P2 These Martin
P2 These Martin
P2 These Martin
Martin Koning
Directeur de thèse
P IERRE KOPP
(Université de Paris I - Panthéon Sorbonne)
Rapporteurs
S TEF P ROOST
(Université Catholique de Louvain)
Suffragants
K ATHELINE S CHUBERT
(Université de Paris I - Panthéon Sorbonne)
Y VES C ROZET
(Université de Lyon II – Lumière)
L’Université Paris 1 n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les thèses ;
ces opinions doivent être considérées comme propres à leur
auteur.
Remerciements
Tout au long de cette thèse, il sera beaucoup question du temps, "ressource la plus
rare" perdue dans les embouteillages ou dont la "consommation" est plus pénible
dans les métros encombrés. Force est de constater que le temps occupe également
une place centrale dans ces remerciements. La rédaction d’une thèse est ainsi un pro-
cessus chronophage. Cet exercice aurait été impossible si de nombreuses personnes
ne m’avaient fait part de leur temps, ou ne m’avaient aidé à rendre plus agréables les
périodes de doutes qui ont parfois accompagné l’avancement de ce travail.
La seconde personne que je souhaite remercier de tout coeur est Rémy Prud’homme.
S’il ne figure pas officiellement au rang de (co)directeur de thèse, il est certain qu’une
grande part de ce travail n’aurait pu voir le jour sans son aide. Outre le fait qu’il m’ait
1
Remerciements
souvent ouvert la porte de son domicile pour y travailler, il m’a ouvert la porte de son
univers intellectuel. Ses nombreuses et pertinentes remarques ont été, et continue-
ront d’être, une source intense de réflexion.
Parce que lire et commenter une thèse demande du temps et des efforts, je remercie
sincèrement Katheline Schubert, Stef Proost, Jean-Pierre Orfeuil et Yves Crozet pour
avoir accepté de participer à la soutenance. Leur présence dans mon jury ainsi que
leurs commentaires sur ce travail de thèse sont à la fois un réel plaisir et un grand
honneur.
Certains écrits de cette thèse sont le fruit d’une collaboration. Outre Pierre Kopp et
Rémy Prud’homme, j’ai ainsi eu le plaisir de travailler avec Luke Haywood que je re-
mercie grandement. De notre rencontre strasbourgeoise est sans nul doute néée une
amitié qu’il me tarde de prolonger aux travers des travaux de recherche (en cours et
à venir), sur les terrains de basket ou lors des cocktails des conférences. Je remercie
également Mélanie Babès, Luc Lenormand, Anne Fehr, Edouard Bellané et Jérémy
Boccanfuso pour tout le travail accompli ensemble. Une grande partie de cette thèse
repose sur des données issues d’enquêtes de terrain fastidueuses à récolter et à trai-
ter. Ils m’ont à cet égard énormément aidé. Je profite de ces lignes pour remercier le
personnel de la Division de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Paris et de
la RATP, avec une mention particulière pour MM. Prochasson et Loknar qui m’ont
permis d’accéder aux données de leurs institutions respectives.
Les chapitres de cette thèse ont fait l’objet de présentations lors de multiples confé-
rences ou séminaires. Je souhaite donc remercier les participants ayant écouté, dis-
cuté et conseillé ces travaux. Pour avoir rapporté dessus, ma reconnaissance s’adresse
plus particulièrement à Patricia Vornetti, Miguel Amaral, Fabien Leurent, Annes Yvrande-
Billon, Guillaume Faburel, Maya Bacache ou Henrik Andersson. Je remercie égale-
ment les rapporteurs anonymes de Transport Policy et de Urban Studies pour leurs
précieux commentaires.
2
Remerciements
Comme nous le défendrons plus loin, le contexte dans lequel est "consommé" le
temps importe grandement pour les voyageurs. Je ne peux que parler en connais-
sance de causes et remercier les nombreuses personnes dont j’ai quotidiennement
croisé la route, dans le monde universitaire ou en dehors.
J’aurais par ailleurs eu les plus grandes peines du monde à finir cette thèse sans le
soutien inébranlable de mes amis. Qu’ils soient économistes, Normands, Parisiens,
ils ont toujours répondu présents lorsqu’il s’agissait d’aller interroger des gens dans
les transports publics, d’écouter mes débordements professionnels, de se changer les
idées... Des énormes remerciements donc à Jeannot, Wams, Prag, Vinz, Pidu, Diegi,
Tobal, Jules, Ju, Jo, Cès (merci pour les cartes visuelles), Su et Kati, Mitch, Catherine
et Uzi, Mathilde, Charlotte, Nico, Emile, Clémentine, Julia, Ju et Mel, Laure, Lucile,
Loren, Soph et Babara, Kevin (les deux), Duc et Sarah, LnK, Mout, Babar, Basar, et
Georges, Xavier, Marie et Léon, David, Fiona, Tutur et Anouk, Anne-Laure, Dimi et
Natalia, Markus et Morena, JC et Trésor, la bande de la Cantine ou du Zorba. Ces
lignes ne suffisent pas pour les remercier.
3
Remerciements
Cette longue liste ne pourrait être complète sans Cindy. Depuis un an maintenant,
elle a réussi à embellir mon quotidien et à me faire entrevoir d’autres horizons que
ce manuscrit de thèse. Je ne saurai donc comment la remercier d’avoir été, et d’être,
à mes côtés.
4
Résumé
5
Résumé
Deux principales questions motivent ce travail de thèse sur la congestion dans les
transports à Paris. Deux questions suivantes en découlent, elles-mêmes liées aux spé-
cificités et à la temporalité de notre objet d’étude.
Malgré le statut de "mal urbain" conféré à la congestion routière, il est tout d’abord
frappant de constater que les économistes n’arrivent pas à s’accorder sur le coût
qu’inflige cette externalité à la société. Les monétarisations des pertes de temps dé-
truites sur les routes oscillent ainsi entre 0,1% et 2% du PIB des pays développés.
Une part de cette diversité provient de l’intérêt qu’a suscité la congestion comme
objet de recherche, son analyse évoluant au gré des avancées méthodologiques des
sciences économiques. Une autre part de cette diversité s’explique toutefois par des
définitions différentes du phénomène, au sein du même cadre d’analyse. Concernant
l’approche "statique" de la congestion, i.e. retenant un cadre d’"équilibre partiel", on
dénombre trois visions concurrentes pour calculer les pertes de temps générées par
les véhicules en "trop" sur les routes. Quel est dans ces conditions le coût "écono-
mique" de l’externalité de congestion routière ?
Il est ensuite notable que l’étude des pertes de bien-être liées à la sur-utilisation
des transports publics reste largement négligée par les sciences économiques. Avant
même que les réseaux n’atteignent leurs contraintes de capacité, phénomène engen-
drant des pertes de temps objectif, il semble pourtant que les voyageurs voient aug-
menter la pénibilité de leurs déplacements. C’est notamment vrai du confort, i.e. l’es-
pace par voyageur disponible dans un train. Au-delà d’un certain niveau de fréquen-
tation, il devient impossible de s’asseoir dans les véhicules, les usagers sont parfois
obligés de se serrer contre leurs voisins. Alors même que le temps objectif est inva-
riant, le temps de voyage est perçu comme plus coûteux par les individus. Parceque
6
Résumé
le déplacement est plus inconfortable, il génère une plus grande désutilité. Quelle est
donc la valorisation d’une telle externalité de congestion dans les transports publics
ferrés ?
Les deux questions précédentes ne sont pas circonscrites à l’économie des trans-
ports et s’inscrivent pleinement dans le champ de l’économie publique. Avoir une
idée cohérente des ressources détruites sur les routes permet de mieux cibler les
enjeux liés à l’"internalisation" de l’externalité de congestion. Si les réseaux ferrés
doivent accueillir les automobilistes délaissant leurs véhicules dans les centre-villes,
ils ne peuvent par ailleurs recevoir un report modal trop important au risque d’aug-
menter le "coût généralisé" des déplacements de nombreuses personnes. Le calcul
économique, dont l’analyse coûts-bénéfices est une bonne illustration, occupe une
place centrale dans le processus de choix collectif lié aux infrastructures de transport
en France. Ses résultats sont toutefois sensibles aux hypothèses et aux valeurs tuté-
laires retenues pour quantifier les changements (temps, argent, environnement) in-
duits par une nouvelle infrastructure. Il semble donc légitime de regarder comment
une vision partielle de l’externalité de congestion, sur les routes ou dans les réseaux
ferrés, modifie-t-elle l’évaluation économique des politiques publiques ?
7
Résumé
Pour répondre à ces questions, ce travail de thèse s’articule autour de trois études
de cas. Chaque essai porte ainsi sur une infrastructure de transport de permier ordre
pour la zone centrale parisienne : le boulevard Périphérique, la ligne 1 du métro pari-
sien et le tramway des Maréchaux Sud. Croisant données de trafic et données issues
d’enquêtes de terrain, les apports de cette thèse sont principalement empiriques. Si
nous mobilisons la méthodologie d’évaluation contingente pour étudier les "préfé-
rences déclarées" des usagers de la ligne 1, notre approche s’inspire le plus souvent
de l’approche "statique" de la congestion. C’est notamment le cas durant l’étude du
coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique et l’ana-
lyse coûts-bénéfices du tramway des Maréchaux. Ces trois essais aboutissent aux
conclusions suivantes.
8
Résumé
Finalement, la congestion a augmenté dans les transports à Paris depuis le début des
années 2000. Certains voyageurs ont gagné aux modifications récentes (les usagers
du tramway, les cyclistes ou les néo-motards). Ils représentent cependant une frac-
tion minoritaire des kilomètres parcourus dans Paris (5% en 2007). S’il y avait moins
de voitures dans les rues de Paris en 2007 par rapport à 2000 (-24%), la politique de
"régulation par les quantités" a généré une forte baisse de la vitesse de circulation
(-10%). Surtout, la hausse de la fréquentation dans le métro parisien (+13% entre
2002 et 2007) a réduit le confort des déplacements (la densité augmente de 8%). Le
"coût généralisé" a donc augmenté pour la grande majorité des voyageurs. Partici-
pant peut-être à l’apparent regain d’attractivité de Paris observé entre 2000 et 2008, la
hausse de la congestion dans les transports questionne l’efficacité socio-économique
de la politique municipale menée depuis 2001. Les fortes valorisations faites par les
économistes des temps de transport vis-à-vis des autres dimensions des déplace-
ments (dont l’environnement) suggèrent que le coût social de la mobilité parisienne
a augmenté entre 2000 et 2007.
9
10
Table des matières
Remerciements 1
Résumé 5
Avant-propos 17
1 Introduction générale 23
1.1 La congestion des infrastructures de transport . . . . . . . . . . . . . . . 23
1.1.1 Definition du phénomène de congestion . . . . . . . . . . . . . . 24
1.1.2 Intérêts liés à l’étude économique de l’externalité de congestion 25
1.1.3 Congestion et dynamiques territoriales . . . . . . . . . . . . . . . 28
1.2 Questions guidant le travail de thèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
1.2.1 Quel est le coût de la congestion routière dans un cadre d’ana-
lyse "statique" ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
1.2.2 L’externalité de congestion est-elle coûteuse dans les métros ? . 32
1.2.3 Comment une vue partielle de l’externalité de congestion modifie-
t-elle l’évaluation économique des politiques publiques ? . . . . 34
1.2.4 Quelle est évolution de la congestion dans les transports à Paris
depuis le début des années 2000 ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
1.3 La zone centrale parisienne comme aire d’étude . . . . . . . . . . . . . 37
1.3.1 La zone centrale parisienne dans l’Ile-de-France : évolutions entre
1960 et 2000 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
1.3.2 La politique des transports entreprise depuis le début des an-
nées 2000 et les changements de mobilité observés . . . . . . . . 45
1.3.3 Enjeux actuels liés à la congestion des transports à Paris . . . . . 49
1.4 Contenu de la thèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
1.4.1 Chapitre 2 - La variété des coûts de congestion routière : mise en
perspective à partir du boulevard Périphérique parisien . . . . . 53
11
Sommaire
1.4.2 Chapitre 3 - Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude
du goût pour le confort des déplacements . . . . . . . . . . . . . 54
1.4.3 Chapitre 4 - Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris :
coûts et bénéfices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
3 Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort
des déplacements 117
12
Sommaire
13
Sommaire
14
Sommaire
References 226
15
Sommaire
16
Avant-propos
Les préoccupations intellectuelles qui animent ce travail de thèse, tout comme les ré-
sultats auxquels aboutissent les essais qui le composent, s’inscrivent au carrefour de
l’économie des transports et de l’économie publique. Leur objet d’étude commun
est celui de la congestion dans les transports à Paris. Traiter d’un tel sujet ne peut
à l’évidence se comprendre sans les apports d’autres sous-disciplines des sciences
économiques telles que l’économie urbaine et l’écomie régionale. Dans cet esprit,
l’avant-propos suivant peut se voir comme un "détour de production". Il permet de
comprendre que la thématique de la congestion s’inscrit dans la perspective plus
large du développement urbain.
Si des avantages naturels ou des décisions politiques impulsent bien souvent le pro-
cessus, les externalités occupent une place prépondérante dans la dynamique de
concentration territoriale des hommes et des activités économiques (Fujita [1989],
Maurel and Puig [2004], Glaeser [2007], Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]). La proxi-
mité spatiale qu’incarne la ville autorise en effet diverses "‘interactions hors-marché"
17
Avant-propos
Parmi les activités indissociables de la vie urbaine, les transports des marchandises et
des hommes, au sein ou entre les territoires, contribuent grandement au coût social
des villes. Que la mobilité à assouvir soit individuelle (se rendre sur un lieu de pro-
duction) et/ou matérielle (déplacer la production), il est en effet rare que les agents
économiques supportent l’intégralité du coût de leurs décisions. Recevant un signal
biaisé, ils demandent alors soit "trop" de mobilité lorsqu’elle est sous-tarifée, soit
"pas assez" lorsqu’elle est sur-tarifée, par rapport à la situation qui maximiserait le
1. Les externalités liées à la concentration territoriale des individus et des entreprises (les "‘’eco-
nomies d’agglomération") prennent diverses formes (Huriot and Bourdeau-Lepage [2009], Rousseau
[1998], Maurel and Puig [2004]) : elles peuvent notamment être de "localisation" (intra-sectorielles),
d’"urbanisation" (inter-sectorielles), "pécuniaires" (monétaires), "d’informations", "sociales" (entre
ménages)....
2. On parle de "learning" pour décrire la production et la diffusion de connaissances, de "sharing"
pour décrire le partage des gains liés à la variété d’offreurs ou le partage du risque, de "matching" pour
le décrire la qualité de l’appariement sur le marché du travail (Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]).
18
Avant-propos
bien-être la collectivité, i.e. l’optimum. C’est par exemple le cas des pollutions en-
vironnementales (locales et globales), sonores ou visuelles émises à divers degrés
par les modes de transports. On pense évidemment aux véhicules automobiles dont
les rejets polluants sont aujourd’hui la source de nombreuses préoccupations liées
au réchauffement climatique et dont les incivilités semblent incompatibles avec la
"qualité de vie urbaine" (Orfeuil [2008a], de Palma and Zaouali [2007], Perbet [2004],
Parry, Harrington, and Walls [2007], VTPI [2009], Quinet [2004]) 3 . Comme le font re-
marquer Levitt and Dubner [2010], l’utilisation des chevaux comme moyen de loco-
motion était au centre des débats new-yorkais à l’aube du 20ème siécle. Il y avait al-
ros tant de bêtes "en circulation" que les déjections animales devenaient intolérables
pour les habitants. Sous-produits de la mobilité de leurs époques, ces externalités se
traduisent par une dégradation des aménités urbaines environnementales. Elles af-
fectent donc l’utilité d’un grand nombre de personnes, à l’échelle de l’agglomération.
Face à de telles "défaillances de marché", une intervention publique correctrice doit
être mise en oeuvre afin de minimiser les perte de bien-être imputables aux trans-
ports de la ville.
Objet d’étude de cette thèse, la congestion des infrastructures occupe une place par-
ticulière au sein des externalités issues de la mobilité. Il s’agit d’un "mal urbain" de
premier ordre. En sus de générer un important coût externe, la plus ou moins grande
intensité de cette "interaction hors-marché" conditionne l’évolution du coût privé
des déplacements.
Les économistes mesurent les coûts de transport au travers du "coût généralisé" des
déplacements (Small and Verhoef [2007], Quinet and Vickerman [2004], Bonnafous
[2004]). Celui-ci se compose d’une part généralement fixe (les dépenses monétaires
3. Les circulations routières représentaient environ 24% des émissions de CO2 et 20% des émis-
sions de gaz à effet de serre en France au début des années 2000.
19
Avant-propos
liées à l’utilisation d’un mode de transport) et d’une fraction variable (le temps de
déplacement) 4 . Les décisions individuelles de mobilité reflètent alors un "arbitrage
entre temps et argent" (De Borger and Fosgerau [2008]). Par ailleurs, des modifica-
tions de la structure des coûts de transport engendrent de profondes mutations ter-
ritoriales. Une vaste littérature aborde ce thème (Bairoch [1985], Leroy and Sonstelie
[1983], Thisse and Lafourcade [2008], Combes and Lafourcade [2005], Glaeser and
Kohlhase [2004], Cavailhès [2004], Anas, Arnott, and Small [1998], Cavailhès [2004],
Glaeser and Kahn [2003]), avec deux principaux angles d’analyse.
Dans une optique inter-régionale, la baisse des coûts de transport des biens indus-
triels 5 correspond à une réduction des coûts de transaction de l’échange marchand.
Permettant aux territoires les plus productifs de libérer leurs avantages comparatifs
et les autorisant à exporter à moindre frais sur un marché devenu plus large, cette di-
latation des contraintes spatiales y draine les entreprises et les segments les plus mo-
biles de la population active attirés par les "économies d’agglomération". L’introduc-
tion des réseaux ferrés et routiers hier ; l’ouverture d’une nouvelle autoroute ou d’une
ligne de trains à grande vitesse aujourd’hui. Dans les Etats-Unis des 19ème et 20ème
siècles comme dans l’Europe contemporaine, les modèles de l’économie régionale
ont démontré que l’évolution des coûts de transports des marchandises était une
variable clé pour expliquer le rythme des phases d’urbanisation ou le déclin de cer-
tains espaces périphériques (Huriot and Bourdeau-Lepage [2009], Combes, Mayer,
and Thisse [2006], Combes and Lafourcade [2005], Thisse and Lafourcade [2008]).
4. Dans la littérature anglo-saxonne, ce coût se transforme en "prix généralisé" lorsque sont inclus
les péages spécifiques à l’utilisation d’une infrastructure (Small and Verhoef [2007]).
5. Avant la période industrielle, il conviendrait de mentionner l’influence des coûts de transport
des biens agricoles. Conjugués à une faible productivité agricole, ils limitaient le nombre de bouches
qu’une ville pouvait accueillir. Bairoch [1985] parlait ainsi de "tyrannie de la distance".
6. Telle que les individus soient indifférents entre les différentes localisations au sein d’un espace
urbain (le plus souvent monocentrique, avec les emplois concentrés au centre d’un espace représenté
par un cercle ou un segment).
20
Avant-propos
7. D’après la "loi de Zahavi", les hommes consacrent, en tous temps et en tous lieux, environ 90
minutes à accomplir leur mobilité quotidienne. En augmentant la vitesse de déplacement, un nou-
veau mode de transport permet d’aller plus loin, à "budget temps" constant (Crozet [2005], Crozet
and Joly [2004]).
21
22
C HAPITRE 1
Introduction générale
1. Au-delà des enjeux liés à la cohésion territoriale, cette remarque justifie en grande partie le fi-
nancement et de la gestion publique de nombreuses infrastructures de transport, même si la pra-
tique croissante des contrats de Partenariat Public-Privé a quelque peu modifié la donne depuis une
vingtaine d’années (Saint-Etienne and Piron [2006]), non sans engendrer certains problèmes, voir par
exemple (Bonnafous [2002] ou Athias and Saussier [2007]).
23
Introduction générale
Comme nous le défendrons dans cette thèse, la qualité du service peut être de dif-
férentes natures, selon les modes de transport. L’externalité de congestion étant le
plus souvent associée aux véhicules automobiles, nous pouvons utiliser ce mode
pour illustrer ses conséquences sur le bien-être individuel et collectif. L’étude de la
congestion routière s’est institutionnalisée chez les économistes depuis longtemps
(Walters [1961], Vickrey [1969b], Lindsey [2006], Small and Verhoef [2007]). Conjugué
à la lutte contre le réchauffement climatique, les agendas politiques (local, national,
européen) font par ailleurs du combat contre la congestion routière un objectif prio-
ritaire, notamment dans les zones urbaines (Commission Européenne [2001], OCDE
[2003], Commission Européenne [2007], Conseil d’Analyse Stratégique [2008]).
24
Introduction générale
dentiel de la part des ménages (Brueckner [2000], Cavailhès [2004], Glaeser and Kahn
[2003]), elle a également créé une coûteuse "dépendance" des populations à l’égard
de ce moyen de locomotion (Newman and Kenworthy [1989], Dupuy [2006], Huriot
and Bourdeau-Lepage [2009]) 2 . Les capacités limitées des infrastructures routières
sont la source d’une importante destruction de bien-être économique, notamment
dans les zones proches des centre-villes (oú les emplois restent souvent concen-
trés) et durant les heures des déplacements pendulaires. Ne prenant en compte que
le "coût généralisé" de son propre déplacement, un automobiliste empruntant une
route augmente la congestion de celle-ci. L’externalité "technologique" n’accroît pas
uniquement la durée de son voyage. Réduisant la vitesse de circulation proposée par
l’infrastructure, i.e. la qualité de service, l’externalité revient à majorer le "coût gé-
néralisé" de tous les voyageurs présents. Coûts privé et social diffèrent, il y donc a
des automobilistes "en trop" sur la route. Cette allocation inefficiente de la voirie
correspond à une destruction de bien-être économique par rapport à l’optimum, i.e.
niveau d’utilisation tel que les voyageurs "internalisent" le coût externe de leurs dé-
cisions (Small and Verhoef [2007], Quinet and Vickerman [2004], Lindsey [2006], Pru-
d’homme and Sun [2000]).
25
Introduction générale
réalisation des activités humaines (Becker [1965]). Sa dotation étant limitée, il s’agit
de la "ressource la plus rare" (Crozet and Joly [2004]). Le temps "consommé" dans les
transports présente donc un coût d’opportunité, fonction de l’utilité que les indivi-
dus pourraient obtenir en substituant à leur temps de déplacement une autre acti-
vité, un temps de travail additionnel par exemple. Ce coût d’opportunité augmente
avec la croissance économique et l’enrichissement des populations (Commissariat
Général du Plan [2001], Small and Verhoef [2007]) 3 .
En considérant une constante universelle de 1h30 par jour, un individu consacre prés
de 10% de son temps éveillé à accomplir sa mobilité, 17% si on ne considère que le
temps non travaillé 4 . La composante temporelle est par conséquent prépondérante
dans le "coût généralisé" des déplacements, et ce même si la composante moné-
taire occupe une part non négligeable du revenu disponible des ménages (Orfeuil
[2000], Orfeuil [2008a]) 5 . Parce que "trop de véhicules sur la route" signifie "plus
de temps pour plus de monde", un excès d’automobilistes par rapport au niveau
optimal d’utilisation des routes est socialement coûteux. Ainsi, les estimations du
coût externe de congestion routière dépassent systématiquement celles des autres
"maux" infligés par la mobilité automobile (pollutions sonores, environnementales,
accidentalité) (Quinet [2004], Parry et al. [2007], de Palma and Zaouali [2007], IWWW-
Karlsruhe [2000], Small and Verhoef [2007], VTPI [2009]). Ces derniers "maux" ne sont
pas propres à la congestion routière mais au mode de transport automobile. Toute-
fois, les émissions de polluants augmentent avec une baisse de la vitesse moyenne
en milieu urbain, tout comme le bruit des moteurs lors de phases d’ accélération-
décélération 6 .
3. Une variable clé à l’analyse fine des dynamiques résidentielles réside dans l’élasticité du coût
d’opportunité du temps par rapport au revenu. Pour le processus de "péri-urbanisation" déjà discuté,
cette élasticité était plus faible, pour les ménages riches, que celle dans la demande de logement par
rapport au revenu. S’en est donc suivie une "fuite du centre-ville" de la part des classes aisées, celles-ci
souhaitant consommer plus d’espace résidentiel (voir Cavailhès [2004], Cavailhès [2005]).
4. En comptant 8 heures de sommeil et 8 heures travaillées.
5. Le coût monétaire des déplacements représente le second poste d’affectation du revenu des
ménages (15%), après le logement (Orfeuil [2008a]).
6. On pourrait également inclure les frais de maintenance des routes qui augmentent avec l’usage
de celles-ci et qui sont le plus souvent financés par les deniers publics.
26
Introduction générale
Ces propos expliquent pourquoi la congestion routière est l’externalité à laquelle les
économistes et les autorités en charge d’organiser les transports urbains accordent
le plus d’importance. Un réseau de transports urbains doit ainsi réussir à connec-
ter divers modes de transport (voitures, trains, métro, bus, vélos...), chacun associé à
des coûts privés et externes (temporels, environnementaux, monétaires, physiques)
différents. L’objectif des décideurs publics est dans ce cadre de faire tendre les choix
individuels vers la répartition modale optimale : les "parts de marché" des différents
modes qui minimiseraient le coût social de la mobilité urbaine (Bonnafous [2004],
Arnott and Yan [2000], Parry and Small [2009], Proost and Dender [2008]). Si la "sous-
tarification" de la mobilité automobile diffère grandement selon les pays (Parry and
Small [2005], Prud’homme and Kopp [2010a]) 7 , l’"internalisation" du coût externe
de congestion routière est rarement opérée. Conjuguée à sa nature temporelle et à
la diffusion sociétale de l’automobile, on comprend donc que la congestion routière
représente souvent une grande part de la "correction" à apporter pour se rappro-
cher de l’optimum (Bonnafous [2004], Arnott and Yan [2000], Parry and Small [2009],
Proost and Dender [2008]).
Il faut pour cela jouer sur les composantes monétaires et temporelles du "coût géné-
ralisé" de la voiture. L’"arbritage entre temps et argent" porte en effet sur les choix du
mode de transport (ou entre les routes, Small and Verhoef [2007], De Borger and Fos-
gerau [2008]). Si d’autres politiques existent pour remédier à la sur-utilisation des
routes (politiques de logement, investissements dans les capacités d’acceuil et la
qualité des transports publics, subventions des modes concurrents), l’introduction
des péages de congestion est l’outil le plus apprécié des économistes (Small and Ve-
rhoef [2007], Lindsey [2006], Tsekeris and Voss [2009]). Se rapprochant d’une "inter-
nalisation" du coût externe, les politiques de "régulation par les prix", telles qu’intro-
duites à Londres, Singapour, Stockholm (Santos and Bharkarb [2006], Prud’homme
and Kopp [2010b], Eliasson [2009]), proposent un arbitrage clair entre les deux di-
mensions du "coût généralisé" : augmenter le coût monétaire pour réduire le coût
7. Les voitures sont "sur-tarifiées" en France par rapport aux coûts privés et externes qu’elle inflige
(Prud’homme and Kopp [2010a]).
27
Introduction générale
temporel. Forçant les individus dotés de fortes valeurs de temps à "révéler leurs pré-
férences pour la vitesse", cette intervention peut génèrer d’importants gains de bien-
être, même si inégalement répartis entre les voyageurs (Giuliano [1992], Rothengat-
ter [2003], Armelius and Hultkrantz [2006], Bureau and Glachant [2008]). D’une ma-
nière plus générale, tout investissement permettant d’alléger la congestion routière
aura de grandes chances d’être jugé favorablement à l’aune des critères proposés par
l’évaluation économique des politiques publiques.
En fixant les lieux de résidence, on peut tout d’abord considérer que la vitesse des
déplacements participe à déterminer 8 la "taille effective du marché du travail", i.e.
le nombre d’emplois auxquels peut accéder un résident en moins de X minutes de
déplacements (Prud’homme and Lee [1999], Cervero [2001], Wenglenski [2007]). Si
elle augmente l’attractivité des modes de transport concurrents, la baisse de la vi-
tesse engendrée par une congestion routière accrue est également associée à des
"interactions hors-marché" d’une moindre intensité. La "taille effective du marché
du travail" représente en effet l’espace géographique au sein duquel les mécanismes
de "learning, sharing and matching" peuvent potentiellement prendre place. Elle est
positivement reliée à la "sur-productivité" urbaine. Une intensification de la conges-
tion routière pourrait alors réduire le potentiel productif de l’agglomération consi-
dérée dans son ensemble, en restreignant la diffusion des bénéfices liés à la concen-
tration territoriale (Prud’homme and Lee [1999], Cervero [2001], Costes, Kopp, and
28
Introduction générale
Prud’homme [2009]).
Non compensée par une revalorisation salariale de la part des firmes, autre "force de
dispersion", cette évolution constitue un véritable repoussoir pour les ménages. S’ils
existent et autorisent l’activité de la population, les "sous-centres" de l’aggloméra-
tion voient leur attractivité augmenter (Anas et al. [1998], Fujita [1989], Huriot and
Bourdeau-Lepage [2009], Cavailhès [2004]). Au prix toutefois d’une "dépendance"
accrue des populations aux véhicules automobiles. Les réseaux de transports publics
sont en effet moins appropriés aux zones peu denses. De par les liens théoriques
entre concentration spatiale et "sur-productivité", un tel éclatement territorial pour-
rait finalement réduire l’attractivité de l’agglomération dans son ensemble. En ré-
duisant la rémunération des ménages ou les perspectives de profits des firmes, cette
tendance les inciterait à changer leur région de localisation.
9. Une recherche croissante d’aménités urbaines positives de la part des ménages, impulsée par
des changements dans les modes de vie et démographiques, peut également renforcer cette "de-
mande pour la centralité" (Glaeser, Kolko, and Saiz [2001]).
29
Introduction générale
ment tournés vers l’économie des transports et l’économie publique. Plus empiriques
que théoriques, les résultats des essais ne feront qu’effleurer les préoccupations propres
à l’économie urbaine et régionale. En raison de l’importance des infrastructures étu-
diées, nous espérons toutefois qu’ils puissent aider à une discussion pertinente des
dynamiques territoriales récentes dans la zone centrale parisienne (voir la Conclu-
sion Générale).
Précisons également que cet exposé s’est jusque là limité à décrire l’externalité de
congestion routière. Comme nous allons le défendre, cette "défaillance de marché"
s’applique tout autant à d’autres modes de transports urbains, les métros notam-
ment. Contribuant au coût social des villes, il semble alors important que les sciences
régionales intègrent pleinement ce phénomène à leurs corpus théoriques.
Alors même que la plupart des économistes voient en elle une des principales ex-
ternalités urbaines négatives, il est tout d’abord frappant de constater la forte di-
vergence d’opinions sur le coût généré par la congestion routière. À la lecture des
méta-analyses et des rapports officiels (de Palma and Zaouali [2007], VTPI [2009],
Orfeuil [2008a], Parry et al. [2007]), les estimations des pertes de bien-être résultant
d’une utilisation sous-optimale des routes oscillent entre 0,1% et 2% des PIB natio-
30
Introduction générale
naux. Comme l’ampleur d’un "mal" conditionne généralement les enjeux liés à sa
"guérison", cette diversité des vues semble problématique. Quel est donc le coût de
l’externalité de congestion pour la société ? Et pourquoi les estimations des pertes de
bien-être diffèrent-elles autant ?
Une part de cette diversité d’opinions provient sans nul doute de l’intérêt qu’a sus-
cité la congestion routière comme objet de recherche (Lindsey [2006], Small and Ve-
rhoef [2007]). L’étude de ce phénomène a en effet évolué au gré des changements
méthodologiques ayant marqué l’histoire des sciences économiques. L’analyse "sta-
tique" (Walters [1961], Evans [1992], Verhoef [1999], de Palma and Fosgerau [2010]) de
la congestion routière a ainsi vu se développer une approche "dynamique" (Vickrey
[1969a], Arnott, De Palma, and Lindsey [1990], Leurent [2005], de Palma and Fosge-
rau [2010]), qui a pu être intégrée aux calculs complexes des "modèles d’équilibre
général urbain" (Delons and Piron [2009], de Palma, Motamedi, Picard, and Waddell
[2005a]) ou se rapprocher de l’ingéniérie du trafic. Ces différents cadres de formali-
sation aboutissent logiquement à une pluralité du "coût généralisé" d’utilisation des
routes (et donc associé à l’externalité de congestion).
10. Une modification sur un marché (celui de l’utilisation des routes par exemple) n’a aucune inci-
dence sur les autres marchés du programme d’activités des individus (vie familiale ou professionnelle
par exemple), et ce même si le bien du premier marché est une consommation intermédiaire néces-
saire à la production du bien du second marché (statut accordé au temps).
31
Introduction générale
(Small and Verhoef [2007], Verhoef [1999]). Elle présente donc d’indéniables vertues
pédagogiques.
Le second constat qui motive cette thèse concerne l’asymétrie entre l’immense ma-
jorité des travaux académiques qui abordent la congestion dans le cadre des dépla-
cements automobiles, et l’infime minorité qui s’y intéressent pour les transports pu-
blics. Les transports publics ont sutout été vus comme bénéficiant d’externalités po-
sitives. Dans le cas des bus (Mohring [1972], Small and Verhoef [2007], Bonnafous
[2004], Proost and Dender [2008]), une hausse de la demande incite l’opérateur à
augmenter le nombre de véhicules en circulation, ce qui réduit la durée des voyages
et attire les individus. Pour les modes ferrés, qu’ils soient lourds (trains régionaux,
métros) ou légers (tramways), une fréquentation accrue génère une "externalité pé-
cuniaire" modèrant la contribution personnelle aux coûts fixes des infrastructures
11. L’approche dynamique de la congestion routière repose sur le concept d’"équilibre de Nash",
i.e. tel que les individus n’ont plus intérêt à modifier leurs comportements étant données les réac-
tions stratégiques des autres individus. L’avantage de cette approche ne réside pas tant dans l’analyse
des pertes de temps sur l’infrastructure, mais plutôt dans l’étude de celles liées au franchissement du
"goulot d’étranglement", i.e. pour accéder à l’infrastructure lorsque la demande est tellement forte
qu’une queue se forme en dehors de celle-ci. Le "coût généralisé" est ainsi composé du coût tempo-
rel des déplacements mais également de "scheduling costs", i.e. coûts psychologiques associés aux
départs précoces et aux arrivés tardives. Les individus arbitrent entre ces deux composantes afin de
franchir le "goulot d’étranglement" et arriver à destination à l’heure souhaitée.
32
Introduction générale
(Tabuchi [1993]).
Conformément à certains articles récents (Litman [2008], Li and Hensher [2011], Ward-
man and Whelan [2011], Prud’homme, Koning, Lenormand, and Fehr [2010], de Palma,
Kilani, and Proost [2011]), nous pensons que l’externalité de congestion dans les
transports publics est plus coûteuse que ne le suggére l’état actuel de la littérature.
Ainsi, la qualité du service offert par les infrastructures de transports publics n’est
pas uniquement associée à la durée (objective) des voyages. Elle dépend également
du "vécu" des déplacements, celui-ci altérant le "coût généralisé" via la perception
individuelle (subjective) du temps de transport et la valorisation qu’y attachent les
individus (Litman [2008], Li [2003]).
33
Introduction générale
Bien que des cabinets de "conseils" anglais ou australiens aient étudié les liens entre
valeurs du temps et niveau de fréquentation dans les trains depuis une vingtaine
d’années (Li and Hensher [2011], Wardman and Whelan [2011]), cette externalité
reste largement négligée par les sciences économiques, surtout au niveau empirique 13 .
En étudiant les "préférences déclarées" des usagers de la ligne 1 du métro parisien, le
troisième chapitre apporte des élèments d’éclairage sur la valorisation de la conges-
tion dans les transports urbains ferrés. Nous mobilisons pour cela la méthodologie
d’évaluation contingente (Luchini [2003], Mitchell and Carson [1989], Haab and Mc-
Connel [2003], D4E [2004]).
Les deux questions précédentes ne sont pas circonscrites à l’économie des trans-
ports. Elles s’inscrivent pleinement dans le champ de l’économie publique. Avant de
parfois déplorer le manque de bienveillance des décideurs publics, il est important
12. Cet effet est plus marqué pour les déplacements en métro que pour les déplacements en bus.
13. Au niveau analytique, les "crowding costs" sont identifiés depuis Kraus [1991]. Ils sont analy-
tiquement présents mais complètement occultés dans les applications empiriques des modèles de
"goulot".
34
Introduction générale
de s’interroger sur la qualité des conseils prodigués. Ils sont peut-être biaisés par la
vision du phénomène qu’ont les "conseillers du Prince". Que l’externalité de conges-
tion concerne les routes ou les métros, les chapitres de cette thèse tentent d’appré-
hender les conséquences de ces biais dans une optique d’évaluation des politiques
publiques.
Avoir une idée cohérente du montant des ressources annuellement détruites sur les
routes permet en effet de mieux cibler les enjeux liés à la "correction" de l’externalité
de congestion. Et éventuellement d’objectiver le débat public sur les "maux" engen-
drés par la mobilité automobile. Non pas dans l’optique de défendre celle-ci, mais
plutôt dans celle de rendre plus "laïques" et moins idéologiques les discussions l’en-
tourant (Orfeuil [2008a]). Par ailleurs, si les économistes n’arrivent pas à s’accorder
sur la perte de bien-être résultant de la sur-utilisation des routes, qu’en est-il des
péages de congestion ? Le choix de la taxe à appliquer est-il évident ? En abordant cet
outil d’intervention pour une infrastructure réelle, le second chapitre permet d’illus-
trer certains défis que doivent relever les décideurs publics soucieux d’introduire une
"régulation par les prix" sur les routes.
Reconnaître l’existence d’une externalité de congestion dans les métros modifie éga-
lement le regard que doivent porter les planificateurs sur leurs politiques des trans-
ports (Li [2003], Litman [2008],Li and Hensher [2011]). Si ce mode est censé accueillir
les automobilistes délaissant leurs véhicules en centre-ville, il ne peut recevoir un re-
port trop important si les individus valorisent le confort de leurs déplacements. L’ar-
rivée des automobilistes augmenterait en effet le "coût généralisé" de nombreuses
personnes. En sus de mitiger les gains de décongestion routière, cet effet repous-
soir modifierait alors le report modal effectif. Inversement, désengorger les métros
lorsque les voyages sont inconfortables génère des bénéfices externes de déconges-
tion 14 . Le troisième chapitre propose dans cette optique une valeur tutélaire pour le
confort des déplacements réalisés dans le métro parisien. Bien que le rapport Boi-
14. Les liens entre externalité de congestion dans les métros et productivité urbaine (ou configura-
tion spatiale de l’agglomération), tels qu’illustrés précédemment avec la voiture, peuvent également
exister.
35
Introduction générale
Le calcul économique occupe une place centrale dans le processus des choix collec-
tifs liés aux infrastructures de transport (Maurice and Crozet [2007], Quinet [2000],
Orfeuil [2008a], Commissariat Général du Plan [2001]). Il offre des instruments pour
évaluer des projets, les classer selon divers critères et en déduire l’ordre de réalisation
afin que le bien-être collectif retiré d’une enveloppe budgétaire donnée soit maximal
(Maurice [2007]) 16 . L’analyse coûts-bénéfices (ou coûts-avantages) constitue dans
ce cadre l’instrument de référence. Sa pratique est obligatoire en France depuis 1982
en vertue de la Loi sur l’Organisation des Transports Intérieurs 17 . Les bilans socio-
économiques (intégrant les effets externes) doivent ainsi être conduits avant (ex ante)
et après (ex post) le lancement des "grands projets d’infrastuctures" 18 . Même si l’ana-
lyse "multi-critères" a un temps remis en cause son hégémonie, l’analyse coûts-bénéfices
présente l’avantage de rapporter à une échelle commune la "rentabilité sociale" de
l’infrastructure, i.e. la Valeur Actualisée Nette et le Taux de Rendement Interne. En
monétarisant les évolutions (temps, argent, environnement) induites par une nou-
velle infrastructure, elle évite donc d’accorder un poids inconsidéré à une unique
dimension des projets. A condition que les phénomènes identifiés et les valeurs tu-
15. Le rapport Boiteux constitue le rapport officiel définissant les critères à considérer, et les valeurs
à appliquer à ces critères, dans le cadre des études "transport" en France.
16. En expliquant aux citoyens les bienfaits (et méfaits) des infrastructures concurrentes, les résul-
tats des études prospectives améliorent également "l’acceptiblité" des politiques entreprises.
17. Elle fut renforcée en 1996 (Loi sur l’Aire et l’Utilisation Rationnelle des Énergies) et en 1999 (Loi
pour l’Orientation, l’Aménagement et le Développement du Territoire).
18. Ces études sont la plupart du temps effectuées soit par du personnel ministériel, soit par des
ingénieurs des Grandes Écoles françaises, telle que celle des Ponts et Chaussées. Quatre observations
concernant ces bilans socio-économiques : si les études ex ante sont bien souvent menées, celles
ex post sont bien plus rares ; lorsque celles-ci sont produites, les résultats diffèrent grandement des
études ex ante ; d’une manière générale, la pratique de l’évaluation a connu un déclin en France depuis
une vingtaine d’année ; l’abaissement en 2004 du taux d’actualisation à appliquer aux projets de 8% à
4% (Commissariat Général du Plan [2005]) a rendu éligibles un plus grand nombre d’infrastructures.
36
Introduction générale
La région Ile-de-France compte plus de 1200 communes réparties sur une surface
de 12000 km2 . Concentrant 19% de la population nationale et 29% du PIB français
au début des années 2000 (Davezies [2008b]), il s’agit d’une région métropolitaine
de premier ordre. Elle présente ainsi une "sur-productivité" considérable (Davezies
[2008b], Rousseau [1998], Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]), i.e. +57% par rapport
37
Introduction générale
Comme l’illustre la figure (1.1), la région Ile-de-France peut être découpée en 3 es-
paces : la zone centrale parisienne, la Petite Couronne et la Grande Couronne. Le es-
pace premier nommé constitue l’aire d’étude de cette thèse, les infrastructures ana-
lysées y ayant l’essentiel de leurs tracés. La zone centrale parisienne se limite à la
municipalité de Paris et au boulevard Périphérique 20 . Avant de dresser l’état de la
mobilité au sein de cette aire géographique, notamment l’importance qu’y revêt l’ex-
ternalité de congestion, il convient de revenir brièvement sur les évolutions socio-
économiques ayant marqué l’Ile-de-France durant la seconde moitié du 20ème siècle.
19. Une grande part de cette "sur-productivité" ne peut être imputable aux "économies d’agglo-
mération" "stricto-sensu", mais plutôt au "sorting" des individus les plus productifs dans la région
Ile-de-France. Cet effet est important dans l’étude des élasticités des "économies d’agglomération"
par rapport à la densité (Combes et al. [2004]).
20. La Petite Couronne se compose des départements limitrophes à la ville capitale : Hauts-de-
Seine, Seine Saint-Denis et Val de Marne. La Grande Couronne comprend quant à elle la Seine-et-
Marne, les Yvelines, l’Essonne et le Val-d’Oise. Il est parfois dit que l’échelle administrative régionale
concorde assez bien avec l’espace fonctionnel de l’agglomération parisienne, et ce malgré l’existence
de "bassins de vie" plus éloignés. Nous assimilons donc dans cette thèse l’agglomération parisienne à
la région Ile-de-France.
38
Introduction générale
21. La politique des "Villes Nouvelles" issue du "Plan Delouvrier", i.e. le Schéma Directeur de 1965,
fut sur ce point primordiale.
22. Avec une superficie de 105 km2 , la densité residentielle est néanmoins de 21000 hab/km2 en
2000, une des plus fortes au monde.
23. Les aménités urbaines exogènes, fortement centralisées dans la capitale, ont en effet "fixé" les
classes aisées dans les limites administratives de Paris, les aménités endogènes renforçant ensuite la
tendance (Brueckner et al. [1999]). En 1999, le revenu imposable des ménages Parisiens est de 21800
euros (par unité de consommation). Il est proche de 15000 euros dans les Couronnes de l’aggloméra-
tion (un peu supérieur en Petite Couronne) (Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]).
39
Introduction générale
40
Introduction générale
Tableau 1.3 – Répartition modale des déplacements quotidiens (en milliers) en Ile-
de-France, 1976-2001
Cette moindre importance des déplacements parisiens est à relativiser. Bien qu’elle
en ait perdu un nombre non-négligeable, la zone centrale concentrait toujours plus
de 30% de l’emploi régional en 1997, sur moins de 1% du territoire francilien. C’est
notamment le cas des activités à hautes valeurs ajoutées ou de celles décisionnelles
(les "emplois métropolitains supérieurs", Pinçon and Pinçon-Charlot [2008], Huriot
41
Introduction générale
Tableau 1.4 – Répartition spatiale des déplacements motorisés quotidiens (en mil-
liers) en Ile-de-France, 1976-2001
42
Introduction générale
24. La densité d’emplois est de 14270 emplois/km2 dans la zone centrale parisienne, contre 2250
emplois/km2 et 129 emplois/km2 pour respectivement la Petite Couronne et la Grande Couronne.
25. Nous ne nous intéressons pas dans cette thèse aux déplacements de longue distance (supérieurs
à 100 kilomètres, voir Orfeuil [2007]). En raison de l’attractivité internationale de la "ville lumière",
que ce soit pour le tourisme personnel et d’affaires, ou encore du développement du réseau de trains
à grande vitesse, le flux des déplacements de longue distance intéressant Paris est considérable.
26. Il est possible de calculer depuis l’Enquête Globale Transport (2002) que les Parisiens représen-
taient en 2001 environ 45% des déplacements réalisés en voiture ou en transports publics, dans ou en
liaison avec Paris, voir la Conclusion Générale.
27. En décomposant ces déplacements, on remarque que ce sont surtout les déplacements internes
à Paris qui ont baissé (en valeur absolue) de 9% entre 1976 et 2001. Ceux reliant la Petite Couronne et
la Grande Couronne à la municipalité de Paris ont augmenté de 3% et de 10% respectivement (Courel,
Meyere, and Nguyen-Luong [2005]).
43
Introduction générale
[2005]) 28 .
Cette dernière remarque ne doit pas minorer l’intérêt lié à l’étude de la congestion
dans la zone centrale de l’agglomération. D’un point de vue historique tout d’abord,
les problèmes d’encombrement et de partage de la voirie ont régulièrement animé
les débats parisiens durant le développement des mobilités équestre ou automobile
(Flonneau [2003]). Parce qu’ils sont les plus densément occupés, l’Ile-de-France en
général, et la zone centrale parisienne en particulier, sont surtout les territoires fran-
çais oú la congestion routière détruit le plus de bien-être. D’aprés les données de la
Gendarmerie Nationale, la région concentrait environ 89% des emcombrements na-
tionaux en 2000, sur moins de 2% du territoire (Union Routière Française [2007]) 29 .
La part du seul boulevard Périphérique parisien s’élevait à 29%, pour 35 kilomètres
de voirie (Union Routière Française [2007]). De plus, les conditions de circulation
automobile sont se sont dégradées au niveau régional entre 1990 et 1999, avec une
baisse des vitesses d’autant plus prononcée que les déplacements étaient associés
à la zone centrale parisienne (-8% en moyenne régionale, Wenglenski [2007]). Si la
situation est quelque peu différente pour les transports en commun, l’apparente sta-
bilité des déplacements intéressant Paris cache une dangereuse atonie des investis-
28. La baisse de l’utilisation des voitures décroit de manière inverse avec la distance à parcourir.
Entre 1991 et 2001, on trouve ainsi -18% pour les déplacements internes, -10% pour les liaisons avec
la Petite Couronne et -5% pour celles avec la Grande Couronne (Courel et al. [2005]).
29. Il est important de préciser que les données de la Gendarmerie Nationale occultent la conges-
tion routière en milieu urbain. En effet, sont considérées comme "encombrements" les heures de files
passées à conduire sous 30 km/h.
44
Introduction générale
1. L’espace alloué aux automobiles dans Paris (circulation et parking) a été réduit
de 25% à 30% suite à d’importants travaux d’aménagement de la voirie.
2. Une partie de cet espace viaire a été redistribuée aux modes de transport "propres"
déjà existants, notamment la marche à pieds et les bus qui disposent désormais
30. Atonie en total contraste avec les investissements ferrés "lourds" ayant accompagné la politique
des "Villes Nouvelles" dans les années 1960 et 1970, i.e. les RER notamment.
31. Ces objectifs et mesures sont notamment inscrits dans le Schéma Directeur régional de 1994, le
Plan des Déplacements Urbains de la région Ile-de-France (2000) ou l’action municipale antérieure.
32. A l’instar d’autres domaines d’intervention publique, l’organisation des transports en Ile-de-
France ressemble à un "mille-feuilles institutionnel". Ainsi, le financement des infrastructures est pris
en charge (généralement conjointement) par l’État, la région et les municipalités, avec une participa-
tion croissante des acteurs privés dans le cadre des contrats de Partenariat Public-Privé. La régulation
(offre et tarification) des transports en commun est à la charge de la région via le STIF (Syndicat des
Transports de la région Ile-de-France) qui délègue le service à la Régie Autonome Des Transports Pa-
risiens (RATP), à la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) ou à des opérateurs privés (Véolia
par exemple). Les municipalités ont quant à elle la charge de la voirie. Dans le cas de Paris finalement,
la Préfecture de Police gère la circulation et les règles de stationnement.
45
Introduction générale
5. Le stationnement résidentiel a été favorisé (forte baisse des tarifs pour les Pa-
risiens, en hausse pour les non-résidents). Les contraintes se sont elles renfor-
cées pour le stationnement professionnel.
6. Des "quartiers verts" et des "quartiers tranquilles" ont vu le jour au sein des-
quels l’accès aux véhicules automobiles est encore plus régulé (vitesses en des-
sous de 30 km/h, suppresion de la circulation de transit au profit de la desserte
locale, élargissement des trottoirs).
Il est possible d’interpréter cette politique des transports comme une réponse à la
demande latente des Parisiens (souhaitant d’autant plus voir disparaître les "nui-
sances" des voitures qu’ils utilisent peu ce mode, 18% de leurs déplacements 34 , et
"vivent" davantage la ville 35 ) conjuguée à un jeu de "log-rolling" 36 donnant la charge
des transports municipaux au parti politique (les Verts) le plus enclin à agir contre
les mobilités polluantes au sein de la coalition municipale 37 . Entre 2000 et 2007,
46
Introduction générale
ces mesures ont profondément modifié la répartition modale des déplacements in-
téressant Paris, comme illustré dans le tableau (1.6). La mobilité y est exprimée en
passag er × ki l omèt r e. Permettant de travailler avec des coûts kilométriques, cette
unité de mesure prend aussi bien en compte le nombre de personnes se déplaçant 38
que les distances parcourues. Elle reflète plus fidèlement l’utilité collective liée aux
transports.
La tendance à la moindre utilisation des voitures dans Paris s’est accentuée entre
2000 et 2007. La mobilité automobile a ainsi chuté de 24%. Dans le même temps, le
réseau ferré a vu ses parts modales augmenter. Il compte désormais pour 58% des
kilomètres intéressant Paris. Cette hausse de la fréquentation porte aussi bien sur le
réseau de trains régionaux (+12,5%) que sur celui de métros parisiens (+13,6%). Mal-
gré les aménagements de la voirie à son avantage, le réseau de bus a paradoxalement
perdu en part modale (-16%), sur un bien plus faible volume cependant. Ce mode
47
Introduction générale
de transport voit son retard se creuser par rapport aux deux-roues motorisés, les dé-
placements en motos ayant connu une forte croissance entre 2000 et 2007 (+36%,
voir Kopp [2011]). Au final, la mobilité parisienne semble avoir connu un léger recul
entre 2000 et 2007 (-1%), tendance similaire à celle observée dans les autres agglo-
mérations urbaines françaises. Cette dernière remarque doit toutefois être nuancée.
Le tableau (1.6) occulte les déplacements réalisés en tramway ou en vélo. La contri-
bution de ces modes à la mobilité parisienne ainsi mesurée est toutefois modeste :
respectivement 0,5% 39 et 1,3% 40 en 2007.
48
Introduction générale
A contrario de Londres ou de Stockholm qui ont opté pour une "régulation par les
prix" (Eliasson [2009], Santos and Bharkarb [2006]), Paris utilise plutôt une politique
de "régulation par les quantités" (Prud’homme and Kopp [2008]). Cette politique a
eu pour conséquence de réduire de 10% la vitesse moyenne de circulation dans Paris
(15,7 km/h en 2007, Observatoire de la mobilité de la ville de Paris [2008]), et ce en
dépit de la forte baisse de la circulation. Autrement dit, on a lutté contre la congestion
"par la congestion" (Crozet [2007]). Même s’ils sont moins nombreux dans les rues
de Paris en 2007, les automobilistes s’y "gènent" plus qu’auparavant car disposant
d’un espace viaire réduit pour circuler. En considérant les effets environnementaux,
le bilan socio-économique des aménagements en faveur des bus est amplement né-
gatif à cause du renchérissement de la mobilité automobile (Prud’homme and Kopp
[2008]). La congestion routière et la baisse des vitesses participent par ailleurs à ré-
duire l’accessibilité de la zone centrale parisienne. Les arguments reliant "taille effec-
tive du marché du travail" et "sur-productivité" urbaine, tout comme la forte concen-
tration d’emplois dans Paris, laissent donc supposer que la politique municipale ait
pu avoir de fâcheuses conséquences indirectes sur l’économie régionale (Costes et al.
[2009], Davezies [2007]).
44. Lors des élections de mars 2008, l’équipe réunie autour de Bertrand Delanoë a rassemblé 55,7%
des suffrages.
49
Introduction générale
routes ait engendré une congestion (non prévue) du réseau ferré (Prud’homme et al.
[2010]). L’offre de transports publics ferrés n’a en effet pu suivre le même rythme que
la demande. Dans le métro parisien, la densité moyenne de passagers a ainsi aug-
menté de 8% entre 2002 et 2007, sans toutefois que l’indice "qualité service" ne se
dégrade et indique que le réseau soit "saturé" 45 . Sur le réseau régional, la hausse de
la fréquentation s’est également accompagnée de retards croissants et d’une prévi-
sibilité moindre pour les usagers (Debrincat, Goldberg, Duchateau, Kroes, and Kou-
wenhowen [2006]) 46 . Cette évolution fait craindre que la contrainte de capacité n’y
soit bientôt atteinte. A côté de cette dégradation des conditions de déplacement, les
"préférences révélées" des nouveaux usagers du vélo, des motos et du tramway (Kopp
[2011], Prud’homme, Koning, and Kopp [2011], Conclusion Générale) suggèrent que
le confort des déplacements participe bien au choix modal. La plupart des nouveaux
usagers de ces modes viennent en effet du métro. Celui-ci a essentiellement vu le
confort de ses déplacements se dégrader si on se réfère à l’indice "‘qualité service"’ 47 .
Le choix d’utiliser les tramways pour lutter contre les voitures dans Paris peut fina-
lement être sujet à cautions. Bien que ce mode de transport ait connu un net regain
d’intérêt aux yeux des élus durant les années 1990, en France comme aux États-Unis
ou en Australie, l’analyse académique se montre plus nuancée (Kain [1988], Picke-
rell [1992], Orfeuil [2008a], Carmona [2001], Hensher [1999], Winston and Maheshri
[2007]). Non pas tant en raison des opérations de requalification urbaine qu’il im-
plique et qui permettent le plus souvent d’"embellir" la ville. Les tramways sont plu-
tôt accusés de représenter un investissement initial conséquent, non directement
supporté par les collectivités locales en bénéficiant. De plus, leurs études prospec-
tives sont parfois entachées de projections de fréquentation erronées, conduisant à
une "flambée des coûts" opérationnels. Si la mise en service du tramway des Ma-
réchaux fut actée avant l’arrivée de M. Delanoë à la tête de l’équipe municipale 48 ,
45. Cet indice somme différentes dimensions des voyages (dont les retards). Il est utilisé par le ré-
gulateur (le STIF) lors des contrats passés avec un opérateur (la RATP notamment).
46. Dûs notamment à des pannes matérielles de plus en plus nombreuses.
47. Dans le cas des vélos, le lien semble qualitativement confirmé, voir la Conclusion Générale.
48. Le projet fut à l’initiative du maire précédent, M. Tibéri, avec un premier accord sur le tracé en
mars 2000.
50
Introduction générale
celle-ci a décidé d’étendre la ligne des Maréchaux vers le Nord de la capitale. Dans ce
contexte, il apparaît pertinent de s’intéresser au bilan socio-économique du tramway
parisien.
D’une manière plus générale, une vaste réflexion s’est intensifée durant cette période
sur les politiques (investissements physiques, fiscalité locale, gouvernance territo-
riale) nécessaires à la sauvegarde de l’attractivté et de la compétivité francilienne, i.e.
les débats sur le "Grand Paris" (Gilli and Offner [2009], Offner [2007], Bocquet [2009],
Davezies [2007], Davezies [2008a], Gilli [2008]). L’observation des trajectoires territo-
riales a en effet fait craindre à certains que la période récente n’ait été marquée par
une "croissance sans développement" de la région et par un "endormissement" de
Paris. Dès qu’on s’intéresse à d’autres indicateurs économiques (revenu, flux migra-
toire, chômage et droits sociaux, inégalités, coût de la vie) que le PIB régional, on
constate au début des années 2000 un déclin relatif de l’Ile-de-France (par rapport
aux autres régions francaises qui finissent leur phase de "rattrapage"), et de la zone
centrale parisienne en particulier (Davezies [2008b], Davezies [2007]). L’aggloméra-
tion francilienne verrait les "forces de dispersion" s’accentuer en son sein, phéno-
mène diminuant l’utilité associée à cette localisation. La congestion des infrastruc-
tures de transport en serait une des facettes les plus marquantes, à côté des tensions
sur les marchés immobiliers.
49. En 2006, l’Ile-de-France représentait 29% du PIB national et 22% du revenu. Une partie de cette
différence est liée aux départs hors de la région des retraités et des ménages avec enfants, ou encore
des choix de consommation des Parisiens qui "fuient" la capitale durant les week-ends. Une autre part
est liée au systéme de péréquation fiscale qui transfère depuis l’Ile-de-France vers les autres régions
francaises des ressources permettant d’y financer les emplois publics ou le régime de Sécurité Sociale.
Cette "circulation invisible" des richesses souligne la pertinence de l’étude de la "base économique"
régionale, i.e. vision "keynésienne" du développement territorial. La "panne" de Paris proviendrait
ainsi d’un deficit de consommation (demande effective). Voir Davezies [2008b].
50. Sur les tensions entre développement territorial décentralisé de l’Ile-de-France et enjeux cen-
traux, voir Bocquet [2009].
51
Introduction générale
ferrée porté actuellement par la région et l’État doit être considéré comme un dé-
but de réponse. Facilitant les déplacements entre les Couronnes de l’agglomération,
la ligne du "Grand Paris" (prévue pour l’horizon 2020) a pour but d’offrir une réelle
alternative de report modal aux automobilistes. Elle doit également décongestion-
ner les réseaux de métros parisiens ou de trains régionaux. Ce faisant, cette nouvelle
ligne améliorerait le "vécu" des déplacements et permettrait de ne pas hypothéquer
les objectifs de la région ou de la ville de Paris en matière de mobilité "durable".
Ce travail de thèse s’articule autour de trois essais dont nous avons déjà esquissé
les contours et les problématiques. S’ils sont tous reliés à l’étude de l’externalité de
congestion, ces essais peuvent se lire et se comprendre d’une manière indépendante 51 .
Une attention particulière est toutefois accordée à la comparaison de leurs résultats.
Par ailleurs, les conclusions du troisième essai reposent directement sur les apports
des deux précédents.
Chaque essai présente une étude de cas sur une infrastructure de transport primor-
diale pour la zone centrale parisienne : le boulevard Périphérique, la ligne 1 du métro
parisien, le tramway des Maréchaux.
Les questions de recherche qui guident cette thèse présentent une indéniable por-
tée théorique. Il faut toutefois reconnaître que les apports de nos études de cas sont
principalement empiriques. Ainsi, nous avons à notre disposition trois bases de don-
nées originales. Celles-ci proviennent soit des statistiques de trafic auxquelles l’accès
nous a été accordé par la Division de la Voirie et des Déplacements de la Ville de Pa-
ris, soit d’enquêtes de terrain menées sur les quais des infrastructures concernées 52 .
51. L’auteur tient à s’excuser auprès des lecteurs pour les quelques redondances entre les essais.
52. Ce travail de thèse n’a reçu aucun financement autre que celui lié aux engagements contrac-
tuels de l’auteur avec l’Université Paris 1. Il en est de même des travaux en cours présentés dans la
Conclusion Générale.
52
Introduction générale
Cette assise empirique constitue sans nul doute la principale plus-value du travail de
thèse. Bien que l’étude de la mobilité en Ile-de-France ou à Paris ait suscité un grand
intérêt de la part des chercheurs (Wenglenski [2007], de Palma and Lindsey [2006],
Bureau and Glachant [2008], de Lapparent [2005], Korsu and Massot [2006], Delons
and Piron [2009], Leurent, Breteau, and Wagner [2009]), très peu de travaux reposent
à notre connaissance sur des données détaillant l’utilisation d’infrastructures spéci-
fiques. Nous revenons maintenant sur le contenu des trois chapitres.
53. Ce chapitre a pour support un article rédigé en anglais : The Social Cost of Road Congestion
in France (and Ile-de-France) : Evidences from the Paris Ring-Road (2010). Cet article a été soumis à
la revue Urban Studies, nous essayons actuellement d’apporter les révisions souhaitées par les deux
rapporteurs. Cet article a par ailleurs fait l’objet de présentations dans diverses conférences telles que
les Journées d’Economie Publique Louis-André Gérard-Varet (Marseilles, 2010), les Journées de Microé-
conomie Appliquée (Dijon, 2010) ou encore la Khumo Nectar Conference in Transportaion Economics
(Valence, 2010).
53
Introduction générale
1.4.2 C HAPITRE 3 - AVOIR LES COUDES SERRÉS DANS LE MÉTRO PARISIEN : ÉTUDE DU
GOÛT POUR LE CONFORT DES DÉPLACEMENTS
54
Introduction générale
Première ligne historiquement mise en service, la ligne 1 est celle qui accueille au-
jourd’hui le plus de voyageurs sur l’ensemble du réseau de métros parisiens. Elle
dessert en effet les principaux centres économiques (La Défense) et touristiques (le
Louvre, Chatelet) de la "ville lumière". En raison, entre autres, d’un déséquilibre crois-
sant entre zones d’emplois et de résidence au sein de l’agglomération (Pinçon and
Pinçon-Charlot [2008]), la ligne 1 a connu une forte hausse de sa fréquentation entre
2000 et 2007 (+25%, RATP statistiques internes). Ces arguments font de la valorisation
du confort des déplacements réalisés en son sein un sujet d’intérêt.
55. Cette base de données a fait l’objet d’une autre application dans Prud’homme et al. [2010].
55
Introduction générale
L’étude prospective (Franc, Ferry-Wilczek, and Huot [2003]) ayant validé le retour du
tramway dans Paris étant délibérément occultée du quatrième chapitre, nous appor-
tons ici quelques éléments d’éclairage. L’analyse coûts-bénéfices ex ante aboutissait
à une Valeur Actualisée Nette de 420 M euros (sur un horizon de 30 ans et calculée
avec un taux d’actualisation de 4%), faisant du tramway un investissement très ren-
table du point de vue socio-économique. Les projections tablaient sur une fréquen-
tation quotidienne de 100000 voyageurs, dont un report modal depuis la voiture de
6%. Les gains de temps ont été valorisés à 30 M euros, les économies externes de CO2
et de décongestion routière à 16 M euros.
56. Ce chapitre est le fruit d’une collaboration avec Rémy Prud’homme et Pierre Kopp. Il a donné
lieu à une publication dans Transport Policy (2011) (voir Références). Il a également fait l’objet de
présentations, durant le congrès annuel de la European Economic Association (Glasgow, 2010) ou la
Conference on Applied Infrastructure Research (Berlin, 2009) notamment.
56
Introduction générale
gestion du métro parisien et des changements dans les émissions de CO2. Concer-
nant cette dernière dimension, une attention particulière est accordée à la relation
entre vitesse de circulation et émissions de CO2. La cinquième section aborde les
données financières et calcule la Valeur Actualisée Nette du tramway des Maréchaux.
Au regard des résultats, nous discutons finalement de la pertinence des tramways
comme infrastructures de transport dans Paris.
A la suite de ces trois chapitres, la Conclusion Générale répond aux questions guidant
ce travail de thèse : Quel est le coût de la congestion routière dans un cadre d’analyse
"statique" ? L’externalité de congestion est-elle coûteuse dans les métros ? Comment
une vue partielle de l’externalité de congestion modifie-t-elle l’évaluation des poli-
tiques publiques ? Quelle est l’évolution de la congestion dans les transports à Pa-
ris depuis le début des années 2000 ? La Conclusion Générale discute ensuite notre
réponse à cette dernière question et aborde la dynamique territoriale récente de la
zone centrale parisienne. Nous présentons finalement les travaux en cours. Ceux-ci
prolongent, plus ou moins directement, la présente étude de la congestion dans les
transports à Paris.
57
58
C HAPITRE 2
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard
Périphérique parisien
2.1 I NTRODUCTION
59
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
comme une des plus néfastes externalités urbaines (Quinet and Vickerman [2004],
Huriot and Bourdeau-Lepage [2009], Glaeser [2008], Fujita [1989]).
60
Introduction
Tous les débats théoriques ne seront pas discutés ici. Cet essai reprend le modèle de
Prud’homme and Sun [2000] qui s’inspire du cadre d’analyse "statique" de la conges-
tion routière (Verhoef [1999],Evans [1992], Walters [1961], de Palma and Fosgerau
[2010]). On dénombre au moins trois visions concurrentes au sein de cette approche
théorique pour définir le coût de la congestion. Initié avec les travaux Pigou [1920], le
cadre "statique" aborde l’utilisation des infrastructures dans une perspective d’"équilibre
partiel". Le niveau d’utilisation de la route et la vitesse de circulation d’équilibre
sont supposés uniques. Bien qu’elle constitue l’approche standard de la congestion
routière, cette unicité de l’équilibre est source de débats (Verhoef [1999], Small and
Verhoef [2007]), la dimension temporelle en étant "de facto" occultée. La conges-
tion est pourtant un phénomène hautement variable dans le temps et dans l’espace.
C’est essentiellement durant les heures de pointes, lorsqu’un grand nombre d’auto-
mobilistes partagent le même horaire d’arrivée à destination, qu’une infrastructure
ne peut répondre à la demande sans trop dégrader la qualité du service offert, i.e.
61
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Le modèle de Prud’homme and Sun [2000] pourrait constituer une voie intermédiaire
pour monétariser les pertes de temps dûes à une utilisation inefficiciente d’une in-
frastructure. Observant une grande hétérogénéité des vitesses de circulation sur le
boulevard Périphérique, cette approche propose une estimation fine du coût de la
congestion routière. Elle décompose ainsi l’unique équilibre du cadre "statique" en
divers "sous-équilibres", chacun correspondant à des niveaux d’utilisation différents,
i.e. la demande est désagrégée. Outre cet intérêt empirique et comparatif, étudier le
coût de la congestion pour une infrastructure comme le boulevard Périphérique est
informatif à de multiples égards.
62
Introduction
tour de" Paris, il est par ailleurs intéressant de regarder comment ont évolué les pertes
de temps sur le boulevard Périphérique entre 2000 et 2007. Malgré une importante
baisse de l’usage des voitures dans la capitale (-24%, Kopp [2011]), les pertes de bien-
être ont en effet augmenté dans les rues parisiennes sur cette période (Prud’homme
and Kopp [2008]) 4 . Finalement, le boulevard Périphérique constituerait vraisembla-
blement un maillon central du réseau tarifé si un péage de congestion venait à être
introduit en Ile-de-France. Bien que diverses études ont abordé la tarification des
routes dans l’agglomération parisienne (de Palma and Lindsey [2006], Bureau and
Glachant [2008]), aucune ne porte à notre connaissance sur une infrastructure parti-
culière 5 .
Le reste de cet essai est organisé comme suit. Dans la section (2.2), nous formalisons
l’approche "statique" de la congestion routière. à l’aide d’une illustration graphique,
nous présentons alors les débats sur le coût généré par cette externalité. La section
(2.3) revient ensuite sur les limites inhérentes à ce cadre d’analyse. Elle décrit égale-
ment le modèle de Prud’homme and Sun [2000] qui sert de support à nos calculs et
qui permet de dépasser certaines de ces limites. Dans la section (2.4), nous présen-
tons la base de données sur l’utilisation du boulevard Périphérique. Nous illustrons
ainsi l’importance de cette infrastructure pour l’agglomération parisienne et discu-
tons l’évolution de son utilisation entre 2000 et 2007. Nous détaillons également les
paramètres utilisés afin d’estimer le coût "économique" de la congestion routière.
La section (2.5) présente et commente les résultats. Nous conduisons également des
tests de sensibilité en regardant "quand" et "oú" la congestion est-elle plus coûteuse
sur le boulevard Périphérique ? A l’aide de ces estimations, la section (2.6) déduit des
implications de politiques publiques. Après avoir discuté la valeur du coût marginal
de congestion, nous proposons une grille de tarification optimale pour le boulevard
4. En raison d’une politique de "régulation par les quantités" lancée en 2001, i.e. réduction de
25% de l’espace viaire disponible pour les automobilistes, la vitesse de circulation dans Paris à en
effet baissé de plus de 10% sur la même période. S’en est suivie une importante baisse du nombre de
kilomètres parcourus dans la capitale, sans pour autant que les pertes de temps supportées par les
automobilistes n’aient été réduites.
5. A part celle de Prud’homme and Sun [2000] sur le boulevard Périphérique que nous réactuali-
sons et complétons.
63
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Considérons une route dont l’utilisation, dénotée pour le moment x, est décrite par
la fonction de demande inverse d (x). Cette fonction représente le bénéfice margi-
nal que retire un voyageur représentatif de l’utilisation de la route (pour une paire
origine-destination et un revenu donnés). Le bénéfice marginal est décroissant avec
la quantité d’utilisation :
d (x) = b + a × x (2.1)
Emprunter la route présente un coût privé I (x), i.e. celui sur lequel l’automobiliste
base sa décision. Ce coût est dit "généralisé" car sommant une composante moné-
taire c 0 liée à l’utilisation du véhicule (essence, assurance, achat du véhicule) et une
composante variable liée au temps de déplacement (Quinet and Vickerman [2004],
Small and Verhoef [2007]). Cette dernière composante est fonction inverse de la vi-
tesse de circulation sur la route v(x) (exprimée en km/h) et dépend positivement du
coût d’opportunité du temps de déplacement w :
w
I (x) = c 0 + (2.2)
v(x)
64
L’analyse "statique" de la congestion routière
Pour savoir si cet équilibre est optimal, il convient de le comparer avec celui qui résul-
terait de la maximisation du bien-être social W , différence entre les bénéfices agré-
gés liés à l’utilisation de la route B et les coûts totaux C , i.e. W = B − C . Les bénéfices
agrégés peuvent être décrits par le surplus des automobilistes au niveau d’utilisation
x:
Z x
B= d (x)d x (2.4)
0
C = x × I (x) + K × ρ (2.5)
Dans une configuration sans péage (t = 0), on constate que p 1 diffère de p 0 . Il en est
donc de même de x 1 et de x 0 . Afin de maximiser le bien-être collectif, l’automobiliste
6. L’approche adoptée ici est de court-terme. Dans une optique de long-terme, les capacités d’ac-
ceuil de la route sont endogènes (Small and Verhoef [2007]).
65
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
devrait ainsi prendre en compte non pas I (x), mais le coût social de sa décision S(x).
∂I
Le coût social incorpore le coût marginal de congestion routière (E xt (x) = x × ∂x ):
la perte de temps générée par un véhicule arrivant sur la route et réduisant la vitesse
de tous les automobilistes qui empruntent cette route. Cette "externalité technolo-
gique" s’explique par l’évolution de la vitesse de circulation. L’offre de route étant
caractérisée par une capacité d’accueil fixe, la vitesse diminue lorsque la demande
x augmente ( ∂v
∂x < 0, voir la section (2.3)). De là découlent la différence entre coûts
∂I
privé et social (S(x) > I (x) car x × ∂x > 0) ainsi que l’usage inefficient des infrastruc-
tures routière (x 1 < x 0 ).
Il est possible de forcer les automobilistes à "internaliser" cet effet externe. Il faut
pour cela appliquer le péage optimal de congestion t , usuellement qualifié de "pi-
gouvien" :
∂I
t = S(x 1 ) − I (x 1 ) = x 1 × = E xt (x 1 ) (2.8)
∂x
Le péage doit être égal au coút marginal d’un véhicule pour le niveau optimal d’utili-
sation x 1 (Small and Verhoef [2007]). Les fonctions de coûts privé et social étant crois-
santes, ce péage optimal est inférieur au coût marginal d’un véhicule pour l’usage x 0
(t = E xt (x 1 ) < E xt (x 0 )).
La figure (2.1) permet d’illustrer graphiquement nos propos. Elle présente également
les débats sur la définition et la mesure du coût de la congestion routière au sein des
modèles "statiques".
66
L’analyse "statique" de la congestion routière
Quel est le coût pour la société des automobiles "en trop" ? Sur ce point, trois prin-
cipales visions doivent être distinguées au sein de l’analyse "statique" (Prud’homme
7. Sur la figure (2.1), des capacités d’acceuil supérieures correspondent à une translation vers la
droite de la fonction de coût privé. Le gap entre quantités d’utilisation effective et optimale est tou-
jours positif.
8. Ce trafic "induit" explique également la "loi de Downs". Celle-ci limite la portée d’une politique
de "régulation par les quantités". Augmenter l’offre de route attire plus d’automobilitses et ne réduit
en aucun cas la congestion routière (Cervero and Hansen [2002], Duranton and Turner [2009]).
67
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
2. Une seconde vision - à laquelle adhère cet essai - défend un ancrage plus éco-
nomique de l’analyse (Prud’homme and Sun [2000], Evans [1992], Walters [1961],
Newbery and Santos [2002]). Reconnaissant un usage inefficient des infrastruc-
tures en raison de l’"externalité technologique" (x 0 et x 1 diffèrent dès que E xt (x) >
0), elle définit le coût de la congestion routière comme la variation de bien-
être des consommateurs dûe à une utilisation sous-optimale de la route, i.e.
considérer I (x) au lieu de S(x). Cette perte de bien-être correspond à la surface
(p 0 − I (x 1 )) × x 1 − (p 1 − p 0 ) × (x 0 − x 1 )/2). Elle est par identité égale au "Triange
d’Haberger" (surface hachurée ABC ). Par ailleurs, elle est inférieure à celle pro-
posée par l’approche "naïve". Nous ferons référence à cette vision de la conges-
tion routière comme celle "économique".
Cette dernière observation souligne l’intérêt des travaux sur les effets redistributifs
9. Une variante de cette définition du coût de la congestion routière prend l’utilisation effective x 0
pour référence, i.e. la surface x 0 × E xt (x 0 ).
68
L’analyse "statique" de la congestion routière
des péages (Rothengatter [2003], Bureau and Glachant [2008]). La taxation optimale
des routes est une politique publique visant l’efficience allocative, i.e. l’allocation des
ressources permettant de maximiser le bien-être de la société. Cet objectif n’implique
pas nécessairement que tous les individus gagnent à l’introduction de la "régula-
tion par les prix" sur les routes. La surface (p 0 − I (x 1 )) × x 1 − (p 1 − p 0 ) × (x 0 − x 1 )/2
représente ainsi la différence entre les coûts sauvés pour ceux qui restent sur la route
et les bénéfices individuels supprimés pour les automobilistes évincés une fois at-
teint l’optimum x 1 . La puissance publique doit s’assurer que le recyclage des reve-
nus de la taxe, quelle qu’en soit la forme (investissements et subventions pour les
transports publics, baisse d’impôts), compense les pertes de bien-être de cette der-
nière catégorie de voyageurs (Rothengatter [2003], Small [1992], de Palma, Lindsey,
and Proost [2007]). Cette dimension semble cruciale si les décideurs veulent facili-
ter l’"acceptabilité" politique du péage (Giuliano [1992], Raux and Souche [2004]) 10 .
Même s’ils ne feront qu’effleurer la question, les calculs de la section (2.6) donneront
un aperçu des enjeux.
On constate donc que les positions sur le coût de la congestion routière divergent
grandement au sein du cadre d’analyse "statique". S’inspirant de celui-ci, le modèle
de Prud’homme et Sun permettra d’illustrer l’ampleur monétarisée de cette diversité
d’opinions. Avant d’en décrire les spécificités, il est utile de revenir sur un problème
inhérent à l’approche "statique". La mesure retenue pour décrire x, i.e. la demande
de route, peut en effet biaiser l’analyse qu’ont les économistes du coût de la conges-
tion routière.
10. L’hypothèse d’agent représentatif est sur ce point contestable car l’identification pertinente des
"gagnants" et des "perdants" à l’introduction d’un péage nécessite une différenciation des valeurs du
temps. En effet, ceux qui paient le péage "révèlent" une valeur du temps supérieure.
69
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
F = v ×q (2.9)
v = v f r ee + c × q (2.10)
Lorsqu’il n’y a aucun véhicule sur la route, la densité est nulle et l’offre est associée
à une qualité de service élevée V f r ee , i.e. la vitesse prise comme référence par l’ap-
proche "naïve". Cette mesure de la demande est donc univoque : plus la densité q
∂v
est importante et plus la vitesse de circulation v diminue ( ∂q = c < 0). Pour un ni-
veau q j am , elle devient même nulle. La fonction de coût privé I (x) étant inversement
reliée à v(x), on retrouve la configuration décrite par la figure (2.1).
C’est néanmoins le flux F qui est le plus souvent considéré comme la "bonne" unité
de mesure de la demande dans l’analyse "statique" (Verhoef [1999]). En effet :
70
Problèmes liés à l’approche "statique" et stratégie adoptée pour y remédier
3. Finalement, la densité de véhicules peut étre vue comme une variable endo-
gène car étant le fruit d’un arbitrage individuel entre désir de vitesse et "désir
de sécurité" 11 .
Ces arguments militent donc en faveur d’une demande de route reposant sur un in-
dicateur de flux de véhicules. La figure (2.2) illustre toutefois la faille découlant d’une
telle pratique. La relation vitesse-flux associe à un même niveau d’utilisation de la
11. Une hausse de la densité peut ainsi résulter de l’arrivée de véhicules, i.e. le flux F , sur une route
caractérisée par une vitesse de circulation v (voir l’équation (2.10)), faisant ralentir les automobilistes
pour limiter les risques d’accidents.
71
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
route F 0 deux qualités de service différentes : une vitesse éleveée (v h ) et une basse
(v b ). La courbe vitesse-flux décrit ainsi deux "régimes d’utilisation" de la route (Small
and Verhoef [2007], de Palma and Zaouali [2007]). La partie supérieure de la courbe
représente le "free-regime". Dans cette situation, la route n’est pas utilisée d’une ma-
nière trop intensive et l’arrivée de nouveaux automobilistes, i.e. une hausse du flux,
ne diminue que modérément la vitesse. Une fois la vitesse v max atteinte, le flux de vé-
hicules souhaitant accéder à l’infrastructure depasse sa capacité d’acceuil (F max ) 12 .
Celle-ci tombe alors dans le "crowded-regime". L’arrivée de nouveaux véhicules fait
augmenter la densité, baisser la vitesse de circulation et rend finalement le flux égale
à zéro. Contrairement à celle liant vitesse et densité, la relation vitesse-flux est donc
non monotone 13 .
12. La vitesse et le flux maximaux sont parfois retenus comme le point de référence lors du calcul
des coûts de congestion routière.
13. Lorsque la vitesse de circulation sur la route est sous v max , on observe que ∂∂vf > 0.
72
Problèmes liés à l’approche "statique" et stratégie adoptée pour y remédier
Concernant la figure (2.3), il ressort de l’analyse de stabilité que seul le point x, i.e.
celui dans le "free-regime", correspond à un "état stationnaire" (Small and Verhoef
[2007]) 14 . S’il repose sur un indicateur de flux, le cadre d’analyse "statique" n’est
par conséquent pas pertinent pour étudier le "crowded-regime" d’une infrastructure.
Ceci est notamment vrai durant la phase d’"hypercongestion" (z sur la figure (2.3)),
lorsque les pertes de temps sont les plus sévères. Pour illustrer algèbriquement cette
incohérence, on remarque que la fonction de coût privé I (F ) est décroissante pour la
∂v ∂I
partie associée au "crowded-regime" (car ∂F
> 0 et ∂v
< 0). Comme S(F ) dépend de
∂I
∂F
(< 0), le coût social est inférieur au coût privé pour ces niveaux d’utilisation. Ce
résultat vide de sens l’étude du coût de la congestion routière car il implique que la
route est "sous-utilisée". Il explique également pourquoi la plupart des travaux em-
piriques inspirés du cadre statique utilisent une fonction vitesse-flux ne décrivant
qu’un coût privé croissant, i.e. décrivant le "free regime" de l’infrastructure 15 .
14. Les points y et z sont stables que pour une unique dimension, respectivement pour un choc de
flux et de prix (Small and Verhoef [2007]).
15. La plus connue de ces fonctions est celle proposée par le Bureau of Transportation Research
américain (voir Small and Verhoef [2007]).
73
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Pour pallier cette faiblesse, les chercheurs ont progressivement remodelé le cadre
d’analyse "statique". Comme la congestion routière concorde le plus souvent avec
les heures de pointes, les extensions ont essentillement porté sur la distinction entre
"demande continue" (qui augmente avec la période considérée) et "demande de
pointe" (qui est fixe durant la durée de la pointe, voir Verhoef [1999] ou Small and
Verhoef [2007]). Pour cette dernière, le flux de véhicules souhaitant accéder à l’infra-
structure excéde ses capacités d’accueil, phénomène entraînant la fomation d’une
queue "hors" de la route 16 . Comme le relève Verhoef [1999], les hypothèses sous-
jacentes à cette génération de modèles les rapprochent cependant du cadre d’analyse
dynamique. Ainsi, ils traitent plus de ce qui se passe "en dehors" de l’infrastructure
et se prêtent moins aux calculs du coût de la congestion routière tels que présentés
auparavant.
La stratégie proposée par Prud’homme and Sun [2000] autorise une estimation du
coût "économique" de la congestion routière incorporant au modèle "statique" le
"crowded-regime" de l’infrastructure. Cette approche se limite à l’étude des pertes
de temps sur la route. Elle doit par ailleurs une grande part son applicabilité à la base
de données à notre disposition sur l’utilisation du boulevard Périphérique parisien.
Cette source statistique nous permet d’avoir la distribution des kilomètres qui y ont
été parcourus en 2000 et en 2007, selon différents niveaux de vitesse (voir la section
(2.4)).
16. Du point de vue analytique, ce "goulot d’étranglement" permet de retrouver la forme continuel-
lement croissante de la fonction de coût privé en translatant I (F ) vers la droite via les temps d’attente
dans la queue. On retrouve la configuration de la figure (2.1) à cela près que la fonction de coût privé
I (F ) est verticale une fois F max atteint.
74
Problèmes liés à l’approche "statique" et stratégie adoptée pour y remédier
transport sont rarement utilisées avec une intensité constante, i.e. à l’équilibre. La vi-
tesse de circulation qu’elles proposent varie largement selon les heures de la journée
et/oú les zones géographiques qu’elles desservent. Source de cette hétérogénéité, la
demande d’utilisation de la route ne peut être supposée comme unique et stable.
17. Ceux-ci auraient des préférences, i.e. a et b de l’équation (2.4), différentes. Ils n’utiliseraient la
route que pour une vitesse particulière, durant l’intégralité de leur voyage.
75
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
mesure constitue "in fine" l’indicateur de la demande auquel nous accordons le plus
d’importance.
76
Problèmes liés à l’approche "statique" et stratégie adoptée pour y remédier
Pour approximer ces valeurs dans le cas du boulevard Périphérique, il est nécessaire
de déterminer les différentes droites de demande. Nous adoptons la démarche sui-
vante :
18. Ce procédé est autorisé par la forme linéaire retenue pour la fonction de demande. En effet :
∆q
q
²= ∆p
(2.11)
p
Et enfin :
b = p +a×q (2.13)
19. En définissant I (q) en euros/km, la surface correspondant à la variation de surplus est exprimée
en eur os × veh/km 2 . Une division par la densité de véhicules associée à la vitesse considérée donne
un coût exprimé en euro/km.
77
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
20. Le boulevard Périphérique est composé de 4 lignes de circulation sur la plus grande part de son
tracé. Il atteint toutefois 5 voies entre "Porte de Montreuil" et "Porte de Bagnolet", et 2 voies entre
Porte d’Italie et "Porte d’Orléans". Voir la carte en Annexe.
21. Afin de résorber cette coupure, il a été décidé que l’infrastructure soit progressivement recou-
verte. En sus de créer une emprise foncière dans des zones de hautes densités potentielles, cet amé-
nagement réduit les nuisances (bruits, qualité de l’air) dont souffraient les (nombreux) riverains. Cer-
taines sections ont déjà été recouvertes.
78
Le boulevard Périphérique parisien
Bien que d’une grande richesse, cette base de données a nécessité un important
travail de nettoyage. Ainsi, elle était composée de nombreuses séries défaillantes,
telles que l’observation du t p était absente selon l’échelle géographique (le nombre
de t p disponibles n’était pas le même pour les tronçons) ou temporelle (les heures
n’avaient pas toutes le même nombre de t p). Ces trous sont problématiques dans
une perspective comparative. Pour que nos estimations ne soient pas faussées, il faut
en effet que nous disposions du même nombre d’observations, i.e. le méme nombre
de t p complets, pour chaque tronçon et pour chaque jour de 2000 et 2007 (240 t p
par jour).
22. Ces jours et mois furent retenus car étant considérés comme représentatifs par les agents de la
Division de la Voirie.
23. Le contour des différentes zones géographiques est détaillé en Annexe.
79
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Le tableau (2.1) décrit les indicateurs moyens de vitesse, de flux et de densité pour
2000 et 2007. Les chiffres liés à la quantité d’utilisation (flux, densité) sont exprimés
tout au long de cet article pour les deux sens de circulation confondus.
Il ressort de ces statistiques descriptives que la qualité moyenne du service offert par
le boulevard Périphérique s’est dégradée entre 2000 et 2007 : la vitesse de circula-
tion y a en effet baissé de 5%. Les observations sont plus ambigües concernant la
demande. Si la densité moyenne de véhicules présents sur un kilomètre de route a
augmenté de 3%, suggérant une utilisation accrue, le flux horaire connaît une lé-
gère baisse sur la période (-2%). L’observation de ces indicateurs pouvant prêter à
confusion et n’aidant pas à se représenter les ordres de grandeur en jeux, on s’inté-
resse surtout à l’évolution du nombre de kilomètres parcourus quotidiennement sur
24. Concernant la répartition des tronçons disponibles par zone géographique : 14 sur 20 pour le
Nord, 9 sur 16 pour l’Est, 13 sur 20 pour le Sud, 13 sur 15 pour l’Ouest. Pour extrapoler les résultats
à l’ensemble du boulevard Périphérique du point de vue géographique, il faut multiplier les observa-
tions par 1,45.
80
Le boulevard Périphérique parisien
Répartition (%)
Vitesses <20 km/h 7,9% 8,3%
Vitesses 20-50 km/h 18,1% 17,2%
Vitesses 50-75 km/h 20,5% 47,5%
Vitesses > 75 km/h 52,4% 24,9%
le boulevard Péripérique 25 . Les chiffres du tableau (2.2) portent encore une fois sur
les deux sens de circulation et distinguent les kilomètres selon quatre grandes classes
de vitesse.
Le tableau (2.2) illustre en premier lieu que le boulevard Périphérique est une infra-
structure de transport centrale pour l’agglomération parisienne. En supposant une
moyenne de 10 kilomètres par déplacement, 766000 automobilistes l’empruntaient
quotidiennement en 2007, soit 298 M avec 300 jours ouvrables par an. Il est possible
de calculer que le boulevard Périphérique représentait 6% des déplacements motori-
sés réalisés dans la région Ile-de-France en 2000 26 . Ces chiffres sont à rapporter aux
seuls 70 kilomètres de route qu’offre l’infrastructure.
25. Le nombre de kilomètres s’obtient en divisant le flux observé pour un t p par 20 (car un t p dure
6 minutes et correspond à 500 mètres). Il faut considérer tous les t p d’une journée et tous les postes
d’observations disponibles, puis extrapoler le résultat à l’intégralité de l’infrastructure, pour en avoir
le nombre total.
26. D’après l’Enquête Globale Transports (2002), 44% des 35 M de déplacements réalisés quotidien-
nement en Ile-de-France en 2001 étaient motorisés. Le nombre de kilomètres journaliers est obtenu
en transformant la portée moyenne de 6,4 kilomètres en distance, à l’aide d’un coefficient de 0,25. On
trouve un total quotidien de 123,2 M de kilomètres.
81
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Si on regarde la distribution des kilomètres parcourus selon les quatre grandes classes
de vitesse, deux principaux résultats émergent. On observe tout d’abord une stabilité
de la part des classes de vitesse inférieures à 50 km/h. Seuls 8% des kilomètres ont
été réalisés en dessous de 20 km/h, avec une très légère augmentation entre 2000
et 2007. Les vitesses entre 20 et 50 km/h, représentent quant à elles un peu moins
de 20% des kilomètres parcourus. La très grande majorité de la mobilité sur le bou-
levard Périphérique (ainsi mesurée) est donc réalisée à des vitesses de circulation
élevées. A ce niveau, on observe un large changement dans la distribution. Alors que
plus de 50% des kilomètres étaient parcourus en 2000 au-dessus de 75 km/h, cette
classe de vitesse a vu sa part divisée par deux (25%), au profit de celle entre 50 et 75
km/h. Cet important recul peut facilement s’expliquer. Entre 2004 et 2007, 8 radars
automatiques ont été introduits sur le boulevard Périphérique dans le cadre de la
politique nationale de "contrôle sanction automatisée" (ONISR [2006], Corbett and
Simon [1999]) 28 . Cette arrivée des radars explique pourquoi la vitesse moyenne a
baissé et la densité moyenne de véhicules augmenté alors même que le nombre de
27. La vitesse moyenne sur le boulevard Périphérique était en 2007 près de trois fois supérieure à
celle enregistrée sur la voirie parisienne.
28. En 2007, plus de 330000 automobilistes ont ainsi été verbalisés pour excès de vitesse. La vitesse
maximale légalement autorisée sur le boulevard Périphérique est de 80 km/h.
82
Le boulevard Périphérique parisien
On peut comparer ces chiffres avec ceux issus des "Indicateurs Généraux". Les indi-
cateurs décrivent la vitesse et le flux de véhicules moyens sur le boulevard Périphé-
rique, par tranche horaire 30 .
Mis a part le flux de véhicules et le nombre de kilomètres qui rencontrent une évo-
lution plus marquée (respectivement -7% et -8%), les "Indicateurs Généraux" vont
dans le méme sens que les statistiques présentées auparavant : moins de kilomètres
ont été parcourus sur le boulevard Périphérique entre 2000 et 2007 31 . Ils le sont tou-
tefois à une densité de véhicules supérieure et prennent donc plus de temps 32 . Les
calculs de la section (2.5) permettront de voir lequel des deux effets impulse l’évolu-
tion du coût "économique" de la congestion routière.
29. Une autre explication pourrait provenir de la hausse de l’usage des deux-roues motorisés dans la
zone centrale de l’agglomération (Kopp [2011]), et donc certainement sur le boulevard Périphérique.
Nécessitant une vigilance accrue de la part des automobilistes, cette évolution pourrait induire une
baisse de la vitesse de circulation et une hausse de la densité.
30. La densité moyenne s’obtient via l’équation (2.10). Pour le nombre de kilomètres quotidienne-
ment parcourus, nous faisons la somme des différents flux horaires (car ces derniers sont normés pour
un kilomètre de route) et considérons les 70 kilomètres de route.
31. Le travail de nettoyage de la base de données aboutit à une légère surestimation du trafic (res-
pectivement 3% et 8% pour 2000 et 2007), ainsi qu’à des vitesses de circulation inférieures. Nous ne
savons pas comment les "trous" sont pris en compte lors de la constitution de ces indicateurs. Par
ailleurs, les "Indicateurs Généraux" intègrent les jours de week-end, avec une utilisation moindre du
boulevard Périphérique et des vitesses supérieures.
32. La baisse de la vitesse et de la circulation dans Paris restent bien supérieures.
83
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Pour estimer cette relation 33 , nous avons retenu une journée pleine d’observations
pour tous les tronçons valides et pour les deux années d’étude 34 , soit 47040 observa-
tions :
Le flux atteint son maximum lorsque la dérivée de l’équation (2.15) est nulle, soit v =
v max =45,2 km/h. On trouve que F max équivaut à 8070 veh/h et q max à 179 veh/km.
En comparant ces chiffres avec ceux du tableau (2.1), le boulevard Périphérique se-
rait passé d’un usage caractérisé par le "free regime" en 2000 à un autre en "crowded
84
Le boulevard Périphérique parisien
regime" en 2007. Les vitesses moyennes sont en effet de part et d’autre du point d’in-
flexion de la relation vitesse-flux (voir la figure (2.2)) 35 . Avec la vitesse des "Indica-
teurs Généraux", on s’approcherait en 2007 de la contrainte de capacité. Ce résultat,
basé sur l’observation d’indicateurs moyens, est toutefois sujet à cautions 36 . Nous
n’y accordons donc qu’un intérêt secondaire et préférons centrer l’analyse sur les
ordres de grandeur du coût "économique" de la congestion routière.
Ces fonctions sont bien croissantes et monotones avec la densité de véhicules sur la
route. En désagrégeant les observations selon l’échelle spatiale, nous calculons diffé-
rentes relations vitesse-densité (voir Annexe) et distinguons les fonctions de coûts.
Les estimations nécessitent deux autres types de paramètres : les coúts liés à l’utili-
sation d’un véhicule, notamment la valeur du temps w, ainsi que l’élasticités prix de
35. Ceci suggère donc que le flux de véhicules souhaitant accéder au boulevard Périphérique dé-
passe (en moyenne) sa capacité d’accueil, ce qui force les automobilistes présents dessus à ralentir et
augmente la densité de véhicules.
36. Les chercheurs avouent en effet ne pas savoir comment évoluent préciséement les indicateurs
de trafic aux alentours de cette "zone de transition" (Small and Verhoef [2007]), i.e. le retournement
de la relation vitesse-flux. Le fait de travailler avec la même relation vitesse-densité pour 2000 et 2007
pourrait par ailleurs biaiser l’analyse.
85
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
la demande de route ².
D’après le rapport Boiteux, i.e. le rapport officiel utilisé pour les études Transports
en France, la valorisation temporelle d’un déplacement en Ile-de-France était de 9,3
euros/h en 2000 (Commissariat Général du Plan [2001], Ministère de l’Equipement
[2005]). En stipulant un taux de croissance annuelle de la consommation de 2%, le
coût d’opportunité du temps w atteint 10,2 euros/h pour 2007 37 . Nous prenons cette
seconde valeur comme référence. L’utilisation d’une moyenne occulte toutefois le
fait que la valeur du temps dépend des motifs pour lesquels sont réalisés les déplace-
ments. Afin de contre-carrer cet oubli, nous différencions le coût d’opportunité pour
les déplacements réalisés durant les heures de pointe, i.e. 07-10h et 17-20h. Avec une
valeur de 12,2 euros/h pour les déplacements "domicile-travail" en 2000 (Commis-
sariat Général du Plan [2001], Ministère de l’Equipement [2005]), nous obtenons 13,4
euros/h pour 2007. Pour les déplacements réalisés durant les heures creuses, i.e. 00-
07h, 10-17h et 20-00h, la valorisation de 10,2 euros/h est maintenue.
Ces différentes valeurs sont valables pour un individu. Il faut donc considérer le taux
d’occupation d’un véhicule, estimé en France à 1,3. De plus, une part non négligeable
du trafic quotidien sur le boulevard Périphérique, i.e. 23% en 2000 (Observatoire de la
mobilité de la ville de Paris [2002]) 38 , est le fait de véhicules utilitaires ou de camions.
Ceux-ci ont un coût d’opportunité du temps supérieur : 31,4 euros/h en 2000 et en
2007 (Commissariat Général du Plan [2001], Ministère de l’Equipement [2005]) 39 .
Pour prendre en compte cette différenciation des valeurs du temps, il suffit de "cor-
riger" les estimations finales par un coefficient 40 de 1,31. Concernant l’autre com-
posante du "coût généralisé", i.e. le coût fixe d’utilisation c 0 , nous la prenons égale
à 0,12 euro/km en 2007. Le coût fixe d’utilisation joue un rôle secondaire dans nos
37. La valeur du temps augmente en effet d’une année à l’autre, avec une élasticité de 0,7 par rapport
aux dépenses de consommation des ménages (Commissariat Général du Plan [2001]).
38. Nous n’avons pas trouvé d’information plus récente. Cette valeur est donc considérée comme
constante entre 2000 et 2007.
39. Il est en conseillé de ne pas indexer cette valeur du temps.
40. Pour le cas général : 1, 31 = (23 × 31, 4 + 77 × 10, 2 × 1, 3)/(77 × 10, 2 × 1, 3).
86
Calculs du coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
Le dernier paramètre dont nous avons besoin pour nos calculs est l’élasticité prix
de la demande ², i.e. la sensibilité des conducteurs au "coût généralisé" des déplace-
ments. Nous reprenons une valeur usuelle dans la littérature de -0,8 (Goodwin [1992],
Litman [2006]), i.e. lorsque le prix augmente de 1%, la demande de route diminue de
0,8%. Lors des tests de sensibilité, nous retenons également une valeur de -0,4 pour
les déplacements réalisés durant les heures de pointe. Cette variante peut se justifier
par la nature plus "contrainte" des choix de mobilité durant ces heures de la journée.
En raison de la nécessité de se rendre sur les lieux de travail, la demande d’utilisation
de la route baisserait ainsi moins fortement suite à une hausse du prix du déplace-
ment.
La première étape de nos calculs consiste à déterminer les gaps entre utilisations
effective et optimale du boulevard Périphérique, i.e. x 0 x 1 et x 00 x 10 sur la figure (2.4).
Comme expliqué dans la section (2.3), nous devons pour cela reconstituer les diffé-
rentes droites de demande et les égaliser à la fonction de coût social. Nous distin-
guons l’utilisation du boulevard Périphérique selon des classes de vitesse de 5 km/h,
une seule et grande classe composant les vitesses supérieures à 75 km/h.
41. Cette valeur de 0,12 euro/km pourrait sembler basse. Il est difficile de trouver une valeur unique
pour décrire le coût fixe d’utilisation des voitures en Ile-de-France. Bureau and Glachant [2008] le
retiennent ainsi à 0,08 euro/km. Orfeuil [2008b] propose quant à lui un montant proche de 0,20
euro/km. Dans cette thèse, nous utiliserons constamment la valeur de 0,12 euro/km, sachant que
nous nous intéressons bien plus à l’évolution de la composante temporelle du "coût généralisé".
87
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
88
Calculs du coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
leur décision, il y aurait un peu moins d’automobilistes sur la route (en retenant la
densité comme indicateur de la demande 42 ), autorisant ainsi une vitesse de circu-
lation supérieure. Cet "excès" de véhicules n’est toutefois pas homogène. Avec une
moyenne à 17,6%, le gap atteint son maximum (30%) pour les classes de vitesse com-
prises entre 15 et 35 km/h puis décline jusquà devenir négligeable pour les vitesses
de circulation élevées 43 . Les coût unitaires de congestion calculés pour ces dernières
classes de vitesse seront donc négligeables.
x 0 =327 veh/km
x 1 =266 veh/km
p 0 =I (x 0 )=1,48 euro/km
p 1 =S(x 1 )=1,86 euro/km
I (x 1 )=0,56 euro/km
42. Si on regarde le flux pour les vitesses inférieures à 45 km/h, on retrouve le problème soulevé
dans la section (2.3) : le flux optimal est supérieur au flux effectif.
43. Par effet d’arrondis, le gap est quasi-nul pour les vitesses supérieures à 75 km/h.
89
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Ce chiffre correspond au coût généré par 327 véhicules roulant 1 kilomètre sur le
boulevard Périphérique, à une vitesse moyenne de 7,5 km/h, au lieu de 23 km/h. On
trouve le coût unitaire de congestion Cu 5−10 en divisant ce coût kilométrique par le
nombre de véhicules présents sur un kilomètre de route, i.e. la densité :
2.5.3 R ÉSULTATS
Le tableau (2.5) présente les résultats obtenus pour l’ensemble des classes de vi-
tesse. Nous comptons 300 jours d’utilisation du boulevard Périphérique par an. Deux
grands résultats émergent.
D’un point de vue méthodologique tout d’abord, la grande majorité du coût "écono-
mique" de la congestion routière est concentrée dans les classes de vitesse basses.
Plus de 70% de la "perte sèche" calculée pour 2007 - 130,6 M euros - se forme lors des
kilomètres roulés sous 20 km/h, lorsque l’infrastructure est en "hypercongestion".
Ce chiffre est à comparer avec la faible part des kilomètres réalisés à ces vitesses dans
l’utilisation totale du boulevard Périphérique, i.e. 8,3% (voir le tableau (2.2)). Inver-
sement, les pertes de temps résultant d’une utilisation sous-optimale de l’infrastruc-
ture lorsque celle-ci est en "free regime" occupent une place secondaire. Les coûts de
90
Calculs du coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
Dans une perspective comparative, on constate que les pertes de bien-être des utili-
sateurs du boulevard Périphérique ont augmenté : + 7 M euros entre 2000 et 2007. La
baisse de la vitesse moyenne de circulation domine donc le moindre usage de l’in-
frastructure. Même si d’une faible ampleur (+ 5,7% entre 2000 et 2007, soit 0,9% par
an), les arguments introductifs à l’encontre de l’externalité de congestion ne peuvent
qu’apprécier négativement la majoration de la perte sociale. En croisant les vitesses
moyennes des classes avec le nombre de kilomètres parcourus, on observe que plus
d’heures ont été "consommées" sur le boulevard Périphérique, i.e. 52,8 M en 2007
et 51 M en 2000. Rapportée à la monétarisation de ces ressources temporelles (res-
pectivement 708,4 M euros et 686,6 M euros), la destruction de surplus associée à
l’externalité "technologique" gagne légèrement en importance sur la période (18,4%
contre 18%) 44 . Cet ordre de grandeur est en phase avec le nombre moyen d’automo-
biles "en trop" sur le boulevard Périphérique (voir le tableau (2.4)).
Il est possible d’isoler les sources de cette évolution en regardant la distribution des
kilomètres parcourus. Conformément à la remarque sur la faible importance du "free
regime" dans une optique de coût, l’introduction des radars sur le boulevard Péri-
phérique n’a joué qu’un rôle minime. L’arrivée de nombreux automobilistes dans les
classes de vitesse comprises entre 65 et 75 km/h n’a augmenté la perte totale que
de 0,8 M euros par rapport à 2000, soit 12% de la sur-facture. L’essentiel de celle-ci
provient des classes de vitesse inférieures à 20 km/h. Bien qu’elles n’aient gagné que
44. Si on rapporte le "coût économique" de la congestion au coût total d’utilisation du boulevard
Périphérique, temps et argent c 0 , ces ratios deviennent respectivement 13,3% et 12,8% pour 2007 et
2000.
91
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
0,4% des parts de l’utilisation totale, elles comptaient ainsi 6 M de kilomètres addi-
tionnels en 2007. Éant donnée la sensibilité du coût unitaire aux classes de vitesse,
cette évolution a engendré une hausse des pertes de temps de plus de 6 M euros.
92
Tableau 2.5 – Coûts économiques de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
Vitesse Coût unitaire Distrib. 2000 Distrib. 2007 Trafic 2000 Trafic 2007 Coût 2000 Coût 2007
(km/h) (euros/km) (%) (%) (M km) (M km) (M euros) (M euros)
93
37,5 0,034 2,87 2,69 67,5 61,8 3,0 2,7
42,5 0,022 2,54 1,98 59,6 45,6 1,7 1,3
47,5 0,015 2,14 1,82 50,4 41,9 1,0 0,8
52,5 0,009 2,03 2,19 47,8 50,3 0,6 0,6
57,5 0,006 2,72 3,74 63,9 85,9 0,5 0,7
62,5 0,004 3,84 7,88 90,3 181,1 0,4 0,8
67,5 0,002 5,83 15,58 137,0 358,1 0,4 0,9
72,5 0,001 8,20 20,16 192,5 463,2 0,3 0,6
>75 0,000 51,36 24,95 1206,5 573,4 0,0 0,0
Calculs du coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
Pour tester la sensibilité des résultats, nous avons tout d’abord distingué les heures
creuses des heures de pointe. Deux grands périodes temporelles ont ainsi été formées
à l’aide des créneaux horaires retenus pour le nettoyage de la base de données : 00-
07h, 10-17h et 20-00h pour les heures creuses ; 07-10h et 17-20h pour les heures de
pointe. Les vitesses moyennes et les distributions des kilomètres parcourus selon les
classes de vitesse ont alors été caculées pour ces deux grandes périodes. Les estima-
tions conduites pour les heures de pointe utilisent une valeur du temps supérieure
(13,4 euros/h contre 10,2 euros/h) ainsi qu’une élasticité prix de la demande égale à
-0,4 (au lieu de -0,8) 45 .
45. Dans ce cas, il faut recalculer les gaps entre quantités effective et optimale d’utilisation du bou-
levard Périphérique (voir Annexe) mais également le coefficient prenant en compte la composition
du trafic. Celui-ci devient 1,18.
94
Tableau 2.6 – Coûts "économiques" de congestion sur le boulevard Périphérique, selon l’échelle temporelle
2000 2007
Trafic Vitesse Coût "Lents km" Trafic Vitesse Coût "Lents km"
(M km) (km/h) (M euros) (%) (M km) (km/h) (M euros) (%)
95
20-00h 407 - 10,6 - 390 - 11,2 -
Le tableau (2.7) permet d’illustrer cette hétérogénéité spatiale dans l’utilisation et les
conditions de circulation sur le boulevard Périphérique. Ainsi, le ratio entre trafic
46. Ce surenchérissement est mitigé par l’effet de l’élasticité prix de la demande inférieure. Cette
dernière modification tend à réduire les gaps entre utilisations effective et optimale. Elle n’influence
toutefois que sensiblement les résultats.
47. Pour les relations vitesse-densité, nous avons également considéré deux journées pleines d’ob-
servations par zone (une en 2000 et une en 2007), voir Annexe.
96
Calculs du coût "économique" de la congestion routière sur le boulevard Périphérique
maximum et trafic minimum selon les zones géographiques atteint 1,32 en 2007, le
maximum étant sur le Nord de l’infrastructure et le minimum sur l’Ouest. Si on s’in-
téresse à la vitesse moyenne de circulation, le ratio décrit une disparité encore plus
grande avec une valeur de 1,46 en 2007, i.e. la vitesse la plus élevée à cette date est
enregistrée dans le Nord et l’Ouest, la plus faible dans le Sud.
Dans une optique comparative, la zone Sud du boulevard Périphérique est égale-
ment celle ayant connu les pires dégradations des conditions de circulation entre
2000 et 2007. Bien que le nombre de kilomètres conduits y a chuté de 3,8%, la vitesse
moyenne a baissé de 10%. Surtout, les kilomètres "lents" ont vu leur part augmen-
ter sur la période. En découle une hausse du coût de congestion de 13,8%. A un degé
moindre, la zone Est a connu une évolution similaire. Inversement, la section Ouest a
vu le montant de sa "perte sèche" diminuer dans d’importantes proportions (-30%),
et ce malgré la légère hausse du nombre de kilomètres parcourus dessus (+1%). S’il
peut provenir du nettoyage des données, ce dernier résultat est numériquement en
phase avec la hausse de la vitesse moyenne (+10%) et l’importante baisse de la part
des "lents" kilomètres (8,9% en 2000 et 5,9% en 2007) 48 .
48. Entre 2000 et 2007, la zone Ouest est passée d’une utilisation (en moyenne) sous "crowded re-
gime" à une utilisation en "free regime". La zone Sud était déjà en "crowded regime" en 2000, elle s’y
est enfoncée. La zone Est est quant à elle passée du "free regime" au "crowded regime".
97
Tableau 2.7 – Coûts "‘économiques"’ de congestion sur le boulevard Périphérique, selon l’échelle spatiale
2000 2007
Trafic Vitesse Coût "Lents km" Trafic Vitesse Coût "Lents km"
(M km) (km/h) (M euros) (%) (M km) (km/h) (M euros) (%)
98
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
La variété des coûts de congestion routière :
Implications de politiques publiques
99
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
milaire, ils vont dans le sens d’une rencontre prochaine de la demande d’utilisation
avec la contrainte de capacité du boulevard Périphérique.
Si elle devait se prolonger, cette tendance 49 peut donc être jugée comme regréttable
pour la zone centrale parisienne. La vitesse des déplacements au sein d’un espace
géographique participe en effet à déterminer la "taille effective du marché du travail",
i.e. le nombre d’emplois auxquels peut accéder un résident en moins de X minutes de
déplacement (Prud’homme and Lee [1999], Cervero [2001], Wenglenski [2007]). Si la
baisse de la vitesse sur le boulevard Périphérique diminue l’attractivité des automo-
biles par rapport aux autres modes pour réaliser des déplacements intéressant Paris
et/ou les Couronnes de l’agglomération, elle est également associée à des "interac-
tions hors-marché" d’une moindre intensité. La "taille effective du marché du travail"
représente ainsi l’espace au sein duquel les mécanismes de "learning, sharing and
matching" peuvent se développer. Elle est positivement reliée à la "sur-productivité"
urbaine (Prud’homme and Lee [1999], Cervero [2001]). Étant donnée l’importance
du boulevard Périphérique pour assurer l’accessibilité de nombreuses zones géogra-
phiques, le renchérissement de son utilisation pourrait donc engendrer une réduc-
tion du potentiel productif de l’agglomération (Costes et al. [2009], Davezies [2007]).
Ce dernier argument n’est pas négligeable dans la mesure oú l’Ile-de-France et ses
avantages productifs occupent une place primordiale dans le système de redistribu-
tion nationale (Davezies [2008b]).
49. Bien que le travail de nettoyage de la base de données limite la pertinence de la comparaison,
il est tentant de regarder les résultats de Prud’homme and Sun [2000] sur le coût "économique" de
la congestion du boulevard Périphérique en 1996. En reprenant leur distribution des kilomètres par-
courus selon les mêmes classes de vitesse, on trouve une "perte sèche" de 85,5 M euros avec nos
paramètres (valeur du temps, relation vitesse-densité, coefficient de 1,31), soit une hausse de 44% par
rapport à 2000. Dans leur base de données, Prud’homme and Sun [2000] observent pour 1996 une
vitesse moyenne de 66 km/h, une densité moyenne de 112,3 veh/km et un trafic quotidien de 9,4 M
kilomètres. Par ailleurs, la part des kilomètres conduits sous 20 km/h s’élevait à peine à 4% du trafic
total.
100
Implications de politiques publiques
qu’une politique de "régulation par les prix" ne puisse être aujourd’hui effective (Conseil
d’Analyse Stratégique [2008]) 50 , et que les véhicules automobiles soient déjà "sur-
tarifés" en France (Prud’homme and Kopp [2010a]), les volontés politiques viendront
éventuellement modifier les "règles du jeux" en vue d’atteindre une tarification "in-
ternalisante" de la congestion. Le boulevard Périphérique apparaît encore une fois
comme un bon "benchmark" pour cibler les enjeux, notamment ceux liés au choix
du tarif ou au recyclage des recettes 51 . Une attention particulière est tout d’abord
accordée au coût marginal de congestion.
Le tableau (2.8) présente les coûts privé I (q) et social S(q) d’utilisation du boulevard
Périphérique, selon des classes de vitesse de 5 km/h, ainsi que les coûts marginaux
et les taxes optimales associés (respectivement E xt (x 0 ) = AB et t = E xt (x 1 ) = C D sur
la figure (2.1)).
Le tableau (2.8) illustre à nouveau la grande sensibilité des coûts aux vitesses de cir-
culation. C’est notamment le cas du coût social et du coût marginal qui sont très
importants pour les deux premières classes de vitesse. L’importance de l’externalité
dans le coût social est par ailleurs décroissante avec ces mêmes classes de vitesse :
alors qu’il représente au moins 85% du coût social sous 15 km/h, le coût marginal de
congestion contribue pour moins de 30% au dessus de 50 km/h. Dans ces conditions,
il peut s’avérer extrêmement coûteux pour la société d’ajouter au trafic du boulevard
Périphérique des automobilistes supplémentaires lorsque celui-ci est déjà caracté-
risé par des conditions de circulation dégradées (Prud’homme et al. [2011]).
50. En raison du cadre légal national qui autorise la tarification des infrastructures uniquement
dans une optique de financement (Conseil d’Analyse Stratégique [2008]).
51. de Palma and Lindsey [2006] et Bureau and Glachant [2008] traitent des péages urbains en Ile-
de-France, avec différentes approches cependant. Tandis que de Palma and Lindsey [2006] s’inté-
ressent á l’efficience d’une telle mesure, i.e. atteindre une répartition modale optimale, Bureau and
Glachant [2008] en étudient les effets redistributifs entre ménages.
101
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
102
Implications de politiques publiques
Il est possible de comparer ces estimations du coût marginal avec celles propososées
par Leurent et al. [2009] pour le réseau routier francilien 52 . Concernant les "grandes
artères de circulation à accès limité" dans Paris, ils trouvent que le coût marginal
de congestion est de 2,15 minutes par kilomètre durant les pointes, soit 0,49 euro par
kilomètre avec nos paramètres. En reprenant la vitesse moyenne des heures de pointe
en 2007 (27,3 km/h), nous obtenons 1,11 euro par kilomètre 53 . Cette forte différence
provient probablement de la méthodologie qui autorise dans notre cas l’analyse du
"crowded regime". Elle pourrait également s’expliquer par l’objet d’étude. IWWW-
Karlsruhe [2000] propose ainsi pour les autoroutes un coût marginal de 2,70 euros
par kilomètre en cas de "trafic dense". Pour la "vraie congestion", l’effet externe est
de 3,10 euros par kilomètre. Ces valeurs correspondent aux classes de vitesse entre
15 et 25 km/h avec nos calculs.
Une conclusion centrale du tableau (2.8) réside finalement dans la distinction à opé-
rer entre les différents coûts d’utilisation du boulevard Périphérique. Ainsi, le péage
optimal diffère grandement du coût marginal effectif, notamment sous 40 km/h.
Choisir le bon référentiel est donc crucial si les décideurs publics ne veulent pas que
la politique de tarification ne détruise plus de surplus économique qu’elle n’en fait
économiser, surtout durant les heures de pointes. Le tableau (2.9) donne plus de dé-
tails sur la grille de tarification optimale du boulevard Périphérique (t = E xt (x 1 )),
52. Leurent et al. [2009] utilisent des fonctions vitesse-flux différenciées selon trois types de route et
trois zones géographiques.
53. Nous aboutissons à un résultat compris entre 0,50 et 0,35 euro par kilomètre, pour respective-
ment 43,5 km/h et 46 km/h, i.e. notre vitesse moyenne et celle des "Indicateurs Généraux".
103
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
54. Nous utilisons ce procédé car avec le flux de véhicules, l’utilisation optimale est supérieure à
celle effective (voir le tableau (2.4)).
104
Tableau 2.9 – Grille de tarification optimale pour le boulevard Périphérique
105
37,5 0,253 0,348 - 0,254 0,257 0,239 0,254 -
42,5 0,204 0,276 - 0,204 0,209 0,183 0,206 -
47,5 0,162 0,219 - 0,166 0,171 0,152 0,168 -
52,5 0,131 0,171 - 0,133 0,137 0,120 0,134 -
57,5 0,102 0,134 - 0,104 0,110 0,090 0,107 -
62,5 0,079 0,100 - 0,081 0,085 0,067 0,084 -
67,5 0,058 0,073 - 0,060 0,064 0,047 0,063 -
72,5 0,041 0,051 - 0,043 0,048 0,031 0,046 -
>75 0,008 0,010 - 0,009 0,013 0,000 0,012 -
Recette (M euros) 323,3 323,8 465,8 82,9 78,6 107,2 58,1 326,8
Baisse Km (%) -10,5% -12,6% -9,3% -11,0% -9,1% -26,4% -9,7% -13,8%
Source : Calculs de l’auteur
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Cette grille de tarification suppose des ajustements en "temps réel" du péage opti-
mal, au gré des changements de vitesse après chaque kilomètre parcouru sur le bou-
levard Périphérique, éventuellement selon les périodes de la journées ou les zones
géographiques empruntées. Si elle est techniquement réalisable grâce à l’introduc-
tion des Nouvelles Technologies de l’Information et des Communications dans les
systèmes de mobilité (Orfeuil [2008b], de Palma, Pahaut, and Quinet [2005b]), il n’est
pas pour autant certain que cette politique soit efficace. Pour l’être, la règle de tari-
fication nécessiterait que les automobilistes soient parfaitement informés du péage
kilométrique dont ils devront s’acquitter en arrivant sur le boulevard Périphérique,
ainsi que de ses variations durant leur utilisation de l’infrastructure. Une solution
pour améliorer la prévisibilité du "prix généralisé" consisterait alors à substituer la
tarification optimale (kilomètrique) par celle associée à la vitesse moyenne du dé-
placement. Pour un voyage de 10 kilométres durant les heures de pointes (à une
vitesse moyenne de 27,5 km/h en 2007), ce péage serait de 5,6 euros environ. Le
même voyage devrait être tarifé 1,3 euro durant les heures creuses (pour une vitesse
moyenne de 52,5 km/h).
Le tableau (2.9) nous confirme par ailleurs que les recettes issues une tarification op-
timale du boulevard Périphérique sont nettement supérieures au coût "économique"
de sa congestion (323 M euros contre 130 M euros pour le cas agrégé et 2007). Ce ré-
sultat est peut-être biaisé par l’estimation de la réduction du trafic et ne prend pas en
compte les frais financiers de mise en place du système, bien souvent importants.
Il souligne toutefois qu’une politique de taxation engendre d’importants tranferts
de surplus économique (Rothengatter [2003]). Entre les voyageurs qui restent sur la
route et ceux qui la quittent (Rothengatter [2003], Bureau and Glachant [2008]), no-
tamment selon les classes de revenu. Mais également entre les voyageurs et l’État
(ou l’autorité qui perçoit les recettes financières). Ce dernier doit "neutraliser" les
transferts et compenser les perdants afin de justifier son intervention (Small [1992],
Crozet [2007], de Palma et al. [2007]). Pour cela, les recettes annuelles issues du scé-
nario "temporel" (465,8 M euros) pourraient autoriser la construction d’une éven-
106
Implications de politiques publiques
tuelle ligne de tramway de 10 kilomètres dans Paris. Elles pourraient également par-
ticiper au financement d’une grande ligne ferrée facilitant les déplacements entre les
Couronnes de l’agglomération et promise pour l’horizon 2020 (Crozet [2007]). Une
issue cruciale concernant l’"acceptabilité" d’un péage semble en effet indissociable
du substitut proposé aux voyageurs en échange de leur "renonciation" au boulevard
Périphérique (Giuliano [1992], Raux and Souche [2004], Crozet [2007]).
Afin de prolonger cette observation, nous ponctuons ce travail par une comparai-
son des coûts de congestion tels que définis par les approches concurrentes au sein
du cadre d’analyse "statique". Nous extrapolons ensuite les pertes trouvées pour le
boulevard Périphérique à diverses échelles territoriales (la région Ile-de-France, la
France) et les rapportons à des indicateurs globaux de richesse tels que le PIB natio-
nal ou régional.
Outre les approches "économique" (160,8 M euros en 2007 avec le scénario "tempo-
rel") et "internalisante" (465,8 M euros) , nous retenons :
107
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Ces premiers résultats sont sans appel : les pertes de bien-être imputables à la conges-
tion du boulevard Périphérique varient considérablement selon les définitions rete-
nues. L’écart trouvé avec l’approche "par le coût marginal" est particulièrement frap-
pante. L’extrapolation de ces coûts aux niveaux régional et national est encore plus
riche en enseignements.
Nous considérons tout d’abord que le boulevard Périphérique représentait 33% des
encombrements enregistrés en Ile-de-France en 2005 par la Gendarmerie Nationale
(Union Routière Française [2007]). Pour appréhender les différences de réseaux rou-
tiers, nous supposons que les coûts de congestion (calculés pour les différentes ap-
proches de l’externalité) sont supérieurs de 56% sur le reste du réseau francilien par
rapport à ceux du boulevard Périphérique 55 . Sachant que la région Ile-de-France
55. D’après Leurent et al. [2009], le coût marginal régional moyen est 3,35 minutes par kilomètre.
Celui des "grandes artères de circulation à accés limité", infrastructure s’apparentant le plus au bou-
levard Périphérique, est de 2,15 minutes. Nous faisons une hypothèse forte en supposant que les dif-
férences de coût marginal entre le boulevard Périphérique et le reste du réseau approximent les diffé-
rences de coûts liés à l’externalité de congestion.
108
Implications de politiques publiques
Le "mal" que représente l’externalité de congestion routière voit son importance va-
rier de un à quinze selon les approches concurrentes. La vision "par le coût marginal"
estime ainsi à 0,8% du PIB français le coût des automobilistes "en trop" là oú celle
"économique" obtient 0,05%. Les visions "naïve" et "internalisante" s’élèvent quant
à elles à respectivement 0,12% et 0,13%. A l’instar de la distinction entre coût mar-
ginal et taxe optimale, la définition des pertes de bien-être peut donc foncièrement
biaiser les débats entourant la congestion routière.
Cette mesure de 0,05% constitue une borne inférieure des estimations existantes.
On pourrait en effet considérer que la valeur du temps retenue dans cet essai est
basse par rapport à d’autres proposées pour l’Ile-de-France (de Palma and Zaouali
[2007]). La définition des "emcombrements" retenue par la Gendarmerie Nationale
néglige par ailleurs la congestion en milieu urbain, certainement très coûteuse 56 .
Néanmoins, 0,05% du PIB français représente environ un milliard d’euros, soit un
dixième du déficit de la Sécurité Sociale en 2007. Le coût d’opportunité n’est donc
pas négligeable pour la société. Ce ratio de 0,05% souligne surtout que la congestion
routière est coûteuse pour une faible part de l’utilisation totale des routes. L’approche
"hybride" rappelle ainsi que les pertes imputables à l’externalité sont somme toute
modérées une fois rapportées à l’ensemble du temps passé dans un véhicule auto-
mobile. Finalement, le changement d’échelle territoriale interpelle. La lutte contre
56. Leurent et al. [2009] proposent un coût marginal moyen de congestion dans Paris de 5,11 mi-
nutes par kilomètre, soit plus de deux fois les pertes pour les "grandes voies de circulation à accès
limité" dans Paris.
109
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
110
Tableau 2.10 – Ampleur (et diversité) du coût agrégé de congestion routière, 2007
111
Sources : Calculs de l’auteur, Union Routière Française [2007] et Leurent et al. [2009]
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
2.7 C ONCLUSION
Cet essai appelle des prolongements futurs. Il semble ainsi intéressant de regarder
comment a pu varier la relation vitesse-densité entre 2000 et 2007 ou de comparer
nos résultats avec ceux qui proviendraient d’une (ou de plusieurs) relations vitesse-
flux. L’analyse des transferts de surplus économique induits par l’introduction d’un
péage de congestion nécessiterait un travail à part entière. Malgré ces manques, nous
pensons que nos conclusions sont suffisamment robustes sur certains points.
La congestion routière est une externalité dont le coût "économique" dépend gran-
dement de la vitesse de circulation, elle même fonction de l’utilisation des routes.
Son étude ne peut donc pas reposer sur une utilisation unique (et moyenne) de l’in-
frastructure, au risque d’oublier les pertes de temps lorsque celles-ci sont les plus
importantes. Par ailleurs, l’ampleur des divergences d’opinions sur le coût de cette
"défaillance de marché" est considérable. Si cet essai s’est efforcé de toujours gui-
der le lecteur, il rare que les références servant aux calculs des coûts de congestion
routière soient explicitées une fois les estimations soumises au débat public.
Outre la "régulation par les prix", des politiques alternatives existent pour lutter contre
la congestion routière en Ile-de-France. Pour clore ce travail, nous en donnons main-
tenant deux exemples.
Les déplacements étant en grande part pour des motifs "domicile-travail", il serait
d’abord possible d’utiliser l’arme foncière afin de rapprocher les résidences des em-
plois, notamment dans la zone centrale de l’agglomération. Korsu and Massot [2006]
estiment ainsi qu’environ 8% des déplacements régionaux seraient "économisés" si
on arrivait à rendre plus "cohérente" l’agglomération. Fruit d’un défaut de coordina-
tion individuelle, notons également que la congestion routière pourrait être considé-
rablement réduite en améliorant la coopération entre les voyageurs, à l’instar de pra-
tiques telles que le co-voiturage (Orfeuil [2008b]). Tous les calculs présentés dans cet
112
Conclusion
essai considéraient un taux d’occupation des véhicules de 1,3. Avec un taux moyen à
2 passagers par véhicules, le nombre de kilomètres parcourus sur le boulevard Péri-
phérique pourrait baisser de 33% 57 . S’il néglige le trafic "induit", ce dernier résultat
offre de belles perspectives, quelle que soit la définition retenue de la congestion rou-
tière.
57. Pour 2007, 2298 M de kilomètres représentaient 2531 passag er × ki l omèt r es. En supposant
invariant le nombre de kilomètres parcourus par les véhicules utilitaires (529 M kilomètres), Les 2002
passag er × ki l omèt r es deviennent 1001 véhi cul e × ki l omèt r es avec un taux d’occupation des vé-
hicules de 2. On a donc 1530 M de véhi cul e × ki l omèt r es en 2007.
113
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
2.8 A NNEXES
Le découpage géographique que nous avons rentenu pour les différentes zones com-
posant le boulevard Périphérique est le suivant :
114
Annexes
Le tableau (2.11) présente les relations vitesse-densité obtenues pour ces différentes
zones géographiques :
Le tableau (2.12) décrit les gaps d’utilisation entre équilibres effectif et optimal sur le
boulevard Périphérique durant les heures de pointe. Contrairement aux gaps présen-
tés dans le tableau (2.4), ceux-ci ont été déterminés à l’aide d’une élasticité prix de la
demande inférieure (-0,4) et une valeur du temps supérieure (13,4 euros/heure) :
115
La variété des coûts de congestion routière :
mise en perspective à partir du boulevard Périphérique parisien
Tableau 2.12 – Gaps entre situations effectives et optimales durant les heures de
pointe
Situation effective Situation optimale
116
C HAPITRE 3
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien :
étude du goût pour le confort des déplacements
3.1 I NTRODUCTION
1. Les choix de transports peuvent également être analysés au travers des bénéfices qu’ils offrent,
voir la littérature sur le "transit oriented development” (Cervero, Ferrel, and Murphy [2002], Dittmar
and Ohland [2003]).
117
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
À côté de cet "effet inter-mode", une littérature de plus en plus abondante (Trans-
portation Research Board [1999], Wardman [2001], Mackett, Paulley, Preston, Shires,
Titheridge, Wardman, White, and Balcombe [2004], Litman [2008], Li and Hensher
[2011], Wardman [2004], Wardman and Whelan [2011]), dont fait partie cet essai,
s’intéresse aux attributs qualitatifs offerts par chaque mode de transport. Pour le dire
simplement, "l’expérience" que constitue un voyage, la manière dont est "consommé"
le temps importent : des conditions de transport variables peuvent conduire à un
biais entre temps objectif et temps perçu du voyage. Ce biais se traduit dans l’utilité
individuelle par des coûts d’opportunité du temps - et donc des "coûts généralisés"
- différents. L’enjeux est alors d’appréhender ces attributs qualitatifs et d’en mesurer
l’importance pour les intégrer aux analyses économiques des choix de transport.
118
Introduction
Le report modal vers les métros peut donc provoquer une "externalité inter-mode"
particulièrement intéressante (Mohring [1972], Mirabel [1999]) 4 . Même si la nature
jouent sur les coûts d’opportunité du temps "en" et "hors" des véhicules. La densité peut affecter les
deux.
4. Mohring [1972] a popularisé le concept d’"externalité inter-mode" : le choix individuel de chan-
ger de réseau de transport peut générer une externalité pour les utilisateurs des réseaux. Si la demande
119
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
de bus augmente par exemple, l’opérateur peut augmenter l’offre de bus en circulation. Ceci fait bais-
ser le temps d’attente et rend les bus encore plus attractifs par rapport aux véhicules automobiles.
120
Introduction
121
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
nouveaux usagers du vélo, des motos et du tramway (CCTN [2009], Kopp [2011], Pru-
d’homme et al. [2011]) laissent finalement penser que le confort des déplacements
et la perception du temps sont des concepts à considérer lors de l’analyse du choix
modal. La plupart des nouveaux usagers de ces modes viennent en effet du métro.
Celui-ci a essentiellement vu le confort de ses déplacements se dégrader si on se ré-
fère à l’indice "‘qualité service"’ 7 .
L’objectif de cet essai est triple. Dans la section (3.2), nous proposons un modèle de
choix modal prenant en compte le confort des déplacements comme argument de
l’utilité des voyageurs. Cette dimension est rarement considérée dans les travaux sur
la mobilité en Ile-de-France (de Lapparent [2005], de Palma and Lindsey [2006], Bu-
reau and Glachant [2008], Wenglenski [2007]). En dépit de sa simplicité, notre mo-
dèle permet de cibler les influences des "externalités inter-mode" sur les décisions
individuelles au travers des changements du "temps perçu". Dans la section (3.3),
nous présentons brièvement la méthode d’évaluation contingente (Mitchell and Car-
son [1989], Haab and McConnel [2003], Luchini [2003], D4E [2004]), outil permettant
d’étudier les "préférences déclarées" des usagers des transports ferrés et de valoriser
le confort des déplacements (Li and Hensher [2011], Wardman and Whelan [2011]).
La section (3.4) décrit ensuite notre enquête de terrain sur les quais de la ligne 1
ainsi que les statistiques descriptives de notre panel de 530 voyageurs, notamment
les réponses à la question de valorisation du confort. La section (3.5) présente alors
la stratégie empirique et les résultats de l’étude économétrique du "consentement à
payer pour le confort des déplacements". Finalement, la section (3.6) revient sur cer-
taines implications de politiques publiques 8 . Bien que des valorisations du confort
des déplacements aient été indirectement proposées pour le réseau ferré régional
(Debrincat et al. [2006]), il est officiellement recommandé de majorer de 50% le coût
d’opportunité du temps lorsqu’il est impossible de s’asseoir dans les trains (Com-
missariat Général du Plan [2001], Ministère de l’Equipement [2005]). Étant donnée
7. Dans le cas des vélos, le lien semble qualitativement confirmé, voir la Conclusion Générale.
8. Ces implications de politiques publiques sont complémentaires à celles de Prud’homme et al.
[2010] qui utilisent la même base de données.
122
Un modèle de choix modal intégrant le confort des déplacements
Observant que le coût privé d’utilisation des automobiles est, dans de nombreux
pays, inférieur à leur coût social (Parry and Small [2005]), la littérature contempo-
raine sur le choix modal s’est essentiellement tournée vers les stratégies de "régula-
tion par les prix", i.e. les péages de congestion ou environnementaux (Tsekeris and
Voss [2009], Lindsey [2006]), ou vers le "two modes problem" (Arnott and Yan [2000],
Kraus and Yoshida [2002], Kraus [2003]). Ce dernier peut se résumer ainsi : "Com-
ment tarifer les transports publics et déterminer leurs capacités, ainsi que celles des
infrastructures routières, afin de minimiser les pertes de ressources dûes au fait que
les véhicules automobiles soient sous-tarifés ?" (Kraus [2003]).
A l’aide d’un modèle de "goulot d’étrangelement" pour les deux modes (Kraus and
Yoshida [2002]), Kraus [2003] propose des formes réduites suggérant qu’une augmen-
tation du nombre de trains desservant un axe et/ou la capacité individuelle des véhi-
cules conduisent à des équilibres de "second rang". Sans retenir de "goulot", Proost
and Dender [2008] aboutissent à des résultats similaires concernant la fréquence des
9. Au moment d’écrire ces lignes, il était décidé la construction d’une nouvelle infrastructure ferrée
ayant pour tracé (tangentiel à Paris) un mélange des deux projets historiquement concurrents. Ainsi,
la nouvelle ligne ira aussi bien dans certaines zones de la Petite Couronne (projet de la région) qu’au
travers la Grande Couronne (projet supporté par l’Etat). Étant donnée la structure actuelle du réseau
ferré régional, "en étoile" avec Paris comme centre, cette nouvelle infrastructure désengorgera cer-
taines lignes de métros parisiens en facilitant les déplacements tangentiels à la capitale. La livraison
finale est prévue pour 2023.
123
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
bus. Parry and Small [2009] se concentrent quant à eux sur le niveau des subven-
tions à accorder aux transports publics afin de se rapporcher de la répartition mo-
dale optimale. Prenant en compte différentes externalités des réseaux de transports,
ils concluent analytiquement, et confirment empiriquement, que des subventions
dépassant 50% des coûts monétaires supportés par les voyageurs sont "pareto amé-
liorantes".
Notre modèle n’a pas pour but de comparer les équilibres de "premier" et de "second
rang" en présence de coûts liés à l’encombrement des métros (Prud’homme et al.
[2010]). Son objectif est plus descriptif. Nous adoptons une approche simplifiée pour
isoler l’effet du confort dans les trains sur le temps perçu des déplacements et sur
le choix modal des individus 10 . Bien qu’ils identifient le phénomène depuis Kraus
[1991], les modèles du "two modes problem" ne traitent pas explicitement de l’im-
pact qualitatif de la densité de voyageurs sur l’"expérience" que constitue l’utilisation
des transports publics, notamment durant leurs applications empiriques. Parry and
Small [2009] par exemple prennent des valeurs insignifiantes pour les coûts margi-
naux d’encombrement des véhicules lorsqu’ils calibrent leur modèle de répartition
modale. Pour Proost and Dender [2008], ces coûts marginaux sont nuls. La forte va-
lorisation faite du confort dans d’autres études (voir la section (3.3)) tout comme
nos propos introductifs attestent cependant que des conditions de transport plus
pénibles sont plus coûteuses pour les individus. Et ce bien avant que le réseau ne
recontre sa contrainte de capacité.
Des travaux récents vont dans ce sens. Adoptant une approche "dynamique" du phé-
nomène de congestion, de Palma et al. [2011] montrent ainsi que les individus ar-
bitrent entre les coûts d’inconfort en véhicule et celui de leurs "efforts" pour arriver
en station : selon la plus ou moins grande flexibilité qu’ont les voyageurs pour arri-
ver à destination, ils peuvent décaler leur départ afin d’être dans des véhicules moins
remplis (et avoir une place assise notamment). Certains modèles de choix d’itiné-
124
Un modèle de choix modal intégrant le confort des déplacements
raire supposent également une relation croissante entre "coût généralisé" et nombre
de voyageurs dans les trains (Leurent and Liu [2009]). Lorsque ceux-ci sont trop bon-
dés, les individus peuvent décider de changer de routes. Ils rallongent alors leurs dé-
placements afin de bénéficier d’une plus grande fiabilité des horaires d’arrivées et
de conditions de voyage plus confortables (Leurent and Liu [2009]). Notre modèle
aborde quant à lui le lien entre "externalités inter-mode" et choix modal.
3.2.2 L E MODÈLE
p
u i j = v j (p j , t j , x i ) + εi j (3.1)
Le temps percu est représenté par une fonction intégrant le temps objectif de dépla-
cement (t oj ) ainsi que l’appréciation (subjective) du niveau de confort (c j ) :
125
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
³ ´
p
t j t oj , c j (3.2)
p p
∂t j ∂t j
avec ∂t oj
> 0et ∂c < 0.
j
Notre hypothèse centrale est qu’une demande de transport plus importante diminue
le niveau de confort, surtout dans les transports publics. Nous écrivons donc :
³ ´
c j Q Sj , N j (3.3)
∂c j
avec ∂N j
< 0.
³ ´
t oj Q Sj , N j (3.4)
∂t oj
avec ∂N j
> 0.
³ ´
p p S
tj = tj Qj ,Nj (3.5)
126
Un modèle de choix modal intégrant le confort des déplacements
p p p
∂t j ∂t j ∂t oj ∂t j ∂c j
avec ∂N j = ∂t oj ∂N j + ∂c > 0.
j ∂N j
Les décideurs peuvent chercher à rendre les transports publics plus attractifs afin
d’inciter les individus à les utiliser. En utilisant la formulation de l’utilité aléatoire, on
peut écrire :
¡ ¢
P r u i ,m > u i ,a = P r (ε < v m − v a ) (3.6)
avec ε ≡ εa − εm .
¡ ¢
P r u i ,m > u i ,a = F ε (ε) (3.7)
En faisant des hypothèses sur la distribution du terme d’erreur combiné, il est pos-
sible d’identifier les facteurs qui influencent le choix modal et discuter ainsi l’effica-
cité des politiques de report modal.
L’instrument le plus souvent mis en avant par les économistes afin de jouer sur les
choix modaux est la "régulation par les prix", i.e. augmenter le prix d’utilisation des
véhicules automobiles via des péages, des taxes sur les carburants (∆p a > 0) ou des
subventions pour les transports publics (∆p m < 0). Nous nous intéressons plus aux
politiques de "régulation par les quantités" : les aménageurs peuvent décider soit de
réduire la taille de la voirie disponible pour les véhicules automobiles - comme réa-
lisé à Paris - (∆Q aS < 0), soit d’investir dans des capacités additionnelles des transports
S
publics (∆Q m > 0).
127
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Nous pouvons maintenant analyser comment une réduction de l’espace viaire dispo-
nible pour les automobiles (∆Q aS < 0) influence la fraction de la population préférant
les transports publics aux véhicules automobiles ? Cette fraction est décrite par F ε (ε)
dans l’équation (3.7) :
∂F ε (ε) ∂ε ∂(v m − v a )
= f (ε) = f (ε) (3.8)
∂Q aS ∂Q aS ∂Q aS
∂v a ∂t ao
∂Nm f (ε) ∂t ao ∂Q aS
=− (3.10)
∂Q aS ∂v a ∂t ao ∂v m ∂c m
h i
1 + f (ε) ∂t ao ∂Nm
− ∂c m ∂Nm
128
Un modèle de choix modal intégrant le confort des déplacements
L’équation (3.10) indique que la politique de "régulation par les quantités" aboutit
à une augmentation de l’utilisation des transports publics ( ∂NmS > 0). Le numérateur
∂Q a
correspond à l’effet direct de la politique : l’utilité du mode automobile décroît avec
la vitesse de circulation, qui est plus basse en raison de la congestion routière induite
par un espace viaire moindre (pour un nombre donné d’automobilistes), augmen-
∂t ao
tant donc la durée objective du déplacement ( ∂v a
∂t o
< 0).
a ∂Q aS
cond terme décrit l’"externalité inter-mode" liée au confort : un report modal vers
les transports publics moindre en raison d’un encombrement supérieur du réseau.
Ce second effet se caractérise par le coût marginal d’encombrement des transports
publics ( ∂v m
∂c m
∂c m
∂Nm
< 0).
∂v a ∂t ao
∂Nm f (ε) ∂t ao ∂Q aS
=− (3.11)
∂Q aS ∂v a ∂t ao o
∂t m
− ∂v ∂c m
− ∂v
h i
m m
1 + f (ε) ∂t ao ∂Nm ∂c m ∂Nm ∂t o ∂Nm
m
129
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Afin de tendre vers l’"internalisation" des externalités générées par les "biens hors-
marché", les économistes ont proposé des méthodes permettant de les valoriser.
11. Les extensions potentielles portent sur les choix conditionnels entre différents modes de trans-
port public ("nested choices"), inclure les choix de résidence (Kilani, Leurent, and De Palma [2010]),
introduire de l’hétérogénéité dans les valeurs du temps, endogénéiser le "goût pour le confort" des
automobilistes, lier les décisions d’investissements à une contrainte budgetaire et/ou au processus
politique (Brueckner and Selod [2006]).
130
Évaluation contingente du confort des déplacements en métro
Deux grandes stratégies ont progressivement émergé. Tandis que la premiére repose
sur l’observation des comportements individuels ("préférences révélées" 12 , la se-
conde porte sur les "préférences déclarées" d’agents économiques confrontés à des
scenarios hypothyétiques. La méthode d’évaluation contingente fait partie de cette
seconde approche (Mitchell and Carson [1989], Haab and McConnel [2003], D4E
[2004], Luchini [2003], Flachaire and Hollard [2007]).
¡ ¢ ¡ ¢
u i ,1 = v i p, z 1 , y i − W T P i = u i ,0 = v i p, z 0 , y i (3.12)
A l’aide d’enquêtes, les chercheurs proposent aux individus différents scenarios dé-
crivant des améliorations quantitatives ou qualitatives dans la fourniture du "bien
hors-marché" considéré. Ensuite, les personnes interviewées se voient proposer dif-
férentes enchères afin de révéler la valeur qu’elles attachent au "bien hors-marché",
i.e. leur "consentement à payer".
Cette stratégie d’identification est efficace si le discours des individus nous informent
sur leurs "vraies" préférences. Le questionnaire doit ainsi réussir à minimiser l’écart
entre les intentions et les comportements effectifs (Luchini [2003]). Les deux pro-
12. On peut se référer à la "méthode des prix hédoniques" (Cavailhès [2005]) ou à la "méthode des
coûts de transport" (D4E [2005]).
13. Il est également possible d’étudier le "consentement à recevoir" : des compensations sont
dans ce cas proposées contre une baisse qualitative ou quantitative dans la provision du "bien hors-
marché" considéré.
131
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
blèmes les plus souvent pointés du doigt portent sur le "biais hypothétique" et le
"biais stratégique" (Mitchell and Carson [1989], Luchini [2003]). Il existe un "biais
stratégique" lorsque les individus ne révèlent pas leur "vrai" "consentement à payer"
et se comportent en "passager clandestin", i.e. tentent de faire payer le "bien hors-
marché" par les autres. Le "biais hypothétique" décrit quant à lui une situation telle
que les individus sont incapables de se représenter les scenrarios hypothétiques (et
ne peuvent donc pas répondre convenablement).
Développée intialement dans les années 1940 afin d’évaluer le montant des subven-
tions publiques devant être allouées à la protection des parcs naturels américains
(Luchini [2003]), la méthode d’évaluation contingente a été progressivement étendue
à de nombreux "biens hors-marché" 14 . A commencer par les externalités liées aux
transports. Elle a ainsi servi à valoriser les nuisances environnementales générées
par la mobilité automobile (Brookshire, Thayer, Schulze, and d’Arge [1982], de Palma
and Zaouali [2007]) ou bien les pollutions sonores associées aux transports aériens
(Faburel [2002], Wardman and Bristow [2008]). Plus proche de ce travail sur le temps
perçu et le confort des déplacements, la méthode d’évaluation contingente a été uti-
lisée pour étudier les coûts d’opportunité du temps d’accès aux stations ou du temps
d’attente sur les quais (Wardman [2001], Wardman [2004]) ou encore la fiabilité du
service, l’information en station ou la propreté des véhicules (Litman [2008]).
Bien que produites depuis une vingtaine d’années par des cabinets de conseils an-
glais et australiens 15 , les évalutions contingentes du confort des déplacements dans
les transports ferrés ont tardé à pénétrer la sphère académique. Li and Hensher [2011]
ou Wardman and Whelan [2011] ont récemment proposé deux surveys sur le sujet
14. Oubliée pendant un certain temps, la méthode d’évaluation contingente a connu un renou-
veau lorsqu’il a fallu déterminer les sanctions dont devait s’acquitter le "pollueur" lors du naufrage de
l’Exxon Waldez en 1989.
15. En réponse principalement aux commandes des gestionnaires des réseaux.
132
Évaluation contingente du confort des déplacements en métro
En raison de cette pratique, les valorisations du confort sont le plus souvent expri-
mées sous la forme d’un ratio à appliquer au coût d’opportunité du temps en vé-
hicule. Le "sur-déplacement" consenti durant le mécanisme d’enchères permet en
effet d’approximer l’effet de la densité de passagers dans les trains sur le "coût géné-
ralisé", tel que perçu par les individus. La "variation équivalente du temps de dépla-
cement" correspond ainsi à un "taux d’échange". Plus facilement transférable entre
les voyageurs et/ou les lignes d’un réseau, cette mesure se transforme ensuite en un
133
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Les études présentées par Li and Hensher [2011] ou Wardman and Whelan [2011]
sont sans équivoque : des conditions de déplacement inconfortables conduisent à
substantiellement majorer le "coût généralisé". Dans le cas anglais, le taux d’échange
(marginal) entre une minutes de déplacement inconfortable et une minute de dé-
placement confortable oscille entre 60% et 200%, selon les niveaux de remplissage
des trains. Pour le réseau ferré australien (Douglas and Karpouzis [2006]), l’intervale
proposé est de 34% - 100%. D’autres études aboutissent à des résultats encore su-
périeurs (Wardman and Whelan [2011]). La forme fonctionnelle entre la majoration
du coût d’opportunité à appliquer et le niveau de fréquentation dans les trains a été
par ailleurs testée dans Whelan and Crockett [2009] 17 . Ils concluent que la forme
linéaire reste la meilleure alternative par rapport à des formes plus complexes (expo-
nentielles, puissance, Gompertz). Les valorisations du confort semblent également
dépendre de la durée des voyages ainsi que du motif du voyage (supérieures pour les
motifs autres que "travail-domicile") ou du genre (les femmes attachant plus de va-
leur au confort) (Li and Hensher [2011], Wardman and Whelan [2011], Douglas and
Karpouzis [2006]).
16. Par rapport à notre modèle précédent, notons que l’effet du confort sur l’utilité des voyageurs
passe par le prix, et non les quantités. Nous supposions en effet que le temps perçu augmentait suite à
une hausse de la fréquentation, et non le coût d’opportunité du temps objectif. L’effet final sur l’utilité
individuelle est identique.
17. Leur enquête proposait une multitude de niveaux de fréquentation dans les trains à l’aide de
supports visuels.
18. L’enquête combinait des délais d’attente, des niveaux d’informations aux voyageurs et des taux
d’occupation des véhicules variables.
134
L’enquête dans la ligne 1
Bien qu’elle présente quelques limites, notre enquête de terrain permet de s’intéres-
ser au confort des déplacements dans les métros parisiens. Aucune étude empirique
n’a porté sur ce type de liaison jusqu’à ce jour.
Ligne historique du réseau ferré métropolitain, la ligne 1 traverse Paris d’Est en Ouest
et relie la municipalité à sa proche Couronne. En raisons de capacités d’accueil consi-
dérables (25000 utilisateurs par heure durant les pointes) et d’un déséquilibre crois-
sant entre lieux de résidence et de travail dans la zone centrale de l’agglomération
(Pinçon and Pinçon-Charlot [2008]) 19 , la ligne 1 connait la plus importante fréquen-
tation du réseau. Environ 725000 personnes l’utilisent quotidiennement en 2008,
réalisant 213 millions de voyages sur l’année (sources internes RATP).
19. Durant les deux dernières décénnies, les créations d’emplois ont majoritairement été concen-
trées à l’Ouest de Paris tandis que la croissance de la population s’est quant à elle essentiellement
portée vers l’Est (Pinçon and Pinçon-Charlot [2008]).
135
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
L’enquête de terrain sur laquelle repose notre évaluation contingente du confort des
déplacements a été réalisée durant les heures de pointe matinales de juin 2009 21 .
L’échantillon initial est composé de 684 usagers se déplaçant en direction de la Dé-
fense entre 7h30 et 10h30 et interrogés sur les quais de 5 stations 22 . Comptant pour
22% des voyages réalisés dans le réseau de métros (Observatoire de la mobilité de la
ville de Paris [2007]), les heures de pointe matinales apparaîssent comme un choix
naturel pour étudier le confort dans les véhicules 23 . Ainsi, la densité moyenne de
voyageurs dans la ligne 1 atteignait 2,3 passagers/m 2 en 2009 à ces heures de la jour-
née 24 . Les conditions de transport sont clairement plus inconfortables que durant
les heures creuses (1,3 passager/m 2 , soit une différence de 85%).
Afin d’éviter un temps d’attente dissuasif pour les personnes interviewées, et le biais
de sélection qui aurait pu en découler, le nombre de questions fut limité à 10 : les
voyageurs étaient interrogés entre le passage de deux métros, ceux-ci se succédant
avec une fréquence moyenne de 1 minute 45 durant les heures de pointe. Malgré la
forte contrainte temporelle qu’elles impliquent, les enquêtes "face à face" présentent
des avantages révélationnels certains par rapport aux enquêtes téléphoniques ou nu-
mériques. Par ailleurs, la densité de voyageurs dans les véhicules fut comptée de-
puis les quais durant les interviews 25 . Même si cette mesure ne correspond qu’au
20. Première hausse du réseau en excluant la ligne 14 (inaugurée entre temps). Outre le déficit en
zones de résidence et d’emplois, il est possible que cette hausse de la fréquentation dans la ligne 1 soit
dûe à un report du RER vers la ligne 1 dans Paris.
21. Les auteurs souhaitent remercier Mlle. Fehr et M. Lenormand (qui ont réalisé le protocole de
l’enquête et sa récolte) pour nous avoir laissé accéder à la base de données.
22. La plus proche de la Défense étant Chatelet.
23. Les heures de pointe comptent pour 47% des déplacements réalisés sur le réseau en considérant
les pointes du soir (17h-20h) (Observatoire de la mobilité de la ville de Paris [2007]).
24. Chiffres reconstitués à l’aide de séries de densité du STIF, i.e. l’autorité régionale en charge de
l’organisation des transports publics en Ile-de-France.
25. A chaque passage d’un métro, un enquêteur comptait le nombre de personnes présentes dans
un wagon. Un métro comptant 6 wagons, les densités que nous utilisons ont été calculées pour des
créneaux de 15 minutes, i.e. le temps qu’au moins 6 métros différents soient passés.
136
L’enquête dans la ligne 1
niveau de confort au début des voyages, elle permet de contrôler pour les variations
de confort durant les pointes matinales.
137
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
monétarisée, nous trouvons un budget temporel moyen de 5,11 euros par voyage, i.e.
environ huit fois le coût monétaire directement supporté par les individus 30 .
Deux remarques semblent nécessaires sur la durée déclarée des voyages dans la ligne
1. Cette information pourrait tout d’abord correspondre au temps perçu des déplace-
ments (et donc souffrir du biais lié au manque de confort dans les trains). Par ailleurs,
la moyenne de 27 minutes indique que de nombreux individus n’ont pas compris
correctement la question qui leurs avait été posée. Celle-ci portait en effet sur la du-
rée du voyage dans la ligne 1. Dans la mesure oú elle peut difficilement excéder 30
minutes d’un terminus à l’autre, il est vraisemblable que les voyageurs pensaient soit
à la durée totale de leur déplacement ("porte à porte"), soit à la durée du voyage sur
la ligne 1 mais en considérant le temps d’accès/sortie de la station, le temps de cor-
respondance ou l’attente sur les quais. Pour regarder la robustesse des résultats à cet
éventuel biais, nous nous intéresserons également au sous-échantillon de voyageurs
ayant déclaré une durée de déplacement inférieure à 30 minutes, i.e. 69% des indivi-
dus.
30. Le coût monétaire directement supporté par les utilisateurs du réseau de transports publics pa-
risien est évalué à 0,64 euro par déplacement par Prud’homme et al. [2010].
138
L’enquête dans la ligne 1
Finalement, deux variables sont à notre disposition pour décrire le niveau de confort
auquel font face les usagers de la ligne 1 durant les heures de pointe matinales. Le
première provient du comptage réalisé sur les quais aux moments des interviews.
La densité moyenne de voyageurs dans les trains est de 1,9 passagers par m 2 . La se-
conde variable est une note attribuée par les personnes interrogées afin de décrire
l’intensité de la congestion telle qu’ils la perçoivent. Cette note, comprise entre 0 (au-
cune congestion) et 5 (congestion maximale), obtient une moyenne de 3,4. Alors que
seuls 15% des voyageurs ont choisi une note inférieure à 3, plus de 20% ont donné
la note maximale, indiquant ainsi que la ligne 1 est vue comme fortement conges-
tionnée durant les pointes matinales. Ces deux variables sont fortement corrélées 31 :
elles atteignent leurs maximums entre 8h30 et 8h45 (voir figure 3.1). Par ailleurs, elles
semblent faiblement corrélées avec la durée déclarée d’un déplacement sur la ligne
1, modérant ainsi les soupçons d’endogénéité portant sur cette dernière 32 .
139
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Afin d’évaluer le "consentement à payer pour le confort", les enchères ont été propo-
sées en des termes temporels, à l’instar des études sur le sujet existantes. La question
suivante était posée aux utilisateurs de la ligne 1 : "Pour bénéficier du niveau de den-
sité de voyageurs des heures creuses durant les heures de pointe, seriez-vous prêt(e) à
prendre un métro qui met X minutes de plus ?". L’enchère initiale était toujours fixée
à 5 minutes, puis augmentait de 5 minutes jusqu’à l’offre maximale de 20 minutes.
Les questions stoppaient à la première réponse négative ("multiple bounded bids").
Étant donnée cette question de valorisation, nous obtenons en premier lieu un "consen-
tement à voyager plus longtemps contre plus de confort". Précisons que les descrip-
tions faites du confort initial et des améliorations hypothétiques sont relativement
partielles 33 . Même si nos indicateurs du confort permettront de contrôler les ré-
ponses individuelles, nous sommes forcés d’adopter une vision discrète du phéno-
mène de congestion (pointes vs. creuses), notamment lors de nos implications de po-
litiques publiques. Ainsi, la différence de 85% entre la densité moyenne des heures de
pointe (2,4 passagers/m 2 ) et celle des heures creuses (1,3 passagers/m 2 ) sera consi-
dérée comme l’amélioration hypothétique proposée aux voyageurs (et ainsi com-
prise). Afin de restreindre le "biais hypothétique", n’ont été par conséquent inter-
rogés que les individus ayant déjà pris la ligne 1 durant les heures creuses.
Tableau 3.3 – Pour bénéficier du confort des heures creuses, seriez-vous prêt(e) à ral-
longer votre déplacement de X minutes ?
< 5 min 5-10 min 10-15 min 15-20 min > 20 min
33. Ainsi, le "point de référence" durant les pointes matinales varie sur la ligne 1 selon les individus
(le long du voyage), tout comme la perception subjective du niveau de confort pendant les heures
creuses.
140
L’enquête dans la ligne 1
Tableau 3.4 – Consentement à payer pour le confort (en euros par déplacement)
0,0 0,0-0,5 0,5-0,8 0,8-1,0 1,0-1,5 1,5-2,0 2,0-2,5 >2,5
34. Certaines limites pourraient provenir des "biais de première enchère" (Flachaire and Hollard
[2007]). Les voyageurs pourraient ainsi répondre excessivement "Oui" à la première offre, notamment
en raison d’empathie pour l’enquêteur. Dans cette perspective, la première offre de 5 minutes pourrait
être considérée comme trop importante. Ensuite, le questionnaire ne proposait pas d’enchère descen-
dante en cas de refus. En plus de réduire la précision des intervales des réponses, il a été observé que
les enchères croissantes pouvaient conduire à divers biais ("framing, anchor and shift effect biases" ,
Flachaire and Hollard [2007]).
35. Nous avions à notre disposition une seconde question de valorisation du confort. Ainsi, une
question portait sur la ré-introduction d’un système de classes dans les métros parisiens, système
en fonctionnement jusqu’en 1991. Seulement 30% des personnes interrogées ont accepté le principe
d’une telle "discrimation par les prix". Ceci nous ammène à penser que derrière cette règle de tarifi-
cation se cache autre chose qu’un simple "goût pour le confort", la recherche de "l’entre-soi" notam-
ment.
141
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
1,46 euro par voyage. Ces valeurs correspondent environ au double de la contribution
monétaire individuelle. Le tableau (3.4) décrit la distribution des "consentements à
payer" en fixant les réponses à la borne inférieure des intervales. Le croisement des
réponses et des revenus individuels met en évidence une importante dispersion des
"consentements à payer pour le confort". Si la médiane oscille entre 0,8 et 1 euro par
voyage, environ 25% de notre échantillon serait prêt à accroître de plus de 1,50 euros
le montant des ressources allouées aux transports, une fois le temps exprimé dans
un équivalent monétaire.
Les réponses des voyageurs peuvent finalement être exprimées en termes de "sur-
déplacement", i.e. le rapport entre le "consentement à voyager plus longtemps contre
plus de confort" et la durée déclarée du déplacement sur la ligne 1. Cette valeur
nous servira de proxy pour majorer le "coût généralisé" des déplacements durant
les heures de pointe en raison de conditions de voyage inconfortables (voir la section
(2.6). Le "sur-déplacement" moyen est de 29% - 43% au sein de notre échantillon.
Précisons que si elle en constitue une borne inférieure, cette valorisation du confort
n’est pas similaire en tous points à celles présentées par Li and Hensher [2011] ou
Wardman and Whelan [2011]. Notre mesure de "sur-déplacement" ne décrit en effet
pas un taux d’échange marginal (minute par minute), mais un taux moyen (sur tout
le voyage). Le ratio de 29% - 43% ne diffère toutefois pas fondamentalement des va-
leurs indirectement obtenues pour le réseau ferré régional francilien (Debrincat et al.
[2006]), et encore moins de la valeur tutélaire de 50% (discrétionnairement) propo-
sée par le Commissariat Général du Plan [2001]. Le tableau (3.5) présente la distribu-
tion des "sur-déplacements", toujours avec la vision conservatrice des intervales. La
142
Etude empirique
médiane oscille entre 20% et 30%. Environ 10% de l’échantillon est prêt à (au moins)
doubler la durée du déplacement pour disposer d’un plus grand confort dans la ligne
1.
Dans cette section, nous étudions les facteurs nivellant le "consentement à payer
pour le confort", ou plutôt "le consentement à voyager plus longtemps contre plus
de confort" étant donnée notre stratégie d’identification.
p p
u i s (p i , t i , c s , X i ) = v s (p i , t i , X i ) + εi s (3.13)
Alors que nous considérions auparavant le choix de l’individu i entre différents modes
de transport (voir l’équation (3.1) dans la section (3.2)), nous comparons mainte-
p
nant le temps perçu (t i ) selon que le déplacement soit réalisé avec les conditions de
confort (c s ) des heures de pointe (s = 0) ou celles des heures creuses (s = 1). La va-
143
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Le gap entre le niveau de confort dans les trains durant les heures de pointe et les
heures creuses implique des temps perçus des déplacements, et des utilités, distincts
les deux "états de la nature" :
p p p p
u i 1 (p i , t i , c 1 , X i ) = v 1 (p i , t i , X i ) + εi 1 > v 0 (p i , t i , X i ) + εi 0 = u i 0 (p i , t i , c 0 , X i ) (3.14)
p
u i s = α s + β s p i + γ s t i + θ s X i + εi s (3.15)
p p
α1 + β1 p i + γ1 t i + θ1 X i + εi 1 = α0 + β0 p i + γ0 (t i + W T Wi ) + θ0 X i + εi 0 (3.16)
p
W T Wi = α + β p i + γ t i + θ X i + η i (3.17)
144
Etude empirique
Il est possible de simplifier cette équation en faisant l’hypothèse que l’utilité margi-
nale des coûts monétaires est égale et constante entre les deux "états de la nature"
∂u
( ∂pi s = β1 = β0 < 0) : les coûts monétaires disparaissent de l’équation (3.17), transfor-
i
Il est possible de relacher cette seconde hypothèse en intégrant le temps perçu sous
une forme logarithmique dans la fonction d’utilité (Haab and McConnel [2003]) 36 :
p
u i s = αs + βs p i + γ l nt i + θs x i + εi s (3.18)
L’équation (3.19) indique que le "goût pour le confort" s’exprime désormais sous
la forme du logarithme de (un plus) la mesure de "sur-déplacement". En gardant
les mêmes hypothèses sur l’utilité marginale des coûts monétaires, les variations du
"sur-déplacement" ne dépendent plus que des caractéristiques individuelles 37 .
∂u i s γ
36. Dans ce cas, l’utilité marginale du temps perçu est égale à : p = p < 0.
∂t i ti
37. Notons que pour obtenir cette forme réduite, nous devons supposer que (γ) est identique pour
les deux "états de la nature".
145
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
La variable explicative sur laquelle nous centrons notre attention lors des estimations
de l’équation (3.17) est celle relative au temps perçu de déplacement sur la ligne 1
p
(t i ). Nous nous attendons à ce qu’elle influence positivement le "consentement à
voyager plus longtemps contre plus de confort". On constate en effet que le coeffi-
cient (γ) dépend du rapport entre l’utilité marginale du temps de déplacement du-
rant les heures creuses et celle du temps du déplacement durant les heures de pointe,
supposé par hypothèse supérieur à 1. Précisons que ce coefficient (γ) correspond au
taux d’échange marginal étudié dans Douglas and Karpouzis [2006] ou Whelan and
Crockett [2009] et retenu généralement comme valorisation du confort (Li and Hen-
sher [2011], Wardman and Whelan [2011]).
Contrairement à ces études, notre enquête de terrain ne nous permet pas de "dis-
crétiser" l’observation du coefficient (γ) selon plus de deux "états de la nature", i.e.
dépasser le clivage creuses vs. pointes. Étant donnée la faible corrélation entre nos
mesures de la congestion dans la ligne 1 (densité dans les trains et note subjective)
et la durée déclarée du déplacement, nous pouvons toutefois intégrer ces premières
à (X i ). Ces variables permettent contrôler quelque peu pour les variations de confort
individuel (objectif ou perçu) durant les heures de pointe. En raison de l’importante
corrélation entre nos deux indicateurs de congestion (voir la figure (3.1)), nous les
introduisons séparément.
Les autres variables explicatives sont décrites par le vecteur (X i ). Celui-ci intègre sous
une forme dichotomique des variables représenant les déplacements "domicile tra-
vail" (avec un étuel effet négatif de ce motif ), leurs genre (éventuellement positif pour
les femmes) et lieux de résidence (Parisien ou non). Une dummy représente égale-
ment la possession de véhicule automobile. Ce moyen de locomotion étant géné-
ralement considéré comme plus confortable, il se pourrait qu’avoir à sa disposition
une voiture augmente le nombre de minutes échangées contre du confort. Nous in-
146
Etude empirique
troduisons finalement l’âge des personnes interrogées sous une forme continue.
Les équations (3.17) et (3.19) ne font pas référence au revenu individuel, pourtant
considéré comme un déterminant primordial des "consentements à payer" (Haab
and McConnel [2003], D4E [2004]). Nous pouvons l’intégrer au vecteur des contrôles
individuels lors des estimations du "consentement à voyager plus longtemps contre
plus de confort". Surtout, la richesse des voyageurs occupe une place centrale si nous
passons à l’étude du "consentement à payer pour le confort". Comme il existe des
risques de "causalité inverse", nous excluons dans ce cas les variables liées à la pos-
session d’automobile et au lieu de résidence. Inversement, nous ajoutons une va-
riable dichotomique décrivant la catégorie socio-professionnelle, i.e. cadre ou non.
Par ailleurs, la durée de déplacement est intégrée comme "budget temporel", i.e. sous
sa forme monétaire.
Finalement, nous ajoutons une variable dichotomique prenant la valeur 1 si les per-
sonnes étaient interrogées durant le "coeur des heures de pointe". Pour la construire,
nous avons retenu les créneaux horaires compris entre 8h15 et 8h45 (voir la figure
(3.1)), i.e. 22% de la population. L’idée est ici de contrôler pour des éventuels biais
liés au "véhicule de paiement" temporel. D’après la littérature sur la congestion en-
dogène (Arnott et al. [1990], de Palma et al. [2011]), il faut ajouter aux coûts temporels
ceux liés aux départs précoces ou aux arrivées tardives afin d’être à l’heure souhai-
tée à destination, i.e. les "scheduling costs". Il serait plausible que certains voyageurs
aient refusé de répondre favorablement aux enchères exprimées en minutes car ne
pouvant pas rallonger leur déplacement sans arriver en retard sur leurs lieux d’arri-
vée (le travail dans la majorité des cas).
Le "système d’enchères multiples" utilisé durant l’enquête présente des choix ordon-
nés selon différents intervales de valeurs. Nous pouvons étudier ces choix à l’aide
147
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
d’un "modèle à variables latentes" (Long and Freese [2006]). Ainsi, nous ne connais-
sons pas la "vraie" valeur du "consentement à voyager plus longtemps contre plus de
confort" mais uniquement l’intervale considéré (W T W d ec i ). Nous pouvons donc
écrire la probabilité qu’un individu ait répondu "Oui" à l’enchè m sous la forme sui-
vante :
avec (τm , τm+1 ) étant les différentes bornes des intervales proposés aux voyageurs.
p
P r (W T W d ec i = m) = P r τm ≤ α + γ t i + θ X i + η i < τm+1
¡ ¢
(3.21)
p p
P r (W T W d ec i = m) = F µ i (τm+1 − α − γ t i − θ X i ) − F µ i (τm − α − γ t i − θ X i ) (3.22)
En supposant que la distribution du terme d’erreur suit une loi Normale (Var(µi )=1),
nous utilisons un modèle "probit ordonné". Il est possible que la distribution du
terme d’erreur suive une loi logistique (Var(µi )=π2 /3), dans ce cas nous estimons un
modèle "logit ordonné" (Long and Freese [2006]).
148
Etude empirique
nous pouvons également utiliser les modèles "logit/probit ordonnés" pour estimer
les "consentements à payer pour le confort" (W T P i ) ou la mesure du "sur-déplacement"
(E xcess i ).
3.5.4 R ÉSULTATS
Les tableaux (3.6), (3.7) et (3.8) présentent les résultats des estimations menées avec
un "logit ordonné". Nous avons retenu la vision "conservatrice" des réponses pour
définir les catégories du "consentement à payer pour le confort" et du "sur-déplacement"
(voir les tableaux (3.4) et (3.5)). En dépits de statistiques de puissance faibles, les
écarts entre les catégories observées et celles prédites sont infimes (voir ci-dessous et
Annexe). Surtout, nous sommes plus intéressés par l’impact qualitatif des variables
que par l’ampleur des coefficients 38 .
Les estimations indiquent que la durée déclarée d’un déplacement dans la ligne 1
(ou son équivalent monétaire) influence significativement le niveau du "consente-
ment à voyager plus longtemps contre plus de confort" (du "consentement à payer
pour le confort"). Ce résultat est cohérent avec la littérature sur les dimensions qua-
litatives des déplacements : plus les activités liées aux transports occupent une part
importante du temps quotidien, et plus les individus valorisent le contexte dans le-
quel est "consommée" cette ressource. Ce résultat confirme surtout que la désutilité
marginale d’une minute de déplacement est inférieure lors des heures de pointe et
que le taux d’échange marginal est bien supérieur à 1. On observe également que nos
deux indicateurs de la congestion dans la ligne 1 nivellent les réponses individuelles.
A l’intérieur même des heures de pointe, l’intensité (réelle ou perçue) de l’incon-
fort explique le plus ou moins grand nombre de minutes échangées contre plus de
confort dans les véhicules 39 . En raison de la nature "latente" de nos dépendantes, il
38. Ceux-ci sont exprimés sous la forme de "odds ratio", i.e. comment change la probabilité d’obte-
nir une dépendante dans la catégorie supérieure pour une augmentation d’une unité d’une explica-
tive ?
39. Le coefficient du temps déclaré ne change pas avec l’ajout de ces variables.
149
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
150
Etude empirique
est conseillé de regarder les "coefficients standardisés" (Long and Freese [2006], voir
le tableau (3.14) en Annexe) 40 . Ils montrent que les indicateurs de confort du voyage
ont un poids un peu supérieur à la durée du déplacement pour expliquer les varia-
tions du "consentement à voyager plus longtemps contre plus de confort".
Contrairement aux études de Whelan and Crockett [2009] ou Douglas and Karpou-
zis [2006], nous observons une très faible hétérogénéité dans les caractéristiques
indivuelles influençant le "consentement à voyager plus longtemps contre plus de
confort". L’âge et le statut socio-économique ("cadre") jouent bien significativement
sur le "consentement à payer pour le confort" mais cet effet est "ad hoc". Il passe par
40. Les coefficients des tableaux (3.6), (3.7) et (3.8) ne considèrent pas la nature "latente" des va-
riables dépendante. Le changement marginal estimé doit être standardisé par la déviation estimée de
la "variable latente" (Long and Freese [2006]).
151
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Ces résultats apparaîssent robustes à la méthode d’estimation. Ainsi, ils sont simi-
laires avec un " probit ordonné". Les estimations des modèles catégoriels ordonnés
supposent par ailleurs que soit vérifiée la "parallel line assumption" 41 . Nous tes-
tons cette hypothèse à l’aide d’un test de Wald (Long and Freese [2006]). Elle n’est
pas respectée globalement, i.e. pour tous les coefficients simultanément. En utili-
sant un "logit ordonné généralisé" (Long and Freese [2006]), nous observons néan-
moins que cette hypothèse est la plupart du temps vérifiée pour la durée des dépla-
cements, la densité de voyageurs dans les trains ainsi que la note subjective, soit les
trois variables significatives. Nous avons mené les mêmes estimations sur le sous-
échantillon d’individus déclarant se déplacer moins de 30 minutes dans la ligne 1.
Si la taille des coefficients associés à la durée des déplacements est plus importante
pour cette sous-population (voir Annexe, tableau (3.14)), nous trouvons des résultats
semblables concernant la significativité des variables explicatives.
41. Les "ratios de chance" des explicatives, i.e. les coefficients, doivent rester constants entre les
différents niveaux de la variable dépendante.
152
Etude empirique
153
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
42. Pour le "sur-déplacement", les probabilités prédites ne semblent pas influencées par la durée
des déplacements, mais essentiellement par la densité de voyageurs dans les trains.
154
Etude empirique
L’appréciation subjective du confort dépend d’un plus grand nombre de facteurs que
les réponses à "l’arbitrage entre temps et espace en véhicule" (voir le tableau (3.10)).
Logiquement, la densité de voyageurs dans les trains semble être la variable la plus
importante. Mais nous observons également que des caractéristiques liées au voyage
(durée, motif "domicile-travail") ou aux individus eux-mêmes (âge, lieu de résidence,
possession de véhicule automobile) influencent positivement la note, à l’inverse du
revenu. Ces conclusions tendent donc à modérer la faible hétérogénéité individuelle
observée ci-dessus. La note subjective influence en effet le niveau de "consentement
155
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
à voyager plus longtemps contre plus de confort" ainsi que le "consentement à payer
pour le confort".
D’après notre étude des "préférences déclarées", les utilisateurs de la ligne 1 seraient
prêts à rallonger leurs déplacements de 5,7 - 8,1 minutes afin de jouir du confort
des heures creuses durant les heures de pointe 43 . En utilisant les valorisations mo-
nétaires correspondantes - le "consentement à payer pour le confort" de 1,07 - 1,54
euro par déplacement - il est possible de calculer les gains de bien-être générés par
une politique réduisant d’environ 85% la densité de voyageurs dans la ligne 1. Sa-
chant que 47% des déplacements quotidiennement réalisés dans le métro parisien
ont lieu durant les heures de pointe, les améliorations potentielles de bien-être at-
teignent 107 - 154 millions d’euros. Ce chiffre est obtenu en considérant 213 millions
de voyages réalisés sur la ligne 1 en 2008 (sources internes RATP).
Il est tentant d’extrapoler nos résultats à l’ensemble des lignes du réseau de métros
parisiens, en reconnaissant toutefois que la densité de voyageurs, la durée d’un dé-
placement et le revenu individuel sont certainement plus élevés pour la ligne 1 que
pour les autres lignes. Afin de limiter toute sur-estimation excessive, nous utilisons la
(plus basse) valeur du temps officielle (Ministère de l’Equipement [2005]) ainsi que
la vision conservatrice des réponses. Nous prenons donc un "consentement à payer
pour le confort" égale à 1,01 euro par déplacement. En appliquant cette valeur à 47%
des 1388 millions de voyages réalisés dans le réseau ferré intra-muros en 2007 (RATP
[2008]), les bénéfices liés à un confort supérieur dans le métro sont désormais de 659
millions d’euros.
43. La densité moyenne de voyageurs étant sensiblement la même durant les pointes matinales et
celles du soir, nous dénommons désormais par "pointes" ces deux périodes.
156
Implications de politiques publiques
Ces chiffres illustrent les enjeux liés à la prise en compte du confort des déplace-
ments lors de l’évaluation des politiques de transport. Ils présentent toutefois une
importante limite : les infrastructures qui réussiraient à réduire de 85% la densité
de voyageurs dans les trains sont rarement observées, notamment à Paris oú il reste
peu d’espace dans les sous-sols afin de creuser de nouvelles lignes. Pour cette raison,
un exercice plus utile consiste à s’intéresser à l’effet externe d’encombrement dans
le métro durant les heures de pointe, i.e. quel est le gain (ou la perte) de bien-être
lorsqu’on retire (ajoute) un voyageur dans un train ?
S(q s ) = I (q s ) + E xt (q s ) = I (q s ) + I 0 (q s ) q s (3.23)
Dans la mesure oú le "coût généralisé" d’un voyage durant les heures de pointe est
mieux décrit par le temps perçu (t p (q s )) que par le temps objectif (t o (q s )), en défi-
nissant (p) comme le coût monétaire et (w) comme le coût d’opportunité du temps,
nous pouvons ré-écrire 44 :
44. On occulte dans la fonction de coût les pertes de temps objectif liées au "goulot d’entrangle-
ment".
157
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Il est possible d’utiliser notre enquête de terrain pour estimer l’effet externe d’en-
combrement dans le métro. Pour cela, il faut tout d’abord supposer que les bénéfices
et les coûts liés au confort des déplacemens sont symétriques, i.e. que "consente-
ment à payer" et "consentement à recevoir" sont égaux 45 . A l’instar de notre scéna-
rio hypothétique, nous considérons ensuite que le temps perçu varie d’une manière
discrète entre le niveau de densité des heures de pointes et celui des heures creuses.
Ainsi :
t p (q 0 ) − t p (q 1 ) w q 0
E xt (q 0 ) = (3.25)
q0 − q1 v
avec (v) représentant la vitesse des métros, environ 30 km/h dans le cas parisien.
Cette transformation nous permet d’obtenir un coût externe unitaire, i.e. par passag er ×
ki l omèt r e.
Notre mesure du "sur-déplacement" peut servir de proxy pour les coûts liés à l’incon-
fort dans le métro. Le "sur-déplacement" moyen des utilisateurs de la ligne 1 oscille
entre 29% et 42%. Encore une fois, nous utilisons l’estimation basse de telle sorte que
t p (q 0 ) = 1, 29 t p (q 1 ). Même si nos données de comptage sur les quais ont un effet
significatif lors des estimations économétriques, nous utilisons par ailleurs les don-
nées agrégées. Le changement de densité de voyageurs est donc égale à 85% (q 0 = 2, 4
voy/m 2 et q 1 = 1, 3 voy/m 2 ).
La densité de voyageurs durant les heures creuses pourrait également être jugée comme
45. Horowitz and McConnel [2002] observent une différence importante entre ces deux valeurs, le
"consentement à recevoir" étant considérablement supérieur. Pour justifier ce point, il est parfois
avancé que les évaluations des "consentements à recevoir" écartent du choix toute contrainte bud-
gétaire. Par ailleurs, la "Prospect Theory" explique qu’en présence d’individus averses au risque, les
pertes par rapport à une situation de référence sont supérieures aux gains (De Borger and Fosgerau
[2008]).
158
Implications de politiques publiques
inconfortable : celle qui autoriserait chaque voyageur à s’asseoir dans la ligne 1 est en
effet proche de 0,9 voy/m 2 46 . Pour cette raison, nous retenons deux scenarios :
1. Nous supposons tout d’abord que les déplacements réalisés durant les heures
creuses ne souffrent d’aucun biais de perception en raison d’inconfort (t p (q 1 ) =
t o (q 1 )). En utilisant la valeur du temps (w) officiellement fixée à 10,8 euros par
heure en 2009, l’effet externe d’encombrement dans le métro est égale à 0,23
euro/pkm.
2. D’une manière alternative, nous pouvons faire l’hypothèse que les déplace-
ments des heures creuses dans la ligne 1 génèrent également des pertes de
bien-être. En appliquant une majoration arbitrairement fixée à 25% (t p (q 1 ) =
1.25 t o (q 1 )), nous trouvons maintenant un effet externe de 0,28 euro/pkm.
159
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Par conséquent, les études sur le "two modes problem" ne doivent pas négliger cette
dimension lorsqu’elles cherchent le niveau d’utilisation optimale des réseaux ferrés.
Reprenant la même base de données que celle utilisée ici, Prud’homme et al. [2010]
proposent une fonction reliant linéairement le "coût généralisé" d’utilisation du mé-
tro au niveau de densité dans les trains. Calibrant leur modèle sur la répartition mo-
dale dans Paris en 2001, ils observent une différence de 18% dans le niveau optimal
d’utilisation du réseau ferré selon que l’on considère (ou non) les pertes de bien-être
liées au confort des déplacements 48 . Afin d’internaliser la congestion sur les deux
réseaux, ils proposent des péages pour les voitures et le métro égaux à 2,43 euros et
1,53 euro par voyage respectivement.
Il nous serait possible de reproduire des résultats similaires. L’effet externe d’encom-
brement dans le métro peut en effet déterminer la pente de la fonction reliant le "coût
généralisé"’ à la densité de passagers en véhicule 49 . Nous préfèrons plutôt nous en
servir pour mesurer quelques gains de bien-être issus des reports modaux observés
dernièrement à Paris.
3.6.3 B IEN - ÊTRE DES VOYAGEURS ET CONFORT DES DÉPLACEMENTS DANS LE MÉTRO
PARISIEN
Le premier exemple provient de Prud’homme et al. [2011] qui évaluent les coûts et
les bénéfices générés par une ligne de tramway ouverte dans le Sud de Paris en dé-
cembre 2006. A l’aide d’une enquête de terrain, ils montrent qu’environ 35% des utili-
sateurs du tramway se déplaçaient auparavant avec le métro parisien. Ainsi, le report
modal annuel est de 28,8 millions de pkm par rapport à 2003. Cette évolution a dû
se traduire par un confort des déplacements supérieur pour les personnes toujours
48. En occultant les coûts d’encombrement du métro, la part optimale du métro dans la mobilité
parisienne est de 92%. En prenant en compte les coûts d’encombrement, la part optimale du métro
baisse à 76%. Notons que leur modèle considère uniquement les coûts temporels et monétaires d’uti-
lisation des modes.
49. Prud’homme et al. [2010] utilisent en effet une régression linéaire sans constante, attribuant
donc toute la variation des "consentements à payer pour le confort" aux variations de densité, i.e. les
données de comptage.
160
Implications de politiques publiques
dans le métro. En supposant que 47% du report modal correspond à des déplace-
ments ayant lieu durant les heures de pointe, les bénéfices annuels de décongestion
du métro se chiffrent à 3,2 - 3,8 millions d’euros 50 . Il s’agit du principal effet positif
du tramway : il faut le rapporter aux gains de temps estimés à 2,8 millions euros par
an.
Il est également possible de compléter Kopp [2011] qui s’intéresse au report modal
vers les deux-roues motorisés, mode de transport ayant connu une forte croissance
entre 2000 et 2007 (+36% de kilomètres parcourus). A l’aide d’une enquête de terrain,
Kopp [2011] montre que la majorité des nouveaux utilisateurs des motos dans Pa-
ris voyageaient auparavant en métro. Environ 200 millions de pkm ont été éliminés
du réseau ferré entre 2000 et 2007. Kopp [2011] néglige toutefois l’effet externe de dé-
congestion du métro lorsqu’il mesure les coûts et les bénéfices induits par ce change-
ment modal. En utilisant les mêmes paramètres que précédemment, nous obtenons
des bénéfices externes de décongestion compris entre 21,6 et 26 millions d’euros. Ces
gains de bien-être sont loin d’être négligeables, ils correspondent à 10% des gains de
temps des nouveaux motards dans Paris.
Les bénéfices liés à une hausse du confort dans le métro parisien que nous venons
de calculer cachent un sérieux "effet de composition". Comme illustré par le tableau
(3.1), la densité moyenne de voyageurs a connu une forte croissance entre 2002 et
2007 : +8% environ. L’arrivée des nouveaux usagers dans les métros a donc dégradé le
confort des déplacements de tous. En utilisant leur fonction reliant "coût généralisé"
et densité, Prud’homme et al. [2010] estiment ainsi les pertes de bien-être corres-
pondantes à 75 millions euros par an. Ce dernier résultat ne peut expliquer seul les
préoccupations liées aux conditions de transport dans l’agglomération parisienne.
La situation des trains régionaux est tout autant préoccupante 51 . Il constitue néan-
50. Les mesures de l’effet externe d’encombrement peuvent être trop élevées par rapport à 2003 :
les niveaux de densité considérés dans l’équation (3.25) ont changé durant la période. Le même com-
mentaire s’applique aux estimations suivantes. Nous pensons néanmoins que la position conserva-
trice retenue protège d’une trop importante sur-estimation.
51. Dans la mesure où la durée des voyages et la densité jouent significativement sur les réponses
individuelles à l’"arbitrage entre temps et espace en véhicule"’, il est probable que les pertes de bien-
161
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
moins une proxy de la désutilité croissante générée par l’utilisation du métro. Ces
estimations soulignent par ailleurs la nécessité d’investissements en infrastructures.
Sachant que la baisse de la mobilité automobile observée dans Paris entre 2000 et
2007 ne correspond qu’à la moitié de celle visée par la municipalité pour l’horizon
2020, les coûts liés à l’encombrement du métro pourraient augmenter considérable-
ment si celui-ci venait à recevoir un report modal trop important 52 . Il est possible
que le réseau intra-muros fasse alors face à sa contrainte de capacité et que des "gou-
lots d’étranglement" s’y multiplient, engendrant des pertes de temps objectif en sus
de celles liées au manque de confort.
3.7 C ONCLUSION
Dans cet article, nous avons cherché à démontrer que les effets d’encombrement
dans les réseaux de transports ferrés pouvaient être importants. Même s’ils sont par-
fois limités par certaines faiblesses à corriger dès que des nouvelles données seront
disponibles (voir la Conclusion Générale), nos résultats semblent suffisemment ro-
bustes pour s’autoriser quelques conclusions. Il est probable que les leçons tirées du
cas parisien puissent être transposées à d’autres aires métropolitaines oú le réseau
de métros joue un rôle central.
Les coûts liés à l’inconfort des déplacements devraient tout d’abord être plus sou-
vent pris en compte dans les recherches appliquées sur le choix modal, notamment
162
Conclusion
lorsqu’il convient de définir l’utilisation optimale des réseaux de métros. Des poli-
tiques de restriction de l’espace viaire ou de "road pricing" risquent ainsi d’induire
un report modal moindre. Ces mesures augmentent en effet le "temps perçu" des
déplacements et les pertes de bien-être liées à l’encombrement du réseau.
Selon la même logique, les analyses coûts-bénéfices des infrastructures ne vont plus
être seulement influencées par l’arrivée de nouveaux utilisateurs, i.e. le report modal,
mais également par le fait que les usagers présents sur les autres lignes valorisent le
confort de leurs déplacements. L’exemple du tramway est dans cette perspective trés
parlant. Etant donnés les projets en cours pour la région Ile-de-France, nous espè-
rons que les dimensions qualitatives des déplacements, dont le confort fait indénia-
blement partie, auront une place plus importante dans les discussions des décideurs
et les travaux des éconoomistes.
Finalement, nous nous sommes essentiellement basés sur une approche de choix
bi-modal. Il existe néanmoins d’importantes contraintes physiques et financières pe-
sant sur les réseaux routiers et ferrés parisiens. Ceci donne des justifications supplé-
mentaires aux politiques stimulant l’usage de modes alternatifs dans Paris, tels que la
marche à pied, les vélos ou les deux-roues motorisés. En sus de nécessiter peu d’es-
pace urbain et moins de ressources financières, des politiques stimulant ces modes
peuvent également participer à désengorger les réseaux de métros et limiter ainsi les
coûts liés à l’inconfort des déplacements.
163
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
3.8 A NNEXES
Tableau 3.11 – Distribution de la durée des déplacements dans la ligne 1 (en minutes)
0 1 2 3 4 5
Tableau 3.13 – Distribution de la densité de passagers dans la ligne 1 durant les inter-
views (en passagers/m 2 )
164
Annexes
Échantillon complet
Durée 0.08 0.08 - - -
Budget temporel - - 0.21 0.20 -
Densité 0.12 - 0.11 - 0.08
Note congestion - 0.09 - 0.10 ns
Age ns ns 0.10 0.09 ns
Cadre - - 0.16 0.17 -
165
3.8.3 P ROBABILITÉS PRÉDITES DU " CONSENTEMENT À PAYER POUR DU CONFORT " ET DU " SUR- DÉPLACEMENT "
Tableau 3.15 – Prédictions du "consentement à payer pour le confort" (en euros par déplacement)
0,0 0,0-0,5 0,5-0,8 0,8-1,0 1,0-1,5 1,5-2,0 2,0-2,5 >2,5
Durée <15 min 28,3% 5,0% 9,1% 14,4% 22,2% 8,1% 6,7% 6,2%
Durée 15-30 min 24,5% 4,6% 8,6% 14,1% 23,6% 9,2% 7,9% 7,5%
Durée >30 min 20,1% 4,1% 7,9% 13,8% 24,9% 10,4% 9,4% 9,4%
Densité <1,5 voy/m2 27,1% 4,9% 8,9% 14,3% 22,7% 8,4% 7,1% 6,6%
Densité 1,5-2,5 voy/m2 24,6% 4,6% 8,6% 14,2% 23,6% 9,1% 7,9% 7,5%
166
Densité >2,5 voy/m2 19,8% 4,1% 7,9% 13,7% 24,9% 10,5% 9,5% 9,6%
Note <3 26,7% 4,8% 8,9% 14,2% 22,6% 8,5% 7,2% 6,8%
Note =3 25,7% 4,7% 8,8% 14,2% 23,2% 8,8% 7,5% 7,1%
Note >3 22,0% 4,3% 8,2% 14,0% 24,4% 9,9% 8,7% 8,5%
Avoir les coudes serrés dans le métro parisien : étude du goût pour le confort des déplacements
Tableau 3.16 – Prédictions du "sur-déplacement" (en % de la durée d’un déplacement) Annexes
Durée <15 min 25,9% 19,7% 21,9% 11,7% 9,0% 3,1% 6,5% 2,2%
Durée 15-30 min 25,3% 19,5% 22,0% 11,8% 9,2% 3,2% 6,7% 2,3%
Durée >30 min 25,7% 19,7% 22,0% 11,7% 9,1% 3,1% 6,5% 2,2%
Densité <1,5 voy/m2 27,8% 20,3% 21,7% 11,1% 8,4% 2,9% 5,8% 2,0%
Densité 1,5-2,5 voy/m2 26,1% 19,8% 21,9% 11,6% 9,0% 3,1% 6,4% 2,2%
Densité >2,5 voy/m2 22,1% 18,4% 22,3% 12,8% 10,3% 3,7% 7,7% 2,7%
167
Note <3 26,6% 19,9% 21,8% 11,5% 8,8% 3,0% 6,2% 2,1%
Note =3 25,8% 19,7% 21,9% 11,7% 9,1% 3,1% 6,5% 2,2%
Note >3 25,0% 19,4% 22,0% 11,9% 9,3% 3,2% 6,7% 2,3%
168
C HAPITRE 4
Le remplacement d’un bus par un tramway à
Paris : coûts et bénéfices
4.1 I NTRODUCTION
En décembre 2006, la municipalité de Paris a fait remplacer une vieille ligne de bus
par une ligne de tramway dans le Sud de la commune.
169
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
teurs dénoncent l’inefficience économique des tramways mais également les biais
idéologiques et/ou politiques en leur faveur.
La ligne de tramway ouverte à Paris nous offre l’occasion de ré-ouvrir ce débat. Les
tramways sont actuellement à la mode en France (Carmona [2001], Orfeuil [2008a]) :
pour une municipalité, se doter d’une telle infrastructure est perçu comme un sym-
bole de modernité et comme une contribution à la lutte contre le réchauffement
climatique. Il s’agit là d’une attitude bi-partisane. La ligne de tramway que nous
considérons fut initialement á l’initiative de M. Tibéri, l’ancien Maire (classé "de
Droite"), puis mise en service sous le mandat de M. Delanoë, l’actuel Maire (classé
"de Gauche") 1 .
"Un désir nommé tramway" : si ce magnifique titre n’avait déjà été utilisé par Pi-
ckerell [1992], nous l’aurions certainement emprunté. En effet, la municipalité a (lo-
giquement) présenté le tramway comme un grand succès. Les médias ont quant à
eux chanté en choeur les louanges du projet. Faisant échos à Richmond [1998] et à
son constat de "mythologie" entourant les tramways, l’opinion publique était égale-
ment favorable, y compris la grande majorité des habitants n’ayant jamais vu ni pris
le tramway parisien. Comme le bon sens le suggère cependant, le projet tramway a
généré divers coûts et bénéfices. Il semble alors légitime de les identifier et de les
mesurer en vue d’en réaliser une évaluation transparente. Ceci nous apparaît d’au-
tant plus important que l’équipe municipale a décidé de prolonger l’expérience et
d’étendre le tramway vers le Nord de la capitale 2 .
Le reste de l’article est organisé comme suit. Dans la section (4.2), nous présentons
les caractéristiques du projet et la zone géographique d’étude. A l’aide de données de
trafic automobile et d’une enquête de terrain menée auprès de 1000 usagers du tram-
way, nous décrivons ensuite l’impact de cette infrastructure sur la répartion intra-
modale et inter-modale des déplacements dans cette zone. Dans la section (4.3),
170
Présentation du tramway des Maréchaux et de son impact sur la structure des déplacements
nous opérons alors aux calculs des variations de bien-être des voyageurs, que ce soit
pour les utilisateurs du tramway ou pour les automobilistes utilisant toujours (ou
croisant) le boulevard des Maréchaux. A ces variations de surplus, nous intégrons les
effets externes du projet. Ils sont constitués de la probable congestion additionnelle
sur le boulevard Périphérique adjacent, de la décongestion du métro parisien et des
changements dans les émissions de CO2. Concernant cette dernière dimension, la
section (4.4) accorde une attention particulière á la relation entre vitesse de circula-
tion et émissions de CO2. La section (4.5) aborde les données financières qui nous
permettent finalement de acaculer la Valeur Actualisée Nette du tramway des Maré-
chaux. Au regard des résultats, nous discutons dans la section (4.6) de la pertinence
des tramways comme infrastructures permettant de réduire le trafic automobile et la
congestion dans Paris.
Le tramway a été implantè sur une section de 7,9 kilomètres des boulevards des Ma-
réchaux, entre Porte d’Ivry et Pont du Garigliano (l’axe IG par la suite, voir la figure
(4.1)). Les déplacements sur cet axe sont d’une nature variée. La majorité de ces dé-
171
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
placements ne sont qu’une partie de déplacements bien plus longs, ayant une origine
et/ou une destination hors de la zone géographique concernée. L’agglomération pa-
risienne est en effet un ensemble cohérent et intégré, avec d’intenses échanges entre
ces différentes composantes, notamment entre la ville de Paris et les autres com-
munes (la banlieue pour le reste de l’article) 3 . Une minorité des déplacements sur
l’axe IG consistent donc en déplacements de proximité. Avant le lancement du tram-
way, l’axe IG était plutôt bien accessible pour les voitures et les camions. Il ne béné-
ficiait d’aucune ligne directe de métro mais était desservi par la ligne de bus "Petite
Ceinture", la plus fréquentée du réseau de bus parisiens.
172
Présentation du tramway des Maréchaux et de son impact sur la structure des déplacements
par les quantitées" (Prud’homme and Kopp [2008]) et nécessaire à la mise en "site
propre" du tramway 4 . La présente évaluation considère le projet tramway comme
un tout, i.e. avec ses trois composantes.
4.2.2 L ES DONNÉES
Le projet tramway a engendré des changements substantiels dans la structure des dé-
placements sur l’axe IG. Deux sources de données permettent de mesurer ces chan-
gements.
Nous avons choisi l’année 2003 comme année de référence car le tramway a été
contruit entre 2005 et 2006, perturbant largement les conditions de circulation sur
les boulevards des Maréchaux à ces dates. Le nombre de vkm est passé de 152800 par
jour en 2003 à 89500 vkm en 2007. Il s’agit donc d’un recul de 41% de l’usage des voi-
tures et des camions sur l’axe IG. Ces chiffres peuvent être traduits en passag er s ×
ki l omèt r es (pkm par la suite) en les multipliant par le taux d’occupation moyen des
véhicules, estimé pour l’Ile-de-France à 1,3. On obtient ainsi un nombre de déplace-
ments automobiles de 198000 pkm avant le projet, 116000 pkm après.
La deuxième source de données provient d’une enquête de terrain menée entre avril
4. Précisons que cette dernière composante fut importante dans le processus du choix collectif
préalable au lancement de l’infrastructure. Ainsi, un tracé alternatif passait par la "Petite Ceinture fer-
rée", i.e. ancienne voie ferrée à l’intérieur de Paris. Bien que permettant d’accueillir une infrastructure
dotée de capacités supérieures, ce tracé fut écarté en partie car il ne permettait pas de redistribuer la
voirie entre les véhicules automobiles et les autres modes de transport.
173
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
et mai 2007 auprès de 1000 utilisateurs du tramway, sur les quais de 10 stations 5 .
Pour nous assurer une sélection aléatoire des individus, les enquêteurs laissaient
passer un tramway avant d’interroger les deux premiers voyageurs se présentant sur
les quais 6 . Par ailleurs, les stations et les créneaux horaires d’étude (entre 7h du ma-
tin et 20h) ont été sélectionnés en fonction de leurs poids relatifs.
Bien que nous ne disposions pas d’information sur l’âge ou le revenu des personnes
interrogées, les statistiques descriptives font penser que le panel est relativement re-
présentatif des voyageurs parisiens (voir Annexe). Notre échantillon se compose ainsi
de 48% d’hommes. Les cadres représentent 22% de la population (24,7% d’employés
et 21% d’étudiants). Seuls 37% des individus disposent d’une voiture comme mode
de transport alternatif. Cette faible possession de véhicules automobiles concorde
avec la forte proportion de Parisiens dans notre panel (Couderc [2007]), environ 58%
des personnes interrogées. Les résidents des départements limitrophes à Paris, et
donc proches de l’axe IG, ont également un poids non négligeable (16% habitent
les Hauts-de-Seine, 13% le Val-de-Marne). Concernant les caractéristiques des dé-
placements, ils étaient en majorité réalisés pour un motif "domicile-travail" (à 55%),
à 13% pour des motifs d’"école" et à 12% pour les "loisirs". La commune d’origine ou
de destination est logiquement Paris la plupart du temps, i.e. pour respectivement
76% et 78% des déplacements. D’une manière générale, les usagers se déclaraient sa-
tisfaits du tramway, mode de transport qu’ils utilisaient entre 6 et 10 fois par semaine
(47%).
Les deux questions les plus importantes pour notre analyse coûts-bénéfices concernent
la longueur moyenne d’un déplacement réalisé en tramway ainsi que le mode de
transport utilisé avant son arrivée sur les boulevards des Maréchaux. Pour ce qui est
de la longueur moyenne d’un déplacement, on constate que le tramway est utilisé
pour une distance relativement courte. Environ 60% de l’échantillon prenait ainsi le
174
Présentation du tramway des Maréchaux et de son impact sur la structure des déplacements
7. Le nombre de déplacements automobiles ayant Paris pour origine et/ou destination est environ
de 2,3 millions par jour (Direction Régionale de l’Equipement d’Ile-de-France [2002]). Le report modal
induit par le tramway représente à peine 1 pour 1000 de ce chiffre.
8. Un nombre infime des personnes interrogées ont répondu qu’elles n’effectuaient pas ce dépla-
cement avant le lancement du tramway. Ce point soulève la question d’un éventuel trafic "induit".
Bien que cette option n’était pas explicitement mentionnée dans l’enquête, il est possible que la plu-
part des personnes concernées n’habitaient pas Paris auparavant, ou bien dans une autre zone géo-
graphique de la capitale. Il faut par ailleurs reconnaître que le tramway n’est qu’un sous-ensemble de
175
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Qu’en est-il des voyageurs qui utilisaient leurs voitures ou leurs camions sur l’axe IG
en 2003 ? Comme mentionné ci-dessus, ils étaient au nombre de 198000 pkm. Suite à
l’introduction du tramway, environ 59% d’entre eux continuent d’utiliser leurs véhi-
la chaîne des déplacements et sert le plus souvent à réaliser des voyages d’une plus longue portée.
Ainsi, 70% des répondants déclaraient utiliser un autre mode de transport durant leur déplacement.
Surtout, le tramway remplace un mode de transport (le bus) qui couvrait déjà relativement bien l’axe
IG. Comme nous le verrons plus loin, les avantages du tramway par rapport au bus sont réels. Mais
ils sont toutefois limités pour pouvoir générer un réel trafic "induit" à court-terme. Par conséquent,
nous avons omis dans le tableau (4.1) les réponses de cette catégorie d’utilisateurs.
176
Présentation du tramway des Maréchaux et de son impact sur la structure des déplacements
cules sur les boulevards des Maréchaux. En raisons de la hausse des prix des carbu-
rants et de la politique de restriction de l’espace viaire entreprise par l’équipe munici-
pale, on a toutefois observé sur la période un recul de la mobilité automobile estimé à
5% par les services municipaux. En l’absence de tramway, le trafic automobile sur les
boulevards des Maréchaux aurait vraisemblablement diminué d’un tel pourcentage.
Il faut également considérer le report modal vers le tramway. Il correspond environ
à 3,5% de la baisse de la circulation automobile sur l’axe IG. Comme illustré par le
tableau (4.2), une large part des automobilistes présents en 2003 sur les boulevards
des Maréchaux "manque à l’appel", i.e. 64000 pkm, soit 33%.
Une partie de ces 64000 pkm a peut-être été éliminée, génèrant ainsi un déclin de
la mobilité. Une autre part de ces pkm manquants continue très vraisembablement
d’être réalisés en voiture, mais sur d’autres axes de circulation. La figure (4.1) per-
met de comprendre que le boulevard Périphérique adjacent constitue un candidat
crédible. D’autres alternatives pourraient être les rues parisiennes plus ou moins pa-
rallèles à l’axe IG. Néanmoins, il n’existe que très peu de routes semblables et la plu-
part d’entre elles sont d’une étroitesse telle qu’elles dissuaderaient les automobilistes
de s’y aventurer, sauf au risque d’engendrer d’importants épisodes de congestion (et
donc d’inciter les voyageurs à emprunter le boulevard Périphérique). Pour les be-
soins de l’analyse, nous allons considérer que les pkm absents des boulevards des
Maréchaux sont aujourd’hui parcourus sur le boulevard Périphérique. La figure (4.2)
177
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Graphique 4.2 – Comportement des automobilistes sur les boulevards des Maré-
chaux
178
Présentation du tramway des Maréchaux et de son impact sur la structure des déplacements
Ce dernier équilibre ignore toutefois la possibilité qu’ont les voyageurs d’utiliser une
autre route pour traverser l’axe IG. Emprunter le boulevard Périphérique représente
un coût Pb (évidemment supérieur à Pa, sinon les utilisateurs l’auraient utilisé avant
le projet en lieu et place des boulevards des Maréchaux). Après le projet tramway, la
droite de demande est donc équivalente à la demande coudée PbCD. Elle croise Ob
en B, le nouvel équilibre. Avant le tramway, il y avait Qa voitures sur les boulevards
des Maréchaux (198000 pkm), Qb après le projet (116000 pkm). La différence entre
ces deux chiffres correspond aux véhicules qui ont été éliminés (Qa-Qc) ainsi qu’aux
véhicules déportés vers le boulevard Périphérique (Qc-Qb) 9 .
Nous devons maintenant allouer ces 64000 pkm manquants (QaQb) entre les dépla-
cements éliminés (Qa-Qc) et ceux désormais réalisés sur le boulevard Périphérique
(Qc-Qb). Ceci peut être fait en considérant le triangle CAF. Le nombre de déplace-
ments éliminés (FA) est fonction de l’élasticité de la droite de demande et de la hausse
relative du coût (Pb-Pa)/Pa. L’Annexe donne plus de détails sur les valeurs de l’élas-
ticité utilisées (Goodwin [1992], Litman [2006]) ainsi que la procédure pour estimer
CF (0,102 eu/pkm) et Pa (0,602 eu/pkm). Avec une élasticité de la demande de -0,4,
le nombre de pkm éliminés des boulevards des Maréchaux est égale à 5175. Avec une
élasticité de -0,2, cela donne 10350. Nous supposons que ce nombre est proche de
10000 pkm. Cela implique que le nombre de véhicules qui se sont déportés vers le
boulevard Périphérique atteint 54000 pkm 10 .
Le tableau (4.3) présente les changements de mobilité induits par l’arrivée du tram-
9. Par souci de simplification, et comme ils représentent un nombre infime, nous avons ignoré de
cette représentation graphique les déplacements éliminés à cause du report modal vers le tramway
ou de la baissse générale de la mobilité à Paris : ils pourraient être facilement introduits comme une
translation vers la gauche de la droite de demande.
10. Cette hypothèse semble supportée par deux arguments. D’après Koning [2010], on constate tout
d’abord que la vitesse de circulation sur la section Sud du boulevard Périphérique a connu une baisse
de la vitesse moyenne de circulation entre 2000 et 2007 plus importante que celle observée pour l’in-
tégralité de l’infrastructure , i.e. respectivement 37,9 km/h et 33,9 km/h (-10%) contre 45,9 km/h et
43,5 km/h (-5%). Cette évolution suggère une relation causale entre l’arrivée d’automobilistes sur le
boulevard Périphérique Sud et baisse de la vitesse. Il est par ailleurs notable que les pertes de temps
sur le boulevard Périphérique induites par un report depuis le boulevard des Maréchaux sont une des
craintes les plus récurrentes lors de l’enquête publique menée dans le cadre de l’extension du tram-
way vers le Nord de la capitale.
179
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
way sur l’axe IG. On observe que le projet a engendré : 1) d’importants transferts
intra-modes pour les transports publics (du bus et du métro vers le tramway), 2) un
report modal des voitures vers le tramway très limité et 3) d’importants changements
de route pour les voitures (des boulevards des Maréchaux vers le boulevard Périphé-
rique). La nouvelle offre de transports publics n’a pas provoqué une augmentation
significative de la mobilité. Celle-ci a même connu un très légère réduction sur l’axe
IG, de 5% environ. Nous pouvons maintenant estimer les divers bénéfices et coûts
associés à ces changements.
Il est possible d’estimer les gains de bien-être des utilisateurs du tramway à l’aide
de la figure (4.3). Elle représente la droite de demande de transport public sur l’axe
IG. La situation avant le projet est indiquée par le point A, avec Qa égale à 144000
180
Gains et pertes de bien-être pour les voyageurs de l’axe Ivry-Garigliano
Graphique 4.3 – Surplus des usagers des transports publics sur l’axe IG
pkm. Nous n’avons pas besoin de connaître Pa. Avec le tramway, nous sommes en
B, avec Qb égale à 256000 et un prix unitaire Pb. Dire que le tramway est mieux que
le bus revient à supposer que Pb<Pa. De combien ? Le remplacement du bus par le
tramway présente deux avantages : il fait gagner du temps et il améliore le confort
des déplacements.
Il est relativement aisé de calculer la variation de surplus économique issue des gains
de temps. Elle est représentée par la surface PaPbAB sur la figure (4.3). La vitesse est
passée de 16 km/h avec le bus à 18 km/h en tramway 11 . Cela correspond à à un gain
de 0,317 minute par pkm. Par contre, le temps d’attente en station est désormais su-
périeur en raison d’une fréquence moindre des tramways : il y avait en moyenne un
11. Ce chiffre provient du rapport de la Cours des Comptes (2010). Il est plus faible que la vitesse de
20 km/h initialement prévue.
181
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
bus toutes les 3,5 minutes, contre un tramway toutes les 4 minutes. Pour un dépla-
cement de 2,56 kilomètres, cela équivaut à une perte de temps de 0,100 minute par
pkm. Les gains de temps générés par le tramway s’élèvent donc à 0,217 minute par
pkm. Le coût d’opportunité du temps étant officiellement fixé à 10,2 euros par heure
pour 2007 (Commissariat Général du Plan [2001], Ministère de l’Equipement [2005]),
PaPb est donc égale à 0,037 euro par pkm. Avec Qa=144000 pkm, Qb=256000 pkm,
la surface PaPbAB est de 7384 euros par jour. En comptant 365 jours dans l’année 12 ,
nous trouvons un bénéfice de 2,69 M euros par an.
Il est bien plus difficile d’estimer les bénéfices résultant d’un plus grand confort des
déplacements en tramway, i.e sièges plus confortables, design des véhicules et des
stations, système d’informations aux voyageurs. Divers rapports techniques et aca-
démiques mettent pourtant en avant les dimensions qualitatives des voyages (Trans-
portation Research Board [1999], Wardman [2001], Mackett et al. [2004], Litman [2008],
Li [2003]), celles-ci modifiant le "coût généralisé" supporté par les usagers.
Intégrer les multiples facettes que recouvre le concept de confort nécessiterait d’avoir
recours à d’ônéreuses évaluations contingentes. Afin de prendre en compte l’amé-
lioration de confort que représente le tramway, nous reprenons Litman [2008]. Il
conclue son survey en stipulant qu’une amélioration des diverses dimensions quali-
tatives des voyages peut avoir un effet similaire sur le bien-être des voyageurs qu’une
hausse de la vitesse. Nous approximons donc les gains de bien-être liés à un plus
grand confort dans le tramway à 2,69 M euros par an.
Les pertes de temps pour les automobilistes ont trois sources que l’on peut identifier
à l’aide de la figure (4.2) :
1. Les pertes de temps des Qb voyageurs qui sont toujours sur les boulevards des
12. Il y a dans le tramway environ le même nombre d’utilisateurs durant le week-end ou la semaine.
182
Gains et pertes de bien-être pour les voyageurs de l’axe Ivry-Garigliano
Maréchaux mais qui circulent à une vitesse inférieure, i.e. la surface PbBEPa.
2. Le coût additionnel imposé aux Qc-Qb voyageurs par l’usage du boulevard Pé-
riphérique, i.e. la surface BCE.
3. La perte de bienêtre des Qa-Qb personnes qui cessent d’utiliser leur véhicule,
i.e. la surface CAF.
En d’autres termes, la perte totale de bien-être est représentée par la surface PbCAPa.
Avec Pb-Pa=0,102 euro par pkm 13 , Qc=178000 pkm et Qa=188000 pkm, cette perte est
égale à 18700 euros par jour, soit 6,72 M euros. Ce chiffre est très certainement une
estimation basse des pertes de temps. Elle ignore ainsi les véhicules commerciaux
qui représentent pourtant 20% environ de la circulation dans Paris et qui ont un coût
d’opportunité du temps (deux à trois fois) plus élevé 14 .
Le boulevard Périphérique est une autoroute urbaine très fréquentée et bien sou-
vent congestionnée. Un véhicule additionnel sur cette infrastructure baisse la vitesse
de circulation pour l’ensemble des véhicules présents, générant un coût marginal de
congestion. Comme discuté précédemment, il existe de bonnes raisons de penser
que le tramway et sa mise en "site propre" ont transféré vers le boulevard Périphé-
rique 42300 vkm quotidiennement. Ceci correspond à une externalité négative qu’il
convient d’estimer.
183
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Koning [2010] déduit d’une base de données la relation suivante pour la section Sud
du boulevard Périphérique. Elle décrit l’évolution de la vitesse de circulation (v(q))
par rapport à la densité de véhicules sur un kilomètre de cette infrastructure (q) :
Le coût marginal de congestion routière généré par un vkm sur le boulevard Périphé-
rique correspond à la dérivée de (I (q)) multipliée par le nombre de véhicules affectés,
i.e. la densité :
Nous présentons en Annexe les coûts marginaux de congestion différentiés selon des
184
Gains et pertes de bien-être pour les voyageurs de l’axe Ivry-Garigliano
classes de vitesses de 5 km/h. Ils sont presque négligeables pour des vitesses de circu-
lation supérieures à 50 km/h (0,1 euro par vkm) et deviennent très importants pour
les classes de vitesses inférieures (18 euros par vkm avec une vitesse de 7,5 km/h).
Les données utilisées par Koning [2010] nous informent sur la distribution du trafic
en 2000, par classes de vitesse de 5 km/h, sur la section Sud du boulevard Périphé-
rique. A l’aide des équations précédentes, nous pouvons donc calculer le coût mar-
ginal de congestion routi‘ere, en supposant que les vkm déportés des boulevards des
Maréchaux vers le boulevard Périphérique entrent sur cette dernière infrastructure
selon la même distribution que le trafic régulier. En procédant de la sorte, le coût ex-
terne de congestion routière engendré par le projet tramway s’élève à 30,4 M euros 15 .
La plupart des radiales utilisées par les voitures afin d’entrer dans (ou sortir de) Paris
sont perpendiculaires aux boulevards des Maréchaux, et donc à la ligne de tramway.
Ces intersections sont régulées par des feux de circulation. Contrairement aux bus
qu’il remplace, le tramway bénéficie de la priorité à ces intersections. Ceci impose
donc des pertes de temps aux automobilistes.
185
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Comme indiqué dans les tableaux (4.1) et (4.3), l’utilisation du métro parisien a baissé
de 98000 pkm par jour en raison du report modal vers le tramway. Le réseau de métro
parisien étant souvent saturé, cette baisse de la fréquentation doit se traduire par
des coûts de congestion moindres dans le métro. Il s’agit là de l’effet opposé à celui
considéré pour le boulevard Périphérique.
Ces bénéfices externes de décongestion sont difficiles à estimer. Il existe certes des
études, majoritairement qualitatives, discutant des effets des encombrements dans
les transports publics sur le stress et le bien-être des voyageurs (Wener et al. [2005],
Cox, Houdmont, and Griffiths [2006], Cantwell et al. [2009]). Peu d’entre elles relient
quantitativement l’utilité des passagers et le niveau de congestion dans les véhicules,
permettant ainsi d’approximer la variation de surplus induite par le désengorgement
des métros.
Nous reprenons Haywood and Koning [2011] qui ont mené une évaluation contin-
gente de la valorisation du confort des déplacements dans le métro parisien. En étu-
diant les "préférences déclarées" d’un panel de 600 utilisateurs du métro, Haywood
and Koning [2011] concluent que les voyageurs seraient prêts à rallonger la durée de
leurs déplacements de 5,7 ou 8,1 minutes (une augmentation de 29-42% du "buget
temps de transport") afin de jouir du niveau de confort des heures creuses durant les
heures de pointe, i.e. 2,4 voy/m 2 contre 1,3 voy/m 2 , soit environ -85%.
186
Les impacts du tramway sur les émissions de C02
euro par pkm. Sachant que 47% de l’utilisation du métro parisien a lieu durant les
heures de pointes, et faisant donc l’hypothèse que 47% des pkm maintenant réali-
sés dans le tramway l’étaient autrefois dans le métro durant les heures de pointe, on
trouve un bénéfice de décongestion égale à 3,2-3,8 M euros par an.
Ces estimations doivent être considérées avec prudence et nécessitent des recherches
ultérieures sur la thématique du confort des déplacements dans le métro parisien. Il
est toutefois notable que les gains de décongestion du métro parisien sont une com-
posante importante, si ce n’est primordiale, de la présente analyse coûts-bénéfices.
Le projet tramway a eu 5 impacts sur les rejets de CO2. Deux sont positifs. Ils pro-
viennent du remplacement des bus par le tramway et, dans une moindre mesure, du
report modal des voitures vers le tramway. Deux autres sont négatifs. Ils sont associés
au rallongement des déplacements automobiles ainsi qu’à la baisse de vitesse de cir-
culation des voitures et des camions. Le signe du dernier effet, relatif au déclin de la
mobilité, est inconnu. Il est nécessaire d’essayer de mesurer ces effets. Pour cela, un
détour par l’étude du lien entre émissions de CO2 et vitesse de circulation semble
utile.
187
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
16. A une vitesse de 5 miles/h (8,04 km/h) correspond une consommation d’essence de 10
miles/gallon (0,23 l/km). Cette relation est à peu près linéaire entre les deux points.
17. Une vitesse de 30 miles/h (48,3 km/h) correspond à une consommation de carburant de 30
miles/gallon (0,078 l/km).
18. Nous n’avons pas trouvé de relation similaire dans le cas français. Renault nous a toutefois com-
muniqué que pour les vitesses urbaines, passer de 10 km/h à 20 km/h équivaut à une économie de
carburant de 25%. Notre relation aboutit à une économie de 17%.
188
Les impacts du tramway sur les émissions de C02
La fréquence des bus "Petite Ceinture" remplacés par le tramway était de 17 véhicules
par heure durant les heures de pointe. En comptant volontairement 18 heures de
pointe, il y avait donc 306 bus sur l’axe IG, réalisant quotidiennement 2417 bus ×
ki l omèt r es (bkm). D’après les statistiques annuelles de la RATP (RATP [2008]), les
bus consomment 0,567 litre de diesel par bkm. Les bus éliminés des boulevards des
Maréchaux consommaient donc 1370 litres de diesel et émettaient 3,22 tonnes de
CO2 par jour, soit 1175 tonnes par an. En supposant que le tramway fonctionne avec
de l’électricité nucléaire, et que celle-ci ne génère pas de CO2 durant sa production,
le projet "économise" donc ces émissions.
Le tramway a induit un report modal quotidien de 8000 pkm depuis les véhicules
automobiles. Cela correspond à 6154 vkm conduits en moins. En supposant à nou-
veau une vitesse moyenne de circulation de 20 km/h en 2003, i.e. une émission de
CO2 correspondant à 0,439 kg/km, ces véhicules émettaient 2,87 tonnes de CO2 par
jour sur les boulevards des Maréchaux, i.e. 1035 tonnes par an. Ce n’est plus le cas en
2007.
189
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Nous avons estimé ce sur-coût à 2,4 minutes par voyage (voir Annexe). En considé-
rant une vitesse initiale de 20 km/h, ceci équivaut à une vitesse de 16,7 km/h après
le projet, i.e. une baisse de 17%. A l’aide de la relation émissions de CO2-vitesse, on
trouve donc une émission additionnelle de 27 grammes de CO2 par vkm conduit sur
les boulevards des Maréchaux. En multipliant cette différence avec le nombre de vkm
toujours présents sur l’axe IG (89500 vkm), on obtient 2,5 tonnes de CO2 émis en plus
quotidiennement, soit 900 tonnes par an 19 .
D’après notre hypothèse de détour vers le boulevard Périphérique, les véhicules qui
ont abandonné les boulevards des Maréchaux réalisent environ 800 mètres de plus
qu’auparavant. Par conséquent, ils consomment plus d’essence et émettent plus de
CO2. Ce phénomène concerne environ 43000 vkm quotidiennement. En consiérant
une distance moyenne de 4 kilomètres par véhicule, cela donne 10275 voyages. En
multipliant ce dernier chiffre par 800 mètres, nous trouvons donc 8460 vkm parcou-
rus en plus tous les jours afin de rejoindre le boulevard Périphérique. Avec une vitesse
moyenne de circulation de 20 km/h, i.e. 0,439 kg de CO2 par km, et 365 jours dans une
année, les émissions de CO2 supplémentaires se chiffrent à 1356 tonnes.
190
Les impacts du tramway sur les émissions de C02
Et :
CO2(q) = λ + µ × β + µ × β × q (4.6)
L’émission marginale de CO2 (CO2m (q)) causée par l’ajout d’un véhicule à un trafic
représenté par une densité q correspond à la dérivée de cette fonction multipliée par
q:
Il est alors aisé de calculer l’émission marginale de CO2 par classe de vitesse (et ni-
veau de densité correspondant). Il suffit ensuite de multiplier cette émission margi-
nale par le nombre de vkm additionnels dans chaque classe de vitesse, puis d’en faire
191
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
la somme 20 . En considérant 42300 vkm déportés des boulevards des Maréchaux tous
les jours, la baisse de la vitesse de circulation sur le boulevard Périphérique corres-
pond à un excès de 8,1 tonnes de C02 par jour, soit 2958 tonnes par an.
192
L’évaluation socio-économique du tramway des Maréchaux
Total 3004
Les informations relatives aux coûts financiers du projet sont plutôt rares. L’enquête
publique du projet tramway nous fournit essentiellement les données relatives aux
coûts ex ante de l’investissement initial, 341,8 M euros, et celles liées à l’exploitation
du tramway, 43,9 M euros (Franc et al. [2003]). L’expérience suggère que les coúts
de construction ex post connaissent une majoration, i.e. la "flambée des coûts" (?,
Flyvbjerg et al. [2002]). Nous supposons que ce ne fut pas le cas du tramway parisien
et que les estimations financières sont justes. Le projet étant intégralement financé
sur deniers publics, il est recommandé dans le cadre des analyses coûts-bénéfices de
multiplier la dépense d’investissement par le coût d’opportunité des fonds publics.
Celui-ci est officiellement fixé à 1,3 par le Commissariat Général au Plan français.
L’investissement initial se chiffre donc à 443,3 M euros.
Concernant les coûts opérationnels, nous sommes seulement intéressés par la diffé-
193
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
rence entre ceux associés au fonctionnement de l’ancienne ligne de bus "Petite Cein-
ture" et ceux du tramway. Cette position se justifie essentiellement par le fait que le
coût opérationnel marginal du tramway est proche de zéro. Les coûts opérationnels
des bus parisiens ne sont pas publiés. Á la place, la RATP fournit le coût opération-
nel moyen d’un voyage sur son réseau (comprenant les métros donc) : 1, 07 euro par
voyage (RATP [2008]). Les bus remplacés transportaient 55000 voyages quotidienne-
ment. Cela suggère que les coûts d’exploitation du bus "Petite Ceinture" étaient de
17,78 M euros par an. Si nous considérions le même coût unitaire pour le tramway,
nous trouverions un coût opérationnel 74% plus important, i.e. environ 13 M euros
en plus. Toutefois, nous avons de bonnes raisons de penser que le coût unitaire d’un
tramway est inférieur. Nous postulons donc que les coûts opérationnels du tramway
sont égaux à ceux des bus.
Concernant les paiements des utilisateurs des transports publics, ils sont peu affectés
par l’introduction du tramway. En effet, la très grande majorité des voyageurs dispo-
saient déjà d’un abonnement. Cependant, nous avons vu que le tramway a attiré 4300
nouveaux voyageurs par jour, i.e. les automobilistes. S’ils payaient tous le coût mo-
nétaire moyen de 0,64 euro par voyage 21 , les recettes de la RATP augmenteraient de 1
M euros par an. Néanmoins, il est vraisemblable qu’une partie des nouveaux utilisa-
teurs disposaient déjà d’un abonnement. Ces voyageurs prennent donc le tramway
à un coût marginal nul. Pour éviter toute critique, nous supposons qu’ils paient tous
l’intégralité du coût additionnel, étant néanmoins conscients qu’il s’agit là d’une sur-
estimation (sur un montant négligeable).
21. Ce chiffre est obtenu en divisant les recettes totales de la RATP issues des paiements individuels
par le nombre total de voyageurs empruntant le réseau (RATP [2008]).
194
L’évaluation socio-économique du tramway des Maréchaux
ante, i.e. avec la ligne de bus "Petite Ceinture" et l’ancienne voirie sur les boulevards
des Maréchaux. Certaines des estimations proposées sont plus fragiles que d’autres.
Deux en particulier nécessitent une certaine prudence : les gains de confort générés
par le tramway ainsi que les pertes de temps pour les automobilistes entrant ou sor-
tant de Paris. Nous aurions pu choisir de ne pas prendre en compte ces effets lors
du calcul de la Valeur Actualisée Nette du projet. Nous avons toutefois considéré que
des estimations fragiles étaient toujours mieux qu’aucune estimation : nous traitons
de changements dans la structure de la mobilité bien réels. Il nous semble important
de les identifier, de les discuter et d’essayer de les quantifier.
Externalités :
Congestion Périphérique - 30,40
Décongestion du métro + 3,80
Sur-émissions de CO2 - 0,30
195
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Une autre manière de présenter nos résultats consiste à annualiser le coût d’inves-
tissement et à l’additionner avec le solde entre bénéfices et coûts. Le coût annuel de
l’investissement est égal au coût d’opportunité du capital utilisé plus son amortisse-
ment. Avec un coût d’opportunité du capital de 4% et une période d’amortissement
de 30 ans, nous trouvons un coût anualisé du capital de -32,58 M euros. En y ajou-
tant le solde annuel entre coûts et bénéfices de -29,07 M euros, le coût annualisé total
atteint - 61,65 M euros.
4.5.3 D ISCUSSION
La première tient au fait que le projet tramway fut présenté comme un "tout" co-
hérent. Ainsi, il était nécessaire de réduire la taille de la voirie disponible pour les
véhicules sur les boulevards des Maréchaux afin de donner au tramway la priorité de
"site propre". La seconde remarque porte sur les bénéfices générés par le tramway :
même en ignorant les pertes infligées aux automobilistes, ils ne suffisent pas à jus-
tifier l’important investissement. Ces bénéfices atteignent 8,48 M euros, dont 1300
196
Conclusion
tonnes de CO2 économisées par an, soit un gain de 0,13 M euros. La Valeur Actuali-
sée Nette du projet, toujours calculée sur 30 ans et au taux de 4%, reste amplement
négative : - 298 M euros (voir Annexe).
Cette analyse repose sur des données correspondant à l’année 2007. Nous n’avons
pas essayé de prévoir les changements possibles dans la structure des déplacements
pour les 30 années à venir. Il est toutefois difficile d’imaginer que l’utilisation du
tramway va substantiellement augmenter dans le futur 22 Si jamais elle venait à aug-
menter, l’offre de tramway devrait également s’ajuster. Et ce à grands coûts ou alors
la congestion dans le métro se généraliserait à l’ensemble du réseau. Est-il ensuite
possible que l’extension du tramway sur le reste des boulevards des Maréchaux en-
gendre des "externalités de réseau" ? Celles-ci seraient vraisemblablement limitées
dans la mesure oú elles existaient déjà avec la ligne de bus "Petite Ceinture" et qui
dessert l’intégralité des boulevards des Maréchaux. Il est par ailleurs important de
noter que la durée nécessaire pour relier Pont du Garigliano à la Porte de la Chapelle
(terminus de l’extension en cours) prendra 1h et 15 minutes, contre 45 minutes en
utilisant le boulevard Périphérique.
4.6 C ONCLUSION
Cette recherche ne prétend pas être le dernier mot sur l’évaluation économique du
tramway parisien. Nous avons noté des lacunes théoriques et/ou factuelles nécessi-
tant des approfondissements futurs. Toutefois, nos résultats semblent assez robustes
pour autoriser quelques conclusions.
La ligne de tramway ouverte sur la section Sud des boulevards des Maréchaux est
un succès apparent. Elle a attiré les utilisteurs de la ligne de bus qu’elle a remplacée,
ainsi qu’un important (et imprévu) nombre d’utilisateurs des métros parisiens. Tous
22. La mobilité n’est pas en train d’augmenter à Paris. Elle a au contraire commencé à baisser depuis
plus de 10 ans.
197
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
ces voyageurs bénéficient au projet : ils se déplacent un peu plus rapidement qu’au-
paravant, et ce dans des conditions plus confortables. De plus, la décongestion du
métro améliore la situation d’un grand nombre de personnes. Ces bénéfices repré-
sentent environ 10 M euros par an. Il est intéressant de constater que le gain le plus
important provient du report modal depuis le métro et de la baisse de sa congestion.
Afin d’assurer la mise en "site propre" du tramway, une importante réduction de l’es-
pace viaire disponible pour les voitures sur les boulevards des Maréchaux a été si-
multanément décidée. Ces aménagements de la voirie ont eu pour conséquences
d’y augmenter la congestion routière et de réduire de 40% la circulation automobile
sur ces boulevards. Malgré les améliorations dans l’offre de transports publics et la
hausse du "coût généralisé" des déplacements en voiture, très peu d’automobilistes
ont opté pour le tramway. A peine 3% des utilisteurs du tramway utilisaient ainsi ce
mode de transport auparavant. Oú sont-ils passés ?
Il se peut que certains d’entre eux se soient découragés et ne se déplacent plus sur
l’axe IG. Nous avons fait l’hypothése, somme toute la plus vraisemblable, que la très
grande majorité de ces automobilistes utilisent aujourd’hui le boulevard Périphé-
rique, parrallèle et distant de 300 mètres. Les conséquences de ce report sur le sur-
plus économique sont considérables. Se faisant, les automobilistes empruntent en
effet des routes plus longues. Surtout, leur arrivée sur l’infrastructure engendre une
importante externalité de congestion routière.
Malgré certaines limites dans notre approche, il semblerait que le projet ne puisse
être sauvé par ses bénéfices environnementaux. Le remplacement des bus (fonction-
nant au diesel) par un tramway électrique ne réduit pas les émissions de CO2. La di-
minution des rejets est, ceteris paribus, plus que compensée par des déplacements
plus longs et la baisse des vitesses de circulation, que ce soit sur les boulevards des
Maréchaux ou sur le boulevard Périphérique.
Les tramways sont à la mode. Mais comme disait Jean Cocteau, "la mode, c’est ce qui
198
Conclusion
D’après Hensher [1999], les tramways sont des "engagements aveugles". Une telle
cécité permettrait donc de comprendre pourquoi le projet tramway a eu, et continue
d’avoir, la faveur des élus parisiens. L’extension actuelle du tramway vers le Nord des
boulevards des Maréchaux - pour un coût estimé à plus de 800 M euros - a rencontré
très peu d’opposition : les travaux sont déjà bien avancés et l’infrastructure sera mise
en service à la fin de l’année 2012.
23. La participation financière de la ville de Paris aux coûts financiers de l’infrastructure est de 15%
du montant total (Franc et al. [2003]).
199
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
4.7 A NNEXES
Commune résidence
Nombre 138 211 135 110 165 128 129
Pourcentage 13,60% 20,80% 13,30% 10,80% 16,20% 12,60% 12,70%
Commune origine
Nombre 176 325 185 83 112 66 69
Pourcentage 17,30% 32,00% 18,20% 8,20% 11,00% 6,50% 6,80%
Commune destination
Nombre 183 255 224 127 93 76 58
Pourcentage 18,00% 25,10% 22,00% 12,50% 9,20% 7,50% 5,70%
200
Annexes
Tableau 4.10 – Autres modes de transport utilisés par les voyagerrs du tramway, 70%
de l’échantillon
Métro Bus Voiture
201
Le remplacement d’un bus par un tramway à Paris : coûts et bénéfices
Les estimations du nombre de vkm éliminés par le projet tramway font référence à la
figure (4.2). Ce nombre est égale à Qa-Qc, ou FA, ou encore ∆q. Appelons ² l’élasticité
de la droite de demande en A. Nous avons :
∆q
q
²= ∆p
(4.8)
p
Et :
Pb −Pa
F A = ² ×Qa × (4.10)
Pa
Nous connaissons déjà Qa=152300 vkm par jour. Pour déterminer Pa, il nous faut le
coût d’opportunité du temps, le nombre de personnes par voiture, la vitesse auto-
mobile sur le boulevard des Maréchaux avant le projet et le coût fixe d’utilisation
d’un véhicule. La valeur du temps est officiellement fixée à 10,2 euros par heure pour
la région Ile-de-France en 2007 (Commissariat Général du Plan [2001], Ministère de
l’Equipement [2005])). Le taux d’occupation d’un véhicule est de 1,3 tandis que la vi-
tesse sur les Maréchaux en 2003 peut être estimée à 20 km/h. Le coût monétaire d’un
kilomètre équivaut quant à lui è 0,12 euro. Nous obtenons donc :
10, 2 × 1, 3
P a = 0, 12 + = 0, 783 (4.11)
20
Ce "coût généralisé" est exprimé en euro par vkm. La différence Pa-Pb représente le
sur-coût généré par le détour vers le boulevard Périphérique. Nous supposons que ce
détour revient à 2 fois 400 mètres, soit 800 mètres. Réalisé à une vitesse de 20 km/h,
le détour induit donc un coût additionnel de 10, 2 × 1, 3 × 0,8
20
=0,530 euro. En faisant
202
Annexes
l’hypothèse qu’un déplacement sur l’axe IG est de 4 kilomètres, nous trouvons Pb-
Pa=0,133 euro/vkm. Concernant l’élasticité de la demande, Litman [2006] ou Good-
win [1992] proposent des valeurs comprises entre -0,6 et -0,8. Ces élasticités corres-
pondent toutefois à des voyages entiers. Elles sont donc inappropriées pour des dé-
placements automobiles sur l’axe IG, ceux-ci étant vraisemblablement une portion
de déplacements plus longs. La demande sur les boulevards des Maréchaux est donc
plus inélastique relativement au prix d’utilisation de l’axe IG. Pour cette raison, nous
retenons une élasticité moindre, i.e. -0,3.
Avec ces différentes valeurs, nous trouvons FA=Qa-Qc=7760 vkm, ou bien (à l’aide
du taux d’occupation d’un véhicule) 10000 pkm environ. Ce nombre correspond aux
pkms éliminés des Maréchaux. Ils représentent environ 16% des pkms "absents". Les
84% restant correspondent aux personnes utilisant toujours leurs véhicules, mais do-
rénavant sur le boulevard Périphérique. Bien évidemment, ce résultat est sensible è
la valeur de l’élasticité demande retenue. Avec une élasticité de -0,2 la part des vkm
éliminés descend à 11%. Avec -0,4, nous trouvons 22%.
203
4.7.3 E XTERNALITÉS DE CONGESTION ET ENVIRONNEMENTALE SUR LE BOULEVARD P ÉRIPHÉRIQUE
Tableau 4.11 – Coûts marginaux de congestion et émissions marginales de CO2 sur le boulevard Périphérique Sud
Vitesse Densité Distribution Coût marginal Report viaire Externalité congestion Émissions marginales Externalité CO2
(km/h) (veh/km) (%) (eu/vkm) (vkm) (euros) (kg/vkm) (kg)
204
52,5 124 0,029 0,16 1242 196 0 0
57,5 106 0,056 0,11 2382 266 0 0
62,5 87 0,096 0,08 4073 316 0 0
67,5 68 0,149 0,05 6301 327 0 0
72,5 49 0,183 0,03 7752 251 0 0
> 75 1 0,142 0,00 6005 4 0 0
Externalités :
Congestion Périphérique pm
Décongestion du métro + 3,80
Sur-émissions de CO2 + 0,13
205
206
C HAPITRE 5
Conclusion Générale
Plutôt que de redétailler les conclusions propres à chaque chapitre, nous répondons
maintenant aux grandes questions qui ont motivé ce travail de thèse. Viennent en-
suite une discussion sur les liens entre congestion, dynamiques récentes dans la zone
centrale parisienne et politique municipale des transports, ainsi qu’une brève pré-
sentation des travaux en cours.
207
Conclusion Générale
par rapport au niveau optimal, i.e. niveau d’utilisation des routes tel que les auto-
mobilistes "internalisent" le coût externe de leurs décisions. Pour une infrastructure
comme le boulevard Périphérique, le coût de l’inefficience s’élevait à 130-160 M eu-
ros en 2007. L’extrapolation de ces résultats à l’ensemble de la France suggère que
les pertes de bien-être liées à l’externalité de congestion routière atteignent 0,05% du
PIB national. Avec les approches "naïve" et "internalisante", ce ratio augmenterait
à 0,12% et 0,13% respectivement, soit environ 2,5 fois supérieur. Une fois monétari-
sées, les différences de définitons du phénomène sont donc considérables.
Cette mesure de 0,05% constitue une estimation basse des pertes de bien-être 1 . Elle
cache par ailleurs une importante hétérogénéité. Ainsi, les pertes de bien-être va-
rient considérablement selon l’échelle temporelle : ce sont essentiellement durant
les heures de pointe que se concentrent les pertes de temps (70% dans le cas du
boulevard Périphérique), pour une part relativement modeste de l’utilisation totale
des routes (30% des kilomètres parcourus). Mais également selon l’échelle spatiale :
l’Ile-de-France apparaît comme un territoire fortement marqué par l’externalité de
congestion. Les pertes de bien-être y représentent une fraction bien plus importante
du PIB régional (0,14%), et encore davantage (0,18%) si on regarde le revenu régio-
nal, indicateur plus à même de décrire le coût d’opportunité pour les ménages fran-
ciliens.
1. Car oubliant les coûts issus d’une allocation inefficiente de la voirie dans les centre-villes ainsi
que ceux liés aux ajustements des conducteurs franchissant un "goulot d’étranglement" (de Palma
and Fosgerau [2010]). Il se peut également que la valeur du temps retenue soit faible.
208
Conclusion Générale
ont ainsi déclaré être disposés à augmenter (en moyenne) de 30% la durée de leurs
déplacements afin de jouir du niveau de confort des heures creuses durant les heures
de pointe, i.e. une baisse moyenne de la densité de voyageurs dans les trains de 85%
environ. Ainsi approximée, la perte de bien-être issue la congestion dans les métros
est loin d’être négligeable.
Obtenu pour le cas parisien, ce résultat constitue une borne inférieure des estima-
tions trouvées pour les réseaux ferrés anglais ou australiens (Li and Hensher [2011],
Wardman and Whelan [2011]). Son équivalent monétaire reste toutefois deux fois su-
périeur au coût financier directement supporté par les utilisateurs du métro parisien.
Il est par ailleurs intéressant de constater qu’il ne diverge pas fondamentalement de
la valeur tutélaire de 50% (discrétionnairement) proposée par le Commissariat Géné-
ral du Plan [2001] ou des résultats trouvés sur le réseau régional francilien (Debrincat
et al. [2006]). S’il n’estime pas le coût "économique" de la congestion dans les métros
tel qu’opéré pour les routes, le troisième chapitre a également permis de souligner
que l’effet externe lié au confort des déplacements en métro est conséquent (0,23-
0,28 eur o/passag er × ki l omèt r e). Certes inférieur au coût marginal de congestion
routière, il dépasse les coûts externes des autres "maux" de la mobilité urbaine (émis-
sions de CO2, le bruit des véhicules automobiles ou les risques d’accidentalité, voir
Quinet [2004], de Palma and Zaouali [2007], TERM [2005]).
209
Conclusion Générale
2. L’étude prospective estime à 6% le report modal depuis la voiture, nous obtenons 3%. Par
ailleurs, les gains de temps étaient calculés (avec une valeur du temps supérieure, 13 euros par heure)
sur la base de déplacements entre Porte d’Ivry et Pont-du-Garigliano (7,9 kilomètres) tandis que nous
trouvons une longueur moyenne de 2,6 kilomètres.
210
Conclusion Générale
Finalement, les trois chapitres de cette thèse ont numériquement illustré que la conges-
tion avait augmenté dans les transports à Paris depuis le début des années 2000. Sur
le boulevard Périphérique, un peu plus d’heures ont été "consommées" en 2007 en
raison d’une vitesse inférieure (-5%), et malgré un trafic en légèrement en baisse (-
2%). Le coût "économique" (+6% entre 2000 et 2007) lié à l’allocation inefficiente
de la voirie a suivi la croissance des déplacements les plus marqués par l’externa-
lité, i.e. réalisés à basses vitesses. A l’instar des aménagements de la voirie en fa-
veur des bus, le retour du tramway dans Paris a fortement réduit la vitesse de cir-
culation automobile sur le boulevard des Maréchaux (baisse estimée à 15% environ).
Même s’ils sont moins nombreux en 2007 (-30%), les automobilistes s’y "gênent" plus
qu’auparavant car disposant d’un espace viaire réduit pour se mouvoir. Surtout, le
confort des déplacements réalisés sur les réseaux ferrés s’est dégradé durant la pé-
riode d’observation (la densité moyenne de passagers dans les trains a augmenté de
8%). L’offre de métros et de trains régionaux n’ayant pu suivre le même rythme que la
demande (+13% environ), un plus grand nombre de voyageurs imposent aujourd’hui
leur "proximité" dans les trains à un plus grand nombre "d’autruis".
3. On pourrait inclure les usagers du bus dont la fréquentation a baissé, avec des gains de confort
donc.
211
Conclusion Générale
4. D’après la "condition d’indifférence", le "coût généralisé" du métro en 2000 est supérieur à celui
de l’automobile pour un automobiliste. Si ce voyageur est dans le métro en 2007, son utilité a dû se
dégrader car le "coût généralisé" du métro a lui-même augmenté. Ceci n’est pas forcément vrai si un
problème informationnel biaisait le choix modal en 2000 : un automobiliste pourrait ainsi "découvrir"
que prendre le métro aurait pu lui faire gagner du temps bien avant ce report modal "forcé". Cet ef-
fet, lié à la perception du temps de transport (Li [2003], Van Exel and Rietveld [2010]), pourrait avoir
fortement joué pour les nouveaux utilisateurs de deux-roues motorisées dans Paris.
5. On obtient ce résultat en divisant le nombre de kilomètres parcourus dans Paris en 2000 et 2007
avec les vitesses moyennes correspondantes (voir l’Introduction Génénrale). En écartant le boulevard
Périphérique, et en reprenant les chiffres présentés dans l’Introduction Générale, on trouve 404 M
heures en 2000 et 325 M heures en 2007.
212
Conclusion Générale
5.2 D ISCUSSION
L’évolution des coûts de transport est intimement liée aux choix de localisation des
agents au sein d’une agglomération (Fujita [1989], Quinet and Vickerman [2004],
Glaeser [2008]). Jusque là, nous avons omis de commenter l’évolution récente des
ces derniers dans la zone centrale parisienne. Les données du Rencensement Gé-
néral de 2008 ont constitué à cet égard une réelle surprise pour les observateurs.
Elles soulignent en effet que la hausse de la congestion est allée de pair avec un ap-
parent regain d’attractivité de la zone centrale. La municipalité de Paris a ainsi vu
l’"hémoragie" se stopper et a gagné 90000 habitants entre 1999 et 2008 (+4%, don-
nées Insee). Les emplois participent également à ce "retour vers le centre" puisque
leur nombre augmente de 8% sur la période (données Insee). Dans ces conditions,
la hausse de la congestion dans les transports pourrait paraître quelque peu méca-
nique. Si la stabilité de la mobilité globale observée dans le tableau (1.6) nous place
face à un paradoxe 6 , le "réveil" de Paris impliquerait logiquement des nouveaux be-
6. Cette stabilité du nombre de kilomètres intéressant Paris pourrait s’expliquer par deux facteurs.
Les individus pourraient tout d’abord faire des déplacements de plus courtes distances en 2007, i.e.
moins de kilomètres. Par ailleurs, il se pourrait que chaque personne se déplace un peu moins au-
jourd’hui. Bien que les sources statistiques diffèrent et appelent à la prudence, cette dernière obser-
vation semble vérifiée. D’après les données de l’Enquête Globale Transport (2002), les Parisiens se
déplaçaient 3,6 fois par jour, 3,48 pour les habitants de la Petite Couronne. Pour 2008, les données de
l’Enquête Nationale Transport indiquent que le nombre de déplacements moyen est passé à respecti-
213
Conclusion Générale
On ne saurait discerner ici le rôle joué par l’externalité de congestion dans le renou-
veau de la "demande pour la centralité" 7 . Nous pouvons toutefois faire remarquer
que la croissance de la population parisienne a été accompagnée en début de pé-
riode par une croissance du revenu imposable plus forte dans la capitale que dans le
reste de l’agglomération (+9,7% entre 1999 et 2003, contre +5,6% et +7,8% pour res-
pectivement les Petite et Grande Couronnes, Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]).
Cette observation est donc compatible avec l’arrivée dans Paris d’individus cher-
chant d’autant plus à "économiser" leurs temps de déplacements que le coût d’op-
portunité de celui-ci est important 8 . Selon le même schéma, la hausse des coûts de
transport intéressant Paris s’y est suivie d’une "flambée des prix" immobiliers un peu
plus prononcée que dans le reste de l’Ile-de-France ou du pays 9 . Si la capitale a vu
légèrement baisser entre 2000 et 2004 sa part dans l’offre régionale de nouveaux lo-
gements (Beaucire [2007]), la corrélation positive entre coûts pour se déplacer dans
Paris et prix pour y habiter est conforme à la prédiction théorique de "tyrannie du
sol" (Fujita [1989], Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]).
Cette dernière observation force donc à nuancer la "bonne nouvelle" que constitue
le retour de la population et des emplois dans Paris. La hausse des prix de l’immo-
bilier y rend en effet plus difficile l’accession à la propriété. Elle profite essentiel-
lement aux ménages qui sont dans "leurs" murs, minoritaires (33% de proprétaires
dans Paris en 2008 et 61% de locataires, données Insee), et pourrait se répercuter sur
le marché locatif. Malgré la hausse du revenu imposable des Parisiens, il existe par
ailleurs d’importantes disparités des conditions de vie au sein de la capitale (Pinçon
vement 3,4 et 3,3 par jour (Caenen et al. [2010]). Ceci correspond à une baisse de -3% et -5%.
7. Nous sommes en effet face à un problème de "causalité inverse" : comme il est plus difficile
d’accéder au centre, les individus essaient de s’en approcher, ce qui sature en retour les infrastruc-
tures. Seule une réelle étude sur les motivations des "néo-parisiens" pourrait juger le rôle joué par la
congestion dans ces nouveaux choix de localisation.
8. Il se pourrait également que la croissance du revenu dans Paris attire des individus, autre "cau-
salité inverse".
9. L’indice moyen (appartement et maisons) des prix de ventes (issu de la base notariale) est ainsi
de 214 pour Paris en 2007, contre 206 pour l’Ile-de-France et 207 en France (base 100 en 2000).
214
Conclusion Générale
L’"étalement" de l’Ile-de-France semble donc s’être prolongé depuis le début des an-
nées 2000, avec les problèmes liés au "développement durable" que suppose cette
tendance. A ces défis (déjà présents en 2000) s’ajoutent ceux concernant la compéti-
tivté et l’attractivité régionale (également présents en 2000). La croissance de la po-
pulation et des emplois en Ile-de-France reste en effet inférieure à celles enregistrées
au niveau national (respectivement +4% et +11% pour l’Ile-de-France entre 1999 et
2008, +6% et +13% en France, données Insee). Entre 1999 et 2003, le revenu impo-
sable des habitants des Couronnes augmentait par ailleurs moins vite que celui de
leurs homologues "banlieusards" dans le reste de la France (Huriot and Bourdeau-
Lepage [2009]) 10 . Surtout, la productivité des franciliens augmente désormais au
même rythme que celle des autres français (+25% entre 2000 et 2007, données Euro-
stat), suggérant un épuisement des gains liés à l’agglomération des activités écono-
miques (Davezies [2007]). Cette conclusion est compatible avec les arguments intro-
ductifs reliant "taille effective du marché du travail", congestion des infrastructures
de transport dans la zone centrale et "sur-productivité" urbaine (Prud’homme and
Lee [1999], Cervero [2001]).
10. Les habitants de la "Banlieue" de l’aire urbaine de Paris ont vu leur revenu imposable augmen-
ter de 5,6%, ceux de la "Couronne Péri-urbaine" de 7,8%. Dans le reste de la France (hors Paris), ces
taux de croissance sont respectivement de 7,8% et 9,7%. Toujours dans les autres aires urbaines fran-
caises, on observe que c’est dans le "Centre" que le revenu imposable augmente le moins vite (+5,8%),
contrairement à Paris (Huriot and Bourdeau-Lepage [2009]).
215
Conclusion Générale
Le jugement négatif sur la hausse de la congestion dans les transports va dans le sens
d’une profonde remise en cause de l’action muncipale engagée depuis 2001. Bien
que des forces pré-existaient, il est en effet incontestable que la politique de "régula-
tion par les quantités" a joué un rôle décisif dans la dégradation générale des condi-
tions de transport. Le choix de réduire les vitesses de circulation automobile dans
Paris entre en totale contradiction avec les fortes valorisations faites des temps de
déplacement. A l’instar du tramway des Maréchaux, toute politique qui rallonge la
durée des voyages individuels sera déconsidérée par le calcul économique car impli-
quant des pertes de bien-être collectif.
Il est tentant de détailler un peu plus ce signal. En réduisant les vitesses automobiles
et en privilégiant les circulations "douces", l’action "anti-voiture" semble chercher à
216
Conclusion Générale
Étudiant les préférences des ménages "révélées" par leurs achats immobiliers, la mé-
thode des "prix hédoniques" permet de valoriser les différents attributs des loge-
ments (Cavailhès [2005]). Elle a été utilisée dans le cas parisien pour évaluer l’in-
fluence de la carte scolaire (Fack and Grenet [2010]) ou bien la rénovation de quar-
tiers sensibles (la "Goutte d’Or" par exemple, Barthélémy, Michelangeli, and Trannoy
[2010])). Deux études récentes abordent certains des changements induits par la po-
litique municipale des transports et négligés dans cette thèse. Elles aboutissent à des
conclusions mitigées.
Bureau and Glachant [2010] s’intéressent à la politique des "quartiers verts" et des
"quartiers tranquilles" consistant à limiter drastiquement l’accès de ces zones au tra-
fic automobile (vitesse limitée à 30 km/h, stationnement de transit rendu plus diffi-
cile) et à redistribuer la voirie aux mobilités "douces" (marche à pieds et vélos). Ils
observent que les aménagements accompagnant la création de ces quartiers ont en-
gendré une légère hausse des prix immobiliers par rapport à la moyenne parisienne
(+3% pour les "quartiers verts" et +1,5% pour les "quartiers tranquilles"). Traduisant
11. Nous avons noté dans le quatrième chapitre que les véhicules en moins sur le boulevard des Ma-
réchaux se "remarquaient" davantage que ceux en plus sur le boulevard Périphérique. Nous pourrions
dire qu’il en est de même des personnes "disparues" sous terre, i.e. dans le métro.
217
Conclusion Générale
bien une demande pour les aménités visées par la politique des transports (moins de
bruit, moins de pollutions, moins de vitesse, plus de verdure), l’effet reste toutefois
modeste. Surtout, le différentiel de prix semble essentiellement influencé par l’am-
pleur des investissements publics consentis.
Dans le cas du tramway des Maréchaux, il est notable que l’effet du nouvel envi-
ronnement urbain sur les prix de l’immobillier n’est pas statistiquement différent de
zéro. Boucq, NGuyen-Luong, and Papon [2011] observent ainsi que la mise en service
du tramway n’a été suivie d’aucune capitalisation immobilière. Cette conclusion est
opposée à celles usuellement obtenues pour ce genre d’infrastructure (Fritsch [2007],
Bowes and Ihlanfeldt [2001], Gatzlaff and Smith [1993]). Sans pour autant remettre en
cause l’"embellissement" des boulevards des Maréchaux, elle suggère donc que les
aménités "désirées" aujourd’hui par les Parisiens ne sont pas nécessairement celles
que tente de promouvoir la politique municipale des transports 12 . En dépit de l’im-
portant investissement public, le résultat du tramway pourrait surtout s’expliquer
par les très faibles gains d’accessibilité que génère l’infrastructure 13 . Ainsi interprê-
tées, les "préférences révélées" des Parisiens pencheraient donc davantage pour le
"désir de vitesse". La hausse de la congestion induite par la politique municipale des
transports reste alors une conclusion négative.
Une autre manière d’analyser les réponses individuelles au signal envoyé par la po-
litique municipale des transports consiste à regarder l’évolution (entre 2001 et 2008)
du choix modal des Parisiens. Bien que les sources statistiques disponibles diffèrent
(Couderc [2007], Caenen et al. [2010] 14 ), trois tendances se dégagent de cet exercice.
Elles vont logiquement dans le même sens que nos observations précédentes. Utili-
12. Les demandes d’aménités s’orienteraient vers le capital humain ou social (des voisins et des
écoles), la vie culturelle plus intense. La dimension "‘production"’ ne doit touefois pas être négli-
gée dans les choix de localisation. Ainsi, Paris peut être une localisation indispensable pour exercer
certains métiers (notamment ceux liés aux activités "créatives"), seul et encore plus lorsque les deux
personnes du couple exercent ce type de profession.
13. Si les nouveaux résidents utilisent leurs voitures, la zone est même devenue moins accessible.
14. Pour 2001, nous reprenons les données de la Direction Régionale de l’Equipement d’Ile-de-
France [2002]. La prochaine version de l’Enquête Globale sera disponible courant 2012. Pour 2008,
nous utilisons les données de l’Enquête Nationale Transport qui comprend un panel de Parisiens
(Caenen et al. [2010]).
218
Conclusion Générale
sant déjà peu leurs voitures en 2001 (18% des déplacements), les Parisiens ont encore
réduit leur usage de ce mode de transport : 12% en 2008. Inversement, les transports
en commun voient leur importance légèrement croître sur la période (32% des dépla-
cements en 2001, 34% en 2008). Ce sont surtout les deux-roues (motorisés ou non)
qui ont été les plus sollicités. Alors qu’ils représentaient moins de 3% des déplace-
ments des Parisiens en 2001, leur part atteint environ 7% en 2008 (dont 4,1% pour les
motos et 2,7% pour les vélos). La marche à pieds reste quant à elle a peu près stable
(47% des déplacements).
15. Ifop (pour le Journal du Dimanche), "Les Parisiens , la politique municipale de circulation et le
souhait de victoires pour les prochaines élections municipales", octobre 2006. Disponible en ligne.
16. D’après ce sondage, 53% des individus approuvaient la politique muncipale de régulation de la
circulation, les 47% y étant opposés. Les automobilistes désapprouvaient cette politique à 68%, ceux
qui ne conduisaient pas dans Paris à 42%.
17. Sondage Ifop et Fiducial (pour Paris Match), "Le cilmat politique à Paris", janvier 2008. Dispo-
nible en ligne.
219
Conclusion Générale
une grande part de son temps dans des modes ayant vu les conditions de voyage se
dégrader). Autrement dit, le signal envoyé par la politique municipale des transports
aurait eu des effets ambivalents. Bien que la (plus large) majorité dont disposait Ber-
tand Delanoë en 2008 (Pinçon and Pinçon-Charlot [2008]) limite la portée de nos
propos, on pourrait interprêter le changement de coloration politique de l’adjoint
municipal aux transports comme une tentative pour appaiser les craintes de Pari-
siens devant faire face à des conditions transport de plus en plus pénibles 18 .
Pour clore cette discussion, soulignons que la hausse de la congestion dans la zone
centrale parisienne tend à accroître les inégalités socio-territoriales déjà fortement
marquées en Ile-de-France au début des années 2000 (Wenglenski [2007], Gobillon
and Selod [2007]). S’ils représentaient 89% des déplacements motorisés dans Paris
en 2001 (Courel et al. [2005]), les Parisiens comptaient en effet pour moins de 25%
de ceux reliant la capitale aux Petite et Grande Couronnes. Dans la mesure oú seuls
les deux-roues motorisés peuvent servir de réel substitut aux trains régionaux ou aux
voitures sur ce type de liaison, on comprend que les habitants des Couronnes ont cer-
tainement été les plus touchés par la hausse de la congestion. Sachant que le volume
des déplacements entre Paris et sa banlieue dépassait de 38% celui des voyages réali-
sés dans la "ville lumière" en 2001 (Courel et al. [2005]), les tendances observées dans
cette thèse sont condamnables au niveau régional, et pas uniquement au niveau de
la zone centrale. La place qu’occupaient les transports dans les élections régionales
de 2010 atteste de ces préoccupations.
18. Les Verts ont cédé le poste à une représentante du Parti Socialiste.
220
Conclusion Générale
Ce travail de thèse nous incite à vouloir mieux apprécier certains thèmes en liens
avec les transports parisiens : Dans quelle mesure l’évolution des coûts de transport
a-t-elle participé à modifier les choix de localisation des ménages et des entreprises
au sein de l’agglomération parisienne ? Comment la structure du financement des in-
frastructures modifie-t-elle les choix publics en la matière ? Quelle améliorations ap-
porter au réseau de bus parisiens afin d’accroître son attractivité ? Quelles contraintes
la subventions des transports en commun fait-elle peser sur les finances publiques ?
Quel ont été les impacts de la politique municipale de stationnement ? Le temps étant
la "ressource la plus rare" (Crozet and Joly [2004]), son allocation future sera toutefois
destinée à terminer les travaux de recherche en cours. Ces trois travaux prolongent,
plus ou moins directement, la présente étude de la congestion dans les transports à
Paris.
Afin de remédier aux faiblesses du troisième chapitre, nous avons mené une nouvelle
évaluation contingente du confort des déplacements entre novembre 2010 et janvier
2011 19 . Ainsi, nous nous sommes rendus sur les quais des ligne 1 et 4 du métro pari-
sien pour interroger plus de 1000 voyageurs, durant les heures de pointe du matin et
du soir.
221
Conclusion Générale
Par rapport à la première étude, nous disposons d’une bien meilleure description du
confort dans les trains. Nous avons en effet utilisé un support visuel avec 7 niveaux
de fréquentation. Les voyageurs y indiquaient leur "point de référence" durant les
heures de pointe. L’amélioration hypothétique de confort proposée aux usagers était
quant à elle déterminée de manière aléatoire. Une procédure aléatoire fut également
utilisée pour les enchères temporelles, autorisant ainsi le traitement des "biais de
première enchère" (Flachaire and Hollard [2007]). Connaissant la station de descente
des individus, nous sommes capables de reconstituer fidèlement le "vécu" de leurs
voyages (temps objectif, densité moyenne, densité maximum) à l’aide de données
fournies par la RATP. Finalement, un cinquième du panel était consacré à l’étude du
"consentement à recevoir", i.e. un déplacement plus rapide mais moins confortable.
20. Nous n’avons par encore opéré aux calculs du taux d’échange marginaux entre temps de dé-
placement confortable et inconfortable comme dans Whelan and Crockett [2009] ou Douglas and
Karpouzis [2006].
222
Conclusion Générale
Bien qu’il représente une part infime des kilomètres parcourus dans Paris (1,3% en
2007, voir l’Introduction Générale), le vélo constitue vraisemblablement un levier
d’action efficace pour diminuer le coût social des transports (CCTN [2009], Papon
[2002], Orfeuil [2008b]). S’il peut rarement se substituer aux déplacements automo-
biles, le vélo présente des avantages certains par rapport au métro dans la zone cen-
trale parisienne, à commencer par la relative faiblesse des investissements qu’il né-
cessite. La croissance continue de la fréquentation du "Vélib" démontre bien une
"préférence révélée pour le vélo", à l’instar de l’évolution du choix modal des Pari-
siens commentée auparavant.
Afin d’estimer les coûts et les bénéfices liés à l’utilisation du vélo dans Paris, une en-
quête de terrain a été menée durant le mois de novembre 2010 21 . Plus de 160 cyclistes
(dont 50% d’utilisateurs de vélo privé) ont ainsi été interrogés dans cinq zones de la
capitale. Le questionnaire comportait 25 questions sur les caractéristiques du dépla-
cement (motif, temps, autre mode utilisé), la pratique présente et passée du vélo, les
facteurs ayant poussé les individus à changer de mode de transport (lorsque tel était
le cas), les gènes liées à l’utilisation des vélos dans Paris. Bien que nous n’ayons pas
encore l’intégralité des données financières sur les investissements physiques, nous
avons également collecté des informations sur les différentes composantes du "coût
généralisé" de chaque mode (argent, taxes, alimentation).
Le premier traitement des données montre que 30% des utilisateurs des vélo privé
n’étaient pas familiers de ce mode de transport en 2007, plus de 70% concernant
les "consommateurs" du "Vélib". Le déplacement moyen est par ailleurs de 3,5 kilo-
mètres, soit une durée moyenne de 23 minutes. Environ 50% environ des nouveaux
cyclistes proviennent du métro, le bus et la marche à pieds constituant les deux autres
principales origines modales (respectivement 18% et 10%). Avec la santé et les gains
223
Conclusion Générale
de temps, la pénibilité des transports en commun est le facteur le plus souvent cité
pour justifier le changement modal. Les premiers gains de bien-être calculés pour
les cyclistes ou la collectivité (via les externalités disparues) augurent un bilan socio-
économique favorable pour ce pan de la politique parisienne des transports.
Afin d’analyser les canaux guidant l’opinion individuelle à l’égard des tramways, nous
changeons d’aire géographique d’étude 22 . Nous nous tournons vers la ville d’Angers
où une ligne de tramway a été inaugurée en juin 2011. Nous disposons en effet d’une
base de données décrivant le jugement de 250 habitants de l’agglomération ange-
vine sur la nouvelle infrastructure. Ces opinions sont ex ante. Elles découlent d’une
enquête de terrain menée dans le centre-ville d’Angers durant les mois d’avril et de
mai 2011. Le questionnaire a pour but d’expliquer l’opinion individuelle à l’égard du
tramway par les évolutions perçues des conditions de transport, de l’"atmosphère ur-
baine" ou des prix de l’immobilier. Une étude qualitative des différentes dimensions
composant les vecteurs "transport" (temps, argent, confort, information...) et "amé-
nités urbaines" (architecture, bruit, verdure...) est prévue. Nous menons également
une évaluation contingente du "consentement à payer pour le tramway" via des en-
chères (aléatoires, avec le traitement des "biais de première enchère") exprimées en
augmentation du prix des titres de transport.
224
Conclusion Générale
Bien que nous ayons peu avancé dans le traitement des données, quelques premières
conclusions émergent. Avant même son lancement, le tramway d’Angers recevait un
jugement très favorable de la part des habitants de l’agglomération (80% d’opinions
positives, 15% des personnes indifférentes, 5% désapprouvaient). Les améliorations
attendues portaient plus sur les aménités urbaines (82% des personnes interrogées
prévoyaient une amélioration) que sur les conditions de transport (66% des indivi-
dus). Cette dernière observation pourrait s’expliquer par le fait que seuls 45% des
individus envisageaient d’utiliser le tramway régulièrement. Par ailleurs, la plus ou
moins grande "distance" des habitants vis-à-vis de l’infrastructure (résidence, pré-
vision de fréquentation) nivelle l’opinion à son égard. Les premières estimations du
"consentement à payer pour le tramway" aboutissent quant à elles à une majoration
des titres de transport de 9%, soit 11 centimes d’euro par déplacement. Confronté
aux données financières du projet, ce dernier résultat devrait autoriser une évalua-
tion économique originale du tramway angevin.
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Liste des tableaux
245
3.2 Statistiques descriptives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
3.3 Pour bénéficier du confort des heures creuses, seriez-vous prêt(e) à ral-
longer votre déplacement de X minutes ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
3.4 Consentement à payer pour le confort (en euros par déplacement) . . 141
3.5 Sur-déplacement (en % de la durée d’un déplacement) . . . . . . . . . . 142
3.6 Déterminants du "consentement à voyager plus longtemps contre plus
de confort" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
3.7 Déterminants du "consentement à payer pour le confort" . . . . . . . . 151
3.8 Déterminants du "sur-déplacement" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
3.9 Probabilités prédites du "consentement à voyager plus longtemps contre
plus de confort" (en minutes par déplacement) . . . . . . . . . . . . . . 154
3.10 Déterminants de la congestion subjective dans la ligne 1 . . . . . . . . . 155
3.11 Distribution de la durée des déplacements dans la ligne 1 (en minutes) 164
3.12 Distribution de la note subjective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
3.13 Distribution de la densité de passagers dans la ligne 1 durant les inter-
views (en passagers/m 2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
3.14 "Fully-standardized coefficients" des variables explicatives . . . . . . . 165
3.15 Prédictions du "consentement à payer pour le confort" (en euros par
déplacement) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
3.16 Prédictions du "sur-déplacement" (en % de la durée d’un déplacement) 167
246
Liste des graphiques
247