Infection de Plaie Operatoire 2.02: I - Definitions
Infection de Plaie Operatoire 2.02: I - Definitions
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Objectif
Une meilleure compréhension de la pathogénie et des facteurs de risque d'infection, les progrès de l'hygiène,
des techniques opératoires, d'anesthésie et de réanimation ont transformé le pronostic des actes
chirurgicaux. L'adoption de l'asepsie et de l'antisepsie associée à l'antibioprophylaxie ont permis à la
chirurgie moderne de réduire notablement le taux d'infection du site opératoire (ISO) en s'opposant à un des
facteurs essentiels de risque qu'est l'inoculum bactérien. L'infection du site opératoire reste cependant la
principale complication postopératoire, ce qui s'explique en partie par la pratique de gestes plus complexes
chez des patients porteurs de pathologies plus graves. Les ISO peuvent allonger la durée du séjour
hospitalier, retarder la reprise de l'activité professionnelle, entraîner des séquelles transitoires ou
permanentes, un préjudice moral ou financier, voire le décès du patient, toutes conséquences qui justifient la
mise en place de la surveillance et de la prévention de ces infections.
Techniques et méthodes
I – DEFINITIONS
Depuis les publications des Centers for Disease Control d’Atlanta (CDC) en 1992, reprises dans les 100
Recommandations du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France, le terme «infection du site
opératoire» (ISO) remplace celui d'infection de la plaie opératoire (IPO).
L'ISO se définit par la présence de pus provenant d'une des localisations suivantes :
Une ISO est considérée comme nosocomiale quand elle n'est ni présente ni en incubation à l’entrée et si elle
survient dans les 30 jours qui suivent l’intervention ; cette période est étendue à un an en cas de mise en
place de matériel prothétique artificiel.
II – EPIDEMIOLOGIE
1) Fréquence
Le nombre d'opérés est estimé en France à 6 millions par an et 2 à 3% d'entre eux développent une ISO. Ce
taux est confirmé par des résultats provenant de la base de données communes (RAISIN) des 5 réseaux de
surveillance des centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales (C.CLIN) : en 1998 et
1999, tous types d'intervention confondus, 2551 ISO sont déclarées pour 102 228 actes (résultats). Ce
chiffre, retrouvé dans nombre de pays européens, est superposable à celui publié par les travaux des CDC
qui font référence depuis une vingtaine d'années.
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2) Micro-organismes
Les bactéries sont les agents microbiens en cause dans la majorité des ISO. On observe aussi, dans
certaines circonstances, des levures et des champignons filamenteux.
Le patient est la source principale de ces bactéries qui proviennent soit de la peau (staphylocoques pénétrant
la plaie lors de l’incision ou des manœuvres chirurgicales), soit des tractus respiratoire, digestif, génital et
urinaire (contenant naturellement des bactéries Gram négatif et anaérobies), soit d'un site opératoire infecté
et concerné par l’acte chirurgical.
Par opposition à la source endogène que représente le patient et qui est majoritairement en cause dans les
ISO, le personnel et l'environnement opératoire au sens large du terme constituent les sources exogènes
d'infection. Les bactéries commensales de la flore cutanée ou muqueuse (mains, cuir chevelu, naso-pharynx,
périnée) des membres de l'équipe opératoire, les bactéries pathogènes dont ils seraient porteurs sains ou
infectés (streptocoque du groupe A par exemple), les bactéries présentes sur les instruments (mal stérilisés
ou longtemps exposés à l'air ambiant), dans l'eau ou les solutés (Pseudomonas aeruginosa, mycobactérie
atypique) et des levures ou des champignons filamenteux présents dans l'air (système de ventilation)
peuvent être à l'origine d'ISO.
III – PATHOGENIE
Chez l’animal, il est démontré que le risque d’ISO est majoré lorsque le site opératoire est contaminé par plus
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de 10 micro-organismes par gramme de tissu ou lorsqu'un matériel étranger est placé dans ce site, par
seulement 100 micro-organismes. Cette relation entre la taille de l’inoculum et le risque infectieux est
retrouvée chez l’homme et varie en fonction de la nature de l'intervention qui est classée dans une des 4
catégories du score d'Altemeïer (Tableau I) :
La présence d'une infection à distance du site opératoire, dont les micro-organismes peuvent contaminer le
site chirurgical par voie cutanée, hématogène ou lymphatique, augmente également le risque d'ISO. Une
relation semble établie, pour les interventions de chirurgie propre comportant la mise en place d'une prothèse
articulaire ou d'un implant, entre le portage nasal de staphylocoque doré et le risque d'ISO, des
staphylocoques dorés identiques à ceux présents dans le site infecté ayant été retrouvés dans les narines
des opérés.
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IV - FACTEURS DE RISQUE
Si le déterminant principal à l’origine d’une ISO est le micro-organisme, il est rarement en cause isolément.
Différents facteurs de risque liés à l’acte chirurgical, à l’environnement dans lequel il est pratiqué, à l’opéré et
à la qualité de ses mécanismes de défense vont intervenir à des degrés divers pour faciliter la survenue de
l’infection, soit en abaissant le seuil du nombre de micro-organismes induisant l'infection, soit en perturbant
les mécanismes de défense de l'opéré (Tableaux II et III).
Au sein de l’ensemble des facteurs de risque connus, les plus fortement associés au risque de survenue
d’une ISO sont :
- la nature de l'intervention,
- la durée d’intervention, à partir d'une durée-seuil déterminée par le percentile 75 de la distribution des
durées de chaque type d’intervention,
- l’état général du patient et de susceptibilité à l’infection, reflété par le score ASA pré anesthésique qui
comporte 5 stades (patient sain, patient avec une atteinte systémique légère, patient avec une atteinte
systémique sérieuse mais non invalidante, patient avec une atteinte systémique avec une menace
constante pour la vie, patient moribond).
La combinaison de ces 3 éléments fournit un index de risque simple et pertinent, l'index NNIS, qui permet de
regrouper des patients ayant a priori une exposition au risque infectieux similaire et de tenir compte des
risques propres aux différentes catégories d'opérés et d'interventions chirurgicales (Encadré 1). Le taux
d'ISO augmente avec la valeur de l'index NNIS : de 1,5% (NNIS à 0) à 15% (NNIS à 3).
Concernant les autres facteurs, leur influence n'est pas toujours établie bien que cliniquement admise, soit
qu'ils soient difficiles à mesurer simplement et précisément, soit qu'ils n'aient pas statistiquement fait la
preuve de leur responsabilité (dénutrition, chimiothérapie, radiothérapie), soit qu'ils n'aient pas été évalués
car liés à d'autres facteurs prédictifs (habileté du chirurgien, complexité de l'acte). L'analyse bactériologique
de l'extrémité des drains (mis en place pour prévenir l'accumulation de sang et de sécrétions qui constituent
un excellent milieu pour la croissance bactérienne), en particulier dans la chirurgie orthopédique aseptique,
ne paraît pas apporter d'aide dans la prédiction de la survenue ultérieure d'une ISO, ni dans le diagnostic
précoce d'une infection du site opératoire.
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Encadré 1 - L'index de risque NNIS
Les variables utilisées (score de contamination, score ASA, durée d'intervention) sont recodées de la façon
suivante :
- Score de contamination
0 = chirurgie propre ou propre contaminée (classe 1 ou 2 d’Altemeier)
1 = chirurgie contaminée, sale ou infectée (classe 3 ou 4 d’Altemeier)
- Score ASA
0 = patient sain ou avec maladie systémique légère (ASA 1 ou ASA 2)
1 = patient avec atteinte systémique sérieuse ou invalidante, ou patient moribond (ASA >3)
- Durée d'intervention
0 = durée inférieure à valeur seuil
1 = durée supérieure ou égale à la valeur seuil
Prévention
Les mesures recommandées sont celles dont l'efficacité est démontrée par des études de niveau scientifique
le plus élevé possible. Elles concernent surtout la période pré et peropératoire et ont pour cibles principales
le patient et le personnel. Elles reposent sur le contrôle des réservoirs de micro-organismes et sur
l’interruption de leur transmission. D'autres mesures permettant le maintien ou le renforcement des défenses
immunitaires de l'opéré au niveau local ou général (maintien d'une perfusion et d'une oxygénation tissulaire
adéquates, administration locale d’antibiotiques, etc.) font partie des approches expérimentales dans une
perspective de réduction supplémentaire de ces infections.
I - MESURES PREOPERATOIRES
1) Préparation du patient
• Toute infection à distance préexistante est préalablement traitée et l'intervention différée, sauf urgence,
jusqu’à la guérison.
• La consommation de tabac sous toutes ses formes est arrêtée au moins 30 jours avant l’intervention.
• La dépilation est interdite sauf si la pilosité au niveau ou autour du site opératoire représente une gêne
pour l’intervention. Dans ce cas la dépilation est pratiquée immédiatement avant l’intervention en utilisant de
préférence une tondeuse électrique. Une dépilation chimique peut également être réalisée sous réserve d'un
test allergique préalable.
• Deux douches (comprenant un lavage du corps et de la tête) avec un savon désinfectant sont prises par
le patient la veille et le matin de l’intervention. La répétition des douches est un consensus français validé
pour diminuer la colonisation cutanée. S’il n’y a qu’une douche, elle doit être prise le matin de l’intervention.
• Un lavage et un nettoyage rigoureux de la zone opératoire précédent le temps de désinfection cutanée qui
est réalisé avec un antiseptique approprié.
2) Antibioprophylaxie
• Un antibiotique est administré à titre prophylactique seulement lorsque cela est indiqué par les
conférences de consensus et il est choisi en fonction de son efficacité vis-à-vis des micro-organismes
habituellement impliqués dans la survenue d’une ISO.
• La première dose d’antibiotique est administrée par voie veineuse, à l'induction de l'anesthésie, pour que
les concentrations bactéricides sériques et tissulaires du produit soient atteintes au moment de l’incision. En
fonction de la pharmacodynamie du produit, d'éventuelles réinjections sont nécessaires pour maintenir ces
concentrations pendant toute l’intervention et au plus quelques heures après la fermeture.
• En plus de l'utilisation par voie veineuse d'antibiotique, une préparation mécanique du colon par lavement
ou purgatif est réalisée avant les interventions colorectales réglées, associée à l'administration d'agents
antimicrobiens non absorbables oraux en plusieurs prises le jour précédent l’intervention.
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II - MESURES PEROPERATOIRES
• Une désinfection chirurgicale des mains par lavage (lavage chirurgical des mains) ou par frictions (friction
chirurgicale des mains) est réalisée avant tout acte chirurgical ou assimilé.
• Un masque chirurgical recouvrant totalement la bouche et le nez, et un calot ou une charlotte recouvrant
totalement les cheveux sont portés pendant toute la durée de l'intervention.
• Les sarraus et les champs opératoires sont stériles et possèdent un effet « barrière » même lorsqu’ils
sont mouillés.
• Les gants sont stériles et leur type, nombre et fréquence de changement, sont définis par type
d'intervention.
2) Dispositifs médicaux
• Les instruments de chirurgie sont stériles (ou à défaut désinfectés selon une désinfection de haut niveau).
3) Ventilation
• Le système de ventilation assure un renouvellement de l’air d'au moins 15 volumes par heure avec au
moins 3 volumes d’air neuf.
• L’air neuf ou repris est filtré avec des filtres adaptés et normalisés.
• Les portes de la salle d'opération sont maintenues fermées.
La salle d'intervention (surfaces et équipements) est nettoyée avant l’intervention suivante selon les
techniques recommandées pour le bionettoyage.
III – SURVEILLANCE
La surveillance des ISO est à mettre en oeuvre en respectant les principes suivants :
• Des définitions standardisées sont utilisées pour identifier les ISO chez les opérés.
• Les variables les plus prédictives du risque d’ISO (classe de contamination, score ASA et durée de
l’intervention) sont recueillies pour chaque patient bénéficiant d’une intervention incluse dans la surveillance.
• Les taux d’ISO sont stratifiés en fonction des variables prédictives du risque d’ISO (Index NNIS).
• Les taux d’ISO sont restitués à l’équipe chirurgicale selon une fréquence fonction du volume d’intervention
et des objectifs locaux d’amélioration continue de la qualité.
La réduction des infections du site opératoire est un des objectifs prioritaires du programme national de lutte
contre les infections nosocomiales qui se traduit à l'échelon d'un établissement de santé par l'organisation
d'un système de surveillance et la mise en place de mesures préventives. Cette stratégie suppose que les
personnels concernés soient informés des risques encourus par les opérés et des mesures techniques
recommandées. Ces mesures font l'objet de procédures écrites et leur application est régulièrement évaluée.
Responsables
Le CLIN définit la politique de prévention des ISO, en accord avec les cliniciens, la pharmacie et les services
économiques, acheteurs.
Les IDE, sages femmes, ASD et autres soignants sont responsables de l'application de ces protocoles.
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Evaluation
Différents niveaux d'évaluation sont nécessaires :
- Surveillance épidémiologique
- Qualité : des études périodiques d'évaluation des pratiques doivent être programmées afin de réajuster la
formation du personnel.
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