Corpus Bonheur Liberte

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Corpus bonheur/liberté :

"Divertissement. Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des
hommes et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de
querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai découvert
que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas
demeurer en repos, dans une chambre. (...)

Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs,
j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste
dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne
peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près. F

De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si
recherchés. Ce n'est pas qu'il y ait en effet du bonheur ni qu'on s'imagine que la vraie
béatitude soit d'avoir l'argent qu'on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre qu'on court : on
n'en voudrait pas, s'il était offert. Ce n'est pas cet usage mol et paisible, et qui nous laisse
penser à notre malheureuse condition, qu'on recherche, ni les dangers de la guerre, ni la
peine des emplois, mais c'est le tracas qui nous détourne d'y penser et nous divertit.

Voilà tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux. Et ceux qui font sur
cela les philosophes, et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à
courir après un lièvre qu'ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère
notre nature. Ce lièvre ne nous garantirait pas de la vue de la mort et des misères, mais la
chasse qui nous en détourne nous en garantit."

Pascal, Pensées

« Des choses, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Ce qui dépend de
nous, ce sont nos jugements, nos désirs, nos aversions, en un mot tout ce qui est opération de notre
âme ; ce qui ne dépend pas de nous, c’est le corps, la fortune, les témoignages de considération, les
charges publiques, en un mot tout ce qui n’est pas opération de notre âme.
Ce qui dépend de nous est, de sa nature, libre, sans empêchement, sans contrariété ; ce qui ne
dépend pas de nous est inconsistant, esclave, sujet à empêchement, étranger.
Souviens-toi donc que si tu regardes comme libre ce qui de sa nature est esclave, et comme étant à
toi ce qui est à autrui, tu seras contrarié, tu seras dans le deuil, tu seras troublé, tu t’en prendras et
aux dieux et aux hommes ; mais si tu ne regardes comme étant à toi que ce qui est à toi, et si tu
regardes comme étant à autrui ce qui, en effet, est à autrui, personne ne te contraindra jamais,
personne ne t’empêchera, tu ne t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras
absolument rien contre ton gré, personne ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi, car tu ne souffriras
rien de nuisible. »
Epictète, Manuel

"(...) en effet une théorie non erronée des désirs doit rapporter tout choix et toute aversion à la santé
du corps et à l’ataraxie de l’âme, puisque c’est là la perfection même de la vie heureuse. Car nous
faisons tout afin d’éviter la douleur physique et le trouble de l’âme. Lorsqu’une fois nous y avons
réussi, toute l’agitation de l’âme tombe, l’être vivant n’ayant plus à s’acheminer vers quelque chose
qui lui manque, ni à chercher autre chose pour parfaire le bien être de l’âme et celui du corps. Nous
n’avons en effet besoin du plaisir que quand, par suite de son absence, nous éprouvons de la douleur
; et quand nous n’éprouvons pas de douleur nous n’avons plus besoin du plaisir."

Épicure

Peu de créatures humaines accepteraient d’être changées en animaux inférieur sur la promesse de la
plus large ration de plaisirs de bêtes ; aucun être humain intelligent ne consentirait à être un
imbécile, aucun homme instruit à être un ignorant, aucun homme ayant du cœur et une conscience à
être égoïste et vil, même s’ils avaient la conviction que l’imbécile, l’ignorant ou le gredin sont, avec
leurs lots respectifs, plus complètement satisfaits qu’eux-mêmes avec le leur. (…) Un être pourvu
de facultés supérieures demande plus pour être heureux, est probablement exposé à souffrir de
façon plus aiguë, et offre certainement à la souffrance plus de points vulnérables qu’un être de type
inférieur, mais en dépit de ces risques, il ne peut jamais souhaiter réellement tomber à un niveau
d’existence qu’il sent inférieur. Nous pouvons donner de cette répugnance le nom qu’il nous plaira
(…) mais si on veut l’appeler de son vrai nom, c’est un sens de la dignité que tous les êtres humains
possèdent, sous une forme ou sous une autre, et qui correspond – de façon nullement rigoureuse
d’ailleurs – au développement de leurs facultés supérieures. (…) Il vaut mieux être un homme
insatisfait qu’un porc satisfait ; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait.Et si
l’imbécile ou le porc sont d’un avis différent, c’est qu’ils ne connaissent qu’un coté de la question:
le leur. l’autre partie, pour faire la comparaison, différent les deux cotés.

John Stuart MILL

Citation :

« Le bonheur est un idéal de l'imagination et non de la raison. » Kant

« L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » Rousseau

« Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont
pas assez remarqué que la nature a pris le soin de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous
avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne
dis pas le plaisir ; Le plaisir n’est qu’un article imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant sa
conservation d la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée.
Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a emporté une
victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si
nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a la joie, il y a la
création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est
joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement. Le commerçant
qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en raison d
l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment
pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la
joie, et ce qu’il goûte de vraie joie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir
appelé quelque chose à la vie.

Prenez des joies exceptionnelles, celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a
découvert ou inventé. Vous entendrez dire que ces hommes travaillent pour la gloire et qu’ils tirent
leurs joies les plus vives de l’admiration qu’ils inspirent. Erreur profonde ! On tient à l’éloge et aux
honneurs dans l’exacte mesure où l’on n’est pas sûr d’avoir réussi…

Vue du dehors, la nature apparaît comme une immense efflorescence d’imprévisible nouveauté : la
force qui l’anime semble créer avec amour, pour rien, pour le plaisir, la variété sans fin des espèces
végétales et animales ; à chacune elle confère la valeur absolue d’une grande œuvre d’art ; on dirait
qu’elle s’attache à la première venue autant qu’aux autres, autant qu’à l’homme. Mais la forme d’un
vivant, une fois dessinée, se répète indéfiniment ; mais les actes de ce vivant, une fois accomplis,
tendent à s’imiter eux-mêmes et à se recommencer automatiquement : automatisme et répétition,
qui dominent partout ailleurs que chez l’homme, devraient nous avertir que nous sommes ici à des
haltes, et que le piétinement sur place auquel nous avons à faire, n’est pas le mouvement même de
la vie.

Le point de vue de l’artiste est donc important, mais non pas définitif. La richesse et l’originalité
des formes marquent bien un épanouissement de la vie ; mais dans cet épanouissement, dont la
beauté signifie puissance, la vie manifeste aussi bien un arrêt de son élan et une impuissance
momentanée à pousser plus loin, comme l’enfant qui arrondit en volte gracieuse la fin de sa
glissade.

Supérieur est le point de vue du moraliste. Chez l’homme seulement, chez les meilleurs d’entre
nous surtout, le mouvement vital se poursuit sans obstacle, lançant à travers cette œuvre d’art qu’est
le corps humain, et qu’il a créée au passage, le courant indéfiniment créateur de la vie morale.
L’homme, appelé sans cesse à s’appuyer sur la totalité de son passé pour peser d’autant plus
puissamment sur l’avenir, est la grande réussite de la vie. Mais créateur par excellence est celui dont
l’action, intense elle-même, est capable d’intensifier aussi l’action des autres hommes, et d’allumer,
généreuse, des foyers de générosité. Les grands homes de bien, et plus particulièrement ceux dont
l’héroïsme inventif et simple a frayé à la vertu des voies nouvelles, sont révélateurs de vérité
métaphysique. Ils ont beau être au point culminant de l’évolution, ils sont le plus près des origines
et rendent sensibles à nos yeux l’’impulsion qui vient du fond. »

Bergson

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