Victimologie-Criminologie Tome 5
Victimologie-Criminologie Tome 5
Victimologie-Criminologie Tome 5
Philippe Bessoles,
Victimologie-Criminologie. Tome 5
Situation d’urgence – situation de crise
Clinique du psychotraumatisme immédiat
Victimologie-Criminologie. T. 5
Ont participé à l’ouvrage : P. Bessoles, E. Cheucle, L. Daligand, C. Damiani, O.
Douville, F. Lebigot, F. Maquéda, C. Mormont, G. Poussin, N. Priéto, P. A. Raoult,
F. Rudetzski, M. Wolf Fédida.
François Lebigot, Professeur agrégé du Val de Grâce, Médecin général des Armées, sous la direction
ancien chef de service de l’Hôpital Percy de Clamart et psychiatre, est Président de de François Lebigot
l’ALFEST (Association de langue française pour l’étude du stress et du trauma).
et de Philippe Bessoles
Rédacteur en chef de la Revue internationale francophone du Stress et du Trauma, ses
travaux sur le traumatisme et la prise en charge des victimes font autorité sur la scène
scientifique internationale.
Philippe Bessoles, Docteur en psychopathologie clinique, Maître de conférences des
universités, Habilité à diriger des recherches, est responsable du Master clinique
Victimologie et psychocriminologie de l’Université P. Mendes France – Grenoble II.
Spécialiste des thérapies des états traumatiques d’origine sexuelle et du traitement des
agresseurs sexuels, ses travaux portent sur la clinique du lien à l’épreuve traumatique
et criminelle.
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
éditions
Champ social
ISBN : 2-913376-47-9 18 €
Ce document est la propriété de : Institut Méditerranéen de Formation -
centre.doc@imf.asso.fr
Adresse IP : 84.97.93.13
ISBN : 2-913376-47-9
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Victimologie-Criminologie
Approches cliniques
– Tome 5 –
Situation d’urgence – situation de crise
Clinique du psycho-traumatisme immédiat
sous la direction
de François Lebigot
et de Philippe Bessoles
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En soutien à :
Ingrid Bétancourt
et Clara Rojas
AUTEURS
SOMMAIRE
Problématique générale
Philippe BESSOLES .................................................................................... 9
À propos des psychothérapies psycho-dynamiques
François LEBIGOT ................................................................................... 13
De la « psychiatrie de l’avant » aux urgences médico-psychologiques
Philippe BESSOLES .................................................................................. 19
Clinique humanitaire, clinique de l’altérité
Francis MAQUÉDA .................................................................................. 31
L’inceste entre urgence et crise
Liliane DALIGAND .................................................................................. 47
Urgence et expertise
Christian MORMONT .............................................................................. 55
Trauma et commotion psychique
Mareike WOLF FÉDIDA ........................................................................... 63
La prise en charge des victimes du terrorisme
Françoise RUDETZKI ............................................................................... 75
Le debriefing psycho-dynamique
Carole DAMIANI ..................................................................................... 83
La méthode EMDR et les troubles post-traumatiques
Gérard POUSSIN ..................................................................................... 95
L’urgence, le trauma. À propos du travail clinique
avec des enfants errants dans les rues de Bamako
Olivier DOUVILLE ................................................................................. 103
Les cellules d’urgence médico-psychologique
Nathalie PRIETO, Éric CHEUCLE ........................................................... 115
Crise d’identité ou urgence d’exister
Patrick Ange RAOULT ........................................................................... 123
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Problématique générale
Philippe BESSOLES
. Vignette clinique n° 1
Dominique est un appelé du contingent d’origine franco-libanaise. Dans les mois
précédant son incorporation, il séjourne à Beyrouth auprès des membres de sa famille.
Il s’agit de la lignée paternelle dont il se sent très proche. Dans les derniers temps de sa
présence au Liban alors en pleine guerre civile, il assiste à une scène particulièrement
atroce.
Deux hommes sont attachés par les pieds au pare-choc arrière d’une voiture qui roule
sur une route défoncée. Dans les jours qui suivent cette scène traumatique, des cauche-
mars apparaissent. Il revit la scène dont il se réveille avec effroi.
De retour en France, le tableau de sa névrose traumatique se complète. Le patient se
désintéresse de ses études. Il coupe tous ses liens amicaux. Il vit dans une position de
retrait à l’intérieur même de sa famille. Lors son arrivée à la caserne, la vue des uni-
formes provoque chez lui une grande crise d’angoisse. Cette seconde rencontre l’amène
à une hospitalisation en service de psychiatrie.
Lors de son admission, il apparaît prostré, mutique, indifférent au lieu et gens qui s’oc-
cupent de lui. Il finit par « dévoiler » l’origine de sa souffrance.
Dominique est très attaché au Liban. C’est le pays de son père qui exerce aujourd’hui
la médecine en France. Sa mère est française. Il a deux frères aînés, brillants dans leurs
études. Il est le seul à retourner régulièrement au Liban où vivaient ses grands-parents
paternels. Il est très attaché à son grand-père décédé depuis 2 ans. Il dira de ce grand
père le sentiment de « tout avoir à apprendre ».
Dominique est un garçon froid, distant et introspectif. À son arrivée en France, à l’âge
de 4 ans, il présente un épisode anorexique important. Il effectue sa scolarité à Paris - 15
sans enthousiasme. Il se montre suffisamment « turbulent » pour que, à ses 16 ans, ses
parents l’envoient vivre chez son grand-père, seul capable de l’assagir. Revenu en
France après son décès, il passe ses congés annuels au Liban. À l’interface de deux cul-
tures, confronté à une mère dominatrice et un père plutôt effacé, ce grand père est
magnifié. Le patient répète qu’il a « tout à apprendre » de lui. Dès lors, Dominique va
inlassablement chercher « les tables de la loi ».
Le patient rencontre l’horreur au Liban. C’est la première scène traumatique. Elle
« nourrit » la reviviscence traumatique. Depuis, elle se présente à lui sans relâche. De
cette scène d’horreur, il a été le « spectateur impuissant ». Aujourd’hui, il se définit tout
aussi passivement comme un « français de passage ».
Maintenant qu’il en parle, il s’imagine tour à tour le bourreau et la victime.
Il finit par entrevoir une troisième possibilité par le biais d’une remarque filmique : « Il
y a toujours une porte de sortie. »
Il commence à entrevoir « cette porte » lorsque le contenu du cauchemar se modifie.
La scène traumatique ne se répète plus à l’identique. D’autres personnages apparais-
sent. Il ne les reconnaît pas. Ce sont des morts non identifiés : « Ce pourrait être moi »
et « Je pourrais être l’un d’entre eux ». Il pourrait être un cadavre parmi d’autres
cadavres.
La sagesse du grand-père est sans doute dans cette vérité de finitude si cruellement
entr’aperçue. « Le tout à apprendre » de ce grand-père merveilleux prend soudain sens ;
lui qui « représentait tout ce que je ne suis pas. »
Être un des morts de la guerre civile était la seule façon, pour ce « français de passage »,
d’être à la fois le petit-fils du grand-père et un « vrai » Libanais.
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Les jours suivants, le patient rapporte un rêve : « Il traverse une étendue séparant deux
maisons, une grande et une petite. Celle qu’il quitte est celle de son grand-père. Il doit
franchir un réseau de barbelés pour atteindre l’autre. Au milieu du passage, un milicien
menaçant l’arrête avec le canon de son fusil. Dominique s’immobilise et se replie sur
lui-même. Un autre soldat s’approche de lui et lui demande son identité. »
Le rêveur donne ce qu’il croit être son passeport. C’est son livret A de la Caisse
d’épargne. Il se dit qu’il ne craint rien dès lors où c’est un passeport français. Le mili-
cien est prêt à tirer. « Pourtant, je ne suis pas fautif. » commente-t-il.
Ce rêve est typique des rêves terminaux des psychothérapies de névrose traumatique. Il
relève de la problématique « de castration ». Dominique abandonne un objet précieux.
C’est son livret de Caisse d’épargne. Dans les suites du rêve, il engagera son travail sur
des thématiques de culpabilité.
Ce rêve est aussi un « rêve de passage ». En se glissant sous les barbelés, il s’extrait de la
« déshumanisation » provoquée par le trauma. Il trouve « sa porte de sortie ». En lieu et
place d’un cadavre, il advient à une place vivante de subjectivation. Il se parle d’un
« je » de l’énonciation dégagé d’une culpabilité d’être resté vivant face aux corps tortu-
rés et mutilés traînés derrière la voiture dans les rues de Beyrouth et au décès du
grand-père.
En introduisant ce « je » du sujet se présente à la fois à notre écoute thérapeutique et à
la sienne. Dominique n’est plus spectateur « impuissant » de son rêve. Il le prend en
compte. Il se l’approprie en tant que sujet.
Cette assomption du sujet de son énoncé lève le refoulement. Il ré-intègre la chaîne
signifiante du et dans le langage. À cet instant, il peut saisir la dynamique de son désir.
16 - Ce « je » émerge au moment où il franchit le seuil de la maison grand-paternelle. Elle
incarne une demeure magique d’une instance idéale au service la jouissance. Le patient
peut maintenant se confronter à une loi commune qui s’impose à lui comme à tout
autre. Son « obole » payée, la demande de son rêve est d’autant plus « épargnée ».
On voit bien, avec ce patient, comment la question de la culpabilité est souvent mal
posée à propos de la névrose traumatique. Contrairement à ce qu’on pourrait croire,
la faute déniée ici n’est pas celle de n’avoir rien fait ou tenté de faire lors de l’événe-
ment tragique. Elle se rapporte « à ce qui retient le sujet dans l’ordre du trauma ».
Son destin, dans le processus de guérison, est de redevenir le « moteur » d’une culpa-
bilité œdipienne.
Dans les suites du travail thérapeutique, Dominique change très rapidement. Il
devient confiant. Il se montre détendu. Il parle facilement de sa vie au Liban, du per-
sonnage très typé de son grand-père, de sa rivalité avec ses frères. Il aborde tous ces
thèmes dans une atmosphère associative riche et variée. Les cauchemars ont cédé. Il
exprime sa conviction de son mieux être depuis ce rêve et son élaboration. « Quelque
chose » d’essentiel s’est passé pour lui : « J’essaye de regarder tout cela comme si j’étais
quelqu’un d’autre. » Un autre regard dont celui du thérapeute prévaut désormais.
En prenant la place de celui « supposé savoir », Dominique marque de son désir la clô-
ture de son épisode psychiatrique. Peu de temps après, il demande sa sortie.
Cet homme jeune secret et renfermé s’est ouvert pendant la durée des entretiens théra-
peutiques. À la faveur du travail associatif, il a retrouvé son « habitus obsessionnel
névrotique ».
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. Vignette clinique n° 2
Sylvie est hôtesse de l’air. C’est une grande et belle femme de trente ans. Son visage
intelligent et mobile exprime surtout de l’angoisse. Il y a cinq mois, au cours d’un vol,
elle sent brusquement une inquiétante odeur de fumée. Dans la fraction de seconde
qui suit, une terrible secousse fait tanguer l’avion. Elle voit par le hublot un des
moteurs en feu. Pour elle cela signifie immédiatement la mort. Néanmoins, elle sort
rapidement de son effroi. Elle s’active auprès des passagers en proie à la panique.
L’avion survole l’Europe. Le pilote trouve sans délai un aéroport pour un atterrissage
d’urgence. Tout le monde est sain et sauf.
L’équipage est dans un grand état d’angoisse.
Chacun attend fébrilement les responsables de la compagnie dépêchés sur place pour
leur dire le drame évité de justesse et obtenir un « réconfort ». L’équipage demande un
rapatriement d’urgence en France.
Un conflit violent va l’opposer aux responsables qui lui demandent de reprendre le vol
interrompu sur un nouvel avion. Elle refuse. À son retour à Paris, elle est mise en congé
de maladie. Ce moment de répit lui permet d’absorber peu à peu son débordement émo-
tionnel. Elle reprend ensuite son travail. Lors du premier vol, elle est saisie d’angoisse.
Elle est incapable de monter à bord. Remise en congé de maladie, des cauchemars de
répétition apparaissent. Le médecin du travail pense l’adresse en consultation spécialisée.
Le premier entretien a « des allures » de debriefing individuel. Le contenu déborde le
cadre du débriefing psychologique. La patiente fait part du malaise ressenti depuis
longtemps dans son exercice professionnel. Au début de son adolescence, quand se
posait le problème d’une pré-orientation professionnelle, elle avait formulé claire- - 17
ment : « n’importe quoi mais pas hôtesse de l’air ». « Les circonstances comme ceci et
comme cela » explique-t-elle « ont fait que c’est justement le métier que j’ai choisi ».
À la fin de ce premier entretien, elle demande : « Comment expliquez-vous que dans
l’équipage de cet avion je sois la seule à faire ces cauchemars et à ne pas pouvoir
reprendre mon travail ? »
Nous lui répondons spontanément : « Probablement avez-vous un rapport particulier à
la mort… »
À l’entretien suivant, elle commence ainsi : « Vous aviez raison l’autre jour, je me suis
souvenue que quand j’avais deux ans et demi (et j’ai vérifié la date avec mes parents)
ma mère m’avait amené près du lit de mort de mon arrière-grand-mère. Elle m’avait
demandé de l’embrasser. Je ressens encore en en parlant le froid glacial qui s’est emparé
de tout mon corps. C’est comme si j’avais embrassé une statue de marbre. Mes parents
que j’ai interrogés cette semaine m’ont dit aussi, que par la suite, je suis restée trois
jours sans prononcer un mot. »
L’allusion à la statue de marbre figure bien la pétrification. L’effroi s’est emparé d’elle.
Dans le fil des rencontres suivantes, elle apportera d’autres éléments « intéressants ». Le
premier est le suivant. À partir de l’âge de 8 ans et demi et pendant trois ans environ,
apparaissent des angoisses de mort centrées sur ses parents ou sur elle-même. Cette
angoisse est également présente quand elle est séparée d’eux pour une soirée ou même
une heure. Elle imagine toutes sortes d’accidents. Ses crises d’angoisse aiguës font
peser des menaces de mort sur elle-même.
Progressivement, elle comprend le rapport entre le trauma de l’enfance et ces symp-
tômes actuels. Elle fait le lien entre celles apparues jeune et la rencontre avec « ce réel
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de la mort » sous forme de l’incendie du réacteur. L’idée concrète de la mort se fait plus
précise et réactive ses angoisses infantiles non élaborées.
Les contenus agressifs vis-à-vis de ses parents lui échappent encore à ce stade du pro-
cessus thérapeutique… Un autre symptôme émerge du travail.
La famille habitait une maison un peu à l’écart de la ville. Du retour du collège, Sylvie
avait un bout de chemin à faire à pied dans la campagne. À un endroit, ce chemin fai-
sait une fourche. D’un côté, il s’enfonçait dans une épaisse forêt, de l’autre, il rejoignait
la maison de ses parents. À chaque fois qu’elle arrivait à ce carrefour – elle insiste « à
chaque fois » –, elle était saisie d’une envie terrible de s’enfoncer dans la forêt. Elle vou-
lait disparaître à jamais et surtout de ne jamais donner de nouvelles. Naturellement,
elle ne l’a jamais fait.
Peu à peu, la patiente comprend le rapport entre ce désir adolescent et le « choix » de
son métier. Elle verbalise une sorte de compromis : « Disparaître régulièrement à
l’autre bout du monde certes… mais tout de même réapparaître. »
À partir de ce moment, la patiente « abandonnera » les contenus traumatiques pour
s’engager dans un travail psychothérapique sur des contenus névrotiques « tradition-
nels ». Les manifestations pathogènes invalidantes de la névrose traumatique avaient
disparu.
Elle mûrissait, parallèlement à l’élucidation de ses impasses libidinales, un projet de
reconversion professionnelle. Elle le réalisera effectivement dans un secteur littéraire
qui convient mieux à ses capacités.
Sylvie n’est jamais rentrée dans le détail de ses relations avec son père et avec sa mère.
Ils forment pour elle un bloc hostile mais dont elle n’a pu se détacher que très tard. Le
18 - trauma infantile lui a permis de reconstituer les avatars de sa traversée œdipienne. Elle
a pu se dégager du poids mortifère qui pesait sur elle. Il constituait un « lit idéal » pour
le trauma actuel.
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De la « psychiatrie de l’avant »
aux urgences médico psychologiques
Philippe BESSOLES
INTRODUCTION
[17] à savoir :
a) Phase d’introduction (période permettant à l’équipe intervenante
de présenter le dispositif ).
b) Phase de description pendant laquelle les participants sont invités
à décrire l’évènement et leurs vécus.
c) Phase de réflexion qui promeut l’élaboration psychique indivi-
duelle par rapport aux réactions immédiates et émotionnelles du trau-
matisme.
d) Phase de réaction qui sollicite l’expression des affects et des sensi-
bilités individuelles et collectives.
e) Phase des symptômes où chaque participant témoigne de son
comportement depuis l’événement vécu en particulier sur le plan symp-
tomatologique.
f) Phase d’enseignement dont le but est de « normaliser » les réactions
et prévenir les réactions ultérieures.
g) Phase de conclusion qui s’ouvre sur des questions libres et des pro-
positions de suivis individualisés ultérieurs pour les personnes qui en
feraient la demande.
24 - . Le troisième s’attache à un retour à la vie civile par l’évaluation
prédictive des capacités de coping (« rebondir ») et une préparation psy-
chologique à une ré-inscription psychosociale.
On observe des variantes de la technique de J. Mitchell comme la
méthode préconisée par K. Armstrong [18]. Le contexte du tremble-
ment de terre de San Francisco (17 octobre 1989) a permis de centrer la
méthode de debriefing autour de quatre phases : la découverte de l’évé-
nement, les sentiments et les réactions, les stratégies de coping (« faire
face ») et la clôture qui prépare au retour chez soi.
En 1997, A. Dyregrov [19] du « Center for Crisis Psychology » de
Bergen (Norvège), tout en se référant à la technique de J. Mitchell pro-
pose le Process Debriefing. La variante consiste à fusionner la phase des
symptômes et celles des réactions (phase 4 et 5) afin de mobiliser le sou-
tien groupal.
D’autres auteurs comme B. Raphael [20] en Australie propose l’ex-
ploration des aspects cognitifs en même temps que les aspects psychoaf-
fectifs. En 1994, A. Shalev [21] insiste sur la mauvaise saisie cognitive
des enjeux traumatiques et la nécessaire mutation d’une « mémoire
d’image à une mémoire verbalisée ».
L’école française, nourrie d’une expérience clinique importante en
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CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] NEHMÉ A., DUCROCQ F., VAIVA G., « Les debriefings psychologiques dans la pré-
28 - vention des syndromes psycho-traumatiques », Revue de la littérature, Revue franco-
phone du stress et du trauma, tome 4, n° 4, Paris, Princeps éditions, 2004.
[2] CROCQ L., Les traumatismes psychiques de guerre, Paris, éd. Odile Jacob, 1999.
[3] DE CLERQ M., LEBIGOT, F., Les traumatismes psychiques, Paris, éd. Masson, 2001.
[4] BAILLY L., « Le débriefing psychologique : indications et limites », in Comprendre et
soigner le trauma en situation humanitaire, Paris, éd. Dunod, 2003.
[5] SALMON T. W., « Care and treatment of mental diseases and war neuroses (shell
shock) in the British army », Mental hygiene, vol. 1, 1917, p. 509-547.
[6] MARSHALL W. L., « A combined treatment method for certain sexual deviations »,
Behavior Research and Therapy, 9, 1971, p. 292-294.
[7] MITCHELL J. T., « History Status and Future of CISD », Journal of Emergency
Medical Services, 13, 1988, p. 49-52.
[8] LEBIGOT F., « Le débriefing individuel du traumatisé psychique », Annales Médico-
pychologiques, 155 (6), 1998, p. 370-378.
[9] AUDET J., KATZ J. F., Précis de victimologie générale, Paris, éd. Masson, 1999.
[10] BESSOLES P., Le meurtre du fèminin. Clinique du viol, Lecques, éd. Théétète,
1997, 2000.
[11] BESSOLES P., MORMONT C. (sous la dir.), Victimologie et Criminologie. Approches
cliniques, Nîmes, éd. Champ social, 2004.
[12]BACCINO É., BESSOLES P., Victime-Agresseur. Tome 1. Le traumatisme sexuel et ses
devenirs, Nîmes, éd. Champ social, 2001.
[13] CROCQ L., BOUTHILLON P., JULIEN H., 1990, « Stress immédiat et séquelles psy-
chiques chez les victimes d’attentats terroristes », Psychologie médicale, 24 (5), 1990,
p. 465-470.
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Clinique humanitaire,
clinique de l’altérité
Francis MAQUÉDA
dire, eux les psy comme du coup véritables témoins, au sens propre,
témoins qui raccrochent la victime à l’humanité commune. Statut de
témoins donc, élus par les victimes qu’ils rencontrent, ce qui fait d’eux,
en quelque sorte, leurs obligés. Témoigner permet de restaurer la capa-
cité de penser des victimes mais ne va pas sans risque : le degré d’infiltra-
tion idéologique peut conditionner l’effet du témoignage. Or, entre la
relance d’un processus et l’ouverture d’un procès, la marge est étroite.
Au centre de l’humanitaire trône en effet le témoignage qui, lorsqu’il est
trop sollicité, privilégie des descriptions pouvant entraîner un certain
voyeurisme de la part des spectateurs que nous sommes et qui maintient
la victime dans son rôle de victime, l’empêchant de penser « l’avenir »
(l’enfermant en quelque sorte dans son rôle de victime). C’est une fonc-
tion éthique où le souci de l’histoire et de la mémoire doit rester vif.
Clinique de passeur dans cette fonction ambiguë qu’exige la double posi-
tion : témoin et thérapeute.
Rappelons que le faiseur de ponts est un faiseur de liens s’exposant
« à trahir l’une ou l’autre partie de ce qu’il réunit, comme si l’exigence
d’une fidélité à soi-même et au respect de l’autre convoquait le soupçon,
et sans doute le désir de trahir ce dont on témoigne2 », tout comme le
traducteur d’ailleurs…
Pour donner un sens plus précis à ces propositions, il faut revenir à ce - 33
qui caractérise les situations totalitaires, qu’elles prennent la forme de la
violence d’État ou celle des avatars de la purification ethnique : la parole
qui est imposée est essentiellement perversion du discours et exclusion
de la parole singulière. Retrouver la voie du témoignage, c’est retrouver
la voie de la mémoire. Expérience qui se vit dans le soupçon de trahir
l’autre ne serait-ce que parce que « partager avec un autre peut représen-
ter un danger3 ». On se souvient et on remarque que, dans tous les pro-
cès instruits par les totalitarismes, le contact avec l’étranger était et est
toujours dangereux ; il ouvre au risque de la parole libre. Parole libre
donc, prenons l’exemple de l’ex-Yougoslavie. En ex-Yougoslavie, la vio-
lence ethnique, cette manipulation et cette mise en pièces du corps de
l’autre, les effets sur le psychisme de l’utilisation de la terreur, comme la
crainte d’une mort imminente, l’anéantissement du sentiment de sa
propre dignité, de toute estime de soi, sont des effractions qui nous
atteignent de l’intérieur, qui touchent notre propre vie4. Mais plus fon-
damentalement la thèse selon laquelle où est un Serbe se trouve la Serbie
(pour ne parler que des Serbes) est une version renouvelée de la haine du
compromis. Cette thèse place le sujet devant une sorte d’injonction para-
doxale : sa reconnaissance par l’autre passe par le déni de son droit à
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dans le changement de tour de garde la voix de son voisin de palier le plus proche, qui
prenait son tour de garde. Au matin, ce dernier lui a asséné plusieurs coups de crosse
de fusil sur la tête, parce que Karol faisait état de ce voisinage pour tenter d’obtenir une
libération… ailleurs, des enfants d’un village de Bosnie centrale nous transmettront
leur stupeur : celle d’avoir découvert que leur instituteur était le principal meneur
d’un groupe d’agresseurs qui organisait, sur la place du village, la déportation de leurs
pères.
Dans ces deux témoignages, on sent bien en quoi les relations de
confiance, celles qui s’établissent sur une quotidienneté partagée, ont pu
être attaquées puisqu’on ne pouvait même plus s’en prévaloir pour être
sauvé. Certains témoignages de femmes qui ont été systématiquement
violées, ou d’homme sur qui ont été commis des abus et des mutilations
sexuels dans des camps de détention, révèlent ces mêmes états de stu-
peur. Ils reconnaissent parfois, dans leurs agresseurs, des personnes qu’ils
connaissaient auparavant, lesquelles ne s’en cachaient pas d’ailleurs,
comme si ces derniers ne pouvaient, à leur tour, les reconnaître qu’en
retournant en haine ce qui pouvait apparaître auparavant comme des
relations de simple voisinage.
Dans ces conditions, comment partager la situation traumatogène sans
pour autant se tenir défensivement à distance ? Comment rechercher la
meilleure position psychique, d’identification et de retrait, c’est-à-dire - 35
de différenciation de sa propre subjectivité ? En effet, si celle-ci n’est pas
celle de l’autre, elle devient alors partageable. Reste alors qu’il faut tra-
vailler à la contrepartie de l’effet traumatique chez les soignants, tant les
contenus douloureux, persécuteurs et idéalisés qui sont « déposés-proje-
tés » chez eux, révèlent de manière criante parfois, leurs propres condi-
tions (d’expatriés) rendant difficile, voire insupportable le travail
d’écoute et de soutien. Comment recevoir, accompagner, resymboliser,
co-élaborer l’éprouvé traumatique ? Comment ne pas en désapproprier
l’autre ? Comment faire face à ce réel sidérant qui s’impose ? Réel sidé-
rant qui s’impose tellement qu’il arrive à faire penser que les personnes
traumatisées sont sous influence. À cet égard, la question de la position
du clinicien se pose au regard de cette influence, tant il peut être aussi
identifié par le sujet traumatisé comme un agresseur potentiel si cette
position est vécue comme « un faire dire ». Il faut bien se représenter que
le simple fait de poser des questions, ou même d’interpréter, peut être
vécu comme une forme de manipulation mentale propre à l’agresseur.
Des relations d’alliance sont alors à rechercher hors de l’excessive
compassion ou de l’empathie manichéenne pour faire vivre un début de
resolidarisation citoyenne qui permettra au sujet traumatisé de percevoir
que le thérapeute partage, à la fois quelque chose de la situation trauma-
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toire que ce soit d’un individu ou d’un groupe, que par l’Autre, à travers
autrui. Il n’y a jamais de sens que dans un rapport à l’autre. Ces formu-
lations posent les contours de l’activité soignante psychique dans les
contextes humanitaires. Dans ces conditions, nous pouvons oser aider,
voire oser prendre soin, dans une position complexe mais riche de théra-
peute, de témoin et de passeur de mémoire. Il y a là comme un refus de
l’arbitraire ou une réponse à « l’ordre de ne pas laisser autrui seul, fut-ce
en face de l’inexorable, comme fondement de la socialité6 ». Cependant,
nous découvrons à chaque fois les deux tendances qui s’affrontent en
nous ; deux tendances contradictoires qui nous habitent sans cesse, pour
peu qu’on y soit sensible ou qu’on leur prête une place ; l’une, celle du
propre, du familier, du proche de l’intime et du natal ; et l’autre, celle de
l’autre, de l’altérité, de l’étranger, de la traduction du nomadisme. Cet
engagement devrait être au centre de la clinique humanitaire en particu-
lier, comme il est au centre du travail thérapeutique en général. Ce tra-
vail vise, dans des situations extrêmes, à ce que persistent les conditions
d’une vie psychique permettant de continuer à se penser humain.
Reste que penser à cela, dans les situations humanitaires où j’ai été
amené à intervenir en particulier, c’est chercher à affronter le sens de ce
qui nous échappe dans ce qui se présenterait comme l’irréductiblement
différent ou l’immensément tragique. Or, le différent et le tragique - 39
imposent une urgence : encore une fois, celle de penser. Pourquoi ? Parce
que c’est justement la pensée qui est attaquée dans ces situations où la
violence est débordée par la cruauté comme une surenchère qui vise à
aller au-delà, avant la mort physique, vers la mort symbolique et sociale.
On atteint là parfois un indicible de la confrontation avec l’étrangeté et la
mort. Cet indicible traduit une impensable issue d’une « rencontre »
avec cet événement : chaque fois cette question se pose : comment cet
impensable peut-il devenir pensable ? C’est un des enjeux de la ren-
contre thérapeutique, en particulier dans la clinique humanitaire.
Je voudrais terminer par une incidence actuelle qui limite cette cli-
nique humanitaire, celle de son indépendance financière. En effet, les
programmes humanitaires sont en train de passer (beaucoup plus qu’il y
a une dizaine d’années) sous la coupe des bailleurs de fonds institution-
nels (Communauté européenne, ONU, etc.) qui peu à peu décident des
priorités (sur des critères qui ne prennent plus en compte les besoins
réels) et formatent même le contenu des programmes (avec des exi-
gences bureaucratiques très éloignées des réelles problématiques ren-
contrées sur les terrains d’intervention). Tout cela dessine un champ
complexe et en constante évolution qui semble nous éloigner des idéaux
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de partage et de solidarité que j’ai pu décrire, avec toutes les limites que
j’ai pu ajouter. Cette pression des financeurs institutionnels semble être
relayée depuis quelque temps, à l’intérieur des grandes ONG, par celle
de jeunes managers qui s’y sont fait embaucher pour réguler, entre
autres, les sommes importantes attribuées aux ONG, en particulier pen-
dant le conflit en ex-Yougoslavie. Au risque de la polémique, je dirais
que si nous ne réagissons pas, nous nous orientons vers « un humani-
taire néo-libéral », sorte de « management sans-frontières » qui, faute de
position critique acérée sur les critères de normalisation imposés par les
bailleurs de fonds institutionnels, épouse peu ou prou les nouvelles
modalités d’actions proposées. Cette normalisation fait courir le risque
de l’instrumentalisation qui ferait plus « bien se conduire » que de « bien
penser » les actions.
Cependant, « le ver est dans le fruit », puisque de toute façon, ce qui
s’impose pour les ONG est probablement de réguler leur croissance et la
prolifération de leurs missions, qui s’est accompagnée d’une croissance
équivalente des personnels employés aux sièges. Progressivement, les
bénévoles ou les intervenants en disponibilité ont perdu leur hégémonie
au sein des organisations, de même que les personnels médicaux.
Autrement dit, l’humanitaire devient un secteur qui offre désormais des
40 - carrières professionnelles et pas seulement militantes. Jean-Christophe
Ruffin constate qu’on est passé du « romantisme polyvalent à l’efficacité
de professionnels » (cf. la revue Le débat, mai-août 1999). En poussant
un peu le trait, force est de constater que l’aide humanitaire est devenue
un marché comme un autre, féroce même, qui place les ONG en
concurrence pour l’obtention des budgets, et les conduit à choisir des
interventions payantes, c’est-à-dire correspondant aux intérêts poli-
tiques et économiques des donateurs.
Progressivement, l’image des ONG s’infléchit au point qu’actuelle-
ment la majorité des candidats à la sélection des DESS-Humanitaire se
prévalent plus d’une formation en management (niveau maîtrise) ou
d’une formation en sciences politiques (option gestion et droit) que
d’un bagage technique ou d’implications dans le domaine de la solida-
rité ; ces DESS, qui existent depuis une demi-douzaine d’années, ne ser-
vant plus à qualifier d’un diplôme universitaire « des vieux routiers » du
monde humanitaire, comme cela a pu être le cas à leur création. Ces
nouveaux étudiants, futurs demandeurs d’emploi humanitaires, devien-
nent difficilement mobilisables pour penser la compassion pour les
autres, et en difficulté voire en résistance à élaborer quelque chose des
conditions sociales et économiques de production de leurs souffrances.
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L’idée d’attente, qui est celle de se donner du temps pour penser, ce qui
n’exclut pas de poser des actes (parlants) quand ils sont nécessaires, n’est
pas péjorative. Une tension doit s’installer entre ceux qui croient à
l’image immédiate et au village planétaire, vecteurs de l’idéologie de la
mondialisation, et à une certaine « fin de la géographie » et ceux qui
pensent qu’effectivement nous sommes de plus en plus affiliés au
monde, mais que cela provoque au contraire une formidable remise en
valeur des paysages. Si en effet la géographie peut se donner avec une
certaine objectivité, le paysage y résiste puisqu’il est éminemment inter-
subjectif, point de rencontre entre l’homme et son environnement.
Je ferais l’hypothèse que le management néo-libéral version sans
frontières est du côté de la fin de la géographie, il nous propose un
monde virtuel et uniformisé, habillé d’un langage spécialisé. Son exten-
sion sans nuance critique l’érige en position dominante en l’éloignant
d’une pratique, d’un métier, d’une intercomplémentarié. Est-ce une
position d’expert qui est ainsi visée ? Probablement. Dans ce cas elle me
semble très éloignée de celle du clinicien, celle dont l’expérience se
diversifie au contact de ces situations. Chacun apprend ainsi à jouer à
l’intérieur de soi avec des contenus différents ; en se posant toujours la
question, celle-là même que se posait Georges Devereux : « Quel autre
suis-je pour cet autre… avec qui je suis en relation ?7 » - 43
NOTES
destruction sans fin. Il reprend là en fait, ce qu’il développait dans « Rupture catastro-
phique et travail de la mémoire. Notes pour une recherche », dans « Violence d’État et
psychanalyse », Puget et coll., éd. Dunod, Paris, 1989, p. 169-204.
2. F. MAQUÉDA, 1998, Carnet d’un psy dans l’humanitaire. Paysages de l’autre, Toulouse,
éd. Éres, (prix psychologie 1998) p. 162
3. Ibid.
4. Cette situation touche un problème de filiation, de transmission. Quand des
femmes sont violées, semble-t-il systématiquement, et réduites à n’être que des corps
enfantant, celui ou celle qui naîtra peut-être, que deviendra-t-il (elle) ? Ira-t-il grossir
les rangs d’institutions pour enfants abandonnés (fils ou filles de Serbe) ? Il y a là
comme un meurtre fantasmé de l’enfant. Un fantasme ou un réel réalisé. Qu’on se rap-
pelle de ce qu’il advint de Ludo, dans Les noces barbares de Yann Queffelec (Paris, éd.
Gallimard, 1985). Le fantasme est une formation imaginaire qui a une fonction pré-
servatrice et conservatrice ; la clinique psychanalytique le montre bien : s’il est agi dans
le registre de la réalité, cela produit un effet traumatique.
5. Le premier groupe qui s’installera en ex-Yougoslavie sera un groupe de tricot,
regroupant des femmes âgées, animé par une psychomotricienne et son interprète, et
ce groupe passera une grande partie de son temps à échanger des recettes de cuisine
(d’autres groupes viendront ensuite : groupe de dessin, de contes, d’écriture, de
paroles, etc.) Ce groupe de grands-mères fut pour nous très éclairant. Lors d’une de
nos premières visites, une de ces femmes, rencontrée au coin d’une place, nous avait
déclaré : « Ici je désapprends à penser, si au moins je pouvais tricoter… » L’avons-nous
prise à la lettre dans cette phrase étonnante qui faisait cependant référence chez nous à
44 - la rêverie de la femme qui tricote et qui sollicite, ce faisant, sa relation imaginaire à
celui qui portera son tricot ? Comme ce qui caractérise la mère qui attend un bébé ainsi
que le souligne M. Soulé dans un article pertinent, La mère qui tricote suffisamment
(SOULÉ, 1991, revue Médecine et enfance, vol. 11, n° 6, p. 190-196). Cette activité de
tricotage portait en outre un autre intérêt, celui de se réapproprier le choix de la
vêture, alors que les vêtements étaient essentiellement fournis par des surplus occiden-
taux apportés par l’aide internationale. Or, il s’avérera qu’une fois cette activité de tri-
cot mise en place comme un groupe de veillée, les femmes se mirent à échanger des
recettes de cuisine locale pour pouvoir se réapproprier aussi la confection de la nourri-
ture, jusque-là organisée de manière collective par la même aide internationale. Il
nous semblait par là que des processus de re-narcissisation se faisaient jour, de même
que des processus de restauration des liens. Ces derniers processus, au-delà de tout
choix éthique, sont bien les premiers temps de tout acte de soin en général, comme des
temps fondateurs.
6. É. LEVINAS, 1972, Humanisme de l’autre homme, éd. Fata Morgana.
7. À ce sujet, voir aussi F. MAQUÉDA, Aux frontières de la différence culturelle, dossier du
Journal des Psychologues, n° 217, mai 2004, 2004, p. 20-57.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I- LE TEMPS DE L’INCESTE
C’est l’indéfini du temps car l’inceste est hors temps car hors généra-
tion qui rythme dans ses successions l’histoire de l’humanité.
La mise hors génération vient de l’absence de coupure entre parents
et enfants au profit d’un collage qui fait croire à l’enfant qu’il peut par
cette voie incestueuse retourner au ventre maternel, à ses commence-
ments et au delà à ce paradis qui ne serait plus perdu.
L’enfant dans cette place indue qu’il occupe – femme de mon père
par exemple –, n’a plus que des liens à multiples vecteurs : épouse et fille
du père, belle-mère et sœur des autres enfants, etc. Il est mis à part sans
- 47
lien avec tout autre membre de la famille. N’ayant plus la place qui lui
était destinée, il est dans l’isolement, dé-généré.
Le montage des générations est ce qui ouvre, par la voie de la lignée,
par la chaîne liant les maillons de l’ascendance et de la descendance,
chaque être humain à l’origine commune des hommes, seuls parmi les
animaux à entrer dans la généalogie. L’origine de l’homme l’ouvre à
cette transmission, qui le marque particulièrement, du langage et de la
parole. L’obturation de cette ouverture se fait par la confusion des chairs
et le reniement généalogique.
L’annulation de la parole en est la manifestation immédiate. Le secret
sur le geste de violation de l’interdit est imposé par menace ou tentation
dans la complicité.
Le secret, parce qu’il suggère de présence-absence, vient en place de
l’origine. Tout commencerait dans cette confusion, ce chaos des places
parents-enfants, dans la négation de toute création quelle qu’elle soit,
hors du monde. L’enfant pris dans les rets de l’inceste, sans place, n’est
plus comme les autres enfants. Il n’est plus un parmi d’autres.
La coupure d’avec l’origine laisse l’enfant flottant, hors place, hors
temps. Vittorio l’écrit ainsi : « Je ne suis nulle part. Je ne peux parler ni à
l’imparfait ni au présent. Je suis un temps vide. Vidé de temps inexis-
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II- L’URGENCE
III- LA CRISE
C’est dans la famille que les remous sont les plus importants. La
mise au jour d’une torture exécutée sous le même toit, dans un aveugle-
ment incroyable, fait poser les questions de vigilance, de responsabilité,
voire de complicité plus ou moins consciente. Il y a alors le temps
d’avant, celui de la non-connaissance et celui d’après, du dévoilement
où plus rien ne sera jamais pareil.
Parfois malheur à la victime par qui le scandale arrive. Avant la révéla-
tion, elle ne savait pas bien quelle était sa place. Sans doute victime, mais
aussi un peu coupable de n’avoir pas su dire non. Après la dénonciation
des faits elle est souvent la coupable, celle qui envoie son père en prison,
qui prive sa famille de l’argent rapporté par le travail du père, qui couvre
d’opprobre chacun des membres de ce groupe jusqu’alors honorable.
De victime impuissante subissant la force patriarcale, elle devient
l’accusatrice publique, celle qui constitue la faute et détient la sanction.
Elle n’était rien, elle devient tout. Comment pourrait-elle continuer
dans ce jeu de biface ? Une seule solution est possible : la rétractation.
Elle blanchit son agresseur et se couvre de la honte de la fille indigne qui
a osé toucher à la probité parentale. Tout semble rentrer dans l’ordre,
reprendre le train-train familial, celui qui aveugle tous ceux qui s’y lais-
sent tracter.
Dénonciatrice ou rédemptrice, ses comportements ne vont pas sans - 51
symptôme. C’est le temps de la culpabilité et de la honte, des protesta-
tions de la vérité du dire. Il y a tous les ingrédients de l’angoisse indéfi-
nie dans le temps, de l’insomnie obscure et du vide alimentaire. La pré-
cipitation des décisions de soi-même et des autres frôlent l’indéfini du
temps des symptômes.
Lara a révélé les faits la semaine avant Noël. Rentrant de classe avec
sa sœur, celle-ci lui a dit : « Je n’offre pas de cadeau à Pierre. » Elle a
interprété ça comme une agression de retour contre Pierre qui sans
doute s’était comporté de la même façon abusive qu’avec elle. Elle s’est
dite : « Tout ce que j’ai subi n’a servi à rien. » Comme depuis la classe de
seconde elle était en psychothérapie, elle s’est confiée à sa psychothéra-
peute qui lui a conseillé : « Dites-le à vos parents, ils vous croiront. » Elle
a appris par la suite que sa mère qui l’avait accompagnée auprès de la
thérapeute la première fois, lui avait fait confidence qu’elle avait été vio-
lée par ce même Pierre, mari de sa mère.
Elle a donc pu se confier à sa mère. Le faisant, elle était en pleurs
avant de lui parler, alors qu’elle avait été très calme avec sa psychothéra-
peute et avant que sa mère n’ouvre la bouche, elle a compris que c’était
arrivé aussi à sa mère. « Il m’est arrivé la même chose qu’à toi avec
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Pierre », a-t-elle confirmé. Elles sont tombées dans les bras l’une de
l’autre, en pleurant, en présence du père. Ils ont annulé le rendez-vous
de Noël chez la grand-mère et le père a ajouté : « On en a contre Pierre ».
La grand-mère a été mise au courant.
Comme Pierre a accepté d’aller à l’hôtel pour la nuit de Noël, la
famille a rejoint la grand-mère. Il n’y a pas eu de plainte immédiate. La
grand-mère a continué à vivre avec lui et venait, seule, voir sa famille.
Par la suite ils ont appris que les cousines aussi avaient été victimes de
Pierre. Ce n’est que lorsque la grand-mère, « jouant le double jeu », a dit
que Lara était une menteuse et que sa mère et sa cousine étaient des allu-
meuses, qu’une plainte a été déposée en juillet.
Elle ne regrette pas vraiment sa révélation, mais a cependant des
coups de cafard. Elle est préoccupée parce qu’à côté des scènes précises
qu’elle peut évoquer, elle est sûre que beaucoup d’autres fois il lui est
arrivé des choses semblables et qu’elle ne peut les préciser.
Les scènes qu’elle peut évoquer lui reviennent toujours – « par bouf-
fées, je les sens venir ». Avant, au moment du coucher, elle revoyait ces
scènes qui ne l’empêchaient pas cependant de s’endormir. Un jour,
avant la révélation, en cours de maths, une scène revenue brutalement
l’a envahie d’angoisse et l’a poursuivie toute la journée. Après la révéla-
52 - tion, les scènes lui reviennent moins fréquemment et seule lui arrive la
crise d’angoisse.
Quelles que soient les rétractations possibles de la victime, la pre-
mière onde de choc a fait éclater les sous-groupes familiaux qui oscillent
entre indignation et étonnement à chaque passage de l’onde déferlante
de la révélation.
Enfin la justice abordée par le biais de l’enquête policière adresse un
programme d’événements dont la place est peu définie dans le temps.
Après les premiers faits de l’enquête souvent rapprochés, tout semble se
calmer parfois pour un très long temps. La victime est dubitative. Elle a
été secouée par la tempête judiciaire mise en marche puis reste interro-
gative sur la suite du processus dont elle n’aperçoit rien à l’horizon.
Tout se passe comme si elle était entrée dans le temps de l’oubli, puis,
souvent inopinément le judiciaire se rappelle à elle et réactive tout un
temps d’émotion que la victime croyait avoir dépassé. Elle va vivre avec
difficulté les auditions, les expertises, les confrontations, puis c’est le
retour à un temps imprécis avec la perspective lointaine du procès.
Le procès est le temps d’une nouvelle crise où tous les acteurs connus
et inconnus sont présents : agresseur, avocat, expert, témoins, juges,
jurés et procureur. Sa vie se déroule en raccourci. Elle est confrontée à
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NOTE
1. L. Daligand, L’enfant et le diable. Accueillir et soigner les victimes de violence, Paris, éd.
L’Archipel, 2004.
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Urgence et expertise
Christian MORMONT
NOTE
titre, le fantasme est une création psychique nécessaire pour faire écran à
un autre souvenir plus lointain qui, à son tour, est dans une relation
étroite avec la véritable nature du trauma. Freud découvre que, dans les
« névroses de transfert » (hystérie, névrose obsessionnelle et phobie),
l’accusation d’une séduction infantile surgit comme « souvenir-écran »
comportant le bénéfice secondaire de présenter le trauma sous une
forme érotisée. Cette version érotisée a subi l’influence du complexe
d’Œdipe. Racontée au psychanalyste, la version est ainsi influencée par
le transfert. L’interprétation intervient pour préciser, s’approcher par le
biais du travail de la métaphore. Nous sommes loin d’un récit selon des
exigences journalistiques.
Ferenczi, disciple et collègue de Freud, s’est intéressé à la probléma-
tique du traumatisme pris sur les faits. Il découvre qu’au malheur de
l’événement s’ajoutent d’autres événements répercutant le caractère
traumatique. L’incapacité de communiquer des faits aux adultes s’avère
cause principale d’aggravation. Ces mêmes adultes doivent l’aimer et
l’aider. Pourtant les grandes personnes réagissent de façon inappropriée
face à l’enfant dont ils n’ont pas compris le changement de comporte-
ment. L’enfant est incapable de parler du fait qu’il sait d’avance qu’il ne
sera pas entendu ou il en a fait l’expérience précédemment. Ainsi coupé
de la communication, l’enfant se trouve coupé du vivant. Ce qu’il devait - 65
taire se sédimente et le mortifie. Il vivra en lui des « répétitions quasi
hallucinatoires d’événements traumatiques ». Bien que le trauma soit
d’ordre psychique, les faits sur lesquels il se fonde peuvent être refoulés.
Autrement dit, le support du trauma est imperceptible et inintelligible.
D’un point de vue clinique, le symptôme peut ressembler à celui des
« névroses de transfert ». Pourtant dans la « névrose traumatique », l’en-
jeu psychique est différent. Celle-ci modifie l’usage du transfert et de
l’interprétation du rêve.
Ferenczi définit la commotion psychique ainsi. Bien qu’elle soit en
rapport avec le trauma (qui en est la structuration), elle s’en distingue
car tout vécu engendre le « choc ». Celui-ci provoque l’anéantissement :
de soi, de la capacité de résister, d’agir et de penser en vue de défendre le
Soi propre. Dans la logique de l’anéantissement, la traduction sur le
plan physiologique est possible. C’est le cas des organes cessant leur
fonctionnement ou le réduisant à l’extrême. Ferenczi explique que le
mot « commotion psychique » (Erschütterung) implique la notion de
« débris » (Schutt). Il « englobe l’écroulement, la perte de sa forme propre
et l’acceptation facile et sans résistance d’une forme octroyée, “à la
manière d’un sac de farine” ».
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. Madame B. a été abusée par son beau-père alors qu’elle est adolescente. Durant
toutes ces années d’insouciance où ses amies pensent aux garçons et au maquillage, elle
est terrorisée à l’idée de se trouver toute seule avec son agresseur. Ce sont des attouche-
ments sexuels sans pénétration qui lui rappelle constamment qu’elle dégage une séduc-
tion. Elle récolte ce qu’elle sème. C’est ce qu’il lui fait comprendre. Madame B. a beau
d’essayer de l’expliquer à sa mère qui prend cette révélation très mal, dans le sens que
sa fille lui vole son amant. Madame B. cherche souvent prétexte pour dormir chez des
copines. Elle quitte la maison aussitôt majeure.
Malgré tout, elle est devenue sociable. Elle a eu des relations avec des hommes. Elle a
voulu connaître la sexualité non incestueuse dès lors où sa mère a préféré son amant.
« J’ai toujours besoin de séduire un homme, c’est plus fort que moi. Comme si l’accu-
sation que je récolte ce que je sème devait continuer à se vérifier. Et puis, il y a une voix
en moi qui se demande si je sais uniquement séduire des vieux cons où si c’est aussi
possible avec un type bien », dit-elle.
Quelle est la nature de son problème ? Au moindre désaccord dans le couple, elle
pleure comme un bébé en détresse. Elle se désintègre. Tout cela la fatigue énormé-
ment. Elle se retire psychiquement pour ne pas être blessée. Les disputes concernent
des petits riens qui exigent « une patience d’ange » de son mari. Autre problème, elle
n’arrive pas à être enceinte. Chaque grossesse finit aussitôt par une fausse couche. Elle
n’a pas envie de consulter pour cela « comme les vieilles ». Sur le plan transférentiel, j’ai
pris la place de la mère de façon évidente. Le transfert est négatif et positif. Sa résis-
tance au travail est énoncée dès le départ. C’était bien une meilleure base pour un tra-
vail psychique en profondeur qu’avec Monsieur A., positif d’apparence. Le premier n’a
pas pu aller plus loin dans la psychothérapie. Il n’avait pas de sensibilité à la psychana- - 71
lyse. Alors que dans le deuxième cas, la patiente s’accroche pour un travail laborieux,
long et haineux.
On observe également un lien entre trauma sexuel et la reconstitution du trauma à tra-
vers un comportement déviant (pervers). Dans ces deux premiers cas, j’ai noté une cer-
taine perversion sociale chez Monsieur A. Mais, il a l’air de nuire davantage à lui-
même qu’aux autres. Il demande une attention exagérée à l’autre comme Madame B.
Elle torture son partenaire avec sa sensibilité. Puis, son rapport à l’argent traduit sa
façon de ne pas respecter les limites. Très dépensière pour elle-même, elle se considère
toujours comme invitée chez les autres.
Le matériel clinique montre souvent que l’agresseur sexuel a été, en
général, victime d’agression sexuelle à son tour. Il semble y avoir un
cercle vicieux. Tous les enfants abusés ne deviennent pas abuseurs, mais
tous les abuseurs se disent avoir été abusé. Cette systématisation du dis-
cours laisse dubitatif quant aux faits comme au temps de Freud – abus
ou fantasme d’abus ?
. Voici l’exemple d’un patient psychotique qui dort toujours dans le lit avec sa mère
quand il lui rend visite. Je ne l’apprends que par hasard au bout de quelques années de
psychothérapie quand il en parle. Il ne s’est pas rendu compte que cela ne se fait pas. Il
est surpris que je lui fasse raconter en détail les jeux de polochon avec sa nièce. Il a fallu
lui faire raconter comment il joue avec sa nièce sur ses genoux ou se rouler dans le lit
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pour qu’il lui vienne à l’idée que cela lui procure aussi une érection. Il n’a pas « fait
attention » à cela jusque-là, dit-il. Il en a fallu du travail pour lui faire admettre qu’on
ne dort pas dans le lit de sa mère à trente-cinq ans et qu’on ne résout pas les conflits
avec son frère en induisant sa nièce dans des jeux érotiques. Pour travailler le complexe
d’Œdipe avec un psychotique, il faudra de la patience et de la persévérance.
À cette étape du travail, il raconte les attouchements sexuels dont il a été l’objet à l’âge
de sept ans de la part d’un garçon plus âgé. Il s’agit de jeux masturbatoires qui ont eu
lieu deux ou trois fois. Ce n’est pas le fait qui le marque. À l’époque, il a raconté l’his-
toire à sa mère. Elle a grondé l’agresseur. Cela n’a pas de rapport avec sa psychose. Au
contraire, pour lui c’est un souvenir positif. Sa mère le défend. Dans la famille, la
structure a été beaucoup perturbée : la mère et le père avaient inversé les places. Quand
ce patient allait mieux, il préférait fréquenter les prostituées, car au moins il avait
« pour son argent » et « elles faisaient ce qu’il voulait ». Dans le cas d’un patient psy-
chotique, il est déjà difficile de savoir ce qu’il s’est passé réellement, mais, en plus,
impossible à savoir ce qui se passe au moment où on travaille avec le patient. Lorsqu’il
est venu consulter la première fois, ce n’était pas pour abus sexuel, mais pour des rela-
tions difficiles avec autrui. On ne peut pas supposer un abuseur d’enfant chez chaque
patient psychotique et le lui demander !
Ce cas illustre bien qu’il ne se rend pas compte de ce qu’il fait. Je ne suis pas sûre
d’avoir obtenu toute la lumière sur ses jeux sexuels avec sa nièce. Cela ne m’a pas sem-
blé une indication pour insister et susciter l’idée chez lui que cela m’intéresserait ou
que je participerais à travers ses récits. Au contraire, mon but a été de le faire cesser au
plus vite à travers sa propre reconnaissance. D’une manière ou d’une autre, je lui ai
72 - signalé qu’il n’était pas intéressant de s’en prendre à plus petit que soi. Il a vu le rapport
avec la rivalité et les conflits qu’il a vécus avec son frère. Il a pu les aborder. Puis, il s’est
tourné vers des femmes adultes, de préférence des prostituées. Là aussi, le travail ne
pouvait pas aller au-delà d’une certaine stabilisation.
. Un autre exemple, l’abus par un enfant, cette fois-ci par une petite fille un peu pré-
coce. Ce patient-là se présente avec une pathologie état limite. Le désordre affectif, la
dominance du mécanisme de l’identification projective rend le travail difficile.
Cultivé, il sait s’exprimer. Il lit des ouvrages de Freud dont il veut discuter. Comme il
est très coureur tout en étant marié, je n’ai pas envie de me faire raconter toutes ses
relations. Je propose de commencer « par le début ». C’est assez équivoque, et toujours
intéressant de voir ce que le patient considère comme le début. À ma grande surprise,
il raconte qu’il a eu son premier rapport sexuel à l’âge de quatre ans avec une fille de
sept ans. Il a vécu une vie de couple avec elle pendant deux ans ! Il raconte les coïts et
les jeux sexuels à la manière qu’il se vante de conquête à l’âge d’adulte. Le message est
de l’ordre de la vantardise : il sait faire l’amour aux femmes depuis l’âge de quatre ans !
Cette jeune fille est « apparue » au moment où le patient, qui a été le plus âgé de la fra-
trie de trois enfants, a vécu la naissance d’une petite sœur. La naissance de son petit
frère à un an l’avait déjà privé de sa mère. Il a manifesté son désaccord avec cette nais-
sance en réclamant le biberon comme celui-ci. La rivalité œdipienne et le complexe
d’Œdipe sont des contenus évidents de ce « début », mais aussi à d’autres moments de
sa vie adulte où il a des impulsions sexuelles difficiles à contrôler. À vrai dire, il règle
tout conflit par le sexuel et sa satisfaction sexuelle. Dans sa vie adulte, il se lasse de plus
en plus des autres. Il en demande de plus en plus. Cela s’exprime par ses pratiques
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sexuelles devenant de plus en plus exigeantes dans le scénario. Pourtant, il est soucieux
de sa bonne image à l’extérieur au sujet de sa famille et de ses enfants. Les multiples
conquêtes sont purement d’ordre sexuel, dit-il, et encore, tout cela évoque une certaine
absurdité. Que cherche-t-il ? À la suite d’une altercation au travail, il se trouve un
remède immédiat. C’est une grande entreprise, « la boîte » qu’il considère plutôt
comme une boîte de nuit lui facilitant les rencontres.
Ces exemples montrent qu’il est difficile de se prononcer au sujet de
la sévérité de la pathologie. Ce sont plutôt les expériences concomi-
tantes à l’événement traumatique qui fondent l’expérience commotion-
nante. Les patients ont toujours du mal à dire ce qui a été véritablement
traumatisant et d’en expliquer la raison. L’explication reste tautologique
mais la trace traumatique est authentique. Le paradoxe est très présent,
de faire deux choses contraires sans l’avouer. Le contre-investissement et
la réaction défensive sont mis en œuvre pour écarter la moindre expé-
rience commotionnante. L’évitement témoigne de la présence de l’expé-
rience – non pas en tant que souvenir – mais par la trace du vécu.
L’impossibilité de prendre une décision est une de ces caractéristiques
illustrant la fragilité du Moi.
- 73
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ces constats nous ont guidés pour faire entendre la voix des victimes.
L’association SOS Attentats a été créée fin 1985, elle regroupe aujour-
d’hui près 2 000 victimes du terrorisme ainsi que les familles des per-
sonnes décédées.
De manière générale, SOS Attentats informe, oriente et accompagne
toutes les victimes du terrorisme qui en font la demande. Elle les aide
dans toutes leurs démarches sociales, administratives, médicales et judi-
ciaires en leur donnant des conseils, en mettant à leur disposition un
réseau compétent de professionnels de la médecine et du droit.
L’association, présente aux côtés des victimes, organise des rencontres et
des groupes de parole. Elle fournit des conseils relatifs aux procédures
d’expertises médicales en favorisant notamment une prise en charge
immédiate et à long terme, globale et pluridisciplinaire des victimes et
de leurs familles.
L’association est aussi le porte-parole des victimes auprès des pou-
voirs publics français, européens et internationaux et lutte contre le ter-
rorisme dans le plein respect des droits attachés à la personne humaine.
76 -
NOTRE ASSOCIATION TRAVAILLE AUSSI À LA LUTTE CONTRE L’OUBLI
SOS Attentats aide les victimes à constituer leur dossier et les défend
au sein du Conseil d’administration du Fonds de Garantie.
Depuis le 1er janvier 1987, le Fonds de garantie a traité 3034 dossiers
concernant 493 événements terroristes et plus de 116 000 dossiers d’in-
fractions graves depuis 1990.
78 -
PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES VICTIMES
SOS Attentats a travaillé pour obtenir une prise en compte des trau-
matismes spécifiques subis par les victimes du terrorisme, la mise en
place d’un dispositif de soutien psychologique pertinent et une
meilleure évaluation de leurs besoins. Pour ce faire, SOS Attentats a ini-
tié et permis la réalisation d’études médicales.
Présentés devant les administrateurs du Fonds de Garantie, les résul-
tats de la première étude publiée en 1987 auprès des victimes d’attentats
commis entre 1982 et 1986 ont été utilisés pour modifier les règles
d’indemnisation.
Un nouveau poste de préjudice a été créé. En raison de la propor-
tionnalité entre la gravité des lésions initiales et le syndrome lui-
même c’est le taux d’incapacité permanente partielle qui a tenu lieu
de référence.
« Le préjudice spécifique des victimes d’actes de terrorisme » ouvre
droit à une indemnisation supplémentaire évaluée à 40 % de la valeur
de l’incapacité permanente partielle (IPP). Cette indemnisation ne peut
être inférieure à 2 300 euros, même pour un taux d’IPP nul.
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EN CONCLUSION
Le debriefing psycho-dynamique
Carole DAMIANI
LES ACTEURS
LES INDICATIONS
tants à l’événement, dont les membres sont déjà unis par des liens pro-
fessionnels ou sociaux. Par exemple, l’équipage d’un avion, les collabo-
rateurs d’une agence bancaire, une équipe d’urgentistes ou sportive...
D’autre part, les participants ont tous été obligatoirement exposés direc-
tement à l’événement, qui a représenté une menace vitale. Les groupes
thérapeutiques hétérogènes, dont les membres n’ont aucun lien, sont
inefficaces parce qu’il n’est pas possible de travailler sur le groupe. Le
debriefing collectif ne peut s’appuyer sur les idéaux collectifs, sur les
liens identificatoires et communautaires pour reconstruire l’individu.
Les contre-indications sont les suivantes : les familles (en raison de la
complexité de leurs liens) ; lorsqu’une personne du groupe a commis ou
est supposée avoir commis une faute réelle qui a déclenché ou aggravé la
catastrophe ou l’accident ; les groupes d’élites (fondés sur la solidité et la
fiabilité du groupe) ; les groupes conflictuels ; et les groupes de sujets
sans aucuns liens préalables et/ou non exposés directement.
LES CONDITIONS
À quel moment ?
86 -
Mitchell préconise une intervention précoce, de 24 à 72 heures
après les faits pour que les sujets aient émergé du sentiment d’irréalité lié
à l’incident critique.
En revanche, le debriefing psycho-dynamique est une technique de
soin post-immédiat, qui s’organise 72 heures à une semaine après l’évé-
nement, de façon à préserver les sujets d’une exposition trop précoce, et
à éviter les débordements de stress ou émotionnels. Ce délai permet éga-
lement de s’appuyer sur l’évolution déjà perceptible des symptômes.
L’efficacité est également moindre après une semaine.
L’organisation ?
Le CISD de Mitchell s’organise en deux temps. 1) La préparation du
debriefing collectif et 2) le debriefing collectif en sept étapes, animé par
un leader secondé d’un co-leader.
Le debriefing psycho-dynamique s’organise en trois temps. 1) La pré-
paration et les indications : le psychothérapeute s’informe des conditions
de l’événement pour poser les indications et organiser le debriefing. 2)
Le debriefing collectif est animé par psychothérapeute, secondé par un
co-thérapeute. 3) Des entretiens individuels sont proposés aux partici-
pants.
Dans les deux modèles, il est évident que les animateurs et les co-ani-
mateurs se concertent pour régler leurs interventions avant le debriefing
collectif. Les rôles de leader (CISD) ou de psychothérapeute (debriefing
psycho-dynamique) diffèrent comme nous le verrons dans le chapitre
- 87
suivant. En revanche, dans les deux modèles, les co-animateurs ont des
rôles semblables. Ils ont la même fonction de soutien à l’animateur, et de
régulation du groupe. L’un des différences réside dans la prise de notes : le
co-leader prend des notes alors que le co-thérapeute ne le fait pas.
LE DÉROULEMENT
la séance par les faits (niveau narratif ). Les participants sont invités à
s’exprimer sur l’événement lui-même afin de le reconstituer le plus
objectivement possible. Dans un deuxième temps, les participants se
doivent de « descendre » au niveau subjectif et cognitif des pensées, puis
de « descendre » plus encore, au niveau affectif et sensible des émotions
et des symptômes. Ils sont ensuite invités à « remonter » au niveau
cognitif de l’explication et de la connaissance de ces émotions, puis au
niveau de l’explicitation des pensées, afin que ces pensées rationnelles se
substituent aux pensées « inadéquates ». Les participants sont informés
par le leader de la normalité de leurs réactions, et peuvent ainsi les criti-
quer. Ils « reviennent » ensuite au niveau des faits, éclairés par les infor-
mations recueillies et les explications du leader. Ainsi, les participants
ont une description objective de l’incident, dédramatisée grâce à leurs
nouvelles connaissances, débarrassée de leur propre vision « partielle et
erronée ». Ils peuvent enfin se tourner vers un avenir positif, soulagés de
leurs « préoccupations gênantes issues de l’incident ». Ils sont psycholo-
giquement mieux armés pour faire face aux futurs incidents. Le proto-
cole en sept étapes se déroule donc ainsi :
1- Introduction (Introduction phase) : Le leader présente le cadre, la
88 -
démarche et la méthode
2- Faits (fact phase) : Les participants doivent élaborer une descrip-
tion très précise et commune des faits. Ils en construisent un récit minu-
tieux.
3- Pensées (thought phase) : Chaque participant exprime ce qu’il a
pensé avant, pendant, après l’incident critique.
4- Réactions (reaction phase) : Chacun exprime ses émotions et ses
réactions immédiates. Le leader intervient pour « normaliser » les réac-
tions « normales à des situations anormales ».
5- Symptômes (symptom phase) : Les participants exposent leurs
symptômes. Le leader les classe en PTSD.
6- L’enseignement (teaching phase) : C’est la phase psychoéducative.
Le leader explique le stress, son impact, son évolution. Il donne des
informations personnalisées sur le coping. Il « dédramatise » et souligne
le rôle bénéfique de l’hygiène de vie et du soutien social.
7- Retour d’expérience (reentry phase): La synthèse se termine par la dis-
tribution d’un document explicatif. Le leader exprime des propos encoura-
geants pour orienter l’avenir et s’assure que chacun peut rentrer chez lui.
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POUR CONCLURE...
- 93
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Gérard POUSSIN
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L’urgence, le trauma
À propos du travail clinique
avec des enfants errants dans les rues de Bamako
Olivier DOUVILLE
PRÉCAUTIONS PRÉLIMINAIRES
NOTRE ACTUALITÉ
salités absurdes. Ainsi, le discours collectif que des jeunes tiennent sur la
drogue, dès qu’on les rencontre dans leur groupe et sur leur territoire
pour parler longuement avec eux, se distingue-t-il de ce que chacun
d’eux peut dire de sa propre consommation, lors d’entretiens de nature
plus « privée ». À ce titre, au moins, ils sont comme tout le monde, ce
que dit le groupe ne subjective pas tout l’individu, la production de
normes groupales ne résume pas toute la problématique du sujet, cela
où que ce soit : en Afrique, en Amérique du Sud, en Chine ou en
Europe. Souvent, le discours qu’un groupe de jeunes errants tient collec-
tivement sur la drogue n’est qu’une couverture, car tous n’ont pas la
même expérience, les mêmes éprouvés, les mêmes expérimentations
actives ou passives des produits toxiques. La relation à la drogue est
double : relation au contenant de la drogue (flacon, chiffon, etc.) qui est
investi comme une propriété du sujet, une forme à quoi il se rattache, et
à son contenu, susceptible de modifier les rythmes et les états psy-
chiques. Elle est souvent plus ambivalente qu’on ne le suppose lors des
premiers contacts avec ces enfants et adolescents. Il est fort utile de per-
mettre à chacun de ces enfants et de ces adolescents de parler des pre-
miers temps de consommation de la drogue, dans la mesure où cette
expérience a pu provoquer des états physiques et psychiques fort
108 - contrastés, allant de l’euphorie au dégoût, du vécu du corps rigidifié au
corps halluciné comme léger et capable de milles prouesses. Enfin, il
reste aussi à situer cliniquement si des hallucinations sont recherchées, si
les drogues sont utilisées pour faire « craquer » le psychisme (cette heu-
reuse expression est de L. Croix7) et réduire à peu l’excitation psychique,
etc. Les usages des toxiques sont fort contrastés. De fait, la drogue peut
être utilisée pour surdéterminer les alternances de sommeil (diluant) et
de veille. Ainsi, à Bamako, Un dérivé d’amphétamine est utilisé que les
Américains utilisaient déjà durant la guerre du Viet Nam et qui est
nommé « les bérets rouges » – ce sont des capsules de couleur rouge. Les
adolescents sont rares à tenir un discours dépréciateur sur la drogue, ou
alors c’est qu’ils ne veulent pas du contact avec l’adulte et qu’ils antici-
pent la leçon de morale qu’ils redoutent d’entendre. Mais généralement
ils développent, sur l’usage des toxiques, un discours de gestionnaire.
Les dilapidateurs et les monomaniaques d’un seul produit les inquiètent
et les fâchent souvent. Ainsi, ce qui alerte les enfants sont les plus fra-
giles qui, parmi eux, prennent constamment le même produit, aux
mêmes doses excessives. S’il est une sagesse des consommateurs de
toxique, c’est celle de l’alternance. Ainsi, le produit permet de surcoder
le trait distinctif. Le jour on s’excite, la nuit on recherche le confort de
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qu’une prise en charge adaptée du jeune est entreprise. Dès qu’un sujet,
correctement accueilli et accompagné, entre à nouveau dans les circuits
de la parole, du don, de la réciprocité, et de la demande, on voit souvent
alors le plus « résilient », le moins vulnérable, régresser assez rapidement
et récapituler tout son fonctionnement orificiel. Il réapprend l’empan
symbolique des fonctions corporelles, leurs inscriptions déviées et subli-
mées dans les scènes anthropologiques du don et du contre-don. Voilà
pourquoi au terme de « résilience » je préfère faire usage de celui de
« suradaptation paradoxale » qui rend mieux compte de ce changement
de subjectivation des fonctions corporelles et corporo-psychiques une
fois que le jeune, autrefois caïd éternisé dans sa résilience orthopédique,
devient un partenaire du flux humain des paroles et des soins. Nombre
de ces enfants-soldats, par exemple, qui avaient connu de réelles situa-
tions de risque de mort imminente restaient longtemps, dans les rues
bamakoises, tiraillés entre un comportement où ils se faisaient la carica-
ture d’une volonté de jouissance et un mode de repli terrorisé. Chez le
même jeune, on voyait s’effacer sa prestance de tyran local, elle laissait
place à l’expression d’un tout petit enfant effrayé. On a donc un clivage.
D’un côté, une attitude tout intimidante, toute commandante, de
l’autre une pleine absence ou une détresse. Puis, ce clivage se rectifie au-
112 - delà de cet aspect tranché et répétitif. C’est que se profile alors, dans le
rapport du sujet à autrui, une altérité inédite qui nous confirme que le
sujet est bien, à nouveau, dans une élaboration de transfert.
La capacité pour un enfant de surmonter des états d’importantes
privations éducatives et affectives en adoptant des modes de conduites
et d’inconduites porteuses d’identification qui donnent du sens à des
logiques de territoires peut s’observer dans le monde de la rue. Ces
conduites qui renvoient à des logiques, singulières et collectives, de sur-
vie, ont pu être interprétées comme un signe de santé psychique. Mais, à
ne voir dans ces suradaptations à l’immédiat des nécessités de survie que
des capacités de ne pas trop se détruire, on risque d’oublier que de tels
modes d’expression font également symptôme et qu’ils sont à traiter
comme tels, sans les positiver outre mesure comme des performances. Il
est nécessaire pour l’économie psychique d’un enfant de pouvoir régres-
ser à son propre service, ce qu’il ne manque pas de faire lorsqu’il a la
chance d’être accueilli, entendu, soigné et éduqué dans un milieu adulte
respectueux des lois de l’échange et du régime structurant d’une parole
partagée. Nous connaissons encore mal les conséquences psycholo-
giques de ces mises en danger des jeunes des rues, alors que nous pou-
vons assez aisément identifier les raisons et les facteurs de cette grande
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CONCLURE…
NOTES
I- INTRODUCTION
II- DÉFINITION
ment la question des limites car les indications sont moins cadrées,
répondent à une clinique psychiatrique, nécessitent une « culture » de la
part des SAMU et ne peuvent pas être modélisées stricto sensu car l’en-
semble des critères ne peuvent être objectivés. Le paramètre de déclen-
chement qui apparaît le plus pertinent, bien que difficile à appréhender,
est sans doute, l’impact émotionnel de l’événement sur les équipes de
secours et les partenaires habituellement engagés, qui fait dire que l’évé-
nement en question sort de leur quotidien. Ce critère apparaît désor-
mais plus déterminant que le caractère collectif.
Les personnes prises en charge peuvent être les victimes directes, les
familles et les proches mais également les intervenants ayant dû gérer
une intervention particulièrement éprouvante.
La prise en charge thérapeutique se fait selon trois modalités [2] :
Les faits
Le 17 mai 2003, peu avant 5 heures du matin, un autocar allemand
transportant 74 passagers a dérapé sous la pluie sur l’autoroute A6 à
hauteur de Dardilly (quelques kilomètres au nord de Lyon), et a violem-
ment percuté la glissière de sécurité avant de s’écraser dans un fossé en
contrebas. 28 passagers sont décédés dans l’accident, les autres ont été
blessés plus ou moins grièvement (il y a eu très peu d’impliqués sans
lésion physique).
sement du lien humain (un médium s’est avéré nécessaire pour entrer en
relation : apporter à boire, une couverture…), les états d’agitation
anxieuse ont été traités au moyen d’une anxiolyse médicamenteuse
légère après vérification de l’état somatique. Seuls les états de stress
adaptés étaient véritablement accessibles au defusing (première
décharge, première verbalisation). Ces soins ont été prodigués en indivi-
duel ou par petits groupes (respect des groupes constitués). Dans les
heures qui ont suivi, defusing et entretien individuel plus approfondi
ont été possibles.
Ainsi, lors de cet accident d’autocar un engagement rapide de la
CUMP sur le terrain a permis une bonne amorce des prises en charge
psychologiques qui se sont poursuivies dans les suites. Les difficultés ont
été liées principalement aux problèmes posés par la barrière linguis-
tique, celle-ci ayant entraîné une forte mobilisation spontanée de per-
sonnes germanophones, qu’il a fallu parfois recadrer.
En consultation, plusieurs jours après, certains sauveteurs, ont pu
faire part de leur vécu très difficile de cette intervention « des images qui
restent dans leur tête et qu’ils n’oublieront pas… ».
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIE
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I- CRISE, URGENCE
1) Trauma et stress
Les notions de traumatisme et de stress sont entrées dans une collu-
sion fantasmatique, rendant opaque les attendus cliniques et thérapeu-
tiques. L. Bailly4 souligne avec justesse que les références épistémolo-
giques sont hétérogènes, que les réponses cliniques sont opposées, et que
les enjeux politiques sont différents. Il désigne d’ailleurs le traumatisme
comme opération subjective, et le stress comme réponse psychophysio-
logique, l’un et l’autre peuvent se conjoindre mais sans se confondre. Il
dénonce le rabattement du subjectif au physiologique, du psycholo-
gique au comportemental, du psychothérapique à la rééducation. J’irai
plus loin en formulant que le retour en force de la psychologie scienti-
fique, cognitiviste, objective et quantitativiste, s’apparente à la résur-
gence d’une psychologie qui, de Galton à Eysenck, dans une visée éva-
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tique peut tout aussi bien entraîner des réactions psychotiques transi-
toires : confusion mentale avec désorientation temporo-spatiale, bouf-
fées délirantes, dissociation, sensations de transformations corporelles,
hallucinations, illusion avec une conviction très labile. Certains événe-
ments portent une atteinte grave aux fondements du narcissisme et de
l’identité, entraînant une désorganisation psychique, provoquant des
changements de personnalité. De même peuvent s’instaurer des symp-
tômes dépressifs plus ou moins durables.
– déréalisation et dépersonnalisation ;
– désymbolisation et désubjectivation ;
– décorporéation et détemporéisation ;
– déliaison et perte des limites.
Cette série se fait à partir de scènes traumatiques originaires, entraî-
nant passivité et honte, soit les registres de l’humiliation à savoir les dis-
qualifications de l’être. Je n’évoquerai que certaines figures et de
manière succincte. Il s’agit surtout de solliciter un nouvel angle d’ap-
proche des problématiques traumatiques à partir de l’élaboration de
critères de psychopathologie dynamique et de redéfinir les modes d’in-
terventions cliniques.
1) Désaffiliation et désidentification
L’expérience traumatique constitue à désappareillage psychique grou-
pal ; la perte de l’étayage groupal révèle et défait les organisateurs : pacte
dénégatif, contrat narcissique, etc. Elle désintitutionnalise le sujet livré à
la solitude de son désarroi, le laisse en proie à une souffrance dont les
indicateurs sont, selon Kaës5, la paralysie et la sidération, l’agitation et
l’activisme, l’investissement de la sensorialité. Ils signent la défaillance
ou la destruction de dispositifs de contention et de transformation des - 129
anxiétés primitives. Les déliaisons en œuvre favorisent l’arasement des
limites et des processus de pensée, sollicitent la dédifférenciation, majo-
rent l’immobilisation, introduisent une détérioration de la temporalité
psychique jusqu’à l’a-chronie. Ces moments de déliaison pathologiques
impliquent trois attracteurs (Pinel) relevant de la négativité et produi-
sant une désymbolisation : une situation chaotique anéantissant les
capacités de liaison et provoquant l’engrènement (Racamier) ; une rup-
ture du contrat d’étayage mutuel avec l’introduction du négatif radical
(l’irreprésentable de certaines manifestations) et du négatif d’obligation
(ce qui doit être tenu à l’écart des pensées de l’ensemble) ; le retour du
forclos, des éléments enkystés constitutif du lien fondateur. Les conte-
neurs symboliques disparaissant les sujets sont en prise avec un vécu
d’impuissance et de désespérance qui réactive une détresse archaïque,
mobilisant les processus originaires. Tout un chacun se retrouve isolé,
délié parfois de ses appartenances identitaires, rongé par l’insanité et
l’inanité. Les éléments archaïques, ambigus, bizarres peuvent dès lors
faire violent retour. C’est en sens que se produit désidentification et
dénarcississation. Les sujets en proie aux effets délétères de l’extrusion
d’eux-mêmes sont dès lors considérés comme des victimes ayant subi un
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2) Désymbolisation et désubjectivation
Le traumatisme signe la défaillance de l’inscription du sujet dans
une chaîne symbolique, il fait trou renvoyant le sujet à un point d’in-
existence, de déchet devant l’irruption d’un réel non symbolisable, exclu
130 -
de toute subjectivation. La reviviscence se suffit d’un regard, d’un mot,
d’une perception pour que le sujet se vive en un lieu d’effondrement,
atopique, pure obscénité, jouissance délétère. Survient l’acte, hors-
scène. L’acte a dès lors valeur de restauration, une tentative de trouver
réponse à une impasse logique, source d’angoisse. Il vise à réinscrire le
sujet-objet en une scène, à faire scène en vue d’une restitution symbo-
lique. La subjectivation, par exemple à l’adolescence, correspond à une
mutation structurelle qui substitue à la prédominance du moi idéal la
préséance de l’idéal du moi et du surmoi, lui-même produit d’un déles-
tage d’idéalisation narcissique et phallique des représentations paren-
tales. Elle conjugue l’articulation du pulsionnel et de l’objectal croisée
avec celle de l’autonomie narcissique et du sentiment d’identité.
L’expérience traumatique dénoue ces articulations promouvant une fis-
suration du moi idéal s’accompagnant d’un état de dépersonnalisation,
ou une défaite identificatoire, ou encore une désintégration des limites
par intrusion. Le moi se désiste, la figurabilité échoue, une indiscrimi-
nation entre affects et représentations se met en place, une démétaphori-
sation s’instaure. C’est bien d’une cassure du développement dont il est
fait mention pouvant donner lieu à des tableaux qu’on aurait tort de
nommer psychose traumatique. Potamianou6 distingue en conséquence
de la situation traumatique trois registres d’angoisse : les angoisses pri-
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3) Déliaison et désobjectalisation
La notion de traumatisme trouve un pas décisif dans le travail de - 131
Freud qui, en 1895, situe la pathogénie de l’hystérie dans un événement
traumatique infantile d’ordre sexuel. Ce premier événement vécu dans
un état d’immaturité et de passivité ne reçoit son sens que dans l’après-
coup d’un second événement déclenchant un afflux d’excitation sexuelle
débordant les défenses du moi. Cette première hypothèse voit son
renoncement dans une prépondérance accordée au fantasme, non sans
oscillation entre séduction réelle et séduction fantasmée, entre réalité de
l’inceste et fantasme œdipien. Cependant la valeur traumatique d’une
surcharge d’excitation sexuelle, d’un asservissement du désir de l’en-
fant, d’un traitement prématuré de l’enfant comme objet sexuel
demeure. Le père séducteur initialement mis en cause est plus tardive-
ment remplacé par la mère, potentiellement séductrice. La réalité du
traumatisme sexuel est cependant réaffirmée. Le traumatisme est conçu
d’un point de vue économique, comme l’afflux massif d’excitations
débordant les capacités de liaison du moi. La fonction de filtre des sti-
muli, réalisée par le système pare-excitation se voit dès lors effractée.
Cette effraction débouche sur une névrose traumatique si elle trouve
écho dans un conflit psychique antérieur, mais aussi en l’absence de
conflit infantile, devant une frayeur trop intense, se constitue une
névrose actuelle.
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rupture qui conduit à des états de crises existentielles corrélés à une dis-
torsion des contenants de pensée. Il s’ensuit un trouble dans ce que E.
Jeddi (1985) nomme les trois composantes de l’identité : identité ressen-
tie, identité reconnue, identité culturelle, qui renvoie au processus origi-
naire et à la fonction liante de la chaîne de filiation symbolique. En ce
sens, le trouble porte sur le sentiment d’existence.
En supposant l’image spéculaire du corps, lié à une faille symbolique et
un défaut de filiation, chez le phobique, on renvoie au sentiment d’iden-
tité. En supposant la collusion narcissique, et plus exactement la perte de
la frontière, des surfaces de contact, de la fonction de seuil d’où s’opèrent
les échanges externes en lien avec une parole paternelle, on questionne le
sentiment d’identité corporel. En supposant le clivage des espaces dans
une relation persécutrice, signant la souffrance liée à l’effacement de l’ori-
gine, on interroge le sentiment d’existence. Ceci n’est pas sans évoquer la
pathologie limite présentant des éléments psychopathiques. Plus exacte-
ment ce type de pathologie renvoie au dehors du dedans. Et le sujet trau-
matisé peut se trouver en position de sujet en état limite. La faille narcis-
sique défalque, altère l’établissement des phénomènes transitionnels au
sens de D.W Winnicott, et perturbe l’accès au contenu culturel. Elle
dérègle la possibilité d’une fonction transitionnelle au sens de R. Kaës : «
134 - Capacité d’articuler des symboles d’union dans un espace paradoxal de
jeu, par-delà l’expérience contraignante de la division-séparation ou de
l’union-fusion. » Elle désigne aussi la déstructuration de cette fonction
transitionnelle dans le groupe, et suppose l’échec de l’étayage multiple
groupal, l’inconsistance de l’appareillage psychosocial primitif. Le clivage
interne renvoie à la phénoménologie de la rupture de l’acte psychopa-
thique, acte désinséré tant de la subjectivité du sujet, que de l’intersubjec-
tivité de son groupe d’appartenance. Étranger aussi bien à lui-même qu’à
son propre groupe sans pour autant être disjoint de l’un ou de l’autre.
C’est une rupture interne, une rupture de l’intérieur. Alors que la déper-
sonnalisation met en jeu la notion de frontières dans la rencontre entre
deux dehors, la phobie projette le double au-dehors du dedans. Mais la
psychopathie actualise le dehors du dedans. Si la dépersonnalisation ques-
tionne l’étrangeté de l’étranger (E. Jeddi), altération de l’identité par l’alté-
rité trop proche, la phobie réveille l’étranger en soi, alors que la psychopa-
thie éjecte l’étrangère étrangeté de soi.
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NOTES
EXTRAIT DU CATALOGUE
À PARAÎTRE
Victimologie-Criminologie. T. 5
Ont participé à l’ouvrage : P. Bessoles, E. Cheucle, L. Daligand, C. Damiani, O.
Douville, F. Lebigot, F. Maquéda, C. Mormont, G. Poussin, N. Priéto, P. A. Raoult,
F. Rudetzski, M. Wolf Fédida.
François Lebigot, Professeur agrégé du Val de Grâce, Médecin général des Armées, sous la direction
ancien chef de service de l’Hôpital Percy de Clamart et psychiatre, est Président de de François Lebigot
l’ALFEST (Association de langue française pour l’étude du stress et du trauma).
et de Philippe Bessoles
Rédacteur en chef de la Revue internationale francophone du Stress et du Trauma, ses
travaux sur le traumatisme et la prise en charge des victimes font autorité sur la scène
scientifique internationale.
Philippe Bessoles, Docteur en psychopathologie clinique, Maître de conférences des
universités, Habilité à diriger des recherches, est responsable du Master clinique
Victimologie et psychocriminologie de l’Université P. Mendes France – Grenoble II.
Spécialiste des thérapies des états traumatiques d’origine sexuelle et du traitement des
agresseurs sexuels, ses travaux portent sur la clinique du lien à l’épreuve traumatique
et criminelle.
CHAMP SOCIAL ÉDITIONS
éditions
Champ social
ISBN : 2-913376-47-9 18 €