoins, etc.).
s'engagent à entreprendre des travaux d'intérêt Le troisième type des forêts domaniales est
La Guyane est entièrement couverte de forêts, colonial, tels que routes, chemins de fer, quais, celui des forêts artificielles constituées sur le
et celles-ci encore inexploitées s'étendent de etc., etc. Ces concessions, pour être définitives, littoral et plantées en filaos (Casllorina eqzzise-
l'intérieur des terres jusqu'à une distance de doivent être approuvées par un décret d'admi- tifolia). Ce bois est excellent pour la charpente
50 kilomèires des côtes où commence la zone nistration publique. et le chauffage, on l'a propagé dans la zone des
des savanes sèches et noyées. Le climat chaud La location des terrains domaniaux a égale- pas géométriques, et l'on s'en est servi pour
et extrêmement humide de la Guyane est de ment lieu aux enchères,par voie d'adjudication. fixer les dunes sablonneuses, ou pour couvrir
nature, d'ailleurs, à développer la végétation Quand le terrain n'est demandé que par une des terrains incultes auprès de Saint-Philippe
tropicale. seule personne et pour une durée de six ans au et de la Pointe des Galets. Il y a, ainsi, près de
Les principales essences forestières sont les plus, le bail peut être consenti à l'amiable. 4.000 hectares plantés en filaos actuellement.
palétuviers qui poussent près du rivage et qui Un produit forestier important en Guyane Le texte surla législation forestière de l'île est
fournissent d excellent bois de chauffage, le est la gomme de balata. dont l'exportation va la loi du 14 février 1872 intitulée : « Loi relative au
coupi, le bois violet, le wacapou, l'angélique, le sans cesse en augmentant. régime forestier de l'île de la Réunion », mais elle
balata, le courbaril, le gaïac qui servent pour la L'arrêté du 18 janvier 1895 détermine dans ne constitue pas, comme on pourrait le croire,
charpente. Quant aux bois d'ébénisterie, ils sont quelles conditions peut se faire l'exploitation un code forestier. C'est simplement un blanc-
des plus variés, et l'on peut citer notamment de cette gomme et celle des gommes similaires seing donné au conseil général de la colonie
l'ébène vert, l'ébène soufré, le bois violet, le (poivrier, figuier, mapa, etc.). (1) Voir la notice publiée sur la colonie de la Réunion à
bois de rose, dont on exporte l'essence, l'acajou, Un arbre peut être saigné tous les quatre l'occasion de l'Exposition de 1900.
pour élaborer un règlement &ur le régime des vent les bananiers et le fameux arbre des voya- forêts, on ne trouve plus ni ébéniers ni bois de
eaux et forêts, avec la restriction que le maxi- geurs ou ravinala (urania speciosa) qui renferme rose; les bois utilisables sont le poivrier, le
peines infligées ne doit pas dépasser
mum desCode,forestiel' dans sa fleur une provision d'eau permettant lalona, sorte de bois rouge très dur, l'bazo-
celui du métropolitain. Ce règle- aux voyageurs de se désaltérer. mainty, l'hazovola, l'ambora, le fainelona, l'ha-
ment forestier qui comprend 62 articles, porte la C'est dans la région intermédiaire, entre les zondrano, le mokarano, cLc. -
date du 25 fé- --
D'une ma-
vrier 1874. Il nière généra-
interdit le dé- le, tous les
boisement de arbres des fo-
toutes les fo- rêts de la ré-
rêts situées gion orien-
dans la zone tale du. Mada-
deshautspla- gascar n'at-
teaux, ainsi teignent pas
que celles 'de un très grand
la zone développe-
moyenne ment, les
lorsqu'elles troncs sont
couvrent les longs et grê-
pentes des les., mais
ravines. droits, et les
D'une maniè- arbres sont
re générale, tellement ser-
la répression rés qu'ils
des déliLs et poussenttous
contraven- en longueur.
tions est as- Presque tous
sez sévère. ces arbres
La nécessité sont à bois
de ces pres- dur, les bois
criptions ne tendres sont,
saurait être d'ailleurs,
mise en dou- plutôt rares
te, mais inal- dans l'ile.
heureuse- Ce qui fa-
mentellesont vorise la vé-
été tardives gétationdans
et n'ont pu cette région
arrêter la di- orientale,
minution de c'est là gran-
certaines es- de humidité
sences, telles du climat
que le bois jointe à l'ex-
de fer, de trême cha-
nattes, de leur. Il y
benjoin, d'é- pleut, en ef-
bène, etc. fet, presque
Laconsom- Loute l'année
mationdel'île et la division
en bois est, en deux "Sai-
en effet, fort sons, l'une
grande et, à sèche, l'autre
daterde1850, liumide,'y est
les importa- moins tran-
tions ontaug- chée qu'ail-
menté tous leurs.
les ans. Au- ' Danslesfo-
jourd'hui la rêts de
Réunion l'Ouest et du
achète des sa- Nord - Ouest
pins de Nor- de la colonie,
vège et des la végétation
bois durs est moins
d'Australie dense, et l'on
et de Mada- se trouve en
gascar. face de taillis
et de buis-
Mada- sons épineux
gascar. qui rappel-
lent plutôt la
L'îledeMa- brousse afri-
dagascar est raine. Il y a
traversée, .du beaucoup ,
nord au sud, d'ébéniers et.
par une chaî- des baobabs
ne monta- banians et
gneuse, à peu satrana (by-,
près parallèle phaêne Ma-
à la côte dagasèar).
orientale, et Les régions
au centre se boisées du
trouve un Sud de l'île
plateau d'u ne ont un aspect
altitude de tout particu-
1.000 à 1.200 lier, la végé-
mètres, au- tation domi-
tour duquel nante se com-
s'étendent les régions boisées. La principale lagunes et ces plateaux, que s'étend la forêt pose d'euphorbiacées et de plantes grasses.
zone forestière est celle de la partie orientale ; proprement dite. Elle renferme les principales Quant au plateau central qui comprend l'Ime-
là, les forêts occupent une bande de 40 à 100 ki- essences tropicales: l'acajou, l'ébène, le palis- rina et le Betsiléo, il est dépourvu de forêts, et
lomètres de largeur et couvrent presque toute sandre, le bois de rose, le hintsina (hazelia l'on s'y sert de paille en guise de combustible.
la longueur dé 1 île. Au bord des lagunes, l'on bijuga), le badamier, lenato, le filao, les végé- Le caoutchouc abonde à Madagascar et il
rencontre surtout le vakoa -(pandanus), le copa- laux à latex et à résine, comme le barabanja, ou- constitue l'un des principaux articles d'expor-
lier Chymœnea verrueosa) et les bambous ; dans des lianes du genre valiéa, landolphia et han- tation. On le trouve, en effet, dans presque
les vallées plus élevées et non boisées, se trou- cornia, etc. Dans -les pa-rlies élevées de ces toutes les forêts de l'île. Le produit connu sous.
le nom de Madagascar rosé est extrait de la garde général de 21 classe, un brigadier et un concessions forestières accordées directement
liane appelée Landolphia Madagascariensis, garde domanial dans la province de Manjakan- ou par voie d'adjudication publique. Ces con-
cessions sont faites pour une durée de cinq à
vingt ans, suivant l'étendue concédée. Elles
donnent lieu au dépôt d'un cautionnement préa-
lable et au paiement d'une redevance annuelle
de 0 lr. 10 par hectare.
De plus, le concessionnairedoit faire procéder
à ses frais au bornage des bois concédés, et il
est tenu aussi de fournir au service forestier
des journées d'ouvriers terrassiers que l'on
occupe à des travaux d'inlérêt général.
Outre les concessions forestières, l'Adminis-
tration peut accorder le droit exclusif de récol-
ter certains produits forestiers. C'est ainsi
-
qu'elle a adjugé le monopole de la récolle des
cocons de vers à soie dans quelques forêts de
tapias.
Un arrêté du 31 janvier 1903 a déterminé les
conditions de la location de parcelles de forêls
domaniales en vue de la culture sous bois.
Aux termes de cet arrêté, ces locations peu-
vent être consenties à toutes personnes s'en-
gageant à .entreprendre des cultures compa-
tibles avec te maintien de l'état boisé. Le prix
de location est fixé à 1 franc par hectare et
par an, il peut être abaissé à 0 fr. 50 si la cul-
ture entreprise est celle des essences caout-
choutières, et il est élevé à 5 francs dès que la
plantation est en plein rapport. Le bail est fait.
pour une durée maxima de trente ans, il peut
être renouvelé trois fois, et dans ce cas le prix
peut être doublé ou triplé.
L'étendue des lots ne peut dépasser 1.000
hectares, et s'ils sont traversés ou bornés pai-
des cours d'eau ou des voies de communication,
ils ne doivent pas s'étendre sur ces voies ou ces
cours d'eau au delà du quart de leur périmètre
total.
Le locataire est tenu de mettre en culture le
vingtième de la concession dans le délai de deux
ans, le cinquième dans le délai du tiers de la
durée du bail, et le tiers de la concession dans
le délai de douze an.?.
c'est un caoutchouc fort humide exporté prin- driana et sept préposés forestiers, soit en tout Si ces conditions ne sont pas remplies, l'éten-
cipalement de Tamatave. Les autres lianes onze fonctionnaires. due "des terrains amodiés est réduite propor-
donnent un caoutchouc dénommé Madagascar Le mode d'exploitation admis en principe est tionnellement. La déchéance peùt être pronon-
noir. Dans la région de Fort-Dauphin, les celui de la vente sur pied des coupes; mais en cée par le gouverneur, 'et les lots sont repris
lianes produisent un latex qui se coagule à attendant qu'il soit possible, l'on a recours aux sans indemnité.
l'air" sans acide ni réactif, il est très sec et de
couleur brune ou blonde
L'exploitation du caoutchouc
.
ne parait pas
se faire avec tous les soins désirables, et des
mesures s'imposent pour assurer la protection
des lianes et des végétaux à latex.
L'étendue approximative des forêts à Mada-
gascar est de 12 millions d'hectares, c'est-à-
dire le cinquième environ de la superficie totale
de l'île. Leur mise en valeur est-à faire entière;
ment-, et leur exploitation commence à peine.
Le grand obstacle provient de la difficulté des
moyens de transport.
Voici le tableau statistique des concessions
forestières accordées depuis 1897 :
ADMINISTRATIVES
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liect.1 hecl liect: hect hecl.
Territoire de Oiego-Suarez
Province de Tamatavê
:.... ;
3 2.085 4 5.002
2
2
61*
1,06)
— de FCl1er ve 3 750 o 6.500
— de Ma.ro'tatsetra 230.000 3 1.690
de Voliétn;tr 3.000
— ... 1
— de Majunga
District d'Andovoranto
ProvincedeManjakandriana 1 9.000
1
1
872
11.000- - 2
778 2 3 610 7
1.150
9.900
1
5
730
14.800
Dis'r:ct de Moramanga.., 700
— d'Anjozorobe
1
1 1.700. .... 1 5.000
,;,.
Province de Fianaranlsoa., 1.000.
.. 1
OtItE]àItE INDUSTRIE GOIiQfllALE mauvais abattage, d'un équarrissage défectueux Cependant, nous ayons tenu à visiter un de
et d'un conditionnement souvent trop négligé. ses dépôts, et, là, nous avons appris que
Et si l'on songe que ces bois MM. Kirchner et Cie ne se contentent,pas de
Eiploitation falionnuilu des Forets représentent une valeur réelle donner des références sérieuses,; mais qu'ils
très grande, on ne peut que garantissent aussi les machines qu'ils livrent
déplorer l'oubli des règles élé- aux exploitants. Le .directeur a bien voulu
mentaires qui doivent prési- nous laisser prendre copie des modèles qui
Après, avoir, passé en revue les immenses ri- der à toute exploitation fores- conviennent aux exploitations coloniales, et les
chesses forestières de nos colonies, tant en bois tière, même quand les bois ne gravures que nous donnons représentent les
rares propres à l'ébénisterie qu'en bois utilisables coûtent que la peine de les machines le plus généralement employées.
pour la charpente,lecharronnage,lesinstruments jeter à terre. On ne devra pas seulement se contenter.d'ex-
aratoires etl'outillage varié de la quincaillerie, il Evidemment, jadis une ex-, pédier des billes. Avec l'amélioration du régime
nous reste à parler de la manière de les exploiter. ploitation rationnelle était. si- fluvial, avec les voies ferrées qui s'établissent
non impossible, du moins dif- un peu partout dans nos colonies, il y a une
ficile; mais aujourd'hui.que la nouvelle industrie à créer pour l'utilisation des
mécanique a mis à notre dis- bois de menuiserie, de charronnage. dechar-
position des machines variées, pentage, etc., utilisation rendue possible par
des procédés d'une ingéniosité
remarquable, il serait incon-
séquent de ne pas tirer un
meilleur parti des immenses
ressources de ces richesses
naturelles; d'abord, en procédant à un choix
plus judicieux des arbres à exploiter, ensuite,
en se servant pour leur exploitation d'un outil-
lage perfectionné, qu'il n'est -non seulement
D'une bonne et judicieuse exploitation dépend facile 'de se procurer à des prix relativement
l'avenir incontesLable de ces richesses. Si, en modérés, mais qui
France, nous sommes assurés de rencontrer un
écoulement des bois communs, nous devons,
pour les bois rares, nous créer de véritables
débouchés extérieurs, afin de ne pas encombrer les multiples machines à travailler le bois. Ces
notre propre marché et provoquer des baisses et
machines sont d'un maniement facile. suppri-
de prix qui sont d'autant plus importantes que ment en grande partie la main-d'œuvre expéri-
ces bois, il ne faut pas l'oublier, alimentent une mentée. Les frais de transport pour les bois
industrie de luxe qui subit les caprices de la communs d'industrie étaient un 'obstacle à l'ex-
mode et les hauts et les bas de la moindre crise portation.
financière ou commerciale. Au contraire, travaillés sur place, ils
Comme les crises sont rarement mondiales, là peuvent supporler les fràis de transport et
dissémination de la production sur les marchés tation doit être pré- trouver une clientèle importante et variée. Les
extérieurs assure aux exploitants une moyenne cédée de travaux pré- Américains, les Suédois, les Norvégiens font
de prix raisonnable. Mais pour ne pas subir'dë<- liminaires soigneux; au. travail manuel, il des séries quL viennent,malgré nos'droits de
faut substituerle; travail mécanique,qu.i réduit
-
douane, concurrencer avec avantage notre pro-
cons.idéra.blepfientle coût .d,e la main-d'œuvre..
IL est indubitable qu'en opérant ainsi, oncou-
vrira rapidement les frais de premier établisse^
ment qui, comme
nous le disons plus
haut, peuvent, se
limiter à .un, mini-
mum, accessible à
tous les exploi-
tants.
Nous avons eu
l'occasion de voir
déboires, pour s'attacher la clientèle de ces les machines four-
marchés, il est indispensable de ne présenter à. nies à deux de nos
la vente que des bois débités selon les exigences importantes com-
du commerce. Cette, réflexion s'applique, -d'ail-, pagnÍes coloniales
leurs, pour nos propres besoins. par la mais-on duction. On peut faire.des manches d'outils, des
Qui n'a été frappé du mauvais aspect de ces Kirchner et Giej qui
cargaisons de bois exotiques débarqués dans roues de voitures, des persiennes, des articles
s'est créé .une spé- tournés, des fenêtres et des portes par séries, et
les ports d'Europe et de la .perte qui en résulte cialité dans les ma- cela avec des machines et des appareils qui sont
pour les consignants Outre que leur classe-
! chines à travailler d'un prix très abordable. C'est une idée qu'e
ment pour les enchères ^publiques est rendu le bois, et nous nous suggérons et qui peut être très facilement
difficile J1 arrive fréquemment que des- lots avons été frappé et réalisable. Nos lecteurs, qui voudront être exac-
importants restent invendus, subissant de lourds de.l'excellence ;de tement renseignés, peuvent nous écriré'et nous
frais de' quayage, et devant finalement être leur construction les mettrons,en relation avec les constructeurs
liquidés à des prix qui couvrent à peine les frais et des conditions de machines et les industriels qui achètènt les
depuis leur départ du lieu d'exploitation. auxquelles elles ont pu être livrées. La réputation bois façonnés par séries. Ce sera pour nous une
Et cependant rien n'est plus facile d'éviter celte de cetle -maison nous épargne le soin de faire nouvelle occasion d'aider au développement
perte qui n'est que la conséquence d'un son éloge.,
..- des affaires coloniales... L. J. --
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
31 Mai 1904
Adresse
(4*
télégraphique
Année). — N° 10.
Deponiale - Paris
Directeur J.-PAUL TROUILLET
:
Bureaux : 12, Rue Saint-Georges, Paris
Téléphone : 157-47
Lies Comores
sitùation et facilité d'exploitation, la plus belle
de Mayotte.
C'est en grande partie un vaste plateau d'une
superficie d'environ 1.500 hectares planté, en
cannes et en vanille.
Les autres principales propriétés de Mayotte
sont celles de Soulou, de Cavani, Longoni,
Ironi-Bé, Angoùzou, Dapany, Lunjani, Qualey
et Congo.
Toutes ces propriétés ne font que de la va-
nille ou du café.
Les cannes à sucre peuvent être plantées à
deux époques différentes : d'octobre à fin no-
vembre et de fin décembre à février.
Celles qui sont plantées darrs la première pé-
riode peuvent être coupées en novembre de
l année suivante, les autres environ dix-huil
mois après, mais donnent plus comme rende-
ment que les précédentes.
Vanillo. —Depuis quelques années, la culture
du vanillier a pris, à Mayotte, une grande impor-
tance; le climat des Comores lui convient d'ail-
leurs admirablement. Une température plus
chaude, plus humide, une végétation plus
active semblent même créer à Mayotte des con-
ditions très favorables au vanillier. La vanille
de Mayotte, d'un parfum exquis, à fine odeur
de thé, a été classée au premier rang, immé-
diatement après la vanille du Mexique si juste-
ment renommée.
Espèce. — Le vanillier cultivé à Mayotte
appartient à l'espèce Vanilla Planifolici, origi-
naire du Mexique; cette espèce a d'abord été
introduite à la Réunion et de là à Mayotte.
Organes dela plante. — Grosse comme l'an-
nulaire, la tige du vanillier est ordinairement
simple et sans rameaux quand elle monte ver-
ticalement, mais, enroulée au sommet de son
tuteur, elle devient toujours rameuse. La tige
est constituée par une série de parties cylin-
driques longues de 15 centimètres, séparées
par des nœuds. Les feuilles, longues de 15 à
20 centimètres, charnues, croissent sur les
nœuds. Les fleurs naissent à l'aisselle des
feuilles sur un épi portant 15 à 20 fleurs; les
griffes et les racines adventives naissent aussi
sur le nœud, de chaque côté de la feuille, en
équerre.
La griffe est un simple organe de fixation qui
ne sert pas à la nourriture de la plante.
La racine adventive ou aérienne est un organe
de nutrition accessoire qui naît seulement
lorsque les racines ordinaires meurent ou sont
insuffisantes ; elles annoncent toujours une
souffrance de la plante. Un vanillier en parfait
étal n'a pas de racines adventives.
Normalement la plante doit se nourrir uni-
quement à l'aide des racines développées sur
les nœuds mis en terre. Ces racines grosses
comme un tuyau de plume atteignent souvent la
longueur d'un mètre et sont garnies de radi-
chaud ; il n'est pas rare, pendant la saison sèche, Les arbres pouvant servir à la construction ou à pose presque exclusivement de Comoriens et de
de voir le thermomètre baisser la nuit jusqu'à la menuiserie sont en très grande quantité. La Makois. Quelques Indiens y sont également
10 et 1-20, surtout à la convalescence de la Société
qui se Lrouve à 1.800 mètres.
-
forêt qui se trouve à 5, 6 et 700 mètt'es d'alti-
tude possède des arbres séculaires magnifiques
installés et enfin une douzaine d'Européens et
créoles fonctionnaires ou colon".
Comme à Mayotte, il v a deux saisons bien qui sont débités et travaillés par la scierie de Les usages et coutumes des Comoriens sont
distinctes à la Grande Comore : la saison sèche Boboni. les mêmes que ceux des Makois. Ils pratiquent
et la saison des pluies. Elles commencent à la Les fleurs de France viennent également très la même religion, suivent les mêmes rites.
même époque, en mai, et finissent en octobre bien ainsi que les légumes. Là justice indigène est également rendue par
pour recommencer à ce moment. La Grande Comore possède aussi une grande les cadis. Lorsqu'une question difficile à tran-
La Grande Comore, grâce à son climat sec, à quantité d'orchidées qui ont été découvertes cher estsoumise à la juridiction d'uncadi, ce der-
ses altitudes très élevées, est ou pourrait être et étudiées par M. Humblot, le distingué direc- nier peut réunir tous les cadis et cette assemblée
un excellent sanatorium pour les Comores. Aussi teur de la Société de la Grande Comore. prend le nom de tribunal des Cadis. Les Makois
M. Martineau a-t-il déjà songé à y installer A 1.800 mètres, on rencontre, près de la con-
une
convalescence administrative qui serait située pont, comme à Mayotte, tous engagés de la So-
valescence, de véritables parterres de violettes ciété de la Grande Comore. Ils ont également
à 1.000 mètres d'altitude, près de Mitsaunouli, à et de fraises. les mêmes mœurs que les Makois de Mayotte.
l'endroit plus exactement désigné sous le nom Ces dernières viennent très bien et sont déli-
de la- source aux Godets. Il est certain que la cieuses.. Les artichauts, les asperges poussent Histoire de l'Île.
réussite de ce projet rendrait de grands services également avec succès. La Grande Comore a été de tout temps, jus-
Histoire de l'île. des soldats d'Abdallah. Ce bâtiment est com- acheté, entre temps la superbe propriété de
plètement inhabité en ce moment. Pomoni à M. Sunley et aujourd'hui, grâce à des
Au moment de la prise de possession de Les rues de Mussamudu sont excessivement efforts inouïs,: un travail d'arrache-pied, ils sont
Mayotte- par les Français, l'île d'Anjouan avait étroites. C'est à peine si deux hommes peuvent arrivés à donner une production de près de
comme sultan le prince Salim qui avait lui- y passer de front. 30.000 kilos de vanille sèche et de 8 à 900 tonnes
même détrôné son neveu, le prince Allaouy. On y remarque par exemple quelques portes de sucre. Df, tels résultats étaient faits pour
Quelques années plus tard, son fils Abdallah en bois sculpté qui sont d'un très joli travail. encourager les gens désireux de coloniser; aussi
lui succéda. A cette époque était installé à Cinq ou six mosquées se trouvent également vit-on rapidement Anjouan se peupler de colons
Anjouan un colon anglais, dont il a été ques- qui, les uns, ont déjà réussi, les autres, com-
-
tion plus haut, M. Sunley., La réussite des mencent seulement. Le sol. d'Anjouan se
exploitations entreprises par ce colon tenta prête, du reste, merveilleusement à la culture
le sultan et il créa à son tour à Bambas une de la vanille.
usine et planta de vastes champs de cannes. 11 a déjà été question plus haut de la cul-
Malheureusementil n'eut pas la main aussi ture de l'aloès entreprise par M. Plaideau.
heureuse que M. Sunley et fut bientôt débi- Ce colon a depuis une huitaine d'années
teur d'une très grosse somme envers une transformé presque complètement Anjouan.
banque de Maurice. Il vient d'installer une défibreuse électrique,
C'est à ce moment que, pressé de tous ,':el toutes les avenues'de sa propriété sont
côtés, par les colons d'une part, par ses créan- inaintenant éclairées électriquement. Non
i
ciers de l'autre, Abdallah accepta le protec- ;:' seulement il possède l'électricité pour son
torat de la France en signant un traité (21 , usage, son éclairage personnel, mais encore
avril 1886) en présence d'un bateau de guerre ,'il oa fait passer un courant à la Résidence
français et d'un'navire américain. et sous peu on verra la rade de Mussamudu, '
Malheureusement, Abdallah ne voulut pas le -platèau- de Hombo éclairés à l'instar de nos
tenir, ses engagements et fit une telle oppo- villes les plus modernes. On peul se douter
sition à l'Administration française que, dere- de la peine, de la somme de travail et d'ar-
chef, il fallut une démonstration navale pour gent qu'il a fallu que M. Plaideau dépensât
le ramener à l'obéissance. Cette fois fut la pour arriver à améliorer à un tel point la
bonne et un nouveau traité, signé en 1887, belle île d'Anjouan.
ratifia et compléta celui de 1886. Il est bon d'ajouter que ce colon fait an-
Anjouan pourtant, quelques années plus nuellement une dizaine de mille de kilos de
tard, fut en butte à des guerres intestines, vanille. A l'heure actuelle, il a planté plus de
soulevées par le prince Saïd Salim, frère 200.000 pieds d'aloès et espère bien, l'année .
habitants, située sur le bord de la mer et qui contredit celle appartenant à MM. Bouiu et cifs madréporiques. Les montagnes de Mohéli
offre de loin le plus joli coup d'œil. Les maisons, Regoin. Arrivés à Anjouan il y a une dizaine sont boisées pour la plupart vers les hauteurs
toutes en pierres, à terrasses carrées, sont do- d'années, ces messieurs achetèrent l'ancienne et on attache également un grand prix à y em-
minées par la demeure du sullan et parle minaret usine à sucre du sultan Abdallah, située à pêcher le déboisement.
de lamosquée. Bambao. Ils la remontèrent complètement,
Climatologie.
Mussamudu est entourée d'un mur en pierre. mirent les champs de canne en exploitation 1
Au-dessus de la ville, à une trentaine de et en même temps plantaient chaque année Mohéli possède une réputation d'insalubrité
mètres,-se détache la citadelle, ancienne caserne une centaine de mille pieds de vanille. Ils avaient qui, sans être absolument fausse, est un peu
-
exageree. Depuis quelque temps l'île de Mohéli lui succéda, fut un véritable tyran, et
a une tendance très marquée à s'assainir. les moyens essaya de faire du tort par tous Iles Glorieuses.
Anjouan possédait un moment la meilleure de Mohéli. aux colons
réputation de salubrité et les statistiques médi- Par 11° de latitude Sud et 45°de longitude Est,
cales ont démontré qu'elle n'était guère plus dura Malheureusement pour lui, ce despotisme à 180 et quelques milles de Mayotte,
peu, la France intervint la forme d'un se trouve
saine que Mayotte, sauf sur certains points. sous un petit archipel composé de deux îles, dont
Mohéli est visitée par quelques accès de fièvre
navire de guerre et Abdherraman périt, tué par l'une est habitée Français de Bourbon,
sujets révoltés, et par un
paludéenne, tout comme Anjouan et Mayotte, et ses le petit-fils d'un ancien M. Caltaux, colon et garde-pavillon de mi--
sultan, Madi-Cheï, lui succéda. nuscule archipel. La plus grande, l'île du Lys, ce
il est à peu près certain que la mauvaise ré-
putation de cette île est surtout due à l'absence à laA suiteson tour Madi-Cheï fut détrôné par Mardjani est à une distance de 6 milles environ de l'île
de médecin. d'une guerre. Glorieuse, résidence de M. Caltaux. L'île du
Ce sultan régna peu et fut remplacé le Lys possède une superficie de 6 kilomètres
La température est à peu près la même proprepère d'Abdherraman,le par car-
qu'à Mayotte. Il y a également les deux sai- Malheureusement prince Mahmoud. rés et l'île Glorieuse la moitié moins.
sons sèches et hivernales commençant aux mêmes de troubles, de luttes son règne ne fut qu'une série Perdu dans le canal de Mozambique, absolu-
époques. et, la France se décidant à ment isolé, loin de toute communication,
intervenir, il s enfuit à Zanzibar, laissant vacant demande qu'a venir faire on se
Flore. le trône de Mohéli. ce pu un Français dans
Il fut remplacé à son tour par Mardjani, ces îles. Il n'est pourtant pas seul, car il a avec
La flore de Mohéli rappelle beaucoup celle lequel il avait avec lui sa femme et une vingtaine de travailleurs
de Mayotte. Ce qui la distingue surtout, c'est nier sultan été en lutte. C'est sous ce der- malgaches ou mulâtres de la Réunion. Ces îles
la richesse de son sol pour la culture de la que fut signé le traité plaçant Mohéli possèdent du guano, notamment celle du Lys, et
vanille. La vanille de Mohéli est, en effet, réputée sous notre protectorat. est ce qui a décidé M. Caltaux à s'y installer
Malheureusement Mardjani était et resta très c 1892, date à laquelle il a été nommé garde-
comme étant la plus belle, la meilleure des impopulaire et le en
Comores. Cette réputation est justifiée. ; gouverneur de Mayotte, pavillon.
M .Tapinaud, pour éviter denouveaux troubles, Le climat y est sain, étant donnée la séche-
C est en effet la seule île où la vanille
ainsi dire pousse dut le remplacer sur le trône. resse. Des puits donnent aux habitants l'eau
pour toute seule, sans même être Ce fut une fille de Djombé FaLouma, la prin- nécessaire à leur existence.
paillée. M. Caltaux a planté
Les petits colons qui sont installés dans cette de cesse Salima Malhamba, qui fut nommée reine des cocotiers, du maïs. du riz, des filaos.
Mohéli. Elle n'en eut jamais que le titre, car Malheureusement, l'exploitation de guano a
ne arriveront certaine-
ment dans quelques an- du enlever plus d'une
nées à un beau résultat. illusion à ce colon, car
La propriété de Fom- étant donné pour un na-
boni a fait l'année der- vire les difficultés d'ap-
nière de 4 à 5 tonnes. procher de ces îles, et
Les autres cultures les coups de vent en tem-
européennes sont le café, pête qui soufflent avec
le cacao. une violence inouïe par
A la suite de la der- moments, les navires
nière grève, par suite du sont obligés de fuir pour
manque de bras, M. IluIÍl- ne pas être en perdition.
blot s'est vu dans l'obli- La colonie de Mayotte
gation de fermer son a déjà du venir beau-
usine à sucre. Les cul- coup en aide à M. Cal-
tures indigènes sont le taux et il ne semble pas
cocotier qui vient admi- que jamais ce colon ne
rablement. Le cocotier retire un fruit quelcon-
est unesource derichesse que de ses peines et de
pour cette île, qui pos- son exil.
sède de superbes coco- Les Glorieuses, par
teries. Le manioc, la la- contre, sont fréquentées
l'iane, le riz, le maïs, la par de nombreuses tor-
patate sont les diverses tues qui, si elles étaient
autres cultures indigè- toutes à écailles, pour-
nes. raient être Ilnesource de
Faune. produits pour les pê-
cheurs.
La faune est la même Massol.
qu'à Mayotte et à An-
jouan. On rencontre Léproserie
néanmoins dans les îles
qui entourent Numa- de M'Zambourou.
Choa des cabris sauvages •
ILLUSTRÉE
Algét1ie--1VIarroe
alors qu'elle avait les mains libres pour la recu- Er-Houkina exprime à M. Etienne sa joie de cain dont Er-Roukina s'est fait l'interprète.
ler jusqu'aux frontières historiques de la Mou- le voir à Oudjda ; il est heureux de saluer en lui Les salutations faites, Er- Roukina prie
louya. I\'y revenons pas, ce qui est passé est un des représentants au-
mort, dit-on, dans ce pays de philosophie natu- torisés de la France; il
relle. Mais constatons encore une fois quelle sait le concours que ce
puissante attache soude a notre colonie les grand pays prêta au sul-
régions du Maroc ; mêmes pays, insensiblement tan « Sans vous, dit-il,
plus riches à mesure qu'on avance vers l'Atlan- je ne serais pas ici. »
tique, (lue ne séparent, ni le climat, ni la géo- — Notre gouverne-
logie, ni les habitants, plus sauvages ici que là, ment, répond M. Etienne,
mais au Tond tout pareils puisque les uns et les est en effet l'ami du
autres mahométans. Maghzen. Vous pouvez
C'est ainsi que, partis de Marnia, par une compter sur ses bons
vague piste à travers plaine, nous nous sommes offices pour sortir des
trouvés transportés au Maroc sans que nos yeux difficultés dont soun're
curieuxaient découvert trace d'un signal, borne, le Maroc, ramener la
repli de terrain ou oued qui nous ait avertis. tranquillité, l'ordre et la
L'indétermination dans le Sud particulière- prospérité chez vous.
ment permet à certaines tribus de chevaucher — Vous nous avez
très à l'aise, toujours chez elles, chez nous déjà rendu des services
comme en racc. incomparables, dit Er-
Cette situation détestable a moins d'impor- Houkina, et nous ne sau-
tance aujounfh ui qu'hier. L'accord franco- rons jamais nous acquit-
anglais faisant définitivement tomber dans nos ter assez,
sphères d'influence le Maghreb-el-Aksa, nous — On parle yolon-
pourrons à petits pas, sans heurt, sans a-coup, tiers de conquête, pour-
régler cette question au mieux des intérêts fran- suit M. Etienne, des
çais et de logique géographique. gens malveillants vous
La distance qui sépare Oudjda de ces hypo- trompent et vous mena-
thétiques confins est de 17 kilomètres parcourus cent de notre interven-
au trot soutenu de nos chevaux sur la roche et tion armée...
les cailloux qui saillissent parmi les palmiers On dit beaucoup
—
nains. Au fond lointain, un chaînon de mon- de choses, interrompt en
tagnes cerne la plaine ensoleillée. Le chemin souriant Er-Roukina, les
esprits crédules s'er- M. Etienne, les officiers et les interprètes à la
t'raient, mais les Ma- suite, de l'accompagner dans sa maison.
rocains intelligents. Nous suivons l'étroit passage tout hérissé de
rassurés sur vos in- figuiers de Barbarie, rétréci encore par endroits
tentions, s'apprêtent à par un cheval, un ane, un chameau crevé là,
vous donner leur ap- pourrissant au soleil sous la nuée des mou-
pui. Désormais la ches, sans qu'on en prenne garde, sans que
France et le Maroc ne l'inaltérable paresse arabe s'en émeuve et con-
font plus qu'un. sente à un ell'ort de propreté et d'élémentaire
Il faut, certes, dis- hygiène. Et il n'apparaît pas qu'il y ait dans cette
traire de cet échange ville d'Oudjda — sale comme toutes les villes
de vues, les politesses, marocaines — plus de malades qu'ailleurs. Des
les courtoisies raffi- ruelles grouillantes de burnous nous conduisent
nées dont se parfu- jusqu'à la demeure d'Er-Roukina. Un déjeuner
ment les conversa fions servi attend, et tandis que l'on passe les olives
musulmanes; on peut noires et le thé, M. Etienne interroge sur la
supposer que malgré position des insurgés, du prétendant et sur les
sa franchise Er-Hou- forces de la mahalla du sultan.
kina exagérait un peu — Nous comptons à
Oudjda, répond Er-Rou-
en priant par exemple kina, 1.800 réguliers, et l'armée de Taza com-
M. Etienne de prolon- prend 8.000 hommes. Ce sont des Beni-Snassen
gerson séjourà Oudj- auxquels se sont joints tous les caïds de la mon-
da, en lui assurant tagne. Ils campent sur lesbords de la Moulouya.
encore que le joui- La hauteur des eaux « qui dépassent la selle du
présent de sa visite cheval » les immobilise là. Le Rogui tentera de
demeurerait un jour résister au passage du fleuve, vainement, car
béni pour le Maroc; il ses bandes ne se composent plus que de rares
n'en est pas moins à tribus et que de mécontents venus de tous les
retenir que l'ambas- points du Maroc; ils se concentrent dans le Rif,
sadeurasouligné avec à Sélouan, à deux étapes de la Moulouya. C'est
)Ot'ce que c eiau a la à Sélouan que nous nous mesurerons.
suivi est foulé des pas des mulets qui font un France, à elle seule que le Maghzen devait d'être La tranquille sérénité d'Er-Roukina nous ras-
va-et-vient continuel entre la ville marocaine et installé dans ces régions de la Moulouya où son sure. Nous n'avons jamais cru au prétendant
Marnia Ol1 l'on s'approvisionne en sucres, bou- autorité n'avait, sauf
gies, cotonnades. Des carcasses de chevaux à retourner plusieurs
rôtissent au vent ardent du siroco, déchets de siècles en arrière, ja-
la cavalerie de Bou-Hamara qui opéra, comme mais existé. Si nous
on sait, dans la région. ne devons pas de ce
Oudjda apparaît,enveloppée de rempartscré- chef escompter une
nelés ; en avant, quelques pauvres gourbis, trop vive reconnais-
quelques champs cultivés que protègent des sance, nous sommes
murailles en pisé. On sent partout l'utilité de au moins assurés
se défendre. d'avoir, par ceLLe po-
Le chef de la mission marocaine, sorte d'en- litique si ardemment
voyé extraordinaire, s'il est possible de désigner discutée, démontré
ainsi la fonction généralement imprécise de tous au Maroc officiel,
les diplomates marocains, Er-Houkina avait avec la mesure de
envoyé au-devant de M. Etienne un goum d'une nosmovens, la mora-
centaine de cavaliers. Berbères au type accen- lité et la sincérité de
tué, d'un aspect rude; ils galopent fougueuse- notre collaboration.
ment autour de nous, tandis qu'en arrière notre Au moment où no-
escorle d'Algériens ferme la marche. tre action va se faire
Nous voici à la porte d'Oudjda. Er-Roukina, sentir plus profon-
accompagné de l'amel Si-Ahmed, se présente à dément dan cepays, s
M. Etienne, lui tend les mains et déverse sur lui au moment 011 les
les bénédictions compliquées d'un musulman prophètes socialistes
de race. Nous examinons à loisir sa figure ou- nous en dénoncent
verte, intelligente, qu'éclairent des yeux mobiles les incalculables
et rieurs. Il paraît très franc, qualité rare chez dangers, il nous
les Marocains, diplomates et menteurs par es- plaît de remarquer
sence. l'état d'esprit maro-
capable de renverser par ses propres forces le mant bonne et honnête la cause du prétendant. général Lyautey, commandant la subdivision
sultan Abd-el-Aziz; nous connaissons ses Ils parurent ajouter foi aux proclamations d'Aïn-Sefra, l'accompagne, ayant tenu à faire
moyens, ses origines réelles plus que modestes, appuyées du sceau impérial du Rogui, et firent lui-même au vice-président de la Chambre la
partager à d'autres leur semblant de présentation de ses troupes, et les honneurs de
convictions. son Commandement.
Djilali eut une bonne presse, il La première journée est consacrée à Figuig
n'était question que de ses hauts faits. qu'on aperçoit en face comme une mer sombre
Cette histoire s'achève. Si le Rogui de palmiers.
n'est pas mort, s'il n'est même pas L'amel, venu au-devant de M Etienne, à Beni-
malade, il n'en vaut politiquement Ounif, se présente à lui. Celui-ci lui manifeste
guère mieux. Peut-être ajoutera-t-il la satisfaction qu'il éprouve à constater les
quelques têtes au funèbre chapelet grands résultats acquis en très peu de temps
qu'il ambitionne, le sultan, fils du par la politique intelligente et sincère pratiquée
prophète, n'en sera pas diminué. parallèlement par l'amel à Figuig et par le gé-
Ces appréciations échangées, tandis néral Lyautey dans le Sud-Oranais.
que circulaient les lasses fumantes de « Une sécurité plus grande est assurée aujour-
thé, faisaient à Er-Houkina et à l'amel d'hui dans ces régions frontières, générale-
un sensible plaisir. On sentait bien, à ment si troublées, il y a peu de temps encore.
cette heure, combien le concours de On recueille, en effet, dès à présent, le bénéfice
la France, son amitié étaient devenus de l'apaisement des tribus considérées jusqu'à
pour le Maroc définitifs et nécessai- ce jour comme irréductiblement ennemies. 11
res. Une atmosphère d'entente cor- semble que ces Marocains farouches s'adoucis-
diale flottait dans l'air lourd des par- sent et se rapprochent insensiblement de nous
fums répandus, dans les fumées de au point qu'on puisse espérer les voir devenir,
l'encens où s'estompaient et se rap- dans un avenir prochain, de fidèles alliés. »
prochaient nos silhouettes. L'amel répond qu'il se réjouit avec M. Etienne
M. Etienne prend congé d'Er-Rou- des résultats heureux qui s'accentuent depuis
kina. Une escorte l'accompagne pour quelques semaines surtout. Il en rapporte tout
et non pas comme il le dit impériales, puisqu'il visiter la ville. La prison d'abord, oii les fers aux le mérite à la collaboration du général Lyautey.
se donne pour le frère du sultan; et cependant pieds de malheureux Marocains attendent avec M. Etienne déclare qu'il ne manquera pas de
il compte à son actif déjà bien des succès d'em- leur fatalisme la fin indéterminée de leur faire connaître au gouvernement, dès sa rentrée
morne
buscades et de surprises, petits succès qui, par peine ou la bienfaisante mort,
moment, surent troubler la sécurité du Maghzen. puis le marché, les curieuses
Er-Roukina prétend que le Rogui est paralysé ruelles, et enfin la maison de
du côté gauche, à la suite du coup de feu qu'il France, celle qui abrite les
reçut dans l'épaule, il y a un an environ. Il deux officiers de notre mission
ajoute que d'autres le croient mort; il ne sait militaire, le capitaine Martin
pas, mais ne s'inquiète pas davantage. et le lieutenant Mougin.
Ce qui, en tout cas, paraît bien sûr, c'est que Ils sont là au service du
la personnalité longtemps mystérieuse du pré- Maghzen pour instruire les
tendant est aujourd'hui parfaitement définie. troupes. Au début, à leur ar-
Djilali ben D riss, c'est son nom, après avoir tenu rivée à Oudjda, ils faisaient
un petit emploi dans le Maghzen, entreprit un merveille. Les recrues dociles
long voyage en Tunisie et en Algérie. Il résida apprenaient l'exercice et la
quelque temps à Tlemcen, où le cadi de la ville, manière honnête de présenter
homme réputé dans le monde musulman par sa les armes. Aujourd'hui les sol-
science religieuse, nous affirma l'avoir vu ; de dats refusent tout service
là, il rentra au Maroc où.à la faveur de troubles ils ne touchent plus leur solde, —
permanents, il rallia à ses vues prétentieuses depuis trois mois. Aussi, pour
quelques tribus. vivre, vont-ils chez l'habitant.
La révolte était encouragée par les Chorfa, qu'ils payent en travaillant ;
caste d'aristocrates religieux, qui se plaignaient ils labourent, soignent les
du sultan il s'agissait, en effet, de soumettre à bêtes, bâtissent des maisons
:
l'impôt les biens de ces Chorfa indemnes jus- d'apprentissage militaire,;
que-là. Djilali incarna devant le Maroc l'esprit point.
traditionnel musulman, en face des facéties Mais ces officiers ont de plus
chrétiennes d'Abd.el-Aziz, et son habileté, dans hautes préoccupations, celles
l'agitation grandissante, fut de se faire passer de sauvegarder nos intérêts,
pour Mouley-Mahomed, frère du sultan, très de resserrer nos liens de con-
populaire par ses qualités morales et ses mal- fiante sympathie, et à cet égard
heurs dans tout le Maghreb. nous pouvons nous en rappor-
Pourquoi cette confusion fut-elle possible, et ter à leur patriotisme clair-
pourquoi une partie de la presse française voyant.
affirma-t-elle que le Roglli et Mouley-Mohamed Cette visite de M. Etienne a produit à Oudjda à Paris, combien sensibles sont les bienfaits des
n'étaient bien qu'une seule et même personne ? et dans les régions environnantes, sur les esprits accords conclus en 1901 et 1902par le gouver-
L'erreur l'ut propagée par des gens sincères et imaginatifs des indigènes, une sensation neur, M. Paul Hevoil. C'est sur les bases de ces
heureuse. On est las sur cette fron- accords qu'il faut poursuivre l'oeuvre com-
tière des coups de fusil, des razzia. mencée.
Puisqu'il incombe à la France d'y faire L'amel assure que son dévouement est entiè-
régner le calme et la sécurité, la France rement acquis à une entente qui intéresse éga-
y sera la bienvenue. C'est sur ces assu- lement les deux pays. C'est à la France qu'il
rances d'Er-Roukina, venu une der- doit d'être installé et respecté à FIguig. Il ne
nière fois saluer M. Etienne, que nous faillira pas à la reconnaissance qui le lie envers
nous éloignons pour regagner Mar- nous.
nia. M. Etienne, le général Lyautey et l'amel, avec
Le voyage se poursuivit le 14 avril une forte escorte de spahis, goumiers et cava-
par Nédroma, délicieuse petite ville liers marocains, se rendent ensuite à Figuig,
arabe qui fait un actif commerce avec distantde six kilomètres de Beni-Ounif. Le tra-
le Maroc. C'est de Nédroma qu'à cheval jet s'accomplit en passant par le col où le gou-
on partit pour Nemours. En route, verneur, M. Jonnart, avait été attaqué. Ils sont
M. Etienne, qui était accompagné du reçus à la kasbah par l'amel.
général commandant la divisiond'Oran, Après la réception, tous les invités, officiers
et escorté d'un peloton de spahis, s'ar- et touristes qui se sont joints au cortège, se
rêta devant le monument élevé aux hé- retirent, laissant M. Etienne, le général et l'amel
ros de Sidi-Brahim, écrasés en 1845 échanger leurs vues dans une longue conver-
par les contingents d'Abd-el-Kader. Il sation
prononça devant la pyramide un dis- .
Le soir, retour à Beni. Ounif où un banquet
cours de vibrant patriotisme, traduit réunissait, sous la présidence de M. Etienne,
..............
aussitôt par un officier indigène aux tous les officiers de la garnison et des postes
spahis qui, sabres au clair, saluaient. sahariens voisins. Au dessert, le général Lyau-
tey prenant la parole « Je salue avec émotion,
mal renseignés, et par des malins intéressés, :
dit-il, le grand ami de l'armée d'Afrique, le pré-
des ambitieux déçus. De ces derniers, il y en Dans le Sud-Oranais. sident du groupe colonial, dont l'esprit, si pru-
eut qui, désespérant de rien obtenir d'un sultan Le 22 avril, JI. Etienne arrive à Beni-Ounif, dent, si ouvert et si averti, a su guider tous
rétif, crurent habile de favoriser en la procla- point terminus du chemin de fer de l'Etat. Le
ceux qui, ingénieurs, explorateurs, commer-
çants, colons ou soldats, s'intéressent aux ciers et leurs hommes sont quotidiennement bout est entièrement dévoué aux intérêts fran-
choses coloniales. » Aussi est-ce au chef exposés; ces dangers qu'on ignore à Paris, ces çais, et, de ce chef, il eut à souffrir des pillards
des coloniaux français qu'il rend l'hom- ofticiers les au'rontent simplement sans viser à et maraudeurs dissidents.
mage autant et plus même qu'à l'homme poli- l'effet. M. Etienne boit à l'armée d'Afrique, M. Etienne, le général Lyautey et leurs com-
réserve d'hommes merveilleux de tranquille pagnons de route se rendirent, le 25 au matin,
dévouement sur lesquels la France peut compter à la zaouia du marabout...
pour les lendemains inconnus. Celui-ci, aveugle, s'était fait conduire à leur
L'étape la plus intéressante du voyage restait rencontre. On visita longuement et en détail le
à faire. On abandonnait le rail pour se rendre à ksar de Kenadsa où, jusqu'à présent, sauf quel-
travers le Hammada désolé à Ben Zireg, Béchar ques officiers du poste de Béchar, aucun Euro-
et Kenadsa. péen n'était enlré. L'accueil de la population fut
M. Etienne, accompagné du général Lyautey, très respectueux'.
de M. de Saint-Germain, conseiller du gouver- Le point extrême du voyage était atteint.
nement de l'Algérie, chargé des affaires du Sud, M. Etienne, revenant sur ses pas, rentrait dans
et de M. Leloutre,
ingénieur en chef
des ponts et chaus-
sées, partit à cheval,
de Beni-Ounif, le
23 avril, se dirigeant
vers le sud-ouest de
Figuig, Un djich
important de cou-
peurs de route ayant
été signalé comme
battant les monta-
gnes dans cette di-
rection, une forte
escorte d-e spahis
goumiers encadrait
le cortège. On suivit
d'abord les sentiers
du chemin de fer
qui atteindra Ben
Zireg à la fin de
l'année. A mi-che-
min, M. Etienne
s'arrêta au poste,
récemment créé, de
Bou Aïech et l'on at-
teignait le soir Ben
Zireg, poste fortifié
qui commande une
région parcourue
parfois par des ban-
des pillardes de
Chaambas ou d'Ou-
...............
led-Djerir, mais où notre présence a ramené une la soirée du 27 avril à Beni-OuniC après un raid
sécurité de jour en jour plus grande. Le coin- de 300 kilomètres en plein désert.
mandant Muller, chef du poste, en fit les hon-
neurs aux voyageurs, mettant à leur disposition Ce voyage de plusieurs semaines était, nous
les cases en terre battue couvertes de branches le disions au début, un voyage d'études. Les
de palmier qui sont les chambres des officiers. fatigues supportées s'atténuaient du vif intérêt
Ceux-ci, fort aimablement, cédèrent leur logis dont chacun de nous fut saisi, en pénétrant ces
et s'abritèrent sous latente. régions si généralement ignorées, d'un aspect
Le voyage se continua le lendemain, 24 avril, si pauvre et démuni.
sur Bechar, oasis située à 130 kilomètres au sud L'occasion nous était offerte, au cours des
tique qui tient au Parlement une si large place. de Figuig. longues étapes, de nous renseigner sur le Sud-
M. Etienne répond en s'adressant aux nom- Là encore, nous avons un poste installé sur Oranais, dont il est quotidiennement question,
breux convives, tous officiersdu Sud-Oranais.ll le plateau qui domine la palmeraie. La piste sans qu'il soit possible de s'en faire une opinion
constate combien l'existence qu'ils ont libre- côtoie les hauteurs du Lantar, à travers des nette et définitive. Nos conversations avec
fanes mamelonnées, cail- M. Etienne permettent de préciser cette opinion,
louteuses et brûlées. Le but et ce sont les conclusions mêmes du député
de cette reconnaissance était d'Oran que nous rapporterons ici, après avoir
de vérifier la nature des ter- fait du sujet l'exposé nécessaire.
rains, en vue de la continua- Aperçu historique.
tion du chemin de fer jusqu'à
Béchar. L'occupation de Méchéria, en août 1881, a été
La nécessité de celte voie le premier pas fait vers l'occupation des Hauts-
ferrée est évidente. Elle appa- Plateaux, puis vers celle du Sud-Oranais, qui,
raît avec force à tous les après bien des hésitations et des tergiversations
voyageurs.Elleest, d'ailleurs, de début, s'est progressivement développée,
démontrée par les résultats surtout depuis l'année 1900.
obtenus plus au nord par les A la fin de 1881, nos troupes s'installent à
lignes qui ont assuré la sécu- Aïn-Sefra, en 1887 à Djenien-bou-Rezg-, en
rité du pays et qui consti- février 1900 à Duveyrier (Zonbia), où le chemin
tuent un instrument décisif de fer arrive en novembre de la même année.
de domination et de pacifica- En même temps que lelieuténant-colonel d'Eu,
tion. D'autre part, il apparaît le colonel Ménestrel et le général Servière. par-
qu'un trafic insoupçonné se tis d'El-Golea (division d'Alger), occupent le
ferait certainement avec les Tidikelt (1900), le Touat et le Gourara (1901), le
tribus nombreuses établies colonel Bertrand, le colonel Billet et le général
dans la région. Ce trafic suf- Risbourg, partis de Duveyrier, descendent la
firait à assurer la rémunéra- Zousfana jusqu'à Igli (1900), la Saoura jusqu'à
tion des capitaux engagés. Béni-Abbèset Herzaz (1901) et créent les postes
A -Béchar, les voyageurs de Djenan-ed-Dar (mars 1900), Igli (avril 1900),
reçurent une hospitalité aussi Taghit (juin 1900) et Béni-Abbès (mars 1901).
large et aussi confortable que Après les travaux de la commission franco-
le permet l'installation rudi- marocaine (6 février-19 mars 1902) entre Beni-
mentaire d'habitationsencore Ounif et Kenadsa, un poste est créé à Beni-
inachevées. Ounif, plus rapproché de Figuig que Djenan-
ment choisie est plus pénible, plus dangereuse, A 30 kilomètres au sud de Béchar se trouve ed-Dar, et le commissaire français y est installé.
plus lourde de responsabilités de toutes sortes le ksar de Kenadsa. Là demeure Sidi Brahim L'attaque du gouverneur général près de la
que celle des garnisons de la lointaine France. ben Mohammed, marabout très vénéré dans tout palmeraie de Zenaga (31 mai 1903) amène le
Il rappelle à quels dangers permanents ces offi- le Sud-Oranais et jusqu'à Tafilalelt. Ce mara- bombardement de Figuig (8 juin); en même
i
temps les postes de Bou-Yala et de Ben-Zireg La transformation à faire est indiquée par la rie, qui sauraient suffire, en principe, au service
sont créés à. la .suite de la colonne de Béchar, nature du pays et par le genre d'opérations qu'il d'exploration de nos convois et de nos colonnes,
pour protéger au nord-ouest notre ligne'de y a à diriger. alourdis par les besoins que nous leur avons
communications de la Zousfana (juin); les com- Devant un adversaire sans consistance, il est créés, n'ont plus la légèreté nécessaire pour
bats de Tàghit (17, 18, 19, 20 août) et d'El- vrai, mais doué d'une mobilité extrême, qu'il assurer ce service dans un pays où les res-
Moungar (2 septembre) démontrant la nécessité soit à cheval ou à méhari, une des manières les sources sont presque entièrement nulles et où,
de couvrir cette ligne à l'ouest contre les incur- plus efficaces, pour ne pas dire la seule, d'éviter pour vivre loin de tout convoi, il faut se conten-
sions des Berabers du Tafilalet, un poste est les incidents, attaques de- convois, comme à ter de très peu. -
installé à Tag-da, près de Béchar (12 novembre); El-Moungar, attaques de postes comme à Taghit Les spahis fussent-ils déshabitués du confort
il reçut par la
suite le nom
de « Colomb »,
en souvenir du
général ; de ce
nom qui a joué
autrefois un
rôle actff dans
le S u d - O r a-
nais.
L'organisa-
tion militaire
actuelle du
Sud Oranais
consiste, en en
exceptant les
quatre compa-
gnies saharien-
nes du Gou-
rara, du Touat
et du Tidikelt,
à y détacher un
certain nom-
bre d'unités de
troupes,de tou-
tes armes,
semblables en
tous points à
celles desti-
nées à opérer
dans le Tell,
en cas de guer-
.re contre une
puissance eu-
ropéenne, et à les mettre sous les ordres du ou Timimoun, consiste àêtre renseigné en temps inconnu pour eux avant leur engagement dans
général qui commande à Aïn-Sefra. Ceci seu- opportun. Ces renseignements, ce ne sont ni les nos rangs et du formalisme régimentaire aux-
lement depuis le mois de novembre 1903, car compagnies montées, ni les escadrons de spahis quels nous les avons accoutumés, ne seraient
auparavant, pour déplacer une compagnie, et qui peuvent les fournir dans les ,conditions de pas assez nombreux, dans le Sud-Oranais,
même moins, le commandant de la subdivision temps voulues. Les premières ne sont pas assez comme sur la frontière d'Oudjda, pour y rem-
devait en demander l'autorisation à Alger, d'où mobiles, malgré la rapidité de marche dont elles plir le rôle qui devrait logiquement leur
on devait la demander à Paris, et généralement sont capables, et ont besoin elles-mêmes d'une incomber.
l'autorisation arrivait lorsque la circonstance force de cavalerie pour s'éclairer, tout comme 11 a donc fallu rechercher un remède à cette
qui l'avait provoquée avait disparu. -
les compagnies cyclistes de la métropole. Quant situation, et jusqu'ici on ne l'a trouvé que dans
Or. la situa-
tion, sur nos
confins sud-
or an ai s, est
absolument
différente de
celle qui exis-
terait dans le
Tell, au mo-
ment d'une
guerre dans;
le Sud, nous
avons à faire.,
non à un ad-
versaire euro-
péen, mais à
des tribus in-
digènes essen-
tiellement mo-
biles ; ce n'est
pas une guerre
régulière que
y
nous faisons,
ce n'est même
pas une guer-
re, c'est, du
nord au sud,
une action de
police perma-
nente sur cette
véritable
«marche» fron-
tière.
11 y a assez
de troupes dans le Sud-Oranais ; il y en a même aux spahis, notre fâcheuse tendance à l'unifor- l'emploi de Mokharanis et de goumiers. Mais les
trop; il s'agirait simplement,de les transfor- mité en a fait des cavaliers européens comme maghzens ou les goums actuels ont, comme
mer, et cette transformation ne disloquerait pas nous avons fait de nos turcos des fantassins tous ceux levés et recrutés jusqu'à cette époque,
le 1ge corps d'armée, car les troupes de la sub- français ayant les mêmes besoins de caserne- le grave défaut de ne pas avoir de cadres : 100
division d'Aïn-Sefra ne sont qu'une infime par- ment, de couchage, d'habillement et de vivres ; ou 200 cavaliers ou fantassins irréguliers,confiés
tie de ce corps : 6 bataillons 1/2 — si l'on y s'en distinguant seulement par une résistance à un officier français, rie peuvent, surtout enface
comprend les 4 compagnies sahariennes — sur plus grande au climat et par une endurance de l'ennemi fort bien armé, auquel nous avons
42; 5 escadrons sur 40 ; une section d'artillerie remarquable à la fatigue. maintenant affaire, sur nos confins du Sud-Ora-
sur 12 batteries. De sorte que nos escadrons indigènes d'Algé- nais, rendre les services qu'ils pourraient rendre
s'ils étaient conduits par un nombre propor- principes aujourd'hui de toute organi- vant les cadres,et d'afïecler ceux-ci aux maghzens
tionné à leur eil'ectif de sous-officiers et d'offi- sation coloniale dans reconnus
un pays neuf, tel que les à pied de la partie monlagneuse de la frontière.
ciers européens. Echappant forcément à l'action territoires du sud de l'Algérie, principes qui Cette transformation serait
du seul officier placé à leur tête et trop livrés à ont fait leurs une économie pour
preuves dans le Haut-Tonkin et à l'Etat et une augmentation de sécurité sur nos
eux-mêmes, ils manquent trop souvent de la Madagascar, et dont le premier consiste à donner confins. Il faudrait l'intervention du Parlement
.-. cohésion et de la ténacité au feu que leur don- au commandant du territoire la libre disposition supprimer quelques escadrons de spahis
nerait un solide encadrement par des gradés des forces chargées d'y assurer la sécurité; le pour1er et 3e régiments, et affecter les cadres
européens. aux en
chef militaire est en même temps l'administrateur aux maghzens à cheval de la frontière, mais il
Mais ici, l'on touche à l'un des plus graves de.la région, alors qu'en Algérie
ces deux fonc- n'est pas douteux que devant des considérations
d'économie et
de sécurité,
cette modifica-
tion serait
adoptée.
Le service
des renseigne-
mentsn'estpas
tout; les prin-
cipes de la
guerre sont
partout les mê-
mes, et de mê-
me qu'en Œu-
rope, la cava-
lerie d'explo-
ration est ap-
puyée par des
bataillons
équipés à la
légère, ou par
des compa-
gnies cyclis-
tes, dans le
Sud - Oranais,
goums et
maghzens ont
besoin, pour
avoir du mor-
dant, desesen-
tir soutenus à
distance par
une force ré-
gulière mobile
défauts de notre organisation miliLaire d'Algérie :
tions sont absolument distinctes. Quelsservices mais solidement constituée, sur laquelle ils
goums et maghzens dépendent du service des cependant pourraient rendre, à nos extrêmes puissent se replier, en cas de besoin. Les com-
affaires indigènes ; des officiers ou sous-offi- avant-postes, nos jeunes officiers et nos sous- pagnies montées sont tout à fait désignées
ciers de troupes d'infanterie ou de cavalerie ne officiers de tirailleurs et de spahis, déjà habi- pour ce rôle; leurs 250 fusils, leur section de
peuvent être appelés à les commander. Or, les tués à commander aux indigènes, et ayant mitrailleuses, si elles en possèdent une., consti-
bureaux arabes, organes essentiellement admi- sous leurs ordres des fantassins et des cava- tuent un appui des plus sérieux; elles n'ont
nistratifs, ont peu d'officiers et aucun sous-offi- liers indigènes, vêtus et équipés à la légère, pas besoin de convoi, portant six jours de vivres
cier, de sorte que, ne pouvant donner aux forces débarrassés de ces convois de rations euro- sur leurs mulets, et pouvant, sans trop aug-
irrégulières des cadres pris au service des affaires péennes et de ces impedimenta qu'une trop menter la fatigue des fantassins, emmener plus
de six jours de
vivres en trans
formant en
mulets de bât
quelques mu-
lets de selle;
organes de
marche rapide
et de combat
elles ont toute-
fois besoin
d'être cons-
tamment éclai
rées par une
petite unité de
cavalerie, qui
leur éviLe les
surprises.
A ces forces
mobiles,
goums et
maghzens
pour rensei-
gner et pour-
suivre, compa-
gnies montées
pour les ap-
puyer et pour
combattre s'il
y a lieu, il faut
des postes où
elles puissent
venir se repo-
ser et se re-
indigènes, qui n'en a pas, on ne peut non plus complète et fâcheuse assimilation a donnés à faire, et qui maintiennent l'occupation du pays.
en enlever dans ce but aux troupes régulières. nos tirailleurs et spahis actuels ? L'attaque de Timimoun en 1901, celfe de
N'étant pas organisées pour cela, celles-ci n'ont Le nombre des escadrons de chaque régiment Taghit en 1903 pendant quatre jours, ont prouvé
pas de cadres complémentaires, en dehors de de spahis a été fixé par une loi, mais celui des qu'il fallait, dans nos postes de première ligne,
ceux qui leur sont nécessaires pour leurs unités bataillons des régiments de tirailleurs n'est des troupes de défense solides : infanterie régu-
propres; elles sont d'ailleurs tenues soigneu- déterminé que par décret (loi du 9 février 1899). lière, tirailleurs, légion ou bataillons d'Afrique,
sement à l'écart de tout ce qui touche aux Il serait donc, dès maintenant, possible de sup- disposant de quelques cavaliers pour surveiller
questions administratives et politiques, par une primerquelques-uneb des compagnies du 2e tirail- les abords du poste, et des pièces d'artillerie
organisation qui n'est plus en rapport avec les leurs stationnées dans le Sud, tout en en conser- (80 de montagne ou mitrailleuses) pour les
tenant pas compte naturellement du trafic néces- et à proximité du chemin de fer, si bien que des Ponts et Chaussées à Oran, se poursuit
sité par l'occupation militaire. dans ce pays où il n'yavait autrefois qu'un mar- dans des conditions merveilleuses de célérité.
Àce sujet M. Chailley-Bert, le distingué secré- chand ae goutte, il y a des commerçants qui, Le mode de construction adopté rappelle
taire général de l'Union Coloniale, frappé bien dans l'année 1904, feront un commerce qui celui qu'ont employé avec tant de succès les «
naturellement par les résultats d'ordre écono- pourra s'élever à plusieurs millions, j'ose dire Russes en Transcaucasie. Les terrains à par-
mique obtenus dans cette région, écrivait (La probablement 4 à 5 millions. courir sont souvent les mêmes, privés d'eau et
Quinzaine Coloniale, 10 mai 1904): « Les affaires sont de deux sortes : nos com- de végétation, désertiques et sablonneux.
Il nous plaît de faire ce
rapprochement entre ces
deux -entreprises égale-
ment belles: ce sera de
nature à confirmer —
comme nous le disions au
début — la confiance que
nous devons avoir en nos
forces colonisatrices.
La voie ferrée qui, d'Ar-
zew à Beni-Ounif, relie
la côte méditerranéenne à
nos possessions de l'ex-
trême sud n'a pas été éta-
blie d'après un plan conçu
de toutes pièces préala-
blement à 1 exécution.
Lorsqu'on exécuta les
premiers travaux, on était
loin de supposer qu'au
delà du Tell et des Hauts-
Plateaux le rail attein-
drait un jour les solitudes
du «Hammada». Il s'agis-
sait tout simplement de
relier une région qui, si
elle n'était pas encore fer-
tile, était susceptible de
le devenir, celle comprise
entre la plaine de Macla et
les montagnes de Sa'ida.
Vint l'insurrection de
Bou-Amama ; la nécessité
de ravitailler rapidement
les postes du Kreider, de
Méchéria et d'Aïn=Sefra
nous poussa à construire
« Il y a un an, voici ce qu'était Beni-Ounif : merçan ts achètent et vendent : ils gagnent quand la voie ferrée jusqu'à ce dernier point. Enfin,
tout au tour le désert, une plaine, cernée de mon- ils achètent, ils gagnent quand ils vendent. Ils il y a dix ans environ, alors que la question
tagnes ; au centre, une petite forteresse, et à achètent des moutons, de l'orge, des peaux, du Transsaharien était à l'ordre du jour, on
côté, une mauvaise boutique, avec un homme etc., en un mot les produits du pays, et en remarqua que la province d'Oran était seule
qui vendait de l'eau-de-vie et du vin. Et c'était échange ils vendent les produits de l'indus- à posséder une voie de 454 kilomètres de lon-
tout. Aujourd'hui Beni-Ounif a 1.000 habitants, trie européenne. » gueur dans la direclion de l'extrême sud et,
plus de 150 maisons ; il comporte des établisse- Aussi est-il permis de supposer que lorsque tandis qu'on préconisait diverses voiesde péné- «
la voie ferrée le massif montagneux du Moumeri, On pourrait s'étonner — étant donnée la pénible et moins rémunéré que dans le Tell au
repaire et poste d'observation de tribus nomades, sécheresse du pays — qu'il soit nécessaire de moment des moissons, il en restera sur les
Douï-Menia et autres qui surveillaient de là construire des ponts importants. Il faut remar- chantiers un nombre suffisant pour permettre
toute la vallée de la Zousfana, où elles pouvaient quer à ce sujet que si les pluies sont rares (un de pousser activement les travaux.
surprendre les convois de ravitaillement de nos ou deux jours par an, sauf dans les saisons Après chaque paye qui se fait tous les mois,
troupes. Les événements .de l'an dernier ont exceptionnelles, — hiver 1903-1904), elles sont certains ouvriers vont passer une semaine ou
démontré la sagesse de ces prévisions; le siège torrentielles, et qu'en outre la voie est bordée à quinze jours au Figuig et reviennent prendre
de Taghit et l'attaque de Mounghar en sont des droite par des montagnes élevées (Djebel Maïz, leur place dans les chantiers.
preuves définitives. Le nouveau tracé adopté est Djebel Grouz, etc.) qui constituent la frontière La brigade de pose de voie se compose égale-
donc le suivant : partant de Beni-Ounif, il se naturelle du Maroc. L'Oued Zousfana, par ment de Marocains dont certains travaillent
dirige sur Bou-Aïech et de ce dernier point sur exemple, qui ne débite d'une façon normale que depuis dix ans à la construction de la ligne
Ouakda et Béchar. quelques litres à la seconde, en roule des mil- entre Aïn-Sefra et Beni-Ounif. Ils sont au
La nouvelle direction choisie nous impose liers lors de la crue. nombre de 70 plus économes et plus assidus que
l'occupation des oasis de Ouakda, Béchar; elle Le prix de revient de la ligne entre Aïn-Sefra les terrassiers et gagnent de 3 francs à 3 fr. 50
nous rapproche des oasis de Kenadsa et du Tafi- et Beni-Ounif (144 kilomètres) est de 63.000 fr. par jour.
...............
C'est très confiant, c'est très frappé par le
spectacle de l'énergie française dans le Sud
transmettre à ceux qui t'entourent ma vive et sin-
cère sympathie.
EMILE LOUBET.
Cette approbation si affectueuse et bonne,
venue de si haut, pour aboutir si loin, consa-
crait notre politique dans le Sud-Algérien.
On en ressentit avec une joyeuse reconnais-
sance, comme un encouragement à poursuivre
l'entreprise heureusement commencée.
Le voyage de M. Etienne aura donc été non
pas seulement l'occasion d'une utile documen-
tation ; il a servi à apporter chez ceux qui nous
taillent des empires coloniaux, la parole de ré-
confort et d'amitié.
Nos officiers du Sud ont compris qu'on ne se
désintéressait pas de leurs peines, et qu'on sui-
vait attentivementleur œuvre.
Cela suffit à les payer de leur généreux dé-
vouement.
Et au moment de franchir le seuil du comman-
dement du Sud. au Kreider, le général Lyautey
qui en a la garde, voyant s'éloigner M. Etienne,
le si sûr collaborateur des belles œuvres colo-
niales, lui dit en manière d'adieu :
— Le Sud vous salue et vous remercie.
ROBER-RAYNAUD.
Nous tenons de l'obligeance des officiers deMarnia. Oudjda.
Aïn-Sefra, Beni-Ounif. Bou-Aiéch, Ben-Zireg et Béchar, et de
MM. de Segonzac
qui illustrent ce
et
Miramont, les documents photographiques
numéro.
algéro-marocain, que le Président du groupe co-
lonial s'en revint.
Au moment de quitter Béchar, M. Etienne
adressa au Président de la République qui se
trouvait à Rome, le télégramme suivant trans-
mis par cavalier à Bcni-Ounit' :
Béchar.
Monsieur Emile Loubet, président,
de la République, Rome.
Du dernier avant-poste militaire dans le S.-O.
Oranais> accompagné du vaillant général Lyautey
qui, avec le précieux concours de ses intrépides col-
laborateurs civils et militaires, poursuit avec une
admirable intelligence et 1ln dévouement sans
bornes la pacification de son immense territoire,
je t'envoie, en notre nom à tous, l'assurance de
notre respectueux et profond attachement. J'y
joins mes vives et affectueuses amitiés.
ETIENNE.
Il reçut la réponse en rentrant à Beni-Ounif :
Rome-Quirinal, 26 avril.
Je t'envoie mon cordial souvenir et te prie de
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
30 Juin 1904 (4° -
Année). N° 12.
Adresse télégraphique : Deponiale Paris
Directeur J.-PAUL TROUILLET
: Bureaux : 12, Rue Saint- Georges, Paris
- Téléphone : 157-47
Lie Mozambique
Le conseiller Dias Costa. d'entre eux dénommé da Lagôa (1), nom qui cées(l). Dès le 3 novembre 1534, le pape Paul III
fut. aussi donné par le navigateur portugais à la institua des évêchés en Afrique Orientale. La
E conseiller Dias Costa est l'un des parle- grande baie, beaucoup plus au sud, qu'on appela première forteresse fut. construile à l'embou-
mentaires portugais les plus en vue. Ses parla suite baie de Lourenço-Merqûès, parce chure du Sotala, en 1507, à côté de la première
discours sur les questions coloniales, que 22 ans plus tard le Portugais de ce nom la église. L'iledu Mozambique avait été occupée en
militaires et financières sont absolument visita et l'explora. 1506 par Duarte de Mello. Pedro Annaya bâtis-
remarquables ; beaucoup d'entre eux constituent Le trafic commercial de la côte était déjà sait à la môme époque l'église eL la forteresse
môme de véritables chefs d'œuvre. assez considérable, et l'ivoire abondait sur les d Angoche. Plus d'une fois,
11 jouit dans le monde politique portugais marchés indigènes. — a dit un prélat
d'une situation prépondérante. Professeur à illustre du Portugal, l'épée n'eut qu'à suivre
De plus, la renommée des fameuses mines de là-bas le chemin frayé —
l Institut Industriel et Commercial de Lisbonne, Monomotapa attirait un grand nombre d'aven- par la croix En roule
à l ',Ecole supérieuredeGuerre,sone.nseignement turiers, et l'on évoliiaitdé,ih à25 millidekilo- pour les Indes, saint François-Xavier aborda
-au Mozambique en 1542. Des explorateurs
.a une grande réputation militaire; hardis pénétraient dans l'intérieur du
il appartient à l'arme du génie, dont
il est commandant, et ses études d'or- pays jusqu'à Sofala et un peu partout
dre technique lui ont valu des éloges dans l'empire du Monomotapa (2) eL à
unanimes. Tete.Enl569 eurenllieu les cleuxexpédi-
Son nom est bien connu en France, tions de Francisco Barreto aux terrains
el, lors de l'Exposition universelle aurifères et argentifères de Manica et
de 1900, il a publié, entre autres, deux Chicova, sur leZambèze (3); Une partie
de ces expéditions qui comprenaient
ouvrages de premier ordre écrits dans chacune 1.000Européens, quelquesgui-
un français absolument correct et des et, un grand nombre d'esclaves, re-
intitulés, l'un « l'Ecole de l'Année
:
l'autre « Vlnstilul Industriel el Com- », monta le grand fleuve africain jusqu'au
:
mercial de Lisbonne. » delà des cataractes, à la recherche des
Ces deux travaux ont été deux œuvres sources du Zambèze. Le gouvernement
de propagande admirables, on les expédia aussi sur les divers points de la
consulte tous les jours, en France longue côle des expéditions scienti-
et à l'étranger. fiques et commerciales. Sur l'île dIl
C'est cependant comme colonial que Mozambique, point stratégique et com-
le conseiller Dias Costa s'est tout mercial de premier ordre, l'on avait
spécialement fait connaître, et ses construil, en 1507, une forteresse impor-
travaux dans cet ordre d'idées sont tante. On éleva d'autres petits forts le
toujours très appréciés. long du littoral, et, sous leur protection,
'Outre ses rapports adressés au des factoreries ont progressé.
Parlement en sa qualité de ministre. Partout il fallait combattre l'in-
M. Dias Costa a publié ou fait publier fluence des Maures, qui monopolisaient
des annuaires, des rapports, des allas, tout le commerce. Les factoreries dp.
des mémoires qui forment, à vrai dire, Quelimane et Lourenço-Marquès furent
le répertoire officiel eL authentique de ' créées respectivement en 1544 et 1546.
l'histoire coloniale moderne du Por- En vue de l'extension des domaines
tugal. portugais d'Orient, lé gouvernement
Quelques journaux français ont central les divisa en trois grandes cir-
rendu hommage à l'illustre" homme conscriptions; celle du Mozambique
d'Etat portugais, et. lui ont adressé (1569). était comprise entre les caps
les éloges les plus flatteurs, et pourtant Guardafuiet Correntes. Le premier gou-
les plus mérités. verneur fut Francisco Barreto, il portait
Nous citerons particulièrement la, le titre de capitaine-général. Son succes-
Revue diplomatique, qui a publié seur, Vasco Fernandes Homem, conti-
un compte rendu des derniers ouvra- nua son œuvre depénétrationintérieure.
Il s'avança jusqu'à Quiteve, avec 500
ges de l'infatigable et illustre tra- Européens et quelques pièces d'artille-
vailleur.
En mettant son nom à la face de rie, et alla même, on croit, jusqu'à Chi-
ce travail, nous voulons rendre hommage au cang-a.
plus distingué et savànt- des coloniaux portu- grammes la quantité d'or qui provenait annuel- Les Hollandais avaient fait leur apparition sur
lement de l'intérieur du pays. la côteàlafîndu Xy¡Csiècle.lJfallutleurfaire une
gais. Comme pour toute colonisation initiale des guerre acharnée, qui retarda de beaucoupla
Portugais, ce sont les missionnaires catholiques che des progrès déjà accomplis. Dom Nuno mar-
Aperçu historique. qui s'établirent les premiers dans la colo- Alvares Pereira gouverna trois fois la province,
nie. Il
en 1609, 1620 et 1630-. y a affermi, sur des bases
L'on sait, d'ailleurs, que l'histoire des colonies. solides. la prépondérance delà
Le Mozambique a été découvert par Vasco da couronne de Por-
portugaises est sensiblement mêlée à celle de tugal. Un grand fléau la traite des nègres —
Gama en 1498, alors qu'il faisait route vers les —
l'évangélisation chrétienne des Lusitaniens à se développa soudain dans tout le Mozambique
Indes. travers le,monde. ;
Ce fut le premier établissement des Por- (Voir Missions catholiques au Zambèze, par en
1645, on commença à envoyer des esclaves
tugais sur la côte orientale d'Afrique, m.ais_'sa le père Courtois, 18,89.) (1) Dans les archives du Vatican, l'on voit dans la collection
fondation ne date que de 1505, et pendant « Missions d'Afrique » une lettre du roi Dom Sébastien (1578).
Les caravelles des navigateurs hissaient même sollicitant l'aide du pape en faveur des missions portugaises.
longtemps il resta, l'escale forcée des navi- au grand mât le drapeau du Christ, symbole (A. Ribeiro, Les Missions, Paris, 1900.)
gateurs portugais qui. voulaient atteindre, les des croisades, avec la croix et l'épée entrela- (2) Voir : Quelques noies sur les établissements et Irs
Indes. travaux des Portugais au Monomotapa, Lisbonne, 1889 ;
En1502, Tunedesnaus dey'asc.o da Gama, com- (1) Dans la baie de Lourenço-Marquès ou Formosa, d'une Les premiers travaux des Portugais au Monomotapa, par
mandée par Antonio do Campo,. fut jetée par la largeur de 21 milles, viennent se jeter les trois fleuves Ma- PaïvaePona;
puto, Espirito-Santo et Incomati,. ainsi qu'une petite rivière, Quelques mot< xur V établissement de-s Portugais au
tempête, en doublant le cap de Correntes, vers leFull. Monomotapa, ,par Capello et Ivens; Lisbonne, 1889.
une baie de la côte ou venaient aboutir trois M. de .Noronha, « Le district de Loiireneo-Marquès IJ,
Lisbonne 1895, dit que le nom primitif de cetLe baie était : (3) Oriente conquistado, par Fianciscode Sousa. Barreto,
grands fleuves, et à l'embouchure même dé l'un Boa Paz. qui est mort à Sena.
au Brésil^ les Hollandais, alors maîtres de l'An- tous les jours, dans la Pl'ovince,_s'élabli:;;saienl: : avec le moins de travail et de danger possible.
loag, ayant fermé ce honteux marché aux né- des Maures, des Parsis, des naturels de l'Inde La loi qui leur octroya ces avantages exigea,
griers d'Amérique. Le commerce des esclaves portugaise, attirés surtout par la renommée en compensation, que les locataires du praso fis-
était dans ces temps-là le privilège des gouver- des grandes foires de l'intérieur. Rappelons à ce sent cultiver, dans un court délai, une super-
neurs et des capitaines généraux, et ce fut en sujet que, jusqu'en 1752, le Mozambique a été ficie raisonnable des terrains accordés.
vain que le gouvernement du Roi essaya d'y Mais il faut avouer que le propriétaire d'un
mettre lin. Les désordres indigènes redoublèrent praso est aussi. résolu ,à percevoir le montant
d'intensilé. Les colons eux-mêmes étaient en des impôts indigènes qu'il est décidé à ne pas
proie. à des luttes intestines des plus violentes. demander du travail aux nègres, d'ailleurs sous
Les Hollandais profitèrenthabilementde cette l'autorité des inhacuanas, ou chefs indigènes
situation pour attaquer la forteresse de l'île du des prasos. Cette clause de la culture des terres
Mozambique et barrer la route aux na\ires por- a donc été systématiquement... oubliée. Comme
tugais qui se dirigeaient vers les Indes. Les on le voit, le régime des prasos da corôa n'est
Anglais y arrivèrent un peu après. Le gouver- pas un système à appliquer à toutes les colonies
nement métropolitain relira tout monopole en voie d'exploitation régulière du sol : c'est
aux mains des gouverneurs en déclarant (1671) tout simplement un moyen d'occupation facile,
le commerce libre à tout citoyen portugais; mais qui constitue la première étape de la colonisation.
en 1690, on prohiba les transactions commerciales L'exploration des terres en est la deuxième.
sur les ports de Sofala ainsi que de Rio de Sena L'ordonnance royale du 15 novembre 1888 dit, à
et l'on concéda à la Compagnie de l'Inde (1696), ce sujet, que le gouvernement a créé les prasos
pour quatre ans, le monopole exclusif de ce com- en utilisant à son profit l'espèce de féodalité
merce. L'on conçoit le désordre que ces change- existant dans les vastes territoires de Rios de
ts
men 3pportèrenldans l'administration du pays. Sena et Sofala. lia pris comme principedemain-
Toute cette colonisation à outrance, d'un sous la dépendance du gouvernement des. Indes. tenir l'autorité des chefs indigènes, fumes et
caractère essentiellementmilitaire, épuisait rapi- Il faut cependant avouer que le Portugal a inhacuanas, en plaçant près d eux, comme dans
dement les sources de richesses naturelles. Il créé alors au Mozambique un des facteurs les le régime colonial hollandais f 1), un agent portu-
aurait l'allu une administration plus en rapport plus remarquables de son développement com- gais — le locataire du praso. Le mode même du
avec les progrès qui s'accomplissaient. Malheu- mercial et surtout de son
reusernent, après l'élément militaire, on envoya autonomie : les prasos
dans la colonie l'élément... criminel : les dépor- da corôa. Le régime des
tés, et il y eut peu de tentatives agricoles. En prasos da .corôa con-
1674, on enregistre ce l'ait curieux, peut-être siste spécialement (1)
unique, de l'envoi en Afrique de jeunes orphe- dans l'affermage du re-
lines destinées en mariage aux colons du dis- couvrement des impôts
trict de Couamà (1). indigènes (mussoco). On
Les expéditions militaires de 1677 se caraclé- l'a dénommé domaine
risèrent par.ce fait que chaque colon-soldat était cédé en propriété moyen-
,
accompagné de toute sa famille. Quelques
femmes à lnaJ'Ù, complétaient l'envoi de la
mère-patrie. Des missionnaires étaient expédiés
nant un bail emphytéo-
tique. Une des plus gran-
des preuves de respect
sur Conama, Sena, Tete. Une autre invasion pour la domination eu-
non moins redoutable que celle des Hollandais ropéenne que puisse nous
commença de se manifester. Le gouverneur de donner l'indigène, c'est
l'Inde permit aux banians (2), commerçants de celle qui consiste à payer
la place de Diu, d'aller sétablir au Mozambique. des redevances à l'Etat.
Possédant la sobriété et l'instinct commercial C'est le principal résul-
des Chinois, ces redoutables concurrents s'y tat de ce système. Le
établirent et y ont accaparé le commerce euro- gouvernement divisa les
péen, jusqu'à ce jour Ces banians étaient jus-
! régions les moins sûres
ticiables de juges spéciaux, différents de ceux entre les prasos da corôa
des Européens et indigènes qui étaient des rec- et la location en fut faite
teurs de la Compagnie de Jésus. aux enchères publiques.
En 1783; il fallut expulser ces nouveaux enva- Le locataire ou son re-
hisseurs de la colonie. Tout l'effort des aulorités, présentant fut dans ces
inexpérimentées en matière coloniale, tendait à régions louées- à bail
faire peupler, du jour au lendemain, ces vastes l'agent de l'autorité .(2).
contrées, pourtant si malsaines, surlout sur le Il était le juge pour dé-
littoral. Un gouverneuréclairé,Saldanha d'Albu- cider des milandos; il- était le général comman- payement de l'impôt s'effectue' suivant les usages
querque, proposa même au gouvernement d'in- dant des sypais. Le locataire fut en même temps particuliers des indigènes. Sous ce régime, la
troduire au Mozambique4,000femmes chinoises! obligé d'e créer des écoles pour les indigènes. colonie progressait.
En môme temps que le gouvernement prenait Pour un petit pays colonisateur, qui manque En 1806 on constata l'exportation de 6.786
de colons et de capitaux, nreticaes cror d'une valeur de 100.000 francs,
le procédé est, excellent. provenant de Sena et Tête. La traite des nègres,
La pratique l'a prouvé. si elle épuisait les régions ravagées, donnait
C'est par ce système aussi aux ports une grande activité commer-
qu'on arriva à s'instal- ciale, dont le Brésil était, bien entendu, le prin-
ler sans frais pour l'Etat, cipal presque l'unique client. Les échanges avec
dans beaucoup de ré- le Bengale et Bourbon étaient aussi impor-
gions inoccllpab.es du tants (2).
Mozambique. Quelques années après, cependant, le com-
Ce régime a été, selon merce était tombé dans un marasme dont on
M. Durâo (la Zambézie, n'a pu le relever qu'avec des efforts suprêmes.
p. 22), un instrument En 1824, pour obvier à cet inconvénient, l'on
d'occupation de tout pre- revint au régime des privilèges, en instituant
mier ordre. C'est le sys- la Compagniedu commerce de VivoiredeLourenço-
tème colonial qui a donné I\Iarqués, qui Jouissait d'un monopole pendant
le plus d'avantages aux vingt-quatre ans. Les événements politiques qui
colonies parce qu'il a été se déroulèrent dans la métropole depuis 1820,
le résultat d'une longue contribuèrent à retarder les progrès du Mozam-
"expérience des faits lo- bique, aussi bien que des autres colonies portu-
caux. gaises, gisant dans un étal pitoyable. L'Inde
En effet, l'intérêt du d'abord, le Brésil ensuite, avaient absorbé toute
locataire, — puisque son l'activité des colons portugais (3).
seul revenu est l'impôt
de capitation des indigè- Guinée portugaise avec un réel succès. (Décret du 28 novem-
bre 1890).
nes, — est d'abord de Il faut rappeler que ce régime a été transplanté de l'Inde
conserver ceux-ci dans portugaise, d'où il est originaire, au Mozambique (Décretdu
les territoires qu'il gou- 26 juillet 1851)
La N'ltive Labour Association recrute dans la Zambèzie
verne; ensuite, d'obtenir 6 à 8.000 indigènps par mois pour les mines du Band. Mais
le payement des impôts ces indigènes retournent chez eux. à la fin de l'engagement,
toutes ces mesures illusoires, de nouveaux venus et emploient leur capital à l'exploitation des terres.
(1) Informaçao do Estado e Coqltista dos rios de Cuama, (1) Porlug-al Durâo,Conférence sur la Zambèzie, 1901,
Lisbonne. Estados sobre as Provincias ultramarinas, A.n- (1) Chailley Bert, Java et ses habitants.
1677, par Manuel Barreto.
drade Corvo, tome il.
(2) Voir AIm?ida Cunha, Mœurs des banians, bathias, etc., (2) Tito de Carvalho, Colonies portugaises, 1900.
.4885. (2) Ce régime, remodulé d'être essayé en (3) Oliveira Martins, Le Brésil et les Colonies.
Cil 1888, vient,
Aperçu géographique. à
des montagnes de ces îles atteignent, Noumba, mier ordre. Les ports secondaires de Chiloane,
120 mètres.à peine (1). La côte est tantôt basse Bazaruto, les baies de Mocambo, Conducia,
Etendue. — Le Mozambique est, comme et sablonneuse nord de l'île Mahato, tantôt Fernào Velloso, Bartholomeu Dias et Pemba,
au
importance territoriale, la deuxième des colonies accidentée et boisée depuis l'île Quisêva. Au
portugaises, la première étant l'Angola. ont aussi une certaine importance.
sud, le système
Elle mesure, entre le Cap Delgado jusqu'au Serouica. De lamontagneux apparaît à la pointe Toute cette_ ligne de côtes, comprise entre
baie de Memba à Bajona, l'on 10°40' et 26°52' lat. S., possède
26,J52' S., sa limite méridionale, 2.300 kilomètres trouve quelques vastes baies bien abritées un éclairage
de longueur (1 ). Sa superficie est de 780.000 kilo- vents. Jusqu'au port de Mozambique, le système des parfait. Au bord du canal du Mozambique,
mètres carrés(2). Voicilindicaliondeslimites de orographique du littoral s'aGcentue. La végéta- il y a treize phares. On va en établir de
la province extraite du document qui a mis fin. tion est abondante. nouveaux dans les baies de Pemba, Fernâo Vel-
y loso, dans les îles Mafamede et de Togo, à
comme on le sait, aux différends existant entre le LepicMocambo atteint l'altitude de700 mètres. l 'embouchure du Save,
Portugal et l'Angleterre dans l'Afrique orientale: De Bajona jusqu'à Sofala, la côte est entre- Falsaet 1 embouchureduLimpôpo.Les
La grande possession portugaise (qui comprend coupée de rivières, dont quelques-unes forment d 'Inhambane à sur la pointe de Burra
et Lourenço-Marquès ont déjà un
districts
tout le territoire portugais del'Afrique orientale) des deltas. Le Zambèze, la grande artère afri- service d éclairage
suit, au nord, une ligne qui, remontant le cours caine, de 2,200 kilomètres de longueur, est dans maritime remarquable (1).
du fleuve Rovollma. depuis Géologie. — Dans une si vaste étendue de
son embouchure jusqu'au con- terres, les caractères géologi-
fluent du fleuve M'Sinje, va ques des différentesformations
dans la direction de l'ouest par présentent autant de variétés
le parallèle de latitude du point que là flore et la faune qui les
d'intersection de ces deux fleu- peuplent. Nous ne ferons pas
ves jusqu'aux rives du lac
allusion qu'aux traits géné-
Nyassa. raux de ses aspects orogra-
A l'ouest, ces bornes sui- phiques et de ses richesses mi-
vent une ligne dont le point nières, dignes d'ailleurs d'une
de départ est le précédent, étude approfondie. La rive
sur le lac Nyassa, suivant la gauche du Limpôpo, en aval
rive orientale de ce la,c, jus- de Lipalula, est formée de ter-
qu'au parallèle 13°30,' lat. S: et res hautes, argilo-siliceuses,
allant dans la direction S.-E. de couleur rougeâtre, indi-
jusqu'au lac Chuita. Après, la quant la présence du fer. Sur
frontière suit, en' ligne droite, le-s versants du fleuve Mussu-.
le bord oriental du lac Cliirua, rice, les cristaux de roche
jusqu'à sa limite sud, puis abondent (2).
l'alfluent le plus oriental du Les alluvionsdu fleuve Pun-
fleuve Ruo, en accompagnant gue nous laissent voir des
cet affluent et depuis le Ruo bancs de sable quartzeux, con-
jusqu'à la rencontre du fleuve tenant du mica et de la ma-
Chire. gnétile Sur les rives du Mu-
De ce point, la frontière suit tuxira, affluent du Pungue, on
le Chire jusqu'à un endroit si- rencontre le grès micacé et du
tué au-dessous de Chiuanga. granit, du gneiss et de la dio-
De là, elle court à l'ouest, rite, formation qui dénonce
atteint la ligne de partage des l'existence de l'or.
eaux entre le Zambèze et le Cette région, en effet, se lie
Chire jusqu'au lac Nyassa, à celle mieux connue des ter-
puis le parallèle de 14" de lat. rains aurifères de Manica
sud, d'où part une autre ligne dont. s'occupe magistralement
S.-E. atteignant 150 de lat. le livre Manica et Solala,
sud, coupant le fleuve Aruan- de M. Edouard Costa, 1902,
gua et le suivant jusqu'à sa Lisbonne. Les anciennes allu-
jonction avec le Zambèze. "ions du fleuve Revue sont
Au sud, ces territoires sont aurifères.
délimités par une ligne qui part Près du Zambèze, à Tete,
d'un point situé en face de et sur une vaste étendue, le
1 embouchure de FAruangua, charbon abonde. L'Allemand
suivant le S. jusqu'à 31° lati- M.Wiesey a découvert récem-
tude ouest et tournant à l'est, ment de l'or. Sur la zone à
à droite, jusqu'à ce que le fleu- l'ouest de la Baie de Pemba
ve Mazôe coupe le méridien
l'on trouve du quartz aurifère.
de 33° longitude ouest. La Entre Zoumbo et Tête les
frontière est formée par ce vestiges d'or abondent. D.ms
méridien dans la direction sud le système orogfapliique de la
jusqu'au cours principal du province, la cordillère de
Save, qu'elle suit jusqu'au Libombos, qui s'étend de la
fleuve Lunde, puis, en ligne vallée du fleuve Mapouto, jus-
droite, jusqu'à la frontière du qu'au fleuve Limpôpo du nord
Transvaal. en se confondant au sud, constitue la vraie divi-
avec la frontière orientale de sion naturelle des possessions
la possession anglaise et celle portugaises et anglaises. Du
du Swaziland, jusqu'au Ûeuve Limpôpo jusqu'à Inhamba'ne
IVlapoUlo. rar une convention
les côtes sont peu prononcées.
de la même année (1891) avec c'est la plaine et les savanes
l 'Allemagne, le Portugal avec des lagunes. Le pays
a assigné à la fron- ce cas. Les alentours d'Angoche sont formés de Gaza est,
tière du Mozambique (convention additionnelle de côtes basses et sablonneuses. A par contre, très montagneux. Le
peu d'excep-
au traité du 30 déc. 1886)les limites du parallèle tions près, elles se prolongent jusqu'au neuve' 1899, (1) Voici la liste officielle des feux existant sur la côte en
de 10°40' 1[11. S. depuis le promontoire du cap Sot'ala, d'après une étude de M. Vasconcellos, Les Phares aux
des élévations peu sensibles vers le colonies, Paris, 1900
Dëlgadojusqu'àla rencontre du avec
fleuve Rovouma. cap Saint-Sébastien. En face, on trouve l'ar- DISTRICT DÉ MOZAMBIQUE.
:
Cap Delgado. à l'est du cap
La démarcation sur place, suivant une entente chipel -perlier de Bazaruto (2). A partir de
diplomatique ultérieure, est à faire entièrement. pointe de Burra Falsa, il la
—
à
Delgado, blanc, fixe; île d'Ibo, l'extrémité N.-E. de l'ile
d'/6.0, blanc, fixe; ile de'Goa, à l'extrémité N.-E. de l'île,
Toute la côte, depuis le cap Delgado jusqu'à la tagnes noires y a parfois des mon- blanc, fixe; Pharillon du flirt Saint-Sébastien (île de Mo-
peu élevées. Jusqu'au cap de zaJJ¡bi'lue', dans l'enceiute du fort Saint-Sébastien : deux
pointe Bajona. est coupée de baies plus ou moins Torrentes, l'aspect de la côte est d'une grande feux verts, fixes; Cabaceira Grande, dans le port de Mo-
accessibles à la navigation. On trouve, près de désolation, et les dunes de sable -succèdent zambique : deux feux rouges, fixes.
cette côte, quelques îles basses,les unes boisées jusqu'à Lourenço-Marquès. Lourenço-Marquès, se DISTRICT TE ZAMBEZIE.
—
Pointe Tangalane, à l'embouchure
du fleuve Bons Signaes (Quelimane), blanc, fixe; l'ointe Mi-
comme les îles de Ticoma et Longa, les autres Inhambane, Beira, Chinde, Quelimane, Mozam- taone, à l'embouchure du fleuve Chinde : deux feux blancs,
recouvertesd'unelégère végétation plate comme bique, Ibo, offrent des ancrages de tout fixes; pointe Géa, àBCÏra, blanc, fixe; tour de Chiveve,
les îles perlières de Kerimba (3). Les plus élevées pre- à Beïra ; deux feux sur les rives du Pungue indiquent
Beira, voir
Conférence le chenal.
de M. Eichard, le 20 novembre 1903, feu blanc un feu et un rouge.
(1) C'est le traite du 11 juin 1891 qui a établi les délimita- à la Société de Géographie (Journal officiel, 30 nov. 1903). DISTRICT D'LMIAMBANE
— Bazaruto, sur le Cap Bazaruto,
L'archipel de Bazaruto n'a été occupé qu'en 1856, visible du 2î, N.-O au 63° N -E rouge, fixe; pointe da
tions de cette,province avec les possessions anglaises. Voir
Vasconcellos. liv. cit.
2) Dans sa plus grande largeur, de l'est à l'ouest. elle
Ivens Ferraz, Rapport sur l'archipel du Bazaruto On
trouve unp copie de ce curieux document inédit au Muséum
d'Histoire Naturelle.
- ,
Burra, éclaire un secteur de lfrO-, blanc, fixe.
DISTRICT OE LOUREIXÇO-MARQtÈ:'. Cap Inhoca. blanc, fixe,
à éclairs de 20 ' en 20" ; pointe Vermelha, éclaire un secteur
mesure 200 lieues dans le tout une superficie deux fuis et
. Les îles de formation madréporique abondent au nord-de de 224° et comprend un secteur rouge de 6°30', tourné vers
demie grande cnmme la France. la côte surtout. l'O., 4 N., mg blanc, fixe; Catemle, éclaire un secteur de
12° E.,mg., blanc ,
fixe.
(3) Sur ces îles et celles de Bazaruto, ainsi (1) Vasconcellos, Les Colonies portugaises, p. 200.
toire' qui s'étend du cap Delgado à File du que sur le terri- (2) Freire d'Andrade, Reconnaissances géo.'ogÍques des
Mozambique et (2) Voir Les îles de Bazaruto, par Ivens Ferraz: territoires, Mozambique, Lisbonne, 1894.
mane, les explorateurs Capello et Ivens
ont enregistré, à Quaqua, 30° (1).
A Luabo, territoire peuplé de 100,000
indigènes, on a observé pendant la sai-
son des pluies 18° à 22° et 25" à 32° pen-
dant la belle saison.
Dans la Nille de Ouelimane, la tem-
pérai ure moyenne est de 29",5, la
maxima 41°,5 et la minima 19°,5. Dans
l'île du .Mozambique, la moyenne est de
28°, 29 de mai à octobre.
Le mois le plus chaud est le mois de
mars; le plus froid, mème sur le litto-
ral, le mois de juillet. Pendant la saison
:
des pluies, décembre à mars, les mono-
mucaias (M. Costa écrit mnemocayasj
ou tiphons sont très fréquents dans
cette partie de la province.
A Beira, l'observatoire de la Com-
pagnie ('u Mozambique, fonctionnant
depuis 1894, a enregistré une tempéra-
a été de 33'1,3. Au sud, sur les terres du Muzilla, une moyenne de 12° et à midi 35°. Toutes ces mars, on a enregistré 59°,5 de température au
l'explorateur Cardoso (1) a enregistré, le matin, températures sont prises, bien entendu, à l'om- soleil.
bre. A Inhambane, dans les mois de février et A l'ombre, la moyenne enregistrée est de 28°
.1 (1) Citépar Vasconcellos, p. 252..
Dans les terres basses du Macuire, intérieur de la province à l'ombre. La moyenne annuelle de la température à Manica et 29°.
du Mozambique, la température moyenne est de 45° et 47° est de 20°,8 cent. A Lourenço-Marquès,la moyenne est de 24°;
maxima, 310'; minima, 18°. A Ricatla, station mis- tion qui a servi à amener la province au degré ministra.tion du trésor public, sous la direction
sionnaire suisse, à 22 kilomètres au nord de la de prospérité qu'elle accuse aujourd'hui. Le d'un inspecteur des finances, est, dans une
ville (1), la moyenne est de 19°; maxima, 34°; gouverneur général est assisté d'un conseil de 1 certaine mesure, indépendante du gouverneur.
minima, 18°. Et c'est tout
La justice lui est com-
ce que l'on sait de ces plètement étrangère. Il
immenses régions où les
températures changent y a un secrélaire géné-
ral nommé par le Roi,
comme partout, selon qui est aussi le secré-
l'exposition aux vents, taire des conseils de
les altitudes, etc.
gouvernement et de -
province. Il est chargé
Administration. de la publication du
Bulletin officiel de la
Le vrai siège admi- province.
nistratif du gouverne- -
Il y a une direction
ment du Mozambique des travaux publics et
dénommé par décret du un conseil technique
30septembre 1891, Etal de ces travaux.
de l 'Afi,ique Orientale, Les gouverneurs su-
et aujourd'hui de Mo- balternes sont subor-
zambique, est la ville de donnés directement aux
Lourenço-Marquès, (2), gouverneurs généraux.
dont les progrès crois- Les districts se divi-
sants nous sont démon- sent en municipalités
trés par les notes sta- (concelhos) sous l'auto-
tistiques que voici
Mouvement commer-
cial de la province en
:
(administrateurs),
rité de sous-préfets
charge qui revient aux
conlos de reis : le çonto secrétaires de gouver-
valant 5.000 francs, et nement dans les dis-
le franc 200 reis. tricts du Mozambique.
Les habitants des
Années Importations gouvernement (5), composé des plus hauts provinces d'outre-mer
jouissent des droits politiques accordés aux
fonctionnaires de la province et du prélat du
189 2
1893 ... 1.655
2.497 Mozambique (6). Le conseil de province, sous
citoyens de la métropole.
L'enseignement primaire et professionnel,
189i...'. .
3.284 sous la direction et l'impulsion de l'autorité
1895.... 4.495 administrative, a pris au Mozambique un essor
1896 9; 797
1897.. 15.657- considérable. Il y a 47 écoles primaires de
1898 13.084 filles et garçons et une école d'arts et métiers,
1899...... 17.622 sans compter plusieurs écoles à la charge des
1900 ".....l. 19.247 missions portugaises.
1901 (eruerre du Transvaal 9.729 Le district du Mozambique se divise en divers
1902....;,... ... 13.214 commnndements militaires subordonnés et la
1933 ........................... 22,OJO capitainerie majeure du Mossuril.
Le gouvernement général du Mozambique se Dans le district de Zambezia, il y a un com-
divise en gouvernements subalternes ou de dis- la présidence du gouverneur, est spéciale- mandement militaire à Tete. Lé district d'In-
trict. Ceux-ci sont : Mozambique, Zambezia. ment chargé des affaires du contentieux et de hambane est divisé en circonscriptions.
Lourenço-Marquès, Inhambane et le district mi- tutelle des commissions municipales (7). L'ad- Les « terres de la Couronne » du district de
litaire de Gaza (a), créé Lourenço-Marquès sont
pendant la guerre de 1895 aussi divisées .en circons-
contre le Gungunhana. L'e criptions. Les forces mili.
district de Tete fut recons- taires de la province se
titué en 1902 (4). composent de troupes d'in-
Les autres territoires de fanterie (décret du 14 sep-
la province sont sous l'ad- ,tembre 1901), cavalerie et
ministration des grandes police, au nombre de
compagnies à droits plus 3.000 hommes à peu près,
ou moins restreints. sous le commandement
Les gouverneurs géné- d'officiers européens. La
raux sont, en même temps, •police militaire de Lou-
les chefs supérieurs des renço-Marquès, dont les
pouvoirs civils et militai- services ont été si appréciés
,
res. Les deux commissai- lors de la guerre de 1895,
res royaux nommés pen- est. composée de 170 à
dant la guerre avec lé 300 unités.
Gungunhana étaient dépo- Les troupes de ligne
sitaires de tous les pou-
voirs exécutifs, sous la tlJ- se composent d'une bat-
telle du ministère, système terie mixte d'artillerie et
de savante' décentralisa- de deux compagnies ; de
Saint Sébastien du Mozambique dans l'île du même nom,élevée tégorie de villa (bourgade) par décret du 19 décembre 1876,
(1) ea-stilho, Rapport sur le Mozambique. à cette catégorie en J8i8 (Loi du 17 sent.). c'est-à-dire un an après la publication de la sentence arbi-
31 Voir Gaza, par Gomes da Costa. trale de Mac-Mahon datée du 24 juillet 1875, et fi. la catégorie
(2) La capitale de la provin.ce a toujours été la ville de (4) La peuplade de Lourenço-Marquès a été élevée à la ca- Ce ville en 1887. (Décret du 10 novembre.)
deux escadrons de dragons; de deux compa- parcourent aussi les autres fleùves navigables la zone d'influence anglaise. Sur le Pungue et
gnies européennes d'infanterie ; dix compagnies de la province. sur les routes ou chemins de fer qui donnent
indigènes d'intanterie ; un bataillon disciplinaire: Les douanes de l'Afrique orientale forment accès aux territoires britanniques, les droits
quatre compagnies de dépôt ; deux musiques de un cadre à part (circulo), dont le siège est Lou- de douane maximum sont aussi de 3 0/0 (8).
-
Compagnies de Colonisation.
L'histoire moderne du Mozambique se résume,
à peu d'exceptions près, dans l'histoire des Com-
pagnies colonisatrices que le gouvernement y a
constituées, comme instrument d'occupation el,
par suite, de progrès moral et matériel. '
En 1824. on y créa la Compagnie commer-
ciale de Lourenço Marqués, avec le privi-
lège du commerce exclusif dans la baie,
de Lourenço-Marquès. Ce privilège a été retiré
en 1835.
En 1824, aussi, le gouvernement central avait
accordé le privilège du commerce (le l'ivoire à
une autre Compagnie qui exploitail les ports
d'Inhambane et Lourenço-Marquès. Cette Com-
pagnie a été dissoute, par ordre royal, en 1834.
Le décret de dissolution disait :
« L'expérience a démontré que les petites
Compagnies sont nuisibles à la colonie et au
Trésor public. »
En 1838, on organisa au Mozambique une
Compagnie d'agriculture et de commerce, dont
le règlement a été approuvé le 14 mai de cette
année par le Parlement. Son capilal était de
deux millions et demi.
Cette Compagnie n'a pas plus réussi que ses
devancières.
En 1853, furent jetées les premières bases
d'une grande Compagnie à droits régaliens au
Mozambique. La Compagnie du commerce
de l'opium fut fondée 'en 1874, et en 1853 la
compagnie sud-africaine.'
ALMADA NliGRICIROS.
La Compagnie
du Mozambique
Le décret du Il février 1891 a accordé à la
Compagnie du Mozambique (primitivement
dénommée Compagnie d'Ophir) l'administration
et l'exploitation des territoires, de 17 millions
d'hectares de superficie de la province du Mo-
zambique limilés au nord et au nord-ouest, par
le Zambèze, depuis son embouchure méridionale
et par la frontière du district de Tête; à l'ouesl.
régiment européennes, sans compter les forces renço-Marquès, avec des délégations à Mozam- par la frontière intérieure de la province ; au
militaires à la charge des compagnies souve- bique, Quelimane, Inhambane. sud, par le fleuve Save, jusqu'à son embou-
raines, qui sont très importantes et les troupes Ce circulo est administré par un directeur, chure méridionale ; et à l'est, par l'Océan.
de .'
2e ligne
Pour le service de la police
appartenant aux-cadres douaniers du royaume. Le décret du 22 décembre 1893 a accordé
et de. la surveil-
lance des fleuves, il existe au Mozambique une
escadrille de canonnières à fond plat sur le
Zambèze et le Chire. Des bateaux-canonnières
v
C'est en 1896 que l'attention de nos artistes piste ; on a prétendu que rien ne méritait d'être menlin, hésitant lui-même, bien que sur place,
commença à se porter vers nos colonies; cette signalé. en face de ces périlleuses nouveautés.
initiative fut secondée avec empressement par Maintenant que nous avons poursuivi notre Ces hésitationsfurent vaincues de trois façons :
les explorateurs par leurs récits, leurs. rensei- assistent pas et l'aride compte rendu de la presse
gnements, leurs exemples, leur enthousiasme
tracèrent la voie. ne peut que leur faire subir le supplice de Tan-
La grande part réservée dans l'Exposition tale. Nous avons voulu combler pour eux cette
universelle de 1900 aux manifes talions coloniales lacune par la reproduction même des œuvres
•devait provoquer des initiatives hardies et qu'il y avait lieu de signaler.
nombreuses. Enfin, ce fut un minis're des La principale œuvre de sculpture à remarquer
Colonies qui, en 1897, demanda aux artistes ici, c'est le Monument au gouverneur général
français de réserver leurs œuvres à l'exposition Ballay (2021), par H. Allouard (H. C.). Il a-été
coloniale et, sur la demande d'un membre du exécuté en bronze par les établissements Du-
Comité de patronage (qu'il est inutile de renne, et il est édifié à'Conakry. L'ensemble et le
détail sont dignes d'admiration. Les Lypes exacts,
nommer ici), il mit à leur disposition six voyages bien présentés, l'aspect simple et noble, toute
gratuits aux colonies les plus lointaines. Ces l'œuvre de Ballay, sa pèrsonnalité, son peuple,
facilités furent largement étendues par ses
tout revit pour la génération présente et future.
successeurs, par les gouverneurs généraux de Pas de vaine et confuse allégorie. Les indigènes
l'Indo-Chine, M. Doumer et M. Beau, secondés
comprendront etseront satisfaits. L'idéal réalisé
par l'Office colonial, le syndicat de la presse par Ballay et reproduit, par l'artiste, élèvera le
coloniale et les comités formés à cet effet.
L'œuvre papportée fut à la hauteur des leur. Ce sera une grande leçon bien nette. On
sacrifices qui avaient été consentis par le gou- a ainsi évité l'écueil de négliger ou de contrarier
la mentalité des habitants du pays, comme clans
vernement et les colonies. Dans la période les monuments Courbet à Abbeville et Francis
comprise depuis 1898 jusqu'après l'exposition de Garnier à Paris, où l'allégorie trop vague froisse ,
Hanoï en 1903, l'effort fut considérable et cou- l'esprit des Annamites souscripteurs auxquels on
ronné de succès. Ceux à qui l'on avait conseillé, tente en vain de l'expliquer.
en 1896, d'aller du Luxembourg jusqu'en Algé- C'est une gloire pour la colonie, et nous
rie, puis jusqu'en Asie, firent, en bons Français voudrions que toutes nos colonies eussent leurs
qu'ils étaient, le tour du. monde asiatique, et
le firent mieux connaître par le crayon, le monuments français parce qu'elles sont fran-
pinceau et la plume. çaises. Notre art estfait pour elles comme pour
Pour se faire une idée de cette œuvre, il sur- la métropole.
firait de se reporter aux comptes rendus pério- C'est un régal exotique de contempler (4455)
diques publiés parla Dépêche Coloniale depuis les trois femmes fouiha, mandingue et soussou
huitans et qui forcèrent peu à peul'attention du (marbre et cire perdue) et le buste d'une femme
public artistique et colonial. Ils furent accueillis foulha (marbre et cire perdue), très curieuse-
ment parée des bijoux du pays. Elles sont du
avec un intérêt bienveillant et croissant. même auteur, et leur place doit rester au musée
Nous devons nous borner ici à un aperçu sur colonial du Louvre ou au ministère des Colonies,
quelques œuvres des trois Salons, de 1904.
Grâce à la Dépêche Coloniale Illustrée, ces ou au musée ethnographique du Trocadéro.
Il serait également désirable que la maquette
œuvres ne sont plus seulement décrites; mais du monument BaI1ay fût retenue par 1VI. J.-Charles
elles sont présentées de visu à nos lecteurs par
de bonnes photogravures. Roux pour l'Exposition coloniale de Marseille.
Pendant que nous sommes à la sculpture,
arrêtons-nous devant le buste de M. Savorgnan La première impression produite par la la cour de l'hôpital indigène, à Tunis, éclairés
de Brazza (2794), par Charles Cordier. Le cos- Fumerie d'opium fi llaT/ol lYollet, 1806) persiste par unelumière crueet aveuglante ; c'est un lavis
tume est celui de l'illustre « va-nu-pieds », ren- plus profonde encore. Facture très difficile, architectural.
contrant Stanley qui portait des bottes; la parfaitement rendue: réalisme et rêve. Des Le Cora//c/' marocain (cire, 2816. de Darley)
figure de Brazza est à la fois douce et énergique femmes européennes sont sur le lit de camp ; est bien campé et d'un grand fini : il veut aller
l'une aspire la pipe; une autre vient de fumer. loin, sans ménager sa monture qui a de l'enco-
Une plus âgée est surexcitée par une hallucina- lure et du jarret. C'est le même qui a fait le
tion que va calmer la pipe préparée par un Anna- beau groupe de Jeanne d'Arcprise (t Compiegne;
mite correct. Une autre femme, la pipe à la tous nos compliments.
main, se prépare à les imiter, tout en contem- Voici un sujet déjà traité, et l'on connaît le
plant un spectacle qui la fait hésiter dans sa Nègre adulte du Liixetitl)oiirg de Guillet. en
passion ; c'est très hardi, très réaliste et peint bronze ; mais le Petit Arabe porteur d'eau (2884 .
avec talent. de Fontana, nous donne uneanatolllip. gracieuse
Pourquoi avoir reporté à la section d'architec- et parfaite de jeune garçon. C'est en marbre
ture trop peu visitée des aquarelles qui ne sont de Carare. Fontana est élève de l'Ecole des
pas des plans. mais des tableaux: les Portiques Beaux-Arts de Carare en Italie; il est né il
de la pagode du Kinh Luoc, de Maurice (3729) Carare. Le bronze a été acquis par l'Etat et
offrent toute la couleur locale tonkinoise. On figure aussi au Luxembourg. Il le mérite bien,
a une excellente idée de l'intérieur des Crottes et cette élude d'un éphèbe sain et vigoureux
de marbre, et des jeux étonnants de lumière fera un excellent modèle.
rose et azurée qui éclaire l'entrée des grottes de M. Rousselot, architecte diplômé, présente un
Tourane et l'autel à Bouddha. du même auteur vaste projet destiné à créer un centre manufac-
(3730). turier des soirs de l'Aiiiiam; une note détaillée
Ouanl à la série d'aquarelles, scènes et types est attachée au cadre. A voir les plans, on se
rapportées de Corée, Japon, Mandchourie, croirait, non à Tourane. mais à Lyon Ce gros
lie JVIozambiqae
(Suite du numéro du 30 juin 1904)
AGRICULTURE — FINANCES - COMMERCE
'AVE:-JIR de la fertile terre de Mozam- sablonneuse ou marécageuse que nous avons Table fertilité, l'avenir du Mozambique est
bique, disait un écrivain colonial, il y indiquée, les zones agricoles, malheureusement assuré.
a 44 ans,. est dans l'agriculture. En. loin d'être mises complètement en valeur, Dans la région du Cap Delgado, sous l'admi-
effet, le Mozambique est d'une fertilité sont d'une fertilité incomparable. Dans son nistra lion de la Compagnie du Nyassa, les indi-
remarquable dans toutes ses régions agricoles. rapport au Parlement, en 1899, le ministre des gènes cultivent le maïs et le riz. L'activité de
Exception faite de la petite bande littorale Colonies dit qu'avec des terrains d'une si admi- l'Européen y est très restreinte. On y a décou-
1893 3.078.230 fr. Années. Importations. Exportations. navires portugais, puis les bâtiments français et
189 4 3.821.760 — allemands.
1895.. 7.233.265 —
1897.... 3.395 170
Les recettes.spéciales les-plus importantes de
189 6 11.530.820 —
1898.... 3.384 76
la province (1) proviennent de l'impôt de paillote
1897 19.977.990 1899.... 2.395 382
1898 27.725.315 — et du rendement des prasos da corôa. Le
189 9 17.314.775 — Mouvement commercial des différents districts premier a produit 297 contos de reis en 1903,
— du Mozambique de 1893 à 1897.
1900 (1
.. 53.931.849 - sur les territoires administrés par l'Etat ;
190 1 -
de cetle contribution de l'étranger, en exploi- Années. Importations. Exportations. donc un excédent de recettes de 735 contos, que
tant ses richesses naturelles. 1890.... 33 17
le gouvernement appliquera aux travaux, déjà
En dégageant du chiffre total des affaires de 1891.... 9 17 très avancés, du port de Lourenço-Marquès.
la province, en 1899, par exemple (120,000,000fr. ), 1892.... 153 45 De ce chef, cette grande colonie portugaise,
l'importance des marchandises en transit pour 1893.... 461 117 qui était, encore en 1898, une charge pour la
le Transvaal (mettons le mouvement de Beira) 1894.... 486 70 métropole, à cause des guerres successives qu'il
et la Rhodésia par les douanes portugaises 1895... 707 81 - a fallu y faire, est aujourd'hui une des plus
(42,000,000 fr.), on voit nettement que, si ces 1896.... 1.328 81 prospères de ses possessionsd'Afrique, avec une
causes de progrès existent, elles ne sont pas 1897... 2.642 143 tendance manifeste à développer ses richesses
les seules; et que la province a des ressources 1898.... 4 100 140 extraordinaires par l'exploitation, à peine com-
énormes de vitalité pour le jour où elles, sup- 1899.... 2.464 128
mencée, de son sol si fertile.
posons-le, feront défaut. Le Portugal, tout en regardant avec une
Comme dans toutes les colonies où la culture Le mouvement de ces deux ports, Lourenço- grande attention les progrès accomplis dans les
du sol s'initie à peine, les importations dépas- Marquès et Beira, est nécessairement en rapporL colonies limitrophes de l'étranger, a réalisé une
sent de beaucoup les exportations. Voici le re- direct avec leur importance commerciale.
Voici le relevé du nombre de navires à vapeur œuvre colossale de patriotisme et de sagesse,
levé, en contos de reis, des importations et des en mettant à profit, avec une hâte que les cir-
exportations par les douanes de Lourenço- et à voiles, entrés dans ces ports : constances exigeaient, une de ses possessions du
Marqués dans les années ci-dessous : plus bel avenir. Les chiffres qui y restent ne
Années.. Lourenço-Marquès. Beira.
Aunées. Importations. Exportations. seront pas, sans doute, pour beaucoup de colo-
1892.... niaux, un sujet d'étonnement et de surprise. Ils
1890.... 1.745 101 228 69 n'en attestent pas moins l'activité colonisatrice
1891.... 1.222 1893.... 252 102
11
1894.... 265 118 des Portugais, à l'époque précise de leur
1892.... 1.042 111 régénérescence coloniale.
1893.... 1895 363 115
1.360 72 ...
1896.... 433 178
1894.... 996 242
1897.... 534 243 ALIIADA NEGREIROS.
1895... 1.328 127
1898.... 522 270
1896.... 2.823 40
1899.... 503 290 (i) Rapport présenté au Parlement en 1903, par le minis-
(4) L'augmentation est due au passage des troupes anglaises tre des Colonies. Le mussôco ou impôt de capitalion est de
pour" le Transvaal. Il est curieux de comparer avec celui-ci le C'est le pavillon anglais qui est le plus fré- 800 reis annuellement par nègre colon; la moitié se paye en
mouvement commerciaL des autres districts du Mozambique quent, dans tous les ports. Viennent ensuite les travail agricole, le reste en argent ou en produits d'expor-
pendant un certain nombre d'années, en reis. tation.
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
31 Juillet 1904 (4* Année).
Adresse télégraphique :
- NI 14.
Deponiale Paris
Directeur : J.-PAUL TROUILLET Bureaux : 12, Rue Saint-Georges, Paris
157-47
Diégo-Sciarez
- Téléphone :
ES récentes discussions qui ont eu lieu Une autre relation nous apprend qu'en 1543, en 1609, un ouvrage très curieux sur Mada-
devant les Chambres au sujet de la dé- un certain Diogo-Soarès, gentilhomme portu-
fense de nos colonies ont de nouveau gascar.
gais réfugié aux Indes à la suite d'aventures Décrivant la côte est de l'île, Mégiser parle en
appelé l'attention sur Diéeo-Suarez. scabreuses, fut envoyé à l'île Saint-Sauveur par
notre grand port de guerre de l'océan Indien, ces termes du cap d'Ambre :
Martin-Alphonse de Soussa, gouverneur de « Après quoi, on arrive à la pointe extrême
dont la création et l'armement de toutes pièces l'Inde. « de 1 île de Saint-Laurent, le cap d'Ambar (cap
en moins de quatre ans resteront l'une des œu- Ce voyage ne dura que quelques mois « d'Ambre) ; c'est sur ce point qu'on recueille
vres principales, sinon la plus importante du et tout ce qu'on en sait, c'est que Diogo-Soarès « le meilleur ambre; tout près de là est l'autre
général Gallieni à Madagascar.
A ce titre, l'exposé ci-après fait avec toute la
rentra à Goa la même année, rapportant de « pointe extrême, qui est dirigée quelque peu
réserve que comporte le sujet, est donc d'une « du côté de l'Afrique du Sud et qu'on appelle
entière actualité, surtout en présence des évé- « le cap Natal (pointe Ambohitramporia) parce
« qu'elle a été découverte par les Portugais le
nements qui se déroulent en ce moment en
Extrême-Orient. « jour de Noël. »
Cette explication séduisante est 1rès contro-
versée parmi les interprètes et notamment parmi
Historique. les membres dp l'Académie malgache de Tana-
narive. Quoi qu'il en soit de oette question lin-
guistique qui est en même temps une question
L'entrée de la rade de Diégo (Phare d'Oran- commerciale, on peut affirmer, d'une part, que
géa) est située par 12° 13' 54" de latilude sud et l'ambre gris existe certainement à Madagascar
47° 2' 27" 4 de longitude est. où il a été signalé Lout dernièrement encore sur
L'histoire de Diégo-Suarez ne remonte guère la côte sud-ouest, et, d'autre part, que si le com-
au delà du traité du 17 décembre 1885, par merce de ce produit a jamais existé à Diégo-
lequel le Gouvernement malgache d'alors re- Suarez, il y a, en fait, complètement disparu.
connut à la France le droit de s'établir dans la A la suite des premiers voyages de nos navires
baie et d y faire des « installations à sa conve- à vapeur et notamment de nos bâtiments de
nance ». guerre à Diégo, on reconnut l'importance de
Le fait qu'aucune organisation maritime sé- cette belle rade et le parti qu'orupouvait en tirer
rieuse n'avait été entreprise antérieurement à
Diégo s'explique par la difficulté qu'éprouvaient pour la défense de nos possessions de l'océan
Indien. C'est ainsi qu'à la suite de la campagne
les navires à voiles à pénétrer dans une rade de 1885, la cession de la .baie de Diégo fut sti-
aux abords de laquelle une mer parfois très dure pulée dans le traité avec le Gouvernement mal-
et des courants généralement violents rendent gache.
la navigalion difficile et souvent dangereuse Toutefois, la définition exacte de nos droits
pour les petits bâtiments. donna lieu à une série de difficultés qui furent
Aussi, n'est-ce qu'après la transformation des suscitées par le premier ministre, et qui ne pri-
marines de guerre par l'adoption généralisée de rent fin que par l'annexion définitive à la France
la navigation à vapeur que la France qui pos- après la campagne de 1895.
sédait des droits anciens sur Diégo, comme sur Dès son arrivée à Madagascar, au mois de
le reste de l'île, songea à revendiquer cette rade septembre 1896, le général Gallieni reconnut
merveilleuse pour y créer un port de guerre et immédiatement l'importance stratégique hors
des installations maritimes en conséquence. de pair de Diégo-Suarez et entreprit de donner
Diégo n'est cependant pas resté complète-
ment ignoré avant 1885 et les documents les un corps et une réalisation effective aux idé-es
et aux projets très imprécis qui avaient vu le
plus anciens à ce sujet établissent que les navi- jour jusqu'alors.
gateurs portugais qui ont découvert Madagas- A la suite d'une minutieuse inspection de la
car, vers l'an 1500, ont fait quelques voyages place et de ses abords, il fixa, dès le commen-
dans cette région. Le cap d'Ambre fut reconnu cement de 1897, les grandes lignes du plan de
pour la première fois par Tristan da Cunha. défense et réussit à faire partager ses vues par
amiral portugais dont Camoens chanle les ex- grosses sommes d'argent et de nombreux escla- le Gouvernement et les principales notabilités
ploits dans la Lusiade et que le roi dom Manuel ves, fruit de ses déprédations. du Parlement. C'est ainsi qu'en 1898, 1899 et
avait envoyé à Mozambique avec seize vaisseaux La cpllection des ouvrages anciens concernant 1900, intervinrent successivement les lois et
pour affermir sa domination en Afrique et dans Madagascar publie aussi la relation d'un voyage décrets qui ont classé Diégo-Suarez comme
les Indes. Cette flotte fit un voyage à Mada- à la baie d'Antongil età Sainte-Marie que firent, point d'appui de notre flotte, au même titre que
gascar et relâcha d'abord dans un îlot de la en novembre 1601, cinq navires : le Dragon. Bizerte pour la Méditerranée, Dakar pour
baie de la Mahajamba, puis continua à longer YHector, Y ascensioii, le Jusant et le Guest appar- l'Atlantique et Saïgon pour les mers de Chine
la côte dans la direction du nord ; elle arriva le tenant à la Compagnie anglaise des Indes. Le et du Japon.
jour de Noël au cap d'Ambre, que Tristan d:1 26 novembre, cette flottille doubla le d'Am- Nous savons la prudente réserve qui s'impose
cap
Cunha appela cap Natal en raison de la solennité bre, fascheux à passer, où elle fut aussi contra-
du jour. Les bâtiments y furent assaillis pendant riée par la tempête. à la Presse et surtout à la Presse illustrée pour
plusieurs jours par des vents contraires, qui tout ce qui touche aux questions de défense.
A une époque qu'on ne saurait préciser, le Aussi, dans ce numéro spécial, rappellerons-
empêchèrent de doubler le cap et obligèrent cap Natal changea de nom et devint le
cap
l'amiral portugais à faire de nouveau route vers d'Ambre. Cette nouvelle appellation s'explique nous seulement quelques principes généraux
de la défense des ports de guerre, principes qui
le sud, puis à rentrer à Mozambique après un au moins en apparence,par
ce passage emprunté ont reçu à Diégo une application particulière-
voyage mouvementé où perdit plusieurs vais- à un ancien auteur, Jérôme Mégiser, historio-
il ment heureuse et rapide, au point que derniè-
seaux. graphe du Prince électeur de Saxe qui a publié, rement encore à la tribune de la Chambre, des
presque à pied sec à l'époque des plus basses pied dela falaise, s'ouvre une magnifique grotte
marées. qu'une de nos gravures montre également
Revenons maintenant en arrière et retournons et qui servait autrefois de cimetière aux indi-
à Orangéa en visitant successivement toutes les gènes. Des colonnades de stalactites et de sta-
baies. lagmites divisent la grotte en plusieurs grandes
Au centre de la rade, se trouve le pelit îlot salles et y forment une architecture du plus
des Aigrettes, dont le feu fixe, à secteurs multi- curieux effet.
colores, donne les alignements aux navires après A l'ouest de l'hôpital et sur le rivage apparaît
le franchissement de la passe. Non loin de là, le petit village de Diégo, qui a donné son nom
après avoir dépassé la baie du Tonnerre, on à la rade sans en être l'agglomération princi-
débarque au cap Vatomainty ou — comme on pale. On n'y rencontre guère que des indigènes
l'appelle aussi en traduisant le nom malgache — et quelques commerçants grecs et indiens.
à la pointe des Roches Noires, qu'une altitude Du cap Diégo part une route de 15 kilo-
de 70 mètres et des vues étendues dans toutes mètres qui, passant par l'islhme d'Andrakaka,
les directions appellent à jouer un rôle impor- se prolonge jusqu'à la côle ouest de l'île. Elle
tant dans les opérations de la défense. Indi- aboutit à la baie du Courrier, dont les eaux
quons en passant qu'au pied de Vatomainty, on calmes et profondes, offrant aux navires un
trouve le long du rivage des huîtres très élppré- excellent mouillage, faciliteraient, en temps de
eiéf's par tous les voyageurs qui débarquent à guerre, les opérations de débarquement. Il va
biégo. Lorsqu'en quittant le cap Vatomainty, sans dire que cette éventualité a été envisagée
on remonte en canot à vapeur le nord-ouest, on et que les dispositions qui conviennent ont été
atterrit, trois quarts d'heure plus tard, au fond prises, à cet effet, dans l'établissement du plan
de la baie des Cailloux-Blancs, où débouche le de défense. A deux kilomètres environ de la baie
principal sentier conduisant au phare d'Ambre, du Courrier, se dresse un immense rocher cal-
situé à l'extrême pointe nord de l'île. caire, le Winclsor-Cctslle (voir nos gravures), dont
L'excursion au cap d'Ambre est une de celles le sommet atteint 400 mètres d'altitude, et dont
qui s'imposent au touriste. Elle se fait en tilan- les hautes falaises, entièrement verticales, éveil-
zane ou à mulet. A l'aller ou au retour, elle lent l'idée de quelque gigantesque château fort.
demande de sept à huit heures, pendant les- Du sommet de cet observatoire apparaît un
quelles on ne rencontre que quelques rares admirable panorama au nord, le phare d'Ambre
:
Lia Tripolitaine
vait sans doute êlre leur associé. Ali Caramanli Tripolitaine et surtout que la piraterie devrait Pacha, soumit facilement le Fezzan et l'oasis de
eut également à lutter contre son frère Jussuf cesser entièrement. Ghadamès et s'occupa surtout de Rhuma qui,
qui le harcela et l'obligea à lui céder le Tous ces démêlés avec les puissances euro- plus heureux que Abd-el-Gelil, se maintenait
trône. péennes se terminèrent toujours par de graves encore au Djebel; cependant lui aussi ne fut
Pendant l'expédition deBonaparte.en Egypte, humiliations pour Jussuf, et ses sujets fini- pris qu'en lui promettant monts et merveilles
Jussuf favorisa secrètement les Français. Obligé rent par s'en offusquer. En 1831, Abd-el-Selib, et fut fait prisonnier dès qu'il eut l'ingénuité
par l'Angleterre de déclarer la guerre à la France, caïd de Uled-Sliman, proclama la révolte et prit de s'approcher de Tripoli.
il donna cependant ordre aux corsaires barba- possession du Fezzan. Les deux fils de Jussuf, Avec la reddition de Rhuma finit la conquête,
resques d'épargner les vaisseaux français. Il Ali et Ibrahim, qui furent envoyés contre lui, et désormais la Tripolitaine fut un vilayet otto-
paraît même qu'à un moment donné, Bonaparte durent retourner à Tripoli sans résultats, juste man des plus tranquilles, mais non des plus
eut le projet de débarquer à Tripoli et de conti- au moment où l'amiral anglais Dundas se pré- prospères (1).
sentait devant Inpoli et
obtenait de Jussuf que Géographie. —
Agriculture.
cedernierpaierait200.000
piastres espagnoles en Le vilayet de Tripoli et du Fezzan est donc
compensation de dom- une dépendance directe de la Turquie depuis
mages causés à des An- 1835 comme nous venons de le voir plus haut.
glais. Mais Jussuf ne La Tripolitaine a une superficie de 1.213 400ki-
-
put pas payer cette
somme et il eut la déplo
10mèLres et une population de 1.100.000 habi-
tants, soit moins d'un habitant par kilomètre
rable idée d'imposer une carré.
taxe aux habitants de la La capitale est Tripoli, avec 35.000 habitants,
Mescia, qui depuis un dont 5 à 6.00.0 Européens, 5 à 6.000 israélites
temps immémorial indigènes et le reste musulmans.
avaient été exemptés de Les autres, villes principales de la Tripoli-
tout impôt. Ce fut le si- taine sont :
gnal d'une grande insur-
rection et Jussut' fut dé- Benghazi 18.000 habitants.
claré déchu du trône ; Misurata 7.000 —
son successeur fut Moha- Derna 5.000 . —
med Caramanli, qui eut Homs 4.000 —
pour compétiteur Ali, Zliten 3.000 —
. fils de Jussuf. Mourzouk 5.000 —
Le gouvernement bri- Ghadamès .............
5.000 —
tannique, fidèle à sa
politique de protéger et Il y a également d'autres centres de moindre
d'agrandir même l'em- importance, parmi lesquels je citerai : Tobia,
pire ottoman, seul moyen Zaonia, Zoagha-, Zouara, Orfella, Tarhouna,
d'opposer une formida- Djebel, Ghariay,Zanzour, Fossato,Nalont,eLc...
ble barrière aux aspi- Dans les environs de Benghazi et"sDarna, en
rations de la Russie, Cyrénaïque; existent deux grands ports natu-
nuer par terre sa route vers l'Egypte, mais il est poussa le sultan à intervenir dans les affaires rels : Zomba et Tob.rouk, qui servent de refuge
heureux que ce projet n'ait pas été mis à exécu- tripolitaines, et ce dernier, prétextant un appel aux marins pendant les, tempêtes.
tion parce que le voyage de Tripoli en Egypte au secours que lui aurait dépèché Ali Caramanli, Ces deux ports sont appelés un jour ou. l'autre
aurait duré de cette façon trois mois environ et envoya une flotte avec 6.000 soldats, commandés à être de grands ports maritimes et de guerre.
aurait eu certainement une très triste lin. par Negib Pacha, et, le 26 mai 1835, Ali Cara- On prétend même que des navires de guerre
En 1801, Napoléon fit une paix définitive avec manli, qui eut la naïveté de se rendre à bord, anglais y séjournent assez souvent, mais la chose
Jussuf Caramanli; le négociateur en fut un ,s'entendit déposséder de son royaume et con- n'a jamais été prouvée.
Maltais, nommé Saverio Naudi. damner à la déporlation à Constantinople. La Tripolitairié est une espèce de désert avec
Quand la période des guerres napoléoniennes Negib Pacha prit possession de Tripoli au des oasis très fertiles. C'est un pays qui est
prit fin, l'attention des grandes puissances euro- nom du sultan et s'établit comme gouverneur. abandonné à la nature depuis plusieurs siècles.
péennes tut finalement attirée par la terreur et Cependant, de nombreux gouverneurs se succé- Le climat est excellent et les pluies pas trop
la désolation que les corsaires barbaresques dèrent à Tripoli sans y demeurer longtemps, fréquentes. Le jour où ce pays présentera plus
portaient sur les rivages européens, et, en 18.1.9, car le sultan craignait
elles délibérèrent que les prérogatives dont jouis- toujours que l'un d'eux
saient seulement les grandes puissances seraient ne se déclarât indépen-
également,éte:ndiIes aux petites puissances qui dant.
et.aie.ntt surtout la proie habituelle des corsaires En 1836, Fâcher Pacha
barbaresques. Lès amiraux Juriende la
et Freemantle Curent, chargés de communiquer
Gravière fut nommé gouverneur
à Tripoli, et ce fut lui
cette décision des puissances à Jussuf Caramanli qui forma le projet de
qui s'empressa de l'accepter. conquérir la Tunisie
En 1825, le roi de Sardaigne, Charles-Félix, pour compte du sultan
envoya une flotte à Tripo-li pour exiger raison et d'aider le bey de Cons -
des' prétentions de Jussuf qui demandait des tantine contre la France.
cadeaux pour chaque nouveau consul installé à A cet effet, une flotte
Tripoli. La flotte tripolitaine fut anéantie par ottomane, sous le com-
les Sardes et il dut accepter de signer un traité mandement du Capudan
en règle. Ce fut le consul anglais Warrington Ahmed Pacha, fut en-
qui en fut le médiateur. voyée à Tunis, mais re-
En 1826, ce fut au tour du Pape, qui chargea tourna sans aucun résul-
la France de demander satisfaction à Jussuf tat, y ayant été précédée
Caramanli de dommages causés à des vaisseaux par une flotte française
pontificaux, et une flotte commandée par Arnous sous le commandement
de Saulsays obligea Jussuf" à donner satisfaction de Lalande, chargé de
au Pape. maintenir le statu quo à
JIlssuf fut très irrité de cette intervention de Tunis à n'importe quel
la France en faveur du Pape et chercha à se prix.
venger sur son consul à Tripoli, M. Rousseau, En 1828, Hassan Pa-
qui fut attaqué par Jussuf comme étant l'insti- cha étant gouverneur de
gateur de l'assassinat du major anglais Laing, Tripoli, le chef arabe
assassiné dans l'intérieur par les indigènes. Rhuma fut reconnu
Le consul Rousseau n'ayant pas pu obtenir comme chef du Djebel;
satisfaction d'une telle calomnie amena son pavil- Ald-el-Gelil fut placé à la
lon et partit pour la France. tête du Fezzan à la condition de payer un tribut de distractions et sera moins monotone, Tripoli
Le gouvernement français fit, d'accord avec annuel, mais cette dernière condition resta let- deviendra une station hivernale de premier
l'Angleterre, une enquête minutieuse qui prouva tre morte jusqu'en 1840, date à laquelle un nou- ordre qui pourra rivaliser avec succès avec
l'innocence de Rousseau et alors la France, un veau gouverneur, Asker Pacha, insista pour que Nice, Alger et Tunis.
mois à peine après la prise d'Alger, expédia à les tributs soient régulièrement payés, mais ces La production agricole est ici étroitement
Tripoli une flotte commandée par l'amiral Rosa- chefs préférèrent se soulever et Asker Pacha attachée aux conditions météorologiques ; splen-
m,el et Jussuf dut s'incliner devant lui. En cette dide quand les pluies ont été. abondantes, la
occasion, la France agit comme représentant ne put venir à bout de Abd-el-Gelil qu'en le
faisant tomber dans un guet-apens, ce qui récolte est par contre presque nulle après les
toute la chrétienté en pays d'infidèles et, entre permit à la Turquie (le se débarrasser ainsi d'un
autres choses, obtint. que les chrétiens ne pour- des deux chefs de l'insurrection. (1) Lesdétails historiques qui pr.écèdept ,ont été puisés, en
raient plus être retenus comme esclaves en grande partie dans l'intéressant ouvrage La Tripolitania, de
En 1S42, Mehemed Emin, successeur de Asker l'auteur italien F. Minutilli.
1895, l'explorateur anglais Cowper a visité la M. de Mathuisieulx a également visité le Dje- archéologues modernes niaient l'existence.
région de Tarhouna située au sud-est de Tripoli ; bel Gharian et Yffren. Les antiquités n'y sont J\). de Mathuisieulx poursuivit son voyage en
quelques mois après, un naturaliste anglais a pas nombreuses, comme on le croit générale-
fait une rapide traversée dans le Fezzan. En parcourant la région montagneuse de Fossato
ment. Ces montagnes sonthabitées par des Ber- et de Nalont et y observa le Berbère pur de
L900, deux Français, M. et Mm. Alluaux, ontfait bères et des juifs troglodytes dont il serait très cette partie de la Tripolitaine. De là, il s'enfonça
une petite excursion dans la contrée du Djebel intéressant d'étudier les dialectes et les mœurs. encore vers le sud sur Misda, puis il descen-
Gharian. Ces montagnards ont toujours résisté aux enva- dit le ravin desséché du Son'egin. Il est à remar-
En 1902, M. Florio, l'armateur italien bien hisseurs. Ils ont longtemps combattu contre les
eonnu, s'est vu refuser l'autorisation d'aller, Arabes et même, en 1835, contre les Turcs lors quer, en passant, que cet explorateur français a
choisi lesdits itinéraires de manière à n'explo-
par terre, de Benghazi à Derna. Et c'est tout. de l installation de ces derniers à Tripoli. Leur rer que des chemins antérieurement inconnus.
Exploration de Il se dirigea encore vers le sud.
M. de Mathuisieulx. vers Nadi Zemzem, où les indigè-
nes lui signalèrent les splendides
Cependant, en 1901, un Fran- ruines de Ghirza à plus de dix
çais, M. le vicomte de Mathui* jours vers le sud.
sieulx, ancien officier d'infanterie «, Pour y arriver, il parcourut
de marine au Tonkin, a fait une un désert affreux, sillonné de ra-
exploration intéressante en Tripo- vins profonds, sans un être humain,
li taine. Il était chargé, par le Mi- pas de végétation, rien que le sable
nistère de l'Instruction publique, et le soleil brûlant ! Il eut à su.p-
d'une mission archéologique, porter une tempête de sable'dans le
ethnographique et économique. Oued-Tala, affluent du Zemzem.
M. de Mathuisieulx a rapporté des
Grâce à l'influence de M. Lacan, photôgraphi'e*s"et"dès aperçus très
notre distingué consul général de intéressants sur ces ruinés de
France à Tripoli, M. de Mathui- Ghirza; qui étaient totalement in-
sieulx pu obtenir l'autorisation, -
-a-.
rarement accordée, de visiter les connues auparavant.
M. de Mathuisieulx s'avança en-
ruines de Leptis Magna, ancien
chef-lieu punique et romain de la core, vers Sokna, mais les autorités
région syrtique, les restes du ottomanes le lui interdirent,comme
grand port de Sahatha, le plateau on lui avait déjà interdit de pousser
j usqu'à Ghadamès. Il retourna donc
de Tarhouna. où l'on voit de nom- à la côte par Misenata, ce qui lui
breux vestiges de bourgades ro- permit d'étudier les curieuses rui-
maines et, enfin, le Djebel Gharian
et Yffren, au sud de Tripoli, ha- nes romaines de Nefed, du Mer-
doum, du Faouargha (1).
bités par les curieuses tribus tro- Encouragé par les résultats des
glodytes; berbères et juives. deux premiers voyages, qui fu-
M. de Mathuisieulx noùs a fait
rent appréciés par le monde sa-
une descriplion très fidèle des rui- vant, M. de Mathuisieulx est parti
nes de leptis Magna qui sont situées à 88 kilo- chef était le fameux Rhuma, dont les Arabes se ces jours-ci pour un nouveau voyage dans l'in-
mètres à l'est de Tripoli. rappellent encore et dont nous avons parlé plus térieur de là Tripolitaine, où il étudiera de nou-
Lesfouillesy sontmalheureusementinterdites. haut. velles .régions, et nous voulons espérer que les
Cette ancienne cité, rivale de Carthage, 'avait Tel a été le voyage intéressant accompli en résultats en seront aussi excellents que précé-
été fondée par les Phéniciens de Sidon. Elle 1901 par M. de Mathuisieulx (1). demment. Ce n'est pas sans peine cependant que
devint plus tard une ville romaine qui donna le Au printemps de 1903, M. de Mathuisieulx M. de Mathuisieulx a pu obtenir cette troisième
jour à l'empereur Septime Sévère. L'invasion avait entrepris un second voyage en Tripoli- aulorisation, parce que les autorités ottomanes
des Arabes mit fin à la prospérité de ce port si taine, toujours grâce aux démarches pressantes avaient rappelé tout dernièrement aux consuls
actif. Il ne reste plus de cette ville célèbre que de M. Lacour, consul général de France à Tri- l'interdiction formelle pour les étrangers.de
des murs, des colonnes et des tombeaux. S'il poli, qui sut aplanir toutes les difficultés. Il par- pénétrer dans l'intérieur de la Tripolitaine: mais
était permis à des ex- le sultan a bien voulu
plorateurs de creuser accorder un Iradé ex-
le sol de cet emplace- ceptionnel à M. de
ment de ruines, ceux- Mathuisieulx, à cause
ci y trouveraient, sans des travaux antérieu-
nul doute, de vérita- rement commencés
bles trésors archéolo- dans les précédents
giques. Louis XIV
avait fait transporter, voyages et pour lui
de Leptis Magna, di- permettre de les ache-
verses colonnes des- ver. L'ambassade de
tinées au château de France à Constanti-
Versailles.' nople et M. Lacour,
Les ruines de l'an- consul général de
cienne ville de Sa- France à Tripoli, se
hatha se trouvent sur sont très activement
le littoral à 50 kilomè;--. occupés de l'obtention
tres à l'ouest de Tri- dudit Iradé et c'est
poli. Elle a été dé- grâce à leurs démar-
truite vers le milieu du ches età leur influence
VIlle siècle, 11 ne rèste que le sultan a ,bien
plus de ce fameux voulu accorder cette
port qu'un immense faveur exceptionnelle
à un Français. Nous
-
'ARCHIPEL des Wallis, découvert en 1767 nombreuse et influente. Trois pères maristes et
par le commodore anglais de ce nom, besoins et de désirs. C'est ainsi qu'on rencontre
trois sœurs à Futuna. Sept pères et plusieurs
se compose de seize îles entourées de un peuple pauvre dans un pays relativement
toutes parts par un anneau de récifset sœurs à Wallis dirigeant un séminaire pour riche.
les. hommes et un. couvent pour les femmes, Cela est tellement vrai qu'ils sont au xxe siècle
éloignées de 1 île principale de trois à quatre composent l'élément qui constamment demeure.
milles marins. Ces îles sont placées par 13° de Le résident, par contre, personnifie la partie ce qu'ils étaient il y a cent ans, avant l'apostolat
latitude sud et 1780 de longitude ouest. du P. Bataillon et du marLyre du P. Chanel,.
Le groupe des Futuna, situé par le 170° de lon- flottante de la population blanche, car il est dont ils reçurent non seulement le chrislianisme,
gitude orientale et par le 15°. de latitude aus- souvent changé par suite de nécessités de ser- mais encore un code et des lois. Le canniba-
trale, comprend deux gros îlots, Futuna et vice ou de convenances personnelles. Il habite lisme a disparu, -les guerres sont moins fré-
Alofi, larges chacun de trois lieues sur sept de
toute l'année aux Wallis et se rend une ou deux quentes et les familles ont augmenté de nombre.
fois l'an aux Futuna. Leur costume ne s'écarte pas d'une simplicité
long, au centre de coraux dangereux pour la A Matautu, chef-lieu de l'île Uvéa, est installée
navigation, mais abordables aux vaisseaux du la résidence, placée au centre de la ville (!),
toute primitive Un morceau d'étoffe noué autour
plus fort tonnage par des passes connues. La sur des reins, tombant parfois jusqu'aux genoux,
rade de Sigave est le port le moins mauvais. un promontoire surplombant la mer. Elle est, est, avec un collier de fleurs odorantes, leur
bien que très vieille, séduisante et agréable; A accoutrement ordinaire. La femme, depuis sa
Wallis et les Futuna, protégées depuis
1887 par la France, et dépendant du sa droite et à sa gauche, parsemées sur la grève; conversion, le complète par une camisole de
ment de la Nouvelle-Calédonie, sontgouverne-
adminis-
un peu en contrebas, s'étendent les cases des
indigènes. Elles semblent autant de gros tas de
coton. Elle partage, au point de-vue social, les
trées par des rois auprès desquels est accrédité prérogatives de son mari.
bois. L'œil peu habitué du voyageur ne pourrait Très enfants dans les détails de la vie, l'esprit
uni résident dont la tâche n'est pas toujours à distance y distinguer un lieu habité.
aisée lorsqu'il d'observation ne leur fait cependant pas défaut.
luifautparcou- -
C'est le soir
rir sur un co- qu'accroupis
tre de 20 ton- dans leurs ca-
neaux, sous ses, à la lueur
l'empire des vacillante
circonstances, d'une mèche
et parfois par fumante, ils in-
les plus mau- terprètent les
vaises mers, événements de
les quarante lajournée.Pro-
lieuesséparant lixes, bavards,
les deux pays aussi bien dans
où il exerce sa leur intimité
j uridiction que dans leurs
toute de con- rapports ordi-
trôle, sa mis- naires, ils se
sion n'étant complaisent
pas de faire de dans la société
l'administra- d'autrui et ou-
tion directe. vrent toutes
S'il est une grandes les
terre bénie du portes de leurs
ciel et par trop demeures. De
ignorée des là leur vient
hommes, c'est cette vieille
certainement coutume dé ne
ce petit coin jamais, contes-
du Pacifique.
La nature s'est
ter à l'étranger
le droit de s'as-
plu à y accu- seoir à leur
muler ses tré- foyer et d'y pré-
.
sors et d'ar- tendre au niê-
gent et de grâ- me titre que
ces et de beau- lesmembresde
té. L'île d'U- la famille au
..
véa, entre au-^ gîte et à la
tres, la plus nourriture.
grande du Grâce à ces
royaume, lon- moeurs d'un
gue de 20 ki- autre âge, le
lomètres sur pays présente
12 de large, cette particu-
laisse le voyageur sous l'impression la plus larité rare "de
en- A neuf kilomètres de Matautu, le gouverne- n , avoir ni mendiants ni aliénés. Pourrait-il en
chanteresse. ment français possède une propriété de cent.
•.
Aux Futuna le charme n'est point Les être autrement à l égard d'un peuple possédant
rompu. hectares eh plein rapport, puisque la vente de'
aeux Iles semblent émerger toutes parées de à la fois la tranquillité du ventre et la paix
1 océan, à l instar de bouquets odorants.
ses produits figure en recettes, et pour un chiffre de l âme?
Leurs modeste, au budget de la colonie.Une jolie mai- Combien seraient profitables à nos bruyants-
forêts sont peuplées d'oiseaux rares. Les poules, sonnette permet de s'y garantir le jour des
les canards, les tourterelles, les perruches agitateurs les enseignements de communisme
vivent à l'état sauvage, mêlant l'éclat de leursy
ardeurs du soleil, la nuit des fraîcheurs de puisés à cette source exotique
1 humidité.
!
valent environ 100 francs. Le poisson y est sur les marchés de Nouméa et de Sydney La pêche de la biche de mer, l'exploitation de
une de 225 à 2iO francs suivant les cours. Ces der- la nacre, de la pentadine et la recherche de
source appréciable de ravitaillement. La lan- niers, cependant, ont un peu fléchi, puisqu'ils l huître perlière constitueraient
gouste, le vraiprère de Toulon, l'énorme une industrie
mulet, la gigantesque tortue ou le mi- prospère. Les Wallis produisent deux
nuscule bigorneau, sont les mets quo- espèces de nacre dont l'une est iden-
tidiens du plus riche comme du plus tiqIlement celle de Taïti. Les échan-
tillons trouvés n'ont aucune piqûre et
pauvre. ils atteignent 30 centimètres sur 25.
Une pêche de village donnera de trois
à quatre mille poissons, sur lesquels La seconde espèce se rencontre dans
l indigène ne gardera rien dans des loges sous-marines et se nomme
ignorance de les saler. Il serait bon que son « papillon » en raison de sa forme. Elle
les Europeéns pussent le lui apprendre. donne la perle, et quoique rarement
Il n'est point de gibier à poil dans pêchée dans un but de commerce, il
ces îles étroites où chaque coin de terre en a été vendu aux capitaines des ba-
représente une part de propriété, un teaux marchands.
droit à la vie en quelque sorte; mais Que conclure '? Poser la question
il n'en est pas de même des hôtes c'est la résoudre. Le concours d'une
emplumés des verdoyants bocages. Les compagnie française est nécessaire ici
pigeons; les canards sauvages, les tour- pour relever nos petites possessions du
terelles, les râles, les poules d'eau, les Pacifique relativement riches par elles-
merles, et, sur le rivage de la mer, à mêmes, mais pauvres du fait de l'apathie
l 'infini, des bécassines parfumées,
des peuples qui les habitent et, il faut
bien difficiles
gras- bien le dire aussi, du fait de leur éloi-
ses, à tirer.
On croit rêver, en vérité, quand on gnement. Car la grosse difficulté est
songe à lout ce que la nature a mis d assurer leur ravitaillement par un bon
à la portée de la créature humaine voilier, ou un petit vapeur mensuel,
qu'elle a faite ici son enfant favori. dont le retour pourrait s'effectuer avec
Vingt-sept variétés de bananes pour- les produits de la contrée.
raient être séchées en vue d'en per- Sans être très achalandés, les ports
mettre l'exportation en Australie. des Wallis et des Futuna sont visités à
L'igname, pomme de terre d'Océanie, peu près tous les mois et demi, par des
le taro, véritable légume providentiel navires à voiles du commerce. Ils em-
dont la racine cuite à eau donne
1
portent les courriers.
l'illusion du topinambour, dont la tige Il est utile aussi de prévenir le lecteur
de la cherté de la main-d'œuvre. Un
se prépare comme le céleri et dont les bon charpentier se paye cinq francs par
feuilles font des épinards ou de la con-
fiture de rhubarbe, s'v rencontrent avpr. jour, et un manœuvre trois francs.
le manguier, le melon d 'eat-i, l avocat ou beurre sont tombés à 180
1 Presque tous les Uvéens connaissent
végétal, la pomme de Cythère, la pomme cannelle point, d'ailleurs, qu'ils francs, ce qui ne signifie le maçonnage, les magnifiques églises en
le citron et l'orange. ' ne doivent pas se pierres rencontrées en cours de route en sont la
relever. démonstration.
Presque tous les légumes y croissent, et, Les bois de luxe et de construction varient à
T utuna en particulier, la vigne produit si bien
aux Toutefois, un domestique à gages se conten-
utuna
l'infini. Ils sont assez peu connus dans le pays tera de vingt francs par mois et de la nourri-
que mission a bu du vin de sa propre récolte pour qu'à leur insu des missionnaires soient
la
ture. A ce prix, il fera toutes les besognes hor-
et qu'elle trouve chez elle sa provision annuelle servis de bois de se
de café. rose pour faire les roues de mis les sales, auxquelles il ne pourra jamais se
leur voiture et le plancher de leur embarcation. résoudre. Les félicités du ciel seraient-elles pro-
L ananas pousse sur le chemin, dans le jardin, Les richesses de la terre mises par le Créateur mises à ce fervent chrétien qu'il ne ramassera
sous le lit..., il est vigoureux et parfumé. Là à la disposition de l'homme s'harmonisent
encore un industriel intelligent s'assurerait des veilleusement dans ce pays, où les lois de mer- pas les engrais du bétail et de la mer, si actifs
revenus parla fabrication du rhum. la cependant pour la fertilisation du sol ?
solidarité sont respectées même par la Nature Il a été souvent question de la création de ser-
Le tabac, cultivé par les naturels, se vend 2 et
3 francs le kilo et défie en qualité toute avec celles qui surgissent des profondeurs de vices à vapeur, devant relier le protectorat aux
concur- l'Océan. autres parties du monde, mais cet heureux évé-
rence même de la régie... Là encore des bras actifs mettraient au jour
Le maïs, le riz de montagne et de rizière don- d'inappréciables nement ne s'est pas encore manifesté. Le pays
neraient aux Futuna avec la canne à sucre des trésors
! s'en trouve ainsi dans une position d'infériorité
résultats excellents. Aux Wallis, le gingembre La légende des Wallis ne nous donne-t-elle évidente, ce qui est regrettable, car le délaisse-
pas les îles de l'Océanie comme le résultat d'un ment dont il souffre est réellement immérité.
— on en trouve dans tous les coins — se culti- coup de filet du dieu des dieux, Tagaloa? Il trou- X.
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
31 Août 1904 (4* Année).
Adresse télégraphique :
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Deponiale Paris
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Directeur J.-PAUL TROUILLET
: Bureaux : 12, Rue Saint-Georges,
Téléphone : 157-47
Paris
Lie Cambodge et son nouveau roi
Norodom. bonheur de mon peuple de concert avec vous et peint en blanc, avec rideaux blancs brochés de
(tvaiiiiakol ! Il est monté au ciel! avait avec le Conseil des ministres. » fleurs de lys en argent. Les mains du défunt,
Les portes de la salle du trône furent ensuite croisées sur la poitrine, maintenaient un étui
crié le docteur Halin aux princes et prin- ouvertes et tous les grands mandarins de la capi- en
or d'où émergeaient deux bougies dorées.
cesses assemblés autour de la couche fu- tale introduits. L'Akhamohasena (1er ministre) Les princes Phantavongs, Maghavan, Phan-
nèbre de Sa Majesté Norodom Ier, roi du leur rendit compte du choix qui venait d'être
Cambodge, le 24 avril, à quatre heures trois fait par le Conseil sous la présidence de M. le nuvongs et Sothavongs montèrent sur le lit
quarts du soir. résident supérieur, et ils se prosternèrent tous, pour procéder à l'habillement. Ils commen-
Laissons la parole à cet excellent docteur, cèrent par glisser un caleçon en soie sous le
inspecteur des services civils, résident-maire sampot et enlevèrent celui ci, par-dessus le
de Pnom-Penh et le plus fidèle ami du roi, dont caleçon, ils passèrent un pantalon dont la partie
il était, depuis de longues années, le confident haute était en soie blanche, la partie médiane
toujours écouté : en soie rouge et or et la partie inférieure formait
« Les femmes et les princesses royales, qui
un large anneau appelé chrovprea : Md/- pesant
jusqu'à ce moment avaient conservé le plus 9 damleng (1), 2 chy et 5 huu d'or. Ils mirent
grand calme, se mirent à pousser des gémisse- ensuite un sampot en soie couleur crème qu'ils
ments qui turent répétés par tout le personnel assujettirent avec une ceinture en soie et dont
féminin du palais. ils roulèrent les deux extrémitésqu'ils placèrent
L'Obbarach et les princes royaux s'appro- entre les jambes. Ils remirent une deuxième
chèrent du monarque décédé et lui fermèrent ceinture en tissu d 'oi, avec boucle aux
les paupières et la bouche, puis le recouvrirent royales appelée kobcil kheill khat pesant 2armes
dam-
d'un linceul rouge et 01'. leng, 1 chy et 5 Illlu d'or. Sous la plaque de la
Ces derniers devoirs rendus, le résident ceinture ils placèrent une plaque d'or en forme
supérieur convoqua à la salle du trône S. M. de feuille allongée appelée heina et des deux
l'Obbarach, le Conseil des ministres, les chefs côtés une plaque en forme de feuille incurvée
des deux sectes religieuses bouddhiques (Ma- appelée (-hiki,otig, pesant 8 damleng, 3 chy d'or.
hani-Kai et ThamayÙL), le chef des brahmcs Ils mirent alors une veste rouge et or à laquelle
(Bakou), les chambellans de droite et de gauche ilsadaptèrent 4 boutons en orappelés féon
koussa et sur laquelle ils passèrent une chaîneI)i,ea
(Maha tép et Maha Vinichhay), et leur
conformément annonça en or incrustée de diamants qui s'entrecroisaient
que, aux us et coutumes du sur la poitrine, ils mirent aux bras deux brace-
royaume khmer, ils devaient procéder immé- lets appelés bang thap pesant 2 damleng, 2 chy,
diatement à la nomination du successeur du
roi défunt. Se basant sur les anciennes cou- puis deux bracelets appelés kcing nak prea har
tumes du royaume, sur les traités et conven- aux avant-bras et pesant 2 damleng, 4 chy et
tions passés entre le gouvernement de la Répu- 2 llUu. Ils lui passèrent ensuile des bas de soie
blique et LL. MM. Norodom et l'Obbarach. sur et deux bracelets aux chevilles; ces bracelets,
le silence de S. M. Norodom qui n'avait appelés kang nak prea : bal pèsent 5 damleng
il avait le droit pas, d'or, et ils adaptèrent aux pieds une paire de
comme de le faire, désigné par sandales en or massif appelées prea: sapâl' bolia
testament son successeur parmi les princes ses
fils, M. le résident supérieur proposa au Conseil et pesant 16 damleng et 7 chy.
de nommer roi (Krong Réach jusqu'au moment Le Somdach Prea Essey Phat,chefdesBakous,
:
,
rang parmi les-Dations, pour M. le Très populaire; ayant la répu-
Président de la République, pour tation d'un homme juste et bon, le
M. le Gouverneur général et pour souverain d'aujourd'hui est bien
vous personnellement, ainsi que celui que tout désigne pour con- -
pour MM. les fonctionnaires- et
officiers ici présents.
« Je. vous remercie encore
sincè-
progrès...
duire, le Cambodge dans la voie du
..
mois. Le père a entendu, il saisit l'enfant et d'un
vigoureux coup de poing renverse,sur le. sol la
mère sans ëntrailles...."
Acôté, c'est encore une Chinoise qui, à grands
éclats de voix.et un rotin en main, fait une yerte
remontrance à un bambino de cinq à six ans
grognant avec conviction les poings dans les
yeux. Le rotin frappe le. sol et le gamin vient se
prosterner le front contre terre devant celle qui
lui a donné le jour: Il attend quélques minutes
la permission de se relever et s'échappe enfin,
tout joyeux'd'en être.quitte à si bon compte. Il
mômes !
a les yeux secs et sourit. Partout les mêmes, ces
Dans le ciel, d'immenses théories de hérons
marchent en triangle, puis, tout à coup, se déve-
loppent en tirailleurs sur une seule ligne. Les
bataillons se succèdent. Ils sont des milliers.
.Un beau bâtiment à l'européenne porte sur
son fronton: : « Trésor du Cambodge ».
A côté, un superbe pont dont la rampen'est
pas ordinaire. C'est le corps écailleux d'un ser-
pent. ou dragon de pierre, le naga cher .à la race
des Khmers.qui leconsidéraiènt comme un
De chaque côté du pont, le naga redresse ses
dieu.
sept gueules eii éventail.
propre et aussi-lieii |MFéparé .que dans nos meil- pieds nus et tête rasée, couverts de leur toge Passons le pont. Une butte verdoyante et très
leures triperies des Halles centrales. Des bar- jaune, avec, au Côté, 'la- marmite ou bat dont
biers travaillent à côté des changeurs qui le couvercle de métal est seul visible. Le (1) Nen, novice.
bien entretenue. Un sentier en pente douce. Des des monstres et des guerriers en prière. La de la ter rasse. Le monticule tout entier domine la
bonzeries, des cages avec des chats-tigres, des flèche paraît à une vingtainede mètres au-dessus ville d'environ soixante mètres.
serpents, des singes, des loutres. On jouit de là d'un assez
Un large escalier de pierre gardé joli coup d'œil, bien que l'horizon
par des nagas, des lions à gueule soit en partie borné par la ver-
horrible et des guerriers armés dure.
d'une massue. Tout cela de cons- Autour de la pagode, quelques
truction récente comme la pagode
qui s'élève au sommet de la butte. pnoms plus petits qui doivent con-
Sur l'une des terrasses, un superbe tenir les cendres de riches Cam-
bodgiens.
relief en ciment représentant une La pagode, qui fut plusieurs
bataille. C'est la reproduction de fois la proie des flammes, a été
l'un des plus beaux motifs d'Ang- restaurée et très habilement réé-
kor Wat. difiée suivant sa forme primi-
La pagode est ouverte. Reliefs tive par les soins d'un Français,
en ciments rouges et or, nouvelles M. Fabre, architecte du Protec-
reproductions d'Angkor. Sur les torat.
volets, de curieuses peintures qui Une visite à Wat Phra Keo,
présentent des rois, des génies la pagode au Bouddha d'émeraude
et des bayadères. Les lignes sont et aux pavés d'argent, devant
fort belles. Un Bouddha insigni- laquelle, superbe sur son cheval
fiant — pas de pendules — des fringant, Norodom Ier, roi du Cam-
parasols en papier. bodge, coulé en bronze, s'offre à
Derrière la pagode le grand l'admiration des foules.
« pnom ».
Nous sommes devant Sentant la longue succession des
le monument qui donna son nom jours peser sur sa tête royale, le
à la ville.
Pnom-Penh a deux étymolo- monarque avait résolu de faire
gies. D'aucuns prétendent qu'il pénitence.
Il éleva cette pagode qu'il vou-
signifie « montagne pleine ». D'au- lut grandiose, solide, éternelle
tres, au contraire, soutiennent avec
plus de vraisemblancequ'il rappelle pour chanter la gloire de Boud-
dha son ancêtre.
une riche veuve du nom de Penh On y travailla dix ans et les
qui éleva ce « pnom » ou monti- piastres y furent englouties par
cule artificiel surmonté d'une py- millions.
ramide en expiation des fautes Au moment où j'écris ces lignes,
commises par son mari. Dans
on transporte solennellement sous
son ouvrage si complet sur le les voûtes élégantes de Wat Phra
Cambodge, M. Moura rapporte Keo l'urne d'or dans laquelle re-
qu'il a eu sous les yeux un texte
du xe siècle où il est question de pose accroupi celui qui fut le roi
des Khmers.
l'état de ce « pnom » en l'an de Un ironique sourire plisse les
Fraput sacroch 152H, soit 986 après lèvres du petit Bouddha d'éme-
Jésus-Christ. raude qui trône sur l'autel, tout
Le Pnom est en définitive une là-haut, abrité sous les lourds bal-
immense cloche cannelée qui re- daquins d'or et de pierreries.
pose sur un motif carré; le tout
en maçonnerie recouverte de plâtre A. RAQUEZ.
et blanchi à la chaux. Aux angles,
port-Dauphin ({Madagascar)
Renseignements géographiques. estparticulièrementaccidentée. La grande arête
dorsale de l'île vient, en effet, se terminer aux
ITUÉ à l'extrémité S.-E. de la Grande Ile environs de Fort-Dauphin en un massif tour-
et développant 400 kilomètres de côte menté et élevé (Andohahela, 1.980 mètres d'al-
sur l'Océan Indien, le Cercle militaire de titude), où prennent naissance les principaux
Fort-Dauphin est limitroDhe de la nro-
vince de Farafangana, de la province de Tuléar cours d'eau, tels que le Mandrare, le Manambolo,
le Mananara, le Fanjairano et le Manampanihy.
et du cercle des Mahafaly. De ce massif se détachent d'importants contre-
Fort-Dauphin, chef-lieu du cercle et station forts, dont deux se redressent dans une direction
maritime, se trouve par 25°i' de latitude S. et sensiblement parallèle à la chaîne principale
4-:1°45'de longitude E., dans la
zone subtropi- (Beampingaralra) en l'encadrant à l'E. (Tsiton-
cale. gabarika) et à l'O. (Ivavara), avec des altitudes
Limites. — Le cercle de Fort-Dauphin est variant de800à 1.900 mètres. Deux autrescontre-
limité, d'une façon générale, en allant de l'E. à forts forment, vers l'0.,lTsandelo (1.288 mètres)
l'O., par :
1° La ligne de partage des l'
eaux entre Iavibola
et le Mananjary (Tranobe), et la haute vallée de
etle Ramoa (1.349 mÓtres), ce dernier poussant
une ramification jusqu'à Andrahomana (Vohi-
1'Itomanpy, la moyenne vallée du Manampanihy trandriana). Un dernier contrefort, vers le S.,
dirige ses crêtes jusqu'aux environs immédiats
et le Mandrare; de Fort-Dauphin (Pic Saint-Louis, 442 mètres).
2° La crête orientale du haut bassin du Man-
goky, jusqu'à hauteur de Betroky ; Dans le N. du cercle, une chaîne secondaire
3° Une ligne brisée fictive allant de l'E. à l'O.,
longeant le cercle des Bara se détache de l'arête
jusqu'au gué de l'Hazofotsy, puis, du N. au principale suivant une direction O. A proximité
S., jusqu'à Isoanala en laissant au cercle les de Tamolamo-Tsivory, cette chaîne s'infléchit
bassins de ITIazofotsy et du Manambovo, en vers le S. et forme les Tsitonganakanga (1.3G3
mètres).
amont de Hazofotsy et l'Inanarena ; Entre Mandrare et Manambovo surgissent
3° La ligne de partage des eaux entre les
affluents de gauche de l'Inapera et la Mana- quelques hauteurs isolées, parmi lesquelles le
randra, jusqu'à hauteur du coude de la Mena- Vohimena marque le centre du pays antandrov.
rendra; le cours inférieur de la Menarandra à Au N. du cap Sainte-Marie, l'immense plateau
partir de ce point. compris entre Manambovo et Menarandra se
La superficie du cercle est d'environ 36.800 trouve dépourvu de toute hauteur remarquable.
kilomètres carrés. L'arête faîtière de l'île, aboutissant à l'An-
dohahela et se prolongeant jusqu'à la mer,
Orographie. — La patrie orientale du cercle détermine, dans le cercle du Fort-Dauphin, une
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
-
15 Septembre 1904
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(4' Année). - N' 17. Directeur J.-PAUL TROUILLET Bureaux 12, Rue Saint-Georges, Paris
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Téléphone 157-47
Saint-Pierre et Miquelon
:
Du Havre à Saint-Pierre. en passant sur. les bancs, — que les naïfs cher- Ceux qui affirment que les Américains sont
chent du bout de leur lorgnette, a-t-on la gens pratiques et expéùitifsnp, connaissent sans
UNT-PIERRE et Miquelon est géographi- —
sensation du tangage et de la brume, et les cris
quement, de toutes nos colonies, la plus doute de ce pays que VAmerican-Bar, ou l'ex-
prolongés et lugubres de la' sirène déchirant Calé Américain, cafés d'expédients.
rapprochée de France. La traversée par les airs donnent quelque émotion; rappelant le
voilier de, France à Saint-Pierre dure en- Quelle horreur que cette douane de New-
danger, les naufrages et les deuils. York ! Il faut d'abord faire la queue, et aller
viron vingt-cinq jours; mais la direction des Alors la pitié, la solidarité charitable s'éveil- prendre un ticket et un douanier au contrôle.
vents, l'état de la
mer modifient tou- Muni de ces deux
jours la longueur instruments, vous
.des voyages. vous dirigez vers
Il n'existe pas vosmalles, vos va-
de services directs lises et vos cais-
.entre la France et ses. Ne vous ima-
cet archipel. Seu- ginez pas qu'un
lement, au prin- sourire gracieux,
temps, ou suivant un mot gentiment
les besoins du prononcé pour-
.commerce, quel- ront adoucir l'hu-
ques navires à meur de ce rat de
voiles et parfois cave, transformé
des vapeurs trans- en cerbère, et
portent les pê- l'arrêter dans ses
cheurs et les mar- indiscrètes per-
chandises. Ces quisitions. Nenni!
.voyages ne sont Il veut toutvoir,
pas réguliers, ils tout examiner et
.se font au gré des met sens dessus
armateurs. dessous ce que
Il faut donc vous avez eu tant
pour aller à Saint- de peine à arran-
Pierre suivre le ger au moment
-chemin des éco- du départ. Les en-
liers, faire le nuis se terminent
généralement par
.grand détour par
le Havre, New-York, Boston etHalifax. Voyage lent sous le pressentiment d'un péril et l'on quelques dollars
«impie, commode et facije à payer. Objets neufs ou supposés non usa-
.. sur une carte. pense, en donnant généreusement aux veuves et gers.
Rien n'est en effet plus simple que de s'embar- aux orphelins de ces rudes marins victimes de Maintenant, si vous voulez arriver à temps
quer sur un de nos transatlantiques, même sur la mer, éloigner le danger qui menace. à Halifax ou à North-Sydney pour profiter du
Un organise un concert :
bien souvent l'art et le ta-
lent y sont réunis et vien-
nent s'ajouter à la joie de
donner et au plaisir de
faire le bien.
Bientôt New-York. Le
pilote apparaît. L'usage
veut qu'en entrant dans
la baie, la mer devienne
houleuse, l'on se met à
danser, et l'on admire avec
effroi le vapeur du pilote
sautant sur les flots, mouil-
lant son nez, montrant sa
quille, évoluant autour du
paquebot.
Je ne sais si vous avez
eu ou si vous aurez la
bonne fortune de voir la
statue de la Liberté. Pour
ma part, je m'y suis r-epris
à quatre fois, quatre voya-
ge's, et je cherche encore
à l'admirer. J'ai bien vu à
travers la brume et le
brouillard un grand bloc
la Savoie ou la Lorraine. Huit jours durant on gris, je me demande si c'esL bien là l'œuvre de Pro-Palrza, seul courrier faisant le service,
navigue confortablement, luxueusement, au Bartholdi. En toutcas, c'est grand, c'estcolossal. chaque quinzaine, entre Saint-Pierre et le con-
milieu de Yankees dévorant force sandwichs, Si vous êtes de nature grincheuse et irritable, tinent américain, vous navez pas une minute à
et de miss, ou ladies, que les horreurs du mal avant de quitter le bord demandez au docteur perdre, vous n avez que du dimanche au mardi.
de mer ne parviennent ni à émouvoir ni à défi- qui, sans crainte de me tromper, est charmant A New-York, le samedi après-midi, rien
gurer... rien ne les dépeint.
C'est la partie charmante du voyage. A peine
et
par.tradition, un calmant unedosede patience va plus jusqu'au lundi. Les bureaux, ne
les agen-
pour subir la douane à New-York. ces, tout est fermé. Les trains ne roulant pas le
dimanche, onest forcément accroché soit à New - reusement plus court et c'est à peine si l'on ale défendre contre le froid. De terribles incendies
York, soit à Boston ou à Truro. Il est donc de temps d'être malade. On est bientôt en vue, si la ont dévasté la ville. Le dernier est celui du
toute impossibilité de faire en vingt-quatre .brume n'est pas trop épaisse, d'un rocher
heures un voyage qui en exige quarante-deux, gris, dénudé, c'est Saint-Pierre.
et l'on arrive à Halifax ou à North-Sydney pour
apprendre que le navire subventionné 100.000 fr.
par an, s'il vous plaît, est parti la veille ou le Saint-Pierre.
matin, sans attendre.
Il y a bien un remède, mais il est trop simple : Une série de mamelons apparaît, tandis que
c'est d'exiger de l'armateur-entrepreneur de ne défilent d'abord sombre et nu l'îlot du grand
partir que le mercredi, pour permettre aux Colombier, puis l'île aux Vainqueurs et l'île
aux Chiens. C'es.t le commencement de la
rade. Trois passes en ouvrent l'accès, celle
du N.-E., la passe aux Flétans et la passe du
S.-E. Longue de plus d'un mille, la rade
s'arrondit vers le sud et prend fin à l'île aux
Moules. C'est entre cet îlot et la pointe aux
Canons qu'est situé, le port de, Saint-Pierre,
appelé Barachois. Depuis plusieurs années
on y travaille de façon à augmenter sa pro-
fondeur et élargir son entrée. Actuellement
la hauteur de l'eau à marée basse est de
à
3 m. 50 et de 5 m. 50 mer haute.
Durant l'hiver, 240 goélettes de pêche sont
désarmées et y séjournent. Elles y sont en
toute sûreté. C'est un spectacle curieux que
cette-forêt de mâts recouverts de neige, aper-
çue-dans le fond du Barachois.
En 1902, les bâtiments métropolitains; lo-
caux et étrangers ont produit dans le port de
Saint-Pierre un mouvement de 2.532 entrées,
de 2.539 sorties et de 267.327 tonneaux de
jauge.
En 1903, le mouvement est le suivant:
Entrées. 1
voyageurs d'arriver. Sommetoute, la subvention Navires Tonnage Equip. 1H novembre 1902, dans lequel furent brûlés
devrait être allouée pour la poste et les voya- Bâtiments métrop 503 67.248 10:858 l'église et le palais de justice.
geurs, car l'on ne peut exiger d'un individu qu'il — étrangers.. 899 32.517 5.438 Les rues sont larges, mais en revanche elles
soit jeté du navire dans le train comme un — locaux
... -1,1.86 31 84?i 12 987 sont mal pavées, ou, pour mieux dire^ ne le
sac de dépêches ! 2.588 131.610 29.283 sont pas du tout. Le sol caillouteux et accidenté
Mais avant de s'embarquer sur le Pro-Patria, et l'état précaire des finances de la commune
que de changements de train! ABoston d'abord.
Sorties. n'ont sans doute pas permis d'entreprendre un
Juste le temps de traverser'la ville pour courir Navires Tonnage Equip, travail de luxe.
à l'autre gare, prendre un café exécrable, et Climat. — Le climat est froid, même assez
Bâtiments métrop.. 68.031 10.760
sauter dans le train jusqu'à Saint-John (New- étrangers...- .
503
897 32.317 5.424 rigoureux. Les hivers sont longs et les étés
Brunswick). Nouveau déménagement et la nuit —
locaux 1.209 32.819 13 361 manquent de chaleur. Le thermomètre descend
—
au milieu de gens qui ne comprennent ras un 2.6U9 133. 227 29.545' quelquefois au-dessous de — 29".
mot de français ; c'est com- Dès la seconde quinzaine
mode! Un sleepi-ng est alors de novembre, la neige tombe
nécessaire et moyennant un et la, couche qui recouvre
hait dollar -(54 sous) le nè- la terre s'épaissit chaque
gre, le pullman installe con- jour, se durcit et ce n'est
venablement son client. qu'en avril ou mai que l'on
Bien entendu ce petit pour- revoit le sol. Les plantes
boire n'est pas compris dans engourdies dorment leur
les deux dollars, prix de long sommeil d'hiver sous
votre sleepiiig. ce manteau glacé.
A Truro, réveil et staLion Lorsque les vents du nord
assez longue, près de trois ou nord-est soufflent, il se
heures. Entre temps, on produit des tourmentes
peut visiter la ville'et pren- qu'on nomme ici le Pou-
dre un déjeuner dans un drin.
restaurant de tempérance, Comme une poussière
beefsleack, potatoes, butter impalpable la neige est lan-
and coffee et de l'eau à vo- cée. Elle aveugle, elle pénè-
lonté. tre dans la bouche, dans
Que de souvenirs péni- les narines, elle étouffe, elle
bles s'éveillent en traversant empêche de "respirer, elle
le Canada ! Ah ! qu'elle est asphyxie. Le Saint-Pierrais
loin alors cette entente cor- rie sort jamais un jour de
diale Enfin, après toute
! pondrin. Il est impossible
une journée, on arrive à de voir sa route, de se diri-
North-Sydney ou Halifax. ger. Au lendemain d'un
Avant de quitter le train, jour de poudrin, la neige
quelques conseils gratis à amoncelée en certains en-
tous ceux qui devront à leur droits exposés aux vents
tour venir à Saint-Pierre. atteint la hauteur d'un
Apprenez l'anglais, c'est in- étage.
dispensable. Méfiez-vous de Ceux que leurs fonctions
la douane de New-York. ou leurs occupations appel-
Prenez des sleepings de lent au dehors ces jours-là,
New-York à Boston et de ressemblent à ces .gravures
Saint-John à Truro et soyez attentifs aux heures La ville de Saint-Pierre est bâtie sur la partie représentant le bonhomme de neige, apportant
des Dining-Car, si vous ne voulez rester sans du littoral qui longe la rade et contourne le pour la Saint-Nicolas des jouets aux petits en-
manger. Barachois. Les quais sont vastes. Le quai La fants bien sages.
Le Pro-Patria qui fait le service entre Saint- Roncière est une large place entourée des prin- Comme le simoun au désert, le poudrin a ses
Pierre et Miquelon et le continent américain cipales maisons de commerce. Au milieu s'élève drames.
part de North-Sydney pendant l'été etde Halifax une fontaine où durant la saison de pêche se Deux hommes, il y a quelques années, dis-
en hiver. Il met donc soit seize à dix-huit heures réunissentles armateurs pour y causer « morue » : parurent engloutis sous la neige dans une
dans le premier cas, soit dans le second trente- c'est le rendez-vous de la « Pompe ». tempête de poudrin. Ce ne fut que bien long-
six heures. Presque toutes les maisons sont construites temps après, quand la neige eut .disparu, qu'on
Evidemment, ce petit steamer ne rappelle pas en bois. Si elles offrent un excellent aliment au découvrit leurs corps, raidis et conservés intacts
le transatlantique. Le voyage est d'ailleurs heu- feu, elles permettent aux habitants de mieux se sous la glace.
ne saurait être considéré comme une colonie ; des affaires civiles dontle principal n'excède pas le personnel de ce service, il coûte donc
c'est un lieu de pêche,un port. Aucune question 50 francs ; elle juge aussi en matière de simple 24.450 francs.
vraiment coloniale à débattre, seulement des police. Et ceci,sans compter certaines allocations non
questions d'ordre purement maritimes,de l'ar- dues, soit donc le chiffre
mement. Pourquoi dès lors nous avoir appliqué de 68.487 francs à ex-
un système d'administration coloniale coûteux traire du budget,annuel-
et superflu ? lement, pour un seul eL
A la tête de la colonie est placé un gouver- même service, carle ser-
neur; celui-ci est entouré d'un conseil privé vicede l'intérieur n'existe
composé: du chef du service administratif,du plus légalement. Toutes
j
chef du service udiciaire,d'un conseiller privé.
Le décret du 4 avril 1903 a fait entrer le chef du
les attributions des an-
ciens directeurs ont été
service de l'intérieur dans le conseil privé. données au gouverneur
Le conseil général ayant été supprimé, on a qui les exerce lui-même
créé un conseil d'administration, composé des ou, pour se reposer, les
membres du conseil privé, augmenté du maire délègue au chef de bu-
de Saint-Pierre et du président de la Chambre reau chargé du service
de commerce. de l'intérieur.
Le service de l'intérieur a été supprimé,et l'on Il est donc certain que
a laissé à la tête de ce service un simple chef de pareil' chiffre est colos-
bureau, auquel le gouverneur peut déléguer sal et hors de propor-
•
une partie de ses attributions. tion dans un budget qui
Le ministre n'avait pas cru devoir, en raison atteint 1157000 fr. pour
tous ses services admi-
nistratifs, et 750.000 fr.
pour ses dépenses de
tous ordres.
Par ces temps mauvais,
le déficit est énorme ; la
colonie est à l'agonie,
elle ne peut supporter
pareil fardeau. La caisse
de réserve est a sec.
Le procureur de la République, chef d'admi- L'avenir est sombre, aucune rentrée en pers-
nistration, est chef du service judiciaire. pective. Le dépôt du bilan s'impose, c'est la
L'administration du service administratif est faillite:
placée sous la di-
rection d'un com-
missaire des trou-
pes coloniales.
Le commissariat
de l'inscription ma-
ritime est confié à
un commissaire de
1" classe des trou-
pes coloniales. Ce-
lui-ci est aussi pré
sident du tribunal
maritime commer-
cial.
Un hôpital mili-
taire reçoit, outre
les fonctionnaires
des diverses admi-
nistrations, les
gens de mer. A la
tête du service de
du peu d'importance de notre possession, créer santé, il y a un mé-
un secrétariat général. decin-major de 2°
La justice est rendue par un conseil d'appel classe des troupes
composé d'un magistrat, président, de deux coloniales, qu'as-
membres pris parmi les fonctionnaires, licenciés siste un médecin
en droit de préférence. Ce conseil connaît de aide-major de lre
l'appel formé contre les jugements de première classe.
instance,civils, commerciaux ou correctionnels;
-
L a perception
il statue comme tribunal criminel avec l'adjonc- des impôls est as-
tion d'assesseurs tirés au sort, sur une liste éta- surée par un trésorier payeur. La police et la Il n'estpas de colonie qui puisse résister à
blie annuellement. sûreté générales sont exercées par un commis- semblables fléaux: « régime mal conçu, admi-
Une justice de paixaétéinstituée,connaissant saire de Doliceet Dar la gendarmerie. nistrateurs incapables ou imprévoyants ».
Le culte est servi Il faut donc adopter un régime d'économie,
par un supérieur faire des réductions, non pas sur les traitements
ecclésiastique , des petits, des humbles, sur les gratifications
deux vicaires et 4 d'expéditionnaires ou de plantons, mais sur les
desservants. emplois doubles ou inutiles.
Enfin, autour de Aujourd'hui, le chef du service administratif
ces chefs d'admi- est un commissaire à cinq galons. Il pourrait
nistration, il y a bien,en un pays où l'armement joue le principal
une multitude de rôle,où son serviceestle plus important, prendre
fonctionnaires peu les rênes du gouvernement. Bénéfice, 25.000 fr.
.
occupés ou sur- par an, en laissant à ce fonctionnaire les
chargés de beso- 5.000 francs de frais de représentation.
gne, suivant les Et qu'est-il besoin d'un chef du servicede l'in-
services. Le gou- térieur qui joue au sous-gouverneur et se croit
verneur et son se- les pouvoirs d'un secrétaire général?Un chef et
crétaire coûtent à un sous-chef du secrétariat du gouverneur peu-
la colonie, suivant vent suffire à assurer la marche de ce service,
l'aveu du budget. un sous-chef de bureau et un commis principal
et celui-ci ne dit peuvent bien remplirdes fonctions qui n'exigent
jamais tout, pas. ici, une science profonde de l'administra-
42.787 fr. 50. tion !
..lk'Eoseignemeot à CDadagaseat*
Madagascar.Dans cette arrière-pensée de domi- tions sur la religion catholique ou protestante. ART. 3. — La fréquentation de l'école sera obligatoire,
nation, il faisait élever spécialement, soit dans Cependant, le fait-qu'un certain nombre de depuis l'âge de sept ans jusqu'à l'âge de seize ans pour lei
les écoles anglaises de l'île, soit en Angleterre Malgaches savaient lire et écrire ne laissa pas garçons et jusqu'à l'âge de quinze ans pour les filles.
Toutefois, la fréquentation de l'école cessera d'être obliga-
même, un certain nombre de jeunes Malgaches de surprendre au lendemain de la conquête. On toire :
auxquels on ménageait plus tard l'accès des eut alors une tendance à exalter l'œuvre sco- 1° Pour les jeunes gens ayant justifié qu'ils possèdent une
hautes fonctions de l'Etat malgache. laire des missions. En réalité et comme on vient instruction supérieure à celle du premier degré ;
2° Pour les jeunes gens qui se marieront avant les limites
La France, qui avait des droits anciens sur de le dire, les résultats étaient peu appréciables d'âge indiquées ci-dessus.
Madagascar, ne pouvait sans danger rester in- au point de vue de l'enseignement pédagogi- La fréquentation de l'école sera facultative après avoir cessé
différente à cette propagande. Elle recourut que ; d'autre part, ils étaient absolument nuls d'être obligatoire pour une des causes dont il est question au
donc aux mêmes moyens et entreprit une action présent article.
au point de vue professionnel, celui dont il eût ART. 4. — Les dispositions du Code malgache sont abro-
politique parallèle à celle des Anglais, en se été surtout nécessaire de s'inquiéter pour faire gées en ce qu'elles ont d'incompatible avec les présentes.
servant des missions catholiques établies par progresser le peuple malgache. Tananarive, le 9 mars 1896.
les pères jésuites et les frères des écoles chré- Dès que la France eut pris possession de Mada- RANAVALOlllANJAKAIII,
tiennes à Tananarive. A cet effet et jusqu'à la gascar, le gouvernement de la colonie mit au pre- Reine de Madagascar
conquête de 1895, les divers Gouvernements qui mier rang de ses préoccupations le. développe- En foi des paroles de Ranavalomanjaka III, reine de
Madagascar :
se sont succédé en France, monarchie, empire, ment de l'instruction chez nos nouveaux sujets. RAINIHIMBAZAFY,
république, n'ont jamais marchandé les subven- La loi locale du 9 mars 1896, publiée au jour- Premier Minisire et Commandant en chef.
tions aux missions. nal officiel de la colonie, signée Ranavaloman- Vu pour exécution
Par contre, du côté français ou anglais, les jaka et contresignée Laroche, est le premier L, Résident (,éiiéral de la
résidents ou consuls, demandant surtout aux acte officiel relatif aux écoles et émanant du République Française,
-missions une action politique, considéraient gouvernement du protectorat. Cette loi est à HIPPOLYTE LAROCHE.
comme très accessoires les programmes scolai- citer en enLier: : Aux termes d'une loi de la Reine de 1881, les
res et se préoccupaient surtout du nombre d'a- bloi, Ranavalomanjaka III, allant succédé au titre Malgaches devaient faire inscrire leurs enfants
dhérents que les missionnaires pouvaient rallier à de mes ancêtres, et, sous la puissance de la Répu- sur les registres d'une école. Ce choix une fois
la cause Dationale, fail, l'indigène n'avait
D'ailleurs, comme les plus le droit de chan-
missions s'employaient ger, il était lié par son
avec zèle à cette partie propre choix. En som-
extra scolaire de leur me, le Malgache avait
œuvre, il eût été inop- une fois dans sa vie
portun de les chicaner l'usage de la liberté de
sur le détail et, en conscience qui se con-
s'ingéniant à leur im- fondait pratiquement
poser des programmes, avec le droit de choisir
d'entraver l'action poli- une école.
tique qu'avaient sur- Les consciences mal-
tout en vue les gouver- gaches, peu exigeantes,
nements. Aussi, en lais- ne protestaient pas.
sant de côté les succès Mais dans un pays de-
obtenus à ce dernier venu français, ce ré-
point de vue et en con- gime avait quelque
sidérant uniquement le chose de choquant. Les
côté scolaire, doit-on élèves eurent donc le
reconnaître que pen- droit de changer d'éco-
dant cette longue pé- le, mais ils ne pouvaient
riode, les missions ne le faire qu'une fois dans
peuvent enregistrer à l'année.
leur actif que de médio- Cette loi eut peu d'ef-
cres résultatspratiques. fet pratique; aus^i, en
C'est ainsi qu'elles 1896, les Malgaches
ne surent même pas n'osaient-ils pas user de
continuer les traditions cette liberté de retirer
de Jean Laborde et que, leurs enfants d'une
de 1864 à 1895, elles école où ils l'avalent fait
laissèrent perdre le inscrire.Et les missions
fruit des laborieux el- françaises se plai-
forts de cet illustre gnaient d'être gênées
Français pour intro- dans leur expansion
duire les arts manuels que la conquête car la
et les industries les plus France favorisait natu-
indispensables à Madagascar.. Par contre, il blique française, Reine de Madagascar et prolectrice rellement. Le général Gallieni considéra que
faut rendre cetle justice aux missions fran- des lois de mon pays; cette loi de 1896 était une demi-mesure à laquelle
çaises que 'leur collaboration à l'action poli- Considérant que l expérience a révélé qu'il y avait il ne fallait pas s'arrêter. Une circulaire du Ier no-
tique de nos consuls et de nos résidents fut dans les lois dit royaume relatives à l'instruction vembre 1896, commentée par des instructions
réellement féconde. Nous avons pu ainsi publique des points qui ont donné lieu à des abus;
contrebalancer presque constamment l'in- élèves Considérant qu'il paraît juste de laisser aller les aux commandants de cercle, établitpratiquement
la liberté scolaire complète,, et les Malgaches
fluence anglaise à Madagascar et, à quelques fiance auprès des maîtres qui inspirent le plus de con- acquirent la conviction qu'ils n'étaient plus liés
époques, sous Radama II, par exemple, la nôtre ;
Considérant d'ailleurs que la liberté de conscience par l'ancien Code malgache. Ce fut alors pen-
a été nettement prépondérante. Enfin, au lende- est tin principe reconnu dans les lois de Madagascar, dant quelque temps un bouleversement inévi-
main de la conquête, lorsqu'il a fallu réduire en t)erlu duquel l'Étai demeure neutre entre les éco- table et les Malgaches passèrent en foule des
l'insurrection, c'est presque.uniquement parmi liers appartenant à des confessions religieuses diffé- écoles étrangères aux écoles françaises. Depuis,
les anciens élèves des missions catholiques rentes et n'entend en patronner, aucune de préférence la répartition des élèves dans les écoles s'est
qu'on a trouvé les concours qui étaient indis- aux autres ; faite avec plus de calme, allant à l'école de son
pensables et dont quelques-uns nous ont rendu Jepromulgue la loi suivante :
choix. D'autre part, à maintesreprises et,notam-
de précieux services. ment, dans un kabary retentissant aux Betsileos,
Et maintenant, quelle a été exactement la ARTICLE PHEMIEII.
— Les écoliers ont désormais le droit de le général Gallieni affirma nettement la neutra-
yaleur de l'enseignement des missions avant la changer d'école si leurs père et mère on, en cas de décès des
père et mère, la personne qui leuren tient lieu, le désire. lité absolue du Gouvernement. Enfin la suppres-
conquête française? Peu de chose en réalité,, Les parents qui auront fait changer leur enfant d'école sion de l'esclavage, en plaçant sur le même pied
Les écoles étaient des établissements où l'ini- n'encourront de ce fait aucune amende, non plus que l'insti- les enfants de toutes les conditions, eut bientôt
tiation religieuse était au premier plan et où tuteur qui aura admis dans son école un enfant provenant
les élèves passaient la plus grande partie de d'une autre école. pour résultat de doubler le nombre des élèves
Toutefois, l'enfant qui aura changé une fois d'école ne pourra des écoles.
leur temps à chanter des cantiques, à appren- pas changer une seconde fois pendant la durée de la même Après l'occupation française, l'organisation
dre« le catéchisme et à lire la Bible. Les enfants année scolaire et devra attendre les vacances. des missions se transforma:
Si les parents le faisaient changer une seconde fois avant les
n'y étaient guère présents que trois heures par vacances, et si un instituteur l'accueillait dans son école, ils Les Jésuites, desquels dépendaient, au point
jour et rentraient ensuite chez eux pour laisser seraient condamnés chacun de leur côté à une amende de 15 de vue pécuniaire et religieux, les frères des
aux maîtres le temps de vaquer à leurs affaires francs et l'enfant serait envoyé à L'école d'où il sort. Ecoles chrétiennes et les sœurs de Saint-Joseph
ART. 2. — L'enfant qui aura changé d'école devra,un mois
ou à celles des missions. après le changement, présenter au maître de l'école qu'il a quit- de Cluny, étaient, à proprement parler, les seuls
Néanmoins, comme les missionnaires avaient tée, un certificat constatant qu'il fréquente l'école nouvelle où missionnaires catholiques de Madagascar. En
réussi à faire inscrire l'obligation scolaire dans il s'est fait inscrire. 1897, arrivèrent les pères du Saint-Esprit et les
la loi malgache et que cette obligation durait Si les parents omettaient de produire ce certificat et si le
Lazaristes ; Madagascar fut alors divisé en trois
huit années, un' certain nombre d'élèves finis- maître d'école que l'enfant a quitté omettait de le réclamer,
ilsseraient condamnés chacun de leur côté à une amende de vicariats apostoliques et eut trois évêque.s: au
saient parapprendreàlireetà écrire.C'eslàcela 5 francs.
4 nord,les pères duSainl-EsprilavecDiégocomme
d'ailleurs que se réduisait à peu près leur ba- Si l'enfant feint de changer d'école et reste en réalité chez
centre principal; au sud, à Fort-Dauphin, les
les parents qui ne l'auront pas envoyé à l'école seront
gage intellectuel, en y ajoutant quelques no- lui, condamnés à une amende de 15 francs. Lazaristes ; au centre, à Fianarantsoa et à Ta-
construisent eux-mêmes des écoles par voie dés à ces écoles pourront leur êlre maintenus. les travaux de dessin et de croquis cotés et les
de souscription et demandent des instituteurs Enfin l'enseignement des écoles privées pro: travaux manuels des divers ateliers profession-
aux autorités locales. fessionnelles doit s'inspirerdu programme sui- nels.
Circulaire et arrêté du 16 avril 1896 et pro- vant adopté par les écoles régionales d'appren- Le programme de la section agricole com-
gramme d'enseignement du 26-juillet 1899. — tissage de la colonie. prend des cours d'agriculture pratique et théo-
Ces documents qui développent la réglementa- Les cours durent trois années et, pour chaque rique et des cours élémentaires de botanique
tion précédente, établissent pour la première année, se divisent en deux objets l'enseigne-
: et zoologie pratiques.
fois, d'une façon nette, une classification des ment général et l'enseignement pratique. L'arrêté du 25 mars 1901 autorisait, en outre,
écoles officielles qui subsiste encore aujour- En première année, l'enseignement général les missions à conserver d'autres écoles diri-
d'hui. Ces écoles comprennent : à l'échelon est celui des écoles primaires, plus élevé. On gées par des maîtres non pourvus du certificat,
inférieur les écoles rurales primaires, dans ajoute au programme de ces écoles, des exer- mais il refusait le caractère scolaire à ces éta-
lesquelles la moitié du temps des élèves doit cices plus développés de la langue française et blissements, dénommés, dès lors,
être consacrée à l'enseignementgénéral, et l'au- d'arithmétique, quelques notions de géométrie « écoles
d'église» et considérés simplement comme des
tre moitié à l'enseignement professionnel pri- pratique, d'arpentage, etc. réunions religieuses, placées, à ce titre, sous la
maire : travaux pratiques de dessin pour les L'enseignementpratique de première année est surveillance des autorités administratives.
garçons et filles, travaux manuels où Les inspections auxquelles ces auto-
d'agriculture pour les garçons, et tra- rités procèdent peuvent, d'ailleurs, por-
vaux de couture pour les filles. A il second ter sur l'enseignement, en vue de véri-
degré, se placent des établissements plus fier qu'il n'est ni séditieux, ni contraire
importants, dits écoles régionales d'ap- aux lois et à la morale publique. C'est
prentissage industriel et agricole, dans seulement en comptant ce personnel des
lesquels l'enseignement, tout en conser- écoles d'église que les- missions arrive-
vant un côté pédagogique, s'affirme de ront au chiffre de 300.000 élèves, men-
plus en plus dans le sens pratique et tionné au début de cette étude. Or, il
professionnel. Enfin, tout en conservant s'agit là, on ne saurait trop le répéter,
aux diverses écoles régionales une orga- non d'une statistique scolaire, mais d'un
nisation d'ensemble similaire au point dénombrement d'adeptes. En réalité, le
de vue des principes, les programmes nombre d'enfants fréquentant aujour-
de ces écoles doivent, dans les détails d'hui les écoles classées des missions ne
d'application, tenir largement compte dépasse pas 40 000 environ.
des conditions économiques ou autres, Arrêté du 15 juin 1903. — Cet arrêté
spéciales aux contrées dans lesquelles très important, qui n'a été modifié que
elles sont établies. Les écoles régionales sur quelques points par l'arrêté du 25
doivent ainsi contribuer à maintenir et janvier 1904 dont nous parlerons tout à
à développer les anciennes industries du l'heure, sert encore de base aujourd'hui
pays. v à l'organisation de l'enseignement, offi-
A l'échelon le plus
élevé, ou troisième ciel dans la colonie. Les principales in-
degré, la circulaire et Varrêté -du 16 avril novations ci-après sont introduites dans -
1899 placent les trois écoles supérieures, la réglementation antérieure
de Tananarive : l'école professionnelle, :
1" Restriction de l'obligation scolaire
l'école (t Le Myre de Vilers. » et l'école aux seuls cantons dans lesquels existent
d'agriculture, dont la création est prévue des écoles officielles (voir plus haut ce
dès cette époque. qui a été dit à ce suiet)'
La réglementation de 1899 impose pour la celui des écoles primaires complété delà façon 2° Organisation plus complète des écoles
première fois des conditions de capacité aux suivante : croquis cotés élémentaires, travaux régionalesd'apprentissageauxquellesestajoutée
instituteurs officiels et elle crée, à cet effet, un simples dans les ateliers à bois et à fer, leçons dans certaines régions une section normale pour
certificat d'aptitude à l'enseignement. Enfin, de choses sur les sciences physiques et natu- la préparation des instituteurs;
elle admet, dans la plus large mesure, les écoles relles dans leurs applications pratiques à l'agri- 3° Création d'écoles professionnelles de filles ;
libres, religieuses ou laïques, à collaborer à culture et aux principales industries, enseigne- 4° Création de bourses dans les écoles régio-
l'œuvre de l'enseignement public dans la co- ment et travaux agricoles développant les con- nales et dans les écoles professionnelles de filles
lonie. Les instituteurs et les élèves de ces écoles naissances précédemment acquises dans les 5° Réorganisation et augmentation du person-
;
obtiennent certains avantages, tels que : exemp- écoles primaires. nel de l'enseignement officiel;
tion du service militaire, faculté du rachat ou En deuxième el troisième années, renseigne- 6° Les questions dé programme et de surveil-
dispense des prestations (1) pour les maîtres ment général n'est plus qu'une revision, dirigée lance des écoles privées, ainsi que celle de l'aide
pourvus du certificat d'aptitude ou pour les dans un sens pratique, des cours de première que la colonie donnera désormais à ces écoles,
élèves dont l'apprentissage est terminé, admis- année, en insistant sur les parties les plus im- sont traitées et réglementées dans le plus grand
sion de ces élèves aux écoles supérieures, etc... portantes et en tenant compte de la spéciali- détail. Les instructions qui précèdent l'arrêté
Etablie sur ces bases, la réglementation de sation des élèves. Les maîtres doivent à ce, constatent que, malgré les avis reçus à maintes
1899 constituait un progrès considérable reprises, les missions continuent à s'occuper
süL'
ses devancières, en ce sens que non seulement beaucoup plus d'employer leurs élèves au profit
elle confirmait, en les précisant, des règles et de leurs besoins matériels qu'à celui des intérêts
principes déjà posés, mais encore elle traçait, de la colonie.
pour la première fois, des programmes très éLu- Le plus souvent, au lieu de passer sous la
diés et très complets pour les divers degrés de direction de leurs maîtres par toutes les phases
l'enseignement. d'un enseignement professionnel donné, les
Circulaire et arrêté du 25 mars 1901. Pen- élèves sont, non pas instruits, mais simplement
dant les deux années qui suivirent, l'enseigne- utilisés à la fabrication courante du mobilier et
ment officiel continua à progresser et commença du matériel nécessaires aux missions. On les
à s'étendre au nord, à l'ouest et au sud, à des spécialise ainsi, non pas dans un métier, mais
contrées de pacification ou d organisation plus dans un détail de métier, suivant le principe de
récente. Lar question de l'enseignement à Ma- la division du travail qui est sans doute le plus
dagascar, qui, d'abord, n'avait eu d'importance avantageux au point devue du rendementindus-
que pour certaines régions peuplées et relati- 'triel dans une usine ou un grand atelier, mais
vement civilisées, en arriva ainb-1 à se généra- qui sera, en revanche, le plus contraire à la véri
liser et à offrir, au point de vue administratif ou table méthode d'enseignement pour l'apprentis-
pédagogique, des aspects nouveaux qui appe-
laient une réglementation plus complète et plus sage d'une profession donnée.
Aussi, l'arrêté du 15 juin 1903. tout en main-
précise. tenant et en augmentant même les subventions
L'île fut divisée en quatre grandes circons- des écoles privées, indique-t-il, comme dernier
criptions scolaires, avec chefs-lieux à Tanana- avis aux missions,certaines conditions expresses
rive, Fianarantsoa, Mahanoro et Analalava. moment s'attacher à développer le côté moral,
D'autre part, les directeurs des écoles sub- que leurs écoles devront remplir en échange de
l'éducation en inculquant à leurs élèves l'amour l'aide qui leur sera donnée par la colonie. Il
ventionnées des missions n'ayant pas, à de très de leurs devoirs, la notion de leurs responsabi- faut, en effet, disent les Instructions qui pré-
rares exceptions près, répondu à l'invitation qui lités dans les carrières qu'ils embrasseront, le cèdent l'arrêté, modifier radicalement une situa-
leur avait été faite de tourner surtout leurs respect des conventions et de la parole donnée, tion qui s'est prolongée jusqu'à ce jour au détri-
efforts vers l'enseignement professionnel, l'ar- le souci de leur tenue et de la dignité de leur ment de l'intérêt général de la colonie.
rêté du 25 mars 1901 leur donna à cet égard vie, et, enfin, la persuasion des avantages que L'une des principales conditions ainsi énon-
un avertissement en indiquant pour ]a première leur procurent les institutions établies par la cées est que les écoles professionnelles des mis-
fois, par des textes précis, les programmes que France à Madagascar. sions (dites de lre catégorie) soient dirigées par
les écoles privées devraient suivre pour être L'enseignement pratique se spécialise et les des maîtres européens, qu'elles possèdent des
admises à collaborer avec l'enseignement offi- élèves bifurquent sur deux sections : la section ateliers professionnels et un jardin d'essais et
ciel. C'est à cette seule condition, qu'aux termes industrielle et la section agricole. qu'elles suivent en tout point le programme des
de l'arrêté, les avantages précédemment accor- Le programme de la section industrielle est écoles similaires appartenant à la colonie.
(1) Le régime des prestations a été. comme on le sait sup- le programme développé de l'enseignement pra- Enfin,.l'arrêté indique :
primé par arrêté du 31 décembre 1900. ' tique de première année, en ce qui concerne 1° Que les missions pourront posséder un cer-
cours normal d'institutrices fondé le 19 juil- Pour l'enseignement agricole pratique, l'école classes correspondant à peu près au cours élé-
let 1900. possède un jardin récemment créé par les élèves mentaire et au cours moyen des écoles de
L'école Le Myre de Vilers fut installée dans eux-mêmes, ils y apprennent les cultures étran- France. H comprend : la morale, la langue mal-
le palais de Manjakamiadana, le cours normal gères qui peuvent être introduites avec profit à gache, la langue française, le système métrique
d'institutrices dans l'ancien temple de la Reine, Madagascar, ainsi que les améliorations qu'il y et les éléments du calcul, des notions de géo-
situé au sud du palais. Mais ni les chambres aurait avantage à apporter dans les procédés de graphie, des notions d'histoire choisies avec
inhabitables du palais, ni l'unique salle du tem- culture du pays. L'enseignement agricole'est soin pour pouvoir contribuer à l'éducation des
ple, ne convenaient à la bonne organisation de complété par les leçons pratiques que les élèves Malgaches, des leçons de choses avec leurs
ces écoles pour le but qui leur était assigné : ces reçoivent, deux fois par mois, au jardin d'essai applications à l'économie domestique et à l'hy-
installations ne pouvaient être que provisoires. de Nanisana, sous la direction du professeur giène, le dessin avec ses applications aux tra-
En outre; l'importance croissante des deux spécial d'agriculture. vaux manuels, l'écriture, léchant.
grandes divisions de l'école Le Myre de Vilers, L'enseignement pratique comprend :
les différences bien tranchées dans le but et le 1° Les leçons de couture et de coupe, les tra-
caractère de l'enseignement de chacune d'elles, vaux de raccommodage et les travaux d'agré-
èn rendaient la scission avantageuse sous tous ment : broderie, crochet, etc... Ces leçons sont
les rapports. données dans une vaste salle disposée et outillée
Enfin, pour donner aux futurs instituteurs et dans ce but. A tour de rôle, les élèves-maîtresses
à leurs femmes une éducation pédagogique et prennent part aux soins qu'exige la magnanerie
une éducation ménagère réelles et efficaces, il de l'école ; elles seront exercées à dévider les
était nécessaire de réunir dans un même groupe cocons et à filer la soie ;
scolaire la division normale de l'école des gar- 2° Les leçons de blanchissage et de repassage
çons et le cours normal d'institutrices. les élèves lavent le linge dans deux grands bas-
Cela est aujourd'hui un fait accompli: la di- sins abondamment pourvus d'eau ; puis elles le
vision administrative gardant son caractère repassent. Fréquemment elles vent à la buan-
spécial est devenue indépendante, ce qui lui derie s'exercer à faire la lessive ;
permettra de s'étendre et de se mieux organi- 3° Les leçons pratiques de cuisine données à
ser, tandis que la division normale et le cours la cantine scolaire ; chaque matin, deux élèves
normal, prenant effectivement et complètement — à tour de rôle — préparent à la cuisine de
le caractère d'écolenormale,sontinstallésdepuis l'école le déjeuner qui sera servi à leurs cama-
le mois de février 1903, dans les beaux locaux rades ; les éléments de ces repas sont choisis et
récemment construits sur un vaste terrain au préparés de telle sorte, que les élèves reçoivent
sud de Mahamasina. une nourriture agréable etsubslantielle. Le prix
Les bâtiments situes au nord de l'établisse- des repas ne pourrait être plus modique ; une
ment sont occupés par l'école normale de gar- subvention due à la libéralité du comité de l'Al-
çons, ceux du sud par l'école normale de filles. L'école normale des filles. — L'école des filles liance française de Tours, couvrant les frais
-
L'école normale des gaJ'çons. Les élèves sont
recrutés par voie de concours et font à l'école
occupe les locaux situés au sud du groupe sco-
laire. Elle ale caractère d'école normale surtout
accessoires, il a été possible de servir ces déjeu-
ners au prix de 0 fr. 05 par élève.
trois années d'études; le chiffre des admissions par l'éducation que les femmes des élèves- La cantine scolaire a, chaque jour, trente pen-
est de 50 en moyenne par année. Nul n'est admis maUres y reçoivent : cette éducation a pour sionnaires en moyenne : ce nombre comprend
à concourir s'il n'est âgé de quinze ans au but de les préparer à enseigner méthodique- surtout les jeunes filles dont le domicile est
moins, de vingt ans au plus. Exceptionnellement ment dans les écoles rurales l'économie domes-
tique et la couture. Loin de nous la pensée de
éloigné de l'école. /
Section professionnelle. — A l'école normale
il pourra être admis à l'école des élèves âgés
seulement de quatorze ans. vouloir transformer le ménage malgache en lui des filles est rattachée une section recevant un
La plupart des candidats, souvent les meil- donnant les caractères extérieurs d'un ménage enseignement plus spécialement professionnel:
leurs, ont été préparés les élèves de cette sec-
dans les écoles officiel- tion qui, jusqu'à ce
les rurales. jour, ont suivi les mê-
L'école se recrute mes leçons que leurs
surtout en Imerina: elle camarades de l'école
est donc presque entiè- normale proprement
rement composée d'élé- dite, vont maintenant
ments hova ou andria- se classer suivant leurs
na... Les administra- goûts et leurs aptitu-
teurs des provinces ex- des, pour apprendre
centriquesse sontheur- une profession qui leur
tés souvent à l'impos- permettra de gagner
sibilité de recruter des honorablement leur vie
instituteurs parmi leurs en travaillant, soit pour
administrés. D'ailleurs, leurs congénères mal-
il faut reconnaître que gaches, soit pour les
les éléments provenant Européens. Les unes
des provinces excentri- se spécialiseront dans
ques sont généralement le blanchissage et le re-
inférieurs aux sujets passage, d'autres dans
originaires de l'Ime- les travaux à l'aiguille,
rina. d'autres encore dans le
L'installation de l'en- travail intérieur d'une
seignement. — L'école maison européenne et
des garçons est instal- dans la cuisine euro-
lée dans un vaste bâti- péenne. Certaines d'en-
ment comprenant trois tre elles s'occuperont
salles d'études pourl'en- plus spécialement du
seignement général travail de la soie.
donné aux trois années Cesleçons de cuisine,
d'élèves et une grande dès maintenant organi-
salle de dessin. sées, sont données tan-
L'enseignement gé- tôt par la directrice de
néral comprend : la mo- l'école, tantôt par la
rale, la langue malga- maîtresse adjointe, à
che, la langue fran- leur domicile particu-
çaise, l'arithmétique, le lier.
système métrique, des Ecoles annexes. — En-
notions d'histoire et de tre les deux écoles nor-
fféosrraphie, le dessin à males sont înstanees
mainlevée et, en troisième année, le dessin in- européen. : nous nous proposons l'amélioration les écoles primaires annexes de garçons et de
dustriel; le travail manuel, ,les sciences dans et le progrès de la famille indigène, par l'appli- filles représentant exactement le Lype des éco-
leurs applications à l'agriculture et à l'hygiène, cation des principes d'économie domestique, les rurales. L'enseignement y est donné par les
un cours spécial d'agriculture et un cours d'hy- vrais et applicables en tous pays; mais nous élèves-maîtres de deuxième et de troisième an-
giène pour la troisième année, des leçons de lais-sons à 'la famille malgache ses coutumes nées, sous le contrôle permanent d'un maître
pédagogie pratique, l'écriture, le chant. particulières tant qu'elles ne sont pas contrai- indigène expérimenté ; il comprend la langue
:
L'enseignement professionnel sera donné dans res aux lois de l'hygiène et de la morale. malgache, la langue française, l'arithmétique et
un atelier de menuiserie complètement installé Les élèves de l'école normale des filles, sont le système métrique, le dessin orienté vers les
et prêt à fonctionner; un deuxième atelier, des- aussi mises en mesure de seconder leurs maris travaux pratiques manuels, l'écriture, des no-
tiné au travail du fer, sera organisé au début pour l'enseignement aux tout jeunes enfants. tions d'histoire et de géographie, les leçons de
de l'année 1.904. L'enseignement général est donné dans deux choses appliquées à l'agriculture (pour les gar-
populations des campagnes. Après leurs trois appelés à remplir un rôle de plus en plus impur- dont une grande partie sont originaires de
années d'études, l'Ecole ne les abandonne pas tnnt dans la vie administrative et économique de Tananarive ou de la campagne environnante ;
définitivement pour cesser de s'intéresser à Madagascar. Par suite, un régime s'impose, qui ceux-là vivent dans leur famille. D'autres élèves
permette de suivre, avec le plus grand soin, leur venus d'un peu plus loin sont établis à demeure
eux ; ils reviennent chaque année passer deux formation morale et leur développement inte!-
ou trois semaines auprès de leurs anciens maî- lectuel, de redresser sans brusquerie, mais avec dans des familles parentes ou amies; enfin, un
tres et maîtresses et dè leurs chefs européens une fermeté persévérante, une attention de tous
certain nombre d'originaires de provinces plus
ou indigènes; les instituteurs viennent s'y les instants leurs tendances àtaviques. 11 ne sau- éloignées sont recueillis à titre de boursiers
perfectionner dans les méthodes d'enseigne- rait en être ainsi sans une direction autonome. internes dans l'internat de l'école.
ment, puiser des directions nouvelles; en même Il ne suffira pas d'instruire la jeunesse pour Pour venir en aide aux élèves, dont un. très
temps ils échangent avec leurs collègues des obtenir des agents aptes à remplir les services que grand nombre se trouvent dans une situation
idées relatives à l'école et aux œuvres com- nous attendons des fonctionnaires indigènes. 11 de fortune plutôt précaire, l'école dispose d'un
plémentaires; chacun fait profiter ses cama- sera indispensable de soustraire ces derniers aux certain nombre de bourses : 21 bourses à
rades de ses expériences personnelles ; tous influences qui pourraient les détourner de leurs 180 francs par an et 36 à 120 francs. Un certain
devoirs professionnels ou les amener à user de
rentreront chez eux avec des idées nouvelles et leur autorité dans un intérêt qui ne serait pas nombre de bourses sont accordées à titre défi-
le vif désir d'en tirer un bon profit. A ces strictement celui de la colonie. nitif et quelques autres sont attribuées au
mêmes réunions annuelles, les femmes viennent Les fonctionnairesindigènes de l'ordre adminis- mérite afin de stimuler le zèle de ceux qui les
apprendre des notions nouvelles d'économie tratif proprement dit, les officiers-adjoints, les postulent.
domestique et de couture; mais surtout elles écrivains-interprètes seront en principe exclusive- L'arrêté du 5 juillet 1903 prévoit que :
viennent puiser des conseils : chacun arrive ment choisis parmi les élèves de nos écoles admi- -
nistratives et commerciales.
avec son bagage de questions nombreuses et Le recrutement des élèves de certaines provinces
variées, se rapportant à toutes les choses de la Les élèves de l'école sont choisis par voie de devant se faire très difficilement, un certain
vie malgache. concours. L'examen a lieu dans la première nombre de places, dont le nombre sera fixé chaque
Enfin, tous apprennent ainsi à s'unir, à se quinzaine de novembre et les candidats doivent année par le gouverneur général sur la proposi-
tion des administrateurs pour chaque province ou
grouper autour de leurs anciens maîtres et être âgés de 15 ans au moins et 20 ans au chaque division pourront être attribuées sans con-
autour de leurs chefs; les uns et les autres arri- plus. cours à des candidats désignés par le gouverneur
ventàse mieuxconnaître,àsemieuxcomprendre; L'école administrative devant recruter ses général dans certaines conditions déterminées.
l'entente et la confiance s'établissent entre tous élèves dans tout le plateau central Emyrne et
:
pour le plus grand profit des écoles. Betsileo, il était impossible de faire venir les Jusqu'ici, il n'a été fait application de cette
dérogation spéciale qu'en faveur
des élèves de la section sakalave.
L'Ecole administrative Les élèves internes et les élèves
sakalaves sont. logés dans l'inter-
et commerciale nat de l'école. Il est pourvu à
leurs frais de nourriture et d'ha-
de Tananarive. billement par les soins du direc-
teur 'de l'école et d'un professeur
On sait déjà que l'école « Le assistant chargé plus spéciale-
Myre de Vilers », créée au lende- ment de la surveillance des inter-
main de l'occupation française, nes.
le 2 janvier 1897, était destinée Les élèves sont partagés en
à former des interprètes, desmai- 5 divisions et à leur entrée à
tres d'école et des candidats aux l'école doivent opter pour telle
fonctions administratives. ou telle division :
Après quelques années de cette 1° Division administrative pro-
organisation, la pacification de prement dite, destinée à' former
Madagascar ayant nécessité une des officiers adjoints,« sous-gou-
augmentation de cadre des fonc- verneurs et gouverneurs indigè-
tionnaires indigènes, il fallut d'a- nes ;
bord, pour les régions extérieures 2° Division des écrivains-inter-
à l'Emyrne, choisir ceux-ci en évi- prèles, destinée à former des écri-
tant de les rendre antipathiques vains et des interprètes;
à leurs administrés du' fait seul 3° Division commerciale, des-
de leur origine ; c'est ainsi que tinée à fournir aux commerçants
le 8 février 1900, le général Gal- des collaborateurs de confiance ;
lieni fut amené à créer une sec- 4° Division des candidats à
tion sakalave à l'école Le Myre l'Ecole de médecine, préparant
de Vilers. Cette section, composée des candidats pour l'examen d'ad-
d'abord de 10 élèves, ne tarda pas mission à cette école ;
à s'élever à 15 élèves. C'est en- 5° Division lopographiqilè; des-
core cette même idée qui, lorsque tinée à pourvoir dans la plus large
la pacification de l'île fut complète, imposa le élèves de si loin sans qu'une première sélection mesure possible au recrutement des élèves géo-
sectionnement de l'école Le Myre de Vilers. ait été faite au préalable. Pour obvier à cet mètres.
L'arrêté du 5 juillet 1903 mentionné plus haut inconvénient, 4 centres d'examen ont été orga-
reconnaît, non seulement l'autonomie complète nisés à Miarinarivo (école régionale) pour la Ecoles régionales et profession-
de la section administrative qui devient à partir province de l'Itasy; à Antsirabé (école régio- nelles diverses.
de ce jour l'école administrative et commerciale nale) pour la province de Vakinankaratra;à Fia-
de Tananarive, mais il prévoit également la narantsoa (école François de Mahy) pour la L'école régionale d'Antsirabe a été ouverte
création d'écoles semblables à Mahanoro (pays province de Fianarantsoa. en 1902, et n'a pas encore par conséquent trois
betsimisaraka) et à Analalava (pays sakalave) et L'examen comprend des épreuves écrites :
années d'existence; le troisième concours
aussi l'annexion d'une section administrative à orthographe, arithmétique, composition fran- d'admission a eu lieu à la fin de H)03.
l'école régionale d'apprentissage agricole et çaise, composition malgache, thème,version, et Cette école compté actuellement 73 élèves,
industriel de Fianarantsoa (pays betsileo). des épreuves orales interrogations sur la gram- 26 en lre année, 22 en2", 25 en 3". Ces élèves
Les instructions du gouverneur général rela-
:
—
maire française, la grammaire malgache, la sont répartis entre quatre ateliers : menuiserie,
tives à l'application de l'arrêté du 5 juillet 1903 lecture française, la lecture malgache, l'arithmé- ajustage, poterie, ferblanterie.
indiquent avec beaucoup de précision le carac- tique et le système métrique. La sectionagricole a été seulementconstituée
tère de l'enseignement dans les écoles adminis- Toutes les épreuves écrites et le relevé des au 1er janvier dernier, elle.compte six élèves,
tratives : notes orales sont envoyés à Tananarive où se tous en lre année naturellement.
fait le classement général. L'école est installée dans des locaux récem-
L'évolution progressive de ce pays (Madagascar) A l'examen de 1903, près de 300 candidats se ment,construits et encore inachevés. Entre les
sous notre impulsion et notre direction exige, au sont fait inscrire. le recrutement de l'école s'est ateliers de menuiserie et d'ajustage, a été cons-
double point de vue politique et budgétaire, fait dans des conditions convenables. Le nombre truite une roue hydraulique qu'une dérivation
qu'une part active et une responsabilité effective
soient données à nos agents malgaches dans
des candidats provenant des écoles officielles de la rivière permet de mettre en mouvement, et
J'exécution des détails du service et de l'auto- (pourtant nées d'hier) était déjà très imposant. qui actionne actuellement un moulin ; dans le
rittS. Point n'est besoin d'être prophète pour prévoir courant de celte année, elle sera utilisée à met-
Pour avoir des fonctionnaires indigènes aptes que d'année en année les écoles officielles tre en mouvement les machines des ateliers,
à remplir le rôle qui, logiquement .doit leur être pourvoiront dans une mesure de plus en plus puis remplacée par une turbine. De plus, une
dévolu, il nous appartient donc d'en puiser les grande à ce recrutement. Ce sera déjà un. sen- magnanerie vient d'être créée à l'école.
éléments dans la génération nouvelle, et cette sible progrès pour l'enseignement officiel à Des diverses écoles régionales 'de la colonie,
préparation ne saurait avoir d'autres bases essen- Madagascar. celle d'Antsirabe, bien qu'encore incomplète-
tielles, qu'une sélection attentive et un enseigne- Enfin, il faut tenir compte aussi d'une autre ment organisée.est celle qui la premièredonnera
ment spécial. conquête, celle de l'esprit des élèves qui ten- des résultats pratiques. A la fin de l'année 1904,
Les établissements scolaires destinés à fournir
à l'Administration des agents dévoués, actifs et dront de plus en plus à avoir une même origine : il y sera procédé pour la première fois à l'exa-
consciencieux, aux colons des collaborateurs de les écoles du gouvernement. men de fin d'études pour l'obtention du diplôme.
confiance, doivent prendre une ampleur plus L'école administrative de Tananarive compte L'école régionale de Mahando comprend trois
grande, les jeunes gens qui en seront issus seront aujourd'hui un effectif total d'environ 110 élèves, sections organisées conformément au pro-
Tel qu'il fonctionne aujourd'hui,
cet important service a déjà, au
point de vue du personnel et du
matériel, comblé les lacunes les plus
importantes et il s'outille de plus
en plus chaque jour pour être à
même, avant peu, de pourvoir à tous
les besoins scolaires delà colonie.
D'autre part, au point de vue
technique, il a donné aux program-
mes le niveau qui leur convient et,
en réglementant la scolarité, il a
prévenu des gaspillages de force et
d'intelligence, qu'un gouvernement
soucieux du bien public a le de-
voir d'éviter.
Enfin, comme on l'a dit ailleurs,
les dernières réformes survenant
après huit ans d'occupation fran-
çaise, c'est-à-dire au moment précis
où les enfants nés au lendemain de
la conquête parviennent à l'âge sco-
laire, ceux-ci 's{} trouveront ainsi
complètement détachés du passé et
affranchis des sujétions étroites que
leurs aînés ont connues.
A ce titre, on peut dire qu'a-
près la pacification de l'île, l'or-
ganisation de l'enseignement a été,
avec celle de l'Assistance médi-
cale indigène, l'une des œuvres les
plus uliles et les plus françaises ac-
complies par le général Gallieni à
Madagascar.
CH. JAMIN.
1
ba France dans le Pacifique
cette roule. Elle nous avait coûté un milliard. virait de dépôt de charbon et d'approvisionne- le roi-gendarme aura fort à faire. Il répétera
Nous l'avons abandonnée aux Etats-Unis pour ments. avec raison :
200 millions. Nous ne sommes donc plus les Qu'on nous dise donc ce qui nous a empê-
maîtres de cetle ouverture ; mais nous, possé- chés d'y faire les aménagements nécessaires en Que c'est un métier difficile,
dons les escales obligéès de la route de Panama temps voulu? Garantir la propriété !
et d'amarrage aux corps-morts, droits qui pèsent haute approbation de M. le Ministre des Colo- que lui a faite le chef de la colonie, a décidé à
sur tousles bateaux qui pénètrent dans nos ports. I nies. l'unanimité que les bâtiments de commerce
français venant- de l'extérieur seraient doréna- de soin pporté.à la préparation de ce précieux pour y entreprendre ou, à dire vrai, pour y
vant exonérés des droits d'accostage. aux produit. reprendre la culture du cotonnier.
quais. A cette cause principale est venue s'en ajouter Cette culture florissait, il y a quelques années,
Dans ces conditions, tout porte à croire que une autre, la baisse actuelle du prix de la nacre à Tahiti, à Moorea, aux Iles-sous-le-Vent, etc.,
Tahiti verra, dans un avenir prochain, ses rela- dont l'exportation assurait aux finances de la et s'exportait à des prix tels que producteurs et
lions, trop longtemps interrompues, reprendre colonie d'assez bonnes recettes. Pour la nacre, commerçants y trouvaient .chacun leur profit.
plus fréquentes que jamais avec les grands cette situation ne saurait durer, mais elle se Cela tenait à ce que le coton de Tahiti était fort
ports de commerce de la métropole, grâce au prolonge malheureusement, et tout le monde apprécié des industriels. On en aura la preuve
régime de faveur dont jouissent les voiliers bat- en -souffre, car les commerçants, attendant des par les chiffres suivants
tant pavillon français. jours meilleurs, cessent d'exporter, tandis que :
En 1884, le cotpn de Tahiti, qualité moyenne,
A la suite d'une mis-
sion, dont nous avons se vendait 140 francs
les 50 kilogrammes ;
eu déjà l'occasion de l'annéesuivante,105 fr. ;
parler, M. l'inspecteur en 1887 et 1888, 87 et
des colonies Salles a 97 francs, laissant bien
adressé à M. Doumer- loin comme prix les
gue un rapport dans autres sortes de coton
lequel il étudie les qui valaient entre 42
moyens d'activer les re- et 75 francs les 50 kilo-
lations maritimes entre
la France et nos établis- grammes de même qua-
lité.
sements de l'Océanie, La qualité ordinaire,
si éloignés de la métro- de 1884 à 1888, s'est
pole. Voici ses conclu- vendue de 150 à 107fr.,
rions : tandis que les cotons
« Pour les marchan- similaires d'autres pays
dises françaises, en at- atteignaient à peine, au
tendant l'ouverture du plus bas 42 francs, au
canal de Panama, la plus haut 74 francs.
seule voie économique Enfin, la bonne qua-
restera la.routedes caps lité de nos cotons, pen-
à la voile. Malheureu- dant les mêmes années,
sement, les échanges trouvait acquéreur à
entre la métropole et 160, 1-25 et 107 francs;
la colonie, sont -actuel- les autres pays de pro-
lementinsuffisantsppur duction n'ontjamais pu
la création d'un service vendre plus de 97 francs
régulier de voiliers ou -les 50 kilogrammes.
pour attirer des navires Il n'est pas néces-
qui ne soient pas affré- saire d'insister pour
tés spécialement. faire comprendre que
« C'est pour cela qu'il le sol de notre colonie
faudrait s'efforcer de
ressusciter la culture se prête admirablement
à cette culture et que
du coton ; on aurait là tous les efforts de l'Ad-
un produit dont les ministration doivent
Etats-Unis ne vou- tendre à la remettre
draient pas et qui,
venant en France, pro- en honneur.
A quelles causes de-
voquerait un mouve- vons-nous donc attri-
ment de retour en mar- buer l'abandon, à peu
chandisès françaises. près partout, des plan-
« Les marchandises existent, les navires trans- les commissionnaires étrangers laissent s'en- tations cotonnières des établissements français
porteurs ne manqueraient pas. Dans le courant tasser des quantités considérables, jusqu'à ce de l'Océanie?
de l'année 1902, 69 voiliers français sont venus qu'une hausse possible, mais incertaine, leur La véritable cause, c'est que les agriculteurs,
à^ San-Francisco, les uns par le
cap de Bonne- permette de vendre. alors que les cotons de Tahiti valaient plus que
Espérance, les autres par le cap Horn ; ils jau- Actuellement, il n'existe dans nolre colonie tous les autres, n'ont pas apporté assez de soin
geaient ensemble 114.000 tonneaux, soit en qu'une seule production vraiment rémunéra- dans la sélection de leurs graines et n'ont pas
moyenne 1.650 tonneaux. Parmi eux, 25 sont trice, peu sujette à des fluctuations trop sen- eu souci d'isoler les bonnes espèces en détruisant
arrivés sur lest en Californie, représentant sibles de cours, et d'une vente facile : c'est le complètement les mauvaises. Ils envoyèrent des
41.000 tonnes. coprah. Mais, encore que le sol ne soit pas tou- balles qui contenaient des types différents, refu-
« Favorisés par le système des primes, ils jours et partout propice, nous savons que le sés par les industriels qui ne pouvaient utiliser
prennent du fret à très bas prix, à 22 francs, je le mélange des variétés, les unes à longue soie,
crois, à si bas prix que tous les grands voiliers
de San-Francisco ont désarmé. Ces navires non dégénérées,. les autres, aux. fibres Courtes
et grossières, pourtant de même origine, mais
pourraient aussi bien être affrétés pour Tahiti. devenues presque sauvages par négligence.
ou bien y venir relâcher, ce qui, quel que soit Il existe encore de ces plants sur les planta-
le cap par lequel est leur route, ne représen- tions délaissées, et il importe avant-tout'de les
terait pas une augmentation de plus de 15 à détruire complètement si l'on veut que les nou-
20 jours de mer. Lecoton serait donc, semble-t-il, velles plantations deviennent prospères.Caries les
assuré d'un fret peu élevé. premiers sont un danger de dégénérescence
« Les 69 navires dont il est ci-dessus question constant pour-les cotons Bea Isl'and et Georgia,
se répartissent comme suit, par port d'immatri- ces deux variétés qui s'accommodent le mieux
culation : de la richesse du sol tahitien.
Si donc il est de l'intérêt de tous, d'ans la
Marseille 1 la colonie, de voir reprendre la culture du coton,
Bayonne 2 il importe àussi d'en assurer la prospérité, par
Saint-Nazaire 4 des mesures que seule.'PAdministratiori"aidée
Le Havre
,
18 par les pouvoirs publics de la métropole, a le
Nantes
......................... 44 pouvoir de prescrire et de faire appliquer.
« Ces relations directes prépareront pour plus
tard la grande ligne de France en Australie par
très intéressante question, il
A notre avis,après étudfe^ajpprofondie de cette
conviendrait de
n'autoriser l'importation que des graines du
Te canal de Panama. seul coton Sea Island, à l'exclusion de celles du
« L'Administration locale et la Chambre de Georgia. En voici les raisons :
commerce de Tahiti s'occupept, en ce moment, cocotier, pour être adulte, demande de huit à Le coton Geo/^ça'eist-de bonne qualité, quant
sérieusement de cette question. » dix années d'attente. C'est dire que l'agriculteur ràrla 'longueur et -fila>mentsil-
Comme moyen de la solutionner, il faut, en doit, durant ce laps de temps, diriger Ugst vrai, mais il ri'^st pas :d4|âi
effet, au profit de la colonie comme de la métro- vers d'autres cultures de-rapport>plus £$S^^otiï pour -lui 'pèéférér>le-Sea Jslàïïd-.tMkm
pole, reprendre la culture du coton à Tahiti.
On sait que la crise économique dont souffrent
diat. ^ •°Mïfâison péremptoiTe qui doit-faire'ëcartèr!|e: ^'
C'est ce qu'ont compris un certain nom&e d©1 Georgia, c'est que ce dernier est annuel et ;qtfé
depuis déjà trop longtemps les établissements colons et même d'indigènes de nos îles qui, l'indigène, voire le colon européen, voudra bien .
français de l'Océanie est due surtout à la dépré- grâce aux conseils qui leur ont été pendant ces faire l'effort pour créer une plantation, mais il y
ciation considérable qui pèse sur la vanille de derniers mois prodigués par l'Administration, renoncera s'il faut répéter cet effort tous les ans.
Tahiti, dépréciation qui s'explique par le manque se sont mis résolument à débrousser leurs terres Un exemple le prouve :
Lorsqu'il y a deux ans, la Chambre d'agricul- Pour combattre les maladies qui déciment la mûr; d'autre part, des mœurs épouvantables de
ture voulut faire un essai, elle distribua des population, création — sans augmentation de dépravation naïve tarissent chez eux la natalité.
graines de Georgia longue soie aux planteurs dépenses et par le seul fait d'un choix spécial Ainsi décroît, avec unevitesse qui tous les jours
des Iles-sous-le-Vent. Mais ceux-ci furent éton- des fonctionnaires — d'un corps de médecins- s'accélère, une population parmi laquelle un
nés et fort mécontents de* voir la plante périr adminislrateurs ambulants. vieillard est une curiosité extraordinaire, que
après la récolte. Ils n'eurent pas le courage de Chaque administrateur-médecin — là seule- l'on n'y a pas vue depuis longtemps et dont on
recommencer l'épreuve. ment serait la dépense nouvelle — devrait avoir a même perdu le souvenir.
L'espèce Sea lsland, dont nous parlions plus
haut, longue, forte, soyeuse et très blanche, se
recommande pour toutes ces raisons à l'attention
des agriculteurs, mais surtout à cause de sa
longévité. (Il y a encore à Tahiti des plants de
coton ayant plus de quinze ans d'existence.)
Il est, par conséquent, indispensable de
n'adopter que celte seule espèce et de proscrire
toutes les autres, si l'on veut éviter l'hybrida-
tion aux résultats néfastes, l'expérience l'a suf-
fisamment démontré. Tel est également l'avis
de la Chambre d'agriculture qui a adopté cette
manière dé voir en ce qui concerne la destruc-
tion et même la reconstitution des plantations
d'autres sortes que le Sea Island -et même des
Sea Island qui sont trop anciens, si l'on consi-
dère en effet avec quelle facilité le cotonnier
tend à varier chez les individus d'une seule
espèce et à plus forle raison sous l'influence
des espèces voisines dégénérées ou inférieures.
On prête à l'Administration l'intention d'en-
voyer à M. le Ministre des Colonies, pour le sou-
mettre à l'approbation du Président de la Répu-
blique, un projet de décret dont voici l'objet :
Prohiber l'introduction dans la colonie des
graines qui ne seraient pas du Sea Island.
Permettre au gouverneur d'obliger les pro-
priétaires à détruire non seulement les coton-
niers d'espèces inférieures ou poussant à l'état
sauvage sur leurs terrains, mais encore la variété
admise comme bonne lorsque les arbustes trop
âgés seront dégénérés et pourraient, par leur
pollen, nuire aux plantes voisines.
D'ailleurs, il faut le reconnaître, le nombre
des plantes dégénérées ou de mauvaises sortes
est peu important; leur destruction ne portera
qu'un très faible préjudice aux propriétaires,
qui ne feront certainement aucune difficulté
pour accomplir cette destruction.
La tendance à la hausse des cotons sur les à sa disposition un bateau, pour visiter les îles Nos représentants dans les archipels font ce
marchés d'Europe et d'Amérique est un sûr de sa circonscription. Quant aux médicaments qu'ils peuvent pour lutter efficacement contre
garant de succès pour notre colonie si elle per- et instruments de chirurgie, ils sont déjà com- tant de fléaux. Mais il en est un, l'alcoolisme,
siste dans ses intentions de reprendre cette mandés en France. qui est presque impossible à réprimer dans un
culture, surtout si ce produit pouvait être ache- V. Nouvelle réglementation contre l'alcoo- pays où nos derniers'sauvages savent fabriquer
miné vers la métropole au moyen d'une mesure lisme. du vin d'oranges, de l'eau-de-vie de coco et
douanière qui amènerait assurément la reprise,, Cette nouvelle réglementation est actuelle- d'autres boissons fermentées au moyen des
désirable à, tous égards, de nos rèlations com- ment soumise au Département. fruits de la brousse, à l'abri de l'intervention in-
discrète des gendarmes coloniaux, chargés d'ap-
pliquer les règlements sur la fabrication et la
consommation des spiritueux.
VI. Augmentation des crédits aux écoles et
modification de la loi, afin de permettre de gar-
der les filles au delà de treize ans, jusqu'à l'é-
poque de leur mariage « afin de les garantir dlll'
mal ».
Nous n'avons guère plus de succès dans nos
efforts pour défendre les filles indigènes contre
la monstrueuse coutume en vertu de laquelle,
aussitôt nubiles, elles doivent servir en une
seule nuit, dans une clairière cachée et aux
rayons de la lune, à tous les hommes de la tribu.
C'est seulement après Faccomplissement de
cette cérémonie rituelle qu'elles peuvent se
marier. Dans quel état elles -en sortent, c'est
plus facile à imaginer qu'à dire; quelques-unes
en meurent, beaucoup en' restent infécondes.
Nous avons créé des écoles où nous cherchons
à les tenir en charte privée jusqu'au mariage,
mais la fatale hérédité exerce sa puissance ; la
fille s'échappe et va s'offrir elle-même en holo-
causte.
VII. Application du scaphandre pour la pêche
des nacres auxTuamotu.
L'Administration considère que celte ques-
tion du scaphandre est une desplus importantes,
sinon la plus importante,qui intéressent l'avenir
de la colonie,car la prospérité dont elle sera l'o-
rigine pour les Tuamotu, comme pour les Gam-
bier, aura sa répercussion sur l'ensemble de
tous nos Etablissements dont le budget est de-
venu unique.
merciales avec les grands ports de France. La dépopulation est surtout rapide aux Mar- Comme s'il n'y avait pas assez de tant c'e
Par toutes les mesures qui font l'objet de cette quises et aux Gambier,possessionsfrançaises où causes de mort, l'industrie que les Européens
étude, Tahiti peut, sans nul doute, devenir en l'on trouvait autrefois et où l'on rencontre ont créée dans ces archipels est elle-même
peu de temps un centre très important de pro- même encore des hommes superbes, comme léthifère. Aux Marquises, aux Gambier, aux
duction cotonnière. taille et comme vigueur. Mais la phtisie, la lèpre, Tuamotu, récemment dévastées par un ras de
IV. Organisation d'un service d'hygiène l'éléphantiasis et d'autres maladies nombreuses marée qui y a fait des centaines de victimes, on
publique. fauchent les Marquisiens avant même .leur âge pêche les nacres et les perles. Aucune mer n'est
aussi riche en coquilles que l'océan Pacifique • rances qu'on serait en droit de fonder sur lui, parlers avec le gouvernement des Indes néerlan-
on sait que-c'est cette abondance de calcaire c'est en vain, que l'Administration-s'efforce de daises aux fins d'obtenir l'autorisation de recru-
qui a permis' à des animaux inférieurs, que stimuler les indigènes ;pour leur faire entre- ter un certain nombre de sujets javanais.
Michélet; appelle « des faiseurs de .mondes, » prendre.de nouveil-es-plantation s. En principe, en effet, l'émigration est inter-
d'y élever, du fond de la mer, des-construc- D'ailleurs, ce n'est, un 'secr-et pour, personne, dite à Java ; toutefois, l'accroissement incessant
tions qui,-lorsqu'elles ont atteint la ;sùrface de
-
l'indigène de Tahiti éprouvé une répugnance et rapide de la population de cette île, dont le
l'eau, sont devenues ,des;îles. L'huître nacrière innée,pour. le-travail-agricole, .'l'a raison .en est gouvernement se montre fort soucieux, laisse
et perlière, de même que les coquillages des que ses besoins sont très restreints, car il trouve croire qu'il accueillera favorablement la de-
autres espèces, y foisonne et les Marquisiens dans la montagne sa nourriture qui se, compose mande d'autorisation; que l'Administration de
vont dans,les lagons — parties de mer fermées en général des fruits du .pays. Joignons, à cela notre colonie se propose de lui faire par l'intèr-
par des récifs — la récolter en plongeant. un caractère insouciant créé par la. nature médiaire du consul de Fiance à Batavia.
La plonge est un métier .dangereux. Elle même du climat, il est dans ces conditions facile L'Administration de la Nouvelle-Calédonie,
/ amène, au bout d'un espace de temps relative- de comprendre que loin d'êtreun auxiliaireutile, lorsqu'elle décida de faire çtppel aux travailleurs
ment court, de graves désordres intérieurs ; elle le Tahitien est-plutôt un obstacle au dévelop- javanais, sollicita et obtint de leur gouverne-
contribue, elle aussi, à la dépopulation rapide pement de l'agriculture. " ' , ment un arrêté, pris à titre exceptionnel, par
des archipels. Doit-on cependant demeurer inactif. en pré- lequel elle fut autorisée à recruler un certain
Le remède à ce fléau, ou tout au moins l'at- sencp. d'une telle situation ? Nest-il pas possible nombre de, coolies, et cela à plusieurs reprises.
ténuation du danger, a été facilement trouvé par d'y remédier ? L'Administration de Tahiti va suivre la même
l'Administration. Le gouvernement de l'Océanie Pour notre part, nous pensons qu'il serait voie et il est permis d'entrevoir que cette faveur
française s'efforce d'obtenir l'application exclu- déplorable, désastreux même de ne pas tenter ne nous sera pas refusée.
sive du scaphandre à la pêche des nacres et la au moins'de résoudre ce problème à la solution Quelques centaines d'immigrants javanais,
suoDression de la Dlonere à nu. duquel est attaché le développement normal et engagés par contrat, contribueront puissam-
1
L'emploi
J - . scaphan-U
, du
1
ment par leur labeur,
dre diminuerait natu- accoutumés qu'ils sont
rellement de beaucoup aux durs travaux, au
les dangers de la pêche développement agricole
telle qu'elle a été. pra- de notre colonie.
tiquée jusqu'ici.. Mais Sous un climat très
le gouvernement ren- sain, il est. probable,
contre des résistances même sûr, que ces cul-
de la part d'industriels tivateurs ne seront nul-
qui monopolisent ce lement incommodés par
dernier procédé. Ainsi les ardeurs du soleil
tout conspire contre qui sont ici très tem-
l'existence, de l'indi- pérées.
gène, même l'intérêt de L'essor donné à l'a-
l'Européen! griculture par leur
Cette pêche des na-, exemple stimulera peut-
cres et des perles dans être bien les indigènes
l'Océanie françaisepré- qu'une heureuse ému-
sente un intérêtfort sé- lation forcera, nous
rieux, quoique généra- osons l'espérer, à cul-
lement peu connu. La tiver- à leur tour les
production se chiffre terres'dont ils sont pos-
par plusieurs centaines sesseurs et qu'ils délais-
de tonnes d'un article sent.
de commerce que l'on La mise en valeur du
peut classer parmi les sol de nôs-îlês n'est pos-
matières précieuses. Il sible, ; répétons-le' én
est fâcheux seulement terminant, qu'avec une
que les communi- main-d'œuvre -choisie.
cations soient si diffi- Or, les Javanais sont les
ciles avec les marchés -auxiliaires sur lesquels
européens. L'Adminis- on peut le mieux domp-
tration n'a même pas ter. Souhaitons qu'ils
réussi à traiter pour un soient introduits au plus
service à vapeur qui tôt dans lepays.
aurait relié nos divers Au point de vue de la
archipels du Pacifique 'colonisation agricole,
à la Nouvelle-Calédonie elle peut être tentée
et à l'Australie. dans les deux groupes
VIII. Réorganisation de Tahiti. Dans le se-
du service postal avec çond groupe, la colonie
la métropole. Il est possède aux lIes-sous-
absolument nécessaire le-Vent. 2,000 hectares
que le service postal direct, avec la métropolesoitprogressif des richesses qu'un peu de courage de terre environ qui se répartissent de la façon
organisé dès l'ouverture du canal de Panama. et de bonne volonté suffirait à retirer du sol. suivante : terres cultivées; terres en friche;
C'est une nécessité d'ordre aussi impérial qu'é- Ce courage, cette bonne volonté, il ne faut terres de montagne.
conomique. - pas songer à les demander aux indigènes. Il faut En réalité, les terres cultivées se trouvent
IX. Communicalionsintra-insulairesau moyen donc aller chercher ailleurs, dans d'autres pays, éparpillées un peu partout; il serait difficile de
d'un service dé goélettes avec moteurs à gazo- la main-d'œuvre qui' nous fait ici totalement trouver plusieurs hectares de suite en bon état
line. Cette rubrique se rattache à la Ille. défaut. de culture.
Un projet est actuellement soumis à l'appro- L'Administration met actuellement tout en Les terres en friche sont très fertiles,, mais
bation ministérielle. œuvre pour arriver à procurer au pays des les terres de montagne, qui sont le plus nom-
X. Protection contré le commerce' chinois. travailleurs vaillants, attentifs et-sobres. breuses, ne sauraientêtre utilisées que-pou¡.l'éle-
Depuis longtemps les habitants cherchent à A dire vrai, surtout à première vue, il semble vage. Cesîles, au nombre de quatre principales:
enrayer l'invasion dès commerçants -chinois. difficile d'arriver à-un résultat aussi satisfai- Raiatea, Tahaa, Huahine et Borà-Bora. sont
,Quant à la main-d'œuvre,qui fait défaut, com- sant. Mai-sl'exemple d'autrescoloriies qui,comme
f
nient: remédier? ' •• 7 la nôtre, demeuraient autrefois statiorinaires 'et
sont maintenant en bonne voie de 'prospérité,
situées à 120 milles dans le nord-ouest de Tahiti.
Elles sont placées sous l'autorité d'un adminis-
trateur qui relève directement du gouverneur
Comment remédier au défaut de nous encourage et.nous permet d'espérer d'heu- des établissementsfrançais de l'Océanie.
la hiàin-d?œuvre à Tahiti. reux résultats.- Raiatea,l'île principale, est reliée à Tahiti par
C'est en Nouvelle-Calédonie, colonie la plus le vapeur Taviuni, de la Union Steam Ship
L'état de délaissement dans lé.quel se trouvent voisine des Établissements français de l'Océa- Company, qui y touche tous les vingt-huit jours:
nos établissements de l'Océanie, au-point de vue nie, que l'Administration est allée puiser des ren- à l'aller, venant de la Nouvelle-Zélande, et au
agricole, inquiète avec juste raison,l'Adminis- seignements précieux sur la meilleure main- retour, venant de Papeete.
tration de notre colonie. De nombreuses terres, d'œuvre exotique et les moyens employés pour C'est-à-dire que les Iles-sous-le-Vent se trou-
fertiles.pour la plupart..s'embroussent de 'plus en opérer le recrutement. Ces .renseignements vent dans une situation des plus favorables
en plus, là où il y a cinq'ans se développait et très circonstanciés, très exacts nons montrent pour permettre à des colons français d'y aller
florissait une culture dont le produit procurait les habitants de Java comme possédant les qua- entreprendre la culture et l'élevage.
de grands bénéfices aux particuliers, nous ve7 lités exigées des: bons travailleurs; car ceux-là Depuis 1898, les terres qui se trouvaient cha-
nons 'de le dire, c'estla culture du cotonnier. La — l'expérience 'l'a démontré; sont dociles, cune en possession quelquefois de plusieurs
vanillé, source de gros revenus, est encore culti- sobres et intelligents. C'est donc sur ces pre- familles ont été, grâce aux commissions insti-
vée par quelques colons, mais rapporte fort peu miers que se sont portées les vues de l'Adminis- tuées à cet effet, attribuées à leurs propriétaires
au producteur. Quant au coton, malgré les espé- tration qui va incessamment entrer en pour- réels.
d'agriculture, en voici les principaux passages : mesure contre la piastre, comme pouvant être
M. le président Goupillait remarquer que les fatale à l'agriculture de ce pays.
appréciations demandées portent exclusivement Les transactions vont d'ailleurs être grande-
sur le rôle de la piastre entre planteurs et ment facilitées par le décret du 24 février 1904
ouvriers et qu'il s'agit en substance de déter- qui a décidé la création d'une succursale de la
miner l'effet que le retrait de cette monnaie pro- Banque de l'Indo-Chine à Papeete. Ainsi va se
duirait sur les salaires des travailleurs et par trouver comblée, dans l'outillage commercial
suite sur la production agricole. des établissements français de l'Océanie, une
M. Lévy estime qu'au point de vue agricole, lacune qui paralysait leur développement écono-
il faut laisser les choses comme elles sont. Qu'il mique. Jusqu'ici, en effet, notre colonie du Pa-
est à craindre que l'Administration intervienne cifique ne possédait, pour tout établissement de
par des arrêtés (lui arrêteraient effectivement crédit, qu'une institution semi-orficielle, la
tout et que les agriculteurs comme les commer- Caisse agricole, ne disposant que d'un capital
çants sont meilleurs juges qu'elle de ce qui peut restreint, et à laquelle ses statuts ne permet-
favoriser leurs intérèts. Les salaires agricoles taient qu'un petit nombre d'opérations, d'un
sont déjà très élevés et ils hausseraient encore caractère presque exclusivement foncier et
si la piastre était retirée, parce que les indigènes d'importance très limitée. La création d'une
ne se contenteraient pas de la valeur représen- banque proprement dite, ayant à sa disposition
tant l'équivalence de celte monnaie en argent des moyens d'action puissants, investie du droit
français, mais exigeraient beaucoup plus. Ainsi d'émettre du papier-monnaie, pouvant consa-
le travailleur qui reçoit aujourd'hui une piastre crer à l'escompte des ressources considérables,
et demie n'acceptera pas 3 fr. 33. Il regardera va donner au commerce de Tahiti les facilités
cet argent avec mé-
fiance, se croira lésé et
dira ohipa no te po-
La mévente
M
-
31 Octobre 1904 (4" Année). N° 20.
Adresse télégraphique : Deponiale Paris
Directeur J.-PAUL TROUILLET
: Bureaux : 12, Rue Saint-Georges,
Téléphone : 157-47
Paris
-
réalise ses objets que petit à petit. De trois buts l'inconvénient d'être dissé-
concordants poursuivis, un d'atteint et deux en minées et, par suite, échap-
voie de l'être, c'est beaucoup de contentement à paient a une surveillance
la pensée d'hier et des satisfactions en perspec- constante et indispensable.
tive pour demain. Celles du Phu-Thuong, au.
contraire, présentaient l'avan-
tage d'être groupées et de se
Les quelques monographies agricoles que trouver à 17 kilomètres de
.nous publions dans ce numéro, en souvenir de Tourane. Ce. sont celles-là
la section coloniale de l'Exposition internationale que M. Lombard étudia
d'Hygiène, qui restera ouverte au public jus- d'abord, avec le plus grand
qu'à fin novembre, permettront au lecteur de soin. Après avoir été con-
se rendre compte, par des faits précis, de l'effort vaincu que la qualité de ces
considérable déjà accompli par un certain nom- thés pouvait être comparée
bre de nos compatriotes pour tirer parti des avec celle des meilleures
testable, beaucoup plus de caféine que le café sortes de Chine et de Ceylan et qu'elle pouvait
(1) Au cours de la législature actuelle, MM. Etienne, Ger- lui-même. être encore améliorée par une culture plus rai-
ville-Réache. de Mahy, Louis Brunet, Ursleur, Clément (Mar- Ses feuilles desséchées proviennent du thea sonnée et une préparation plus méthodique, il
tinique)., Carpot, François Deloncle, Henrique Duluque,
Guieysse, Emile Chautemps (Haute-Savoie), Guillain deman- viridis. Cet arbrisseau, rameux, toujours vert, fonda, en 1895, sous la raison sociale Lombard
deront une fois de plus, espérons-le avec moins d'insuccès, présente quelque ressemblance avec le camé- et Cie, une société pour l'exploitation des planta-
que, dans la loi de finances, un article soit inscrit déci- lia ; il s'élève à une hauteur de un à- deux tions déjà existantes et la création de nouvelles
dant que les cafés, fèves et pellicules, les cacaos et les vanilles mètres; maison le maintient à une hauteur de plantations.
des colonies et possessions françaises soumises au tarif général
des douanes soient exempts de tout droit à leur entrée en un mètre environ ; les feuilles sont alternes, Quelques indigènes préparaient le thé noir,
France. supportées par de courts pétioles, dures, d'un mais cette préparation était rudimentaire ; la
Un règlement d'administration publique déterminerait les vert peu luisant. dessiccation était défectueuse, le roulage se fai-
sûretés à prendre pour prévenir toute fraude dans l'exécution
de cette disposition. Dans son état de fraîcheur, la feuille du thé sait à la main, le séchage au soleil, etc., etc.
Aucun ne pratiquait la taille rationnelle des faire à la main, se fait au moyen de rouleuses
arbres dont la méthode, rapportée de Ceylan, a au moins égale au moka et dans tous les cas
actionnées par une machine à vapeur. supérieure aux cafés d'Abyssinie vendus sous
pour but de multiplier la pousse des jeunes Enfin, voulant donner une plus grande exten- la désignation de moka, et enfin avec le thé de
bourgeons et par conséquent d'augmenter la sion à son affaire, elle a créé douze agences dans l'Annam, nous avons le meilleur de tous les thés
connus, celui dont la finesse de l'arome est in-
comparable et dont la richesse en caféine sur-
passe celle des thés de Chine et de Ceylan.
A ce sujet, nous ne pouvons mieux faire que
de reproduire les résultats de l'analyse faite et
commandée par le ministre des Colonies.
RAPPORT de l'analysé de trois thés de l'Annam
envoyés au Département du Commerce par
M. le Ministre des Colonies :
Thés Souchona de l'Annam.
v FIN
EXTRA SURFIN
0/0 0/0 0/0
Eau 6.94 6.45 6.15
Caféine 5.04 4.88 4.60
Tanin 15.15 15.69 17.30
Extrait aqueux 42.56 40.30 40.90
Cendres totales 5.55 5.85 5.70
Cen. solubles ......... .
3.78 3.85 3.18
On a essayé comparativement un thé noir
Souchong de Chine de bonne qualité.
L'analyse a donné les nombres suivants :
Eau 8.80
Caféine 2.90
-cueillette des feuilles propres à faire le thé. Ce les provinces de Binh-Dinh et de Quàng-Nam, Tanin. 8.89
Extrait aqueux 27.80
-fut une assez grande difficulté pour cette Société où les plantations se sont développées, elle a Cendres totales 5.42
delà faire admettre par les indigènes; ils se demandé une nouvelle concession de 500 hec- Cendres solubles
....................... 3.10
figuraient que cette taille, qu'ils n'avaientjamais tares, qui lui a été accordée, et elle a construit Il résulte des nombreuses analyses publiées
vu pratiquer, devait amener la mortde l'arbuste. une troisième usine secondaire. dans les divers ouvrages, que les thés noirs
Il y avait donc tout à créer, à développer. Cette année, cette
Dès sa création, la Société fit venir de Ceylan Société, pour élargir
les premières machines nécessaires à son ins- le cercle de ses opé-
tallation, ainsi que quelques préparateurs in- rations, s'est encore
diens connaissant bien la culture et la prépa- agrandie et s'appelle
ration du thé; elle passa avec les propriétaires aujourd'hui Compa-
annamites des contrats lui assurant plus d'un gnie des thés de l'An-
demi-million de pieds sur lesquels la taille fut nam, anciens établis-
pratiquée, et elle fit en même temps une de- sements Lombard.
mande de concession qui ne lui fut accordée et Cie, avec siège
qu'en juillet 1896, à cause des lenteurs admi- commercial en
nistratives de cette époque-là et dont elle ne France.
put, pour ce motif, commencer la mise en Ces diverses trans-
-valeur qu'en 1897. formations, succes-
C'est en 1896 que cette Société construisit sivement amenées
l'importante usine de Phu-Thuong, sise à par l'expérience et
Xuanloc, au centre des premiers jardins qu'elle les connaissances
avait achetés aux Annamites.' Pour atteindre pratiques de M. Lom-
complètement son but et produire un thé con- bard et de l'un de
forme au goût de la consommation française, ses associés, M. Hu-
elle s'adjoignit, au prix de sacrifices considéra- gon, font que l'Indo-
bles, dès préparateurs spéciaux du nord de la Chineestdotée main-
Chine. tenant d'une exploi-
C'est à partir de 1899 qu'elle donna un tation de thé pou-
grand développement à son exploitation ; tant vant rivaliser avec
par l'accroissement de ses plantations que par les plus importantes
les contrats nouveaux qu'elle a passés pour tous de Ceylan et de Chi-
les jardins plantés par les propriétaires anna- ne, et que, par son
mites, elle est arrivée à s'assurer la production installation toute ré-
de plus de trois millions de pieds de thé. Elle a cente, avec les appa-
même étendu l'action de son activité jusqu'à reils les plus perfec-
Tanky, dans la région de Ha-Dong, province de tionnés, avec un agencementtout moderne, elle Souchong et autres renferment une proportion
Quang-Nam. Entre temps, elle créa deux usines a rétabli la vieille réputation des thés impé- de caféine oscillant entre 2 et 3,5 0/0.
secondaires au milieu des plantations ; ceci afin riaux, de ceux que jadis la cour impériale de Cette comparaison démontre amplement que
d'éviter un trop long transport des feuilles Chine seule consommait. le thé de l'Annam est infiniment plus riche en
vertes jusqu'à l'usine de Phu-Thuong. Nous avons les meilleurs crus de vin qu'on principe actif, et qu'il offre cet avantage que,
tout en coûtant le même prix, il revient à deux
fois moins cher, puisqu'on peut employer à
l'infusion une fois moins de thé pour obtenir le
même breuvage.
A l'appui de notre appréciation sur l'œuvre
accomplie par M. Lombard et ses collabora-
teurs, nous citerons textuellement ce qui suit,
extrait du rapport de M. P. Doumer sur l'Indo-
Chine (1897-1901) :
« La colonisation a eu, en Annam surtout,
« un essor presque
inespéré. Le nombre et
(c
l'importance des entreprises faites dans ce
« pays est
déjà important : ce sont peut-être
« les plus belles et les plus intéressantes de
«
l'Indo-Chine. Les noms de M. Lombard, de
« Pérignon, etc., sont connus de tous. Les ca-
(l
pitaux engagés par eux, les efforts intelligents
«
qu'ils ont faits, sont considérables; les résul-
« tats
obtenus font honneur à la colonisation
«
française. »
Ce jugement porté sur cette entreprise est
mérité. La culture et la préparation ne sont
Aujourd'hui, elle possède une usine centrale à pas, comme on serait tenté de le croire, chose
ne peut imiter quoi qu'on fasse, nous avons facile, et en qualifiant « d'efforts intelligents,
Tourane, dirigée par des préparateurs spécia- avec les cafés de la Guadeloupe un café supé- considérables » cette grande exploitation créée
listes chinois pour le triage, tamisage, parfu- rieur au moka, avec les cafés de la Nouvelle- de toutes pièces, M. Doumer n'a pas exa-
mage, caissage, etc. Le roulage, au lieu de se Calédonie un café de qualité sinon supérieure, géré.
Qu'on en juge par ces quelques renseigne- Voici les statistiques douanières dont nous douane à leur importation en France, serait-ce
ments : avons parlé plus haut : trop de demander de les trailer tous sur le
Le thé se reproduit par graines en pépinière; même pied ?
Thés étrangers Thés Annam Total de la
on a soin de faire les semis très épais, parce consommation Alors que les poivres jouissent, pour une
que la plupart des graines ne donnent pas de partie de leur importation, d'une exonération
-
française-
résultat. Les plants ne doivent être ombragés 1895. 128.525 kil. 3.176 kil. ' 731.711 kil. complète, alors que les cafés ont été favorisés
par aucun arbre ; ils doivent recevoir en plein 1896. 160.512 — 5.023 - 765.535 — d'une réduction de droit de 20 francs par
les rayons du soleil. On attache, pour les qua- 1897. 767.412 — 7.199 — 774.611 — 100 kilog., le thé de l'Annam, par un oubli in-
lités supérieures, une très grande importance 1898. '822.416 — 12.739 - 825.155 — concevable, continue à être frappé du droit
1899. 835.421 — 44.336 — 879.763 —
à la nature du sol, à l'exposition, conditions 1900. 962.395 - 130.931 — 1.093.326 — entier de 1 fr. 04 par kilog. Il devrait tout au
qui sont remplies dans les jardins cultivés en 1901. 159.555 — 102.263 — 861.818 — moins ne payer que 0 fr. 58 par kilog. comme
Annam. 1902. 797.143 — 141.410 — 944.553 — le café, et cette nouvelle réduction serait d'au-
La cueillette ne s'opère que lorsque l'arbre a 1903 1.020.100 —
tant plus raisonnable qu'elle récompenserait
trois ans de pousse. Elle a lieu habituellement Nous ajouterons à ces statistiques les chiffres les Français qui n'ont pas hésité à créer une
trois fois par an et l'état de la température, au en kilog. livrés aux troupes de l'Indo-Chine de exploitation nouvelle qui exige beaucoup plus
moment de la cueillette, est un point important. 1898 à 1903 : d'intelligence et de capitaux.
Un ouvrier exercé, arrachant les feuilles une à On ne devrait pas oublier que le thé est une
1898 10.000 kil.
une, peut en ramasser de 5 à 6 kilog. par jour, et 1899 18.000 — boisson hygiénique par excellence, que tout le
c'est pour que l'arrachage s'opère avec soin 190 0 40.000 - corps médical le recommande spécialement
qu'on maintient la hauleur des plants à un 1901 35.000 — dans les cas de dysenterie, d'entérite; que dans
mètre ; l'Annamite est de petite taille et il fallait 1902. : 37.000 — les périodes de chaleur il s'impose, surtout
lui faciliter son travail. 1903
........................... 40.000 —
quand l'eau alimentaire est contaminée e.t
La préparation est une opération extrême- Ces chiffres sont très suggestifs et leur pro- qu'elle exige une ébullition parfaite; qu'il est
ment délicate, qui exige des soins, de l'expé- gression constante prouve comment les thés de un grand véhicule du sucre, aliment d'une
rience et d'où dépend le mérite de la marchan- l'Annam et particulièrement ceux préparés par grande puissance énergique et thermogène.
dise. C'est en cela que l'installation de la Société cette Société sont appréciés. Le général Dodds.
Lombard est de premier ordre. On apporte les ex-commandant en chef des troupes de l'Indo- Le Cacao.
feuilles cu.e illies
dans des hangars De la statistique que nous publions à la fin
bien aérés ; on les de cet article, il résulte que nous payons an-
étend en couches nuellement un tribut de 36 à 38 millions de
minces sur des francs aux colonies anglaises et portugaises et
plateaux de bam- - aux Républiques de l'Amérique du Sud qui ne
bou ; on les y laisse sont autres que des colonies espagnoles ou por-
jusqu'à ce qu'elles tugaises. Pourquoi, depuis que nous possédons
soient devenues un des colonies, ne sommes-nous pas arrivés à
peu molles. On les nous débarrasser de cet énorme tribut, alors
fait sécher en les que toutes nos colonies ou à peu près, nous
posant sur des pla- exceptons bien entendu l'Algérie et la Tunisie,
ques de métal pla- peuvent produire cette précieuse denrée? Pour-
cées sur des four- quoi les conseilleurs de plantations de va-
neaux, et on agite nille, au lieu de faire miroiter inconsciemment
les feuilles avec les et ingénument les bénéfices fantastiques d'une
mains jusqu'à ce culture dont la consommation des produits sera
que la chaleur soit forcément toujours limitée et qui, dans tous les
insupportable. Il cas, ne peut que lentement progresser, pour-
en sort pendant quoi, disons-nous, ne pas avoir poussé aux
cette demi-cuisson plantations du cacaoyer, dont la culture et la
un suc âcre et gri- cueillette n'exigent aucune connaissance pra-
sâtre ; on enlève tique de la part de l'indigène, ni même un tra-
ensuite les feuilles, vail excédant ses goûts prononcés pour le far-
on les répand sur niente?
des nattes, on les Le café ne s'acclimate pas bien partout, même
froisse, on les agite quand les conditions climatologiques paraissent
dans des corbeilles être convenables ; dans tous les cas, il exige de
pour qu'elles s'en- la part de l'indigène une cueillette rationnelle,
roulent et frisent. qui doit être surveillée, et une préparation dont
Cette opération se seuls sont capables des indigènes amis du tra-
répète trois ou vail ou entraînés au travail. Le cacao, au con-
quatre fois s'il le faut, jusqu'à ce que toute Chine, dans son rapport général, s'est plu à en traire, est une culture très facile, qui ne de-
l'humidité ait disparu. Nous venons de dire que reconnaître la supériorité. mande aucun travail pénible ou compliqué, et
le roulage s'effectuait à la main, c'est là la Si l'année 1900 fait ressortir un chiffre plus pourvu que le terrain choisi par le planteur soit
manière chinoise; mais la Société Lombard y élevé, cela provient de ce que, cette année, cette riche en humus et que les conditions climaté-
a substitué le roulage mécanique qui est plus maison a fourni le thé aux troupes du corps riques, dont nous parlons plus loin, soient rem-
propre et plus régulier. expéditionnaire de Chine, soit 15.000 kilog. A plies, le succès certain est au bout". Et pas d'aléa
Lorsque les feuilles ont été frottées et enrou- leur retour de l'expédition et à leur passage à craindre ; nous importons annuellement 40 à
lées avec beaucoup de délicatesse, lorsqu'elles à Saïgon, le général Voyron, commandant en 42 millions de kilog., sur lesquels nous consom-
ont été complètement séchées, on procède au chef, et M. Sainte-Claire Deville, commissaire mons 20 à 21 millions de kilog., et notre produc-
triage ou à la séparation des qualités ; au cri- de la Marine, chef des Services administratifs
blage, afin de séparer, au .moyen de treillis de du corps expéditionnaire, ont déclaré au Gou-
bambous, les feuilles des brins de tiges ; au vernement général de l'Indo-Chine que :
vannage, pour chasser la poussière et les corps « La maison Lombard avait
rendu un grand
étrangers; au tamisage, qui a lieu dans des «
service aux troupes en leur fournissant le
tamis très fins. «
thé, qu'elles l'avaient trouvé très bon et
La torréfaction, qui s'opère sur des fourneaux, «
qu'elles étaient arrivées à préférer ce thé au
est la partie la plus difficile de ce travail. Un «
thé de Chine, bien qu'on se trouvât à ce
degré de trop ou bien un peu d'insuffisance « moment en
plein pays de produclion. »
altère la qualité. C'est pourquoi la Société Lom- Quel plus bel éloge pourrait-on faire que
bard a tenu à s'adjoindre des spécialistes chi- celui-là ?
nois. Le thé noir, c'est-à-dire celui qui a été le En fait, dans notre colonie de l'Indo-Chine,
plus torréfié, subit une dernière opération, celle on ne consomme plus guère que ce thé, et
de l'étuvage ; les feuilles sont placées dans des MM. Lombard et Cie sont les seuls fournisseurs
paniers de bambous sous des brasiers de char- des administrations, des troupes et des hôpi-
bon, à l'abri de la fumée et des cendres. taux. Il est à espérer que, leur production se
On voit par ces multiples opérations combien développant, les consommateurs de la métro-
la préparation du thé est délicate et combien il pole ratifieront cette appréciation donnée par
fallait de volonté et de persévérance pour créer, des autorités compétentes et des connaisseurs
dans un pays acquis tout nouvellement, une in- et. fins gourmets.
dustrie de cette nature et lui donner tout le dé- En traçant le tableau de la slatistique doua- Lion coloniale atteint péniblement 1 million de
veloppement qu'elle comporte. nière, nous sommes amenés à faire une remar- kilog. Garantis par une réduction de droit de
En 1902, la Société Lombard a livré à la con- que peu édifiante et qui montre combien nos douane de 52 francs par 100 kilog., nos coloniaux
sommation française 265.000 kilog. dans lesquels diverses productions coloniales sont traitées sont à l'abri de la concurrence étrangère. En
sont compris environ 40.000 kilog. fournis aux avec une dureté de marâtre par la métropole. outre, ce n'est pas un produit de luxe comme la
troupes de l'Indo-Chineet les quantités expédiées Outre qu'il serait de toute justice d'exempter vanille, c'est un produit essentiellement indus-
aux autres colonies. tous les produits coloniaux de tout droit de triel et de consommation courante, et comme la
fabrication du chocolat prend chaque année Il fournit de .30 à 50 cabosses au minimum. Il elles ne peuvent plus germer et elles se con-
une nouvelle extension et que la production est d'usage de planter de 575 à 6"25 arbres par servent longtemps ; on reconnaît que la dessic-
générale du cacao n'augmente pas, les planteurs hectare. Suivant l'âge, le rende-
peuvent compter que les cours actuels qui sonl ment en amandes par arbre est
très rémunérateurs se maintiendront au même de 0 kg. 650 à 3 kg. 500, et
niveau pendant encore de longues années. dépasse même 4 kilog. dans les
Toutes ces raisons sont des encouragements terres riches ; par hectare, le ren-
pour nos colons, surtout pour ceux de la Côte dement moyen est de 1:250 kilo-
occidentale d'Afrique, du nord de Madagascar, grammes.
du groupe des Comores, de la Martinique, de la On entoure souvent les ca-
Guadeloupe et de la Guyane. caoyers de bananiers, de citron-
Nos colonies de la Côte occidentale d'Afrique niers et d'autres grands arbres
sont particulièrement celles où cette culture est pour les garantir du vent: dans
certaine de réussir et de donner des résultats les intervalles, pour les garantir
financiers brillants. Outre que les bonnes terres dans leur jeune âge de la trop
ne manquenl pas, qu'elles ne coûtent rien, puis grande ardeur du soleil, on plante
qu'on y obtient facilement des concessions gra- des bananiers qu'on enlève en
tuites, on ne doit éprouver aucune difficulté à partie au bout de cinq ou six
trouver la main-d'œuvre nécessaire malgré la ans. Dans ces mêmes intervalles ,
paresse proverbiale de l'indigène. on cultive aussi du manioc, des
Il y a plusieurs espèces de cacaoyer, mais la concombres, des patates et autres
plus répandue est le Theobrama cacao; c'est plantes vivrières qui viennent
celle qui est généralement cultivée dans nos diminuer d'autant les frais de
colonies. première culture et d'attente.
Le Theobrama cacao est un arbre de 5 à L'abatage des cabosses se fait
10 mètres à racines pivotantes dont le port peut au moyen de la gaule ou d'une
être comparé à celui de nos cerisiers; il exige, lame montée sur un long man-
par conséquent, un sol profond. Le pivot s'en- che: c'est un travail peu pénible
l'once parfois à plus d'un mètre ; si la couche de pour l'indigène. Les cabosses
terre n'est pas profonde, la croissance de l'arbre sonl ouvertes par des femmes
peut se trouver arrêtée et la destruction s'en- ou des enfants qui retirent les
suit. Les feuilles sont longues ; elles ont de graines à l'aide de spatules en
0 m. 20 à 0 m. 30 de longueur sur 0 m. 07 à bois. C'est donc, comme nous
0 m. 10 de largeur. Les fleurs sont, d'une cou- venons de le dire, une besogne de
leur jaunâtre ou rougeâtre; elles sont tantôt lazarone qui convient parfai-
isolées, tantôt réunies en fascicules : elles pous- tement à la paresse innée du
senl à l'aisselle des feuilles, sur les grosses nègre africain. La difficulté, si
branches et sur les troncs. Les fruits qui leur difficulté il y a, c'est dans la
succèdent sont des grosses baies de forme création des cacaoyères. Ici il
ovoïde, longues de l'l à 20 centimètres. Ces faut défricher et planter, mais
fruits, vulgairement appelés cabosses, renfer- comme en somme ce n'est pas
ment cinq loges contenant de 25 à 40 graines un travail très fatigant et qu'il
rangées symétriquement à plat les unes contre peut être mieux rétribué, il est
les autres. assez facile de se procurer la
Le cacaoyer fleurit et fructifie en toule sai- main-d'œuvre utile. Il est à re-
son; onvoiten môme temps, sur le même arbre, marquer que quand l'arbre a
des boutons, des fleurs épanouies et des cabos- atteint sa croissance, la plantation
ses. Il ne fleurit qu'à la troisième année, mais n'exige plus que quelques soins.
pour obtenir une meilleure croissance on sup- Les graines, aussitôt qu'elles ont été retirées cation est complète lorsqu'elles éclatent
en les
prime la fleur. Ce n'est qu'à la cinquième année de leur cabosse, subissent une préparation qui a serrant dans la main.
t
pour bu de développer, par un Les conditions climatériques reconnues in-
commencement de fermentation, dispensables pour qu'une cacaoyère soit pros-
le principe aromatique, aux dé- père sont que la température moyenne des
ne
pens des principes àcres qu'elles cende pas au-dessous de 25 à 26°, qu'il y ait
renferment au moment de la une chute de pluie annuelle, répartie, d'au moins
cueillette. La fermentation se 1.800 à 2.000 millimètres, ou à défaut, si les épo-
fait de deux manières, par le ques de sécheresse sont susceptibles de se pro-
terrage ou dans des caisses de longer, qu'il y ait une irrigation suffisante. Sur
formes diverses. Le terrage, qui la Côte occidentale d'Afrique, les terres qui
est le mode le plus commu- remplissent ces conditions sont nombreuses et
nément usité, se pratique ainsi : il n'y a aucun doute que les capitaux qui favo-
on creuse dans le sol des fosses riseraient de pareilles exploitations seraient
peu profondes ; on y met les certains de réaliser de gros bénéfices. D'ailleurs,
graines qu'on recouvre d'une pour être plus affirmatifs. nous nous sommes
légère couche de sable, et on renseignés près d'un praticien de longue date,
les laisse ainsi pendant trois M. Albert Daudy, de Paris, et, lui ayant soumis
à
ou quatre jours, en ayant soin nos estimations, nous lui avons demandé ce
de les remuer de temps autre. qu'il en pensait. Il nous a répondu que nous
On les enlève ensuite, on les étions dans la vérité que les différences ne
dépouille de la pulpe qui les en- pourraient être qu'insignifiantes,
suivant les ré-
veloppe, et on les étend au gions et suivant qu'on aurait à débrousser ou à
soleil sur des nattes de jonc déboiser, que les frais d'exploitation seraient
pour les faire sécher. d'autant moins réduits qu'ils s'appliqueraient
L'autre mode de fermentation à une cacaoyère d'une grande étendue.
se fait ainsi: dans de grandes Dépenses moyennes par hectare
caisses rectangulaires divisées
des cloisons d'une Achat de terre (nul, concession gratuite) fr.
par et conte- Abatage, arrachage des racines ou déhroussement... 500
»
» 269.572 estimé. Mais qui nous dit que nos colonies ne tière. Il faut que la production coloniale fran-
233.112 ;j3.65!1 286.681 63.209
1899
1900 235.817 42.079 277.896 171.288
349.890
449.<84 seraient pas à même d'en produire un sem- çaise non seulement se maintienne en bon rang
1901
....... 234.750 43.435 278.185 178.018 456.204 blable? mais encorequ'elle augmente et se perfectionne.
265.964 529.443
190 2 248.254 17.710
22.921 301.1 12
263.481
352.088 653.200 A l'Exposition universelle de 1900, M. Daudy
avait exposé des caoutchoucs dela Côte d'Ivoire
278.191
190 3 ........ Le Sucre.
Le Caoutchouc. dont la coagulation avait été obtenue par le
même procédé que celui des seringueros du Il a été tant de fois parlé du sucre qu'il est
Le caoutchouc occupe maintenant une place Brésil, l'enfumage. Ces caoutchoucs étaient superflu de s'étendre sur ce produit important
importante dans les transactions coloniales fran- comparables au Para et leur valeur fut estimée pour nos colonies et que chacun connaît assez
çaises. au même prix que celui-ci: Il fr. 50 le kilo- peut que nous nous dispensions de donner des
Mais son exploitation est encore fort loin gramme. Il serait donc fortement à souhaiter renseignements techniques.
de ce qu'elle pourrait et devrait être. La con- que le procédé de coagulation par l'enfumage Les colonies qui produisent du sucre de canne
sommation industrielle en France ayant été en lut répandu parmi les indigènes de l'Afri- sont la Guadeloupe, la Martinique, le groupe
1902 de 6.217 tonnes, nos colonies de la Côte que. des Comores, la Réunion, qui expédient leur
occidentale d'Afrique ont à elles seules fourni C'est celui qui donne les meilleures sortes fabrication. Viennent après l'Annam, dont la
cette même année 3.004 tonnes. Les mêmes colo- commerciales et qui permet aussi d'obtenir le production de 15.000 tonnes est expédiée,depuis
nies ont exporté en 1903 un total de 4.296 ton- plus grand rendement 85 0/0 au lieu de 75,
:
le nouveau régime financier, à Hong Kong pour
nes. 70 et 65 0/0. Il suffirait de bien peu d'efforts ètre raffinée, et ensuite Madagascar, qui com-
La progression est intéressante, et il faut pour répandre l'usage de ce procédé. mence à produire pour sa propre consom-
reconnaître que la création du marché à Bor- Il a été question dans la Dépêche Coloniale mation.
deaux a eu la plus heureuse influence sur l'im- des procédés industriels d'extraction du caout- C'est une culture qu'il n'est pas besoin de
portation en France des quantités toujours chouc conlenu dans les écorces de lianes ou les développer, la surproduction européenne étant
plus grandes nécessaires à l'industrie fran- racines d'herbes à caoutchouc. Nous n'y revien- un fait connu. Il n'y a qu'en Annam où elle peul
çaise. drons pas. Rappelons seulement que l'explora- être rémunératrice, surtout si on fondait une
Il est visible que notre production coloniale Leur A. Chevalier a estimé à 2.000 tonnes par an raffinerie. Le Chinois et le Japonais sont de gros
tend à alimenter entièrement notre industrie. la production possible du caoutchouc des herbes consommateurs et une création de cette nature
Le marchébordelais, de création récente (1898). dans les seuls états de Snoussi (centre afri- serait à même de réaliser de gros gains, nonobs-
de 51.000 kilog. est arrivé en 1903 à 1.113.000: cain). tant la concurrence de Hong-Kong qui est cÓn-
traint de faire venir de partout sa matière pre- vanille, voulant se garer de ces soubresauts qui Nos producteurs, mal renseignés, s'imagi-
mière. lui imposent dans les années de pénurie de très nant que ces prix de disette se perpétueraient,
gros sa- ont augmenté leur production ; les professeurs
crifices, a de culture et les propagandistes coloniaux,
cherché animés de bonnes intentions, mais mauvais éco-
un succé- nomistes, s'imaginant de leur côté que ces
dané hauts prix étaient normaux, ont conseillé aux
qu'ellè a nouveaux colons de Madagascar .et d'ailleurs
cru trou- de s'adonner principalement à la culture de la
ver dans vanille comme devant produire des bénéfices
la vanil- énormes. Résultat :,en quelques années, la pro-
line. duction totale, qui oscillait, selon les années,
Entre entre 90 et 120.000 kilog.,a atteint le chiffre fan-
les pro- tastique de 250 à 300.000 kilog. Et cela au mo-
ducteurs ment précisément où la consommation indus-
et les gros trielle tendait à se rétrécir. Une chute des prix
consom- était donc inévitable, et nous avons vu un mo-
mateurs, ment la vanille se vendre 15 et 18 francs le kilog.
il y a donc tête et queue, longueur moyenne de 16 à
contra- 18 centimètres par gousse.
riété d'in- Avec les plantations nouvelles qui ne sont
térêl. pas comprises dans les chiffres que nous venons
-
aux obstacles, n'ont pas douté du succès. La l'entrepôt et la manipulation de ses dattes,
ches et garnies intérieurement de flanelle. Dans richesse saharienne est désormais créée. Les qu'elle expédie dans le monde entier. Elle y
ces boîtes bien fermées, on introduit de l'eau oasis se succèdent les unes aux autres avec leurs fabrique également une excellente eau-de-vie
bouillante, et on entoure le tout de grosses palmiers-dattiers arrosés par la « seguia » (1) qui de dattes.
couvertures de laine. Maintenues dans cet état promène ses eaux et la vie dans tous les sens. Tel est aujourd'hui, au sud de Biskra, ce désert
pendant douze à seize heures, selon leur gros- Nous traversons l'Oued Djedi, le plateau aride qu'on croyait à jamais voué à la désolation. On
seur, on les retire pour les enrouler dans des de Chegga, nous longeons le Chott Melrigh, et en a fait un jardin, un pays de colonisation.
couvertures de laine eL les mettre à sécher au par delà le Chott nous entrons dans la « vallée Bientôt on y verra le coton, et un coton encore
soleil. Ce séchage dure trois ou quatre jours. de l'Oued Rirh » qui s'étend jusqu'à Temacine qui surprendra bien ceux qui se creusent la tête
Après quoi on les met sur des claies qu'on étale sur un parcours de 150 kilomètres.Nous sommes à résoudre un problème qui aurait déjà pu là
dans des endroits à couvert et bien aérés. Cette enfin à Touggourt,capitale de l' « Oued Rirh », recevoir en partie sa solution. Mais pour cela il
dessiccation dure deux mois. C'est au sortir de où se tient chaque semaine un marché dont est de toute nécessité qu'on cesse d'idéologuer,
l'étuve que le parfum et la belle couleur noire l'importance croît de jour en jour. de palabrer; il faut que les capitaux offerts
se sont développés. La dernière opération con- Cette vallée est une suite ininterrompue même gracieusement rapportent ; dans le feu de
siste dans le classement suivant la longueur, la d'oasis dont l'aspect verdoyant forme un con- l'action, on est plein de dévouement, mais un
mise en boîte de fer-blanc et des visites répé- traste saisissant avec la surface blanche du dévouementauquel on fait appel tous les ans est
tées, avant l'expédition, pour s'assurer que la Chott. Dans cette vallée, il existe une nappe un dévouement qui descend vite au-dessous de
vanille est de conserve. Les expéditions ont d'eau souterraine, fleuve bienfaisant qui a per- zéro.
généralement lieu à partir d'octobre. La prépa- mis la « Colonisation Saharienne ». Au début
ration a donc duré plus de cinq mois et a exigé de la conquête, on crut que la terre cultivable Le Liège.
des soins presque journaliers. de l'Algérie s'arrêtait aux monts de Blidah.
Nos belles dames et nos petits enfants voienl « Aujourd'hui,a dit un de
nosgrandsgéographes, Le liège est une substance végétale remar-
que ce n'est pas sans peine que nos compa- on sait que le steppe aura sa nation d'alfatiers, quable par son extrême légèreté, son élasticité
triotes d'outre mer arrivent à satisfaire leur joli de laboureurs, et nous prévoyons que ce qu'on et sa texture particulière qui, quoique poreuse,
péché de gourmandise que nous leur supplions irriguera du désert deviendra le jardin de la n'empêche pas, quand il est sain et de bonne
d'entretenir et de développer le plus qu'ils pour- France». C'est fait. Des hommes hardis, entre- qualité, d'être parfaitement imperméable aux
ront. prenants ont secoué ce Sahara mystérieux dont liquides. L'aspect et les propriétés de cette subs-
Les importations en France des quatre der- l'entrée semblait interdite aux entreprises euro- tance sont trop connus pour qu'il soit besoin de
nières années ont été, d'après la douane péennes et qu'on croyait voué à un abandon les décrire; mais il n'en est pas de même de son
éternel. Partout on creuse, on sonde. Par des origine, que ces caractères mêmes ne font nul-
1901 1902 1903
sondages artésiens, on amène à la surface ce lement deviner. Le liège est le résultat du déve-
204.800 k. 258.900 k. 289.100 k. fleuve souterrain qui répand tout autour de lui loppement hypertrophique que prend la couche
Huit premiers mois de 1904 (janvier à août) la richesse.C'est une œuvre coloniale d'un genre corticale sous-épidermique d'une espèce de
220.200 kilog.
:
particulieret menée à bien par l'initiative privée. chêne, appelée chêne-liège, qui croît principale-
En 1902, les sorlies (chiffres fournis par les OEuvre audacieuse s'il en fut, que cette créa- ment dans le nord de l'Afrique, dans le midi de
colonies mômes) ont été tion d'oasis nouvelles en plein désert, que ces la France, en Espagne, en Portugal et en Italie.
:
plantations de palmiers-dattiers! Cet arbre commence à fournir du liège à l'âge
Guadeloupe 8.643 k.
Le palmier-dattier (Phœnix daclijliferci) est de 12 à 14 ans; mais le produit des premières
Madagascar 12.919 »
un arbre dioïque, c'est-à-dire que les deux années est très poreux, d'une texture inégale, et
Mayotte et Comores
Réunion....... ,..,.,.. 45.848
71.436
»
» sexes sont séparés sur des pieds différents; la ne peut guère servir qu'à faire des objets gros-
Tahili.... U4.784 Il fécondation naturelle est incomplète et le culti- siers et à fabriquer le noir d'Espagne, qui n est
283.690 k. vateur procède à la fécondation. Il se reproduit autre chose que du liège brûlé en vase clos. Ce
par rejeton; au pied de tout palmier qui n'est n'est qu'à 25 ans que l'écorce est bonne à faire
Au Pays des Dattes. pas encore parvenu à une grande hauteur se des bouchons. La récolte a lieu tous les huit ou
trouvent plusieurs drageons; il suffit de détacher dix ans. On fait en haut et en bas du tronc deux
Pays des dattes! pays de caravanes, pays des un de ces drageons, de le planter, de l'arroser incisions circulaires qu'on réunit par une troi-
mystères. C'est le Sahara, l'immense Sahara régulièrement; la cinquième année, le palmier sième incision perpendiculaire. La reproduction
avec son océan de sable, avec ses palmiers aux femelle commence à produire, mais ne donne a lieu au bout de peu de temps et le même
dattes pendantes. de rendement sérieux que vers la quinzième arbre peut fournir dix à douze récoltes. Dès que
année. Il supporte sans l'écorce est enlevée, on l'étend dans l'eau et on
inconvénient les tempé- la charge de poids pour la redresser et lui don-
ratures extrêmes de climat ner la forme d'une grande plaque; puisflexibi-
on la
excessif (-40 à + 48°) où sèche lentement, afin de lui conserver sa
il se développe. C'est ce lité. On obtient ainsi ce qu'on nomme dans le
qui fait dire à l'Arabe commerce le liège en tables ou en planches ; ces
qu'il a « les pieds dans l'eau tables ont ordinairement 1 m. 50 de long sur
et la tète dans le feu ». Les 0 m. 50 de large; leur épaisseur dépasse rare-
pays où il croît sont très ment 0 m. 05.
restreints; on ne le ren- La principale application du liège consiste
contre qu'en Perse, en dans la fabrication des bouchons. Les Grecs et
Egypte, en Tunisie et en les Romains connaissaient cet emploi, mais ne
Algérie. le pratiquaient pas. L'usage des bouchons de
La datte est pour le liège ne s'est répandu qu'au xvnc siècle, en
désert ce qu'est le blé même temps que celui des bouteilles de verre
pour l'Europe, le riz pour dont il n'est fait mention nulle part avant le
les Indes, le manioc pour xve siècle.
l'Amérique. C'est le fruit L'Algérie est grande productrice de liège,
par excellence, l'aliment mais nous en importons beaucoup d'Italie, d 'Es-
le plus général, c'est un pagne et du Portugal., Le Maroc en possède
grand objet de consom- beaucoup, au dire de tous les explorateurs. Il
mation et d'échange. nous appartient de profiter de notre situation
Parmi ceux dont l'ini- désormais prépondérante dans ce pays pour en
tiative est hautement à faire la récolte qui sera certainement féconde
citer sont M. Rolland, dans ses résultats, surtout maintenant qu 'on a
ingénieur en chef des la possibilité d'utiliser le liège mâle, c'est-à-dire
Mines, et M. le marquis la première écorce, avant démasclage. Autrefois
de Courcival, ancien offi- cette première écorce était presque perdue ; au-
cier d'Afrique, qui ont jourd'hui elle sert à faire des agglomérés de
Nous arrivons à Biskra.la «Reine des Zi- fondé, en 1881, la Société agricole et indus- toutes sortes, elle sert d'emballage pour les
ban » (1), aux ksour (2) qui l'environnent avec trielle du Sud-Algérien. Cette Société à elle fruits, etc... Les frais du premier décorticage se
ses oasis. Au-dessous de Biskra, plus loin, là- seule a créé de toutes pièces trois grandes oasis trouvent donc couverts et cela permet d'attendre
bas, c'est le « pays de la soif », c'est l'océan et trois villages à Ourir, à Sidi-Yahia et Ayata; la seconde écorce qui est celle qui a une véri-
elle a foré onze puits artésiens jaillissant d'un table valeur, mais qui ne se reproduit qu 'à six
(1) On nomme Ziban, la réunion des Zab Guebli, Zrtb Daha- débit de plus de vingt-quatre mètres cubes par ou huit ans d'intervalle.
raoui et Zab Chergui, groupes d'oasis situées au sud de Biskra minute, défriché et mis en valeur plus de 400 hec- L'exploitation la plus ancienne et la plus im-
et au nord de l'Oued Diedi et des Chotts. portante d'Algérie est celle de la Société ano-
(2) Ksar, en langue arabe; ksour au pluriel. (1) Seguia, canal d'irrigation.
nyme fusionnée des Lièges des Hamendas et de ces explications, on voit que la défaveur dont et fructueuse exploitation forestière. Pour s'en
la Petite Kabylie, département de Constantine. sont marqués les rhums de la Guadeloupe est convaincre, il suffit de comparer l'exploitation
Malgré les difficullés du début, elle a pu se dé- iniuste et Que. en réalité, le rhum de la Marti- intensive et méthodique des bois de teck dans
nique vendu à la consom- les forêts de l'Inde (Iraouaddy) avec l'exploita-
mation provient aussi bien de tion qui est pratiquée à la Côte occidentale
l'une que de l'autre colonie. d'Afrique par exemple. Là sont heureusement
Si la Guadeloupe souffre combinées les forces mécaniques et les forces
d'un jugement de défaveur animales ; le rail serpente dans la forêt, épou-
immérité, la Martinique souffre sant toutes les inflexions du terrain et suppor-
encore bien plus de la con- tant un déplacement facile ; les animaux, bœufs
currence déloyale, frauduleuse et éléphants, traînent, charroient, transportent
qui se fait en France. On des troncs volumineux que la scie mécanique
vend sous son nom une mix- équarritavec économie de temps et de matière.
ture innommable composée de Ici cinquante ou cent noirs sont attelés à l'aba-
mauvais alcool de toute nature tage et au tronçonnage sü'!" place, puis roulent
et d'essences concentrées, et péniblement sur des chemins tortueux, halant
on se demande quand et com- ou poussant dans un mouvement peu ordonné
ment le Français/boit du rhum qui exige de fréquents repos ; pour le flottage,
pur, garanti d'origine, malgré il faut attendre les eaux hautes, et sur le rivage
les promesses pompeuses des même on équarrit grossièrement à l'herminette ;
étiquettes. Cette falsification enfin les embarquements se font la plupart du
éhontée nuit considérablement temps par-dessus ou à travers la barre.
à nos colonies et il serait Le jour où l'exploitation forestière coloniale
temps que des mesures fussent serait dotée d'un bon outillage, la valeur de la
prises pour la faire cesser. matière exploitée et exportée augmenterait
Nous n'ignorons pas qu'il est dans de fortes proportions, tant à cause de la
difficile de sévir, surtout quand longueur plus grande des troncs qu'à cause de
les intéressés ne se plaignent leur cubage en hauteur et épaisseur.
pas et se contentent de gémir Quand on ljt les descriptions de forêts avec
sur leur sort. Cependant, si les mensurations énormes que l'on a pu y faire,
les coloniaux voulaient former on se prend à rêver et à concevoir des meubles
velopper progressivement et, grâce àune habile un syndicat de défense et joindre leurs efforts à luxueux sculptés d'une seule pièce à même
direction, devenir ce qu'elle est aujourd'hui, ceux des vanilleurs dont le sort n'est non moins dans ces troncs formidables, meubles de palais
c'est-à-dire une Société riche et puissante. Nous meilleur, nul doute qu'ils arriveraient à émou- féeriques, gloires possibles de l'art de l'ébé-
donnons la vue d'une de ses usines, celle de voir le public et à obtenir des législateurs aide niste ! Boulle découpant, sculptant, polissant
Bessombourg. et protection. Et si même on jugeait inutile de et incrustant ses merveilleuses tables sorties de
légiférer à ce sujet, on pourrait au moins exiger troncs monstrueux! On a vu à l'Exposition de
Le Rhum. qu'on appliquât les articles du Code qui punis- 1900 des tables rondes de plus de deux mètres
découpées à môme l'arbre gigantesque, mer-
sent ceux qui trompent sur la nature du produit
Le rhum nous vient de la Martinique, de la vendu. veilles d'ébénisterie « nature » sur lesquelles on
Guadeloupe et de la Réunion, mais, par une Le rhum est le produit de la distillation de la aimerait à poser sa plume et son encrier.
anomalie inexplicable, le consommateur ne con, mélasse du sucre de canne. Il est incolore, Quelle était la valeur de ces tables comparée
naît que le rhum de la Martinique. Pour lui. comme d'ailleurs toutes les eaux-de-vie de vin; à celle des tables que nous connaissons, plan-
celui de nos deux autres colonies est absolu- sa saveur est piquante et agréable et devient, ches assemblées entre lesquelles le temps et la
ment inconnu ou peu s'en faut. Et cependant, la avec le temps, plus aromatique et résineuse. La dessiccation creusent des fentes profondes?...
fabrication de la Guadeloupe est aussi impor- coloration se fait avec du caramel, et pour don- L'exposition permanente des bois coloniaux
tante que celle de la Martinique. Mais nos im- ner la teinte dorée et la saveur particulière dans nos musées spéciaux se fait en général à
portateurs et quelques maisons de gros en spi- recherchées par le consommateur, on y ajoute l'aide de pièces de petites dimensions, mor-
ritueux ont proclamé que le rhum de la Guade- soit une infusion de pruneaux, de clous de ceaux qu'on dirait volés chez le forestier indi-
loupe était de qualité inférieure à celui de la girofle, de goudron et surtout des râpures de gène ou chipés au coin de la forêt voisine. L'on
Martinique, et ils ont fini par imposer leur juge- cuir tanné. Autrefois, quand les fûts étaient comprendrait, au contraire, qu'un musée mé-
ment, ce qui ne les empêche pas de vendre l'un rares, on conservait le rhum dans des outres, ce tropolitain des bois coloniaux fût constitué de
qui à la longue lui donnait ce goût particulier pièces analogues à celle que M. Daudy expo-
pour l'autre. sait en 1900 au Pavillon de la Côte d'Ivoire :
Or, cet ostracisme d'un nouveaugenre est non de cuir. Or, le consommateur, croyant que ce
seulement injuste, mais illogique, et les faits goût était inhérent à la nature du rhum, l'a une bille d'acajou de 3 m. 50 de long sur 0 m. 75
eux-mêmes condamnent l'appréciation de nos exigé quand il n'a plus été fait usage des outres. X 0 m. 75 d'équarrissage ; une des faces simple-
prétendus gourmets. C'est l'ignorance dans la- Voilà pourquoi on y ajoute des râpures de cuir ment alignée,la deuxième rabotée, la troisième
quelle sont beaucoup de négociants en spiri- tanné. polie, la quatrième vernie:..
tueux sur la manière donl la distillation se fait Le tafia est le produit de la fermentation et de Les troncs innombrables de nos bois colo-
à la Martinique qui a créé cette opinion désavan- la distillation du jus de canne ou vesou. Généra- niaux qui ont une valeur artistique, s'alignant
tageuse à la Guadeloupe et' qui lui cause en lement, on ne fait aucune distinction dans le dans un vaste hangar, à un mètre de distance
l'espèce un grave préjudice. commerce de détail entre le tafia et le rhum ; les uns des autres, comme autant de piliers
La faveur accordée au rhum de la Martinique tout est vendu sous celte dernière désigna- frustes, donneraient à une telle exposition un
a eu pour résultat de pousser à la distillation, tion. aspect imposant et une valeur d'appréciation
et comme les distillateurs de cette colonie Voici le tableau des importations des trois der- considérable. L'ébénisterie française, l'art pari-
n'avaient pas à leur disposition assez de mélas- nières années : sien du bois trouveraient là, placés par ordre
de région coloniale, des éléments précieux de
ses pour suffire à leurs besoins, ils en achetaient 1903 i902 1901
comparaison et d'études capables finalement de
partout et particulièrementà la Guadeloupe. En leur donner la conviction 'souhaitable que nos
fait, la Martinique était devenue le dépotoir des Guadeloupe 32.181 21.132 14.920
mélasses des Antilles. Toute île environnante Martinique 45.076 61.072 81.117 colonies peuvent leur fournir ce dont ils ont
qui fabriquait du sucre lui vendait ses mélasses. Réunion et autres pays 18.473 26.539 14.404 besoin, et que Paris est placé pour importer
Le même phénomène avait lieu d'ailleurs en 95.730 108.743 110.441 leurs bois précieux. •
15 Novembre 1904 (4* Année). — N° 21. Directeur : J. PAUL TROUILLET Bureaux 12, Rue Saint-Georges, Paris
Adresse télégraphique : Deponiale Paris :
- Téléphone : 157-47
lie Cinquantenaire
de la prise de possession de la fiocivelle-Galédonie
Les Fêtes du Cinquantenaire.
A Nouvelle-Calédonie a célébré avec éclat
la date mémorable, 24 septembre 1853, à
laquelle, il y a cinquante ans, elle devint,
avec ses dépendances, colonie française.
Un programme de fêtes et de réjouissances
fut élaboré par un comité présidé par M. Rey,
secrétaire général du gouvernement, sous le
patronage du gouverneur de la colonie ; son
exécution n'a pas demandé moins de neuf
journées, pendant lesquelles la population
calédonienne ne cessa de manifester sa joie
patriotique avec un entrain qui ne s'est pas
démenti un seul instant au cours de ces neuf
jours qui constituèrent pour la Calédonie une
grande semaine.
A titre de curiosité, nous reproduisons le pro-
gramme de ces neuf journées :
PREMIERE JOURNEE
13 septembre.
TIRAGE DE LA TOMBOLA
Organisée par la Sous-Commission des finances et le
gracieux concours des dames de Nouméa, dans la
Salle des Fêtes de la Mairie.
DEUXIEME JOURNEE
14 septembre.
RAID DE ioo KILOMÈTRES
TROISIEME JOURNEE
19 septembre.
COURSES DE CHEVAUX
Hippodrome de Magenta, — Sous la p résidence d'hon-
neur de M. le Gouverneur.
CONCOURS HORTICOLE
REPRÉSENTATION THÉATRALE
BAL
QUATRIEME JOURNEE
20 septembre
COURSES DE VÉLOS
Au Vélodrome de VAnse-Vata. — Sous la présidence
dJhonneur de M. le Maire de Nouméa.
CONCOURS HORTICOLE
CINQUIEME JOURNEE
23 septembre.
CONCOURS HIPPIQUE
COURSES DE CHEVAUX
Hippodrome de Magenta (2e lournée).
GRANDE RETRAITE AUX FLAMBEAUX
Par les musiques et fanfares de la garnison et le
concours des Sociétés musical-es de la colonie.
SIXIEME JOURNEE
24 septembre.
Jour Anniversaire du Cinquantenaire.
Salves d'artillerie à huit heures du matin.
Cabinet du Premier Ministre. existé entre nous puissent longtemps se con- tion de votre colonie, notre Chambre prend
tinuer. avantage de la visite de M. J. M. Paxton, l'un
« Sydney, 15 septembre 1903. «
J'ai l'honneur d'être, de Votre Excellence, de nos membres les plus actifs, pour vous.
Excellence, le plus obéissant ser-
« viteur.
«
J'ai beaucoup de plaisir à introduire auprès JOIIN SEE, K.C.M.G,
de vous le porteur de la présente, M. J. Mait- «
Le Gouverneur a répondu :
«
Monsieur le Délégué,
«
Je désire tout d'abord vous-
souhaiter la bienvenue dans notre
colonie et vous dire combien la Nou-
velle-Calédonie est heureuse de rece-
voir en votre personne le représen-
tant du Common-\N-(,altli d'Australie.
Nous sommes particulièrement
reconnaissants au gouvernement du
commOInyealt h d'avoir bien voulu
choisir pour nous apporter l'expres-
sion de ses sentiments un homme
dont les brillants services sonl aussi
notoirement connus et dont la sin-
cère sympathie pour notre pays
s'est si fréquemment affirmée.
«
La population de la Nou-
velle-Calédonie ainsi que son Gou-
vernement sont profondément tou-
chés de la si courtoise et si amicale
attention qu'ont eue le Gouver-
sèche. La force productrice du sol calédonien arides de la Calédonie, les sécheresses austra- lées. Suivant les terrains où prennent leurs
est en désaccord avec son climat ; la sécheresse liennes, les famines de l'Inde et peut-être aussi
y paralyse l'action du printemps ; trop souvent
sources les rivières qui les ont formés, ces
le régime des inondations du Nil. L'insuffisance apports sont composés soit d'argiles et de gra-
les agriculteurs ont à déplorer la perte des flo- ou la force de la mousson du sud-ouest auraient- viers très fertiles, soit de terres ferrugineuses
raisons et voient s'évanouir leurs plus brillantes elles donc une action sur le climat de la colonie? et magnésiennes où végètent seulement des
espérances. Quant à la différence du climat des deux ver- fougères, des casuarinas et d'autres essence •
Ce n'est malheureusement pas tout. Le cli- sants de l'île, elle constitue un phénomène
mat calédonien est sujet à des alternances pério- sans valeur économique.
général dans l'hémisphère austral. Aux Guyanes Toutes ces formations ont été plus ou moins,
diques de sécheresses et de pluies que fait res- et au Brésil pluvieux sont adossés le Pérou, la percées ou disloquées par des roches éruptive&
sortir le relevé suivant : Bolivie et le Chili dont les versants occidentaux dont le rôle, prédominant dans-la formation des. ,
PÉRIODES ne connaissent pas la pluie. Il en va de même étonnantes richesses minières de la Calédonie, ~
Sèches Humides en Australie, à Bourbon, à Madagascar et même a été ainsi défini par un ingénieur calédonien,
Période pluvieuse de 1862 à 1864, qui
1°
paraît avoir fait suite à des années humides en Afrique, où au Natal suffisamment arrosé M.Cautry:
aussi, dont nous n'avons pas les chiffres; correspond sur la côte atlantique le désert de « C'est vers les éruptions de roches vertes,
Moyenne des pluies de ces trois années.
2° Période sèche de 1865 à 1869 ;
-. » 1.m145 l'Afrique allemande. anciennes, greenstone, diabase, roches à glau-
cophane, roches dioritiques, que nous trouve- -
Moyenne des 3 années.
30 Période pluvieuse de 1870 à 1876, moyen-
0.891 Le sous-sol. rons dans le nord de l'île les gisements d'or, de
ne de 6 années, 1874 manquant » im333 cuivre, de plomb argentifère, de zinc, etc.
40 Période sèche de courte durée (1877 et Les plus anciennes formations géologiques « C'est dans les roches porphyriques moder-
1878); moyenne des deux années
5° Période pluvieuse de trois années (1879 à
0.905 de la Nouvelle-Calédonie, constituées par des nes que nous trouverons les couches de char-
1881); moyenne 1m392
gneiss et des micaschistes, occupent la région bon.
6" Période sèche de 1882 à 1888; moyenne nord de l'île, de Pam à la rivière Ouaïème. (C
C'est dans les éruptions mélapbyriques que
des 7 années 0.864 Des schistes argileux et à séricite plus récents, nous trouverons dans les amas triasiques le
7° Période pluvieuse de 1889 à1.898 ; moyen-
ne des 9 années, 1892 manquant lra343
appartenant à l'étage supérieur des terrains manganèse, un peu d'or, de cuivre.
8° Période sèche de 1899 à 1903;
moyenne
primitifs, enveloppent ces premières assises à « C'est enfin dans les serpentines récentes
des quatre années déjà écoulées
............. 0.759 l'ouest et au sud, et descendent sur la côte Est que nous rencontrerons en si grande abon-
Dans ce laps déjà considérable de quarante jusqu'à Houaïlou, couvrant ainsi près du quarl dance le nickel, le cobalt, le chrome et le fer
années, on peut donc relever, réparties en huit de la colonie. hydroxydé. »
époques d'inégale durée: Au sud de Houaïlou, la côte Est et la pointe
18 années sèches avec une moyenne pluvio- méridionale de l'île tout entière sont formées Les Indigène?.
métrique approximative de 0 m. 850 ; sur plus de 600.000 hectares d'un énorme mas-
21 années pluvieuses à moyenne de 1 m. 300; sif serpentineux, dont d'imporlants lambeaux Les premiers navigateurs européens, venant
et, enfin, une moyenne générale d'environ se sont encore fait jour sur le versant ouest., de Taïti, ont tous abordé la Calédonie par sa
1 m. 107, chiffre très peu élevé pour un pays perçant les terrains secondaires qui, de Boulou côte nord-est. Le cap Colnett est le premier des
tropical accidenté et balayé par de fortes brises. pari à Voh, occupent toute cette partie de la promontoires que Cook découvrit, en 1774.
Bien différent est le climat de la côte Est de Calédonie. Des schistes feldspathiques ou cal- L'amiral Febvrier des Pointes, comme nous
l'île; elle reçoit régulièrement des pluies abon. caires et une zone carbonifère, divisée en plu- l'avons dit au début, s'établit à Balade, quelques
dantes dont bénéficient ses vallées du nord, sieurs bassins, caractérisent cette formation milles plus au nord. Et là, également, avaient
mais qui tombent malheureusement sans profil secondaire. déjà débarqué, dix ans auparavant, les premiers
sur l'étroite terrasse et les mines de sa partie L'étage tertiaire n'est pas représenté dans la missionnaires français, Mgr Douarre et les
sud. colonie. pères Rougeyron et Viard. Ils étaient accompa-
A quelle cause attribuer ces périodes irrégu- Les îles Loyalty, la zone annulaire qui cir- gnés du pionnier des colons calédoniens,
lières de sécheresse et d'humidité? conscrit le massif central de l'île des Pins, beau- M. Taragnat, dont la florissante postérité habite
D'où provient le contraste du climat des deux coup d'anciennes grèves de la côte ouest toujours la Nouvelle-Calédonie. Mmes de Son
côtes ? abandonnées par la mer sont constituées par neville et Guiraud, et leurs nombreux enfants.
Laissons à de plus éclairés et à de mieux ins- une formation corallienne émergée que tend Amicalement accueillis par Païama, grand
truits l'étude de ces questions. Bornons-nous, sans cesse à développer le travail des madré- chef de Balade, les missionnaires s'établirent
sur le premier point, à signaler aux personnes pores qui ont bâti l'immense récif servant de sur son territoire.
de loisir qu'intéressent ces utiles recherches, ceinture à la grande terre. Les indigènes avec lesquels les Européens
la relation qui paraît exister entre les années Des alluvions quaternaires occupent les val- entraient ainsi en contact sont des hommes de
l'âge de la pierre polie. Chaque tribu fabriquait cimetière de chaque famille. Cette religion n'a Navigateurs inexpérimentés et timides, lps
ses outils avec la serpentine ou la jadéite, ses pas toujours arrêté les amateurs de curiosités indigènes employaient des pirogues doubles,
casse-tête et ses sagaies avec des bois durs, les ethnographiques. Bien des crânes canaques ont réunies par une plate-forme et voilées avec des
projectiles des frondes avec la baryte. L'écorce nattes; mais ils ne s'aventuraient point en
été enlevés de leurs lieux de repos pour enrichir
du banian, les feuilles de pandanus ou de coco- les musées d'Europe. Ces violations de sépul- dehors du récif qui enceint l'île des Pins et la
Grande-Terre.
La faune calédonienne, d'une extrême pau-
vreté, ne comprenait qu'un mammifère, la
chauve-souris roussette, quelques espèces de
pigeons, des passereaux, et l'oiseau bizarre,
spécial à la colonie, que l'on appelle le cagou,
cet étrange échassier qui fuit, quand on le
chasse, avec une extraordinaire rapidité et en
poussant de véritables aboiements de chien.
La pêche, au contraire, est abondanle et facile
sur les côtes et le récif, et ses produits cons-
tituent le fond de l'alimentation animale des
indigènes.
Ils y joignent l'igname, délicate aux Loyalty,
grossière sur la Grande-Terre, mais partout soi-
gneusement cultivée, les noix de coco,la banane
dont les espèces fines et nourrissantes, néces-
sitant la cuisson, sont encore inconnues de la
plupart des colons, le ouaré (1), la canne à sucre
et enfin le taro. Cette dernière culture comporte
des travaux de dérivation d'eau et d'irrigation
continue dont la grandeur et les difficultés pro-
voquent l'admiration. La patate a été introduite
et toutes les tribus la cultivent aujourd'hui.
Aux époques de famine, si fréquentes chez
cette race imprévoyante, on avait recours aux
feuilles et à l'écorce de certaines plantes, à des
insectes immondes, sauterelles, chenilles, arai-
gnées, et à une terre bolaire, le silicate de
magnésie.
Comme tous les Océaniens,ils ont la pratique
du.tabou. Ils vénèrent aussi des fétiches de
pierre appropriés chacun à un objet spécial : la
réussite des ignames, la pêche abondante, la
pluie, la guéri&on des maladies.
Evaluer le nombre des indigènes qui vivaient
en Calédonie lors de la prise de possession est
absolument impossible. Vieillard et Desplanche
l'eslimaient, en 1862, à 42 480 âmes, dont 15.000
pour les îles Loyalty, et ce chiffre parait probable.
Maisdéjà, de leur temps,lapopulationétait en voie
de décroissance. Bien des maladies introduites
tier, les fibres de magnania servaient aux ture ont été considérées comme l'une des causes par les blancs, comme la phtisie, ou par les asia-
femmes à confectionner des nattes grossières, de l'insurrection de 1878. tiques, comme la lèpre, l'ont éprouvée depuis ;
des paniers, des filets, les ceintures dont elles La croyance aux esprits compatissants à les alcools et les vins frelatés ont encore accentué
ceignaient leurs reins, et ces manteaux contre l'homme ou malfaisants et le culte des ancêtres la dépopulation des tribus qui,depuis Boulari jus-
la pluie semblables à des toits de chaume qu'on constituent toute leur religion. Ils croient à qu'à Koné, est malheureusement évidente. Mais
retrouve jusqu'au Japon. Nous ne dirons rien
du surplus de leur vêtement, car la matière fait
défaut. La Calédonie est partout riche en argile
dont les popinées faisaient de grossières pote-
ries recouvertes d'un vernis de gomme de
kaori.
Le tonga, l'éléphantiasis, la phlisie, la lèpre
sont les maladies indigènes les plus communes,
malheureusement encore sans remèdes. Comme
tous les sauvages, les Calédoniens les attribuent
aux maléfices, et, pour leur guérison, ont recours
aux sorciers des tribus. Ce sont des hommes
intelligents et sans scrupules qui entremêlent
d'incantations et de pratiques magiques les
quelques procédés curatifs qu'ils connaissent :
la saignée des vaisseaux capillaires, la sudation,
les frictions d'herbes aromatiques, les ligatures,
la diète, la purgalion par l'eau de mer. Ils sont
particulièrement habiles à soigner les fractures,
sachant très bien remettre le membre cassé
qu'ils maintiennent dans des gouttières d'écorce
de niaouli et placent ensuite sous un courant
d'eau. Les malades mouraient rarement des
affections que le sorcier traitait; car, s'ils per-
daient connaissance ou passaient quelques jours
sans manger, l'usage était de leur clore la bouche
et lesnarinesetdeles faire périr par asphyxie. On
agissait de même envers les vieillards qui parais-
saient avoir assez vécu. Après une fête, au cours
de laquelle rien ne leur était refusé, ils étaient
conduits à une tombe préparée d'avance, où
leurs parents et leurs amis les égorgeaient en
cérémonie. Cette coutume se retrouve chez les
Indiens du Canada. Nombreux, d'ailleurs, sont
les rapprochements qui pourraient être établis
entre les populations océaniennes et les Peaux-
Rouges d'Amérique et, dans de certaines tribus
éloignées des centres, rien ne dit que les choses il n'en est pas de même sur tous les points de la
la survivance des âmes. Elles continuent à vivre
ne se passent pas encore ainsi. dans les cimetières, près de leurs crânes, ou colonie et nous n'avons pas à craindre de voir
Les indigènes ont pour leurs morts une sorte le peuple de nos tribus s'éteindre sous nos yeux,
de culte. Ils les ensevelissent dans des tombes dans un élysée sous-marin, On peut les évoquer
provisoires. Plus tard, les crânes sont détachés pour en obtenir assistance et c'est l'office d'une (1)Dioscorea aculeata. Ce tubercule très délicat est réservé
des corps et déposés avec cérémonie dans le catégorie spéciale de sorciers. aux chefs.
comme l'ont fait les aborigènes australiens. ment pour l'avenir de la race indigèné une avec quel argent poursuivra-t-on le chemin de
C'est surtout dans sa première période, déjà sérieuse menace. fer, d'utilité contestable, de Nouméa à Bourail,
traversée
.
je,
en Calédon que le contact de 1 Eu- Les causes de cette inégali-té. numérique des arrêté à la .Dumbéa, c'est-à-dire au quinze ou
ropéen est meurtrier pour l'indigène. Une sexes sont multiples. Bornons-nous à signaler seizième kilomètre, alors qu'il y en a plus de
administration vigilante peut écarter de lui bien le peu de soin pris des filles dont la naissance cent à construire !
des causes de destruction ou du moins les atté- est toujours mal accueilli^ les manœuvres . Avec quelles ressources dotera-t-on Nou- -
nuer. abortives dont les jeunes mères sont fréquem- méa du bassin de radoub et du wharf qui
En mettant fin aux guerres en Ire fribus, en ment victimes ; l'abandon des villages par tant lui sont si nécessaires?
conjurant les lamines, Le Conseil général
en combattantlesmala- vient de voter des
dies contagieuses, la taxes sur les mines.
France a déjà grande- Pense-t-on, sincère-
ment contribué à la ment, que ces taxes
préservation de la race vont remplir les caisses
dont elle a assumé la de la colonie ?
tutelle. Certains représen-
, Lesindigène.s, deleur tants, et non des moin-
côté, ne s'immobilisent dres, en doutent pen-
pas dans leur sauvage- dant que d'autres n'y
rie primitive.Peu àpeu, voient qu'une arme de
bien lentement il est - guerre imprudemment
vrai, ils s'initient à la. forgée contre les gran-
vie civilisée, leur mora- des Sociétés, — surtout
lité s'est développée en contre la Société le
bien des régions de l'île. Nickel, — sous le falla-
La vie de l'amille com- cieux prétexle de pré-
mence à naître chez eux munir le sous-sol calé-
et.aussi les notions de donien contre l'accapa-
prévoyance. Dans cel"- r-emenl. Comme toutes
taines tribus, bn _pla.nte les mesures qui 'sont
du café et du manioc issues d'une préoccu-
d'autres font du coprah, pation plus politique
élèvent du bétail, des qu'économique,les nou-
chevaux et des porcs, velles taxes minières,
prennent à contrat l'en- à supposer que le
trelien des barrières et —
ministre des Colonies
la cueillette du café des les ratifie, ce qui nous
colons, sont pour la po- surprendrait beaucoup,
lice et la voirie d'utiles
auxiliaires. — ne sauraient, à,elles
seules, dénouer la crise
Pour«certains indigè- grave dans laquelle se
nes peut s'ouvrir un débat la Calédonie.
plus large horizon. Il D'ailleurs, M. le gou-
en est déjà qui sont verneur Picanon ne
d'impeccables compo semble pas avoir en-
siteurs typographes : et . visage une éventualité,
disons aussi que certaines jeunes femmes des de jeunes femmes désireuses de vivre avec les cependant très logique, de la guerre qu'il a
tribus écrivent" aujourdhui notre langue avec blancs ; les fatigues imposées aux popinées, entreprise contre "les grandes Sociétés, celles
une délicatesse de sentiment et une pureté de croissantes en raison même de leur disparition de l'abandon partiel, d'abord, total ensuite,
style surprenantes.. successive. peut-être, de leurs exploitations.
Une ombre s'étend sur ce tableau. C'est 'la Telle tribu, comme Pounér.ihouen, compte ;
Et alors, pense-t-on vraiment que les. petits ,
disproportion actuellement existante entre le 687. hommes pour 354 femmes; telle autre, à exploitants à qui on rêve de livrer le so.us-sol i
nombre des hommes des tribus dela Grande Thio, 212 mâles contre 126 popinées ; la Tiwaka, de la Caled.onie. remplaceront.les gros contri-
Terre (5.836) et celui des femmes (4.118), entre enfin, 27 femmes seulement el 62 tayots. Dans buables que sont les.grandes Sociétés ? ;
Conclusion.
A proprement parler, nous pourrions nous
dispenser de clôturer le travail que nous venons
de présenter rapidement par ce titre, car
cette étude de faits et non de discussion ne
comporte pas de conclusion.
Mais nous dirons cependant en terminant que
la Calédonie, malgré son climat merveilleux,
malgré ses richesses minières, malgré les
facilités sans pareilles qu'elle offre aux travail-
le chiffre des garçons de la colonie (1) entière leurs européens, n'est pas, après cinquante Administrer, c'est mettre la capacité de
«
(7.428) et celui des filles (5; 152). Il y a là évidem"- années d'occupation, outillée en vue des besoins l'homme aux prises avec la difficulté de l'obsta-
modernes du commerce et de l'industrie. Nous cle », a dit Emile de Girardin. Malheureusement,
Hommes Femmes Garçons Filles Totaux n'ignorons pas que de grands travaux sont en ici, M. Picanon n'a pas vaincu la difficulté de
(l) Grande Terre.... 5.836 4.H8 3..196 2.643 16.393 projet, que, pour certains, les essais malheureux l'obstacle...
Loyalty 2.957 3.286 3.2X1 2.354 11.978 de colonisation entrepris, par M. Feillet avec
Ile des Pins 161) 169 251 155 735 une persévérance digne d'un meilleur sort, ne P. D'HOREL.
TOTAUX 8.953 7.573 7.428 5.152 29.106 sont pas irrévocablement condamnés... Mais
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
4
IL» a Casamance
Historique de la Casamance. 12'40' jusqu'au -16' degré de longitude O. de ne sachant à qui obéir, Français ou Portugais
Paris. en profitent pour n'obéir ni aux uns ni aux
région administrative qui porte le nom Une commission-franco-portugaise, présidée autres.
de Casamance est bornée au nord par la par le Dr Maclaud, travaille en ce moment à En 1876, notre attention est attirée sur la
Gambie anglaise et le cercle du Sine- l'établissement de cette frontière qui est déjà région que menace Fodé Kaba, chef mandingue
Saloum ; à l'est, parla partie méridionale abornée jusqu'au méridien .1i,.30'. venu du Boundou, qui réussit alors à s'établir à
du cercle de Bakel ; au sud, par les territoires du Dans l'ouest, c'est l'océan Atlantique avec ses Nema, et, de là, dirige ses incursions dans
Badiar et des Coniaguis, qui font partie de la grèves sablonneuses depuis le San Pedro jus- toutes les directions.
Guinée française, et la Guinée portugaise; à qu'au cap Roxo. En 1878, Fodé Kaba s'empare de Bassada,
l'ouest, par l'océan Atlantique. Elle forme ainsi La Casamance fut occupée dès le xvie siècle Boua, Mambina. Le commerce de la colonie
parles Portugais qui venaient s'yapprovisionner souffi e ; Fodé Kaba incursionneavec en
un rectangle assez irrégulier d'environ 1 degré ses bandes
en latitude et3 1/2 en longitude et -d'une super- en esclaves. Bien qu'ils n'y aient créé des établis- dans tout le Fogny et établil un tala à Mé-
ficie approximative de 42.000 kilomètres sements que' sur le littoral et sur les rives du dina.
carrés. fleuve navigable— ce qui s'explique aisément, Le 26 mars 1891, une reconnaissance dirigée
Le protocole du 10 août 1889 détermine la étant donné le but qu'ils poursuivaient — leur par l'administrateur Forichon, dans le protec-
frontière entre la Gambie anglaise et la Casa- influence gagna peu a peu l'intérieur et aujour- torat du Kian et du Fogny, amène la soumis-
d'hui encore, après un siècle d'occupation fran- sion" de Fodé Kaba.
mance. Cette frontière, partant de l'embou- çaise, la langue courante est encore une sorte En 1892, nous établissons un poste militaire à
chure du San Pedro, remonte la rive gauche de
cette rivière jusqu'au parallèle 13°10', suit ce de créole portugais. Bayacounda et la même année Fodé Kaba recon-
parallèle jusqu'à Sandeng, remonte vers le nord Ce n'est qu'en 182i, trente ans au moins après naît la possession du Fogny Français (Gou-
l'apparition de nos premiers colons en Casa- verneur de Lamothe). au
en suivant le méridien passant par Sandeng
jusqu'à 10 kilomètres du fleuve Gambie et mance, que la France obtint des terres où elle L'impôt est établi en 1894. La même année, le
remonte ensuite le long de la rive gauche de ce put enfin déployer son pavillon et protéger elle- pays donne des signes de rébellion : nombre de
fleuve, en s'en tenant toujours éloignée de même ses nationaux. C'est à cette époque que villages se soulèvent, de petites colonnes réta-
remonte l'occupation de l'île de Djogué, qui fut
suivie par celle de Carabane, Guimbering et
Sedhiou.
Les premières tentatives sérieuses de péné-
tration datent de 1836. La Casamance tut par-
tagée en deux régions, le cerclé de Cardbane
comprenant les deux rives du fleuve en ayal de
Zighinchor et le cercle de Sedhiou comprenant
les régions en amont.
Historique des Floups. :...- Cette population
habite la région comprise entre l'Océan, la Gui-
née portugaise, le marigot de Cajinolle et la
Casamance.
Le 22 janvier 1836, nous achetâmes l'île de
Carabane au chef du village de Cagnout : un
commerçant y fut résident jusqu'en 1860.
Le 3 janvier 1865, le commandant Pinet-La-
prade attaquait Guimbering à la tête d'une
colonne de 500 hommes et de qu'atre bâti-,
ments de guerre. Ces opérations se terminaient
le 30 octobre par un traité signé avec Guimbe-
ring.
En 1866, quelques villages paient l'impôt et
un poste de douane est créé à Carabane.
Le 6 avril 1884, ungroupedu village deGuim-
bering est bombardé par les Portugais qui
ignoraient que les habitants étaient Français.
En 1886, les Floups s'unissent aux habitants
de Siliki et se révoltent: le lieutenantTruche,
commandant supérieur de la Casamance,. est
tué dans un guet-apens, la répression est opérée
l'année suivante, en 1887.
Ce n'est qu'en 1838 que nous prenons posses-
sion de" Ziguinchor que les Portugais nous
avaient cédé par convention ,d-U 12 mai 1886.
Carabane eut beaucoup à souffrir de l'épi-
démie de fièvre jaune de 1900: c'est Zighin-
chor qui profita de cette décadence et c'est là
10 kilomètres jusqu'à 10 kilomètres en amont que les commerçants vinrent s'établir. blissent le calme et le tata de Médina est enlevé.
de Yarboutenda, où elle coupe la Gambie et La soumission définitive des Floups a été En 1904, rien n'est changé et la sécurité est
sépare alors de la colonie anglaise le cercle du obtenue en mai 1903, à la suite de la répression a peu près nulle dans tout le Fogny où
Sme-Saloum. Cette frontière coupant en deux dirigée par l'administrateur du Maze!. colonne s'impose. une
les territoires de IHoussa-Molo qui résidait à La région du Combo, comprenant les Bliss et La région des Bayottes est comprise entre
Hamdallahi, a créé au résident d'HalÍlLlailahi les Karones, est située entre l'océan, une ligne la Casamance, le marigot de SÜldone, la fron-
une série de difficultés qui n'ontpris fin que par de la frontière anglaise jusqu'à Bitibiti sur le tière portugaise et le marigot de Jeromaït (sous
la fuite de Moussa-xMolo en territoire an marigot de Bayla. la rive gauche de ce marigot l'autorité du résident de Zighinchor).
glais.. et de celui de Gambie jusqu'à la Casamance. En 1860, un premier traité soumet à notre
Les territoires du Kantora, du Pakane et du Dès le 31 mars 1828, nous nous établissions à autorité les Bandjiars.
Patiana, qui font partie des territoires que com- Itou mais nous ne songions pas à nous En 1865-1866, un deuxième traité soumet à
mandait autrefois Moussa-Molo, sont les dis- v
étendre. notre autorité les Bagnoucks. Ces derniers
tricts les plus orientaux de la région admi- De 1859 à 1860, nous d fîmes envoyer une sont en conflit perpétuel avec les Balantes ;
nistrative de là Casamance. Ils confinent sur le colonne militaire contre les Karones qui avaient aussi, pour leur échapper, ils se mettent en 1870
Koulountou aux territoires des Coniaguis qui pillé des bateaux marchands. Ces opérations se sous notre protection.
se sont rendus tristement célèbres par le terminèrent le 15 et le 17 juin 1860 par des trai- En 1886, fut lancée une colonne contre
massacre du détachement Moncorgé le 16 avril tés passés avec les Bliss et les Karones nous Sileki; le lieutenant Truehe, commandant les
1902 et la résistance qu'ils ont opposée à la donnant la suzeraineté de leur territoire. opérations, quatre Européens et 8 indigènes y
colonne du commandant Desort en mars Jusqu'en 1902, l'anarchie régna dans tout ce furent tués.
1904. territoire: ce n'est qu'en 1902 que notre auto- C'est le 21 avril 1888 que nous prîmes posses-
Entre le Koulountou et le 16e degré de lon- rité fut définitivement établie et des postes de sion officiellement de Zighinchor.
gitude O. de Paris, le Patiana touche au pays douane créés provisoirement à Diouloulou et à La même situation se prolonge jusqu'en 1891.
badiar administré par la Guinée française. Silety. où Sileki est bombardé une seconde lois sans
L'intersection du parallèle 12"40' et du La région du Fogny est comprise entre le plus de résultat.
16° degré de longitude O. de Paris, marque marigot de Wagaran, le marigot de Gambie, la En 1899, nous installons un poste militaire
le commencement de la frontière entre la Casa- rivière de Bayla, une ligne rejoignant la fron- à Zighinchor.
mance et la Guinée française. Lière anglaise par Bitibiti, les rivières Nampo- En 1901, Sileki est bombardé pour la troi-
Cette frontière a été déterminée par le pro- lago et Soungrougou jusqu'à la Casamance, sième fois.
tocole du 12 mai 188B de la façon suivante: la En 1860, nous devons signaler le traité passé En 1903, Sileki refuse encore de payer l'im-
frontière partant du cap Roxo se tiendra à égale
distancedesfleuvesCasamance et San Domingho
de Cachéo jusqu'au 17°30' de longitude O. de
avec un certain nombre de villages, traité pro-
voqué par des répressions contre les habitants
du Fogny qui avaient attaqué nos protégés.
pôt; les actes de piraterie continuent.
En 1904, la situationn'a pas changé.
La région du Balantakounda s'étend du
Paris, puis de ce point suivra le parallèle Jusqu'en 1876, les habitants de cette région marigot de Sindone au marigot de Binako,
entre la Casamance et le Rio Cacheo (Guinée Fouladou. — Le Fouladou est la région com- cette différence que, n'étant pas poussé par le
portugaise), résidence à Yatakounda. prise entre le Kabada, le Pakao, le Balmadou à
En 1857, nous pénétrons pour la première fois fanatisme musulman,il ne demande qu'à s'atta-
l'ouest, le 19° 30' de longitude ouest de la fron- cher à celui qui lui assurera sécurité et jus-
chez les Balantes. Ce sont des pillards, mais tière de Gambie jusqu'à la rivière Grey ou Kou- tice.
non hostiles aux blancs avec lesquels ils con- Iountou au nord, le 16° de longitude ouestle"sépa-
servent, sinon des relations d'amitié, du moins rantdu Fouta-Djalon àl'est. La limite sud est la
une profonde indifférence. Guinée portugaise. La résidence est Hamdal- Orographie. — Hydrographie.
En1860, pour châtier les Balantes, qui pillent lahi. —
les Mandingues nos protégés, on bombarde, au Voies de Communication.
Le Fouladou était occupé primitivement par
mois de novembre, avec l'aide de l'aviso le les Mandingues. puis par les Peulhs sous la —
Climat. — Valeur du sol.
Griffon, Niafour et Kouniara, qui sont brûlés con-
duile d'Alfa Alolo, qui se révolta contre les Man-
Une partie des villages balantes font leur sou- dingues avec l'appui des Foulas du Foula- Orographie. — D'une manière générale, la
mission et rentrent en guerre avec les insoumis. Djalon. région de la Casamance est un pays plat.
En 1869, il faut signaler une révolte des Le contrefort du massif du Fouta-Dialon.
Balantes alliés aux Mandingues.
En 1876, Fodé Kaba, repoussé du Firdou, qui sépare les vallées du Rio Grande (Krou-
bal) et de la^ Gambie, est à peine marqué par
attaque les Balantes qui avaient refusé de le une chaîne de petites collines gréseuses cou-
seconder. rant le long de la rive gauche de la rivière
Nous sommes obligés d'intervenir, sans Grey et qui se termine dans le Kantora. Im
résultat du resle pour notre politique. médiatement à l'ouest de cette ondulation
De 1890 à 1895, le pays est aussi peu sou- du sol, commence une plaine alluvionnaire
mis qu'il soit possible. On ne peut signaler complètement inondée pendant une bonne
qu'une longue suite de vols et d'assassi- partie de l 'année, où se perdent en saison
nats.. sèche quantité de petites sources jaillissant
En février 1895, le capitaine Baudoin re-
çoit deux blessures, à Djibanar ; un sergent au pied des collines, et dont les eaux se dé-
versent par le Kayoun, alfluent du Kroubal,
et cinq tirailleurs sont tués dans cette af- le Géba et ses affluents.
faire. Le sol se relève un peu, avec un léger
Les opérations militaires se continuent revêtement de latérite pour séparer les eaux
toujours aussi impuissantes. de la Casamance de celles de la Tiayanga ou
En mars 1899, création d'une résidence à Rio Géba.
y olakounda. La partie supérieure du bassin de la Casa-
Depuis ceLLe. époque les actes de sauva- mance est formée par un sol silico-argileux,
gerie et de pillage sont allés en diminuant Lrès mollement ondulé, avec quelques très
jusqu'à aujourd'hui. rares affleurements de latérite et où les
Les régions du Kian et du Kabada sont rivières ont tracé des thalwegs larges,
comprises entre le marigot de Moupalago et profonds, auelauefois sans fnss/i n.,n|0'D peu
i.»
une ligne réunissant ce marigot a la lron- All'a lUolo mourut en 1880. Ses successeurs bitants aménagent en rizières la plupart du
tière anglaise, cette frontière au nord jusqu'au continuèrent ses bonnes traditions et se condui- temps.
Fouladou, à l'est de Sarré Anioli, puis une sirent comme de véritables pillards, surtout à Ces hautes vallées ont à peine une dizaine de
ligne fictive réunissanL la frontière anglaise à l'égard des habitants du Labé. mètres au-dessus du niveau de la mer.
la rivière de Soungougou, celte rivière jusqu'à Dans la guerre qui éclate entre le Labé et le Les villages sont toujours placés sur les par-
la hauteur de Marsasoum (rive gauche). Fouladou, les Coniaguis et les habitants du ties élevées à l'abri des inondations.
Le Kian est peuplé de Diolas. Fodé Kaba, Paquessi restent indépendants. Le capitaine Vers le 18, degré de long. O. de Paris, dans
aventurier venu de Gambie, s'y établit en 1882 Baurès est envoyé par la France pour soutenir la région occupée par les Balantes, le sol
et fit de Médina sa forteresse et sa capitale. De Moussa-Almamy du Fouladou. Baurès, tombé relève, la latérite réapparaît de nouveaù servant se
là, il razzie le Fogny, avec lequel il fut en lutte malade, est remplacé par le lieutenant Moreau à de couverture à un sous-sol gréseux et formant
jusqu'en 1893. Vers cette date il signe un traité la tête d'une centaine de tirailleurs et de deux une série de collines orientées S.-S.-E N.-N.-O.
avec le gouverneur de Lamothe, d'après lequel pièces de montagne. G est cette mème chaîne gréseuse
qui traverse
il nous abandonne complètement le Fogny. La Les victoires de Kankéléfa, 21 janvier 1895, toute la Guinée portugaise, forme les barrages
piraterie, le vol, la traite des esclaves n'en con- et de Kouttan, 22janvier, mettent fin à la guerre rocheux qui empêchent de remonler les fleuves,
tinuent pas moins pour le compte de Fodé et établissent la suzeraineté de Moussa sur tout traverse la Casamance et se retrouve encore sur
Kaba de part et d'aulre de la le Sougrougrou. Ces collines
frontière de Gambie et soulè- ont quelquefois 25 à 30 mè-
vent de nombreuses réclama- tres d'élévation ; en plusieurs
tions de la part du gouverne- endroits, sur les bords de la Ca-
ment anglais. samance, et notamment à Yala-
Pour mettre définitivement kounda, des sources d'eau douce
fin aux exactions de Fodé Kaba, jaillissent à leurs pieds et don-
une colonne est organisée qui nent pendant toute l'année une
s'empare de Médina, foyer de eau très potable.
l'insurrection. Fodé Kaba est Entre cette ondulation et la
tué, ses tatas sont rasés et le mer, c'est Je pays bas et maré-
pays tout entier fait sa soumis- cageux, coupé de canaux nom-
sion breux où se font sentir les ma-
La. région de Kabada ne nous rées.
est connue que depuis 1894. Le sol alluvionnaire de cette
Plusieurs familles de Toucou- région est très riche, d'immenses
leurs venues du Fouta-Toro forêts et de riches cultures cou-
s'établirent sur la rive gauche vrent les espaces respectés par
de la Gambie. Sollicités à plu- les eaux salées.
sieurs reprises par les Mandin- Hydrographie. — Quatre bas
gues de s'unir à eux, ils préfé- sinsse partagent les eaux dé la
rèrent entrer en relation avec les région de la Casamance : la
Peulhs du Fouladou, avec les- Gambie, la Géba, le£achéo et
quels ils ont des affinités de enfin la Casamance, mais ce der-
race. nier fleuve qui, d'ailleurs, a
En 1894, l'administrateur donné son nom au pays, est le
Adam se rend chez eux et y éta- collecteur des eaux de presque
blit le protectorat de la France. Itout le pays.
Ce vaste pays est peuplé de Mandingues mu- le pays. C'est à cette époque qu'est fondée la Quelques valées, dans le nord, se dirigent sur
sulmans. Le chef-lieu estSedhiou, résidence de résidence d'Hamdallahi. la Gambie, les deux plus importantes sont
l'administrateur, fondé en 1837. Toutes les pro- En 1897, le traité du 9 mars nous donne droit celles de VusLang et de Velingara.
vinces furent en guerre les unes contre les au- au contrôle absolu sur le pays et à l'établisse- Dans l'est, le Koulountou ou riv-ière Grey,
tres jusqu'en 1891. La mort de Fodé Kaba tué à ment de l'impôt. Moussa ne tarde pas à indis- coulant du sud au nord, recueille et porte à la
Medinamitfin aux hostilités. L'assassinatde l'ad- poser l'administration contre lui. Gambie les eaux du versant est de la chaîne de
à
ministrateur Forichon Sedhioù, le 21 mai 1891,
est le signal de départ d'une nouvelle colonne
Il passe en 1901 un traité avec les Anglais
reconnaissant le protectorat anglais sur la par-
,
petites collines, prolongement de la montagne
du Badiar, qui sépare le bassin de la Gambie de
qui eut pour résultat la pacification définitive et tie du Firdou dépendant de la Gambie. ceux du Géba et de la Casamance.
l'établissement de l'impôt. En 1903, Moussa Mollo s'enfuit en Gambie. Dans le sud-est, les eaux des provinces de
En 1894, l'effectif des troupes de Casamance Nous reviendrons avec de plus amples détails, Patiana, Pakane, Kopara, Kaudiaye Bessabor
est porté à une compagnie qui fournit des déta- dans le chapitre de la Haute-Casamance. sur ce Niampayo se déversent dans la Tiayanga, partie
chements à Sedhiou, Bignona, Zighinchor. En chef indigène. supérieure du Rio Géba, qui, prenant sa source
1897, la situation était excellente et elle continua Le Fouladou comme le pays mandingue est vers Kaorané dans la même plaine que le
à s'améliorer sans interruption jusqu'en 1904. aujourd'hui tout entier dans nos mains; avec- Kayûùn, affluent du Kroubal, décrit un arc de
cercle dans le Patiana pour rentrer en Guinée vient confluer le marigot de Bissari qui vient du elles permettent, sans grands frais ni fatigues,
portugaise dans la province du Niampayo vers Farinko et ne mesure pas. moins de 700 mètres de se transporter d'un point à un autre d'une
Kandanga-Douma. Le Mayel Diaobe suit d'assez de large à son confluent. façon assez confortable, elles sillonnent -les
près la frontière dans cette région, if porte ses Se heurtant alors aux collines rocheuses du pays les plus habités, et surtout elles ne coulent
pays balante, la Casamance reprend sa direc- rien à établir et ont cet énorme avantage de ne-
eaux au Bidigorre, qui conflue avec la Tiayanga tion générale est-ouest et la conserve jusqu'à la demander aucun entretien.
(r. g.) non loin de Douma. La Casamance est naturellement la plus
Dans le sud, la province du Kanfodian, envoie mer. importante des voies fluviales. L'entrée et le
ses eaux au Cachéo par le Mambaré, affluent Sur la rive gauche, les marigots de Binako,
du Pati Paté, qui se jette dans le fleuve non loin de Mangaroungou, de Samine, de Simballdi, de chenal de ce fleuve jusqu'à Sedhiou ont été
de Farim. Sanguère, de Sindone, de Guidèle, permettent relevés par l'amiral Vallon d'une façon suffi-
La Casamance est un vaste estuaire peu pro- de remonter assez loin dans les terres avec des sante pour la navigation des vapeurs qui fré-
fond, s'avançant très loin dans les terres, où il pirogues. Celui de.Cajinollc met en communi- quentent ce fleuve.
détache un grand nombre de bras, mais ne cation, par le canal de l'AperLado, le Rio Cachéo Les bateaux des maisons de commerce instal-
recevant pour ainsi dire pas d'eau douce. ;
et la Casamance par celui d'Elinkin et celui de
Soukoudiac, on peut gagner la mer dans le sud
lées en Casamance (maisons du Sénégal et de
Bordeaux) et ceux de la Compagnie Wœrmann
Les courants de marée se font sentir jusqu'au de Hambourg" entrent assez facilement en Casa-
barrage de Karsia, à plus de 300 kilomètres de du cap Roxo.
la mer, et pendant une grande partie de l'année Sur la rive droite, le Songrougrou, beaucoup. mance à marée haute; ils peuvent accoster aux
la partie du fleuve en amont de ce barrage dp. moins large que la Casamance, offre jusqu'à wharfs de ç"l'ahane et dè Zighinchor; un ser-
Boua un chenal très praticable aux embarca- vice régulier relie en-outre ces escales à Dakar
Karsia n'a qu'un courant presque impercep-
tible. Pendant l'hivernage, l'eau des immenses tionsde3et4 mètres; le Songrougrou sert de la
par le vapeur Roilelet,de Compagnie de cabo-
plaines où commencent les nombreuses rivières déversoir aux marais de Binton. Après avoir lage de Dakar. Ce vapeur est absolument insuf-
qui forment la Casamance, s'écoule lentement coulé dans l'estj jusqu'à Borna, il s'infléchit brus- fisant pour assurer ce service et la Compagnie
quement vers le sud pour venir confluer en face concessionnaire a tout à gagner à mettre sur
par des thalwegs larges et peu profonds vers Il' d'Adéarie. cetle ligue un bateau plus grand et plus con-
chenal principal, où la crue dépasse i arement un
mètre ; la superficie restreinte du bassin, la A partir du Songrougrou, la Casamance est fortable.
constitution du sol, la présence de plaines nom- reliée par une série de canaux .qui courent il En amont de Zighinchor,les fonds se relèvent,
breuses, le peu d'élévation des berges où le travers une zone marécageuse peu habitée, à un ne laissantplus à partir d'Adéanè qu'un chenal
fleuve s'étalerait au large s'il les inondait, et chenal imprécis qui longe sa rive droite à 4 ou assez large, mais qui ne permet depasser qu'aux
enfin la largeur du fleuve lui-même, tout cela 5 kilomètres. Toule cette région est d'ailleurs bateaux calant environ 1 mètre ; la mobilité des
explique le régime spécial des eaux de la Casa- coupée en tous sens par des marigots que l'ré- bancs dans cette partie du cours de la Casa-
mance. Les indigènes donnent aux différents quentent les embarcations légères; cèux de mance rend, d'autre- part, la navigation assez
Bignona, de Tandouk et de Gambie sont les difficile en déplaçant le chenal d'une façon
cours d'eau qui forment la Casamance le nom plus importants et se laissent remonter parles
de Mayel Séd.io, au fleuve lui-même le nom de presque continue. Il n'y a aucun balisage de fait
mer"» et aux différents marigots où remon- cotres. par l'Administration. Les patrons des embarca-
«
tent les marées, les noms des villages qui se Entre Sindone et la Pointe aux Moustiques, tions qui ont à circuler entre Zighinchor et
trouvent desservis par ces cours d'eau. la Casamance. ail oint 4 kilomètres de large; en Sedhiou ont planté de loin en loin des bambous
Au barrage de Karsia, où il n'y a guère dans face de Zighinchor où viennent accoster les ou des branches d'arbres pour marquer le che-
le chenal que 0m. 50 d'eau, la largeur du fleuve bateaux de haute mer qui font le service de ]a nal; quand, par suite d'un déplacement du banc,
atteint déjà plus de 150 mètres, puis sans rece- côte, elle n'a que 1 kil..1/2; elle atteint. 5 kilo- un cotre ou un vapeur échoue, le patron déplace
voir d'affluent et en gardant un fond moyen mètres près de la Pointe Zozor et ne mesure que les signaux devenus inutiles et même dange-
qui dépasse rarement 1 mètre, il s'élargit d'une 2_ kilomètres à son embouchure non loin de reux, le balisage se fait ainsi d'une façon auto-
façon très irrégulière ; en face de Karantaba, Carabane. matique mais insuffisante.
Les transports assez importants entre Sedhiou
;
à angle droit et laissant sur sa rive gauche viales. chalands des maisons de commerce installées à
Sedhiou où il n'a plus que 1.900 mètres de Dans le pays de la Casamance, les voies flu- Sedhiou ou Zighinchor. Pendant presque toute
large. viales ont une bien plus grande importance que l'année, les deux vapeurs de la S. C. A. C.,Doc-
Un peu en aval de Sedhiou, sur la rive gauche, les voies terrestres, elles sont très nombreuses, leur Traun et Slilrkein ne font que toucher barre
dans les escales pour charger et décharger, leur 4° Une flottille de pirogues pour les indigènes carrossables seront utilisées ; mais en cemoment
tirant d'eau est assez fort, mais leur permet et de fayas pour les petits traitants, pour assu- la population est presque tout entière au bord
néanmoins de remonter assez haut dans les rer la liaison des points extrêmes ou pour les des voies navigables et c'est sur l'utilisation
rivières et amener à Zighinchor les marchan- nécessités courantes et les transports légers. rationnelle de cet incomparable réseau de che-
dises des factoreries disséminées le long- des Le jour n'est pas très éloigné, croyons-nous, mins qui marchent que devront se porter les
cours d'eau. Ces vapeurs se chauffent au bois où tout cet aménagement sera transformé par efforts immédiats. L'augmentation de la den-
l'arrivée dans ce pays des moteurs à fond sité de la population et l'évolution des cultures
plat et à grande vitesse qui, remorquant des dans les pays éloignés des cours d'eau amène-
chalands à fond plat également, remonte- ront d'elles-mêmes la création de routes vers les
raient sans peine jusqu'à Kolda, iraientfouil- points d'écoulement des produits. Ces points
ler tous les marigots et permettraient alors seront les escales de traite vers lesquelles les
des transports plus rapides et moins oné- commerçants sauront attirer les indigènes et il
reux; la traite de l'arachide a tout à y ga- sera du devoir impérieux de l'administration de
gner, celle du coton ne pourra guère se faire les aider dans cette œuvre si elle ne veut pas
sans ce nouvel engin, nécessaire à l'évolu- voir les caravanes prendre la route des escales
tion de la Haute-Casamance. de la Gambie anglaise et du Rio Cachéo qui,
Voies terrestres. — De Sedhiou partent ayant un service fluvial mieux organisé, peuvent
quelques routes dont la valeur et l'utilité ne vendre à plus bas prix et acheter plus cher.
sont pas en rapport avec les dépenses qu'elles Car il ne faut pas perdre de vue que la Casa-
occasionnent. Ces routes ont été établies par mance est très resserrée, et que les bateaux de
les soins de l'administration qui, naturelle- haute mer peuvent en toute saison remonter à
ment, a envoyé du Sénégal un personnel Farim d'une part,et à Mac-Carthy d'autre part,et
indigène payé très cher, habitué à regarder que si l'état de civilisation de la Guinée portu-
travailler dans des chantiers dont d'autres gaise n'a pas permis à Farim de maintenir sa
avaient pris soin d'organiser le travail et qui, suprématie sur Sedhiou et Zighinchor, les
en fin de compte, épuisait les crédits alloués Anglais ont en Gambie un service de transports
pour ces travaux presque rien que par la peu onéreux et que cela fait faire déjà une con-
solde et les indemnités qu'il fallait leur payer currence sérieuse aux escales de la Casamance.
pendant le temps qu'ils perdaient à organi- Mac-Carthy a acheté l'an dernier du coton de
ser leurs chantiers. Fouladou et l'a expédié en Angleterre : il n'en a
D'ailleurs, il n'y a pas encore suffisamment pas été exporté une seule balle de la Casa-
de voilures dans ces pays (il y en a deux à mance.
Sedhiou) pour justifier
l'établissement de voies de
communication de ce genre.
Qu'on fasse pour les piétons
de bonnes pistes bien entre-
tenues par leshabilanlsenx-
mêmes, qui s'y connaissent
tout aussi bien que nous;
ou alors, si on veut des rou-
tes earossables, qu'on fasse
quelque chose de définitif,
de solide où l'on ne soit pas
forcé d'engouffrer tous les
et utilisent l'eau de la mer, ils sont par moments ans des sommes d'argent im-
absolument insuffisants pour assurer le service, portantes pour réparer les dé-
et ils ne peuvent pas remonter en amont de gÙLs causés par l'hivernage ;
Sedhiou. Un atelier de réparations fonctionne à ce sera en une fois une grosse
Zighinchor. dépense qui sera encore une
Entre Sedhiou et Kal'si1 pendant presque économie.
toute l'année, et pour aller jusqu'à Kolda Une bonne piste existe entre
pendant quelques mois seulement, les trans- Zighinchor et Sedhiou, le long
ports sont assurés par des chalands à fond plat de la ligne télégraphique qui
qui manœuvrent à la voile, à l'aviron et surtout relie ces deux points. Dans tous les points où Comme on le voit, la question des voies de
à la perche. C'est un moyen très lent qui n'est elle n'est pas coupée par des marigots et où, communication est absolument subordonnée à
guère utilisable que pour les marchandises par conséquent, les routes sont moins utiles, t'aménagement des moyens de transport par
encombrantes comme l'arachide, et qui, par son la région de la Casamance est le pays par excel- eau; la Casamance deviendra ainsi la grande
prix de revient, n'est pas fait pour faire aug- lence pour rétablissement facile des routes : les voie d'écoulement des produits qui lui seront
menter le prix d'achat de la graine à l'indi- pentes sont presque nulles, le sol est assez dur amenés par les chemins d'intérêt local que les
gène. et .,perméable comme également le sous-sol, besoins successifs de la culture ou de la traite
Les traitants des factoreries isolées dont les les ponts faciles à établir et nécessaires en très amèneront à construire.
moyens nepermettent pas d'employer des vapeurs peu d'endroits. La Casamance est reliée au réseau des lignes
ou des chalands emploient de grandes pirogues Comme on y élève beaucoup de bœufs et que télégraphiques de l'Afrique occidentale par un
taillées dans les fromagers (benténiers) ou les le cheval y vit bien, les animaux de trait ne fil qui se détache à Vélingara de la ligne qui
caïlcédrats qui portent parfois jusqu'à 4 et relie Conakry à Dakar ; des bureaux fonction-
5 tonnes. Ces pirogues manœuvrent à l'avi- nant à Vélingara, Hamdalahi, Sedhiou et Zi-
ron, elles ont un gouvernail, une voile et ghinchor et rendent les plus grands services
quelquefois deux; on les désigne de leur au commerce comme à l'administration.
Un des points d'infériorité du commerce
nom indigène « faya ». C'est avec les fayas de la [Guinée portugaise réside dans l'iso-
que se font la plupart des transports enlre lement dans lequel il se t.t ouve à ce point de
les factoreries éloignées et les maisons prin-
cipales, leur prix de revient peu élevé, leur vue et les maisons installées dans cette colo-
maniement facile et surtout leur faible tirant nie font tous leurs efforts pour greffer un fil
d'eau les désigne tout naturellement pour ce sur notre réseau.
service des rivières. Climat. — Des observations météorologi-
En résumé, l'utilisation des voies naviga- ques sérieuses ont été faites à Sedhiou et
bles en Casamance est réglée d'une façon peuvent servir à établir pour ce point quel-
générale de la manière suivante : ques renseignements utiles; mais le climat
1° Deux ports principaux avec des wharfs de la Casamance se modifie beaucoup à me-
où peuvent accoster les grands navires ve- sure que l'on s'éloigne de la mer et ces. don-
nant d'Europe et des magasins où sont entas- nées sont par conséquent purement locales.
sées les marchandises jusqu'à l'arrivée de En général, le climat de la Casamance est
difficile à supporter.
ces bateaux. Zig-hinchùr a.détrôné Carabane Dans la zone maritime, de Carabane à
dans cet ordre d'idées, mais on utilise quand Adéane environ, l'hivernage est très pénible
même les immenses bâtiments de celte escale
qui est appelée d'ailleurs à reprendre un peu et l'humidité de l'air gênante, mais pendant
de son importance perdue ; les mois chauds de la saison sèche on n'a pas
2° Un service de vapeurs, cotres ou cha- trop à souffrir du vent d'est ; des brises de
lands pontés pour relier ces ports aux escales mer viennent en outre vers le soir rafraîchir
de deuxième ordre où peuvent remonter les l'atmosphère.
embarcations calant de 1 mètre à I m. 50; Vers Sedhiou, l'humidité est un peu moins
3° Un service de chalands plats pour trans-
grande, mais les mois d avril et de mai y sont
porter dans les parties peu profondes les mar- manqueront pas et il est permis d'espérer que rendus insupportables par leétablit vent d'est qui- y
chandises encombrantes; dans un avenir très proche, peut-être, les routes souffle en permanence et y
1
une tempé-
rature d'enfer. Cette élévation extraordinaire méable à une profondeur parfois assez grande. tions, se ramifiant au nord et au sud avec les
de la température va en s'accentuant, au fur et Les terres inondées le sont de plusieurs fa- fleuves voisins.
à mesure que l'on s'avance vers l'est. çons: Le chenal étroit qui sert à la navigation est
Mais quelle que soit la zone de ce pays, ce qui Par le reflux des marées (Basse-Casamance); à peine marqué de loin en loin par des branches
y rend le climat dangereux pour l'Européen, Par les débordements du fleuve (abords immé- d'arbre servant d'alignements aux pilotes. Vu
c'est l'abondance des moustiques de toute diats de la Casamance); l'importance du commerce qui augmente de
- espèce qui pullulent dans ces régions basses, où Et par les pluies d'hivernage (toutes les dé- jour en jour, un balisage sérieux serait utile,
des marais nombreux leur permettent de vivre pressions de terrain). tout au moins jusqu'à Sedhiou, que fréquen-
et de se multiplier tout à leur aise. En saison Toutes ces terres sont utilisées pour la cul- tent plusieurs fois par semaine des bateaux à
sèche, dans la région à l'est du 17°30' de lon- ture du riz. vapeur et des goélettes faisant le service entre
gitude 0., il n'y en a gùère qu'aux abords immé- Les autres terres sont utilisées, suivant la cette escale et Zighinchor.
diats des marigots ; mais dans la zone entre proportion d'argile, et suivant la végétation qui -
Le climat de la Basse-Casamance, déjà diffé-
le 17°30' et la mer il y- en a en toute saison et les couvre, pour la culture du mil, du coton, des rent de celui de la haute côte, se rapproche sen-
partout. arachides, et quelquefois du riz « pan-pan » et siblement de celui des Rivières du sud. La sai-
En hivernage, il y en a dans tout le pays. La des sésames. son sèche va du mois de décembre au mois de
majeure partie sont des culex, mais les anophè- Les forêts de.haute futaie sont assez rares : mai, la saison des pluies du mois de juin au
les, si dangereux par le paludisme, et le ste- on en rencontre pourLant.de très belles dans la mois de novembre. Le début et la fin de chacune
gomyia, propagateur de fièvre jaune, s'y trou- Basse-Casamance où elles portent le nom de de ces saisons sorit-marqués par trois semaines
vent également en très grand nombre. « soulou », mais elles sont rarement d'une de violenles tornades pendant lesquelles la ten-
Valeur du sol. — La .valeur industrielle du sol grande étendue. sion électrique est formidable.
dépend des richesses naturelles qu'il renferme Comme dans tous les climats maritimes de
dans son sein ou qui se trouvent à sa surface. Basse-Casamance. la Côte occidentale- d'Afrique, l'hivernage est
Parmi les premières, nous pourrons citer les plus rigoureux dans la Basse-Casamance que
matériaux à construction ; les coquilles d'huîtres La contrée d'Afrique limitée au nord par la dans le nord de la colonie. La température est
qu'on trouve en grand nombre et qui servent à Gambie anglaise, l'ouest par l'océan Atlantique, à peu de chose près constante, mais l'abon-
faire une chaux passable; le sable, la terre à au sud par la Guinée portugaise, à l'est par les dance des pluies est telle que la hauteur obser-
pisé et la terre à brique, que l'on trouve presque provinces du Fouladou, s'appelle la Basse-Casa- vée à Sedhiou est de 4 mètres en moins de
partout; le grès et la latérite, dont les affleure- mance, du' nom du fleuve qui l'arrose en six mois d'hivernage. La température, qu'adou-
ments sont assez nombreux. entier. cissent les brises de mer, atteint son maximum
Le sel est extrait des sables salins des plai-
en mars-avril, 40° pendant le jour. Le mini-
nes qui. bordent les marigots et où chaque mum constaté, la nuit, en décembre, 10° cen-
marée vient s'étaler. Ces plaines, qu'on tigrades.
nomme d'un nom emprunté au Sénégal « plai- La végétation très dense est composée
nes de Tane », .sont de véritables marais sa- d'arbustes bas, en particulier de lianes à
lants naturels ; on y trouve quelquefois une caoutchouc, de lianes saba, de mimosas épi-
couche de sel blanc de 1 centimètre. Les
indigènes ramassent- ces sables riches, les neux et de bambous qui la rendent inextri-
cable. De cette épaisse muraille vefdoyante,
lavent et font réduire l'eau de lavage saturée émergent des palmiers et des rôniers en
de sel dans des pots en terre cuite qu'ils fabri- nombre considérable, quelques fromagers
quent eux-mêmes. (.Eriodendron anfractuosum), quelques caïl-
Parmi les richesses de la deuxième caté- cédrats (Khaya senegalensis), principalement
gorie, nous citerons : aux abords des villages. La grande forêt
Les bois de construction ; le rÓnier, pour n'existe pas à proprement parler. C'est à '
les maisons, est préféré et préférable. Il se peine si, de loin en loin, on rencontre dans
débite facilement en longues lattes minces de vastes plaines des bouquets de grands
presque imputrescibles et inattaquables par bois. formant de gaies oasis, qui tranchent
les insectes. La charpente de presque toutes
les maisons européennes de la Casamance par leur fraîcheur et leur couleur sur l'uni-
formité environnante.
est faite en rônier et l'exploitation de cet La faune est représentée par quelques fé-
arbre dans la forêt de N'Terimbas fut, il y a lins : panthères, chats sauvages, lynx et sur-
peu de temps encore, très importante, et tout par des sauriens, des reptiles et des
donna lieu à des incidents nombreux au batraciens, auxquels les marécages et les
moment de l'établissement de la Compagnie lagunes servent d'habitat. Les herbivores
commerciale et agricole de la Casamance. sont représentés par plusieurs variétés d'an-
Le rônier pousse partout en Casamance, tilopes. Les éléphants immigrent en grand
il occupe les parties élevées des mouvements nombre sur les bords du fleuve pendant
de terrains, laissant au palmier les pentes l'hivernage. Les poissons et les oiseaux sont
humides et les bas-fonds d'eau douce. à peu près les mêmes qu'au Sénégal.
En ce moment encore on en exploite en assez Le fleuve Casamance prend sa source à Sori- La culture la plus importante est celle de
grande quantité pour construire des habitations Djidé, 12 40' latitude N., 16°50'longitude 0. de l'arachide, qui sert aux indigènes de produit
ou pour porter les nombreux wharfs qu'on crée Paris, dans la province de Koudora, à la lisière d'échange; le ri'l, le maïs, le manioc et les
le long du fleuve. d'un soutou(bois sacré) très épais, que les indi- haricots (niébés), consommés sur place, sont
Parmi les bois d'œuvres il faut citer : le Khaya gènes appellent Oré Sédhio (tête de la rivière l'objet de cultures médiocres.
senegalensis ou caïlcédrat, qui pousse particu- de Sedhiou). La culture du cocotier demanderait à être en-
lièrement dans les plaines avoisinant le fleuve Il est navigable pour les bateaux calant 5 mè- couragée et les résultats seraient, à n'en point
et y atteint des dimensions gigantesques. Des très jusqu'à Zighinchor, 75 kilomètres de son douter, pour le commerce, une source prompte
grandes pirogues peuvent être taillées dans ce embouchure. De Zighinchor à Sedhiou(110 kilo- de richesse. Le terrain sablonneux et liumide,
bois dur et léger qui donne des embarcations de mètres), quoique les fonds diminuent brusque- l'air salin, qui se fait sentir avec la marée jus-
première qualité. ment dans cette partie, il est encore accessible qu'à plus de 180 kilomètres dans l'intérieur, lui
Le bentenier ou fromagerjEriodendron an- aux embarcations ne dépassant pas 2 mètres de conviendraient à merveille.
fracluosum) sert également à construire des tirant d'eau. Enfin de Sedhiou à Kolibenlan, des Des essais dus à l'initiative privée permet-
pirogues, il se travaille très facilement, mais fonds de 60 à 80 centimètres permettent la na- tent d'orps et déjà de croire l'avenir de ce
dure beaucoup moins longtemps que le caïl- vigation en cotre ou en chaland. A 2 kilomètres produit nouveau pour le Sénégal. en
cédrat. de Kolibenlan, un seuil sablonneux, dit barrage Le cocotier commence à rapporter au bout de
Le trévé (Daniella thurifera) pousse dans les de Knrcia, oblige à recourir aux pirogues du sept ou huit ans. Il demande de soin et les
régions sèches du Fouladou, on emploie peu peu
pays, calant 20 centimètres environ. premières années 'seulement. Sa valeur mar-
son bois, on recherche surtout sa résine. odori- Le fleuve' Casamance offre une largeur chande serait assez élevée;
au minimum 3francs
férante.
Le sougué (Parinarium) est utilisé pour la
moyenne de2 kilomètres, de son embouchure^ par arbre et par an, du jour de la fructification.
à Sedhiou. Au delà de cette escale, sa largeur On conviendra chiffre n'est pas trop
construction de pirogues et pour la fabrication que ce
diminue sensiblement, pour n'être plus que de élevé si on tient compte de la facilité des trans-
des mortiers à piler le riz. 170 mètres à Kolibentan. qui est considéré ports, de la proximité de la Casamance
Le bois de chauffage est presque uniquement avec les
fourni par les arbres morts. comme la limite de navigabilité. principaux ports d'Europe, et si on sait que
Ses rives sont basses et marécageuses, d'ori- dans nos possessions d'Océanie, le cocotier
Aucune de ces richesses ne pourrait être gine alluviale, propres à la: culture du riz. Les rapporte en moyenne 2 fr. 50 à
l'objet d'un commerce d'exportation ; grossière- son propriétaire.
berges sont garnies, pendant 200 kilomètres de Les animaux domestiques sont peu nom-
ment exploitées par les indigènes qui ne dispo- longueur et sur 50 mètres en moyenne, d'un breux, on trouve chez les Mandingues quel-
sent que de moyens primitifs, elles servent à la épais fourré de manguiers. A quelque distance ques rares troupeaux de bœufs et de moutons,
consommation locale seulement. du lit du fleuve, principalement sur la rive chez les Balantes des troupeaux de chèvres.
On pourrait diviser les terres de la Casa- droite, les marais résultant des crues de l'hiver- Le bétail vit mal dans ces régions humides, à
mance au point de vue agricole en deux gran- nage sont recouverts d'une végétation très causedes insectes,mouches et moustiques, qui
des catégories : les terres inondées et les terres dense, composée de rafia, de rotin, de palmiers ne lui laissent pas de repos; l'épizootie de 189'2
à l'abri des inondations ; les terres inondées et de roseaux. enlevé aux Diolas le peu qu'ils en avaient et,
sont généralement des terres humifères très a
Le delta, qui s'étend sur plus de 3.000 kilo- aujourd'hui, à déraut de bœufs, ils élèvent
fortes, les autres sont des terres argilo-siliceu- mètres carrés, forme un vaste- réseau dont les grande quantité des porcs et des chèvres. en
ses ou silico-argileuses avec un sous-sol per- multiples bras divergent dans toutes les direc- Jusqu'à présent, les indigènes qui peuplent
feste dans les fêles. Ils se lancent des défis, Les grands vapeurs qui viennent directement de réduits à l'état de flaques et beaucoup de villages
suivis de luttes, et les vainqueurs sont accla- Bordeaux, d'Hambourg et de Liverpool accos- sont obligés de creuser des puits, d'où ils i-eti
més et portés en triomphe. tent à quai, déversant dans les factoreries nos rent un liquide laiteux, chargé de matières -
Les armes dont,ils se servent sont la matraque, produils manufacturés et chargeant arachides, terreuses et organiques, donl la mauvaise qua-
l'arc et les flèches, la sagaie, le fusil à pierre. palmistes, gomme, cire, caoutchouc qui cons- lité est, pour l'indigène qui le boit, la source de
Ils sont intrépides chasseurs et habiles pêcheurs. tituent les principaux éléments de traite de ces cent maladies dont les moindres sont le goitre •
et le droitde s'ivrognerà l'occasion. depuis un temps immémorial : les Mandingues, lIaie ou plus exactement 100 reis portugais.
Les Mandingues qui représentent, à côté des anciens possesseurs du sol, le cultivaient déjà, En Gambie anglaise, le coton brut, récolté
Peulhs, l'élément le plus important dela Haute- et le tenaient vraisemblablement des Portugais. comme nous venons de le dire, vaut un penny
Casamance,' sont beaucoup plus connus; musul- Dans la Haute-Casamance, on cultive le la livre anglaise.
mans, ils règlent leur conduite sur les préceptes coton concurremment avec le gros mil ou Dans presque toute la région, la bande de sor
du Coran, obéissent aveuglément à leurs mara- m'bahéri. est la seule unité monétaire connue les PorLu-
:
bouts. D'un naturel généralementparesseux, ils Le terrain est préparé en à-dos; les buttes, gais l'acceptent même comme impôt. Cette mar-
cultivent peu ou j uste ce qu'il leur faut. Incités généralementorientées Est-Ouest, sont espacées chandise d'échange serait, le cas échéant, d'une
par l'exemple des foulas, ils élèvent quelques de 80 centimètres environ. On plante le m'bahéri impérieuse nécessité pour les commerçants qui
rares troupeaux de bœufs. En revanche ils se sur l'à-dos, aux premières pluies qui ont lieu voyagent chez les Brames, les Balantes et les
livrent volontiers au commerce, parcourent le vers la mi-juin. Quand cette graminée a atteint Papels ; ils auraient intérêt à s'en munir de pré-
pays comme dioulas, servant d'intermédiaires un mètre de hauteur, on sème le coton -dans les férence à la monnaie.,
entre le Foula producteur et les comptoirs sillons, en lignes assez denses. Après la récolte Ces renseignements précieux sur la culture
européens. du mil, c'est-à-dire au bout de cinq mois, on du coton, renseignements que nous devons à
M. le docteur Maclaud, le distingué administra- Le troisième consiste à semer Je riz de mon-
teur des colonies, suffisent à montrer au lecteur manque, c'est tout d'abord la création de débou-
tagne, ou riz américain, dans la forêt de bam- chés sûrs. Alors que la culture du riz progres-
l'importance que pourrait prendre en Haute- bous. On coupe les tiges, on les brûle et on serait sans limites, si l'acheteur et le produc-
Casamance la culture du coton. plante dans les aires ainsi débroussées. teur be trouvaient en présence, celle-ci reste
En effet, cette culture est essentiellement On change annuellement l'emplacement de circonscrite aux stricts besoins du pays par
propre au pays. Il ne faut pas oublier que pen- ces cultures et on laisse les anciennes en ja- suite de l'inexistence des débouchés et le man-
dant la guerre de Sécession, Sedhiou a fourni, chères pendant le temps nécessaire au sol pour que de communications.
en un mois, 19 tonnes de coton, cultivé dans le se reconstituer.
pays. Le rendement obtenu par ce procédé est Le palmier à huile.
La culture du coton et du riz exige toujours
chez l'indigène un certain effort et, par consé-
quent, son extension reste nécessairement limi-
tée, du moins dans les circonstances actuelles.
Mais la nature a prodigué le long des rives de
la Casamance un arbre qui fournit sans compter,
aux noirs paresseux, sinon la base même de
leur alimentation, du moins presque tous les
éléments de leur luxe rudimentaire. Nous vou-
lons parler du palmier à huile, de Yelœis gui-
neensis, le palmier de Guinée.
Alors que sur toute la côte d'Afrique, il se
cantonne le long du littoral, en Casamance, le
palmier s'enfonce à plus de 300 kilomètres dans
l'intérieur. Dans tout le pays bas inondé et
coupé de marigots qu'habitent l'es Diolas, les
Karones et les Floups, il voisine avec le palé-
tuvier et peuple les îlots de boue salée qui cons-
tituent le delta du grand fleuve.
Plus loin, il se mélange au rônier et sert de
squelette aux forêts des pays bagnounks et
bulanles.
Enfin, le long de la Casamance et de ses
affluents, il s'allonge en rideaux opaques ou
s'étend en nappes épaisses dans les plaines
sablonneuses du Niampayo, du Sankolla et du
Patiana.
Les fétichistes lui demandent les nombreuses
« boulines » de vin de palme qui donnent
l'ivresse quotidienne, l'huile dorée, base de
toute bonne cuisine, les amandes dures comme
de la corne qu'on grignote pendant les pala-
bres, et les feuilles découpées qui font les Loi-
tures des cases.
L'adolescent ne trouverait pas d'épouse s'il
ne savait hardiment grimper aux palmiers avec
Le sol, par sa constitution même, se prêle quelque peu inférieur aux autres, mais le pro- la ceinture d'écorces ets'i) n'était pas expert à
merveilleusement à cétte culture ; il s'y prêterait duit est de meilleure qualité. inciser au bon endroit le pétiole du jeune ré-
bien davantage si sa nappe d'eau permanente Ainsi que nous le disions au début, le riz n'est gime pour en faire sourdre le vin sucré.
était rendue plus utilisable par des puits. pas encore à l'heure actuelle un articled'exporta- Le palmier est à tel point l'arbre sacré des
D'autre part, les communications sont faciles tion il est l'aliment préféré de la population et populations fétichistes de la Basse-Casamance
:
et des débouchés suffisants sont d'ores et déjà un article .de commerce local. Il donne lieu à un que les musulmans du Boudhié et du Brassou
assurés : les paquebots escalent actuellement à mouvement important de transactions. M. le lui font une guerre acharnée et qu'ils l'ont déjà
Zighinchor et la Casamance peut être remontée docteur Maclaud nous rapportait à ce propos fait disparaître complètement de toute la région
en toute saison, jusqu'à Sedhiou. Le pays plat un renseignement recueilli 'au cours d'explo- qui avoisine Sedhiou et Sandiniery,
se prête à la création à bon marché de routes ou rations, intéressant à
d'un Decauville. La population est douce, tra- signaler.
vailleuse, peu islamisée, donc pas fanatique, et Les populations féti-
l'on peut être assuré qu'elle se livrera à une cul- chistes de la Haute-Ca-
ture intense du coton dès que ce produit lui samance, pour satis-
donnera des prix rémunérateurs. faire, paraît-il, leur in-
En un mot et pour nous résumer, laHaute-Ca- cessant besoin d'alcool,
samance peut devenir, avec un programme éco- vendent leurs récoltes
nomique bien compris et scrupuleusement suivi, à des prix dérisoiresaux
un pays d'élection pour la culture du colon. traitants ouolofsoupor-
tugais. Ceux-ci l'ont des
Le riz. provisions de riz ainsi
Après le coton, le riz, bien qu'il ne soit pas acheté à bon compte,
encore un article d'exportation, est un des pro- mais bientôt la mau-
duits d'avenir de la Casamance. Le sol, dont la vaise saison arrive et
composition et la conformation ont été déjà dé- les cigales ont grand
crites par le docteur Maclaud, est particulière- besoin de manger.
ment apte au développement de cette graminée. Les indigènes vont
La culture se fait de trois façons différentes : alors racheter leurs ré-
La première que nous allons décrire est la colles et payent en
plus employée; dans le haut pays, les indigènes caoutchouc et en aman-
ont transformé les lits de rivières, étalés et peu des de palmes. Il est à
profonds, en marécages. Ils se servent pour cela peine besoin d'ajouter
de digues de terre battue, hautes de 1 m. à que les traitants leur
1 m. 50. La plante est repiquée aux premières revendent très cher ce
pluies ; elle est récoltée vers le mois de décembre. qu'ils ont acheté à bas
Le rendement, surtout dans les années où il n'y prix.
a pas de sauterelles, est très considérable ; le riz Il ne tient qu'à nous
ainsi récolté, connu sous le nom de riz des ma- que le commerce tout
rais, est appelé par les indigènes riz panpan. local du riz de Casa-
Ce riz décortiqué a toujours une coloration mance ne devienne un
plus ou moins jaunâtre et laisse à la cuisson un article sérieux d'exportation vers les colonies Nous n'aurions pas le courage de blâmer les
peu de son, mais cela tient uniquement à l'im- voisines qui achètent leur riz en Indo-Chine. marabouts de détruire l'elceis si son utilité se
perfection des procédés indigènes de décortica- Toutes les conditions locales de réussite se bornait à entretenir l'ivrognerie des noirs. Mais
tion. Le progrès sur ce point est facile à obtenir. trouvent réunies: terrain propre à la culture, , nous savons que le palmier est une importante
Le second procédé de culture est plus simple : réseau fluvial navigable, proximité de la côte. ressource pour la Côte d'Ivoire et la plus grande
il consiste à planter le riz le long des rivières De plus le pays débarrassé de Moussa Molo et source de richesses pour le Dahomey.
importantes, à 200 ou 300 mètres des bords et autres satrapes qui le désolaient se repeuple. L'huile de palme et les graines sont parmi les
sans communications avec eux, afin d'éviter l'ac- -
Cette population assez douce et travailleuse se meilleurs produits d'exportation -de l'Ouest-
tion des eaux salines. mettrait certainement au travail. Mais ce qui Africain.
Ici, pour les mêmes causes que nous avons Dans la forêt, près d'un point d'eau, un cam- à se fixer chez nous, nous aurions tout à y
indiquées plus haut (apathie des indigènes, insé- pement est vite installé. On nettoie le sol, on gagner.
curité des relations, insuffisance des moyens de monte un tara (lit) sur quatre fourches et on Traite. — Si les Mandjagos et les Mandin-
communication), la production estinsignifiante, met tout autour et dessus des feuilles de pal- gues, frottés depuis longtemps d'un peu de
comparativement à ce qu elle devrait être. C'est mier, cela n'est ni long ni difficile à faire. civilisaLion, n'ont pas de répulsion à aller trai-
tout juste si quelques femmes diolas ou balantes Pendant quel'homme va dans la forêt àla re- ter eux-mêmes à l'escale, il n'en est pas de
se décident à apporterunecalebasse deEt palmistes cherche de la précieuse liane, la femme ^'oc- même des autres tribus fétichistes de la Casa-
pour avoir du sel ou un colifichet. cepen- cupe de la cuisine, élève quelques poules, fait mance chez lesquelles les négriers ont laissé un
dant, c'est par tonnes que les escales envoient de l'huile de palme, .casse des palmistes ; car le souvenir tenace et qui ont recours à l'intermé-
les palmistes à Dakar. C'est par milliers de Mandjago ne s'attaque pas seulement à la liane diaire de dioulas mandingues pour vendre leurs
tonnes que l'exportation se chiffrerait si les caoutchouc, il tire en même temps des palmiers produits; le dioula est en compte le plus sou-
indigènes se décidaient à recueillir la millième qui sont près de son abri le vin de palme de la vent avec plusieurs maisons concurrentes qui
partie des régimes qui se perdent et qui n'ont consommation journalière et les régimes, des- lui fournissent avec une majoration de 30 0/0
d'autres amateurs que les porcs errants et les quels sa femme tirera un produit encore rému- les marchandises d'échange.
bêtes de la brousse. nérateur. Le plus souvent le Dioula abuse de la con-
Cette exploitation des palmiers amènesouvent fiance qu'on ne peut pas éviter de lui donner
l e caoutchouc. des discussions avec les propriétaires du sol, pour voler et l'indigène et ses commanditaires;
le plus souvent peu liospitaliet-S. c'est un intermédiaire gênant, onéreux, tou-
Espèce. — La liane de laquelle on extrait le Ces Mandjagos obtiennent quand ils le veulent jours marabout et toujours très bavard, qui
caoutchouc en Casamance est la même que celle un caoutchouc très présentable; mais, au lieu couvre ses méfaits auprès des indigènes par
dela Guinée (Landolphia Gllinee'nsi8). de les sécher avantla vente, ils entassent leurs des racontars sur ses relations avec l'admi-
Zone.—Amesure que nislration française à
l'on progresse du Nord laquelle, en réalité, il
au Sud, de la Guinée ne crée que des diffi-
française en Casamance cultés.
à travers la Guinée por- En résumé, la Casa-
tugaise, on remarque mance a encore- une
que la zone riche en grande réserve de. lia-
caoutchouc, qui, sur le nes gohines, l'exploi-
Nunez, 'le Cogon et le tation n'en est pas ré-
Rio-Grandeva ens'éten- gulière et le produit
dant dans l'Estjusqu'au gagnerait à être plus
Fouta, se resserre le soigné. Dans tous les
long de la côte dès cas, les prix n'ont pas
qu'on atteint le nord du été gâtés et il existe
N'Gabou. En Casa- entre les prix de la
mance, le Fouladou n'a Casamance et ceux de
presque pas de caout- Hambourg une marge
chouc et c'e n'est guère énorme, comme aux
que vers le 17°30' de plus beaux jours du
longitude Ouest de Pa- caoutchouc en Gui-
.
ris que l'on recommence née.
à trouver des lianes.
La zone du caoutchouc Conclusion.
s'étend alors sans dis-
continuité jusqu'à la
mer.L'absencedu caou t- Decequenousvenons
chouc dans le Foula- dé dire, il résulte que
dou ne peuts'expliquer la Casamance est une
que par la disparition des provinces les plus
des forêts que les indi- riches, sinon les plus
gènes ont coupées, puis prospères, de l'Afrique
brûlées pour y faire occidentale fran-
leurs cultures de riz, çaise.
mil et coton. Moins favorisée que
Le Dr Maclaud et ses ses sœurs, la Guinée
collaborateurs, l'admi- française et la Côte d'I-
nistrateur Leprince et voire, elle est restée
le lieutenant Brocard, qui ont parcouru le boules dans des trous creusés dans le sol et la " Cendrillon " de la vieille colonie séné-
pays dans tous les sens, n'ont vu que quelques pleins d'eau. galaise.
pieds isolés dans la région cotonnière. Ils vont vendre leur caoutchouc directement Mais la chrysalide s'agite dans son cocon;
Récolte. — Les indigènes de la Casamance aux escales, (( au blanc », ils achètent en encore quelques années et le papillon ouvrira
obtiennent le latex par incision de l'écorce ; ils échange des vivres et quelques étoffes le sur-
; ses ailes glorieuses.
le coagulent à l'eau salée. plus ils- le. prennent en argent. D^jà les capitaux affluent, les maisons de
Les Mandingues obtiennent un produit très Chaque traitant blanc a une clientèle de commerce se . fondent, les plantations s'éten-
propre qui forme la catégorie A de la Casa- Mandjagos presque régulière; à leur arrivée de dent...
mance. la Guinée portugaise, il avance à ses clients Vienne un peu de liberté et la Casamance
Malheureusement, la zone qu'ils habitent n'est habituels quelques vivres et ouvre ainsi pour prendra la place à laquelle elle a droit, à la tête
pas très riche en lianes. chacun d'eux une sorte de compte courant qui des jeunes colonies de l'Ouest-Africain.
Les Balantes occupent une région peu cul- sera liquidé en fin de saison.
tivée et où le caoutchouc abonde; ils n'en tirent Les Mandjagos ne parlent que le créole por- Emile Lenoir.
aucun profit. Quelques étrangers se risquent à tugais.
s'installer chez eux pour une saison ; mais- ils Les autorités de la Guinée portugaise préten-
sont peu nombreux. Les mœurs spéciales des dent que les Mandjagos qui viennent vendre
Balantes, dont nous aVL ns déjà parlé, oil le leur produit à Zighinchor ont extrait ce pro-
meurtre et le vol sont considérés comme des duit des forêts de la Guinée portugaise ét l'ont
qualités nécessaires, éloigneront pendant long- entré en fraude en, Casamance.; ils. ignorent
temps encore les chercheurs de caoutchouc. vraisemblablement que du côté français il y a
Les Bayottes et les Bangouks au sud de la plus de caoutchouc que du côté portugais, et
Casamance apportent quelques boules à Zighin- que beaucoup de leurs sujets vont exploiter les
chor. forêts de la rive droite.
Les FIoups et les Diolas tirent quelque peu Dans tous les cas, on fait en Guinée portu-
parti des immenses réserves de caoutchouc de gaise tout ce qu'on peut pour empêcher cet
leur pays. exode aniiuel.
Mais le véritable chercheur de caoutchouc, Il y a quelques années, on leur faisait payer
c'est le Mandjago, de la Guinée portugaise. des droits d'entrée sur les produits qu'ils em-
Tous les ans, vers le mois de janvier, 7.000 à portaient avec eux en rentrant dans leur village ;
8.000 Mandjagos des environs de Bouba aban- maintenant qu'ils n'emportent guère que des
donnent leurs villages, partent avec leurs fem- pièces de 5 francs on leur fait payer la douane
mes et un bagage léger et viennent demander sur l'argent qu'ils rentrent.
aux peuplades de la Casamance la permission Il y a là peut-être un problème à résoudre
d'exploiter le caoutchouc pendant la saison. pour ceux qui ont dans leurs mains les desti-
Généralement le Mandjago paie au chef du nées de la Casamance: régulariser la situation
village une petite redevance en échange de de ces Mandjagos auprès des habitants et
celle permission. essayer par tous les moyens de les amener
Lie Jardin botanique d'Eala
(Etat indépendant du Congo)
leur splendeur. Les palmiers sont non seulement l'espèce indigène Canna indica et des variétés tante famille, bien représentée et qui renferme
intéressants par leur port, mais ils constituent horticoles à grandes fleurs qui servent à la déco- des caoutchouquiers Hevea brasiliensis et lIla-
une catégorie de végétaux des plus importantes, ration du jardin, et les Marantacées dont il se nihot Glàziovii, des plantes alimentaires, lIfa-
tant au point de vue alimentaire qu'à celui des cultive des espèces indigènes non déterminées nihot utilissima et dulcis, des plantes pharma-
matériaux qu'ils offrent au genre hum-ain dans et le Maranta a/'lllulinacea,la plante alimentaire ceutiques, telles que le ricin (Ricinus communis),
les régions tropicales. précieuse désignée sous Je nom d'Arrow-root. le pignon d'Inde (Jatropha Curcas), le Croton
Le cocotier, cocos nucifera, est représenté Les Urticacées nous font voir les arbres frui- Tiglium qui fournit l'huile de ce nom, le Croton
par diverses variétés originaires de Java. Toutes tiers : YArtocarpas incisa ou arbre à pain, niveus également utilisé dans les officines et des
croissent avec grande vigueur, bien que le coco- l'ArioCa/pus integrifoha ou jacquier, les caout- plantes ornementales de grande valeur, telles
tier soit réputé comme prospérant uniquement chouquiers du Panama, Caslilloa Tuna et elas- que les Codiaeum et les Acalppha dans leurs
dans les zones à climat maritime. On peut juger lica, le figuier ou l-.icus ccirica, le Ficus elastica innombrables variétés.
de l'utilité de l'introduction de ce végétal en ou caoutchouquier d'Assam, le F. iVekbwlu, le Mention spéciale doit être faite des Bixacées,
cette région quand on songe qu'un seul pied nouvel arbre à caoutchouc du Nil, les F. Eelvel- Possifloracées, Sterculiacées, Ternstrœmiacées,
est considéré aux Indes comme pouvant pour- deana, pilosa, religiosa, espèces ornementales Géraniacées, Erythroxylacées, Rutacées, Mélia-
voir à l'alimentation de toute une famille et que et intéressantes. cées, Simarubacées, Anacardiacées, Sapinda-
l'amande, la coque et la fibre du fruit, de même Parmi les Pipéracées se rencontrenl le bétel cées qui comptent de nombreux végétaux qui
que les frondes, sont d'un usage journalier dans [Piper Belle), dont les feuilles entrent dans la entrent dans l'économie humaine.
les pays précités comme article de grand com- préparation du masticatoire des'peuples orien- Mais l'on ne saurait omettre de parler des Lé-
merce, comme récipient ou comme matériel de taux, le poivre long (Piper Clzaba), le cubèbe gumineuses intéressantes d'abord par le grand
construction. africain (Piper guineense car. Thomeamun), très nombre d'espèces qui composent les forêts équa-
Dans ce même emplacement, nous trouvons répandu dans les forêts du Congo, le Piper toriales, mais parce qu'elles renferment des vé-
égale m ent*l'0/'eoa?ocra regia ou palmier royal, Jaborandi, précieuse plan le médicinale, et le gétaux qu'il est nécessaire d'étudier comparati-
l'Al'enga saccharifera, le palmier, à sucre, le Piper nigrum, le poivre noir des Indes, vement au point de vue de leur emploi dans
Raphia vinifera, le Borassus flabellifer ou ron- Les Anonacées nous apprennent à connaître les cultures de rapport. Il est question des
dier, le Thrinax allissima, Y -4reca Caiechu qui différents arbres fruitiers, tels que le chérimo- arbres d'abris, d'ombrage et de brise-vent. L'on
fournit la noix d'arec, le Phœnix dacliilifera ou lier (Anona cherimolia), le corossol (Anona doit citer parmi ceux-ci l'Adeizaiilhera pavo-
dattier, le Carludovica nina, les Albizz.'a Leú-
palmata, le Psychos- bek et moluccana, Cas-
perma elegans, le -Lala- -
sia fisiula, Cæsulpinia
nia Loclcligesi, Dyctyns- Sappan, les Erypirinha
perma album, les Sa- Çorallodendron, lithos-
bal princeps et umbra- perma, lllnbrosa, Inga
culifera, Bactris major, S a/?ïa/ï, Penlaclethra
Daemonorops inlerme- macrophylla,Poinciana
dias, Arenga Englerii, l'egia, Tamarindus in-
touLes espèces utiles à dica;
divers points de vue. A remplacement ré-
La famille des Pal- servé aux Myrtacées,
miers n'est représentée nous trouvons des es-
dans la flore de l'Afri- pèces du genre Euca-
que centrale que par un lyptus, connu pour ses
petit nombre d'espèces propriétes assainissan-
qui n'est pas supérieur tes, et de nombreux ar-
à 10 ; il est donc tou- bres fruitiers, tels que
jours utile d'essayer la l'Eugeiiia Michelii, ou
culture d'espèces étran- cerisier dé Cayerine.
gères. l'Eugenia Jamúos ou
A côté des palmiers,
les bambous consti- pomme rose., les goya-
viers (Psidinm guyaiJa,
tuent dans les régions ccittleyanum, sinensis).
tropicales des Indes et L'on ne peut; passer
les pays d'Orient les vé-
gétaux les plus utiles sous silence les Sapo-
tacées, qui renfermenL
aux populations de ces les arbres à gutta-per-
régions. Les espèces cha, du genre Bassia,
qui s'y cul tiven t en tren t Mimusops, Palaquium
dans une infinité d'usa- et Payena, ni les Apo-
ges journaliers. La flore cynacées qui renfer-
de la région équatoriale ment la plupart des ar-
du Congo ne comptait bres et lianes à caout-
pas de bambous ; aussi chouc et dont l'étude
leur introduction est- est par conséquent l'ob-
elle un fait d'impor- jet de beaucoup d'aL-
tance. Les espèces sui- tention, ni les Rubia-
vantes se cultivent avec cées, où nous trouvons
succès a JLLala @tiniisa /alcata, flexuosa, all-
: muncala), la pomme cannelle (.4. squamosa). 1 Ipéca [Cephselis Ipecacuanha), les arbres a
rea, viruli glaucescens, Melake, Simoni, nigra, Les Lauracées comptent des spécimens inté- quinquina du genre Cinchona et de nombr euses
naha, ainsi qu'une espèce géante non détermi- ressants le camphrier (Cinnamomum camphorci), espèces de caféiers, parmi lesquelles les Co//ea
née, mais désignée sous le nom de bambou de :
le cannelier de Ceylan (Cinnamomlll71 zeylani- arabica, congensis var. ubangiensis, Dewevrei,
Chine. cum), le cannelier de Java (L.aw'us cinnamo- Lauvenlii, liberica, slenophylla.
Parmi les autres graminées dont les bambu- mum) et l'avocatier, excellent fruitier des tro- L'énumération rapide qui précède donne une
sées ne forment qu'une.tribu, il doit se signaler piques (Persea gratissima). idée de l'intérêt que peut présenter ce jeune
les espèces fourragères dont un grand nombre Une famille dont l'étude reçoit la plus grande établissement et des services qu'il sait rendre
est mis à l'étude au point de vue de -leur
influence dans l'alimentation du bétail.
L'ordre des Scitaminées permet d'examiner
des plantes utiles des principales familles qui le
t
attention est celle des Malvacées. Il en existe de
nombreuses espèces en A/'riqlle,Jlon un grand
nombre sont utiles. Il en est d'alimentaires, tels
aux côlons qui débutent en ces régions.
La formation d'herbiers est également l'objet
de l'attention du personnel du jardin botanique.
divisent. que l' Hibiscus esculentus et le Pachira macro- Une salle d'herbie.r doit être installée et est des-
Parmi les Musacées, il se trouve un grand cirpa, d'autres sont employées dans la parfume- tinée à faciliter les recherches dans la détermi-
rie, tel que YTIibiscas Abelmoschus ou Ambrette. nation des plantes. Le jardin botanique possède
nombre de variétés indigènes du Muser -para"cli- Les plus nombreuses sont les textiles, parmi les-
siaca, désigné généralement sous le nom de un petit laboratoire de pathologie végétale où
quelles nous-avons les cotonniers, l' Hibiscus sont mises à l'étude les principales maladies
banane à cuire, réunies en cet endroit en vue 1/inariifolius, l'Ui,ena lobala, etc.;etc. L'Adan. des plantes de rapport cultivées dans l'Etat du
de leur étude au point de vue alimentaire ou à sonia cligitata ou baobab est de la.même famille. Congo.
celui de. leur classification botanique. Deux Un grand nombre de plantes en sont cultivées
bananiers ornementaux se cultivent également à Eala, où elles croissentparfaitement, bien que
Jardin d'essais.
ce sont les l1fusa Arnoldiana' et Gilletii qui ont
:
l'espèce soit décrite comme appartenant à la Cette annexe du jardin botanique a une mis-
été trouvés à l'état sauvage dans le Bas-Congo. flore des savanes. sion distincte. Il sert exclusivement à la culture
D'autres scitaminées sont les Zingibéracées Parmi les Guttifères, se distinguent les Gar- expérimentale des plantes susceptibles d'être
dont il existe en culture le gingembre (Zinziber cinia Xanlhochymus et Hambllligii qui pro- produites dans de grandes proportions. On s'y
officinalis), la cardamome (Eleltaria ccirda- duisent des matières colorantes, le G. ferreci, applique à trouver les procédés de culture et de
momurn). le poivre de Melegnet (A momum Mele- bois de construction des plus durables, le Mam- fumure les plus propices à augmenter le rende-
gueta), les Costus afer et Lucanusianus, plantes
utilisons par les indigènes comme coagulant du l71ea americana, arbre fruitier très réputé, et le ment. On y recherche pour chaque espèce les
Calophyllllln calaba, un bois précieux dont on variétés qui donnent les meilleurs résultats. On
caoutchouc. tire une huile médicinale. étudie et expérimente aussi les meilleurs modes
Puis viennent les cannacées, composées de Les Euphorbiacées constituent une impor- de préparation des produits.
La liste suivante renseigne exaclement par PLANTES FRUITIÈRES ici dans des conditions de milieu tout autres
catégorie d'utilité les plantes cultivées dans i
Buts PRÉCIEUX
.Itiiiaiiiia zeylauira. )..dc.
l'iiiincuni ofltciiiale. Jamaïque.
l'ariuentiera cerifera. Paoama.
PLANTES NARCOTIQUES
XicJiana Tabiii'iiai. Tahur, Améri(|ue tropicale.
paraissent à cet effet les meilleures essences.
Plantes à parfum.
La culture de l' Atidi,opogoiz c-lralus présenLe
le plus d'intérêt. L'expérience de distillation
des feuilles de cette graminée a été couronnée
d'un fort beau succès, puisque l'on est arrivé à
préparer une essence d'une valeur de 20 francs
le kilogramme, alors que le prix de revient
s'élève au tiers de celte somme seulement.
Plantes textiles et filamenteuses.
Les essais de culture et de préparation de jute
PLANTES A l'A II PU M (lui se sont poursuivis ont donné de brillants tioiincments. Un vétérinaire est attaché à la
Andropogon oilralus. Verveine de l'Jude, .111 le. résultats. Bien qu'un peu courte par suile de ferme modèle.
» miiriralus. veliyel.. d la nature sablonneuse du terrain, la fibre fut Le succès de l'installation de cette ferme est
Styrax Benjoin. Ilenzoin. Sumalra. d'autant plus intéressant qu'il est connu que
évaluée à 375 francs la Lonne. La ténacilé fut
PLANTES TINCTORIALES
jugée parfaite et la nuance belle. dans les zones tropicales forestières, l'élevage
Sloiïmla cilrifolia. Morin'e jliiiie. Asie la.-Opi,-;Il t.
Amérique trnp!(ale.
des races bovine et chevaline a paru souvent
llixa orelliin;i. ltocoiiici-.
Uarrinia llamliinnjii. indu. présenter des difficultés. Aussi e&t-on en droit
l'LANTES .MÉDICINALES
d'attribuer la réussite qui se constate à la per-
I:cphnclis I,ICI'¡II'lIôlnhll. )pccarllnnlw, Hrcsi!. fection des conditions d'installation et aux soins
,1;III'Ophli Curcas. Piynon d'Inde. Asie Iropicab. assidus que l'on apporte à ces animaux domes-
Inde et ChillP,
Croton Tiijlium.
FI-ytlii,oxilon Col-it var. llnanaro. Cocalier. Pérou. tiques.
» » » Truxillo. » »
Un grand choix de plantes fourragères est
7inzibcr odicinalis.
l'unira granatiim.
<]in()ftmhrc.
Grenadier.
Indes.
Indes. mis à l'essai. Le téosinte, l'éleusine et l'herbe
Ocimuin viridœ. Afrique trop'calr. du Para (Panicum mOlloslachyum) donnent in-
Epipremnum mirahile,
Cinnamamum camphora. Cai!)))hncr.
Asie tropicale.
Malaisie et Chine.
contestablement les meilleurs résultats, à côté
Strophanllius Arnoldianus. Jïtat iJJd. du Congo. des herbes indigènes.
PLANTES A ÉPICES ET A CONDIMENT
Dans le rapport annuel établi en janvier der-
Cannelier. l.I'Ylan.
nier, on lit de ce qui suit :
Cinnamomuni lcilaaicum.
Laurus cinnamomum. » Chine et Malaisie. « Le service des
établissements culturaux
Piper nigrnm.
Itêtlc.
Poivre noir.
lIelel.
Inde et Malaisie.
Inde et lies de la
d'Eala s'est acquis, dans le courant de cette
»
Sonde. dernière année, une belle et grande importance.
Yanilla planifolia. Vanillier. Amérique tropicale.
EtaL iud. du Cong".
Si l'on songe aux exercices précédents, les
rallilla species.
AIIIOIllIlIl1 Cardannm.im.
»
Cardalllomc. Inde. résultats obtenus alors suscitaient déjà le plus
vif intérêt, puisque tout était nouveau dans la
PLANTES TEXTURES ET FILAMENTEUSES voie Oll nous avions entrepris de conduire l'agri-
Amérique "'opicale'
Fonrrroya gijjaulea.
Sansevieria gninccnsis,
Chanvre de 1)¡lIIrirc.
Sansevière. litat ind. du Longo. culture de ces régions. On s'étonnait de voir les
l')'liudl'Ïi'a, » Afrique tropicale. méthodes agricoles européennes s'installer en
ces pays, ou s'émerveillaitde l'influence qu'elles
»
Agave rigida var. sisalana. Chanvre de Sisal. Mexique.
,[ilrlndoyira palmata. Amérique centiale.
tiossypium herbacciiiu. Cotonnier. » » exerçaient sur l'aspect, la vigueur des cultures
x barbadense.
var. du Pérou.
» 9
Il
"
Il
et sur la fertilité du sol.
« A la fin de l'année 1903, tandis que les pre-
» »
(laraovitch. " ^Egyl'le.
M
Amérique centrale.
M
Louisiauc-
Nouvelle Orleans,
»
» » Les cotonniers n'ont, pas donné dans nos cli- miers résultats s'affermissent et continuent à
»
» Choise [plund.
11
J) " B mats humides les résultats souhaités. Il est vrai servir d'exemple, il se constate qu'une impul-
Lcîl,le-
m
Abassü.
mt Afifi.
*
que l'on s'est adressé à des variétés étrangères, sion marquante a été donnée à toutes les bran-
M
Botanique. (f
EnFiri. si l'on envisage Eala comme établis- lisés en un temps relativement court par le per-
sement d'enseignementpublic, on peut établir sonnel chargé de liiistallationetdel'organisation
« La formation de collections de plantes vi- qu'on s'y applique : de cette station d'essais. Qu'ils soienteonsidérés
vantes et de spécimens d'herbier. •
« a) à initier les agents nouvellement engagés comme un témoignage de ce qui est possibls
« L'étude de questions physiolo-
'
Agriculture. d'Eala :
« L'œuvre accomplie à Eala depuis
« iLa culture expérimentale de trois ans est merveilleuse et marque
toutes les plantes de rapport des pays une époque dans l'histoire de la
chauds. "
botanique et de l'agriculture au
e L'élevage des races chevaline, Congo. Le jardin botanique est l'ins-
bovine, porcine, ovine, caprine et titution qui m'a le plus impres-
des oiseaux de basse-cour. sionné au cours, de ce voyage dans
« L'étude de toutes les questions physiologi- pour le service des cultures de l'Etat et les par- l'Etat indépendant. Les progrès' déjà réalisés
ques et pathologiques ayant trait à la santé des ticuliers à toutes les questions agricoles d'ac- permettent de prédire qu'Eala deviendra le
animaux d'élevage. tualilé; « Buitenzorg » de l'Afrique équatoriale, grâce
Observations météorologiques, «
6) à former des jardiniers et cultivateurs aux faveurs d'un gouvernement généreux et à
noirs ; la haute protection qui a ,oulu et décrété
« Elles portent sur les températures maxima « c) à donner des avis et des conseils à toute l'œuvre. »
et minima, la chute des pluies, le degré d'humi- demande qui est formulée. » J. M.
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
15 Décembre 1904 (4' Année). — N* 23. Directeur J. PAUL TROUILLET
Adresse télégraphique Deponiale Paris : ; Bureaux : 12, Rue Saint-Georges, Paris
:
- TéléDhone : 157-47
li'Hinterland J Vt O ï (Coehinehine)
RÉVOIR
—vouloir — en cela se résume une miroirs, tabac, couteaux, perles et autres bibe- Certes, une escorte de 50 hommes eût impres-
mission d'exploration, et le second lots susceptibles, à notre sens, de séduire nos sionné les sauvages, mais le Commandement
terme de la proposition est, à l'encontre futurs clients. n'eût pu nous séleclionner 50hommes et,comme
de ce que l'on peut penser, moins
ardu que le premier. nous voulions respecter en tout les moeurs des
Moïs,nous avions besoin dhommes d'élite.
Lorsqu'en janvier 1904, le Gouverneur Général Grâce à la bienveillance du général de Beylié,
de l'Indo-Chine, M. Beau, voulut bien me mettre les colonels Daim et d'Albignac nous choisirent
à. la disposition dti. Gouverneur de la Cochin- chacun 5 tirailleurs, d'une bravoure établie,
ehine pour une mission d'exploration dans l'Hin- d'une honnêteté et d'une discipline exemplaires ;
terland Moï, je reçus de M. Rodier des instrllc- le conducteur d'artillerie que nous donna le
tions si nettes, si précises, si lumineuses, que colonel Laguarrigue de Survilliers était égale-
la tâche devenait bien facile. ment un sujet de choix.
Après nous avoir rappelé que des missions Notre petite troupe fut donc ainsi composée :
antérieures, celle du capitaine Génin et celle du Paul Patté, chargé de la mission,
marquis de Barthélémy, pour ne parler que de Dr Le Groignec, médecin-major de 2c classe,
ces deux dernières, avaient dû renoncer à péné- Pierre Baron, interprète français annaniiLe1
trer le mystérieux centre de notre empire indo- Féral, sergent d'infanterie coloniale,
chinois, il mettait notre prudence en éveil. Dans leur sollicitude, le Gouverneur Général 10 tirailleurs,
En relisant dans Excursions et Revues les et le Gouverneur de la Cochinchine voulaient 1 conducteur d'artillerie,
récits de nos anciens qui avaient randonné sur nous donner une escorte importante. Nous refu- 1 cuisinier.
les contins mois, les Néïs, les bep- 1 jardinier, personnage dont
tans, le lieutenant Gauthier, Pierre nous aurons à causer; ; .
Carrau, les.Nouet, Humann, Na- 1 interprète moï parlant l'anna- ,
— Il faut porter tout cadeau que je lui fais, Irap, après remercie-
—
Mais non, nous avons nos charrettes. ments, se dérobe et revient me faire, lui aussi,
— Alors, venez! Et, monté sur son éléphant, il un cadeau. C'est d'abord le plateau de riz, puis
partit pour préparer notre Réception. un coq superbe et -un canard. Mais il ne s'arrête
Arrivés sur les rives du Song-Bé, nous trou- pas, il m'apporte un cochon Il faut calmer son
!
vâmes assemblés 50 Moïs que NghÚÓrte, notre zèle, car sa générosité éclipserait la nôtre.
hôte,avait été quérir pour aider nos charretiers à Naturellement, il y eut ouverture de jarres à
franchir la rivière. mage du riz Cette coutume, commune à bien vin de riz et concert de gongs. Les riches chefs
A peine étions-nous installés à Bu-Ton que des peuples d'Orient, est pratiquée par les Mois moïs possèdent une douzaine de vieux gongs
mandant NghÚÓrle je lui fis savoir mon inten- sauvages, elle consiste en l'offre de riz présenlé chinois, jadis importés à la frontière. Ces gongs
tion de partir le lendemain vers l'est. respectueusement sur un plateau au chef que sont superbes et de diapasons différents; lés
répondit-il.
— Il n'y a pas de route,faire l'on veut honorer. Moïs s'en servent avec adresse et en tirent des
— Je le sais, veux-tu en une? Je donnerai Mais les Moïs de Boeck-Lume ne se bornèrent accords parfaits dont l'ensemble forme une har-
à chaque sapeur un kilogramme de riz et 4 pois- (1) Ray, champ de riz. (1) Sala, maison des Etrangers.
me voyant emmener un jardinier, c'est.moi qui pendance, c'est la caractéristique de sa race. crerai aujourd'hui même douze foies de coqs L
aujourd'hui riais et de bien bon cœur. C'était jouer gros jeu et d'un seul mot peut-être Mais Borth attend, anxieux. Pauvre Borth, lui
Durant que tous travaillaient à l'envi, nous défaire ce que nous avions patiemment édifié ; aussi j'ai envie de lui sauter au cou, mais il
ne chômions pas. La carte, le recensement des vil- apeurés, les Moïs pouvaient s'enfuir,nous étions faut se contraindre. Pour réussir avec l'Asiatique
lages, les reconnaissances, l'observation des cou- plein de fièvre à cettè idée... il faut dépouiller le vieil homme, dire adieu à
tumes et des mœurs, l'étude de la langue, l'éta- Le Moï, le bon Moï, le brave Moï calma nos l'exubérance, il faut même se museler. Pour
blissement d'un vocabulaire moï nous faisaient alarmes, en cette grave occurrence ; ce fut lui rester digne, nous transmettrons notre réponse
paraître les jours bien courts. qui prit encore l'initiative et vint au-devant de par Baron.
Nous revînmes sur nos pas jusqu'à Bu-Ton nos désirs. — Dans deux jours nous irons à Bu-Nu.
pour reviser notre premier levé, nous fîmes soi- Unjour, Borth, le chef de Bu-Nu I, se présente. Le vieil homme aurait voulu sauter à cheval et
gneusement celui de tous les environs. en grande tenue. y galoper à Bu-Nu le jeune, le nouveaur
Dans chaque village on notait avec attention En quoi consiste la grande tenue moi ? deman-
;
l'Asiatique lui dit : Calme-toi, vieil Européen,
le nom de tous les hommes. On posait une pla- derez-vous. vieux Français, cache ta joie, ne montre pas
que portant indication du nom du village, de sa Elle ne diffère de la petite que par une plus d'empressement, attends, tais-Loi désirer; et le
distance d'Honquan et de Dong-Bong-Tay, de grande propreté, un soin plus minutieux, elles pauvre vieux, s'inclinant devant son jeune
son altitude et enfin de la date de notre visite. sont d'ailleurs aussi rudimentaires l'une que double moi, je reste au fond de ma case penché
Les clichés photographiques nous permettaient l'autre. Jugez-en : pieds nus, jHmbes ornées de sur ma carte.
de rapporter documents sur les lieux et sur les la cheville au mollel de bracelets de cuivre, Si.les deux journées qui nous séparaient du
hommes. On avait causé, appris chaque jour un simple fil de laiton savamment enroulé. A la grand jour furent cou ries grâce à des chevau-
peu de nouveau sur la vie du .-Moï,-sur ses habi- ceinture un pagne qui porte ici le nom de trôgn, chées, les nuits furent terriblement longues ;
tudes, ses mœurs, ses coulumes. pièce d'étoffe de 3 à 4 mètres de long sur rebelle au sommeil nous songions Est-ce vrai-
Les soirées étaient consacrées à des séances 0 m. 30 centimètres de large; un premier tour
:
ment possible? Le Moï indépendant accepter
interminables de moï, leçons dures, arides, mais
indispensables. Un mois après notre entrée
serre les reins, un second s'emboîte entre les
cuisses, un troisième tour aulour des reins per-
une autorité... c'est un rêye...-
Enfin le soleil se leva pour la deuxième fois.
dans l'Hinterland, Baron commençait à se faire met de ramener les franges d'une extrémité sur C'était un lundi, le jour de Jupiter. Nous aussi
comprendre des indigènes à leur grande stupé- le côté, alors que les autress'étalent au-dessous nous nous mettrons en grande tenue un cos- :
faction et aussi à leur grande joie. Baron, si du ventre pour cacher les parties. Torse et bras tume blanc emporté Dar erreur fait l'afl;aire le
doux, si bon, si patient, hochet rouge enfoui au
était leur idole. fond d'une caisse verra
Nous avions fait plu- la cérémonie. Baron taille
sieurs ascensions de la ses crayons. Nhaï, l'inter-
Yumbra qui s'élève jus- prète moï, inaugure un
qu'à 585 mètres. Baron complet neuf que je lui
avait reconnu le Song-Bé donne pour la circons-
amont, bien près de ses tance. Les tirailleurs sont
sources, .et Féral en aval astiqués et propres comme
jusqu'à Bu-Ton. pourle 14juillet. Nos che-
Nous avions semé quel-
vaux ont fait toilette, les
ques idées nouvelles, harnachements brillent.
elles poussaient vite en ce En route! J'emmènepeu
terrain vierge. Une no- de monde, pour marquer
tion, par exemple, avait
été bien dure à faire com- ma confiance Baron, l'ar-
:
tilleur portant fièrement le
prendre, celle du numé- fanion, et u n tirailleur
raire. Cela avait été terri- monlé; les sacoches sont
ble, c'était presque une bondées d,e présents. Nous
révolution, car un jour galopons, suivis à la
nous décidâmes que les course par Nhaï. Mais
salaires ne seraient plus halte les Français ! au pas,
payés en marchandises, voici Bu-Nu.
mais bien en numéraire, Borth nous attend. A
sapèques, décimes et pié- notre arrivée il fait comme
cettes d'argent. Il fallut Irap abattre là palissade.
faire appel à toute notre Il nous introduit d'abord
patience. Une fois la solde dans la maison où toutes
faite en numéraire, nous les femmes nous sont pré -
ouvrîmes nos .coffres et sentées, des présents leur
vendîmes nos marchan- sont offerts ; mais la céré-
dises contre espèces. La monie nous réclame,
leçon fut hérissée de dif- Borth vient nous prier de
ficultés, mais nous tînmes bon plusieurs jours, nus, aux poignets bracelets de cuivre analogues descendre. 11 nous mène à la Sala ou tout est
Une paye commencée à 6 heures du soir était à à ceux des jambes, les élégants les portent jus- préparé ; un bol rempli d'eau, un au Ire plein de
peine terminée à 11 heures. On dînait seule- qu'au coude. Au cou un collier de perles. Les bétel, un troisième. vide, deux chandelles de
ment alors. Mais aussi quelle joie quand, le hui- cheveux bien peignés sont fièrement troussés cire sont allumées, des brins de coton filé sont
tième jour, nous vîmes des Moïs partir tranquil- en un fort chignon retenu par un peigne de bois apprêtés, les hommes font cercle.
lement avec leur argent, ils avaient compris, ils et orné de grandes épingles en cuivre empen- Sur un signe de Borth, un cochon ligoté est
n'achetèrent plus qu'au fur et à mesure de leurs nées de façon originale. A l'épaule l'immuable apporté, on lui fait une incision au flanc et son
besoins ou de leurs désirs, ils firent même coupe-coupe, à la ceinture un petit couteau, à sang est recueilli dans le bol vide.
mieux. l'épaule gauche le carquois, et les flèches, à la Le chef qui jusqu'à ce moment, se tenait fière-
Un Moï apporte un matin un ya (1) de paddy main gauche l'arc, au poing droit la lance. ment campé en face de nous. se prosterne alors
pour les chevaux. C'est en cet équipage que Borth se présente. à nos pieds, il nous dit que lui et ses hommes
Que veux-tu en échange ?
—
De l'argent. — Nhaï, dit-il, à l'interprète moï, je viens comptent sur moi pour les protéger, qu'ils sont
— pour quelque chose de grave, il faut que je parle prêts à obéir à tous mes ordres et que si j'y con-
— De l'argent... pourquoi faire ? sur-le-champ à M. Baron. sens il va me prêter le serment de fidélité.
— Pour vous acheter du sel. Nhaï, effrayé, accourt prévenir Baron qui s'em- J'acquiesce et, suivant le rite que Nhàï m'a
Hurra! hurra! l'idée du numéraire avait presse. enseigné, pour marquer ma volonté, prenant
germé, poussé, elle était mûre. a-t-il, Borth ?
Une autre manifestation nous rendit rêveur. — Qu'y un brin de coton, je le trempe dans l'eau,
Irap vint au camp me demander la permis- — Voilà, monsieur, « le Grand Mandarin » — puis dans le sang, et je l'attache en bracelet
(votre serviteur, je vous prie) est bon avec au poignet droit de Borth.
sion de célébrer la fête du Paddy (2). —
nous, nous l'aimons tous, il a des fusils et sau- Celui-ci se redresse comme un ressort; campé
Me demander la permission.... mais que rait nous protéger en cas de danger, je veux lui droit, la tête haute, le regard fier et clair, me '
suis-je donc pour les Moïs? — Un voyageur, obéir toujours. Il faut pour cela qu'il vienne à regardant bien en face, il lève, tel un Français,
un étranger. 'pensais-je; — il faut croire que Bu-Nu. J'assemblerai tous mes hommes et en la main droite et jure de m'obéir et de m'être
leur pensée va plus vite que mon désir, puis-
qu'ils en arrivent à me demander l'autorisation
cérémonie je lui prêterai serment de fidélité.
Dites-lui de ne pas nous refuser. Que devjen-
il
fidèle, termine par une promesse terrible: « Le
jour où je vous serais infidèle, dit-il, je serais
de célébrer une fête qui est pourtant dans leurs drions-nous s'il refusait? Qu il choisisse le jour, déshonoré et je me tuerais. »
habitudes. nous ferons comme il voudra. (Scrupuleuse- Comme marque de son serment il m'altache
D'autres notions leur furent données. Elles ment copié sur la sténographie de l'interprète.) à son tour, au poignet gauche, unbrin de coton
parurent être bien repiquées. Nos rapports Baron accourt me prévenir, il est tout ému... préalablement. trempé dans l'eau et le sang.
étaient cordiaux, nous allions nous risquer à et moi donc! Ma foi, moquez-vous de nous si A l'issue de la cérémonie, concert de gongs ;
parler de soumission, d'annexion, mais nous vous voulez, mais nous nous embrassons. Com- l'infortuné cochon est grillé tout entier, la
retardions le moment qui nous paraissait bien ment! ils ne fuiront pas à l'idée de soumission ?... ripaille commence et, après que nous avons tiré
dangereux; le Moï a l'amour indompté de l'indé- Ils viennent d'eux-mêmes! la première pipée à la jarre de vin de riz, nous
(1) Ya, environ la moitié d'un picul, soit 30 kilogrammes. L'Esprit de la Forêt est vraiment un bon Génie nous retirons, reconduit à notre camp par Borth
(2) Paddy, riz non décortiqué. qui inspire joliment bien les Moïs, je lui consa- et quelques-uns de ses hommes.
On n'illumina pas le soir à Dong-Bong-Tay, ssidère la besogne faite comme une simple ébau- Une immense, une interminable forêt, acci-
mais le sommeil bienfaisant nous berça de <
ïhe, la terre est molle à souhait et suffisamment dentée d'une succession ininterrompue de ma-
rêves qui, au réveil cette fois, devaient se muer <ïompac le pour former un bloc ; il faudra repatiner melons boisés d'une altitude de 150 à 300
en réalités. ] 'ébauche, peut-être la recommencer avant la mètres.
Les Moïs n'ont pas lu Rabelais, ils imitèrent <
coulée définitive, mais en somme nous avions Le Sol est riche, terre rouge et forte.
cependant les moutons de Panurge. imatière et nous venons d'acquérir la conviction
La Forèt renferme toutes les variétés de bam-
Dès le lendemain un nouveau chef vint nous qu'elle est bonne. bous et de rotins connues, elle recèle des arbres
centenaires d'essence précieuse dont l'exploita-
<
convier au serment de fidélité et tous les jours
suivants ce fut un défilé. Il fallut inscrire les tion sera une richesse pour lesMoïs et la Colonie
demandes et toutes les matinées se passaient en Il ne faut pas aller trop vite, dépasser nos quand le réseau de routes sera établi et quand le
chevauchées pour aller recevoir les soumissions, instructions. Mission de reconnaissance nous
i Song-Bé navigable et flottable sera utilisé.
Je comptai un soir, sur mon bras gauche : il y sommes, Mission de reconnaissancenous devons A l'utile, l'agréable se joint, les orchidées les
avait 40 bracelets et, en effet, au registre spécial rester. plus bizarres disposées en épis, en grappes ouen
il y avait 40 noms de chefs soumis. Nous avons ensemencé ici, il faut partir; cimes, de tons les plus violents et des plus doux,
On put songer à l'embryon d'une organisa- l'exploration est un arbre dont le voyageur ne piquentleurs touches claires etchatoyantes dans
tion. respire jamais la fleur. fa forêt touffue, sombre. et mystérieuse elles
;
La boucle de Song-Bé, triangle délimité par- Avant le départ, examinons, si vous voulez, ce trouvent gîte partout, aussi bien au sommet,
Phu-Trith à un sommet, Bu-Ton à un autre et que nous allons emporter. comme au tronc des arbres géants, que sur les
D'abord le levé du terrain reconnu, avec indi-. lianes gigantesques qui s'élancent d'arbre en
Dong-Bong-Tayau troisième, forma la Marche arbre en arabesques fantastiques. La Liane est le
de la Yumbra ; elle fut divisée en 4 cantons : cation des cotes; sondage de 27 kilomètres du fléau de la Forêt, elle en rend l'abord impéné-
lloeck-Corre, Bu-Ton, Boeck-Tholm etBu-Care. Une carte de
aval; trable à l'homme, elle s'attaque suuvent aux
Tous les chefs de village furent confirmés Song-Bé géants les plus puissants des arbres, les happe,
dans leurs fonctions. Un vocabulaire môï de 500 mots ;
je choisis vieux brave homme, Le recensement nominatif des hommes de les suce, les enlace, les escalade jusqu'au
Parmi eux un faîte et les tue. Le Géant que vous voyez
aussi doux qu'énergique, Fêr, que je nommai 77 villages ; de notes alors toujours- droit est mort, c'est une Liane
Chef de la Marche ; sou fils Chô, très énergique 600 pages ;
brave, fut fait sous-chef et les cantons Quelques collections forestière, minière et monstre qui le recouvre de son vert linceul.
et très entomologique ; La forêt a d'autres tyrans, nous ferons con-
reçurent chacun un chef et un sous-chef. Des instruments divers et quelques armes, naissance plus tard avec eux en marchant sur
Je me fis faire des rapports, l'impression était
d'objection couteaux, coupe-coupe, arcs et flèches, lances. le Donaï, nous en-parlerons plus loin.
bonne, les choix ne soulevaient pas Ses hôtes pacifiques sont le con-nai (1), le
et étaient acceptés sans protestation, les chefs Voulez-vous que nous feuilletions ensemble con-man, le- con-caton, le sanglier pullule et
montraient
se Je fiers de leur élection. voisine avec le buffle et le bœuf sauvages, le
fis jouer un peu le mécanisme ; je donnai les notes, je de vous les dirai même de mémoire.
rapidement-transmis Au point vue Géographique, par ce qui lièvre, le singe et le rat palmiste.
des ordres à Fêr, ils furent précède où trouve l'Hinterland La genjt empluméè comprend: le paon, le coq
qui les tirent exécuter vous savez se
aux chefs de canton Moï, notre carte jointe vous donne. un aperçu du sauvage,lespigeonsvert et ramier ,lestourterelles
immédiatement. qui pullulent ainsi que les perruches, les pics
terrain parcouru.
Son aspect? Con-nai, ceif; con-man, chevreuil; con-cator, daim.
Tout est-il parfait ? Evidemment non. Je con- (1)
pas permis d'éclairer ce problème, nous l'étu- fait glisser à l'aide d'un bambou quelques change peut-être souvent l'emplacement de son
dierons certainement à notre retour, car il doit grains de riz dans
.
les trous préparés. Hommes village, mais le maintient toujours dans un
être fertile en causes et efï'cts. et femmes moissonnent, en commun et bottel- rayon de quelques centaines de mètres.
La Naissance d'un enfant n'est suivie que d'un lent desgerbes qui sont, comme en Beauce, écha-
repos de quatre à huit jours pour la mère qui faudées en meules. C'est la femme qui pile le Le Commerce, nous l'avons dit, est nul.
allaite son nourrisson jusqu'à 4 et 5 ans. Cette paddy, égrène le coton, le file et le tisse. Avant Le Prêt se pratique entre parents ou amis,
sollicitude rend la race forte, on ne rencontre
chez aucun des enfants moïs le gros ventre des
enfants annamites bourrés de riz dès le plus
bas âge.
Les Fiançailles sont faites dès l'enfance. Deux
ou trois ans avant la date fixée pour le mariage,
le moins riche des futurs va habiler et travailler
chez les parents de l'autre fiancé. C'est une
sorte d'essai loyal, les M ois et les Moïettes ne
peuvent pas dire qu'ils prennent chat en poche.
Les enfants sont adorés des parents qui, en
retour, sont plus tard entourés de respect et
d'attentions.
La Mort entraîne une longue cérémonie. Le
corps est gardé à la place où il a cessé de pal-
piter, durant une huitaine de jours, durant les-
quels sonneries de gongs et mélopéesnon dénuées
d'harmonie sont chantées à la louange du
défunT. La bière, un tronc d'arbre évidé, ter-
minée, on y introduit le cadavre ficelé dans des
nattes et on la porte en terre, soit en une sépul-
ture isolée creusée dans un ray, soit dans un
cimetière proche du village. Une jarre, où ont
été recueillies les matières décomposées, est
déposée dans l"a fossequi, recouverte, est ensuite
ornée d'un petit toit de chaume. Une jarre
et des bols sont déposés sous ce petit auvent
et pieusement on les remplit journellement d'eau
et-de riz pour que le défunt ne souffre ni de la
soif, ni de la faim; dans la bière des riches.
on dépose des gongs « pour qu'ils ne' s'en-
nuient pas M.
En France, dans les bourgades, l'enterrement
est suivi d'un repas auquel sont conviés parents
et amis, l'usage est le même ici et la ripaille est
en proportion de la richesse de celui qu'on
pleure.
Le Moï ne plante pas de pavots et ignore
l'opium. Il fume le tabac, soit dans des pipes
en racine de bambou, soit en cigarettes roulées le tissage, les filés sont teints; comme toujours surtout en fin de saison, quand le riz manque
dans une feuille d'arbre, il chique le bétel et c'est la forêt qui fournit la teinture: les cou- dans certains villages, il est scrupuleusement
remplace la noix d'arec fort rare par del'écorcc leurs sont le kaki, le rouge, le bleu. Hommes remboursé à la moisson ; l'intérêt varie suivant
de day vandung et de day ban van. et femmes concourent à l'approvisionnement le degré de parenté où d'amitié et en raison de
L'hdmme fait les travaux forestiers, il la- d'eau, mais tandis que la femme la puise dans l'éloignement de l'emprunteur.
L'Echange est le seul genre de transaction et
se fait de zone en zone, de village en village,
car l'absence de routes et l'insécurité du pays
maintient à la frontière les mercantis annamites
ou chinois.
Le Moï troque avec imprévoyance son paddy,
du rotin, de la cire, de la laque, de la résine,
des peaux et des cornes, contre du sel dont il
est friand, des fils de cuivre de 4 à 5 millimètres,
des coupe-coupe et fers de lance, de la coton-
nade rouge, des perles ou de la poterie et des
feuilles d étain.
La parole du Moï est sûre, il n'est ivrogne
qu'aux jours de fête, il n'est pas plus menteur
qu'un Européen, assurément moins que tout
autre Asiatique ; il est bon mari et bon père,
peut-être pourra-t-on ajouter, par la suite, bon
garde national.
Tous savent compter jusqu'à 20 et les forts
s'élancent jusqu'aux centaines, voire aux mil-
liers.
Le Numéraire était inconnu avant notre pas-
sage.
Les Distances et le Temps se mesurent par des
images, — « le temps de faire cuire une mar-
mite, deux, trois marmites de riz », traduisez une,
deux ou trois heures. — « Vous arrivez à l'heure
où l'on couche les enfants, soit 8 heures. —
« Quand tu auras dormi
trois nuits, tu seras
près d'arriver. » — Quand le coq aura chanté
pour la deuxième fois », — 1 heure du matin.
Le coq sauvage chante trois fois, il lance
trois cocorico chaque fois, la première à
9 heures du soir, la deuxième à 1 heure du
matin, la troisième au lever du soleil.
Les Mesures plus exactes sont la brasse, la
boure le ray qu'il a préparé par la sape de la des calebasses qu'elle rapporte au village dans coudée, la main, le pouce.
forêt et fumé par incinération des arbres abat- sa hotte, l'homme la récolte dans des gros bam-
tus: il n'a pas de charrue et se contente défaire bous de 3 à 4 mètres de long dont il a crevé les La Religion n'existe pas. — des Superstitions
de petits trous en terre à l'aide de longs pi- cloisons. et encore. Il y a des sorciers et des sorcières,
quets. Il chasse et pêche, et tresse la vannerie. comme en France d'ailleurs, mais comme dans
La femme suit le laboureur et, sans se baisser, i
On dit le Moï nomade. C'est une erreur, il notre pays leur clientèle est restreinte. Les
Mois paraissent cependant respecter ou plus
exactement redouter l'Esprit de la Montagne et - Est-ce vrai, s'écrient-ils,
M. Baron est-il mort?
est-ce vrai? 1 chevaux qui porteront maintenant le bagage,
Ceux de la Forêt et des Eaux, mais tout cela est nous ferons volte-face pour secourir nos cour-
— Hélas ! oui, voici le monument que nous riers ou châtier ceux qui les auraient molestés.
vague, bien vague. avons élevé. La marche de retour fut sévère, la pluie tombait
Nous pourrions, sans. nous lasser plus qu'à
l'époque où nous l'avons engrené, dévider encore
un long chapelet de faits et d'anecdotes, mais
pour plus artistique qu'il est, le cadre de la Dé-
pêche Coloniale est plus restreint que celui dans
lequel nous avons vécu.
Nous bouclerons donc définitivement le ba-
gage et quitterons Dong-Bong-Tay.
La séparation fut une vraie consternation
pour nos nouveaux amis qui s'étaient figuré
que nous étions fixés à jamais chez eux. Il fal-
lut, pour calmer leur affliction qui parut abso-
lument sincère, leur promettre de revenir et
notre désir est bien de tenir notre parole.
Ce ne fut pas en effet sans émotion que nous
quittâmes Dong-Bong-Tay, nous avions conquis
le Moï, mais le coquin, lui aussi, nous avait
pincé et avait su pénétrer dans notre cœur.
* *
Nous redescendîmes au sud jusqu'à Phu-Trilh
pour y déposer notre bagage, car nous venions
d'être prévenus par l'Administrateur de Thu-
daumot d'un fâcheux contre-temps : une épidé-
mie bovine affectail sa province et force lui était
de faire rentrer les bœufs, les charretiers et les Les Mois détachent de leur dos leurs hottes,
chars. recrudescente, la gent déchaînée par le Génie
Alors nous allions être forcés de revenir à la une jonchée de fleurs dela forêt s'écroule sur le .de la Forêt nous piquait, nous suçait,
nous épui-
tumulus. sait. Bast, le soir on se séchait, l'iode et le
vieille méthode ! Pas de chars, pas de provi- Croirez-vous maintenant à la sincérité et au sublimé pansaient les plaies, la digestion était
cœur des Moïs de la Yum-. facilitée par la sobriété et le sommeil rendu plus
bra ? léger par la prudence.
II Tout finit bien. Nos courriers, prudents et
avisés, avaient foncé en pleine forêt, évitant tous
Le 2 mai, nous nous villages.
mettons en route vers A Bu-Huar, l'un d'eux, Wang, nous aperce-
l'est. La forêt est plus vant, bondit joyeux à notre rencontre,nousnarre
touffue encore, le terrain l'odyssée et nous rassure
plus accidenté, les pen- rades. sur le sort de ses cama-
tes des mamelons plus Le 6 juin, nous atteignions Tanh-Xung, chef-
abruptes, les ravins plus lieu d'un canton moï annexé de la province de
profonds. Il faut saper Bien-Hoa. Le 9,nous gagnions, à étapes forcées,
jour et nuit, terrasser Saigon.
pour adoucir lés pentes
inaccessibles, jeter pon- ***
ceaux sur ponceaux pour Notre récolte celte fois?
franchir ruisseaux et ra- Le levé de l'itinéraire, le recensement no-
vins. minatif des villages et rien d'autie.
A ces obstacles natu- Il y a maldonne, il faudra recommencer.
rels se joint la difficulté Revenir chars à bœufs et provisions s'ins-
avec
du recrutement des coo- taller, séjourner.
lies et bientôt la disette La tâche sera certes plus rude, car le Moï ici
de riz. Il faut, durant a été apeuré, mais de la patience, plus
avec
que le sergent surveille de patience encore, on arrivera au but, car il
la sape dont nous éta- nous a paru sensiblement, dans cette région,
blissons chaque matin la semblable à celui de la Yumbra.
direction, que nous fas-
sions de dures et lointai- t:
* *
nes randonnées pour ré- Conclusions.
colter quelques grains de sol riche, couvert — Le territoire reconnu est d'un
riz. La distribution ma- des Moïs civilisables de riches forêts, habité par
sions, il fallait pour le bagage indispensable re- linale aux tirailleurs et aux sapeurs moïs vide d'une race forte et honnête.
cruter le coolie moï et vivre sur le pays ! le sac rempli la veille.. Ce n'est plus un sac, La terre de cette contrée enrichira le domaine
La méthode que nous avions employée nous c'est un tonneau des Danaïdes. de la Colonie, ses habitants seront dp. fortes
avait réussi. Nous verrons que la vieille était La pluie complique la situation. La Forêt recrues et pour les travaux et pour la défense.
décidément mauvaise, car si nous pûmes parve- devient un enfer, son Génie fait sortir de L'annexion immédiate est-elle déshable?
nir jusqu'au but assigné, ce fut au prix d'efforts leurs repaires sangsues et taons, mouches l'organisationNous ne le pensons pas, nous estimons que
inouïs et sans résultats civilisateurs effi- noires et abeilles, tiques et moustiques ; les l'éducation de autonome est préférable pour
caces. jambes des hommes sont criblées de morsures, quand ils ces grands enfants. Plus tard,
Nous pourrons pousser un raid, lever l'itiné- le corps tout entier est couvert de sangsues les seront sevrés, grandis et dégrossis,
raire, là se bornera notre récolte pour ce second chevaux souffrent autant.
:
on pourra si l'on veut partager l'Hinterlapd
acte de la mission. Cochinchine, le Cambodg-e, l'Annam et
Mais l'entrain des tirailleurs a raison de tout. entre la aujourd'hui
Avant notre départ, une tragédie complique On arrache les sangsues, on chasse les mou- le Laos; il nous paraît plus sage et
pratique d'élever la race avec une seule
notre situation et nous plonge dans un chagrin ches aux piqûres brûlantes, on se serre le ventre, plus
méthode, uniforme et raisonnée, prudente et
qui n'a pas encore pris fin. on sape, on passe, on avance.
Notre interprète, Pierre Baron, sujet aux mi- Le 26 mai, nous atteignons enfin le Donaï que modérée.
graines, s'administre par erreur un cachet de les indigènes dénomment ici Da-Dung. Du ma- *
strychnine au lieu d'antipyrine. En trois minutes melon qui s'élève près de la rive, nous voyons le
il est foudroyé. Surling se profiler majestueux. Bilan, du 16 février au 2 juin: Nous avons
Baron avait été le modèle des collaborateurs, C'est le terme assigné par le Gouverneur. reconnu et levé 20.000 kilomètres carrés;
dévoué jusqu'à l'abnégation, consciencieux sans Sapé 206 kilomètres de route charretière ;
Il était temps — les Moïs furieux d'être con- 275 kilomètres de route cavalière; ,
limite, loyal jusqu'à la franchise, franc jusqu'à traints à porter, nous ont abandonné; nous
m'avertir quand il pensait que je me trompais. Chemins de piétons pour mémoire ;
n'avons plus de riz. Jeté 6 ponts et 15 ponceaux ;
Je perdais un ami, la mission son fleuron, le pays Traverserons-nous le fleuve et nous avance-
un fidèle serviteur. Terrassements pour mémoire.
rons-nous à l'aventuré ? L'aventure nous tente, 77 villages ont été recensés individuellement.
mais les quatre mois impartis sont épuisés, il Un vocabulaire moï colligé.
Le retard causé par la mort permit à la fatale faut rentrer. Nos hésitations cessent. d'ailleurs
nouvelle de se répandre et aux Moïs de Dong- Des photographies et notes, des collections
quand notre interprète nous informe que les complètent nôtre petit bagage.
Bong-Tay d'accourir. Oui, à l'encontre de leurs Mois de Bu-Khar ont menacé de mort nos cour-
habitudes, malgré la crainte que leur inspire un riers, coupables, d'àprès eux, d'avoir guidé ces La suite à la prochaine campagne.
lointain déplacement, une bande de Moïs de la Français qui les forcent à porter du bagage. 2 Novembre 1904.
Yumbra dévala, un matin. Mettant pied à terre et bâtant nos malheureux PAUL PATTE.
Lie Ri p (Sénégal)
ous extrayons d'un travail de M. le capi- diviser le pays en deux arrondissements, leRip- Les traitants vivent seuls et se construisent
taine Chaudron les renseignements sui- Niom, le Sabach-Sandial-dramé. des cases en terre assez confortables ; s'ils n'ont
vants sur une province à peu près in- Le premier arrondissement dépend du chef
connue du Sénégal, le Rip, où cet Eliman Mandiaye-Ba; son chef-lieu est Nioro, pas de maisons en planches, la faute en est au
prix de revient des matériaux et à la difficulté
othcier a passé deux années comme comman- situé à 80 kilomètres environ de l'escale du de s'en procurer.
dant de cercle. Saloum. Les Peuhlsconstruisent leurs cases de chaque
Le Rip, peu ou pas connu des Européens, est Il tient le premier rang au point de vue com- côlé d'une rue centrale, ils ne les protègent
mercial et agricole; sa population, de 17.670 ha- d'aucune façon, les maisons étant en bordure.
bitants, est composée de gens de races très Le Rip est un ardent foyer d'islamisme, et
diverses provenant des croisements avec les les pèlerins de la Mecque enseignent aux noirs
Sérères du Saloum et avec les étrangers nom- la haine du blanc Les écoles de talibés sont des
breux des escales. Elle forme un tout parfaite- foyers de fermentation dangereux et qu'il faut
ment homogène. surveiller avec soin, car c'est dans ces écoles
Le chef actuel, âgé de 47 ans, est intelligent, musulmanes que s'est fomentée la révolte du
actif, rusé et âpre au gain. En apparence très Rip.
soumis, il ne semble pas cependant qu'on puisse Les musulmans en général se rasent complè-
le laisser agir sans un contrôle très sérieux, tement la tête, maislesToucouleursetlesPeulhs
pour lui éviter des exactions auxquelles il se gardent, sur le sommet de la tête, une petite
livrerait sans doute. touffe de cheveux agrémentée d'amulettes.
Cette simple manifestalion de notre autorité Les fétichistes laissent pousser leurs cheveux
suffit pour le tenir dans le droit chemin. et les tressent en les enduisant de beurre.
Le deuxième arrondissementest moins impor- Costuma. — Les hommes portent le caleçon
lant comme superficie que le premier, et il ne et le grand boubou, les femmes le pagne et le
renferme que 8.232 habitants. Les limilessont boubou, mais la propreté n'est pas leur qualité
la Gambie, le Rip, le Saloum et le parallèle maîtresse.
13°35'36", qui le sépare de la Gambie anglaise. Mariage. — Toutmusulman nepeut avoir que
Malgré la proximité de la possession anglaise, quatre femmes légitimes ; le mari achète sa
les indigènes se sont complètement soumis à femme et paie la dot aux parents, toutefois la
un pays très peuplé eL d'une grande fertilité. Il l'autorité française. jeune fille n'appartient à l'époux et ne quitte la
est situé au nord de la Gambie anglaise et sa Le chef se nomme Déri-Kani-Touré, il est case que lorsque le total de l'achat a été donné.
capitale s'appelle Nioro. vieux et apathique. Dès qu'une femme a un enfant, il lui revient
Jusqu'à ces temps derniers, l'administration En 1899, le 25 juin, il a
en a été confiée à un lieutenant d'infanterie reçu une médaille en ar-
coloniale. gent pour récompense de
Isolé, manquant de débouchés, le Rip est ses bons services. C'est
pourtant un pays d'avenir, mais aujourd'hui les un agriculteur passionné,
habitants ne produisent que pour leur consom- tout à fait rallié depuis
mation et pour payer l'impôt de capitation. En 1887 à la France, à qui
outre, nos traitants n'ayant pas établi encore de il a permis à cette époque,
comptoirs dans les centres importants, le com- en lui donnant ses greniers
merce se fait presque totalement avec la Gam- il mil, pendant les opéra-
bie anglaise. tions, d'assurer le ravitail-
Résumé historique. — Le pays fut d'abord lement des colonnes.
soumis à la domination mandingue, il fut ensuite Etat du pays. — Avant
divisé en un certain nombre de petits territoires 1887, cette contrée était
commandés par des « bours », ou princes indé- désolée par des guerres
pendants. continuelles, dites de reli-
En 1861, Nioro est fondée et tous les bours gion, et les chefs se bat-
sont soumis à la domination ouolof, par Ma- taient sans arrêt, pour
na. avoir des captifs.
En 1866, le gouverneur Pinet-Laprade s'em- C'est le colonel Coronnat
pare de Nioro etMa-Ba meurt, en 1867, laissanl qui rétablit l'ordre et chas-
le pouvoir à son fils, Mamoun Dary, qui étend sa du pays Saïr Maty, le
son autorité jusqu'au Saloum. fauteur des troubles.
En 1887, à la révolte de Saïr Maty, neveu de En 1900, la révolte re-
Mamoun Dary, les Français prennent définiti- commença, et, en 1901,
vement possession du pays (traité du 14 mai). Fodé Kaba tint énergique-
L'arrangement inlernalional du 15 août 1889 ment tête à nos troupes à
délimita les zones d'influence française et an- Médina, tandis que le ma-
glaise, mais il donna à l'Angleterre une partie rabout N'Diouma a!ta-
des territoires de nos protégés. quait Kaolak, aidé d'un chef peuhl : Mody une case et une part de la récolte, mais c'est
La commission de délimitation de 1896 et la Guéladir. la première femme qui a le pas sur les autres;
mission du lieutenant Obissier ont conduit à Le calme revint en juin 1901, après la défaite malgré cela, l'harmonie semble régner dans la
de ces chefs et leur mort. Au- famille.
jourd'hui, le calme le plus com- Les femmes exercent une grande influence
plet règne chez les habitants qui sur le chef de la famille et les enfants sont très
se livrent tous à la culture ou à respectueux.
l'industrie. Le plus souvent, les filles sont loin d'être
Mœurs des indigènes. — Tous nubiles au moment du mariage, les parents
les indigènes du Rip ont les ayant hâte de recevoir la dot.
mêmes mœurs que ceux du Il existe encore dans le Rip de nombreux
Sénégal ou du Soudan, ils ont captifs; le fils d'une captive est également cap-
le même genre de vie, construi- tif. Souvent les captifs sont libérés spontané-
sent les mêmes objets, se ser- ment, mais, pendant leur captivité, ils sont très
vent des mêmes armes. attachés à leurs maîtres.Bien que l'adultère soit
Les habitations sont, soit en gravement puni, on transforme souvent la puni-
terre battue et de forme carrée, tion en une amende.
soit en paille et tiges de mil, de Vie de famille.
— L'homme est guerrier, il
forme ronde. Les toitures sont veille à la sécurité de sa famille et travaille les
uniformément en chaume ou en lougans. qu'il cultive bien. La femme s'occupe
feuilles de palmier. de la maison,des enfants, du couscouss et delà
La case en tiges de mil se recherche du bois à brûler. Le travail com-.
refait tous les deux ans environ. mence à trois heures du matin et bien souvent
Dans les villages, les cases une partie de la nuit s'est passée au tam-tam ;
sont groupées en carré, sous la la femme est donc assez libre, sa condition est
direction d'un chef, et entou- assez heureuse et elle a voix consultative dans
rées de tapades ou balustrades les affaires publiques. Les indigènes sont très
.
en cannes de mil. généreux, charitableset hospitaliers ; tout étran-
ger qui arrive à l'heure des repas est invité à Le Mini-Miniau, de 60 à 100 mètres de lar- Les rues tirées au cordeau sont très pro-
les partager. geur, aux berges vaseuses couvertes de palétu- pres et de peLits jardinets en agrémentent la
Ethnographie. — La race ouolof prédomine viers, où pullulent les huîtres et gambadent les vue.
dans le Rip. Tous les Ouolofs sont musulmans singes verts. Une ferme à laquelle est annexé un jardin
de la secte des Senoussya. L'eau, qui atteint de 4 à 5 mètres de profon- d'essai dépend du poste et se trouve à quelque
On rencontre, en outre, des Toucouleurs, deur, est salée. On peut remonter cette rivière, distance de Nioro. Les villages qui suivent ont
marchands d'esclaves ; des Sérères, fétichistes, en cotre. jusqu'à Patako, en pirogue jusqu'au plus de 300 habitants : Niacène, M'bittayen, Vi-
hommes superbes,quis'abrutissent avec l'alcool gué de N 'guéri. lingtirci, Kandi; Dabaly, village toucouteur.
et dont le nombre diminue de jour en jour; des Au moment de la traite, des cotres de Ba- 5cfre Diogo, habité par des Peuhls; N'Diayen, —
Laobés, bûcherons d'origine toucouleur; des thurst et d'Albréda le sillonnent et des trai- centre mandingue, grosse escale habitée par de
Peuhls, pasteurs, qui possèdent de superbes tants noirs sont installés à Coular, Boutango et nombreux traitants; Coudoun, grand marché;
troupeaux gardés par d'excellents chiens de
berger à longs poils roux les indigènes sont
presque blancs.
;
les profils dans ces diverses races, depuis le ravanes de traite. La garnison occupe le tata Climatologie. — Le climat est le même qu'au
type sémite du Peuhl jusqu'au nez largement qui a 4 mètres de hauteur et 400 mètres de tour. Sénégal : huit mois secs et quatre mois de
épaté du Sérère; toutefois, le type au gros nez pluies torrentielles.
et aux lèvres épaisses est très rare. Les Mandin- Les maisons mal aérées sont inhabitables
gues fournissent d'excellents bateliers. pendant les derniers mois de la saison sèche où
Géographie. — Le Nioro-Rip est limité, au le soleil darde.
nord, au nord-ouest et aunord-est par Sa- le
loum, le Niom-Bato, le Kayemor; au sud, par
Les mois de mars, avril et mai sont torrides,
c'est l'époque des incendies. En juin, juillet,
la Gambie anglaise. La frontière franco-anglaise août, septembre, les pluies sont continuelles et
part de la crique de Djinnak sur l'Océan, suit le les deux seuls mois agréables sont décembre et
parallèle 13°35'36" et remonte vers le nord en janvier.
suivant sensiblement le méridien 1704û' à l'ouest Malgré ces conditions dures pour le blanc, le
de Paris, jusqu'aux Diannuas. Un poste mili- climat est salubre.
taire est installé dans le tata de Nioro. Hygiène. — Toutes les agglomérations ne
-La ligne de partage des eaux se compose de sont pas comme celle de Nioro; le plus sou-
petites collines qui courent entre les divers vent, les indigènes entassent les ordures à une
affluents de la Gambie et qui atteignent, au extrémité du village, et ils ne balaient pas les
maximum, de 50 à 60 mètres. rues. Exception estfaite pour les villages peuhls.
Les vallées sont des marigots dans lesquels Les maladies n'y sont pas trop fréquentes, ce-
se déverse la Gambie dans ses crues ; le niveau pendant on y constate des cas de lèpre, de la
de l'eau y atteint alors Im,50. variole, du béribéri, du ver de Guinée.
Les villages occupent le sommet des crêtes et Enfin, il faut prendre.garde aux poisons qui
les bêtes sauvages se partagent les vallons et sont très dangereux et sont administrés très ha-
leurs abris de verdure. bilement.
Le sous-sol est argilo-silico-ferrugineux. L'école est construite en briques et recou- Les animaux ont peu dê maladies et les indi-
Le Rip est arrosé par les affluents suivants de verte de chaume, elle occupe un des côtés delà gènes doivent s'en prendre à leur incurie et à
la Gambie: place du village. leur manque de soins d'hygiène et de propreté.
Partie agricole et commerciale. coton, le ricin, la patate, le manioc, la tomate, primitives; telles sont : le travail du fer, la bijou-
le gingembre, le gombo, l'indigo, la calebasse, terie, la vannerie, la poterie, qui s'échangent
Flore. — Les indigènes, par apathie, ne don- le piment.
nent pas assez d'extension à leurs cultures contre des produits anglais et allemands, pour
Les arbres les plus répandus sont : le baobab, la plupart représentés par les guinées de l'Inde,
vivrières. le fromager, les ficus, le rônier, l'acacia, le le calicot blanc anglais, les étoffes imprimées,
Il en résulte qu'avant les récoltes, il règne dimbo, le soto; le nibap, arbre à caoutchouc, les étoffes confectionnées, le sucre, les aiguilles,
chez eux la plus grande misère. détrôné par le céara de Casamance ; le m'hep, le fil, le riz, le sel, le poisson séché, les parfums,
Les produits du sol sont tous de belle venue, gommier de grandes dimensions ; le pays est le savon, le papier, le gin, les couteaux, les
et, pour les préserver des accidents climatéri- d'ailleurs couvert de forêts immenses d'arbres glaces.
ques, les habilants suspendent dans les lougans qui produisent la gomme arabique ; le céal'a est Le miel, la cire, les nattes, le mil, les kolas
1
les éternels gris-gris. bien acclimaté; la liane à caoutchouc, le bam- sont les produits d'échange les plus communs
Ils redoutent fort la présence de l'épervier bou, le papayer, le bananier, le citronnier, le
qu'ils font fuir, quand ils l'aperçoivent, par un sur les marchés du Rip.
mangotier, la pomme-cannelle; le veun, grand Justice et Cultes. — La justice musulmane est
bruit assourdissant; c'est, disent-ils, un présage arbre semblable au caïlcédrat; le nincolus, qui régulièrement organisée et les jugements sont
de mauvaise récolte. produit un fruit genre mirabelle, le prunier indi- rendus, suivant le droit islamique pur, en public
Les sauterelles viennent parfois dévaster les gène; le tabanani, sorte de prunier; le failli, dont
!
par des cadis nommés par le gouvernement
les racines empoisonnent les eaux et dont français.
les feuilles font mourir les bestiaux. C'est Le commandant de cercle a le droit de veto,
cet arbre, abondant dans la Gambie anglaise, afin de retarder l'exécution d'un jugement dou-
qui empêche tout élevage. teux, jusqu'à décision de l'autorité supérieure
Faune. — Les animaux de basse-cour et d'éviter toute atteinte aux principes d'équité,
beaux,pullulenl, les troupeaux
y sont nombreux et d'humanité et de civilisation.
eaux, 011 y rencontre des ânes de petite Les punitions corporelles ont été supprimées.
taille : ce sont les seuls animaux utilisés Le culte islamique est professé par la plus
pour porter les échanges ou les produits du grande partie des indigènes ; seuls, les Peulhs
sol, arachides... et les Mandingues sont restés fétichistes.
Le gibier à plume est représenté : par la L'autorité française s'est toujours montrée
pintade, l'outarde, la perdrix, la tourterelle, très réservée à l'égard de la question reli-
le canard, le râle, le vanneau... et à peu gieuse.
près tous les oiseaux au plumage brillant du Le Coran est enseigné dans des écoles dites
Sénégal. Le gibier a poil, par : le liè-
vre, la beleLLe, la fouine, le porc-épic,
la loutre, le rat palmiste, l'antilope,
dont les cornes servent à faire des
gris-gris, le sanglier, la girafe, l'élé-
phant, l'hippopotame, le caïman est
abondant dans le ltfini-Miniall, et l'i-
guane se rencontre un peu partout.
Parmi les fauves, on rencontre : la
hyène, le chacal, le lion, le chat-tigre,
cultures. En 1900, ce fut un véritable désastre la panthère. Les serpents sont représentés
On chasse ces acridiens par des feux de brousse, le boa, le trigonocéphale.
des tranchées et le bruit le plus violent de cale- . parLe: scorpion
basses qu'on puisse imaginer. noir y est fréquenl et sa
piqûre est mortelle.
Dans le Rip, la végétation naturelle est assez La fourmi magnan, voyageuse, a aussi
rabougrie, mais les cultures sont très belles et une piqûre dangereuse pour les hommes
la terre est riche. Les lougans sont protégés et les animaux.
contre les animaux par des "haies vives de cac- Les termites noirs dévastent les cul-
tus ou autres plantes épineuses, et, à l'époque tures.
des récoltes, des enfants assis dans les arbres Comme autres animaux, signalons en-
jouent de la flûle ou frappent sur du fer pour core le vautour, les singes, le ver de
éloigner les oiseaux. Guinée, enfin, dans le règne des poissons :
La terre n'étant pas fumée, on change pres- la carpe et le merlan qui abondent dans
que chaque année de lougan, pour laisser reposer la rivière.
le sol. Seuls, les Peuhls et les Manda parquent Ressources offertes au commerce el aux
leurs bestiaux sur leurs champs avant de labou- entreprises agricoles. — Le pays manque totale- de 7 alibés qui sont très nombreuses. On les
rer et d'ensemencer. Dans les terrains incultes, ment de moyens de transport en temps ordinaire, doit à la propagande du marabout El Hadj
mais, quand arrive l'époque de la traite, des ca- Abdoulaye Niace qui en fit, en 1900, un instru-
ravanes de chameaux sillonnent le pays en tous ment politique puissant.
sens le long de très belles routes ouvertes Organisation sociale. — Il n'existe plus dans
depuis peu par l'Administration. le Rip que des captifs de case, qui ne sont en
Les Européens ne vendent. pas eux-mêmes réalité que des serviteurs et des domestiques.
leurs marchandises dans l'intérieur, ils les appor- Tout captif qui peut prouver que son maître
tent aux escales et les dioulas, ou marchands l'a brutalisé est aussitôt libéré. Les captifs peu-
ambulants, les débitent dans tous les centres vent, en outre, se racheter et le maître ne peut
habités. s'y opposer; le prix de rachat ne peut dépasser
Pour éviter l'invasion des produits étrangers 500 francs.
par la frontière de la Gambie, des droits
assez forts de 10 0/0 et 13 0/0 sont imposés
aux marchandises qui sortent ou rentrent
du territoire anglais.
Des postes de douane sont installés en
conséquence à Hamdallahi, Cou tango,
Kœur-Nata. Les deux escales de Kaolak
et de Foundioune sont un peu trop éloi-
gnées des centres de production.
Les chameliers prennent 5 francs pour
100 kilog. et les âniers le même prix pour
60 kilog. transportés aux points princi-
les grands arbres sont clairsemés, mais la brousse paux de traite. L'essai des bœufs porteurs
y est très dense et parfois les plantes épineuses n'a pas été heureux, mais on obtiendrait
interdisent tout passage. d'excellents résultats avec des charrettes
La terre est labourée au moyen de bêches légères portées sur des roues en fer et
courbes, le daba et l'hilaire, qui ne permettent conduites par des bœufs.
que de gratter le sol, mais l'usage de la charrue Le tonneau d'arachides se vend en
tend à se répandre, la ferme de Nioro donnant moyenne 120 francs à Kaolak et les tran-
aux indigènes tous les renseignements voulus sactions se font en numéraire français, à
pour la culture rationnelle de la terre. l'encontre du système anglais,qui ne con-
On trouve également dans cette ferme toutes siste qu'à échanger des graines contre des
les plantes indigènes et européennes et des marchandises, tissus, armes, boissons.
graines sont remises aux notables des princi- C'est par pirogues que se lait Je transit des Travaux publics. — Depuis 1897, on a cons-
paux centres qui en font la demande. champs de culture avec les escales. Chaque truit à Nioro une école française, ainsi que les
Les principales plantes et céréales sont : le pirogue porte environ 500 kilog. rouLes de Nioro à Kaolak et à Médina, de
mil, le maïs, le riz, l'arachide, le haricot, En plus des cultures, on trouve dans le pays Nioro à Foundioune.
l'igname, l'asperge, la citrouille, le tabac, le divers produits provenant d'industries un peu La forêt du Rip a été sillonnée de sentiers
La Dépêche Coloniale
ILLUSTRÉE
31~Décembre 1904 (4* Année). —N° 24. Directeur : J.-PAUL TROUILLET Bureaux : tZ, Rue Saint-Georges, Paris
Adresse télégraphique : Deponiale Paris
- TéléDhone : 157-47
hésité dans des circonstances difficiles à prendre difficile d'indiquer, en quelques phrases bien
1
débouchés que l'on promellait à l'industrie
le gouvernement généralde l'Indo-Ghine, comme ajustées, le but à atteindre, l'utilité de cette nationale pouvaient devenir une réalité.
M. Eugène Etienne enfin, qui, dès cette époque, nouvelle publication, la clientèle qu'elle pouvait Depuis l'application aux colonies du régime
s'affirmait chef du parti colonial douanier de 18y2, les tisseurs de'
français, l'idée que la France devait, Rouen et des Vosges vendaient leurs
sous peine de déchoir de son rang cotonnades en Indo-Chine, à la
de grande puissance, s'étendre au Réunion, aux Antilles. Madagascar
delà de ses frontières, assurer à son allait leur ouvrir un marché nou-
commerce et à son induslrie des veau.
débouchés en Afrique et en Asie, Le chemin de fer belge du Congo
ce programme d'expansion, qui ne n'était pas encore termine ; mais
trouve plus guère de contradicteurs son prompt achèvement ne faisait
aujourd'hui, avait, dès cette époque, plus de doute et l'on parlait, à la
recruté de nombreux adeptes. La Bourse de Paris, du succès de ces
Chambre qui, après les élections de sociélés congolaisesqui déjà faisaient
1889, revint siéger au Palais-Bour- largement leurs frais et qui, après
bon, se trouva en grande majorité l'inauguration de la ligne, dix-huit
convertie aux idées coloniales. Pen- mois plus tard, devaient connaître
dant les trois années qu'il resta à la une période de si remarquable pros-
têtedel'Administrationdes Colonies, périté.
M. Etienne put, sans trop de résis- Ce n'était certes pas non plus la
tance, accentuer ce mouvement el. matière qui devait manquer pour
par la confiance qu'il sut donner remplir un journal. Nous avons des
à tous nos agents, par l'ardeur colonies dans toutes les parties du
communicative dont il les anima, globe.
élargir de la façon la plus heu- Elles sont peu connues. Elles
reuse les limites de notre domaine sont appelées à se transformer et à
africain. se développer. N'était-ce pas une
A ces aspirations nouvelles, dans tâche séduisante que d'être l'iniLia-
un siècle où la propagande par la teur de ces progrès vis-à-vis du
presse tient une si grande place, public français, trop ignorant de ce
d fallait des organes nouveaux. Plusieurs ou devrait avoir. Incontestablement, le mouve-
1 1
qui se passe au loin, trop souvent indifférent
s'essayèrent à remplir cette tâche. On nous ment colonial s'était affirmé en France. à ce qui n'est pas le fait divers parisien? Et
permettra de citer au premier rang la Dépêche S'intéresser aux colonies, vanter les bien- n'y avait-il pas aussi un rôle utile à jouer vis-à-
Coloniale, créée en 189G par son directeur faits de l'expansion au dehors n'était plus sim- 1 vis du ministère des Colonies, vis-à-vis de cette-
actuel, M. J.-Paul Trouillel. plement un admirable sujet à mettre en confé- vaste administration coloniale dont il a été si
Ce n'était certes pas une entreprise dépourvue rences devant l'auditoire complaisant des Socié- souvent de mode de médire : L'encourager
dans ce qu'elle fait de bien, la défendre contre journaux et les périodiques qui vivent réelle- France pour assurer le développement eL la
les^ attaques injustifiées, lui signaler les fautes ment. prospérité de ses colonies.
qu'elle peut commettre, car nul n'est infaillible, La Dépêche Coloniale a cependant résolu ce Mais l'autorité d'un tel chef s'affirme surtout
pas même un ministre des Colonies, et a fortiori problème ardu. Evitant soigneusement tout ce par le libéralisme qui constitue en quelque sorte
un fonctionnaire colonial?... qui est polémique stérile,attaques personnelles, son atmosphère ambiante.
Ce programme était beau, séduisant, facile à dogmatisme sentant l'école ou la coterie, elle Tout en ayant, sur les questions qui se pré-
développer, mais... il fallait que le journal vécût, est devenue ce qu'elle voulait être : un organe sentent, une opinion qu'elle sait au besoin dé-
qu'il eûL des abonnés en nombre suffisant et, d'informations sûr et précis pour tout ce qui se fendre avec vigueur, la Dépêche Coloniale offre à
comme corollaire indispensable, une publicité rapporte au développement économique et com- ses contradicteurs une. tribune toujours libre,
rémunératrice. Or, combien de tentatives avaient mercial de nos colonies. C'est parmi les indus- une hospitalité toujours large à ceux qui veulent
échoué qui paraissaient placées sous les plus triels et les commerçants qu'elle s'est efforcée défendre des systèmes ou des idées qu'elle ne
favorables auspices ! d'avoir des abonnés, et elle y a réussi parce s'approprie pas complètement.
« Hélas, que j'en ai vu mourir de jeunes qu'elle a su leur donner ce que chacun avait in- Grâce au concours de tantdebonnes volontés
feuilles! » pourrait-on dire avec le poète... ou térêt à trouver dans ses colonnes. Sans doute et d'inlassables énergies, la Dépêche Coloniale
à peu près. elle ne s'est pas désintéressée de la politique : avait eu la satisfaction de voir Je plus complet
Et « la chute des feuilles » serait le titre d'un elle a suivi le pavillon de son éminent collabo- succès récompenser ses efforts, lorsqu'en vertu
poème assurémentaussi mélancolique que celui rateur, M. Eugène Etienne, toujours à l'avant- de l'adage bien connu : « succès oblige », elle
que Millevoye a légué à la postérité. garde quand il s'agit de fortifierlasituation que s'avisa de parfaire son œuvre en créant la
Certes, tout le monde aujourd'hui est colo- la France occupe dans le monde, d'affirmer ses Dépêche Coloniale illuslrée.
nial; mais combien se contentent des nouvelles droits, de servir ses intérêts. Ce serait, de sa Ce recours au procédé, aujourd'hui si univer-
que leur donne le journal à un sou qu'ils achè- part, une impardonnable ingratitude de ne pas sellement répandu, de l'illustration, c'était pour
tent chaque jour? De loin en loin, on leur souligner ici l'heureuse influence d'une direc- elle le moyen le plus pratique et le plus sûr de
apprend que l'Indo-Chine a des excédents de tion à laquelle elle s'honore d'avoir obéi servir efficacement l'iaée coloniale.
recettes, et ils s'en félicitent en disant « qu'ils comme à celle qui lui paraissait, en matière co- Est-ce donc à dire que nous tenions nos lec-
l'avaient bien prévu ». Quand la Montagne Pelée loniale, la plus féconde et la plus sage, la plus teurs pour incapables de s'intéresser vraiment
fait des siennes et engloutit d'un seul coup une éloignée des routines énervantes et des uto- à une idée prise en elle-même, indépendamment
ville comme Saint-Pierre,on ne le leur laisse pas pies dangereuses, la plus conforme, en un mot, des formes matérielles dont on la peut revêtir
' ignorer; et ils sont également avertis si quelque aux intérêts supérieurs et supérieurement en- pour lui donner en quelque sorte l'apparence
tigre de l'Annam a dévoré un fonctionnaire du tendus du pays. Si la Dépêche Coloniale avait physique de la vie ? Ce serait bien mal recon-
cadre local ou un milicien de la garde civile. besoin de se réclamer d'autres sentiments que naître la fidélité passionnée avec laquelle,
La curiosité de la majorité de nos concitoyens, des siens propres pour justifier le respectueux depuis que notre journal existe, ils l'ont suivi et
trop. souvent, ne va pas au delà. A la différence attachement qu'elle professe pour les idées de soutenu dans sa lutte pour l'idée coloniale, sans
de ce qui se passe en Angleterre, où les jour- M. Eugène Etienne, elle n'aurait qu'à invoquer que ce journal mît au service de cette idée autre
naux à huit et à seize pages ne se comptent pas, le témoignage de tous les membres du Parle- chose que des principes et des raisonnements.
ment et de la presse, qui s'accordent à recon- Mais nos lecteurs sont comme tous les hom-
non plus que les revues, tous, journaux et re-
vues, ayantune clientèle de lecteurs nombreuse naître dans le président du groupe colonial de mes. Ils ne sont pas de purs esprits. Ils sont des
et fidèle, c'est presque trop en France des dix la Chambre le plus zélé promoteur de tous les êtres de sensibilité et d'imagination, surtout
doigts des deux mains pour dénombrer les grands efforts tentés depuis vingt ans par la accessibles à ce qui parle à l'une et à l'autre.
Or, n'est-ce pas une agréable commodité indispensable à la confection d'un journal Arnaudet, du Congo Belge ; Vadala, de la Tripo-
pour le lecteur que d'avoir, chaque semaine, quotidien. litaine; de Langralle, des Indes Anglaises.
réunis en quatre pages, tous ces rensei- Au seuil de cette galerie, une place d'honneur
gnements qui lui sont si nécessaires? Ainsi devait être réservée à l'homme éminent dont 'la Enfin, pour initier plus complètement le pu-
s'explique le très grand succès obtenu par ce Dépêche Coloniale s'efforce de suivre fidèlement blic à la vie d'un journal tel que le nôtre, à qui
numéro. l'inspiration, et qui, en, patriote convaincu, une spécialisation presque exclusive imprime
La Dépêche Coloniale vise avant tout la docu- n'hésite pas à se faire, la plume à là main, le forcément un certain caractère d'originalité,
mentation, elle ne prône aucune affaire. Mais champion de ses propres idées. Nous publions nous avons cru bon de publier une série de
cela n'empêche pas que les financiers coloniaux donc, avant tout autre, le portrait de celui qui vues photographiques où cette vie se reflète
aient grand intérêt à la voir publier des rensei- veut bien, en.signant dans la Dépêche Coloniale dans toute sa laborieuse et simple sincé-
gnements sur les sociétés dont ils s'effor- des articles empreints d'une si haute et si remar- rité.
cent de répandre les titres. En effet ils quable sagesse, se désigner lui-même comme Grâce à ces vues, pour l'exécution desquelles
n'ignorent pas qu'en général le public est le premier de ses rédacteurs: M. Eugène Etienne, M. Sartony's, le photographe si connu, a bien
porté à croire qu'un homme s'occupant d'af- vice-président de la Chambre des députés et voulu se transporter de ses ateliers du no 112,
faires coloniales les connaît toutes. Il s'ensuit président du groupe colonial qui siège au rue Lafayette, au n° 12 de la rue Saint-Georges,
donc que bien souvent un capitaliste, sollicité Palais-Bourbon. nos lecteurs pourront se croire les hôtes bien-
de prendre des actions coloniales, demande venus de la Dépêche Coloniale et regarder,
l'avis de celui de ses amis auquel il attribuera Ensuite, encadrant le portrait du directeur, comme s'ils les avaient sous les yeux, les bureaux
plus ou moins légitimement cette qualité. Or, M. J.-Paul Trouillet, nous avons groupé ceux de de la rédaction, de l'administration, les locaux
MM. Pierre Guégan, Charles Lemire, Eug.Bonhoure, réservés à la composition, aux machines, au dé-
la réponse peut se ressentir des renseignements le lieutenant-colonel Péroz, le commandant Duros,
publiés par la Dépêche Coloniale. Voilà com- Pierre Giffard. Henri Lorin, Albert Cousin, G.Val- part, etc.
ment ce journal, qui ne s'adresse nullement ran, Emile Galland, Maurice Hamelin, Albert De cette connaissance plus intime ne peut
aux capitalistes cherchant des placements, est Révérend, Rober-Raynaud, de Pouvourville, Th. résulter, semble-t-il, qu'un resserrement des
néanmoins susceptible d'être très utile aux Hubler, P. Bourdarie, Marquier de Villemagne, liens déjà si étroits qui unissent la Dépêche
financiers. Gamard, D. Casey, E. Palazot, Ch. Duffart, L. Coloniale à ses lecteurs. Nous n'avons pas
Nous avons pensé que nos lecteurs, dont la Coquet, Pelleray, Boulland de l'Escale, de Boi-
fidélité attentive est pour les collaborateurs de sadam, Cravoisier, de Belleville. Il nous a mal-
la Dépêche Coloniale le plus flatteur des encoura- heureusement manqué les photographies d'un
gements, auraient quelque plaisir à connaître grand nombre de nos collaborateurs, bien connus
de nos lecteurs, et notamment celles de MM. Rotu-
ceux à qui s'adresse plus particulièrement reau, Launay, Jean Le Breil, Henri Desroches,
cette manifestation d'une sympathie dont ils F. Jourdier, Henri Durieu, P. d'Horel, J. Moret,
sentent tout le prix. Il ne nous est malheureu- Paul Didier, P. Ginest, A. de Berques, P. Har-
sement pas possible de publier les portraits de dant, P. Carle-Danteg, Jean 'Quartz, Marcel Le-
tous les écrivains à qui, selon les circons- franc, G. Ribes, M. P. Masson, A. R. Bréhal, J. de
tances, la Dépêche Coloniale s'adresse pour Lnborde, G. Presseq-Rolland. R. de Marès, capi-
leur demander le concours d'un talent éprouvé taine Tournier, J. Baria, Tarik, L. Duplessis, Véha,
chaque jour, réunissent leurs efforts pour
et d'une exceptionnelle compétence. Le nombre, qui, faire un journal de plus en plus intéressant et
au surplus, en pst presque infini, puisque, documenté, de plus en plus digne de la faveur du
grâce aux relations qu'elle s'honore de compter grand public auquel il s'adresse.
vœu..
dans tous les cercles du monde colonial, elle Nous ne saurions oublier de mentionner égale-
est certaine de trouver, pour tous les sujets ment ici les noms de ceux de nos excellents colla-
qu'elle est appelée à traiter, des collaborateurs borateurs qui, périodiquement, nous adressent des
occasionnels qui lui assurent ainsi une rédaction correspondances remarquées de nos diverses colo-
hors de pair. Mais à côté de ces collaborateurs, nies et de l'étranger MM. Yves Marec, de Saint-
:
à qui elle est heureuse d'adresser ici le témoi Pierre et Miquelon ; I. Portai, de la Guyane; d'autre ambition et ne formulons pas d'autre
public de reconnaissance, - Ch. Jamin, de Madagascar; P. Chantelussè, de
g-nage sa il en est l'Inde ; Raquez et Chesnay, de l'Indo-Chine; A. Ba-
d'autres, plus modestes, sans doute, mais non rier, du Laos; M. Pérès, du Siam; A. Rivière et
moins dévoués à l'œuvre commune, et dont le E. Gelin, de Chine; Landré, de Saint-Louis du
principal mérite est de constituer le noyau Sénégal; Emile Valette, de Dakar; C. Biré, de la
permanent d'une collaboration intime, celle qui Guinée; A. Chatel, de la Côte d'Ivoire; Ramot, du
fournit cette somme de travail assidu et régulier Dahomey ; L. Sanguet, du Congo Français ;
TABLE DES
MATIÈRES
1904
N- X >
3 1 mars
19. Notre Domaine en Océanie. — Au
7. La Vie du Soldat à Madagascar. T chad.
15 avril 15 octobre