Victime-Agresseur Tome 3
Victime-Agresseur Tome 3
Victime-Agresseur Tome 3
Éric Baccino
& Philippe Bessoles
sous la dir.
Victime-Agresseur. Tome 3
Traumatisme et résilience/ lien psychique - lien social
et de la verrerie
CHAMP SOCIAL
É D I T I O N S
Ce document est la propriété de : Institut Méditerranéen de Formation -
centre.doc@imf.asso.fr
Adresse IP : 84.97.93.13
Victime-Agresseur
Tome 3
Traumatisme et résilience ;
lien psychique – lien social
sous la direction
d’Éric Baccino et de Philippe Bessoles
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
À Marie,
in memoria
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Présidence d’honneur
Monsieur le Professeur Louis CROCQ,
dans le cadre du
« 16 th meeting of the international association of forensic sciences »
Président
Monsieur le Professeur Éric BACCINO
SOMMAIRE
Problématique ………………………………………… 15
Éric BACCINO, Philippe BESSOLES
Névrose traumatique et élaboration résiliente …………. 17
Louis CROCQ
Traumatisme et résilience,
un espace de représentabilité ………………………….. 35
Philippe BESSOLES
Délinquance juvénile et résilience …………………….. 47
Catherine BLATIER
Emprise sectaire et processus résilient ………………..... 55
Sonia JOUGLA
Penser le traumatisme ………………………………… 63
Sophie de MIJOLLA-MELLOR
Résilience et debriefing psychologique individuel ……... 73
Carole DAMIANI
Vulnérabilité et résilience chez l’enfant inceste ………... 83
Liliane DALIGAND
Les femmes agresseurs sexuels
et leur prise en charge ………………………………… 91
Jean-Marc DESCHACHT
Traumatisme et contre-transfert ………………………. 95
Mareike WOLF-FEDIDA
La part mélancolique du passage à l’acte .……………… 105
Patrick-Ange RAOULT
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
AUTEURS
Problématique
Éric Baccino
Philippe Bessoles
Montpellier, le 3 septembre 2002
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Névrose traumatique
et élaboration résiliente
Louis CROCQ
L’ÉNONCIATION RÉVÉLATRICE
Cette élaboration va s’effectuer par la parole, mais pas n’im-
porte quelle parole. Il ne s’agit pas d’un récit factuel, qui ne ferait
qu’enfoncer le patient dans le flot infernal de ses immuables répé-
titions. Il s’agit au contraire d’une énonciation « maïeutique »,
naïve, au cours de laquelle le patient ne sait pas à l’avance ce qu’il
va proférer. Au fur et à mesure qu’il improvise des mots et une
26 –
grammaire pour exprimer – extérioriser, objectiver et réduire – cet
inconfort ou souffrance qu’il ressent jusqu’alors comme un tour-
billon en lui, cette expérience brute constituée d’éprouvés sans
représentations et qui l’a envahi par la voie des sens, par les yeux,
les oreilles, le nez, la bouche et tous les pores de sa peau, au fur et à
mesure donc qu’il « s’énonce » (pour reprendre le vocable avancé
par J. P. F. Deleuze en 1819 au sujet du traitement par somnam-
bulisme ou sommeil lucide et rapporté par Barrucand), il qualifie
cette expérience jusqu’alors indicible avec des mots appartenant à
son réservoir de significations, et il attribue et découvre en même
temps le sens intime, profond, existentiel, de cette expérience.
Ce rôle du langage pour se dégager de l’emprise du trauma a
été très bien explicité par Pierre Janet, dans le tome 2 de son
ouvrage Les médications psychologiques, paru en 1923. Pierre Janet
a recours à la parabole de la sentinelle, que ses chefs ont envoyée à
proximité de l’ennemi non pour se battre mais pour le surveiller et
rapporter des renseignements. Cette sentinelle, plongée dans une
situation propice à engendrer la peur, d’une part exécute des mou-
vements adaptés qui la dissimulent du regard de l’ennemi et assu-
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
parce que Zeus lui avait envoyé la lumière, pour l’éclairer, il pensa
que le songe pouvait lui être favorable. Quelle était donc la signi-
fication de ce songe ? Il est aisé de s’en rendre compte par ce qui
suivit. Aussitôt éveillé, la première pensée de Xénophon fut :
“Qu’est-ce que je fais ici, étendu ? Pendant ce temps, la nuit
s’avance et il est probable que l’ennemi va arriver avec le jour. Si
nous tombons au pouvoir du Roi, rien ne nous préservera, après
avoir vu les pires horreurs et souffert les plus atroces tourments, de
périr dans l’ignominie. Or, personne ne songe à préparer ni orga-
niser la défense, et nous restons tous couchés, comme si c’était le
moment de se reposer. De quelle cité est-ce que j’attends le stra-
tège qui se proposera pour prendre en mains cette défense ? Ou,
quel âge révolu dois-je atteindre pour me proposer moi-même
comme stratège ? Il est bien certain que si je me livre à l’ennemi, je
n’aurai pas le temps de vieillir…” »
Là-dessus, Xénophon se lève, convoque les lochages (les sous-
officiers) de l’armée et leur tient le célèbre discours qui, stigmati-
sant la perfidie, la lâcheté et la barbarie des Perses (qui avaient pro-
30 – fané les cadavres), exaltant la combativité et la supériorité tech-
nique des Grecs, ranime leur courage et entraîne leur détermina-
tion à se battre plutôt que de se rendre honteusement. Et c’est la
suite de l’aventure des dix mille qui, sous la conduite de
Xénophon et de Chirisophe et au prix de pertes très minimes lors
de multiples escarmouches, vont faire retraite jusqu’aux ports
grecs de la mer Égée où ils vont trouver le salut.
CONCLUSION
Nous nous sommes attaché à examiner de près la capacité de
résilience et à en déchiffrer les mécanismes intimes. Dans la
mesure où elle opère un travail mental de transformation des éner-
gies nocives du trauma et d’attribution de signifiant au non sens
de l’expérience traumatique, la résilience est une élaboration, au
sens psychanalytique du terme. Ce faisant, elle se confond avec le
processus cathartique qui conditionne le dépassement du trauma,
et donc la guérison. Mais la parole, même énoncée silencieuse-
ment pour soi-même, est un geste ; et, comme la résilience se tra-
duit par l’adoption de nouvelles attitudes et de nouveaux compor-
tements, et qu’elle fait naître un sursaut d’énergie dans l’économie
du sujet, elle justifie aussi son implication de rebondissement.
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Résilience et traumatisme
Un espace de représentabilité
Philippe BESSOLES
LE REGISTRE CLINIQUE
Que ce soit au niveau méthodologique et diagnostic ou au
niveau technique des protocoles d’investigation psychopatholo-
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
LE REGISTRE THÉORIQUE
Cette notion tend à simplifier la complexité des processus de
représentation (de mot, de chose, d’affect ?) et par là même, les
figures de liaisons et déliaisons psychiques. Par exemple, en réfé-
rence à la métapsychologie freudienne (notamment la 2e topique),
la reviviscence traumatique dénote l’aspect compulsif de la des-
tructivité pathogène et l’échec de ses abréactions. Par contre, la
remémoration traumatique est signifiante d’une perlaboration,
36 – d’une historisation et d’un « remaillage » de la chaîne signifiante.
Comment rendre compte alors qu’un souvenir du trauma-
tisme, fût-il sensible, n’est plus sa simple mémoire fait d’envahis-
sement d’irreprésentable ?
La question est donc : quelle valeur heuristique accorde-t-on à
la résilience ?
LE REGISTRE THÉRAPEUTIQUE
L’idée de plasticité de la notion induit de possibles facteurs psy-
chologiques susceptibles d’être promus ou renforcés par des tech-
niques spécifiques au traitement des états post traumatiques.
Cette idée simpliste en clinique thérapeutique s’expose à des
après-coups tragiques en forme de décompensations psychotiques
ou de passage à l’acte suicidaire.
La question est donc : quelle valeur d’efficacité thérapeutique
pourrait-on accorder à d’hypothétiques facteurs résilients et les-
quels ?
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Year 1999
100
80
60
40
20
0 0 3 6 9 12 0 3 6 9 12 0 3 6 912 0 3 6 912
0 3 6 9 12 0 3 6 9 12
Year 2000
100
80
60
40
20
0 0 3 6 9 12 0 3 6 9 12 0 3 6 912 0 3 6 912
0 3 6 9 12 0 3 6 9 12
Year 2001
100
80
60
40
20
0 0 3 6 9 12 0 3 6 9 12 0 3 6 912 0 3 6 912
0 3 6 9 12 0 3 6 9 12
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
cet effet : les filles reconnaissent aussi être les auteurs de certains
vols, mais la proportion reste nettement moindre que chez les gar-
çons. D’autres facteurs de risque ont pu être identifiés, comme le
fait d’appartenir à une famille en difficulté socio-économique,
isolée, ou violente. Il a cependant a été démontré qu’ils ne consti-
tuent que des facteurs indirects. L’effet de ces facteurs est rendu
significatif par les conflits familiaux, la dépression parentale ou
des éléments dans le comportement parental. C’est souvent l’asso-
ciation des facteurs qui les potentialise. Par exemple, l’échec sco-
laire d’un enfant et un comportement agressif, lorsqu’ils sont asso-
ciés, sont de nature à engager un plus grand risque de délinquance
que lorsque l’un ou l’autre de ces facteurs seul est présent. Le
risque de délinquance tient pour une grande part au rapport
parents-enfants et à la qualité de la supervision parentale, considé-
rée comme la capacité des parents à surveiller leur enfant et ses
sorties, ainsi qu’à la discipline en vigueur à la maison. Les parents
des mineurs délinquants montrent souvent un défaut de supervi-
sion parentale ou bien exercent une discipline trop sévère ou
48 – inconstante. Ces éléments sont clairement identifiés dans les tra-
vaux de plusieurs chercheurs, dont Marc LeBlanc, qui ont main-
tenant établi une véritable modélisation de l’engagement dans la
délinquance (Le Blanc, 1999 ; Le Blanc et al. 1998). Un com-
portement coercitif ou hostile des parents, leur abus ou leur
négligence et les effets produits par ces comportements demeu-
rent les principaux facteurs de risque lorsqu’on a statistiquement
contrôlé les facteurs socio-économiques et familiaux. Ils se révè-
lent donc être de meilleurs prédicteurs du comportement anti-
social futur.
Si on se situe dans une perspective développementale, on abou-
tit à la conclusion selon laquelle c’est surtout la combinaison des
facteurs qui a un effet important. Quatre voies apparaissent prin-
cipalement impliquées :
– un développement social compromis, qui a pour consé-
quence le développement de relations pauvres ou insatisfaisantes
et une difficulté à résoudre les problèmes sociaux ;
– un apprentissage qui prouve au mineur que le comporte-
ment délinquant est une activité qui rapporte de l’argent et pro-
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
NEO PHARE
Après le décès d’André Bouguenec en 1997, maître à penser du
groupe Phare Ouest, des conflits internes et l’ambition person-
nelle d’Arnaud Mussy ont provoqué la scission du groupe et la
création de Neo Phare à la tête duquel il s’est imposé comme lea-
der et a élaboré petit à petit sa propre doctrine.
Au départ, autour d’A. Mussy gravitent 21 « apôtres » (21 étant
– 57
l’inverse des 12 apôtres) qui sont chargés de réécrire la Bible
(puisque « le message de Dieu a été dévoyé par l’Église
catholique ») en l’analysant suivant les préceptes d’A. Bouguenec,
avec la mission après l’apocalypse de participer à la reconstruction
d’une vie conforme à l’idéal de la secte.
Le système interprétatif d’A. Bouguenec s’appuie sur une utili-
sation simpliste et abâtardie de la numérologie issue de la Kabbale
et des jeux de mots inspirés de la tradition de l’hermétisme alchi-
mique.
Tous les écrits et les actes de la vie courante sont soumis à cette
grille de lecture qui a été récupérée par Arnaud Mussy.
Ce dernier s’autoproclame le nouveau Christ comme A.
Bouguenec s’était proclamé Dieu, « preuve » numérologique à
l’appui.
En effet d’après son système d’alpha numérisation (A = 1,
B = 2, C = 3, etc.) son nom additionné à son prénom ANDRÉ
BOUGUENEC = 135, c’est-à-dire l’Unité Divine, UN est UN.
En effet, si on décompose 135 en 1 et 35, UN = 35 (U = 21,
N = 14), donc 1 = UN.
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Par contre, les trois adeptes qui ont attentés à leurs jours
n’avaient pas, eux, été « choisis et nommés » comme faisant
partie des élus et portent toute la responsabilité de l’échec de
l’apocalypse.
Selon l’idéologie du gourou, cette capacité à rester imper-
méable à toute agression extérieure, signe le « degré d’évolution
spirituelle » de l’adepte.
En réalité elle est une des expressions tangibles de l’état agen-
tique (S. Milgram) dans laquelle se trouve l’adepte qui se soumet
en totalité à l’autorité du gourou et qui n’a d’existence possible
qu’en tant que simple instrument prédestiné à exécuter cette
« volonté supérieure ».
Le but étant « d’évoluer » jusqu’à devenir un parfait instrument
dépourvu de toute impureté, l’impureté étant tout ce qui reste lié
à la personne même de l’adepte.
La capacité de l’adepte à retrouver rapidement son équilibre
après un événement difficile dépendra donc en fait de sa désin-
dividuation.
L’adepte pseudo résiliant ne puise pas dans ses ressources pour – 61
reconstruire sa personnalité autour de sa propre histoire, il trouve
son équilibre rigide et son imperturbabilité dans la rupture d’avec
son passé et son système de référence ancien, et dans la rupture
d’avec son inconscient (La parole ne peut plus s’alimenter à l’incons-
cient, A. Lasalmonie).
Il est intéressant de noter que l’uniformité de comportement
de ces petits maîtres parfaitement contrôlés se retrouve dans prati-
quement toutes les sectes, si différentes soient-elles.
L’imperturbabilité, la pseudo résilience de ces « surhommes »,
formatés sur un même modèle par le gourou correspondent à
l’adepte idéal, ce qui représente le but à atteindre pour être un
« canal » parfait.
La « perfection » de l’adepte passe par la destruction de l’ego, de
l’individualité, de la personne et du citoyen ; en un mot la des-
truction de l’homme vivant.
Qu’importe pour ces adeptes, puisqu’ils sont des
« surhommes » et qu’ils font partie des élus…
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Penser le traumatisme1
Sophie de MIJOLLA-MELLOR
FANTASMER
L’activité fantasmatique va répéter le scénario traumatique jus-
qu’à l’usure. Car le fantasme, comme le jeu de l’enfant et le cau-
chemar, sont autant de tentatives, pas toujours efficaces, pour
conduire le traumatisme vers une résolution possible.
Ferenczi distingue dans ce cas deux niveaux de rêve : Le rêve
primaire, pure répétition du traumatisme ; le rêve secondaire, fal-
sification du premier, qui peut ainsi accéder à la conscience. La
distance entre le premier et le second rêve est celle qui permet de
passer de la sensation, revécue en rêve (douleur, écrasement, étouf-
– 65
fement) la constitution d’images, organisables en scénarios : être
poursuivi par des animaux sauvages, des voleurs, etc. On est donc
là dans une ébauche de maîtrise. Mais n’est-ce pas un peu opti-
miste et Freud ne nous a-t-il pas appris que la répétition du
traumatisme relève de la pulsion de mort et n’a aucune action
curative ?
La distinction lacanienne entre plaisir et jouissance, au-delà du
principe de plaisir, peut ici nous éclairer. Si le sujet vise la jouis-
sance et non la réparation en répétant le traumatisme, il n’en est
pas moins dans une démarche active et, en répétant à l’extrême, il
dépasse la réalité dont il a été victime.
L’activité fantasmatique la plus apparemment répétitive est un
gain sur l’événement brut : elle s’assure de sa représentabilité et le
sujet se clive en une partie qui subit et une autre qui agit et qui est
devenue invulnérable. Bien sûr, il court le risque de s’enfermer
dans un dialogue interminable, à la manière du mélancolique.
L’état de détresse est en effet sans mot, mais aussi sans image
car la protection la plus simple consiste à détruire en soi-même la
conscience. C’est pourquoi, face à l’impossibilité pour la pensée
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
NOTES
1. Le jeu de mots entre « panser » et « penser » n’est pas ici involontaire et mon
approche du traumatisme comme de la manière dont on peut y survivre est
tributaire de mes recherches antérieures publiées dans Le plaisir de pensée
(Paris, éd. PUF, 1992) et plus récemment dans Le besoin de savoir (Paris, éd.
Dunod, 2002).
2. S. FERENCZI, « Réflexions sur le traumatisme », in Psychanalyse 4, Paris, éd.
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Résilience
et debriefing psychologique individuel*
Carole DAMIANI
* Cet article est tiré de C. Damiani, Les victimes. Violences publiques et crimes
privés, Paris, éd. Bayard, 1997 et de C. Damiani, « Psychothérapie post-trau-
matique et réparation », in F. Marty (sous le dir.), Figures et traitements du
traumatisme, Paris, éd. Dunod, 2001.
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
LE DEBRIEFING INDIVIDUEL
Le terme de « debriefing » inspiré initialement de Mitchell
(1983), est aujourd’hui utilisé pour des interventions très diffé-
rentes. Il est sous tendu par des pratiques et des modèles théo-
riques très divers. On appelle généralement « debriefing collectif »
et « debriefing individuel », la technique thérapeutique adaptée
spécifiquement à l’approche du trauma dans le post-immédiat.
Nous souhaiterions nous démarquer de ce terme, mais aucun
autre ne nous est paru satisfaisant à ce jour. Nous évoquerons
76 –
donc ici, le « debriefing individuel » :
Pour soigner le traumatisme, Freud avait renoncé à l’abréaction
à visée cathartique, car il en déplorait les résultats éphémères. À ne
viser que la décharge émotionnelle, l’abréaction, qui n’a qu’une
valeur économique de réduction de tension, peut produire des
effets certes spectaculaires mais à court terme. Parler sans but n’a
aucun sens, aucune valeur thérapeutique. L’hémorragie abréactive
peut même se révéler nocive s’il n’y a pas de reprise réflexive. Il y a
un risque de reproduire tout simplement la situation d’agression
originelle et que le sujet reste fasciné par la scène. La mise en mots
contenante doit favoriser la prise de distance et ébaucher un pre-
mier travail de figurabilité. L’acte thérapeutique ne peut donc se
réduire à une simple évacuation sommaire des conflits et des ten-
sions qui résultent de l’effraction psychique, mais en favoriser la
remémoration et l’élaboration. Secondairement, il questionne les
désirs refoulés tels qu’ils se sont fait entendre dans le discours du
sujet et resitue l’accident traumatique dans une histoire, à un
moment du fonctionnement psychique, dans le contexte actuel de
ses relations objectales. Ce travail de verbalisation, de représenta-
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
DAMIANI C., Les victimes. Violences publiques et crimes privés, Paris, éd. Bayard,
1997.
– « Psychothérapie post-traumatique et réparation », in F. Marty (sous la dir.),
Figures et traitements du traumatisme, Paris, éd. Dunod, 2001.
GORTAIS J., « Le viol, du déni d’altérité à l’exil du désir », in M. Dayan (sous la
dir.), Trauma et devenir psychique, Paris, éd. PUF, 1996.
MITCHELL J. T., « When disaster strikes : the critical incidents stress debriefing
process », Journal of the Emergency Medical Services, n° 8, 1983, p. 36-39.
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Vulnérabilibité et résilience
chez l’enfant inceste
Liliane DALIGAND
Traumatisme et contre-transfert
Mareike WOLF
de l’entourage. Le bon sens leur dit qu’il n’est pas possible de faire
comme « si rien n’avait été ». Personne n’est fort. C’est ainsi la rési-
lience prend un sens négatif. Le patient vient dès lors que cela va
suffisamment mal. Il consulte, mais sa parole ouvre à la revivis-
cence du traumatique, tandis qu’il cherchera à se libérer d’un
« événement ».
Le traumatique n’est pas dans le seul contenu d’un événement.
Au fil du temps se découvre donc des « traumatismes »3 insoup-
çonnés. Ou alors un traumatisme initial indécelable peut entraî-
ner des multiples traumatismes au cours de la vie. Bien qu’elle les
ait subis, la personne n’a jamais cessé d’être active. Comment le
destin a-t-il pu s’acharner ainsi sur la vie ? – C’est ce que l’on se
demande dans la plainte. La répétition dans le malheur induit le
doute : ne plus savoir si l’origine du traumatisme devait être vrai-
ment recherché dans le passé ou s’il n’est pas encore plutôt à venir.
La littérature psychiatrique, et particulièrement phénoménolo-
gique (V. Gebsattel, E. Straus, K. Goldstein)4, se situant entre
deux guerres ou après-guerre, s’est consacrée à l’étude du trauma-
96 – tisme pour évaluer l’invalidité et sa prise en charge. Ces travaux
ont montré qu’il n’existe pas de lien étroit de la cause à l’effet dans
ce domaine. Dans certains cas, les épreuves terribles ont renforcé
la personne que d’autres sortent brisées par la seule observation de
scènes violentes. D’autres encore sont incapables de mettre des
mots sur ce qui leur est arrivé. Nous retenons de ces études deux
paramètres :
1) L’identification avec la victime ou l’agresseur, et en cas d’ac-
cident, le déni des circonstances ou d’imputation de la responsa-
bilité à un tiers produisent le clivage et la dépersonnalisation.
2) La douleur intense, qui outrepasse le supportable, occa-
sionne les mêmes conséquences, ce sont des traces qui sont lais-
sées, mais pas de mots (la recherche sur la douleur se heurte au
caractère subjectif de celle-ci).
Dans l’histoire de la psychopathologie5, la notion de trauma-
tisme a souvent été liée à deux conceptions : l’épilepsie et la
névrose.
L’épilepsie a donné lieu à toutes sortes de théories sur le trau-
matisme en raison du caractère imprévu de la crise et l’effort pour
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
NOTES
La part mélancolique
de l’acte transgressif
Patrick-Ange RAOULT
ans, il vit dans « un trou noir » ; il dit n’avoir vu le jour que vers
5/6 ans avant il s’éprouvait comme mort. De nombreux place-
ments on fait suite, la plupart vécus comme traumatiques et faits
de violences réciproques et de révolte. Lors de ses placements en
foyer il avait commis des actes agressifs (tuer les poules par
exemple) quand il s’ennuyait. Il était destructif, « un démon » dit-
il. Il est rentré très vite dans une spirale : « Quelque chose qui
avale. Je contrôlais plus rien. » Un univers de ruptures, de carences
réitérées débouche sur des phénomènes de déliaison, précipitant
l’emballement mortifère.
Il a débuté sa sexualité précocement dans un contexte de rela-
tion fraternelle incestueuse. Il a été confronté très tôt à la justice
pour agression, et très récemment il a été mis en examen pour une
histoire d’agression sexuelle qu’il dénie. Il a consommé beaucoup
d’alcool avec ivresse. « Comme j’ai commencé tôt tout ce qui est
défonce, j’étais dans mon monde à moi. » Il a commencé à s’al-
cooliser sous forme d’ivresse aiguë, puis à se droguer au cannabis.
Il cumulait drogue et alcool comme moyen de dépasser son inhi-
106 – bition face aux filles et de faire face à un malaise interne. Sous
alcool, il devenait violent. Il se sentait dans un état bizarre. Il a
continué avec de l’héroïne, puis du subutex détourné (écrasé et
fumé), des trips (« Ça me chauffait la tête ; j’éclatais de rire, cela
avait un côté sympa. Cela me faisait du bien. ») Il a aussi utilisé
des médicaments (tranxène, équanil, correcteurs, téralène,
Nozinan, bétamine 300) qui lui était prescrit par les psychiatres.
Cela s’accompagnait d’un « jusqu’au boutisme » avec tentatives de
suicide médicamenteuses plus d’une cinquantaine de fois, entraî-
nant des hospitalisations en urgence. Il y avait un jeu et un défi. Il
s’agissait aller au coma, puis de se réveiller : défi à la mort !
« Coma, je dors ! Ils se démerdent ! » Au début il pensait à sa
grand-mère, puis c’est devenu un plaisir en constatant qu’il ne
mourrait pas. Il voulait faire comme elle, obtenir une reconnais-
sance : « On dit que les morts communiquent entre eux ; moi à
moitié mort, je pouvais communiquer avec elle. » Il se défonçait à
mort avec les médicaments, ne voulant pas sortir de ce monde. Il
jouait avec un ami, qui en est mort, aux dames avec les médica-
ments, celui qui perdait les avalait : roulette russe ! Une sexualité
[ © 2008-2013 CHAMP SOCIAL ÉDITIONS - centre.doc@imf.asso.fr - IP 84.97.93.13 ]
Autismes et humanité
Bernard Durey,
Soigner l’abandon corps et âme
Bernard Durey
Le polyhandicapé et son soignant
Bernard Durey
Le quotidien dans les pratiques sociales
Joseph Rouzel
Du travail social à la psychanalyse
Joseph Rouzel
Le choix éthique du sujet,
Eduardo Scarone
Le silence des mots
Emmanuel Combaluzier
Autisme et éveil de coma. Signes et institution
sous la direction de Michel Balat
Paysages de l’impossible, clinique des psychoses
Danielle Roulot
La vie de radeau, en compagnie de gamins autistes
Jacques Lin, préface de Fernand Deligny
Le meurtre du féminin. Clinique du viol
Philippe Bessoles
La précocité intellectuelle et ses contradictions
Paul Merchat et Philippe Chamont
L’art, ça nous regarde. Préalables à des pratiques d’atelier, sous la direction de
l’équipe du Foyer d’accueil et de promotion Hubert-Pascal
Intégration scolaire et insertion socioprofessionnelle sous la direction de l’AIRe,
(actes des journées de Nîmes, 2000)
De l’acte à la parole… Des paroles aux actes, sous la direction de l’AIRe, (actes
des journées de Lille, 2001)
À paraître :
Histoire de la psychothérapie institutionnelle, Jean Ayme
Le travail social : un enjeu d’humanisation, Michèle Mialet et Romuald Avet
Freud et Lacan à Rome, Ugo Amati
La vie du rêve, Karl Albert Scherner