Cahier N4

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

CAHIER N° 4
CYTOLOGIE
DES ANEMIES

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

TAIEB AGOURRAM HEMATOLOGY PhD


ASSISTANT PROFESSOR
CLINICAL HEMATOLOGY/IMMUNOLOGY
LABORATORY

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

TAIEB AGOURRAM HEMATOLOGY PHD, DrCLS


Member of
Harvard Medical School Post-Graduate Association
Canadian Society for Medical Laboratory Science
American Society for Clinical Laboratory Science
National Postdoctoral Association

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

SOMMAIRE
LES MECANISMES DES ANEMIES
LES ANEMIES MACROCYTAIRES
LES ANEMIES MICROCYTAIRES
LES ANEMIES NORMOCYTAIRES
LES ANEMIES HEMOLYTIQUES

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LES MECANISMES DES ANEMIES


Très schématiquement, on peut dire qu’une anémie survient lorsque l’équilibre entre la
production et la consommation des globules rouges est perturbé, lorsque le second élément
prédomine sur le premier. Une anémie survient lorsque le résultat de la production est
déficitaire au sens absolu, ou bien lorsque les pertes excèdent le potentiel de production :

1- Anémies par déficit de production


2- Anémies par excès de consommation

Les circonstances qui comportent un défaut de production sont à distinguer de celles qui
ressortent d’une augmentation des pertes exogènes ou endogènes (hémorragie) ou de
l’augmentation des phénomènes hémolytiques soit au niveau intravasculaire, soit au niveau de
la rate.

Une autre classification en deux groupes fondamentaux, de composition très hétérogène et


tenant compte du fait que la cause de l’anémie réside dans la moelle hématopoïétique (anémie
primitive par insuffisance de l’érythropoïèse) ou hors de la moelle, comme dans le cas des
anémies post hémorragiques ou anémie hémolytiques (anémies par insuffisance secondaire de
l’érythropoïèse).

Il faut souligner que, tandis que le déficit de production conduit obligatoirement à une
anémie, les pertes, si elles sont limitées dans le temps et si leur importance est modérée,
peuvent être compensées, au moins jusqu’à un certain point, par une augmentation de la
capacité de production et de maturation de la moelle. Ce ne sera que lorsque la moelle ne sera
plus en état de répondre efficacement à la sollicitation périphérique et aura épuisée ses
facultés d’adaptation et de compensation aux modifications périphériques que se développera
fatalement l’anémie, dont la gravité dépendra de l’importance du rapport entre la demande
périphérique et la production centrale.

Du fait de la multiplicité des causes et des mécanismes à la base des anémies, il n’est pas
possible, ou tout au moins pas facile, de fournir une classification satisfaisante des anémies
capable d’inclure toutes les possibilités clinique pouvant être rencontrées.

La classification morphologique comporte comme avantage sa simplicité et qui conserve,


malgré les tentatives de lui substitué d’autres systèmes de classement, sa validité
fondamentale. Le fait que le critère morphologique reste intéressant pour la classification tient
à ce que les anémies ne comportent pas toujours une diminution proportionnelle du nombre
des globules rouges, de la quantité de l’hémoglobine et du volume des érythrocytes par unité
de volume sanguin. Ainsi, telle anémie macrocytaire est morphologiquement reconnue, car
elle comporte une diminution du nombre des globules rouges proportionnellement plus
importante que celle de l(hémoglobine et de la masse érythrocytaire et à l’inverse, une anémie
hypochrome microcytaire est également reconnue morphologiquement du fait que la

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diminution de l’hémoglobine et du volume érythrocytaire est relativement plus importante et


évolue en sens inverse de la diminution plus modérée du nombre total des hématies.

Il existe donc dans certaines situations des altérations du volume des hématies et de leur
contenu en hémoglobine, facilement détectables par le calcul des indices érythrocytaires et
l’observation directe des frottis de sang coloré au May-Grunwald-Giemsa. Par contre ; dans la
variété d’anémie normochrome-normocytaire, la diminution de la concentration érythrocytaire
et de l’hémoglobine par unité de volume de sang circulant est proportionnelle, avec une
diminution correspondante de la valeur de l’hématocrite, en d’autres termes, ce type
d’anémie se caractérise par l’existence isolée d’une diminution de la concentration
quantitative du patrimoine érythrocytaire, sans que les hématies varient dans leur volume et
dans leur concentration en hémoglobine.

Figure 1: Mécanismes des anémies

Compte tenu de la physiologie de l'hématopoïèse (le globule rouge est fabriqué par la moelle
osseuse dont il sort pour assurer sa fonction dans le sang périphérique) il n'existe que deux
mécanismes fondamentaux pour expliquer une anémie :

• Soit la production de globules rouges par la moelle osseuse est insuffisante (arrêt ou blocage
de l'érythropoïèse médullaire). Il s'agit d'une insuffisance médullaire, qui peut être
quantitative ou qualitative. On peut dénommer anémies centrales ce groupe d'anémies par
insuffisance de production médullaire.

• Soit les globules rouges, fabriqués en quantité suffisante, disparaissent prématurément du


sang périphérique et n'y restent pas trois mois. Cette disparition précoce peut être due à une
fuite dans la tuyauterie sanguine (hémorragie) ou à une diminution de la durée de vie de
l'hématie (hémolyse). On peut donner à ce groupe le nom d'anémies périphériques.

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Les anémies périphériques

Elles sont régénératives, caractérisées par un taux de réticulocytes normal ou élevé. Elles se
divisent en deux sous-groupes, les anémies par hémorragies et les anémies hémolytiques.

Figure 2: Anémies périphériques (hémorragie importante)

Les anémies par hémorragies

On n'insistera pas sur les hémorragies importantes (extériorisées ou non) qui ne posent
guère de problèmes physiopathologiques. Devant une telle anémie qui, par sa rapidité
d'installation, peut mettre la vie du malade en danger, il n'est pas de mise de se poser des
questions métaphysiques sur sa physiopathologie, il faut repérer au plus vite le siège de
l'hémorragie et réparer la fuite. La seule étape de raisonnement utile est la décision
thérapeutique dans un contexte d'urgence.

Les hémorragies de faible abondance posent des problèmes très différents car elles se
présentent comme des anémies primitives. Leurs caractéristiques biologiques sont cependant
particulièrement évocatrices :

• Il s'agit d'anémie vraie (diminution du taux d'hémoglobine), sans déglobulisation (nombre de


globules rouges normaux).

• Les constantes érythrocytaires sont anormales, il existe une microcytose et assez souvent
une hypochromie.

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• On retrouve sur le frottis de sang des hématies de petite taille, peu colorées, avec
anisocytose, hématies-cibles et annulocytes.

• Il s'agit bien d'une anémie régénérative mais il ne faut pas s'attendre à y trouver un taux
significativement élevé de réticulocytes. En effet les anémies par hémorragies dites
"distillantes" sont de diagnostic tardif car longtemps asymptomatiques et bien compensées par
la moelle qui cependant progressivement se "fatigue" à régénérer ce qui est un tonneau des
Danaïdes. En revanche on retrouve les stigmates d'une activité médullaire accrue dans une
polynucléose parfois, une thrombocytose souvent.

Devant un tel tableau hématologique évocateur le dosage du fer sérique, la détermination du


coefficient de saturation de la sidérophiline et le dosage de la ferritine plasmatique
apporteront la preuve irréfutable de la carence en fer, véritable promoteur de ce type d'anémie.

Les causes de ces anémies par carence en fer sont presque toujours des microhémorragies,
celles-ci peuvent être digestives, mais le plus souvent elles sont gynécologiques, liées à une
hyperménorrhée qui ne s'accompagne pas toujours de lésions décelables.

Figure 3: Anémies par petite hémorragie chronique

Les anémies par hémolyse

La principale caractéristique hématologique d'une anémie hémolytique est d'être très


régénérative avec un taux de réticulocytes supérieur à 5% puisque jouent dans leur
augmentation deux phénomènes qui vont dans le même sens et se renforcent :

• d'une part la forte régénération médullaire compensatrice, avec une moelle qui mobilise
toutes ses réserves et travaille 3 à 4 fois plus que normalement, ce qui multiplie par le même
facteur le taux de réticulocytes.

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• d'autre part la diminution de la durée de vie des globules rouges, qui ne vivent que quelques
jours, le pourcentage de jeunes globules rouges apparaissant de ce fait anormalement élevé.

Pour ces deux raisons il n'est pas rare d'observer des taux de réticulocytes de 10%, 20% ou
plus. On peut donc dire qu'un taux de réticulocytes supérieur à 5% ou 6% est obligatoirement
dû à une hémolyse.
Les autres caractéristiques hématologiques de l'anémie hémolytique sont :

• Des constantes érythrocytaires généralement normales, si ce n'est une discrète macrocytose,


proportionnelle au taux de réticulocytes et due au fait que les réticulocytes ont un volume plus
important que les autres hématies (120µ3 en moyenne).

• On retrouve les stigmates de l'intense régénération médullaire au niveau des autres lignées :
il existe une polynucléose et une thrombocytose et assez souvent une discrète
érythromyélémie qui peut devenir intense dans les crises d'hémolyse aiguë.

La recherche, par dosages sanguins, des produits de dégradation de l'hémoglobine (bilirubine,


haptoglobine, sidérémie) complétera le tableau proprement hématologique de l'hémolyse.

Figure 4: Hémolyse

Les anémies hémolytiques peuvent être congénitales ou acquises.

Les anémies hémolytiques congénitales

Sont liées à une anomalie d'origine génétique. Celle-ci peut porter sur la membrane du
globule rouge, sur la structure de l'hémoglobine ou sur son contenu enzymatique.

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• Les plus fréquentes en France sont les anomalies membranaires donnant le tableau
clinique de la maladie de Minkowski-Chauffard.

• Les anomalies génétiques de l'hémoglobine sont de deux types : thalassémies (anomalies


de l'équilibre entre les chaînes d'hémoglobine) ou anomalie structurelle de l'hémoglobine,
dont la plus fréquente est, chez des sujets de race noire, la drépanocytose.

• Les anomalies enzymatiques sont plus rares (déficit en G6PD ou en Pyruvate-kinase).

L'examen du frottis coloré peut apporter de précieuses indications pour le diagnostic


étiologique des anémies hémolytiques congénitales. Ces anémies comportent souvent des
anomalies morphologiques des globules rouges : sphérocytose de la maladie de Minkowski-
Chauffard, ovalocytose de l'elliptocytose familiale, hématies-cibles des thalassémies,
drépanocytes de l'hémoglobinose-S ou inclusions intra-érythrocytaires (corps de Heinz) des
enzymopathies et de certaines hémoglobinopathies.

Les anémies hémolytiques acquises

La plupart sont dues à la présence d'autoanticorps anti-hématies. Il s'agit d'anémies auto-


immunes avec test de Coombs positif. Ces anémies ne comportent pas de déformation des
globules rouges sur le frottis coloré, si ce n'est une anisocytose et quelques sphérocytes.
Un petit nombre est d'origine dite mécanique : prothèses valvulaires, purpura
thrombopénique thrombotique de Moschcowitz. Ces anémies entraînent souvent une
schizocytose dont le taux dépasse largement 1% des hématies.

Les anémies centrales

Elles sont non régénératives, caractérisées par un taux de réticulocytes abaissé ou nul. Elles
sont dues à un défaut de production des globules rouges par la moelle osseuse qui peut être
quantitatif (diminution de la quantité de moelle active ou "aplasie médullaire") ou qualitatif
(moelle active mais inefficace ou "myélodysplasie").

L'anémie par aplasie médullaire

Elle est rarement isolée, le plus souvent elle est associée à une neutropénie et une
thrombopénie (pancytopénie). Le taux de réticulocytes est nul et les constantes érythrocytaires
sont normales. Il n'y a pas de modification de la morphologie des hématies sur le frottis, si ce
n'est une légère anisocytose. Il n'y a pas de myélémie.

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Figure 5: Aplasie médullaire

L'examen de choix pour apporter la preuve de la vacuité de la moelle osseuse est la biopsie
médullaire. L'insuffisance médullaire porte presque toujours sur les trois lignées.
Exceptionnellement elle porte sur la seule lignée érythroblastique et l'anémie est alors pure,
sans neutropénie ni thrombopénie. La présence ou non de cellules jeunes sur le frottis de sang
est fondamentale et doit être recherchée avec soin, notamment en queue de frottis :

- Il n'y a pas de myélémie dans les insuffisances médullaires pures, si ce n'est quelques
métamyélocytes lors de l'éventuelle phase de réparation de l'aplasie. Ces aplasies pures
relèvent d'étiologies variées, congénitales (maladie de Fanconi) ou acquises. Il convient
surtout de rechercher une origine toxique ou infectieuse (virale).

- La présence d'une myélémie oriente vers d'autres diagnostics. Une érythromyélémie doit
faire rechercher deux diagnostics que la biopsie médullaire sera à même de distinguer : soit
une ostéo myélosclérose primitive, soit la métastase médullaire d'un cancer épithélial ou d'un
lymphome. À noter dans ce second cas que l'anémie est volontiers régénérative car
comportant une note hémolytique d'origine mécanique (destruction des hématies dans la
micro circulation de la métastase).

- La présence de cellules souches, myéloïdes ou non, traduit une leucémie aiguë dont
l'affirmation du diagnostic exige une ponction médullaire pour examen cytologique.

L'anémie des myélodysplasies

Elle est due à une insuffisance médullaire qualitative, avec blocage médullaire et anomalie de
l'érythropoïèse ou de la synthèse de l'hémoglobine. Ces myélodysplasies se présentent

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habituellement comme des « pancytopénies à moelle riche », assez souvent comme des «
anémies macrocytaires hypochromes » avec hypersidérémie.

L'anémie est non régénérative, le taux des réticulocytes est abaissé. Les constantes
érythrocytaires sont généralement anormales (habituellement macrocytose avec
hypochromie). Les anomalies morphologiques des hématies sont fréquentes (dacryocytose,
schizocytose) et on observe des inclusions intra-érythrocytaires (corps de Jolly, anneaux de
Cabot, ponctuations basophiles).

L'anémie peut ou non s'accompagner d'une diminution des polynucléaires ou des plaquettes. Il
existe alors volontiers une discrète myélémie et des anomalies morphologiques des
polynucléaires (dégranulation, anomalie nucléaire de Pelger) et des plaquettes (plaquettes
géantes).
Des anomalies morphologiques de maturation se retrouvent au niveau des précurseurs
médullaires des éléments sanguins et l'examen de choix pour prouver l'existence d'une
myélodysplasie est le myélogramme établi sur un frottis médullaire recueilli par ponction
sternale, avec recherche de sidéroblastes par coloration de Perls.

Figure 6: Anémie des myélodysplasies

Les anémies par myélodysplasie relèvent de causes variées

Les myélodysplasies congénitales sont rares. Parmi elles il faut inclure les thalassémies qui
entraînent aussi un certain degré d'hémolyse. La plupart sont acquises et relèvent d'une
longue liste d'étiologies très différentes.

1- Les carences vitaminiques pures, carence en vitamine B12 (maladie de Biermer) et


carence en folates. La maladie de Biermer, ou anémie mégaloblastique, réalise le
tableau le plus complet d'anomalies morphologiques des hématies et de leurs

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précurseurs médullaires. Le diagnostic est étayé par la mise en évidence de l'achylie


gastrique, des anticorps anti-Facteur intrinsèque et de l'effondrement du taux de
Vitamine B12 sérique.
2- Le saturnisme (intoxication par le plomb) responsable d'une anémie hypochrome
hypersidérémique mêlant blocage de synthèse de l'hémoglobine et hémolyse.
3- L'hyperspénisme, quelque soit la cause de la splénomégalie mais surtout s'il s'agit
d'une splénomégalie inflammatoire, se traduit par un blocage médullaire et une
pancytopénie à moelle riche. Dans ce cas l'anémie peut être relativement régénérative
car la rate elle-même, organe macrophage par excellence, est hémolysante
4- Les « anémies inflammatoires » observées au cours de maladies infectieuses ou
inflammatoires au long cours, sont de type microcytaire avec anomalies complexes du
métabolisme du fer. Celles-ci se traduisent le plus souvent par une ferritine élevée
alors que le fer sérique et la sidérophiline sont abaissés.
5- Une étiologie de plus en plus fréquente de myélodysplasie secondaire, de mécanisme
complexe, est la chimiothérapie anticancéreuse. On voit survenir, au fur et à mesure
des cycles de chimiothérapie, une cytopénie périphérique, dont une anémie, associée à
des anomalies sanguines souvent impressionnantes : macrocytose, déformation des
hématies, inclusions érythrocytaires, monocytose, éosinophilie, dégranulation des
polynucléaires, anomalies de Pelger, etc. … Ces anomalies sont réversibles et
disparaissent plus ou moins vite à la fin de la chimiothérapie; les cas sont rares
d'évolution vers une myélodysplasie maligne préleucémique.
6- La myélodysplasie du vieillard. Le développement progressif d'une myélodysplasie
est l'évolution naturelle d'une moelle osseuse qui vieillit. On doit donc s'attendre à voir
augmenter ce type d'anémie avec le vieillissement de la population, surtout féminine.
7- Les myélodysplasies malignes, constituant de véritables états préleucémiques. Ces
myélodysplasies malignes sont actuellement divisées en 4 catégories différentes.

• L'anémie réfractaire (AR) se traduit généralement par une anémie normocytaire ou


faiblement macrocytaire, isolée, non ou peu régénérative;

• L'anémie réfractaire avec excès de blastes (AREB) où un excès de blastes médullaires


(entre 5% et 15%) s'accompagne le plus souvent de quelques cellules jeunes dans le sang. La
transformation en véritable leucémie aiguë (plus de 20% de blastes dans la moelle) est la
règle.
• L'anémie sidéroblastique idiopathique de l'adulte (ASIA) a des caractères qui lui sont
propres. C'est une anémie macrocytaire non régénérative isolée ou associée à une neutropénie,
avec discrète myélémie, mais avec un taux de plaquettes normal voire augmenté. Il existe une
forte hypersidérémie. La coloration de Perls de la moelle montre un taux très élevé de
sidéroblastes avec de nombreux sidéroblastes en couronne. Le risque évolutif est
l'hémochromatose.
• La leucémie myélo-monocytaire chronique (LMMC) qui, comme son nom l'indique,
implique la présence d'un grand nombre de monocytes sanguins, plus ou moins dystrophiques
(plus de 1.000/µ3).

Les anémies mixtes

Toutes les causes d'anémies ne relèvent pas d'un mécanisme univoque, certaines sont mixtes.
Ce n'est cependant pas le cas le plus fréquent et le raisonnement simple qui est proposé ici
s'applique à la majorité des anémies rencontrées en pratique. Nous avons vu au passage que

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certains mécanismes d'anémie étaient prédominants sans être exclusifs (thalassémie,


hypersplénisme, saturnisme). C'est aussi souvent le cas dans des anémies « malignes »
relevant de syndromes myéloprolifératifs, de leucémies, de métastases médullaires.

Figure 7: Anémie de mécanisme mixte

1- Hémorragie, 2- hémolyse, 3- Myélodysplasie

Un dernier exemple illustrera ces anémies mixtes, celui de l'anémie d'un cirrhotique qui peut relever
d'une hémorragie par hypertension portale (mécanisme n°1 du schéma) d'un hypersplénisme (n°2),
d'une carence en folates (n°3). Selon les moments de sa maladie tel ou tel de ces mécanismes sera
prédominant et donnera les caractéristiques temporaires de l'hémogramme. Certes ceci pondère le
schéma proposé mais n'enlève rien à l'esprit de système avec lequel on doit aborder l'étude d'une
anémie.

Devant toute anémie le frottis sanguin doit être attentivement examiné pour rechercher
des anomalies des globules rouges mais aussi des autres éléments sanguins, tout
particulièrement polynucléaires, monocytes et plaquettes. La cytologie sanguine peut
être complétée par la cytologie médullaire mais celle-ci n'a d'intérêt que si le mécanisme
de l'anémie est central. Un myélogramme n'a aucun intérêt dans une anémie
périphérique.

Nous décrirons les principales anomalies cytologiques que l'on peut observer au cours
des anémies d'abord dans les anémies périphériques puis dans les anémies centrales
avec, pour ces dernières, référence aux anomalies médullaires qui leur sont associées.

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Figure 8: Etiologies d'une anémie

Régénératif ou Arégénératif ?

Le taux de réticulocytes permettant de définir le caractère régénératif d'une anémie peut être
fixé à 120G/L. Cependant il est Indispensable d'interpréter la réticulocytose en fonction du
degré d'anémie.

Classification morphologique des anémies :


Anémie macrocytaire (VGM>95)

Mégaloblastiques

- Carence en vitamine B12


- Carence en folates
- Médicamenteuse (action sur le métabolisme des folates, sur la synthèse de la
pyrimidine ou des purines)
- Défauts héréditaires de la synthèse de l’ADN

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Non mégaloblastique

- Erythropoïèse accélérée (anémie hémolytique, anémies post hémorragique)


- Diverses (myxœdème, atteinte hépatique, anémie aplasique)

Anémie hypochrome microcytaire (VGM<80, CCMH<30)

Anomalie du métabolisme martial

- Anémie par carence en fer, anémie des maladies chroniques, atransferrinémie

Anomalies de la synthèse de la globine

- Thalassémie
- Hémoglobinopathies S, C, E, etc.

Anomalies de la synthèse de la porphyrine et de l’hème

- Anémie sidéroblastique

Anémies normocytaires normochromes (80<VGM<100)


- Maladies hémolytiques
- Hypoplasie médullaire
- Infiltration médullaire
- Maladies chroniques
- Déficits endocriniens
- Maladies rénales
- Maladies hépatiques

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Figure 9: Arbre décisionnel du Diagnostic étiologique d'une anémie

Devant une anémie, la démarche du diagnostic étiologique comporte (Figure 9) :

1. l’analyse du VGM afin d’isoler le cadre des anémies microcytaires ;


2. la détermination du taux des réticulocytes afin :

a. d’isoler le cadre des anémies normocytaires (ou discrètement macrocytaires)


régénératives ;
b. d’objectiver le cadre des anémies normocytaires ou macrocytaires arégénératives.

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Les indicateurs biologiques de l’anémie


Il s’agit d’épreuves de laboratoire disponibles au clinicien et lui permettant, dans la majorité
des cas, d’identifier rapidement le mécanisme physiopathologique sous-jacent à une anémie.

La réticulocytose (numération des réticulocytes)

Les réticulocytes sanguins peuvent être identifiés au moyen d’une coloration spéciale au
Bleu de Méthylène et comptés au laboratoire sous forme de pourcentage de l’ensemble des
globules rouges du malade. Normalement, la moelle osseuse doit remplacer chaque jour
environ 1/100ième de la masse des érythrocytes circulants; la maturation finale des
réticulocytes, qui a lieu dans le sang périphérique, dure environ 24 heures. Dans ces
circonstances, on devrait s’attendre, chez un individu en bonne santé, à ce que les
réticulocytes représentent 1.0% du nombre total des globules rouges circulants. Afin de tenir
compte d’une certaine imprécision liée à la technique, on admet généralement que la
réticulocytose normale varie entre 1% et 2%. La réticulocytose est une donnée essentielle
à obtenir dans l’investigation initiale de tout cas d’anémie. Elle sert au clinicien à évaluer
l’état de la production érythrocytaire par la moelle osseuse et lui permet de savoir si cette
anémie possède un caractère RÉGÉNÉRATIF (production augmentée) ou NON RÉGÉNÉRATIF
(production normale ou diminuée).

L’interprétation adéquate de la valeur de la réticulocytose donnée par le laboratoire doit tenir


compte de deux facteurs pour lesquels une CORRECTION doit être apportée par le clinicien
pour
1°) le nombre d’érythrocytes circulants du malade et
2°) le temps de maturation des réticulocytes circulants.
Une fois cette double correction effectuée, la réticulocytose devient un indice de production
érythrocytaire.

PREMIÈRE CORRECTION : pour la diminution du nombre de globules rouges


circulants dans les cas d’anémie.

La réticulocytose est habituellement exprimée en pourcentage (%) de l’ensemble des


érythrocytes observés : c’est donc une mesure relative. Normalement, un homme adulte
possède un peu plus de 5x1012 érythrocytes par litre de sang, dont 1 à 2 % sont des
réticulocytes. Son nombre absolu de réticulocytes se situe donc quelque part entre 40 et
110 x 109/L. Dans le cas d’un patient anémique, il faut aussi rapporter le % observé de
réticulocytes au nombre de globules rouges du patient avant de pouvoir établir une
comparaison avec la «normale».

Ainsi, chez un malade ayant 8% de réticulocytes et 2,5 x 1012 érythrocytes/litre, on devra


corriger comme suit :

2.5
8% x ------ = 4%
5.0

Cette valeur corrigée est plus conforme à la production érythrocytaire véritable, i.e. au
nombre absolu de réticulocytes produits par la moelle chez ce malade.

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On peut aussi calculer directement le nombre absolu de réticulocytes du malade comme suit:
0,08 x 2,5 x 1012 = 200 x 109/L. On le compare ensuite aux valeurs normales (absolues) pour
ce malade (40 à 110 x 109/L).

DEUXIÈME CORRECTION : pour l’augmentation de la durée de maturation des


réticulocytes circulants dans les cas d’anémie.

Le temps de maturation des réticulocytes dans le sang (n = 1 jour) augmente à 2 jours environ
lorsque l’érythropoïèse est fortement stimulée. Ceci provient du fait que les cellules, poussées
prématurément hors de la moelle sous l’action de l’érythropoïétine, sont relativement
immatures. Ce phénomène se traduit sur le frottis sanguin par la présence de
POLYCHROMATOPHILIE, c’est-à-dire d’érythrocytes d’apparence bleutée ou violacée. Dans
ce cas, si chaque réticulocyte demeure colorable par le Bleu de Méthylène dans la circulation
pendant le double (approximativement) du temps normal, il en résultera que le nombre
observé de réticulocytes à n’importe quel instant sera lui aussi doublé. Mais ce nombre ne
reflète plus seulement la production réticulocytaire, mais aussi son accumulation anormale
dans le sang. C’est pourquoi, en présence de polychromatophilie sur le frottis, le % (ou le
nombre absolu) de réticulocytes du malade doit encore être corrigé en le divisant par un
facteur approximatif de 2. Dans l’exemple de la page précédente, l’estimation correcte de
l’indice de production érythrocytaire, s’il y a présence de polychromatophilie au frottis se
fera comme suit :

2.5 1
8% x ----- x --- = 2% OU 200 ÷ 2 = 100 x 109/L
5.0 2

EN RÉSUMÉ :

1) La réticulocytose est d’abord corrigée pour le degré d’anémie du malade en se servant


préférablement du nombre d’érythrocytes. À noter toutefois que lorsque la réticulocytose est
exprimée en valeurs absolues (x 109/L) dans un cas donné, cette correction n’est PAS
nécessaire. Certains laboratoires fournissent maintenant les deux expressions.
2) À condition qu’il y ait polychromatophilie au frottis, on corrige une seconde fois en
divisant le premier résultat par 2.0;
3) Lorsque l’indice de production érythrocytaire ainsi calculé est SUPÉRIEUR À 2% (ou
supérieur à 110 x 109/L), on conclut qu’il s’agit d’une ANÉMIE RÉGÉNÉRATIVE.

La morphologie des érythrocytes

Cet indicateur est extrêmement important en clinique puisqu’il sert de base à une
CLASSIFICATION OPÉRATIONNELLE DES ANÉMIES. Les renseignements relatifs aux
constantes érythrocytaires et les particularités morphologiques observées lors de l’examen du
frottis sanguin font partie intégrante du résultat de la formule sanguine et doivent être
analysés soigneusement dans la démarche conduisant au diagnostic étiologique d’une anémie.

Les constantes (ou indices) érythrocytaires : Il s’agit de valeurs MOYENNES calculées à partir
des données de base de la formule sanguine (Hb, Hte, numération érythrocytaire) et qui
permettent au clinicien de déterminer si, dans un cas donné, une anémie est de type

15
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

NORMOCYTAIRE, MICROCYTAIRE ou MACROCYTAIRE d’une part et NORMOCHROME ou


HYPOCHROME d’autre part.

VGM ou volume globulaire moyen

VALEUR NORMALE = 82 à 98 fL (10-15L)


Anémie microcytaire : VGM inférieur à 82 fL
Anémie normocytaire : VGM entre 82 et 98 fL
Anémie macrocytaire : VGM supérieur à 98 fL

TGMH ou teneur globulaire moyenne en hémoglobine

VALEUR NORMALE = 27 à 33 pg (10-12g)


Anémie microcytaire : TGMH inférieure à 27 pg
Anémie normocytaire : TGMH entre 27 et 33 pg
Anémie macrocytaire : TGMH supérieure à 33 pg

CGMH ou concentration globulaire moyenne en hémoglobine)

VALEUR NORMALE = 320 à 360 g/L


Anémie hypochrome : CGMH inférieure à 320 g/L
Anémie normochrome : CGMH entre 320 et 360 g/L
(Il n’existe PAS d’anémies hyperchromes)

L’examen du frottis sanguin

Les constantes érythrocytaires moyennes ne suffisent pas à elles seules à décrire de façon
complète les anomalies morphologiques susceptibles d’être associées à une anémie. C’est
pourquoi un examen microscopique attentif du frottis sanguin avec description de toutes les
anomalies observées constitue une étape essentielle du diagnostic dans tous les cas.
Cet examen est habituellement effectué par le ou la technologiste en hématologie qui note, sur
le résultat de la formule sanguine, les anomalies observées :

1 Anomalies du diamètre des globules rouges


- microcytose
- anisocytose
- macrocytose
2. Anomalies de la coloration des globules rouges
- anisochromie
- hypochromie
- polychromatophilie
- présence de corps d’inclusion
3. Anomalies de la forme des globules rouges
- poïkilocytose
- sphérocytes ou ovalocytes
- acanthocytes ou schistocytes
- cellules en larmes
- cellules en cible. Etc.

16
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Les produits de la dégradation des érythrocytes

Lorsqu’il existe une destruction prématurée in vivo des érythroblastes (ex : dans les défauts de
maturation) ou des érythrocytes circulants (anémies hémolytiques), on peut retrouver dans le
plasma certaines substances dont la concentration anormale témoigne de ce processus de
destruction :
1- La bilirubine non conjuguée ou indirecte s’élève de manière caractéristique
dans les hémolyses périphériques. Des concentrations légèrement supérieures à
la normale peuvent aussi se rencontrer dans les cas où il existe une hémolyse
intra médullaire très marquée (anémie de Biermer par exemple).
2- La déshydrogénase lactique (LDH) du sérum atteint des concentrations
record dans les cas d’érythropoïèse inefficace où il y a hémolyse intra
médullaire des érythroblastes. Dans les hémolyses périphériques, son élévation
suggère plutôt un processus de destruction intravasculaire qu’extravasculaire
(ex : dans les anémies hémolytiques résultant d’une fragmentation chronique
des érythrocytes circulants).
3- L’haptoglobine est une protéine sérique à laquelle se lie préférentiellement
l’hémoglobine lorsqu’elle s’échappe accidentellement du cytoplasme
érythrocytaire. Le complexe haptoglobine-hémoglobine ainsi formé est
rapidement retiré de la circulation par le système réticulo-endothélial. Lorsque
cette clairance excède la synthèse hépatique de la molécule, la concentration
d’haptoglobine mesurable dans le sérum s’abaisse de façon importante et
témoigne la plupart du temps d’une hémolyse (extravasculaire ou
intravasculaire).

L’aspect morphologique de la moelle osseuse

La moelle peut être examinée par deux méthodes : la PONCTION (ou aspiration) et la
BIOPSIE. Ces techniques sont effectuées sous anesthésie locale au lit du malade et apportent
très souvent des renseignements utiles dans l’investigation des anémies comme dans celle de
plusieurs autres maladies sanguines.

Dans l’établissement du diagnostic d’une anémie, ces examens servent à évaluer :

- La richesse ou cellularité hématopoïétique de la moelle,


- Les proportions occupées par les cellules des différentes lignées hématopoïétiques.

Normalement, on retrouve environ 3 précurseurs myéloïdes ou granulocytaires pour un


érythroblaste (rapport M/E de 3:1). Il peut être très utile, face à une anémie, de pouvoir
déterminer si la lignée érythroblastique est hypoplasique (ex : défauts de prolifération) ou, au
contraire, hyperplasique comme, par exemple, dans les hémolyses.
- l’aspect morphologique des érythroblastes, surtout dans l’identification d’un défaut de
maturation : la présence de changements mégaloblastiques, par exemple, dans les
déficits en acide folique ou en vitamine B12.
- la présence, dans certains cas, de cellules étrangères à la moelle (métastases, fibrose,
granulomes).

17
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

LES ANEMIES MACROCYTAIRES


La macrocytose permet de définir certaines anémies pour lesquelles la population
érythrocytaire, bien que réduite numériquement, est constituée, de façon prédominante,
d’éléments de dimension supérieure à la normale (non seulement sur le plan du volume) et
dont le contenu en hémoglobine est augmentée en quantité absolue par hématie.

Du fait de cette définition, on comprend que ce groupe d’anémies, la diminution quantitative


des hématies est la constatation majeure et que, par contre, la diminution de l’hématocrite est
inférieure à la valeur attendue, calculée sur la base du chiffre des globules rouges. Ceci se voit
clairement par l’analyse des indices érythrocytaires qui montrent une augmentation du volume
globulaire moyen (95<VGM<140 µ3) et une augmentation de la teneur moyenne en
hémoglobine (31<TCMH<58 pg), Tandis que la concentration corpusculaire moyenne en
hémoglobine (CCMH) est normale.

Dans ce cadre général des anémies macrocytaires, deux groupes d’anémies peuvent être
séparées : d’une part les anémies macrocytaires mégaloblastiques et d’autres part les anémies
macrocytaires normoblastiques discernables du fait de l’existence d’une série de
caractéristiques morphologiques, fonctionnelles, biochimiques et cliniques.

Dans les anémies mégaloblastiques sont présentes, tant au niveau de la moelle qu’au niveau
du sang périphérique, des anomalies morphologiques bien particulières des éléments
cellulaires de la lignée érythroblastique.

Dans le sang périphérique, les hématies sont de taille supérieure à la normale, avec une
configuration ovoïde, tandis que leurs précurseurs dans la moelle, tout au long des divers
stades de maturation, ont également un volume augmenté et en plus démontrent l’existence
d’un asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique, la tendance au gigantisme cellulaire
ne se limite pas aux éléments de la série érythroblastique, mais touche également la lignée
granulocytaire avec phénomènes de vacuolisation, des anomalies tinctoriales de la chromatine
nucléaires, des formes inhabituelles des noyaux (aspect caractéristique de métamyélocytes
géants, avec noyau hypersegmenté) et également des anomalies de la lignée mégacaryocyto-
plaquettaires, avec présence de plaquettes et de mégacaryocytes de taille nettement augmentée
avec des images d’altération de la chromatine nucléaire.

Ce phénomène de gigantisme cellulaire qui est le plus évident au niveau des érythroblastes
médullaires (mégaloblastose médullaire) est considéré comme une conséquence des
perturbations profondes qui sont dues à l’une ou l’autre des causes énumérées :

- Carence en vitamines B12 (défaut d’apport alimentaire ou insuffisance d’absorption)


- Carence en folates (augmentation des demandes, alcoolisme)
- Médicaments (interférence avec le métabolisme des folates antagonistes de l’acide
folique, altération de l’absorption et/ou de l’utilisation, antituberculeux, interférence
avec la synthèse des purines et des pyrimidines)
- Désordres héréditaires de la synthèse des ADN
- Erythroleucémie

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 10: Polynucléaire hypersegmenté

Figure 11: Macrocytose très prononcée

Figure 12: Mégaloblastes (moelle)

19
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 13: Anomalies de maturation des érythroblastes

Figure 14: Asynchronisme de maturation nucléocytoplasmique

Figure 15: mégaloblastose médullaire

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Métabolisme de la vitamine B12

La vitamine B12 existe sous plusieurs formes biochimiques appelées la famille des
cobalamines (cyanocobalamine : radical CN, hydroxocobalamine : radical OH,
méthylcobalamine, adococobalamine, molécules contenant un atome de cobalt). Les
cobalamines sont d’origine alimentaire et retrouvées essentiellement dans les produits
d’origine animale (foie, viandes, abats, poissons), peu dans les œufs, fromages et lait et pas
dans le règne végétal. Dans les aliments, les cobalamines sont liées aux protéines. L’apport est
bien supérieur aux besoins qui sont de 2 à 4 µg par jour.

Figure 16: Apport alimentaire de vitamine B 12

Indicateur de carence en vitamine B12

L’exploration clinique de la vitamine B12 se réalise par le dosage de la vitaminémie B12 : le


taux sérique normal de la vitamine B12 est de 200 à 400 pg/L. Elle permet facilement de
dépister les déficits. Un signe indirect de carence est l’augmentation de l’homocystéinémie.

Maladie de Biermer

C’est une maladie auto-immune du sujet 40-60 ans. Elle résulte de phénomènes d’auto-
immunisation au niveau de la muqueuse gastrique. La carence en vitamine B12 est liée à une
atteinte auto-immune de la cellule pariétale du fundus gastrique par les lymphocytes auto-

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

réactifs, atteinte responsable du déficit en facteur intrinsèque (et en sécrétion d’acide


chlorhydrique : atteinte spécifique des pompes à proton, présence d’autoanticorps anti cellules
pariétales gastriques anti-ATPase). La recherche d’anticorps anti-facteur intrinsèque est
toujours positive dans les formes juvéniles.

Les manifestions extra hématologiques touchent :

les tissus à renouvellement rapide telle la muqueuse digestive (glossite de Hunter,


diarrhée) ;
le système nerveux central : manifestations neurologiques centrales (syndrome
neuroanémique ou sclérose combinée de la moelle épinière : atteinte du faisceau
pyramidal et des voies de la sensibilité proprioceptive) (atteinte neurologique
encéphalique possible). Les manifestations neurologiques (syndrome neuroanémique)
sont habituellement discrètes se limitant à une atteinte de la sensibilité profonde au
diapason et quelques paresthésies. L’exagération des réflexes tendineux aux membres
inférieurs et un syndrome pyramidal frustre sont beaucoup plus rares.
Dans quelques cas, on peut observer un syndrome ataxospasmodique, une névrite
optique, des troubles psychiques. Les signes neurologiques manquent souvent
complètement. A l’inverse, on a décrit des formes neurologiques pures de carence en
vitamine B12, sans anémie.
La gastrite biermérinne est fréquemment associée à d’autres manifestions cliniques ou
biologiques d’auto immunité : vitiligo, insuffisance thyroïdienne ou plus rarement
maladie de Basedow, insuffisance surrénale, myasthénie ; autoanticorps
antithyroglobuline et antimicrosomiaux.

Le test de Schilling n’est plus réalisé du fait de l’indisponibilité du facteur intrinsèque libre.
Il consistait en l’absorption orale d’une dose traceuse radioactive minime et en l’injection
intramusculaire d’une dose de charge de vitamine B12 froide. La mesure de la radioactivité
urinaire témoigne de l’absorption et de la clairance plasmatique de la vitamine B12 chez n’est
réalisée que par le rein du fait de la saturation préalable des récepteurs tissulaires à la vitamine
B12. Normalement plus de 10-15% de la radioactivité ingérée est retrouvée dans les urines. Si
ce taux s’abaisse, ceci témoigne d’un déficit d’absorption de la vitamine : dans la maladie de
Biermer, ce taux est inférieur à 5%. Ce mauvais coefficient d’absorption est corrigé par
adjonction de facteur intrinsèque à l’inverse dans les malabsorptions où l’adjonction de FI est
sans effet.

Le traitement de la maladie de Biermer repose sur l’apport de vitamine B12


parentérale à vie sous forme d’hydroxocobalamine (Dodécavit*) (ampoule à 1000 µg/1 ml).
L’hydroxocobalamine possède une meilleure fixation tissulaire. Il faut réaliser 10 injections
vit B12 en traitement d’attaque (1000µg/48h) parentérale IM - puis 1000µg / 1 mois IM.

Une crise réticulocytaire apparaît en 5-10 jours. Un ralentissement de la remontée du taux


d’hémoglobine est possible après 2-4 semaines de traitement : il peut être du à un déficit
martial secondaire qu’il faut compenser.

Un traitement d’entretien doit être réalisé à vie. Un apport de 200-300 µg


d’hydroxocobalamine mensuel serait suffisant.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Fibroscopie gastrique / 2 ans.


Elle recherche :

des polypes gastriques hyperplasiques ou inflammatoires (10-30%) ;


un adénocarcinome : risque x 3 / population normale, d’âge identique ;
une hyperplasie des cellules ECL du fundus : tumeurs carcinoïdes multiples (4%) :
hypochlorhydrie, hypergastrinémie, stimulation des cellules ECL.

Une récidive surviendra en 3 ans si le malade ne prend pas son traitement d’entretien, le
risque majeur étant le syndrome neuroanémique risquant d’aboutir à un syndrome ataxo-
spasmodique grave (risque de rechute neurologique x 10).

Figure 17:Diagnostic positif

Métabolisme de l’acide folique

Les folates naturels sont sous forme de ptéroylglutamates réduits (acide folique = acide
ptéroylglutamate). L’acide folique est une vitamine hydrosoluble. Les légumes verts frais, les
fruits secs, le foie, le jaune d’œufs, les avocats, les épinards, les brocolis en contiennent. Les
folates alimentaires sont détruits par oxydation et par ébullition prolongée. Les besoins
quotidiens sont de 50 à 200 µg/jour. Les folates sont instables à l’air et à la chaleur
(conserves). L’absorption digestive se fait par un mécanisme actif au niveau du jéjunum

23
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

proximal sous forme de ptérolglutamates et le 5 méthyl-THF seront la forme circulante. Si


une dose importante de folates est apportée par voie orale (dose médicamenteuse), une
diffusion passive intestinale se produit (efficacité même en situation de malabsorption
modérée). Dans le plasma, les folates sont liés à des protéines sans protéine de transport
spécifique. Leur taux sérique est de 5 à 15 ng/mL. Il existe un cycle entéro-hépatique des
folates. Le stockage est hépatique, de 5-10 mg et il s’agit de réserves faibles épuisables en 3
mois.

Figure 18: Métabolisme des folates

Carences d’apport et accroissement des besoins

Il s’agit de terrain de dénutrition, précarité alimentaire, alcoolisme chronique ; besoins accrus


en folates : hémolyses chroniques, grossesses répétées et rapprochées en milieu défavorisé. La
réanimation et lourde et nutrition parentérale prolongée favorisent une carence aiguë en
folates avec thrombopénie parfois sévère et possibilité de complications hémorragiques
(apport d’acide folinique).

L’indicateur d’une carence vraie en folates est donné par l’abaissement du taux des
folates intra-érythrocytaires. La dihydrofolate réductase joue un rôle important pour
retransformer les folates d’origine alimentaire et le FH2 en acide tétrahydrofolique FH4. Son
blocage est utilisé comme antifolates.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Traitement de la carence en folates

Les formes disponibles sont l’acide folique et l’acide folinique (N5-formyl-THF).

L’acide folique est d’un coût faible : la dose utile préventive est de 0,5 mg, la dose utile
curative est de 1,5-2 mg/jour pendant 3 mois. La posologie du comprimé d’acide folique est
de 5 mg. Les indications de la prévention (5 mg/jour) sont : la grossesse dans les cas où une
supplémentation est requise ; les anémies hémolytiques chroniques ou aiguës ; les traitements
prolongés par antiépileptiques.

Les indications de l’acide folinique IV sont limitées : traitement le MTX à forte dose ou le
5-FU à forte dose, la forme orale pouvant être utilisée en relais afin de limiter la durée de
l’hospitalisation : réanimation lourde ou nutrition parentérale prolongée. La forme orale est
également utilisée dans le cadre de la prévention des effets antifoliques de la pyriméthamine
lors d’un traitement prolongé, notamment chez les sujets atteints de syndrome
immunodéficitaire acquis.

Le traitement par acide folique doit être associé au traitement de la cause. S’il n’est pas
accessible, il faut poursuivre un traitement préventif. Par ailleurs, il ne faut pas donner de
l’acide folique sans être certain de l’absence de carence en vitamine B12 (risque
d’aggravation d’accidents neurologiques : il faut débuter le traitement vitaminique par la
vitaminothérapie B12).

Au laboratoire
Hémogramme

Réalisé avant tout traitement (vitaminique ou transfusionnel) il montre une anémie


macrocytaire arégénérative avec pancytopénie.

Anémie :

L’hémoglobine est souvent très basse au diagnostic

La macrocytose est franche (VGM vers 120 fl)

La CCMH est basse alors que la TGMH est élevée

Les réticulocytes sont bas

Les anomalies érythrocytaires sont présentes et peu caractéristiques : anisocytose,


anisochromie, poïkilocytose voire schizocytose trompeuse. Quelques érythroblastes sanguins
sont présents.

Leucocytes :

En principe légèrement abaissés ou la limite inférieure de la normale.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

La diminution porte sur les polynucléaires neutrophiles.

Les polynucléaires sont volontiers hyperlobés (avec déplacement à droite de la formule


d’Arneth, c.à.d. la présence polynucléaires à plus de 5 lobes).

Plaquettes :

En principe légèrement abaissées ou la limite inférieure de la normale, avec la présence de


macroplaquettes.

En présence de ce tableau de pancytopénie avec anémie macrocytaire franche, il est facile


d’éliminer les autres causes de macrocytose comme l’éthylisme chronique. Le diagnostic se
focalise vite sur une anémie mégaloblastique ou un syndrome myélodysplasique. Deux types
d’examens complémentaires sont prioritaires avant tout traitement :

Dosages sanguins de la Vitamine B12 et des folates

La vitaminémie B12 est basse, inférieure à 100 pg/mL

Les folates sanguins sont normaux

Ces résultats n’ont de valeur qu’en l’absence de traitement vitaminique.

Myélogramme

C’est l’examen qui permet d’affirmer la mégaloblastose : asynchronisme de maturation


nucléocytoplasmique dans toutes les lignées prédominant sur les érythroblastes.

Le prélèvement de moelle est très riche, contrastant avec la pancytopénie (Insuffisance


médullaire qualitative)

La moelle est « bleue » au faible grossissement, du fait d’un excès de cellules immatures
basophiles et un nombre plus modéré de cellules plus matures (retard de division cellulaire)

Les érythroblastes sont augmentés, représentant plus de 25% des cellules nucléées. Il existe
le plus souvent des érythroblastes de morphologie normale accompagnant les mégaloblastes
caractéristiques :

- Grande taille (25 à 27 ),

- Cytoplasme abondant se chargeant avec retard mais normalement en hémoglobine,

- Noyau gros à la chromatine fine, dispersée en petits points (« aspect perlé »),

- Troubles de l’expulsion du noyau avec des érythroblastes acidophiles comportant des


noyaux fragmentés, anneaux de Cabot et corps de Jolly.

On voit souvent des images de division des érythroblastes

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

La coloration de Perls (non indispensable mais souvent demandée dans le cadre du diagnostic
différentiel avec les SMD), montre une augmentation des sidéroblastes sans ring-sidéroblastes
en nombre significatif (< 5%).

Les mégacaryocytes sont gros et présentent des noyaux volontiers polylobés

Les cellules de la lignée granuleuse sont grosses avec une chromatine lâche et peu mottée.

Le myélogramme se normalise très vite après traitement et doit donc être pratiqué avant tout
traitement par la vitamine B12.

Il permet d’affirmer le diagnostic de mégaloblastose médullaire sans en préciser ni l’origine


(déficit en B12 ou en folates) ni le mécanisme.

Les autres examens

4- Il existe des signes d’hémolyse intra-médullaire : augmentation des LDH,


diminution de l’haptoglobine, augmentations de la bilirubine totale et de la
bilirubine libre en contraste avec les réticulocytes bas.
5- L’homocystéinémie est augmentée.
6- Le bilan martial est utile pour apprécier les réserves.
7- Le groupage sanguin et le bilan pré-transfusionnel seront systématiques.

Les examens du diagnostic de maladie de Biermer

L’anémie mégaloblastique affirmée, il faut la rattacher à la maladie de Biermer par :

8- La recherche d’Anticorps sériques anti-facteur intrinsèque :


Très spécifique mais peu sensibles (environ 70%)
9- La recherche d’Anticorps anti cellules pariétales gastriques : grande
sensibilité mais faible spécificité, facilement retrouvés chez les gens de plus de
65 ans.
10- Le dosage de la gastrine qui est toujours très augmentée en cas achlorhydrie
(non spécifique et également augmentée par la prise de médicaments anti-
sécrétoires).
11- La gastroscopie : elle montre, dans pratiquement tous les cas, une atrophie de
la muqueuse gastrique avec infiltrat inflammatoire du chorion sans présence
d’Helicobacter Pylori. Le risque de cancérisation gastrique impose la
surveillance régulière de ces patients par un gastro-entérologue.
12- Le tubage gastrique n’est plus souvent réalisé : il permet de mettre en
évidence l’achlorydrie gastrique (avec pH élevé) histamino-résistance et de
vérifier l’absence de F.I.
13- Le test de Schilling (voir question vitamine B12) :
Il n’est plus utilisé actuellement de façon complète mais une recherche de
malabsorption de la vitamine B12 peut toujours être réalisée.
14- La recherche d’autres pathologies auto-immunes dont les anticorps anti-
cellules thyroïdiennes

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Diagnostic différentiel

Les autres anémies macrocytaires :

Il est facile d’éliminer :

- Les agglutinines froides

- Les régénérations médullaires (après hémorragie aiguë, hémolyse, chimiothérapie …)

- L’éthylisme chronique

- L’hypothyroïdie

- Les déficits en folates (ils donnent le même tableau hématologique).

Les diagnostics principaux sont :

- Les autres causes de déficit en vitamine B12

- Les syndromes myélodysplasiques : ils peuvent donner également, chez ces sujets âgés,
un tableau de bi ou pancytopénie à moelle riche avec hémolyse intra-médullaire. Les
éventuelles anomalies morphologiques sanguines peuvent aider. Ce diagnostic différentiel
justifie la réalisation du myélogramme.

ANEMIES MACROCYTAIRES NON CARENTIELLES

ALCOOLISME

C’est l'étiologie la plus fréquente des macrocytoses: g GT à faire systématiquement


Tableau clinique évocateur + macrocytose modérée: 100/110 m3
Plusieurs mécanismes:
 Carence d'absorption en folates
 Inhibition du cycle entéro-hépatique de l’acide folique
 Toxicité directe de l'alcool sur les érythroblastes
 Acanthocytose par dyslipémies

ETIOLOGIE TOXIQUE OU MEDICAMENTEUSE

De nombreuses molécules peuvent entraîner une anémie macrocytaire:


 soit endiminuant le métabolisme des folates ou de la cobalamine
 soit endiminuant la synthèse de DNA
Tableau d'anémie macrocytaire +/- mégaloblastique

HYPOTHYROIDIE

 association fréquente: Hypothyroidie +Biermer


Rechercher systématiquement une maladie de Biermer devant toute hypothyroidie
avec une macrocytose:

28
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 19: Diagnostic des anémies macrocytaires

L'hémogramme est toujours pathologique. Les anomalies sont minimes au départ et


progressives dans le temps, en l'absence de traitement.

Forme majeure Forme modérée Forme mineure


pancytopénie avec : - anisocytose : IDE > 15 - simple macrocytose sans
- anémie sévère : Hb < 80 - Hb entre 80 et 120 g/l anémie
g/l jusqu'à 30 g/l - VGM > 105 fl - anisocytose > 15 : IDE toujours
- franchement macrocytaire - neutropénie ou augmenté = symptôme précoce
> 120 fl thrombopénie limites ou
- arégénérative : absentes
réticulocytes < 100 G/l
- leuconeutropénie : 1 à 1,5
G/l
et thrombopénie : 50 à 120
G/l
rarement plus importantes

29
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Devant un tel tableau 2 démarches diagnostiques essentielles. Préalables à tout


traitement y compris des transfusions (en urgence)

Myélogramme Dosages vitaminiques


Moelle riche - Moelle bleue (richesse en ARN) Cobalamines sériques (N : 200
Mégaloblastose (érythroblastes géants, asynchronisme de à 500ng/l)
maturation nucléo cytoplasmique) Folates sériques (N 5 à 12
Gigantisme myélocytaire - Mégacaryocytes multilobés ug/l)
Ces signes disparaissent en quelques heures après Folates érythrocytaires (N >
substitution vitaminique 200 ug/l)

Figure 20: Hypersegmented neutrophils in the Buffy coat of a patient with pernicious anemia.

Figure 21: Giant band, basophilic and several orthochromatic megaloblasts with one pyknotic nucleus.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 22: Promegaloblast, basophilic megaloblast, and polychromatophilic megaloblast.

Figure 23: Basophilic, polychromatophilic, and enucleating orthochromatic megaloblasts.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

LES ANEMIES MICROCYTAIRES


Quand on découvre une anémie microcytaire à l'hémogramme:

1. On évoque en premier lieu une carence martiale, qui conduit à une anémie ferriprive :
c’est l’étiologie majeure, touchant > 1 milliard d’individus dans le monde

2. On évoque ensuite un état inflammatoire très prolongé : le fer est dévié de son utilisation
normale et n’est plus utilisable par les érythroblastes = c'est un défaut d’utilisation du fer par
l’érythropoïèse

3. On peut également évoquer l’une des diverses hémoglobinoses microcytaires = les


syndromes thalassémiques : une anomalie génomique est responsable de la diminution (ou
l’absence) de synthèse d’une chaine de globine, ou la synthèse d’une chaine de globine
anormale : anémie modérée ou absente dans les formes mineures (hétérozygotes), et anémie
modérée à très sévère dans les formes majeures (homozygotes).

Remarque : les syndromes thalassémiques incluent les alpha et les bêta thalassémies, et
certaines hémoglobinoses (C,D, E) ; elles sont plus fréquents dans le pourtour méditerranéen,
l’Afrique, l’Asie) (300 millions d’individus porteurs)]

4. Enfin, diverses situations très rares ou exceptionnelles, avec microcytose modérée ou


sévère (certaines anémies sidéroblastiques, une maladie constitutionnelle du métabolisme du
fer ou du cuivre, …) ne seront évoquées que dans un second temps.

Physiopathologie de la carence martiale

Le fer est réparti en fer héminique représenté par l’hémoglobine (75% du fer de l’organisme),
la myoglobine (5%) et les enzymes oxydatives, et en fer non héminique. Le fer non héminique
est constitué par :
Le fer de réserve : 25% contenu dans le foie, la rate, la moelle L’hémosidérine constitue
une réserve lentement disponible. La ferritine est rapidement disponible et la ferritinémie est
le reflet des réserves.
Le fer sérique (0.1%) : il est lié à la transferrine. C’est une protéine d’origine hépatique
exprimée en capacité totale de fixation (CTF).

Le fer sérique provient essentiellement de l’hémolyse physiologique, et est capté par les
érythroblastes de la moelle osseuse. Seule une petite partie provient des apports extérieurs par
absorption au niveau du duodénum et du jéjunum proximal.
L’excès de fer est stocké dans les réserves (hémosidérine et ferritine). Les pertes sont de 1
mg/j pour une quantité totale de 4 g. Les pertes sont doublées chez la femme en raison des
pertes menstruelles. La grossesse triple les besoins et l’allaitement les double. Toute
hémorragie chronique provoque à la longue une carence martiale : la perte de 1 litre de sang
représente 500 mg de fer. Les besoins sont largement couverts par l’alimentation qui apporte
10 à 15 g de fer par jour avec un taux d’absorption de 10 à 30%, selon la forme alimentaire.
L’absorption est augmentée par la vitamine C et est diminuée par les antiacides. Les aliments
riches en fer sont : la viande (foie), le jaune d’œuf, le poisson, le vin rouge, les légumes verts
et les fruits secs.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

La déplétion se fait d’abord aux dépens des réserves. La chute de la ferritine sérique est
l’anomalie la plus précoce. Puis, par réaction à l’épuisement des réserves le taux de
transferrine augmente, ce qui se traduit par une augmentation de la CTF. Ensuite, le fer
sérique chute, le coefficient de saturation est donc diminué. Après une longue période de
déficit martial, une anémie apparaît, microcytaire, puis hypochrome : c’est donc une anémie
peu ou pas régénérative d’origine centrale par insuffisance médullaire qualitative.

Avant de considérer la démarche diagnostique, il est essentiel de rappeler la chronologie des


évènements conduisant de la carence en fer à l’anémie. Le fer est nécessaire à la synthèse
mitochondriale de l’hème au niveau de l’érythroblaste, synthèse pour laquelle l’organisme
puise dans ses réserves ; la diminution des réserves qui n’est pas compensée par
l’alimentation peut donc conduire à une anémie mais au terme d’une évolution qui se fait en
trois phases :
1- au cours de la première phase, les stocks en fer (foie, rate, moelle) sont diminués.
Cette phase est marquée par une diminution de la ferritine ;
2- dans une deuxième phase, le transfert du fer aux hématies est diminué. Cette phase est
marquée par une diminution de la saturation de la transferrine et une augmentation de
la capacité totale de fixation du fer ;
3- nous n’en sommes encore qu’au stade infra clinique de la carence. L’évolution vers
l’anémie microcytaire, phase ultime de l’évolution, ne se fait qu’après plusieurs mois
de déséquilibre. Il faut donc bien faire attention à ne pas confondre carence en fer et
anémie ferriprive, et à ne pas oublier que devant une carence en fer, l’absence
d’anémie ne doit pour autant pas dispenser de la recherche étiologique (et par
conséquent pronostique).

Classification des carences en fer et des anémies ferriprives

Carence en fer absolue

Les valeurs de ferritine sont inférieures à 15-20 mg/l, dans les cas particulièrement graves il
existe une afferritinémie. La carence en fer absolue s'accompagne généralement d'une anémie
ferriprive. Au demeurant, on trouve des patients dont les valeurs de ferritine sont relativement
basses (l 15 mg/l) mais qui n'ont pas encore développé d'anémie. Dans de tels cas, on parle de
carence en fer latente.

Anémie ferriprive

On parle d'anémie ferriprive lorsque, à la suite d'une diminution des réserves en fer, il s'est
produit une chute de la concentration en hémoglobine. Les érythrocytes sont généralement
hypochromes et microcytaires.

Carence fonctionnelle en fer

Il y a généralement carence fonctionnelle en fer lorsque, en dépit du fait que les réserves en
fer sont suffisamment fournies en fer (ferritine normale ou élevée), l'approvisionnement en fer
de l'érythropoïèse est tout de même insuffisant (érythropoïèse déficitaire en fer).
L'approvisionnement en fer de l'érythropoïèse se calcule par la détermination du pourcentage
d'érythrocytes hypochromes (valeur normale l 2,5 %) ou par la mesure de la teneur en

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

hémoglobine des réticulocytes, CHr (valeur normale L 29 pg). Si la proportion d'érythrocytes


hypochromes s'élève nettement au-dessus de 2,5% ou si la CHr chute au-dessous de 29 pg, on
se trouve en présence d'une érythropoïèse déficitaire en fer. Ce type de carence fonctionnelle
en fer peut se manifester dans la pratique en cas de stimulation pharmacologique de
l'érythropoïèse lorsque, sous un traitement d'époétine à hautes doses, la capacité de transport
limitée de la ferritine ne suffit plus à couvrir les besoins accrus en fer de la moelle osseuse
(ferritine normale, saturation de la transferrine abaissée). On observe en outre une carence
fonctionnelle en fer dans certaines maladies inflammatoires chroniques ou malignes au cours
desquelles le fer est retiré de la circulation et stocké dans les réserves (ferritine élevée,
transferrine et fer sérique abaissés)

Figure 24: Classification des carences en Fer

Néphrologie

Anémie rénale et besoins en fer : Une anémie rénale se développe dès que la clairance de la
créatinine tombe au-dessous de 60 ml/min. Les patients dont la filtration glomérulaire est
inférieure à 30 ml/min sont, dans leur très grande majorité, anémiques. Du point de vue de la
pathogénie, l'anémie rénale résulte en premier lieu d'une carence relative en érythropoïétine
due à une réduction de production par le rein malade. On recommande aujourd'hui un
traitement de l'anémie rénale à l'époétine lorsque la valeur de l'hémoglobine tombe au-dessous
de 11 g/dl. Pour une utilisation économique de l'époétine (par exemple, époétine alpha,
Eprex), il est crucial qu'un approvisionnement adéquat en fer de l'érythropoïèse soit assuré en
permanence.
Dans le traitement à l'époétine, on distingue la phase de correction, au cours de laquelle on
cherche à élever la valeur de l'hémoglobine, de la phase d'entretien durant laquelle la dose
d'époétine est généralement réduite, pour assurer une constance de la valeur de l'hémoglobine.
Dans la phase de correction, les besoins en fer sont plus élevés que pendant la phase
d'entretien. Dans la correction de l'anémie, il faut environ 150 mg de fer pour une élévation
d'environ 10 g/l de l'hémoglobine. Si l'on envisage, par exemple, une correction de 30 g/l, 450
mg de fer sont requis pour la synthèse de l'hémoglobine. De même, dans la phase d'entretien
du traitement à l'époétine, un certain besoin en fer est toujours présent : si, chez les patients en

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

prédialyse après une transplantation rénale et chez les patients subissant une dialyse
péritonéale, ce besoin peut être relativement faible, il peut néanmoins atteindre 1-3 g par
année chez les patients sous hémodialyse, en raison des pertes de sang dues au traitement. La
substitution de telles quantités de fer n'est généralement possible que par voie parentérale car
la majorité des patients ne supportent pas un traitement oral de fer à des doses assez élevées,
en raison d'une intolérance intestinale. Le risque de surcharge en fer iatrogène lors d'une
substitution continue en fer par voie parentérale est faible, tant que l'on procède à des
contrôles réguliers de la ferritine.

Gastro-entérologie
Pathogénie de la carence en fer : La perte de sang est la cause la plus fréquente de carence
en fer dans le monde occidental. En général, ce sont des maladies du tractus gastro-intestinal
(à l'exception des règles chez la femme non ménopausée) qui provoquent une perte
pathologique de sang et, par conséquent, de fer. Bien plus rares sont les troubles de
l'absorption du fer, que l'on ne trouve également que chez des patients souffrant de maladies
gastro-intestinales comme, par exemple, la maladie cœliaque.
L'investigation de l'anémie due à des hémorragies chroniques se fait par gastroscopie et/ou
coloscopie. Si aucune source d'hémorragie n'est identifiée de cette façon, il est recommandé
de procéder à une endoscopie capsulaire. Il est possible de distinguer deux groupes de patients
en pratique gastro-entérologique : ceux qui ne perdent du sang qu'épisodiquement et ceux qui
perdent du sang de façon chronique, récidivante. Dans le premier groupe, après identification
de la source de l'hémorragie, le traitement de la cause, par exemple l'ablation d'un polype
hémorragique dans le côlon, aboutit à l'arrêt de l'hémorragie. Figurent typiquement dans le
second groupe, les tableaux de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse ou de la maladie
d'Osler. On ne dispose pas dans ce cas d'un traitement curatif immédiat. Dans ces tableaux,
l'anémie peut restreindre la qualité de vie plus fortement que la maladie intestinale de base. La
surveillance implique des contrôles réguliers de la formule sanguine et de la ferritine. Il existe
également d'autres causes qui doivent être prises en compte pour le diagnostic différentiel de
l'anémie dans les maladies intestinales inflammatoires chroniques mais qui sont plutôt
insignifiantes dans leur fréquence.

Obstétrique

Pathogénie de la carence en fer : Dans les pays occidentaux industrialisés, la carence en fer
est l'état de carence le plus fréquent chez la femme en âge de procréer. Si le problème est rare
après la ménopause (environ 5%) et chez l'homme (moins de 3%), sa prévalence s'élève à 10-
30 % chez la femme jeune. Les raisons en sont en premier lieu les habitudes alimentaires
actuelles et les pertes de sang mensuelles de la femme.
Durant la grossesse, la fréquence et l'importance de la carence en fer s'accroissent. Les
besoins en fer de la femme enceinte augmentent de plusieurs fois, en raison de la croissance et
du développement de l'unité fœto-placentaire et de la formation de nouveau tissu maternel, de
la croissance de l'utérus et de l'expansion importante du volume sanguin maternel et fœtal. Si
l'on part d'un besoin journalier en fer de 1 mg en dehors de la période gestationnelle, celui-ci
s'élève à 4-5 mg, voire à 6-7 mg vers la fin de la grossesse. Même avec un choix d'aliments
optimal et une plus grande absorption intestinale avérée au cours de la grossesse, toute
grossesse s'accompagne d'un bilan de fer négatif. Les conséquences en sont une vidange des
réserves de fer (ferritine sérique <15 mg/l) et une perturbation qualitative et quantitative de

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

l'érythropoïèse maternelle, avec des érythrocytes hypochromes et microcytaires, jusqu'à


l'apparition d'une anémie. Les Centers of disease control (CDC) aux Etats-Unis considèrent,
pour leur définition de l'anémie gestationnelle, le nadir de la chute physiologique de
l'hémoglobine au cours du deuxième trimestre (anémie gestationnelle : Hb < 110 g/l au
premier et au troisième trimestre, Hb < 105 g/l au deuxième trimestre). La prévalence de la
carence en fer et de l'anémie ferriprive est par conséquent élevée et la plus importante à la fin
de la grossesse, avant la naissance.

Le problème diagnostique se pose devant un syndrome anémique ou une hypochromie,


qu’ils soient rencontrés fortuitement ou recherchés chez des sujets à risque. Le dosage de la
ferritine sérique est alors le seul test nécessaire pour établir le diagnostic de carence en fer. Il
s’agit en effet du test biologique courant permettant d’évoquer le plus précocement un
appauvrissement des réserves tissulaires ; sa spécificité est absolue car une hypoferritinémie
est le signe exclusif d’une carence martiale. Sa sensibilité en revanche peut poser problème.
Les situations sont en effet assez nombreuses où les résultats du dosage de la ferritine posent
des problèmes d’interprétation, et où une concentration de ferritine sérique peut être normale
voire élevée quand la carence en fer n’est pas encore compliquée d’anémie :

. Comparativement aux sujets adultes, le taux de ferritine n’est pas un aussi bon marqueur
chez les nourrissons et les enfants, chez qui la mobilisation des réserves intervient trop
lentement pour faire face aux besoins médullaires. Le coefficient de saturation en fer de la
transferrine (et non pas du sérum) assure alors un diagnostic assez précoce, avant l’installation
de l’anémie. On admet qu’un coefficient de saturation (qui est le rapport fer sérique/capacité
totale de fixation de la transferrine) inférieur à 0,16 suggère une carence ;

. Plusieurs pathologies interfèrent avec le taux de ferritine. Il s’agit des inflammations et des
infections au premier chef, pour des raisons de fréquence ; elles sont à l’origine d’une
séquestration anormale de ferritine dans les macrophages ; les cancers aussi, où plusieurs
facteurs peuvent être associés (invasion tumorale, libération accrue de ferritine, cytotoxicité
des médicaments, épisodes infectieux ou inflammatoires itératifs, saignements,
transfusions…) ; et les hépatopathies enfin, où la ferritine peut être libérée dans le plasma par
cytolyse.
Les situations diagnostiques difficiles doivent faire raisonner sur un faisceau d’arguments
concordants, plutôt que sur un seul critère. Quand le doute persiste, deux possibilités s’offrent
au clinicien : soit attendre la normalisation du processus pathologique interférant, dans la
mesure du possible naturellement, soit compléter l’investigation biologique par des
investigations biologiques plus sophistiquées. Le dosage de la ferritine érythrocytaire a été
proposé car sa concentration est un bon reflet de l’équilibre entre l’apport de fer aux
érythroblastes et le niveau d’hémoglobinosynthèse. Chez le nouveau-né, la ferritine
érythrocytaire s’avère effectivement un bien meilleur reflet des réserves constituées in utero
que la ferritine sérique. La diminution de la concentration en ferritine érythrocytaire objective
l’épuisement des réserves ; cette concentration n’est par contre pas influencée par les
syndromes inflammatoires, ce qui fait tout l’intérêt de ce dosage. La seule limitation est celle
d’une hémoglobinopathie. D’autres investigations ont été proposées (telles que les dosages
des récepteurs solubles de la transferrine, de la protoporphyrine érythrocytaire, ou du
lévulinate érythrocytaire) mais elles ne sont pas avérées utilisables en pratique clinique.

Trois situations doivent principalement être discutées parmi les autres anémies hypochromes,
à côté de l’anémie par carence martiale :

36
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

1- l’anémie inflammatoire, avec son cortège général clinique et biologique. Il est


nécessaire de doser les protéines de l’inflammation (« profil protéique ») et de montrer
que la ferritine est augmentée ;
2- les thalassémies, qui prévalent en particulier au pourtour du bassin méditerranéen.
Elles sont caractérisées par une érythropoïèse inefficace avec une anémie nettement
microcytaire et hypochrome. L’examen clinique peut retrouver une
hépatosplénomégalie, en réalité très inconstante. Le diagnostic est apporté par
l’électrophorèse de l’hémoglobine, tout au moins pour les thalassémies.
3- l’anémie d’origine mixte, où carence en fer et inflammation sont associées. En
présence d’un syndrome inflammatoire, des valeurs normales ou peu augmentées de
ferritine sont inattendues et doivent faire évoquer une carence martiale associée ;

Concernant les pertes, on distingue les pertes physiologiques excessives et les pertes
pathologiques. Les pertes physiologiques sont en pratiques les pertes menstruelles, et près de
95 % des anémies rencontrées chez la femme de moins de 50 ans sont liées à une carence
martiale. Les pertes en fer sont excessives quand l’abondance et/ou la durée du saignement
sont eux-mêmes excessifs, plus souvent chez la femme porteuse d’un dispositif intra-utérin.
Pour les pertes pathologiques, il faut retenir à ce sujet l’équivalence suivante : 10 ml de sang
= 5 mg de fer. Les causes sont des saignements chroniques, essentiellement gastro-intestinaux
chez l’homme et les femmes ménopausées, et gynécologiques chez la femme en âge de
procréer. La pratique de l’hémocult n’a guère d’intérêt chez l’homme, puisqu’il faut
rechercher en pratique une cause gastro-intestinale ; elle garde en revanche un intérêt chez la
femme. Pour les autres saignements (saignements urinaires, hémosidérose pulmonaire,
hémolyse intravasculaire…), les pertes sont plus modestes et ne portent véritablement à
conséquence qu’en cas de facteurs associés (ex. du sujet âgé cumulant une insuffisance des
apports quantitative et qualitative (moins de protéines animales), une diminution de
l’absorption du fer par hypochlorhydrie gastrique, et des pertes par traitement anti-
inflammatoire ou hémorroïdes…).
A côté des insuffisances d’apports et des pertes en fer, il faut citer un dernier mécanisme pour
les carences en fer : la malabsorption intestinale. Les causes sont multiples : la gastrectomie,
qui peut être suivie d’une augmentation de la motilité intestinale au niveau de l’intestin
proximal, site principal d’absorption du fer ; une achlorhydrie ; les diarrhées chroniques ; la
malabsorption intestinale proprement dite, touchant en particulier le duodénum et le jéjunum
proximal.

Symptômes cliniques

La carence martiale est presque toujours symptomatique même si la lenteur de sa constitution


induit souvent une bonne tolérance.

On distingue :
Les symptômes d'anémie. Les signes de gravité sont très rares mais on met souvent en
évidence une lassitude physique et une dyspnée d'effort. Palpitations, vertiges sont devenus
très rares de nos jours et dans nos régions.
Le plus souvent, l’examen clinique est négatif, absence de splénomégalie en particulier.
Les symptômes spécifiques dans les carences martiales anciennes et profondes :
Troubles des phanères : ongles fragiles, mous, minces et cassants, striés en cupules
(koïlonychies), cheveux secs et cassants.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Signes digestifs : perlèche, glossite avec atrophie des papilles linguales, dysphagie
oesophagienne avec atrophie muqueuse (syndrome de Plummer-Vinson).
Signes cutanés : peau sèche, prurit.

Habituellement, le diagnostic de carence martiale est simple.

Les difficultés rencontrées sont celles des carences associées :

 A un état inflammatoire, la capacité de saturation de la sidérophiline diminue mais la


ferritinémie reste basse ; elle est donc le test le plus constant.

 A d'autres carences : Vit. B12 ou folates ce qui peut masquer la microcytose. Le VGM
normal est la résultante d'une importante anisocytose avec IDE très élevé > 25.

 A une thalassémie : cumulation des deux causes d'anémie microcytaire.

Le myélogramme n'est pratiquement jamais réalisé sauf dans l'étude de ces formes rares
d'anémies intriquées (coloration de Perls).

La démarche est complexe et multifactorielle. Elle est fonction de la situation du malade :


nouveau-né (prématurité), femme en activité génitale (ménométrorragie), femme enceinte
(consommation), femme après la ménopause, homme (hémorragie digestive).

L'interrogatoire doit être très précis en sachant que les carences martiales sont souvent le fait
de causes cumulatives et méconnues.

Antécédents pathologiques digestifs

Contexte hémorragique évident et important (cf quantité de sang perdu pour entraîner une
carence martiale). Par exemple les hématuries microscopiques ou les hémorragies
extériorisées minimes (épistaxis, hémorroïdes…) ne sont jamais la cause de carence martiale.

Dons de sang réguliers qui passent inaperçus si on ne pose pas la question

Chez la femme, les facteurs prédisposants : grossesses multiples, gemellarité, allaitement.


Surtout un interrogatoire précis sur le volume des règles. Normalement, durée < 5 jours,
caillots absents, changement de protection (nombre réduit).

Quand ces démarches n'apportent aucun élément positif et a fortiori après la ménopause, la recherche
d'une lésion gynécologique expliquant la carence martiale est inadaptée. Le problème est alors

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

d'explorer le tube digestif et de rechercher la lésion très probable à l'origine des hémorragies occultes.
Il ne faut pas laisser passer une lésion maligne ou menaçante mais aussi ne pas explorer à l'excès pour
une lésion qui peut être ancienne et guérie.

L’attitude classique est d’explorer par fibroscopie l’estomac-duodénum et le colon, éventuellement le


grêle. La recherche de sang dans les selles par méthodes isotopiques (51Cr) apporte des arguments
essentiels à la rationalité de la démarche. La normalité est une quantité de sang < 2 ml par jour. Les
mesures sont faites pendant 5 jours. L'objectif n'est pas de constater l'hémorragie qui peut être
ancienne ou intermittente mais d'en préciser les caractères qui poussent à explorer dans sa totalité le
tube digestif. La positivité sur 5 jours permet d'affirmer qu'elle est actuelle, continue, importante et
durable (car la constitution d'une microcytose nécessite plusieurs mois). En cas de négativité stricte de
ces webers isotopiques, les risques d'une lésion menaçante sont infimes et justifient simplement
l'exploration fibroscopique de l'estomac où se situent 2/3 des causes de carence martiale et en cas de
normalité une surveillance hématologique simple après correction de la carence martiale. Les
différentes étiologies à l'origine d'hémorragies chroniques sont développées en gastroentérologie et en
gynécologie. En dernier lieu, la recherche d'un syndrome de malabsorption est possible car la carence
martiale est souvent précoce mais la rareté du problème rend la démarche exceptionnelle. Outre le
contexte digestif parfois évocateur, le meilleur argument hématologique est la constatation d'une
carence mixte (par ex. avec folates).

Diagnostic biologique d'une anémie microcytaire


Anémie Anémie inflammatoire β-thalassémie
ferriprive mineure
Numération Anémie Anémie hypochrome Microcytose,
hypochrome microcytaire hypochromie +/-
microcytaire peu arégénérative (après une anémie
régénérative phase normochrome Pseudo polyglobulie
normocytaire)
+/- PNN augmentés
Fer sérique Diminué Diminué N
Transferrine et Augmentées Diminuées N
capacité totale de
fixation de la
transferrine (CTFT)
Coefficient de Diminué Diminué N
saturation de la
transferrine (CST)
Ferritine Diminuée Augmentée N
Récepteurs solubles Augmentés N N
de la transferrine
(RsTf)
VS N Augmentée N
Protéines de N Augmentées N
l’inflammation
(CRP, Fg …)
Electrophorèse de N N Hb A2 > 3,5%
l’hémoglobine

39
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Remarques
- Cinétique de variations des paramètres biologiques dans l’anémie ferriprive : Ferritine /
transferrine > fer sérique / RsTf > hypochromie > microcytose > anémie

-La normalisation des paramètres sous traitement se fait en sens inverse


- La ferritine peut être normale en cas de carence martiale et d’inflammation chronique
associée.
- Le taux des récepteurs solubles de la transferrine n’est pas influencé par l’inflammation : il
permet le diagnostic de carence martiale chez les sujets présentant une pathologie
inflammatoire chronique.

L'interprétation adéquate d'une mesure de la ferritine doit cependant tenir compte des
éléments suivants :
• Une ferritine plasmatique inférieure à 10 μg/L correspond TOUJOURS à un épuisement des
réserves de fer et constitue une étape obligatoire préalable au développement d’une anémie
ferriprive. Cette condition peut toutefois exister sans anémie associée, si les apports
quotidiens suffisent malgré tout à assurer une érythropoïèse normale.
• Une ferritine plasmatique élevée peut s'observer dans :
- les maladies hépatiques
- les états inflammatoires
- l'hémochromatose

• Un véritable état ferriprive peut parfois coexister avec une maladie inflammatoire chronique
(anémie mixte) : dans ce cas, le dosage de la ferritine sérique peut quand même être normal,
mais il ne dépasse généralement pas une valeur de 50 μg/L. En cas de doute, on peut évaluer
de façon indépendante les réserves de fer au moyen d'une coloration au Bleu de Prusse sur un
échantillon de moelle osseuse, ou encore tenter de préciser à l’aide du test décrit
immédiatement ci-dessous.

Le récepteur soluble de la transferrine. Il existe, normalement dissoute dans le plasma, une


forme tronquée (85 kD) du récepteur cellulaire de la transferrine. La concentration circulante
de cette molécule est généralement proportionnelle à la masse totale des érythroblastes de la
moelle osseuse (normale approximative de 8 à 30 nmol/L chez l’adulte). Elle s’élève donc
dans les hyperplasies et diminue dans les hypoplasies de la lignée érythroïde. La
concentration du récepteur soluble augmente également dans le plasma (> 30 nmol/L)
lorsqu’il existe une carence en fer intracellulaire, tandis qu’elle demeure normale (≤ 30
nmol/L) dans les états inflammatoires. Dans certaines situations cliniques où la mesure de la
ferritine seule ne permet pas d’effectuer clairement la distinction entre une carence et un état
inflammatoire, la mesure du récepteur soluble de la transferrine dans le plasma, par technique
ELISA, peut donc s’avérer très utile.

Dans le cas d'une véritable carence en fer, on doit être en mesure de documenter
l'ensemble des éléments suivants :

• Une anémie de degré variable, normocytaire au début puis devenant microcytaire et


hypochrome

40
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

• Un fer sérique abaissé (généralement inférieur à 10 μmol/L) et une capacité de fixation qui
tend à s'élever (41 à 90 μmol/L). Le pourcentage calculé de saturation de la transferrine est
très souvent égal ou inférieur à 10%.
• Une ferritine sérique inférieure à 10 μg/L, traduisant un épuisement total des réserves de
fer dans l'organisme.
• Une augmentation (>30 nmol/L) du récepteur soluble de transferrine dans le plasma, en
l’absence d’évidence d’une hyperplasie érythroïde de la moelle osseuse.

Lorsque l'anémie est due à l'existence d'une condition inflammatoire, les éléments de
distinction sont :

• Une anémie d'intensité plutôt modérée (rarement moins de 85 ou 90 g/L d'hémoglobine), de


morphologie normocytaire ou tout au plus légèrement microcytaire (VGM entre 75 et 80 fL);
• Un fer sérique abaissé, mais s'accompagnant aussi d'un abaissement, à moins de 50
μmol/L, de la capacité de fixation du fer. Le pourcentage de saturation de la transferrine
demeure donc la plupart du temps entre 10 et 15%;
• Une ferritine sérique supérieure à 50 μg/L, dépassant même parfois la limite supérieure de
la normale et indiquant que les réserves de fer ne sont PAS épuisées. L'observation, dans le
contexte décrit ci-dessus, d'une ferritine sérique entre 10 et 50 ng/mL suggère l'existence
possible d'une anémie de type mixte, c'est-à-dire à la fois inflammatoire et ferriprive;

• La mesure du récepteur soluble de transferrine dans le plasma est généralement normale, i.e.
< 30 nmol/L. Dans le contexte décrit ci-dessus, une mesure augmentée pourrait témoigner
d’une anémie mixte, à la fois ferriprive ET inflammatoire.

Les anémies microcytaires ou hypochromes non ferriprives

Ces anémies sont beaucoup plus rares que les formes ferriprive et inflammatoire décrites
précédemment. Elles résultent elles aussi d'un défaut de la maturation du cytoplasme (avec
microcytose et hypochromie) mais où ON NE DOCUMENTE PAS D'ANOMALIE
MESURABLE DU MÉTABOLISME DU FER (les dosages du fer et de la ferritine sériques sont
normaux).

La thalassémie
Ce syndrome constitue l'exemple le mieux connu de ce type d'anémie. Il résulte d'une
déficience congénitale d'un des gènes qui codent pour la synthèse et l'assemblage de l'une ou
l'autre des chaînes de la GLOBINE (alpha, bêta, gamma ou delta). La bêta thalassémie,
variante la plus fréquente, se rencontre généralement chez les individus d'origine
méditerranéenne ou du sud-est de l'Asie (Vietnam, Cambodge, Thaïlande). Elle se présente la
plupart du temps sous forme hétérozygote, appelée aussi THALASSÉMIE MINEURE. Elle se
caractérise alors par une anémie légère (105-120 g/L) presque toujours asymptomatique et
associée à un abaissement important du VGM (inférieur à 70fL). Il en résulte souvent une
pseudo-érythrocytose, due au nombre anormalement élevé des globules rouges circulants. Le
fer et la ferritine sériques sont typiquement normaux chez les individus atteints et le
diagnostic peut être confirmé à l'électrophorèse de l'hémoglobine par l’observation d'un
pourcentage augmenté d'hémoglobine A2 (alpha-delta). Une telle condition ne nécessite aucun
traitement et l'administration de fer est sans effet sur l'anémie. Il convient de rassurer les
personnes atteintes et de les mettre en garde de vouloir procréer avec une autre personne

41
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

atteinte de la même tare, au risque de donner naissance à des enfants homozygotes, atteints
d'une maladie beaucoup plus grave appelée la THALASSÉMIE MAJEURE.
Cette dernière se caractérise en effet par une anémie hémolytique sévère (microcytaire et
hypochrome) nécessitant des transfusions répétées dès l'enfance et associée à une espérance
de vie limitée.

L'anémie sidéroblastique

L'anémie résulte ici d'un défaut dans la synthèse de l'HÈME, plus spécifiquement des
PORPHYRINES. Dans la moelle osseuse, elle s'associe à la présence de sidéroblastes en
couronne qui témoignent d'une accumulation anormale du fer dans les mitochondries des
précurseurs érythrocytaires, puisqu'il ne peut être normalement incorporé dans la molécule
d'hémoglobine. Dans sa forme acquise, observée plus fréquemment, l'anémie sidéroblastique
est considérée comme une condition pré-leucémique (ou myélodysplasique), suggérant
l'apparition d'un désordre profond de la cellule souche myéloïde susceptible de s'exprimer
éventuellement de façon plus alarmante. La transfusion périodique constitue le seul recours
thérapeutique dans ces cas. La forme héréditaire, beaucoup plus rare, serait liée à une
anomalie de l'enzyme ALA-synthétase dont l'action dépend d'un co-facteur dérivé de la
pyridoxine, le pyridoxal-phosphate.
L'administration orale de pyridoxine (vitamine B6) à doses pharmacologiques arrive dans
bien des cas à surmonter le bloc métabolique dans la synthèse des porphyrines et à corriger
partiellement l'anémie chez ces malades. Cette forme de traitement s'avère toutefois inefficace
dans les cas de maladie acquise.

À cause de l'existence de ces maladies dont l'anémie possède les mêmes caractères
morphologiques que ceux de l'anémie ferriprive, il est toujours extrêmement important
d'effectuer un dosage du fer et de la ferritine sériques afin d'établir un diagnostic exact
et d'entreprendre un traitement de remplacement. Il va sans dire que l'administration
de fer dans l'inflammation aussi bien que dans ce dernier groupe de maladies est
absolument inutile et peut même s'avérer dangereuse à long terme, en raison du risque
de développement d'une hémosidérose.

Anémie inflammatoire

Tout état inflammatoire, a fortiori s’il se prolonge, peut aboutir à une anémie, qu’il s’agisse
de maladies infectieuses, néoplasiques ou systémiques. L’inflammation induit de nombreux
changements cytokiniques, avec pour conséquence une augmentation de la synthèse de
ferritine et une diminution de celle de la transferrine. L’augmentation de production d’IL-6
augmente les taux d’hepcidine, une molécule centrale dans l’homéostasie du fer. En effet,
l’hepcidine interagit avec la partie extracellulaire de la ferroportine en jouant le rôle de
«bouchon», empêchant ainsi le passage du fer dans le sang et le relargage de fer par les
macrophages et les hépatocytes. Les principaux mécanismes de régulation de l’hepcidine sont
l’érythropoïèse, les stocks de fer, le fer sérique, l’hypoxie et l’inflammation (surtout médiée
par l’interleukine 6). L’IL-6 diminue également le taux de production d’EPO. Ces
changements expliquent le tableau de l’anémie inflammatoire qui peut, dans la moitié des cas,
être microcytaire et hypochrome.

42
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 25: Anémie inflammatoire (Axe hepcidine-ferroportine dans la régulation de l’homéostasie du fer)

Diagnostic et examens complémentaires

Bilan martial

Le bilan martial demeure la première étape, même s’il a des limites. Si la ferritine garde une
bonne sensibilité et une bonne spécificité lors de la carence martiale isolée, il n’en est pas de
même pour le fer et la transferrine qui, même en dehors de tout état inflammatoire, sont sujets
à des variations importantes qui rendent difficile l’interprétation des résultats.

La norme du taux de saturation de la transferrine est entre 20 et 40%. Une valeur < 15% est en
faveur d’un manque de fer fonctionnel avec toutefois une sensibilité médiocre. En présence
ou non d’un état inflammatoire, une ferritine < 30 mg/l est compatible avec une carence en
fer. La ferritine est une protéine de la phase aiguë de l’inflammation et son taux est surestimé
dans cette situation. Néanmoins, un taux de ferritine supérieur à 100 mg/l rend une carence en
fer peu probable même en présence d’un état inflammatoire. Dans la zone «grise» qui se situe
entre 30 et 100 mg/l, le bilan martial seul ne permet pas de faire la part des choses. C’est ainsi
que l’utilisation d’autres outils diagnostiques trouve sa place.

Récepteurs solubles de la transferrine et leur index

Il existe une forme soluble du récepteur de la transferrine (sTfR – soluble transferrin


receptor) résultant d’une réaction protéolytique du segment extracellulaire du récepteur
membranaire. Son dosage est potentiellement utile pour distinguer une anémie ferriprive
d’une anémie inflammatoire. 80% du taux sérique de sTfR provient de précurseurs
érythropoïétiques (principalement des réticulocytes) alors que seulement 20% provient des
tissus non érythropoïétiques. Le taux de sTfR est directement corrélé avec la quantité de

43
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

récepteurs membranaires à la transferrine et reflète les besoins en fer de l’organisme pour


l’activité érythropoïétique. Ainsi, dans la carence martiale pure, la ferritine sérique est
abaissée et le récepteur soluble de la transferrine est augmenté, tandis que dans l’anémie
inflammatoire, le récepteur soluble de la transferrine est normal mais la ferritine peut être
normale ou augmentée. S’il y a simultanément un état ferriprive et un état inflammatoire, le
dosage de la ferritine sera souvent normal et seule l’élévation du taux de récepteur soluble de
la transferrine permettra de faire le diagnostic de carence martiale associée à l’état
inflammatoire. Afin d’améliorer la valeur diagnostique de ces deux paramètres au cours des
états inflammatoires, on peut utiliser le rapport sTfR/log ferritine. L’utilisation de cet index
augmenterait la sensibilité et la spécificité de l’utilisation des valeurs de sTfR et de la ferritine
dans l’identification du déficit en fer chez les patients ayant une inflammation chronique.

Figure 26: Evolution des différents paramètres biologiques au cours d’une anémie ferriprive (AF), inflammatoire (AI) et
mixte (AF + AI)

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Pourcentage de globules rouges hypochromes (%HYPO) et contenu en hémoglobine des


réticulocytes (CHr)

Le contenu moyen en hémoglobine (MCH) dans un globule rouge individuel est compris entre
26 et 34 pg. Un globule rouge est hypochrome si ce contenu moyen en hémoglobine est
inférieur à 26 pg. Lorsque le pourcentage de globules rouges hypochromes dépasse 5%, cela
marque un état ferriprive fonctionnel quel que soit l’état des réserves en fer. Le pourcentage
des globules rouges hypochromes change lentement avec le développement d’un état
ferriprive fonctionnel.

Par contre, le contenu en hémoglobine dans les réticulocytes varie beaucoup plus rapidement
en présence d’un état ferriprive fonctionnel car la durée de vie d’un réticulocyte est nettement
plus courte que celle d’un globule rouge. La charge hémoglobinique réticulocytaire (CHr)
diminue ainsi significativement en cas d’état ferriprive fonctionnel récent. Il permet donc
d’apprécier les changements précoces survenant dans l’érythropoïèse grâce au temps de
circulation sérique des réticulocytes de 1-2 jour comparé à 120 jours pour les hématies. Le
CHr permet également de suivre la réponse à une substitution ferrique (en lien avec la crise
réticulocytaire à J5).

Hepcidine et son utilité diagnostique

Le dosage de l’hepcidine fera très probablement partie du bilan martial dans l’avenir. Pour le
moment, bien que techniquement dosable, les difficultés d’harmonisation des méthodes de
dosage de l’hepcidine font qu’aucun test de laboratoire n’est à ce jour validé pour une
utilisation diagnostique en routine.

En présence d’une anémie (hémoglobine < 140 g/l chez l’homme et < 120 g/l chez la femme)
non régénérative (seuil de réticulocytes < 50 G/l généralement admis) et suspecte d’être
ferriprive, l’algorithme présenté dans la figure 27 propose une démarche diagnostique
pratique.

En présence ou non d’un état inflammatoire, une valeur de ferritine < 30 mg/l a démontré
avoir la meilleure sensibilité/spécificité pour confirmer l’absence de réserve en fer. Une
valeur de ferritine > 30 mg/l sans syndrome inflammatoire et > 100 mg/l avec syndrome
inflammatoire permet raisonnablement d’estimer une réserve martiale correcte (à corréler à la
situation clinique). La situation la plus complexe survient dans un contexte inflammatoire,
lorsque la ferritine se trouve dans une zone grise entre 30-100 mg/l. L’index des récepteurs
solubles à la transferrine permet alors de mieux préciser un état ferriprive associé. Si le sTfR
est < 1, 2 est bien corrélé avec une carence martiale concomitante. Persiste une zone
intermédiaire entre 1 et 2 dans laquelle l’apport des index hématologiques, comme le CHr en
combinaison avec l’index sTfR, permet d’apporter plus d’informations sur une carence
martiale fonctionnelle ou vraie. Un CHr < 29 pg est en faveur d’un état ferriprive vrai (déficit
d’hémoglobinisation des réticulocytes), alors qu’un CHr > 29 pg est en faveur d’une anémie
ferriprive fonctionnelle.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 27: Algorithme Décisionnel

Algorithme décisionnel pour différencier une anémie ferriprive, inflammatoire et mixte


Anémie : F < 120 g/l, H < 140 gl ; FSC : formule sanguine complète ; AF : anémie ferriprive ;
AI : anémie inflammatoire ; index sTfR : index des récepteurs solubles à la transferrine ;
CHr : contenu en Hb des réticulocytes, pg.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 28: Anémie sidéroblastique primaire

Figure 29: Carence martiale

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 30: Thalassémie

Figure 31: Koilonychia

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

LES ANEMIES NORMOCYTAIRES


Les anémies normocytaire non régénératives réticulocytes < 120G/L)
Le comptage d’un nombre bas de réticulocytes traduit l’origine centrale de l’anémie.

On élimine certaines causes évidentes avant de demander un myélogramme :


o Inflammation : VS, électrophorèse des protides (hyper a2), fer, CRP
o Insuffisance rénale : créatininémie
o Pathologie endocrinienne : dosages de cortisol, TSH et T4
e
o Hémodilution : dans le cadre de la grossesse à partir du 3 trimestre, mais aussi
en cas d’insuffisance cardiaque, d’hypersplénisme,
d’hypergammaglobulinémie (surtout les IgM)
En cas de doute, la mesure d’un volume sanguin sera fait pour écarter une
simple augmentation du volume plasmatique par rapport a une valeur témoin
de référence, sans anémie.
En dehors de ses circonstances, il faut refaire un hémogramme avec comptage des
réticulocytes pour éliminer une anémie normocytaire régénérative : l’augmentation des
réticulocytes sanguins dans les causes périphériques est en effet retardée de quelques
jours après le début de la pathologie (comme une hémorragie aiguë).
Le myélogramme doit alors être réalisé. Il permet de caractériser différents tableaux :
1. Erythroblastopénie : rare, avec un taux d’érythroblastes < 5 %
2. Envahissement médullaire par :
o Des leucoblastes (leucémie aiguë),
o Des plasmocytes malins (myélome),
o Des lymphocytes matures (leucémie lymphoïde chronique),
o Des lymphoplasmocytes (maladie de Waldenström),
o Des tricholeucocytes (LAT),
o Des cellules lymphomateuses (LMNH),
o Des cellules métastatiques.

En cas de doute diagnostique sur la nature des cellules, parfois une biopsie médullaire
s’impose permettant :

o Une analyse histologique sur un grand nombre de cellules


o Une utilisation de technique de marquages en histochimie
3. Myélodysplasie avec troubles morphologiques sanguins et médullaires.
4. Moelle pauvre, Dans ce cas, toute interprétation doit être prudente.

Le prélèvement pauvre peut traduire une réelle aplasie mais aussi une myélofibrose ou une
dilution sanguine lors de la réalisation du myélogramme.
C’est l’indication principale d’une biopsie ostéo-médullaire : elle doit être discutée avec un
hématologiste afin de prévoir, selon le contexte, une étude histochimique et la réalisation d’un
second myélogramme dans le même temps en prévoyant d’éventuels prélèvements pour
caryotype, biologie moléculaire ou immunophénotypage.
Elle permet d’affirmer la richesse exacte de la moelle et poser le diagnostic : aplasie,
envahissement, myélofibrose ou myélodysplasie.

49
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Les Anémies normocytaires régénératives (réticulocytes > 120G/L)


Le caractère régénératif traduit l’origine périphérique de l’anémie.

Il s’agit d’une hémorragie aiguë, d’une hémolyse pathologique ou d’une régénération


médullaire (dans ce dernier cas, le contexte est le plus souvent évident telle une
chimiothérapie)

Anémie hémorragique aiguë :


L’anémie est normocytaire parfois, le plus souvent légèrement macrocytaire,
proportionnelle à la perte sanguine. L’hyper réticulocytose n’apparaît qu’entre 3 et 4
jours pour être maximale qu’à 7 jours. Il ne faut donc pas éliminer un saignement si le
chiffre des réticulocytes est inférieur à 150 000/mm3.
Etiologies : il faut rechercher une hémorragie extériorisée
Anémies hémolytiques :
L’hémolyse induit une augmentation de la bilirubine libre traduisant le catabolisme de
l’hémoglobine et une haptoglobine basse.
L’augmentation des LDH permet de quantifier le degré hémolyse intra-vasculaire.

Pour la recherche étiologique : un contexte évocateur doit être recherché en premier


(hémolyse familiale, morsure de serpent …). En cas de fièvre, la réalisation d’hémocultures et
d’une goutte épaisse est systématique.

Trois examens doivent systématiquement être réalisés :

o Frottis sanguin (anomalies érythrocytaires, paludisme …),


o Test de Coombs direct (AHAI),
o Groupage sanguin.

Si ces examens ne sont pas informatifs, une consultation spécialisée doit être effectuée.

Les Anémies macrocytaires non régénératives


Il faut éliminer en premier lieu les causes évidentes :
Insuffisance thyroïdiennes : dosages de TSH et T 4
Alcoolisme : contexte clinique et biologie
Médicaments
En dehors de ces circonstances on demandera :
Un myélogramme
Un dosage de vitaminémie B12 sanguine
Un dosage des folates sériques et érythrocytaires
Ces examens permettront de séparer les anémies mégaloblastiques et les
myélodysplasies

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Anémies normocytaires, normochromes hyporégénératives.

Anémie de l’insuffisance rénale

Anémie des maladies hépatiques

Anémie liée aux endocrinopathies

Hyper-/hypothyroïdie

Maladie d’Addison

Panhypopituitarisme

Anémie aplastique et pure red cell aplasia

Atteintes hyporégénératives médicamenteuses ou toxiques

Chimiothérapies dans les traitements oncologiques

Analogues nucléosidiques dans le traitement HIV (zidovudine)

Immunosuppresseurs (mycophénolate, sirolimus)

Exposition au benzol

Irradiation accidentelle

Infiltration de la moelle osseuse

Leucémie

Myélome, lymphome

Myélofibrose

Métastases

Syndrome myélodysplasique

Anémie par dysérythropoïèse

Anémie de l’insuffisance rénale

Dans l’insuffisance rénale, une anémie normocytaire normochrome s’explique tout d’abord
par une diminution de la sécrétion d’érythropoïétine, mais aussi par les effets toxiques des
substances d’origine rénale sur la moelle osseuse et par une durée de vie légèrement
raccourcie des érythrocytes. Précisons que l’anémie ne dépend pas de la cause de
l’insuffisance rénale. Il n’y a que dans les atteintes rénales polykystiques que la sécrétion

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

d’érythropoïétine est souvent conservée ou peut même s’élever. Par ailleurs, une anémie liée
à une insuffisance rénale n’apparaît pas avant que la clairance de la créatinine soit inférieure à
40 ml/min. Quant à la numération des réticulocytes, elle est soit dans la norme soit légèrement
élevée. En outre, il est probable que dans le cadre d’une insuffisance rénale la mobilisation
des réserves de fer est un peu inhibée ce qui peut aboutir à une carence en fer fonctionnelle
malgré des réserves adéquates. Le meilleur paramètre pour mettre en évidence cette carence
en fer est une fois de plus le pourcentage des érythrocytes hypochromes. En pratique, la
prescription de fer i.-v. S’est révélée efficace jusqu’à ce que le taux de ferritine atteigne la
norme supérieure ou la dépasse un peu. Lorsque la ferritine dépasse 600 ng/ml, il est certain
qu’il faut arrêter le fer i.-v. Puisque à ce stade la quantité de radicaux libres du fer augmente,
ce qui peut favoriser soit l’apparition d’une artériosclérose soit l’induction d’une tumeur.

Anémie des maladies hépatiques

Les trois quarts des patients atteints de cirrhose hépatique présentent une anémie. Les
complications de la cirrhose participent à la formation de cette anémie: inhibition médullaire
toxique par l’alcool, carence en folates et saignements des varices œsophagiennes ou des
hémorroïdes. Mais, même en l’absence des complications mentionnées, on peut observer une
anémie qui s’explique par l’association de trois facteurs: une hypervolémie due à la
splénomégalie (effet de dilution), une hémolyse et une production médullaire diminuée. Peu
de patients développent une anémie hémolytique plus grave liée à une modification
morphologique des érythrocytes (acanthocytes, «spur cells»). La triade stéatose (avec ou sans
cirrhose), anémie hémolytique aiguë et hyperlipoprotéinémie (type V) dans le contexte de la
maladie alcoolique porte aussi le nom de syndrome de Zieve. En règle générale, les indices
érythrocytaires sont normaux, mais il n’est pas rare d’observer une macrocytose souvent liée à
la consommation d’alcool ou à une carence en folates. Dans les hémolyses plus graves liées
aux maladies hépatiques, on retrouve des acanthocytes (érythrocytes avec plusieurs spicules)
et une réticulocytose.

Anémie des endocrinopathies

Une anémie normocytaire ou discrètement macrocytaire a été constatée chez 21 à 60% des
patients présentant une hypothyroïdie. Elle s’explique par une diminution de la production
érythrocytaire de la moelle osseuse et correspond probablement à une adaptation
physiologique au fait que, dans l’hypothyroïdie, le corps consomme moins d’oxygène. 10–
15% des patients avec une hyperthyroïdie présentent également une anémie dont la
pathogenèse n’est pas élucidée. Le MCV est normal ou légèrement abaissé. Après la puberté,
les taux d’hémoglobine sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes. Cependant,
après une orchidectomie, les taux masculins s’alignent sur les normes féminines. En outre,
une discrète anémie s’observe dans la maladie d’Addison. Enfin, une insuffisance
hypophysaire entraîne une anémie en réduisant la production hormonale de la thyroïde, des
surrénales et des gonades. Elle est réversible avec un traitement de substitution adapté.

Anémie aplastique

Le terme d’anémie aplastique est réservé aux pancytopénies dans lesquelles il y a une
diminution de la production des trois lignées cellulaires dans la moelle osseuse. Il s’applique
aux hypoplasies et aplasies médullaires ainsi qu’aux cas d’aplasie sans cause décelable. Sont
exclues de cette catégorie les aplasies liées aux chimiothérapies ou à d’autres médicaments

52
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

inhibant la division cellulaire. Précisons toutefois que plusieurs médicaments ont été mis en
cause dans la formation d’une anémie aplastique sans que leur mode d’action puisse expliquer
le déclenchement d’une telle anémie. En effet, la relation de causalité n’a été bien documentée
que pour quelques médicaments: le chloramphénicol, la phénytoïne, les sels d’or et
probablement les sulfonamides. En outre, les infections sont actuellement de plus en plus
considérées comme faisant partie des causes d’anémie aplastique. Aussi certaines aplasies
graves ont-elles été en partie attribuées à l’hépatite non A, non B, non C, et à la mononucléose
aiguë. Néanmoins, dans environ la moitié des cas, on ne trouve pas de facteur déclenchant.
Ces cas idiopathiques représentent l’anémie aplastique dans son sens le plus étroit. Les
examens de laboratoire révèlent une pancytopénie. Les indices érythrocytaires sont normaux
ou macrocytaires. La numération des réticulocytes est proche de zéro. La ponction de moelle
osseuse permet de poser le diagnostic. Dans le diagnostic différentiel, il faut avant tout
exclure un syndrome myélodysplasique hypocellulaire, ce qui se fait surtout par une analyse
morphologique. Mais, pour compliquer le tout, une anémie aplastique peut se transformer en
syndrome myélodysplasique et des formes intermédiaires sont possibles.

Pure red cell aplasia

Apparentée aux anémies aplastiques, cette maladie rare se manifeste par une anémie
normocytaire ou macrocytaire et une numération des réticulocytes proche de zéro. Au niveau
de la moelle osseuse, la cellularité est normale mais les éléments de l’érythropoïèse manquent
complètement. Environ 10 à 15% de ces patients présentent un thymome qui est impliqué
dans la formation de l’aplasie. Si cette pathologie est parfois associée à des maladies auto-
immunes ou à une infection au parvovirus B 19, elle est le plus souvent idiopathique. Il existe
probablement aussi une «pure red cell hypoplasia» avec une érythropoïèse fortement
diminuée mais pas absente. A l’instar de l’aplasie, cette «forme fruste» peut très bien
répondre à un traitement de ciclosporine.

Syndrome myélodysplasique

Le syndrome myélodysplasique est une atteinte clonale des cellules souches de la moelle
osseuse. Elle se traduit par une hématopoïèse inefficace (mort cellulaire dans la moelle
osseuse – sous forme d’augmentation de l’apoptose – avant l’entrée dans la circulation) et des
troubles de la maturation, qui entraînent différentes formes de cytopénies. Il n’est pas rare que
ce syndrome soit à l’origine d’une cytopénie inexpliquée et sa fréquence augmente nettement
avec l’âge. C’est l’examen morphologique du frottis sanguin qui permet de poser le
diagnostic; en effet, un oeil exercé peut, soit reconnaître avec précision, soit exclure un SMD
sur la base du frottis sanguin. Cependant, il est nécessaire de confirmer le diagnostic par un
examen de la moelle osseuse. Les signes de dysplasie morphologique d’une, de deux ou des
trois lignées cellulaires représentent un critère diagnostique important. Les dysplasies les plus
significatives sont: la macrocytose, des formes de larmes, des neutrophiles aux granulations
anormales ou absentes, des ponctuations basophiles sans CRP, des noyaux de forme
pelgeroïde, des thrombocytes agranuleux ou encore des thrombocytes géants. Dans la moelle,
on trouve, au sein d’une cellularité soit augmentée soit diminuée, des micro-mégacaryocytes,
des bâtonnets géants, des macro-érythroblastes et des noyaux de formes atypiques dans les
érythroblastes. Mais il est important de reconnaître que ce diagnostic morphologique est
difficile et qu’il nécessite le recours à des spécialistes, toutefois, cette démarche permet
d’éviter des investigations laborieuses et des tentatives thérapeutiques inutiles.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Processus infiltratifs

L’ensemble des processus infiltratifs néoplasiques touchant la moelle osseuse, y compris les
cancers métastatiques, les leucémies et l’ostéomyélofibrose, induisent des anémies
hyporégénératives. Dans ces cas, seule la ponction de moelle osseuse permet de poser le
diagnostic. Néanmoins, on trouve classiquement une image de leuco-érythroblastose en
périphérie. Ce terme décrit le passage des érythroblastes et des précurseurs de la myélopoïèse
dans la circulation.

Expansion de volume plasmatique

Il est rare qu’une expansion du volume plasmatique soit à l’origine d’une anémie. Strictement
parlant, ce n’est pas vraiment une anémie puisque la masse érythrocytaire est normale; il
s’agit plutôt d’un effet de dilution qui s’observe en cas de grossesse, de splénomégalie,
d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale ou d’hypoalbuminémie. Une diminution de
l’hématocrite, pouvant aller jusqu’à 16%, a été mesurée chez des patients avec des œdèmes
une heure après qu’ils se sont couchés.

Comment investiguer une anémie normocytaire normochrome?

Commencer par mesurer les réticulocytes et les paramètres de l’hémolyse (bilirubine, LDH,
créatine érythrocytaire, haptoglobine). Si les réticulocytes sont élevés, c’est soit une
hémorragie, soit une hémolyse (voir ci-dessous) selon l’anamnèse et les résultats des
paramètres hémolytiques. S’il n’y a pas de réticulocytose, rechercher les causes, à la fois
rénales (créatinine), hépatiques (transaminases) ou endocrines (TSH, mal. d’Addison). Si ces
résultats sont dans les normes, poursuivre avec un examen de la moelle osseuse à la recherche
d’une anémie hypoplasique ou aplastique, d’un processus infiltratif ou d’un syndrome
myélodysplasique. Finalement, exclure une expansion du volume plasmatique en mesurant les
volumes érythrocytaire et plasmatique (appréciation des deux volumes).

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 32: Algorithme des ANN

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 33: Algorithme des Anémies normochromes régénératives

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

LES ANEMIES HEMOLYTIQUES


Les anémies hémolytiques sont soit normocytaires normochromes soit, dans un contexte de
réticulocytose, macrocytaires hypochromes.
Elles se différencient de toutes les autres anémies, exceptées de celle des pertes sanguines
subaiguës, par une réticulocytose régénérative. En effet, une réponse réticulocytaire élevée
limite le diagnostic différentiel à ce groupe d’anémies, c’est pourquoi cela vaut toujours la
peine de demander une numération des réticulocytes au début des investigations d’une
anémie.

Hémolyses exogènes : Les causes infectieuses ou toxiques peuvent être soit suspectées soit
exclues sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique. Parmi elles figurent la malaria et la
bartonellose (fièvre d’Oroya, Pérou) qui se diagnostiquent par l’objectivation des parasites
intra-érythrocytaires sur le frottis sanguin. La septicémie à Clostridium perfringens est
associée aux avortements septiques, à la cholangite, à la gangrène gazeuse, à la leucémie, à
l’endocardite, aux malformations artério-veineuses du tractus gastrointestinal ou encore à
l’entérite nécrosante du nouveau-né. Elle entraîne une hémolyse particulièrement rapide. Les
hémocultures permettent de poser le diagnostic. Beaucoup d’autres germes, Gram positif ou
négatif, peuvent causer une hémolyse.
Une série de médicaments et de produits chimiques provoquent une hémolyse chez les
patients présentant une résistance diminuée aux agressions oxydantes. Toutefois, il existe des
substances qui dénaturent également l’hémoglobine normale par oxydation et qui peuvent
ainsi déclencher une hémolyse.
Les substances les plus citées sont la naphtaline (antimites), la nitrofurantoïne (Furadantine
®, Urodin®), la salicylazosulfidine, la sulfaméthoxypyridine, l’acide aminosalicylique, le
Natriumsulfoxone, la dapsone et la phénazopyridine.
C’est par le même mécanisme qu’une exposition à 100% d’oxygène provoque une discrète
hémolyse [12]. En outre, des hémolyses mortelles peuvent suivre une exposition accidentelle
à des substances toxiques industrielles comme les particules de résine d’époxyde, le cuivre et
l’hydrogène arsine – un gaz sans couleur ni odeur – qui est utilisé pour travailler le métal
(corroder, enduire de plomb, galvaniser). Enfin, l’anamnèse permettra de repérer parmi les
causes d’hémolyse une exposition, soit à des venins d’araignées ou de serpents (en particulier
à celui du cobra), soit à de multiples piqûres d’abeilles.

Une hypophosphatémie grave – par exemple dans les cas de long traitement par des
antiacides qui captent les phosphates, d’alimentation parentérale sans adjonction de
phosphates ou d’alimentation gravement carencée, voire absente (alcooliques, p.ex.) – peut
entraîner non seulement une confusion, une asthénie et des paresthésies mais aussi une
anémie hémolytique

Les causes d’anémie hémolytique mentionnées ci-dessus sont certes rares, mais elles peuvent
être facilement exclues par l’anamnèse et par l’absence de signes infectieux.

Anémie hémolytique par allo-immunisation : Les anémies hémolytiques par allo


immunisation se présentent suite à des confusions dans les transfusions sanguines ou pendant
la grossesse, généralement par une immunisation rhésus de la mère

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Anémie hémolytique auto-immune : Des signes d’hémolyse auto-immune peuvent être


perçus à la formule sanguine de routine sous la forme d’une proportion de cellules
microcytaires hyperchromes. Sur le frottis sanguin, ces cellules prennent la forme de
microsphérocytes.
Dans une hémolyse, le premier examen de laboratoire à effectuer est une recherche
d’anticorps antiérythrocytaires (test de Coombs). S’il est positif, le diagnostic d’hémolyse
auto-immune est certain.
Les anémies hémolytiques auto-immunes sont souvent secondaires de sorte qu’il est justifié
d’en chercher l’étiologie. En sus d’une anamnèse dirigée sur les maladies listées plus bas et
d’un examen clinique, les examens suivants devraient faire partie des investigations: un
examen de la moelle osseuse dans le but d’exclure tant un lymphome qu’un myélome
multiple, une sérologie du lupus et, au moins, une radiographie du thorax et un ultrason
abdominal à la recherche d’une néoplasie, de lymphomes et/ou d’une splénomégalie. Les
examens sérologiques concernant les autres maladies auto-immunes présentées dans le
tableau ne se justifient que si les symptômes cliniques parlent en faveur de l’une ou l’autre de
ces pathologies.

Eventuels facteurs déclenchants d’une anémie hémolytique auto-immune secondaire.


Maladies auto-immunes
LED
Polyarthrite rhumatoïde
Sclérodermie
Rectocolite ulcéro-hémorragique
Leucémie lymphoïde chronique
Maladie de Hodgkin
Lymphome non hodgkinien
Myélome multiple, maladie de Waldenström
Thymome
Kyste dermoïde de l’ovaire
Tératome
Cancers
Hypogammaglobulinémie
Dysglobulinémie
Infection par le VIH
Infection par M. pneumoniae
Syphilis

Dans l’hémoglobinurie paroxystique a frigore, il y a un anticorps qui se lie aux érythrocytes


lorsque la température est basse et qui active le complément, ce qui induit une lyse lors du
réchauffement.
Cet anticorps a été décrit pour la première fois en 1904 par Donath et Landsteiner dans le
cadre d’une syphilis avancée et porte maintenant leurs noms. De nos jours, on le rencontre,
mais c’est rare, après d’autres infections ou de manière idiopathique. Sur le plan clinique,
cette pathologie se manifeste en cas d’exposition au froid par de la fièvre, des douleurs du dos
ou des membres inférieurs, des coliques, des céphalées, des nausées, des vomissements et des
diarrhées. Les premières urines qui suivent l’exposition sont de couleur rouge très foncé. On
recherche l’anticorps en exposant le sang prélevé au froid.

58
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

On rapporte régulièrement que l’alpha-méthyldopa, la pénicilline, les céphalosporines, la


tétracycline, le tolbutamide, la quinidine et le stiphobène sont à l’origine d’hémolyses auto-
immunes.
Plusieurs autres médicaments ont été incriminés dans des cas particuliers mais la qualité de la
démonstration de causalité est variable.
Dans les hémolyses auto-immunes, l’équilibre entre la destruction cellulaire et la production
cellulaire est souvent précaire; il peut basculer et rapidement évoluer vers la mort. C’est
pourquoi ce tableau clinique représente une urgence hématologique qui, dans les anémies
moyennes à graves, justifie sans aucun doute une orientation vers un centre expérimenté

Les principales anémies hémolytiques

1- Anémies hémolytiques acquises


2- Anémies hémolytiques immunitaires
3- Accident transfusionnel
4- Maladie hémolytique du nouveau-né
5- Anémie hémolytique auto-immune
6- Anticorps chauds
7- Hémoglobinurie paroxystique a frigore
8- Hémoglobinurie paroxystique nocturne
9- Syndrome de fragmentation des érythrocytes
10- Infections
11- Paludisme, toxoplasmose, leishmaniose, trypanosomiase, babésiose
12- Bartonellose, infections à Clostridium, choléra, fièvre typhoïde
13- Substances chimiques, médicaments, toxines
14- Oxydants
15- Substances chimiques non oxydantes
16- Venins de serpents et insectes
17- Hypophosphatémie
18- Maladies hépatiques
19- Anémies hémolytiques congénitales
20- Anomalies de la membrane érythrocytaire
21- Sphérocytose héréditaire
22- Ovalocytose héréditaire
23- Abêtalipoprotéinémie (acanthocytose)
24- Stomatocytose héréditaire
25- Xérocytose héréditaire
26- Déficit en lécithine-cholestérol-acétyl-transférase
27- Hémolyse avec élévation de la phosphatidylcholine
28- Atteintes liées au rhésus négatif
29- Phénotype McLeod
30- Déficit enzymatique dans la glycolyse érythrocytaire
31- Pyruvate kinase, glucose-6-phosphate isomérase, phospho fructokinase,
32- triose phophate isomérase, hexokinase, phosphoglycérate kinase, aldolase,
diphosphoglycérate mutase
33- Déficit enzymatique dans le métabolisme des nucléotides des érythrocytes
34- Pyrimidine 5‘ nucléotidase, adénosine triphosphatase, adénylate kinase
35- Hyperactivité de l’adénosine désaminase

59
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

36- Déficit enzymatique dans la voie des pentoses-phosphates et dans le métabolisme du


gluthation
37- Glucose-6-phosphate déhydrogénase, glutamyl-cystéine synthétase,
glutathionsynthétase, glutathion-réductase
38- Troubles de la synthèse de la globine
39- Hémoglobines instables
40- Drépanocytose
41- Autres hémoglobinopathies (C, D, E)
42- Thalassémie et hémoglobine H

Diagnostiquer une anémie hémolytique auto-immune (AHAI) n’est pas toujours facile et
peut exiger des examens immunohématologiques étendus, qui s’opposent à la nécessité
d’instaurer rapidement un traitement. Souvent aussi, il est difficile de faire mettre à
disposition un produit sanguin approprié en un bref délai. Une AHAI pose donc un immense
défi au laboratoire comme au clinicien, exigeant de leur part une collaboration étroite et une
bonne communication comme condition sine qua non du succès du traitement.

L’AHAI est souvent une complication secondaire à une autre maladie (par ex.
lymphoproliférative), mais peut aussi être une affection primaire survenant en absence de
maladie sous-jacente.

L’AHAI comprend plusieurs types décrits en détail ci-dessous, classés en fonction de la


température des auto-anticorps à laquelle ils sont actifs. Ainsi, on distingue les AHAI à auto-
anticorps «chauds», à auto-anticorps «froids» et à hémolysines biphasiques. Si l’AHAI à auto-
anticorps «chauds» est une maladie rare dont l’incidence ne dépasse pas 1:100 000, l’AHAI à
auto-anticorps «froids» a une incidence encore plus basse estimée à 1:1 000 000. Par contre,
10% des patients atteints de lupus érythémateux systémique (LES) développent une AHAI.

L’AHAI est souvent la complication d’un lymphome, mais peut aussi être le premier
symptôme d’un lymphome non encore diagnostiqué. Environ 18% des patients présentant un
AHAI primaire développement par la suite un lymphome manifeste [4]. Il n’est pas rare que
le traitement d’un lymphome de bas grade par la fludarabine ou la cladribine déclenche une
AHAI.

Pathogénèse

Un mécanisme central de l’AHAI est la réaction d’autoanticorps avec des épitopes (structures
protéiques et/ou glucidiques) situés à la surface des érythrocytes. L’importance clinique d’un
auto-anticorps dépend de son efficacité à activer le système du complément. Parce qu’elles
forment un pentamère, les immunoglobulines de l’isotype IgM sont des activateurs très
efficaces du système du complément. Les IgG1 et les IgG3 sont également des activateurs
efficaces du système du complément, les IgG2 et les IgA le sont par contre un peu moins. Les
IgG4 et les IgD n’induisent pas d’activation notable du complément. Du reste, la liaison aux
érythrocytes d’un auto-anticorps ayant le potentiel d’activer le complément ne mène pas dans
tous les cas à une activation du complément. La présence de régulateurs du complément et la
densité des épitopes sur l’érythrocyte sont des facteurs qui déterminent si, et à quel degré, le
système du complément sera activé. En général, l’activation du complément n’est pas
complète et il subsiste des produits de dégradation du complément (C3c, C3d) qui laissent des
traces («complément footprints») sur les érythrocytes. Quand le système du complément est

60
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

complètement activé (le plus souvent par des IgM), le complexe d’attaque membranaire (C6–
9) est intégré dans la membrane érythrocytaire, ce qui conduit à la lyse complète de
l’érythrocyte.

Un autre facteur qui détermine l’importance clinique est la température optimale de liaison
de l’auto-anticorps aux érythrocytes. Les auto-anticorps dits «froids» ont en général une
température optimale de liaison inférieure à 30 °C et sont de type IgM. Un auto-anticorps de
type IgM dont la température de liaison optimale avoisine 30 °C est important au plan
clinique parce que capable d’induire une activation du complément in vivo. Les auto-
anticorps dits «chauds», par contre, ont une température de liaison optimale de 37 °C et sont
le plus souvent de type IgG, rarement de type IgM et très rarement de type IgA. Les
hémolysines biphasiques sont des auto-anticorps de type IgG qui ont une température de
liaison optimale inférieure à 30 °C et activent le complément à 37 °C. Selon les isotypes des
autoanticorps et le degré d’activation du complément, les érythrocytes subissent une
dégradation intravasculaire ou extravasculaire dans la rate et le foie. Dans l’hémolyse
extravasculaire, les érythrocytes chargés d’autoanticorps et de facteurs du complément (C3c,
C3d) sont éliminés dans la rate et le foie par des phagocytes qui reconnaissent les récepteurs
ayant réagi avec le fragment Fc des auto-anticorps et/ou les récepteurs du complément. En cas
de forte activation du complément allant jusqu’à l’intégration du complexe d’attaque
membranaire dans la membrane érythrocytaire, la destruction touche même les érythrocytes
circulants: c’est l’hémolyse intravasculaire.

Etiologie des anémies hémolytiques auto-immunes.

Auto-anticorps (fréquence par habitant)

Type chaud (1:100 000)

Primaire (idiopathique)

Secondaire

1- Maladies lymphoprolifératives (lymphomes)


2- Maladies auto-immunes (LES, colite ulcéreuse)
3- Tumeurs malignes non lymphatiques (par ex. cancer de l’ovaire)

Type froid (1:1 000 000)

Primaire (idiopathique)

- Signe fréquent de lymphome occulte

Secondaire

1- Maladies lymphoprolifératives (lymphomes, maladie de Waldenström)


2- Infections (mycoplasmes, virus d’Epstein-Barr)

Hémolysines biphasiques (rare)

61
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Idiopathique

Secondaire

1- Affection post-virale, syphilis

Formes mixtes à auto-anticorps de type froid et chaud

Idiopathique

1- Maladies auto-immunes (LES)

Figure 34: Frottis sanguin d'une anémie hémolytique

Frottis de sang périphérique avec sphérocytes. Dans l’AHAI, l’hémogramme périphérique


montre souvent des sphérocytes (flèches). Il s’agit d’érythrocytes chargés d’auto-anticorps qui
ont perdu une partie de leur membrane, et donc leur forme biconcave, lors du passage dans la
rate.

Diagnostic

Aspects cliniques

Dans sa présentation clinique, une AHAI ne se distingue pas d’autres anémies hémolytiques
aiguës ou crises aiguës d’anémies hémolytiques chroniques. Les patients présentent souvent
un ictère et des signes cliniques d’anémie tels que pâleur, fatigue et intolérance à l’effort. Des

62
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

symptômes cliniques tels qu’une hémoglobinurie sont rares, mais le patient devra être
interrogé activement sur ce point. Dans une AHAI à autoanticorps froids, une exposition au
froid peut conduire à une cyanose des extrémités exposées (doigts, orteils, nez et oreilles)
résultant d’une agglutination d’érythrocytes dans les vaisseaux. La cyanose disparaît après
réchauffement de l’extrémité touchée et contrairement à ce que l’on observe dans le
phénomène de Raynaud, le patient ne développe pas d’hyperémie réactionnelle. L’existence
d’une maladie sous-jacente associée à un risque élevé d’AHAI (voir plus haut) peut contribuer
à évoquer un diagnostic de suspicion. Un grand nombre de ces maladies étant en elles-mêmes
associées à une anémie, une AHAI légère coexistante peut facilement échapper au diagnostic.

Aspects généraux du diagnostic de laboratoire

Outre une anamnèse détaillée et un examen clinique approfondi, les valeurs de laboratoire ont
une importance primordiale dans le diagnostic de l’AHAI. Le diagnostic de laboratoire se
fonde essentiellement sur les signes biochimiques d’hémolyse et la détection d’auto-anticorps
dirigés contre les érythrocytes par des méthodes immunohématologiques. Les signes d’une
intensification de la dégradation d’érythrocytes par hémolyse intra- ou extravasculaire sont
une hausse de l’activité LDH, une hyperbilirubinémie indirecte, une chute de l’haptoglobine
et une réticulocytose. Cela dit, une activité LDH normale n’exclut pas une hémolyse. La
réticulocytose peut être absente au début d’une AHAI et/ou chez des patients ayant une
réserve fonctionnelle limitée de moelle osseuse (par ex. après une chimiothérapie). Le frottis
de sang périphérique montre souvent des microsphérocytes. Ce sont des érythrocytes chargés
d’auto-anticorps qui ont perdu une partie de leur membrane et donc leur forme biconcave lors
du passage splénique. Dans l’hémolyse intravasculaire, l’hémoglobine libérée par les
érythrocytes détruits est éliminée par voie rénale, ce qui donne à l’urine une teinte brunâtre
(hémoglobinurie). L’hémosidérine dans l’urine trahit une hémolyse intravasculaire même
plusieurs jours après.

Immuno-hématologie

La présence d’auto-anticorps est l’élément central du diagnostic immuno-hématologique


d’AHAI. On utilise le test de Coombs indirect, appelé aussi test indirect à l’antiglobuline
(TIA), et le test de Coombs direct ou test direct à l’antiglobuline (TDA). Le TIA recherche les
auto-anticorps anti-érythrocytaires présents dans le sérum du patient. On incube des
érythrocytes-test standardisés en présence de sérum du patient puis, dans une deuxième étape,
on ajoute du sérum anti-humain dit «polyspécifique» qui réagit avec les anticorps de type IgG
et avec le complément (C3d). Si le sérum du patient contient des anticorps qui auront
sensibilisé les érythrocytes-test au cours de la première étape, le sérum anti-humain provoque
une agglutination et le test est positif (fig. 2 x, en haut). Dans le TDA, les auto-anticorps liés
aux érythrocytes sont directement mis en évidence par ajout de sérum anti-humain
polyspécifique. Les rares situations où le TDA reste négatif malgré une forte suspicion
d’AHAI posent un défi particulier. Dans cette situation, le diagnostic de suspicion d’AHAI
sera indirectement confirmé par la présence de microsphérocytes dans l’hémogramme
périphérique.

Dans la pratique hospitalière quotidienne, le TIA et le TDA sont effectués entre-temps par des
systèmes de test entièrement automatisés, tous basés sur la détection ou non d’une
agglutination. Une technique abondamment utilisée utilise des plaques microtitre revêtues
d’antisérum. Une autre méthode courante utilise des microtubes remplis de billes de gel. Les

63
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

anticorps (antisérum) et les érythrocytes sont d’abord incubés dans une chambre de réaction,
puis les microtubes sont centrifugés.

S’il y a eu agglutination, l’agglutinat est retenu au passage dans les billes de gel et le test est
positif. En absence d’agglutination, les érythrocytes peuvent traverser sans encombre la
couche de billes de gel et se retrouvent après centrifugation au fond du microtube. Le test est
alors négatif. Les grands laboratoires se servent parfois aussi de la cytométrie de flux pour
mettre en évidence des érythrocytes chargés d’anticorps et de complément. Dans certaines
recherches ou pour confirmer des résultats peu clairs, on recourt encore à la technique
éprouvée de longue date de l’agglutination évaluée à l’oeil nu dans un tube à essais.

Le test de Coombs direct (TDA) est positif

Si le TDA avec un sérum anti-humain polyspécifique donne un résultat positif, un deuxième


test avec un sérum monospécifique (ou un anticorps monoclonal) dira s’il s’agit d’IgG, du
C3c ou du C3d. Si le test détecte des auto-anticorps de type IgG sans C3c ni C3d, il s’agit
d’un auto-anticorps de type IgG qui n’active pas le complément. Si, par contre, le test détecte
en plus le C3c et/ou le C3d, il s’agit d’un auto-anticorps qui active le complément. Les deux
situations sont typiques des auto-anticorps de type «chaud». La détection d’un dépôt de
complément isolé sur les érythrocytes peut indiquer la présence d’un auto-anticorps de type
«froid» (IgM), de type «chaud» (IgM, IgA) ou biphasique, ce qui nécessitera des examens
diagnostiques complémentaires.

Une analyse suivante cherchera à identifier des auto-anticorps de type IgM ou IgA. Toutefois,
la méthode classique du TDA avec un antisérum monospécifique réagissant avec les IgM ou
les IgA donne généralement de maigres résultats. Les auto-anticorps de type IgA sont très
rares, ont une amplitude de température optimale à 37 °C et peuvent provoquer des hémolyses
fulminantes. Les auto-anticorps de l’isotype IgM sont difficiles à déceler, vu qu’en raison de
leur taille (pentamères), ils sont souvent éliminés par lavage pendant l’exécution du test. En
outre, l’amplitude de température de l’anticorps et la température à laquelle le TDA est
effectué jouent un rôle décisif dans la mise en évidence d’un auto-anticorps de type IgM.
L’étape suivante exploite la capacité des IgM, due à leur structure (pentamère) et à leur taille,
d’agglutiner les érythrocytes sans facteurs d’aide supplémentaires (anticorps dits «complets».
On incube le sérum du patient à 16 °C en présence d’érythrocytes-test. Une agglutination
spontanée des érythrocytes-test indique la présence très probable d’un auto-anticorps «froid»
de type IgM. Si ce test est également positif à 30 °C, il y a lieu de supposer que l’auto-
anticorps est potentiellement important sur le plan clinique. Il s’agira alors de déterminer si
l’auto-anticorps est potentiellement capable d’induire une hémolyse. Pour cela, on incube des
érythrocytes-test prétraités, beaucoup plus sensibles à la lyse par le complément que les
érythrocytes test conventionnels, en présence de sérum du patient à 16 °C et à 30 °C. Après
ajout d’une source de complément sous forme de sérum standard frais, on vérifie si les
érythrocytes-test sont lysés à 37 °C (fig. 5 x). Si tel est le cas, on conclut à la présence d’un
auto-anticorps «froid» d’importance clinique, potentiellement capable d’induire une hémolyse
intravasculaire chez le patient.

Les auto-anticorps responsables d’hémolyses intravasculaires fulminantes ont le potentiel de


lyser in vitro les érythrocytes non prétraités. Les conditions préanalytiques jouent un rôle
décisif dans la confirmation d’une suspicion d’auto-anticorps d’importance clinique de type

64
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

froid. Le sang doit être maintenu à 37 °C dès le prélèvement et pendant toute la procédure de
traitement.

Des températures plus basses pendant le traitement font courir le risque que les auto-anticorps
IgM soient adsorbés par les érythrocytes et ne puissent plus être décelés qu’à de faibles
concentrations dans le sérum.

Il existe des techniques d’élution fastidieuses permettant de détacher les auto-anticorps liés
aux érythrocytes afin de déterminer leur spécificité. L’éluat est alors incubé avec un panel
d’érythrocytes-test (comme dans le TIA). Si la spécificité de l’auto-anticorps contenu dans
l’éluat peut être établie, celle-ci sera mentionnée dans les résultats d’analyses (par ex. anti-C).
Il est toutefois fréquent qu’aucune spécificité ne puisse être établie (auto-anticorps non
spécifiques). Les auto-anticorps spécifiques de type «chaud» sont souvent dirigés contre tout
ou partie du système Rhésus, rarement contre l’antigène Kell. Quant aux auto-anticorps
«froids», ils réagissent souvent avec l’antigène I, et les hémolysines biphasiques sont dirigées
contre l’antigène P.

Figure 35:Test de Coombs Positif

65
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 36: Test de Coombs (Direct et Indirect)

Type & Screen: un exercice difficile dans l’AHAI

Une analyse Type & Screen doit être effectuée avant toute transfusion. Après la
caractérisation de l’auto-anticorps, la première priorité va à l’identification d’alloanticorps.

D’après la littérature, 15–43% des patients atteints d’AHAI sont aussi porteurs d’allo-
anticorps provenant en général des transfusions reçues. En outre, les patients qui ont déjà
développé des allo-anticorps ont un risque significativement accru de former des alloanticorps
supplémentaires. Le Type & Screen est compliqué par la présence d’auto-anticorps sur les
érythrocytes et dans le sérum du patient. La détermination sérologique du groupe sanguin, ou
typage sérologique («Type») du patient, est difficile et nécessite des étapes compliquées de
«lavage» des auto-anticorps fixés; dans bien des cas, un tel typage est impossible.

66
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Un génotypage des principaux groupes sanguins (Rhésus, Kell, Duffy, Kidd, SS) peut offrir le
moyen de décider si l’on a affaire ici à un allo-anticorps ou à un autoanticorps.

Un screening («Screen») et un test croisé des produits sanguins sont également difficiles dans
cette situation, vu que les auto-anticorps réagissent également avec les érythrocytes-test ou les
érythrocytes du donneur, donnant un résultat positif pour tous les tests.

Différentes méthodes d’absorption (auto- et allo-absorption) permettent d’éliminer


complètement les autoanticorps du patient et d’effectuer un screening des alloanticorps. Ces
tests sont longs, exigent beaucoup de matériel du patient et ne peuvent en général être
effectués que par des laboratoires centraux.

Figure 37: Coombs direct monospécifique

Si le test de Coombs polyspécifique est positif, d’autres tests sont effectués pour définir plus
précisément les éléments déposés sur les érythrocytes du patient. Pour cela, les érythrocytes
du patient sont incubés avec un antisérum monospécifique réagissant avec les IgG, les IgA,
les IgM ou avec le facteur du complément C3c ou C3d. Un test positif (agglutination par un
ou plusieurs antisérums) montre la présence du composant correspondant sur les érythrocytes
du patient.

67
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Hémoglobinurie paroxystique nocturne

Dans cette maladie, il y a une expansion monoclonale, rarement oligoclonale, d’une cellule
souche atypique. Ces cellules sont incapables de produire le glycophosphatidylinositol (GPI),
qui est l’ancrage de plusieurs protéines dans la membrane tant des érythrocytes que des
leucocytes et des thrombocytes. On attribue ce déficit à une mutation du gène codant pour une
enzyme, gène qui a été appelé phosphatidyl-inositolglycan classe A (PIG-A). Parmi les
protéines de la membrane qui se lient au GPI se trouvent deux inhibiteurs du complément: le
«Decay Activating Factor» (DAF=CD55), qui participe à l’inactivation du facteur du
complément C3 activé, et le «Membrane Inhibitor of Reactive Lysis» (MIRL=CD59).
L’absence de ces protéines à la surface des érythrocytes entraîne une diminution de la
résistance à la lyse par le complément. Quant au fait que l’hémolyse est augmentée la nuit,
c’est probablement une conclusion erronée à attribuer à la forte concentration des premières
urines du matin.

Figure 38: Concentrations des urines

Sur le plan clinique, on constate une anémie hémolytique de sévérité variable accompagnée
d’une réponse réticulocytaire proportionnelle à la gravité de l’anémie. Lorsque les
exacerbations saturent l’haptoglobine, elles entraînent une hémoglobinurie suivie d’une perte
de fer qui peut à son tour causer une carence en fer.

Au début, les leucocytes sont normaux et les thrombocytes sont tout au plus discrètement
diminués. Ensuite, soit, les cytopénies peuvent s’accentuer, soit, la maladie peut entrer en
phase de rémission. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’HPN fait des complications
thromboemboliques; aussi faut-il rechercher des signes d’HPN particulièrement en cas de
thromboses de localisation atypique, par exemple des thromboses des veines hépatiques, de la
veine porte ou des veines mésentériques.

68
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Il y a encore quelques années, on posait le diagnostic en testant la sensibilité à la lyse induite


par le complément. Une hémolyse était provoquée en laboratoire en présence du complément,
par exemple par acidification (test d’Ham Dacie). Au cours de ces dernières années, on a de
plus en plus utilisé la cytométrie par immunofluorescence (Fluorescence Activated Cell
Scanning = FACS) qui met en évidence l’absence des protéines d’ancrage du GPI, procédé
qui a permis de tester plusieurs protéines. Depuis peu, il existe une méthode simple et rapide:
une toxine de l’Aeromonas hydrophila, l’aérolysine, se lie spécifiquement aux protéines
d’ancrage du GPI. Si la toxine est couplée à une substance fluorescente (FLAER), elle peut
être utilisée dans la cytométrie par fluorescence pour le diagnostic de l’HPN; en effet, les
cellules normales lient la toxine avec pour résultat une fluorescence mesurable, tandis que les
cellules HPN ne présentent pas de telles liaisons. Généralement, les patients présentant une
HPN ont deux populations cellulaires: une négative et une positive.

Expression des protéines d’ancrage de surface GPI sur les cellules hématopoïétiques
humaines

Figure 39: CD55 et CD59

69
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 40: DAF, MIRL

GR Type I: Cellules normales

GR Type II: Déficience intermédiaire

GR Type III: Déficience totale

Clone PNH=Type II+Type III

L’analyse des cellules sanguines par cytométrie en flux des érythrocytes, des leucocytes (en
particulier des polynucléaires) et des plaquettes est une méthode spécifique et très sensible
permettant un diagnostic rapide (en quelques heures) et fiable des HPN. L'analyse des
érythrocytes seuls par les tests d'hémolyse, voire par une méthode rapide d'agglutination en
gel, permet une orientation du diagnostic qui devra être confirmé par l'analyse des
érythrocytes et des leucocytes par cytométrie en flux.

Les techniques de biologie moléculaire, permettant de mettre en évidence une altération du


gène Pig A, identifié comme le gène responsable du déficit en GPI-protéines dans les HPN,
restent actuellement des méthodes de recherche lourdes à mettre en œuvre. Un recul suffisant
pour l'interprétation des résultats obtenus sera nécessaire avant de les envisager comme
méthode de diagnostic des HPN. En toute objectivité, la cytométrie en flux représente la

70
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

meilleure méthode pour la mise en évidence de plusieurs populations érythrocytaires


coexistantes et la multiplicité des appareils fait que la méthode est maintenant largement
répandue et utilisée par tout bon laboratoire d'hématologie.

Figure 41 : Clone HPN

Hémolyse par fragmentation des érythrocytes

Les hémolyses par fragmentation des érythrocytes forment un groupe bien défini caractérisé
par la présence de schizocytes. Ces derniers peuvent être triangulaires, en faucilles ou en
«casques» et sont le produit d’érythrocytes qui ont subi des traumatismes mécaniques
intravasculaires.

D’ailleurs, on oublie souvent que les érythrocytes qui perdent leur membrane de manière
mécanique peuvent devenir sphériques autour d’un contenu qui ne diminue pas, formant ainsi
des sphérocytes reconnaissables en tant que sous-population hyperchrome. Les prothèses de
valves cardiaques, mais aussi les affections valvulaires graves – surtout les sténoses aortiques
et les végétations liées aux endocardites causent une fragmentation mécanique directe. Les
modifications que subissent les érythrocytes lors de leur fragmentation dans les gros
vaisseaux sont comparables à celles qui ont lieu dans les microangiopathies.

Purpura thrombopénique thrombotique (PTT) et syndrome hémolytique urémique


(SHU)

Le PTT et le SHU se caractérisent, non seulement, par une hémolyse avec schizocytes, mais
aussi, par une insuffisance rénale. En sus, dans le PTT, on trouve généralement une
thrombopénie, de la fièvre et des troubles neurologiques dus à des microinfarctus dans le
SNC. Dans ce contexte de tendance aux occlusions vasculaires, on observe également des
infarctus du myocarde. Néanmoins, les deux tableaux cliniques ne sont pas faciles à délimiter
et les formes mixtes sont fréquentes.

71
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

La pathogenèse s’explique par une lésion de l’endothélium des petits vaisseaux (ce processus
est essentiellement rénal dans le SHU). Cela cause, d’une part, des microthromboses suivies
de lésions des organes concernés, et d’autre part, une perte de la surface lisse de
l’endothélium, probablement par des agrégations plaquettaires et secondairement par des
dépôts de fibrine, suivie d’une fragmentation des érythrocytes.

Les infections peuvent être un facteur déclenchant de SHU surtout. Tout d’abord, les
infections à E. coli entéro-hémorragique (sérotype 0157:H7) et à Shigella dysenteriae peuvent
provoquer des flambées, des sortes de petites épidémies, de SHU chez les enfants en bas âge.
Ensuite, d’autres germes comme le Streptococcus pneumoniae peuvent aussi être incriminés.
Dans le PTT, l’absence d’une protéase scindant le facteur de von Willebrand joue un rôle [20]
dont, toutefois, les tenants et les aboutissants sont contestés.

C’est la constellation des observations cliniques et des résultats des examens de laboratoire
qui permet de poser le diagnostic. Les examens de laboratoire se caractérisent par une urémie,
des signes d’hémolyse, des schizocytes et, obligatoirement, une élévation de la LDH
(hémolyse intravasculaire). Une thrombopénie et une consommation des facteurs de
coagulation – ce qui peut entraîner une diminution du temps de Quick – ne sont pas toujours
présentes. Dans cette situation, une consommation importante des facteurs de coagulation et
du fibrinogène parle plutôt en faveur d’une coagulation intravasculaire disséminée.

Cancers métastatiques

Dans les cancers métastatiques généralisés, on observe parfois une anémie hémolytique avec
schizocytes. Sur le plan de l’étiologie, on l’attribue à des dépôts de fibrine dans les vaisseaux
tumoraux. Mais il existe une autre tentative d’explication: l’observation de multiples embolies
tumorales pulmonaires suivies d’une prolifération de l’intima des vaisseaux, entraînant une
augmentation de la pression artérielle pulmonaire et, par là, des forces de cisaillement sur les
érythrocytes, ce qui causerait une fragmentation. Dans ces cas également, il faut penser au
diagnostic différentiel d’une coagulation intravasculaire disséminée liée à la tumeur.

Chimiothérapie

Plusieurs substances antinéoplasiques peuvent être à l’origine d’un tableau semblable au


PTT/SHU. Cette complication se présente de loin le plus fréquemment, c’est à dire chez 2 à
10% des patients traités par chimiothérapie, après de la mitomycine C, plus rarement après du
cisplatine, du carboplatine, de la bléomycine ou de la gemcitabine. Elle commence
généralement quatre à huit semaines après la dernière dose et a, comme particularité
supplémentaire, d’être fréquemment associée à un oedème pulmonaire d’origine non
cardiaque.

Transplantation d’organe

Un tableau proche du PTT/SHU peut apparaître suite à la transplantation d’organes solides ou


de moelle osseuse. Dans ce dernier cas, il survient aussi bien dans les transplantations

72
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

allogéniques qu’autologues. L’irradiation du corps entier et la prescription de cyclosporine A,


potentiellement toxique pour l’endothélium, semblent être des facteurs de risque importants.

Grossesse

Un groupe de pathologies liées au péripartum montre une forte parenté avec le PTT/SHU: ce
sont la prééclampsie, l’éclampsie, le syndrome HELLP (Hemolysis, Elevated Liver enzymes,
Low Platelets), le PTT de la grossesse et le SHU du post-partum. Dans toutes ces pathologies,
il y a une atteinte multisystémique touchant à des degrés variables le foie, les reins, le SNC et
le cœur. En outre, on trouve régulièrement une hémolyse microangiopathique avec formation
de schizocytes. Les critères diagnostiques sont les mêmes que ceux du PTT, grossesse mise à
part.

Hypertension maligne

On n’a pas encore élucidé le mécanisme qui cause la fragmentation des érythrocytes dans les
cas de pression artérielle excessivement élevée, mais ce phénomène est souvent observé dans
l’hypertension maligne. Une partie des patients présente en plus une discrète thrombopénie.

Coagulation intravasculaire disséminée

Quelle qu’en soit la cause, la coagulation intravasculaire disséminée provoque de toute façon
une fragmentation des érythrocytes. Sont importants pour le diagnostic: la consommation du
fibrinogène et des facteurs de coagulation avec une diminution du Quick et du fibrinogène, la
thrombopénie et les manifestations des différentes lésions organiques.

Maladies auto-immunes

Une hémolyse microangiopathique s’observe dans les différentes pathologies des


rhumatismes inflammatoires et des vascularites, telles que le lupus érythémateux, la
polyarthrite rhumatoïde, le syndrome de Sjögren, la panartérite noueuse, la polymyosite, la
sclérodermie, la granulomatose de Wegener, la maladie de Horton. Sur le plan de la
pathogenèse, on émet l’hypothèse de dépôts de complexes immuns au niveau endothélial,
suivis de modifications endothéliales et de dépôts de fibrine.

Les hémoglobinopathies

Les hémoglobinopathies, aussi bien quantitatives (thalassémies) que qualitatives


(drépanocytose, hémoglobines instables), entraînent une hémolyse suivie d’une réponse
réticulocytaire compensatoire. Leur diversité est telle que toutes les mutations ne peuvent pas
être présentées. Les thalassémies sont microcytaires et hypochromes. Elles ont été discutées
dans le passage qui leur est consacré. La drépanocytose se diagnostique au moyen du test de
falciformation (exclusion d’O2) et/ou d’une électrophorèse de l’hémoglobine. Les différentes
hémoglobines instables entraînent des anémies hémolytiques de sévérité variable
accompagnées de paramètres érythrocytaires également variables. Généralement, ils sont
normochromes normocytaires ou hypochromes discrètement microcytaires. Le frottis sanguin
révèle en plus une anisochromie, une poïkilocytose et des ponctuations basophiles.

73
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Lorsqu’on suspecte une hémoglobine instable d’être à l’origine d’une hémolyse, il faut
commencer par une coloration des réticulocytes avec examen au microscope puisque le
colorant (le bleu de crésyl brillant) met en évidence l’hémoglobine dénaturée, sous forme de
corps de Heinz, à la face interne de la membrane érythrocytaire. Toutefois, il faut savoir que,
chez de nombreux patients, les corps de Heinz ne peuvent être observés qu’après une
splénectomie ou pendant la phase aiguë d’une hémolyse. Les autres moyens d’investigation à
disposition sont les tests, d’une part, d’instabilité thermique, d’autre part, de précipitation par
l’isopropanol. Pour notre part, nous préférons les examens testant la sensibilité à l’oxydation
parce qu’ils révèlent aussi avec fiabilité les variantes de l’hémoglobine et les déficits
enzymatiques. Précisons que l’électrophorèse de l’hémoglobine ne permet qu’un diagnostic
partiel des hémoglobines instables.

Variantes de la forme des érythrocytes

La sphérocytose héréditaire est due à l’absence d’une protéine membranaire spécifique des
érythrocytes, ce qui accélère le processus au cours duquel la membrane devient plus petite.

Sont nécessaires au diagnostic: la présence obligatoire d’une sous-population d’érythrocytes


hyperchromes, des sphérocytes sur le frottis et une résistance osmotique diminuée.

Le test de Coombs permet d’exclure les hémolyses auto-immunes qui, en général,


comprennent également la présence de sphérocytes.

L’elliptocytose héréditaire est très proche de la sphérocytose; elle repose en partie sur des
déficits en protéines membranaires très semblables à ceux de la sphérocytose. Les ovalocytes,
caractéristiques sur le frottis, permettent de poser le diagnostic.

La stomatocytose héréditaire et la xérocytose s’expliquent par un transport pathologique des


ions à travers la membrane. Néanmoins, les stomatocytes se retrouvent aussi dans les
intoxications alcooliques aiguës, les pathologies hépato-biliaires graves et après certains
traitements médicamenteux, par exemple par vincristine. Lorsque la stomatocytose est
importante, il y a une discrète hémolyse.

L’acanthocytose se caractérise morphologiquement par des prolongements cellulaires en


forme de spicules. On l’impute à une asymétrie des deux couches de la membrane cellulaire
favorisant la couche interne. Contrairement à

L’échinocytose, les spicules sont grossières, de longueurs diverses et moins nombreuses. Les
anglophones désignent ces cellules par le terme de «spur»-cells (spur = éperon).
L’acanthocytose acquise se retrouve dans la sous-alimentation (par exemple dans l’anorexie
nerveuse), dans l’hypothyroïdie, après splénectomie et dans l’insuffisance hépato-cellulaire
grave. Les formes héréditaires comprennent l’Abêtalipoprotéinémie et le phénotype McLeod
(= absence de l’antigène Kell dans le groupe sanguin). Le diagnostic d’acanthocytose se pose
au moyen du frottis sanguin. Quant au phénotype McLeod, il peut être obtenu lors de la
détermination sérologique du groupe sanguin. Le degré de sévérité de l’hémolyse dans
l’acancythose varie, mais des transfusions peuvent s’avérer nécessaires.

74
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Déficits enzymatiques érythrocytaires

Les déficits enzymatiques de la glycolyse et du métabolisme des nucléotides peuvent causer


une hémolyse par différents mécanismes. Ces pathologies sont difficiles à diagnostiquer, c’est
pourquoi cette tâche est réservée aux laboratoires spécialisés. Ces examens sont coûteux et, en
raison tant de la rareté de ces pathologies que du large éventail des déficits génétiques
possibles, ils ne sont justifiés que dans des cas précis, une fois que toutes les autres causes
d’anémie hémolytique ont été exclues.

Déficit enzymatique dans la voie des pentoses-phosphates et dans le métabolisme du


gluthation

Les situations suivantes produisent des substances oxydantes (H2O2 et O2–): le métabolisme
de certains médicaments, les leucocytes en cas d’infections et la réaction entre hémoglobine et
oxygène. La voie des pentoses-phosphates est la seule source érythrocytaire de nicotinamide-
adénine-dinucléotide-phosphate (NADPH) réduit, indispensable à la réduction du gluthation.
Le gluthation protège la cellule contre les agressions oxydantes. Des déficits enzymatiques
dans ce système augmentent la sensibilité à l’oxydation, ce qui entraîne la dénaturation de
l’hémoglobine avec formation de corps de Heinz et aboutit à une hémolyse. Pour poser le
diagnostic, il faut à nouveau tenter de mettre en évidence les corps de Heinz par une
coloration des réticulocytes. Dans ce cas aussi, il est préférable de ne pas utiliser les tests
génétiques d’emblée, à cause de la diversité et de la rareté de ces déficits enzymatiques. Il
vaut mieux objectiver la sensibilité à l’oxydation de manière globale par différents tests de
laboratoire. En effet, le déficit enzymatique sous-jacent n’a généralement qu’un intérêt
académique.

Comment investiguer une anémie hémolytique?

Pour terminer, voici une proposition permettant d’investiguer une hémolyse. La séquence des
points 4 à 9 peut varier en fonction des résultats obtenus auparavant.

1. Confirmer la présence d’une hémolyse par la numération des réticulocytes, la créatine


érythrocytaire (meilleur paramètre pour déterminer l’âge des érythrocytes) et l’haptoglobine.
Précisons que la sensibilité de la LDH est très bonne dans les hémolyses intravasculaires mais
nettement moins dans les hémolyses extravasculaires.

2. La présence de sphérocytes, déjà perceptible lors de la cytométrie en flux sous la forme


d’une sous-population hyperchrome, réduit rapidement le diagnostic différentiel aux
hémolyses auto-immunes, aux hémolyses mécaniques (macro- ou microangiopathie) et à la
sphérocytose héréditaire.

3. Exclure une hémolyse toxique sur la base de l’anamnèse.

4. Objectiver / exclure une anémie hémolytique auto-immune par le test de Coombs.

5. Objectiver / exclure un syndrome de fragmentation érythrocytaire (entre autres PTT / SHU)


par l’examen clinique, les examens de laboratoire et la recherche de schizocytes.

75
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

6. Objectiver / exclure une variante héréditaire de la forme érythrocytaire par le frottis sanguin
et, selon la situation, par l’évaluation de la résistance globulaire osmotique.

7. Objectiver / exclure une augmentation de la sensibilité à l’oxydation par les tests présentés
dans le tableau 5.

8. Objectiver / exclure une hémoglobinurie paroxystique nocturne par l’anamnèse, l’examen


des urines, le test FLAER ou une détermination du phénotype immunitaire.

9. Objectiver / exclure une hémoglobine instable par la recherche de corps de Heinz avec la
coloration au bleu de crésyl brillant (coloration des réticulocytes), l’instabilité à la chaleur, le
test de précipitation par l’isopropanol ou éventuellement une électrophorèse de
l’hémoglobine.

Figure 42: Schizocytes

Apprécier la vraisemblance de la présence de schizocytes en interprétant l’hémogramme


et les autres données biologiques disponibles : indispensable

La recherche de schizocytes n’est jamais une prescription isolée, puisqu’elle accompagne la


prescription d’un hémogramme, et qu’une exploration biochimique est le plus souvent
associée (bilans dits « d’entrée » ou « d’urgence »). L’ensemble des résultats biologiques de
première intention peut constituer une aide pour l’interprétation des résultats du frottis

76
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

sanguin. Si associés à un test de Coombs érythrocytaire direct, ils orientent immédiatement le


diagnostic.

Une anémie est souvent présente, le plus souvent franche. Cependant, le taux d’hémoglobine
peut être normal ou très modérément abaissé dans la phase initiale des MAT. L’analyse de la
courbe de répartition en volume des hématies sur l’hématimètre indique souvent un
épaulement à gauche (hématies avec diminution de volume), avec augmentation de l’index de
distribution. Un épaulement à droite est également usuel du fait de la grande régénération qui
accompagne ces anémies. Tout est affaire de chronologie : date du prélèvement par rapport à
la date réelle de début de la MAT. Ces anomalies et les alarmes dites « qualitatives » ou « de
suspicion » qui les accompagne, bien que non spécifiques et variables selon les appareils,
soient suggestifs de la présence de schizocytes. L’association anémie et thrombopénie doit
conduire à la recherche attentive de schizocytes sur le frottis. En effet, une thrombopénie est
un signe majeur d’orientation au cours des MAT, bien que toutes les anémies hémolytiques ne
s’accompagnent pas obligatoirement d’une thrombopénie. La thrombopénie est généralement
importante avec un chiffre médian de 25 × 109/L. Si la numération des plaquettes est effectuée
par impédance, il peut exister une pollution de la zone de comptage des grandes plaquettes par
des petits globules rouges et, en particulier, par les schizocytes. La validation du chiffre des
plaquettes impose dans ce cas un contrôle de la numération en cellule, sur frottis ou par
cytométrie. La thrombopénie a été rapportée au cours des MAT comme un signe très précoce,
pouvant précéder les anomalies de la série érythrocytaire et l’élévation des LDH. Par ailleurs,
le chiffre des plaquettes permet de juger de l’efficacité du traitement. Il est recommandé de
poursuivre la thérapeutique jusqu’à normalisation du chiffre des plaquettes (> 150 × 109/L) et
stabilisation de ce dernier (≥ 2 jours).

Parmi les autres explorations, la numération des réticulocytes permettra la mise en évidence
de la régénération (à la phase initiale, l’augmentation franche est décalée de quelques jours).
La disparition de l’haptoglobine du plasma est un excellent stigmate de l’origine
intravasculaire de l’hémolyse. Un bilan d’hémolyse plus complet (bilirubine libre et
conjuguée, augmentation marquée des LDH) est à discuter suivant le contexte. Une
exploration biochimique est utile pour apprécier les fonctions hépatiques et rénales (pronostic
et traitement). Le test de Coombs érythrocytaire direct est négatif dans le cas d’une MAT,
éliminant en pratique une hémolyse auto-immune où des microsphérocytes sont fréquemment
observés et parfois de rares schizocytes. En principe, cet examen peut être effectué
rapidement.

Dans le cadre des diagnostics différentiels, une CIVD doit être écartée. En principe, elle est
exceptionnelle au cours des PTT/SHU de l’adulte. Quand elle existe, elle témoigne souvent de
formes frontières (par exemple, cancers mucosécrétants métastasés), où la question devient de
savoir si les schizocytes et la thrombopénie sont expliqués par une CIVD, une MAT ou
l’association des deux pathologies [17]. Au cours des CIVD, des schizocytes peuvent parfois
être visibles. La CIVD est alors généralement grave, s’accompagnant de dépôts de fibrine
dans les capillaires ou les artérioles du rein en particulier. Une CIVD importante peut
s’accompagner d’une anémie hémolytique modérée avec présence de schizocytes, mais
l’association avec une anémie importante se majorant est un argument en faveur d’une MAT
surajoutée. Les signes biologiques les plus spécifiques d’une CIVD sont les monomères de
fibrine, les fragments F1+2 de la prothrombine et les complexes thrombine-antithrombine. En
revanche, les D-dimères peuvent être modérément augmentés au cours des MAT. Le
diagnostic de CIVD doit associer au moins un critère témoignant de la consommation et au

77
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

moins un témoignant de thrombine circulante (ou de fibrine soluble, indirectement par les
produits de dégradation, ou directement par les monomères de fibrine ± complexés).

En cas de diagnostic difficile, des examens anatomopathologiques permettent de confirmer la


suspicion clinique (biopsie rénale ou gingivale) mais un délai de quelques jours est
obligatoire, ce qui est souvent incompatible avec l’urgence du traitement. La biopsie rénale
permet, devant l’association créatinémie et hématurie, d’établir le diagnostic entre MAT,
angéite, syndrome des antiphospholipides (SAPL), et de détecter une maladie sous-jacente
(lupus, sclérodermie). La gravité des lésions rénales conditionne le pronostic. Les lésions
typiques sont constituées de microthrombi plaquettaires au sein de la microcirculation,
composés essentiellement de plaquettes et de facteur Willebrand (vWF), et associés à de
faibles quantités de fibrine ou de fibrinogène.

L’étude des multimères du facteur Willebrand et de l’activité de sa protéase a permis d’avoir


des indices directs prouvant la présence d’une MAT. La lésion endothéliale joue un rôle clé
dans la physiopathologie complexe des MAT. Elle est responsable de la libération
plasmatique du facteur vWF et de multimères de très haute masse moléculaire. Leur activité
proagrégante est importante, notamment au niveau microvasculaire où les forces de
cisaillement sont élevées. La physiopathologie du PTT est de plus généralement associée à un
défaut de clivage de ces multimères de très haute masse moléculaire par la protéase spécifique
du vWF, la métalloprotéase ADAMTS 13 (A Disintegrin And Metalloprotease with
Thrombospondin type 1 domains). La répartition des multimères du vWF est analysable par
électrophorèse en gel de SDS-agarose et permet de détecter la présence de multimères de très
haut poids moléculaire. Le déficit de l’activité d’ADAMTS 13 peut être constitutionnel ou
acquis. Dans le contexte des PTT « familiaux », des mutations du gène codant pour l’enzyme
sont responsables de l’absence d’activité fonctionnelle. Les déficits acquis le sont
généralement par le biais d’auto-anticorps inhibiteurs qui sont responsables des formes
sporadiques. Le SHU n’est en revanche pas habituellement associé à une réduction de
l’activité d’ADAMTS 13.

L’origine des schizocytes peut être triple : 1) mécanique, par fragmentation sur des filaments
de fibrine au niveau microvasculaire (microangiopathie), sur une prothèse valvulaire
cardiaque désinsérée, dans un circuit de dialyse… ; 2) membranaire, par fragilité du
cytosquelette, souvent dans le contexte d’une dysérythropoïèse ; 3) par chauffage de la
membrane des hématies (brûlures), provoquant la séparation de fragments souvent à tendance
sphérique (blebs, buds) mais parfois proches des schizocytes. Le seul problème clinique
majeur est le diagnostic des MAT et donc la détection des fragments résultant du premier
mécanisme. Mais le plus fréquemment rencontré est celui correspondant à des anomalies de
fabrication des hématies au cours d’une dysérythropoïèse, que l’hémopathie soit maligne ou
bénigne.

Le purpura thrombotique thrombocytopénique (PTT), décrit par Elie Moschcowitz en 1924,


est défini classiquement par l’association de cinq signes : fièvre, signes neurologiques variés
(apathie, céphalées, troubles de la conscience, signes focaux), insuffisance rénale, anémie
hémolytique, thrombopénie (de survenue précoce et souvent importante avec purpura
pétéchial et ecchymotique). En fait, l’association des cinq signes serait minoritaire (40 % des
cas), alors que 75 % des malades ont des anomalies majeures de l’hémogramme et
l’association anémie avec schizocytes, thrombopénie et augmentation des LDH est
suggestive. Les modalités thérapeutiques actuelles, perfusion ou échange plasmatique, ont

78
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

permis de réduire la mortalité à environ 10 % des malades. Des formes familiales ont été
décrites, avec apparition dans l’enfance et récurrences à intervalles réguliers. Des déficits
héréditaires en ADAMTS13 caractérisent le syndrome d’Upshaw-Schulman. De rares formes
iatrogènes ont été rapportées, en particulier après initiation d’un traitement par ticlopidine ou
clopidogrel.

Figure 43: Anémie hémolytique à médiation immune

Sur ce frottis à 500x, on observe de nombreux globules rouges agglutinés (A) et plusieurs
sphérocytes (B). La présence de nombreux polychromatophiles (C) témoigne du caractère
régénérateur de l'anémie.

La « Maladie chronique des Agglutinines froides », une entité à part au sein des AHAI

Bien qu'habituellement classée dans les AHAI à anticorps « froids », la « maladie chronique
des agglutinines froides » (MAF) se distingue des autres types d’AHAI. En effet, par
opposition aux autres rares formes aigues et transitoires d’AHAI à anticorps « froids »
d’origine post-infectieuse (pneumopathie à mycoplasme, infection à Cytomégalovirus…), la
MAF proprement dite s’apparente le plus souvent à un syndrome lymphoprolifératif B CD20+
kappa+) d’évolution chronique, associé à la présence d’une IgM kappa monoclonale ayant
une activité d’agglutinine froide. Elle ne se voit guère que chez l’adulte de plus de 50 ans, et
son pronostic est plus lié à l’évolutivité de l’hémopathie lymphoïde sous-jacente qu’à
l’anémie hémolytique qui ne met que très rarement en jeu le pronostic vital. Le traitement des

79
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

manifestations hémolytiques se limite le plus souvent à des mesures purement


symptomatiques : protection vis-à-vis du froid, supplémentation en folates ± transfusion de
concentrés érythrocytaires réchauffés en cas d’anémie sévère et/ou mal tolérée.

La corticothérapie et la splénectomie sont notoirement inefficaces et les immunosuppresseurs


d’efficacité inconstante pour prévenir les poussées d’hémolyse. Le rituximab, anticorps
monoclonal anti-CD20, peut être efficace dans environ 2/3 des cas, mais cette efficacité est le
plus souvent transitoire.

Figure 44: Type IgA

Figure 45: Type IgG et C3d

80
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 46: revêtement érythrocytaire des IgG et des IgA

Le visage des anémies hémolytiques auto-immunes a évolué ces 15 dernières années sur trois
points que nous développons dans cette revue générale. En termes de diagnostic, la réalisation
du test direct à l’antiglobuline ou test de Coombs direct en utilisant la technique de gel
filtration avec l’usage d’anti-IgA a fait diminuer le nombre d’anémies hémolytiques auto-
immunes à test de Coombs négatif. En termes de situations cliniques, on a assisté à
l’émergence d’anémies hémolytiques auto-immunes associées à des situations cliniques
nouvelles (nouveaux médicaments immunomodulateurs, greffe d’organe, transplantation de
cellules souches hématopoïétiques, transfusions itératives). Leur prise en charge thérapeutique
est parfois complexe. En termes de traitement, après 50 ans de stagnation thérapeutique, la
venue des anticorps anti-CD20 représente une avancée significative dans la prise en charge de
cette maladie. La discussion d’un usage en seconde ligne est maintenant bien établie en
concurrence de la splénectomie. Son usage en première ligne est l’objet de recherche clinique.

Diagnostic biologique positif


Anémie absente ou modérée, ou parfois sévère.

Hémoglobine : 5 – 15 g/dL.

Des valeurs N ou sub N sont possibles : la destruction des GR est alors ± compensée par une
augmentation de la production médullaire.

Normochrome, normocytaire ou macrocytaire.

La macrocytose (jusque 110 fL) est liée au fait que les réticulocytes ont un volume de 20%
supérieur à celui des GR définitifs, ce qui fait augmenter le volume moyen des hématies. Sur
les histogrammes des volumes de GR des automates on peut parfois observer une double
population de GR ou un épaulement à droite.

81
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Remarque : la macrocytose est parfois secondaire à une carence en folates liée à une
consommation accrue par l’érythropoïèse excessive.

Attention : une anémie hyperchrome, avec CCMH jusque 150 g/dL, normo ou
macrocytaire, doit faire évoquer la présence d’agglutinines froides : la CCMH est
anormalement haute parce que les GR formant des amas sont mal comptés par les automates,
ce qui entraine un hématocrite anormalement bas, alors que l’hémoglobine est correctement
mesurée. L’incubation 1H à 37°C de l’échantillon sanguin normalise la CCMH (VGM, la N°
GR et l’Hte) en cas d’agglutinine froide.

* Régénérative : réticulocytes = 150 -600 G/L (voire plus)

Remarque : le taux des réticulocytes est parfois « normale » :

- les 3 premiers jours d’une crise hémolytique,

- quand les Ac détruisent à la fois les GR adultes et les réticulocytes (fréquents).


[C’est dans ce seul cas que la N° réticulocytes est utilisable en % plus qu’en valeur absolue].

* Frottis sanguin

- Anisocytose avec polychromatophilie (liée aux réticulocytes : plus grands, souvent un peu
bleutés),

- des sphérocytes s’observent dans 1/3 des cas (jusque 100% des GR) : secondaires à la
phagocytose de fragments de membrane recouverts d’Ac par les macrophages lors du passage
des GR dans la rate, ce qui entraine une perte de protéines et la sphérisation.

- absence de schizocytes (important pour le diagnostic différentiel).

- hématies avec inclusions : corps de Pappenheimer (granules de fer), corps de Howell Jolly
(fragment d’ADN), anneaux de Cabot (restes du fuseau mitotique des érythroblastes) = signes
de dysérythropoïèse. Corps de Pappenheimer et corps de Howell–Jolly sont constamment
présents chez les patients splénectomisés.

- Présence possible d’agglutinats d’hématies (à différencier des hématies en rouleaux) : sur


le frottis réalisé à température ambiante, ils évoquent la présence d’agglutinines froides
(surtout si l’agglutination disparaît en réchauffant le prélèvement sanguin à 37°C), parfois
d’anticorps chauds.

- Erythroblastémie = présence d’érythroblastes circulants. Possible, parfois > 100 % (en


parallèle de l’hyper réticulocytose).

* Leucocytes.

Nombre normal ; parfois polynucléose neutrophile dans les poussées aiguës, associée à une
discrète myélémie (< 5%).

82
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Un excès de lymphocytes au-delà de 5 G/L devra être exploré : lymphoprolifération maligne


(monotonie cellulaire) ? Syndrome mononucléosique (population cellulaire hétérogène) ?

* Plaquettes.

Nombre le plus souvent normal

Petite augmentation possible lors des crises aiguës hémolytiques

Si thrombopénie : évoquer un syndrome d’Evans (très rare) = coexistence d’au moins 2


cytopénies auto-immunes (ici AHAI et PTI).

Myélogramme

N’est pas réalisé pour le diagnostic de l’AH, mais dans le cadre du bilan étiologique :

- moelle riche avec hyperplasie érythroblastique (40 -80 % d’érythroblastes), parfois


des mégaloblastes intermédiaires (anémie macrocytaire) ;

- étudier le nombre et la morphologie lymphocytaires : syndrome lymphoprolifératif


associé ?

Signes biochimiques d'hémolyse

- Bilirubine augmentée, essentiellement libre (surtout dans AH intratissulaires, mais


observable dans les AH intravasculaires), dans 80 % des cas ;

- LDH augmentées, dans 80 % des cas [proviennent des mitochrondries des réticulocytes
lysés, parfois aussi des érythroblastes lysés] ;

- Haptoglobine.

Hémolyse intratissulaire : Haptoglobine très basse (= 0.1 – 0.5 g/L) (N= 0.7 – 2.5 g/L),

Hémolyse intravasculaire : souvent < 0.03 g/L (= indosable).

Fabriquée par le foie, l’Haptoglobine fixe l’Hb libre plasmatique : le complexe Hb-Hp est
épuré en quelques minutes par les macrophages (l’Haptoglobine peut disparaître totalement
du plasma).

Attention : les grands états inflammatoires augmentent la synthèse d’Hp.

- Hémoglobine libre plasmatique : augmentée dans l’AH intra vasculaire. L’Hb libre non
captée par l’haptoglobine se retrouve dans les urines : une hémoglobinurie apparaît, avec
risque d’anurie (insuffisance rénale aiguë possible).

Autres : Fer sérique augmenté, ferritine augmentée, urobiline urinaire augmentée, et


stercobilinogène fécal augmenté (surtout hémolyses intratissulaires).

83
LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Les tests immunohématologiques.

Test de Coombs direct, ou test à l’antiglobuline.

Met en évidence des Ac ou des composants du complément fixés à la surface des GR.

On utilise successivement :

Une antiglobuline polyspécifique (dirigée contre tous les types d’Ig et le complément),

Puis diverses antiglobulines monospécifiques : anti IgG, anti IgM, anti-C' (C3d isolé).

Les réactifs sont polyclonaux ou monoclonaux, et on réalise éventuellement les tests à 37°C et
à 4°C ; la technique est automatisable.

Les principales positivités sont : IgG seul ou IgG + C3d,

C3d isolé ou IgM + C3d

Si le test de Coombs est positif de type complément seul : l’IgM se fixe sur le GR, puis le C’
se fixe, puis l’IgM se détache.

Remarques. Divers problèmes possibles :

* Limite de sensibilité : 100 - 150 molécules d’Ig en surface du GR,

* Faux négatifs : erreur technique, quantité d’Ac trop faible, AHAI à IgA (3% des AHAI)

* Faux positifs : AH immunologique induite par des médicaments, adsorption non


spécifique d’Ig (hyper-gamma-globulinémie, injection d'Ig, myélome), autres AH immunes :
MHNN, accident transfusionnel).

* test direct positif isolément : quelques cas sans aucune pathologie

Recherche d’anticorps sériques = test de Coombs indirect

Le sérum du malade est mis en contact avec des hématies tests ou d’un panel connu, puis
les hématies sont lavées et mise en contact avec une antiglobuline : l’agglutination signe la
présence d’Ac. L’agglutination différentielle des hématies du panel choisi permet de
déterminer la spécificité de l’Ac.

Le test peut être réalisé à diverses températures (4°C, 22°C et 37°C) et/ou sensibilisé par
traitement enzymatique des GR par les protéases (papaïne).

On peut par cette méthode déterminer le titre de l’Ac (dilutions successives du sérum du pt),
et déceler des Ac à faible affinité.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Remarques: parfois présence d’auto-Ac froids à faible titre chez des sujets sans AH (titre
minimal de positivité fixé par le laboratoire) L’absence d'auto-Ac sériques n’exclut pas
formellement la nature auto-immune de l'hémolyse

Test d’élution directe

Surtout utile pour définir la spécificité des Ac vis-à-vis des Ag de groupe sanguin ; n’est pas
indispensable au diagnostic.

Confirme la présence d'un Ac fixé sur les GR et permet d’étudier la nature, les
caractéristiques et la spécificité de l'Ac. Les Ac fixés sur les GR sont détachés (chaleur, éther,
digitonine acide), et sont ensuite mis en contact avec un panel de GR de phénotype connu

Les AHAI avec hémolysine biphasique de Donath et Landsteiner

Elles représentent moins de 5% des AHAI. Elles sont observées plus souvent chez l’enfant au
décours de certaines infections : Mycoplasma pneumoniae et infections virales :
mononucléose infectieuse, oreillons, varicelle, rougeole ; infections rhino-pharyngées virales
de l’enfant (anticorps IgG anti P + c) ; la vaccination anti-rougeoleuse.

Le tableau clinique est celui de l’hémoglobinurie paroxystique a frigore


Les signes infectieux d’allure grippaux (syndrome infectieux d’allure viral parfois de type
rhino-pharyngitique) sont suivis d’une crise hémolytique aiguë pas toujours déclenchée par le
froid : il s’agit d’une hémolyse intravasculaire avec hémoglobinurie et anémie parfois sévère,
sans signes d’acrosyndrome (à l’inverse de la maladie des agglutinines froides). Il existe des
frissons, des douleurs abdominales et lombaires ou des membres inférieurs. On peut observer
une hémoglobinurie.

Diagnostic positif

Le test de Coombs est positif de type complément ou plus rarement IgG + Complément
(l’IgG s’élue spontanément à chaud). L’anticorps, de type IgG est dit biphasique car il fixe le
complément à froid (< 15°C), l’hémolyse a lieu à chaud (>30°C). Il s’agit d’une IgG froide,
s’éluant à chaud, non agglutinante, fixant le complément. Il s’agit d’une immunoglobuline de
type Donath-Landsteiner. Le test de Coombs indirect est positif à 4°C.

La cible est un antigène du système P. La guérison est le plus souvent spontanée. Si une
transfusion est nécessaire, il faut utiliser une transfusion un concentré érythrocytaire
isogroupe y compris dans le système P et réchauffer le produit à 37°C avant la transfusion.

Le traitement est le repos au chaud. Si une transfusion est nécessaire, il faut utiliser des
culots globulaires réchauffés dans l’idéal du groupe P négatif (mais il s’agit d’un groupe rare).
Le tableau initial est souvent dramatique, mais l’évolution bénigne. La corticothérapie
souvent prescrite est d’efficacité incertaine.

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 47: Les symptômes de l'anémie

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LES CAHIERS D’HEMATOLOGIE

Figure 48: Principales causes des anémies hémolytiques

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