Cahier N4
Cahier N4
Cahier N4
i
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
ii
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
CAHIER N° 4
CYTOLOGIE
DES ANEMIES
iii
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
iv
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
v
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
SOMMAIRE
LES MECANISMES DES ANEMIES
LES ANEMIES MACROCYTAIRES
LES ANEMIES MICROCYTAIRES
LES ANEMIES NORMOCYTAIRES
LES ANEMIES HEMOLYTIQUES
vi
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Les circonstances qui comportent un défaut de production sont à distinguer de celles qui
ressortent d’une augmentation des pertes exogènes ou endogènes (hémorragie) ou de
l’augmentation des phénomènes hémolytiques soit au niveau intravasculaire, soit au niveau de
la rate.
Il faut souligner que, tandis que le déficit de production conduit obligatoirement à une
anémie, les pertes, si elles sont limitées dans le temps et si leur importance est modérée,
peuvent être compensées, au moins jusqu’à un certain point, par une augmentation de la
capacité de production et de maturation de la moelle. Ce ne sera que lorsque la moelle ne sera
plus en état de répondre efficacement à la sollicitation périphérique et aura épuisée ses
facultés d’adaptation et de compensation aux modifications périphériques que se développera
fatalement l’anémie, dont la gravité dépendra de l’importance du rapport entre la demande
périphérique et la production centrale.
Du fait de la multiplicité des causes et des mécanismes à la base des anémies, il n’est pas
possible, ou tout au moins pas facile, de fournir une classification satisfaisante des anémies
capable d’inclure toutes les possibilités clinique pouvant être rencontrées.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Il existe donc dans certaines situations des altérations du volume des hématies et de leur
contenu en hémoglobine, facilement détectables par le calcul des indices érythrocytaires et
l’observation directe des frottis de sang coloré au May-Grunwald-Giemsa. Par contre ; dans la
variété d’anémie normochrome-normocytaire, la diminution de la concentration érythrocytaire
et de l’hémoglobine par unité de volume de sang circulant est proportionnelle, avec une
diminution correspondante de la valeur de l’hématocrite, en d’autres termes, ce type
d’anémie se caractérise par l’existence isolée d’une diminution de la concentration
quantitative du patrimoine érythrocytaire, sans que les hématies varient dans leur volume et
dans leur concentration en hémoglobine.
Compte tenu de la physiologie de l'hématopoïèse (le globule rouge est fabriqué par la moelle
osseuse dont il sort pour assurer sa fonction dans le sang périphérique) il n'existe que deux
mécanismes fondamentaux pour expliquer une anémie :
• Soit la production de globules rouges par la moelle osseuse est insuffisante (arrêt ou blocage
de l'érythropoïèse médullaire). Il s'agit d'une insuffisance médullaire, qui peut être
quantitative ou qualitative. On peut dénommer anémies centrales ce groupe d'anémies par
insuffisance de production médullaire.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Elles sont régénératives, caractérisées par un taux de réticulocytes normal ou élevé. Elles se
divisent en deux sous-groupes, les anémies par hémorragies et les anémies hémolytiques.
On n'insistera pas sur les hémorragies importantes (extériorisées ou non) qui ne posent
guère de problèmes physiopathologiques. Devant une telle anémie qui, par sa rapidité
d'installation, peut mettre la vie du malade en danger, il n'est pas de mise de se poser des
questions métaphysiques sur sa physiopathologie, il faut repérer au plus vite le siège de
l'hémorragie et réparer la fuite. La seule étape de raisonnement utile est la décision
thérapeutique dans un contexte d'urgence.
Les hémorragies de faible abondance posent des problèmes très différents car elles se
présentent comme des anémies primitives. Leurs caractéristiques biologiques sont cependant
particulièrement évocatrices :
• Les constantes érythrocytaires sont anormales, il existe une microcytose et assez souvent
une hypochromie.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
• On retrouve sur le frottis de sang des hématies de petite taille, peu colorées, avec
anisocytose, hématies-cibles et annulocytes.
• Il s'agit bien d'une anémie régénérative mais il ne faut pas s'attendre à y trouver un taux
significativement élevé de réticulocytes. En effet les anémies par hémorragies dites
"distillantes" sont de diagnostic tardif car longtemps asymptomatiques et bien compensées par
la moelle qui cependant progressivement se "fatigue" à régénérer ce qui est un tonneau des
Danaïdes. En revanche on retrouve les stigmates d'une activité médullaire accrue dans une
polynucléose parfois, une thrombocytose souvent.
Les causes de ces anémies par carence en fer sont presque toujours des microhémorragies,
celles-ci peuvent être digestives, mais le plus souvent elles sont gynécologiques, liées à une
hyperménorrhée qui ne s'accompagne pas toujours de lésions décelables.
• d'une part la forte régénération médullaire compensatrice, avec une moelle qui mobilise
toutes ses réserves et travaille 3 à 4 fois plus que normalement, ce qui multiplie par le même
facteur le taux de réticulocytes.
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• d'autre part la diminution de la durée de vie des globules rouges, qui ne vivent que quelques
jours, le pourcentage de jeunes globules rouges apparaissant de ce fait anormalement élevé.
Pour ces deux raisons il n'est pas rare d'observer des taux de réticulocytes de 10%, 20% ou
plus. On peut donc dire qu'un taux de réticulocytes supérieur à 5% ou 6% est obligatoirement
dû à une hémolyse.
Les autres caractéristiques hématologiques de l'anémie hémolytique sont :
• On retrouve les stigmates de l'intense régénération médullaire au niveau des autres lignées :
il existe une polynucléose et une thrombocytose et assez souvent une discrète
érythromyélémie qui peut devenir intense dans les crises d'hémolyse aiguë.
Figure 4: Hémolyse
Sont liées à une anomalie d'origine génétique. Celle-ci peut porter sur la membrane du
globule rouge, sur la structure de l'hémoglobine ou sur son contenu enzymatique.
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• Les plus fréquentes en France sont les anomalies membranaires donnant le tableau
clinique de la maladie de Minkowski-Chauffard.
Elles sont non régénératives, caractérisées par un taux de réticulocytes abaissé ou nul. Elles
sont dues à un défaut de production des globules rouges par la moelle osseuse qui peut être
quantitatif (diminution de la quantité de moelle active ou "aplasie médullaire") ou qualitatif
(moelle active mais inefficace ou "myélodysplasie").
Elle est rarement isolée, le plus souvent elle est associée à une neutropénie et une
thrombopénie (pancytopénie). Le taux de réticulocytes est nul et les constantes érythrocytaires
sont normales. Il n'y a pas de modification de la morphologie des hématies sur le frottis, si ce
n'est une légère anisocytose. Il n'y a pas de myélémie.
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L'examen de choix pour apporter la preuve de la vacuité de la moelle osseuse est la biopsie
médullaire. L'insuffisance médullaire porte presque toujours sur les trois lignées.
Exceptionnellement elle porte sur la seule lignée érythroblastique et l'anémie est alors pure,
sans neutropénie ni thrombopénie. La présence ou non de cellules jeunes sur le frottis de sang
est fondamentale et doit être recherchée avec soin, notamment en queue de frottis :
- Il n'y a pas de myélémie dans les insuffisances médullaires pures, si ce n'est quelques
métamyélocytes lors de l'éventuelle phase de réparation de l'aplasie. Ces aplasies pures
relèvent d'étiologies variées, congénitales (maladie de Fanconi) ou acquises. Il convient
surtout de rechercher une origine toxique ou infectieuse (virale).
- La présence d'une myélémie oriente vers d'autres diagnostics. Une érythromyélémie doit
faire rechercher deux diagnostics que la biopsie médullaire sera à même de distinguer : soit
une ostéo myélosclérose primitive, soit la métastase médullaire d'un cancer épithélial ou d'un
lymphome. À noter dans ce second cas que l'anémie est volontiers régénérative car
comportant une note hémolytique d'origine mécanique (destruction des hématies dans la
micro circulation de la métastase).
- La présence de cellules souches, myéloïdes ou non, traduit une leucémie aiguë dont
l'affirmation du diagnostic exige une ponction médullaire pour examen cytologique.
Elle est due à une insuffisance médullaire qualitative, avec blocage médullaire et anomalie de
l'érythropoïèse ou de la synthèse de l'hémoglobine. Ces myélodysplasies se présentent
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
habituellement comme des « pancytopénies à moelle riche », assez souvent comme des «
anémies macrocytaires hypochromes » avec hypersidérémie.
L'anémie est non régénérative, le taux des réticulocytes est abaissé. Les constantes
érythrocytaires sont généralement anormales (habituellement macrocytose avec
hypochromie). Les anomalies morphologiques des hématies sont fréquentes (dacryocytose,
schizocytose) et on observe des inclusions intra-érythrocytaires (corps de Jolly, anneaux de
Cabot, ponctuations basophiles).
L'anémie peut ou non s'accompagner d'une diminution des polynucléaires ou des plaquettes. Il
existe alors volontiers une discrète myélémie et des anomalies morphologiques des
polynucléaires (dégranulation, anomalie nucléaire de Pelger) et des plaquettes (plaquettes
géantes).
Des anomalies morphologiques de maturation se retrouvent au niveau des précurseurs
médullaires des éléments sanguins et l'examen de choix pour prouver l'existence d'une
myélodysplasie est le myélogramme établi sur un frottis médullaire recueilli par ponction
sternale, avec recherche de sidéroblastes par coloration de Perls.
Les myélodysplasies congénitales sont rares. Parmi elles il faut inclure les thalassémies qui
entraînent aussi un certain degré d'hémolyse. La plupart sont acquises et relèvent d'une
longue liste d'étiologies très différentes.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Toutes les causes d'anémies ne relèvent pas d'un mécanisme univoque, certaines sont mixtes.
Ce n'est cependant pas le cas le plus fréquent et le raisonnement simple qui est proposé ici
s'applique à la majorité des anémies rencontrées en pratique. Nous avons vu au passage que
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Un dernier exemple illustrera ces anémies mixtes, celui de l'anémie d'un cirrhotique qui peut relever
d'une hémorragie par hypertension portale (mécanisme n°1 du schéma) d'un hypersplénisme (n°2),
d'une carence en folates (n°3). Selon les moments de sa maladie tel ou tel de ces mécanismes sera
prédominant et donnera les caractéristiques temporaires de l'hémogramme. Certes ceci pondère le
schéma proposé mais n'enlève rien à l'esprit de système avec lequel on doit aborder l'étude d'une
anémie.
Devant toute anémie le frottis sanguin doit être attentivement examiné pour rechercher
des anomalies des globules rouges mais aussi des autres éléments sanguins, tout
particulièrement polynucléaires, monocytes et plaquettes. La cytologie sanguine peut
être complétée par la cytologie médullaire mais celle-ci n'a d'intérêt que si le mécanisme
de l'anémie est central. Un myélogramme n'a aucun intérêt dans une anémie
périphérique.
Nous décrirons les principales anomalies cytologiques que l'on peut observer au cours
des anémies d'abord dans les anémies périphériques puis dans les anémies centrales
avec, pour ces dernières, référence aux anomalies médullaires qui leur sont associées.
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Régénératif ou Arégénératif ?
Le taux de réticulocytes permettant de définir le caractère régénératif d'une anémie peut être
fixé à 120G/L. Cependant il est Indispensable d'interpréter la réticulocytose en fonction du
degré d'anémie.
Mégaloblastiques
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Non mégaloblastique
- Thalassémie
- Hémoglobinopathies S, C, E, etc.
- Anémie sidéroblastique
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Les réticulocytes sanguins peuvent être identifiés au moyen d’une coloration spéciale au
Bleu de Méthylène et comptés au laboratoire sous forme de pourcentage de l’ensemble des
globules rouges du malade. Normalement, la moelle osseuse doit remplacer chaque jour
environ 1/100ième de la masse des érythrocytes circulants; la maturation finale des
réticulocytes, qui a lieu dans le sang périphérique, dure environ 24 heures. Dans ces
circonstances, on devrait s’attendre, chez un individu en bonne santé, à ce que les
réticulocytes représentent 1.0% du nombre total des globules rouges circulants. Afin de tenir
compte d’une certaine imprécision liée à la technique, on admet généralement que la
réticulocytose normale varie entre 1% et 2%. La réticulocytose est une donnée essentielle
à obtenir dans l’investigation initiale de tout cas d’anémie. Elle sert au clinicien à évaluer
l’état de la production érythrocytaire par la moelle osseuse et lui permet de savoir si cette
anémie possède un caractère RÉGÉNÉRATIF (production augmentée) ou NON RÉGÉNÉRATIF
(production normale ou diminuée).
2.5
8% x ------ = 4%
5.0
Cette valeur corrigée est plus conforme à la production érythrocytaire véritable, i.e. au
nombre absolu de réticulocytes produits par la moelle chez ce malade.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
On peut aussi calculer directement le nombre absolu de réticulocytes du malade comme suit:
0,08 x 2,5 x 1012 = 200 x 109/L. On le compare ensuite aux valeurs normales (absolues) pour
ce malade (40 à 110 x 109/L).
Le temps de maturation des réticulocytes dans le sang (n = 1 jour) augmente à 2 jours environ
lorsque l’érythropoïèse est fortement stimulée. Ceci provient du fait que les cellules, poussées
prématurément hors de la moelle sous l’action de l’érythropoïétine, sont relativement
immatures. Ce phénomène se traduit sur le frottis sanguin par la présence de
POLYCHROMATOPHILIE, c’est-à-dire d’érythrocytes d’apparence bleutée ou violacée. Dans
ce cas, si chaque réticulocyte demeure colorable par le Bleu de Méthylène dans la circulation
pendant le double (approximativement) du temps normal, il en résultera que le nombre
observé de réticulocytes à n’importe quel instant sera lui aussi doublé. Mais ce nombre ne
reflète plus seulement la production réticulocytaire, mais aussi son accumulation anormale
dans le sang. C’est pourquoi, en présence de polychromatophilie sur le frottis, le % (ou le
nombre absolu) de réticulocytes du malade doit encore être corrigé en le divisant par un
facteur approximatif de 2. Dans l’exemple de la page précédente, l’estimation correcte de
l’indice de production érythrocytaire, s’il y a présence de polychromatophilie au frottis se
fera comme suit :
2.5 1
8% x ----- x --- = 2% OU 200 ÷ 2 = 100 x 109/L
5.0 2
EN RÉSUMÉ :
Cet indicateur est extrêmement important en clinique puisqu’il sert de base à une
CLASSIFICATION OPÉRATIONNELLE DES ANÉMIES. Les renseignements relatifs aux
constantes érythrocytaires et les particularités morphologiques observées lors de l’examen du
frottis sanguin font partie intégrante du résultat de la formule sanguine et doivent être
analysés soigneusement dans la démarche conduisant au diagnostic étiologique d’une anémie.
Les constantes (ou indices) érythrocytaires : Il s’agit de valeurs MOYENNES calculées à partir
des données de base de la formule sanguine (Hb, Hte, numération érythrocytaire) et qui
permettent au clinicien de déterminer si, dans un cas donné, une anémie est de type
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Les constantes érythrocytaires moyennes ne suffisent pas à elles seules à décrire de façon
complète les anomalies morphologiques susceptibles d’être associées à une anémie. C’est
pourquoi un examen microscopique attentif du frottis sanguin avec description de toutes les
anomalies observées constitue une étape essentielle du diagnostic dans tous les cas.
Cet examen est habituellement effectué par le ou la technologiste en hématologie qui note, sur
le résultat de la formule sanguine, les anomalies observées :
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Lorsqu’il existe une destruction prématurée in vivo des érythroblastes (ex : dans les défauts de
maturation) ou des érythrocytes circulants (anémies hémolytiques), on peut retrouver dans le
plasma certaines substances dont la concentration anormale témoigne de ce processus de
destruction :
1- La bilirubine non conjuguée ou indirecte s’élève de manière caractéristique
dans les hémolyses périphériques. Des concentrations légèrement supérieures à
la normale peuvent aussi se rencontrer dans les cas où il existe une hémolyse
intra médullaire très marquée (anémie de Biermer par exemple).
2- La déshydrogénase lactique (LDH) du sérum atteint des concentrations
record dans les cas d’érythropoïèse inefficace où il y a hémolyse intra
médullaire des érythroblastes. Dans les hémolyses périphériques, son élévation
suggère plutôt un processus de destruction intravasculaire qu’extravasculaire
(ex : dans les anémies hémolytiques résultant d’une fragmentation chronique
des érythrocytes circulants).
3- L’haptoglobine est une protéine sérique à laquelle se lie préférentiellement
l’hémoglobine lorsqu’elle s’échappe accidentellement du cytoplasme
érythrocytaire. Le complexe haptoglobine-hémoglobine ainsi formé est
rapidement retiré de la circulation par le système réticulo-endothélial. Lorsque
cette clairance excède la synthèse hépatique de la molécule, la concentration
d’haptoglobine mesurable dans le sérum s’abaisse de façon importante et
témoigne la plupart du temps d’une hémolyse (extravasculaire ou
intravasculaire).
La moelle peut être examinée par deux méthodes : la PONCTION (ou aspiration) et la
BIOPSIE. Ces techniques sont effectuées sous anesthésie locale au lit du malade et apportent
très souvent des renseignements utiles dans l’investigation des anémies comme dans celle de
plusieurs autres maladies sanguines.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Dans ce cadre général des anémies macrocytaires, deux groupes d’anémies peuvent être
séparées : d’une part les anémies macrocytaires mégaloblastiques et d’autres part les anémies
macrocytaires normoblastiques discernables du fait de l’existence d’une série de
caractéristiques morphologiques, fonctionnelles, biochimiques et cliniques.
Dans les anémies mégaloblastiques sont présentes, tant au niveau de la moelle qu’au niveau
du sang périphérique, des anomalies morphologiques bien particulières des éléments
cellulaires de la lignée érythroblastique.
Dans le sang périphérique, les hématies sont de taille supérieure à la normale, avec une
configuration ovoïde, tandis que leurs précurseurs dans la moelle, tout au long des divers
stades de maturation, ont également un volume augmenté et en plus démontrent l’existence
d’un asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique, la tendance au gigantisme cellulaire
ne se limite pas aux éléments de la série érythroblastique, mais touche également la lignée
granulocytaire avec phénomènes de vacuolisation, des anomalies tinctoriales de la chromatine
nucléaires, des formes inhabituelles des noyaux (aspect caractéristique de métamyélocytes
géants, avec noyau hypersegmenté) et également des anomalies de la lignée mégacaryocyto-
plaquettaires, avec présence de plaquettes et de mégacaryocytes de taille nettement augmentée
avec des images d’altération de la chromatine nucléaire.
Ce phénomène de gigantisme cellulaire qui est le plus évident au niveau des érythroblastes
médullaires (mégaloblastose médullaire) est considéré comme une conséquence des
perturbations profondes qui sont dues à l’une ou l’autre des causes énumérées :
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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La vitamine B12 existe sous plusieurs formes biochimiques appelées la famille des
cobalamines (cyanocobalamine : radical CN, hydroxocobalamine : radical OH,
méthylcobalamine, adococobalamine, molécules contenant un atome de cobalt). Les
cobalamines sont d’origine alimentaire et retrouvées essentiellement dans les produits
d’origine animale (foie, viandes, abats, poissons), peu dans les œufs, fromages et lait et pas
dans le règne végétal. Dans les aliments, les cobalamines sont liées aux protéines. L’apport est
bien supérieur aux besoins qui sont de 2 à 4 µg par jour.
Maladie de Biermer
C’est une maladie auto-immune du sujet 40-60 ans. Elle résulte de phénomènes d’auto-
immunisation au niveau de la muqueuse gastrique. La carence en vitamine B12 est liée à une
atteinte auto-immune de la cellule pariétale du fundus gastrique par les lymphocytes auto-
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Le test de Schilling n’est plus réalisé du fait de l’indisponibilité du facteur intrinsèque libre.
Il consistait en l’absorption orale d’une dose traceuse radioactive minime et en l’injection
intramusculaire d’une dose de charge de vitamine B12 froide. La mesure de la radioactivité
urinaire témoigne de l’absorption et de la clairance plasmatique de la vitamine B12 chez n’est
réalisée que par le rein du fait de la saturation préalable des récepteurs tissulaires à la vitamine
B12. Normalement plus de 10-15% de la radioactivité ingérée est retrouvée dans les urines. Si
ce taux s’abaisse, ceci témoigne d’un déficit d’absorption de la vitamine : dans la maladie de
Biermer, ce taux est inférieur à 5%. Ce mauvais coefficient d’absorption est corrigé par
adjonction de facteur intrinsèque à l’inverse dans les malabsorptions où l’adjonction de FI est
sans effet.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Une récidive surviendra en 3 ans si le malade ne prend pas son traitement d’entretien, le
risque majeur étant le syndrome neuroanémique risquant d’aboutir à un syndrome ataxo-
spasmodique grave (risque de rechute neurologique x 10).
Les folates naturels sont sous forme de ptéroylglutamates réduits (acide folique = acide
ptéroylglutamate). L’acide folique est une vitamine hydrosoluble. Les légumes verts frais, les
fruits secs, le foie, le jaune d’œufs, les avocats, les épinards, les brocolis en contiennent. Les
folates alimentaires sont détruits par oxydation et par ébullition prolongée. Les besoins
quotidiens sont de 50 à 200 µg/jour. Les folates sont instables à l’air et à la chaleur
(conserves). L’absorption digestive se fait par un mécanisme actif au niveau du jéjunum
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
L’indicateur d’une carence vraie en folates est donné par l’abaissement du taux des
folates intra-érythrocytaires. La dihydrofolate réductase joue un rôle important pour
retransformer les folates d’origine alimentaire et le FH2 en acide tétrahydrofolique FH4. Son
blocage est utilisé comme antifolates.
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L’acide folique est d’un coût faible : la dose utile préventive est de 0,5 mg, la dose utile
curative est de 1,5-2 mg/jour pendant 3 mois. La posologie du comprimé d’acide folique est
de 5 mg. Les indications de la prévention (5 mg/jour) sont : la grossesse dans les cas où une
supplémentation est requise ; les anémies hémolytiques chroniques ou aiguës ; les traitements
prolongés par antiépileptiques.
Les indications de l’acide folinique IV sont limitées : traitement le MTX à forte dose ou le
5-FU à forte dose, la forme orale pouvant être utilisée en relais afin de limiter la durée de
l’hospitalisation : réanimation lourde ou nutrition parentérale prolongée. La forme orale est
également utilisée dans le cadre de la prévention des effets antifoliques de la pyriméthamine
lors d’un traitement prolongé, notamment chez les sujets atteints de syndrome
immunodéficitaire acquis.
Le traitement par acide folique doit être associé au traitement de la cause. S’il n’est pas
accessible, il faut poursuivre un traitement préventif. Par ailleurs, il ne faut pas donner de
l’acide folique sans être certain de l’absence de carence en vitamine B12 (risque
d’aggravation d’accidents neurologiques : il faut débuter le traitement vitaminique par la
vitaminothérapie B12).
Au laboratoire
Hémogramme
Anémie :
Leucocytes :
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Plaquettes :
Myélogramme
La moelle est « bleue » au faible grossissement, du fait d’un excès de cellules immatures
basophiles et un nombre plus modéré de cellules plus matures (retard de division cellulaire)
Les érythroblastes sont augmentés, représentant plus de 25% des cellules nucléées. Il existe
le plus souvent des érythroblastes de morphologie normale accompagnant les mégaloblastes
caractéristiques :
- Noyau gros à la chromatine fine, dispersée en petits points (« aspect perlé »),
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
La coloration de Perls (non indispensable mais souvent demandée dans le cadre du diagnostic
différentiel avec les SMD), montre une augmentation des sidéroblastes sans ring-sidéroblastes
en nombre significatif (< 5%).
Les cellules de la lignée granuleuse sont grosses avec une chromatine lâche et peu mottée.
Le myélogramme se normalise très vite après traitement et doit donc être pratiqué avant tout
traitement par la vitamine B12.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Diagnostic différentiel
- L’éthylisme chronique
- L’hypothyroïdie
- Les syndromes myélodysplasiques : ils peuvent donner également, chez ces sujets âgés,
un tableau de bi ou pancytopénie à moelle riche avec hémolyse intra-médullaire. Les
éventuelles anomalies morphologiques sanguines peuvent aider. Ce diagnostic différentiel
justifie la réalisation du myélogramme.
ALCOOLISME
HYPOTHYROIDIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Figure 20: Hypersegmented neutrophils in the Buffy coat of a patient with pernicious anemia.
Figure 21: Giant band, basophilic and several orthochromatic megaloblasts with one pyknotic nucleus.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
1. On évoque en premier lieu une carence martiale, qui conduit à une anémie ferriprive :
c’est l’étiologie majeure, touchant > 1 milliard d’individus dans le monde
2. On évoque ensuite un état inflammatoire très prolongé : le fer est dévié de son utilisation
normale et n’est plus utilisable par les érythroblastes = c'est un défaut d’utilisation du fer par
l’érythropoïèse
Remarque : les syndromes thalassémiques incluent les alpha et les bêta thalassémies, et
certaines hémoglobinoses (C,D, E) ; elles sont plus fréquents dans le pourtour méditerranéen,
l’Afrique, l’Asie) (300 millions d’individus porteurs)]
Le fer est réparti en fer héminique représenté par l’hémoglobine (75% du fer de l’organisme),
la myoglobine (5%) et les enzymes oxydatives, et en fer non héminique. Le fer non héminique
est constitué par :
Le fer de réserve : 25% contenu dans le foie, la rate, la moelle L’hémosidérine constitue
une réserve lentement disponible. La ferritine est rapidement disponible et la ferritinémie est
le reflet des réserves.
Le fer sérique (0.1%) : il est lié à la transferrine. C’est une protéine d’origine hépatique
exprimée en capacité totale de fixation (CTF).
Le fer sérique provient essentiellement de l’hémolyse physiologique, et est capté par les
érythroblastes de la moelle osseuse. Seule une petite partie provient des apports extérieurs par
absorption au niveau du duodénum et du jéjunum proximal.
L’excès de fer est stocké dans les réserves (hémosidérine et ferritine). Les pertes sont de 1
mg/j pour une quantité totale de 4 g. Les pertes sont doublées chez la femme en raison des
pertes menstruelles. La grossesse triple les besoins et l’allaitement les double. Toute
hémorragie chronique provoque à la longue une carence martiale : la perte de 1 litre de sang
représente 500 mg de fer. Les besoins sont largement couverts par l’alimentation qui apporte
10 à 15 g de fer par jour avec un taux d’absorption de 10 à 30%, selon la forme alimentaire.
L’absorption est augmentée par la vitamine C et est diminuée par les antiacides. Les aliments
riches en fer sont : la viande (foie), le jaune d’œuf, le poisson, le vin rouge, les légumes verts
et les fruits secs.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
La déplétion se fait d’abord aux dépens des réserves. La chute de la ferritine sérique est
l’anomalie la plus précoce. Puis, par réaction à l’épuisement des réserves le taux de
transferrine augmente, ce qui se traduit par une augmentation de la CTF. Ensuite, le fer
sérique chute, le coefficient de saturation est donc diminué. Après une longue période de
déficit martial, une anémie apparaît, microcytaire, puis hypochrome : c’est donc une anémie
peu ou pas régénérative d’origine centrale par insuffisance médullaire qualitative.
Les valeurs de ferritine sont inférieures à 15-20 mg/l, dans les cas particulièrement graves il
existe une afferritinémie. La carence en fer absolue s'accompagne généralement d'une anémie
ferriprive. Au demeurant, on trouve des patients dont les valeurs de ferritine sont relativement
basses (l 15 mg/l) mais qui n'ont pas encore développé d'anémie. Dans de tels cas, on parle de
carence en fer latente.
Anémie ferriprive
On parle d'anémie ferriprive lorsque, à la suite d'une diminution des réserves en fer, il s'est
produit une chute de la concentration en hémoglobine. Les érythrocytes sont généralement
hypochromes et microcytaires.
Il y a généralement carence fonctionnelle en fer lorsque, en dépit du fait que les réserves en
fer sont suffisamment fournies en fer (ferritine normale ou élevée), l'approvisionnement en fer
de l'érythropoïèse est tout de même insuffisant (érythropoïèse déficitaire en fer).
L'approvisionnement en fer de l'érythropoïèse se calcule par la détermination du pourcentage
d'érythrocytes hypochromes (valeur normale l 2,5 %) ou par la mesure de la teneur en
33
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Néphrologie
Anémie rénale et besoins en fer : Une anémie rénale se développe dès que la clairance de la
créatinine tombe au-dessous de 60 ml/min. Les patients dont la filtration glomérulaire est
inférieure à 30 ml/min sont, dans leur très grande majorité, anémiques. Du point de vue de la
pathogénie, l'anémie rénale résulte en premier lieu d'une carence relative en érythropoïétine
due à une réduction de production par le rein malade. On recommande aujourd'hui un
traitement de l'anémie rénale à l'époétine lorsque la valeur de l'hémoglobine tombe au-dessous
de 11 g/dl. Pour une utilisation économique de l'époétine (par exemple, époétine alpha,
Eprex), il est crucial qu'un approvisionnement adéquat en fer de l'érythropoïèse soit assuré en
permanence.
Dans le traitement à l'époétine, on distingue la phase de correction, au cours de laquelle on
cherche à élever la valeur de l'hémoglobine, de la phase d'entretien durant laquelle la dose
d'époétine est généralement réduite, pour assurer une constance de la valeur de l'hémoglobine.
Dans la phase de correction, les besoins en fer sont plus élevés que pendant la phase
d'entretien. Dans la correction de l'anémie, il faut environ 150 mg de fer pour une élévation
d'environ 10 g/l de l'hémoglobine. Si l'on envisage, par exemple, une correction de 30 g/l, 450
mg de fer sont requis pour la synthèse de l'hémoglobine. De même, dans la phase d'entretien
du traitement à l'époétine, un certain besoin en fer est toujours présent : si, chez les patients en
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
prédialyse après une transplantation rénale et chez les patients subissant une dialyse
péritonéale, ce besoin peut être relativement faible, il peut néanmoins atteindre 1-3 g par
année chez les patients sous hémodialyse, en raison des pertes de sang dues au traitement. La
substitution de telles quantités de fer n'est généralement possible que par voie parentérale car
la majorité des patients ne supportent pas un traitement oral de fer à des doses assez élevées,
en raison d'une intolérance intestinale. Le risque de surcharge en fer iatrogène lors d'une
substitution continue en fer par voie parentérale est faible, tant que l'on procède à des
contrôles réguliers de la ferritine.
Gastro-entérologie
Pathogénie de la carence en fer : La perte de sang est la cause la plus fréquente de carence
en fer dans le monde occidental. En général, ce sont des maladies du tractus gastro-intestinal
(à l'exception des règles chez la femme non ménopausée) qui provoquent une perte
pathologique de sang et, par conséquent, de fer. Bien plus rares sont les troubles de
l'absorption du fer, que l'on ne trouve également que chez des patients souffrant de maladies
gastro-intestinales comme, par exemple, la maladie cœliaque.
L'investigation de l'anémie due à des hémorragies chroniques se fait par gastroscopie et/ou
coloscopie. Si aucune source d'hémorragie n'est identifiée de cette façon, il est recommandé
de procéder à une endoscopie capsulaire. Il est possible de distinguer deux groupes de patients
en pratique gastro-entérologique : ceux qui ne perdent du sang qu'épisodiquement et ceux qui
perdent du sang de façon chronique, récidivante. Dans le premier groupe, après identification
de la source de l'hémorragie, le traitement de la cause, par exemple l'ablation d'un polype
hémorragique dans le côlon, aboutit à l'arrêt de l'hémorragie. Figurent typiquement dans le
second groupe, les tableaux de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse ou de la maladie
d'Osler. On ne dispose pas dans ce cas d'un traitement curatif immédiat. Dans ces tableaux,
l'anémie peut restreindre la qualité de vie plus fortement que la maladie intestinale de base. La
surveillance implique des contrôles réguliers de la formule sanguine et de la ferritine. Il existe
également d'autres causes qui doivent être prises en compte pour le diagnostic différentiel de
l'anémie dans les maladies intestinales inflammatoires chroniques mais qui sont plutôt
insignifiantes dans leur fréquence.
Obstétrique
Pathogénie de la carence en fer : Dans les pays occidentaux industrialisés, la carence en fer
est l'état de carence le plus fréquent chez la femme en âge de procréer. Si le problème est rare
après la ménopause (environ 5%) et chez l'homme (moins de 3%), sa prévalence s'élève à 10-
30 % chez la femme jeune. Les raisons en sont en premier lieu les habitudes alimentaires
actuelles et les pertes de sang mensuelles de la femme.
Durant la grossesse, la fréquence et l'importance de la carence en fer s'accroissent. Les
besoins en fer de la femme enceinte augmentent de plusieurs fois, en raison de la croissance et
du développement de l'unité fœto-placentaire et de la formation de nouveau tissu maternel, de
la croissance de l'utérus et de l'expansion importante du volume sanguin maternel et fœtal. Si
l'on part d'un besoin journalier en fer de 1 mg en dehors de la période gestationnelle, celui-ci
s'élève à 4-5 mg, voire à 6-7 mg vers la fin de la grossesse. Même avec un choix d'aliments
optimal et une plus grande absorption intestinale avérée au cours de la grossesse, toute
grossesse s'accompagne d'un bilan de fer négatif. Les conséquences en sont une vidange des
réserves de fer (ferritine sérique <15 mg/l) et une perturbation qualitative et quantitative de
35
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
. Comparativement aux sujets adultes, le taux de ferritine n’est pas un aussi bon marqueur
chez les nourrissons et les enfants, chez qui la mobilisation des réserves intervient trop
lentement pour faire face aux besoins médullaires. Le coefficient de saturation en fer de la
transferrine (et non pas du sérum) assure alors un diagnostic assez précoce, avant l’installation
de l’anémie. On admet qu’un coefficient de saturation (qui est le rapport fer sérique/capacité
totale de fixation de la transferrine) inférieur à 0,16 suggère une carence ;
. Plusieurs pathologies interfèrent avec le taux de ferritine. Il s’agit des inflammations et des
infections au premier chef, pour des raisons de fréquence ; elles sont à l’origine d’une
séquestration anormale de ferritine dans les macrophages ; les cancers aussi, où plusieurs
facteurs peuvent être associés (invasion tumorale, libération accrue de ferritine, cytotoxicité
des médicaments, épisodes infectieux ou inflammatoires itératifs, saignements,
transfusions…) ; et les hépatopathies enfin, où la ferritine peut être libérée dans le plasma par
cytolyse.
Les situations diagnostiques difficiles doivent faire raisonner sur un faisceau d’arguments
concordants, plutôt que sur un seul critère. Quand le doute persiste, deux possibilités s’offrent
au clinicien : soit attendre la normalisation du processus pathologique interférant, dans la
mesure du possible naturellement, soit compléter l’investigation biologique par des
investigations biologiques plus sophistiquées. Le dosage de la ferritine érythrocytaire a été
proposé car sa concentration est un bon reflet de l’équilibre entre l’apport de fer aux
érythroblastes et le niveau d’hémoglobinosynthèse. Chez le nouveau-né, la ferritine
érythrocytaire s’avère effectivement un bien meilleur reflet des réserves constituées in utero
que la ferritine sérique. La diminution de la concentration en ferritine érythrocytaire objective
l’épuisement des réserves ; cette concentration n’est par contre pas influencée par les
syndromes inflammatoires, ce qui fait tout l’intérêt de ce dosage. La seule limitation est celle
d’une hémoglobinopathie. D’autres investigations ont été proposées (telles que les dosages
des récepteurs solubles de la transferrine, de la protoporphyrine érythrocytaire, ou du
lévulinate érythrocytaire) mais elles ne sont pas avérées utilisables en pratique clinique.
Trois situations doivent principalement être discutées parmi les autres anémies hypochromes,
à côté de l’anémie par carence martiale :
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Concernant les pertes, on distingue les pertes physiologiques excessives et les pertes
pathologiques. Les pertes physiologiques sont en pratiques les pertes menstruelles, et près de
95 % des anémies rencontrées chez la femme de moins de 50 ans sont liées à une carence
martiale. Les pertes en fer sont excessives quand l’abondance et/ou la durée du saignement
sont eux-mêmes excessifs, plus souvent chez la femme porteuse d’un dispositif intra-utérin.
Pour les pertes pathologiques, il faut retenir à ce sujet l’équivalence suivante : 10 ml de sang
= 5 mg de fer. Les causes sont des saignements chroniques, essentiellement gastro-intestinaux
chez l’homme et les femmes ménopausées, et gynécologiques chez la femme en âge de
procréer. La pratique de l’hémocult n’a guère d’intérêt chez l’homme, puisqu’il faut
rechercher en pratique une cause gastro-intestinale ; elle garde en revanche un intérêt chez la
femme. Pour les autres saignements (saignements urinaires, hémosidérose pulmonaire,
hémolyse intravasculaire…), les pertes sont plus modestes et ne portent véritablement à
conséquence qu’en cas de facteurs associés (ex. du sujet âgé cumulant une insuffisance des
apports quantitative et qualitative (moins de protéines animales), une diminution de
l’absorption du fer par hypochlorhydrie gastrique, et des pertes par traitement anti-
inflammatoire ou hémorroïdes…).
A côté des insuffisances d’apports et des pertes en fer, il faut citer un dernier mécanisme pour
les carences en fer : la malabsorption intestinale. Les causes sont multiples : la gastrectomie,
qui peut être suivie d’une augmentation de la motilité intestinale au niveau de l’intestin
proximal, site principal d’absorption du fer ; une achlorhydrie ; les diarrhées chroniques ; la
malabsorption intestinale proprement dite, touchant en particulier le duodénum et le jéjunum
proximal.
Symptômes cliniques
On distingue :
Les symptômes d'anémie. Les signes de gravité sont très rares mais on met souvent en
évidence une lassitude physique et une dyspnée d'effort. Palpitations, vertiges sont devenus
très rares de nos jours et dans nos régions.
Le plus souvent, l’examen clinique est négatif, absence de splénomégalie en particulier.
Les symptômes spécifiques dans les carences martiales anciennes et profondes :
Troubles des phanères : ongles fragiles, mous, minces et cassants, striés en cupules
(koïlonychies), cheveux secs et cassants.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Signes digestifs : perlèche, glossite avec atrophie des papilles linguales, dysphagie
oesophagienne avec atrophie muqueuse (syndrome de Plummer-Vinson).
Signes cutanés : peau sèche, prurit.
A d'autres carences : Vit. B12 ou folates ce qui peut masquer la microcytose. Le VGM
normal est la résultante d'une importante anisocytose avec IDE très élevé > 25.
Le myélogramme n'est pratiquement jamais réalisé sauf dans l'étude de ces formes rares
d'anémies intriquées (coloration de Perls).
L'interrogatoire doit être très précis en sachant que les carences martiales sont souvent le fait
de causes cumulatives et méconnues.
Contexte hémorragique évident et important (cf quantité de sang perdu pour entraîner une
carence martiale). Par exemple les hématuries microscopiques ou les hémorragies
extériorisées minimes (épistaxis, hémorroïdes…) ne sont jamais la cause de carence martiale.
Quand ces démarches n'apportent aucun élément positif et a fortiori après la ménopause, la recherche
d'une lésion gynécologique expliquant la carence martiale est inadaptée. Le problème est alors
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
d'explorer le tube digestif et de rechercher la lésion très probable à l'origine des hémorragies occultes.
Il ne faut pas laisser passer une lésion maligne ou menaçante mais aussi ne pas explorer à l'excès pour
une lésion qui peut être ancienne et guérie.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Remarques
- Cinétique de variations des paramètres biologiques dans l’anémie ferriprive : Ferritine /
transferrine > fer sérique / RsTf > hypochromie > microcytose > anémie
L'interprétation adéquate d'une mesure de la ferritine doit cependant tenir compte des
éléments suivants :
• Une ferritine plasmatique inférieure à 10 μg/L correspond TOUJOURS à un épuisement des
réserves de fer et constitue une étape obligatoire préalable au développement d’une anémie
ferriprive. Cette condition peut toutefois exister sans anémie associée, si les apports
quotidiens suffisent malgré tout à assurer une érythropoïèse normale.
• Une ferritine plasmatique élevée peut s'observer dans :
- les maladies hépatiques
- les états inflammatoires
- l'hémochromatose
• Un véritable état ferriprive peut parfois coexister avec une maladie inflammatoire chronique
(anémie mixte) : dans ce cas, le dosage de la ferritine sérique peut quand même être normal,
mais il ne dépasse généralement pas une valeur de 50 μg/L. En cas de doute, on peut évaluer
de façon indépendante les réserves de fer au moyen d'une coloration au Bleu de Prusse sur un
échantillon de moelle osseuse, ou encore tenter de préciser à l’aide du test décrit
immédiatement ci-dessous.
Dans le cas d'une véritable carence en fer, on doit être en mesure de documenter
l'ensemble des éléments suivants :
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
• Un fer sérique abaissé (généralement inférieur à 10 μmol/L) et une capacité de fixation qui
tend à s'élever (41 à 90 μmol/L). Le pourcentage calculé de saturation de la transferrine est
très souvent égal ou inférieur à 10%.
• Une ferritine sérique inférieure à 10 μg/L, traduisant un épuisement total des réserves de
fer dans l'organisme.
• Une augmentation (>30 nmol/L) du récepteur soluble de transferrine dans le plasma, en
l’absence d’évidence d’une hyperplasie érythroïde de la moelle osseuse.
Lorsque l'anémie est due à l'existence d'une condition inflammatoire, les éléments de
distinction sont :
• La mesure du récepteur soluble de transferrine dans le plasma est généralement normale, i.e.
< 30 nmol/L. Dans le contexte décrit ci-dessus, une mesure augmentée pourrait témoigner
d’une anémie mixte, à la fois ferriprive ET inflammatoire.
Ces anémies sont beaucoup plus rares que les formes ferriprive et inflammatoire décrites
précédemment. Elles résultent elles aussi d'un défaut de la maturation du cytoplasme (avec
microcytose et hypochromie) mais où ON NE DOCUMENTE PAS D'ANOMALIE
MESURABLE DU MÉTABOLISME DU FER (les dosages du fer et de la ferritine sériques sont
normaux).
La thalassémie
Ce syndrome constitue l'exemple le mieux connu de ce type d'anémie. Il résulte d'une
déficience congénitale d'un des gènes qui codent pour la synthèse et l'assemblage de l'une ou
l'autre des chaînes de la GLOBINE (alpha, bêta, gamma ou delta). La bêta thalassémie,
variante la plus fréquente, se rencontre généralement chez les individus d'origine
méditerranéenne ou du sud-est de l'Asie (Vietnam, Cambodge, Thaïlande). Elle se présente la
plupart du temps sous forme hétérozygote, appelée aussi THALASSÉMIE MINEURE. Elle se
caractérise alors par une anémie légère (105-120 g/L) presque toujours asymptomatique et
associée à un abaissement important du VGM (inférieur à 70fL). Il en résulte souvent une
pseudo-érythrocytose, due au nombre anormalement élevé des globules rouges circulants. Le
fer et la ferritine sériques sont typiquement normaux chez les individus atteints et le
diagnostic peut être confirmé à l'électrophorèse de l'hémoglobine par l’observation d'un
pourcentage augmenté d'hémoglobine A2 (alpha-delta). Une telle condition ne nécessite aucun
traitement et l'administration de fer est sans effet sur l'anémie. Il convient de rassurer les
personnes atteintes et de les mettre en garde de vouloir procréer avec une autre personne
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
atteinte de la même tare, au risque de donner naissance à des enfants homozygotes, atteints
d'une maladie beaucoup plus grave appelée la THALASSÉMIE MAJEURE.
Cette dernière se caractérise en effet par une anémie hémolytique sévère (microcytaire et
hypochrome) nécessitant des transfusions répétées dès l'enfance et associée à une espérance
de vie limitée.
L'anémie sidéroblastique
L'anémie résulte ici d'un défaut dans la synthèse de l'HÈME, plus spécifiquement des
PORPHYRINES. Dans la moelle osseuse, elle s'associe à la présence de sidéroblastes en
couronne qui témoignent d'une accumulation anormale du fer dans les mitochondries des
précurseurs érythrocytaires, puisqu'il ne peut être normalement incorporé dans la molécule
d'hémoglobine. Dans sa forme acquise, observée plus fréquemment, l'anémie sidéroblastique
est considérée comme une condition pré-leucémique (ou myélodysplasique), suggérant
l'apparition d'un désordre profond de la cellule souche myéloïde susceptible de s'exprimer
éventuellement de façon plus alarmante. La transfusion périodique constitue le seul recours
thérapeutique dans ces cas. La forme héréditaire, beaucoup plus rare, serait liée à une
anomalie de l'enzyme ALA-synthétase dont l'action dépend d'un co-facteur dérivé de la
pyridoxine, le pyridoxal-phosphate.
L'administration orale de pyridoxine (vitamine B6) à doses pharmacologiques arrive dans
bien des cas à surmonter le bloc métabolique dans la synthèse des porphyrines et à corriger
partiellement l'anémie chez ces malades. Cette forme de traitement s'avère toutefois inefficace
dans les cas de maladie acquise.
À cause de l'existence de ces maladies dont l'anémie possède les mêmes caractères
morphologiques que ceux de l'anémie ferriprive, il est toujours extrêmement important
d'effectuer un dosage du fer et de la ferritine sériques afin d'établir un diagnostic exact
et d'entreprendre un traitement de remplacement. Il va sans dire que l'administration
de fer dans l'inflammation aussi bien que dans ce dernier groupe de maladies est
absolument inutile et peut même s'avérer dangereuse à long terme, en raison du risque
de développement d'une hémosidérose.
Anémie inflammatoire
Tout état inflammatoire, a fortiori s’il se prolonge, peut aboutir à une anémie, qu’il s’agisse
de maladies infectieuses, néoplasiques ou systémiques. L’inflammation induit de nombreux
changements cytokiniques, avec pour conséquence une augmentation de la synthèse de
ferritine et une diminution de celle de la transferrine. L’augmentation de production d’IL-6
augmente les taux d’hepcidine, une molécule centrale dans l’homéostasie du fer. En effet,
l’hepcidine interagit avec la partie extracellulaire de la ferroportine en jouant le rôle de
«bouchon», empêchant ainsi le passage du fer dans le sang et le relargage de fer par les
macrophages et les hépatocytes. Les principaux mécanismes de régulation de l’hepcidine sont
l’érythropoïèse, les stocks de fer, le fer sérique, l’hypoxie et l’inflammation (surtout médiée
par l’interleukine 6). L’IL-6 diminue également le taux de production d’EPO. Ces
changements expliquent le tableau de l’anémie inflammatoire qui peut, dans la moitié des cas,
être microcytaire et hypochrome.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Figure 25: Anémie inflammatoire (Axe hepcidine-ferroportine dans la régulation de l’homéostasie du fer)
Bilan martial
Le bilan martial demeure la première étape, même s’il a des limites. Si la ferritine garde une
bonne sensibilité et une bonne spécificité lors de la carence martiale isolée, il n’en est pas de
même pour le fer et la transferrine qui, même en dehors de tout état inflammatoire, sont sujets
à des variations importantes qui rendent difficile l’interprétation des résultats.
La norme du taux de saturation de la transferrine est entre 20 et 40%. Une valeur < 15% est en
faveur d’un manque de fer fonctionnel avec toutefois une sensibilité médiocre. En présence
ou non d’un état inflammatoire, une ferritine < 30 mg/l est compatible avec une carence en
fer. La ferritine est une protéine de la phase aiguë de l’inflammation et son taux est surestimé
dans cette situation. Néanmoins, un taux de ferritine supérieur à 100 mg/l rend une carence en
fer peu probable même en présence d’un état inflammatoire. Dans la zone «grise» qui se situe
entre 30 et 100 mg/l, le bilan martial seul ne permet pas de faire la part des choses. C’est ainsi
que l’utilisation d’autres outils diagnostiques trouve sa place.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Figure 26: Evolution des différents paramètres biologiques au cours d’une anémie ferriprive (AF), inflammatoire (AI) et
mixte (AF + AI)
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Le contenu moyen en hémoglobine (MCH) dans un globule rouge individuel est compris entre
26 et 34 pg. Un globule rouge est hypochrome si ce contenu moyen en hémoglobine est
inférieur à 26 pg. Lorsque le pourcentage de globules rouges hypochromes dépasse 5%, cela
marque un état ferriprive fonctionnel quel que soit l’état des réserves en fer. Le pourcentage
des globules rouges hypochromes change lentement avec le développement d’un état
ferriprive fonctionnel.
Par contre, le contenu en hémoglobine dans les réticulocytes varie beaucoup plus rapidement
en présence d’un état ferriprive fonctionnel car la durée de vie d’un réticulocyte est nettement
plus courte que celle d’un globule rouge. La charge hémoglobinique réticulocytaire (CHr)
diminue ainsi significativement en cas d’état ferriprive fonctionnel récent. Il permet donc
d’apprécier les changements précoces survenant dans l’érythropoïèse grâce au temps de
circulation sérique des réticulocytes de 1-2 jour comparé à 120 jours pour les hématies. Le
CHr permet également de suivre la réponse à une substitution ferrique (en lien avec la crise
réticulocytaire à J5).
Le dosage de l’hepcidine fera très probablement partie du bilan martial dans l’avenir. Pour le
moment, bien que techniquement dosable, les difficultés d’harmonisation des méthodes de
dosage de l’hepcidine font qu’aucun test de laboratoire n’est à ce jour validé pour une
utilisation diagnostique en routine.
En présence d’une anémie (hémoglobine < 140 g/l chez l’homme et < 120 g/l chez la femme)
non régénérative (seuil de réticulocytes < 50 G/l généralement admis) et suspecte d’être
ferriprive, l’algorithme présenté dans la figure 27 propose une démarche diagnostique
pratique.
En présence ou non d’un état inflammatoire, une valeur de ferritine < 30 mg/l a démontré
avoir la meilleure sensibilité/spécificité pour confirmer l’absence de réserve en fer. Une
valeur de ferritine > 30 mg/l sans syndrome inflammatoire et > 100 mg/l avec syndrome
inflammatoire permet raisonnablement d’estimer une réserve martiale correcte (à corréler à la
situation clinique). La situation la plus complexe survient dans un contexte inflammatoire,
lorsque la ferritine se trouve dans une zone grise entre 30-100 mg/l. L’index des récepteurs
solubles à la transferrine permet alors de mieux préciser un état ferriprive associé. Si le sTfR
est < 1, 2 est bien corrélé avec une carence martiale concomitante. Persiste une zone
intermédiaire entre 1 et 2 dans laquelle l’apport des index hématologiques, comme le CHr en
combinaison avec l’index sTfR, permet d’apporter plus d’informations sur une carence
martiale fonctionnelle ou vraie. Un CHr < 29 pg est en faveur d’un état ferriprive vrai (déficit
d’hémoglobinisation des réticulocytes), alors qu’un CHr > 29 pg est en faveur d’une anémie
ferriprive fonctionnelle.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
En cas de doute diagnostique sur la nature des cellules, parfois une biopsie médullaire
s’impose permettant :
Le prélèvement pauvre peut traduire une réelle aplasie mais aussi une myélofibrose ou une
dilution sanguine lors de la réalisation du myélogramme.
C’est l’indication principale d’une biopsie ostéo-médullaire : elle doit être discutée avec un
hématologiste afin de prévoir, selon le contexte, une étude histochimique et la réalisation d’un
second myélogramme dans le même temps en prévoyant d’éventuels prélèvements pour
caryotype, biologie moléculaire ou immunophénotypage.
Elle permet d’affirmer la richesse exacte de la moelle et poser le diagnostic : aplasie,
envahissement, myélofibrose ou myélodysplasie.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Si ces examens ne sont pas informatifs, une consultation spécialisée doit être effectuée.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Hyper-/hypothyroïdie
Maladie d’Addison
Panhypopituitarisme
Exposition au benzol
Irradiation accidentelle
Leucémie
Myélome, lymphome
Myélofibrose
Métastases
Syndrome myélodysplasique
Dans l’insuffisance rénale, une anémie normocytaire normochrome s’explique tout d’abord
par une diminution de la sécrétion d’érythropoïétine, mais aussi par les effets toxiques des
substances d’origine rénale sur la moelle osseuse et par une durée de vie légèrement
raccourcie des érythrocytes. Précisons que l’anémie ne dépend pas de la cause de
l’insuffisance rénale. Il n’y a que dans les atteintes rénales polykystiques que la sécrétion
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
d’érythropoïétine est souvent conservée ou peut même s’élever. Par ailleurs, une anémie liée
à une insuffisance rénale n’apparaît pas avant que la clairance de la créatinine soit inférieure à
40 ml/min. Quant à la numération des réticulocytes, elle est soit dans la norme soit légèrement
élevée. En outre, il est probable que dans le cadre d’une insuffisance rénale la mobilisation
des réserves de fer est un peu inhibée ce qui peut aboutir à une carence en fer fonctionnelle
malgré des réserves adéquates. Le meilleur paramètre pour mettre en évidence cette carence
en fer est une fois de plus le pourcentage des érythrocytes hypochromes. En pratique, la
prescription de fer i.-v. S’est révélée efficace jusqu’à ce que le taux de ferritine atteigne la
norme supérieure ou la dépasse un peu. Lorsque la ferritine dépasse 600 ng/ml, il est certain
qu’il faut arrêter le fer i.-v. Puisque à ce stade la quantité de radicaux libres du fer augmente,
ce qui peut favoriser soit l’apparition d’une artériosclérose soit l’induction d’une tumeur.
Les trois quarts des patients atteints de cirrhose hépatique présentent une anémie. Les
complications de la cirrhose participent à la formation de cette anémie: inhibition médullaire
toxique par l’alcool, carence en folates et saignements des varices œsophagiennes ou des
hémorroïdes. Mais, même en l’absence des complications mentionnées, on peut observer une
anémie qui s’explique par l’association de trois facteurs: une hypervolémie due à la
splénomégalie (effet de dilution), une hémolyse et une production médullaire diminuée. Peu
de patients développent une anémie hémolytique plus grave liée à une modification
morphologique des érythrocytes (acanthocytes, «spur cells»). La triade stéatose (avec ou sans
cirrhose), anémie hémolytique aiguë et hyperlipoprotéinémie (type V) dans le contexte de la
maladie alcoolique porte aussi le nom de syndrome de Zieve. En règle générale, les indices
érythrocytaires sont normaux, mais il n’est pas rare d’observer une macrocytose souvent liée à
la consommation d’alcool ou à une carence en folates. Dans les hémolyses plus graves liées
aux maladies hépatiques, on retrouve des acanthocytes (érythrocytes avec plusieurs spicules)
et une réticulocytose.
Une anémie normocytaire ou discrètement macrocytaire a été constatée chez 21 à 60% des
patients présentant une hypothyroïdie. Elle s’explique par une diminution de la production
érythrocytaire de la moelle osseuse et correspond probablement à une adaptation
physiologique au fait que, dans l’hypothyroïdie, le corps consomme moins d’oxygène. 10–
15% des patients avec une hyperthyroïdie présentent également une anémie dont la
pathogenèse n’est pas élucidée. Le MCV est normal ou légèrement abaissé. Après la puberté,
les taux d’hémoglobine sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Cependant,
après une orchidectomie, les taux masculins s’alignent sur les normes féminines. En outre,
une discrète anémie s’observe dans la maladie d’Addison. Enfin, une insuffisance
hypophysaire entraîne une anémie en réduisant la production hormonale de la thyroïde, des
surrénales et des gonades. Elle est réversible avec un traitement de substitution adapté.
Anémie aplastique
Le terme d’anémie aplastique est réservé aux pancytopénies dans lesquelles il y a une
diminution de la production des trois lignées cellulaires dans la moelle osseuse. Il s’applique
aux hypoplasies et aplasies médullaires ainsi qu’aux cas d’aplasie sans cause décelable. Sont
exclues de cette catégorie les aplasies liées aux chimiothérapies ou à d’autres médicaments
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
inhibant la division cellulaire. Précisons toutefois que plusieurs médicaments ont été mis en
cause dans la formation d’une anémie aplastique sans que leur mode d’action puisse expliquer
le déclenchement d’une telle anémie. En effet, la relation de causalité n’a été bien documentée
que pour quelques médicaments: le chloramphénicol, la phénytoïne, les sels d’or et
probablement les sulfonamides. En outre, les infections sont actuellement de plus en plus
considérées comme faisant partie des causes d’anémie aplastique. Aussi certaines aplasies
graves ont-elles été en partie attribuées à l’hépatite non A, non B, non C, et à la mononucléose
aiguë. Néanmoins, dans environ la moitié des cas, on ne trouve pas de facteur déclenchant.
Ces cas idiopathiques représentent l’anémie aplastique dans son sens le plus étroit. Les
examens de laboratoire révèlent une pancytopénie. Les indices érythrocytaires sont normaux
ou macrocytaires. La numération des réticulocytes est proche de zéro. La ponction de moelle
osseuse permet de poser le diagnostic. Dans le diagnostic différentiel, il faut avant tout
exclure un syndrome myélodysplasique hypocellulaire, ce qui se fait surtout par une analyse
morphologique. Mais, pour compliquer le tout, une anémie aplastique peut se transformer en
syndrome myélodysplasique et des formes intermédiaires sont possibles.
Apparentée aux anémies aplastiques, cette maladie rare se manifeste par une anémie
normocytaire ou macrocytaire et une numération des réticulocytes proche de zéro. Au niveau
de la moelle osseuse, la cellularité est normale mais les éléments de l’érythropoïèse manquent
complètement. Environ 10 à 15% de ces patients présentent un thymome qui est impliqué
dans la formation de l’aplasie. Si cette pathologie est parfois associée à des maladies auto-
immunes ou à une infection au parvovirus B 19, elle est le plus souvent idiopathique. Il existe
probablement aussi une «pure red cell hypoplasia» avec une érythropoïèse fortement
diminuée mais pas absente. A l’instar de l’aplasie, cette «forme fruste» peut très bien
répondre à un traitement de ciclosporine.
Syndrome myélodysplasique
Le syndrome myélodysplasique est une atteinte clonale des cellules souches de la moelle
osseuse. Elle se traduit par une hématopoïèse inefficace (mort cellulaire dans la moelle
osseuse – sous forme d’augmentation de l’apoptose – avant l’entrée dans la circulation) et des
troubles de la maturation, qui entraînent différentes formes de cytopénies. Il n’est pas rare que
ce syndrome soit à l’origine d’une cytopénie inexpliquée et sa fréquence augmente nettement
avec l’âge. C’est l’examen morphologique du frottis sanguin qui permet de poser le
diagnostic; en effet, un oeil exercé peut, soit reconnaître avec précision, soit exclure un SMD
sur la base du frottis sanguin. Cependant, il est nécessaire de confirmer le diagnostic par un
examen de la moelle osseuse. Les signes de dysplasie morphologique d’une, de deux ou des
trois lignées cellulaires représentent un critère diagnostique important. Les dysplasies les plus
significatives sont: la macrocytose, des formes de larmes, des neutrophiles aux granulations
anormales ou absentes, des ponctuations basophiles sans CRP, des noyaux de forme
pelgeroïde, des thrombocytes agranuleux ou encore des thrombocytes géants. Dans la moelle,
on trouve, au sein d’une cellularité soit augmentée soit diminuée, des micro-mégacaryocytes,
des bâtonnets géants, des macro-érythroblastes et des noyaux de formes atypiques dans les
érythroblastes. Mais il est important de reconnaître que ce diagnostic morphologique est
difficile et qu’il nécessite le recours à des spécialistes, toutefois, cette démarche permet
d’éviter des investigations laborieuses et des tentatives thérapeutiques inutiles.
53
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Processus infiltratifs
L’ensemble des processus infiltratifs néoplasiques touchant la moelle osseuse, y compris les
cancers métastatiques, les leucémies et l’ostéomyélofibrose, induisent des anémies
hyporégénératives. Dans ces cas, seule la ponction de moelle osseuse permet de poser le
diagnostic. Néanmoins, on trouve classiquement une image de leuco-érythroblastose en
périphérie. Ce terme décrit le passage des érythroblastes et des précurseurs de la myélopoïèse
dans la circulation.
Il est rare qu’une expansion du volume plasmatique soit à l’origine d’une anémie. Strictement
parlant, ce n’est pas vraiment une anémie puisque la masse érythrocytaire est normale; il
s’agit plutôt d’un effet de dilution qui s’observe en cas de grossesse, de splénomégalie,
d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale ou d’hypoalbuminémie. Une diminution de
l’hématocrite, pouvant aller jusqu’à 16%, a été mesurée chez des patients avec des œdèmes
une heure après qu’ils se sont couchés.
Commencer par mesurer les réticulocytes et les paramètres de l’hémolyse (bilirubine, LDH,
créatine érythrocytaire, haptoglobine). Si les réticulocytes sont élevés, c’est soit une
hémorragie, soit une hémolyse (voir ci-dessous) selon l’anamnèse et les résultats des
paramètres hémolytiques. S’il n’y a pas de réticulocytose, rechercher les causes, à la fois
rénales (créatinine), hépatiques (transaminases) ou endocrines (TSH, mal. d’Addison). Si ces
résultats sont dans les normes, poursuivre avec un examen de la moelle osseuse à la recherche
d’une anémie hypoplasique ou aplastique, d’un processus infiltratif ou d’un syndrome
myélodysplasique. Finalement, exclure une expansion du volume plasmatique en mesurant les
volumes érythrocytaire et plasmatique (appréciation des deux volumes).
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Hémolyses exogènes : Les causes infectieuses ou toxiques peuvent être soit suspectées soit
exclues sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique. Parmi elles figurent la malaria et la
bartonellose (fièvre d’Oroya, Pérou) qui se diagnostiquent par l’objectivation des parasites
intra-érythrocytaires sur le frottis sanguin. La septicémie à Clostridium perfringens est
associée aux avortements septiques, à la cholangite, à la gangrène gazeuse, à la leucémie, à
l’endocardite, aux malformations artério-veineuses du tractus gastrointestinal ou encore à
l’entérite nécrosante du nouveau-né. Elle entraîne une hémolyse particulièrement rapide. Les
hémocultures permettent de poser le diagnostic. Beaucoup d’autres germes, Gram positif ou
négatif, peuvent causer une hémolyse.
Une série de médicaments et de produits chimiques provoquent une hémolyse chez les
patients présentant une résistance diminuée aux agressions oxydantes. Toutefois, il existe des
substances qui dénaturent également l’hémoglobine normale par oxydation et qui peuvent
ainsi déclencher une hémolyse.
Les substances les plus citées sont la naphtaline (antimites), la nitrofurantoïne (Furadantine
®, Urodin®), la salicylazosulfidine, la sulfaméthoxypyridine, l’acide aminosalicylique, le
Natriumsulfoxone, la dapsone et la phénazopyridine.
C’est par le même mécanisme qu’une exposition à 100% d’oxygène provoque une discrète
hémolyse [12]. En outre, des hémolyses mortelles peuvent suivre une exposition accidentelle
à des substances toxiques industrielles comme les particules de résine d’époxyde, le cuivre et
l’hydrogène arsine – un gaz sans couleur ni odeur – qui est utilisé pour travailler le métal
(corroder, enduire de plomb, galvaniser). Enfin, l’anamnèse permettra de repérer parmi les
causes d’hémolyse une exposition, soit à des venins d’araignées ou de serpents (en particulier
à celui du cobra), soit à de multiples piqûres d’abeilles.
Une hypophosphatémie grave – par exemple dans les cas de long traitement par des
antiacides qui captent les phosphates, d’alimentation parentérale sans adjonction de
phosphates ou d’alimentation gravement carencée, voire absente (alcooliques, p.ex.) – peut
entraîner non seulement une confusion, une asthénie et des paresthésies mais aussi une
anémie hémolytique
Les causes d’anémie hémolytique mentionnées ci-dessus sont certes rares, mais elles peuvent
être facilement exclues par l’anamnèse et par l’absence de signes infectieux.
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Diagnostiquer une anémie hémolytique auto-immune (AHAI) n’est pas toujours facile et
peut exiger des examens immunohématologiques étendus, qui s’opposent à la nécessité
d’instaurer rapidement un traitement. Souvent aussi, il est difficile de faire mettre à
disposition un produit sanguin approprié en un bref délai. Une AHAI pose donc un immense
défi au laboratoire comme au clinicien, exigeant de leur part une collaboration étroite et une
bonne communication comme condition sine qua non du succès du traitement.
L’AHAI est souvent une complication secondaire à une autre maladie (par ex.
lymphoproliférative), mais peut aussi être une affection primaire survenant en absence de
maladie sous-jacente.
L’AHAI est souvent la complication d’un lymphome, mais peut aussi être le premier
symptôme d’un lymphome non encore diagnostiqué. Environ 18% des patients présentant un
AHAI primaire développement par la suite un lymphome manifeste [4]. Il n’est pas rare que
le traitement d’un lymphome de bas grade par la fludarabine ou la cladribine déclenche une
AHAI.
Pathogénèse
Un mécanisme central de l’AHAI est la réaction d’autoanticorps avec des épitopes (structures
protéiques et/ou glucidiques) situés à la surface des érythrocytes. L’importance clinique d’un
auto-anticorps dépend de son efficacité à activer le système du complément. Parce qu’elles
forment un pentamère, les immunoglobulines de l’isotype IgM sont des activateurs très
efficaces du système du complément. Les IgG1 et les IgG3 sont également des activateurs
efficaces du système du complément, les IgG2 et les IgA le sont par contre un peu moins. Les
IgG4 et les IgD n’induisent pas d’activation notable du complément. Du reste, la liaison aux
érythrocytes d’un auto-anticorps ayant le potentiel d’activer le complément ne mène pas dans
tous les cas à une activation du complément. La présence de régulateurs du complément et la
densité des épitopes sur l’érythrocyte sont des facteurs qui déterminent si, et à quel degré, le
système du complément sera activé. En général, l’activation du complément n’est pas
complète et il subsiste des produits de dégradation du complément (C3c, C3d) qui laissent des
traces («complément footprints») sur les érythrocytes. Quand le système du complément est
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
complètement activé (le plus souvent par des IgM), le complexe d’attaque membranaire (C6–
9) est intégré dans la membrane érythrocytaire, ce qui conduit à la lyse complète de
l’érythrocyte.
Un autre facteur qui détermine l’importance clinique est la température optimale de liaison
de l’auto-anticorps aux érythrocytes. Les auto-anticorps dits «froids» ont en général une
température optimale de liaison inférieure à 30 °C et sont de type IgM. Un auto-anticorps de
type IgM dont la température de liaison optimale avoisine 30 °C est important au plan
clinique parce que capable d’induire une activation du complément in vivo. Les auto-
anticorps dits «chauds», par contre, ont une température de liaison optimale de 37 °C et sont
le plus souvent de type IgG, rarement de type IgM et très rarement de type IgA. Les
hémolysines biphasiques sont des auto-anticorps de type IgG qui ont une température de
liaison optimale inférieure à 30 °C et activent le complément à 37 °C. Selon les isotypes des
autoanticorps et le degré d’activation du complément, les érythrocytes subissent une
dégradation intravasculaire ou extravasculaire dans la rate et le foie. Dans l’hémolyse
extravasculaire, les érythrocytes chargés d’autoanticorps et de facteurs du complément (C3c,
C3d) sont éliminés dans la rate et le foie par des phagocytes qui reconnaissent les récepteurs
ayant réagi avec le fragment Fc des auto-anticorps et/ou les récepteurs du complément. En cas
de forte activation du complément allant jusqu’à l’intégration du complexe d’attaque
membranaire dans la membrane érythrocytaire, la destruction touche même les érythrocytes
circulants: c’est l’hémolyse intravasculaire.
Primaire (idiopathique)
Secondaire
Primaire (idiopathique)
Secondaire
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Idiopathique
Secondaire
Idiopathique
Diagnostic
Aspects cliniques
Dans sa présentation clinique, une AHAI ne se distingue pas d’autres anémies hémolytiques
aiguës ou crises aiguës d’anémies hémolytiques chroniques. Les patients présentent souvent
un ictère et des signes cliniques d’anémie tels que pâleur, fatigue et intolérance à l’effort. Des
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
symptômes cliniques tels qu’une hémoglobinurie sont rares, mais le patient devra être
interrogé activement sur ce point. Dans une AHAI à autoanticorps froids, une exposition au
froid peut conduire à une cyanose des extrémités exposées (doigts, orteils, nez et oreilles)
résultant d’une agglutination d’érythrocytes dans les vaisseaux. La cyanose disparaît après
réchauffement de l’extrémité touchée et contrairement à ce que l’on observe dans le
phénomène de Raynaud, le patient ne développe pas d’hyperémie réactionnelle. L’existence
d’une maladie sous-jacente associée à un risque élevé d’AHAI (voir plus haut) peut contribuer
à évoquer un diagnostic de suspicion. Un grand nombre de ces maladies étant en elles-mêmes
associées à une anémie, une AHAI légère coexistante peut facilement échapper au diagnostic.
Outre une anamnèse détaillée et un examen clinique approfondi, les valeurs de laboratoire ont
une importance primordiale dans le diagnostic de l’AHAI. Le diagnostic de laboratoire se
fonde essentiellement sur les signes biochimiques d’hémolyse et la détection d’auto-anticorps
dirigés contre les érythrocytes par des méthodes immunohématologiques. Les signes d’une
intensification de la dégradation d’érythrocytes par hémolyse intra- ou extravasculaire sont
une hausse de l’activité LDH, une hyperbilirubinémie indirecte, une chute de l’haptoglobine
et une réticulocytose. Cela dit, une activité LDH normale n’exclut pas une hémolyse. La
réticulocytose peut être absente au début d’une AHAI et/ou chez des patients ayant une
réserve fonctionnelle limitée de moelle osseuse (par ex. après une chimiothérapie). Le frottis
de sang périphérique montre souvent des microsphérocytes. Ce sont des érythrocytes chargés
d’auto-anticorps qui ont perdu une partie de leur membrane et donc leur forme biconcave lors
du passage splénique. Dans l’hémolyse intravasculaire, l’hémoglobine libérée par les
érythrocytes détruits est éliminée par voie rénale, ce qui donne à l’urine une teinte brunâtre
(hémoglobinurie). L’hémosidérine dans l’urine trahit une hémolyse intravasculaire même
plusieurs jours après.
Immuno-hématologie
Dans la pratique hospitalière quotidienne, le TIA et le TDA sont effectués entre-temps par des
systèmes de test entièrement automatisés, tous basés sur la détection ou non d’une
agglutination. Une technique abondamment utilisée utilise des plaques microtitre revêtues
d’antisérum. Une autre méthode courante utilise des microtubes remplis de billes de gel. Les
63
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
anticorps (antisérum) et les érythrocytes sont d’abord incubés dans une chambre de réaction,
puis les microtubes sont centrifugés.
S’il y a eu agglutination, l’agglutinat est retenu au passage dans les billes de gel et le test est
positif. En absence d’agglutination, les érythrocytes peuvent traverser sans encombre la
couche de billes de gel et se retrouvent après centrifugation au fond du microtube. Le test est
alors négatif. Les grands laboratoires se servent parfois aussi de la cytométrie de flux pour
mettre en évidence des érythrocytes chargés d’anticorps et de complément. Dans certaines
recherches ou pour confirmer des résultats peu clairs, on recourt encore à la technique
éprouvée de longue date de l’agglutination évaluée à l’oeil nu dans un tube à essais.
Une analyse suivante cherchera à identifier des auto-anticorps de type IgM ou IgA. Toutefois,
la méthode classique du TDA avec un antisérum monospécifique réagissant avec les IgM ou
les IgA donne généralement de maigres résultats. Les auto-anticorps de type IgA sont très
rares, ont une amplitude de température optimale à 37 °C et peuvent provoquer des hémolyses
fulminantes. Les auto-anticorps de l’isotype IgM sont difficiles à déceler, vu qu’en raison de
leur taille (pentamères), ils sont souvent éliminés par lavage pendant l’exécution du test. En
outre, l’amplitude de température de l’anticorps et la température à laquelle le TDA est
effectué jouent un rôle décisif dans la mise en évidence d’un auto-anticorps de type IgM.
L’étape suivante exploite la capacité des IgM, due à leur structure (pentamère) et à leur taille,
d’agglutiner les érythrocytes sans facteurs d’aide supplémentaires (anticorps dits «complets».
On incube le sérum du patient à 16 °C en présence d’érythrocytes-test. Une agglutination
spontanée des érythrocytes-test indique la présence très probable d’un auto-anticorps «froid»
de type IgM. Si ce test est également positif à 30 °C, il y a lieu de supposer que l’auto-
anticorps est potentiellement important sur le plan clinique. Il s’agira alors de déterminer si
l’auto-anticorps est potentiellement capable d’induire une hémolyse. Pour cela, on incube des
érythrocytes-test prétraités, beaucoup plus sensibles à la lyse par le complément que les
érythrocytes test conventionnels, en présence de sérum du patient à 16 °C et à 30 °C. Après
ajout d’une source de complément sous forme de sérum standard frais, on vérifie si les
érythrocytes-test sont lysés à 37 °C (fig. 5 x). Si tel est le cas, on conclut à la présence d’un
auto-anticorps «froid» d’importance clinique, potentiellement capable d’induire une hémolyse
intravasculaire chez le patient.
64
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
froid. Le sang doit être maintenu à 37 °C dès le prélèvement et pendant toute la procédure de
traitement.
Des températures plus basses pendant le traitement font courir le risque que les auto-anticorps
IgM soient adsorbés par les érythrocytes et ne puissent plus être décelés qu’à de faibles
concentrations dans le sérum.
Il existe des techniques d’élution fastidieuses permettant de détacher les auto-anticorps liés
aux érythrocytes afin de déterminer leur spécificité. L’éluat est alors incubé avec un panel
d’érythrocytes-test (comme dans le TIA). Si la spécificité de l’auto-anticorps contenu dans
l’éluat peut être établie, celle-ci sera mentionnée dans les résultats d’analyses (par ex. anti-C).
Il est toutefois fréquent qu’aucune spécificité ne puisse être établie (auto-anticorps non
spécifiques). Les auto-anticorps spécifiques de type «chaud» sont souvent dirigés contre tout
ou partie du système Rhésus, rarement contre l’antigène Kell. Quant aux auto-anticorps
«froids», ils réagissent souvent avec l’antigène I, et les hémolysines biphasiques sont dirigées
contre l’antigène P.
65
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Une analyse Type & Screen doit être effectuée avant toute transfusion. Après la
caractérisation de l’auto-anticorps, la première priorité va à l’identification d’alloanticorps.
D’après la littérature, 15–43% des patients atteints d’AHAI sont aussi porteurs d’allo-
anticorps provenant en général des transfusions reçues. En outre, les patients qui ont déjà
développé des allo-anticorps ont un risque significativement accru de former des alloanticorps
supplémentaires. Le Type & Screen est compliqué par la présence d’auto-anticorps sur les
érythrocytes et dans le sérum du patient. La détermination sérologique du groupe sanguin, ou
typage sérologique («Type») du patient, est difficile et nécessite des étapes compliquées de
«lavage» des auto-anticorps fixés; dans bien des cas, un tel typage est impossible.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Un génotypage des principaux groupes sanguins (Rhésus, Kell, Duffy, Kidd, SS) peut offrir le
moyen de décider si l’on a affaire ici à un allo-anticorps ou à un autoanticorps.
Un screening («Screen») et un test croisé des produits sanguins sont également difficiles dans
cette situation, vu que les auto-anticorps réagissent également avec les érythrocytes-test ou les
érythrocytes du donneur, donnant un résultat positif pour tous les tests.
Si le test de Coombs polyspécifique est positif, d’autres tests sont effectués pour définir plus
précisément les éléments déposés sur les érythrocytes du patient. Pour cela, les érythrocytes
du patient sont incubés avec un antisérum monospécifique réagissant avec les IgG, les IgA,
les IgM ou avec le facteur du complément C3c ou C3d. Un test positif (agglutination par un
ou plusieurs antisérums) montre la présence du composant correspondant sur les érythrocytes
du patient.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Dans cette maladie, il y a une expansion monoclonale, rarement oligoclonale, d’une cellule
souche atypique. Ces cellules sont incapables de produire le glycophosphatidylinositol (GPI),
qui est l’ancrage de plusieurs protéines dans la membrane tant des érythrocytes que des
leucocytes et des thrombocytes. On attribue ce déficit à une mutation du gène codant pour une
enzyme, gène qui a été appelé phosphatidyl-inositolglycan classe A (PIG-A). Parmi les
protéines de la membrane qui se lient au GPI se trouvent deux inhibiteurs du complément: le
«Decay Activating Factor» (DAF=CD55), qui participe à l’inactivation du facteur du
complément C3 activé, et le «Membrane Inhibitor of Reactive Lysis» (MIRL=CD59).
L’absence de ces protéines à la surface des érythrocytes entraîne une diminution de la
résistance à la lyse par le complément. Quant au fait que l’hémolyse est augmentée la nuit,
c’est probablement une conclusion erronée à attribuer à la forte concentration des premières
urines du matin.
Sur le plan clinique, on constate une anémie hémolytique de sévérité variable accompagnée
d’une réponse réticulocytaire proportionnelle à la gravité de l’anémie. Lorsque les
exacerbations saturent l’haptoglobine, elles entraînent une hémoglobinurie suivie d’une perte
de fer qui peut à son tour causer une carence en fer.
Au début, les leucocytes sont normaux et les thrombocytes sont tout au plus discrètement
diminués. Ensuite, soit, les cytopénies peuvent s’accentuer, soit, la maladie peut entrer en
phase de rémission. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’HPN fait des complications
thromboemboliques; aussi faut-il rechercher des signes d’HPN particulièrement en cas de
thromboses de localisation atypique, par exemple des thromboses des veines hépatiques, de la
veine porte ou des veines mésentériques.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Expression des protéines d’ancrage de surface GPI sur les cellules hématopoïétiques
humaines
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
L’analyse des cellules sanguines par cytométrie en flux des érythrocytes, des leucocytes (en
particulier des polynucléaires) et des plaquettes est une méthode spécifique et très sensible
permettant un diagnostic rapide (en quelques heures) et fiable des HPN. L'analyse des
érythrocytes seuls par les tests d'hémolyse, voire par une méthode rapide d'agglutination en
gel, permet une orientation du diagnostic qui devra être confirmé par l'analyse des
érythrocytes et des leucocytes par cytométrie en flux.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Les hémolyses par fragmentation des érythrocytes forment un groupe bien défini caractérisé
par la présence de schizocytes. Ces derniers peuvent être triangulaires, en faucilles ou en
«casques» et sont le produit d’érythrocytes qui ont subi des traumatismes mécaniques
intravasculaires.
D’ailleurs, on oublie souvent que les érythrocytes qui perdent leur membrane de manière
mécanique peuvent devenir sphériques autour d’un contenu qui ne diminue pas, formant ainsi
des sphérocytes reconnaissables en tant que sous-population hyperchrome. Les prothèses de
valves cardiaques, mais aussi les affections valvulaires graves – surtout les sténoses aortiques
et les végétations liées aux endocardites causent une fragmentation mécanique directe. Les
modifications que subissent les érythrocytes lors de leur fragmentation dans les gros
vaisseaux sont comparables à celles qui ont lieu dans les microangiopathies.
Le PTT et le SHU se caractérisent, non seulement, par une hémolyse avec schizocytes, mais
aussi, par une insuffisance rénale. En sus, dans le PTT, on trouve généralement une
thrombopénie, de la fièvre et des troubles neurologiques dus à des microinfarctus dans le
SNC. Dans ce contexte de tendance aux occlusions vasculaires, on observe également des
infarctus du myocarde. Néanmoins, les deux tableaux cliniques ne sont pas faciles à délimiter
et les formes mixtes sont fréquentes.
71
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
La pathogenèse s’explique par une lésion de l’endothélium des petits vaisseaux (ce processus
est essentiellement rénal dans le SHU). Cela cause, d’une part, des microthromboses suivies
de lésions des organes concernés, et d’autre part, une perte de la surface lisse de
l’endothélium, probablement par des agrégations plaquettaires et secondairement par des
dépôts de fibrine, suivie d’une fragmentation des érythrocytes.
Les infections peuvent être un facteur déclenchant de SHU surtout. Tout d’abord, les
infections à E. coli entéro-hémorragique (sérotype 0157:H7) et à Shigella dysenteriae peuvent
provoquer des flambées, des sortes de petites épidémies, de SHU chez les enfants en bas âge.
Ensuite, d’autres germes comme le Streptococcus pneumoniae peuvent aussi être incriminés.
Dans le PTT, l’absence d’une protéase scindant le facteur de von Willebrand joue un rôle [20]
dont, toutefois, les tenants et les aboutissants sont contestés.
C’est la constellation des observations cliniques et des résultats des examens de laboratoire
qui permet de poser le diagnostic. Les examens de laboratoire se caractérisent par une urémie,
des signes d’hémolyse, des schizocytes et, obligatoirement, une élévation de la LDH
(hémolyse intravasculaire). Une thrombopénie et une consommation des facteurs de
coagulation – ce qui peut entraîner une diminution du temps de Quick – ne sont pas toujours
présentes. Dans cette situation, une consommation importante des facteurs de coagulation et
du fibrinogène parle plutôt en faveur d’une coagulation intravasculaire disséminée.
Cancers métastatiques
Dans les cancers métastatiques généralisés, on observe parfois une anémie hémolytique avec
schizocytes. Sur le plan de l’étiologie, on l’attribue à des dépôts de fibrine dans les vaisseaux
tumoraux. Mais il existe une autre tentative d’explication: l’observation de multiples embolies
tumorales pulmonaires suivies d’une prolifération de l’intima des vaisseaux, entraînant une
augmentation de la pression artérielle pulmonaire et, par là, des forces de cisaillement sur les
érythrocytes, ce qui causerait une fragmentation. Dans ces cas également, il faut penser au
diagnostic différentiel d’une coagulation intravasculaire disséminée liée à la tumeur.
Chimiothérapie
Transplantation d’organe
72
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Grossesse
Un groupe de pathologies liées au péripartum montre une forte parenté avec le PTT/SHU: ce
sont la prééclampsie, l’éclampsie, le syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes,
Low Platelets), le PTT de la grossesse et le SHU du post-partum. Dans toutes ces pathologies,
il y a une atteinte multisystémique touchant à des degrés variables le foie, les reins, le SNC et
le cœur. En outre, on trouve régulièrement une hémolyse microangiopathique avec formation
de schizocytes. Les critères diagnostiques sont les mêmes que ceux du PTT, grossesse mise à
part.
Hypertension maligne
On n’a pas encore élucidé le mécanisme qui cause la fragmentation des érythrocytes dans les
cas de pression artérielle excessivement élevée, mais ce phénomène est souvent observé dans
l’hypertension maligne. Une partie des patients présente en plus une discrète thrombopénie.
Quelle qu’en soit la cause, la coagulation intravasculaire disséminée provoque de toute façon
une fragmentation des érythrocytes. Sont importants pour le diagnostic: la consommation du
fibrinogène et des facteurs de coagulation avec une diminution du Quick et du fibrinogène, la
thrombopénie et les manifestations des différentes lésions organiques.
Maladies auto-immunes
Les hémoglobinopathies
73
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Lorsqu’on suspecte une hémoglobine instable d’être à l’origine d’une hémolyse, il faut
commencer par une coloration des réticulocytes avec examen au microscope puisque le
colorant (le bleu de crésyl brillant) met en évidence l’hémoglobine dénaturée, sous forme de
corps de Heinz, à la face interne de la membrane érythrocytaire. Toutefois, il faut savoir que,
chez de nombreux patients, les corps de Heinz ne peuvent être observés qu’après une
splénectomie ou pendant la phase aiguë d’une hémolyse. Les autres moyens d’investigation à
disposition sont les tests, d’une part, d’instabilité thermique, d’autre part, de précipitation par
l’isopropanol. Pour notre part, nous préférons les examens testant la sensibilité à l’oxydation
parce qu’ils révèlent aussi avec fiabilité les variantes de l’hémoglobine et les déficits
enzymatiques. Précisons que l’électrophorèse de l’hémoglobine ne permet qu’un diagnostic
partiel des hémoglobines instables.
La sphérocytose héréditaire est due à l’absence d’une protéine membranaire spécifique des
érythrocytes, ce qui accélère le processus au cours duquel la membrane devient plus petite.
L’elliptocytose héréditaire est très proche de la sphérocytose; elle repose en partie sur des
déficits en protéines membranaires très semblables à ceux de la sphérocytose. Les ovalocytes,
caractéristiques sur le frottis, permettent de poser le diagnostic.
L’échinocytose, les spicules sont grossières, de longueurs diverses et moins nombreuses. Les
anglophones désignent ces cellules par le terme de «spur»-cells (spur = éperon).
L’acanthocytose acquise se retrouve dans la sous-alimentation (par exemple dans l’anorexie
nerveuse), dans l’hypothyroïdie, après splénectomie et dans l’insuffisance hépato-cellulaire
grave. Les formes héréditaires comprennent l’Abêtalipoprotéinémie et le phénotype McLeod
(= absence de l’antigène Kell dans le groupe sanguin). Le diagnostic d’acanthocytose se pose
au moyen du frottis sanguin. Quant au phénotype McLeod, il peut être obtenu lors de la
détermination sérologique du groupe sanguin. Le degré de sévérité de l’hémolyse dans
l’acancythose varie, mais des transfusions peuvent s’avérer nécessaires.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Les situations suivantes produisent des substances oxydantes (H2O2 et O2–): le métabolisme
de certains médicaments, les leucocytes en cas d’infections et la réaction entre hémoglobine et
oxygène. La voie des pentoses-phosphates est la seule source érythrocytaire de nicotinamide-
adénine-dinucléotide-phosphate (NADPH) réduit, indispensable à la réduction du gluthation.
Le gluthation protège la cellule contre les agressions oxydantes. Des déficits enzymatiques
dans ce système augmentent la sensibilité à l’oxydation, ce qui entraîne la dénaturation de
l’hémoglobine avec formation de corps de Heinz et aboutit à une hémolyse. Pour poser le
diagnostic, il faut à nouveau tenter de mettre en évidence les corps de Heinz par une
coloration des réticulocytes. Dans ce cas aussi, il est préférable de ne pas utiliser les tests
génétiques d’emblée, à cause de la diversité et de la rareté de ces déficits enzymatiques. Il
vaut mieux objectiver la sensibilité à l’oxydation de manière globale par différents tests de
laboratoire. En effet, le déficit enzymatique sous-jacent n’a généralement qu’un intérêt
académique.
Pour terminer, voici une proposition permettant d’investiguer une hémolyse. La séquence des
points 4 à 9 peut varier en fonction des résultats obtenus auparavant.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
6. Objectiver / exclure une variante héréditaire de la forme érythrocytaire par le frottis sanguin
et, selon la situation, par l’évaluation de la résistance globulaire osmotique.
7. Objectiver / exclure une augmentation de la sensibilité à l’oxydation par les tests présentés
dans le tableau 5.
9. Objectiver / exclure une hémoglobine instable par la recherche de corps de Heinz avec la
coloration au bleu de crésyl brillant (coloration des réticulocytes), l’instabilité à la chaleur, le
test de précipitation par l’isopropanol ou éventuellement une électrophorèse de
l’hémoglobine.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Une anémie est souvent présente, le plus souvent franche. Cependant, le taux d’hémoglobine
peut être normal ou très modérément abaissé dans la phase initiale des MAT. L’analyse de la
courbe de répartition en volume des hématies sur l’hématimètre indique souvent un
épaulement à gauche (hématies avec diminution de volume), avec augmentation de l’index de
distribution. Un épaulement à droite est également usuel du fait de la grande régénération qui
accompagne ces anémies. Tout est affaire de chronologie : date du prélèvement par rapport à
la date réelle de début de la MAT. Ces anomalies et les alarmes dites « qualitatives » ou « de
suspicion » qui les accompagne, bien que non spécifiques et variables selon les appareils,
soient suggestifs de la présence de schizocytes. L’association anémie et thrombopénie doit
conduire à la recherche attentive de schizocytes sur le frottis. En effet, une thrombopénie est
un signe majeur d’orientation au cours des MAT, bien que toutes les anémies hémolytiques ne
s’accompagnent pas obligatoirement d’une thrombopénie. La thrombopénie est généralement
importante avec un chiffre médian de 25 × 109/L. Si la numération des plaquettes est effectuée
par impédance, il peut exister une pollution de la zone de comptage des grandes plaquettes par
des petits globules rouges et, en particulier, par les schizocytes. La validation du chiffre des
plaquettes impose dans ce cas un contrôle de la numération en cellule, sur frottis ou par
cytométrie. La thrombopénie a été rapportée au cours des MAT comme un signe très précoce,
pouvant précéder les anomalies de la série érythrocytaire et l’élévation des LDH. Par ailleurs,
le chiffre des plaquettes permet de juger de l’efficacité du traitement. Il est recommandé de
poursuivre la thérapeutique jusqu’à normalisation du chiffre des plaquettes (> 150 × 109/L) et
stabilisation de ce dernier (≥ 2 jours).
Parmi les autres explorations, la numération des réticulocytes permettra la mise en évidence
de la régénération (à la phase initiale, l’augmentation franche est décalée de quelques jours).
La disparition de l’haptoglobine du plasma est un excellent stigmate de l’origine
intravasculaire de l’hémolyse. Un bilan d’hémolyse plus complet (bilirubine libre et
conjuguée, augmentation marquée des LDH) est à discuter suivant le contexte. Une
exploration biochimique est utile pour apprécier les fonctions hépatiques et rénales (pronostic
et traitement). Le test de Coombs érythrocytaire direct est négatif dans le cas d’une MAT,
éliminant en pratique une hémolyse auto-immune où des microsphérocytes sont fréquemment
observés et parfois de rares schizocytes. En principe, cet examen peut être effectué
rapidement.
Dans le cadre des diagnostics différentiels, une CIVD doit être écartée. En principe, elle est
exceptionnelle au cours des PTT/SHU de l’adulte. Quand elle existe, elle témoigne souvent de
formes frontières (par exemple, cancers mucosécrétants métastasés), où la question devient de
savoir si les schizocytes et la thrombopénie sont expliqués par une CIVD, une MAT ou
l’association des deux pathologies [17]. Au cours des CIVD, des schizocytes peuvent parfois
être visibles. La CIVD est alors généralement grave, s’accompagnant de dépôts de fibrine
dans les capillaires ou les artérioles du rein en particulier. Une CIVD importante peut
s’accompagner d’une anémie hémolytique modérée avec présence de schizocytes, mais
l’association avec une anémie importante se majorant est un argument en faveur d’une MAT
surajoutée. Les signes biologiques les plus spécifiques d’une CIVD sont les monomères de
fibrine, les fragments F1+2 de la prothrombine et les complexes thrombine-antithrombine. En
revanche, les D-dimères peuvent être modérément augmentés au cours des MAT. Le
diagnostic de CIVD doit associer au moins un critère témoignant de la consommation et au
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
moins un témoignant de thrombine circulante (ou de fibrine soluble, indirectement par les
produits de dégradation, ou directement par les monomères de fibrine ± complexés).
L’origine des schizocytes peut être triple : 1) mécanique, par fragmentation sur des filaments
de fibrine au niveau microvasculaire (microangiopathie), sur une prothèse valvulaire
cardiaque désinsérée, dans un circuit de dialyse… ; 2) membranaire, par fragilité du
cytosquelette, souvent dans le contexte d’une dysérythropoïèse ; 3) par chauffage de la
membrane des hématies (brûlures), provoquant la séparation de fragments souvent à tendance
sphérique (blebs, buds) mais parfois proches des schizocytes. Le seul problème clinique
majeur est le diagnostic des MAT et donc la détection des fragments résultant du premier
mécanisme. Mais le plus fréquemment rencontré est celui correspondant à des anomalies de
fabrication des hématies au cours d’une dysérythropoïèse, que l’hémopathie soit maligne ou
bénigne.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
permis de réduire la mortalité à environ 10 % des malades. Des formes familiales ont été
décrites, avec apparition dans l’enfance et récurrences à intervalles réguliers. Des déficits
héréditaires en ADAMTS13 caractérisent le syndrome d’Upshaw-Schulman. De rares formes
iatrogènes ont été rapportées, en particulier après initiation d’un traitement par ticlopidine ou
clopidogrel.
Sur ce frottis à 500x, on observe de nombreux globules rouges agglutinés (A) et plusieurs
sphérocytes (B). La présence de nombreux polychromatophiles (C) témoigne du caractère
régénérateur de l'anémie.
La « Maladie chronique des Agglutinines froides », une entité à part au sein des AHAI
Bien qu'habituellement classée dans les AHAI à anticorps « froids », la « maladie chronique
des agglutinines froides » (MAF) se distingue des autres types d’AHAI. En effet, par
opposition aux autres rares formes aigues et transitoires d’AHAI à anticorps « froids »
d’origine post-infectieuse (pneumopathie à mycoplasme, infection à Cytomégalovirus…), la
MAF proprement dite s’apparente le plus souvent à un syndrome lymphoprolifératif B CD20+
kappa+) d’évolution chronique, associé à la présence d’une IgM kappa monoclonale ayant
une activité d’agglutinine froide. Elle ne se voit guère que chez l’adulte de plus de 50 ans, et
son pronostic est plus lié à l’évolutivité de l’hémopathie lymphoïde sous-jacente qu’à
l’anémie hémolytique qui ne met que très rarement en jeu le pronostic vital. Le traitement des
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Le visage des anémies hémolytiques auto-immunes a évolué ces 15 dernières années sur trois
points que nous développons dans cette revue générale. En termes de diagnostic, la réalisation
du test direct à l’antiglobuline ou test de Coombs direct en utilisant la technique de gel
filtration avec l’usage d’anti-IgA a fait diminuer le nombre d’anémies hémolytiques auto-
immunes à test de Coombs négatif. En termes de situations cliniques, on a assisté à
l’émergence d’anémies hémolytiques auto-immunes associées à des situations cliniques
nouvelles (nouveaux médicaments immunomodulateurs, greffe d’organe, transplantation de
cellules souches hématopoïétiques, transfusions itératives). Leur prise en charge thérapeutique
est parfois complexe. En termes de traitement, après 50 ans de stagnation thérapeutique, la
venue des anticorps anti-CD20 représente une avancée significative dans la prise en charge de
cette maladie. La discussion d’un usage en seconde ligne est maintenant bien établie en
concurrence de la splénectomie. Son usage en première ligne est l’objet de recherche clinique.
Hémoglobine : 5 – 15 g/dL.
Des valeurs N ou sub N sont possibles : la destruction des GR est alors ± compensée par une
augmentation de la production médullaire.
La macrocytose (jusque 110 fL) est liée au fait que les réticulocytes ont un volume de 20%
supérieur à celui des GR définitifs, ce qui fait augmenter le volume moyen des hématies. Sur
les histogrammes des volumes de GR des automates on peut parfois observer une double
population de GR ou un épaulement à droite.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Remarque : la macrocytose est parfois secondaire à une carence en folates liée à une
consommation accrue par l’érythropoïèse excessive.
Attention : une anémie hyperchrome, avec CCMH jusque 150 g/dL, normo ou
macrocytaire, doit faire évoquer la présence d’agglutinines froides : la CCMH est
anormalement haute parce que les GR formant des amas sont mal comptés par les automates,
ce qui entraine un hématocrite anormalement bas, alors que l’hémoglobine est correctement
mesurée. L’incubation 1H à 37°C de l’échantillon sanguin normalise la CCMH (VGM, la N°
GR et l’Hte) en cas d’agglutinine froide.
* Frottis sanguin
- Anisocytose avec polychromatophilie (liée aux réticulocytes : plus grands, souvent un peu
bleutés),
- des sphérocytes s’observent dans 1/3 des cas (jusque 100% des GR) : secondaires à la
phagocytose de fragments de membrane recouverts d’Ac par les macrophages lors du passage
des GR dans la rate, ce qui entraine une perte de protéines et la sphérisation.
- hématies avec inclusions : corps de Pappenheimer (granules de fer), corps de Howell Jolly
(fragment d’ADN), anneaux de Cabot (restes du fuseau mitotique des érythroblastes) = signes
de dysérythropoïèse. Corps de Pappenheimer et corps de Howell–Jolly sont constamment
présents chez les patients splénectomisés.
* Leucocytes.
Nombre normal ; parfois polynucléose neutrophile dans les poussées aiguës, associée à une
discrète myélémie (< 5%).
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
* Plaquettes.
Myélogramme
N’est pas réalisé pour le diagnostic de l’AH, mais dans le cadre du bilan étiologique :
- LDH augmentées, dans 80 % des cas [proviennent des mitochrondries des réticulocytes
lysés, parfois aussi des érythroblastes lysés] ;
- Haptoglobine.
Hémolyse intratissulaire : Haptoglobine très basse (= 0.1 – 0.5 g/L) (N= 0.7 – 2.5 g/L),
Fabriquée par le foie, l’Haptoglobine fixe l’Hb libre plasmatique : le complexe Hb-Hp est
épuré en quelques minutes par les macrophages (l’Haptoglobine peut disparaître totalement
du plasma).
- Hémoglobine libre plasmatique : augmentée dans l’AH intra vasculaire. L’Hb libre non
captée par l’haptoglobine se retrouve dans les urines : une hémoglobinurie apparaît, avec
risque d’anurie (insuffisance rénale aiguë possible).
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Met en évidence des Ac ou des composants du complément fixés à la surface des GR.
On utilise successivement :
Une antiglobuline polyspécifique (dirigée contre tous les types d’Ig et le complément),
Puis diverses antiglobulines monospécifiques : anti IgG, anti IgM, anti-C' (C3d isolé).
Les réactifs sont polyclonaux ou monoclonaux, et on réalise éventuellement les tests à 37°C et
à 4°C ; la technique est automatisable.
Si le test de Coombs est positif de type complément seul : l’IgM se fixe sur le GR, puis le C’
se fixe, puis l’IgM se détache.
* Faux négatifs : erreur technique, quantité d’Ac trop faible, AHAI à IgA (3% des AHAI)
Le sérum du malade est mis en contact avec des hématies tests ou d’un panel connu, puis
les hématies sont lavées et mise en contact avec une antiglobuline : l’agglutination signe la
présence d’Ac. L’agglutination différentielle des hématies du panel choisi permet de
déterminer la spécificité de l’Ac.
Le test peut être réalisé à diverses températures (4°C, 22°C et 37°C) et/ou sensibilisé par
traitement enzymatique des GR par les protéases (papaïne).
On peut par cette méthode déterminer le titre de l’Ac (dilutions successives du sérum du pt),
et déceler des Ac à faible affinité.
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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE
Remarques: parfois présence d’auto-Ac froids à faible titre chez des sujets sans AH (titre
minimal de positivité fixé par le laboratoire) L’absence d'auto-Ac sériques n’exclut pas
formellement la nature auto-immune de l'hémolyse
Surtout utile pour définir la spécificité des Ac vis-à-vis des Ag de groupe sanguin ; n’est pas
indispensable au diagnostic.
Confirme la présence d'un Ac fixé sur les GR et permet d’étudier la nature, les
caractéristiques et la spécificité de l'Ac. Les Ac fixés sur les GR sont détachés (chaleur, éther,
digitonine acide), et sont ensuite mis en contact avec un panel de GR de phénotype connu
Elles représentent moins de 5% des AHAI. Elles sont observées plus souvent chez l’enfant au
décours de certaines infections : Mycoplasma pneumoniae et infections virales :
mononucléose infectieuse, oreillons, varicelle, rougeole ; infections rhino-pharyngées virales
de l’enfant (anticorps IgG anti P + c) ; la vaccination anti-rougeoleuse.
Diagnostic positif
Le test de Coombs est positif de type complément ou plus rarement IgG + Complément
(l’IgG s’élue spontanément à chaud). L’anticorps, de type IgG est dit biphasique car il fixe le
complément à froid (< 15°C), l’hémolyse a lieu à chaud (>30°C). Il s’agit d’une IgG froide,
s’éluant à chaud, non agglutinante, fixant le complément. Il s’agit d’une immunoglobuline de
type Donath-Landsteiner. Le test de Coombs indirect est positif à 4°C.
La cible est un antigène du système P. La guérison est le plus souvent spontanée. Si une
transfusion est nécessaire, il faut utiliser une transfusion un concentré érythrocytaire
isogroupe y compris dans le système P et réchauffer le produit à 37°C avant la transfusion.
Le traitement est le repos au chaud. Si une transfusion est nécessaire, il faut utiliser des
culots globulaires réchauffés dans l’idéal du groupe P négatif (mais il s’agit d’un groupe rare).
Le tableau initial est souvent dramatique, mais l’évolution bénigne. La corticothérapie
souvent prescrite est d’efficacité incertaine.
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