Reconnaitre Hydromorphisme
Reconnaitre Hydromorphisme
Reconnaitre Hydromorphisme
Résumé
En France, la législation actuelle relative aux "zones humides" découle de la loi sur l'eau. Elle est composée d'un décret et de deux
arrêtés, le deuxième (octobre 2009) venant modifier le contenu du premier (juin 2008). Ces textes ont été complétés par une circulaire.
Cet article s'adresse à tous ceux qui ont à appliquer ces textes sur le terrain et qui doivent décider objectivement si des sols sont des
"sols de zones humides" ou non, sur la base d'observations faites le plus souvent grâce à des sondages à la tarière. Son principal
objectif est d'attirer l'attention sur les difficultés qu'il y a à appliquer concrètement les directives contenues dans les deux arrêtés et,
finalement, à définir les "sols de zones humides". En outre, les limites de ces deux arrêtés et de la circulaire vont être évoquées et des
améliorations vont être suggérées.
Mots clés
Sols, zones humides, engorgements, horizons rédoxiques, horizons réductiques.
Reçu : mai 2014; Accepté : octobre 2014 étude et Gestion des Sols, Volume 21, 2014 - pages 85 à 101
86 D. Baize et Ch. Ducommun
Summary
Recognition of wetland soils. Difficulties in the enforcement of French regulations
In France, the current legislation devoted to "wetlands" results from the "Water Law". It consists of one decree and two "arrêtés", the
latter (dating from October 2009) modifying the content of the former (dating from June 2008). These texts have been complemented
by an official circular.
This article is aimed at all those who have to apply these texts in the field and have to decide objectively if soils are "soils of wetlands" or
not, on the basis of observations made by means of auger borings. Its main objective is to draw attention on the difficulties in applying
the directives contained in the two "arrêtés" and, finally, to define precisely "soils of wetlands". The flaws of these two "arrêtés" and the
circular are mentioned and some improvements are suggested.
Key-words
Soils, wetlands, waterlogging, redoxic horizons, reductic horizons.
Resumen
Reconocer suelos de zonas húmedas – dificultades de aplicación de los textos reglamentarios
En Francia, la legislación actual relativa a las "zonas húmedas" resulta de la ley sobre el agua. Se compone de un decreto y de dos
órdenes, el segundo (octubre 2009) modificó el contenido del primero (junio 2008). Estos textos se completaron por una circular.
Este articulo va dirigido a todos aquellos que deben aplicar estos textos en el terreno y que deben decidir objetivamente si suelos están
o no "suelos de zonas húmedas" con base a observaciones realizadas a menudo gracias a sondeos con taladro. Su primero objetivo es
llamar la atención sobre las dificultades que hay para aplicar concretamente las directivas contenidas en los dos órdenes y finalmente,
definir los "suelos de zonas húmedas". Además, los límites de estos dos órdenes y de la circular se evocan y mejoramientos se sugiere.
Palabras clave
Suelos, zonas húmedas, anegamientos, horizontes redóxicos, horizontes redúcticos
Q
u'est ce qu'une « zone humide » ? Il semble bien que tous si des sols sont des « sols de zones humides » ou non sur base
les pays qui ont cherché une réponse à cette question d'observations faites le plus souvent grâce à des sondages à
se soient heurtés à de grandes difficultés pour en la tarière.
donner une définition légale fondée sur des critères objectifs. Son principal objectif est d'attirer l'attention des lecteurs
Une telle notion n'a donc rien d'évident. En outre, avec les sur les difficultés qu'il y a à appliquer concrètement les
contraintes réglementaires qui pèsent sur les territoires définis directives contenues dans les deux arrêtés et, finalement, à
comme « zones humides », on se trouve au cœur de conflits définir les « sols de zones humides ». Nous allons nous efforcer
d'usages : une volonté de protection assez stricte s'opposant à de montrer les limites de ces deux arrêtés et de la circulaire qui
une exploitation agricole complètement libre. les accompagne et allons suggérer des améliorations.
En France, la législation actuelle sur ce sujet découle de Dans la suite de cet article, les citations des textes
la loi sur l'eau du 30 décembre 2006. Le concept de zones réglementaires seront toujours écrites en caractères italiques.
humides a été précisé par le décret n°2007-135 du 30 janvier
2007 qui fixe les critères de définition et de délimitation
des zones humides figurant à l'article L. 211-1 du code de Le décret initial et la préparation
l'environnement. Ce décret prévoyait la publication d'un arrêté
pour préciser ses modalités d'application. C'est pourquoi
de l'arrêté de juin 2008
fut élaboré l'arrêté du 24 juin 2008 pour la rédaction duquel Le décret 2007-135 du 30 janvier 2007 énonce dans son
le premier auteur de cet article a été consulté en tant que article 1 :
pédologue expert. « I - Les critères à retenir pour la définition des zones humides
Quinze mois plus tard, l'arrêté du 1er octobre 2009 mentionnées au 1° du I de l’article L. 211-1 susvisé du code de
vint apporter quelques modifications importantes à celui l’environnement sont relatifs à la morphologie des sols liée à la
de juin 2008, à la demande explicite d'un certain nombre présence prolongée d’eau d’origine naturelle et à la présence
d'institutions agricoles. Seuls les articles 1 à 3 ainsi que éventuelle de plantes hygrophiles.
l'annexe I de l'arrêté du 24 juin 2008 furent alors modifiés. …..En l’absence de végétation hygrophile, la morphologie des
Ces textes furent enfin complétés par la circulaire sols suffit à définir une zone humide…
DGPAAT/C2010-3008 du 18 janvier 2010 dont l'objet était la III - Un arrêté des ministres chargés de l’environnement et de
« délimitation des zones humides en application des articles l’agriculture précise les modalités d’application du présent
L214-7-1 et R.211-108 du code de l'environnement ». article et établit notamment les listes des types de sols et des
Le classement ou non en « zones humides » (ZH) a des plantes mentionnés au I. »
conséquences très concrètes en application de la rubrique La législation française propose donc des critères
3.3.1.0 de l'article R 214-1 du code de l'environnement qui pédologiques apparemment objectifs, utilisables partout,
prévoit, pour les zones humides, la disposition suivante : même là où il n’y a plus de végétation spontanée qui pourrait
« Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblai de zone s'avérer indicatrice. Mais la formule « présence prolongée
humide ou de marais, la zone asséchée ou mise en eau étant : d’eau » est vague et sa réalité est délicate à apprécier sur le
- supérieure ou égale à 1 hectare : procédure d'autorisation terrain.
(document d'incidence avec enquête publique) ; La formulation de l'arrêté de juin 2008 est partie de deux
- supérieure à 0,1 hectare mais inférieure à 1 hectare : phrases du décret 2007-135, auxquelles les rédacteurs étaient
procédure de déclaration (document d'incidence). » obligés de se conformer :
Dans le cas où la zone n'est pas humide, les seuils sont 1°) « la morphologie des sols suffit à définir une zone humide »,
plus élevés et donc bien moins contraignants. Ainsi, pour le 2°) il fallait « établir [une] liste des types de sols »….
drainage, le seuil d'autorisation passe de 1 hectare pour une Étant donné le caractère subjectif et la difficulté de « donner
ZH à 100 hectares si elle ne l'est pas et, pour la déclaration, un nom à un sol » (cf. ci-après), il était absolument nécessaire
le seuil passe de 0,1 si elle est humide à 20 hectares si elle ne de préciser une règle générale dont l’utilisation soit moins
l'est pas. difficile. C'est ce qui a été fait dans le texte de l'arrêté de 2008
Définir précisément une parcelle comme étant en ZH dans lequel sont prévus une « règle générale » et des « cas
permet donc de protéger le caractère humide du site. Ainsi la particuliers ».
législation nationale reconnaît de façon très pratique l'intérêt
environnemental des zones humides (pour l'épuration des
eaux, la régulation des débits des cours d'eau, la protection
de la biodiversité).
Cet article s'adresse à tous ceux qui doivent appliquer
ces textes sur le terrain et qui doivent décider objectivement
L’arrêté du 1er octobre 2009 brunisols, désignant des sols bien structurés et bien aérés,
présentant de ce fait une activité biologique intense. Si un tel
cas se présente, c’est Rédoxisol qui doit être retenu, et il faut
La « règle générale » surtout chercher à connaître la profondeur d’apparition des
traits rédoxiques.
Voici la règle générale qui sous-tend la liste des « types de
sols », telle qu'elle est présentée dans cet arrêté :
« annexe I - Sols des zones humides Les classes d'hydromorphie du GEPPA
1.1. Liste des types de sols des zones humides L'arrêté d'octobre 2009 se réfère explicitement à des
1.1.1. Règle générale « classes d'hydromorphie du GEPPA, 1981, modifié ». Ces
... La classe d'hydromorphie est définie d'après les classes classes ne sont pas explicitées dans l'arrêté lui-même, mais
d'hydromorphie du Groupe d'étude des problèmes de sont schématisées sous la forme d'une figure en couleurs
pédologie appliquée (GEPPA, 1981 ; modifié). présentée à l'annexe 4 de la circulaire du 18 janvier 2010. Cette
Les sols de zones humides correspondent : figure, à but essentiellement pédagogique, a été élaborée
- à tous les histosols car ils connaissent un engorgement
permanent en eau qui provoque l’accumulation de matières
organiques peu ou pas décomposées… Le Référentiel pédologique (AFES, 2008)
- à tous les réductisols car ils connaissent un engorgement C'est le seul système français de désignation des sols
permanent en eau à faible profondeur se marquants par des élaboré collectivement et reconnu par les ministères et les
traits réductiques débutant à moins de 50 centimètres de différents programmes nationaux d’inventaire. Trois éditions
profondeur dans le sol… successives ont été publiées : en 1992, en 1995 et en 2008.
aux autres sols caractérisés par : C'est un système souple, pratiquement sans hiérarchie,
- des traits rédoxiques débutant à moins de 25 centimètres de basé sur 3 "piliers" (non indépendants) : la morphologie des
profondeur dans le sol et se prolongeant ou s’intensifiant en sols - leurs fonctionnements - leur pédogenèse.
profondeur… Le Référentiel Pédologique admet (voire encourage, lorsque
- ou des traits rédoxiques débutant à moins de 50 cm de c'est justifié) des rattachements doubles. Ainsi un solum
profondeur dans le sol, se prolongeant ou s’intensifiant en fortement marqué par le lessivage vertical de particules
profondeur et des traits réductiques apparaissant entre 80 et argileuses, par la "dégradation morphologique" et par des
120 cm de profondeur… ». engorgements proches de la surface sera désigné à la fois
L’application de cette règle générale conduit à une comme un Luvisol Dégradé et comme un Rédoxisol. D'où le
liste des types de sols présentée dans l'arrêté mais dont la nom de Luvisol Dégradé-Rédoxisol.
reconnaissance n'est pas indispensable à la détermination des De même, un sol situé en position basse de vallée, développé
zones humides. dans des alluvions fluviatiles et affecté dans sa totalité par
des engorgements temporaires sera nommé Fluviosol
Typique-Rédoxisol.
La liste des types de sols Ce système est utilisable à toutes les échelles d’espace (de la
Il nous paraît inutile de reproduire ici cette liste qui figure parcelle au continent) pour désigner : un solum ou une unité
sous la forme d'un tableau dans l'arrêté du 1er octobre 2009. typologique de sol (constituant une unité cartographique
Soulignons cependant que les dénominations scientifiques entière ou une fraction d’unité cartographique sur une carte).
de l'arrêté font référence explicite au seul système national Toutes les définitions des horizons et des types de sols y
officiel de désignation des sols : le Référentiel pédologique (cf. sont décrites en détail.
encadré). Nous avons déjà dit qu’il n’était pas facile, pour un non Ne pas confondre le Référentiel Pédologique qui est une
spécialiste, de donner un nom à un sol. Heureusement, il existe typologie utilisable à toutes les échelles et les Référentiels
désormais des typologies régionales et des RRP (Référentiels Régionaux Pédologiques. Ces derniers sont en fait des
Régionaux Pédologiques) dans lesquels on peut trouver des bases de données géographiques régionales, relatives aux
descriptions de « sols de référence » (Vinatier et al., 2013). sols, gérées sous SIG !
Il est également intéressant de s’attarder sur la catégorie
des Brunisols-Rédoxisols, absente de la liste de l’arrêté, mais * Références = catégories du Référentiel Pédologique 2008
que l’on retrouve parfois dans certaines légendes de cartes. Un - nombre = 110
tel rattachement double est difficilement acceptable d’un point ** Chapitres dits aussi "grands ensembles de Références"
de vue conceptuel car la notion de Rédoxisols (solums dont ou GER) = plusieurs Références présentées ensemble pour
le fonctionnement est sous la dépendance d’engorgements des raisons didactiques - nombre = 34
sur toute leur épaisseur) est contradictoire avec le concept de
par Denis Baize à partir d'un schéma en noir et blanc datant VIc2, la limite entre les horizons rédoxiques et les horizons
de 1981, extrait d'un document dont l'objectif principal était réductiques a été légèrement abaissée pour éviter toute
l'estimation des besoins en drainage des sols agricoles, sans ambiguïté (horizons réductiques débutant au-delà de 50 cm de
aucune allusion à la notion de « zone humide ». profondeur).
Pour être complet, ont été rajoutés à la droite de cette figure : La classe VIc1 correspond à des sols de zone humide car
- le cas qui correspond à des engorgements limités à l’horizon elle répond aux exigences de l’arrêté d'octobre 2009 : 1.1.1. :
de surface, dus à des tassements (par exemple, sous prairies, « autres sols caractérisés par… des traits rédoxiques débutant
conséquence du piétinement par des bovins) ; à moins de 50 cm de profondeur dans le sol, se prolongeant
- le cas des tourbes (ou histosols). ou s’intensifiant en profondeur ». C’est bien le cas puisqu'un
Dès l'été 2010, il est apparu que cette figure présentée dans horizon réductique fait suite immédiatement à un horizon
la circulaire de janvier 2010 était imparfaite et qu'elle devait rédoxique. À l’évidence, les sols de cette classe sont plus
être quelque peu modifiée et clarifiée. La figure 1 propose une « engorgés », plus « humides » que ceux de la classe IVd.
nouvelle version complétée et précisée. Sur la figure 1 , les classes Vb et Vc peuvent paraître
En effet, il serait bon que la classe VIc soit divisée en c1 identiques. Dans le schéma initial du GEPPA (1981), il y avait
et c2 car le cas correspondant à VIc1 avait été oublié. Pour pour la classe Vc des tirets noirs horizontaux dont la signification
n’était pas fournie mais ce schéma était accompagné de humides, voire des tourbières. Mais en moyenne montagne
commentaires additionnels relatifs aux causes et aux formes sous des climats pluvieux (comme en Limousin) et en plaines,
des « excès d’eau ». Ces commentaires nous semblent utiles sur interfluves et en positions de plateaux ? Cette possibilité n'a
à rappeler ici. Pour la classe Vb, il s’agit de « mouillères pas été rejetée lors des discussions dans la mesure où ces sols
temporaires (eau d’origine externe au sol) donnant naissance à de plaines ou de plateaux répondent aux critères généraux,
des horizons rédoxiques sur toute l’épaisseur du sol ». Pour la mais il n'en est pas question dans les textes des deux arrêtés2 ;
classe Vc, il s’agit d’une cause inhérente au sol lui-même, une - ne faut-il pas prendre en compte aussi bien les « ZH
« absence de macroporosité » ayant pour effet une « absence potentielles » que les « ZH effectives » ? En France, en effet,
de signes d’hydromorphie ou de pseudogley d’ensemble de grands territoires dont les sols pouvaient être considérés
(endohydromorphie des sols argileux) ». comme des « sols de zones humides » ont été drainés et sont
En outre, un certain nombre de modifications purement aujourd’hui des zones de production agricole. Peuvent être
graphiques ont été faites afin d’éviter certaines ambiguïtés. cités comme exemples la Brie « laitière », le Faux Perche,
Enfin, l'arrêté de 2009 précise à son article 1er : « Pour les le Marais poitevin « desséché » etc. Il est difficile de les
sols dont la morphologie correspond aux classes IVd et Va
considérer comme des ZH « fonctionnelles », « actuelles »,
définis d’après les classes d’hydromorphie du Groupe d’étude
mais elles restent des ZH « potentielles » étant donné la réalité
des problèmes de pédologie appliquée (GEPPA, 1981 ; modifié),
pédogéologique (si l’homme cessait d’entretenir les dispositifs
le préfet de région peut exclure l’une ou l’autre de ces classes
de drainage ou d’assainissement).
et les types de sol associés pour certaines communes, après
Cette distinction n’a pas été retenue, mais le problème
avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel »
demeure. Ces zones jouent toujours un rôle majeur dans le
(ces deux classes sont surlignées en vert sur la figure 1 , tandis
que les classes correspondant toujours aux sols de zones cycle de l’eau (quantité et qualité) et, comme ce sera précisé
humides sont surlignées en jaune). plus loin, les sols drainés gardent, dans la majorité des cas,
leur morphologie « hydromorphe ».
Comment considérer ces sols franchement hydromorphes,
Les « cas particuliers » présentant toujours les traits rédoxiques typiques mais
Le texte de l'arrêté d'octobre 2009 n'a pas été modifié par assainis depuis des décennies et dont le régime hydrique a été
rapport à celui de juin 2008. Il stipule : totalement modifié ? Faut-il les considérer aujourd’hui comme
des « sols de zones humides » ou pas ? La réponse à cette
Cas particuliers question est pourtant d’importance majeure mais l’arrêté reste
« Dans certains contextes particuliers (fluviosols muet à ce sujet. L’absence de réponse claire à cette question
développés dans des matériaux très pauvres en fer, le a deux types de conséquences. A l’échelon local cela a
plus souvent calcaires ou sableux et en présence d’une évidemment une importance primordiale : ce sol de plateau,
nappe circulante ou oscillante très oxygénée ; Podzosols correspondant typiquement à un Luvisol-Rédoxisol cultivé
humiques et humoduriques), l’excès d’eau prolongée ne et drainé doit-il ou non être considéré comme « sol de zones
se traduit pas par les traits d’hydromorphie habituels humides » ?
facilement reconnaissables. Une expertise des conditions Par ailleurs, lorsque des géomaticiens génèrent des
hydrogéomorphologiques (en particulier profondeur statistiques sur les superficies de « sols de zones humides »
maximale du toit de la nappe et durée d’engorgement à l’échelle départementale ou régionale, ils ne peuvent pas
en eau) doit être réalisée pour apprécier la saturation
distinguer et comptabiliser à part les sols drainés et ceux qui
prolongée par l’eau dans les 50 premiers centimètres du
ne le sont pas.
sol1. »
1 Il semble bien que cette profondeur de 50 cm ait été 2 Beaucoup de personnes semblent considérer que les ZH
conservée du premier arrêté, par erreur. Logiquement, il sont seulement localisées dans les fonds de vallées et de
faudrait lire "25 premiers centimètres". vallons.
Figure 2 - Partie supérieure d'un Luvisol Dégradé du Gâtinais Figure 3 - Sol profond, typique de la plate-forme sinémurienne
(Yonne). (« Terre Plaine », dans l’Yonne). Noter la surabondance des
Figure 2 - Upper part of a « Luvisol Dégradé » located in the films ferromanganiques noirs. Aujourd'hui ce sol est assaini
Gâtinais area (Yonne). par drainage.
Figure 3 - Deep soil, typical of the Sinemurian platform (« Terre
Plaine » - Yonne). To be noted : the overabundance of the
ferro-manganic black coatings. Today this soil is drained.
© D. MONTAGNE
la pédologie
(figure 9). Les pluies apportent également de l’oxygène
Ne pas confondre « engorgement par l’eau » dissous, si bien que la réduction ne se manifeste que
quelques jours après la fin d’un épisode pluvieux (Bourrié,
et « hydromorphie » communication personnelle).
L'engorgement par l’eau est synonyme de saturation - lorsque l’eau engorge un horizon et y stagne sans être
par l’eau. L’air d’un horizon est chassé par l’eau laquelle finit renouvelée, les micro-organismes aérobies du sol épuisent
par occuper la totalité de la porosité. Lorsqu'il est engorgé, l’oxygène piégé ou dissous, en quelques heures à quelques
un horizon est à son humidité maximale, laquelle dépasse jours (Jaffrezic, 1997). Ils sont remplacés par des micro-
largement sa capacité au champ. Il en résulte que : organismes anaérobies dont la respiration repose sur
- la macroporosité de l'horizon est occupée par de l'eau qui s'y la réduction de certains composés : celle du fer et du
trouve « libre ». Si les conditions s'y prêtent (bonne porosité, manganèse conduit à l’hydromorphie tandis que celle des
absence d’horizon imperméable sous-jacent, terrain en pente), nitrates ou des sulfates est épuratrice. L’hydromorphie
cette eau est capable de circuler rapidement dans le sol et de d’un horizon est donc un processus qui débute quelques
s’évacuer verticalement ou latéralement, en 2 ou 3 jours (De jours après son engorgement et s’accentue au rythme de
Leenheer, 1967). Mais elle peut aussi stagner ; l’alternance des phases d’humectation et de dessiccation
- la saturation par l’eau n’est pas synonyme de milieu saisonnières (Vizier, 1984). La rapidité de son expression,
réducteur. Il existe des nappes riches en oxygène dissous annuelle ou pluriannuelle (de petits volumes réductiques au
Figure 4 - Quatre types de morphologies « hydromorphes » des horizons à engorgements temporaires (d’après Ducommun, 2008, modifié).
Étape 1 : ségrégation en taches du fer = cycles de réduction (solubilisation) / oxydation (précipitation).
Étape 2 : appauvrissement progressif de l’horizon en Fe et Mn (matrice décolorée et disparition des taches rouille).
Figure 4 - Four types of « hydromorphic » morphologies of temporary waterlogged soil horizons (according to Ducommun, 2008, modified).
Step 1 : segregation of the iron in the form of spots = cycles of reduction (solubilization) / oxidation (precipitation).
Step 2 : progressive impoverishment in Fe and Mn of the horizon (discoloured matrix and disappearance of rusty spots).
sein d’un horizon labouré sont observables après quelques L'hydromorphie, observée dans un horizon ou un solum
semaines), est tributaire des propriétés du sol (pH, matières dans son ensemble, est la manifestation morphologique d'un
organiques, etc.) et liée aux conditions météorologiques engorgement suffisamment prolongé sous la forme de taches,
(température, périodes d’engorgement) (Vizier, 1970, 1971 ; de ségrégations, de colorations ou de décolorations. Ce
Sparks 2003). phénomène résulte de la dynamique du fer et du manganèse
L’engorgement hivernal ou printanier d’un horizon peut (tous deux éléments colorés) en milieu alternativement
être constaté directement sur le terrain (par un sondage à la réducteur puis réoxydé.
tarière ou par l'observation de piézomètres après une période Comme l'indique bien l'étymologie de ce mot,
pluvieuse). l'hydromorphie se manifeste par des traits morphologiques liés
Dans la littérature, il est souvent question d' « engorgements à l'eau : ces traits sont donc visibles.
temporaires » que l'on oppose à des « engorgements Mais là réside une difficulté majeure : il peut y
permanents », mais ces notions sont mal définies. Temporaire avoir engorgement (actuel) sans hydromorphie… et
peut vouloir dire fréquent mais de courte durée (par exemple, hydromorphie (bien visible) sans engorgement (actuel).
au rythme des précipitations en hiver et au printemps) mais Il peut donc y avoir disjonction complète entre morphologie
tout aussi bien trois fois par an avec une durée d'un mois. et fonctionnement. D’où les « cas particuliers » qu'il a fallu
L'engorgement « permanent » correspondrait plutôt à de signaler dans les arrêtés.
longues durées de saturation par l'eau, par exemple, à huit Le mot « hydromorphie » (et son adjectif « hydromorphe »)
mois sans discontinuer. est largement passé dans le vocabulaire des pédologues et
Figure 5 - Intensification des traits rédoxiques. Deux Reconnaître un pied de Molinia cærulea est moins
exemples. Dans l’exemple de droite, les engorgements subjectif que de rattacher une observation faite dans une fosse
affectent l’horizon de surface LAg. En conséquence, la pédologique à un "horizon rédoxique" ou à un "Planosol Typique"
minéralisation des matières organiques y est ralentie, et ces (a fortiori si l'observation est faite avec une tarière). Cette
dernières s’accumulent, donnant une teinte foncée à l’horizon. opération de rattachement nécessite en effet une interprétation
Figure 5 - Strengthening of the redoxic features. Two à partir de tout un corpus de connaissances préalables et
examples. In the example on the right, the waterlogging affects implique d'utiliser un référentiel précis et bien maîtrisé4.
the LAg surface horizon. As a consequence, the mineralization
of organic matter is slown down and the latter accumulates,
giving a dark colour to it. Traits et horizons hydromorphes
- Reconnaissance et difficultés
LA LAg
intrinsèques
Vont être évoqués maintenant de manière détaillée les
traits rédoxiques (définition, reconnaissance), les horizons
E Eg
rédoxiques, les horizons réductiques et, très succinctement,
les horizons histiques.
Eg Ea
Les traits rédoxiques et les horizons
plancher plancher
rédoxiques (codés g et - g)
Nappe Nappe Ils résultent d'engorgements temporaires, lesquels
occasionnent des alternances rapides oxydation/réduction/
horizon E sain horizon Eg rédoxique
au-dessus d'un au-dessus d'un
oxydation. En période d'engorgement où l'horizon du sol est
horizon Eg rédoxique horizon Ea albique anoxique, le fer réduit (qui est soluble) migre sur quelques
millimètres ou quelques centimètres puis, lorsque le milieu
se réoxyde, reprécipite sous forme de petits volumes rouille
surtout des non-pédologues, mais il est utilisé le plus souvent et de nodules bruns ou noirs ou de films de mêmes couleurs.
de manière impropre puisqu'il est employé comme synonyme En même temps, les zones appauvries en fer se décolorent et
d'engorgement (cf. Morlon, Les mots de l'Agronomie, rubrique deviennent plus claires (Vizier, 1992).
« hydromorphie »)3. La figure 2 montre un bel exemple de traits rédoxiques.
Il s'agit de la partie supérieure d'un Luvisol Dégradé dont les
horizons situés immédiatement sous l'horizon labouré montrent
Nommer un sol n’est pas du tout comme
à la fois des taches et des nodules noirs et des panachages
nommer une espèce végétale ! contrastés entre des traînées blanches et ocre-rouille.
En pédologie, il n’existe pas d’individus, ni de reproduction, Les traits rédoxiques demeurent visibles même en
ni d’espèce (Ruellan 1985 ; Baize, 1986). Les sols (que les périodes sèches5 ou quand le sol a été drainé, voire quand il n'y
pédologues préfèrent appeler « couvertures pédologiques ») a plus aucun engorgement à aucune période (ce sont alors des
forment un continuum spatial et typologique qu’il faut traits fossiles). Ils sont donc reconnaissables en permanence
découper de façon arbitraire (mais rationnelle) dans l’espace comme étant des traits rédoxiques !
typologique (conceptuel) en différents types de sols (Unités Des confusions sont possibles :
Typologiques de Sols) et dans l’espace géographique (Unités - ne pas confondre les taches rouille et brunes rédoxiques liées
Cartographiques de Sols). à des engorgements avec des taches d'oxydes de fer résultant
3 On notera que Durand et al., (2005) dans un chapitre de 4 C'est pourquoi l'Association Française pour l'Étude du Sol
plus de 20 pages consacré aux « zones humides et leurs sols » (AFES) délivre à des personnes physiques une « certification
ne citent ces deux mots qu'à deux reprises : « solums hydro- des compétences en pédologie » sur dossier et après passage
morphes » et « hydromorphie de la couverture pédologique ». devant une commission ad hoc.
Dans la réédition du même ouvrage en 2011 (Durand et al., 5 Attention toutefois, car une expertise réalisée en
2011), ces deux termes ont disparu ! On peut en déduire que saison sèche sera plus délicate à interpréter. Le contraste
ces auteurs, grands spécialistes des sols et des ZH du massif des couleurs étant plus faible, le risque de sous-évaluer
armoricain, sont pour le moins méfiants par rapport à leur usage. l’hydromorphie du sol est fort.
de l’altération de minéraux riches en fer (par exemple, altération rédoxiques, notamment des petites taches rouille. Autrement
de la glauconie ou des micas noirs). Ces dernières ne sont pas dit, trois petites taches rouille peu contrastées, trouvées
liées à des engorgements ; après une longue recherche dans un horizon, constituent-
- ne pas confondre les nodules ferro-manganiques, noirs, elles des traits rédoxiques suffisants pour définir un horizon
peu durs, formés sur place en liaison avec des processus rédoxique ?
pédogénétiques d’oxydoréduction (appelés aussi concrétions) Pour le Référentiel pédologique, la surface cumulée
et des graviers ferrugineux résiduels, très durs, souvent des traits d'oxydation, des traits de déferrification et des
émoussés qui proviennent du démantèlement de vieilles traits de réduction doit couvrir plus de 5 % de la surface
cuirasses ferrallitiques ; de l'horizon vu en coupe (il existe des chartes pour aider
- les films noirs, associés à des revêtements argileux sur faces à estimer ces proportions (chartes Munsell ; Baize et
d’agrégats, ne sont pas toujours révélateurs d’engorgements Jabiol, 2011, p. 102 ; FAO, 2006, p. 30). La détermination
actuels. Un bon exemple est fourni par les sols de l’Auxois en de l'abondance des traits rédoxiques, dans certains cas,
Bourgogne (Baize et Chrétien, 1994 ; Laveuf, 2009 - figure 3 risque d'être entachée de beaucoup de subjectivité. C'est
Laveuf). D’une part ces sols ont été drainés depuis les années pourquoi il est toujours utile de connaître le régime hydrique
70 et, d’autre part, ils ont certainement acquis leurs caractères de chaque site étudié !
morphologiques rédoxiques au cours du Quaternaire ancien, Que se passe-t-il quand il n’y a pas de fer dans l'horizon ?
dans un contexte climatique beaucoup plus humide et froid C'est le cas des matériaux géologiques sableux quartzeux
que l’actuel. ou constitués quasi-exclusivement de calcaire (roches
Seul un pédologue averti connaissant bien la géologie et sédimentaires, alluvions) ou, également, dans le cas d'horizons
les sols de sa région saura interpréter correctement ces traits dont le fer a fini par être totalement évacué par lixiviation à l’état
et éviter de regrettables confusions. oxydé après de très nombreux cycles d’oxydo-réduction. Des
La formule que l'on retrouve dans les deux arrêtés « Traits engorgements temporaires aujourd’hui bien réels ne laissent
rédoxiques… se prolongeant ou s’intensifiant en profondeur » pas de taches rouille rédoxiques visibles en période sèche.
n'est pas expliquée. Cela signifie que les taches rédoxiques Dans d’autres cas, il s'agit d’une nappe circulante ou
ocre ou rouille sont de plus en plus nombreuses et/ou de oscillante très oxygénée (nappes alluviales). Cf. les « cas
plus en plus nettes à mesure que l’on descend dans le sol. particuliers » de l’arrêté. On n'observe pas de bariolage
En profondeur, elles peuvent également laisser la place à des blanc/rouille, ni de nodules noirs ferro-manganiques ! Une
horizons réductiques. observation du sol en période sèche ne permet pas de
Mais, moins de rouille et plus de gris à mesure que l’on reconnaître l'existence d'engorgements ! Ceux-ci ne sont
descend dans le solum peut aussi être un signe d’intensification décelables que par une bonne connaissance du régime
de l’hydromorphie car le départ de la totalité du fer est le hydrique, en venant observer fréquemment le sol au
résultat de nombreux cycles d’oxydo-réduction (figures 4 ; 5 et printemps ou à la fin de l'hiver. Dans ce genre de situation, il
8 ). conviendra de rapprocher les observations faites sur le sol de
Quand les traits rédoxiques sont suffisamment nombreux, la présence d'eau libre à proximité du site étudié : plans d'eau,
contrastés, etc. et qu’ils correspondent à un fonctionnement cours d'eau, fossés.
hydrique actuel, l'horizon ou les horizons dans lesquels on De même ne pas hésiter à prolonger son sondage en
les observe peut être considéré comme un ou des horizons profondeur, car l’observation d’un horizon argileux jouant
rédoxiques. le rôle de plancher peut aider au diagnostic, surtout s’il est
Selon le Référentiel pédologique, ces horizons rédoxiques bariolé par l’hydromorphie. Si une flore spontanée existe, elle
sont codés g (seul) ou -g associé à un autre code d'horizon6 sera peut-être caractéristique.
(par exemple Eg = horizon éluvial rédoxique ou Sg = horizon Une difficulté majeure est rencontrée par l’opérateur de
structural rédoxique). Autrefois, les traits rédoxiques et les terrain explorant les zones cultivées. Elle consiste à identifier
horizons rédoxiques étaient nommés « pseudogley » (terme les traits rédoxiques débutant avant 25 cm de profondeur, dans
très ambigu, malheureusement toujours employé), mais les un sol à la fois régulièrement engorgé et régulièrement labouré.
codes n’ont pas changé. Dans ces horizons de surface labourés, les traits rédoxiques
Sur le terrain, on se heurte à des difficultés relatives peuvent effectivement s’avérer difficilement identifiables, voire
à l’abondance, à la grosseur et au contraste des traits invisibles. D’une part, le travail du sol fractionne, pulvérise et
mélange le sol en une teinte homogène généralement sur plus
6 Après interprétation, les pédologues symbolisent les grands
de 25 cm de profondeur. D’autre part, la présence de matières
types d'horizons par un code constitué d'une, deux ou trois organiques de couleur foncée, diminue le contraste des taches
lettres. et masque les traits de déferrification (figure 7). Les traits
rédoxiques ne pouvant pas être observés, le solum ne peut pas sols constitués quasi-exclusivement de calcaire. Cela advient
être classé comme sol de zone humide. Pourtant l’apparition également quand tout le fer a fini par être totalement évacué
brutale d’un horizon sous-jacent typiquement hydromorphe d’un horizon. On n'observe pas alors de coloration bleuâtre/
pourrait conduire, à recourir à l’observation de conditions verdâtre. Un tel cas a été appelé « gley blanc » (codé Ga).
hydro-géomorphologiques complémentaires permettant Ce n'est donc pas facile à reconnaître. Cela n'est décelable
d’affiner le diagnostic. que par une bonne connaissance du régime hydrique et par
Pour conclure en ce qui concerne les traits rédoxiques, la présence éventuelle d’autres horizons réductiques ou de
rappelons qu’ils ne se limitent pas aux taches ocre ou formes d’humus « hydromorphes » (par ex. anmoors). Enfin,
rouille. A ces taches peuvent s’ajouter des taches et la présence d'une flore spontanée spécifique peut également
volumes livides car déferrifiés et des films et nodules noirs être révélatrice.
ferromanganiques en proportions variables7. La formule « traits réductiques » utilisée dans l'arrêté
est susceptible d'induire en erreur les utilisateurs. En
effet, il pourrait s'agir de petits volumes verdâtres ou bien
Les horizons réductiques (codés Gr ou Go)
des taches décolorées que l'on peut observer en période
Les volumes de sol qui subissent des stagnations d’eau d'engorgement temporaire, mais qui disparaîtront dès que
permanentes ou quasi permanentes manquent d’oxygène, l'engorgement cessera. Il aurait été préférable de parler
ils constituent donc un milieu anoxique et réducteur. Dans d'« horizon réductique », c'est-à-dire d'un horizon totalement
des horizons non situés en surface et peu riches en matières ou presque totalement en milieu réducteur et anoxique. C'est
organiques, le fer à l'état ferreux Fe(II) donne une coloration d'ailleurs bien ce terme d'« horizon réductique » qui est écrit
uniforme verdâtre/bleuâtre (figure 6). dans la liste des types de sols (dans la colonne « condition
Selon le Référentiel pédologique 2008, il s'agit d'un pédologique nécessaire » de l'arrêté de 2009) et ce sont bien
horizon réductique si plus de 90 % de la surface de l’horizon des horizons réductiques qui sont codés G dans le schéma
vu en coupe présente cette coloration uniforme gris verdâtre/ de la figure 1.
bleuâtre, qu'il ne faut toutefois pas confondre avec la couleur En outre, on observe parfois des traits réductiques isolés
normale de certains matériaux géologiques (marnes vertes, qui ne forment pas pour autant un horizon réductique ! Par
marnes grises, sédiments glauconieux (vert épinard), argiles exemple, de petits volumes bleuâtres peuvent être visibles au
bleutées du Marais poitevin appelées localement "bri"). sein d'un horizon labouré trop compacté, au contact de débris
Autrefois les horizons réductiques étaient nommés
végétaux qui se décomposent mal.
« gleys » et codés G. Le codage des horizons réductiques est
Sur le terrain, il est souvent délicat de reconnaître des
désormais Gr. Parfois, dans la partie supérieure de l'horizon
horizons réductiques ou, plus généralement, des volumes
réductique, suite à un abaissement temporaire de la nappe,
réductiques, surtout quand les sols sont argileux et de
quelques petits volumes sont ré-oxydés à proximité de la
couleurs foncées, brunes ou grises. Certains colorants
macroporosité (codage Go).
spécifiques du fer ferreux sont utilisés pour mettre en évidence
La coloration bleuâtre/verdâtre s’atténue à l’air (par
du fer à l’état réduit dans les sols. Un réactif est très utilisé
ré-oxydation) en quelques heures (échantillon sorti de
par les pédologues armoricains et semble leur donner toute
son contexte). Cette coloration est donc significative d'un
satisfaction pour révéler les phénomènes de réduction dans les
fonctionnement actuel et s’estompe quand la cause (la
horizons réductiques, ou rédoxiques en période d’anoxie (petits
nappe phréatique) disparaît ou s'abaisse. Ainsi, dans les
volumes localement réduits). Il s'agit du 1,10-phenanthroline
secteurs drainés où les niveaux d'eau ont été rabaissés
qui produit une coloration rouge très facile à distinguer. La
par surcreusement des cours d'eau et fossés, les horizons
réaction est rapide et durable et la lecture se fait dans la minute
réductiques ne peuvent plus être observés (exemple du Marais
qui suit l'application sur un échantillon fraîchement prélevé (cf.
poitevin en région Poitou-Charentes ou d’autres marais en
Berthier et al., 2014). Ce test peut donc être employé pour
Pays de la Loire).
diagnostiquer un horizon réductique mais il faut rester attentif
Dans certains horizons, il n’y a pas (ou plus) de fer. C'est
au fait qu’un horizon rédoxique peut également réagir en
le cas de matériaux sableux uniquement quartzeux ou de
période d’engorgement.
Figure 6 - Réductisol argileux, de fond de talweg. Figure 7 - Rédoxisol limono-argileux, cultivé, de versant
Superposition d’horizons rédoxiques Ag/Jg gris et rouille, schisteux, sur pente faible du Massif armoricain. Dans ce cas,
sur un horizon réductique Go gris-bleuté à taches rouille, la difficulté réside à identifier d’éventuels traits rédoxiques
témoignant du caractère permanent, stagnant et oscillant de dans un horizon de surface foncé. Les traits rédoxiques sous-
la nappe. jacents sont sans ambiguïté.
Figure 6 - Clayey Réductisol, located in the bottom of a Figure 7 - Cultivated, silty-clayey Rédoxisol, located on a
thalweg. Superimposition of redoxic grey and rusty Ag/Jg gentle slope in the Massif armoricain. In this case, the difficulty
horizons over a bluish-grey Go reductic horizon, showing the lies in identifying possible redoxic features in a dark-coloured
permanent, varying, oscillating nature of the watertable. surface layer. In the underlying soil horizon the redoxic features
are doubtless present.
Figure 8 - Planosol Typique sédimorphe sableux de plateau. Figure 9 - Rédoxisol surrédoxique sableux de fond de talweg,
Noter l’intensification de l’hydromorphie en profondeur, plus à nappe permanente mais circulante. L’hydromorphie se
livide que le niveau intermédiaire encore riche en oxydes de manifeste seulement par des traits rédoxiques.
fer. Figure 9 - Surredoxic sandy Rédoxisol, located in a thalweg,
Figure 8 - Sedimorph sandy Planosol Typique, located on with a permanent but circulating watertable. Hydromorphy is
a plateau. To be noted the strengthening of hydromorphy only expressed as redoxic features.
at depth, more bleached than the intermediate layer still
containing iron oxides.
© C. Ducommun
notice. Il faut donc aller la chercher par une lecture attentive Enfin, des "cartographies des zones humides" ont parfois
de cette notice ! été réalisées antérieurement au niveau régional, départemental
Les cartes utilisables, car suffisamment précises, réalisées ou communal mais sans prise en compte de la nature des sols.
à partir d'un semis d'observations suffisamment dense et Ces pré-localisations donnent une idée générale du caractère
constituées d’unités cartographiques simples (un seul type plus ou moins « humide » des sols, mais leur échelle (1/25 000
de sol), sont celles aux échelles du 1/25 000 ou plus grandes ou plus petite) est insuffisante pour rendre ces cartographies
(1/10 000 ; 1/5 000). Faute de mieux, une carte au 1/50 000 est opposables aux tiers dans le cadre des autorisations au titre du
encore acceptable (lorsque la densité d'observations pour la code de l'environnement qui requiert une précision au 1/5 000
réaliser est élevée), mais pas les échelles plus petites (1/100 000 (échelle cadastrale).
ou 1/250 000) dont la précision est notoirement insuffisante.
Par ailleurs, il ne faut pas confondre l’échelle des levers (i.e. Quels que soient les documents préexistants consultés
son degré de précision lié à la densité du recueil de l’information la personne responsable de la délimitation devra
pédologique sur le terrain) et l’échelle de restitution graphique impérativement opérer des sondages sur le terrain.
de la carte papier. Par exemple, la carte des sols de l'Aisne Protocole de terrain
est publiée sur un fond de carte à 1/25 000 mais le degré de Une autre difficulté réside dans la recherche et
détail du recueil de l'information pédologique correspond à du circonscription de ZH sur le terrain et leur représentation
1/5 000 (un sondage par hectare en moyenne). graphiques sur un fond de carte. Leur délimitation, bien
D'un point de vue pratique, avant d'aller sur le terrain, il que restreinte à leur caractère hydromorphe, est un travail
est conseillé de faire l'étude du site à travers la cartographie de cartographie des sols qui nécessite de tracer les limites
IGN à 1/25 000, notamment pour repérer les cours d'eau d’unités spatiales, sur la base d’observations ponctuelles.
et de vérifier le contexte grâce aux photo-satellites Pour y parvenir, il est nécessaire de recourir à une approche
disponibles sur le site internet du « Géoportail » http:// raisonnée (i.e. non systématique).
www.geoportail.gouv.fr/accueil. Sur ce même site, il est L’arrêté mentionne au paragraphe « 1.2.2. Protocole de
aussi possible d'examiner les cartes d'État-Major de 1900 terrain », que l’examen des sols repose essentiellement sur
où sont figurées les zones de marais et prairies humides le positionnement de sondages « de part et d’autre de la
de l'époque. Certes, la situation a évolué depuis lors, mais frontière supposée de la zone humide, suivant des transects
d'après nos observations, un site répertorié humide sur la perpendiculaires… », en adaptant « le nombre la répartition et
carte d'État-Major correspond souvent à une zone humide la localisation des sondages » à la taille et à la complexité du
encore aujourd'hui (notion de zone humide probable). Enfin, milieu. Ainsi, aucune densité d’observation n’est préconisée :
il peut être utile de s’intéresser aux toponymes du cadastre, - Lorsque la topographie ou la végétation sont bien marquées
y compris le cadastre napoléonien. Ce dernier est souvent ou que des points d’eau sont visibles, le repérage dans l’espace
disponible en version numérique. est aisé, ce qui facilite le positionnement des sondages et la
Dans des régions où les données pédologiques sont délimitation de la zone humide sur le terrain (et sur une carte).
abondantes, des travaux de cartographie numérique - Par contre, lorsque l’on est confronté à des secteurs plats
peuvent permettre de prédire l’extension de « zones humides et cultivés (plateaux notamment), le manque de repères, rend
potentielles » à une échelle régionale grâce à des indices la démarche plus délicate. Dans ce cas, il devient nécessaire
topographiques ou topo-climatiques (Lemercier et al., 2013). d’augmenter la densité d’observations et de progresser de
Mais les auteurs précisent bien que « cette approche est proche en proche jusqu’à parvenir à délimiter la zone humide,
insuffisante pour prédire l’hydromorphie des sols qui dépend si elle existe, ou constater qu’il n’y en a pas. Lorsque cela
de facteurs autres que la topographie et le climat, tels que le est possible, la délimitation doit s’appuyer sur le microrelief
substrat rocheux ou la tectonique récente qui impactent le relief observable sur le terrain mais mal représenté sur les cartes.
et la qualité des altérites ou le sol… Les indices topographiques Une bonne restitution graphique devrait comporter une
rendent compte uniquement des zones humides liées au carte de localisation précise des sondages sur la zone d’étude
modelé du terrain et non au matériau géologique ou au sol, ainsi que la localisation par transects perpendiculaires de part
comme peuvent l’être certaines zones humides de versant ou et d’autre de la limite de la zone humide. Finalement, le tracé de
de plateau ». cette zone humide devra s’insérer entre des sondages situés
L’exploitation de bases de données cartographiques peut à l’intérieur et à l’extérieur, en s’appuyant autant que possible,
déboucher également sur un premier zonage des secteurs sur le tracé des courbes de niveau.
où peuvent se situer des sols de ZH (Moulin et Eimberck, Enfin attention, il arrive que sur un secteur qui semble
2011 ; Laroche et al., 2014). Dans de tels cas, le zonage sera homogène, des sondages soient contradictoires. Dans ce
tributaire de la quantité (densité) et de la qualité des données cas, il est également nécessaire de les multiplier pour pouvoir
pédologiques disponibles. mieux trancher.
Conclusions Bibliographie
Les deux arrêtés (de 2008 et de 2009) constituent un AFES (Association française pour l'étude du sol), 2008 - Référentiel
Pédologique 2008, Baize, D., Girard, M.-C. (coord.), Éditions Quae,
progrès pour la définition de zones humides car ils font appel Versailles. 432 p.
à des critères pédologiques pérennes observables par tous11, Baize D., 1986 - Couvertures pédologiques, cartographie et taxonomie.
particulièrement lorsqu'on ne peut pas relever un cortège Science du Sol. 24 (3), pp. 227-243. CP-Carto-Taxo-1986.pdf
d'espèces végétales indicatrices. Baize D. et Chrétien J., 1994 - Les couvertures pédologiques de la plate-
Mais la « liste des types de sols » ne peut pas être forme sinémurienne en Bourgogne. Particularités morphologiques et
pédo-géochimiques. Étude et Gestion des Sols, 1, 2, pp. 7-27.
considérée ni utilisée de la même façon que la « liste des
Baize D. et Jabiol B., 2011 - Guide pour la description des sols. Nouvelle
espèces végétales indicatrices des zones humides » présentée édition. Quae éditions. 448 p.
sur soixante-quatre pages à la fin du premier arrêté. Berthier L., Chaplot V., Dutin G., Jaffrezic A., Lemercier B., Racapé A. et
Un certain nombre d'ambiguïtés encore présentes dans Walter C., 2014 - Diagnostic in situ de la réduction du fer dans les sols
l'arrêté du 1er octobre 2009 devront être levées et quelques par l’utilisation d’un test de terrain colorimétrique. Étude et Gestion des
erreurs réparées. Sols. Vol. 21, 1, pp. 51-59.
CPCS (Commission de pédologie et de cartographie des sols), 1967 -
Malgré les efforts des rédacteurs des deux arrêtés et Classification des sols, Doc. Multicopié, Grignon puis Orléans, 96 p.
de la circulaire, il demeure une large marge de subjectivité De Leenheer L., 1967 - Considérations critiques sur la valeur des résultats de
dans l'observation morphologique et l'interprétation de ces la détermination de la porosité totale et de la distribution des pores du
observations, ouvrant la porte à des contestations devant sol. In : Pédologie, t. XVII, 2, pp. 123-146
les tribunaux. En effet, les ZH sont bien des entités légales, Ducommun C., 2008 - Caractérisation des zones humides sur la base de
critères pédologiques. Formation continue, Agrocampus-ouest,
mais les agents de l'Office national de l'eau et des milieux
Angers.
aquatiques (ONEMA) ainsi que ceux de l'Office national de la Durand P., Charnay M.P., Jaffrezic A. et Clément B., 2005 - Les zones humides
chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui peuvent intervenir et leurs sols. In : Sols et Environnement, M.C. Girard et al. éd. Dunod,
pour verbaliser ne sont pas toujours formés pour cela. Paris, pp. 364-385.
Pour faire face à cette situation, il convient d'une part de Durand P., Charnay M.P., Jaffrezic A. et Clément B., 2011 - Les zones humides
respecter scrupuleusement le protocole décrit par les deux et leurs sols. In : Sols et Environnement, M.C. Girard et al. éd. Dunod,
Paris, pp. 378-401.
arrêtés ministériels de juin 2008 et d'octobre 2009 tant pour FAO, 2006 - Guidelines for soil description. 4th edition. Rome. 97 p.
la flore que pour les sols. D'autre part, pour les personnes qui GEPPA (Groupe d'étude des problèmes de pédologie appliquée), 1981 -
auront à travailler sur cette thématique des « sols de zones Synthèse des travaux de la commission de cartographie 1970-1981,
humides », une formation approfondie à certains aspects de Doc. Multicopié, 20 p.
la pédologie s'avère nécessaire, avec notamment l'observation Jaffrezic A., 1997 - Géochimie des éléments métalliques des nitrates et du
carbone organique dissous dans les eaux et les sols hydromorphes,
de cas concrets sur le terrain encadrée par des pédologues
Thèse de doctorat de l’ENSA de Rennes. p. 8.
aguerris. Depuis quelques années de telles formations sont Laroche B., Thiry E., Schnebelen N., Chenu J.-Ph., Moulin J. et Bardy M.
proposées régulièrement en Bretagne et Pays de la Loire. - 2014, Les bases de données sur les sols au service des politiques
publiques : exemple des zones humides. Étude et Gestion des Sols,
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Remerciements Laveuf C., 2009 - Les terres rares et le zinc comme traceurs des processus
pédogénétiques : application à une séquence de sols issue de calcaires
à Monsieur Albert NOIREAU, Ingénieur des ponts des eaux minéralisés. Thèse, Univ. Orléans, 250 p.
Lemercier B., Lacoste M., Loum M., Le Bris A.L. et Walter C., 2013 - Apport
et des forêts, DREAL Poitou-Charentes, pour ses conseils
de la cartographie numérique des sols pour prédire l’hydromorphie et
et ses propositions lors de la rédaction de cet article. A Joël l’extension des zones humides potentielles à l’échelle régionale. Étude
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