Les Différentes Formes de Services
Les Différentes Formes de Services
Les Différentes Formes de Services
services ?
Myriam Campinos-Dubernet, Muriel Jougleux
Dans Revue française de gestion 2003/5 (no 146), pages 81 à 98
Éditions Lavoisier
ISSN 0338-4551
DOI 10.3166/rfg.146.81-98
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2003/ 5 - n° 146
ISSN 0338-4551 | pages 81 à 98
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L’assurance
qualité :
quelles contributions
à la qualité
des services ?
Dans les services comme
a certification ISO 90001 touche aujourd’hui un
dans l’industrie ISO
L
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1. Celle-ci est définie par les normes ISO 9000 comme « l’ensemble
des actions préétablies et systématiques nécessaires pour donner la
confiance appropriée en ce qu’un produit ou service satisfera aux exi-
gences données relatives à la qualité » (Lamprecht, 1994).
2. Le produit est ici entendu comme ce qui est offert ou vendu sur un
marché, et renvoie donc à un bien matériel ou à un service.
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de la certification pour constater les effets ception qu’a le client de la qualité (Jou-
positifs de la méthode sur la qualité des pro- gleux, 2000) ?
duits de l’entreprise ? N’existe-t-il pas cer- Cette question trouve des échos dans le
tains facteurs de contingence de la champ de la sociologie du travail où des
démarche comme la nature de l’activité de recherches voient dans la certification un
l’entreprise, son organisation, le mode dispositif de rigidification de l’organisa-
d’implémentation de la démarche, l’enga- tion à travers le renforcement de la pres-
gement de la direction et de la hiérarchie ? cription du travail et la limitation de l’auto-
« La méthode ne pourrait être alors en elle- nomie du personnel imputables à la
même considérée comme prédictive de son codification des savoir-faire de l’entreprise
usage » (Campinos-Dubernet et Marquette, dans des procédures de travail (Mispel-
1997) et ses effets seraient fortement blom, 1995). Même si d’autres travaux
dépendants du contexte dans lequel elle est nuancent cette position en soulignant l’im-
implantée. portance de la participation du personnel à
Dans cette perspective, une interrogation la mise en place de la démarche de l’assu-
se développe face au nombre croissant rance qualité (Segrestin, 1996 ; Cochoy et
d’entreprises de service qui enclenchent alii, 1998) ou à l’évolution des procédures
des dispositifs de certification ISO3. Ce adoptées, et au contexte organisationnel
phénomène paraît surprenant au premier (Campinos-Dubernet et Marquette, 1997),
abord aux vues des caractéristiques intrin- il n’en demeure pas moins que l’assurance
sèques des activités de service. En effet, qualité pose la question de la standardisa-
une organisation qui applique les prin- tion des procédures de travail et de son inté-
cipes de l’assurance qualité garantit en rêt pour le client. Ne signifie-t-elle pas dans
permanence au client que la qualité visée une entreprise de service, une standardisa-
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3. 26 % des certificats AFAQ ISO 9000 concernent ainsi ce secteur. Source : www.afaq.fr (jan-
vier 2002).
L’assurance qualité : quelles contributions à la qualité des services ? 83
LA MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
La méthodologie de recherche repose sur des entretiens semi-directifs auprès de l’en-
semble des acteurs concernés par la certification dans deux régions, et ce un an ou deux
après l’obtention du certificat. La grille d’entretien a été élaborée à partir des résultats
de recherche sur la certification dans les entreprises industrielles, d’une part, et sur la
qualité des services, d’autre part. Les salariés étaient interrogés sur le mode de construc-
tion, les apports et les limites de la démarche de certification ISO 9000 pour eux-mêmes,
le client, et l’entreprise. 170 entretiens d’une heure trente environ ont été réalisés par les
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4. L’introduction de l’assurance qualité intervient après une refonte du système de classification dont les techniciens
estiment qu’il les a lésés par rapport aux commerciaux et administratifs, à laquelle est venue s’ajouter une réduc-
tion des effectifs techniques provoquée par des mutations technologiques.
L’assurance qualité : quelles contributions à la qualité des services ? 85
5. Nous reprenons ici la typologie des systèmes de production de service établie par Bancel-Charensol et Jougleux
(1997).
86 Revue française de gestion
tourner en rond » et voit ses exigences résulte une fiabilisation des coordinations
légitimées ; rigueur des techniciens dont dont l’espace géographique peut être très
c’est habituellement la culture, mais qui étendu et qui, de ce fait, se trouvent sujettes
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fonction est de permettre, en un point spé- ciaux, que des groupes de travail interunités
cifique de l’organisation identifié par tous, ont été formés (une fois la certification
d’avoir une visibilité de l’ensemble du pro- obtenue), afin de régler des problèmes de
cessus. Le pilote joue en quelque sorte un frontières entre les uns et les autres et sur-
rôle de « vigie ». Il sait à tout moment où en tout de construire des « repères partagés » à
est l’avancement des activités de back office la fois sur la nature et la qualité du service
préalables à l’installation. Il est chargé en rendu et sur le contenu des activités y
outre de résoudre ou faire résoudre les pro- concourant. (Hatchuel et Weil, 1992)7. Plus
blèmes de coordination momentanément particulièrement, la certification a permis
identifiés. Enfin de manière systématique, de faire mieux comprendre, en liaison avec
une fois le service rendu, il vérifie le degré la définition partagée de la qualité de ser-
de satisfaction du client (envoi d’un écrit vice, aux différentes populations qu’activi-
puis téléphone si signalement de pro- tés de back office et activités de front office
blèmes). sont très étroitement interconnectées et
De fait, le dispositif assurantiel permet une concourent toutes ensembles au service
meilleure identification et un suivi dans le vendu au client (Bancel-Charensol et Jou-
temps des problèmes de coordination. Il gleux, 1997).
facilite le traitement des anomalies et Le dispositif assurantiel a précisé le service
« valorise l’erreur ». D’ailleurs, il a de fait rendu au client et a formalisé le niveau de
entraîné une professionnalisation du traite- qualité voulu par l’entreprise, concourant
ment des réclamations et systématisé le ainsi à une homogénéisation du traitement
recueil et le traitement des non-conformités du client. La qualité du service a été préci-
internes. sée à travers la définition de délais de réali-
sation et de rétablissement des installa-
2. L’AQ substitue une qualité entreprise
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7. Elle est également utile pour les nouveaux recrutés qui disposent du fait de l’assurance qualité, d’une source d’in-
formation consultable de manière autonome, sans être dépendant du bon vouloir des anciens.
8. Dans les deux régions enquêtées, les indicateurs internes témoignent de l’amélioration des délais des dates
contractuelles, des taux de relève et de rétablissement.
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Cette formalisation des caractéristiques du et des effets qu’elle produit. D’ailleurs, les
service favorise en interne une représenta- regrets quant à l’absence de communication
tion partagée par les différents métiers de la externe sur la certification de la part de l’en-
qualité du service offert, permettant un treprise n’en sont que plus vifs.
dépassement des visions locales, partielles Elle offre alors des ressources de conviction
et indigènes (Bonnet, 1996) de la qualité à l’encadrement pour motiver les équipes à
jusque-là préexistantes. adopter des démarches de qualité. Certains
Ainsi aux yeux des techniciens, l’assurance encadrants se sont ainsi appuyés sur les
qualité est très directement associée au fiches de non-conformité ou l’écoute-
développement d’une préoccupation client clients pour sensibiliser les équipes à la
« Le plus utile dans l’assurance qualité problématique de la qualité, pour en faire
c’est le ressenti du client » signalent les des acteurs capables de faire remonter les
encadrants. Plus concrètement, ces préoc- problèmes des clients et de générer de ce
cupations clients se traduisent par l’atten- fait une solution à ces problèmes ; c’est le
tion accordée désormais aux délais par les cas notamment des équipes en contact avec
techniciens, au-delà de la seule qualité tech- le client, que ce soit en face-à-face ou au
nique de l’intervention, ainsi que par la téléphone.
qualité d’une éventuelle interaction avec le Mais l’assurance qualité peut aussi indénia-
client. blement être un outil de management d’im-
position. L’existence d’un référentiel écrit
« Les agents d’intervention ont quand légitime par exemple les rappels de procé-
même bien intégré cette relation client et dures faits en réunion d’équipe, suite par
ça, c’est bien le résultat de l’AQ et de toutes exemple à un audit ou à des fiches de non-
les actions de formalisation, notamment en conformité émises par d’autres services.
termes de délai » (encadrant).
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9. Delaunay et Gadrey (1987) ; Gadrey (1991) ; Eiglier et Langeard (1987) ; Eymard-Duvernay (1994) ; Joseph
(1994). Pour une mise en perspective de la notion de relation de service, voir May (2001).
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d’éléments dont nous avons pu montrer nement » que l’interaction avec le client va
qu’ils se révélaient très directement amélio- bien se passer, voire même il va exiger des
rés par l’AQ. papiers d’identité, des informations que le
Mais elle repose aussi sur des items tels que client n’a pas, ce qui va contribuer à son
la capacité de compréhension du personnel mécontentement. Le strict respect de cer-
(le prestataire fait un effort pour connaître taines procédures amène ainsi parfois une
le client et ses besoins et lui propose un ser- dégradation localisée de la qualité du ser-
vice adapté), de communication du person- vice perçue par le client en ne permettant
nel (écoute des clients, informations des pas, par exemple, de satisfaire très rapide-
clients), sa courtoisie, sa disponibilité, ment un client ou de prendre en compte une
c’est-à-dire en résumé un certain nombre de demande particulière.
critères caractérisant la qualité de l’interac-
tion entre le client et le personnel en « L’AQ est une contrainte car il y a des
contact, qu’il soit commercial, technique ou processus rigoureux alors qu’avec le client,
administratif. il faut faire en souplesse » (vendeur).
Les activités commerciales sont les plus Les commerciaux ont, pour une partie
directement impliquées dans la qualité d’entre eux, interprété alors l’assurance
relationnelle du service car elles initient, qualité comme l’irruption de la technique et
réparent ou modifient le service de l’administratif dans leur activité ou
consommé par le client et ce en interaction comme une volonté de l’entreprise de stan-
avec lui. Les commerciaux demeurent por- dardiser leurs activités au détriment de la
teurs d’une définition « locale » de la qua- qualité du service au client telle qu’ils la
lité du service, fortement axée sur ce conçoivent.
moment d’interaction avec le client que
« ISO n’apporte que des ennuis aux
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personnel en contact avec le client et à sa client. Ils sont par ailleurs, nous l’avons
hiérarchie qui, conjugués les uns aux autres, vu dans la première partie, complexes à
concourent à améliorer la qualité du service produire pour l’entreprise.
en cadrant et outillant la partie relationnelle Dans ce contexte, la certification ISO
du service sans pour autant la standardiser. constitue un argumentaire intéressant pour
L’assurance qualité offre tout d’abord un le personnel en contact dans les négocia-
cadre de référence partagé10 au personnel tions de vente ou les échanges relatifs aux
de front office (caractéristiques du service, problèmes de maintenance, notamment
niveau de qualité voulu par l’entreprise, avec la clientèle professionnelle : il peut
procédures de travail, cf. partie I) qu’il peut mettre en avant la crédibilité d’une entrepri-
mobiliser dans sa relation au client et à par- se de service engagée dans une telle
tir duquel il peut détecter et déclarer une démarche, l’homogénéité du traitement du
situation anormale ou non (délais d’inter- client, la fiabilisation de la qualité tech-
vention non respectés, procédure de traite- nique (cf. partie I) et donc ancrer l’interac-
ment d’une demande non suivie) ; l’AQ tion avec le client dans la confiance.
amène ici une objectivation du service
contrebalançant la nature intangible du pro- « Si derrière, c’est fiable, c’est plus facile
duit vendu au client. d’affirmer quelque chose au client quand il
De nombreux travaux de recherche souli- vient pour une réclamation sur la facture »
gnent en effet, que l’achat d’un service est (vendeur).
fondamentalement entaché d’incertitudes « Ce sont les mêmes procédures partout,
pour le client11. Cette incertitude provient c’est un argument commercial, cela rassure
de la nature intangible du service et des dif- le client » (vendeur).
ficultés rencontrées par le client dans la
3. La remontée des attentes des clients
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10. Des travaux de recherche dans les front offices montrent que si l’absence de marges de manœuvre pour les sala-
riés au contact est source de tensions avec le client, l’absence d’un cadre de référence collectif et partagé est tout
aussi pesant. Voir David et Huguet (1998), Warin (1993).
11. Delaunay et Gadrey (1987) ; Gadrey (1990).
92 Revue française de gestion
par ISO, après des améliorations initiales base. Plus encore, il entretient l’idée qu’il
patentes, mettent à jour des problèmes plus revient essentiellement à la hiérarchie de
profonds qui ne peuvent être résolus par des régler les problèmes qui surviennent.
aménagements à la marge de l’organisation. Nombre de réclamations internes adressées
Enfin, les responsables qualité à la depuis le niveau local au niveau central de
recherche d’une position statutaire légitime l’organisation restent sans réponse. C’est
nouvelle et confrontés à l’incertitude du ainsi que le manque d’adaptation signalée
rôle que leur attribuait l’organisation, n’ont de différents applicatifs informatiques, sus-
pas facilité l’appropriation du système qua- citant une double saisie, des difficultés à
lité et apporté le soutien attendu par une identifier l’ensemble des services achetés
partie des acteurs. par un même client, à renseigner la confi-
guration physique et technique des lieux
1. Des boucles qualité interrompues d’installation du client, restent non seule-
par l’organisation ment sans solution immédiate, mais surtout
Des difficultés récurrentes liées au non res- sans réponse aucune. Les grandes direc-
pect des procédures de travail ne donnent tions fonctionnelles centrales, non incluses
pas lieu à enquête et perdurent dangereuse- dans le champ de la certification ne se sen-
ment. On peut citer des non signatures de tent pas engagées par les démarches qu’elle
contrat par les clients avant engagement des impulse. De manière équivalente, les divi-
travaux, les renseignements insuffisants des sions opérationnelles nationales ne répon-
bases de données qui conditionnent le suivi dent pas à des propositions de solutions des
des zones d’occupation des réseaux. Signa- problèmes rencontrés, émanant du niveau
lés de manière régulière, ils sont peu suivis local.
d’effet. Il en va de l’implication du mana- Si les difficultés précédemment signalées
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adoptées fassent l’objet de nombreuses cri- générale est de convaincre les responsables
tiques. Dans certains cas, celles-ci reposent intermédiaires de l’intérêt stratégique pour
certes sur le refus de voir remises en cause celle-ci de s’engager dans la démarche assu-
des habitudes antérieures. Tel est le cas de rantielle. Il est en effet frappant de constater
l’obligation de signature à des fins de traça- qu’à Sertenet les ressources organisation-
bilité. Cependant, nombre de critiques ren- nelles mobilisées l’ont été essentiellement
voient, soit au caractère insuffisamment dans un souci de démultiplication et d’expé-
fondé des choix retenus (par exemple en rimentation dans la phase préalable à la cer-
métrologie, longueur du processus d’éta- tification, plus que dans celui de développer
lonnage sans que des solutions de rempla- la conviction. La logique d’autorité l’a
cement des instruments n’aient été pré- emporté conformément à la tradition
vues), soit au système de preuve bureaucratique de l’entreprise.
particulièrement lourd (preuve de réception D’ailleurs, dans le cadre des nouvelles
de l’ordre de traduction, preuve de l’intro- orientations stratégiques, les règles d’éva-
duction des éléments de logiciel, preuve du luation de l’activité des managers les amè-
bon fonctionnement obtenu à travers la nent à privilégier les résultats commer-
trace papier de la réalisation d’un essai). ciaux. Ceci les conduit parfois à négliger
Concernant également les processus, l’or- certaines dimensions processus de leur acti-
ganisation du bureau d’étude par exemple, a vité, telles, par exemple, les insuffisances
été conçue pour des installations standards, de renseignement des bases de données de
nécessitant donc des études simples. Or, la part de leurs subordonnés dont les effets
20 % de celles-ci sont complexes et ont ne seront perceptibles que dans la durée,
donc du mal à être gérées dans les mêmes c’est-à-dire lorsque ces managers auront été
conditions que celles qui sont standards. affectés à d’autres fonctions.
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nies : une première qui dans une tradition dent que la qualité du résultat obtenu par la
plus anglo-saxonne en fait en quelque sorte certification dépend fortement de la recon-
« des professionnels de la règle » ; tandis naissance accordée à la fonction qualité
que la seconde plutôt représentée par les elle-même.
japonais conçoit les responsables qualité Aussi n’est-il pas surprenant qu’ils soient
davantage comme des facilitateurs, principalement perçus comme les défenseurs
capables d’aider les opérationels12. Dans de la règle, et secondairement soucieux de
cette seconde conception, le soutien qu’ils soulever les problèmes d’organisation qui
apportent à ceux-ci suppose une connais- engendrent des dysfonctionnements.
sance effective des activités à « mettre en D’ailleurs, aucun dispositif d’aménagement
règle » et à améliorer. À l’inverse, une pos- des règles adoptées n’a été prévu, pas davan-
ture de forte extériorité par rapport aux acti- tage que les modalités de capitalisation des
vités considérées maintient plus naturelle- savoirs activité par activité. Pourtant, le
ment le système dans le formalisme. caractère standardisé des services vendus
On ne s’étonnera pas que conformément à seraient susceptibles de mettre à profit les
la tradition bureaucratique, les responsables apprentissages effectués afin de produire des
qualité de Sertenet adoptent plus aisément savoirs nouveaux et d’améliorer la maîtrise
la première conception de leur rôle. Consi- des processus (effet statistique). Aussi, ces
dérant leur activité comme un champ d’in- apprentissages rencontrent-ils des difficultés
tervention autonome, ils attendent de l’or- à être intégrés par l’organisation ; ils s’arrê-
ganisation qu’elle définisse précisément la tent le plus souvent à l’étape de « simple
reconnaissance statutaire qui leur paraît boucle », pour reprendre l’expression
convenir (cf. Crozier, 1963). C’est de cette d’Argyris et Schön (1996).
reconnaissance que dépend à leurs yeux
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12. Ishikawa (1981) reproche aux américains leur conception « trop professionnelle » de leur rôle dans le domaine
de la qualité, « professionnelle » étant entendu au sens anglo-saxon du terme. Il insiste ainsi sur « la différence entre
le TQC selon Feigenbaum et le TQC à la japonaise. Le premier, dit-il, est organisé par « les professionnels QC »,
alors que le second fait intervenir toutes les personnes de toutes les fonctions de l’entreprise d’où l’appellation de
CWQC proposée par l’auteur de Company Wide Quality Control, Le TQC ou la qualité à la japonaise, édition
française AFNOR Gestion (1984).
96 Revue française de gestion
notamment entre front et back office, amé- De fait, dans les services comme dans
liorant ainsi la qualité du service vendu. En l’industrie, ISO s’applique à l’organisa-
outre, elle met à la disposition du personnel tion en place. Elle ne fait que la rendre
en contact un certain nombre « d’outils » plus lisible, mais elle n’a pas spontané-
qui constituent des ressources mobilisables ment le pouvoir de la transformer et a for-
dans l’interaction avec le client. La question tiori de réguler les changements qui
de la nature du service étudié se pose seraient nécessaires si le management ne
cependant ici. L’ensemble du fonctionne- souhaite pas s’y engager. Ceux-ci com-
ment du dispositif assurantiel à Sertenet portent un ensemble complexe d’opportu-
résulte-t-il de la nature particulière de l’ac- nités mais aussi de menaces pour les
tivité de service : un service globalement acteurs concernés et induisent nécessaire-
standardisé, où la dimension technique est ment des conflits. Ainsi, contrairement à
très importante alors que la coproduction une idée assez communément répandue,
avec le client se révèle être assez ponc- ISO n’est pas une norme organisation-
tuelle ? Qu’en serait-il de ces conclusions nelle. Elle formalise l’organisation et
dans une activité où la dimension relation- suppose l’utilisation de certaines métho-
nelle serait prépondérante ? Des études dans dologies mais elle n’introduit pas un stan-
d’autres activités de service permettraient dard organisationnel analogue à la divi-
d’éclaircir la question. sion conception/exécution à la manière
Cependant, le cas étudié met également en du taylorisme. Bien au contraire, son effi-
évidence l’importance du contexte organi- cacité dépend intimement de la configu-
sationnel de l’entreprise. Ainsi, dans cet ration de l’organisation dans laquelle elle
exemple, les caractéristiques de la mise en s’insère. En effet comme ont pu l’analy-
place du système qualité et son fonctionne- ser d’autres travaux (Girin, 1995 ; Gree-
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