Bilinguisme Et F.E Thèse

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UNIVERSITE BORDEAUX SEGALEN

Année 2013

Thèse n° 2079

THESE

pour le

DOCTORAT DE L‘UNIVERSITE BORDEAUX 2

Mention : Sociétés, Politique et Santé Publique


Option : Sciences Cognitives et Ergonomie
Spécialité : Sciences Cognitives

BILINGUISME ET FONCTIONS EXECUTIVES :


une approche développementale

Présentée et soutenue publiquement le vendredi 13 décembre 2013

Par Clémence DANA-GORDON


Née le 19.04.1975 à Neuilly sur Seine
Devant le jury composé de :

M. Bernard N’KAOUA
Professeur, Université Bordeaux Segalen …………………………………… Président de Jury
M. Pierre-Alain JOSEPH
Professeur, Université Bordeaux Segalen …………………………………… Examinateur
Mme Claire VALLAT-AZOUVI
Docteur, Université Paris VI ………………………………………………… Examinateur
M. Thierry ROUSSEAU
Docteur, HDR, Université d‘Angers …………………………………………. Rapporteur
M. Xavier DE BOISSEZON
Professeur, Université Paul Sabatier Toulouse 3 ……………………………. Rapporteur
M. Jean-Michel MAZAUX
Professeur, Université Bordeaux Segalen ……………………..…………….. Directeur de Thèse
RESUME

___________________________________________________________________________

En Sciences Cognitives, de plus en plus de travaux se sont consacrés à l‘étude du


fonctionnement cognitif chez les sujets bilingues. Ces études ont notamment montré que ces sujets
étaient plus performants sur le plan du fonctionnement exécutif comparés aux monolingues.
Cependant, ces travaux sont marqués par une très grande hétérogénéité dans la sélection des sujets
ainsi que dans la méthodologie utilisée. La nature des composantes exécutives impliquées, la modalité
(verbale vs non-verbale), ainsi que l‘effet de l‘âge sur cet avantage exécutif restent à préciser.
Objectif.
Etudier le fonctionnement exécutif et les stratégies cognitives de sujets bilingues français-
anglais, dans des tâches exécutives (flexibilité, inhibition et mise à jour) verbales et non-verbales, et
dans une épreuve de résolution de problèmes complexes, à divers âges de la vie.
Matériel et Méthode.
85 sujets bilingues (17 préadolescents (13-15 ans), 20 adolescents (16-18 ans), 19 adultes (18-
60 ans), 19 adultes (18 à 40 ans) et 10 adultes (41-65 ans)) et 85 sujets monolingues français appariés
en âge et en quotient intellectuel ont été inclus et ont été évalués sur les des tests verbaux et non-
verbaux explorant les trois composantes exécutives du modèle de Miyake, Friedman & al. (2000).
Résultats.
Chez les préadolescents, aucun avantage n‘est retrouvé en faveur des bilingues quelles que
soient la composante ou la modalité. Concernant les adolescents, les bilingues ont un avantage
principalement en flexibilité en non-verbal, et à l‘inverse, les monolingues ont un avantage en verbal
pour cette même composante.
Pour l‘ensemble de ces adolescents, concernant la résolution d‘un problème complexe, les
monolingues mettent principalement en jeu des capacités inhibitoires et des capacités de mise à jour
(verbal), alors qu‘aucune stratégie préférentielle n‘est retrouvée chez les bilingues.
Chez les adultes de 18-60 ans, des performances plus élevées pour les capacités d‘inhibition et
en mise à jour sont retrouvées chez les bilingues, particulièrement en modalité verbale. Concernant la
résolution d‘un problème complexe, les monolingues mettent en jeu des capacités d‘inhibition et de
flexibilité, alors qu‘aucune stratégie préférentielle n‘est retrouvée chez les bilingues, à l‘image de ce
qui est observé chez les adolescents.
Comparativement aux adultes plus jeunes ainsi qu‘à des monolingues âgés, les bilingues âgés
présentent des performances plus élevées pour les capacités de flexibilité, de mise à jour (verbal et
non-verbal) et d‘inhibition (verbal). L‘inhibition est également moins ralentie dans les deux modalités
comparativement aux sujets âgés monolingues. Globalement, les sujets âgés bilingues semblent moins
affectés par le déclin cognitif lié au vieillissement.
Conclusion.
Par une méthodologie rigoureuse et homogène ainsi que par des analyses de comparaisons par
classes d‘âge et du niveau de langue, l‘étude de l‘effet du bilinguisme sur le fonctionnement cognitif
confirme un avantage exécutif significatif chez les bilingues, dont les modalités dépendent néanmoins
en grande partie de l‘âge des sujets.

Mots clefs : Bilinguisme, fonctions exécutives, flexibilité, inhibition et mise à jour.

Thèse réalisée au sein du laboratoire :

EA4136 « Handicap & Système Nerveux »


Université Bordeaux Segalen
Site Carreire – Zone Nord. Bât. 1B – 1er étage
146 rue Léo Saignat
33076 Bordeaux Segalen

2
ABSTRACT

___________________________________________________________________________

In Cognitive Sciences, more attention has been devoted to the study of cognitive functioning
in bilingual subjects. These studies have shown that they were more efficient in terms of executive
functioning compared to monolinguals. However, these studies are marked by a great heterogeneity in
the selection of the bilingual subjects and the methodology used. The nature of executive components
involved, the modality (verbal vs. non-verbal), and the effect of age on this executive benefit remains
unclear.
Aims.
Studying executive functioning and cognitive strategies of French-English bilingual subjects
on verbal and non-verbal executive tasks (flexibility, inhibition and updating) and on a complex
solving task, at various stages of life.
Materials and Methods.
85 bilingual subjects (17 preadolescents (13-15 years), 20 teenagers (16-18 years), 19 adults
(18-60 years), 19 adults (18-40 years) and 10 adults (41-65 years)) and 85 French monolingual
subjects matched on age and Intellectual Quotient were included and assessed on verbal and nonverbal
executive tests exploring the three components of Miyake, Friedman & al.‘s (2000 ) model.
Results.
For preadolescents, no benefit was found for bilingual subjects, irrespective of the component
or modality. For adolescents, bilingual subjects have an advantage on non-verbal material, in
flexibility mainly, while monolinguals have an advantage on verbal material for the same component.
As far as solving a complex problem is concerned, all the monolingual subjects seem to put
into play inhibitory and updating abilities (verbal), while no specific strategy is found in bilinguals.
For the adults (18-60 years old), higher performances for inhibition and updating are found in
bilinguals, particularly in the verbal modality. As for solving a complex problem, monolinguals call
for inhibition and flexibility abilities, while, again no specific strategy is found in bilinguals.
Compared to younger adults, as well as older monolingual subjects, older bilinguals have
higher performances on flexibility, updating (verbal and nonverbal) and eventually inhibition which is
less slowed down in both modalities compared to elderly monolinguals. Overall, elderly bilinguals
seem less affected by cognitive decline associated with aging.
Conclusion.
Following a rigorous and consistent methodology and analysis by comparison of age groups
and level of language, the study of the effect of bilingualism on cognitive functioning confirms a
significant executive advantage in bilinguals, but the modalities largely depend on the subjects‘ age.

Key words: bilingualism, executive functions, flexibility, inhibition and updating.

3
REMERCIEMENTS

___________________________________________________________________________

Aux membres du Jury de cette thèse : merci de me faire l‘honneur d‘examiner ce


travail.
Je souhaite d‘abord remercier mon directeur de thèse, le Pr Jean-Michel MAZAUX,
pour ses conseils, ses remarques, ses encouragements, sa grande disponibilité et son amitié
tout au long de ces 4 années. J‘ai pour lui une reconnaissance plus que particulière.

Un remerciement particulier est adressé au Pr Bernard N‘KAOUA. La qualité


théorique et méthodologique de sa formation m‘a été essentielle. Je lui suis tout
particulièrement redevable de conseils avisés et d‘une aide extrêmement précieuse pour les
statistiques et la partie pratique de cette thèse.

Je remercie également le Pr Pierre-Alain JOSEPH pour m‘avoir accueillie au sein du


Service de Médecine Physique et de Réadaptation, au Centre Hospitalier Universitaire de
Bordeaux 2, et pour nos interactions toujours agréables et riches.

Que mes étudiantes, Cécile Plâtre, Ophélie Camsouline, Emmanuelle Alary et


Raphaëlle Martin, dont le travail de mémoire de fin d‘études en Orthophonie cette année a
porté sur la première expérimentation de cette thèse chez les adolescents de 13 à 18 ans,
soient aussi remerciées pour leur travail sérieux. Un remerciement tout particulier est
également adressé à Emilie Lautier, mon étudiante de 4ème année en Orthophonie que j‘ai
encadrée cette année pour son mémoire de fin d‘études également, mais aussi en tant que
maître de stage. Une stagiaire remarquable.

Bien sûr, toute ma reconnaissance revient aussi à mon associée Nathalie Neveux pour
son soutien sans faille et ses relectures attentives, ainsi qu‘à nos collaboratrices Valérie
Lafitte, Caroline Carrouaille et Delphine Morpain pour leur bonne humeur, leurs bons petits
soins et leur soutien quotidien au bureau.

Je remercie également Mmes Barbara Frankenhuis et Marjorie Deschaux pour leur


participation à l‘évaluation des sujets bilingues, ainsi que Mme Henrietta Lambolez pour ses

4
talents de relectrice. De même, je souhaite aussi remercier Mlle Isabelle Tournemouly pour
son amitié, les fous-rire partagés et son aide logistique depuis 4 ans, ainsi que toute l‘équipe
de l‘Ecole Doctorale, pour son efficacité optimale.

Je souhaite aussi vivement remercier tous les sujets qui ont bien voulu participer à
cette étude. J‘ai rencontré des personnes formidables. Bien sûr, tous les amis et membres de
ma famille, plus ou moins éloignés, que je connaissais déjà et qui ont bien voulu se prêter à
mes expériences ont été remarquables aussi! Sans eux tous, cette thèse n‘aurait pas vu le jour.
Leurs commentaires et leurs réactions ont été d‘une grande valeur.

Pour finir bien entendu, je veux remercier tout particulièrement ma famille au sens
large du terme, ainsi que mes amis, oh combien nombreux, pour leur soutien sans faille, leurs
bons soins, leurs capacités d‘écoute exceptionnelles, leurs délicieux petits plats, leurs
encouragements, leurs attentions délicates, etc. Leur présence à mes côtés a été plus que
précieuse et salutaire tout au long de ces dernières années, c‘est bien peu de le dire. Qu‘ils
soient tous plus que chaleureusement remerciés.

5
CITATIONS

___________________________________________________________________________

« Le polyglotte est un homme plus libre » Adolf Steiner

A ma marraine, A. D. B., une femme d’exception.

6
TABLE DES MATIERES

___________________________________________________________________________

Résumé ………………………………………………………………………. p. 2

Abstract ………………………………………………………………………. p. 3

Remerciements ………………………………………………………………. p. 4

Citations ……………………………………………………………………… p. 6

Table des matières ……………………………………………………………… p. 7

Table des illustrations ……………………………………………………… p. 17

Table des figures ……………………………………………………… p. 17

Table des tableaux ……………………………………………………… p. 18

INTRODUCTION GENERALE ………………………………………. p. 19

PARTIE THEORIQUE ………………………………………………. p. 22

CHAPITRE 1 : Langage et Bilinguisme : Quelques Données Récentes ……… p. 23

1.1 Le langage ……………………………………………………… p. 25

1.1.1 Définitions ……………………………………………… p. 25

1.1.2 Modèles de production du langage ………………………. p. 25

1.1.3 Processus de contrôle langagier ………………………. p. 28

1.2 Bilinguisme ……………………………………………………… p. 29

1.2.1 Evolution des idées ……………………………………… p. 29

1.2.2 Conceptions actuelles ……………………………………… p. 31

1.2.3 Essais de définition ……………………………………… p. 33

1.2.3.1 Degré de maîtrise ……………………………… p. 33

1.2.3.2 Age d‘acquisition ……………………………… p. 35

1.2.3.3 Bilinguismes précoce et tardif ……..……………… p. 37

7
1.2.3.3.1 Bilinguisme précoce simultané ……………. p. 37

1.2.3.3.2 Bilinguisme précoce consécutif ………… p. 37

1.2.3.3.3 Bilinguisme tardif ………………………… p. 39

1.2.3.4 Les autres facteurs du bilinguisme ………………… p. 41

1.2.3.4.1 Contexte d‘apprentissage ………………………… p. 41

1.2.3.4.2 Pratique des langues et contextes d‘utilisation …. p. 41

1.2.3.4.3 Statut des langues et culture ………………… p. 42

1.2.3.4.4 Typologie des langues ………………………… p. 43

1.2.3.4.5 Motivation ………………………………………… p. 43

1.3 Le langage du bilingue ………………………………………………… p. 44

1.3.1 Développement du langage chez le sujet bilingue précoce …. p. 44

1.3.1.1 Développement lexical ……………………….... p. 45

1.3.1.2 L‘hypothèse de la période critique en lien avec la mémoire et les


capacités auditives ………………………………………… p. 47

1.3.2 Représentation cérébrale des langues et des fonctions cognitives chez le


sujet bilingue précoce ………………………………………… p. 49

1.3.2.1 Organisation conceptuelle et lexicale du bilingue …. p. 49

1.3.2.2 Activation conjointe des deux langues …………. p. 49

1.3.2.3 Un réseau pour deux langues ? …………………. p. 50

1.3.2.4 Facteurs influençant l‘organisation cérébrale des langues chez


les bilingues : impact de l‘âge d‘acquisition et du degré de maîtrise
………………………………………………………………… p. 51
1.3.2.5 Autres différences et activité neuronale ……………… p. 52

1.3.3 Bilingues tardifs, fonctions exécutives et rôle de l‘environnement : une


thèse renforcée ………………………………………………… p. 53

CHAPITRE 2 : Les Fonctions Exécutives ………………………………… p. 55

2.1 Histoire, définitions et modèles ………………………………… p. 56

8
2.1.1 Histoire et premiers modèles : la pathologie par lésions frontales à
l‘origine du concept des fonctions exécutives ……………….. p. 56

2.1.2 Définition ………………………………………………. p. 59

2.1.3 Modèles ………………………………………………. p. 60

2.1.3.1 Norman & Shallice ………………………………. p. 60

2.1.3.2 Fonctions exécutives, système unitaire ou fractionné ? p. 61

2.1.3.3 Miyake : unité et diversité des fonctions exécutives p. 64

2.1.3.4 Autres données venant étayer la diversité des fonctions


exécutives ……………………………………………… p. 67

2.2 Développement et maturation des fonctions exécutives ………. p. 68

2.2.1 Ontogénèse et maturation du support cérébral ………. p. 68

2.2.2 Développement des FE chez l‘enfant et l‘adolescent ………. p. 70

2.2.2.1 Mémoire de travail et Administrateur Central (mise à jour)


……………………………………………………………… p. 70
2.2.2.2 Inhibition ………………………………………. p. 73

2.2.2.3 Flexibilité ………………………………………. p. 73

CHAPITRE 3 : Langage, Fonctions Exécutives et Bilinguisme ………. p. 76

3.1 Langage, mémoire, FE et attention : des modules qui fonctionnent ensemble

……………………………………………………………………………... p. 77

3.2 Un lien étroit entre le langage et les FE : la théorie de Vigotski p. 78

3.3 Influences réciproques du langage et des FE ……………………… p. 79

3.4 Bilinguisme et FE : le « switching », données récentes ………….… p. 80

3.5 Répercussions du bilinguisme sur les fonctions cognitives et exécutives :


désavantages et avantages ……………………………………………… p. 83

3.5.1 Désavantage du sujet bilingue dans certaines tâches langagières p. 83

3.5.2 Avantages du bilinguisme ……………………………… p. 86

3.5.3 De meilleures performances dans les tâches de contrôle exécutif général


(verbal et non-verbal) ……………………………………… p. 88

9
3.6 Avantages et désavantages d’être bilingue : théories explicatives …. p. 92

3.6.1 Compétences verbales : pourquoi des avantages moins évidents ? p. 92

3.6.1.1 La question du pourquoi : la taille du lexique …. p. 92

3.6.1.2 La fréquence d‘utilisation ………………………… p. 93

3.6.1.3 Autres hypothèses ……………………………….... p. 94

3.6.2 Avantages des bilingues : « switching » et inhibition, ou fonctionnement


plus général impliquant les trois FE ? ………………………… p. 95

3.6.2.1 « Switching », inhibition, coût de commutation et degré


de maîtrise ………………………………………… p. 95

3.6.2.2 Inhibition, niveau de maîtrise et réseaux impliqués


……………………………………………………….. p. 96
3.6.2.3 Des approches plus nuancées ………………... p. 97

3.6.2.4 Une vision plus large ………………............... p. 98

3.6.2.4.1 Une meilleure sélection de l‘information p. 99

3.6.2.4.2 Toutes les composantes exécutives et l‘attention


……………………………………………….. p. 99

CHAPITRE 4 : Déclin Cognitif, Fonctions Exécutives et Bilinguisme ………... p. 101

4.1 Déclin cognitif et exécutif chez le sujet monolingue vieillissant ……. p. 102

4.1.1 Déclin cognitif ………………………………………………... p. 102

4.1.2 L‘hypothèse fronto-exécutive et l‘apport de l‘imagerie fonctionnelle

………………………………………………………………………. p. 103

4.1.3 Déclin des trois processus exécutifs selon la classification de Miyake,


Friedman & al. (2000) ……………………………………….. p. 104

4.2 Déclin cognitif et exécutif chez le sujet bilingue vieillissant ? ………. p. 106

4.2.1 L‘effet neuro-protecteur ……………………………….. p. 107

4.2.2 Démence, maladie d‘Alzheimer et réserve cognitive ………... p. 108

Synthèse Théorique ……………………………………………………………….. p. 112

10
PARTIE EXPERIMENTALE …………………………………………. p. 114

CHAPITRE 5 : Objectifs et Méthodes …………………………………………. p. 115

5.1 Objectifs et méthodes ………………………………………………… p. 116

5.2 Méthodologie générale ………………………………………………… p. 118

5.2.1 Population ………………………………………………… p. 118

5.2.2 Critères d‘inclusion et d‘exclusion généraux ………………… p. 119

5.2.3 Matériel ………………………………………………………… p. 119

5.2.4 Modalités de passation ………………………………………… p. 125

5.2.4.1 Lieu et durée des épreuves ………………………… p. 125

5.2.4.2 Procédure ………………………………………... p. 125

5.2.4.3 Consignes ………………………………………... p. 126

CHAPITRE 6 : Les Préadolescents de 13 à 15 Ans ……………………….... p. 128

6.1 Problématique ………………………………………………………... p. 129

6.2 Objectifs ………………………………………………………………... p. 129

6.3 Matériel et méthode ………………………………………………... p. 130

6.3.1 Population ………………………………………………... p. 130

6.3.2 Recrutement ………………………………………………... p. 130

6.3.3 Présentation détaillée de la population …………………. p. 131

6.3.3.1 Echantillon ………………………………………… p. 131

6.3.3.2 Les sujets bilingues ………………………………… p. 131

6.3.3.3 Les sujets monolingues ………………………… p. 131

6.4 Procédure d’analyse et contrôle des données ………………………... p. 132


6.4.1 Méthode statistique ………………………………………… p. 132
6.4.1.1 Le test U de Mann-Whitney-Wilcoxon ………… p. 132

6.4.1.2 L‘analyse de variance (ANOVA à trois facteurs) … p. 132

6.4.1.3 Les régressions linéaires multiples ………………… p. 132

11
6.4.2 Appariement des populations ………………………………… p. 133

6.5 Résultats ………………………………………………………………... p. 134


6.5.1 Performances des sujets bilingues et monolingues aux tâches exécutives :
analyse de variance ………………………………………………... p. 134

6.5.2 Performances des sujets bilingues et monolingues à la TOH … p. 136

6.5.3 Composantes exécutives en lien avec les résultats à la TOH : régressions


multiples ………………………………………………………… p. 136

6.6 Discussion ………………………………………………………... p. 139

6.7 Conclusion ………………………………………………………… p. 142

CHAPITRE 7 : Les Adolescents de 16 à 18 Ans ………………………………… p. 143

7.1 Problématique ………………………………………………………… p. 144

7.2 Rappel des objectifs ………………………………………………… p. 144

7.3 Matériel et méthode ………………………………………………… p. 145

7.3.1 Population ………………………………………………… p. 145

7.3.2 Recrutement ………………………………………………… p. 145

7.3.3 Présentation détaillée de la population ………………… p. 145

7.3.3.1 Sujets bilingues ………………………………… p. 145

7.3.3.2 Sujets monolingues ………………………………… p. 146

7.3.3.3 Sélection des sujets bilingues ………………… p. 146

7.4 Procédure d’analyse et contrôle des données ………………………… p. 147

7.4.1 Les facteurs étudiés ………………………………………... p. 147


7.4.2 Les indicateurs utilisés ………………………………………... p. 147
7.4.3 Logiciel de traitement ………………………………………... p. 148
7.5 Résultats ……………………………………………………………….. p. 148
7.5.1 Appariement des échantillons ………………………………... p. 148
7.5.1.1 Appariement selon le quotient intellectuel total (QIT) et l‘âge
……………………………………………………………….. p. 148

12
7.5.1.2 Appariement selon le sexe …………………………. p. 149
7.5.2 Comparaison des performances aux tâches exécutives ……..... p. 149
7.5.3 Comparaison des performances à la TOH entre sujets bilingues et
monolingues ………………………………………………………..... p. 151

7.5.3.1 Taux de réussite en coups ………………………… p. 151


7.5.3.2 Taux de réussite en temps d‘exécution ………… p. 151
7.5.4 Analyses des tâches exécutives prédictives des performances à la TOH
……………………………………………………………………….. p. 151
7.5.4.1 Les sujets bilingues ………………………………… p. 151
7.5.4.2 Les sujets monolingues ………………………… p. 152

7.6 Discussion ………………………………………………………... p. 152

7.7 Conclusion ………………………………………………………... p. 156

CHAPITRE 8 : La Population Adulte se 18 à 60 Ans (Article Soumis) ……....... p. 158

Abstract .......................................................................................................... p. 160

1. INTRODUCTION …….……………………………………………….. p. 160

2. METHOD ……………………………………………………………..... p. 164

2.1 Participants ……………………………………………...... p. 164

2.2 Tasks ……………………………………………………...... p. 165

2.2.1 Executive assessment ……………………………….. p. 165

2.2.2 Problem solving : TOH (Lucas, 1892) ………... p. 166

2.3 Study design and data treatment ……………………………... ... p. 166

3. RESULTS ……………………………………………………………..... p. 167

3.1 Executive components ……………………………………….. p. 167

3.2 Problem-solving: Tower of Hanoi task ……………………….. p. 168

4. DISCUSSION ……………………………………………………….. p. 168

CONCLUSION ……………………………………………………….. p. 172

13
AKNOWLEDGMENTS ………………………………………………… p. 172

CHAPITRE 9 : Les Effets Protecteurs du Bilinguisme chez le Sujet Agé …. p. 173

9.1 Problématique ………………………………………………………… p. 174

9.2 Objectifs et hypothèses ……………………………………………….... p. 175


9.3 Matériel et méthode ……………………………………………….... p. 175
9.3.1 Population ………………………………………………… p. 175
9.3.2 Matériel ………………………………………………………… p. 176
9.3.3 La procédure …………………………………………………… p. 177

9.4 Procédure d’analyse ………………………………………………… p. 178

9.4.1 Les facteurs étudiés ………………………………………… p. 178

9.4.2 Les variables dépendantes utilisées ………………………… p. 178

9.5 Résultats ………………………………………………………………… p. 179

9.5.1 Appariement des populations …………………………………. p. 179

9.5.1.1 Age …………………………………………………. p. 179

9.5.1.2 Niveau d‘éducation …………………………………. p. 179

9.5.1.3 Quotient intellectuel total (QIT) …………………. p. 179

9.5.2 Résultats aux épreuves exécutives …………………………. p. 180

9.5.2.1 Effets simples des facteurs …………………………. p. 181

9.5.2.2 Les interactions à deux facteurs …………………. p. 181

9.5.2.3 Les interactions à trois facteurs …………………. p. 182

9.5.2.4 Les interactions à quatre facteurs …………………. p. 183

9.6 Discussion ………………………………………………………… p. 183

9.6.1 La triple interaction …………………………………………. p. 183

9.6.2 La quadruple interaction …………………………………. p. 184

9.7 Conclusion ………………………………………………………… p. 187

14
DISCUSSION ………………..………………………………………………. p. 188

CHAPITRE 10 : DISCUSSION GENERALE ………………………………… p. 189

10.1 Rappel des hypothèses et des principaux résultats …………………. p. 190

10.1.1 Les préadolescents de 13 à 15 ans ………………………… p. 192

10.1.2 Les adolescents de 16 à 18 ans ………………………… p. 193

10.1.3 La population adulte de 18 à 60 ans ………………………… p. 194

10.1.4 Les effets protecteurs du bilinguisme chez le sujet âgé ……… p. 195

10.2 Discussion ………………………………………………………... p. 196

10.3 Biais et limites de la présente thèse ………………………………… p. 202

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ………………………………………… p. 203

BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………….. p. 207

ANNEXES ………………………………………………………………………... p. 228

Chapitre 3 ………………………………………………………………… p. 229


o Annexe 1 : Article publié dans Rééducation Orthophonique. Bilinguisme et
fonctions exécutives : les avantages cognitifs du bilingue. Mars 2013, n° 253. p. 230

Chapitre 5 ………………………………………………………………… p. 259


o Annexe 1 : Scène des « Cookies » extraite du BDAE (Goodglass, Kaplan & al.,
2000) ………………………………………………………………………… p. 259

Chapitre 6 ………………………………………………………………… p. 260


o Annexe 1 : Autorisation parentale ………………………………… p. 260
o Annexe 2 : Questionnaire autour du bilinguisme pour les préadolescents
bilingues ………………………………………………………………… p. 261
o Annexe 3 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites …………. p. 262
o Annexe 4 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du
langage ………………………………………………………………… p. 269

15
o Annexe 5 : Résultats des préadolescents bilingues au questionnaire « autour du
bilinguisme » ………………………………………………………………. p. 270

Chapitre 7 ………………………………………………………………. p. 271


o Annexe 1 : Autorisation parentale ……………………………….. p. 271
o Annexe 2 : Questionnaire autour du bilinguisme pour les adolescents bilingues
……………………………………………………………………… p. 272
o Annexe 3 : Résultats des adolescents bilingues au questionnaire « autour du
bilinguisme » ……………………………………………………………… p. 273
o Annexe 4 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites ………... p. 274
o Annexe 5 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du
langage …………………………………………………………….. .. p. 280

Chapitre 8 ……………………………………………………………… p. 281


o Appendix 1: Oral descriptions of the « Cookie » scene from the BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites ……….. p. 281
o Appendix 2 : English level assessment ……………………………. p. 287

Chapitre 9 …………………………………………………………….. . p. 288


o Annexe 1 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites …......... p. 288
o Annexe 2 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du langage
…………………………………………………………………….. p. 298

16
TABLE DES ILLUSTRATIONS

___________________________________________________________________________

TABLE DES FIGURES

Chapitre 2 ……………………………………………………………... p. 55
o Figure 1: Modèle à trois facteurs proposé par Miyake, Friedman & al (2000)
pour l‘analyse structurale confirmatoire ……………………………… p. 66
o Figure 2 : Trajectoire développementale des quatre domaines (contrôle
attentionnel, flexibilité cognitive, établissement d‘objectifs, traitement de
l‘information) du Système de Contrôle Exécutif (Anderson, 2002) ……... p. 72

Chapitre 5 …………………………………………………………….. p. 115


o Figure 3 : la Tour de Hanoï (Lucas, 1892) ……………………... p. 124

17
TABLE DES TABLEAUX

Chapitre 6 ……………………………………………………………….... p. 128


o Tableau 1 : Facteurs et variables utilisés pour l‘analyse statistique ..... p. 133
o Tableau 2 : Appariement des sujets bilingues et monolingues selon le QIT et
l‘âge ………………………………………………………………… p. 134
o Tableau 3 : Moyennes obtenues par les sujets (monolingues et bilingues) selon la
composante exécutive et le type de matériel …………………………. p. 135
o Tableau 4 : Moyennes et ET des sujets bilingues et monolingues (nombre de
coups et temps d‘exécution) à la TOH …………………………. p. 136
o Tableau 5 : Indicateurs choisis pour l‘analyse de régressions multiples. p. 137
o Tableau 6 : Prédiction pour le nombre de coups chez les bilingues ….. p. 137
o Tableau 7 : Prédiction pour le nombre de coups chez les monolingues p. 138
Chapitre 7
o Tableau 8 : Appariement des sujets bilingues et monolingues pour le QIT et
l‘âge ………………………………………………………………… p. 148
o Tableau 9 : Moyennes et ET obtenus par les sujets (monolingues et bilingues)
selon la composante exécutive et le type de matériel ………………… p. 149
o Tableau 10 : Prédiction des scores globaux en modalités verbale et non-verbale
pour le nombre de coups à la TOH, chez les bilingues …………. p. 151
o Tableau 11 : Prédiction des scores globaux en modalités verbale et non-verbale
pour le nombre de coups à la TOH, chez les monolingues …………. p. 152
Chapitre 8
o Table 1 : Mean results on executive functioning tasks …………. p. 167
Chapitre 9
o Tableau 12 : Moyennes des performances aux tâches exécutives pour tous les
sujets et écarts-types (ET)…………………………………………….. p. 180
o Tableau 13 : Résultats moyennés de la triple interaction et écarts-types (ET)
…………………………………………………………………………….. p. 182
Chapitre 10
o Tableau 14 : Récapitulatif des avantages retrouvés pour l‘ensemble des
composantes exécutives pour les quatre expérimentations ………….. p. 191
o Tableau 15 : Récapitulatif pour l‘ensemble des composantes exécutives
prédictives du nombre de coups à la TOH pour les trois 1ères expériences p. 192

18
INTRODUCTION GENERALE
___________________________________________________________________________

Comme le soulignent Abutalebi & Costa (2008), le langage est une caractéristique
fondamentale de la condition humaine. De nombreux efforts ont été faits pour comprendre sa
représentation mentale et neuronale ainsi que son utilisation. Au départ, la plupart des
recherches se sont centrées sur l‘exploration du langage chez le sujet monolingue.
Néanmoins, le fait qu‘une partie de plus en plus importante de la population humaine parle
plus d‘une langue a poussé les chercheurs, notamment au cours des 15 dernières années, à
examiner de façon plus approfondie de quelle manière, ou comment, le cerveau gère deux
langues.

Il existerait actuellement entre 5 000 et 10 000 langues parlées dans le monde, ce qui
ne comprend pas tous les dialectes et variantes de ces langues, et plus de la moitié de la
population humaine parle au moins deux langues. « Parmi ces langues, les douze principales
représentent environ les trois cinquièmes de l‘humanité, tandis que les trente premières sont
parlées par plus des trois quarts de la population mondiale ». Par exemple, « les 500 millions
de citoyens des 27 États membres de l‘Union Européenne parlent 23 langues officielles, sans
compter toutes les langues régionales et minoritaires. L‘allemand serait la langue maternelle
la plus répandue, avec quelque 90 millions de germanophones. Elle est suivie de l‘anglais, du
français et de l‘italien1 ». Comme le remarquent Abutalebi & Costa (2008), il est attendu que
ce phénomène du bilinguisme s‘étende dans les années à venir.

Pour commencer, ceci n‘est guère surprenant si on prend en compte la coexistence sur
la terre de plus de 5000 idiomes dans moins de 200 pays, ainsi que l‘ouverture plus ou moins
récente des frontières. Pour des raisons historiques, culturelles ou politiques, certaines langues
comme l‘anglais ou l‘espagnol sont davantage répandues du fait de leur utilisation
internationale pour la communication, le tourisme et le commerce. Notons, cela dit, que le
développement du bilinguisme ne concerne pas seulement certaines parties du monde comme
l‘Europe, où les frontières sont en train de s‘effacer, mais aussi d‘autres parties du monde
comme les USA ou le Canada, où une modification du paysage linguistique est en train de

1
Commission Européenne : Comment apprendre des langues, Luxembourg : Office des publications de l‘Union européenne,
2010 — 31 p. — ISBN 978-92-79-12239-2doi:10.2766/18735

19
s‘observer du fait d‘une immigration massive. Nous avons donc un bilinguisme à la fois
existant et en construction.

Par ailleurs, si on adopte la définition du bilinguisme comme couvrant non seulement


les bilingues dits équilibrés, mais aussi les bilingues moins équilibrés dont une des deux
langues domine par rapport à l‘autre, à savoir qu‘elle est davantage pratiquée, et donc
globalement mieux maîtrisée (De Groot & Kroll, 1997), une personne sur deux dans le monde
grandit déjà en parlant plus d‘une langue. Il est ainsi fort probable, voire inévitable, que ce
phénomène s‘accroisse encore plus dans les prochaines décennies, jusqu‘à même devenir la
norme linguistique de demain.

Comme le soulignent Abutalebi & Costa (2008), le scenario bilingue ou multilingue


présente donc une variété de défis sociaux nouveaux. Ils vont des politiques éducationnelles
aux interventions thérapeutiques dédiées aux troubles du langage. Très souvent, les
chercheurs sont invités à apporter une réponse aux questions immédiates intéressant la
société. Par exemple, une éducation bilingue est-elle préjudiciable pour le développement
linguistique de l‘individu ? Dans quelle langue un bilingue aphasique devrait-il être rééduqué?
Est-ce que le bilinguisme a des effets collatéraux sur d‘autres fonctions cognitives ? Les
réponses à ces questions auront certainement un impact sur les politiques sociales.
Néanmoins, ces réponses sont en dehors du domaine des décisions sociopolitiques. Elles ne
peuvent être recueillies que par une approche strictement empirique.
Ainsi, l'étude du bilinguisme, avec ses approches distinctes (en passant de la
linguistique aux neurosciences), a connu une croissance exceptionnelle dans la dernière
décennie. Par exemple, une enquête dans Web Of Knowledge, une base de données
bibliographiques, révèle que de 1986 à 1996, le sujet « bilingue » a été entré ou tapé 1171
fois, et que de 1997 à 2007, ce nombre a plus que doublé (2716 fois).

Malgré cet intérêt croissant et ce grand nombre d‘études, de nombreuses inconnues


persistent, notamment sur le fonctionnement cognitif du sujet bilingue. Par exemple, en quoi
diffère-t-il du fonctionnement du sujet monolingue ? Les processus cognitifs sont-ils
organisés de la même façon ?

Ce travail de thèse a pour but d‘apporter des éléments de réponse à certaines de ces
questions. Dans la première partie, nous aborderons des données théoriques sur le langage, le
bilinguisme, son développement, le concept des fonctions exécutives, son rôle dans le
bilinguisme et l‘effet de l‘âge. Dans la partie expérimentale, nous présenterons quatre
20
expérimentations visant à explorer le fonctionnement exécutif des bilingues, dans des tâches
verbales et non-verbales, à divers âges de la vie : chez des préadolescents, des adolescents,
des adultes et des adultes âgés.

Les résultats que nous allons présenter mettent en évidence d‘une part, un avantage
des sujets bilingues (adultes et âgés) dans la mise en jeu de plusieurs composantes exécutives,
d‘autre part, une différence entre sujets bilingues et monolingues dans le traitement des
informations complexes, et enfin, un effet protecteur du bilinguisme vis-à-vis du
vieillissement cognitif.

En adoptant une méthodologie systématique sur le plan des tâches et sur le plan de la
sélection des sujets bilingues inclus, notre thèse nous a permis d‘aborder ce sujet complexe
qu‘est le bilinguisme avec autant de rigueur que possible.

Pour finir, nous considèrerons l‘ensemble des résultats obtenus à la lumière de


données récentes sur le fonctionnement cérébral et les confronterons aux données de la
littérature.

21
__________________
PARTIE
THEORIQUE
__________________

22
CHAPITRE 1 : LANGAGE ET BILINGUISME : QUELQUES DONNEES
RECENTES

___________________________________________________________________________

1.1 Le langage
1.1.1 Définitions
1.1.2 Modèles de production du langage
1.1.3 Processus de contrôle langagier

1.2 Bilinguisme
1.2.1 Evolution des idées
1.2.2 Conceptions actuelles
1.2.3 Essais de définition
1.2.3.1 Degré de maîtrise
1.2.3.2 Age d‘acquisition
1.2.3.3 Bilinguismes précoce et tardif
1.2.3.3.1 Bilinguisme précoce simultané
1.2.3.3.2 Bilinguisme précoce consécutif
1.2.3.3.3 Bilinguisme tardif
1.2.3.4 Les autres facteurs du bilinguisme
1.2.3.4.1 Contexte d‘apprentissage
1.2.3.4.2 Pratique des langues et contextes d‘utilisation
1.2.3.4.3 Statut des langues et culture
1.2.3.4.4 Typologie des langues
1.2.3.4.5 Motivation

1.3 Le langage du bilingue


1.3.1 Développement du langage chez le sujet bilingue précoce
1.3.1.1 Développement lexical

23
1.3.1.2 L‘hypothèse de la période critique en lien avec la mémoire et les
capacités auditives
1.3.2 Représentation cérébrale des langues et des fonctions cognitives chez le
sujet bilingue précoce
1.3.2.1 Organisation conceptuelle et lexicale du bilingue
1.3.2.2 Activation conjointe des deux langues
1.3.2.3 Un réseau pour deux langues ?
1.3.2.4 Facteurs influençant l‘organisation cérébrale des langues chez
les bilingues : impact de l‘âge d‘acquisition et du degré de maîtrise
1.3.2.5 Autres différences et activité neuronale
1.3.3 Bilingues tardifs, fonctions exécutives et rôle de l‘environnement : une
thèse renforcée

24
CHAPITRE 1 : LANGAGE ET BILINGUISME : QUELQUES DONNEES RECENTES

1.1 Le langage
1.1.1 Définitions

Une première définition générale du langage est celle de Mellars, reprise par Picq,
Sagart & al. (2008), pour lesquels le langage se définit comme un système fini d‘unités
sonores combinables en un nombre infini d‘énoncés, arbitrairement reliées à des
significations, organisées selon des règles syntaxiques, symboliques, donc pouvant référer à
des événements non présents, abstraits, à des émotions et des sentiments, d‘usage social,
permettant d‘accumuler des savoirs utiles à transmettre pour la survie de l‘espèce.

Plus précisément, à la suite des travaux des psycholinguistes tels que De Saussure,
Alajouanine, Jokobson et Chomsky surtout, voire Fodor et Nespoulous plus récemment, on
distingue dans le langage des représentations signifiantes orales (phonologie et phonétique) et
écrites (graphèmes), des représentations signifiées (lexique, sémantique), leur agencement
selon des systèmes de règles morphosyntaxiques, et leur actualisation dans la communication
(pragmatique).

Mazeau (1997) va plus loin en reprenant 50 ans de recherches en psycholinguistique,


et donne deux définitions du langage complémentaires volontairement très schématiques :

Le langage peut être défini en fonction des contraintes cognitives internes au sujet. De
ce point de vue, le langage sera considéré comme la traduction ou la mise en forme
linguistique de la pensée en mots, ce qui justifie l‘analyse de trois composantes : la pensée, les
réseaux de traitement de l‘information linguistique et la forme produite (mots, phrases,
dialogue...) selon la modalité choisie (orale ou écrite).
Le langage peut être défini en fonction des contraintes propres à la linguistique,
externes au sujet. De ce point de vue, le langage sera considéré comme un système de signes
arbitraires et conventionnels (le lexique) reliés par des règles (la morphosyntaxe) débouchant
sur du sens (la sémantique), élaboré dans un contexte social (la pragmatique).

1.1.2 Modèles de production du langage

L‘apport récent des théories des sciences cognitives et des nouvelles méthodes
d‘imagerie a modifié notre conception du fonctionnement cérébral concernant l‘apprentissage
25
et le traitement du langage. Selon Guérin (2007), on parle de « zone de langage » au sens
large du terme, d‘épicentre, et non plus de « centre de langage » circonscrit aux aires de Broca
et Wernicke. L‘ensemble du cerveau a une part bien plus importante à jouer qu‘on ne le
pensait dans les processus complexes d‘acquisition et de traitement du langage avec
l‘existence de vastes réseaux neuronaux interconnectés, ce qui a amené à un renouvellement
des hypothèses sur l‘organisation cérébrale.

Comme le soulignent Hinchliffe, Murdoch & leurs collaborateurs (1998), une des
idées établies depuis ces dernières années est donc que le langage est un processus complexe
qui requiert l‘intervention collaborative des fonctions cognitives : « le système linguistique
efficace et mature implique ou garantit d’être considéré comme un système à facettes et
niveaux multiples, lequel est relié au fonctionnement cognitif à chaque niveau ».

L‘apport récent des nouvelles technologies comme l‘IRMf, ainsi que la modélisation
informatique et computationnelle, font ressortir deux grandes catégories de modèles du
langage en référence aux deux courants théoriques dominants (cognitivisme et
connexionnisme) des sciences cognitives, et ceci que l‘on s‘intéresse au pôle « Réception-
Compréhension » ou au pôle « Emission-Production » du langage.

Ainsi, à ce jour, il existe deux grands types de modèles du langage, les « sériels » et
les « interactifs », voire en « cascade ». Si dans tous les modèles de production du langage
l‘étape de sélection lexicale est séparée de l‘étape d‘encodage phonologique (Sauzéon, 2007),
le rôle assigné aux représentations sémantiques et phonologiques dans le décours temporel de
l‘accès au lexique est en revanche davantage discuté.

Les modèles sériels de tradition cognitiviste, issus des travaux de Chomsky (1957,
1979), suggèrent que les différentes étapes dans la production du langage sont discrètes, c‘est-
à-dire qu‘il n‘existe pas de chevauchement entre elles, de façon à ce qu‘une nouvelle étape ne
puisse pas commencer avant que l‘étape précédente ne soit terminée. Dans les modèles
sériels, le langage est décrit comme une fonction modulaire. En d‘autres termes, les
cognitivistes considèrent le langage comme un système indépendant de la vie mentale,
spécialisé dans le traitement des données verbales, et imperméable aux autres types de
données (connaissances, éléments du contexte, etc.). Par exemple, Levelt (1999) a proposé un
modèle sériel et discret en deux étapes. Celui-ci soutient l‘idée qu‘aucun encodage
phonologique n‘a lieu avant la sélection lexicale, et donc interdit un quelconque « feedback »
de l‘encodage phonologique vers la sélection lexicale.

26
Pour résumer, les modèles cognitivistes proposent une conception sérielle et discrète
des processus du langage dans un système symbolique non unitaire, c'est-à-dire avec une
hiérarchisation de modules, périphériques et centraux (ou de bas et haut niveau) (voir par
exemple le modèle descendant de Levelt (1999) pour la production du mot isolé).

A la différence du modèle cognitiviste, le paradigme connexionniste suggère quant à


lui que toutes les connaissances ou étapes de traitement sont reliées entre elles : le
fonctionnement du langage n‘est qu‘un aspect du fonctionnement mental général. La
référence est ici le fonctionnement du cerveau et ses réseaux neuronaux (Florin, 1999).

Issus de modélisations cybernétiques et informatiques, les modèles connexionnistes


sont donc interactifs : ils soutiennent l‘existence d‘un recouvrement temporel de la sélection
lexicale et de l‘encodage phonologique, et une interaction continue entre ces deux processus
(ou couches) et la couche graphémique. Dans le modèle interactif de Dell, Chang & al. (1999)
par exemple, toutes les étapes linguistiques ont lieu simultanément et s‘influencent les unes
les autres. Cependant, ces modèles ne prennent pas en compte la dimension syntaxique, et
n‘expliquent pas toutes les erreurs observées chez les personnes aphasiques par exemple. Ils
ont donc été complétés par d‘autres.

Notamment, le modèle en « cascade » défendu par Caramazza (1997) suggère quant à


lui que les différentes étapes de production langagière se déroulent bien de façon sérielle,
l‘une après l‘autre, mais de façon non discrète, de sorte qu‘une étape dans une chaîne de
traitement (l‘encodage phonologique) n‘attend pas la fin de l‘étape précédente (la sélection
lexicale) pour débuter. Ces processus en cascade impliquent également l‘adhésion au
parallélisme des processus proposé dans le modèle interactif, raison pour laquelle ils sont en
général associés l‘un à l‘autre, et considèrent l‘influence des contraintes syntaxiques.

Pour résumer, les modèles connexionnistes proposent une conception interactive ou en


cascade des processus du langage dans un système sub-symbolique unitaire (voir par exemple
respectivement, le modèle interactif de Dell, Chang & al. (1999) et le modèle en cascade de
Caramazza., 1997). Ils ont une plausibilité biologique plus élevée que celle des modèles
sériels.

D‘un point de vue neuro-anatomique, les travaux de neuro-imagerie ne permettent


finalement pas de trancher entre modèles sériels et modèles simultanés, mais identifient les

27
réseaux de neurones qui les sous-tendent : voie dorsale, phonologique, voie ventrale,
sémantique.
1.1.3 Processus de contrôle langagier

Si ces modèles diffèrent quelque peu sur la nature des relations entre les processus
langagiers (sériel vs interactif) et les représentations qui sont manipulées (symbolique vs sus-
symbolique), ils diffèrent également sur la formalisation des fonctions de contrôle nécessaires
pour mener à bien toute activité langagière. En effet, les cognitivistes proposent généralement
un contrôle externe des processus langagiers en mettant en avant l‘existence d‘un module
central doté de capacités de contrôle exécutif (par exemple, la surveillance du bon
déroulement des activités langagières ou encore la vérification de l‘atteinte du but de la
communication). A l‘inverse, les connexionnistes proposent un contrôle interne au processus
langagier émergeant de leur interaction.

A ce jour, il semble que ces différents modèles de traitement et de contrôle du langage


s‘appliquent à toutes les langues, la littérature n‘établissant pas de preuve formelle du
contraire. Le langage est donc supposé être une compétence humaine universelle, mais il se
pratique selon diverses langues, en fonction notamment des différentes cultures et migrations
des groupes sociaux humains selon Greenberg & Ruhlen (cités par Picq, Sagart, & al., 2008).

Le bilinguisme, qui apparaît comme une conséquence du plurilinguisme de l‘espèce


humaine, est devenu un sujet très étudié avec un des enjeux au départ, de départager les deux
conceptions du contrôle exécutif des processus langagiers.

En effet, un certain nombre de problèmes théoriques s‘attachent à la maîtrise de deux


ou plusieurs langues ou bilinguisme. En l‘occurrence, certaines études, neuropsychologiques
notamment, suggèrent que les sujets bilingues pourraient avoir une meilleure flexibilité
cognitive. Est-ce vraiment le cas ? Qu‘est-ce qui pourrait expliquer ce phénomène ? S‘agit-il
d‘un processus intra-domaine, à savoir propre au langage (processus d‘optimisation de
l‘instrument langagier), ou est-il davantage question d‘un processus inter-domaine, à savoir
que cette meilleure flexibilité cognitive s‘appliquerait à tous les domaines, indiquant alors une
plus grande stratégie de puissance (ou de calcul) tel que proposé par exemple dans le champ
d‘étude de l‘expertise (Salthouse, 1991 ; Ericsson & Smith, 1991 ; Ericsson, Krampe & al.,
1993) ?

Ainsi, démontrer que les bilingues possèdent une plus grande aptitude générale de
flexibilité mentale serait un argument en faveur du modèle cognitiviste à contrôle externe. A
28
l‘inverse, démontrer que les bilingues possèdent une plus grande aptitude de flexibilité
mentale limitée au langage serait davantage en faveur du modèle connexionniste à contrôle
interne.

1.2 Bilinguisme

Le terme « bilinguisme » est très polysémique. Aux travers des différentes études
apparaît la complexité de le définir précisément, en fonction notamment, de la période
d‘acquisition des deux langues (dès la naissance ou plus tardivement), du niveau de maîtrise
de chacune ou encore de la fréquence d‘utilisation (Gottardo & Grant, 2008). Néanmoins,
dans le cadre de cette thèse, et comme de plus en plus d‘auteurs s‘accordent à le faire
(Bialystok, Craik & al., 2006a, Colzato, Bajo & al., 2008, Bialystok, 2009, etc.), nous
considèrerons qu‘une personne bilingue est quelqu‘un qui parle, possède quasiment
parfaitement deux langues, presque comme deux langues maternelles ou acquises
simultanément dans les premières années de la vie. A l‘inverse, le sujet monolingue ne
pratique et ne maîtrise qu‘une seule langue, même s‘il fait en partie l‘apprentissage d‘une
langue étrangère ou plus au cours de sa vie. Nous reviendrons plus en détails sur cette
approche dans un sous-chapitre ultérieur.

1.2.1 Evolution des idées

Au fil des années, les croyances autour du bilinguisme ont évolué selon les différents
courants de pensée. Dans un premier temps, les partisans des courants environnementaliste et
behavioriste (début XXème siècle) ont envisagé négativement le bilinguisme.

Selon Hakuta (1985) ou encore Akbulut (2007), il a longtemps été considéré par les
psychologues et les behavioristes comme un désavantage certain retardant et même bloquant
le développement mental. Il fallait s‘opposer à l‘apprentissage d‘une seconde langue en ce
sens qu‘elle pouvait être néfaste au développement cognitif global. Certains auteurs tels que
Smith (1939), parlaient de confusion mentale lors du « switch » (changement) notamment, à
savoir la capacité du bilingue à passer d‘une langue à l‘autre, à choisir sa langue en fonction
de son interlocuteur (Meisel, 1994).

Cet impact négatif du bilinguisme a largement été remis en question, voire même s‘est
renversé totalement, à la fin des années 50-60 avec la naissance du courant cognitiviste, porté
par Chomsky (1957). Ce dernier défendait en effet que le langage et d‘autres habiletés
mentales seraient bien plus puissants que ce que l‘on pouvait simplement observer via le

29
comportement de l‘individu. Ainsi, selon Hakuta (1985), Chomsky (1957) percevait l‘esprit
comme « une machine avec de multiples propriétés » prêtes à être stimulées par
l‘environnement.

C‘est dans cette perspective cognitiviste que Peal & Lambert (1962) ont notamment
réalisé une étude sur les relations entre bilinguisme et intelligence. Pour cela, ils ont comparé
les performances d‘enfants bilingues qui pratiquaient de façon équivalente deux langues
différentes, à celles d‘enfants monolingues, à travers des tests d‘efficience intellectuelle.
Leurs résultats ont mis en évidence de meilleures performances chez les enfants bilingues,
avançant ainsi un effet positif du bilinguisme sur l‘intelligence. Ils ont caractérisé l‘enfant
bilingue comme un jeune individu dont l‘expérience dans deux cultures différentes lui
prodiguerait des avantages, inexistants chez le monolingue, tels qu‘une meilleure flexibilité
mentale, une supériorité dans la formation de concepts ou encore un ensemble plus diversifié
d‘habiletés mentales. A contrario, les enfants monolingues auraient un système intellectuel
davantage unitaire.

Ainsi, la vision réductrice des conséquences du bilinguisme sur les capacités


intellectuelles a commencé à évoluer. Quelques années plus tard, Lambert & Tucker (1972)
ont aussi mené une étude longitudinale sur des enfants scolarisés dans une école bilingue, et
contrairement aux études précédentes, ont veillé à prendre davantage en compte certains
critères socio-économiques et culturels (homogénéisation des populations bilingues et non
bilingues en termes de « niveau » socio-éducatif). Les résultats ont aussi montré que le
bilinguisme donnait aux sujets des avantages certains, telle une « flexibilité mentale », une
supériorité dans l‘élaboration conceptuelle, un ensemble plus diversifié de compétences
mentales. D‘autres chercheurs tels que Ben-Zeev (1977) ont confirmé ces faits.

Ces premières recherches ont ouvert la voie à une abondance de travaux dans le
domaine, confirmant pour une bonne part les premières observations. On parlait de
conscience métalinguistique supérieure ou précoce chez les enfants bilingues, et par là même,
d‘une meilleure préparation à l‘acquisition de la lecture notamment (Bialystok, 1988, 1991,
2004). Depuis cette époque, l‘hypothèse d‘une interdépendance des deux langues, à savoir
que le développement d‘une des langues peut être utilisée comme fondation pour le
développement de l‘autre prévaut.

Comme le remarquent Kolers & Paradis (1980), le bilinguisme représente donc un défi
pour les chercheurs qui veulent présenter une théorie satisfaisante de l‘acquisition, du

30
maintien et de l‘utilisation des habiletés linguistiques co-existantes. Il sert de sonde
exploratoire pour évaluer la représentation mentale, les facultés mentales, les processus
cognitifs en termes d‘expériences, de représentations séparées ou communes. Nous avons déjà
vu que les thèses cognitivistes et connexionnistes s‘affrontent encore aujourd‘hui à ce sujet.

Si ces premières études et résultats sur le bilinguisme tendent à démontrer que le


langage et les fonctions intellectuelles sont liées, et que tout le monde s‘accorde aujourd‘hui à
dire que le bilinguisme est une force indéniable pour améliorer les compétences langagières et
les habilités cognitives, de nombreuses questions demeurent. Notamment, qu‘entend-on par
développement cognitif ou encore « meilleures » capacités intellectuelles ? Plus précisément,
sachant que dans ces premières études les capacités intellectuelles sont le plus souvent
inférées à l‘aide du quotient intellectuel (WAIS, Wechsler, 1999), avec des scores reposants
sur du matériel verbal (ce qui pourrait favoriser les bilingues), il apparaît hâtif de conclure sur
la relation « bilinguisme et puissance intellectuelle ». Il serait plus pertinent d‘examiner si le
bilinguisme se caractérise par une amélioration des stratégies calculatoires sur du matériel
langagier mais aussi non-langagier, et étendre cet examen analytique à la lumière des récents
modèles du contrôle exécutif.

1.2.2 Conceptions actuelles

Nous avons vu que le bilinguisme, en tant qu'utilisation de plusieurs langues dans la


vie quotidienne, concerne beaucoup plus de personnes qu'on ne l'imagine. En France par
exemple, pays réputé peu porté sur les langues et le multilinguisme, nous avons les
utilisateurs d'une langue régionale, les immigrés de la première ou de la seconde génération,
les personnes ayant passé une partie de leur vie à l‘étranger ou celles pratiquant d'autres
langues dans leur cadre professionnel. Deprez avançait en 1984 qu‘en région parisienne par
exemple, un enfant sur quatre venait d‘une famille où l‘on pratique plusieurs langues (cité par
Köpke, 2009). Le bilinguisme est donc, même en France, un phénomène de plus en plus
courant.

Nous avons également rapidement évoqué quelques uns des problèmes s‘attachant à la
maîtrise de plusieurs langues. On se demande notamment si l‘organisation cérébrale du
langage est la même chez les bilingues que chez les monolingues, à savoir si les informations
sont traitées de la même manière. De même, on s‘interroge sur les conséquences de la maîtrise
de deux systèmes linguistiques sur le développement cognitif général, et notamment celui de
l‘enfant. L‘utilisation de deux langues ne peut être envisagée de manière anodine. Il apparaît

31
de plus en plus évident qu‘elle entraîne des modifications par rapport aux sujets monolingues,
notamment en termes d‘acquisition des langues et d‘organisation cérébrale par exemple.

En effet, le langage joue un rôle considérable dans la structuration intellectuelle. La


perception du monde et sa représentation dépendent essentiellement du langage. Ce dernier a
donc une influence certaine sur le mode de pensée aussi. Le développement cognitif du
bilingue sera ainsi influencé par ses deux langues, la langue ou les langues qui se développent
d‘abord comme outils de communication, et sont ensuite intériorisées pour devenir également
des instruments de pensée. Elles influencent le développement cognitif en ce sens qu‘elles
sont à l‘origine d‘un système symbolique abstrait, lui-même à l‘origine de la pensée ou
conséquence de la pensée.

Tout le monde s‘accorde maintenant à le dire, le bilinguisme a un impact sur le mode


de pensée et de traitement de l‘information, et, plus précisément, sur l'apprentissage d'autres
capacités linguistiques verbales ou non-verbales par exemple (Bialystok, 1987 ; Baker 1988 ;
Ricciardelli, 1992 ; Bialystok, Craik & al., 2012). Par exemple, il est largement reconnu qu‘il
facilite l'apprentissage de langues supplémentaires, et que plus on connaît de langues, plus il
est facile d‘en apprendre de nouvelles. On l‘a vu également, le bilinguisme favorise le
développement de la conscience métalinguistique, notamment chez les enfants (Bialystok,
1988, 1991, 2004). On parle de conscience métalinguistique supérieure ou précoce chez eux.
Parmi les capacités métalinguistiques plus développées, il y a entre autres, une certaine
conscience de l'arbitraire du signe, une plus grande conscience syntaxique mise en évidence
dans des jugements de grammaticalité, ainsi qu'une plus grande conscience phonologique, ce
qui permet finalement une meilleure préparation à l‘acquisition de la lecture particulièrement.
Il a cependant aussi été clairement démontré que les bilingues ont en revanche un vocabulaire
« plus faible » dans chacune des langues par rapport au monolingue (Oller & Eilers, 2002 ;
Portocarrero, Burright & al., 2007), ce que nous détaillerons plus bas. C‘est d‘ailleurs ce qui a
contribué à faire penser que les bilingues n‘étaient pas favorisés par rapport aux monolingues,
notamment dans les tâches verbales.

Quoi qu‘il en soit, il semble donc que le fonctionnement cérébral de certains bilingues
soit différent de celui des monolingues. Comme le terme "bilinguisme" renvoie à des
phénomènes très variés, nous allons d‘abord présenter ses principes de base afin de mieux
cerner ledit terme et d‘aboutir à une définition plus efficace. Nous examinerons ensuite
certains facteurs susceptibles de l‘influencer, tels que l'âge, le contexte d‘utilisation, la

32
mémoire, les caractéristiques typologiques des langues, l‘aspect psychologique. Puis nous
nous tournerons spécifiquement vers le cas des enfants bilingues et leur développement
langagier. En partant des conditions d'apprentissage et d'utilisation des langues chez plusieurs
types de bilingues précoces (simultanés et consécutifs) ou tardifs, nous développerons des
notions permettant d'avoir une vision plus claire sur ce phénomène linguistique.

1.2.3 Essais de définition

Aujourd‘hui, si un regard plus tempéré est porté, et au-delà des premières polémiques
déjà évoquées concernant les avantages ou les inconvénients apportés par le bilinguisme, et
des plus récentes que nous détaillerons davantage plus bas, une définition précise de ce
phénomène a elle aussi suscité l‘intérêt de plusieurs auteurs. Comme le précise Köpke (2009),
le bilinguisme est un phénomène multifactoriel et sa définition n‘est pas une question triviale,
ni aisée. De nombreuses questions quant à son élaboration ont été soulevées.

1.2.3.1 Degré de maîtrise

En 1935, Bloomfield (cité par Hamers & Blanc, 2000) définit le bilinguisme comme
étant la possession d‘une compétence dans deux langues chez un locuteur natif. Selon
l‘auteur, le bilingue est donc un locuteur natif de deux langues, à savoir qu‘il est né avec les
deux langues et les maîtrise toutes deux comme deux langues maternelles. Cette idée de haut
degré d‘habileté est également adoptée par Lebrun en 1982 (cité par Elmiger, 2000) qui décrit
les polyglottes comme des sujets « usant de plusieurs langues depuis l’enfance avec une égale
aisance ». À l‘inverse, Macnamara (1967 ; cité par Hamers & Blanc, 2000) propose que le
bilingue renvoie à toute personne qui a acquis une compétence minimale concernant les
langues en question dans au moins une des quatre habilités linguistiques ou compétences
langagières que sont la compréhension et la production orales, la lecture et l‘écriture.

Si une définition s'appuyant uniquement sur la compétence linguistique minimale dans


les deux langues est vouée à l'échec, celle d‘une compétence parfaitement égale l‘est
également, puisque, en fonction de nombreux paramètres, la ou les compétences du bilingue
peuvent être assez variables.

La définition proposée par Titone en 1972 (cité par Hamers & Blanc, 2000), plus
intermédiaire, semble davantage pertinente. Selon lui, le bilinguisme est la capacité d‘un
individu à s‘exprimer dans une seconde langue en respectant les concepts et les structures
propres à cette langue, plutôt qu‘en paraphrasant sa langue maternelle.

33
Après Titone (1972, cité par Hamers & Blanc, 2000), d‘autres acceptions du
bilinguisme émergent peu à peu, mettant en exergue non plus le critère de maîtrise comme ci-
dessus, mais la notion de fréquence d‘utilisation des langues. Le psycholinguiste François
Grosjean (1985 ; cité par Hamers & Blanc, 2000), se fonde sur ce principe afin d‘élaborer sa
définition du bilinguisme. Il l‘interprète comme la pratique régulière d‘au moins deux
langues, et précise bien qu‘un sujet bilingue ne correspond pas à la somme de deux
monolingues.

Dans la même lignée, Skutnabb-Kangas (1981) définit le bilingue comme une


personne qui a la capacité de fonctionner dans deux (ou plusieurs) langues, au sein de
communautés soit unilingues soit bilingues, conformément aux exigences socioculturelles de
compétence communicative et cognitive individuelles requises par ces sociétés et par
l‘individu lui-même, au même niveau que les locuteurs natifs, ainsi que la possibilité de
s‘identifier positivement aux deux communautés ou à tout ou partie de ces groupes
linguistiques et de leurs cultures.

De tout cela, il résulte sans doute, comme le souligne Perregaux (1996), que la
définition du bilinguisme ne puisse être située que sur une espèce de « continuum » entre d'un
côté, une compétence plus ou moins minimale (c‘est-à-dire une connaissance avancée mais
non « native » ou complète dans une langue 2), et on parlera alors plus facilement de
polyglottisme, et de l‘autre côté, le mythe du bilingue parfait, qui reste un mythe dans la
mesure où les bilingues ayant une compétence parfaite et complètement équivalente dans les
deux langues sont de loin l‘exception. On parlera alors plus facilement de bilinguisme quand
le sujet maîtrise les deux langues quasiment comme une langue maternelle chacune, bien que
le plus souvent il y ait une dominante. Comme le suggère Abdelilah Bauer (2006), on pourrait
avancer l‘idée d‘une « compétence communicative » entre ces deux pôles. Plus qu‘un niveau,
ce qui importe, c‘est l‘utilisation que l‘on en fait, ce que cela nous apporte ou permet en
fonction des besoins ou de la situation de communication par exemple. Il semble en effet
finalement que la majorité des bilingues se caractérise plutôt par une commande fonctionnelle
de deux ou plusieurs langues correspondant aux exigences de leurs contextes de vie. Il est rare
que les besoins linguistiques couvrent toutes les activités linguistiques dans les deux langues,
de la conversation familiale au discours politique à l‘oral, du petit mot à l‘article scientifique à
l‘écrit par exemple. La compétence dans les deux langues est plutôt complémentaire. La
plupart des bilingues ont en général une langue dominante dans laquelle ils sont plus à l‘aise

34
(Oller & Eilers, 2002), mais qui est aussi traitée plus facilement en termes
psycholinguistiques.

Comme le remarque De Bot (2007, cité par Köpke, 2009), les besoins linguistiques
peuvent aussi être amenés à changer au cours de la vie en fonction de la modification des
conditions de vie. Par exemple, un déménagement, un divorce, le décès d‘un parent ou d‘un
grand-parent, une immigration, une mutation professionnelle, etc., peuvent entraîner des
modifications profondes dans l‘utilisation et la pratique des langues. Selon Grosjean (2004),
ce qui est observé est un « flux et un reflux des langues » chez le bilingue tout au long de sa
vie, en fonction de ses besoins linguistiques et des différentes situations d‘acquisition des
deux langues. Le bilinguisme - ou plutôt le niveau de compétence dans chacune des langues -
est donc évolutif, et il est ainsi sans doute préférable de parler de compétence communicative
évolutive et de complémentarité entre elles.

Ceci étant, la compétence évolutive bilingue dépend également d‘une variété d‘autres
facteurs quant à l‘acquisition desdites langues, dont l‘âge d‘acquisition.

1.2.3.2 Age d’acquisition

Un autre facteur majeur vient en effet aussi conditionner la définition du bilinguisme


ou de la compétence communicative du bilingue : celui de l‘âge d‘acquisition.

Comme le souligne Köpke (2009 ; 2013) en reprenant les propos de Lenneberg (1969),
l‘âge a en effet été associé à la plasticité cérébrale, qui renvoie à la capacité du cerveau à
remodeler les connexions synaptiques dans l‘apprentissage d‘une nouvelle habileté par
exemple. Tel le suggère l‘auteur, la question s‘est alors posée de savoir s‘il existait une
période critique pour l‘apprentissage des langues. Comme le précise Singleton (2003), ceci a
inspiré l‘idée largement répandue que l‘apprentissage des langues devait obligatoirement se
faire à un jeune âge.

Néanmoins, les différentes études réalisées n‘ont pas permis d‘affirmer qu‘après un
certain âge il serait trop tard pour faire l‘acquisition d‘une autre langue, si ce n‘est d‘un point
de vue auditif, où on sait que passé les premiers mois de vie, voire les toutes premières
années, on ne peut plus différencier avec autant de précision tous les sons de toutes les
langues et qu‘il sera donc très difficile d‘avoir une prononciation optimale ou un accent
parfait.

35
Comme le rapporte Köpke (2009), ce qui est certain, c‘est que la maturité cognitive
intervient dans l‘apprentissage d‘une langue, et notamment au niveau des structures
mnésiques avec la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. L‘effet de l‘âge pourrait en
effet être en rapport avec le type de stockage mnésique impliqué dans l‘apprentissage d‘une
langue. Selon l‘auteur, la mémoire déclarative est décrite par Ullman (2001) comme « une
mémoire à la fois explicite et implicite, spécialisée dans l’apprentissage de faits et
d’événements caractérisés par des relations arbitraires. » Ceci renvoie à une grande partie de
notre savoir encyclopédique ou mémoire sémantique, c‘est-à-dire le répertoire des
connaissances générales sur le monde selon Seron & Van der Linden (2000), à notre
connaissance des mots de la langue, stockée aussi en mémoire sémantique. La mémoire
déclarative renvoie à nos connaissances lexicales et les connaissances d‘ordre
métalinguistique, mais pas uniquement (mémoire épisodique et mémoire de travail
également). Quant à la mémoire procédurale, elle est seulement implicite au sens où son
fonctionnement est automatique, donc son rappel n‘est pas conscient. Selon Köpke (2009),
elle est spécialisée dans l‘apprentissage et le contrôle d‘habilités cognitives et motrices
constituant typiquement des séquences ou des enchaînements de règles. Au niveau
linguistique, il semble que « la mémoire procédurale concerne surtout ce que l’on appelle la
grammaire de la langue, au sens Chomskien du terme, c’est-à-dire : phonologie, syntaxe,
morphologie ». D‘après cette conception, la mémoire déclarative gèrerait en grande partie le
lexique, la mémoire procédurale, la grammaire, du moins lorsqu‘elle est apprise à un jeune
âge. En revanche, « avec la maturité cognitive grandissante, la grammaire serait de plus en
plus apprise de façon déclarative.»

Ainsi, du fait de ces différences qualitatives liées à l‘âge, plusieurs types de bilingues
sont distingués, en fonction de l‘âge auquel débute l‘apprentissage de la langue 2. On parle de
bilinguisme précoce, de manière simultanée ou consécutive, en opposition à un bilinguisme
tardif. Le bilinguisme précoce simultané consiste en l‘acquisition concomitante des deux
langues dès la naissance, et le bilinguisme précoce consécutif, lors de l‘acquisition des deux
langues dans les premières années de la vie, avant 5-7 ans maximum. Selon Köpke (2009),
l‘apprentissage est toujours précoce et essentiellement procédural à partir de cet âge, mais
l‘esprit de l‘enfant n‘est plus aussi vierge puisque déjà marqué par les caractéristiques
structurelles de la première langue. C‘est donc avant cet âge que l‘enfant pourra acquérir un
parfait niveau de maîtrise des structures phonologiques, morphologiques et syntaxiques des
langues. Au-delà de cette période charnière, le bilinguisme est dit tardif : « le cerveau a

36
atteint une certaine maturité cognitive au début de l’apprentissage de la langue 2 et sera donc
plus largement déclaratif et influencé par la structure de la langue maternelle. » Pour cet
apprentissage tardif, on constate d‘ailleurs que les activations cérébrales diffèrent selon la
langue utilisée (langue 1 ou langue 2). A contrario, le bilinguisme simultané ou consécutif
semble globalement solliciter pour chaque langue les mêmes aires cérébrales (Bloch, Kaiser
& al., 2009).

Nous allons donc maintenant passer en revue ces trois types de bilinguisme.

1.2.3.3 Bilinguismes précoce et tardif


1.2.3.3.1 Bilinguisme précoce simultané

Tel le remarque Köpke (2009), le cas du bilingue précoce simultané, qui apprend les
deux langues depuis la naissance, se rencontre classiquement dans les couples mixtes. Chaque
parent parle sa langue en suivant le principe de Grammont (Ronjat, 1913)2. Le plus souvent,
ce cas de figure est vu comme le cas idéal, menant tout droit au bilinguisme dit parfait.
Pourtant, l‘utilisation des deux langues peut se retrouver en déséquilibre dans les familles
bilingues. En effet, l‘enfant n‘apprend pas à parler dans l‘interaction avec ses seuls parents. Il
y a aussi la langue du pays, la langue parlée par les parents entre eux, la langue de
l‘entourage. Le plus souvent, une des deux langues est beaucoup plus présente que l‘autre.
En général, les premières productions sont souvent mixtes même si l‘enfant a
conscience du fait qu‘il existe deux langues ou deux façons de dire. L‘usage et la pratique
permettront progressivement la séparation entre les deux langues.
Un des grands avantages du bilinguisme simultané est que la structure des deux
langues est intégrée dés le départ. L‘enfant va par exemple se constituer un répertoire
phonologique étendu comportant les phonèmes de ses deux langues, un « atout incontestable
pour la qualité de la prononciation. » (Köpke, 2009).

1.2.3.3.2 Bilinguisme précoce consécutif

Le bilinguisme précoce consécutif renvoie quant à lui aux enfants qui font
l‘apprentissage de leur seconde langue lors des premiers échanges en dehors du cercle familial
quand par exemple ils entrent à l‘école maternelle (les enfants des familles immigrés ou ceux

1
Ronjat a publié la première étude longitudinale de sa fille bilingue en suivant les conseils du linguiste
Grammont qui préconisait que chaque langue devait être associée à une personne pour éviter des confusions.

37
des couples qui emménagent dans un autre pays pour des raisons professionnelles et
personnelles, militaires, politique, etc.). Comme le souligne Köpke (2009), la répartition des
langues est très nette et souvent complémentaire entre la langue parlée dans un cercle familial
et celle parlée à l‘extérieur, à l‘école et avec les amis.
Du fait des contextes d‘utilisation, ce bilinguisme sera a priori plus équilibré et plus
prometteur que dans le bilinguisme précoce simultané. Néanmoins, « c’est ce cas de figure
qui suscite souvent le plus d’inquiétudes, probablement parce que l’enfant qui arrive à l’école
ne parle pas ou très peu la langue majoritaire. Dans le bilinguisme simultané, au contraire,
c’est le plus souvent la langue minoritaire qui souffre le plus, ce qui se remarque évidemment
moins de l'extérieur. Pour l'enfant bilingue consécutif qui ne connaît pas encore la langue
majoritaire, il faut alors un peu de temps pour intégrer doucement la nouvelle langue. Le plus
souvent, cela se fait en silence.»
Abdelilah-Bauer (2006) fait référence à une première période de mutisme (de quelques
semaines à 3 ou 4 mois). Dans ce genre de bilinguisme, cette transition mutique est tout à fait
normale et nécessaire. Ensuite, on observe souvent que les plus jeunes s‘adaptent de manière
spectaculaire en se mettant à parler presque sans accent et avec une syntaxe assez bonne alors
que chez les enfants plus grands, davantage de temps sera nécessaire pour mieux s‘exprimer,
tout simplement parce qu‘ils ont plus à rattraper.
L‘apprentissage complet de la langue 2 (L2) va donc prendre plusieurs années. Chez
ces enfants, on sait que la capacité à apprendre une L2 se fait de manière implicite. Selon
Köpke (2009) qui reprend les propos de Bates (1988), on observe différents « types »
d‘apprentissage de cette L2.
En effet, certains enfants s‘intéressent davantage au contenu de la conversation, à
savoir aux noms, au vocabulaire, à la construction du langage et aux règles. On appelle cela le
style référentiel ou analytique. D‘autres vont davantage s‘intéresser à la communication elle-
même, sans porter d‘attention ou peu sur l‘exactitude de l‘énoncé lui-même. Ici, on se
concentre davantage sur l‘interlocuteur. Les enfants connaissent des expressions compliquées,
répètent des phrases entières et des formules complexes. C‘est le style holistique ou expressif.
En général, ces enfants commencent à parler plus tôt, et font des progrès plus rapides pour
parler la seconde langue puisqu‘ils n‘hésitent pas à se lancer pour parler. A l‘inverse, les
enfants avec un style analytique peuvent être plus lents pour parler mais maîtriseront plus vite
la grammaire et le vocabulaire.
Selon Abdelilah-Bauer (2006), on observe quatre grandes étapes successives dans
l‘acquisition précoce d‘une seconde langue :
38
l‘enfant découvre que d‘autres parlent une langue différente de celle de la maison. Il
va d‘abord essayer de communiquer avec eux par le biais de sa propre langue, et plus il est
jeune, plus il persistera ;
il se rend compte qu‘on ne le comprend pas et entre dans une phase mutique en ne se
servant que du non-verbal pour communiquer (gestes, mimiques, etc.). Cette phase est
essentielle car même si l‘enfant donne l‘impression d‘être passif, il ne l‘est pas en réalité. Il
enregistre tout, se laisse imprégner par la mélodie, tente de décortiquer le flux des sons et de
trouver des formules ou expressions auxquelles il peut s‘accrocher ;
l‘enfant utilise des petites formules pour communiquer avec ses pairs. C‘est la phase
télégraphique. Il obtient des réponses, ce qui lui permet alors de prendre confiance et
d‘apprendre de nouvelles répliques ;
la production de phrases correctes est la dernière étape. Même si des erreurs fréquentes
apparaissent au début, elles sont tout à fait normales dans le processus d‘acquisition de cette
2nde langue et disparaissent progressivement.
Passées ces 4 étapes, l‘enfant va normalement utiliser des stratégies sociales et
cognitives pour compléter son apprentissage. Il va interpréter les indices de la situation de
communication et ainsi deviner et comprendre des éléments de la langue de son interlocuteur
et y répondre. La syntaxe va ici commencer à se mettre en place.

1.2.3.3.3 Bilinguisme tardif

C‘est par exemple le cas des enfants qui arrivent en France dans l‘enfance, à partir de
6-8 ans, les parents ayant fait le choix de vivre dans un autre pays que celui d‘origine pour des
raisons professionnelles souvent, plus personnelles parfois.
Dans ce cas de figure, l‘enfant va devoir s‘intégrer dans une nouvelle vie sans aucun
des repères antérieurs quasiment si ce n‘est pour la langue 1 (L1) pratiquée avec les parents, et
il va devoir le faire par le biais d‘une nouvelle langue. L‘apprentissage de l‘utilisation de la
pragmatique de la langue se fera en situation de communication par exemple, mais aussi, un
apprentissage formel de cette langue se fera. Quant aux stratégies d‘apprentissage, on pense
qu‘elles sont légèrement différentes des deux autres types de bilinguisme.
D‘abord, l‘enfant possède un bagage linguistique et cognitif important déjà dans sa 1ère
langue. Les concepts sous-jacents tels que le genre et le nombre sont acquis. Certains réflexes
sont installés et la capacité à acquérir une L2 de manière plus intuitive est moins probante. Il
se met plutôt en place un dispositif cognitif, comme pour les tâches de résolution de
problèmes, à savoir que ces enfants vont davantage utiliser des ressources mentales que
39
l‘instinct. Ils vont principalement s‘appuyer sur des compétences mnémoniques et
sémantiques comme l‘emmagasinage d‘informations et de vocabulaire surtout, et vont les
faire correspondre avec des acquis cognitifs.
Selon Abdelilah-Bauer (2006), c‘est principalement dans ce cas que l‘acquisition
d‘une langue tardive se caractérise par l‘influence de la langue maternelle.
D‘abord, au niveau lexical. La L1 favorise ou non l‘acquisition du vocabulaire en
fonction de la ressemblance des termes notamment, bien que celle-ci puisse générer des
erreurs plus fréquentes au départ par exemple, notamment d‘un point de vue sémantique
quand un mot proche n‘a pas la même signification.
Ensuite, au niveau syntaxique, par l‘utilisation des structures grammaticales de la L1
pour construire des phrases dans la L2. On voit souvent des erreurs de transfert de la langue
maternelle. Elles ne sont que des étapes sur le chemin de l‘acquisition.

Un point très important, et ceci quel que soit le type de bilinguisme considéré, mais
surtout chez les bilingues tardifs, c‘est la grande variabilité dans leurs performances. Certains
la domineront quasiment comme leur langue maternelle, même au point de vue de l‘accent,
d‘autres seront toujours dominés par leur langue d‘origine et ne pourront jamais tout à fait
s‘en détacher. Il faut sans doute se tourner vers l‘étude des activations cérébrales pour mieux
comprendre ce phénomène. On remarque que les régions cérébrales impliquées varient en
fonction de tous les facteurs ou éléments cités plus haut (âge d‘acquisition, contexte
d‘apprentissage, etc.). Le niveau de bilinguisme en dépendra, à n‘en pas douter.

Nous venons de le voir, l‘âge d‘acquisition va donc fortement influencer


l‘apprentissage de la L2 et déterminer la compétence du bilingue, en plus du degré de
maîtrise, ces deux facteurs étant fortement liés. Ceci étant, comme le souligne Abdelilah-
Bauer (2006), l‘âge d‘acquisition n‘est pas le seul facteur permettant de définir la compétence
bilingue, et notamment d‘un point de vue qualitatif. Selon Köpke (2009), les différentes
phases de développement du langage « bilingue » sont conditionnées par l‘âge du premier
contact avec la seconde langue, tandis que le niveau de compétence qui pourra être atteint
dans l‘une et l‘autre langue est sujet à des conditions sociologiques. D‘autres facteurs ou
éléments interviennent donc également. Nous allons maintenant les voir en détail.

40
1.2.3.4 Les autres facteurs du bilinguisme
1.2.3.4.1 Contexte d’apprentissage

Les différents types de bilinguisme présentés ci-dessus nous ont permis d‘établir les
grandes lignes directrices éclairant l‘apprentissage d‘une L2, notamment en termes de
structures cognitives. Les différences évoquées ci-dessus sont également influencées ou
renforcées par le contexte d‘apprentissage. Selon Köpke (2009), deux grands cadres se
distinguent :
un cadre formel : celui de l‘école typiquement, avec un apprentissage explicite
par la récitation et des règles explicites qui favorisent l‘apprentissage des
connaissances déclaratives. Le désir de communication et la dimension affective sont
le plus souvent absents de ce type de situations.
un cadre informel : à la maison et dehors, où, à l‘inverse, l‘apprentissage
développe essentiellement les capacités de communication. La justesse grammaticale a
ici peu d‘importance, l‘essentiel étant que le message passe. L‘apprentissage informel
s‘appuie de ce fait plus largement sur la mémoire procédurale, même chez un sujet
plus âgé.
Comme le remarque l‘auteur, ces deux cadres forment une fois encore « les deux pôles
extrêmes d‘un continuum à l‘intérieur desquelles des situations intermédiaires sont
possibles. »
1.2.3.4.2 Pratique des langues et contextes d’utilisation

Selon Köpke (2009), la pratique des langues et les contextes d‘utilisation jouent aussi
un rôle majeur dans le développement du bilinguisme, l‘apprentissage et l‘utilisation des
langues étant étroitement liés chez un enfant : « ce dernier apprend les langues qui sont
utilisées autour de lui, et les apprend en les utilisant. En revanche, lorsqu'il n'a plus
l'occasion de parler l’une d’elles, elle peut très rapidement être oubliée ». Ceci est par
exemple observé chez les enfants adoptés (Nicoladis & Grabois, 2002 ; cités par Köpke,
2013), mais aussi tout simplement, lorsque le contexte linguistique est modifié suite à un
changement de pays ou au décès de la personne avec qui l'enfant utilisait cette langue
(Schmitt, 2004 ; Seliger, 1989 ; cités par Köpke, 2009). On parle alors d'attrition. Comme le
souligne Köpke (2009), les deux langues d‘un enfant bilingue ne se développent donc pas
nécessairement au même rythme en suivant les contextes d‘utilisation. C‘est une histoire qui
se joue sur plusieurs années. Par exemple, la langue dite faible, délaissée tout au long de

41
l‘année, peut vraiment s‘améliorer lors d‘un séjour dans le pays pendant les vacances, au
point qu‘il faudra plusieurs jours (voire semaines) pour se réadapter au retour.
De la même façon, selon l‘auteur, « on ne s'exprime pas de la même façon et sur les
mêmes choses en famille et à l’école, dans des contextes informels ou formels, à l'oral et à
l'écrit », ce qui renvoie davantage à la pratique des langues : « à chaque situation
correspondent des besoins spécifiques, une façon de parler, un vocabulaire, des règles de
comportement. » Chez le bilingue, une langue correspond souvent à un domaine d'utilisation.
Par exemple, la langue de la salle de classe, la langue de la cour de récréation, la langue de la
famille, etc. Néanmoins, la question des contextes d‘utilisation ou de la pratique des langues,
implique aussi le bilinguisme des interlocuteurs. L‘interlocuteur est-il aussi bilingue ? Selon
l‘auteur, c‘est une question cruciale : « lorsqu’un bilingue parle avec d’autres bilingues, il n'a
aucune nécessité de séparer les langues et peut sans problème utiliser les mots qui lui
viennent en premier, sans tenir compte de la langue. » Un tel mélange des langues, ce que
font les Suisses par exemple, a souvent été interprété comme un signe de manque de
compétence ou de confusion (Smith, 1939) et a été souvent sanctionné à l‘école, encore
aujourd‘hui. En réalité, Köpke (2009) rapporte les propos de Grosjean (2001) qui a clairement
démontré que le mélange des langues est généralement un comportement tout à fait normal. Il
n'est ni le signe de l'incapacité à distinguer les langues, ni l‘expression d‘un problème
pathologique. Tout dépend de la situation de communication. Grosjean représenterait ce fait
sur un continuum s‘étalant entre un mode unilingue (utilisé face à des personnes qui ne
parlent qu‘une langue) et un mode bilingue (utilisé avec d‘autres bilingues). Plus on tend vers
le mode bilingue, plus la deuxième langue est activée et intervient dans la communication.

1.2.3.4.3 Statut des langues et culture

Il faut également tenir compte du statut sociolinguistique des langues parlées par le
bilingue. C‘est un point essentiel, chez l‘enfant particulièrement.
En France par exemple, Köpke (2009) relate notamment les propos de Boyer (1991) et
Grosjean (1982), et remarque que « le bilinguisme précoce n’est pas considéré de la même
façon chez un enfant dont la langue familiale est l'anglais ou l'arabe » par exemple. Certaines
langues sont en effet considérées comme plus prestigieuses que d‘autres en fonction des pays.
Il existe des bilinguismes que l‘on considère comme un atout, en ce sens qu‘ils apportent un
bénéfice linguistique, culturel, social, économique et cognitif par exemple, alors que d‘autres
sont considérés plutôt comme un handicap si le contexte socioculturel est tel que l‘une des
langues est dévalorisée. En effet, une langue est notamment plus prestigieuse si l'on y associe

42
soit une utilité pratique, soit de meilleures chances de réussite professionnelle, soit un héritage
et une valeur culturelle ou spirituelle très importante, comme le Créole, la langue des
esclaves... On pensera également à la langue comme identité politique ou religieuse avec
l‘Islam. Si elle est fortement valorisée par l'entourage, alors la motivation de l‘apprendre sera
renforcée. Lambert (1974) parle dans ce cas de « bilinguisme additif ». A l‘inverse, elle peut
être perçue quasiment comme un handicap si elle est mal connue ou dévalorisée par
l‘entourage ou la société. On parlera ici davantage de « bilinguisme soustractif ». Bien
évidemment, l‘impact ne sera pas le même en termes d‘apprentissage, de charge cognitive et
affective, de maîtrise, d‘appétence à la pratiquer. Comme le note Köpke (2009), « les enfants,
même jeunes, sont très sensibles à l’image qu’on leur répercute de leur bilinguisme et de
leurs langues. » Ceci renvoie à la notion de langue, de culture, et d‘identité, trois éléments
indissociables.
1.2.3.4.4 Typologie des langues

Autre facteur déterminant selon Köpke (2009), celui des caractéristiques linguistiques,
c‘est-à-dire des caractéristiques typologiques liées à la structure des différentes langues.
Même s‘il existe encore assez peu d‘études empiriques sur le sujet, il est très probable que la
représentation neuro-psycholinguistique de deux langues et leur traitement ne soit pas
exactement les mêmes si les deux langues sont structurellement proches (comme par exemple
l‘espagnol et le catalan) ou si elles sont plus éloignées, comme par exemple le français et le
breton. Selon l‘auteur, « deux langues proches partagent l'essentiel de leurs règles
grammaticales, ce qui leur permet d'utiliser les mêmes processus psycholinguistiques. »
Néanmoins, « le risque d'interférence entre elles est de ce fait également plus fort. »

1.2.3.4.5 Motivation

Enfin, le rôle de la motivation dans l‘apprentissage d'une L2 est également reconnu.


De nouveau, Köpke (2009) rapporte cette fois-ci les propos de Schumann (1997), et avance
que la motivation est un facteur complexe, étroitement lié à l‘affectivité, qui évolue aussi avec
l‘âge : « chez l’enfant en bas âge, le désir de communiquer prime, c’est un besoin essentiel
[…] il apprend autant de langues que nécessaire pour communiquer avec ses proches. » Chez
l‘enfant d‘âge scolaire, le « désir d‘intégration » prend le dessus le plus souvent. Il ne souhaite
pas se sentir différent des autres. Ce « conformisme » tel que le qualifie Köpke (2009) ou
cette désirabilité sociale, « se manifeste aussi au niveau des langues et peut parfois entraîner
un refus d'utiliser la langue minoritaire en public, voire un rejet total de celle-ci. »

43
Parallèlement, « la motivation pour apprendre la langue de ses pairs est maximale », ce qui
va s‘accentuer encore à l‘adolescence où la manière de parler, tout comme la tenue
vestimentaire, et donc la langue, « deviennent un véritable drapeau, indispensable dans le
processus de construction de l’identité. »
Néanmoins, ce phénomène éventuel de rejet de langue ne perdure pas en général. Plus
âgé, le sujet bilingue reviendra vers cette deuxième langue, comme signe de son identité, de
son appartenance à une culture qui fait partie intégrante de lui. On pourrait parler ici de désir
d‘identité.

Nous avons vu que le bilinguisme est un phénomène complexe qui varie en fonction
d'un nombre important de facteurs. Comme aucun facteur n'est à lui seul déterminant, il s'agit
d'essayer d'évaluer l'interaction de l'ensemble de ces facteurs, ce qui est loin d'être aisé. La
difficulté dans la définition du bilinguisme provient donc du fait qu'il n'existe pas un, mais
plutôt des bilinguismes. Ceci s‘applique tout aussi bien à l‘enfant qu‘à l‘adolescent, à l‘adulte
ou à la personne âgée.

Par ailleurs, du fait de toutes ces variations, qu‘elles soient d‘ordre cérébral ou
cognitif, nous avons donc choisi dans notre étude de cibler une population bien précise, à
savoir les sujets bilingues qui parlent et maîtrisent deux langues aussi parfaitement que
possible, et acquises simultanément durant les premières années de vie, donc des bilingues
précoces simultanés ou consécutifs.

Nous allons maintenant nous intéresser au langage de ces sujets.

1.3 Le langage du bilingue


1.3.1 Développement du langage chez le sujet bilingue précoce

Le langage permet avant tout la communication entre les individus. Dès sa naissance,
le bébé, qu‘il soit bilingue ou monolingue, communique par tous les moyens possibles mis à
sa portée. Les cris précèdent les vocalises, puis apparaît le babillage et enfin, les premiers
mots. Quand le bébé a un mois, son traitement perceptif est sans rapport avec sa langue
maternelle, lui donnant la capacité de différencier tous les sons possibles : c‘est un traitement
général, ou intra-catégoriel. Entre 8 et 10 mois, le cerveau du bébé se spécialise dans le
traitement de sa langue maternelle.

44
1.3.1.1 Développement lexical

Selon Pearson (1998), un enfant qui grandit dans un milieu où se côtoient plusieurs
langues suit globalement les mêmes étapes qu‘un enfant qui ne doit en assimiler qu‘une. Il
explore le monde en répétant les sons qui l‘entourent, puis viennent les premiers mots, les
premières phrases. Le rythme de développement du langage est identique pour tous les bébés
entre 8 et 30 mois.

Néanmoins, pendant longtemps, le bilinguisme a été vivement critiqué, voire rejeté,


sans pour autant que de solides études scientifiques viennent appuyer ces critiques. Il était par
exemple fréquent d‘entendre dire que l‘enfant bilingue avait un langage globalement moins
développé que ses camarades monolingues, et notamment du point de vue lexical. Cette taille
du lexique, supposément plus faible chez les bilingues par rapport au monolingue est
d‘ailleurs un élément qui a contribué à penser que les bilingues n‘étaient pas favorisés par
rapport aux monolingues, notamment dans les tâches verbales.

Plus récemment, quelques études plus sérieuses ont démontré que le vocabulaire des
enfants bilingues précoces était en effet plus réduit (Oller & Eilers, 2002 ; Portocarrero,
Burright & al., 2007) dans chacune des deux langues comparativement à celui des
monolingues, et qu‘ils obtenaient, peut-être de ce fait, des scores plus bas dans certains tests
de maîtrise langagière. Il a récemment aussi été prouvé que l‘explosion lexicale chez les
enfants bilingues était plus tardive par rapport au monolingue (Hagège, 1996).

Concernant le phénomène d‘explosion lexicale, cela ne semble pas étonnant du fait


que les bilingues n‘ont pas un mais deux lexiques à acquérir, développer et maîtriser, ce qui
peut leur demander davantage de temps. De la même façon, il aura deux systèmes
phonologiques et deux syntaxes également. De manière assez logique, on peut penser que ceci
engendre une charge cognitive supérieure en comparaison du sujet monolingue. Il est de ce
fait d‘autant plus facile d‘imaginer que cela puisse demander un temps supplémentaire au
sujet bilingue, comme nous l‘avons évoqué dans le chapitre traitant des différents types de
bilinguisme. L‘apprentissage complet de deux langues met forcément plus de temps à se
stabiliser chez un enfant bilingue que chez son homologue monolingue, ce qui permet peut-
être d‘expliquer, voire de nuancer ces résultats.

Quant à la faiblesse du stock lexical, le problème est qu‘en général, une seule langue a
été évaluée, et non les deux. En effet, l‘hypothèse d‘un stock lexical moins développé se

45
vérifie si l‘on compare le niveau de compétence lexicale d‘un bilingue par rapport au
monolingue dans une seule de ses langues. En revanche, si on évalue le lexique du bilingue
précoce dans ses deux langues ou que l‘on regroupe le vocabulaire acquis dans chacune des
deux langues, alors la taille globale du lexique de l‘enfant bilingue est sensiblement
équivalente à celui de l‘enfant monolingue (Bialystok & Feng, 2009). Ce phénomène se
vérifie d‘autant plus si le bilinguisme est suffisamment équilibré, ce qui est rarement le cas
chez le très jeune enfant bilingue cela dit, et a donc pu biaiser certains des résultats obtenus
dans les études sus-citées.

Une fois adulte, ce phénomène semble persister ceci étant. La littérature indique
souvent également une faiblesse lexicale chez les adultes (Kohnert, Hernandez & al., 1998 ;
Roberts, Garcia & al., 2002 ; Gollan, Fennema-Notestine & al., 2007). Néanmoins, les
premières études sur le sujet ont le plus souvent porté sur des bilingues tout venant dont le
bilinguisme n‘était pas forcément équilibré. Plus récemment, les recherches ont davantage
dissocié les sujets bilingues recrutés, notamment en fonction de leur niveau de compétence
dans les deux langues et de l‘âge d‘acquisition (Bialystok, Craik & al., 2008). Chez les sujets
ayant un bon niveau dans chacune des deux langues, bilinguisme qualifié d‘équilibré, il
apparaît que cette faiblesse lexicale est moindre, voire inexistante comme nous venons de le
voir (Bialystok & Feng, 2009). Par ailleurs, certains auteurs avancent que ce problème de
lexique plus faible dans chacune des deux langues peut en fait s‘amenuiser avec les années, et
aurait même complètement tendance à disparaître à l‘âge adulte chez les bilingues précoces et
équilibrés encore une fois (Burke & Shafto, 2008).

Ainsi, si on prend ces derniers éléments en compte, on peut penser que globalement,
les bilingues acquièrent donc la même quantité lexicale que les monolingues au cours de leur
vie, même si le démarrage peut être plus lent ou irrégulier, et que quelques différences sont
relevées en comparaison des monolingues.

De la même façon, l‘assimilation ou l‘acquisition du type de vocabulaire sera


différente en fonction de chacune de deux langues, chaque langue ayant notamment sa
structure propre, mais aussi, en fonction du temps d‘exposition à chacune d‘elles.

En effet, chaque langue influence la manière dont elle sera acquise par un enfant, et
particulièrement son lexique. Grâce à une expérience menée auprès d‘enfants de 2 à 4 ans, le
linguiste Dan Slobin (1985) a montré que l‘assimilation lexicale était différente, en référence
au type de vocabulaire, d‘une langue à une autre. Par exemple, les premiers mots prononcés

46
par un enfant anglais sont des substantifs, alors que l‘enfant français utilise plus facilement
des verbes.

D‘autres études ont aussi montré que le développement lexical chez les enfants
bilingues différait quelque peu de celui du monolingue. Il est par exemple fréquent d‘observer
qu‘une augmentation du vocabulaire dans l‘une des deux langues engendre souvent une
diminution de ce dernier dans l‘autre langue. Pearson (1998) a notamment démontré que
durant les premières années d‘acquisition, la quantité d‘énoncés entendus dans une langue est
en corrélation avec la production dans cette même langue. Ainsi, un enfant qui entend deux
fois plus d‘anglais par sa mère que de français par son père par exemple, produira plus
d‘énoncés anglais que français. De la même façon, un séjour dans l‘autre pays pendant l‘été
par exemple, permettra tout d‘un coup une amélioration nette du niveau lexical dans la langue
moins pratiquée jusqu‘alors. Le temps d‘exposition à chaque langue influence donc aussi les
progrès dans chacune d‘elles.

En dehors de ces considérations principalement d‘ordre lexical, le développement du


langage même des sujets bilingues précoces semble globalement suivre la même trajectoire
que celui des monolingues, contrairement à celui des bilingues plus tardifs.

1.3.1.2 L’hypothèse de la période critique en lien avec la mémoire et


les capacités auditives
Comme nous l‘avons déjà vu plus haut, plus une deuxième langue est apprise tôt, plus
l‘enfant a de chances de bien la maîtriser, et notamment de manière procédurale, en
comparaison avec le bilingue dit « tardif », dont l‘apprentissage se fait à un âge plus avancé et
donc de manière plus déclarative ou plus explicite.

Comme nous l‘avons abordé aussi, il semble donc que l‘âge d‘acquisition des deux
langues du bilingue influe sur le type de mémoire utilisé : le bilinguisme précoce ferait
intervenir la mémoire implicite (ou procédurale), alors que le bilinguisme tardif impliquerait
davantage la mémoire explicite (ou déclarative). Selon Mazaux, Pradat-Diehl & al. (2007),
« si deux langues L1 et L2 sont acquises dans un contexte informel (environnement familial,
socioculturel...) et à un haut niveau de compétence, les fonctions phonologiques et
morphosyntaxiques seraient stockées dans les systèmes de mémoire procédurale. En
revanche, l’apprentissage traditionnel d’une deuxième langue après l’âge de 7 ans, à un
niveau de compétence limité en production, impliquerait plus largement les systèmes de
mémoire déclarative. »

47
Par ailleurs, on sait que les traits phonologiques des langues ne sont plus auditivement
aussi bien perçus passé un certain âge, phénomène dit « d‘attrition auditive », ce qui empêche
un accent « parfait » notamment. Partant de ces deux constats, l‘hypothèse d‘une période
critique pour l‘apprentissage des langues est ainsi née.

Dès 1959, Penfield & Roberts remarquaient que les capacités d‘apprentissage des
langues chez l‘enfant diminuaient progressivement une fois l‘âge de 7 à 9 ans passé. De
nombreux chercheurs et spécialistes en linguistique ont cherché à déterminer cette « période
critique » au-delà de laquelle les capacités d‘apprentissage de plusieurs langues ne seraient
plus optimales, mais les difficultés liées aux conditions d‘expérimentation sur les enfants en
bas âge ont constitué un frein important, en cantonnant le plus souvent les observations aux
performances des sujets adultes.

Ceci étant, et malgré une absence de consensus absolu sur la question, les neurologues
et chercheurs en bilinguisme s‘accordent aujourd‘hui à situer la fin de la période critique entre
6 et 8 ans. Comme nous l‘avons déjà évoqué, dans les trois à cinq premières années de la vie,
la plasticité du cerveau amène à fixer des compétences linguistiques qui permettront au
locuteur d‘accéder aux éléments de la communication de façon spontanée. La grammaire n‘est
pas externalisée, le vocabulaire est disponible sans effort. Cette plasticité va diminuer à partir
de l‘âge de 5 ans jusqu‘à environ l‘âge de 12 ans, rendant progressivement les procédures
conscientes, volontaires, explicites, tout comme le font les adultes lorsqu‘ils entreprennent
l‘apprentissage d‘une langue étrangère.

Les avancées technologiques de ces dernières années ont aussi permis de rendre
visibles les régions cérébrales qui s‘activent lorsqu‘une personne raconte un événement ou
écoute une voix enregistrée dans une autre langue (Abdelilah-Bauer, 2006). Chez les sujets
bilingues tardifs, des régions du cerveau différentes de celles de la langue natale s‘activent,
alors qu‘à l‘inverse, chez les sujets bilingues précoces, les régions qui traitent le langage sont
pratiquement superposées. Ceci signifie que les deux langues sont traitées comme une seule.
Ainsi, plus une seconde langue est acquise et maîtrisée tôt, plus elle sera traitée dans les
mêmes régions que la langue maternelle.

48
1.3.2 Représentation cérébrale des langues et des fonctions cognitives
chez le sujet bilingue précoce
1.3.2.1 Organisation conceptuelle et lexicale du bilingue

Dans les années 1960 et 1970, deux hypothèses se sont confrontées au sujet de
l‘organisation langagière chez les sujets bilingues. Une première explication repose sur l‘idée
selon laquelle les mots et les concepts sont stockés dans le même réservoir, quelle que soit la
langue utilisée. D‘après Segalowitz (1977), les différentes langues connues du bilingue font
partie d‘un seul et même système (the One-Store Hypothesis). À l‘inverse, la seconde
hypothèse (the Two-Store Hypothesis) soutenue par Kolers (1963), part du principe que
chaque langue est un système différent : il y aurait donc un réservoir pour chaque langue.

En 1978, Paradis a proposé une nouvelle hypothèse (the Three-Store Hypothesis), qui
constitue une voie intermédiaire entre les deux premières proposées. Selon lui, il existe un
réservoir unique pour les concepts, les perceptions, et tout autre type de représentations
mentales. Toutefois, le lexique, la syntaxe et tous les éléments qui composent la langue sont
stockés dans deux systèmes distincts en fonction de la langue.

En 1999, Costa, Miozzo & al., quant à eux, proposent un modèle d‘accès lexical chez
les sujets bilingues très performants et équilibrés. Le système sémantique enverrait une
activation en parallèle et dans les mêmes dimensions vers les entrées lexicales dans les deux
lexiques du bilingue, puis seuls les nœuds lexicaux du lexique programmé pour la réponse
seraient sélectionnés. Ceci renvoie néanmoins à l‘idée qu‘en situation de production
langagière, les sujets bilingues activent les deux langues en même temps, ce que nous allons
tenter d‘expliquer plus en détails.

1.3.2.2 Activation conjointe des deux langues

Le sujet bilingue, dès qu‘il mobilise ses capacités linguistiques, se trouve dans une
situation de contrôle langagier du fait de son bilinguisme, et ce, de manière différente du
monolingue semble-t-il, puisqu‘il gère deux langues et non une seule. En effet, même si la
situation ne nécessite l‘activation que d‘une langue, il semble que les représentations des deux
soient confrontées (Bialystok, Craik & al., 2012 ; Costa & Santesteban, 2004b ; Hermans,
Bongaerts & al., 1998).

On pourrait donc penser que le cerveau des sujets bilingues s‘organise selon deux
systèmes langagiers indépendants, chacun activé en fonction du contexte. Cependant, comme

49
nous l‘avons évoqué, de nombreuses études ont démontré l‘inverse, notamment quand
l‘apprentissage est précoce. Plusieurs recherches psycholinguistiques ont en effet révélé une
activation simultanée des deux langues ainsi que l‘existence d‘interactions entre elles et ce,
même si le contexte n‘exige que l‘utilisation d‘une seule langue (Costa & Santesteban,
2004b).

Selon l‘équipe de Hermans (1998), lorsque les sujets bilingues sont en situation de
production langagière, leurs deux langues seraient activées en parallèle, tout du moins la
langue dominante s‘activerait (à savoir la langue la mieux maîtrisée par le sujet), même si elle
n‘est pas sollicitée de prime abord. Les auteurs ont conduit une étude d‘interférence mot-
image pour déterminer si les mots d‘une première langue dominante étaient activés pendant
l‘accès lexical dans une langue étrangère et moins dominante. Dans l‘expérience en question,
des locuteurs natifs néerlandais devaient nommer des images en anglais, leur deuxième
langue. L‘étude a montré que le mot néerlandais était activé durant les premières étapes du
traitement lexical en anglais. Les auteurs ont conclu que les locuteurs bilingues ne pouvaient
pas supprimer l‘activation de leur première langue pendant qu‘ils dénommaient des images
dans leur deuxième langue. Il semble également que l‘inverse soit vrai, à savoir que la
seconde langue s‘active également lorsque les sujets doivent dénommer des images dans leur
première langue, et ce quand les sujets sont bilingues précoces notamment, et que leur niveau
de compétence dans les deux langues est satisfaisant.

En effet, plus récemment, Bialystok, Craik & al. (2012) ont davantage poussé les
recherches. Ils partagent les conclusions de Martin, Dering & al. (2009) qui suggèrent aussi
que l‘activation des deux langues et leur interaction sont permanentes chez les bilingues
fluents, même dans des contextes impliquant seulement une des deux langues. Des études
utilisant des tâches de « cross-language priming » (un mot d‘une langue est facilitateur pour
retrouver un mot de l‘autre langue proche sémantiquement) et de décision lexicale (les
participants devaient dire si une succession de lettres correspondait à un mot dans une des
deux langues), ont montré que la langue non utilisée sur le moment influence la
compréhension et la production de la parole, ce qui confirme l‘hypothèse selon laquelle les
deux langues sont activées et en interaction permanente.

1.3.2.3 Un réseau pour deux langues ?

Au niveau comportemental cela étant, les deux langues d‘un bilingue, lorsqu‘elles sont
bien maîtrisées, semblent peu interférer, voire pas, et particulièrement une fois passée la

50
période d‘acquisition de l‘enfance. Cela pourrait laisser penser que chaque langue est sous-
tendue par des aires cérébrales distinctes. Néanmoins, des études menées auprès d‘aphasiques
bilingues suggèrent que les deux langues partagent globalement les mêmes réseaux cérébraux.
En 1996, Fabbro a notamment démontré, à partir d‘une étude prospective de la récupération
d‘aphasiques bilingues, que la récupération parallèle est la plus fréquente. D‘autre part, de
plus en plus d‘études suggèrent que souvent, le bénéfice de la rééducation s‘étend à la langue
non rééduquée (Paradis, 1987-1998 ; Falk, 1973 cité par Rondal & Seron, 2003).

Les premiers articles en imagerie fonctionnelle chez des sujets bilingues sains ont
également confirmé cette idée, à savoir que les deux langues du bilingue partageaient en
grande partie un système neuronal commun (Abutalebi & Costa, 2008 ; Hartsuiker, Costa &
al., 2008). Pour les auteurs, les traitements syntaxiques de la L1 et de la L2, ou les
représentations syntaxiques, utilisent très largement les mêmes zones du cerveau ou seraient
partagées entre les deux langues. Le système langagier des bilingues précoces serait donc
largement intégré ou partagé que ce soit au niveau lexical ou syntaxique, et ce pour les deux
langues, notamment quand elles sont bien maîtrisées.

1.3.2.4 Facteurs influençant l’organisation cérébrale des langues


chez les bilingues : impact de l’âge d’acquisition et du degré de maîtrise

Comme nous l‘avons expliqué, l‘âge d‘acquisition est un facteur clef chez le sujet
bilingue d‘un point de vue mnésique, mais aussi d‘un point de vue cérébral. Une étude de
Sussman, Franklin & al. (1982), confirmée par Vaid (1983), a notamment prouvé que les
bilingues précoces (L2 acquise avant 6 ans), présentaient une dominance hémisphérique
gauche pour les deux langues, alors que ceux ayant acquis la seconde langue après l‘âge de 6
ans présentaient une dominance hémisphérique gauche pour la L1 et une dominance bilatérale
pour la L2.

Comme nous l‘avons vu, le facteur « âge d‘acquisition » n‘est cela dit pas le seul à
influencer l‘organisation cérébrale. Le degré de maîtrise est également un facteur déterminant
cette organisation cérébrale. Il a par exemple été prouvé que les régions impliquées dans le
traitement des informations entre les différents types de sujets bilingues pouvaient être tout à
fait différentes, voire opposées, selon le niveau atteint dans chaque langue. Par exemple, selon
ces auteurs, chez les sujets bilingues de faible niveau ou modérément à l‘aise dans leur
seconde langue, une traduction inconsciente semble s‘effectuer de la L2 à la L1, alors que ce
n‘est pas le cas chez les bilingues plus équilibrés. Quelques études menées chez des sujets

51
bilingues de très bon niveau ont même montré que des régions cérébrales similaires
s‘activaient aussi pour les deux langues, et cela, quel que soit l‘âge d‘acquisition.
L‘expérience de Chee, Tan & al. (1999), par exemple, utilisant l‘IRMf, consistait en une
complétion de syllabe. Vingt-quatre bilingues mandarin/anglais ont été testés, dont une
quinzaine qui avaient été exposés à l‘anglais avant l‘âge de 6 ans (et utilisaient plus l‘anglais
que le mandarin au quotidien). Neuf avaient appris l‘anglais après l‘âge de 12 ans, mais
avaient une maîtrise similaire et parfaite des deux langues. L‘étude a montré que certains
réseaux activés seraient en partie identiques pour les sujets bilingues précoces que pour ces
bilingues plus tardifs, mais uniquement quand la L2 est vraiment bien maîtrisée.

1.3.2.5 Autres différences et activité neuronale

L‘étude en imagerie par Hernandez (2009) a démontré que selon le niveau de maîtrise,
l‘âge d‘acquisition mais aussi, les exigences de traitement propres à chaque langue, des
différences importantes au niveau de l‘activité neuronale étaient relevées entre les différents
bilingues, précoces ou plus tardifs, et monolingues.

Par exemple, une tâche de dénomination lexicale demandera plus de travail au niveau
de la sélection lexicale chez les sujets bilingues de haut niveau (BA 44), alors que les
processus de sélection sémantique semblent davantage sollicités chez les bilingues de plus
faible niveau (BA 47). Selon l‘auteur, quand le niveau de maîtrise est moins élevé, on relève
de manière générale une activité neuronale et exécutive plus importante. Par ailleurs, lors du
passage d‘une langue à l‘autre, c‘est-à-dire du « switch » spécifiquement (nous y reviendrons
plus en détails ultérieurement), il apparaît que les fonctions exécutives, qui renvoient
notamment au processus de traitement de l‘information, entrent de manière conséquente en
jeu, et que l‘intervention des zones du cerveau associées à ces fonctions varie encore une fois
en fonction du degré de maîtrise.

L‘équipe de Garbin, Sanjuan & al. (2010) a confirmé cet état de fait d‘une
participation plus importante des fonctions exécutives chez les bilingues par rapport aux
monolingues d‘une part, mais aussi en fonction de l‘âge d‘acquisition, et notamment quand
l‘apprentissage des deux langues se faisait à un âge précoce, c‘est-à-dire avant 5 ans.

Hernandez (2009) a aussi prouvé que l‘hippocampe était mis en jeu dans une tâche de
dénomination chez les sujets bilingues précoces, et que certains processus seraient moins
conscients ou plus sensoriels chez ces sujets-là que chez les bilingues plus tardifs. Une

52
activation supérieure au niveau de l‘amygdale a également été retrouvée chez les sujets
bilingues précoces, ce qui laisserait penser que les émotions sont également en lien ou jouent
un rôle.

En conclusion, l‘auteur avance l‘idée selon laquelle la représentation des deux langues
chez le sujet bilingue précoce pourrait être en relation avec d‘autres systèmes neuronaux
comme la mémoire, les fonctions exécutives, le traitement somato-sensoriel, le contrôle des
émotions et la conscience de soi.

Ainsi, selon l‘âge d‘acquisition ou le degré de maîtrise, des différences importantes


ressortent. Plus la deuxième langue est apprise tardivement, et plus un niveau de traitement
conscient semble requis et le support cérébral différent. A l‘inverse, des processus plus
sensoriels et émotionnels semblent entrer en jeu quand l‘apprentissage est précoce. Selon
l‘auteur, le bilinguisme est la quintessence de processus dynamiques non linéaires.

1.3.3 Bilingues tardifs, fonctions exécutives et rôle de l’environnement :


une thèse renforcée

Dans cette idée de niveau de maîtrise, d‘âge d‘acquisition, et de fonctions exécutives,


l‘étude de l‘équipe de Festman & Rodriguez-Fornells (2010) est également intéressante. Elle a
défini deux groupes de sujets bilingues, cette fois-ci tardifs néanmoins, ayant néanmoins tous
acquis la deuxième langue au même âge. Les deux groupes ont été différenciés en fonction de
leur susceptibilité aux interférences inter-langagières : le groupe qui était le plus susceptible
aux interférences a été considéré comme celui de faible niveau ayant besoin de passer d‘une
langue à l‘autre, et l‘autre, comme celui d‘un meilleur niveau qui n‘avait pas besoin de passer
d‘une langue à l‘autre.

Après avoir comparé les performances de ces sujets bilingues sur des tâches verbales
et non-verbales, neuropsychologiques, ainsi que sur la Tour de Hanoï (Lucas, 1892) - une
tâche de résolution de problèmes complexes connue comme mettant en jeu les trois
composantes exécutives (Zook, Davalos & al., 2004) telles que définies par Miyake,
Friedman & al. (2000) -, les auteurs ont formulé l‘hypothèse selon laquelle les différences
individuelles retrouvées dans le contrôle des aptitudes langagières face aux interférences chez
les sujets bilingues (en termes de sensibilité) pourraient être en lien aussi avec les différences
individuelles au niveau des fonctions exécutives, et pas seulement avec les facteurs classiques
jusqu‘alors avancés. Globalement, les « non-switchers » ont en effet obtenus de meilleurs

53
résultats, sinon égaux, que les « switchers » dans quasiment toutes les épreuves. Dans la
mesure où aucune différence significative n‘avait été révélée au niveau de l‘éducation, de
l‘âge, du statut socio-économique et de l‘âge d‘acquisition de la L2, les auteurs ont conclu que
ces meilleures performances ne pouvaient être attribuables qu‘à des meilleures prédispositions
en termes de structure et de processus de contrôle et de traitement de l‘information plus
efficaces, c‘est-à-dire en termes de contrôle exécutif. Ces meilleures prédispositions seraient à
mettre en lien avec l‘influence parentale ainsi que celle des pairs, et peut-être aussi avec
l‘environnement langagier. On fait donc référence ici au degré d‘exposition aux différentes
langues, ce dont on a rarement fait état dans les différentes recherches comme le soulignent
Abutalebi, Tettamanti & al. (2009) en référence à une de leurs études portant sur les patients
aphasiques.

Il a également été suggéré que plus l‘apprentissage était tardif, et plus le contrôle
exécutif semblait être sollicité ou en tout cas, plus grande est l‘activité observée du système
neuronal, probablement du fait de la compétition ou du conflit entre les 2 langues, jusqu‘à ce
qu‘une maîtrise plus « native » et donc « procédurale » soit établie. Notamment, concernant
l‘acquisition des deux langues, il semble que les mêmes processus mis en jeu pour la L1 ne
soient pas forcément tous les mêmes que ceux mis en jeu pour la L2. L‘acquisition d‘une L2
semble par exemple davantage solliciter les mécanismes de contrôle attentionnel et cognitif,
qui seraient eux-mêmes davantage entraînés quand le bilinguisme est précoce.

Nous allons de ce fait maintenant nous intéresser plus précisément aux fonctions
exécutives.

54
CHAPITRE 2 : LES FONCTIONS EXECUTIVES

___________________________________________________________________________

2.1 Histoire, définitions et modèles


2.1.1 Histoire et premiers modèles : la pathologie par lésions frontales à
l‘origine du concept des fonctions exécutives
2.1.2 Définition
2.1.3 Modèles
2.1.3.1 Norman & Shallice
2.1.3.2 Fonctions exécutives, système unitaire ou fractionné ?
2.1.3.3 Miyake : unité et diversité des fonctions exécutives
2.1.3.4 Autres données venant étayer la diversité des fonctions
exécutives

2.2 Développement et maturation des fonctions exécutives


2.2.1 Ontogénèse et maturation du support cérébral
2.2.2 Développement des FE chez l‘enfant et l‘adolescent
2.2.2.1 Mémoire de travail et Administrateur Central (mise à jour)
2.2.2.2 Inhibition
2.2.2.3 Flexibilité

55
CHAPITRE 2 : LES FONCTIONS EXECUTIVES

2.1 Histoire, définition et modèles


2.1.1 Histoire et premiers modèles : la pathologie par lésions frontales à
l’origine du concept de fonctions exécutives

L‘étude des fonctions exécutives part de l‘observation de patients présentant des


lésions du lobe frontal. Le cas « Phineas Gage » décrit par Harlow en 1868 relate l‘histoire
d‘un patient atteint de « sociopathie acquise » isolée suite à une lésion des zones préfrontales,
point de départ du concept des fonctions exécutives.

En 1848, Phineas Gage, jeune homme âgé de 25 ans, est gravement blessé par une
barre de fer qui vient s‘enfoncer dans sa joue gauche pour ressortir par le haut de son crâne.
Le Dr Harlow qui le suit alors n‘observe aucun déficit neurologique et fait état d‘un bon
rétablissement physique. Cependant, les proches de Phineas Gage remarquent un réel
changement au niveau de son caractère. Ils le décrivent comme quelqu‘un de tout à coup
lunatique, grossier, inconstant et capricieux. Lors d‘une nouvelle consultation, l‘équipe se
rend alors compte que le patient présente des troubles du jugement, un déficit dans les prises
de décision, ainsi que des troubles des conduites sociales et de la personnalité, bien que ses
performances cognitives et motrices soient intactes. On parle alors de « syndrome frontal » et
c‘est à partir des liens établis entre comportement et atteintes cérébrales antérieures que
commence la collecte de données empiriques sur le fonctionnement frontal.

Ceci étant, l‘intérêt pour les régions frontales ne se développe vraiment qu‘après la
seconde guerre mondiale. En 1966, Luria, est le premier à expliquer la multiplicité des
troubles via la recherche de leurs dénominateurs communs. Il avance alors que les patients
dits « frontaux » ont des performances déficitaires dans les situations nécessitant de définir un
but, de planifier les étapes avant exécution, d‘agencer les séquences d‘actions et donc de
pouvoir passer de l‘une à l‘autre et de vérifier que le but fixé soit atteint. C‘est ainsi, en
spécifiant les situations dans lesquelles les fronto-lésés se trouvent en difficulté, que le
concept de fonctions frontales naît vraiment.

Le premier modèle neuro-anatomique de Luria (1966) voit donc le jour. L‘auteur


définit quatre opérations fondamentales des fonctions frontales : formulation d‘un but,

56
planification de l‘action, exécution de l‘action avec un contrôle on-line et séquençage des
étapes, vérification de l‘action. Il émet l‘hypothèse de trois systèmes fonctionnels :

un système axial, basique, vu comme une plate-forme mémoire, attention et


apprentissage sur laquelle se déroule toute activité consciente,
un système latéralisé, qui assure des fonctions instrumentales, l‘hémisphère gauche le
langage et le droit la connaissance du corps et l‘espace,
enfin, un système antérieur, frontal, qui coordonne l‘action des deux autres, reçoit une
copie de toute information, planifie et décide les actions à entreprendre en fonction du but
poursuivi.

Luria (1966) admet aussi déjà l‘idée d‘un rôle régulateur du langage dans ces
fonctions d‘engagement et d‘exécution de l‘action. De plus, il établit le rôle majeur du cortex
frontal dans le comportement, en décrivant un syndrome dorso-latéral et un syndrome orbito-
basal.

Néanmoins, les avancées de Luria (1966), malgré leur aspect pionnier, ont à terme
montré quelques biais. Premièrement, la plupart de ses propos reposaient sur des observations
empiriques. Deuxièmement, les lésions cérébrales des sujets n‘étaient pas seulement frontales
mais multifocales au vu de leur étiologie (traumatismes crâniens, tumeurs). Ainsi, ces patients
ne pouvaient pas être inclus dans une étude portant uniquement sur les fonctions frontales
(Andrès, 2004).

Quelque temps plus tard, et grâce au développement de la neuropsychologie


expérimentale dans les années 60-70 notamment, des études ont permis de développer les
connaissances théoriques sur les troubles cognitifs consécutifs à des lésions frontales. Ainsi,
des auteurs tels que Milner (1963) et Drewe (1975) (cités par Godefroy, Roussel-Pieronne &
al., 2004) découvrent que certains types de tâches, telles que le Wisconsin (Grant & Berg,
1948) et le Go/noGo (Zimmermann & Fimm, 1994) qui mettent respectivement en jeu des
capacités de déduction de règles et d‘inhibition, sont perturbées lorsque les sujets souffrent de
telles atteintes. Stuss & Benson (1987) quant à eux, font des fonctions exécutives une espèce
de superstructure (drive) qui coordonne les autres fonctions cognitives. Dans la même lignée,
Grafman (1989), à propos des blessés de la guerre du Viêt-Nam, considère les différentes
lésions frontales droite-gauche et évoque, dans le sillage de Norman & Shallice (1980), le rôle
du cortex frontal dans les « scripts » de comportement.

57
Les recherches quant à la localisation des « fonctions frontales » ont donc été
approfondies. Certains auteurs ont notamment découvert que d‘autres zones cérébrales
pouvaient sous tendre les processus dits « frontaux », bien que les fonctions frontales elles-
mêmes aient un rôle majeur dans ces processus. Ainsi, en 1988, Baddeley & Wilson (cités par
Andrès, 2004) ont finalement privilégié le terme de « syndrome dysexécutif » à celui de
« syndrome frontal », et celui de fonctions exécutives, plutôt que « frontales ».

Plus précisément, différentes données viennent confirmer l‘hypothèse d‘un


fonctionnement exécutif contrôlé par un large réseau cérébral. Des perturbations au niveau de
ces mécanismes sont observées chez des patients avec des lésions striato-thalamiques
notamment (Meulemans, 2004). Une implication des régions postérieures pariétales est aussi
mise en évidence par cet auteur. Selon Collette (2004), certains substrats cérébraux semblent
également intervenir de façon systématique pour des processus exécutifs plus généraux
(régions pré-frontales dorso-latérales 9, 46 et 10 et la région cingulaire antérieure). D‘autres
s‘activent plus ponctuellement (régions frontales 44, 45 et 47, pariétales 7 et 40) via des
mécanismes exécutifs plus spécifiques.

De la même façon, selon Meulemans (2004), d‘autres faits viennent aussi étayer
l‘hypothèse de la variété des zones cérébrales engagées dans le fonctionnement exécutif, à
savoir que certaines lésions frontales ne se répercutent pas uniquement dans le domaine
exécutif. Il semble que l‘on puisse par exemple aussi remarquer des conséquences sur la
sphère émotionnelle et comportementale. De même, les lobes frontaux établissent de
multiples interconnexions avec des structures corticales, sous corticales (striatum, pallidum,
thalamus) ou limbiques, formant ainsi des boucles fonctionnelles cortico-sous-corticales liées
au fonctionnement exécutif. Ainsi, le syndrome frontal comporte aussi la métacognition, les
cognitions sociales, des rôles particuliers dans le langage et le contrôle des comportements
primaires, et pas seulement les troubles dysexécutifs. De ce fait, le terme « syndrome frontal »
n‘est donc pas un synonyme historique de « syndrome dysexécutif ».

En définitive, les premières études portant sur les comportements pathologiques


faisant suite à des lésions frontales ont permis l‘émergence du concept de « fonctions
exécutives ». Cependant, ce n‘est qu‘en 1982 qu‘est finalement introduit le terme de
« fonctions exécutives » (FE), par Lezak. Avec les années et les différentes recherches, une
définition s‘est progressivement élaborée.

58
2.1.2 Définition

Les fonctions exécutives (FE) sont définies comme les processus qui contrôlent et
régulent les activités cognitives, et notamment pour l‘exécution et le contrôle de
comportements finalisés, orientés vers un but, et surtout dans les situations complexes et/ou
nouvelles (Norman & Shallice, 1980). Elles correspondent à un ensemble de processus de
haut niveau tels que dans l‘ordre : identification d‘un besoin ou d‘un but ; formulation d‘un
projet ; représentation anticipatoire des étapes à franchir pour atteindre le but (planification) ;
engagement dans l‘action ; élaboration de stratégies alternatives en cas de difficultés
(flexibilité) ; vérification de l‘atteinte du but. Ces processus s‘activent dès lors que les
procédures routinières ne suffisent plus pour faire face à certaines situations. Van der Linden,
Meulemans & al. (2000) quant à eux soulignent que ce n‘est pas la complexité d‘une tâche qui
définit la présence des FE, mais le critère de nouveauté et l‘expertise particulière du sujet dans
une tâche donnée. Les fonctions exécutives permettent donc l‘abolition de schèmes routiniers
inappropriés au contexte, favorisant l‘émergence de nouveaux comportements.

Pour compléter cette définition, Rabbit (1997) soulève la question des conditions
d‘activation de ces processus exécutifs. Il définit alors différents critères spécifiques :
un critère de nouveauté qui requiert la formulation d‘un but, la planification et le
choix des différentes séquences de comportement permettant d‘atteindre le but
(comparaison des plans émis et confrontation des diverses solutions pré-établies), la
mise en œuvre du plan choisi jusqu‘à son accomplissement final et son éventuel
amendement en cas d‘échec ;
un critère de déclarativité ou métacognition, c‘est-à-dire la recherche délibérée ou
consciente d‘informations en mémoire, s‘opposant ainsi à la récupération
automatique d‘informations en mémoire à long terme ;
un critère de contrôle de l‘allocation des ressources attentionnelles permettant de
répondre à l‘exigence des contraintes contextuelles ;
celui d‘inhibition des réponses non pertinentes ou qui ne sont plus appropriées ;
celui de la coordination de la réalisation de deux tâches simultanées ;
celui de la prise de conscience et du contrôle de l‘action avec détection et
éventuellement correction des erreurs ;
celui de maintien de l‘attention soutenue sur une longue durée ou de longues
périodes de temps.

59
Néanmoins, tous ces critères ne doivent pas nécessairement être remplis
simultanément pour une activation du contrôle exécutif.
Selon Rabbit (1997), sept fonctions sont donc identifiées :

l‘attention soutenue, à savoir la capacité à maintenir son attention sur un long


intervalle de temps ;
l‘attention divisée, c‘est-à-dire la capacité à partager son attention ;
l‘inhibition active : l‘évitement des distracteurs et la suppression
d‘informations devenues inutiles pour la tâche ;
la flexibilité cognitive, à savoir la capacité à changer de stratégie cognitive
la déduction ou le raisonnement par règles opératoires ;
la catégorisation, c‘est-à-dire le raisonnement inductif de type extraction de
concepts ;
la planification ou la programmation des opérations cognitives visant un but.

2.1.3 Modèles

2.1.3.1 Norman & Shallice

Norman & Shallice (1980) se réfèrent à leur modèle du contrôle attentionnel pour
développer, entre 1982 et 1988, une approche théorique du contrôle exécutif.

Les auteurs élaborent leur modèle selon différents degrés de recrutement attentionnel
et séparent bien la notion de compétence cognitive de celle de schémas d‘actions. En effet, la
première renvoie à des habiletés spécifiques placées sous la responsabilité de régions
cérébrales spécialisées, tandis que les schémas d‘actions relèvent de séquences d‘actions
complexes connues du sujet.
Selon Godefroy, Roussel-Pieronne & al. (2004), c‘est donc sur la base de ces schémas
d‘actions que Norman & Shallice (1980) constituent leur modèle. Celui-ci se décline en trois
types de processus permettant la régulation des schémas :
Un premier, automatique, permettant la mise en route des schémas d‘actions (ou
actions sur-apprises). Ils sont connus du sujet et nécessaires à l‘exécution de tâches
routinières.
Le second est appelé « gestionnaire des priorités ». Il s‘agit d‘un processus semi-
automatique qui permet de choisir et de combiner les schémas d‘actions. Il est activé pour

60
gérer un comportement en fonction des priorités du sujet et des informations en provenance
de l‘environnement.
Le troisième processus est celui de régulation : le Système Attentionnel de Supervision
(SAS). Il renvoie aux fonctions exécutives. Il module le niveau d‘activation des schémas en
gérant les deux premiers niveaux. Sa capacité est limitée : il peut être perturbé ou inactif si le
sujet est fatigué ou si ses ressources attentionnelles sont épuisées. Ainsi, il se déclenche
lorsque les procédures de résolution apparaissent inconnues ou inefficaces. On se trouve donc
au-delà de l‘action routinière. Il entre en jeu en l‘absence de schémas préétablis, dans des
situations nouvelles ou imprévues, telles que la planification d‘une action ou la prise de
décision, la correction des erreurs, la gestion du comportement dans les situations difficiles ou
dangereuses, l‘inhibition d‘un schéma inadapté, et la définition des priorités lors d‘une
multiplicité de tâches à réaliser.

Le modèle englobe donc le fonctionnement exécutif et est sous-tendu par l‘idée


fondamentale selon laquelle nous sommes capables de réaliser un grand nombre d‘actions
quotidiennes sans y prêter attention, c‘est-à-dire de manière automatique. En revanche, un
contrôle attentionnel volontaire s‘avère nécessaire lorsqu‘une composante de planification ou
d‘inhibition d‘un comportement est requise.

Il possède ainsi différents rôles comme l‘analyse de la situation, la définition de buts,


la création d‘un schéma temporaire, l‘exécution de l‘action avec un contrôle direct et la
vérification de l‘atteinte des objectifs (Shallice & Burgess, 1996). La planification apparaît
comme le processus central du SAS.

2.1.3.2 Fonctions exécutives, système unitaire ou fractionné ?

L‘assimilation du contrôle exécutif avec le SAS a, dans un premier temps, fait


considérer le contrôle exécutif comme un processus unitaire (Norman & Shallice, 1980).

Cependant, différentes observations comme l‘existence de dissociations entre les


tâches, la présence d‘une assez large hétérogénéité des performances au sein des tâches
censées évaluer le fonctionnement du SAS et l‘observation en imagerie cérébrale de la
variation des régions activées au sein des aires frontales selon les tâches proposées, amènent
Shallice (1982, 1988) à défendre le point de vue selon lequel le SAS n‘est pas une entité tout à
fait homogène. L‘auteur propose alors l‘idée que le SAS remplirait plusieurs fonctions sous-
tendues par des régions frontales différentes.

61
Se plaçant dans un cadre théorique différent de celui de l‘attention, mais toujours dans
une optique de système fractionné, Baddeley (1986) quant à lui, se fonde sur ses recherches à
propos de cette fonction cognitive spécifique qu‘est la mémoire de travail pour approcher le
fonctionnement exécutif. Il développe le concept de mémoire de travail et cherche à établir un
modèle de celle-ci pour en décrire son fonctionnement et son organisation. L‘auteur fait alors
état de différentes composantes dont :

L‘Administrateur Central : c‘est la base dudit modèle. Baddeley (1986) le


caractérise comme un système à capacités limitées intervenant lors de la mise en route de
processus de haut niveau. Pour l‘auteur, l‘administrateur central est la composante centrale de
gestion des ressources de la mémoire de travail qui s‘apparente au SAS décrit par Norman &
Shallice (1980) et donc renvoie aux FE. Baddeley (1996) le fractionne en quatre sous-
composantes exécutives et dissociables :
o la coordination, la gestion et la réalisation de deux tâches ou activités
mentales simultanées ;
o la capacité à inhiber une information non pertinente (inhibition) ;
o capacité à maintenir et à manipuler l‘information en mémoire à long
terme ;
o modification des stratégies de récupération en mémoire à long terme.

En 2001, Baddeley, Chincotta & al. démontrent également le rôle de l‘administrateur


central dans le processus de flexibilité mentale, qui renvoie aux FE.

Quoi qu‘il en soit, il s‘agit donc d‘un contrôle exécutif fractionné. Celui-ci permet la
régulation de deux systèmes, situés à un plus bas niveau et dits « esclaves » : la Boucle
Phonologique et le Calepin Visuo-spatial :

La Boucle Phonologique intervient pour les informations à caractère phonologique.


Elle se décompose en un processus actif, appelé le stock phonologique, qui a un rôle de
stockage de l‘information phonologique. Cependant la trace de celle-ci s‘estompe
progressivement. Afin de la maintenir, il existe aussi un processus passif : la récapitulation
articulatoire, rafraîchissant l‘information. De cette manière, la boucle phonologique permet un
maintien des informations en mémoire à court terme sur une certaine durée ;
Le Calepin Visuo-spatial quant à lui est activé pour les informations visuelles et
spatiales. Il se décline en deux systèmes distincts. L‘un sert à la mémorisation de patterns

62
visuels : « visual cache », alors que l‘autre est dévolu à la rétention de séquences de
mouvements : « inner scribe ». Ces deux systèmes interfèrent cependant l‘un avec l‘autre.

Ce modèle tripartite va néanmoins rapidement se trouver dans l‘incapacité d‘expliquer


certains phénomènes, marquant notamment l‘influence de la mémoire à long terme sur les
capacités de mémoire à court terme. De là, Baddeley (cité par Seron, 2007) propose
l‘existence d‘un espace intermédiaire entre la mémoire de travail et la mémoire à long terme :
le buffer épisodique.
Par la suite, Martin & al. (1994) ou encore Majerus (2004 ; tous cités par Seron, 2007)
vont suggérer que chaque modalité de traitement soit sub-divisée en différentes entités de
stockage intégrées au modèle initial. Postle (2006 ; cité par Seron, 2007 également) explique
qu‘en poursuivant cette idée, le modèle de la mémoire de travail se composerait d‘une
centaine, si ce n‘est plus, de buffers spécifiques à une modalité. Le cas échéant, une telle sub-
division du modèle altèrerait le caractère économique de sa version initiale et poserait
davantage de problèmes d‘un point de vue interprétatif.

Quoi qu‘il en soit, Baddeley & Hitch (cités par Seron, 2007) imputent également à la
mémoire de travail le fonctionnement mental du sujet. Selon eux, elle permet de se
représenter l‘environnement immédiat et de maintenir les informations pertinentes pour tout
acte cognitif, comme la manipulation d‘images, atteindre un but, penser, raisonner...etc. À
travers ce dernier modèle, le lien entre mémoire de travail et fonctions exécutives est
clairement établi. Comme d‘autres auteurs, Baddeley & Hitch induisent le caractère éminent
du contrôle exécutif dans le fonctionnement cognitif du sujet. Ils définissent la mémoire de
travail comme un facteur prédictif pour l‘accomplissement de tâches complexes.
Avec les années, l‘agencement de la mémoire de travail est reconsidéré par De Beni
(1998) et Conway (2003) (tous deux cités par Seron, 2007). Selon eux, elle ne se cantonnerait
pas simplement à des espaces de stockage et de traitement. Ils envisagent en fait une
intégration de ces deux systèmes. Pour Conway, la mémoire de travail correspondrait à un
mécanisme d‘attention contrôlée permettant le maintien de l‘information malgré la réalisation
d‘autres opérations. Pour De Beni, cette intégration serait dévolue au processus d‘inhibition.
Quoi qu‘il en soit à nouveau, et dans les deux cas, la mémoire de travail implique des
mécanismes exécutifs permettant d‘assurer la résistance à l‘interférence.

63
Finalement, le modèle initial de Baddeley (1974 ; cité par Seron, 2007) connaît tant de
remaniements qu‘il paraît actuellement difficile d‘obtenir un consensus sur la structure interne
de la mémoire de travail et sur ses rapports avec d‘autres fonctions cognitives ou exécutives.
Cependant, de par les multiples approches théoriques, la mémoire de travail apparaît comme
un espace central du fonctionnement cognitif et exécutif.

Comme nous avons pu le voir, le modèle de Norman & Shallice (1980) propose une
hiérarchie très stricte. Celle-ci est controversée par d‘autres auteurs comme Allain & Le Gall
(2004) qui rapportent que les patients frontaux commettent des erreurs de séquentialité, de
hiérarchisation des actions et de gérance des réponses inappropriées même face à des
situations mettant en jeu des schémas routiniers (les scripts). Leurs observations ne donnent
donc pas leur aval au modèle des auteurs précédents qui soutiennent que les lobes frontaux
n‘interviendraient pas lors de schémas d‘actions familiers. Cette étude d‘Allain & Le Gall
(2004) montre que les régions frontales jouent un rôle dans l‘organisation et le contrôle, mais
aussi dans l‘exécution de plans familiers.

Ainsi, du fait que le modèle de Norman & Shallice peut être remis en cause par le
degré de participation du fonctionnement exécutif pour des schémas « automatiques » ou
« semi-automatiques » et que celui de Baddeley n‘ait pu évoluer vers un fractionnement de
son Administrateur Central (une telle conception supposant un nombre quasi illimité de
buffers), une approche plus fractionnée du fonctionnement exécutif émerge peu à peu. Elle
vise à pallier les différents biais présentés par ces modèles et répondre aux besoins de la
pratique clinique.
2.1.3.3 Miyake : unité et diversité des fonctions exécutives

La multitude des paramètres entrant en compte dans la réalisation des tâches évaluant
le fonctionnement exécutif a donc suscité l‘intérêt d‘autres auteurs.

Ainsi, Miyake, Friedman & al. (2000) cherchent à mettre en place une théorie qui
expliquerait l‘organisation et le fonctionnement des fonctions exécutives. Afin de tendre vers
une précision maximale, et en se fondant sur la littérature, ils suggèrent une définition des
fonctions exécutives limitée à trois composantes, chacune plus ou moins distinctes (Sylvester,
Wager & al., 2003 ; Ward, Roberts & al., 2001 ; Bunge, Dudukovic & al., 2002), d‘après une

64
étude portant sur 137 étudiants (Miyake, Friedman & al., 2000) : la flexibilité mentale ou
« shifting », l‘inhibition et la mise à jour.
S‘ils ne réfutent pas complètement l‘existence d‘autres fonctions exécutives, le choix
de ces trois processus s‘explique par le fait que contrairement aux autres, ils ne font intervenir
que peu de mécanismes non exécutifs, et permettent ainsi d‘être objectivés plus précisément
(Speth & Ivanoiu, 2007) :

La Flexibilité mentale entre différents types de stimuli ou différents types de


traitements (shifting) : elle renvoie à la capacité de raisonnement et de résolution de nouveaux
problèmes, et plus précisément à la capacité à alterner, à changer de stratégie cognitive selon
les besoins de la tâche en cours, quand par exemple le chemin ou la stratégie utilisés par le
sujet se révèlent inefficaces.

L’Inhibition de réponses prépondérantes : cette fonction correspond à l‘évitement des


informations distractrices. Elle renvoie à la faculté d‘empêcher, de façon contrôlée, les
réponses automatiques ou pré-établies de s‘activer.

La Mise à jour de l‘information en mémoire de travail : on fait référence ici à la


suppression des informations anciennement pertinentes pour les besoins de la tâche en cours,
c‘est-à-dire la capacité à supprimer ces informations anciennement pertinentes quand
nécessaire.

A partir de cette distinction, deux objectifs se dégagent de leur étude. Ils souhaitent
d‘une part montrer le degré de corrélation entre les trois fonctions grâce à un protocole de
trois tâches pour chacune d‘elles, ces neuf tâches au total n‘impliquant que faiblement des
processus non exécutifs (Speth & Ivanoiu, 2007). D‘autre part, ils cherchent à objectiver la
contribution de chacune des trois fonctions lors de tâches exécutives complexes. Afin
d‘opérationnaliser ces objectifs et d‘être les plus fins possible dans leur analyse, les auteurs
passent par une méthode statistique spécifique : l‘analyse structurale confirmatoire. Celle-ci
consiste à réduire au maximum le nombre de variables observables (ici les neuf tâches), afin
de les regrouper sous un certain nombre de variables latentes. Une variable latente correspond
à une habileté sous-jacente qui détermine les performances obtenues aux tâches en cours.
Pour les mettre en évidence, il faut regrouper les résultats obtenus aux tests et en extraire les
données divergentes. Celles-ci exclues, les variables latentes émergent par regroupement des
65
données les plus corrélées (Friedman, Miyake & al., 2008). En pratiquant la méthode de
l‘analyse structurale confirmatoire, les auteurs cherchent donc à valider un modèle. C‘est pour
cela que l‘analyse factorielle exploratoire n‘est pas préférée puisqu‘elle ne se fonde pas sur un
modèle théorique pré-établi, contrairement à la formule choisie par l‘équipe de Miyake,
Friedman & al. (2000).

Fig. 1 Modèle à trois facteurs proposé par Miyake, Friedman & al. (2000) pour l‘analyse structurale
confirmatoire.

Suite à cette analyse, les auteurs se penchent dans un premier temps sur les possibles
corrélations entre les neuf tâches toutes confondues. Les premiers résultats ne sont pas
significatifs. Cependant, lorsqu‘ils recherchent des corrélations entre les tâches évaluant la
même sous composante, les auteurs retrouvent des corrélations modérées (Speth & Ivanoiu,
2007). Si cette donnée nouvelle démontre qu‘il y a un trait commun entre les tâches évaluant
le même processus, et que les trois sous composantes pré-déterminées sont donc, en partie,
séparables, les résultats ne permettent néanmoins pas de réfuter l‘existence de bases
communes.
Ainsi, ces trois fonctions sont modérément corrélées, ce qui renvoie à la fois à une idée
d‘unicité puisqu‘elles sont « modérément » corrélées, mais aussi à une diversité certaine. Les
trois processus apparaissent comme étant des variables largement, mais non totalement

66
indépendantes, traduisant ainsi « l‘unité dans la diversité des fonctions exécutives ». Pour les
auteurs, la nature du facteur commun demeure à ce jour hypothétique néanmoins.

Ils proposent ainsi deux hypothèses quant aux bases communes. Celles-ci pourraient
résider dans la nécessité de maintenir en mémoire de travail des informations à propos du but
et du contexte de la tâche ou alors, la mise en route du processus d‘inhibition pourrait
également apparaître comme le dénominateur commun du fonctionnement (Meulemans,
2004).
Enfin, l‘équipe détermine que ces composantes exécutives participent chacune, à des
degrés différents, à la réalisation d‘épreuves complexes.

C‘est donc de l‘ensemble de ces constatations que Miyake, Friedman & al. (2000) font
ainsi état de l‘unité et de la diversité des fonctions exécutives. Ce modèle semble à ce jour
rendre le mieux compte de la diversité des fonctions exécutives et de leurs contributions lors
de l‘exécution de certaines tâches complexes. De plus en plus d‘auteurs utilisent d‘ailleurs
cette classification comme grille de lecture des résultats de la littérature concernant le
bilinguisme (Bialystok, Craik & al., 2006a).

2.1.3.4 Autres données venant étayer la diversité des fonctions


exécutives
Les données neuro-anatomiques rapportées par Friedman, Miyake & al. (2008)
viennent corroborer cette hypothèse d‘unité et de diversité des fonctions exécutives. Selon
eux, l‘activation de certaines zones frontales et pariétales serait partagée par les trois
composantes exécutives sus-décrites. De plus, la flexibilité et la mise à jour dépendraient
chacune d‘activations postérieures et/ou frontales isolées.

En conclusion, les prémisses des recherches sur le fonctionnement exécutif datent de


plus d‘un siècle. Grâce aux observations de chercheurs comme Harlow (1868) et Luria
(1966), ainsi qu‘aux avancées scientifiques des méthodes d‘investigation sur la cognition
humaine, différents modèles théoriques de plus en plus détaillés ont pu émerger. Comme nous
l‘avons vu, les premiers mettaient en avant une conception unitaire des fonctions exécutives.
En effet, qu‘il s‘agisse de Baddeley (1974–1990, cité par Séron, 2007), et de son
Administrateur Central ou de Norman & Shallice (1980) et leur SAS, les différents processus
exécutifs étaient régis par un seul et même mécanisme sous-jacent.

67
Puis nous assistons à un réel tournant dans l‘approche des fonctions exécutives, avec
notamment Miyake, Friedman & al. (2000). Ils ont remis en cause ce principe d‘unité en
proposant une vision fractionnée du fonctionnement exécutif sur lequel de nombreuses études
se fondent actuellement. Ce fractionnement est d‘ailleurs retrouvé dans le développement des
fonctions exécutives qui n‘apparaît pas linéaire et semble se poursuivre jusqu‘à un âge plus ou
moins avancé (Hale, Bronik & al., 1997), point que nous développerons plus bas.

Maintenant que les fonctions exécutives ont été quelque peu définies, nous pouvons
nous interroger sur l‘évolution de celles-ci dans le développement cognitif humain.

2.2 Développement et maturation des fonctions exécutives


2.2.1 Ontogénèse et maturation du support cérébral

De manière générale, chez l‘Homme, le développement du système nerveux


commence par une surproduction de cellules et de connexions pour se poursuivre vers une
diminution de celles-ci permettant alors d‘augmenter l‘efficacité et la spécificité des circuits
neuronaux. La majorité de ces processus se déroule in utero (Eliez & Schaer, 2009).
Cependant, il apparaît que certains mécanismes de maturation, ceux des fonctions exécutives
en l‘occurrence, continuent pendant l‘enfance, et même jusqu‘à l‘âge adulte, voire même tout
au long de la vie.

Comme nous l‘avons brièvement vu, d‘un point de vue anatomo-fonctionnel et global,
les fonctions exécutives sont en majeure partie sous la dépendance du cortex pré-frontal, qui
semble interconnecté avec le système limbique et les noyaux gris centraux via une boucle
fronto-sous-cortico-frontale (Roy, Gillet & al., 2005).

Un large consensus est obtenu par les auteurs concernant la maturation des cortex pré-
frontal et frontal sur le fait qu‘elle apparaît beaucoup plus tardive et lente que celle des autres
régions cérébrales et serait donc à mettre en lien avec le développement des fonctions
exécutives (Roy, Gillet & al., 2005).

Néanmoins, il n‘existe à ce jour pas de consensus clair sur l‘âge de fin de maturation
du substrat anatomique en lien avec les FE notamment, des études assez récentes tendant à
prouver que le développement même du cerveau ne se terminerait en réalité qu‘après l‘âge de
20 ans, donc bien après la fin de l‘adolescence. Le rapport sur les études existantes en IRM
présenté par Giedd (2008) montre même que l‘âge de maturation complète du cerveau se

68
situerait aux alentours de 26 ans. Par exemple, selon l‘auteur, l‘épaisseur de la matière grise
est maximale à 11 ans chez les filles et à 12 ans ½ chez les garçons. A partir de là débute un
processus d‘élagage des connexions non ou peu utilisées. Le développement du cerveau
commence par les zones perceptives (qui deviennent matures pendant l‘enfance), et se termine
par les zones qui soutiennent les fonctions cognitives plus élaborées. Ainsi, selon l‘auteur,
deux zones atteignent leur maturité seulement vers 26 ans :

les lobes frontaux d‘une part, qui sous-tendent les fonctions exécutives ;
le cervelet d‘autre part, dont le rôle est de coordonner les processus
cognitifs, permettant l‘accès à différentes parties du cerveau de façon rapide et fluide.

Un autre changement neuro-anatomique majeur se déroulant tout au long de


l‘adolescence (et même passé 20 ans), consiste en l‘augmentation régulière de la « substance
blanche », qui joue un rôle dans la myélinisation des neurones et l‘accélération de la
transmission des informations neuronales.

Selon Steinberg (2005), certaines régions cérébrales intéressant les fonctions


exécutives se développeraient également jusqu‘à l‘âge de 25 ans, en particulier celles en
rapport avec les capacités de contrôle des impulsions, d‘autorégulation des émotions, de
tolérance au délai de gratification, et de résistance à l‘influence des pairs. Chez les
adolescents, le système de contrôle cognitif continuerait d‘évoluer graduellement et il serait
porté par un réseau d‘éléments moins construits que chez l‘adulte. Par exemple, l‘étude de
Giovanni (2007) chez l‘adolescent a ainsi montré que l‘inhibition volontaire d‘une action
(« free won‘t »), active une région différente de celle des adultes pour le même type de tâche,
en l‘occurrence le cortex frontal dorso-médian, chez l‘adolescent. De même, le test du risque
de l‘Iowa (jeu dans lequel l‘adolescent doit prendre des décisions qui l‘amèneront à des
récompenses ou des pertes sous forme d‘argent fictif), (Zelazo, Craik & al., 2004), montre que
les adolescents sont plus susceptibles que les adultes de choisir les situations risquées. Les
adolescents utiliseraient donc leur cerveau de façon différente par rapport à l‘adulte dans des
tâches impliquant l‘inhibition notamment.

Dans la mesure où nos deux premières expérimentations portent sur les adolescents de
13 à 18 ans, nous allons évoquer le développement des fonctions exécutives elles-mêmes chez
l‘enfant et l‘adolescent.

69
2.2.2 Développement des FE chez l’enfant et l’adolescent

Si la maturation finale du support cérébral est tardive, il a néanmoins été prouvé que
l‘émergence des premières fonctions exécutives se faisait précocement. En 1990 par exemple,
Diamond illustre bien ce postulat en se fondant sur un échantillon de nourrissons âgés de 9 à
11 mois comparé à des singes avec lésions pré-frontales. L‘auteur démontre que les enfants
ont de bonnes performances au test de Détour et de Recherche de l‘objet, ce qui renvoie à la
régulation du comportement intentionnel et du contrôle attentionnel dirigés vers un but, et ce
dès le plus jeune âge (implication du lobe pré-frontal).

Nous allons donc nous intéresser avec plus de précision aux trois principales fonctions
exécutives en lien avec ce travail de thèse.

2.2.2.1 Mémoire de travail et Administrateur Central (mise à jour)

En ce qui concerne la mémoire de travail que nous savons notamment liée au


fonctionnement exécutif, nous nous appuierons maintenant sur l‘évolution de celle-ci via le
modèle de Baddeley (1990, cité par Séron, 2007) déjà évoqué plus haut.

Gaonac‘h & Pross (2005) postulent qu‘elle se développe selon un niveau quantitatif
mais aussi qualitatif. D‘un point de vue quantitatif, on observe, via la tâche d‘empan verbal,
que des différences individuelles apparaissent dès 3 ans (Gathercole, 1995 ; cité par Gaonac‘h
& Pross, 2005), et que les performances adultes sont atteintes aux alentours de 11-12 ans
(Dempster, 1981 ; cité par Gaonac‘h & Pross). Pour une analyse qualitative, on se réfère aux
stratégies mises en place, reflétant elles-mêmes le développement de l‘Administrateur
Central.

Quant à l‘Administrateur Central, qui comme nous l‘avons vu, constitue la


composante exécutive de la mémoire de travail (Baddeley, 1996 ; Baddeley, Chincotta & al.,
2001), de nombreuses données évoquent le caractère lent et tardif de son développement
également. Néanmoins, la position des différents auteurs quant à l‘âge précis varie quelque
peu.

Pour Siegel (1994) notamment, on observe un accroissement régulier des


performances entre 6 et 15 ans. Cet accroissement se poursuivrait au-delà de 15 ans selon
Anderson, Anderson & al. (2001), et même jusque 19 ans selon Hale, Bronik & al. (1997). On
note également que le développement de l‘Administrateur Central serait probablement non

70
linéaire. Selon Luciana & Nelson (1998), il y aurait des pics d‘augmentation vers 4 et 5 ans,
puis vers 8 ans, tandis que pour Hernandez, Sauerwein & al. (2002), son développement se
ferait en plusieurs paliers, autour de 4-6 ans puis de 8-12 ans.

Dans les années 1970, des chercheurs comme Pascual-Leone (1970) et Anderson
(2002) ont également exploré les compétences de l‘Administrateur Central du modèle de
Baddeley (1986, 1996) en reprenant les situations de résolution de problèmes décrites dans les
travaux de Piaget (1937). Ils s‘accordent en général avec Piaget sur l‘hypothèse selon laquelle
le développement des FE se terminerait vers 15-16 ans.

Concernant les fonctions exécutives de manière plus générale, Sevino (1998) a quant à
lui expliqué, à travers une étude athéorique, qu‘un facteur général de vitesse de traitement
serait à l‘origine de l‘évolution des performances avec l‘âge. D‘autres auteurs, tels que Welsh
(1991 ; cité par Gaonac‘h & Pross) font par exemple apparaître que la planification est
opérationnelle à 6 ans pour l‘épreuve de la Tour de Hanoï (TOH, Lucas, 1892) à 3 disques,
alors qu‘elle ne l‘est qu‘après 12 ans pour la TOH à 4 disques.

Si dans ce dernier exemple le développement exécutif serait davantage considéré


comme intra- et non pas inter-fonctions exécutives, il n‘en demeure pas moins que les
fonctions exécutives se développeraient donc selon une hiérarchie asynchrone. Il y aurait un
développement différent pour chaque fonction et une diversité dans l‘évolution d‘une même
fonction exécutive, même s‘il reste ardu de savoir à quel âge réellement le fonctionnement
exécutif arrive à maturation complète (Roy, Gillet & al., 2005). D‘après Hartman, Bolton &
al. (2001) par exemple, on observerait une stabilisation dans les performances aux tâches
exécutives à l‘âge de 19 ans. Steinberg (2005) quant à lui, suppose une maturation plus
tardive encore, vers l‘âge de 25 ans. Ceci va dans le sens du rapport de Giedd (2008), qui
pointe une pleine maturation vers 26 ans minimum.

Quoi qu‘il en soit, la composante exécutive de la mémoire de travail, l‘Administrateur


Central et les FE sont donc liés en grande partie, sans pour autant que celles-ci soient
totalement confondues. Dans son étude portant sur l‘évolution des fonctions exécutives chez
l‘enfant de 4 à 14 ans, Diamond (2010), rapporte que chez les enfants âgés de 4 à 9 ans, le
maintien en mémoire de travail et l‘inhibition sont deux fonctions qui sont corrélées, donc non
différenciées. Néanmoins, dans le groupe plus âgé (enfants de 9 ans ½ à 14 ans ½), maintien
en mémoire et inhibition apparaissent clairement comme deux composantes distinctes.
71
L‘hypothèse de l‘auteur est donc qu‘avec le temps, la spécialisation croissante des circuits
neuronaux du cortex préfrontal suggère une spécialisation des fonctions cognitives dépendant
du cortex préfrontal au cours de l‘enfance, et notamment de la mémoire de travail.

Plus récemment, Anderson (2002) a quant à lui proposé un modèle de développement


des FE. Selon ce modèle, les FE agissent comme un système général de contrôle composé de
quatre domaines indépendants, mais inter-reliés : le contrôle attentionnel, la flexibilité
cognitive, l‘établissement d‘objectifs et le traitement de l‘information. Ces domaines sont
considérés comme indépendants, car ils suivent entre autres, des trajectoires
développementales différentes. Néanmoins, si globalement on constate que ces FE ne se
développent pas au même rythme, elles atteignent selon ces auteurs leur niveau maximal à 15-
16 ans, leur évolution se ralentissant entre 12 et 15 ans.

Fig. 2 : Trajectoire développementale des quatre domaines (contrôle attentionnel, flexibilité cognitive,
établissement d‘objectifs, traitement de l‘information) du Système de Contrôle Exécutif (Anderson, 2002).

Après avoir passé rapidement en revue les différents modèles ou approches de


développement de la mémoire de travail, de son Administrateur Central et des FE chez
l‘enfant et l‘adolescent, nous allons maintenant nous pencher plus précisément sur le
développement des autres composantes du fonctionnement exécutif.
72
2.2.2.2 Inhibition
L‘inhibition serait une composante clef du développement cognitif de l‘enfant (Houdé,
2004/2011). L‘auteur rappelle qu‘elle est présente dès la naissance, comme en témoignent les
nombreuses expériences de succion non nutritive, technique mise au point par Siqueland &
De Lucia (1969). Plus précisément, suite à l‘apparition d‘un stimulus, le taux de succion
augmente (l‘attention du nourrisson a été sollicitée), puis la diminution de la succion traduit
un phénomène d‘habituation au stimulus, et donc la présence de capacités d‘inhibition.
De même, comme nous l‘avons évoqué rapidement, Diamond (1990) suggère que des
capacités précoces d‘inhibition existent chez le tout-petit. L‘inhibition d‘un geste
préprogrammé par exemple ne sera cependant réussie que vers la fin de la première année.
Dans l‘expérience en question, l‘enfant doit contourner un objet transparent avec une
ouverture sur le côté pour attraper une balle. Les résultats montrent que l‘enfant ne peut
résister à l‘attraction visuelle de l‘objet à 7 mois, en raison de la maturation insuffisante de
son cortex préfrontal.

Houdé (2004/2011) fait également référence aux capacités d‘inhibition de l‘enfant


dans le choix d‘une stratégie adéquate. Pour lui, l‘erreur de conservation du nombre observée
jusque 7 ans par Piaget (1937) ne reflète pas une immaturité de la notion de nombre (des
capacités numériques précoces ont été trouvées chez des bébés dans l‘expérience de Wynn en
1992), mais plutôt une incapacité à inhiber une stratégie perceptive inadéquate dans une
situation particulière.
2.2.2.3 Flexibilité

Quant aux capacités de flexibilité mentale chez l‘enfant, elles évoluent également avec
l‘âge. Elles ont notamment été évaluées par le Children Trail Making Test, conçu en 1949 par
Parkington & Leiter, qui semble mettre en jeu les capacités de flexibilité mentale, mais aussi
les capacités d‘exploration visuelle et les habiletés visuo-motrices. Dans la partie A (évaluant
l‘aspect visuo-moteur), le sujet doit relier 15 cercles numérotés de 1 à 15, disposés de manière
pseudo-aléatoire sur une feuille A4, dans l‘ordre numérique. Dans la partie B (évaluant de
façon spécifique la flexibilité mentale), le sujet doit relier de façon alternative une série de
cercles contenant un chiffre (1 à 8) ou une lettre (A à H) dans l‘ordre croissant et alphabétique
en alternant chiffres et lettres (1-A-2-B...). La différence de temps et d‘erreurs entre les parties
A et B reflète les capacités de flexibilité mentale du sujet. Spreen & Strauss (1998) et Sevino
(1998) ont ainsi retrouvé une diminution régulière du temps de passation des deux parties,

73
ainsi qu‘une diminution de la différence de temps de réalisation entre les parties A et B chez
des enfants âgés de 8 à 15 ans, témoignant d‘une amélioration de la flexibilité mentale avec
l‘âge.

Nous pouvons également citer l‘étude de Faivre-Pierret (2002) qui a porté sur
l‘étalonnage du Wisconsin Card Sorting Test (1948), épreuve classiquement utilisée pour
évaluer la flexibilité mentale. L‘auteur a étalonné ce test chez des enfants âgés de 8 ans à 17
ans. Le sujet doit effectuer un classement de cartes sur lesquelles sont dessinées des figures
géométriques de différentes couleurs, formes ou différents nombres. En fonction de la réponse
de l‘administrateur (oui ou non), le sujet doit déduire une règle pour répondre correctement.
Cette épreuve demande donc au sujet d‘être capable d‘utiliser une stratégie appropriée pour
résoudre un problème, et de s‘adapter aux réponses de l‘examinateur pour changer de
stratégie.

Les résultats de cette étude font ressortir une diminution significative du nombre total
d‘erreurs avec l‘âge : les sujets plus âgés seraient davantage aptes à prendre en compte les
feedback de l‘environnement pour adapter leur stratégie. Entre 8 et 11 ans, les sujets
commettent en moyenne plus de 40 erreurs, l‘écart-type se situant entre 16 et 20, traduisant
une grande variabilité chez les enfants de ce groupe d‘âge. On constate ensuite une diminution
rapide du nombre d‘erreurs entre 12 et 17 ans (les sujets passent en moyenne de 37 erreurs à
18 erreurs), et un écart-type qui diminue de moitié, montrant une plus grande homogénéité
des performances. Pendant l‘adolescence, les performances s‘améliorent rapidement entre 13
et 15 ans (le nombre d‘erreurs est compris entre 29 et 22), alors qu‘elles s‘améliorent
timidement entre 16 et 17 ans. Ces différents scores confirment l‘hypothèse selon laquelle la
flexibilité mentale évolue avec l‘âge jusqu‘à quasi maturation vers 15-17 ans.

D‘autre part, on observe que le nombre de réponses persévératives suit une évolution
similaire. En effet, ce type d‘erreurs est très important jusque 12 ans, puis il diminue très
rapidement pour atteindre un nombre stable à l‘âge de 15 ans. Notons qu‘entre 13 et 15 ans,
l‘écart-type diminue de moitié (passant de 9 à 5), et qu‘à l‘âge de 17 ans il s‘est
considérablement réduit (passant à 3). Cette diminution du nombre d‘erreurs persévératives
reflète aussi une amélioration de la flexibilité mentale avec l‘âge. Nous pouvons constater que
cette amélioration est très visible entre 8 et 13 ans, puis entre 13 et 15 ans, et enfin plus stable
au-delà (jusque 17 ans). La diminution des écarts-types tout au long de l‘enfance montre
cependant que cette évolution se poursuiverait après 15 ans, même si de façon plus discrète.

74
Dans une étude américaine testant la même tâche (Hartman, Bolton & al., 2001), le nombre de
réponses persévératives diminue même jusqu‘à l‘âge de 19 ans, et on observe par la suite une
performance stable des sujets jusque 59 ans.

Ainsi, il ressort de ces études une amélioration significative de la flexibilité mentale au


niveau quantitatif (diminution du nombre d‘erreurs) chez les enfants entre 9 et 15 ans, et en
particulier entre 13 et 15 ans. Il semblerait qu‘après l‘âge de 15 ans, et ce jusqu‘à la fin de
l‘adolescence, les performances en flexibilité mentale continuent de s‘améliorer mais de façon
beaucoup moins siginicative qu‘auparavant.

En conclusion, si on peut supposer que la grande partie des FE atteignent une espèce
de « plafond » vers 16 ans, il semble que certaines mesures se montrent plus sensibles à des
changements subtils qui se produisent au-delà de cet âge.

Le langage, le bilinguisme et les fonctions exécutives ayant été présentées, il semble


maintenant pertinent de faire un lien entre ces trois concepts quant à leur développement et à
leur organisation cérébrale chez les sujets bilingues spécifiquement.

75
CHAPITRE 3 : LANGAGE, BILINGUISME ET FONCTIONS
EXECUTIVES

___________________________________________________________________________

3.1 Langage, mémoire, FE et attention : des modules qui fonctionnent ensemble

3.2 Un lien étroit entre le langage et les FE : la théorie de Vigotski

3.3 Influences réciproques du langage et des FE

3.4 Bilinguisme et FE : le « switching », données récentes

3.5 Répercussions du bilinguisme sur les fonctions cognitives et exécutives :


désavantages et avantages
3.5.1 Désavantage du sujet bilingue dans certaines tâches langagières
3.5.2 Avantages du bilinguisme
3.5.3 De meilleures performances dans les tâches de contrôle exécutif général
(verbal et non-verbal)

3.6 Avantages et désavantages d’être bilingue : théories explicatives

3.6.1 Compétences verbales : pourquoi des avantages moins évidents ?


3.6.1.1 La question du pourquoi : la taille du lexique
3.6.1.2 La fréquence d‘utilisation
3.6.1.3 Autres hypothèses
3.6.2 Avantages des bilingues : « switching » et inhibition, ou fonctionnement
plus général impliquant les trois FE ?
3.6.2.1 « Switching », inhibition, coût de commutation et degré
de maîtrise
3.6.2.2 Inhibition, niveau de maîtrise et réseaux impliqués
3.6.2.3 Des approches plus nuancées
3.6.2.4 Une vision plus large
3.6.2.4.1 Une meilleure sélection de l‘information
3.6.2.4.2 Toutes les composantes exécutives et l‘attention

76
CHAPITRE 3 : LANGAGE, FONCTIONS EXECUTIVES ET BILINGUISME

Notre étude portant sur les liens entre bilinguisme et fonctions exécutives, nous nous
sommes donc intéressée dans cette partie aux relations qui peuvent exister entre langage,
bilinguisme et fonctions exécutives. La question à laquelle nous allons tenter de répondre ici
est celle de l‘organisation des fondations cognitives et surtout exécutives chez le sujet
confronté à un environnement plurilingue.
La première partie de ce chapitre portera plus particulièrement sur l‘impact du
bilinguisme sur le développement du langage et des fonctions exécutives. La seconde
s‘intéressera davantage aux répercussions possibles chez le sujet bilingue, et la troisième se
centrera sur les hypothèses avancées pour expliquer ces répercussions et sur les différents
mécanismes mis en jeu (Dana-Gordon, Mazaux & al., 2013 : cf. annexe 1, article publié).

3.1 Langage, mémoire, FE et attention : des modules qui fonctionnent ensemble

Malgré la conception modulaire du fonctionnement cérébral défendue par les


cognitivistes, Mazeau (1997) souligne qu‘on ne saurait évoquer le langage sans parler des
liens étroits qui l‘unissent par exemple à la mémoire d‘une part, et aux fonctions exécutives
d‘autre part.

En effet, comme nous l‘avons vu plus haut, la mémoire, dans ses différents aspects, est
très liée aux fonctions langagières. Par exemple, la mémoire à long terme intervient dans
l‘organisation et la récupération du stock lexical, mais aussi dans le stockage et la
récupération en mémoire sémantique de scripts permettant la compréhension de discours et de
récits, à l‘oral et à l‘écrit. La compréhension du discours en temps réel se réalise grâce à
l‘activation de la mémoire de travail et de la mémoire à long terme de façon ponctuelle. Il
s‘agit de maintenir actifs des éléments du discours saisis de façon séquentielle, et d‘effectuer
sur ces éléments un travail cognitif afin d‘aboutir à des unités de sens. Celles-ci seront à leur
tour maintenues actives pour accéder au sens global du discours, avant d‘être en partie
supprimées puisque plus nécessaires, ce qui nous renvoie à la mise à jour des connaissances
en mémoire et donc aux FE.

Les liens entre fonctions exécutives et langage sont également objectivés par les
répercussions langagières suite à un syndrome frontal. Deux épreuves de langage sont en
général touchées plus spécifiquement : les épreuves de récit (désorganisation des éléments,

77
absence de lien entre les événements), et les épreuves de fluence verbale (diffluence,
persévérations, grande pauvreté du lexique). Les troubles frontaux se caractérisent donc
notamment par une dissociation entre un langage spontané facile, fluent, et un langage
contraint, très pauvre.

3.2 Un lien étroit entre le langage et les FE : la théorie de Vygotski

Des expériences récentes (Fedorenko, Dunkan & al., 2012) ont démontré le rôle de
l‘aire de Broca dans le contrôle exécutif. Cette zone du cerveau, située au pied de la troisième
circonvolution frontale gauche, était autrefois supposée être le centre de la production du
langage. Aujourd‘hui, on sait que l‘aire de Broca est désormais fractionnée : la partie
postérieure appartient à la voie dorsale, phonologique, et la partie antérieure et inférieure à la
voie ventrale sémantique. La découverte de la double fonction de l‘aire de Broca suggère
l‘existence de liens plus étroits entre le langage et les fonctions exécutives.

Ces premières données rejoignent l‘hypothèse émise par Vygotski (1934/1997) et


reprise par Diaz & Klingler (1991). Selon Vygotski (1934/1997), l‘utilisation du langage
serait à l‘origine d‘une transformation radicale du fonctionnement exécutif ou cognitif au sens
plus large. Pour l‘auteur, à la naissance, la pensée (équivalent de l‘intelligence sensori-motrice
chez Piaget et comprenant la perception, l‘attention, la mémoire...), ainsi que le langage (des
premières productions vocales de l‘enfant jusqu‘au système complexe de l‘adulte), sont deux
composantes séparées qui fonctionnent indépendamment. Néanmoins, toujours selon l‘auteur,
la séparation entre pensée et langage est de courte durée. Très tôt dans le développement, les
enfants utilisent le langage non seulement pour la communication, mais aussi pour planifier et
réguler leurs activités. Vygotski (1934/1997) postule que l‘enfant prend de plus en plus
conscience du pouvoir de régulation des signes utilisés par les adultes. Il se l‘appropriera dans
un deuxième temps afin d‘organiser son champ de perception et de réguler lui-même sa
pensée. Ainsi, le traitement de l‘information qui était au départ contrôlé de façon externe par
l‘environnement de l‘enfant devient de plus en plus contrôlé de façon interne grâce à ce qu‘il
appelle le « langage égocentrique » (« private speech »). Chez les bilingues précoces, ce
phénomène serait même amplifié du fait de l‘exposition à deux langues simultanément.
L‘utilisation de la parole comme outil de pensée aurait trois conséquences majeures sur le
développement cognitif de l‘enfant, et renvoie précisément aux FE :

78
les opérations cognitives de l‘enfant gagnent en flexibilité et se détachent des stimuli
concrets, les perceptions s‘organisent et se restructurent pour atteindre les buts ou les
intentions de l‘enfant ;
l‘impulsivité diminue ;
les enfants maîtrisent et contrôlent mieux leurs processus cognitifs.

Ainsi la conscience et l‘utilisation précoce par l‘enfant des fonctions de contrôle du


langage joueraient un rôle majeur dans le développement des FE, et ceci serait
particulièrement renforcé chez le sujet bilingue (Garbin, Sanjuan & al., 2010).

3.3 Influences réciproques du langage et des FE

De façon complémentaire, les fonctions cognitives et même exécutives semblent


influencer l‘acquisition du langage. Comme le rappelle Florin (1999), « le développement
lexical ne peut pas être dissocié des autres aspects du développement, et notamment des
aspects cognitifs. »

Nelson (1976) rapporte que le style cognitif des enfants aurait une influence sur le
développement langagier. Selon l‘auteur, les enfants n‘entreraient pas tous dans le langage de
la même façon, ce qui serait la preuve de différences précoces de style cognitif, et ce d‘autant
plus qu‘ils sont bilingues comme nous l‘avons abordé plus haut.

Nelson (1976) a ainsi distingué des enfants dits « référentiels » qui apprennent d‘abord
à parler des choses en utilisant des mots, et des enfants dits « expressifs » qui parlent d‘abord
d‘eux-mêmes et des autres en utilisant de petites phrases. Puis au cours du temps, les deux
types d‘enfants se rejoignent et deviennent à la fois référentiels et expressifs. L‘auteur a
prolongé cette étude en décrivant des enfants « nominaux » utilisant davantage de noms pour
dénommer des objets ou des propriétés, et des enfants « pronominaux » utilisant davantage de
pronoms et tournés vers le maintien du contact avec le partenaire, indiquant déjà des
préférences pour certaines fonctions du langage, ce qui fait appel ou renvoie aux fonctions
exécutives.

Dans ces premiers sous-chapitres, nous avons commencé à faire des liens entre
fonctions cognitives et bilinguisme chez les sujets bilingues, et par voie de fait, entre
bilinguisme et fonctions exécutives. Nous allons maintenant tenter d‘approfondir les relations
entre ces trois concepts, et notamment, les liens entre le bilinguisme et les fonctions
79
exécutives plus spécifiquement, ainsi que les répercussions sur le traitement des informations
en général chez le sujet bilingue.

3.4 Bilinguisme et FE : le « switching », données récentes

Grâce à l‘apport récent de la neuro-imagerie notamment, la compréhension de


l‘organisation et du fonctionnement cérébral et exécutif du sujet bilingue s‘est trouvée
grandement améliorée.

En effet, nous avons par exemple rapidement vu que des activations cérébrales
différentes étaient repérées entre bilingues et monolingues, notamment lorsque
l‘apprentissage s‘était fait précocement et selon leur niveau de maîtrise des langues, élevé ou
non (Hernandez, 2009). Comme nous l‘avons évoqué plus haut également, chez les bilingues
précoces tout du moins, on observe même une activation conjointe de deux systèmes
langagiers.

Par ailleurs, du fait même de ce bilinguisme, il semble qu‘une influence sur les
fonctions langagières soit objectivée, ainsi que sur les autres fonctions cognitives telles que la
mémoire, mais aussi les fonctions exécutives (Garbin, Sanjuan & al., 2010). Il apparaît même
qu‘elles sont particulièrement sollicitées également, de façon différente ou plus importante
que chez les monolingues quoi qu‘il en soit. Ceci est confirmé par Polczynska-Fiszer &
Mazaux (2008), pour lesquels l‘apprentissage d‘une seconde langue est « un processus
cognitif hautement complexe qui s’appuie de manière conséquente sur quasiment toutes les
fonctions cognitives, particulièrement les habilités linguistiques, les fonctions exécutives
[…]». Une des raisons de cette sollicitation des fonctions exécutives est le « switching », à
savoir passer d‘une langue à l‘autre. Cette capacité serait gérée par les fonctions supérieures et
impliquerait les trois fonctions exécutives telles que définies par Miyake, Friedman & al.
(2000).

Pour rappel, elle renvoie à la capacité d‘un sujet bilingue à passer d‘une langue à
l‘autre, en fonction de son interlocuteur (Meisel, 1994). Selon Kutsuki (2006), elle se met en
place dès le plus jeune âge : « bilingual children become aware of the need to switch
language in a contextually sensitive way from an early stage of development. Switching also
requires inhibitory control over two simultaneously activated language systems ». Ainsi,
lorsqu‘il est précoce, et notamment simultané, le bilinguisme exige une adaptation constante
au contexte langagier contraignant les bilingues à permuter de langue en permanence. Ce

80
processus de « switching », aussi appelé « commutation » est donc au cœur du contrôle
langagier bilingue (Garbin, Costa & al., 2011), et pour beaucoup d‘auteurs, renforcerait
notamment la composante exécutive de l‘inhibition (Bialystok, 2001 ; Rodriguez-Fornells, De
Diego & al., 2006).

Cette idée est renforcée par Rodriguez-Fornells, De Diego & al. (2006) pour lesquels
cette capacité est considérée comme une des plus complexes à réaliser de part l‘effort constant
qu‘elle demande au sujet en termes de contrôle, d‘inhibition et de mise à jour : « language
switch requires the participation of cognitive control for updating the contents of working
memory, the participation of attention, and the decision to change the language in the present
context of the performance. »

Ainsi, il semble que permuter de langue demande plus d‘efforts cognitifs que de
« rester » dans une seule langue. Ce surcroît cognitif lors du « switching » s‘illustre d‘ailleurs
par l‘activation des régions dorso-latérales du cortex préfrontal notamment. Il apparaît alors
évident que le passage entre deux langues est relié, en partie, aux fonctions exécutives
(Hernandez, 2009). Cette capacité serait très dépendante de l‘âge d‘acquisition, du degré de
compétence dans les deux langues et de la situation de communication, et a de ce fait été très
étudiée.

Par exemple, Garbin Costa & al. (2011) rapportent que, dans une situation de contrôle
langagier telle que celle engendrée par le bilinguisme, et dans le cas d‘un bilinguisme de haut
niveau encore une fois, en l‘occurrence précoce simultané ou consécutif comme c‘est le cas
pour les bilingues sélectionnés dans cette thèse, certaines zones cérébrales spécifiques sont
activées. Les auteurs ont comparé des sujets bilingues de différents niveaux de langue dans
une tâche de « switching ». Il semble que les bilingues de bas niveau fassent davantage
intervenir le cortex frontal gauche inférieur, le noyau caudé et le cortex cingulaire antérieur,
alors que les bilingues de haut niveau sollicitent le noyau caudé gauche, l‘aire motrice pré-
supplémentaire et le cortex cingulaire antérieur qui sont plus directement liés au contrôle
langagier ou aux processus de contrôle exécutif généraux. Ils avancent l‘hypothèse selon
laquelle les circuits neuronaux supportant ou gérant le contrôle langagier en production orale
seraient influencés par le niveau de maîtrise de la langue 2.

En effet, il faut nuancer l‘implication de ces zones dans ce contrôle langagier selon
que le sujet se trouve dans un contexte de compréhension ou de production. Dans le premier
cas, il se situe dans une situation passive où il doit réagir au changement de langue. Dans le

81
second, il anticipe par rapport à la situation. C‘est donc dans cette dernière condition que le
bilingue agit le plus sur ses langues et contrôle celles-ci.

Autre différence, lors de la production d‘énoncés, il convient de distinguer le


« switching » dit « en avant », c‘est-à-dire de la L1 vers la L2, de celui « en arrière », c‘est-à-
dire dans le sens inverse (L2 vers L1), l‘impact sur les zones d‘activation étant différent.
Ainsi, lorsque le bilingue opère une traduction « en avant », la tête du noyau caudé de
l‘hémisphère gauche est mobilisée. À l‘inverse, un passage « en arrière » met en jeu l‘aire
motrice supplémentaire.

Ainsi, si les auteurs ont déterminé que la nature du « switch » a un impact sur les
zones d‘activation, ils sont aussi parvenus à la conclusion que l‘âge d‘acquisition et/ou le
degré de maîtrise avaient un impact fondamental sur la manière dont les systèmes impliqués
dans le contrôle langagier étaient recrutés afin de permettre ou de garantir la lexicalisation
dans la langue souhaitée.

D‘après l‘ensemble de ces données, un pas supplémentaire vers les fonctions


exécutives est ainsi fait. Selon Garbin, Sanjuan & al. (2010), outre leur rôle dans le
« switching » langagier, les parties cérébrales spécifiques sus-citées sont aussi connues pour
leur implication dans la réalisation d‘autres activités cognitives telles que la suppression de
réponses non-cibles ainsi que la sélection et la préparation d‘activités motrices et cognitives.
De plus, il apparaît que le « switching » langagier, outre l‘activation de ces aires spécifiques,
engage largement l‘aire frontale inférieure gauche qui est également reliée au fonctionnement
exécutif. Pour leur part, les monolingues activent eux aussi l‘aire frontale inférieure, lors de
tâches de flexibilité mentale notamment, mais du côté droit.

De façon générale, l‘aire frontale inférieure droite est engagée dans des processus
d‘inhibition, eux-mêmes mis en route suite à un signal extérieur nécessitant alors une
réorganisation endogène. L‘aire frontale inférieure gauche semble, quant à elle, dédiée à la
suppression de réponses inadéquates lors des activités de « switching ». La mobilisation de
cette dernière, différente des monolingues, engage une certaine flexibilité cognitive et montre
que les bilingues peuvent établir la réponse appropriée à la tâche en cours. De ce fait, ils
semblent avoir les moyens de résoudre plus efficacement des tâches conflictuelles (Festman
& Münte, 2012). Ces données éclairent encore davantage les liens entre bilinguisme et
fonctions exécutives.

82
En conclusion, il semble que le bilinguisme influe sur les réseaux neuronaux dédiés au
contrôle cognitif et implique une activation corticale distribuée qui finit par converger vers les
régions frontales (Bialystok, Craik & al., 2012) et donc exécutives. Il est en effet également
remarqué que les régions cérébrales, reliées au passage d‘une langue à l‘autre, sont les mêmes
que celles engagées dans les processus attentionnels et exécutifs. L‘hypothèse selon laquelle
les bilingues précoces et les monolingues passent par des réseaux neuronaux différents pour la
résolution de tâches non-verbales complexes par exemple est donc largement fondée
(Bialystok, Craik & al., 2012). Selon les auteurs, cette expérience prolongée des bilingues
change même en fait leurs structures anatomiques, créant alors de nouveaux réseaux
neuronaux fonctionnels, ce qui pourrait expliquer une différence de performances dans ces
tâches, et qui plus est, en faveur des bilingues très souvent.

3.5 Répercussions du bilinguisme sur les fonctions cognitives et exécutives :


désavantages et avantages

Les premières études sur le switching ont soulevé de nombreuses interrogations quant
aux aptitudes particulières du bilingue par rapport au monolingue, l‘idée étant récemment que
les premiers seraient peut-être plus performants que les derniers dans certaines tâches verbales
ou non-verbales nécessitant, du fait du processus de « switching », l‘intervention des
fonctions exécutives. Nous allons maintenant essayer de montrer en quoi le bilinguisme n‘est
pas seulement une expérience linguistique différente, mais aussi une expérience cognitive
différente de celle des monolingues.

3.5.1 Désavantages du sujet bilingue dans certaines tâches langagières

Divers auteurs ont d‘abord argumenté en faveur d‘un désavantage sévère des bilingues
dans les performances langagières, néfaste au développement cérébral (Smith, 1939), certains
au point de critiquer vivement l‘apprentissage même de deux langues comme nous l‘avons vu
en introduction. Néanmoins, ces premières études présentaient des biais certains, notamment
quant à l‘appariement des sujets bilingues-monolingues, et aussi quant aux méthodes
d‘investigation de l‘époque, peut-être moins opérationnelles ou précises qu‘aujourd‘hui.

Ceci étant, des études plus récentes ont retrouvé un certain désavantage chez les sujets
bilingues. En effet, le bilinguisme serait parfois une expérience désavantageuse sur le plan
linguistique et notamment lexical. Plusieurs auteurs s‘accordent à dire que la plupart des
bilinguismes génèrent un effort, ou au moins un déséquilibre dans l‘intégrité du système

83
langagier, de par la charge cognitive supplémentaire apportée par la deuxième langue
(Francis, 2008).

En effet, comme nous l‘avons évoqué, il a été prouvé que les bilingues, enfants ou
même adultes, ont une maîtrise du lexique plus limitée dans chacune de leurs langues que les
monolingues (Oller & Eilers, 2002 ; Portocarrero, Burright & al., 2007), et notamment quand
le bilinguisme n‘est pas équilibré : on parle en effet de bilinguisme asymétrique (une langue
dominante), qui serait davantage la règle que l‘exception contrairement au bilinguisme parfait.
Oller & Eilers (2002) postulent que cette faiblesse lexicale pourrait être à l‘origine d‘une
fragilité retrouvée dans certains tests de maîtrise langagière, ce qui a été confirmé par une
étude de Bialystok & Feng (2009), à savoir que plus les bilingues ont un faible stock lexical
par exemple, et plus les risques qu‘ils soient moins performants que les monolingues dans
certaines tâches langagières sont élevés. Cela dit, Bialystok & Feng (2009) avancent qu‘à
l‘inverse, les résultats entre les deux populations sont similaires ou égaux dans des tâches
linguistiques si le niveau de vocabulaire des bilingues est équivalent à celui des monolingues.

De la même façon, il a été prouvé que les bilingues étaient moins performants dans les
tâches de décision lexicale en ce sens qu‘ils sont plus lents à répondre (Roberts, Garcia & al.,
2002 ; Costa, 2005; Gollan, Montoya & al., 2005; Michael & Gollan, 2005), car non
seulement ils doivent faire face à l‘activation possible d‘autres mots que le mot cible comme
les monolingues, mais en plus, l‘autre langue est également activée dans le processus (Costa,
Miozzo & al., 1999 ; De Bot, 1992 ; Poulisse, 1999, Hermans, Bongaerts & al., 1998).

Néanmoins, comme nous l‘avons abordé dans un chapitre précédent, cette faiblesse
lexicale retrouvée chez certains bilingues n‘est pas toujours réellement présente, ni même
définitive. Si le bilinguisme est équilibré - ce qui est rarement le cas chez le très jeune enfant
bilingue -, et que l‘on évalue le lexique dans les deux langues du sujet ou que l‘on regroupe le
vocabulaire acquis dans chacune des deux langues, alors la taille globale du lexique de sujet
bilingue est en général équivalente à celle de son pair monolingue (Bialystok & Feng, 2009).
De plus, comme nous l‘avons évoqué dans le chapitre 1 traitant des différents types de
bilinguisme, l‘apprentissage complet de deux langues met forcément plus de temps à se
stabiliser chez un enfant bilingue que chez son homologue monolingue, ce qui permet peut-
être de nuancer ces résultats. Nous savons en effet aussi que ce problème de lexique plus
tardif ou plus faible dans chacune des deux langues peut s‘amenuiser avec les années, et aurait

84
même complètement tendance à disparaître à l‘âge adulte, notamment chez les bilingues
précoces et équilibrés (Burke & Shafto, 2008).

Concernant les adolescents bilingues, il existe assez peu de données dans la littérature
concernant les éventuels désavantages engendrés par le bilinguisme, à l‘exception de la
fragilité lexicale évoquée plus haut.

Une des raisons principales de ce manque de données est que cette population a été
assez peu étudiée du fait des variations très importantes qui existent, non seulement du point
de vue de leurs capacités langagières (bilinguisme en construction, performances instables),
mais aussi du fait de la maturation cérébrale, et plus précisément des fonctions exécutives,
que l‘on sait peut se poursuivre jusque assez tard dans le développement, notamment jusqu‘à
l‘âge de 15-16 ans (Piaget, 1937 ; Pascual-Leone ; 1970 ; Anderson, 2002), voire 19 ans
(Hartman, Bolton & al., 2001), ou même selon certains auteurs, jusqu‘à 25 ans pour certaines
des fonctions exécutives les plus élaborées (Giedd, 2008). Par ailleurs, l‘adolescence est
également une période charnière du point de vue émotionnel (Steinberg, 2005). L‘ensemble
de ces éléments a pu compliquer ou limiter les recherches.

Cette absence de littérature concernant les adolescents bilingues est aussi une des
raisons qui nous a poussée à choisir de l‘évaluer néanmoins.

Enfin, chez les adultes, on retrouve également une faiblesse lexicale et des capacités
linguistiques parfois plus réduites. Notamment, il a été démontré que les bilingues obtenaient
de moins bons résultats en fluence catégorielle en comparaison des monolingues (Rosselli,
Ardila & al., 2000 ; Gollan & Kroll, 2001 ; Gollan, Montoya & al., 2002 ; Portocarrero,
Burright & al ., 2007). De la même façon, ils sont souvent plus lents à dénommer des images
comme nous venons de le signaler plus haut (Roberts, Garcia & al., 2002 ; Costa, 2005 ;
Gollan, Montoya & al., 2005 ; Michael & Gollan, 2005), et ceci, bien qu‘ils soient aussi
rapides que les monolingues pour accéder aux représentations sémantiques ou au sens
(Abutalebi & Green, 2007). Ils seraient également moins performants en termes qualitatifs sur
des tests standardisés tel que le Boston Naming Test (Kohnert, Hernandez & al., 1998 ;
Roberts, Gracia & al. 2002 ; Gollan, Fennema-Notestine & al., 2007), et cela même quand ils
sont évalués dans leur langue dominante (Gollan & Acenas, 2004 ; Gollan, Montoya & al.,
2005 ; Ivanova & Costa, 2008). Ils seraient aussi davantage sujets aux états de « mots sur le
85
bout de la langue » (Gollan & Acenas, 2004; Gollan & Silverberg, 2001; Gollan & Brown,
2006), ainsi que plus perturbés lors d‘une tâche d‘identification de mot dans un contexte
bruyant (Rogers, Lister & al., 2006).

Au total, les études que nous venons d‘évoquer montrent que les bilingues sont moins
efficaces que les monolingues dans certaines tâches lexicales. Cependant, d‘autres études
semblent indiquer au contraire que le bilinguisme procure également certains avantages, aussi
bien en verbal qu‘en non-verbal, et cela, chez les enfants, en verbal dans des tâches dites
simples, mais aussi en non-verbal, et notamment quand une composante exécutive est ajoutée
(Bialystok, 1988, 1991, 2004, 2011b ; Baker, 1988 ; Ricciardelli, 1992), chez les adolescents
(Kharkhurin, 2010), plutôt dans le domaine non-verbal, chez les adultes - dans les deux
modalités, langagières et non langagières - (Festman & Rodriguez-Fornells, 2010 ; Bialystok,
1987 ; Colzato, Bajo & al., 2008), voire même chez les personnes âgées, également en verbal
et en non-verbal (Bialystok, Craik & al., 2004, 2006b). Les sujets bilingues compenseraient
leurs performances langagières plus faibles par une plus grande efficacité dans certaines
tâches impliquant des mécanismes de contrôle exécutif (Bialystok & Feng, 2009). Ces
mécanismes de contrôle plus performants seraient en relation avec l‘habileté spécifique des
bilingues à choisir de parler dans une langue plutôt qu‘une autre sans trop d‘interférences de
cette dernière. Cette faculté implique l‘intervention de mécanismes de sélection, qui
améliorent les mécanismes d‘attention sélective, entraînant des bénéfices dans le contrôle du
langage. Nous allons donc maintenant considérer les avantages du bilinguisme dans certaines
tâches linguistiques et non linguistiques, notamment dans les tâches plus complexes.

3.5.2 Avantages du bilinguisme

En 1977, Ben-Zeev avait déjà émis l‘hypothèse selon laquelle l‘interférence mutuelle
de deux langues chez l‘enfant bilingue le forçait à développer des stratégies de compensation
particulières, ayant pour conséquence d‘accélérer en partie le développement cognitif. Ainsi,
selon l‘auteur, dès le plus jeune âge, l‘exigence imposée par le bilinguisme semble apporter
une certaine perspicacité dans les relations structurelles de la langue. Plusieurs autres auteurs
ont confirmé cette idée, et notamment que les enfants bilingues, comparativement aux enfants
monolingues, présentent de meilleures prédispositions pour la conscience métalinguistique
(Bialystok, 1987, 1988 ; Galambos & Goldin-Meadow, 1990 ; Ricciardelli, 1992 ; Bialystok
& Barac, 2012 ; Edwards & Christophersen, 1988 ; Yelland, Pollard & al., 1993).

86
Plus précisément, l‘expérience de Ben-Zeev a porté sur deux groupes d‘enfants
bilingues hébreux-anglais (l‘un testé aux Etats-Unis, l‘autre en Israël), et deux groupes
d‘enfants monolingues parlant soit l‘hébreu soit l‘anglais. Malgré un niveau de vocabulaire
plus faible, les sujets bilingues ont montré un traitement plus rapide du matériel verbal, une
meilleure discrimination des distinctions perceptives, et une plus grande capacité à
réorganiser leurs perceptions en réponse à un feedback.

Quant à Bialystok (1988), elle a émis l‘hypothèse selon laquelle les enfants bilingues
seraient plus aptes que les monolingues à résoudre des problèmes métalinguistiques exigeant
des capacités d‘analyse et un haut niveau de contrôle. L‘hypothèse était que les enfants
bilingues réussiraient mieux les épreuves métalinguistiques que les monolingues, et que les
bilingues « totaux » seraient meilleurs que les enfants bilingues « partiels » sur les tâches
requérant un niveau élevé d‘analyse et de connaissance. Les résultats des deux études menées
à cet effet ont largement validé ces prédictions.

De la même manière, selon Bialystok & Jim Cummins (1991), la théorie de Vygotski
(1934/1997) sur les liens entre la pensée et le langage procure un excellent cadre pour
comprendre les découvertes actuelles sur le fonctionnement cognitif et exécutif des bilingues.
Rappelons que Vygotski (1934/1997) a établi un lien entre le degré de conscience
métalinguistique de l‘enfant et l‘acte de s‘approprier les signes linguistiques des adultes afin
d‘autoréguler son propre comportement. S‘inspirant de ce modèle qui accorde une place
centrale à la conscience métalinguistique au sens large, les auteurs ont proposé un modèle qui
se décline sous la forme de trois propositions.

La première proposition postule que les enfants bilingues, exposés par définition à
deux langues de façon systématique, développent une conscience objective du langage à un
âge très précoce. Cette conscience métalinguistique va au-delà de la connaissance des règles
qui structurent la langue, puisqu‘elle s‘étend à la conscience des fonctions du langage qui ne
sont pas dédiées à la communication. En d‘autres termes, les enfants bilingues développent
très précocement une conscience des structures linguistiques du fait de leur exposition à deux
langues différentes. Ainsi, ils sont très tôt conscients des fonctions d‘autorégulation du
langage.

La deuxième proposition affirme que cette double conscience métalinguistique, à la


fois des propriétés linguistiques et non linguistiques du langage, serait en fait à l‘origine d‘une

87
meilleure capacité de contrôle, tant des productions langagières que de l‘utilisation des
fonctions du langage.

Enfin, d‘après la troisième proposition, l‘utilisation accrue et plus efficace du langage


pour les fonctions cognitives offre de ce fait aux enfants bilingues un avantage cognitif dans
les tâches verbales, et même non-verbales, mais cet avantage sera plus évident encore dans
des tâches qui requièrent un traitement non automatique, autrement dit dans les tâches faisant
intervenir les fonctions exécutives, et particulièrement une fois qu‘elles ont atteint un stade de
maturation adéquat.

Ce modèle suggère donc que le bilinguisme donne l‘occasion à la pensée de se


construire de façon enrichie, en puisant dans plusieurs « versions » de cet « outil de pensée »
qu‘est le langage. Les auteurs concluent qu‘une expérience bilingue précoce offre aux enfants
une certaine flexibilité cognitive, et que la provenance de cette flexibilité consisterait en une
meilleure utilisation des fonctions d‘autorégulation du langage.

3.5.3 De meilleures performances dans les tâches de contrôle exécutif


général (verbal et non-verbal)

Récemment, les chercheurs se sont plus précisément intéressés au fonctionnement


exécutif général des bilingues. En effet, depuis 5-10 ans, les premières pistes exploratoires ont
été encore approfondies, notamment afin d‘éclairer ou de confirmer les meilleures capacités
des bilingues en termes de contrôle exécutif sur les tâches linguistiques et extra-linguistiques,
ainsi qu‘en résolution de problèmes complexes, qui semble davantage mettre en jeu les
fonctions exécutives.

En effet, un nombre croissant d‘études suggère que les bilingues ont des avantages
quant au fonctionnement exécutif et au contrôle cognitif dans des tâches impliquant
spécifiquement la résolution de conflits, la flexibilité et le switching, et ceci à la fois chez
l‘enfant et chez l‘adulte (Abutalebi & Costa, 2008 ; Bialystok, 2001, 2004 ; Bialystok &
Martin, 2004 ; Bialystok, Craik & al., 2006a, 2007), voire même chez le sujet âgé (Bialystok,
Craik & al., 2004, 2006b).

Comme nous l‘avons vu, le switching est très dépendant de l‘âge d‘acquisition, du
degré de compétence dans les deux langues et de la situation de communication. De ce fait, il
sollicite les fonctions exécutives. Comme nous l‘avons évoqué, les premières études sur le

88
switching ont donc soulevé de nombreuses interrogations quant aux aptitudes particulières du
sujet bilingue par rapport au monolingue, l‘idée étant que les premiers seraient peut-être plus
performants que les derniers dans certaines tâches nécessitant l‘intervention des fonctions
exécutives, puisque celles-ci seraient davantage entraînées que chez le sujet monolingue
(Garbin, Sanjuan & al., 2010). Ceci va de pair avec l‘idée générale que plus l‘information à
traiter est complexe, et plus les fonctions exécutives interviennent.

Par exemple, dans l‘expérience menée par Bialystok & Feng (2009) évoquée plus
haut, il a été démontré que non seulement les résultats entre sujets bilingues et monolingues,
sur certaines tâches linguistiques habituellement en défaveur des bilingues, sont similaires si
leur niveau de vocabulaire est suffisant, mais aussi, que les bilingues ont un avantage clair
lorsqu‘une composante exécutive était ajoutée.

Dans cette optique également, Bialystok (2010) a ensuite mené une étude comportant
trois expériences au cours desquelles 151 enfants de 6 ans, monolingues et bilingues, ont été
testés. Des épreuves de langage et de capacités cognitives, ainsi que des épreuves plus
complexes de résolution de conflits, ont été proposées aux enfants. Les résultats démontrent
un avantage des enfants bilingues dans le traitement des tâches complexes qui exigent
flexibilité et mise à jour, sachant que tous ont eu des performances similaires sur les
évaluations de langage (lexique équivalent au départ entre les deux populations).

Une autre expérience récente menée par Garbin, Sanjuan & al. (2010) a permis de
conforter l‘hypothèse selon laquelle l‘utilisation quotidienne de deux langues a bien un effet
positif sur le contrôle exécutif des jeunes bilingues. Les auteurs se sont surtout intéressés aux
corrélats neuronaux de cet effet, par le biais de l‘imagerie fonctionnelle. Pour cela, 21 enfants
monolingues espagnols et 19 enfants bilingues précoces espagnol-catalan ont été testés sur un
paradigme d‘alternance/switching de tâches non-verbales cette fois-ci. Il en résulte que le coût
cognitif serait réduit dans l‘alternance entre les langues chez les sujets bilingues précoces.
Dans l‘ensemble, les résultats soutiennent l‘hypothèse que l‘entraînement précoce des enfants
bilingues dans les allers et retours entre leurs langues conduit au recrutement des régions
cérébrales impliquées dans le contrôle linguistique lorsqu‘ils exécutent des tâches cognitives
non linguistiques notamment.

Ces faits sont encore plus probants chez les adultes. Par exemple, selon une étude
électrophysiologique (IRMf et Potentiels Evoqués Cognitifs) menée par Rodriguez-Fornells,
De Diego & al (2006), les bilingues semblent davantage solliciter leurs fonctions exécutives

89
que les monolingues dans de nombreuses tâches (tâches langagières d‘inhibition de type
Go/noGo portant sur différents niveaux d‘analyse du langage : phonologique, lexical,
sémantico-syntaxique). Comme d‘autres, les auteurs postulent que les sujets bilingues ont un
entraînement spécifique de certaines fonctions exécutives afin de gérer le « switch » et les
processus d‘inhibition permettant d‘éviter l‘interférence éventuelle avec la seconde langue. Le
cas échéant, cela leur donne un avantage. Néanmoins, les expériences ont d‘abord uniquement
porté sur des tâches verbales, et plus récemment, certaines recherches s‘intéressant à celles-ci
sont plus controversées quant à l‘éventuel gain/coût, notamment pour celles en relation avec
les compétences lexicales des sujets comme nous l‘avons abordé plus haut.

En revanche, les premières études sur le sujet par le biais de tâches non-verbales sont
assez unanimes, non seulement quant à une implication plus importante des fonctions
exécutives chez les bilingues adultes, mais aussi quant à d‘éventuelles meilleures
performances exécutives générales (Colzato, Bajo & al., 2008).

En effet, en 2008, l‘équipe de Costa, Hernandez & al. a montré que du fait de leur
obligation continuelle à contrôler deux langues, les sujets bilingues sont plus rapides sur une
tâche attentionnelle que les monolingues, mais aussi plus efficaces quant à leurs réseaux
d‘alerte et de contrôle exécutif. Dans l‘expérience en question, les bilingues se sont révélés
être davantage aidés par la présentation d‘une alerte (indice) que les sujets monolingues,
notamment en début de tâche. Ils réussissent également mieux à résoudre des informations
conflictuelles comme dans les tâches de type Stroop (Stroop, 1935), où le sujet doit donner la
couleur écrite qui diffère de celle dans laquelle ledit écrit est imprimé (Bialystok, Craik & al.,
2008). Selon l‘équipe de Costa (2008), le coût de passage d‘une langue à l‘autre est également
moindre en fonction des différents types de procédures utilisées, à savoir que plus la demande
attentionnelle était élevée et moins le coût est important. Ainsi, les auteurs avancent que le
bilinguisme exerce une influence « dans l’atteinte d’un mécanisme attentionnel efficace ». Le
fait que l‘avantage soit plus élevé en début de tâche qu‘à la fin suggère que les effets du
bilinguisme sont réduits quand une tâche est exécutée de manière répétée ou plutôt, que les
sujets monolingues font mieux face après un petit entraînement alors que les bilingues n‘en
ont pas besoin. Pour les auteurs, l‘avantage des sujets bilingues serait plutôt observable dans
des tâches requérant un contrôle attentionnel élevé, de sorte que plus la tâche de switching est
exigeante et plus l‘effet du bilinguisme est prononcé.

90
En 2009, l‘équipe de Costa, Hernandez & al. a aussi démontré que le bilinguisme
affectait les processus de surveillance impliqués dans le contrôle exécutif. Selon les auteurs,
s‘il est difficile d‘obtenir des avis unanimes sur les capacités des bilingues, il ressort dans un
large nombre d‘études qu‘ils obtiennent des temps de réponse meilleurs que les monolingues,
notamment quand les tâches nécessitent un ajustement continuel aux différentes contraintes
ou demandes associées aux différents types de sous-tâches dans une même épreuve. Ainsi,
plus l‘information à traiter est complexe, et meilleurs sont les résultats des sujets bilingues
concernant leurs temps de réponse. Pour les auteurs, les bilingues sont avantagés quant à leurs
processus de traitement de l‘information au niveau des fonctions exécutives, l‘impact
principal du bilinguisme s‘exerçant sur les processus de gestion des conflits ou de résolution
de problèmes complexes.

Cette étude est confirmée par d‘autres, dont celle de Moreno, Bialystok & al. (2010).
Leur expérience a porté sur deux tâches de jugement en termes d‘acceptabilité et de
grammaticalité. Les sujets devaient déterminer si les phrases proposées étaient acceptables
d‘un point de vue du sens et si elles étaient grammaticalement correctes. Si les sujets
bilingues adultes ont été moins précis que les sujets monolingues concernant la tâche
d‘acceptabilité sémantique, ils ont réussi à l‘identique pour celle de grammaticalité qui
implique davantage la participation des fonctions exécutives, avec par ailleurs une amplitude
cérébrale de traitement moins importante, cela leur ayant demandé moins d‘efforts que les
sujets monolingues selon les auteurs. Par ailleurs, une distribution plus bilatérale d‘activation
neuronale a aussi été relevée. Les auteurs ont conclu, comme cela avait déjà été prouvé chez
les enfants (Bialystok, 2010), qu‘une meilleure efficacité à gérer les informations complexes
entre des options compétitives était reflétée dans un traitement moins exigeant en termes
d‘efforts chez les sujets bilingues, et que le bilinguisme influençait le système neuronal
impliqué dans le traitement du langage. Ainsi, comme cela a été démontré dans les tâches
non-verbales, les sujets bilingues semblent mieux réussir les épreuves plus exigeantes ou
difficiles et l‘attention sélective et la résolution de problèmes complexes leur demandent
moins d‘efforts, même dans des tâches verbales pour lesquelles leur capacité de traitement
global est moins efficace ou moins automatique. Les sujets bilingues réussissent donc mieux
les épreuves complexes impliquant une participation plus importante des fonctions exécutives
que les épreuves plus simples, ou par exemple que certaines tâches lexicales.

91
3.6 Avantages et désavantages d’être bilingue : théories explicatives

3.6.1 Compétences verbales : pourquoi des avantages moins évidents ?

Si les auteurs sont globalement unanimes sur le fait que les sujets bilingues sont moins
efficaces dans les tâches de décision lexicale notamment, en termes de temps de réponse, et,
selon Ivanova & Costa (2008), ceci même dans leur langue dominante, les résultats sont
beaucoup plus controversés quant aux origines d‘un tel effet.

3.6.1.1 La question du pourquoi : la taille du lexique

Plusieurs hypothèses sont proposées. Notamment, comme nous l‘avons évoqué,


certains auteurs ont suggéré que la taille du vocabulaire pouvait affecter l‘efficacité avec
laquelle les items lexicaux sont récupérés lors de la production orale. Par exemple, il semble
en effet que les sujets bilingues réussissent aussi bien que les monolingues en fluence
phonologique si les scores en vocabulaire sont identiques entre les deux populations, et même
mieux si une composante exécutive accrue est ajoutée à la tâche (Bialystok, Craik & al.,
2008 ; Bialystok & Feng, 2009), point qui ne semble pas avoir été vérifié dans les précédentes
études. Quand le stock lexical est moins riche ou de taille moins importante chez les
bilingues, mais que la composante exécutive est ajoutée, alors les scores sont identiques entre
les deux populations. Les auteurs pensent donc que les raisons pour lesquelles les bilingues
auraient un désavantage est en partie en lien avec la taille de leur vocabulaire, et non du fait
du bilinguisme lui-même. Ainsi, ce désavantage des bilingues disparaitrait lorsque la taille du
vocabulaire est la même que celle des monolingues. Il faudrait donc davantage interpréter les
moins bons résultats obtenus par les sujets bilingues dans les tâches de décision lexicale
comme le reflet d‘une taille de vocabulaire plus petite, plutôt que comme celui d‘un contrôle
lexical plus faible.

En effet, dans la mesure où les résultats sont néanmoins toujours en faveur des
monolingues en fluence catégorielle (Rosselli, Ardila & al., 2000 ; Gollan & Kroll, 2001 ;
Gollan, Montoya & al., 2002 ; Portocarrero, Burright & al ., 2007), il est probable que le
contrôle exécutif joue un rôle, puisque quand une tâche plus complexe impliquant ces
fonctions est proposée, les sujets bilingues atteignent des performances égales, voire
supérieures aux monolingues. Plus précisément, du fait que les capacités attentionnelles et les
ressources en contrôle cognitif soient engagées plus précocement chez les bilingues, cela leur
permettrait de compenser leurs plus faibles compétences langagières grâce à leurs capacités

92
exécutives supérieures pour atteindre le même niveau de performance, voire un niveau
supérieur, et ils développeraient même une capacité unique ou spécifique à régler les conflits
dans les tâches verbales et non-verbales (Bialystok, Craik & al., 2008 ; Bialystok & Feng,
2009).

En conclusion, il semble que la taille du vocabulaire, souvent moindre chez les sujets
bilingues, explique leurs moins bonnes performances en verbal. On remarque cependant que
ces performances sont aussi bonnes chez les sujets bilingues avec un haut niveau lexical que
chez les monolingues. Le degré de contrôle exécutif dans les tâches, s‘il est élevé, est
également un facteur favorisant pour les bilingues. Certes, les sujets bilingues sont par
exemple plus lents à dénommer des images, mais ils sont plus endurants sur le temps et leurs
performances s‘avèrent être équivalentes voire meilleures que celles des monolingues.

3.6.1.2 La fréquence d’utilisation

D‘autres auteurs tels que Pyers, Gollan & al., en 2009, ont aussi avancé l‘idée selon
laquelle la fréquence d‘utilisation serait davantage en cause suite à l‘étude portant sur « les
mots sur le bout de la langue » (Tip Of the Tongue = TOT) déjà évoquée plus haut. Dans cette
expérience, les performances de trois populations ont été comparées : monolingues, bilingues
uni-modaux (deux langues orales) et bilingues bimodaux (une langue signée, une langue
parlée). De manière générale, les sujets bilingues ont présenté davantage de TOT que les
monolingues, et les bilingues bimodaux, un léger avantage par rapport aux bilingues uni-
modaux. Dans la mesure où il ne peut exister d‘interférence phonologique chez les sujets
bilingues bimodaux, un blocage exclusivement phonologique ne peut expliquer ces moins
bons résultats chez les bilingues de manière globale. Dans la mesure où, par ailleurs, il a été
prouvé que les sujets bimodaux n‘avaient pas l‘avantage retrouvé chez les uni-modaux quant
à leur fonctionnement cognitif, les auteurs ont été encouragés à penser que ce désavantage
quant aux mots « sur le bout de la langue » était peut-être en lien avec des interférences à un
niveau sémantique et/ou phonologique, mais aussi et surtout, fréquentiel.

En effet, étant donné que les sujets bimodaux peuvent signer et parler en même temps
contrairement aux uni-modaux, ils suggèrent qu‘ils utilisent très légèrement plus les deux
langues que le sujet bilingue classique, et qu‘ainsi, la meilleure explication possible est que
les TOT reflètent le résultat d‘une activation incomplète des représentations de la cible
lexicale du fait d‘une fréquence d‘utilisation moindre des deux langues.

93
3.6.1.3 Autres hypothèses

Selon Gollan, Montoya & al. (2008), l‘idée selon laquelle les bilingues qui, ayant deux
langues, les pratiqueraient donc moins fréquemment chacune, et de ce fait, auraient un
système de représentation lexical moins entraîné, n‘est pas entièrement pertinente, sans pour
autant être fausse.

L‘hypothèse décrite ci-dessus renvoie à un modèle d‘utilisation langagière qui suggère


ou amène à un lien plus faible entre sémantique et phonologie dans chaque système lexical en
comparaison avec les sujets monolingues. Il a donc été avancé que la fréquence d‘utilisation
pouvait être l‘explication du désavantage du sujet bilingue (en dénomination notamment),
plus que les notions d‘interférence et de compétition entre deux langues, ou de temps de
traduction induisant un coût cognitif. Par exemple, il ne pouvait y avoir interférence quand le
sujet bilingue ne connaissait le mot que dans une des langues. L‘idée a été confirmée par
certaines expériences prouvant que la répétition diminuait les erreurs, notamment en référence
aux modèles de Caramazza (1997) et Dell, Chang & al. (1999). L‘idée a également été
avancée, qu‘avec le temps, les patterns d‘activation atteignaient un effet plafond, de telle
manière que les différences entre sujets monolingues et bilingues tendaient à diminuer, voire à
disparaître après un moment, ce qui expliquerait pourquoi les sujets bilingues âgés auraient de
meilleurs résultats que les plus jeunes (Bialystok, Craik & al., 2004; 2006b)

Ainsi, les auteurs ont conduit une expérience dont les résultats ont amené au
renouvellement de cette théorie dans la mesure où les sujets bilingues âgés testés ont obtenu
de moins bons scores que les plus jeunes dans une tâche de dénomination de mots fréquents
dans la L2, et des résultats équivalents dans celle de mots moins fréquents (L2), ce qui n‘est
pas logique en référence aux hypothèses de fréquence ou d‘interférence.

Ils avancent ainsi la théorie du rang (rank hypothesis) selon laquelle, avec les années,
le lexique grossit et rend plus difficile l‘accès au mot car le stock lexical devient plus large. Il
serait donc plus facile avec les années de dénommer dans une L2 des mots moins fréquents.
Ils en concluent que la fréquence est peut-être davantage liée à la dominance des langues, et le
désavantage du sujet bilingue à celui de l‘âge d‘acquisition. Peut-être aussi que l‘effet
fréquence à un effet plafond lui-même… Néanmoins, dans la mesure où l‘ensemble des sujets
bilingues présentent un effet de fréquence, alors sans doute, selon les auteurs, celui-ci a lieu à
un locus post-sémantique où la compétition pour la sélection a déjà été réglée. Finalement, ils

94
suggèrent d‘adopter une vision plus large de l‘effet bilingue, à savoir qu‘il serait lié au
traitement cognitif dans le sens large du terme.

3.6.2 Avantages des bilingues : « switching » et inhibition, ou


fonctionnement plus général impliquant les trois FE ?

3.6.2.1 « Switching », inhibition, coût de commutation et degré de


maîtrise
Au départ, l‘hypothèse avancée par certains auteurs dont Bialystok (2001) pour
expliquer les meilleures performances des bilingues dans certaines tâches de contrôle était
celle de la nécessité d‘inhiber en permanence la langue non-active. Cet exercice constant du
contrôle inhibiteur donnait aux bilingues une capacité accrue à ignorer les stimuli distracteurs
ou non pertinents, non seulement dans des tâches langagières mais aussi dans le traitement
cognitif général. En termes de niveaux de contrôle, l‘avantage retrouvé chez les bilingues
dépendait peut-être de leur capacité accrue à maintenir un ensemble de tâches pertinentes en
mémoire de travail et peut-être aussi de leur meilleure réactivité et flexibilité à former et
traduire les stimuli en réponses appropriées.

Dans les tâches de décision lexicale notamment, les chercheurs ont donc longtemps
pensé que l‘inhibition était la composante exécutive qui intervenait le plus chez les bilingues,
et qu‘elle était davantage entraînée du fait du « switch ».

L‘hypothèse avancée était la suivante : lors d‘une tâche de décision lexicale, la


réponse apparaît dans les deux langues et la sélection du juste mot est réussie dans la mesure
où le sujet inhibe la non-réponse dans la langue non sollicitée. Puisqu‘il semble que les
réponses dans la langue dominante viennent plus facilement au sujet que dans son autre
langue, le contrôle inhibiteur serait plus fort quand la langue la plus faible est sollicitée, et
donc plus entraîné.

Les premières expériences dans ce domaine, dont celle menée par Meuter & Allport
(1999), ont confirmé cette hypothèse. Il a par exemple été retrouvé chez certains sujets
bilingues, ou monolingues débutants dans l‘apprentissage d‘une deuxième langue, un surcroit
de temps pour passer de la L2 à la L1 dominante, par rapport au passage inverse. On parlait
alors de « asymetrical switching cost » ou « coût asymétrique de commutation ».

Néanmoins, selon Costa & Santesteban (2004a), il semble que ce coût de commutation
asymétrique n‘existe pas chez les sujets bilingues très compétents, à savoir que de passer de la

95
L2 à la L1 n‘est pas plus coûteux ou difficile que son contraire, ce qui est aussi confirmé par
l‘étude de Garbin, Costa & al. (2011), et pour lesquels le coût cognitif est inexistant si le
bilingue a une maîtrise experte des deux langues.

Selon Costa & Santesteban (2004a), plus le degré de maîtrise est fort dans la L2 et
moins le sujet devra inhiber sa L1. Le degré d‘inhibition est donc lié au degré de maîtrise :
plus le degré de maîtrise de la L2 est faible et plus l‘intervention de la composante inhibitrice
sera forte. Néanmoins, en poussant l‘expérimentation, ils se sont rendu compte également que
chez les sujets bilingues de haut niveau apprenant une 3ème langue, il n‘y avait pas non plus de
coût asymétrique lors du passage de la L1 dominante à la L3 plus faible.

Ainsi, la théorie du contrôle inhibiteur ne serait applicable qu‘aux bilingues de faible


niveau, à savoir que les performances en « switching » dépendraient du degré de maîtrise des
deux langues, notamment pour ces bilingues, mais aussi, que les mécanismes en jeu lors du
« switching » seraient différents en fonction de la qualité du bilinguisme, à savoir que les
performances en « switch » des bilingues de haut niveau seraient finalement indépendantes de
leur niveau de maîtrise dans les différentes langues.

Les auteurs ont donc révisé la théorie selon laquelle l‘inhibition était davantage
développée chez tous les sujets bilingues. Le système de contrôle inhibiteur fonctionnerait
différemment selon le niveau de langue des bilingues. Ils ont donc proposé comme
explication l‘hypothèse d‘un système de traitement de l‘information différent appelé
« language-specific selection threshold hypothesis » (seuil lexical spécifique de sélection)
selon lequel une fois un certain seuil de degré de maîtrise atteint, le sujet bilingue change de
manière de traiter l‘information et développe un mécanisme langagier spécifique durant la
sélection lexicale, applicable à toutes ses langues quel que soit son niveau dans chacune, et
permettant de ne plus se servir du contrôle inhibiteur. Devenir un bilingue de haut niveau
semblerait avoir des implications non seulement sur la manière dont les deux langues
dominantes sont traitées, mais aussi sur les langues plus faibles. Les effets du bilinguisme sur
la manière dont la sélection lexicale serait effectuée ne seraient pas limités à deux langues
mais s‘étendraient à d‘autres contextes linguistiques.

3.6.2.2 Inhibition, niveau de maîtrise et réseaux impliqués

L‘hypothèse de l‘inhibition comme fonction principale intervenant dans le bilinguisme


selon le niveau de maîtrise a été renforcée en 2007 par Abutalebi & Green. Dans la mesure où

96
leur expérience a montré que les sujets bilingues précoces peuvent être globalement plus lents
à dénommer des images mais aussi rapides que les monolingues pour accéder aux
représentations sémantiques ou au sens, et qu‘ils sont aussi davantage sujets aux états de
« mots sur le bout de la langue » (Gollan & Acenas, 2004; Gollan, Bonanni & Montoya,
2005 ; Gollan & Silverberg, 2001 ; Gollan & Brown, 2006), les auteurs ont suggéré que ces
bilingues avaient davantage automatisé certaines procédures contrairement aux sujets
bilingues débutants ou maîtrisant moins bien leur L2 qui ne serait donc ainsi pas
« automatique ». Selon eux, les sujets bilingues de haut niveau ont un réseau de neurones
commun pour les deux langues sur le plan sémantico-lexical, contrairement aux sujets
bilingues de plus faible niveau, et les mêmes processus n‘entrent pas forcément en jeu, pas
avec la même intensité.

Comme nous l‘avons déjà précisé, lors de leur expérience en imagerie cérébrale, les
auteurs ont en effet démontré qu‘en fonction du niveau de maîtrise des deux langues, des
portions du cortex préfrontal gauche étaient plus ou moins activées chez les sujets bilingues.
Notamment, les sujets bilingues de faible niveau linguistique sollicitaient davantage
l‘ensemble du cortex préfrontal gauche. Ils ont ainsi avancé aussi l‘idée que les structures
corticales frontales et sous-corticales étaient impliquées dans le contrôle du langage et la
sélection lexicale, qu‘une compétition entre L2 et L1 en production était présente au niveau de
ces structures et que l‘inhibition était un mécanisme clef dans le contrôle du langage et la
décision lexicale.

D‘autres études ont également démontré que le nombre d‘intrusions lexicales était
moindre selon le niveau de maîtrise de la L2 comme nous l‘avons vu (Poulisse & Bongaerts,
1994), ce qui a amené les chercheurs à la conclusion que le degré de maîtrise, qui est
davantage lié à la pratique régulière des langues plus qu‘à l‘âge d‘acquisition - même si ce
facteur joue un rôle certain - était un des facteurs gouvernant la représentation cérébrale de la
L2 (Perani, Paulesu & al, 1998) et que peut-être, l‘inhibition n‘était pas seule en cause.

3.6.2.3 Des approches plus nuancées

En 2005, Costa, Santesteban & ses collaborateurs ont remis en question l‘idée selon
laquelle les bilingues produisaient des mots dans la langue attendue tout en empêchant les
interférences massives et les intrusions lexicales de l‘autre langue, et donc que l‘inhibition
jouait un rôle majeur dans le bilinguisme. Selon eux, l‘effet phonologique ou cognate effect, à
savoir le statut de proximité phonologique des mots retrouvé par Kohnert (2004), est fiable.

97
Cette dimension importante qui affecte les performances en dénomination des sujets bilingues
exclue alors l‘hypothèse de l‘inhibition.

En effet, lors d‘une tâche de dénomination classique, les bilingues sont plus rapides à
dénommer l‘image quand les mots dans les deux langues sont phonétiquement proches que
quand ils ne le sont pas. Ceci serait dû à une propriété plus générale du système langagier de
production qui fonctionnerait comme une cascade (ou une dynamique interactive entre le
niveau phonologique et sémantique liant toute activité de décision lexicale dans le cerveau)
expliquant l‘effet phonologique retrouvé ainsi que « l‘effet de voisinage » : the
neighbourhood effect (représentations lexicales proches activées : cat/fat/rat/cap, etc.). Plus le
système est entraîné et plus fiables et rapides seront les réponses et moins les TOT/«mots sur
le bout de la langue » seront présents.

Selon les auteurs, l‘interprétation de l‘effet phonologique en terme d‘interactivité a des


implications importantes sur l‘architecture fonctionnelle du système de production langagier
du sujet bilingue parce qu‘il présuppose que le mécanisme interactif n‘est pas seulement
fonctionnel à l‘intérieur d‘une langue mais à travers les différentes langues. Si tel est le cas,
alors les modèles langagiers de production des bilingues qui supposent que les sélections
lexicales dans la bonne langue sont permises par l‘inhibition des représentations lexicales de
la langue non cible/attendue ne sont pas justes. En effet, si la traduction cible est inhibée, alors
en principe, elle ne devrait pas affecter la récupération du contenu phonologique de la cible
elle-même et donc l‘effet phonologique ne serait pas présent.

Ainsi, les auteurs pensent que la manière la plus fiable d‘expliquer les bénéfices
phonologiques dans la production de mots serait de supposer l‘existence d‘une interaction
entre les niveaux de représentation lexical et sub-lexical, à la fois à l‘intérieur et à travers les
deux langues d‘un sujet bilingue.

3.6.2.4 Une vision plus large

Depuis quelques années, le débat se déplace même de inhibition vs non inhibition vers
l‘idée que le bilinguisme améliore l‘ensemble des fonctions exécutives, et pas seulement
l‘inhibition et surtout, que tout est beaucoup plus lié et interconnecté qu‘on ne l‘imaginait
(Festman, Rodriguez-Fornells & al., 2010).

98
3.6.2.4.1 Une meilleure sélection de l’information

Comme l‘avantage dans le contrôle exécutif a aussi été observé chez les sujets
bilingues sur des tâches n‘impliquant pas de conflit, de nombreux auteurs tels que Colzato,
Bajo & al. (2008) pensent que l‘avantage cognitif bilingue ne serait pas dû à l‘exercice
constant de l‘inhibition pour choisir la langue cible, ou que l‘inhibition ne peut à elle seule
expliquer cet avantage de façon récurrente dans ce type de situation. L‘équipe de Colzato
(2008) favorise plutôt l‘idée selon laquelle l‘apprentissage de deux langues séparées
conduirait à une amélioration de la sélection de l‘information pertinente.
De même, des avantages précoces du bilinguisme ayant été observés par Poulin-
Dubois, Blaye & al. (2011) chez des enfants préverbaux de 2 ans (dans différentes tâches
cognitives nécessitant un contrôle attentionnel), les auteurs remettent en cause l‘inhibition
comme hypothèse explicative des avantages cognitifs précoces chez des sujets aussi jeunes.
Ils avancent que la source des différences de traitement chez les enfants bilingues varie plutôt
en fonction du développement de leurs compétences linguistiques.

3.6.2.4.2 Toutes les composantes exécutives et l’attention

Bialystok, Craik & al. (2012) quant à eux, argumentent pour le recrutement de la
totalité du système de contrôle exécutif chez les sujets bilingues, et notamment l‘attention, en
mettant en avant deux études chez des sujets bilingues et monolingues.

La première par Poulin-Dubois, Blaye & al. (2011) est une étude portant sur
l‘attention chez l‘enfant. Les jeunes bilingues ont surpassé les enfants monolingues dans les
tâches qui nécessitaient davantage de contrôle attentionnel. La deuxième étude (Bialystok,
2011) portait sur une tâche de catégorisation chez des enfants plus âgés. En situation de
double-tâche, les enfants bilingues étaient plus rapides, particulièrement dans les réponses aux
stimuli visuels.

En fait, selon Bialystok & Barac (2012), tout au long de leur vie, les bilingues exercent
leurs capacités attentionnelles du fait qu‘ils doivent gérer l‘activation de deux langues.
Comme nous l‘avons vu, il semble que cet entraînement leur permette d‘acquérir des bases
renforcées dans le contrôle exécutif et de développer certaines performances cognitives plus
intensément que leurs pairs monolingues (Bialystok, Craik & al., 2012). Les sujets bilingues
engageraient des processus attentionnels à un âge plus précoce que celui des monolingues et
étendraient ces capacités à d‘autres types de contrôles cognitifs, leur permettant ainsi de

99
compenser certaines compétences langagières plus faibles (Hartsuiker, Costa & al., 2008). Ce
contrôle attentionnel supérieur permettrait notamment aux sujets bilingues d‘être plus rapides
et plus efficients dans les tâches impliquant des distracteurs.

Il semble donc que les avantages liés au bilinguisme puissent également s‘expliquer
par un meilleur monitoring de l‘attention (Costa, Hernandez & al., 2009 ; Hilchey & Klein,
2011). Cependant, cette différence en faveur des sujets bilingues est souvent observée dans
des situations complexes.

L‘avantage des bilingues en termes de fonctionnement exécutif mettrait donc en jeu


plusieurs paramètres intriqués. Les meilleures performances exécutives dépendraient aussi du
temps passé dans un environnement bilingue alors que leurs capacités verbales seraient liées
directement au niveau de maîtrise des langues, voire à celui de fréquence d‘utilisation ou
d‘âge d‘acquisition, selon Bialystok & Barac (2012). A ce sujet, les études sur le
vieillissement et le bilinguisme apportent un éclairage additionnel.

100
CHAPITRE 4 : DECLIN COGNITIF, FONCTIONS EXECUTIVES ET
BILINGUISME

___________________________________________________________________________

4.1 Déclin cognitif et exécutif chez le sujet monolingue vieillissant


4.1.1 Déclin cognitif
4.1.2 L‘hypothèse fronto-exécutive et l‘apport de l‘imagerie fonctionnelle
4.1.3 Déclin des trois processus exécutifs selon la classification de Miyake,
Friedman & al. (2000)

4.2 Déclin cognitif et exécutif chez le sujet bilingue vieillissant ?


4.2.1 L‘effet neuro-protecteur
4.2.2 Démence, maladie d‘Alzheimer et réserve cognitive

101
CHAPITRE 4: DECLIN COGNITIF, FONCTIONS EXECUTIVES ET
BILINGUISME

Les avancées scientifiques et médicales de ces dernières décennies ont entraîné une
amélioration ou un fort allongement de l‘espérance de vie, ainsi qu‘une baisse certaine de la
mortalité. Une des premières conséquences de ces importants progrès scientifiques et
médicaux réside dans le vieillissement grandissant de la population qui s‘impose de plus en
plus comme un état de fait, et devrait s‘étendre encore plus dans les années futures (Berr,
Akbaraly & al., 2007). Il fait ainsi l‘objet depuis quelques années d‘un important travail chez
les cliniciens comme chez les chercheurs, du fait qu‘il représente un enjeu de santé publique
crucial actuel et à venir. Les travaux scientifiques dans le domaine du vieillissement, et
particulièrement du vieillissement cognitif, sont de plus en plus nombreux.

4.1 Le déclin cognitif et exécutif chez le sujet monolingue vieillissant


4.1.1 Déclin cognitif
La revue de la littérature portant sur le déclin cognitif des adultes sains vieillissants est
unanime : les facultés ou performances cognitives baissent passé un certain âge, et les
premiers signes de ce déclin apparaissent en général à partir de 50 ans (Au & al., 1995), voire
même dès 40 ans ou avant (Connor, Piro & al., 2004), et quoi qu‘il en soit, de manière
évidente et plus drastique à partir de 70 ans (Au, Joung & al., 1995). Les difficultés
rencontrées sont très diverses, allant des capacités langagières générales et notamment
lexicales lors de la production (Albert, Heller & al., 1988 ; Borod, Goodglass & al., 1980 ;
MacKay, Connor & al., 2002) - on parle alors d‘attrition langagière (Goral, 2004), à des
difficultés intéressant plus particulièrement la compréhension d‘informations complexes
(Kemper, 1986 ; Wingfield & Stine-Morrow, 2000 ; Waters & Caplan, 2001), et donc par voie
de fait, les fonctions exécutives.
Sauzéon (2010 ; citée par Déjos, 2012) propose une synthèse des différentes approches
du vieillissement cognitif qui fait ressortir trois grands groupes de modèles :
les modèles déficitaires à double compétence suggérant la différenciation de
deux ensembles de processus, ceux altérés par le vieillissement et ceux préservés ;
les modèles déficitaires structuraux ;
les modèles d‘optimisation cognitive qui proposent que le déclin associé au
vieillissement soit accompagné de mécanismes régulateurs des pertes cognitives.

102
Par exemple, pour les modèles déficitaires, on retrouve une réduction des ressources
cognitives (Welford, 1964), un déficit attentionnel selon Rabbit (1965), un déficit des
compétences de l‘intelligence fluide (Cattel, 1971 ; cité par Déjos, 2012), un déficit de la
mémoire de travail selon Baddeley (1986) ou un déficit de l‘inhibition (Hasher & al., 1988-
91). Concernant les modèles déficitaires structuraux, les auteurs référencés suggèrent un
déficit cognitif multiple (Salthouse & Babcok, 1991) ou un déficit systémique (Linderberger
& Baltes, 1994). Enfin, les modèles d‘optimisation cognitive renvoient aux notions de
réserves dites cognitive (Stern, 2002 ; Villeneuve & Belleville, 2010) et systémique (Albert,
Jones & al., 1995) ou encore à une plasticité cognitive limitée selon Salthouse (1998), ou à
une capacité réduite d‘entraînement cognitif (Ball, Berch & al., 2002).

Ainsi, globalement, ce qui ressort principalement de ce bref état de l‘art sur les
différents modèles et théories explicatives du vieillissement cognitif est un ralentissement
cognitif général et la baisse des ressources de traitement (Salthouse, 1996 ; Craik & Byrd,
1982), à savoir un déclin des traitements contrôlés qui sont considérés comme lents, délibérés
ou conscients et coûteux en ressources. Salthouse (1996) mettait notamment l‘accent sur la
réduction des capacités attentionnelles et celle de la mémoire de travail. Ce déclin opère au
sein d‘un système dynamique où des phénomènes d‘optimisation permettent l‘établissement
de nouveaux équilibres, voire même de compensation selon les capacités de réserve cognitive
en présence (Stern, 2002), et une meilleure utilisation des données en provenance de
l‘environnement.

4.1.2 L’hypothèse fronto-exécutive et l’apport de l’imagerie fonctionnelle

Dans une perspective neuropsychologique, c‘est donc l‘hypothèse fronto-exécutive du


vieillissement qui apparaît ici, et dans laquelle est mis en avant un déclin avec l‘âge des
traitements stratégiques dits exécutifs. Plus précisément, l‘hypothèse en question se fonde sur
la convergence des résultats d‘études comportementales et neuro-fonctionnelles. Elle attribue
la responsabilité des dysfonctionnements cognitifs observés dans le vieillissement aux
modifications structurales et fonctionnelles du système exécutif sous-tendu, entre autre, par le
cortex frontal (West, 1996 ; Braver & West, 2008).
Ces travaux sont aussi confirmés par ceux de Guttmann, Jolesz & al. (1998) et de
Tang, Nyengaard & al. (1997) qui ont conclu que le vieillissement cérébral s‘accompagnait
notamment de lésions de la substance blanche, prépondérante au niveau des cortex frontaux et
préfrontaux.
103
Les études de Raz (2000) et de Raz & al. (1997, 2005) vont également dans ce sens.
Selon les auteurs, on observe des modifications structurales, et celles les plus affectées et
aussi le plus précocement chez le sujet vieillissant, intéressent surtout les structures frontales,
en lien avec le fonctionnement exécutif et la mémoire de travail.
Les expériences portant sur les activations cérébrales lors de tâches cognitives vont
elles aussi dans cette direction. Beaucoup rapportent une relation entre déclin cognitif des
sujets âgés et réduction de l‘activité frontale (Cabeza, 2001 ; Grady, McIntosh & al., 2000).
Il semble par exemple que l‘asymétrie hémisphérique de l‘activité cérébrale retrouvée
chez le jeune adulte (Nyberg, McIntosh & al., 1996) lors d‘une tâche d‘encodage ou de
récupération en mémoire épisodique par exemple, ne soit pas retrouvée chez le sujet âgé.
Plutôt, on observe une activation plus distribuée ou bilatérale préfrontale à cet âge, et ce,
même en l‘absence de déclin mnésique avéré chez la personne âgée. Pour les auteurs, cette
symétrie hémisphérique chez le sujet âgé est vue comme « le reflet d‘un mécanisme de
dédifférenciation », à savoir une perte de spécialisation neuro-fonctionnelle, et/ou
« d‘optimisation cognitive », c‘est-à-dire de « recours à une stratégie cognitive autre que
celle réalisée par les sujets plus jeunes pour faire face au dysfonctionnement exécutivo-
frontal accompagnant le vieillissement normal » (Cabeza, 2004 ; cité par Déjos, 2012). En
clair, on observe donc une augmentation d‘activité préfrontale chez le sujet vieillissant, sans
doute pour faire face à un effet de complexité augmenté avec l‘âge, à savoir que certaines
tâches cognitives sont plus coûteuses en ressources au fur et à mesure que le sujet vieillit.
Cette distribution plus bilatérale est également observée chez les jeunes adultes mais
uniquement sur des tâches dites plus difficiles (Grady, McIntosh & al., 1998). Ainsi, lorsque
les épreuves sont plus coûteuses en ressources cognitives, les jeunes adultes recrutent des
régions bilatérales du cortex préfrontal faisant apparaître un pattern de réponse similaire à
celui des âgés dans des tâches plus simples.

4.1.3 Déclin des trois processus exécutifs selon la classification de Miyake,


Friedman & al. (2000)

Parallèlement à ces travaux en neuro-imagerie, d‘autres auteurs tels que Garden,


Phillips & al. (2001) ou Mayr & Liebscher (2001), ont clairement établi que le
fonctionnement exécutif des sujets était une habilité qui déclinait avec l‘âge.
S‘appuyant sur le modèle à trois composantes de Miyake, Friedman & al. (2000) plus
particulièrement, plusieurs auteurs ont même démontré que chez les sujets âgés sains, aucune
des trois n‘était épargnée par l‘âge (Sorel & Pennequin, 2008).
104
Par exemple, Daigneault & Braun (1993) ont observé des différences de performances
dans plusieurs tests cliniques de fonctions exécutives mesurant l‘inhibition de réponses
automatiques comme le test de Stroop (Stroop, 1935) ou le Wisconsin Card Sorting Test
(Grant & Berg, 1948). Les auteurs ont comparé un groupe de jeunes adultes âgés d‘une
vingtaine d‘années à un groupe de sujets plus âgés de 45 à 65 ans, sachant bien entendu
qu‘aucun des sujets testés n‘était atteint de démence ou d‘une quelconque pathologie d‘ordre
dégénératif. Les auteurs ont conclu que la capacité à inhiber une réponse automatique,
dominante ou encore fortement induite par le contexte serait précocement affectée par l‘âge.
D‘autres auteurs tels que Wecker, Kramer & al. (2000) ou Andres & Van der Linden (2000),
vont également dans ce sens. Des chercheurs tels que Hasher, Stoltzfus & al. (1991) ont
même suggéré que plus les sujets vieillissaient, plus la fonction d‘inhibition était perturbée.
Pour eux, cette composante joue un rôle majeur et central dans le déclin cognitif des sujets.

Concernant les capacités de flexibilité, elles semblent elles aussi touchées par le
vieillissement de manière générale (Sorel & Pennequin, 2008). Plus spécifiquement,
Ridderinkhof, Span & al. (2002) suggèrent que les personnes âgées éprouvent plus de
difficultés à déplacer leur centre d‘attention et à s‘adapter aux changements
environnementaux. Bien que l‘ensemble des effets rapportés par la littérature soit plus mitigé
sur cette composante exécutive (McDowd & Shaw, 2000 ; Wecker, Kramer & al., 2000) que
sur l‘inhibition par exemple, notons qu‘un coût cognitif supplémentaire lié à l‘alternance chez
les sujets âgés est quasiment systématiquement rapporté (McDowd & Shaw, 2000 ; Kray, Li
& al., 2002 ; Kramer, Hahn & al., 1999).

Quant à la mémoire de travail et donc à sa composante exécutive de mise à jour, des


atteintes sont également relevées chez le sujet âgé. Daigneault & Braun (1993) font par
exemple état d‘une « difficulté à utiliser une stratégie continue dans la tâche d’auto-
ordonnancement (self-ordering pointing task), qui exige de pointer différents dessins dans une
série de présentations en évitant de pointer le même item deux fois dans un même essai »
(Déjos, 2012). Un déficit des capacités de mise à jour a également été relevé chez des sujets
sains âgés dans de nombreuses études, et notamment en comparaison avec des sujets adultes
plus jeunes, comme par exemple dans l‘étude de Sorel & Pennequin (2008). Dans cette
expérience, la mise à jour a été évaluée par le biais du N-back test (Kirchner, 1958). Il
consiste en une série de 30 nombres lus un à un au sujet qui doit dire si l‘antépénultième est le
même nombre que le dernier. De manière significative, les sujets âgés ont moins bien réussi
105
que les jeunes adultes. Par ailleurs, il semble que les sujets âgés soient plus sensibles à la
longueur des listes d‘items présentés dans le Updating Test par exemple, comparativement
aux jeunes adultes (Van der Linden, Brédart & al., 1994), et que leurs capacités diminuent
encore plus avec l‘augmentation de la complexité d‘une tâche comme avec la Tour de Hanoï
de Lucas (1892) (Brennan, Welsh & al., 1997), et ce notamment du fait d‘un défaut de
planification général (Sorel & Pennequin, 2008).

Ainsi, l‘ensemble de ces travaux et conclusions souligne une détérioration claire des
performances exécutives générales chez le sujet vieillissant. Ceci est donc particulièrement
intéressant à la lumière des recherches, plus récentes, portant sur le bilinguisme, et notamment
sur l‘avantage d‘un point de vue cognitif et surtout exécutif qu‘il semble prodiguer (Bialystok,
Craik & al., en 2006b ; Moreno, Bialystok & al., 2010).

En effet, nous avons vu que si les études portant sur le bilinguisme ne sont pas toutes
unanimes quant aux gains éventuels engendrés par cette pratique usuelle de deux langues,
notamment dans la modalité verbale, elles le sont en revanche toutes concernant les tâches qui
impliquent une participation plus ou moins conséquente des fonctions exécutives, et
notamment chez le sujet sain plus âgé, voire même malade (Bialystok, Craik & al., 2007).

4.2 Déclin cognitif et exécutif chez le sujet bilingue vieillissant ?

S‘il semble évident que les sujets bilingues vieillissants subissent également une
baisse de leurs performances cognitives générales, au même titre que les sujets monolingues,
il n‘en demeure pas moins que la revue de la littérature à ce sujet – sur l‘effet du bilinguisme,
et notamment sur le contrôle cognitif chez les sujets âgés - semble plus favorable aux sujets
bilingues, en particulier quant à l‘intensité de ces atteintes, moins importantes ou marquées
chez ces derniers que chez les monolingues. Les premiers résultats font ressortir un déclin
cognitif moindre chez les sujets âgés bilingues par rapport aux monolingues de même âge,
voire même, une forme de protection cérébrale, en lien plus ou moins direct avec le
bilinguisme lui-même (Bialystok, Craik & al., 2004 ; 2006b). D‘après ces recherches, les
mécanismes de contrôle cognitif ou les fonctions exécutives des bilingues pourraient être
particulièrement exercés, stimulés et renforcés du fait de la nécessité de contrôler leurs
différentes langues et seraient également davantage préservés avec l‘âge.

106
4.2.1 L’effet neuro-protecteur

Une des premières expériences portant sur le bilinguisme et le vieillissement a été


réalisée par Bialystok, Craik & al., en 2006(b). A la lumière de la triade exécutive définie par
Miyake, Friedman & al. (2000) (flexibilité, inhibition et mise à jour), les auteurs rapportent
que chacun des trois éléments de la triade a été évalué et identifié comme étant amélioré chez
les sujets âgés bilingues par rapports aux sujets monolingues. Ainsi, non seulement les sujets
bilingues auraient un avantage dans des tâches non linguistiques (visuo-spatiales avec la
Tâche de Simon3 et d‘attention visuelle avec la Tâche d‘Anti-saccade4, respectivement
Bialystok, Craik & al., 2004 ; 2006b), mais en plus, les effets négatifs de l‘âge sur certaines
fonctions exécutives comme l‘inhibition, la mémoire de travail ou l‘attention seraient
atténués. Les auteurs ont donc conclu à un effet protecteur du bilinguisme chez les sujets âgés
vis-à-vis du déclin cognitif lié à l‘âge.

Plus récemment encore, une recherche menée par Luk, Bialystok & al. (2011), a
également démontré que la pratique quotidienne de deux ou plusieurs langues tout au long de
la vie avait un effet sur la substance blanche, en ce sens qu‘elle semblait plus intègre ou
mieux préservée chez les sujets bilingues que chez les monolingues. Les auteurs sont partis de
l‘hypothèse explicative du gain exécutif retrouvé chez les jeunes sujets bilingues dans la
modalité non-verbale (Garbin, Sanjuan & al., 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010), hypothèse
selon laquelle les bilingues bénéficieraient ou recruteraient des réseaux cérébraux plus larges
ou plus distribués du fait qu‘ils doivent gérer deux langues depuis l‘enfance. Ils ont émis
l‘hypothèse que cette meilleure distribution cérébrale pourrait, à plus ou moins long terme,
avoir des conséquences sur l‘intégrité de la substance blanche et de ses connexions avec les
différentes régions cérébrales, facilitant le transfert d‘informations et résultant en des
performances exécutives plus optimales que chez les sujets monolingues. Ils ont utilisé
l‘imagerie par tenseur de diffusion (Diffusion Tensor Imaging ou DTI) qui est connue pour
permettre la mesure indirecte de la substance blanche (anisotropie fractionnelle) pour
comparer 28 sujets âgés, 14 monolingues et 14 bilingues ayant acquis les deux langues avant
l‘âge de 11 ans au plus tard, tous comparables ou appariés quant à leur milieu démographique,

3
La tâche de Simon est u e tâ he d’i hi itio i pli ua t pe eptio visuelle et o t ôle oteu . Des a és
ouges ou leus so t p ése tés su u é a . Il est de a dé au sujet d’appu e su u e tou he du lavie X
ua d il voit appa aît e u a é leu ou Y ua d ’est u carré rouge.
4
La tâche d’Anti-saccade est u e tâ he pe etta t d’évalue e tai s p o essus e é utifs (i hi itio
notamment). Des cibles sont présentées aux participants sur un écran, à droite ou à gauche de ce dernier. Il est
de a dé au sujet d’effe tuer un mouvement oculaire dans la direction opposée aux stimuli présentés à
ha ue fois u’u ite appa aît.
107
leur âge, leur sexe et leurs performances neuropsychologiques. Après l‘exécution d‘une heure
de tâches neuropsychologiques par ordinateur incluant le Mini Mental State Examination
(Folstein, Folstein & al., 1975), des fluences verbales et graphiques ou encore le Stroop Test
(Stroop, 1935), ils ont re-convoqué les sujets deux semaines plus tard pour procéder à la
session par imagerie. Les scanners cérébraux de tous les sujets ont été comparés et ont permis
de confirmer l‘hypothèse selon laquelle l‘anisotropie fractionnelle était plus élevée chez les
sujets bilingues comparativement aux monolingues, et que le maintien de l‘intégrité de leur
substance blanche était aussi meilleur, voire mieux ou différemment distribué dans certaines
zones d‘activité fonctionnelle, entre les régions cérébrales antérieures et postérieures
notamment, alors que chez les sujets monolingues, il s‘agirait davantage des régions intra-
frontales.

En conclusion, les auteurs suggèrent donc qu‘une gestion dite réussie de deux langues
au quotidien et tout au long de la vie nécessite un mécanisme attentionnel efficace (pour gérer
deux langues actives). Ils avancent l‘hypothèse selon laquelle le recrutement constant de ce
mécanisme par les bilingues les conduit à obtenir de meilleures performances sur des tâches
impliquant les fonctions exécutives et mesurant le contrôle cognitif, que cela soit sur du
matériel verbal ou non-verbal, comme retrouvé récemment par Costa, Hernandez & al. en
2008 et Blumenfeld & Marian en 2011. Les auteurs concluent que cette expérience bilingue
prolongée conduit les sujets à l'amélioration de la connectivité de leur substance blanche, et
que cela pourrait être un des mécanismes sous-jacents expliquant l‘avantage bilingue retrouvé
lors de tâches exécutives.
Ces travaux sont cohérents avec ceux portant sur la réserve cognitive notamment
(Petrosini, De Bartolo & al., 2009), mais aussi sur la maladie.

4.2.2 Démence, maladie d’Alzheimer et réserve cognitive

Bialystok, Craik & al. (2007) ont poursuivi leurs expériences dans le domaine, et sont
parvenus à la conclusion que le bilinguisme avait également des effets protecteurs contre les
effets de certaines maladies, notamment en termes de démence. Ils ont réussi à démontrer que
la pratique d‘un bilinguisme tout au long de la vie permettait le maintien du fonctionnement
cognitif en retardant l‘apparition des premiers symptômes démentiels. L‘étude a été menée sur
184 sujets atteints de démence, dont 51% étaient bilingues. Les sujets bilingues parlaient
couramment deux langues et les avaient pratiquées globalement tout au long de leur vie. Selon
les scores obtenus au Mini Mental Score (MMS, Folstein, Folstein & al., 1975) à l‘entrée à
108
l‘hôpital, et donc bien que probablement atteints de démence en même temps que les
monolingues, les sujets bilingues ont présenté les premiers symptômes alors qu‘ils étaient
âgés en moyenne de 4 ans de plus que les monolingues. Les statistiques sur les autres biais
possibles comme l‘éducation, les différences culturelles, etc., n‘avaient pas montré de
différence significative entre les deux groupes.

Dans la même lignée, la même équipe a récemment confirmé ses résultats par rapport
à la maladie d‘Alzheimer (Craik, Bialystok & al., 2010). Sur une cohorte de 211 patients
atteints de cette maladie (étude épidémiologique), dont 102 étaient bilingues, il a été retrouvé
que les sujets bilingues avaient été diagnostiqués en moyenne 4.3 ans plus tard et que les
premiers symptômes n‘étaient apparus en moyenne que 5.1 ans après les sujets monolingues,
alors que les biais tels l‘éducation, l‘immigration ou le statut occupationnel avaient été
écartés. L‘hypothèse est que le bilinguisme entraînerait le contrôle cognitif et les capacités
attentionnelles au point de préserver les sujets d‘une certaine forme de dégénérescence.

La récente étude sur le sujet par Schweizer, Ware & al. (2012) portant sur des malades
bilingues et monolingues atteints de la maladie d‘Alzheimer a confirmé l‘ensemble des
expériences sus-citées. Les auteurs ont émis l‘hypothèse que si le bilinguisme était protecteur,
alors les cerveaux des bilingues, comparés à ceux des monolingues, devraient montrer une
atrophie plus importante au niveau des zones correspondantes ou généralement associées à la
maladie d‘Alzheimer, alors que le degré d‘atteinte ou l‘expression de sa sévérité était la même
dans les deux populations. L‘expérience a porté sur 40 patients dont 20 étaient bilingues. Tous
les sujets étaient appariés quant à leurs performances cognitives et mnésiques globales, leur
niveau éducationnel et le degré de sévérité de l‘atteinte. Les résultats ont substantiellement
démontré une atrophie cérébrale plus importante chez les sujets bilingues dans les aires
généralement considérées pour différencier les patients Alzheimer des sujets sains (radiant de
la corne temporale et corne temporale). Les auteurs ont ainsi suggéré que du fait de ce
bilinguisme, leur « réserve cognitive » était améliorée et leur permettait de fonctionner à un
niveau supérieur que celui prédit normalement par leur degré d‘atteinte.

Selon Villeneuve & Belleville (2010), « l'hypothèse de la réserve cognitive a été


proposée pour rendre compte des données indiquant que la sévérité de l'atteinte cérébrale
n'est pas toujours un bon indicateur de la sévérité des déficits qui lui sont associés. » Selon
cette hypothèse, la réserve cognitive « modulerait le lien entre l'atteinte cérébrale et ses
manifestations cliniques en limitant l'impact qu'ont les atteintes du cerveau sur la cognition. »

109
En clair, la réserve cognitive fait référence à « la capacité qu'ont les individus à résister aux
dommages cérébraux ». Certains sujets présentent moins de troubles ou de signes de
détérioration cognitive que d‘autres alors que les atteintes dont ils souffrent sont au même
stade d‘un point de vue biologique. Deux types de modèles, les modèles passifs qui suggèrent
que la réserve dépend de caractéristiques anatomiques, et les modèles actifs qui proposent que
la réserve repose sur des réseaux neuronaux (ou sur des stratégies cognitives) plus efficaces et
plus flexibles. La réserve cognitive préserverait donc des effets du vieillissement et de
certaines maladies, en retarderait l‘apparition des premiers signes ou symptômes et
favoriserait peut-être la récupération après une lésion, par exemple un accident vasculaire
cérébral.

L‘idée développée ici est que le maintien d‘une certaine activité mentale permettait de
réduire le déclin cognitif (Valenzuela & Sachdev, 2006). La réserve cognitive serait donc
permise ou renforcée en fonction des stimulations cognitives rencontrées au cours de la vie,
partant du principe que plus un sujet est stimulé, voire même donc éduqué par exemple, plus
longtemps il l‘est au cours de sa vie, et plus cette réserve cognitive sera importante,
favorisante ou protectrice contre les effets du vieillissement et de certaines maladies.

L‘étude de Gollan, Salmon & al. (2011) va exactement dans ce sens, tout comme celle
de l‘équipe de Schweizer & Ware & al. (2012). Une différence apparaît seulement pour le
niveau d‘éducation des sujets. Gollan & ses collaborateurs (2011) ont en effet comparé 44
sujets uniquement bilingues. Ils ont distingué, par le biais de différents tests évaluant le
niveau scolaire et le niveau de compétence atteint dans les deux langues, tels que par exemple
le Boston Naming Test, version espagnole (Allegri, Mangone & al., 1997), deux groupes de
sujets. L‘un était composé de sujets de « faible » éducation ou niveau et l‘autre, à l‘inverse, de
sujets dits plus « éduqués » ou ayant un meilleur niveau. Les résultats de leur recherche et
analyses statistiques ont démontré que le degré de compétence observé dans les deux langues
pouvait prédire l‘âge de diagnostic de la maladie d‘Alzheimer, et notamment chez les sujets
de faible niveau, corrélation qui n‘a pas été retrouvée chez le groupe de sujets plus éduqués.
Ils ont conclu à un effet du bilinguisme sur la réserve cognitive également, et, du fait de
l‘absence de corrélation dans le groupe de meilleur niveau, ont suggéré une limite supérieure
de cette réserve cognitive sur la mesure dans laquelle elle pourrait fonctionner pour retarder
toute forme de démence.

110
En somme, le bilinguisme aurait des effets sur le fonctionnement cognitif général et
permettrait au cerveau de mieux tolérer les pathologies accumulées, les patients bilingues
semblant pouvoir fonctionner à un niveau cognitif et mnésique supérieur à celui des
monolingues alors que la dégradation cérébrale est plus importante. De telles expériences
d‘entraînement cognitif (bilinguisme ou autres activités mentales) semblent donc clairement
avoir un impact à la fois sur le volume structurel et sur l‘organisation fonctionnelle du
système nerveux central. L‘inadéquation entre atrophie cérébrale et niveau de réserve
cognitive est directement attribuée au bilinguisme et amène de plus en plus d‘auteurs à le
porter au rang des facteurs environnementaux permettant ou générant une réserve cognitive.
Les mécanismes précis permettant cet avantage demeurent assez flous dans l‘ensemble, mais
le fait que le bilinguisme retarde l‘apparition des premiers symptômes de la démence, et
même les premiers effets du vieillissement cognitif de manière générale, a une importance
considérable quand on considère le vieillissement grandissant de la population et les coûts de
traitement associés à ces pathologies. Si les mécanismes restent flous encore, il apparaît que
facteurs biologiques et expériences environnementales interagissent afin de déterminer les
issues cognitives.

111
SYNTHESE THEORIQUE

___________________________________________________________________________

Nous avons vu que les résultats des études portant sur le bilinguisme et les fonctions
cognitives ont soulevé de nombreuses interrogations quant à des aptitudes particulières du
sujet bilingue par rapport au monolingue, l‘idée étant que les premiers sont peut-être plus
performants que les seconds dans certaines tâches, et notamment celles nécessitant
l‘intervention des fonctions exécutives, puisque celles-ci seraient davantage entraînées que
chez le sujet monolingue.

En l‘occurrence, les sujets bilingues semblent solliciter davantage leurs fonctions


exécutives dans des tâches impliquant différents niveaux de traitement langagier :
phonologique, lexical, sémantico-syntaxique. Les premières hypothèses explicatives se sont
d‘abord penchées sur les processus exécutifs d‘inhibition, nécessaires pour gérer le « switch »
et évitant l‘interférence éventuelle avec la seconde langue. Néanmoins, les premières
expériences ont le plus souvent porté uniquement sur des tâches verbales. Par ailleurs,
certaines recherches s‘intéressant aux tâches verbales restent controversées quant à cet
éventuel gain. En effet, il ressort parfois une aptitude langagière moindre chez le sujet
bilingue que chez le monolingue, en ce qui concerne le lexique par exemple ou le coût de
traitement en verbal.

En revanche, les études utilisant du matériel non-verbal sont plus unanimes, non
seulement quant à un éventuel gain de performances, mais aussi quant à une implication plus
importante des fonctions exécutives chez les sujets bilingues. Cet éventuel gain serait
d‘ailleurs d‘autant plus significatif quand les FE sont sollicitées.

Enfin, comme nous venons de le voir, les études sur l‘effet du bilinguisme chez les
sujets âgés ont montré que non seulement les sujets bilingues avaient un avantage dans des
tâches linguistiques et non linguistiques mais qu‘en plus, les effets négatifs de l‘âge sur
certaines fonctions exécutives comme l‘inhibition, la mémoire de travail ou l‘attention étaient
atténués ou retardés, et ce même en cas de pathologie dégénérative. Le bilinguisme jouerait
donc un rôle neuro-protecteur contre les effets du vieillissement.

112
Ainsi, les mécanismes exécutifs des sujets bilingues seraient particulièrement exercés,
stimulés et renforcés par la nécessité de contrôler différentes langues, et ce renforcement
jouerait un rôle protecteur au cours du vieillissement. Ceci étant, de nombreuses questions et
de nombreux débats sont encore largement ouverts.

Dans ce cadre, les principaux objectifs de notre thèse sont de préciser les composantes
exécutives, ainsi que la nature du matériel (verbal vs non-verbal), affectés par le bilinguisme.
Nous nous inscrirons également dans une perspective développementale visant à préciser la
mise en place de cet avantage des sujets bilingues au cours du développement, ainsi que le
rôle neuro-protecteur (éventuel) du bilinguisme au cours du vieillissement.

113
__________________
PARTIE
EXPERIMENTALE
__________________

114
CHAPITRE 5 : OBJECTIFS ET METHODES
__________________________________________________________________________________

5.1 Objectifs et méthodes

5.2 Méthodologie générale

5.2.1 Population

5.2.2 Critères d‘inclusion et d‘exclusion généraux

5.2.3 Matériel

5.2.4 Modalités de passation

5.2.4.1 Lieu et durée des épreuves

5.2.4.2 Procédure

5.2.4.3 Consignes

115
CHAPITRE 5 : OBJECTIFS ET METHODES

5.1 Objectifs et méthodes

La revue de la littérature montre clairement qu‘il n‘y a pas de consensus quant à la


composante exécutive influencée par le bilinguisme, aussi bien pour du matériel verbal que
non-verbal. Quelques hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cela :

La revue de la littérature fait ressortir une hétérogénéité du matériel d‘évaluation


utilisé en verbal et non-verbal ;
La nature du bilinguisme ou son origine, bilingues précoces vs bilingues dits plus
« tardifs » n‘est pas toujours prise en compte ;
L‘effet de l‘âge a rarement été contrôlé ou étudié, et bien souvent, les comparaisons ne
portent pas sur les mêmes épreuves exécutives ;
Enfin, bien souvent, les épreuves verbales et non-verbales ne sont pas strictement
comparables car elles ne diffèrent pas uniquement par le type de matériel, mais
également par les procédures cognitives qu‘elles sollicitent.

L‘objectif général de ce travail de thèse est donc de déterminer l‘impact du


bilinguisme sur le fonctionnement exécutif, pour du matériel langagier et non langagier, et à
différentes étapes du développement.

Pour ce faire :

des épreuves verbales et non-verbales strictement identiques (à l‘exception


évidemment de la nature du matériel), et donc comparables dans les procédures mises
en œuvres, ont été utilisées ;
différents groupes d‘âge de 13 à 65 ans ont été comparés, en utilisant
systématiquement les mêmes épreuves ;
quel que soit l‘âge, nous avons choisi d‘explorer des populations de bilingues précoces
simultanés ou consécutifs, c‘est-à-dire des bilingues ayant acquis les deux langues
précocement, à savoir avant l‘âge de 6 ans maximum.
pour toutes les expérimentations que nous avons menées, nous avons choisi d‘utiliser
le modèle de fonctionnement exécutif de Miyake, Friedman & al. (2000) qui identifie
trois composantes majeures : la flexibilité, la mise à jour et l‘inhibition.
116
De plus, pour toutes les expérimentations menées, à l‘exception de la dernière sur le
vieillissement, l‘analyse des résultats a été effectuée en deux temps :

a) comparaison des performances pour les différentes composantes exécutives : des


comparaisons de moyennes permettent de rechercher des différences significatives entre les
sujets bilingues et monolingues sur les épreuves utilisées (flexibilité, inhibition, mise à jour,
en verbal et non-verbal). L‘objectif est ici d‘évaluer l‘hypothèse selon laquelle les sujets
bilingues obtiennent des scores supérieurs dans les tests évaluant les fonctions exécutives ;

b) comparaison des stratégies mises en jeu par les monolingues et les bilingues pour
réaliser une tâche complexe : l‘implication des trois composantes (flexibilité, inhibition, mise
à jour) dans les performances obtenues à une tâche de résolution de problèmes complexes
(Tour de Hanoï- TOH, Lucas, 1892) a également été évaluée à l‘aide de régressions multiples
avec le score de la TOH comme variable à prédire (Y) et le score obtenu à chacune de ces
composantes comme valeur prédictive (X), selon la méthodologie proposée par Zook,
Davalos & al. (2004).

Dans leur expérience, ces derniers ont montré que les performances obtenues en
mémoire de travail (mise à jour), en inhibition et en intelligence fluide, qui renvoie aux
capacités de raisonnement d‘un sujet, ainsi qu‘à sa capacité à s‘adapter à de nouveaux
problèmes ou de nouvelles situations (et donc en grande partie à la flexibilité), expliquent
pour une bonne part les performances obtenues à l‘épreuve de la TOH (Lucas, 1892) chez des
sujets monolingues. Les résultats ont montré que ces trois composantes exécutives jouent un
rôle important et surtout sont prédictives des performances de résolution de la TOH. Dans
notre travail, les régressions multiples ont été effectuées indépendamment pour les sujets
bilingues et monolingues. L‘objectif est ici de montrer que les stratégies mises en jeu pour
résoudre une tâche complexe sont différentes chez les sujets bilingues ou monolingues.

Quatre expériences ont ainsi été menées sur :


des préadolescents de 13 à 15 ans
des adolescents de 16 à 18 ans
des adultes de 18 à 60 ans
puis, une comparaison entre les 18-40 ans et 41-65 ans.

117
Comme nous l‘avons vu, très peu d‘études, pour ne pas dire aucune, ont porté sur les
différences de stratégies exécutives entre les monolingues et les bilingues d‘un point de vue
développemental. Nous aborderons ce problème en utilisant le modèle de Miyake, Friedman
& al. (2000) distinguant trois composantes exécutives (flexibilité, mise à jour et inhibition), et
en utilisant du matériel langagier et non langagier. Dans ce contexte, les objectifs de notre
travail de thèse sont d‘apporter des éléments de réponse aux questions suivantes :

1) Est-ce que les différences entre monolingues et bilingues se mettent en place


progressivement au cours du développement, en lien avec la maturation du fonctionnement
exécutif ?
2) Est-ce que ces différences (si elles sont avérées) sont globales ou varient, au
cours du développement, selon la composante exécutive considérée ?
3) Quel est l‘impact de la nature du matériel (langagier ou non langagier) sur les
différences (potentielles) entre monolingues et bilingues au cours du développement (et plus
précisément pour les tranches d‘âge que nous explorons) ?
4) Existe-t-il des différences de stratégies exécutives mises en jeu par les
différents groupes de sujets pour résoudre une tâche complexe de résolution de problèmes ?
5) Est-ce que le bilinguisme atténue le déclin cognitif lié à l‘âge, et dans ce cas
quelle(s) est (sont) la (ou les) composante(s) exécutive(s) concernée(s) par ces mécanismes
neuro-protecteurs ?

5.2 Méthodologie générale

5.2.1 Population

Toutes les passations ont été effectuées sur des monolingues français et des bilingues
français-anglais ayant acquis leurs deux langues dans l‘enfance, avant l‘âge de 6 ans au plus
tard.
Le choix de ce type de bilinguisme (français-anglais) a été fait dans la mesure où c‘est
un bilinguisme suffisamment répandu en France. De plus, je suis moi-même bilingue français-
anglais, ce qui facilite le travail d‘évaluation et d‘exploitation des données. Enfin, nous nous
sommes intéressée uniquement à des sujets monolingues français et bilingues français-anglais
afin d‘éviter les éventuels biais liés aux structures des différentes langues.

Les sujets bilingues avaient le plus souvent un parent de chaque langue, et/ou avaient
vécu et avaient été scolarisés dans un pays anglophone pendant la petite enfance, donc des
118
bilingues précoces simultanés ou consécutifs. Tous les sujets devaient pratiquer plus ou moins
régulièrement les deux langues ou être en contact avec elles aussi souvent que possible.

Les sujets monolingues ont été appariés avec les bilingues en ce qui concerne l‘âge, le
sexe (autant que possible) et le niveau d‘éducation.

Le recrutement s‘est principalement fait par relations et après recueil du consentement


parental pour les mineurs (non indemnisé).

Afin de fonder la comparaison uniquement sur le critère monolingue vs bilingue et de


favoriser un appariement aussi rigoureux que possible (homogénéité des deux groupes de
sujets), les sujets ont été soumis à une évaluation abrégée du quotient intellectuel par le biais
de la WAIS (verbal et performance) (Wechsler, 1999), à l‘exception du groupe des
préadolescents de 13-15 ans qui ont eux été soumis à une évaluation abrégée de la WISC
(Wechsler, 1991) du fait de leur âge.

Pour chaque expérimentation, nous reviendrons en détails sur la population ciblée.

5.2.2 Critères d’inclusion et d’exclusion généraux

Critères d’inclusion des sujets bilingues : âge d‘acquisition des deux langues dès la
naissance ou dans les 6 premières années de la vie.
Critères d’exclusion : un trouble mental ou une pathologie dégénérative avérés, une
éventuelle lésion neurologique (accident vasculaire cérébral ou traumatisme crânien),
refus après explications des buts de l‘étude ou du temps de passation nécessaire.

5.2.3 Matériel
A l‘exception de l‘évaluation du quotient intellectuel, comme nous venons de
l‘indiquer, le matériel utilisé a été le même pour tous les sujets sans exception. Il avait pour
objectif d‘évaluer les trois composantes exécutives en verbal et non-verbal, ainsi que les
capacités de résolution de problèmes complexes (sauf pour la dernière expérience portant sur
les effets protecteurs du bilinguisme chez le sujet âgé) :

1) Flexibilité : les fluences verbales et non-verbales (Cardebat, Doyon & al., 1990 ; Ruff,
Light & al., 1987)

Il est généralement admis que les tâches de fluences mettent en jeu la flexibilité
mentale par l‘obligation qui est faite au sujet de mettre en œuvre des processus de recherches

119
stratégiques pour passer d‘une sous-catégorie à une autre quand la première est épuisée
(Troyer, Moscovitch & al., 1997).

a) Fluences verbales (sémantiques ; phonologiques) : elles consistent à évoquer


autant de mots que possible en 2 minutes dans une catégorie sémantique donnée (animaux,
fruits et meubles) ou commençant par une lettre donnée (P/R/V). Le score retenu est le
nombre total de mots correctement produits sur l‘ensemble des fluences sémantiques d‘une
part et phonologiques d‘autre part. Les erreurs et répétitions sont comptées séparément.

D‘un point de vue neuro-anatomique, les tâches de fluences entraînent l‘activation du


cortex frontal (Troyer, Moscovitch & al., 1997). Au vu des processus cognitifs et des régions
corticales engagés tels que les cortex frontaux et temporaux (Robinson, Shallice & al., 2012),
la participation du contrôle exécutif pour les tâches de fluences verbales est avérée.

Plus précisément, d‘après, Troyer, Moscovitch & al. (1997) ainsi que Van der Linden,
Meulemans & al. (2000), les tâches de fluences verbales semblent les plus pertinentes pour
évaluer les capacités de flexibilité spontanée d‘un sujet. En plus de la flexibilité cognitive
engagée, une stratégie de regroupement dite « clustering » semble en effet participer à la
génération de mots lors des tâches de fluences catégorielles, étant donné que le système
sémantique est organisé en catégories et sous catégories. En revanche, la tâche de fluences
phonémiques ne semble renvoyer qu‘à la flexibilité cognitive, puisque selon Troyer,
Moscovitch & al. (1997), des stratégies de regroupement peuvent plus difficilement être mises
en place dans cette condition.

b) Fluences non-verbales (graphiques) : le sujet a deux minutes pour relier les points
dans des carrés identiques composés de 5 points disposés en quinconce en formant autant de
figures différentes que possible. A nouveau, on comptabilise le nombre total de figures
uniques reliées et les erreurs ou répétitions sont comptabilisées séparément.

Les mécanismes engagés lors des fluences graphiques seraient gérés par le lobe pré-
frontal droit (Foster, Williamson & al., 2005). Ainsi, la nécessité de créer les réponses,
d‘inhiber les répétitions, ainsi que les substrats cérébraux sollicités, nous renseignent sur la
part exécutive des processus cognitifs engagés pour ce type de tâche. La flexibilité cognitive
apparaît être le principal mécanisme sous-jacent à cette tâche en particulier (Van er Linden,
Meulemans & al., 2000).

120
2) Inhibition : Go/noGo (TEA : Zimmermann & Fimm, 1994)

L‘épreuve du Go/noGo est connue pour mettre en jeu les capacités d‘inhibition. Elle
consiste en la présentation de séries d‘images et de mots pour le verbal, et en celles de figures
abstraites (non-verbal), de manière successive sur un écran d‘ordinateur (un item par
seconde). Au début de chaque série, deux items cibles sont présentés. Le sujet doit taper une
touche du clavier à chaque fois qu‘il identifie ces deux cibles parmi des distracteurs. Chaque
cible est présentée 8 fois et doit être identifiée parmi 16 distracteurs, donc un total de 16
cibles et de 16 distracteurs pour chaque série. Les résultats retenus sont le nombre de fois où
le sujet commet une erreur de frappe (omission ou mauvais item) ainsi que sa vitesse de
frappe moyenne sur chaque séquence. L‘utilisation de l‘outil informatique nous a permis de
recueillir les temps de réaction précis (mesurés en millisecondes).

Dans la mesure où le sujet doit effectuer une réponse motrice seulement quand il voit
apparaître un item cible (Go), on considère qu‘il doit inhiber un réflexe de frappe quand il est
face à un distracteur (noGo), d‘où la mise en jeu des processus d‘inhibition. Ainsi, comme le
précisent Festman & Münte (2012), Simor, Pajkossy & al. (2012) et Bannbers, Gingnell & al.
(2013), en demandant d‘éviter de produire une réponse apprise ou prépondérante, ce test met
en jeu le contrôle inhibitoire.

3) Mise à jour : Updating test (Van der Linden, Puhet & al., 1999) pour le verbal et tâche
des Cubes de Corsi (1972) pour le non-verbal.

L‘Updating test est une épreuve évaluant les capacités de mise à jour dans la modalité
verbale. Il se calque sur la tâche de décalage développée par Kwong See & Ryan en 1995
(cités par Van der Linden, Hupet & al., 2010) : une série de consonnes, dont la longueur est
inconnue, est présentée au sujet. Le participant doit alors rappeler un certain nombre de
lettres. Aucun item n‘est répété au sein d‘une même liste et les suites de lettres ne forment
jamais de mot ou d‘abréviation. Pour la modalité non-verbale, des planches s‘inspirant de la
tâche des Cubes de Corsi (1972) ont été utilisées (une série de cubes, de longueur inconnue,
est présentée au sujet).

Dans ces deux tâches, on présente au sujet deux blocs de 12 séries de 6/8/10 lettres (en
verbal) et deux blocs de 12 séries de 4/6/8 cubes identiques (en non-verbal). Pour l‘épreuve
verbale, les lettres défilent sur l‘écran toutes les secondes, l‘outil informatique favorisant ainsi

121
la reproductibilité de la tâche. Pour les cubes, une planche comprenant 20 cubes est présentée
au sujet et des séquences sont pointées de manière aléatoire par l‘examinateur.
Le sujet doit, après chaque présentation, effectuer un rappel sériel oral des 6 dernières
lettres ou un pointage des 4 derniers cubes présentés par l‘examinateur.
Le sujet ignore le nombre d‘items qui lui seront présentés à chaque série. Une planche
essai d‘entrainement est proposée pour chacune des deux épreuves.

Les scores retenus pour ces deux épreuves recouvrent le nombre total des réponses
correctes à 6/8 et 10 lettres et à 4/6 et 8 cubes (bonne lettre ou bon cube et dans le bon ordre).

Ces tâches requièrent des processus de « shifting » attentionnel constants ou de mise à


jour puisque le sujet doit stocker temporairement une séquence et la traiter pour ne restituer
que le nombre attendu au final, à savoir qu‘il est nécessaire de se « débarrasser » de certains
items pendant que d‘autres doivent être retenus ou stockés temporairement. Morris & Jones
(1990, cités par Van der Linden, Hupet & al., 2010) ont montré que cette épreuve exploitait
bien un des mécanismes de la mémoire de travail (elle-même liée à la fonction de mise à
jour).

Le choix de 6 lettres en verbal et de seulement 4 cubes en non-verbal s‘explique du


fait que dans la littérature, le span visuel semble inférieur au span verbal, même si cette idée
peut être discutée et n‘est pas empiriquement complètement prouvée.

Ainsi, à chaque fois, pour chaque composante exécutive évaluée, les deux tâches de
chaque test sont strictement identiques, seule la modalité verbale/non-verbale change, et ce
pour les trois composantes exécutives.

4) WAIS III / WISC III : (Wechsler, 1999 ; 1991)

Afin de favoriser un appariement aussi rigoureux que possible entre sujets bilingues et
monolingues (homogénéité des deux groupes de sujets), ces derniers ont été soumis à une
évaluation abrégée du quotient intellectuel (verbal et performance).

- Les adolescents de 16-18 ans et tous les adultes ont été soumis à une évaluation
abrégée du quotient intellectuel (WAIS III, Wechsler, 1999) incluant six sous-tests :

Vocabulaire (connaissances sémantiques), similitudes (connaissances sémantiques) et


mémoire des chiffres (mémoire de travail verbale) pour le quotient intellectuel verbal.

122
Code (vitesse de traitement de l‘information), cubes (praxies visuo-constructives
complexes) et matrices (raisonnement déductif) pour le quotient intellectuel
performance.

- Les préadolescents de moins de 16 ans ont eux été soumis à une évaluation abrégée
de la WISC III (Wechsler, 1991), la WAIS III (Wechsler, 1999) ne commençant qu‘à partir de
l‘âge de 16 ans.

Cette évaluation inclut cinq sous-tests qui ont permis de donner une idée globale du
niveau intellectuel des sujets dans les domaines verbal et non-verbal :

Pour la modalité verbale :


 Vocabulaire (connaissances sémantiques), similitudes (connaissances
sémantiques) et mémoire des chiffres (mémoire de travail)
Pour la modalité non-verbale :
 Code (vitesse de traitement de l‘information) et cubes (praxies visuo-
constructives complexes)

Comme pour la WAIS III, notons toutefois que les résultats de ces 5 sous-tests ne
peuvent à eux seuls suffire à calculer précisément un quotient intellectuel. L‘intérêt de cette
évaluation préalable était uniquement de permettre un appariement des sujets bilingues et
monolingues de niveaux équivalents, de sorte que le niveau intellectuel ne vienne pas
interférer dans l‘évaluation des fonctions exécutives.

Par ailleurs, nous avons choisi d‘utiliser une échelle composite de ces deux batteries
qui fait normalement appel aux fonctions exécutives, et d‘apparier nos sujets en fonction de
celle-ci, le but étant de tenter de déterminer ou de prouver que ce n‘est justement pas le
quotient intellectuel qui influence les résultats obtenus aux différents tests évaluant les FE
mais bien le bilinguisme lui-même.

5) Tour de Hanoï (TOH, Lucas, 1892) :


Le problème de la TOH a été inventé par le mathématicien français Edouard Lucas en
1892. Le dispositif de la TOH est constitué d‘un ensemble de disques percés en leur centre et
de diamètre variable, ainsi que d‘une base avec trois tiges sur lesquelles enfiler les disques.

123
Figure 1 : La Tour de Hanoï (Lucas, 1892).

Dans cette tâche, le sujet doit passer d‘une configuration donnée A à une seconde B en
un minimum de coups et le plus rapidement possible. Six planches avec un niveau de
complexité croissant sont proposées (à réaliser en 4/5/7/8/9 et 11 coups). On comptabilise
donc le nombre de coups sur chaque planche et le temps de réalisation. Le sujet doit respecter
deux règles :

Ne déplacer qu‘un seul disque à la fois.


Ne jamais placer un grand disque sur un plus petit.

La TOH est une tâche de résolution de problèmes, au sens de situations nouvelles,


pour lesquels on ne dispose pas de plan de résolution déjà appris, et qu‘on ne peut pas
résoudre immédiatement, à partir des seules données perceptives, sans l‘intervention de
processus cognitifs de haut-niveau, et notamment des FE. Cette tâche a souvent été utilisée
afin d‘évaluer divers processus cognitifs ou certaines fonctions exécutives des sujets, tels que
la planification (Gnys & Willis, 1991 ; Festman & Münte, 2012), l‘inhibition et la flexibilité
(Goel & Grafman, 1995 ; Welsh & Huizinga, 2001), la mémoire de travail (Bull, Espy & al.,
2004 ; Welsh & Huizinga, 2001) et le raisonnement complexe (Bull, Espy & al., 2004).
C‘est une tâche particulièrement intéressante quant au fonctionnement exécutif
puisque selon Zook, Davalos & al. (2004) et Sorel & Pennequin (2008), elle met en jeu les
trois composantes exécutives du modèle de Miyake, Friedman & al. (2000) réunies
(flexibilité, inhibition et mise à jour).
Il faut noter que nous n‘utiliserons pas cette méthodologie pour la dernière
expérimentation portant sur les effets neuro-protecteurs du bilinguisme chez le sujet âgé, nos
échantillons étant trop faibles.

6) La scène des Cookies (BDAE, Goodglass, Kaplan & al., 2000)


Comme nous l‘avons expliqué, le concept de bilinguisme étant très étendu et ouvert à
controverse, nous avons choisi d‘évaluer uniquement une catégorie spécifique de bilingues, à

124
savoir des bilingues précoces, consécutifs ou simultanés, c‘est-à-dire ayant acquis les deux
langues durant les premières années de l‘enfance et avant l‘âge de 6 ans maximum.

Néanmoins, comme selon Perani (2003) ou Goral (2004), le degré de performance


atteint dans les deux langues est très important, voire davantage que le facteur de l‘âge
d‘acquisition per se, et bien qu‘il soit difficile d‘obtenir une compétence parfaite dans les
deux langues et dans tous les domaines (linguistique, pragmatique, etc.) qui sont
intrinsèquement liés, le niveau des participants bilingues a été évalué à travers une courte
description orale en anglais (en deux minutes), d‘une scène représentant la vie quotidienne
extraite du Boston Diagnostic Aphasia Examination (Goodglass, Kaplan & al., 2000) (annexe
1). Les descriptions ont ensuite été analysées et cotées selon une échelle en trois points
(phonologie, syntaxe et lexique), par deux spécialistes du langage anglo-saxonnes de
naissance. Ainsi, une orthophoniste de nationalité américaine, Mme Frankenhuis, et une
linguiste/professeur de nationalité anglaise, Mme Deschaux, ont écouté chaque description et
l‘ont cotée sur l‘échelle de performance suivant une règle dichotomique : « aucune difficulté
notable » = 0 vs « des difficultés » = 1. Afin de pouvoir participer à notre étude, seuls les
sujets qui ont obtenu une note totale inférieure ou égale à 2/6 ont été retenus (addition des
notes obtenues par les deux spécialistes pour chaque sujet). Concernant les adolescents,
l‘évaluation du niveau d‘anglais a été faite selon le même procédé, mais la cotation a été
réalisée par l‘orthophoniste américaine et moi-même.

5.2.4 Modalités de passation

5.2.4.1 Lieu et durée des épreuves

En général, les passations se sont déroulées au domicile des sujets. Quelques-uns se


sont déplacés au laboratoire de recherche de Bordeaux Segalen, EA4136. Quant à la
passation, elle a duré en moyenne deux heures par sujet, voire deux heures et demie pour les
plus jeunes, toutes épreuves confondues.

5.2.4.2 Procédure

Après une explication du cadre de l‘étude et de son objectif, ainsi que du recueil du
consentement du sujet ou de ses parents, les différentes épreuves citées ci-dessus ont été
administrées à tous les sujets et de manière aléatoire. Seuls les sujets bilingues ont été évalués

125
préalablement pour leur niveau d‘anglais par le biais de la scène des Cookies à décrire
oralement. Pour rappel :

Premier bloc d‘épreuves :


 Les épreuves de fluences verbales et graphiques (Cardebat,
Doyon & al., 1990 ; Ruff, Light & al., 1987).
 Les tâches de mise à jour (Updating test, en verbal et non-
verbal, Van der Linden, Puhet & al, 1999).
 L‘épreuve du Go/noGo (3 séries successivement sur
l‘ordinateur, TEA : Zimmermann & Fimm, 1994).
 Les 6 planches de l‘épreuve de résolution de la TOH (Lucas, 1892).

Deuxième bloc d‘épreuves :


 Les échelles d‘intelligence abrégées pour adultes et pour enfants
de Wechsler (1999 ; 1991), ont été présentées dans l‘ordre de passation des tests eux-mêmes,
à savoir : vocabulaire, code, similitudes, cubes, matrices et mémoire de chiffres endroit et
envers.

Une petite pause de 10-20 min entre les deux blocs a été proposée.

5.2.4.3 Consignes
1) Flexibilité : fluences verbales et non-verbales (Cardebat, Doyon & al., 1990 ;
Ruff, Light & al., 1987)

 Fluences sémantiques : « Nous allons vous donner le nom d‘une catégorie


comme outils ou vêtements. Il vous faudra nous donner autant de mots que possible
appartenant à cette catégorie, en deux minutes, sans vous répéter ».
 Fluences phonémiques : « Même principe que précédemment mais en partant
d‘une lettre. Il vous faudra nous donner autant de mots que possible commençant par cette
lettre en deux minutes. Tous les mots sont acceptés dans la mesure où ils existent en français,
sauf les noms propres et les conjugaisons de verbe ».
 Fluences graphiques : « Voici une planche de quarante cases. Vous avez deux
minutes pour faire une figure dans chaque case en reliant deux points au minimum, sans faire
de figures identiques ». Plusieurs exemples ont été montrés au début de la tâche.

126
2) Inhibition : Go/noGo (TEA : Zimmermann & Fimm, 1994)

 Figures abstraites : « Vous allez voir une série de figures abstraites. Elles ne
veulent rien dire. Vous devrez appuyer sur la barre espace lorsque vous voyez apparaître l‘un
des deux items suivants, et uniquement ces deux-là ».
 Images : « Même principe que précédemment mais avec une série d‘images ».
 Mots : « Même principe à nouveau, mais sur une série de mots cette fois-ci. »

3) Mise à jour : Updating test (Van der Linden, Puhet & al., 1999) pour le verbal et tâche
des Cubes de Corsi (1972) pour le non-verbal
 Verbal : « Vous allez voir une séquence ou une série de lettres apparaître
successivement à l‘écran. Leur nombre est aléatoire (6/8 ou 10). Vous devrez resituer les 6
dernières lettres apparues, dans leur ordre de présentation ».
 Non-verbal : « Même principe que précédemment sauf que cette fois-ci, nous
pointerons avec mon crayon certains carrés de façon aléatoire (4/6 et 8). Vous devrez montrer
les 4 derniers pointés, dans le bon ordre ».

4) La Tour de Hanoï (Lucas, 1892)

« Devant vous, trois piquets verticaux et cinq disques de diamètre croissant. Il vous est
demandé de passer de la configuration A de départ à une configuration B présentée sur cette
feuille. Il faudra le faire en le moins de coups possible et le plus rapidement possible, en
respectant deux règles. La première, vous ne pouvez en aucun cas mettre un grand disque sur
un plus petit disque comme ceci. La seconde, vous ne pouvez déplacer qu‘un seul disque à la
fois ». Nous avons expliqué qu‘un déplacement de disque compte comme « un coup ».

127
CHAPITRE 6 : LES PREADOLESCENTS DE 13 A 15 ANS
___________________________________________________________________________

6.1 Problématique

6.2 Objectifs

6.3 Matériel et méthode

6.3.1 Population

6.3.2 Recrutement

6.3.3 Présentation détaillée de la population

6.3.3.1 Echantillon

6.3.3.2 Les sujets bilingues

6.3.3.3 Les sujets monolingues

6.4 Procédure d’analyse et contrôle des données

6.4.1 Méthode statistique


6.4.1.1 Le test U de Mann-Whitney-Wilcoxon
6.4.1.2 L‘analyse de variance (ANOVA à trois facteurs)

6.4.1.3 Les régressions linéaires multiples

6.4.2 Appariement des populations

6.5 Résultats
6.5.1 Performances des sujets bilingues et monolingues aux tâches exécutives :
analyse de variance

6.5.2 Performances des sujets bilingues et monolingues à la TOH

6.5.3 Composantes exécutives en lien avec les résultats à la TOH : régressions


multiples

6.6 Discussion

6.7 Conclusion

128
CHAPITRE 6 : LES PREADOLESCENTS DE 13 A 15 ANS

Le travail présenté ici a fait l‘objet d‘un mémoire de fin d‘études (Alary & Martin,
2013) à l‘Ecole d‘Orthophonie de Paris VI, sous ma direction.

6.1 Problématique

Cette étude a pour objet d‘évaluer l‘influence d‘un bilinguisme précoce sur les
fonctions exécutives des préadolescents âgés de 13 à 15 ans. Comme nous l‘avons évoqué,
certains auteurs considèrent que le fonctionnement exécutif n‘a pas encore atteint sa pleine
maturité, celle-ci se réalisant entre 16 et 19 ans (Siegel, 1994 ; Pascual-Leone, 1970,
Anderson, 2002), voire même 25 ou 26 ans (Steinberg, 2005 ; Giedd, 2008). Néanmoins,
d‘autres auteurs comme Bialystok (2011b) ou Poulin-Dubois, Blaye & al. (2011) ont observé
des avantages cognitifs liés au bilinguisme chez des sujets bilingues encore plus jeunes. Il
paraît donc intéressant d‘explorer une tranche d‘âge moins (ou peu) étudiée, celle des
préadolescents de 13-15 ans, dont le fonctionnement cérébral en pleine maturation est
éventuellement instable sur le plan du fonctionnement exécutif (Blakemore & Choudhury,
2006).

Nous avons donc comparé les performances exécutives de préadolescents bilingues


précoces français-anglais et monolingues français, tous âgés de 13 à 15 ans aux épreuves
portant sur chacune des trois composantes définies par Miyake, Friedman & al. (2000) et
présentées dans le chapitre 5 (flexibilité, inhibition et mise à jour), dans les modalités verbale
et non-verbale. L‘impact éventuel du bilinguisme sur le fonctionnement exécutif général des
sujets a aussi été étudié en proposant une tâche de résolution de problèmes complexes, la
TOH (Lucas, 1892), reconnue comme mettant en jeu ces trois composantes exécutives (Zook,
Davalos & al., 2004).

6.2 Objectifs

Objectif 1

En testant les compétences exécutives de préadolescents bilingues et monolingues


dans les modalités langagière et non langagière, notre premier objectif est de montrer que les
bilingues obtiendront globalement de meilleures performances comparativement aux

129
monolingues. Par ailleurs, ces meilleures performances exécutives s‘observeront
principalement dans le domaine non-verbal, comme une partie de la littérature a pu le
démontrer récemment (Garbin, Sanjuan & al., 2010 ; Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al.,
2010). Enfin, nos résultats permettront de préciser la (ou les) composante(s) exécutive(s)
(flexibilité, mise à jour et/ou inhibition) affectée(s) par le bilinguisme selon le type de
matériel sollicité.

Objectif 2

Un second objectif est de montrer que les préadolescents bilingues, du fait d‘un
entraînement renforcé de leur fonctionnement exécutif lié au bilinguisme précoce, obtiendront
aussi de meilleurs résultats à l‘épreuve de la TOH (Lucas, 1892) reconnue par l‘équipe de
Zook, Davalos & al., 2004 comme faisant intervenir l‘ensemble des composantes exécutives
que nous explorons (Miyake, Friedman & al., 2000). D‘autre part, nous utiliserons la
méthodologie de Zook, Davalos & al. (2004) pour montrer que les bilingues et les
monolingues n‘utilisent pas les mêmes stratégies exécutives pour résoudre cette tâche
complexe.

6.3 Matériel et méthode


6.3.1 Population
Nous avons choisi uniquement des sujets monolingues français et bilingues français-
anglais.
6.3.2 Recrutement

Pour les bilingues, les sujets ont majoritairement été recrutés grâce à l‘association « Le
café bilingue » à Paris (75) qui a autorisé la diffusion d‘une annonce destinée aux parents qui
pourraient être intéressés par l‘étude. De nombreux établissements scolaires proposant un
enseignement bilingue français-anglais, ainsi que d‘autres lieux favorisant la culture bilingue
(librairie, autres associations de Paris et d‘Ile de France), ont également été contactés.

Pour commencer, un accord parental a été présenté et rempli (cf. annexe 1) pour
l‘ensemble des sujets. Ensuite, un questionnaire portant sur l‘utilisation de l‘anglais au
quotidien (questionnaire que nous avons élaboré, cf. annexe 2, à partir de celui réalisé pour le
mémoire d‘Orthophonie de Camsouline & Plâtre, 2013 ; cf. annexe 2, chapitre 7), a été
proposé aux parents, bien que tous ne l‘aient pas retourné. Ensuite, les adolescents bilingues
ont été soumis à une tâche de description orale en anglais d‘une scène de la vie quotidienne

130
(description de l‘image des « Cookies » (cf. annexe 1 chapitre 5) du BDAE, Goodglass,
Kaplan & al., 2000), en deux minutes. Les productions (cf. annexe 3) ont été enregistrées puis
analysées et cotées par Mme Frankenhuis, orthophoniste américaine retraitée, et moi-même,
orthophoniste, bilingue précoce simultanée français-anglais. Le but de ces investigations
préalables était d‘évaluer le niveau d‘anglais de chaque sujet en s‘assurant qu‘ils pratiquaient
régulièrement les deux langues (questionnaire) et qu‘ils les maîtrisaient suffisamment bien
(phonologie, syntaxe et lexique pour la description orale) pour pouvoir être inclus dans
l‘étude. La cotation de la description s‘est faite sur une échelle dichotomique 0 = pas de
difficulté, vs 1 = difficultés. Seuls les sujets qui ont obtenu une note inférieure ou égale à 2/6
à la scène des « Cookies » (correspondant au regroupement des deux notes obtenues) (cf.
annexe 4), ainsi qu‘une note minimale de 9 (-1,98 ET) au questionnaire (cf. annexe 5), ont été
retenus.

Quant aux sujets monolingues, il s‘agit de lycéens de Paris (75) et de la Région


Parisienne (77, 78 et 93), de Nantes (44) et de Marseille (13).

6.3.3 Présentation détaillée de la population


6.3.3.1 Echantillon

La passation des épreuves a été effectuée auprès de 33 sujets âgés de 13 à 15 ans, dont
17 bilingues précoces français-anglais (10 filles, 7 garçons) et 16 monolingues français (9
filles, 7 garçons). Les sujets monolingues ont été appariés aux sujets bilingues en ce qui
concerne l‘âge, le niveau intellectuel et le sexe (cf. tableau 2 ci-dessous).

6.3.3.2 Les sujets bilingues


Les 17 sujets bilingues (10 filles et 7 garçons) avaient acquis les deux langues avant
l‘âge de 5-6 ans (bilingues précoces simultanés ou consécutifs). Ils étaient tous âgés de 13 à
15 ans (Moy : 14,27 ; ET : 0,93) et étaient scolarisés au collège, entre la classe de 5ème et de
3ème. Ils ne présentaient pas de trouble du développement ni aucun antécédent de troubles
neurologiques (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien, tumeur cérébrale, etc.) ou
de troubles des apprentissages (langage oral ou écrit.) comme une dyslexie ou une dysphasie.

6.3.3.3 Les sujets monolingues


Les 16 sujets monolingues (9 filles et 7 garçons) avaient le français pour langue
maternelle. Ils étaient tous âgés de 13 à 15 ans (Moy : 14,35 ; ET : 0,85) et étaient scolarisés
au collège, entre la classe de 5ème et de 3ème. Ils ne présentaient pas de trouble du

131
développement ni aucun antécédent de troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral,
traumatisme crânien, tumeur cérébrale, etc.) ou de troubles des apprentissages (langage oral
ou écrit.) comme une dyslexie ou une dysphasie.

6.4 Procédure d’analyse et contrôle des données


6.4.1 Méthode statistique

L‘analyse des données statistiques s‘est faite à l‘aide du logiciel de Statview. Trois
types d‘analyse ont été effectués : le test U de Mann-Whitney-Wilcoxon, l‘analyse de la
variance (ANOVA) et l‘analyse de régressions multiples.

6.4.1.1 Le test U de Mann-Whitney-Wilcoxon

Lorsque l‘on souhaite comparer deux groupes indépendants pour une variable
quantitative mais que les effectifs sont trop faibles, et/ou que cette variable n‘est pas
distribuée selon la loi normale, on utilise le test non paramétrique U de Mann-Whitney-
Wilcoxon.

Cette procédure a permis de comparer les deux populations (afin de vérifier leur
appariement sur certaines variables telles que l‘âge et le score au test de QIT), et de comparer
leurs performances à la TOH.

6.4.1.2 L’analyse de variance (ANOVA à trois facteurs)

L‘analyse de variance a pour but de comparer les moyennes de plusieurs groupes pour
une variable quantitative en fonction d‘une ou plusieurs variables qualitatives appelées
facteurs.

Cette analyse a permis de confronter les performances exécutives des sujets, en


fonction de trois facteurs : sujet (monolingue vs bilingue), composante exécutive (flexibilité,
inhibition, et mise à jour), matériel (verbal vs non-verbal).

6.4.1.3 Les régressions linéaires multiples

L‘implication des trois composantes exécutives (flexibilité, inhibition et mise à jour)


dans les performances obtenues à la TOH a été évaluée à l‘aide de régressions multiples avec
le score de la TOH comme variable à prédire et le score obtenu à chacune de ces composantes
comme variable prédictive.

132
Le tableau 1 ci-dessous récapitule les facteurs et les variables dépendantes prises en
compte dans nos analyses statistiques.

FACTEURS UTILISES
SUJET  Bilingues
 Monolingues

COMPOSANTE  Flexibilité
EXECUTIVE  Inhibition
 Mise à jour

MATERIEL  Verbal
 Non-verbal

VARIABLES UTILISEES
VARIABLES QUANTITATIVES
QUOTIENT INTELLECTUEL  Quotient Intellectuel Verbal (QIV) +
TOTAL (QIT) Quotient Intellectuel Performance (QIP)

Verbale  Moyenne des temps de réaction


INHIBITION  Somme des erreurs
Non-verbale
Verbale  Nombre total de mots
FLEXIBILITE
Non-verbale  Nombre total de figures uniques

Verbale
MISE A JOUR  Somme des réponses correctes
Non-verbale

 Taux de réussite en nombre de coups


TOH  Taux de réussite en temps d‘exécution

Tableau 1 : Facteurs et variables utilisés pour l‘analyse statistique

6.4.2 Appariement des populations

Les données concernant les deux populations (scores au QIT et âge) sont présentés
dans le tableau 2 ci-dessous :

133
Bilingues Monolingues p associée

Moyenne des QIT 127,35 131,31 0,09


(Ecarts-types) (7,26) (6,49)

Moyenne des âges 14,27 14,35 0,82


(Ecarts-types) (0,93) (0,85)

Tableau 2 : Appariement des sujets bilingues et monolingues selon le QIT et l‘âge

Le test U de Mann-Whitney-Wilcoxon ne montre pas de différence significative entre


les deux populations pour les scores de QIT [U = 89,5 ; p = 0,09] et pour l‘âge [U = 130 ; p =
0,82]. Les sujets sont bien appariés sur ces critères.

En ce qui concerne le nombre de filles et de garçons, il est quasiment équivalent dans


les deux groupes.

6. 5 Résultats

6.5.1 Performances des sujets bilingues et monolingues aux tâches


exécutives : analyse de variance

L‘ensemble des scores obtenus pour les différentes composantes exécutives et en


fonction des différents facteurs sont présentés dans le tableau 3 ci-dessous. De plus, les scores
obtenus aux différentes épreuves ont été moyennés pour obtenir six scores composites
correspondants à : la flexibilité (verbale et non-verbale), l‘inhibition (verbale et non-verbale),
la mise à jour (verbale et non-verbale).

Une analyse de variance à trois facteurs [sujet (monolingue vs bilingue), composante


exécutive (flexibilité, inhibition et mise à jour), matériel (verbal vs non-verbal)] a été réalisée.

134
Moyenne Ecarts-types

Verbal 116,88 30,88


Bilingues
Non-verbal 26,94 8,72
FLEXIBILITE
Verbal 127,62 18,28
Monolingues
Non-verbal 26,37 6,9
Verbal 342,54 62,81
Temps
Non-verbal 177,59 45,82
Bilingues
Verbal 3,58 3,85
Erreurs
Non-verbal 2,17 2,37
INHIBITION
Verbal 322,79 71,6
Temps
Non-verbal 158,08 29,63
Monolingues
Verbal 6,75 8,45
Erreurs
Non-verbal 3,12 4,63
Verbal 77,41 13,18
Bilingues
Non-verbal 83,35 7,02
MISE A JOUR
Verbal 74,18 19,92
Monolingues
Non-verbal 77 8,17
Tableau 3 : Moyennes obtenues par les sujets (monolingues et bilingues) selon la composante exécutive et le
type de matériel

Les résultats sont les suivants :

- Effets des facteurs simples :

Des différences significatives sont obtenues pour les facteurs composante exécutive
[F (3,93) = 532,84 ; p = 0,0001] et matériel [F (1,31) = 580,76 ; p = 0,0001], mais pas pour le
facteur sujet [F (1,31) = 0,94 ; p = 0,33]. Que ce soit pour le facteur composante ou matériel,
les effets ne donnent pas lieu à interprétation dans la mesure où les scores des différentes
composantes ainsi que du matériel (verbal vs non-verbal) ne sont pas à la même échelle.

- Effets des interactions à deux facteurs :

Les interactions à deux facteurs ne sont pas significatives à l‘exception de l‘interaction


composante exécutive x matériel [F (3,93) = 250,45 ; p = 0,0001]. Cette interaction ne donne
pas lieu à interprétation du fait que les échelles de mesure ne sont pas toutes comparables
pour le matériel (verbal vs non-verbal).

135
- Interactions à trois facteurs :

L‘interaction à trois facteurs n‘est pas significative, ce qui signifie qu‘il n‘existe pas de
différence entre bilingues et monolingues quels que soient la composante exécutive et le type
de matériel.

6.5.2 Performances des sujets bilingues et monolingues à la TOH

Nous présentons, dans le tableau 4, les moyennes et écarts-types (ET) du taux de


réussite en nombre de coups et du temps d‘exécution de la tâche pour les sujets bilingues et
monolingues :

Moyennes et écarts-types (ET) Moyennes et écarts-types (ET)


pour le taux réussite en coups pour le taux de réussite en temps

Bilingues 1,59 (0,47) 4,39 (2,77)

Monolingues 1,62 (0,54) 4,61 (2,45)

Tableau 4 : Moyennes et ET des sujets bilingues et monolingues (nombre de coups et temps d‘exécution) à la
TOH

Le test U de Mann-Whitney ne montre pas de différence significative entre les deux


groupes ni pour le nombre de coups [U = 133 ; p = 0,91] ni pour le temps [U = 122 ; p =
0,61].

6.5.3 Composantes exécutives en lien avec les résultats à la TOH :


régressions multiples

L‘objectif était ici de vérifier si les stratégies différaient selon que les sujets étaient
bilingues ou monolingues, et si une ou plusieurs des composantes exécutives testées
expliquaient de façon significative les scores obtenus à la TOH. Des régressions multiples ont
été effectuées indépendamment pour les sujets bilingues et monolingues.

Nous avons regroupé, dans le tableau 5 ci-dessous, les indicateurs choisis pour
effectuer cette analyse en les classant en deux catégories : variables à expliquer (TOH) et
variables explicatives (composantes exécutives).

136
VARIABLES A
EXPLIQUER (TOH)  Taux de réussite : nombre de coups

 Fluences (V) : nombre total de réponses


 Fluences (NV) : % de figures uniques
VARIABLES
EXPLICATIVES  Go/noGo (V) : moy. des temps de réaction + erreurs
(composantes exécutives)  Go/noGo (NV) : moy. des temps de réaction + erreurs

 Updating (V) : réponses correctes

 Updating (NV) : réponses correctes

Tableau 5: Indicateurs choisis pour l‘analyse de régressions multiples. Verbal (V) / Non-Verbal (NV)

a) Prédiction pour le nombre de coups chez les sujets bilingues (tableau 6)


Nous présentons, dans le tableau 6, les résultats obtenus pour les régressions des trois
composantes exécutives pour le nombre de coups chez les bilingues.

SUJETS BILINGUES Valeur de t p associée

Verbal 0,28 0,77


FLEXIBILITE Non-verbal 0,38 0,7
Verbal -1,05 0,31
Erreurs Non-verbal -0,41 0,68
INHIBITION
Verbal 0,33 0,74
Temps Non-verbal 0,24 0,8
Verbal -0,49 0,63
MISE A JOUR Non-verbal -1,004 0,33

Tableau 6 : Prédiction pour le nombre de coups chez les bilingues

Aucune valeur de p n‘est significative, ce qui montre qu‘aucune des épreuves


exécutives verbales et non-verbales ne prédit significativement les résultats obtenus à la TOH
pour le nombre de coups chez les bilingues.

137
b) Prédiction pour le nombre de coups chez les sujets monolingues (tableau 7)

Nous présentons, dans le tableau 7, les résultats obtenus pour les régressions des trois
composantes exécutives pour le nombre de coups chez les monolingues.

SUJETS MONOLINGUES Valeur de t p associée

Verbal -0,94 0,36

FLEXIBILITE Non-verbal -0,16 0,87

Verbal -1,84 0,09


Erreurs
Non-verbal -1,02 0,32

INHIBITION
Verbal -1,24 0,23
Temps
Non-verbal -0,71 0,49

Verbal -1,84 0,09


MISE A JOUR
Non-verbal -0,09 0,92

Tableau 7 : Prédiction pour le nombre de coups chez les monolingues

Aucune valeur de p n‘est significative, ce qui souligne qu‘aucune des épreuves


exécutives verbales et non-verbales ne prédit significativement les résultats obtenus à la TOH
pour le nombre de coups. En revanche, nous retrouvons une tendance significative pour
l‘inhibition et la mise à jour en verbal.

D‘après ces résultats, il semble donc que les scores obtenus par les monolingues aux
épreuves verbales et non-verbales (Go/noGo et Updating respectivement) expliquent en partie
le nombre de coups réalisé pour effectuer la TOH chez les monolingues.

138
6.6 Discussion

Premier objectif

Pour rappel, nous avions pour objectif de montrer que les bilingues préadolescents
obtiendraient globalement de meilleures performances comparativement aux monolingues de
même âge en testant leurs compétences exécutives dans les modalités langagière et non
langagière. Par ailleurs, ces meilleures performances exécutives devaient s‘observer
principalement dans le domaine non-verbal, comme une partie de la littérature a pu le
démontrer (Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010). Enfin, nos résultats devaient
également préciser la (ou les) composante(s) exécutive(s) (flexibilité, mise à jour et/ou
inhibition) affectée(s) par le bilinguisme selon le type de matériel sollicité.

Les résultats n‘ont pas permis de montrer de différence significative entre les
monolingues et les bilingues quels que soient la composante exécutive ou le type de matériel
sollicités (cf. tableau 3).

Une première hypothèse est que le bilinguisme n‘a pas d‘effet à cet âge, contrairement
à ce qui a été démontré chez les enfants de 2 à 12 ans. Par exemple, dans des tâches verbales
(Bialystok, 1988, 1991, 2004), les auteurs ont observé des avantages chez les jeunes sujets
bilingues par rapport à leurs pairs monolingues. En l‘occurrence, ils ont mis en évidence une
conscience métalinguistique précoce ou des capacités métalinguistiques plus développées, une
plus grande conscience syntaxique dans des jugements de grammaticalité ou une plus grande
conscience phonologique. Des avantages ont également été remarqués dans des tâches non-
verbales chez les enfants (Garbin, Sanjuan & al., 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010), et
particulièrement quand les épreuves demandaient un contrôle attentionnel ou en situation de
double-tâche (Bialystok, Craik & al., 2008 ; Bialystok, 2011b ; Bialystok & Barac, 2012).
Dans ces études, les auteurs ont par exemple mis en avant de meilleures capacités de
catégorisation ou une diminution du temps de réponse chez les enfants bilingues par rapport
aux monolingues. Pourtant, concernant nos préadolescents, ils n‘ont pas obtenu de meilleurs
résultats en comparaison de leurs pairs monolingues, en verbal comme en non-verbal, dans
aucune de nos épreuves, impliquant pourtant un certain degré de contrôle attentionnel. Il est
donc envisageable qu‘à l‘adolescence, les effets du bilinguisme s‘estompent.

Une explication possible est peut-être tout simplement que les FE des préadolescents,
tout du moins celles sollicitées dans nos tâches, n‘ont pas atteint leur pleine maturation, ce qui

139
ne permet pas d‘objectiver un avantage en faveur des préadolescents bilingues. En effet,
plusieurs auteurs tels que Hartman, Bolton & al. (2001) observent plutôt une stabilisation dans
les performances aux tâches exécutives vers l‘âge de 19 ans, ou même plus tardive encore,
comme Steinberg (2005) qui postule une maturation vers l‘âge de 25 ans.

Une autre explication peut-être plus pertinente encore est que les bouleversements qui
sont liés à cette période charnière qu‘est l‘adolescence (Steinberg, 2005 ; Giedd, 2008) ont pu
entrer en interférence avec les performances exécutives de nos sujets. Une étude menée par
MacKinlay, Charman & al. (2003) a notamment montré une stagnation des performances en
mémoire prospective entre l‘âge de 10 et 14 ans, alors qu‘une amélioration significative des
performances était observée chez des enfants de 6 à 10 ans et chez les adultes. D‘après les
auteurs, il serait possible que l‘absence d‘amélioration des performances entre 10 et 14 ans
soit liée aux différents bouleversements (cérébraux, cognitifs, émotionnels) intervenant à la
puberté, ce qui est également suggéré par Steinberg (2005) et Blakemore & Choudhury
(2006). Ceci va aussi dans le sens de l‘étude de Giedd (2008), qui non seulement pointe une
pleine maturation des FE vers 26 ans minimum, mais va plus loin encore que l‘équipe de
MacKinlay, Charman & al. (2003) qui parle de « stagnation » des performances, en avançant
même une forme de régression, d‘un point de vue cognitif et exécutif chez les adolescents de
cet âge, ou une forme de déclin du fonctionnement cérébral à l‘adolescence, avant une
maturation finale et un fonctionnement cognitif et surtout exécutif optimal. Dans la mesure où
chez le sujet bilingue, une charge cognitive supplémentaire est engendrée par l‘ajout de la
deuxième langue, on peut facilement imaginer que ces perturbations pubertaires sont d‘autant
plus significatives chez eux, ce qui pourrait donc expliquer l‘absence de résultat en leur faveur
dans notre étude.

Deuxième objectif

Pour rappel, notre second objectif était de montrer que les préadolescents bilingues, du
fait d‘un entraînement renforcé de leur fonctionnement exécutif lié au bilinguisme précoce,
obtiendraient aussi de meilleurs résultats à l‘épreuve de la TOH (Lucas, 1892), reconnue
comme faisant intervenir l‘ensemble des composantes exécutives que nous explorons
(Miyake, Friedman & al., 2000). Par ailleurs, en utilisant la méthodologie de Zook, Davalos
& al. (2004), nous souhaitions montrer que les bilingues et les monolingues n‘utilisaient pas
les mêmes stratégies exécutives pour résoudre cette tâche complexe.

140
Ces hypothèses n‘ont pas été totalement confirmées par les analyses statistiques non
plus. Nous n‘avons en effet pas trouvé de différence significative entre les bilingues et les
monolingues à l‘épreuve de la TOH. Ce résultat rejoint ceux que nous avons présentés ci-
dessus concernant les différentes composantes exécutives, et confirme l‘absence de différence
de fonctionnement exécutif entre nos deux groupes de sujets.

Nous avons également évalué le caractère prédictif des performances aux tâches
exécutives (flexibilité, inhibition et mise à jour) chez les sujets bilingues et monolingues dans
la résolution de la TOH (cf. tableaux 6 et 7).

Les analyses statistiques ne montrent pas, non plus, de différences entre les deux
populations. Même si bien sûr il faut prendre ce résultat avec beaucoup de précautions, nous
avons quand même souligné une tendance (.09) chez les monolingues pour ce qui concerne
l‘inhibition et la mise à jour (en verbal). Cela pourrait alors indiquer que les sujets
monolingues et les sujets bilingues ne mettent pas en jeu les mêmes stratégies pour résoudre
une tâche complexe (même si, encore une fois, il s‘agit uniquement de tendances).

Ces résultats, s‘ils étaient avérés, rejoindraient une partie des relations mises en
évidence par Zook, Davalos & al. (2004) chez de jeunes adultes pour les monolingues. En
effet, lors d‘épreuves similaires chez des étudiants monolingues, l‘équipe de Zook, Davalos &
al. (2004) a démontré que les trois composantes exécutives étaient prédictives des résultats
obtenus à la TOH, et nous avons principalement retrouvé la mise à jour et l‘inhibition. Le fait
que la flexibilité ne semble pas être prédictive des performances à la TOH comme dans
l‘expérience de Zook, Davalos & al. (2004), s‘explique peut-être par le fait que d‘une part,
nos sujets sont plus jeunes que ceux de l‘expérience en question – il s‘agissait en effet
d‘étudiants monolingues dans leur étude- (à nouveau, une question de maturité de cette
composante spécifiquement est peut-être en jeu), et, d‘autre part, que les tâches proposées
dans notre expérimentation diffèrent de celles dans celle de Zook, Davalos & al. (2004). Nous
n‘avons donc peut-être pas testé tout à fait les mêmes compétences en flexibilité.

Par ailleurs, il est également à noter que notre échantillon étant assez faible, le risque
Bêta est peut-être un autre facteur en cause, et impose donc de considérer l‘ensemble de ce
travail avec précaution.

141
6.7 Conclusion

Dans cette étude, nous avons tenté d‘objectiver les éventuels avantages que pouvait
procurer un bilinguisme précoce sur les fonctions exécutives chez les préadolescents.

Les résultats obtenus ne montrent aucune différence significative entre les deux
groupes, aussi bien pour les différentes composantes exécutives que pour les performances à
la TOH.

Les bilingues et les monolingues ne diffèrent pas non plus dans les stratégies mises en
jeu pour résoudre la TOH, même si nous avons souligné une tendance pour l‘inhibition et la
mise à jour (verbal) chez les sujets monolingues.

Nous avons émis l‘hypothèse que chez les préadolescents, les fonctions exécutives
intervenant pour la réalisation des différentes tâches proposées n‘ont pas atteint leur pleine
maturation, mais surtout, que le fonctionnement exécutif des jeunes adolescents, lié aux
modifications rapides et diverses des régions cérébrales frontales à cet âge, est
particulièrement perturbé, et potentiellement encore plus par l‘ajout d‘une seconde langue
chez les sujets bilingues, ce qui ne permettrait pas d‘objectiver d‘avantage de différences
significatives entre nos deux populations, comme les données de la littérature semblent
pourtant le suggérer chez les enfants, les adultes et les personnes âgées (Bialystok, 2011b ;
Bialystok, Craik & al., 2012).

L‘étude portant sur les adolescents permettra peut-être d‘apporter d‘autres éléments
permettant d‘infirmer ou de confirmer ces premières hypothèses.

142
CHAPITRE 7 : LES ADOLESCENTS DE 16 A 18 ANS
___________________________________________________________________________

7.1 Problématique

7.2 Rappel des objectifs


7.3 Matériel et méthode
7.3.1 Population
7.3.2 Recrutement
7.3.3 Présentation détaillée de la population
7.3.3.1 Sujets bilingues
7.3.3.2 Sujets monolingues
7.3.3.3 Sélection des sujets bilingues

7.4 Procédure d’analyse et contrôle des données


7.4.1 Les facteurs étudiés
7.4.2 Les indicateurs utilisés
7.4.3 Logiciel de traitement

7.5 Résultats
7.5.1 Appariement des échantillons
7.5.1.1 Appariement selon le quotient intellectuel total (QIT) et l‘âge
7.5.1.2 Appariement selon le sexe
7.5.2 Comparaison des performances aux tâches exécutives
7.5.3 Comparaison des performances à la TOH entre sujets bilingues et
monolingues

7.5.3.1 Taux de réussite en coups


7.5.3.2 Taux de réussite en temps d‘exécution
7.5.4 Analyses des tâches exécutives prédictives des performances à la TOH
7.5.4.1 Les sujets bilingues
7.5.4.2 Les sujets monolingues

7.6 Discussion
7.7 Conclusion
143
CHAPITRE 7 : LES ADOLESCENTS DE 16 A 18 ANS

Le travail présenté ici a fait l‘objet d‘un mémoire de fin d‘études (Plâtre &
Camsouline, 2013), à l‘Ecole d‘Orthophonie de Paris VI, sous ma direction.

7.1 Problématique

Cette deuxième étude concerne cette fois-ci une population d‘adolescents âgés de 16 à
18 ans, puisqu‘il semble selon certains auteurs que les fonctions exécutives ou une partie de
celles-ci soient matures à cet âge-là (Anderson, Anderson & al., 2001). A nouveau, la
question est de savoir si les performances des sujets bilingues aux différentes épreuves que
nous utilisons diffèrent de celles de leurs pairs monolingues. Sachant, par ailleurs, que le
bilinguisme favorise l‘entraînement des fonctions exécutives via la pratique de deux langues
(Abutalebi & Costa, 2008 ; Bialystok, 2001, 2004 ; Bialystok & Martin, 2004 ; Bialystok,
Craik & al., 2006a, Bialystok, Craik & al., 2007), la seconde question est celle d‘une
éventuelle différence des compétences exécutives entre le domaine verbal et le domaine non-
verbal.

7.2 Rappel des objectifs

Nous évaluons donc les sous-composantes exécutives de nos deux populations d‘une
part sur le versant verbal et d‘autre part, sur le versant non-verbal.

Plusieurs objectifs sont visés :


À quotient intellectuel comparable, nous observerons une différence de performances
entre les deux populations aux épreuves exécutives proposées, en faveur des bilingues comme
la revue de la littérature peut le souligner chez les bilingues en général, enfants, adultes et
personnes âgées (Abutalebi & Costa, 2008 ; Bialystok, 2001, 2004 ; Bialystok & Martin,
2004 ; Bialystok, Craik & al., 2004, 2006a, 2006b, 2007). Si tel est le cas, une influence du
bilinguisme précoce sur le fonctionnement exécutif sera objectivée chez les adolescents et
cela apportera des informations supplémentaires sur le processus de maturation du
fonctionnement exécutif encore très discuté aujourd‘hui (Roy, Gillet & al., 2005).
Les différences de performances aux tâches exécutives, entre sujets bilingues et
monolingues, ne seront pas équivalentes selon le type de matériel proposé (verbal vs non-

144
verbal). Le domaine non-verbal devrait être favorisé chez les sujets bilingues notamment
(Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010).
Les analyses de régressions multiples confirmeront que les monolingues et les
bilingues utilisent des stratégies exécutives différentes pour résoudre une tâche complexe de
résolution de problèmes (TOH, Lucas, 1892).

7.3 Matériel et méthode

7.3.1 Population
Les passations ont été effectuées auprès de 20 adolescents bilingues (11 filles et 9
garçons) âgés de 16 à 18 ans. La population contrôle est constituée de 20 adolescents
monolingues (12 filles et 8 garçons).

7.3.2 Recrutement

Pour l‘ensemble des sujets mineurs, un accord parental a d‘abord été présenté et
rempli (cf. annexe 1).
En ce qui concerne le recrutement des sujets bilingues, plusieurs étapes ont été
nécessaires. Tout d‘abord, plusieurs lycées internationaux parisiens et franciliens ont été
démarchés. Le Lycée International de Saint-Germain-en-Laye (78) a manifesté un grand
intérêt pour cette étude. Ainsi, les directeurs des sections américaine et britannique ont
identifié de jeunes bilingues répondant aux critères de sélection de la présente expérience.
Une fois les intéressés contactés, et après leur accord, un questionnaire concernant l‘histoire et
le niveau de leur bilinguisme leur a été envoyé (cf. annexe 2). Celui-ci retourné, ils ont été
inclus ou non dans l‘étude.
Pour les sujets contrôles, ils ont été recrutés par le biais de relations personnelles
principalement issues de la Région Parisienne (78, 91 et 92).
Les passations ont été réalisées de décembre 2012 à avril 2013, pour les deux
échantillons confondus.

7.3.3 Présentation détaillée de la population


7.3.3.1 Sujets bilingues

Les 20 sujets (11 filles et 9 garçons) étaient donc bilingues franco-anglais et avaient
acquis les deux langues avant l‘âge de 5-6 ans (bilingues précoces simultanés ou consécutifs).
Ils étaient tous âgés de 16 à 18 ans (Moy : 17 ans ; ET : 0,56) et étaient scolarisés au lycée,
dans les filières Scientifique, Littéraire, Economique et Sociale ou Sciences et Techniques de
145
Gestion. Aucun antécédent de troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral,
traumatisme crânien, tumeur cérébrale, etc.) ou de troubles des apprentissages (dyslexie-
dysorthographie, dyscalculie, etc.) n‘a été retrouvé pour ces sujets.

7.3.3.2 Sujets monolingues

Les 20 sujets monolingues (12 filles et 8 garçons) étaient français. Ils étaient tous âgés
de 16 à 18 ans (Moy : 17 ans ; ET : 0,63) et étaient scolarisés au lycée, dans les filières
Scientifique, Littéraire, Economique et Sociale ou Sciences et Techniques de Gestion. Aucun
antécédent de troubles neurologiques (accident vasculaire cérébral, traumatisme crânien,
tumeur cérébrale, etc.) ou de troubles des apprentissages (dyslexie-dysorthographie,
dyscalculie, etc.) n‘a été retrouvé pour ces sujets.

7.3.3.3 Sélection des sujets bilingues

Afin de s‘assurer de la qualité du bilinguisme des sujets, il leur a été proposé un


questionnaire (cf. annexe 2) établi d‘après celui proposé par Garbin, Costa & al. (2011). Ce
dernier retraçait l‘histoire de leur bilinguisme et comportait une auto-évaluation de leur
niveau de maîtrise de la deuxième langue. Les sujets devaient obtenir une note de 14 au
minimum, sachant que la moyenne de l‘échantillon bilingue s‘élevait à 29 pour un écart-type
de 8,9 (cf. annexe 3). La note de -1,98 déviation standard a été prise pour seuil, comme
classiquement retenu dans les différentes études neuropsychologiques.

De plus, les sujets ont aussi été soumis à la description de l‘image des « Cookies »,
issue du Boston Diagnostic Aphasia Examination (Goodglass, Kaplan & al., 2000) (cf. annexe
1 chapitre 5), afin de déterminer le niveau de maîtrise de la 2nde langue. Comme pour
l‘expérimentation portant sur les 13-15 ans, l‘enregistrement de cette séquence orale anglaise
(cf. annexe 4) a été analysé par Mme Barbara Frankenhuis, orthophoniste américaine retraitée
et moi-même, orthophoniste, bilingue précoce simultanée français-anglais (cf. annexe 5).
L‘analyse a porté sur la qualité du lexique, de la syntaxe et des aspects phonologiques.
Chaque question était cotée en 0 et 1, 0 correspondant à « pas de difficulté », et 1 à « des
difficultés ». Si le niveau était jugé insuffisant (plus de 2/6, note obtenue aux deux analyses
confondues), les sujets étaient exclus de l‘étude.

146
7.4 Procédure d’analyse et contrôle des données
7.4.1 Les facteurs étudiés

Au vu des hypothèses de travail formulées, et pour rappel, trois facteurs ont été retenus
pour les analyses statistiques :
le facteur « sujet » composé des modalités « monolingue » ou « bilingue » ;
le facteur « composante » à quatre modalités, à savoir la flexibilité, la mise à jour et
l‘inhibition pour les temps de réaction et pour les erreurs ;
le facteur « matériel » qui renvoie au type de matériel proposé, à savoir verbal ou non-
verbal.

7.4.2 Les indicateurs utilisés

En ce qui concerne les épreuves de la WAIS (Wechsler, 1999), c‘est l‘indicateur


Quotient Intellectuel Total (QIT) qui a été retenu.
En ce qui concerne les épreuves exécutives, nous avons utilisé :

 Pour l‘inhibition (épreuve de Go/noGo, TEA, Zimmermann & Fimm, 1994) :


La moyenne des temps de réaction et la somme des erreurs, incluant les omissions et
les réponses inappropriées, et ce, sur les 3 séries « images » et « mots » en verbal, et
« figures abstraites » en non-verbal.

 Pour la flexibilité : (fluences verbales : Cardebat, Doyon & al., 1990 ; fluences
graphiques : Ruff, Light & al., 1987)
La somme des mots produits aux tâches de fluences phonémiques et sémantiques
séparément, puis ces deux sommes regroupées, en verbal.
Le pourcentage de dessins uniques produits sur le nombre maximal de dessins
réalisables (40), en non-verbal.

 Pour la mise à jour (Van der Linden, Puhet & al., 1999) :
La somme des réponses correctes en « lettres », pour le verbal.
La somme des réponses correctes en bonnes « cases » pointées, pour le non-verbal.

 Pour l‘épreuve exécutive complexe (TOH, Lucas, 1892), différents calculs ont été
réalisés :

147
Celui du taux de réussite en nombre de coups. Pour l‘obtenir, nous avons divisé, pour
chaque planche, le nombre de coups réalisés par le sujet par le nombre minimal de
coups possible. Ces rapports ont ensuite été additionnés, puis cette somme a été
divisée par le nombre total de planches (6).
Celui du taux de réussite en vitesse d‘exécution. Pour l‘obtenir, nous avons divisé,
pour chaque planche, le temps pris par le sujet par le temps minimal obtenu. Ces
rapports ont ensuite été additionnés, puis cette somme a été divisée par le nombre total
de planches (6).

7.4.3 Logiciel de traitement


Les analyses statistiques des données ont été effectuées à l‘aide du logiciel Statview,
adapté à la fois aux statistiques standards (analyse de variance multivariée), et aux analyses
sur de petits échantillons, puisqu‘il propose des tests non paramétriques. Ainsi, pour les
comparaisons de moyennes entre sujets contrôles et bilingues, nous avons utilisé le test U de
Mann-Whitney-Wilcoxon. Nous avons également utilisé des régressions multiples ainsi que le
test du Chi 2 d‘associations.

7.5 Résultats

7.5.1 Appariements des échantillons

7.5.1.1 Appariement selon le quotient intellectuel total (QIT) et


l’âge
Le QIT moyen des deux groupes de sujets (monolingues et bilingues) a été comparé à
l‘aide du test non paramétrique U de Mann-Whitney-Wilcoxon. Les résultats ne montrent pas
de différence significative entre les deux groupes [U= 138,5 ; p = 0,09].

De même, les résultats du test statistique non paramétrique U de Mann-Whitney-


Wilcoxon montrent que les deux groupes ne diffèrent pas significativement pour l‘âge [U =
180,5 ; p= 0,59].

Monolingues Bilingues p associée


Moyenne des QIT 102,60 108,10
0,09
(Ecarts-types) (11,5) (14,3)
Moyenne des âges 17 17
0,59
(Ecarts-types) (0,63) (0,56)
Tableau 8 : Appariement des sujets bilingues et monolingues pour le QIT et l‘âge

148
7.5.1.2 Appariement selon le sexe
La comparaison des filles et des garçons pour les deux groupes (bilingues et
monolingues) se fait à l‘aide d‘un test de Chi2. Les résultats ne montrent pas de différence
significative entre les deux groupes pour la répartition des filles et des garçons [Chi2 = 0,10 ;
p = 0,99].

7.5.2 Comparaison des performances aux tâches exécutives

L‘ensemble des résultats (moyennes et écarts-types) obtenus par les deux groupes de
sujets, pour l‘ensemble des tâches, en verbal et en non-verbal, est présenté dans le tableau 9 :
Moyenne Ecarts-types
Verbal 166,72 22,60
Temps
Non-verbal 157,35 23,65
Bilingues
Verbal 0,8 0,83
Erreurs
Non-verbal 1,15 1,02
INHIBITION
Verbal 165,05 32,59
Temps
Non-verbal 162,03 22,49
Monolingues
Verbal 2,45 4,12
Erreurs
Non-verbal 1,22 1,41
Verbal 72,5 16,39
Bilingues
Non-verbal 86,1 7,47
MISE A JOUR
Verbal 73,1 15,24
Monolingues
Non-verbal 84,4 6,57
Verbal 122,35 24,36
Bilingues
Non-verbal 76,87 20,19
FLEXIBILITE
Verbal 133,55 20,47
Monolingues
Non-verbal 64 15,46
Tableau 9 : Moyennes et ET obtenus par les sujets (monolingues et bilingues) selon la composante exécutive et
le type de matériel

L‘analyse de variance à trois facteurs montre les résultats suivants :


- Effets des facteurs simples :

Des différences significatives sont observées pour les facteurs composante exécutive
[F (3,114) = 687,51 ; p = 0,0001] et matériel [F (1,38) = 88,79 ; p = 0,0001], mais pas pour le
facteur sujet [F (1,38) = 0,01 ; p = 0,91].

149
Ainsi, les performances aux tâches exécutives diffèrent. Ceci étant, cette différence
significative est simplement due au fait que les mesures de performances des différentes
tâches exécutives ne sont pas à la même échelle. De la même manière, les différences portant
sur la nature du matériel ne sont pas interprétables du fait que les échelles de mesure ne sont
pas comparables.

- Effets des interactions à deux facteurs :

Une interaction significative a été observée entre les facteurs sujet x matériel [F (1,38)
= 3,87 ; p = 0,05]. Cette interaction est due au fait que les bilingues ont des scores supérieurs
à celui des monolingues en modalité non langagière, alors que les monolingues ont des
résultats supérieurs aux bilingues en modalité langagière (cf. tableau 9 ci-dessus).

- Interactions à trois facteurs (sujet, composante exécutive et matériel) :

L‘interaction à trois facteurs est significative [F (3,114) = 6,58 ; p = 0,0004], ce qui


signifie qu‘il existe une différence entre bilingues et monolingues en fonction de la
composante exécutive et du type de matériel.

Les monolingues ne se comportent donc pas de la même façon que les bilingues en
fonction de la composante et du type de matériel.
Notamment, les bilingues sont plus performants que les monolingues en flexibilité
non-verbale, mais cette tendance s‘inverse en modalité verbale, où les monolingues présentent
de meilleurs résultats.
Par ailleurs, pour ce qui est de l‘épreuve de mise à jour, de nouveau, mais moins
nettement, de meilleurs résultats sont retrouvés chez les bilingues pour le matériel non-verbal.
Cette différence de performances entre les deux populations s‘inverse une fois de plus pour ce
qui est du matériel verbal, en faveur des monolingues.
Le même effet est observé pour les temps de réaction à l‘épreuve du Go/noGo. Les
bilingues ont été plus rapides que les monolingues avec le matériel non-verbal, alors que sur
le matériel verbal, les monolingues ont surpassé les bilingues.
Finalement, et globalement, les bilingues sont donc plus performants sur du matériel
non-langagier que les monolingues, et ce phénomène s‘inverse sur le matériel verbal, en
faveur des monolingues.
Cette tendance est assez claire pour ce qui est de la flexibilité, dans une moindre
mesure, pour la mise à jour et pour l‘inhibition (temps de réaction).

150
7.5.3 Comparaison des performances à la TOH entre sujets bilingues et
monolingues

7.5.3.1 Taux de réussite en coups

La valeur de p = 0,53, associée au U de Mann-Whitney, n‘a révélé aucune différence


significative entre les deux populations en ce qui concerne le taux de réussite en nombre de
coups à la TOH.

7.5.3.2 Taux de réussite en temps d’exécution


La valeur de p = 0,91, associée au U de Mann-Whitney, n‘a révélé aucune différence
significative entre les deux populations en ce qui concerne le taux de réussite en temps
d‘exécution à la TOH.

Ainsi, aucune différence significative entre monolingues et bilingues n‘a été observée
pour cette tâche exécutive complexe.

7.5.4 Analyse des tâches exécutives prédictives des performances à la


TOH
Afin de connaître les sous-composantes exécutives les plus en lien avec les
performances à la TOH pour les deux groupes, nous avons procédé à des analyses de
régressions multiples.

7.5.4.1 Les sujets bilingues


Nous présentons, dans le tableau 10, les résultats des régressions avec les
performances aux composantes exécutives comme variables explicatives et les performances
à la TOH (nombre de coups) comme variables à expliquer, chez les bilingues.

Valeur de t Valeur de p associée


INHIBITION ERREURS 0,35 0,72
INHIBITION TEMPS 0,24 0,80
VERBAL
MISE A JOUR -0,50 0,62
FLEXIBILITE -1,06 0,30
INHIBITION ERREURS 1,32 0,20
INHIBITION TEMPS 0,16 0,86
NON-VERBAL
MISE A JOUR 0,74 0,44
FLEXIBILITE -1,41 0,17

Tableau 10 : Prédiction des scores globaux en modalités verbale et non-verbale pour le nombre de coups à la
TOH, chez les bilingues

151
Aucune épreuve spécifique (ni verbale, ni non-verbale) ne semble prédire les résultats
à la TOH chez les bilingues.

7.5.4.2 Les sujets monolingues


Nous présentons, dans le tableau 11, les résultats obtenus pour les régressions réalisées
chez les monolingues.
Valeur de t Valeur de p associée
INHIBITION ERREURS -2,61 0,01*
INHIBITION TEMPS -0,89 0,38
VERBAL
MISE A JOUR 2,01 0,06
FLEXIBILITE 0,47 0,64
INHIBITION ERREURS -1,57 0,13
INHIBITION TEMPS 0,22 0,82
NON-VERBAL
MISE A JOUR -0,17 0,86
FLEXIBILITE -0,93 0,36
Tableau 11 : Prédiction des scores globaux en modalités verbale et non-verbale pour le nombre de coups à la
TOH, chez les monolingues

* = valeur significative

Le nombre d‘erreurs commises pour l‘inhibition en verbal est significativement corrélé


au nombre de coups effectués à la TOH (p = 0,01).
Une tendance prédictive pour la mise à jour en verbal est également observée (p =
0,06).
En revanche, aucun score à des épreuves non-verbales ne semble prédire le nombre de
coups à la TOH chez les monolingues.

7.6 Discussion

Nous nous proposons de discuter :


- Les résultats des analyses de variance, et en particulier la double interaction sujet x
matériel, ainsi que la triple interaction sujet x matériel x composante exécutive ;
- Les résultats de la TOH ainsi que les régressions multiples appréhendant les
différences de stratégies (entre monolingues et bilingues) mises en jeu pour réaliser une tâche
complexe.

152
Concernant les analyses de variance (comparaison des compétences exécutives des
sujets monolingues et des sujets bilingues selon le type de matériel) (voir tableau 9), nos
résultats montrent tout d‘abord une interaction entre le facteur sujet et le facteur matériel. En
d‘autres termes, les différences de performances aux tâches exécutives (toutes tâches
confondues), entre bilingues et monolingues, dépendent du type de matériel proposé (verbal
vs non-verbal).
Les moyennes de chaque groupe dans chacune des modalités permettent de constater
que les sujets monolingues ont un score supérieur à celui des bilingues en modalité
langagière. A l‘inverse, en modalité non langagière, ce sont les sujets bilingues qui ont des
résultats supérieurs.
Ce résultat souligne l‘importance du type de matériel dans les différences de
fonctionnement exécutif observées entre les adolescents bilingues et monolingues, idée qui a
déjà été suggérée (Bialystok, 2011b ; Kharkhurin, 2010). Dans notre étude, ce résultat est
complété par la triple interaction que nous nous proposons de discuter ci-dessous, et qui
indique que les différences de performances entre monolingues et bilingues, dépendent du
type de matériel (verbal vs non-verbal), mais également de la composante exécutive mise en
jeu (flexibilité, inhibition et mise à jour).

En effet, comme nous l‘avons vu, la triple interaction est due au fait que les
monolingues ont un score supérieur (toutes tâches confondues) à celui des bilingues en
modalité verbale, alors que les bilingues ont des résultats supérieurs aux monolingues en non-
verbal. La triple interaction permet d‘ajouter que ce résultat est particulièrement saillant pour
la composante de flexibilité.
En effet, l‘avantage des monolingues en verbal et des bilingues en non-verbal est
maximal pour la composante flexibilité, et d‘importance moins marquée pour les autres
composantes exécutives (mise à jour et inhibition pour les temps de réponse).
Ainsi, nos résultats indiquent que pour cette tranche d‘âge, le bilinguisme affecte
surtout la composante flexibilité, et ce, dans la modalité non-verbale.

Si des études ont déjà montré que l‘amélioration du fonctionnement exécutif lié au
bilinguisme était associé au matériel non-verbal (Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al.,
2010 ; Colzato, Bajo & al., 2008 ; Bialystok, Craik & al., 2004, 2006), et d‘autres au matériel
verbal (Bialystok, 1988, 1991, 2004 ; Rodriguez, De Diego Balaguer & al., 2006), les
résultats de notre expérimentation montre que concernant cette tranche d‘âge, le type de
153
matériel affecté par le bilinguisme est non langagier. A ce jour, la littérature ne donne pas de
pistes explicatives claires sur ce profil de résultat entre matériel verbal et non-verbal chez
l‘adolescent bilingue dans la mesure où les études existantes sur cette population spécifique
sont peu nombreuses. Pour rappel, dans notre expérimentation portant sur les préadolescents
de 13-15 ans, nous n‘avons pas obtenu de différence significative entre sujets monolingues et
bilingues. Nos résultats pourraient donc indiquer, que d‘un point de vue développemental, les
différences entre sujets bilingues et monolingues sur le fonctionnement exécutif apparaissent
principalement après l‘âge de 16 ans.

Quant aux composantes exécutives concernées, la flexibilité semble jouer un rôle


particulièrement important. Pour rappel, de nombreux auteurs (Kutsuki, 2006 ; Garbin, Costa
& al., 2011 et Festman & Münte, 2012) situent la fonction de « switching » langagier
(impliquant l‘inhibition, la mise à jour et, de manière prépondérante, la flexibilité) au cœur du
contrôle langagier bilingue. Le bilinguisme aurait pour conséquence un entraînement précoce
et intense de cette fonction. Nos résultats précisent en effet que le gain engendré par
l‘entraînement à la fonction de « switching » chez les bilingues (Bialystok, Craik & al.,
2006a), s‘exprime à l‘adolescence préférentiellement pour la composante exécutive de
flexibilité, en modalité non-verbale. De plus, comme nous l‘avons vu, plusieurs auteurs ont
souligné que les sujets bilingues avaient des avantages dans le domaine non-verbal en
comparaison des monolingues (Baker, 1988 ; Ricciardelli, 1992, Bialystok, Craik & al.,
2006b), et notamment les adolescents (Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010). Par
ailleurs, certaines études ont également montré que les sujets bilingues pouvaient être moins
efficaces que les monolingues dans certaines tâches verbales, et notamment lexicales
(Rosselli, Ardila & al., 2000 ; Gollan & Kroll, 2001 ; Gollan, Montoya & al., 2002 ;
Portocarrero, Burright & al ., 2007). Dans ces études portant donc sur du matériel verbal, les
sujets bilingues se sont notamment révélés moins efficaces que les monolingues dans des
tâches de fluences catégorielles, qui sont directement en lien avec les capacités de flexibilité
du sujet (Troyer, Moscovitch & al., 1997 ; Van der Linden, Meulemans & al., 2000). Dans
notre expérience, les résultats permettent justement de montrer qu‘à cet âge, dans les tâches
exécutives que nous avons utilisées, les sujets bilingues sont effectivement meilleurs que les
monolingues en modalité non langagière, alors que les sujets monolingues l‘emportent en
modalité langagière.
Concernant les comparaisons de moyennes des sujets monolingues et des bilingues
aux différents indices de la TOH (Lucas, 1892), aucune différence significative n‘a été
154
observée (cf. Tableau 9), comme chez les préadolescents. Ainsi, que ce soit en termes de
vitesse d‘exécution ou de précision (nombre de coups), les adolescents bilingues ne surpassent
pas leurs pairs monolingues à cette épreuve. Les capacités de résolution de problèmes
complexes, tels que ceux posés par la TOH de Lucas (1892), semblent donc équivalentes à
l‘adolescence de manière générale (adolescents et préadolescents), que l‘on soit monolingue
ou bilingue.
Néanmoins, nous nous sommes intéressées aux stratégies préférentiellement mises en
place pour chacun des groupes de sujets. Pour cela, nous avons évalué le caractère prédictif de
chaque composante (flexibilité, inhibition erreurs/temps et mise à jour) à travers une analyse
statistique de régressions (cf. tableaux 10 et 11). Quelques données significatives sont
observées et semblent confirmer l‘hypothèse émise au chapitre précédent quant au fait que les
sujets bilingues et monolingues ne sollicitent pas les mêmes stratégies.
En effet, en ce qui concerne les adolescents monolingues, ce sont les capacités
inhibitoires verbales qui prédisent significativement le taux de réussite à la TOH pour le
nombre de coups. De plus, il apparaît que les capacités de mise à jour, en modalité verbale
également, seraient aussi prédictives des performances obtenues dans une certaine mesure,
avec une tendance significative. Concernant les bilingues, aucune corrélation n‘est retrouvée
en revanche.

Ainsi, comme pour l‘expérimentation portant sur les préadolescents (même si nous
l‘avons vu, il ne s‘agissait que de tendances), des corrélations sont donc retrouvées chez le
sujet monolingue pour les capacités verbales d‘inhibition, et aussi de mise à jour (une
tendance à nouveau), alors qu‘elles sont inexistantes chez les sujets bilingues.
Ces résultats nous rapprochent encore une fois de ceux observés par Zook, Davalos &
al. (2004) pour ce qui concerne l‘inhibition et la mise à jour. Rappelons que ces auteurs n‘ont
pas forcément évalué les mêmes compétences en flexibilité (l‘intelligence fluide) et n‘ont pas
utilisé les mêmes tâches quoi qu‘il en soit, ce qui peut expliquer que la flexibilité, telle
qu‘évaluée par nos tâches, ne ressorte pas chez nos sujets.
Ceci étant, concernant les résultats de nos régressions, plusieurs éléments ressortent :
l‘inhibition et la mise à jour pourraient être prédictives des performances à la TOH chez le
sujet monolingue ; dans les deux cas le matériel concerné est de nature verbale (comme pour
les préadolescents), et aucun résultat significatif n‘est obtenu chez les sujets bilingues.

155
Il reste à expliquer pourquoi aucune composante ne semble prédictive des
performances à la TOH chez les sujets bilingues. Une possible interprétation est proposée par
Bialystok (2011a). Dans sa récente revue de la littérature, cet auteur suggère qu‘afin de mieux
gérer la charge cognitive supplémentaire apportée par la deuxième langue, ou du fait de
devoir gérer deux langues en permanence, les sujets bilingues sont amenés à mobiliser
l‘ensemble du système de contrôle exécutif, au sens large du terme, lorsqu‘ils traitent une
information complexe. Ainsi, en réponse à la réorganisation cérébrale nécessitée par
l‘expérience linguistique du bilinguisme, c‘est donc le système exécutif dans sa globalité qui
serait mis en jeu chez les sujets bilingues, contrairement aux monolingues, et ceci pourrait
expliquer qu‘aucune composante exécutive n‘apparaisse comme plus prédictive qu‘une autre
pour les sujets bilingues de notre étude.

7.7 Conclusion

L‘objectif principal de cette étude était de mettre en évidence de meilleures capacités


exécutives chez les adolescents bilingues français-anglais, âgés de 16 à 18 ans,
comparativement à leurs pairs monolingues français, comme la littérature a pu le démontrer
chez les bilingues en général (Bialystok, Craik & al., 2004 ; Moreno, Bialystok & al., 2010 ;
Festman & Münte, 2012).

Bien que les résultats obtenus ne nous aient pas permis de valider clairement cette
hypothèse, nous avons pu observer une triple interaction entre les facteurs principaux de cette
expérience, à savoir les sujets, le matériel et la composante exécutive engagés.
Cette interaction témoigne du fait que les adolescents bilingues et monolingues
diffèrent selon le type de matériel et la composante exécutive sollicités, les adolescents
bilingues réussissant mieux les épreuves non langagières, alors que ce sont les tâches
langagières qui sont en faveur des monolingues, et de manière plus importante pour la
flexibilité.
Par ailleurs, nos deux populations diffèrent dans leur manière de traiter une
information complexe (différences de stratégies mises en œuvre).
En effet, comme pour les préadolescents (même s‘il s‘agissait de tendances), les
composantes de mise à jour et d‘inhibition surtout cette fois-ci, semblent être celles
principalement engagées par les monolingues pour traiter une information complexe, alors

156
qu‘aucune composante exécutive ne semble prédire les résultats à la TOH chez les
adolescents bilingues, à performances égales.
Une hypothèse envisagée est que l‘impact du bilinguisme sur le fonctionnement
exécutif des adolescents bilingues soit celui d‘une intervention de l‘ensemble du système de
contrôle exécutif (Bialystok, 2011a), et pas d‘une composante en particulier, hypothèse que
l‘étude sur la population adulte va pouvoir approfondir. Les résultats obtenus permettront en
effet de compléter notre approche développementale en comparant les résultats des deux
tranches d‘âge précédentes (13-15 ans et 16-18 ans) à ceux obtenus chez ce groupe d‘adultes.

157
CHAPITRE 8 : LA POPULATION ADULTE DE 18 A 60 ANS (Article
soumis)
___________________________________________________________________________

Nous avons appliqué le même protocole concernant les trois fonctions exécutives
(Miyake, Friedman & al., 2000) et la TOH (Lucas, 1892) chez une population adulte de
sujets bilingues précoces comparés à des monolingues. Ce travail est actuellement
soumis à une revue internationale. Nous nous permettons de le reproduire ci-après dans
son intégralité.

Abstract

1. INTRODUCTION

2. METHOD

2.1 Participants

2.2 Tasks

2.2.1 Executive assessment

2.2.2 Problem solving: TOH (Lucas, 1892)

2.3 Study design and data treatment

3. RESULTS

3.1 Executive components

3.2 Problem-solving: Tower of Hanoi task

4. DISCUSSION

CONCLUSION

AKNOWLEDGMENTS

158
BILINGUALISM AND EXECUTIVE CONTROL :
An exploratory study on the executive functioning of bilingual subjects.

Clémence J. DANA-GORDON, Bernard N’KAOUA, Hélène L. SAUZEON and


Jean-Michel MAZAUX.

Research group EA 4136 Handicap and Nervous System, University Bordeaux


Segalen, F 33076 Bordeaux, FRANCE.
Title for the running page heading: Bilingualism and Executive Control.

Correspondence to: Clemence J. DANA-GORDON


9 rue Jules PERRENS 33800 BORDEAUX FRANCE
clemence.danagordon@gmail.com
(33) 0 664150419

159
Abstract

Despite the fact that it has been shown that bilingual subjects generally outperformed
monolinguals on tasks measuring executive functioning skills, various results have been
obtained concerning the nature of the executive components that are modified by
bilingualism. In this context, the present study focused on two complementary aims. The first
was to compare bilingual and monolingual subjects on tasks related to the three executive
control components defined by Miyake & al. (2000), with different tasks that manipulate both
verbal and non-verbal material. The second aim was to identify the influence of bilingualism
on the relative contributions of these three executive control components to the performances
on a problem-solving task (Tower of Hanoi task) by using the method proposed by Zook & al.
(2004). We compared the performances of 19 early bilingual adult subjects to those of 19
matched monolingual subjects. Our results show that the main differences between
monolingual and bilingual subjects were observed for the inhibition and the updating
executive components, and that the superiority of the bilinguals over monolinguals was higher
for verbal than for non-verbal material. Moreover, the strategies used to achieve the Tower of
Hanoi task differ between the two groups, although the performances are not significantly
different. This last approach seems particularly promising to better understand the importance
and relative weight of the various executive components involved in a problem-solving task,
and the possible changes as a consequence of life-long bilingualism.

Keywords: bilingualism, executive functions, tower of Hanoi

1. INTRODUCTION

Previous research with children and adults has shown that bilingualism, defined as the
regular use of two languages, has an effect on language and cognitive performances, such that
bilinguals are disadvantaged in some tasks that are used to assess linguistic processing.

For instance, bilinguals have more tip-of-the-tongue (TOT) retrieval failures when
compared to their monolingual peers (Gollan & Acenas, 2004; Gollan, Bonanni & Montoya,
2005; Gollan & Silverberg, 2001; Gollan & Brown, 2006). They also have reduced abilities in
category fluency (Gollan, Montoya & Werner, 2002; Portocarrero, Burright & Donovick,
2007; Rosselli & al., 2000), name pictures more slowly (Costa, 2005; Gollan, Montoya,
160
Fennema-Notestine & Morris, 2005; Michael & Gollan, 2005) and have a smaller vocabulary
(Portocarrero, Burright & Donovick, 2007). It has also been shown that they perform more
poorly on measures of language proficiency (Oller & Eilers, 2002), that they have poorer
abilities for word identification through noise (Rogers, Lister, Febo, Besing & Abrams, 2006)
and that they name fewer pictures correctly on standardized naming tests such as the Boston
Naming Test (Kohnert, Hernandez, & Bates, 1998; Roberts, Garcia, Desrochers & Hernandez,
2002; Gollan, Fennema-Notestine, Montoya & Jernigan, 2007). Moreover, even when
bilinguals were tested exclusively in their dominant language, naming disadvantages were
found (Gollan & Acenas, 2004; Gollan, Montoya & al., 2005).

One theory to explain why bilinguals are at a disadvantage relative to monolinguals on


some production tasks is that of Gollan and colleagues. They proposed the ‗‗weaker links‘‘
hypothesis for instance, which assumes a very indirect effect of bilingualism on lexical
retrieval (Gollan & Acenas, 2004; Gollan, Bonanni & al., 2005; Gollan, Montoya & al., 2005;
Gollan & al., 2002; Gollan & Silverberg, 2001; see also Mägiste, 1979; Ransdell & Fischler,
1987). According to Gollan and colleagues, because bilinguals speak two languages, and
because they can only speak one language at a time (for an exception see Emmorey,
Borinstein, Thompson & Gollan, in press), they necessarily speak each language less often
than monolinguals do. The idea conveyed here is that ―because bilinguals use words in each
language less frequently than monolinguals do, lexical representations (in both languages) in
the bilingual system will thus have accumulated less practice overall, compared to lexical
representations in the monolingual system. Over time, bilingual patterns of language use
should lead to weaker links between semantics and phonology in each lexical system,
compared to monolinguals, because words that are produced more often are easier to
produce‖. Thus, ―the weaker links hypothesis draws an analogy between patterns of language
use, bilingualism and frequency effects so that increased use leads to improved lexical
accessibility.‖

In contrast, there is growing evidence that bilinguals outperform monolinguals in some


verbal and non-verbal situations. For instance, early studies showed that bilingual children
performed better than monolingual children on a variety of tests of metalinguistic awareness
(Ben-Zeev, 1977; Bialystok, 1987, 1988; Edwards & Christophersen, 1988; Galambos &
Goldin- Meadow, 1990; Yelland, Pollard, & Mercury, 1993). The same results also seem to
be present in a variety of non-verbal cognitive tasks related to executive functioning (see
161
Bialystok, 2005, 2007 a & b for reviews). These tasks typically involve the need to resolve
conflicts (Bialystok & al., 2004; Carlson & Meltzoff, 2008; Costa, Hernandez & Sebastián-
Gallés, 2008), to suppress distracting information (Bialystok, Craik, & al., 2006a; Colzato &
al., 2008), or to switch between multiple rules (Bialystok & Martin, 2004; Bialystok &
Viswanathan, 2004). Bilinguals are also less distracted by interfering stimulus features than
monolinguals on the Simon task (Bialystok, Craik, Klein & Viswanathan, 2004; Martin-Rhee
& Bialystok, 2008), the Stroop task (Bialystok, Craik & Luk, 2008), and the Flanker task
(Costa, Hernández & Sebastián-Gallés, 2008).
According to Poulin-Dubois and colleagues (2011), ―the prevailing interpretation of
the bilingual advantage in executive control is that bilinguals have extensive practice in
exercising selective attention and cognitive flexibility. This practice effect is assumed to
derive from the fact that both languages are active when one of them is being used
(Beauvillain & Grainger, 1987; Colomé, 2001; Costa, 2005; De Groot, Delmaar & Lupker,
2000; Green, 1998; Rodriguez-Fornells & al., 2005).‖

Recently, a number of studies have attempted to identify the components of executive


control that are affected by bilingualism by using the model proposed by Miyake & al. (2000).
In this model, the executive control system consists of three components: inhibition, updating
(working memory), and shifting (cognitive flexibility). Green (1998) has argued that
inhibitory control is the component involved, while Colzato & al (2008) showed a bilingual
advantage only for reactive inhibition.
Other studies show that bilingual children outperform monolinguals on conflict tasks
that require inhibitory control (Bialystok & Senman, 2004; Bialystok & Shapero, 2005).
Finally, for other authors, the relevant component is cognitive flexibility, ie. the ability to
switch between tasks (Meuter & Allport, 1999; Bialystok & al., 2006; Costa & al., 2008).
In a systematic study of these three components, Bialystock & Viswanathan (2009)
showed that bilingual children were faster than monolinguals in conditions based on
inhibitory control and cognitive flexibility, but there was no significant difference between
groups in response suppression or in a control condition that did not involve executive
control.
More recently, Bialystok (2011a) reviews some evidence showing that bilingual
individuals consistently outperform their monolingual counterparts on tasks involving
executive control. Specifically, the author draws three main conclusions. The first is that the
superiority of bilinguals over monolinguals is found at all stages across the life span of an
162
individual. The second is that this superiority is expressed on both verbal and non-verbal
tasks. The last conclusion is that ―the effects are found across tasks that engage different
components of executive control, without one component emerging as decisive‖.
Indeed, the three components of executive control proposed by Miyake & al. (2000)
are simultaneously involved in a given task, and it is difficult to understand the isolated effect
of any one of these components individually. Zook & al. (2004) partially attempted this
approach with monolingual subjects, where the contributions of working memory, inhibition,
and fluid intelligence (which generally refers to reasoning and novel problem-solving ability)
to performances on the Tower of Hanoi (TOH) and Tower of London (TOL) tasks were
examined through the performances of undergraduate participants. Following the method used
by Rabbitt & Lowe (2000), linear regression analyses were then carried out for each of the
predictor variables as they related to performance on the TOH and TOL. The mean results
show that both working memory measures and inhibition measures predicted performances on
the TOH. Yet the main interest of this method is to estimate the relative contributions and
interactions between the different components of executive control in a task that requires
strategic control to be carried out in an effective way.

The characteristics of the cognitive functioning of bilinguals are still the subject of
many debates as it is difficult to compare the different studies since the methodologies are not
the same and varying subject samples have been used. To our knowledge, no study has
directly compared the same monolingual and bilingual subjects using tasks that manipulate
both the executive component involved and the type of material (verbal vs. Non-verbal). In
this context, the present study has two complementary aims. The first is to specify the
components of executive control that are modified by bilingualism by using the model
proposed by Miyake & al. (2000). Thus, bilingual and monolingual subjects will be compared
on tasks related to the three executive control components (inhibition, updating, and shifting)
by using both verbal and non-verbal tasks. For the second aim, the two populations will be
compared by using Zook & al‘s (2004) method to identify the influence of bilingualism on the
relative contributions of these three executive control components to the performances on the
Tower of Hanoi task.

163
2. METHOD

2.1 Participants

Nineteen French monolinguals (9 females and 10 males) and 19 French-English


bilinguals (12 females and 7 males), with a mean age of 33.9 years (± 8.7) for the first group
and 32.4 years (± 12.3) for the second group participated in this study. The level of education
for each group was 11.3 (± 2.4) and 11.5 (± 2.4) years, respectively. The participants were
asked their place of birth, lateralization and educational history with regards to their
bilingualism. Subjects with a medical history of brain damage were excluded.
Since the concept of bilingualism is very broad and open to controversy, we chose to
only test one category of bilinguals, which includes native bilinguals (their parents were
mixed couples) or early bilinguals, meaning that they learned the second language very early
in childhood (during the first five years). However, since according to Perani (2003), the
degree of attained proficiency is a much more important factor than the age of acquisition per
se, and although it is very difficult to reach high proficiency in all domains (linguistic,
pragmatic and affective structures of speech) which are intrinsically embedded, the level of
bilingualism was also assessed through a short oral description (Appendix 1) of a picture
representing a family scene from the Boston Diagnostic Aphasia Examination (Goodglass,
Kaplan & al., 2000), which was then graded in a proficiency scale based on three items
(Phonology, Lexicon and Syntax). One American and one British English native speakers and
language professionals (a speech therapist and a grammar teacher) were asked to listen to
each description and grade it using the proficiency scale which was set up on a dichotomy
rule (No noticeable difficulty = 0 vs. Difficulties = 1). In order to participate in the current
study, only the subjects reaching a total grade between 0 and 2 at the most out of 6 were
included in this study.
For all 19 bilingual subjects, the average global scores are .0 (± .0) for Phonology, .57
(± .60) for Lexicon and .05 (± .22) for Syntax (Appendix 2).
All of the subjects were matched as closely as possible: we matched them on their
educational level (t = -.332 p >.741), age (t =.424 p >.674) and also assessed their intellectual
abilities using an abbreviated version of the WAIS III (Wechsler, 1999) including six
subtests:
- Verbal: vocabulary and similarities (semantic knowledge) and span (verbal working
memory).

164
- Performance: code (processing speed), picture completion (reasoning deduction) and block
design (complex visuo-constructive praxis).
The IQ test revealed a mean average of 113.31 for the monolinguals and 114.84 for
the bilinguals (t = -.374 p >.7108).

2.2 Tasks

2.2.1 Executive assessment


Flexibility: it is generally admitted that fluency tasks involve flexibility because the
subject is obliged to implement strategic research processes in order to switch from one
subcategory to another. For the verbal abilities, we used Cardebat‘s Fluency Test (1990)
which consisted of listing as many words as possible within two minutes in a given semantic
category (animals, fruits and furniture, semantic condition) or beginning with a given letter
(P/R/V, phonological condition). The total number of unique and correct words on both
semantic and lettered fluency tasks was noted. For the non-verbal abilities, we administered
Ruff‘s Figural Fluency Test (1987) in which the subject has 2 minutes to connect points in
identical squares composed of 5 points each, generating as much novel designs as possible.
The number of unique patterns produced was scored.
Inhibition: the Go/noGo Paradigm inspired from the Test Battery for Attentional
Performance by Zimmermann & Fimm (1994) was used. Three sets of 32 white and black
words, 32 white and black pictures (verbal abilities) and 32 white and black abstract figures
(non-verbal abilities) were successively presented in the center of a black screen for
1000msec each. Before beginning a set, two stimuli targets were presented and needed to be
remembered. For each set, 32 stimuli were thus presented in random order, for which 16
stimuli required a Go response (pressing the button) and 16 a No-Go response (refraining
from pressing a button). For each set, both the response latencies and false alarms (number of
mistakes) were recorded.
Updating: for the verbal abilities, a shortened version of Van der Linden‘s test (1999)
was used. The task consisted of presenting the subject with two blocks of twelve series of 6/8
and 10 letters on a white screen for 1000msec each. After each presentation, the subject, who
was never told how many items were going to be presented, was required to give an oral serial
recall of the last six letters. For the non-verbal abilities, we used an adapted version of the
Corsi Task (Corsi, 1972) and presented the subjects with a sheet of paper on which 20
identical cubes were drawn. Two blocks of twelve series of 4/6/8 cubes were pointed out

165
randomly to the subject who was asked, after each sequence, to complete a serial point task to
the last four cubes. Again, the subject had no idea how many cubes were going to be pointed
out. For both the verbal and non-verbal tasks, the subjects first practiced on a test board. We
scored the total number of correct answers for all of the sequences.

2.2.2 Problem solving: TOH (Lucas, 1892)


The participants were instructed to move disks across three vertical pegs from a start
position to a goal configuration with the constraints that a larger disk could not be placed on
top of a smaller disk and that only one disk could be moved at a time. Six different levels of
complexity or trials were chosen (4/5/7/8/9 and 11), and a trial was terminated upon
successful completion of the problem or 100 moves, whichever came first. We measured the
total number of moves and the time (duration).

2.3 Study design and data treatment:

After the study‘s aims were explained to the participants and they gave their oral
consent to participate in the study, the tests were administered on computers and using a
paper-pencil version. The presentation order of the tests was randomized. The data was
analyzed in two steps:
1) ANOVA analysis: a two-way analysis of variance [group (Mono vs. Bilingual) x material
(verbal vs. non-verbal)] was carried out for each executive task (Flexibility, Updating and
Inhibition) in order to compare the monolinguals and bilinguals for each type of material.
2) A multiple linear regression analysis was done separately for each group to evaluate the
contribution of the three executive processes (Flexibility, Updating and Inhibition) toward the
resolution of the problem task (TOH), and to evaluate the strategies used by each group to
resolve this task.
Statistics were performed with the Statview software program. Significance was set at
a 0.5 level.

166
3. RESULTS

3.1 Executive components.


The scores on the different tasks were averaged to provide a global score for the verbal
and non-verbal abilities for flexibility, inhibition (score and time) and updating. The mean and
standard deviations for the two groups and the two types of material are presented in table 1.

MONOLINGUALS FLEXIBILITY INHIBITION INHIBITION UPDATING


RESPONSE TIME ERRORS
VERBAL 167, 1 (± 34,7) 349,3 (± 84,7) 0,7 (± 1,1) 27,7 (± 6,09)
NON-VERBAL 68, 1 (± 14,4) 173,3 (± 38,9) 0,3 (± 0,5) 26,4 (± 2,7)
BILINGUALS FLEXIBILITY INHIBITION INHIBITION UPDATING
RESPONSE TIME ERRORS
VERBAL 170, 6 (± 30,5) 313,2 (± 50,7) 0,7 (± 0,9) 32,4 (± 5,9)
NON-VERBAL 72, 2 (± 16,9) 160,8 (± 26,4) 0,5 (± 1,4) 28,2 (± 2,8)
Table 1 : Mean results on executive functioning tasks

A two-way analysis of variance [group (Mono vs. Bilingual) x material (verbal vs.
non-verbal)] with repeated measures for the last factor was carried out for each of the three
executive control components [inhibition, updating (percent of correct response and response
time), and flexibility].

The results show that the simple effects and interactions are not significant for either
flexibility or inhibition (percentage of correct responses).
However, for inhibition (response time), the ANOVA shows a tendency for the group
factor [F(1, 34)=3.2 ; p=.07], a significant material effect [F(1, 34)=543.2 ; p=.0001], and a
significant interaction [F(1, 34)=4.1 ; p<.05]. Bilingual subjects are faster than monolingual
subjects and verbal material is associated with a faster response time than non-verbal material.
Moreover, the interaction is explained by the fact that the superiority of bilinguals over
monolinguals is higher for verbal than non-verbal material (the mean and standard deviations
for the two groups and the two types of material are presented in Table 1).
For updating, the ANOVA shows a significant group effect [F(1, 34)=18.6 ; p=.0001],
a significant material effect [F(1, 34)=10.2 ; p=.002], and a significant interaction [F(1,
34)=6.5 ; p=.01]. Bilingual subjects have better scores than monolingual subjects and verbal
material is associated with better scores than non-verbal material. Moreover, the interaction is

167
explained by the fact that the superiority of bilinguals over monolinguals is higher for verbal
material than for non-verbal material.

3.2 Problem-solving: Tower of Hanoi task

The scores of the monolingual and bilingual subjects on the TOH task are not
significantly different for either the percentage of correct response (U=123 ; p>.05) or the
response time (U=135 ; p>.05).
In the multiple regression analysis, the scores on the TOH task (correct answers) are
used as dependent variables, and the scores on the executive tasks (verbal or non-verbal) are
used as independent variables.

The multiple regression analysis was carried out as follows:


Correct responses on the TOH task as the independent variable and scores on the executive
task (verbal and non-verbal) as the dependent variable.
For the monolingual subjects, the multiple regression analysis shows significant
results for correct responses [F(8,18) =8.25 ; p=.001] in the TOH task (i.e. dependent
variable) and when verbal material is used in the executive tasks (i.e. independent variables).
In particular, the semantic fluency tasks (p=.007) and the Go/noGo tasks (p=.008) are highly
involved in the correct responses in the TOH task.
For the bilingual subjects, no significant results were observed.

4. DISCUSSION

Our study had two complementary aims. The first was to specify the component of
executive control that is modified by bilingualism by using the model proposed by Miyake &
al. (2000). Thus, bilingual and monolingual subjects were compared on the three components
of executive control (inhibition, updating, and shifting) by using both verbal and non-verbal
tasks. In a second step, the method proposed by Zook & al. (2004) was used to compare the
cognitive processes used by monolingual and bilingual subjects to perform the TOH task.
The two-way analysis of variance showed that bilinguals have better scores than
monolinguals for inhibition (response time) and updating components, particularly when
verbal tasks are used. Secondly, for the monolingual subjects, flexibility (fluency semantic
tasks) and inhibition (Go/noGo tasks) account for significant variance on the TOH task for

168
correct responses, whereas for the bilingual subjects, no correlation accounts for significant
variance on the TOH task.

Regarding inhibition, our study shows that bilinguals are faster than monolinguals and
that verbal material is associated with faster response times than non-verbal material for the
Go/noGo task. Moreover, a significant interaction between the two factors indicates that
bilinguals are faster than monolingual subjects particularly when verbal material is used.
These results are consistent with the proposal that bilinguals activate both languages when
one of them is being used (Beauvillain & Grainger, 1987; Colomé, 2001; Costa, 2005; De
Groot, Delmaar & Lupker, 2000; Green, 1998; Rodriguez Fornells & al., 2005), and they
might be able to pay attention to the target language either by lowering the activation of the
non target language (Finkbeiner, Gollan & Caramazza, 2006) or by using suppression
mechanisms to inhibit the non-target language (Green, 1998). However, Bialystok &
Viswanathan (2009) investigated the distinction between the inhibition of an interfering cue
and the inhibition of a habitual response, called respectively ‗‗interference suppression‖ and
‗‗response inhibition‖ (Bunge, Dudukovic, Thomason, Vaidya & Gabrieli, 2002). In the first
case, the subjects had to select a relevant stimulus cue and ignore a competing cue, whereas in
the second, they had to refrain an automatically-cued response. These authors showed that
bilingual children were faster than monolinguals in conditions based on response inhibition
but there was no significant difference between the groups with regards to interference
suppression or in a control condition that did not involve executive control. These results
agree with other studies with children that have shown that bilinguals outperform
monolinguals on conflict tasks that require ―response inhibition‖ (Bialystok & Senman, 2004;
Bialystok & Shapero, 2005) but not on those that require ―interference suppression‖
(Bialystok, Craik & al., 2006b; Carlson & Meltzoff, 2008; Martin-Rhee & Bialystok, 2008).
In our study, adult bilinguals outperformed adult monolinguals in a Go/noGo task, which
corresponds to an interference suppression task. However, it is well known that performances
on the Go/noGo task involve selective attention as well as interference suppression. It is
therefore possible that the adults‘ selective attention abilities are higher or better mastered at
that age than in childhood. This interpretation needs to be verified, but could explain why
differences in tasks requiring interference suppression between bilinguals and monolinguals
appear in bilingual adults but not in young subjects.

169
For the updating component, bilinguals have better scores than monolingual subjects
and verbal material is associated with better scores than non-verbal material. Moreover, as for
the inhibition component, a significant interaction is explained by the fact that the superiority
of bilinguals over monolinguals is higher for verbal than non-verbal material. As far as
updating is concerned, both in terms of refreshing the phonological loop and in the
phonological store, the following question remains: would bilinguals show/display more
efficient verbal working memory than monolinguals? Previous studies have shown that a
decrease in the efficiency of the phonological loop might be related to difficulties in second
language learning and understanding (Ardila, 2003) and this component could eventually be
more enhanced in bilinguals than in monolinguals (and thus not suffer such a decrease), and
most of all, a recent study confirmed that bilinguals may rely on higher working memory
resources than monolinguals to support word retrieval (Kaushanskaya & al., 2011).

For the flexibility component, our study shows that the performances of bilinguals and
monolinguals did not differ in the fluency tasks. Luo, Luk and Bialystok (2010) compared
bilinguals and monolinguals to examine the role of vocabulary size and executive control in
verbal fluency tasks. These authors propose that the commonly observed bilingual
disadvantage in verbal tasks depends on both language proficiency and the level of executive
control involved in the tasks. In tasks that have little place for executive control, such as
category (semantic) fluency, bilingual disadvantages may disappear if monolinguals and
bilinguals are matched on a measure of vocabulary knowledge. In contrast, bilingual
advantages may emerge on verbal tasks that demand higher levels of executive control when
groups are homogenized in terms of language proficiency, particularly vocabulary size. In
their experiment, two groups of bilingual subjects differed in levels of receptive and
expressive vocabulary. The authors show that bilinguals and monolinguals performed
equivalently in category fluency, but the high-vocabulary bilingual group outperformed both
monolinguals and low-vocabulary bilinguals in letter fluency. In our study, the performances
of bilinguals and monolinguals do not differ for either the letter or the category fluency tasks.
It is therefore possible that our bilinguals behaved in the same manner as the low-vocabulary
bilingual subjects in Luo & al.‘s study.

Nevertheless, in our study, the main differences between monolingual and bilingual
subjects was observed for the inhibition and the updating executive components and the

170
superiority of the bilingual subjects over the monolingual subjects is higher for verbal than for
non-verbal material.

The second aim of our study was to compare the executive components used by
monolingual and bilingual subjects to perform the TOH task by using the method proposed by
Zook & al. (2004). Our results show that, for monolingual subjects, flexibility and inhibition
account for significant variance on the TOH task for correct response, whereas for bilingual
subjects, no executive component seems to account for significant variance on the TOH task.
In their study on monolingual subjects, Zook & al. (2004) demonstrate the contribution of
working memory, inhibition and also fluid intelligence (which is linked to flexibility) to
performance on the TOH task. It could still be noted that the tasks assessing the executive
components were not the same as those used in our study, which could explain the differences
between the two studies. For instance, in Zook & al.‘s study, the inhibition component was
assessed by a computer-based variation of the Wisconsin Card Sorting Test (Grant & Berg,
1948) and by the Stroop task (Stroop, 1935), and the working memory component was
assessed by the Memory Cards and the visual span tasks. However, the inhibition component
accounts for significant variance on the TOH task (for monolingual subjects) in the two
studies, as well as fluid intelligence or the flexibility component. Yet, in our study, the
strategies put into play by the two groups differ, with a specific involvement of inhibition and
flexibility for monolingual subjects, whereas no specific component seems to be involved for
bilingual subjects. A question that remains is that of the reasons why no component seems to
be accounting for significant variance on the TOH for bilinguals in our study. A possible
answer is that, as suggested by Bialystok (2011a) after a review of the different studies carried
out on bilingualism, because of having to deal with two languages constantly, bilinguals end
by recruiting the entire executive system, instead of one or two specific components, as the
monolinguals, when processing complex information. This theoretical account suggested by
Bialystok (2011a) could thus explain why no specific component seems to be involved for our
bilinguals, compared to monolinguals. However, Zook & al.‘s methodology can be used to
show that the strategies used to achieve a complex task differ between the two groups,
whereas the performances are not significantly different. To our knowledge, this approach has
never been used to compare bilingual and monolingual subjects, but nevertheless seems
promising to better understand the strategies used by the subjects, and in particular, the
importance and relative weight of the various executive components in achieving a problem-
solving task.
171
CONCLUSION

To conclude, data in the literature varies widely in terms of the differences between
bilingual and monolingual subjects with regards to executive functioning. Our study primarily
identifies a superiority of bilinguals over monolinguals on the updating and the inhibition
components, which corresponds to Bialystok‘s recent work (2011a). The author reviews some
evidence showing that bilingual individuals consistently outperform their monolingual
counterparts on tasks involving executive control. Yet the author‘s conclusions indicate that
this superiority is expressed on both verbal and non-verbal tasks. In our study, significant
results were observed for the updating and inhibition component, indicating that the
superiority of bilingual subjects over monolingual subjects is yet higher for verbal than for
non-verbal material. However, our results (Table 1) indicate that bilinguals also outperformed
monolingual subjects for non-verbal material both for the updating and inhibition
components. Secondly, we used an original methodology (developed by Zook & al., 2004) to
compare the strategy involved to achieve a problem-solving task, depending on whether or
not the subject masters a second language. Our results show that, even if the performances in
the TOH task are not significantly different between the two groups, the strategy differs, with
involvement of inhibition and flexibility for monolinguals, when no component seems to be
significantly involved for bilinguals. A possible explanation is, as suggested by Bialystok
(2011a), that bilinguals recruit their entire executive system when processing complex
information as a result of lifelong bilingualism. Further studies are needed, but this
methodology seems appropriate to further clarify the contribution of the different executive
components toward the achievement of a complex task, and thus to better understand the
changes in cognitive functioning as a consequence of life-long bilingualism.

AKNOWLEDGMENTS

We would like to acknowledge all the participants who volunteered in this study, as
well as Mary-Noëlle Dana for her corrections, and Barbara Frankenhuis and Marjorie
Deschaux for their precious help in grading the oral descriptions.

172
CHAPITRE 9 : LES EFFETS PROTECTEURS DU BILINGUISME
CHEZ LE SUJET AGE
___________________________________________________________________________

9.1 Problématique

9.2 Objectifs et hypothèses

9.3 Matériel et méthode

9.3.1 Population

9.3.2 Matériel

9.3.3 La procédure

9.4 Procédure d’analyse

9.4.1 Les facteurs étudiés

9.4.2 Les variables dépendantes utilisées

9.5 Résultats

9.5.1 Appariement des populations

9.5.1.1 Age

9.5.1.2 Niveau d‘éducation

9.5.1.3 Quotient intellectuel total (QIT)

9.5.2 Résultats aux épreuves exécutives

9.5.2.1 Effets simples des facteurs

9.5.2.2 Les interactions à deux facteurs

9.5.2.3 Les interactions à trois facteurs

9.5.2.4 Les interactions à quatre facteurs

9.6 Discussion

9.6.1 La triple interaction

9.6.2 La quadruple interaction

9.7 Conclusion

173
CHAPITRE 9 : LES EFFETS PROTECTEURS DU BILINGUISME CHEZ LE SUJET
AGE

A la suite de l‘expérimentation portant sur les adultes, nous avons trouvé judicieux
d‘ajouter des sujets à notre échantillon afin de pouvoir distinguer deux groupes distincts et de
s‘intéresser à l‘effet de l‘âge. Comme nous l‘avons indiqué plus haut, la problématique dans
cette dernière expérience porte également sur les conséquences du bilinguisme précoce sur les
fonctions exécutives décrites dans le modèle de Miyake, Friedman & al. (2000), mais cette
fois-ci, nous centrerons nos recherches et analyses sur les effets de l‘âge en distinguant les
sujets bilingues et monolingues.

9.1 Problématique

Notre dernière expérience a pour objectif d‘évaluer dans quelle mesure le bilinguisme
précoce influence les fonctions exécutives des sujets adultes âgés par comparaison aux jeunes
adultes. Comme nous l‘avons évoqué plus tôt, la revue de la littérature souligne un déclin des
performances cognitives avec l‘âge, une fois passé l‘âge de pleine maturité du fonctionnement
exécutif entre 25 et 40 ans. Pour certains auteurs, le phénomène naturel de dégénérescence
débuterait en effet dès l‘âge de 40 ans (Connor, Piro & al., 2004). Néanmoins, comme nous
l‘avons vu, il semble que ce déclin cognitif touche différemment les sujets âgés monolingues
et bilingues. Pour rappel, des chercheurs tels que Bialystok, Craik & al. (2004, 2006 a&b) ont
montré que les sujets bilingues âgés avaient clairement un avantage dans des tâches non
linguistiques, mais qu‘en plus, les effets négatifs de l‘âge sur certaines fonctions exécutives
(Craik, Bialystok & al., 2010 ; Schweizer, Ware & al., 2012), étaient atténués (en
comparaison des monolingues), ce qui confèrerait au bilinguisme un rôle neuro-protecteur
contre les effets du vieillissement et des pathologies liées à l‘âge. Les composantes exécutives
impliquées dans ce rôle neuro-protecteur du bilinguisme restent cependant à préciser.

Dans ce cadre, cette expérimentation a pour but de comparer les performances


exécutives d‘adultes bilingues précoces français-anglais et monolingues français, tous âgés de
18 à 65 ans, en utilisant le modèle de Miyake, Friedman & al. (2000). Deux groupes d‘âge ont
été constitués, l‘un de 18-40 ans et l‘autre de 41-65 ans. Les sujets ont été évalués à l‘aide du
protocole précédemment utilisé, à nouveau dans les modalités verbale et non-verbale, à
l‘exception de la TOH (Lucas, 1892).

174
9.2 Objectifs et hypothèses

Comme pour les expérimentations précédentes, nos hypothèses sont que les bilingues
obtiennent des meilleures performances que les monolingues dans les tâches exécutives, et ce
aussi bien dans le domaine verbal que non-verbal, comme chez les adultes de
l‘expérimentation précédente, et aussi comme une grande partie de la littérature a pu le
démontrer, que ce soit chez les adultes ou les personnes âgées notamment (Bialystok, Craik &
al., 2006b ; Costa, Hernandez & al., 2008 ; Blumenfeld & Marian en 2011, Moreno, Bialystok
& al., 2010). Dans ce travail néanmoins, nous nous centrerons sur les effets de l‘âge plus
particulièrement. Nous nous attendons ici à ce que les différences de performances entre les
deux populations (bilingues vs monolingues), à l‘avantage des sujets bilingues, soient
majorées par l‘âge, attestant ainsi du rôle neuro-protecteur du bilinguisme au cours du
vieillissement ou sur le déclin exécutif lié à l‘âge, en référence aux études récentes dans le
domaine (Bialystok, Craik & al., 2004 ; 2006b, 2007 ; Schweizer, Ware & al., 2012). L‘apport
de notre travail sera de préciser la nature des composantes exécutives (flexibilité, mise à jour
et inhibition), ainsi que le type de matériel (verbal vs non-verbal) plus spécifiquement
concerné par cet éventuel effet neuro-protecteur.

9.3 Matériel et méthode

9.3.1 Population

Nous avons effectué une passation sur 59 sujets dont 30 monolingues français (11
hommes et 19 femmes) et 29 bilingues précoces français-anglais (21 femmes et 8 hommes)
ayant acquis les deux langues dès la naissance ou avant l‘âge de 5 ans. Aucun des sujets ne
présentait d‘antécédents de troubles neurologiques ou mentaux, ni de pathologies
dégénératives avérées. Les 59 sujets ont été répartis en quatre groupes :

o 20 sujets monolingues âgés de 18 à 40 ans


o 10 sujets monolingues âgés de 41 à 65 ans
o 19 sujets bilingues âgés de 18 à 40 ans
o 10 sujets bilingues âgés de 41 à 65 ans

Comme pour les expérimentations précédentes, les sujets monolingues ont été appariés
avec les bilingues en ce qui concerne l‘âge, le sexe (autant que possible) et le niveau
d‘éducation.

175
Concernant le recrutement des bilingues, il s‘est effectué grâce à des connaissances
personnelles et par le biais d‘une annonce publiée dans le FUSAC, journal mensuel parisien
d‘information destiné à la population anglophone d‘Ile de France.

Quant aux sujets monolingues, ils ont essentiellement été recrutés par l‘intermédiaire
de connaissances personnelles issues de Paris (75) et Bordeaux (33).

Les sujets bilingues avaient le plus souvent un parent de chaque langue, et/ou alors,
avaient vécu et avaient été scolarisés dans un pays anglophone pendant la petite enfance. Tous
les sujets devaient pratiquer régulièrement les deux langues ou être en contact avec elles aussi
souvent que possible. Afin d‘évaluer leur niveau d‘anglais, les bilingues ont été soumis à la
tâche de description orale de la scène dite des « Cookies » extraite du BDAE (Goodglass,
Kaplan & al., 2000 ) (cf. annexe 1 chapitre 5). La description devait être faite en anglais, dans
un délai de deux minutes. Les productions (cf. annexe 1 de ce chapitre) ont été enregistrées
puis analysées par Mme Frankenhuis, orthophoniste américaine retraitée, et Mme Marjorie
Deschaux, professeur de littérature anglaise, également retraitée. L‘analyse a permis une
cotation de chaque description sur l‘échelle dichotomique déjà présentée précédemment
(phonologie, syntaxe et lexique). Seuls les sujets n‘obtenant pas un score de plus de 2/6
maximum, total des notes obtenues par les deux spécialistes (cf. annexe 2) ont été retenus
pour cette expérimentation.

Afin de fonder la comparaison uniquement sur le critère monolingue vs bilingue et de


favoriser un appariement aussi rigoureux que possible (homogénéité des groupes de sujets),
les participants ont également été soumis à une évaluation abrégée du quotient intellectuel
(verbal et performance) (WAIS, Wechsler, 1999).

9.3.2 Matériel

Le matériel utilisé pour tester les composantes exécutives dans cette expérimentation a
été le même que pour les expériences précédentes (flexibilité, inhibition et mise à jour, en
verbal et en non-verbal). En revanche, la TOH (Lucas, 1892) n‘a pas été utilisée ici du fait,
d‘une part, du peu d‘informations que cette épreuve a apporté dans les expérimentations
précédentes. D‘autre part, l‘effectif de sujets âgés monolingues et bilingues était trop faible
pour effectuer des régressions.

Pour rappel uniquement, nous avons utilisé :

176
o Flexibilité : fluences verbales (Cardebat, Doyon & al., 1990) et graphiques
(Ruff, Light & al., 1987)
o Inhibition : Go/noGo test (TEA : Zimmermann & Fimm, 1994)
o Mise à jour : Updating test (Van der Linden, Puhet & al., 1999)

o WAIS (Wechsler, 1999) : pour rappel également, les sujets ont été soumis à
une évaluation abrégée du quotient intellectuel incluant six sous-tests :
Vocabulaire (connaissances sémantiques), similitudes (connaissances
sémantiques) et mémoire des chiffres (mémoire de travail verbale) pour le quotient
intellectuel verbal.
Code (vitesse de traitement de l‘information), cubes (praxies visuo-
constructives complexes) et matrices (raisonnement déductif) pour le quotient intellectuel
performance.

9.3.3 La procédure

En général, les passations ont eu lieu au domicile des sujets ou au laboratoire EA4136.
La passation a duré en moyenne deux heures par sujet. Après une courte explication du cadre
de l‘étude et de son objectif, il a été administré à tous les sujets :

o Premier bloc d‘épreuves (passations contrebalancées) :


Les épreuves de fluences verbales et graphiques (Cardebat, Doyon & al., 1990 ; Ruff,
Light & al., 1987)
Les tâches de mise à jour (Updating en verbal et non verbal, Van der Linden, Puhet &
al., 1999)
L‘épreuve du Go/noGo (3 séries successivement sur l‘ordinateur, TEA, Zimmermann
& Fimm, 1994).

o Deuxième bloc d‘épreuves :


L‘échelle d‘intelligence abrégée pour adultes de Wechsler (1999), dans l‘ordre de
passation du test lui-même, à savoir : vocabulaire, code, similitudes, cubes, matrices et
mémoire de chiffres endroit et envers.

Une petite pause de 10-20 min entre les deux blocs a été proposée.

177
9.4 Procédure d’analyse

Les données ont été analysées à l‘aide d‘analyses de variance paramétriques en


utilisant le logiciel de statistiques Statview.

9.4.1 Les facteurs étudiés

Au vu des hypothèses formulées, quatre facteurs ont principalement été retenus pour
les analyses statistiques :
- le facteur « langue » ou « sujet » composé des modalités « monolingue » ou
« bilingue » ;
- le facteur « composante exécutive » à quatre modalités, à savoir la flexibilité, la mise à
jour et l‘inhibition pour les temps de réaction et pour les erreurs ;
- le facteur « matériel » qui renvoie au type de matériel proposé, à savoir verbal ou non-
verbal ;
- le facteur « âge » à deux modalités : 18 à 40 ans et 41 à 65 ans.

9.4.2 Les variables dépendantes utilisées


En ce qui concerne les épreuves exécutives, nous avons utilisé :

 Pour la flexibilité :
La somme des mots produits aux tâches de fluences phonémiques et sémantiques en
verbal ;
Le nombre de dessins uniques produits sur le nombre maximal de dessins réalisables
(40) à la tâche de fluences graphiques, en non-verbal.

 Pour la mise à jour :


La somme des réponses correctes en « lettres », pour le verbal ;
La somme des réponses correctes en bonnes « cases » pointées, pour le non-verbal.

 Pour l‘inhibition :
La moyenne des temps de réaction et la somme des erreurs, incluant les omissions et
les réponses inappropriées, et ce, pour les séries « images » et « mots » en verbal, et « figures
abstraites » en non-verbal.

178
9.5 Résultats

9.5.1 Appariements des échantillons

9.5.1.1 Age
Pour comparer les groupes, nous avons effectué une analyse de variance à deux facteurs
(le facteur sujet - bilingue vs monolingue - et le facteur âge) avec l‘âge comme variable
dépendante. Les résultats montrent que :

- Les groupes (monolingues vs bilingues) ne diffèrent pas significativement pour l‘âge


[F(1,55) = 0,78 ; p = 0,37] ;
- en revanche, les groupes (jeunes et âgés) présentent bien des âges significativement
différents, ce qui est normal [F(1,55) = 136,78 ; p = 0,0001] ;
- il n‘existe pas d‘interaction entre les deux facteurs [F(1,55) = 0,31 ; p = 0,57], ce qui
signifie que les différences d‘âge entre les jeunes et les âgés sont identiques pour les deux
populations.

9.5.1.2 Niveau d’éducation


A nouveau, pour comparer les groupes, nous avons procédé à une analyse de variance
à deux facteurs (le facteur sujet - bilingue vs monolingue - et le facteur âge) avec le niveau
d‘éducation comme variable dépendante. Les résultats montrent que :

- Les groupes (monolingues vs bilingues) ne diffèrent pas significativement pour le


niveau d‘éducation [F(1,55) = 0,466 ; p = 0,49] ;
- les groupes d‘âge (jeunes et âgés) ne diffèrent pas significativement pour le niveau
d‘éducation [F(1,55) = 0,30 ; p = 0,58] ;
- il n‘y pas d‘interaction entre les deux facteurs [F(1,55) = 0,10 ; p = 0,74], ce qui
signifie que le niveau d‘éducation entre les jeunes et les âgés est identique pour les deux
populations (monolingues et bilingues).

9.5.1.3 Quotient intellectuel total (QIT)


Pour comparer les groupes, nous avons procédé à une analyse de variance à deux
facteurs (le facteur sujet - bilingue vs monolingue - et le facteur âge) avec le quotient
intellectuel comme variable dépendante. Les résultats montrent que :

179
- Les groupes (monolingues vs bilingues) ne diffèrent pas significativement pour le
quotient intellectuel [F(1,55) = 2,85 ; p = 0,1] ;
- les groupes d‘âge (jeunes et âgés) ne diffèrent pas significativement pour le quotient
intellectuel [F(1,55) = 1,27 ; p = 0,26] ;
- il n‘y pas d‘interaction entre les deux facteurs [F(1,55) = 1,97 ; p = 0,16], ce qui
signifie que le quotient intellectuel entre les jeunes et les âgés est identique pour les deux
populations (monolingues et bilingues).

En résumé, les analyses statistiques ne montrent pas de différence significative entre


les quatre groupes de sujets en ce qui concerne l‘âge, le niveau d‘éducation et le quotient
intellectuel. Les sujets sont correctement appariés.

9.5.2 Résultats aux épreuves exécutives


Nous présentons ci-dessous dans le tableau 12, l‘ensemble des résultats obtenus par les
sujets monolingues et bilingues, jeunes et âgés, pour l‘ensemble des composantes exécutives
et dans les modalités verbale et non-verbale.

Moyennes à FLEXIBILITE MISE A JOUR INHIBITION INHIBITION


toutes les TEMPS COUPS
composantes Verbal Non- Verbal Non- Verbal Non- Verbal Non-
exécutives verbal verbal verbal verbal
Monolingues 177,6 28,75 90,3 81,35 311,88 157,98 0,8 0,3
jeunes (36,28) (6,4) (19,6) (8,41) (40,21) (29,57) (1,1) (0,47)
Monolingues 175,4 29,8 88 78,6 389,02 196,2 0,5 0,3
âgés (27,48) (5,95) (16,43) (8,14) (91,01) (39,83) (0,7) (0,67)
Bilingues 166 ,63 28,15 93,94 85,05 311,76 157,53 0,78 0,31
jeunes (30,98) (6,53) (18,34) (8,93) (47,43) (23,21) (0,91) (0,94)
Bilingues 194,43 31,4 101 85,7 323 ,2 167,73 0,3 0,9
âgés (37,35) (5,96) (18,86) (6,68) (54,6) (31,23) (0,67) (1,59)
Tableau 12 : Moyennes des performances aux tâches exécutives pour tous les sujets et écarts-types (ET)

180
9.5.2.1 Effets simples des facteurs
- sujet ou langue : globalement, on n‘observe pas de différence significative
entre monolingues et bilingues, toutes épreuves et modalités (verbale et non-verbale)
confondues [F(1,55) = 1,27 ; p = 0,26] ;
- âge : un effet significatif est observé [F(1,55) = 10,87 ; p = 0,0017] mais ceci
est tout à fait normal et indique simplement que le groupe de sujets âgés a une moyenne d‘âge
supérieure au groupe de sujets jeunes ;
- composante exécutive : une différence significative est observée entre les
scores aux quatre composantes exécutives, mais là encore, cet effet n‘est pas pertinent à
discuter dans la mesure où les échelles ne sont pas les mêmes selon la composante évaluée
[F(3,165) = 1085,67 ; p = <,0001] ;
- matériel : un effet significatif est observé également [F(1,55) = 2017,33 ; p =
<,0001]. Cette différence est due au fait que les échelles de mesure ne sont pas toutes
comparables.

9.5.2.2 Les interactions à deux facteurs


Les interactions sujet x âge et sujet x matériel ne sont pas significatives
[respectivement F(1,55) = 0,88 ; p = 0,34 ; F(1,55) = 0,74 ; p = 0,39], ce qui signifie que les
différences entre sujets monolingues et bilingues ne diffèrent pas avec l‘âge (toutes tâches
verbales et non-verbales confondues), et ne diffèrent pas non plus avec le type de matériel.

En revanche, les interactions suivantes sont significatives :


- composante exécutive x sujet : une interaction est présente. La différence affectant
les composantes exécutives est influencée par le type de sujets (monolingues vs bilingues), à
savoir que les bilingues obtiennent de meilleurs résultats que les monolingues mais
principalement pour la mise à jour et pour la vitesse d‘exécution (temps) dans la tâche
d‘inhibition [F(3,165) = 4,6 ; p = 0,0036] ;
- composante exécutive x âge : il existe une interaction entre les performances
obtenues aux différentes composantes exécutives et l‘âge des sujets, à savoir que globalement,
les sujets jeunes sont plus rapides (vitesse d‘exécution de la tâche d‘inhibition), alors que les
âgés (bilingues et monolingues confondus) sont meilleurs dans les tâches de flexibilité
[F(3,165) = 6,50 ; p = 0,0003]

181
- matériel x âge : une interaction est observée. Les sujets âgés sont légèrement
meilleurs que les jeunes (monolingues et bilingues confondus) en modalité verbale [F(1,55) =
5,37 ; p = 0,02]
9.5.2.3 Les interactions à trois facteurs
Nous n‘observons pas de résultat significatif pour ce qui concerne les interactions
suivantes :
- matériel x sujet x âge : [F(1,55) = 0,02 ; p = 0,87], composante exécutive x matériel x
sujet [F(3,165) = 2,14 ; p = 0,09] et composante exécutive x matériel x âge [F(3,165) = 1,63 ;
p =0,18].
En revanche, une interaction significative est retrouvée pour sujet x composante
exécutive x âge [F(3,165) = 4,8 ; p = 0,002].

Nous présentons dans le tableau 13 ci-dessous les résultats moyennés de cette triple
interaction (les résultats en verbal et en non-verbal ont été moyennés) et les écarts-types.

FLEXIBILITE MISE A JOUR INHIBITION INHIBITION


TEMPS COUPS
Monolingues 103,17 85,82 234,93 0,55
jeunes (79,64) (15,56) (85,36) (0,87)
Monolingues 102,6 83,3 292,64 0,4
âgés (77,15) (13,51) (120,22) (0,68)
Bilingues 97,39 89,5 234,64 0,55
jeunes (73,56) (14,93) (86,39) (0,95)
Bilingues 112,91 93,35 245,47 0,6
âgés (87,59) (15,85) (90,74) (1,23)
Tableau 13 : Résultats moyennés (verbal / non-verbal) de la triple interaction et écarts-types (ET)

Cette triple interaction indique principalement que les sujets bilingues âgés ont de
meilleurs résultats que les sujets bilingues jeunes en flexibilité et en mise à jour (modalités
verbale vs non-verbale), alors que les sujets monolingues jeunes ont de meilleurs scores que
les sujets monolingues âgés pour ces mêmes composantes exécutives. De plus, pour la tâche
d‘inhibition en vitesse d‘exécution, les sujets âgés (bilingues et monolingues) sont plus lents à
répondre que les jeunes sujets, mais ce ralentissement est beaucoup plus marqué chez les âgés
monolingues que chez les âgés bilingues.

182
9.5.2.4 Les interactions à quatre facteurs

Un effet significatif est retrouvé pour la quadruple interaction impliquant les facteurs
sujet x matériel x composante exécutive x âge [F(3,165) = 3,66 ; p = 0,01].

Globalement, les performances des âgés bilingues sont majorées pour :


- les épreuves de flexibilité, en verbal comme en non-verbal (mais de façon plus
importante en modalité verbale) ;
- la mise à jour, en verbal comme en en-verbal (mais là aussi de manière prépondérante
en verbal). De façon générale, les sujets bilingues (jeunes et âgés) sont meilleurs que les
monolingues dans ces tâches, mais les performances sont majorées chez les bilingues âgés ;
- l‘inhibition pour le nombre d‘erreurs en verbal. Les sujets bilingues âgés commettent
moins d‘erreurs que les autres groupes dans cette épreuve.

En ce qui concerne l‘inhibition pour le temps, d‘une façon générale, les jeunes
(monolingues et bilingues) sont plus rapides que les âgés (en verbal et en non-verbal), mais la
dégradation des performances (allongement du temps de réponse) liée à l‘âge est moins
importante chez les âgés bilingues que chez les âgés monolingues.

9.6 Discussion

Le premier objectif de cette expérimentation était de démontrer que les bilingues


obtiendraient de meilleurs résultats que les monolingues, et que cet avantage dépendrait à la
fois du type de composantes exécutives sollicitées et du type de matériel. Notre deuxième
objectif était de montrer que le bilinguisme pouvait avoir un rôle neuro-protecteur pour ce qui
concerne la dégradation des performances exécutives liées à l‘âge. Les principaux résultats
qui nous permettent de discuter ces objectifs sont la triple interaction sujet x composante
exécutive x âge et la quadruple interaction sujet x matériel x composante exécutive x âge.

9.6.1 La triple interaction

La triple interaction sujet x composante exécutive x âge souligne principalement que


les sujets âgés bilingues obtiennent de meilleurs résultats que les sujets jeunes bilingues en ce
qui concerne les composantes exécutives de flexibilité et de mise à jour, alors que les jeunes
monolingues obtiennent très légèrement de meilleurs résultats que leurs pairs âgés pour ces
mêmes composantes exécutives. De plus, concernant la tâche d‘inhibition en vitesse
183
d‘exécution, les sujets âgés sont moins rapides que les sujets jeunes, mais ce ralentissement
est beaucoup plus marqué chez les âgés monolingues que chez les âgés bilingues.

Ces résultats corroborent nos objectifs de départ en faveur des sujets âgés bilingues
pour la flexibilité et la mise à jour, et une dégradation moins importante avec l‘âge pour la
vitesse d‘exécution en inhibition. Ils confirment donc, pour une bonne part, les résultats
retrouvés dans la littérature concernant l‘effet neuro-protecteur du bilinguisme chez les sujets
âgés.

En effet, alors que la revue de la littérature souligne en général un ralentissement


cognitif et la baisse des ressources de traitement chez le sujet âgé (en référence à l‘hypothèse
fronto-exécutive du vieillissement abordée au chapitre 4 qui met en avant un déclin avec l‘âge
des traitements stratégiques dits exécutifs), et notamment par exemple, pour la mise à jour
(Van der Linden, Brédart & al., 1994 ; Sorel & Pennequin, 2008) ou la mémoire de travail
(Baddeley, 1986), l‘inhibition (Hasher, Stoltzfus & al., 1988-97 ; Grant & Berg, 1948) ou
encore la flexibilité (Wecker, Kramer & al., 2000 ; Sorel & Pennequin, 2008), nos sujets âgés
bilingues semblent, au contraire, ne pas être affectés (ou moins affectés) par ce déclin cognitif
lié au vieillissement. En effet, comme nous l‘avons indiqué au chapitre 4, plusieurs auteurs
tels que Bialystok, Craik & al. (2004, 2006b) suggèrent que chez le sujet âgé bilingue, la
détérioration des fonctions exécutives est de moindre importance ou de moindre intensité que
chez le sujet monolingue vieillissant, et notamment celles de la triade exécutive définie par
Miyake, Friedman & al. (2000), ce que nos résultats semblent confirmer pour une bonne part.
Concernant les capacités en vitesse de traitement pour la composante de l‘inhibition, si nos
résultats sont cette fois-ci en faveur des jeunes sujets bilingues, et même des jeunes sujets
monolingues, il n‘en demeure pas moins que ce ralentissement est de moindre importance
chez les sujets bilingues âgés comparativement à leurs pairs monolingues, ce que nous
retrouvons également dans la littérature (Craik & al., 2006). Nous proposons de discuter de
cela avec la quadruple interaction.

9.6.2 La quadruple interaction

La quadruple interaction sujet x matériel x composante exécutive x âge indique


d‘abord que les résultats des sujets bilingues (jeunes et âgés) sont majorés pour les épreuves
de flexibilité et celles de mise à jour, particulièrement pour la modalité verbale. Pour
l‘inhibition (en vitesse d‘exécution), l‘allongement des temps de réponse est plus important
chez les sujets monolingues âgés que chez les bilingues âgés (effet neuro-protecteur), et la

184
dégradation des performances liée à l‘âge est particulièrement marquée chez le sujet
monolingue en modalité verbale. Enfin pour l‘inhibition, ce sont les bilingues âgés qui
commettent plus d‘erreurs que les monolingues âgés en modalité non-verbale, alors que l‘effet
inverse est observé dans la modalité verbale, les sujets bilingues âgés commettant moins
d‘erreurs que les autres groupes.

Ainsi, dans notre expérimentation, l‘effet neuro-protecteur chez les sujets bilingues
âgés porte sur la flexibilité et la mise à jour, principalement en verbal, mais également sur
l‘inhibition en vitesse d‘exécution dans les deux modalités, ainsi qu‘en nombre de coups
(verbal) dans une moindre mesure.

Par rapport à la mise à jour, comme pour l‘expérimentation précédente portant sur les
adultes de 18 à 60 ans, nous émettons l‘hypothèse que cette composante est davantage
entraînée du fait même du bilinguisme ou moins affectée que chez le sujet monolingue. En
effet, les sujets bilingues âgés s‘appuient davantage sur leurs ressources en mémoire de
travail, comme on a pu l‘observer dans des tâches de récupération de mots (Kaushanskaya &
al., 2011).

Quant à la composante de flexibilité, les résultats obtenus à l‘avantage des sujets


bilingues signifient peut-être, comme cela a été suggéré par Luo, Luk & Bialystok (2010), que
leur niveau de vocabulaire était très légèrement supérieur à celui des monolingues âgés. En
effet, dans notre étude, les monolingues âgés ont obtenus 47,8 au subtest du vocabulaire de la
WAIS (Wechsler, 1999), contre 52,5 pour les bilingues âgés. Luo, Luk & Bialystok (2010)
ont en effet expliqué que les performances relevées en flexibilité était meilleures chez les
sujets bilingues lorsque leur niveau de vocabulaire était supérieur à celui des monolingues.
Cette hypothèse peut peut-être expliquer la majoration des performances observées chez le
bilingue âgé dans notre étude. Elle irait dans le sens des conclusions de Burke & Shafto
(2008) qui suggèrent que le stock lexical des bilingues s‘enrichit avec les années, leur
permettant ainsi de rattraper leurs pairs monolingues, voire de les dépasser.

Concernant la composante de l‘inhibition, comme l‘ont souligné des chercheurs tels


que Daigneault & Braun (1993) ou Hasher, Stoltzfus & al. (1991), plus les sujets vieillissent,
et plus cette fonction est perturbée, l‘inhibition jouant même un rôle majeur et central, voire
dominant, dans le déclin cognitif des sujets âgés en général. Cependant, Costa, Hernandez &
al. (2009) ont indiqué qu‘un grand nombre d‘études montrent que les sujets bilingues

185
obtiennent des temps de réponse meilleurs que les monolingues, notamment quand les tâches
nécessitent un ajustement continuel aux différentes contraintes ou demandes associées aux
différents types de sous-tâches dans une même épreuve et/ou qu‘elles font appel aux fonctions
exécutives (Bialystok & Feng, 2009). Cela rejoint nos résultats montrant que les sujets âgés
bilingues présentent un ralentissement beaucoup moins important que les âgés monolingues
pour cette composante d‘inhibition (en vitesse d‘exécution).

Enfin, un dernier point réside dans la modalité qui semble privilégiée chez les sujets
bilingues, dans nos deux dernières expériences d‘ailleurs. En l‘occurrence, dans la modalité
verbale, les sujets bilingues obtiennent souvent de meilleurs résultats que dans la modalité
non-verbale, alors que par exemple, chez les adolescents, les bilingues sont avantagés dans les
tâches non-verbales (et les adolescents monolingues dans les épreuves verbales). Comme
nous l‘avons évoqué dans la partie théorique, la revue de la littérature met davantage l‘accent
sur les gains conférés par le bilinguisme dans la modalité non langagière. Néanmoins, de
nombreuses études ont démontré des performances majorées en modalité verbale, et
notamment quand des composantes exécutives sont sollicitées (Bialystok & Feng, 2009). Si la
littérature ne permet pas d‘apporter une explication évidente quant à cet avantage majoré en
modalité verbale dans nos deux expérimentations, de nombreuses études témoignent d‘un
gain dans les deux domaines également (Festman & Rodriguez-Fornells, 2010 ; Bialystok,
1987 ; Colzato, Bajo & al., 2008 ; Bialystok, Craik & al., 2004, 2006b). Par ailleurs, il semble
que les études qui montrent des difficultés en modalité verbale utilisent souvent des tâches de
type lexical (Costa, 2005 ; Michael & Gollan, 2005), et que peu d‘études ont utilisé des tâches
exécutives de nature verbale (Garbin, Sanjuan & al., 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010).
Ainsi, nos résultats montrent peut-être que l‘on peut obtenir des avantages en verbal chez les
sujets bilingues lorsque les tâches sont de nature exécutive, comme des auteurs tels que
Bialystok & Feng (2009) ont pu le démontrer.

Quoi qu‘il en soit, l‘ensemble des résultats de notre dernière expérience atteste donc
d‘un effet neuro-protecteur du bilinguisme, comme la récente revue de la littérature a pu le
proposer (Bialystok, 2012).
Une hypothèse possible pour justifier non seulement ces meilleures performances
exécutives chez les sujets bilingues (Garbin, Sanjuan & al., 2010 ; Costa, Hernandez & al.,
2008), et notamment chez le sujet âgé (Bialystok, Craik & al., 2004, 2006a&b, 2012 ;
Bialystok, 2011a), mais aussi une détérioration moindre des capacités en comparaison du
sujet monolingue vieillissant, reposerait sur de meilleures prédispositions neurobiologiques
186
chez le sujet bilingue en général. En effet, comme nous l‘avons évoqué dans le chapitre 4, la
récente étude en neuro-imagerie de Luk, Bialystok & al. (2011) les a conduit à conclure que la
pratique de plus d‘une langue tout au long de la vie avait des conséquences sur le
fonctionnement exécutif des bilingues du fait notamment d‘une meilleure intégrité de la
substance blanche et de ses connexions avec les différentes régions cérébrales. Les auteurs ont
démontré que chez les sujets âgés bilingues, une meilleure préservation et une meilleure
distribution cérébrale de la substance blanche s‘effectuait, particulièrement dans les régions
cérébrales antérieures et postérieures, contrairement aux sujets monolingues (régions intra-
frontales). La préservation de la substance blanche, dont le rôle est notamment reconnu dans
la facilitation du transfert des informations, serait à l‘origine d‘un meilleur monitoring des
capacités attentionnelles (pour gérer deux langues actives) chez les bilingues. Bialystok, Craik
& al. (2012) postulent même que les régions cérébrales impliquées dans le passage d‘une
langue à l‘autre, sont les mêmes que celles engagées dans les processus attentionnels et
exécutifs (Bialystok, Craik & al., 2012). Selon Luk, Bialystok & al. (2011), ceci expliquerait
la détérioration cognitive moins rapide ou moins intense que chez les sujets monolingues.
Cette hypothèse permettrait, en partie, d‘expliquer les effets de neuro-protection du
bilinguisme, effets que les résultats de notre étude ont permis de confirmer.

9.7 Conclusion

Ainsi, bien qu‘une partie de la littérature avance un déclin cognitif passé l‘âge de 40-
50 ans (Connor, Piro & al., 2004; Au, Joung & al., 1995), cela semble moins s‘appliquer aux
sujets bilingues âgés qu‘aux monolingues de même âge. Nos résultats confirment donc les
effets neuro-protecteur du bilinguisme contre le vieillissement cognitif (Bialystok & Craik,
2007 ; Craik & Bialystok, 2010 ; Bialystok, 2012), et permettent de préciser que ces effets
sont particulièrement importants pour les composantes de flexibilité et de mise à jour, surtout
en verbal, ainsi que pour l‘inhibition dans la modalité verbale (en nombre de coups), et en
temps de réponse (moins lents que les sujets monolingues).

187
__________________
DISCUSSION
__________________

188
CHAPITRE 10 : DISCUSSION GENERALE

___________________________________________________________________________

10.1 Rappel des hypothèses et des principaux résultats

10.1.1 Les préadolescents de 13 à 15 ans

10.1.2 Les adolescents de 16 à 18 ans

10.1.3 La population adulte de 18 à 60 ans

10.1.4 Les effets protecteurs du bilinguisme chez le sujet âgé

10.2 Discussion

10.3 Biais et limites de la présente thèse

189
CHAPITRE 10 : DISCUSSION GENERALE

Pour rappel, les apports majeurs de ce travail de thèse ont été :

- d‘évaluer de façon systématique des sujets bilingues et monolingues,


- avec le même protocole, dans trois tâches exécutives (Miyake, Friedman & al., 2000)
et dans une tâche de résolution de problèmes complexes pour trois expérimentations
sur quatre,
- dans les modalités langagière et non langagière,
- à différents âges de la vie.

En outre, les sujets bilingues ont été sélectionnés de façon rigoureuse et homogène,
permettant d‘inclure uniquement des bilingues précoces simultanés ou consécutifs, et dont le
niveau de compétence langagière en anglais a été contrôlé.

A notre connaissance, une évaluation aussi systématique n‘a jamais été faite
auparavant.

10.1 Rappel des hypothèses et des principaux résultats

Nous présentons ci-dessous le récapitulatif de l‘ensemble des avantages retrouvés dans


les différentes composantes exécutives pour les quatre expérimentations (tableau 14).

190
Effets de l’âge
13-15 16-18 18-60
ans ans Ans 18-40 41-65
Ans ans
V Avantage
Bilingues
NV Avantage Avantage
FLEXIBILITE
V Avantage
Monolingues
NV

Temps V Avantage

Temps NV Avantage Tendance


Bilingues
Erreurs V Avantage Avantage

Erreurs NV Avantage
INHIBITION
Temps V Avantage

Temps NV
Monolingues
Erreurs V
Erreurs NV Avantage Avantage

V Avantage Avantage
Bilingues
NV Avantage Avantage Avantage
MISE A JOUR
V Avantage
Monolingues
NV
Tableau 14 : Récapitulatif des avantages retrouvés pour l‘ensemble des composantes exécutives pour les
quatre expérimentations

Nous présentons également ci-dessous le récapitulatif de l‘ensemble des prédictions


des trois composantes pour le nombre de coups à la TOH pour les trois dernières
expérimentations (tableau 15).

191
PREDICTION TOH (NOMBRE DE
COUPS)

13-15 ans 16-18 ans 18-60


ans
Verbal
Bilingues
Non-Verbal
FLEXIBILITE
Verbal Significatif
Monolingues
Non-Verbal

Verbal
Bilingues
Non-Verbal
INHIBITION
Verbal Tendance Significatif Significatif
Monolingues
Non-Verbal

Verbal
Bilingues
Non-Verbal
MISE A JOUR
Verbal Tendance Tendance
Monolingues
Non-Verbal
Tableau 15 : Récapitulatif pour l‘ensemble des composantes exécutives prédictives du nombre de coups à
la TOH pour les trois 1ères expériences

10.1.1 Les préadolescents de 13 à 15 ans

En ce qui concerne les préadolescents de 13 à 15 ans, nous pensions observer une


supériorité des sujets bilingues par rapport aux monolingues dans les performances aux
différentes tâches exécutives définies selon le modèle de Miyake, Friedman & al. (2000), et
ceci dans le domaine non-verbal plus particulièrement, comme une partie de la littérature a pu
le démontrer (Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010). Néanmoins, aucune des
comparaisons de moyennes n‘est significative, à savoir que les sujets bilingues ne semblent
pas bénéficier d‘un meilleur fonctionnement exécutif ou d‘un gain quant aux processus de
traitement de l‘information par rapport aux monolingues, en modalité langagière ou non
langagière, du fait de leur bilinguisme.

192
En ce qui concerne notre second objectif, à savoir montrer que les préadolescents
bilingues obtiendraient de meilleurs résultats que leurs pairs monolingues à l‘épreuve de la
TOH (Lucas, 1892) reconnue comme mettant en jeu l‘ensemble des composantes exécutives
que nous explorons (Zook, Davalos & al., 2004), à nouveau, nos résultats n‘ont pas montré de
différence significative pour cette tâche complexe en faveur des bilingues. Les préadolescents
bilingues et monolingues réussissent de manière équivalente lors de la résolution de ce
problème complexe.

Enfin, les analyses de régressions multiples ne montrent pas de différences entre


bilingues et monolingues quant aux types de stratégies mises en œuvre pour résoudre un
problème complexe. En revanche, des tendances (à considérer avec beaucoup de précautions)
sont retrouvées chez les monolingues pour l‘inhibition et la mise à jour en verbal comme
facteurs prédictifs des performances à la TOH. Ces résultats suggèrent donc que les deux
populations pourraient faire appel à des stratégies différentes pour résoudre un problème
complexe.

10.1.2 Les adolescents de 16 à 18 ans

Concernant les adolescents de 16 à 18 ans, les analyses statistiques n‘ont pas non plus
objectivé un gain en faveur des sujets bilingues pour les différentes tâches exécutives ou pour
la TOH (Lucas, 1892) comme nous le pensions, et comme une grande partie de la littérature a
pu néanmoins le démontrer chez des enfants ou des adultes (Moreno, Bialystok & al., 2010,
Bialystok, 2011b ; Festman & Münte, 2012). Ainsi, les adolescents bilingues ne semblent pas
surpasser leurs pairs monolingues.
En revanche, trois éléments ressortent principalement de nos analyses. Le premier est
que nos résultats montrent une interaction entre les facteurs sujet et matériel, à savoir que des
différences de performances aux tâches exécutives (toutes tâches confondues) s‘observent
néanmoins entre bilingues et monolingues en fonction du type de matériel proposé (verbal vs
non-verbal). En l‘occurrence, les bilingues ont un avantage par rapport aux monolingues en
modalité non-verbale, et à l‘inverse, en modalité verbale, ce sont les monolingues qui
réussissent mieux.
Quant au second élément observé, il s‘agit d‘une triple interaction entre les facteurs
matériel, sujet et composante exécutive, à savoir que l‘avantage des monolingues en modalité
langagière et des bilingues en modalité non langagière est maximal pour la composante de
flexibilité particulièrement, et de moindre importance pour les autres composantes exécutives.

193
Le dernier élément est lié aux résultats des analyses de régressions multiples
effectuées entre la tâche de résolution d‘un problème complexe et les différentes composantes
exécutives. Elles avaient pour but de déterminer quelles stratégies étaient préférentiellement
mises en jeu par chacun des deux groupes de sujets. Comme chez les préadolescents, nos
résultats semblent indiquer que les bilingues et les monolingues ne sollicitent pas les mêmes
stratégies. Pour les monolingues, ce sont les capacités inhibitoires verbales qui prédisent le
taux de réussite à la TOH, voire celles de mise à jour aussi (avec une tendance) en modalité
verbale également, alors que pour les bilingues à nouveau, aucune corrélation n‘est
significative.

10.1.3 La population adulte de 18 à 60 ans


Cette expérimentation avait deux objectifs complémentaires. D‘une part, en utilisant le
modèle exécutif de Miyake, Friedman & al. (2000), de préciser les composantes exécutives
sur lesquelles le bilinguisme a un impact chez les adultes, leur permettant notamment un gain
dans le traitement de certaines informations langagières et non langagières, comme une
grande partie de la littérature a pu le souligner (voir Bialystok, 2005, 2007a&b pour revue).
D‘autre part, de comparer les composantes exécutives mises en œuvre par les sujets bilingues
et monolingues pour réaliser la TOH (Lucas, 1892) en utilisant la méthode proposée par
Zook, Davalos & al. (2004).
Nos résultats ont d‘abord démontré une supériorité des sujets bilingues en inhibition et
en mise à jour, comme l‘a par exemple démontré Bialystok dans ses récents travaux, et
particulièrement dans les épreuves impliquant un contrôle exécutif, dans les deux modalités
(2011a), bien que les tâches verbales soient mieux réussies que les tâches non-verbales chez
nos sujets bilingues. De plus, concernant l‘analyse de régressions multiples, nos résultats ont
également montré que pour les sujets monolingues, la flexibilité et l‘inhibition étaient
prédictives des performances à la TOH, alors que pour les bilingues, aucune stratégie
préférentielle n‘est mise en exergue, comme pour nos deux groupes d‘adolescents (13-15 et
16-18 ans).
Ainsi, nos résultats suggèrent un gain exécutif chez les sujets bilingues en
comparaison de leurs pairs monolingues dans les deux modalités, et des différences dans les
stratégies mises en jeu lors de la résolution de problèmes complexes par les deux populations,
monolingues vs bilingues.

194
10.1.4 Les effets protecteurs du bilinguisme chez le sujet âgé

Nous nous attendions ici à ce que les différences de performances entre les deux
populations, à l‘avantage des bilingues, soient majorées par l‘âge, attestant ainsi du rôle
neuro-protecteur du bilinguisme au cours du vieillissement (Bialystok, Craik & al., 2004 ;
2006b, 2007 ; Schweizer, Ware & al., 2012). Nous avions aussi pour but de préciser les
composantes exécutives impliquées dans ce mécanisme de neuro-protection et ce, aussi bien
dans le domaine langagier que non langagier.

Les résultats ont révélé une triple interaction sujet x composante x âge qui souligne
principalement que les sujets âgés bilingues ont de meilleurs scores que les jeunes sujets
bilingues en flexibilité et en mise à jour (modalités verbale et non-verbale), alors que les
sujets monolingues jeunes ont de meilleurs scores que les sujets monolingues âgés pour ces
mêmes composantes exécutives. Par ailleurs, concernant la tâche d‘inhibition en vitesse
d‘exécution, les sujets âgés (bilingues et monolingues) mettent davantage de temps à répondre
que les jeunes sujets, mais cette lenteur est beaucoup plus marquée chez les sujets âgés
monolingues que chez les bilingues âgés.

Une quadruple interaction a également été retrouvée (sujet x matériel x composante


exécutive x âge). Ces résultats indiquent que les performances des sujets bilingues (jeunes et
âgés) sont majorées pour les épreuves de flexibilité et de mise à jour, particulièrement en
verbal. Pour l‘inhibition (en vitesse d‘exécution), les jeunes adultes bilingues et monolingues
sont plus rapides, mais l‘allongement des temps de réponse est plus conséquent chez les sujets
âgés monolingues que chez les bilingues âgés (effet neuro-protecteur), et la dégradation des
performances liée à l‘âge est particulièrement marquée chez les sujets monolingues en
modalité verbale. Enfin pour l‘inhibition, ce sont les sujets âgés bilingues qui commettent plus
d‘erreurs que les monolingues âgés en modalité non-verbale, alors que l‘effet inverse est
observé dans la modalité verbale, les sujets bilingues âgés commettant moins d‘erreurs que les
autres groupes.

Nos résultats ont donc démontré des différences de performances entre sujets bilingues
et monolingues, jeunes et âgés, à l‘avantage des bilingues âgés pour une grande part. Dans
notre expérimentation, les composantes exécutives principalement impliquées sont la
flexibilité et la mise à jour (particulièrement dans la modalité verbale), ainsi que l‘inhibition
(nombre d‘erreurs) en verbal. En inhibition (pour la vitesse d‘exécution), le ralentissement lié

195
à l‘âge est moins marqué chez les sujets âgés bilingues que monolingues. Globalement, les
sujets âgés bilingues semblent donc moins affectés par déclin cognitif lié au vieillissement
retrouvé dans la littérature chez le sujet monolingue (Connor, Piro & al., 2004; Au, Joung &
al., 1995).

10.2 Discussion

Concernant notre première étude portant sur les préadolescents (13-15 ans), plusieurs
hypothèses peuvent expliquer l‘absence d‘un gain en faveur des bilingues pourtant suggéré
par les études de la littérature portant sur des enfants.

En effet, même si le faible nombre de sujets de cette expérimentation (33 au total)


expose au risque Bêta, une première hypothèse à envisager est tout simplement que le
bilinguisme n‘a pas d‘effet à cet âge.

D‘autre part, si nous avons vu que selon certains auteurs, les fonctions exécutives des
adolescents arrivent à maturité vers l‘âge de 16 ans (Anderson, 2002 ; Siegel, 1994), il semble
que nos résultats donnent davantage raison à ceux avançant plutôt un âge de maturation vers
19 ou même 25 ans (Hale, 1997 ; Hartman, Bolton & al., 2001, Siegel, 2005). Ainsi, l‘absence
de résultat significatif indique peut-être tout simplement que les fonctions exécutives
concernées par les tâches proposées ne sont pas arrivées à maturation, et renforcerait donc
l‘idée d‘une maturation exécutive au-delà de cet âge. Néanmoins, certaines études ont montré
des avantages dans certaines tâches exécutives chez des enfants bilingues, ce qui va donc en
partie à l‘encontre de cette hypothèse. Une explication possible est que, comme nous l‘avons
vu, l‘adolescence soit une période de changements biologiques et comportementaux
substantielle (Giedd, 2008). Une des grandes idées dégagées par cet auteur suite à son analyse
de l‘ensemble des études de neuro-imagerie portant sur les enfants et les adolescents, est
qu‘on observe un pattern général de pics dans l‘enfance suivi par un déclin à l‘adolescence du
fait des bouleversements liés à cette tranche d‘âge. Notamment, l‘auteur avance l‘idée d‘un
changement d‘équilibre entre des réseaux de neurones en compétition du fait qu‘à cet âge, les
différents systèmes cognitifs et émotionnels maturent chacun à leur vitesse. Ces éléments sont
confirmés par Steinberg (2005) selon lequel à l‘adolescence, un processus de coordination
cérébral s‘effectue. Pour cet auteur, cette période de la vie serait particulièrement compliquée
ou sensible, voire même critique du fait de la réorganisation des systèmes de régulation, à la
fois d‘un point de vue émotionnel mais aussi cognitif, et particulièrement exécutif : « a period

196
of great activity with respect to changes in brain structure and function […] in the particular
brain regions and systems that are key to the regulation of behavior and emotion […] that are
crucial to executive functioning ». Ainsi, ces nombreuses modifications cérébrales intéressant
le cortex préfrontal ou les régions frontales joueraient un rôle sur les émotions et le
comportement (amygdale en maturation, etc.), mais aussi sur les performances cognitives et
exécutives, peut-être au point d‘observer une régression des capacités cognitives générales
des adolescents. Nous pourrions suggérer que chez les adolescents bilingues plus
particulièrement, l‘impact serait d‘autant plus important du fait de la charge cognitive
supplémentaire engendrée par la deuxième langue, rendant ainsi la réorganisation cérébrale
plus difficile ou plus lente, et ne permettant pas aux sujets concernés d‘obtenir de meilleurs
performances que leurs pairs monolingues, en comparaison des enfants ou des adultes
bilingues comme la littérature le retrouve.

En ce qui concerne les analyses effectuées par le biais de régressions multiples, les
résultats obtenus en comparant indépendamment les deux groupes font ressortir des
différences sur les stratégies mises en jeu. Les monolingues semblent mettre en œuvre des
composantes verbales (inhibition et mise à jour respectivement avec une tendance), alors que
chez les sujets bilingues, aucune composante n‘apparaît significative pour expliquer les
performances à la TOH (Lucas, 1892). Contrairement à l‘étude de Zook, Davalos & al.
(2004), nous n‘avons pas obtenu d‘implication significative de la flexibilité dans la résolution
de cette tâche complexe chez les monolingues. Cette différence peut être due soit à l‘âge des
sujets (les sujets de notre expérience étant plus jeunes que ceux des auteurs), soit aux
épreuves de flexibilité utilisées qui diffèrent dans les deux études. Néanmoins, même si
l‘échantillonnage restreint de sujets (et le fait qu‘il s‘agisse de tendances) nous oblige à
considérer ces résultats avec précaution, nos résultats semblent indiquer que les
préadolescents bilingues n‘utilisent pas les mêmes stratégies cognitives que les monolingues
pour traiter une information complexe.

Concernant l‘expérimentation portant sur les adolescents de 16-18 ans, les résultats
obtenus mettent en exergue l‘importance du type de matériel dans les différences de
fonctionnement exécutif observées entre les adolescents bilingues et monolingues
(Kharkhurin, 2010 ; Luk, Anderson & al., 2010 ; Bialystok, 2011b). Ceci signifie que les
différences entre monolingues et bilingues lors des différentes tâches exécutives sont
influencées par le type de matériel proposé en interaction avec la composante exécutive mise
197
en jeu (flexibilité). La triple interaction retrouvée renforce l‘idée selon laquelle la fonction de
« switching » est bien au cœur du contrôle langagier chez les bilingues (Kutsuki, 2006 ;
Garbin, Costa & al., 2011 et Festman & Münte, 2012) puisqu‘elle implique cette composante
exécutive de manière prépondérante. Ainsi, nos résultats permettent d‘avancer l‘hypothèse
selon laquelle le gain engendré par l‘entraînement à cette fonction de « switching », ou aux
composantes exécutives décrites par Miyake, Friedman & al. (2000) chez les bilingues
(Bialystok, Craik & al., 2006a), s‘exprime préférentiellement en modalité non-verbale, à
l‘adolescence, et ce sur la composante de flexibilité en particulier. Il est intéressant de
remarquer que l‘impact du bilinguisme dépasse le cadre du langage en portant sur du matériel
non-verbal chez ces adolescents, modalité sur laquelle la revue de la littérature semble assez
unanime pour l‘ensemble de la population bilingue (Bialystok, 2011a).
Pour ce qui est des sujets bilingues de notre expérience, on pourrait en effet penser que
l‘adolescence apparaît non seulement comme une phase développementale charnière, mais
aussi comme une période transitoire dans le développement exécutif. On pourrait imaginer
que la supériorité exécutive dans les deux modalités retrouvée chez les enfants (Bialystok,
1988, 1991, 2004, 2010, 2011b ; Baker, 1988 ; Ricciardelli, 1992 ; Edwards &
Christophersen, 1988 ; Yelland, Pollard & al., 1993 ; Bialystok & Barac, 2012), s‘estomperait
un peu à l‘adolescence pour privilégier la modalité non-verbale, avant finalement que les deux
ne s‘expriment de nouveau à l‘âge adulte, comme on le retrouve d‘ailleurs dans nos deux
dernières expérimentations.
L‘hypothèse qu‘à l‘adolescence l‘impact du bilinguisme n‘est pas encore optimal,
mais plutôt en pleine évolution, est donc émise.

Cette hypothèse est renforcée par les différentes stratégies mises en œuvre lors de la
réalisation de la TOH (Lucas, 1892). En effet, nous avons remarqué une différence
significative entre adolescents monolingues et bilingues, comme chez les préadolescents
(tendance), quant à la manière dont chaque population traite les informations complexes. Il
semble que les monolingues fassent principalement appel à l‘inhibition, et à la mise à jour
dans une moindre mesure (tendance), dans la modalité verbale, alors qu‘aucune corrélation
n‘est retrouvée chez les bilingues de nouveau. Ainsi, l‘hypothèse selon laquelle les sujets
bilingues n‘utilisent pas les mêmes processus cognitifs ou exécutifs que les monolingues pour
traiter une information complexe est là encore vérifiée.

198
Ces résultats obtenus chez les 16-18 ans confirment ceux des préadolescents (13-15
ans), ainsi qu‘une partie des relations mises en évidence par Zook, Davalos & al. (2004) chez
des étudiants monolingues. Chez tous les adolescents monolingues de 13 à 18 ans, la mise à
jour et surtout l‘inhibition (en modalité langagière) sont impliquées dans les performances à la
TOH. Comme nous l‘avons évoqué, outre le fait que l‘ensemble de nos sujets soient plus
jeunes que ceux de l‘expérience de Zook, Davalos & al. (2004), une explication possible
quant à l‘absence de corrélation pour la flexibilité est que nous n‘avons pas utilisé exactement
les mêmes tâches pour évaluer cette composante. Ceci étant, non seulement des différences de
stratégies apparaissent chez nos bilingues et nos monolingues, mais de plus, nous observons
une évolution ou une progression puisque chez les préadolescents, les corrélations retrouvées
s‘exprimaient sous forme d‘une tendance, alors que chez les adolescents, les capacités
d‘inhibition sont impliquées de façon significative. Nos résultats vont donc dans le sens d‘une
hypothèse de période transitoire dans le développement cognitif et exécutif des sujets à
l‘adolescence.

En ce qui concerne l‘absence de corrélation chez les bilingues, il est possible que cette
phase de développement particulière soit encore plus perturbée du fait de ce bilinguisme
comme nous l‘avons suggéré pour les préadolescents, ne permettant pas l‘objectivation d‘une
quelconque corrélation. Une autre hypothèse, renforcée par les résultats obtenus chez les
adultes de la troisième expérimentation, serait que, du fait de leur bilinguisme, les sujets
bilingues mobilisent l‘ensemble du système de contrôle exécutif comme suggéré par
Bialystok (2011a), sans privilégier une composante en particulier.

Pour ce qui concerne la troisième étude portant sur les adultes de 18 à 60 ans, les
sujets bilingues ont donc obtenu de meilleurs scores que les monolingues aux épreuves
évaluant l‘inhibition et la mise à jour, et ce particulièrement en modalité verbale, ce qui
corrobore de nombreux travaux dans le domaine (voir Bialystok, 2007a&b pour revue).

Concernant la composante de l‘inhibition, nous avons d‘une part suggéré que ces
résultats étaient cohérents avec la littérature qui avance que les sujets bilingues activent leurs
deux langues en permanence (Beauvillain & Grainger, 1987; Colomé, 2001; Costa, 2005; De
Groot, Delmaar & al., 2000; Green, 1998), même quand la seconde n‘est pas directement
sollicitée. La composante inhibitoire pourrait s‘en trouver renforcée (plus entraînée du fait du

199
bilinguisme), alors qu‘elle semble être la plus touchée et de façon précoce, chez le sujet
monolingue (Daigneault & Braun, 1993 ; Wecker, Kramer & al., 2000 ; Andres & Van der
Linden, 2000 ; Hasher, Stoltzfus & al., 1991). Ceci donnerait aux sujets bilingues un avantage
en termes de rapidité dans les tâches sollicitant cette composante, comme Bialystok, Craik &
al. (2004, 2006b) l‘ont démontré dans deux études utilisant des tâches évaluant l‘inhibition.
D‘autre part, sachant que la tâche du Go/noGo fait appel à l‘attention sélective, nous avons
fait l‘hypothèse que l‘attention sélective pouvait être plus efficiente chez les sujets bilingues,
ce qui renforcerait les performances dans les épreuves sollicitant la composante d‘inhibition,
ce qu‘ont également démontré les auteurs sus-cités dans leurs deux études.

Concernant la mise à jour, nous avons émis l‘hypothèse que les sujets bilingues
obtenaient également de meilleurs scores parce que cette composante était davantage
entraînée ou que de manière générale, les sujets bilingues s‘appuyaient davantage sur leurs
ressources en mémoire de travail, comme on a pu l‘observer dans des tâches de récupération
de mots (Kaushanskaya & al., 2011).

Enfin, concernant les stratégies utilisées par nos deux groupes de sujets pour réaliser la
TOH (Lucas, 1892), nos résultats indiquent de nouveau une absence de corrélation chez les
sujets bilingues, comme dans nos deux expérimentations précédentes. Ceci nous conforte dans
l‘idée que les sujets bilingues sollicitent probablement l‘ensemble de leur fonctionnement
exécutif (Bialystok, 2011a), ce qui ne permettait pas d‘isoler une composante particulière
pour prédire leurs performances à la TOH.

Pour finir, les résultats obtenus dans notre dernière expérience corroborent nos
objectifs de départ en faveur des sujets âgés bilingues pour la flexibilité et la mise à jour dans
les deux modalités (mais surtout en verbal), pour l‘inhibition en modalité verbale (nombre
d‘erreurs), ainsi qu‘une dégradation moins importante avec l‘âge pour la vitesse d‘exécution
(verbal et non-verbal).

Ces résultats vérifient pour une bonne part l‘hypothèse d‘un effet neuro-protecteur
retrouvé chez les sujets bilingues âgés (Bialystok, 2012). En effet, en référence à l‘hypothèse
fronto-exécutive du vieillissement abordée au chapitre 4 qui met en avant un déclin avec l‘âge
des traitements stratégiques dits exécutifs (Van der Linden, Brédart & al., 1994 ; Sorel &

200
Pennequin, 2008 ; Baddeley, 1986 ; Hasher, Stoltzfus & al., 1988-97 ; Grant & Berg, 1948 ;
Wecker, Kramer & al., 2000), les résultats obtenus semblent indiquer que nos sujets âgés
bilingues ne sont pas autant affectés par ce déclin cognitif lié au vieillissement. Plusieurs
auteurs tels que Bialystok, Craik & al. (2004, 2006b) suggèrent que chez ces sujets, la
détérioration des fonctions exécutives est de moindre importance ou de moindre intensité que
chez le sujet monolingue vieillissant, et notamment pour les fonctions de la triade définie par
Miyake, Friedman & al. (2000), ce que nos résultats semblent confirmer pour une bonne part.
Nous suggérons donc que l‘entraînement constant des fonctions exécutives chez le bilingue,
du fait du « switching » notamment, optimise le fonctionnement exécutif des âgés, leur
permettant d‘obtenir de meilleurs résultats que les sujets âgés monolingues.

Concernant les capacités en vitesse de traitement pour la composante de l‘inhibition,


bien que nos résultats soient en faveur des jeunes sujets bilingues, et même des jeunes sujets
monolingues, il n‘en demeure pas moins que le ralentissement est de moindre importance
chez les sujets bilingues âgés comparativement à leurs pairs monolingues, ce que nous
retrouvons également dans la littérature (Craik & al., 2006).

En effet, non seulement les sujets bilingues âgés commettent moins d‘erreurs que les
autres groupes dans cette tâche, mais en plus, ils sont plus rapides que les âgés monolingues.
Nous avons suggéré que l‘avantage retrouvé chez ces sujets bilingues âgés reposait sur de
meilleures prédispositions neurobiologiques en référence à l‘étude en neuro-imagerie de Luk,
Bialystok & al. (2011). L‘idée avancée par ces auteurs est que la pratique de plus d‘une
langue tout au long de la vie a des conséquences sur l‘intégrité de la substance blanche et de
ses connexions avec les différentes régions cérébrales chez le sujet bilingue. Ils font état d‘une
meilleure préservation et d‘une meilleure distribution cérébrale de la substance blanche. Cette
meilleure prédisposition serait liée à un monitoring plus performant des capacités
attentionnelles du fait de la gestion de deux langues en permanence. Le recrutement constant
de ce mécanisme entrainerait une détérioration cognitive moins rapide ou moins intense que
chez les monolingues. Cette hypothèse pourrait donc expliquer les avantages retrouvés chez
les bilingues âgés de notre expérience.

En conclusion, nous pouvons supposer que facteurs biologiques et expériences


environnementales interagissent chez le sujet bilingue âgé afin de déterminer les issues
cognitives (Bialystok, 2012). L‘hypothèse du bilinguisme comme réserve cognitive s‘en
trouve ainsi également renforcée (Schweizer, Ware & al., 2012 ; Gollan, Salmon & al., 2012).
201
10.3 Les biais et limites de la présente étude

Une première difficulté a été de trouver une population bilingue précoce à tous les
âges de la vie, ce qui n‘a pas forcément permis d‘avoir une cohorte de sujets plus importante,
les migrations de populations n‘étant somme toute qu‘assez récentes avec l‘ouverture des
frontières, et particulièrement pour les sujets âgés.

Concernant les préadolescents plus particulièrement, la cohorte de sujets est assez


faible avec seulement 33 sujets au total, ce qui peut être une piste permettant d‘expliquer le
peu de résultats obtenus.

Par ailleurs, il a été assez difficile de trouver une population homogène par rapport au
niveau intellectuel. La quasi-totalité des participants bilingues a en effet obtenu un score au
quotient intellectuel supérieur à la moyenne (> 114). Une explication possible serait que le
bilinguisme a été un challenge pour eux et qu‘ils ont le cas échéant, davantage mobilisé leurs
ressources cognitives. Cette double culture leur a offert une plus grande ouverture sur le
monde et ainsi, a favorisé un meilleur niveau intellectuel global. Les sujets monolingues ayant
été ensuite appariés à ces sujets bilingues, l‘échantillon global n‘est composé que de sujets
d‘assez haut niveau intellectuel. Celui-ci leur a peut-être permis de faire appel à d‘autres
stratégies pour résoudre les différentes tâches proposées dans notre protocole.

Un autre point réside dans le choix de la TOH (Lucas, 1892) et l‘absence de résultats
significatifs pour cette épreuve, quelle que soit la tranche d‘âge évaluée. Une explication
possible serait qu‘elle mette en œuvre des composantes que nous n‘avons pas prises en
compte dans nos variables explicatives (Guevara, Rizo-Martínez, 2012 ; Gnys & Willis,
1991 ; Bull, Espy & al., 2004 ; Festman & Münte, 2012).

202
CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Ce travail nous a permis de recueillir des données sur le fonctionnement exécutif des
sujets bilingues à différents âges de la vie, et de percevoir toute la complexité de ce problème.
En effet, en l‘étudiant de façon systématique avec un protocole identique, tenant compte de
chaque composante exécutive et des deux modalités, verbale et non-verbale, chez des sujets
dont le niveau de bilinguisme est bien précisé, nous n‘avons pas pu mettre en évidence un
fonctionnement exécutif spécifique des bilingues qui serait constant tout au long de la vie.

Les résultats et analyses statistiques nous amènent à penser que chez les sujets
bilingues, le réseau de contrôle semble plus holistique que la conceptualisation fondée sur des
composantes essentiellement individuelles dans leur fonctionnement (Gollan, Montoya & al.,
2008). Il serait aujourd‘hui certainement plus pertinent de considérer l‘effet bilingue ou
l‘avantage des bilingues en termes de meilleures capacités de contrôle exécutif, à savoir que
c‘est le fonctionnement exécutif dans sa globalité qui est mis en jeu de façon différente chez
les bilingues en réponse à la réorganisation cérébrale nécessitée par l‘expérience linguistique
du bilinguisme. Cette vision permettrait notamment d‘expliquer l‘absence de consensus dans
la littérature sur cet effet bilingue et sur les mécanismes engagés.

En effet, la variabilité des performances obtenues par l‘ensemble de nos sujets


bilingues d‘une composante à l‘autre, d‘une modalité à l‘autre et d‘un âge de la vie à un autre,
ainsi que l‘ensemble des études portant sur le bilinguisme, empêche de tirer des conclusions
générales, et oblige à considérer l‘ensemble des travaux dans ce domaine avec prudence.

Chez les enfants, il est par exemple tout-à-fait possible que des biais de sélection avec
inclusion de jeunes bilingues dont l‘âge d‘acquisition et le niveau de bilinguisme n‘ont pas été
contrôlés assez rigoureusement, et l‘usage de paradigmes ne mettant pas en jeu les trois
composantes exécutives dans des tâches verbales et non-verbales, aient conduit à des résultats
non généralisables, partiels et/ou contradictoires. Dans ce cadre, une perspective intéressante
serait par exemple d‘effectuer des études adoptant les précautions méthodologiques que nous
avons choisies, notamment sur les critères de sélection des bilingues. Des études prospectives
longitudinales de type suivi de cohorte de jeunes bilingues précoces, strictement appariés à
des pairs monolingues, évalués par exemple tous les 3 à 5 ans dans des tâches exécutives
verbales et non-verbales, devraient permettre de vraiment savoir à quel âge le processus de
« switching » d‘une langue à l‘autre devient mature par exemple, et s‘accompagne d‘un
avantage stable en flexibilité comme retrouvé chez les adolescents de 16-18 ans. Des études

203
en neuro-imagerie fonctionnelle pourraient permettre de mieux cerner les différences de
fonctionnement cognitif chez ces sujets. Notamment, elles pourraient permettre de
comprendre pourquoi leur fonctionnement exécutif parait plus global que celui des
monolingues dans la résolution de problèmes nouveaux et complexes, en montrant peut-être
par exemple le recrutement de réseaux de neurones plus diffus, ou différemment associés au
cortex frontal dorso-latéral. L‘utilisation d‘autres tâches que la TOH (Lucas, 1892) comme
variable à prédire ou d‘autres composantes comme variable prédictive permettraient peut-être
également de mieux appréhender les différences de stratégies entre les deux populations
(bilingues et monolingues).

Par ailleurs, la stricte comparaison de tâches verbales et non-verbales tenant compte


simultanément de tous les paramètres : complexité, durée, structure phonologique, taille du
lexique, charge en mémoire de travail, spatialité des stimuli non-verbaux, etc. devrait
permettre d‘avancer des hypothèses sur l‘avantage des bilingues dans les deux modalités,
voire même de mieux comprendre ce passage d‘une modalité à une autre au cours du
développement, et d‘expliquer les résultats divergents de la littérature à ce sujet.

De plus, dans la mesure où l‘avantage des sujets bilingues adultes et âgés s‘exprime
autant dans les tâches verbales que non-verbales, si ce n‘est plus en verbal dans nos
expériences, contrairement à ce que la littérature avance, ce sont ici encore des études de
neuro-imagerie fonctionnelle qui devraient permettre de savoir s‘il s‘agit bien d‘un contrôle
général du système s‘appliquant à tous les domaines, ou d‘un transfert de compétences du
domaine verbal vers le non-verbal : dans quelles conditions le contrôle linguistique et non
linguistique est-il partagé chez les sujets bilingues, et existe-t-il un recrutement de la totalité
de leur système de contrôle exécutif lorsqu‘ils traitent des informations ? D‘autres études
auront à considérer dans quelle mesure le bilinguisme influence certaines capacités cognitives
générales en relation avec le fonctionnement exécutif, telles que les cognitions sociales ou la
Théorie de l‘Esprit, ou les compétences pragmatiques de la communication telles que la
gestion de l‘implicite ou des métaphores. Une étude sur le sujet est déjà en cours avec des
étudiantes en orthophonie.

La compréhension du fonctionnement exécutif des sujets bilingues aura aussi à


bénéficier, et à tenir compte, des enseignements de la pathologie. Une des premières
perspectives sera de savoir si la présence d‘une lésion cérébrale hémisphérique unilatérale
modifie l‘avantage de l‘une ou l‘autre composante exécutive pour le matériel verbal (qu‘on

204
suppose vulnérable aux lésions gauches) ou non-verbal (qu‘on suppose moins vulnérable aux
lésions unilatérales, ou vulnérable aux lésions droites, surtout postérieures). Ensuite, l‘étude
de sujets bilingues victimes de lésions gauches devrait renseigner sur l‘influence ou non de la
proximité des codes phonologiques des deux langues sur le traitement verbal. Nous avons un
projet d‘étude de sujets bilingues français-créole sains et cérébro-lésés dans ce domaine.

Une autre application de nos travaux et résultats concerne la rééducation des déficits
langagiers. Dans la mesure où le bilinguisme concerne de plus en plus de personnes, il
apparaît important et évident de mieux cerner cette population et son mode de fonctionnement
cérébral général. En effet, si les sujets bilingues ne traitent pas l‘information de la même
manière que les sujets monolingues, alors ils ne peuvent et ne doivent en cas de pathologie,
être évalués et rééduqués de la même manière que leurs pairs monolingues.

En conclusion, le bilinguisme est un phénomène en pleine expansion dans nos


sociétés, et le fonctionnement exécutif des sujets bilingues suscite fortement l‘intérêt des
chercheurs depuis quelques années. L‘enjeu est de mieux comprendre les liens
qu‘entretiennent bilinguisme et fonctionnement exécutif et d‘en préciser le développement et
l‘impact tout au long de la vie. Nous rappellerons pour finir la sage réflexion de Bialystok
(2011a, 2012) : toute expérience laisse sa marque, modifie la manière dont on répond à une
situation similaire dans le futur, crée une connaissance ou un certain degré d‘expertise dans
des domaines spécifiques, une modification que l‘on appelle « apprentissage » et qui change
notre cerveau. L‘expérience a donc un potentiel considérable pour expliquer la façon dont les
capacités cognitives basiques se développent, fonctionnent et changent au travers d‘une vie.
L‘effet du bilinguisme sur les performances cognitives est un exemple frappant de la manière
dont une expérience ordinaire se développe et vient modifier les réseaux cognitifs et les
habilités cognitives. Les bilingues qui ont participé à toutes ces études ne sont pas devenus
bilingues grâce à un talent antérieur, mais parce que des circonstances de vie les y ont
amenés. Leurs vies incluaient deux langues, et leurs systèmes cognitifs ont de ce fait évolué
différemment de ceux des monolingues.

L‘ensemble des travaux sur le bilinguisme offre une preuve incontournable de la


plasticité des systèmes cognitifs en réponse à l‘expérience. La première et principale
conclusion empirique de l‘effet du bilinguisme sur la cognition repose sur les preuves d‘un
contrôle exécutif général renforcé chez les sujets bilingues, et ce, à tous les stades de la vie. Il

205
est en effet possible que les circuits de contrôle exécutif qui ont dû apporter leur attention aux
deux langues se soient intégrés aux circuits utilisés lors du traitement du langage, créant ainsi
un réseau à la fois plus diffus, plus bilatéral et plus efficace capable de gérer des niveaux de
performance plus élevés. Comme le précise Bialystok (2011a), le mécanisme remarqué par
Hebb en 1949 pourrait voir tout sons sens ici révélé: « Cells that fire together, wire together ».

Nous espérons que notre thèse aura pu modestement contribuer à éclairer ces
phénomènes complexes.

206
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227
ANNEXES
_____________________________________________

228
ANNEXES CHAPITRE 3
_____________________________________________

Annexe 1 : Article publié dans Rééducation Orthophonique : Bilinguisme et


fonctions exécutives : les avantages cognitifs du bilingue. Mars 2013, n° 253.

229
230
231
232
233
234
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249
250
251
252
253
254
255
256
257
258
ANNEXES CHAPITRE 5
_____________________________________________

Annexe 1 : Scène des « Cookies » du BDAE (Goodglass, Kaplan & al., 2000)

259
ANNEXES CHAPITRE 6
_____________________________________________

Annexe 1 : Autorisation parentale.


Emmanuelle ALARY
Raphaëlle MARTIN

PASSATION ANONYME DE TESTS

DANS LE CADRE D‘UN MÉMOIRE D‘ORTHOPHONIE SUR LE BILINGUISME

Encadré par Madame C. DANA-GORDON, et le Pr J-M MAZAUX

DEMANDE D’AUTORISATION PARENTALE

Madame, Monsieur ..............................................................................................

☐Autorise(nt) mon enfant ..................................................................................

A participer de façon anonyme à la passation de tests dans le cadre d‘un mémoire d‘orthophonie sur
les liens entre bilinguisme et fonctions exécutives.

☐refuse(nt) que mon enfant participe à ces tests.

Fait à ............................................ le .....................................................

Signature des parents :

260
Annexe 2 : Questionnaire autour du bilinguisme pour les préadolescents
bilingues.

QUESTIONNAIRE AUTOUR DU BILINGUISME


NOM ET PRENOM DE
L’ENFANT

Langue maternelle de la mère Langue maternelle du père

(Placer une croix dans la case choisie)


Début de l’apprentissage du français REPONSE Début de l’apprentissage de l’anglais REPONSE
(X) (X)
Dès la naissance Dès la naissance
Avant l‘âge de 3 ans Avant l‘âge de 3 ans
Avant l‘âge de 5 ans Avant l‘âge de 5 ans
Après l‘âge de 5 ans Après l‘âge de 5 ans

L’évaluation de l’acquisition du bilinguisme de votre enfant est cotée de 1 à 7.

1 = votre enfant ne parlait que Le français


4 = votre enfant parlait autant le français que l‘anglais
7 = votre enfant ne parlait que l’anglais
Les autres chiffres permettent de nuancer vos réponses.

1 2 3 4 5 6 7

Evaluatiuon de l’acquisition du bilinguisme de votre enfant Réponse (N°


…)
AVANT L’ECOLE PRIMAIRE
A la maison
A l‘école
Lors des activités, avec les amis
DURANT L’ECOLE PRIMAIRE
A la maison
A l‘école
Lors des activités, avec les amis
DES LE SECONDAIRE (COLLEGE,LYCEE)
A la maison
A l‘école
Lors des activités, avec les amis

Evaluation du niveau du bilinguisme de votre enfant (placer une croix dans la case choisie) :

EXPRESSION REPONSE COMPREHENSION REPONSE


(X) (X)
Très peu d‘aisance dans les deux langues Très peu d‘aisance dans les deux langues
Moyenne aisance dans les deux langues Moyenne aisance dans les deux langues
Aisance dans les deux langues Aisance dans les deux langues
Très à l‘aise dans les deux langues Très à l‘aise dans les deux langues

261
Annexe 3 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites des
préadolescents.
Sujet n° 201

So there‘s a mother and two kids. The mother is doing the dishes and water going on
the ground, spilling. And… one of the kids, the boy, is trying to get some cookies but he‘s
standing on a stool and the stool is falling. His younger sister is laughing at him.

Outside the window, we can see a bush and another house with a window, some trees
and a little road.

The mother is wearing an apron, she has short hair and bangs. The little girl has a short
skirt and shoes and socks and a tee-shirt, and she has medium long hair. The boy is wearing
shoes with socks and shorts and a tee-shirt and has normal boy hair.

The water is spilling on the ground, the mother is walking on the water with her high-
heel shoes and doesn‘t seem to care about it, because the water left on in the faucet in the
sink.

And on the kitchen table there‘s a plate and a two cups and the mother‘s drying a
plate.

Up in the cabinet where the boy is trying to get the cakes, I mean the cookies, there are
other objects, and he already has one cookie in his left hand and trying to get other ones with
his left hand…

There are curtains on the window and the family is just in a part of the kitchen with
another cabinets on the floor.

Sujet n° 202

So it‘s a mother and two children in a house. The mother is washing the dishes but she
has too much water in the sink and it‘s spilling out.

The children are stealing cookies from a Tupperware and the boy is falling over the
stool and the girl is laughing at him.

And outside you can see a house and a bush that looks a bit like an atomic explosion!

On the counter there‘s … two dirty cups of coffee I think and outside you can see
another house, a lawn and some trees… and that‘s about it.

It looks like people have bowl haircuts, like the sixties or something. And…. The boy
has a kinda happy expression on his face….

262
Sujet n° 203

So on this picturE we can see a lady… We can suppose it‘s the mother with her two
children, a boy and a girl.

So the mother is washing dishes but she‘s not looking at the plate she‘s drying off with
the towel, she‘s lookIng outside… So we can see that the water is running out of the faucet
and landing on the floor.

On the left we can see her children. The boy is standing on a stool reaching the
cupboard for the cookies and his sister is standing up, putting her arm up as if she‘s waiting
for him to give her a cookie but you can see that the boy standing on the stool may be about to
fall because his stool is … not stable.

So the mother is not paying attention to her children, she‘s looking outside through the
window. So we can see a house and a… it‘s daytime.

Sujet n° 204

Its‘ a drawing of a mother who is cleaning the dishes while her children are stealing
cakes from a tin. You can see that the water from the sink is going over and it‘s pouring onto
the floor. The whole kitchen is clean, except for a few clean dishes on the side.

You can see out the window a view of another house and some trees. The curtains are
covering half of the view and the windows are split into four.

The boy who is climbing up to get the cakes and passing them down to his sister, is
almost falling off the chair. It seems unstable.

They are both well dressed. It looks like summer because everyone is wearing light
clothes. The girl is eating and the boy is passing cakes down. She has socks and sandals on
along with a skirt and a tee-shirt. He has shoes and socks on with shorts and a polo and the
mother is wearing a skirt and a tee-shirt and high-heels.

Sujet n° 205

This is the picture of a distracted mother staring out the window at the scenery of a
house with a bush front of it and a window with its shutters opened with a path by the side
and what appears to be grass. The curtains above the window from which she is looking out
are opened and we clearly see that she is distracted as the water is pouring over the sink that
she is washing the dishes over and her children behind her a playing on a stool which is
clearly unstable, taking cakes out of the cupboard.

It is clearly a dangerous situation as the little girl who is standing on the floor is
watching the little boy in a stool which is about to topple over.

The woman is wearing a white sleeveless tee-shirt and a black skirt and an apron.
She‘s wearing high-heels shoes which have been wet by the water flowing over from the sink.

263
Her children, the girl on the floor, is a young girl, wearing a short skirt, sandals with
socks and a white tee-shirt. Her little boy is wearing shoes with high socks, shorts and a white
shirt.

The woman is doing the washing… She appears to be in the kitchen as there are dirty
dishes on the side and she is washing up the plate and also because there is food in the
cupboard.

Sujet n° 208

It‘s a boy and his sister with his mother. She‘s doing the dishes and the boy is trying to
get biscuits for his sister.

The water is spilling. The boy is balancing on a chair.

You can look out the window, there‘s a house and you can see some trees.

They‘re obviously in the kitchen. The water‘s spilling out of the sink. The mother‘s
drying a plate.

The boy‘s in shorts and a tee-shirt. The girl‘s got a tee-shirt and sandal shoes.

So… The boy‘s trying to get some biscuits in the cupboard…

Sujet n° 225

So there‘s a woman washing dishes, a little boy on a stool taking cookies and his
sister…his giving down to his sister. The stool that he‘s standing on is falling.

The sink is overflowing… There‘s one plate, two mugs and the woman‘s holding
another plate…

Outside the window we can see another house with a walkway and trees and bushes.

The mum is wearing an apron, an skirt and a tank-top. The little girl is wearing a skirt
and a tee-shirt and she has hearings and the boy has shorts, a shirt and short hair.

The mum is stepping in the water… the mum doesn‘t the kids taking the cookies and
she doesn‘t see the water dripping of the sink… and on the window there are curtains…

Sujet n° 226

So there‘s a mother that‘s washing dishes and the water is over flowing out of the sink
and the faucet is open.

The kids are stepping on a stool trying to eat the cookies and the stool is falling over.
The cabin door‘s opened on the cookies.

The mother is tall, she has a black dress with an white apron and a white shirt.

264
[…] There are two coffee mugs, there‘s one little plate and she‘s washing the other
plate. There‘s a washcloth or a […] metric or something. She‘s wearing low heel shoes and
the children, the boy has pretty short hair, like the mum, has a short-sleeve shirt, has shorts,
socks and a pair of sneakers. His sister has a short skirt, a tee-shirt, long hair, socks and shoes.

The boy is taking the cookies, the girl is eating the cookie.

We can see… in the window in the background, you can see bushes, you can see trees
and you can see another house with another window.

You can see that the mother does not pay attention to the water running or the kids
taking the cookie.

There are two bottles in the cabinet, it‘s open. We can‘t see any details of the floor or
the …[…].

Sujet n° 227

So this is a kitchen. There are three people here, a boy, a girl, a mother.

The mother is washing up, she‘s holding a cloth in her hand and she‘s drying a plate.
She forgot to turn the tap off and the water is leaking on the floor….[…] high heel shoes.

On the side next to her there‘s a plate. She‘s wearing a black skirt […] … shorts and
tee-shirt …. short hair. And then there‘s the girl who‘s wearing a skirt and white tee-shirt and
she has hair down her shoulders and she‘s eating a biscuit.

And the boy is on a stool which is about to fall over and he‘s got shoes too, shorts and
a tee-shirt and his stealing biscuits from a cupboard… [...].

[…] five cupboards at the bottom.

And there‘s a window which is half covered by curtains and from that window you
can see a house with a window… […], a hedge, a pathway and two bushes and a tree.

Sujet n° 228

So it seems like this is happening in a kitchen. There‘s a woman doing the dishes and
two children and they must be from the same family.

So she is doing the dishes but at the same time there is water which is running out of
the sink and it‘s… she‘s walking in it and she doesn‘t seem like she notices it… and at the
same time, her son or the child which is there, is trying to get some cookies from a cupboard
which she opened, and there are several things in it, and a box with some biscuits in it, and
it‘s marked ―biscuits‖ and he‘s trying to get one, and his on a stool, but the stool is going
sideways and eventually he will fall and he looks like his going to, but his mother is not
looking and his sister apparently, or his friend, is looking at him with something on her face…
maybe she‘s already eating a cookie or maybe she‘s asking for something else but she looks
like she‘s smiling.

265
She‘s wearing a tee-shirt and a short skirt and some little shoes and her brother is
wearing shorts too and a nice tee-shirt and…

So there are a few cupboards in the kitchen…. Five and two up there and there are
some mugs and some plates… and the woman is wearing a black skirt with an apron and a
tee-shirt, and she has short blond hair as her children do. It looks like she has some stocking
because she has some reflection on her thighs and she has nice shoes too…

And she is looking into nothing, into the infinite space and washing off, drying a plate
with a colorful piece of cloth. And… by the window with some drapes we can see there is
another house with another window and with other drapes inside, and there‘s a bush in front
and there‘s an alley and ….

Sujet n° 229

Okay…, so in the kitchen, there‘s a girl and a boy and probably the mother washing
up.

The boy‘s on a stool and his maybe going to fall off.

Outside there‘s a garden and a… another. The water is ….There‘s too much water in
the sink so it‘s dripping all over the place. And there‘s… two cups. The mother‘s washing a
plate and the boy is getting biscuits for his sister and him. I don‘t think the mother knows.

The little girl is wearing a skirt and the little boy a pair of shorts.

Sujet n° 233

So it‘s in a kitchen… A woman is washing a … plates, children are playing in the


kitchen. The boy is getting a box of… is getting cookies from a box in the cupboard.

Outside there‘s a house and … a tree.

The boy is about to fall off the stool he‘s standing on. The sink is overflowing with
water. The mum is washing her plates. The girl is laughing at her brother because he‘s about
to fall off.

Outside, there‘s a path and the neighbor‘s window‘s opened.

The mum has short hair, the girl has long hair and the boy quite short and they‘re all
wearing shoes and….there‘s a plate and two cups on the side.

Sujet n° 234

A tall woman is washing the dishes and she‘s wearing a dress with heels and medium
long hair.

There‘s a child on a stool that… and he‘s stealing cookies.

The water in the sink is overflowing.

266
There‘s a little girl with the little boy. She wants some cookies as well.

Sujet n° 235

So I think this is a family represented. There‘s a mother washing a plate and the sink is
overflowing with water dripping on the floor.

So next to the mum on the right, on the cupboard, there are two tea cups and a plate…
There are … I think 5 bottom cupboards and there‘s one top cupboard open that a little kid is
trying to get some cakes out of but he‘s falling off the stool it looks like. And… I think it‘s his
little sister who‘s laughing at him because he‘s falling off the stool and she‘s eating a cake.

And… there‘s also a window on the right side of the kitchen and outside the window,
there‘s a bush, a garden and part of another house. And there‘re old fashioned curtains as
well.

The mum has short hair and… the girl‘s wearing a skirt with a tee-shirt and the boy is
wearing shorts with a tee-shirt.

And… I think it must be pretty hot outside because they‘re all wearing short things.

So the mum is wearing high heels, the two kids are both wearing socks… and you can
see that the faucet is still running…

Sujet n° 236

This is a black and white picture, it has no colors. You can see on the right hand side a
boy and a girl trying to get some biscuits, cookies maybe.

You can see that the boy is about to fall because the stool is… not very stable.

You can see on the left hand side maybe their mother who‘s washing the dishes but the
water is overflowing through the …tap and it‘s landing on her feet.

Through the window you can see a garden with trees and another house.

And… you can see as well that they are wearing clothes. The mother is washing dishes
like I said and, she has a short haircut as well as her children and, she has a black skirt and a
white top and her children have white clothes. The girl has white skirt and a white tee-shirt
and her son has white shorts and a white tee-shirt as well.

The curtains are white as well….

Sujet n° 240

The image seems to take place in a kitchen. There is a mother cleaning a plate and
there is a sink with the water and it‘s dipping on the floor.

There are two children, a little boy on a chair trying to get some cookies…He opened
the locks but the chair is falling and so it seems his going to fall.

267
And there is a little girl next to him that wants a cookie.

There‘s a window so we can see the outside of the house. There‘s another house and a
garden with a tree.

There are curtains. The mother is wearing a dress, the little girl is wearing a skirt and a
tee-shirt and the little boy‘s wearing shorts and a tee-shirt.

Sujet n° 241

So there‘s a …kids on a stool that are trying to get some cookies… They‘re sharing
the cookies, that‘s pretty good.

There‘s a boy and a girl and their mother is right in front and she doesn‘t seem to
notice anything even though her sink is overflowing. She is in high heels and she has a….I
forgot how to call it… something around her waist to protect, to not get wet or dirty. She‘s
washing a plate and maybe looking out the window.

Out the window we can see another house, a bush and a way to somewhere else. You
can see a garden.

And… the boy is on the stool getting the cookies. He‘s giving one to his sister‘s that is
eating one.

And there are curtains on the window.

And there‘s a bit of red on top of the image. The image is in black and white, it has no
color.

There‘s… two cups on the counter and a plate that maybe have or haven‘t been
washed. There‘s… the stool‘s tipping over, the stool where the boy is standing on, and
nobody seems panicked at all which is funny because I would panic!

XXX

268
Annexe 4 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du langage,
Mrs B. Frankenhuis et Mlle C. Dana-Gordon (somme des deux cotations).
0: Pas de difficulté; 1: Difficultés.

SUJETS PHONOLOGIE LEXIQUE SYNTAXE TOTAL


201 0 0 0 0
202 0 0 0 0
203 0 0 0 0
204 0 0 0 0
205 0 0 0 0
208 0 0 0 0
225 2 0 0 2
226 0 1 0 1
227 0 0 0 0
228 0 0 0 0
229 0 2 0 2
233 0 0 0 0
234 0 2 0 2
235 0 0 0 0
236 0 0 0 0
240 1 1 0 2
241 0 0 0 0

269
Annexe 5 : Résultats des préadolescents bilingues au questionnaire « autour du
bilinguisme » (4 parents n‘ont pas retourné le document).

270
ANNEXES CHAPITRE 7
_____________________________________________

Annexe 1 : Autorisation parentale.


Cécile PLATRE
Ophélie CAMSOULINE

271
Annexe 2 : Questionnaire autour du bilinguisme pour les adolescents bilingues.

272
Annexe 3 : Résultats des adolescents bilingues au questionnaire « autour du
bilinguisme ».

Notes
N° du sujet DS
brutes
150 20 -0,99
151 19 -1,11
152 24 -0,55
153 45 1,81
154 35 0,70
155 32 0,35
156 27 -0,21
157 35 0,69
158 33 0,47
159 25 -0,43
160 21 -0,88
161 35 0,69
162 29 0,02
163 27 -0,21
164 34 0,58
165 22 -0,77
166 18 -1,22
167 52 2,60
168 22 -0,77
169 22 -0,77

MOYENNE 28,85
ECART
8,90
TYPE

273
Annexe 4 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE
(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites des
adolescents de 16 à 18 ans.

Sujet n° 150

So I got a picture in front of me with a scene happening in a kitchen. I can see the
mother and two children, a boy and a girl.

So, the sink is overflowing or it‘s flooding the kitchen, and the children are stealing
biscuits from a cupboard behind her.

The boy, to steal the biscuits, he‘s standing on a stool which is about to fall… I mean
he‘s about to fall because the stool is unstable… so he‘s handing over a biscuit and trying to
grab another one.

The mother is looking into another direction. She‘s looking happy and she‘s wiping a
plate.

Out the window you can see a garden and another house…

Sujet n° 151

So this is a drawing of 3 people in the kitchen, obviously the mum, the son and the
daughter.

The mum is doing the dishes. The water in the sink is overflowing and there‘s the kid,
the boy, who‘s trying to get some cookies out of the jar but he‘s on a stool and he‘s falling,
and the girl is trying to help him or not help him… I guess she‘s trying to help him.

And outside there‘s a house, you can see a house, couple of bushes, a tree,…

The mum‘s wearing a dress and an apron. The little girl‘s wearing a skirt, the boy, euh both of
them have tee-shirts, on and the boy‘s wearing a pair of shorts.

Sujet n° 152

It‘s a drawing of a woman who looks like… it‘s about in 1940s‘ because she doesn‘t
have… she‘s washing dishes by hand, she‘s there with her apron and with a towel she‘s
washing the dishes or she‘s drying them actually. She‘s not aware that her sink is overflowing
with water…[…] has a problem […].

In the background you can see two children about to steal some cakes. The kid is on a
stool that is about to fall, and he‘s about to fall as well because it‘s tipping over. He‘s
reaching over in the cupboard to get some cookies and his giving them to his sister or friend
who‘s there.

274
Throughout the window which.. you can see out the window and there‘s another
house, probably the neighbors or …[…]. There are two cups near the sink so she‘s probably
about to wash them or she has just washed them…probably hers and her husband‘s.

….[…]…

Sujet n° 153

So this scene seems to be… to take place in a kitchen… There‘s a mum, two children,
one‘s a boy and one‘s a girl.

The boy is looking in the cupboard for cakes. He‘s bouncing on his stool quite
precariously, it seems quite dangerous. The girl seems to be asking him for other cakes in the
cupboard.

Mum is doing the washing-up. She‘s wearing an apron and what appears to be… high
heels. She‘s not paying much attention because the sink is overflowing onto the floor. It‘s
making quite a mess… she… in her hand, she‘s got a plate which she‘s wiping with a tea
towel. From the kitchen window, we can see a garden. There‘s a little path and we can see the
neighbor‘s house with a bush in front of it.

The curtain has windows… and in the garden we can also see a tree and a few bushes.

On the kitchen sideboard there are two teacups and another plate.

Sujet n° 154

So this presents a kitchen with a mum washing the dishes. Outside there‘s another
house. The water‘s flowing on the floor. There‘s a boy on a stool trying to get cookies out of a
jar and handing them to his sister…[…coupure enregistrement]

Sujet n° 155

In the picture we see a mother and her two children most likely, a boy and a girl, about
the same age it seems. The boy‘s on a stool trying to get some cookies out of a cupboard and
the girl is trying to eat some while the mother is not paying attention and washing her dishes
but the water is overflowing out of the sink.

There‘s a window on top of the, well on the side of the sink where you can see another
house outside and some bushes and grass and a tree, and there‘s dirty dishes on the side which
we can assume, two cups and one plate and there are several cupboards up there in this
kitchen.

The two women are wearing skirts and the boy is wearing shorts. They all have shoes
and a tee-shirt for the boy.

Sujet n° 156

So in this image we see a family of a woman, a boy and a girl.

275
The woman is looking out the window while washing a dish. She isn‘t paying
attention to the sink in front of her which is overflowding (overflowing) and the water drops
on the floor.

The little boy is on a stool trying to get cupcakes but the stool is falling and he will
probably fall.

The little girl is raising her hand towards the boy as if she was laughing and… or
mocking him.

Outside the window we can see a house, a bush, a tree… there are curtains on the
window.

This image looks like a mid-fifties ‗add. The woman is wearing an apron and a skirt,
high heel shoes.

Sujet n° 157

So there‘s a family in the kitchen. Mum is washing the dishes and the water in the …
dish… [can‘t remember what it‘s called] is overflowing. It‘s dripping all over the floor. She‘s
drying a plate and looking out the window where there‘s a bush and some trees.

There‘s… the kids that are looking for some cookies in the cupboard. The boy is on a
stool and it‘s almost falling…. he‘s about to fall on the side. He‘s getting some cookies in the
cookie box and he‘s got one in his left hand and he‘s reaching for more and his sister or girl is
sticking out her left hand asking for cookies for him… She‘s standing up next to him.

She‘s got a skirt, and so has the mum.

There are some teacups on the counter and some cupboards… It‘s in a kitchen….

Sujet n° 158

So a family are in the kitchen and a boy is standing on a stool trying to steal some
biscuits out of the cupboard. However, he falls off his stool and his sister is asking him to pass
him some biscuits as well… So as the stool is falling, his mother is washing the dishes,
water… she‘s left the tap on too long so water is gushing out onto the floor.

Outside there is a house and bushes… and the kitchen seems very nice though some
sort of a disaster seems to be going on at the moment…!

Sujet n° 159

So there‘s a woman washing her dishes and the tap water is going all over the place in
the kitchen. Then we can see two children which we can assume is a brother and a sister.

The brother is on a stool chair trying to get some cookies in the cupboard… and … as
we can see, the young man is going to fall because the stool is bending on the right side.

276
We can see they live in a house because we see a garden in the background through
the window and….well there‘re some curtains… and the mum doesn‘t seem to care that her
children are stealing some cookies and … is he‘s about to hurt himself on the side of the shelf.

Sujet n° 160

So there‘s a little boy on a stool in a pulley and some shorts. He‘s trying to steal some
cookies and his sister is watching him and she‘s dressed in a tee-shirt and a skirt.

The mother just next to him is washing some dishes and she hasn‘t noticed that the tap
is overflowing. Next to the tap there‘s two cups of tea and a plate. She‘s looking outside
through the window. She has a long skirt, some high heels and a tee-shirt, she‘s got short
hair…

Sujet n° 161

There‘s a woman in the kitchen doing the dishes and water‘s spilling out of the sink on
to the floor and two coffee cups on the table and a plate and a window too, and a garden… the
garden… and maybe another house.

On the other side of the room, there are two kids playing. The girl is standing on the
ground talking to her brother, tittering on the edge of a stool trying to reach a box of cakes in
the cupboard.

Sujet n° 162

… [enregistrement tronqué]… in the cupboard… Two plates and two mugs on the
right of the tap/sink. On the left of the woman, her two children who are playing around. We
can see that her son is trying to get some biscuits from the cupboard on the left. He‘s standing
on a chair and seems to be falling of it. His sister is on his left and she seems to be gesturing
him or shushing him so that his mother won‘t be able to see him and grab the biscuits.

2ème enregistrement :

This picture shows a typical household scene taking place in a kitchen. On the right we
can see a window and some path just in front of it […] onto another house and a driveway
with couple of bushes…

In front of the window is a person, a woman who seems to be the mother of the house
who is washing the dishes, washing a plate, and next to her is a sink…[…]…running from it
and seems to be running on the floor… The water is… overlaps the sink and is …[…] on the
floor and the woman don‘t seem to be realizing this.

On the side of the tap and the sink, two mugs and a plate, and also there is a cupboard.

On the left hand side of the woman are her two children who seem to be wanting to
grab some biscuits or cookies from the cookie tin inside the... a cupboard which is situated
quite high. The boy is standing on a stool trying to take the cookie and the little girl is… has

277
her finger across her mouth and she‘s shushing him so… they‘re trying to do this thing
without their mother seeing them when they might get told off.

The boy is standing on what seems to be …[…]…falling… we can see that the
mother…[…]… act.

Sujet n° 163

So a woman is doing the dishes in her kitchen at the sink. She‘s washing plates but the
sink is overflowing spilling out onto the floor. Behind her back, her children, a little boy and a
girl are stealing cookies from the top shelf of a cupboard and the boy is about to fall because
the stool he‘s standing on is tipping over… and the woman seems completely oblivious to all
that.

Sujet n° 164

I see a housewife who looks like an image from the fifties, who looks like a housewife
from the fifties with her son and her daughter playing, standing on a stool trying to catch the
cookies from the cookie jar while the mum is looking out the window and the tap is leaking
onto the floor. The little girl is laughing while her brother hands her cookies.

Outside the window there‘s a bush and grass and another house. On the counter there‘s
a plate and two coffee cups and the mother is wiping the plate with a rag. In the closet there‘s
cookies and other choirs but we can‘t really see what it is.

Sujet n° 165

We can see a mum with her two kids, one boy, one girl…The boy is trying to get some
cookies, some kind of biscuit. The mum is… can‘t really see her face but seems acting
normal… The tap is overflowing, probably because something is blocked in the tubes or
whatever.

The stool is bending over and the kid is about to fall. The girl child is about to laugh I
think or trying to get a cookie from her brother.

Outside the window we can see a bush and another house, a garden…

The whole place… the main frame is based in a kitchen.

Sujet n° 166

So this is a picture of a family in their kitchen. The mum is washing dishes and the
water is overflowing in… right next to her and falling on the floor. Her… probably her two
kids are eating cakes from the cupboard and one is on a chair, and maybe about to fall.

Outside, we can see a little path going to another house and a garden.

278
Yeah and she doesn‘t seem to be aware of what‘s going on with her kids or with the
water and the kids seem to be very happy that their mum is not conscious of what they‘re
doing.

Sujet n° 167

So in this picture we can see a mother who is doing the dishes but the water is spilling
all over. The tap is full, euh… the sink is full and the tap is still running so water‘s running
over.

The two children, while the mum is doing dishes, are trying to steal the biscuits from
the biscuit tin in the cupboard. So the little boy is standing on a stool to get the biscuits out of
the tin and the little girl is telling him to be quiet cause he‘s falling over, and she‘s also telling
him so be quiet so that she can get hold of the biscuits as well, so she can share..[..]. Outside
we can see another house and probably a garden.

Sujet n° 168

So you can see a woman doing the washing up. She‘s washing a plate and the sink is
overflowing.

You can see her children, a boy and a girl who are trying to eat the biscuits that are
hidden at the top of the cupboard… and he‘s standing on a stool which is falling over…and on
the box is written ―gateaux‖… and eating cookies.

You can see the girl is wearing a skirt with a tee-shirt, her socks and some sandals and
the boy‘s wearing shorts, short-sleeves polo with socks and shoes as well.

The mum is wearing a dress and an apron and she‘s looking out the window of the
house, that‘s got curtains on them and, out of the window you can see the neighbors‘ house
with a path and a bush… and… they‘re in the kitchen.

Sujet n° 169

So there are three people in this picture, one woman and two children. One‘s a boy and
one‘s a girl.

In the kitchen and… one of the kids, the boy, is trying to take a cookie in a cookie jar
in the cupboard… and he‘s on a stool and he‘s about to fall. He‘s wearing short with a shirt...
and next to him is his little sister who‘s laughing at him because he‘s about to fall. She‘s
wearing a tee-shirt and a skirt.

And then there‘s the mum who‘s washing the dishes... a plate. She‘s looking out the
window because the window‘s open and she‘s wearing a dress with an apron… And you can
see that they‘re in the kitchen because the water in the sink is full and the water is leaking
down the cupboard.

XXX

279
Annexe 5 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du langage,
Mrs B. Frankenhuis et Mlle C. Dana-Gordon (somme des deux cotations).

0: Pas de difficulté; 1: Difficultés.

SUJETS PHONOLOGIE LEXIQUE SYNTAXE TOTAL


150 1 1 0 2
151 0 0 0 0
152 0 0 0 0
153 0 0 0 0
154 0 1 0 1
155 0 0 0 0
156 1 1 0 2
157 0 2 0 2
158 0 0 2 2
159 0 0 1 1
160 0 0 0 0
161 0 0 0 0
162 0 0 0 0
163 0 0 0 0
164 0 0 0 0
165 0 0 0 0
166 0 0 0 0
167 0 0 0 0
168 0 0 0 0
169 0 0 0 0

280
ANNEXES CHAPITRE 8
_____________________________________________

Appendix 1: Oral descriptions of the « Cookie » scene from the BDAE


(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites des adultes de
18 à 60 ans.

Subject n° 1

I can see on this drawing that there‘s a woman doing the dishes but the sink is full of
water so it‘s overflowing and there »s water all over the floor, that‘s being spilt on the floor
but the thing is she‘s not looking, she‘s looking out the window or somewhere else anyways.

And… in the background there‘s probably her two children taking out cookies from
the cupboards… things don‘t look too stable. The stool that the little boy is standing on is
falling, is about to fall so… and this is obviously happening in the kitchen.

The little girl is making fun of the little boy because he‘s not getting the cookies
right…

And there‘s… all kind of things… It seems that there‘s a nice garden in the front… it‘s
pretty much it… everything is about to fall apart.

Subject n° 2

So there‘s a mother obviously doing the washing up… She‘s drying dishes and not
really paying attention to the water which is overflowing from the sink.

At the same time, she also can‘t see her two children who are behind her and who are
trying to get little biscuits from the cupboard. The son is… stood up on a stool and is ready to
fall down as the stool is obviously off balance and his sister is looking at him, seems to be
laughing and reaching out for some biscuits at the same time.

And we can see from the kitchen window trough the curtains what seems to be the
neighbors‘ house or it could be an extension of the same house…and the garden with trees
and bushes.

Subject n° 3

So this scene describes apparently a family in the kitchen.

281
So the kids are probably going to eat some cookies… so the boy is going for the
cookies and he‘s giving one at his sister but at the same time, he seems like he is falling
backwards and his sister seems to be laughing.

At the same time, the mother is washing the dishes and she hasn‘t realized that the
water is going overboard, I mean which is in the sink.

And we see a perfect view of the garden and apparently there are some neighbors
which aren‘t outside but we see the house though… and there‘s a little garden as well.

Subject n° 4

So it‘s a black and white picture. We can see a mother with her two children.

The mother‘s washing dishes. The water‘s pouring down on her feet… she‘s looking
outside the window. At that time, while she‘s doing that, her children are trying to grab on
some small cakes, like cookies…

The little is on a … stool, and almost falling because it‘s leaning dangerously. The
little girl looks like she‘s quite happy with that situation and is giving her hand to her brother I
guess… The little boy has a cake, small cookie in his left hand. The little girl looks like she‘s
laughing… and the mother doesn‘t care about what‘s happening in her back.

Subject n° 5

So it‘s a family in a kitchen…

There‘s a kid that is on a stool that‘s going to fall. He‘s trying to get cookies, he‘s
going to give them to his sister…

The mother is washing dishes. The sink is overflowing and she seems happy and she‘s
looking outside.

The mother is not paying attention to what the kids are doing… She‘s certainly not a
good mother… and… ‗cause the kid‘s going to fall and the sink is overflowing so… not very
neat!

Subject n° 6

Well it‘s a kitchen scene… with probably a family, a mother with two kids, a boy and
a girl and she‘s doing the dishes and she‘s not paying attention to what she‘s doing because
the sink is overflowing water onto the floor while she‘s looking at something out of the
window… probably and handsome gardener! And she‘s turning her back to the kids so at the
same time they‘re doing a lot of silly stuff.

They‘re taking some cookies, and the young son is… is on some kind of a stool and
looks like the stool is going to fall. The little sister‘s asking for some cookies too.

282
Obviously it‘s a middleclass family… They probably have their own house, they have
neighbors, you can see the house next door.

Subject n° 7

This scene takes place obviously in a house, in a kitchen. I can imagine there‘s the
mother … with her two children, her daughter and her son…

She‘s cleaning the dishes… the water is overflowing…

The son is standing on a stool and obviously falling down trying to get cookies in the
cupboard. His sister is looking at him, laughing or telling him to be quiet and… she wants a
cookie too!

Subject n° 8

Well, it‘s a kitchen… There‘s a woman. She‘s doing the washing up… There‘s a little
boy. He‘s being naughty… he‘s getting some cakes out of a cupboard and the daughter
obviously is… I don‘t know what she‘s doing actually… so it seems to be all problematic in
this kitchen.

The water, half of the water is on the floor. The stoll is going to fall… the boy is going
to fall, the cakes… he‘s probably not allowed to get them. The mother seems very peaceful
and she doesn‘t seem to find this… any of this being a problem which she‘s very lucky about
because I think I would be in a state if my kitchen was like that!

She‘s a… I don‘t know, the woman is the one who strikes me the most… She looks
very serene, very peaceful, very happy.

Subject n° 9

So it‘s a catastrophe… You have a young mother drying a plate while the sink, water
is overflowing…

And two young children, a boy and a girl, reaching for a … for cakes and the boy‘s
about to fall over and hit his mother, probably break her leg or something like that.

And in the background you see another house or the other end of that house and a
number of other catastrophes that are waiting to happen.

Subject n° 10

Well firstly, this picture is a black and white picture and it first looks like a normal
family life scene with a mum and her two children in the kitchen, but then when you look
more closely, there are a few abnormal situations…

The boy…so there‘s a woman, a boy and a girl, and the boy is standing on a stool
and… a three legged stool and it seems it‘s falling over. He‘s lost his balance, he‘s trying to
get some cakes out of the cupboard but because I think his mum‘s back is turned, his sister,

283
the little who‘s standing next to him, is holding her hand out so that he can give her one of the
biscuits…

And the other abnormal thing is this picture is that the mum seems to have left running
the tap and so it‘s overflowing and there‘s…a flood in the kitchen and…cause she‘s doing the
washing up … and she‘s smiling so it seems she hasn‘t noticed. She‘s drying a plate with a
dish cloth. She‘s wearing a skirt, an apron, a sleeveless top, and some shoes.

On the work surface, there are a couple of mugs, and another plate. The woman is
standing by a window, so when she‘s doing the washing up, she can look out and see a garden
giving on the neighbors‘ house I presume. There‘s a path in the garden and there‘s a few
bushes, and we can see a tree trunk. There are curtains.

Subject n° 11

This is a picture about a family kitchen. You can see a mother… She‘s washing the
dishes… putting some water all over the kitchen…

The children … the little boy is trying to get some cookies and the girl is watching
him. He‘s going to fall because his…stool is bouncing, sorry is falling.

There‘s a window where you can see another house and the driveway I think, or
maybe the garden.

Subject n° 12

So, on this picture we can see a little boy and a little girl trying to steal cakes from the
cupboard… And we can see the mother that is doing the washing up and the water is falling
out of the… of the sink.

The little boy is nearly falling off the stool. The little girl is standing up and the little
boy is giving her cakes.

On this picture, we can see the outside from the window and there‘s another house,
trees and… a little garden.

There are two cups and a plate.

The lady is wearing a skirt with a blouse and the little boy is wearing some shorts with a tee-
shirt, socks and shoes and the little girl is wearing a tee-shirt with a skirt and shoes as well.

Subject n° 13

I see a woman with a dish. She‘s drying the dish… water is falling from the sink…
water is opened..

And I see two children, a boy and a girl. The boy is trying to… catch some cookies…
and the girl is trying to get one too. She is asking her brother to give her a cookie.

There is a window…
284
Yes, the boy is standing on a stool… and he is about to fall.

So I can see a window and there is another house… out.

There are two cups just next to the sink and… curtains on the window.

Subject n° 14

Ok, so we‘ve got a family I guess, the mother and the two kids in the kitchen.

I think the lady forgot to stop the water so the water is pouring all over the place but
that doesn‘t seem to be a problem for her… neither her kid nearly falling over on the chair
behind her trying to pick up cakes… well biscuits…

The girl seems to find that quite funny.

Subject n° 15

It‘s in a kitchen… there‘s a mother washing her plates.

The children are getting cookies out of the cupboard while she‘s got her back turned…

She left the water on… she‘s looking out the window and so the water is going all
over the floor, the boy is going to fall off the stool…

Apart from that, it‘s a very typical household environment. Outside, there‘s a… you
can see a garden and the neighbors‘ house.

Subject n° 16

Two children with the young woman in the kitchen, probably the mother and her
children, a brother and a sister. They… The brother‘s on a stool trying to reach for cakes in
the cupboard.

The sink is overflowing. The mother is doing the dishes.

The little girl is having fun and the little boy seems like he‘s going to fall.

Subject n° 17

So this is a family in the kitchen. A mother doing the washing up and children trying
to reach the cupboard where the biscuits are situated.

It seems to be in a house, there seems to be a roof that we can see through the window,
and the mother doesn‘t seem to be quite at… knowing what she‘s doing because the water….
I mean the basin is completely filled with water and so it‘s catastrophic basically.

So one of the children is trying to reach for the cakes, biscuits that are in the cupboard
and he is basically standing on a… stool and basically is probably going to fall… and a sister,
probably a sister, is actually laughing about it, about the whole scene.

285
Subject n° 18

Ok, so this is a kitchen with a mother washing dishes. The water is overflowing from
the sink and there‘s a window looking out on another house.

Two kids are playing. One little boy is falling off his chair trying to grab some
cookies. The little girl is laughing. She seems like his sister and…

This image looks old, looks like it‘s from the 50‘s. Nobody wears these clothes
anymore. It shows a pretty typical image of the 50‘s where mummies are at home taking care
of the kids and the household.

There are curtains on the window, there are two cups, one plate…

The girl is wearing a skirt, a tee-shirt and shoe-socks. The little boy is wearing a skirt
and a pair of shorts, socks and shoes.

Subject n° 19

It‘s someone‘s kitchen.

You‘ve got the mother that‘s standing at the sink that‘s frying the dishes. She forgot to
turn the water off ‗cause everything is overflowing onto the kitchen floor.

The kids are playing in the background trying to reach the cookies in the cookie jar
which are up on top… and the son is probably going to fall over cause he‘s not paying
attention and his little sister laughing at him because he‘s going to fall.

And you have the window which shows that they live in some kind of a
neighborhood…trees outside… Looks like just a typical kitchen.

XXX

286
Appendix 2: English level assessment *

0: No noticeable difficulty; 1: Difficulties.

MA: mean average; SD: standard deviation

(* The scores of both graders are here totaled in the table).

SUBJECTS PHONOLOGY LEXICON SYNTAX TOTAL


1 0 0 0 0
2 0 1 0 1
3 0 0 0 0
4 0 1 0 1
5 0 1 0 1
6 0 0 0 0
7 0 1 1 2
8 0 0 0 0
9 0 0 0 0
10 0 0 0 0
11 0 1 0 1
12 0 2 0 2
13 0 1 0 1
14 0 1 0 1
15 0 0 0 0
16 0 1 0 1
17 0 1 0 1
18 0 0 0 0
19 0 0 0 0
MA .0 .57 .05 .63
SD .0 .60 .22 .68

287
ANNEXES CHAPITRE 9
_____________________________________________

Annexe 1 : Descriptions de la scène des « Cookies » extraite du BDAE


(Goodglass, Kaplan & al., 2000). Productions orales retranscrites des adultes de
18 à 65 ans.

Sujet n° 1

I can see on this drawing that there‘s a woman doing the dishes but the sink is full of
water so it‘s overflowing and there »s water all over the floor, that‘s being spilt on the floor
but the thing is she‘s not looking, she‘s looking out the window or somewhere else anyways.

And… in the background there‘s probably her two children taking out cookies from
the cupboards… things don‘t look too stable. The stool that the little boy is standing on is
falling, is about to fall so… and this is obviously happening in the kitchen.

The little girl is making fun of the little boy because he‘s not getting the cookies
right…

And there‘s… all kind of things… It seems that there‘s a nice garden in the front… it‘s
pretty much it… everything is about to fall apart.

Sujet n° 2

This scene takes place obviously in a house, in a kitchen. I can imagine there‘s the
mother … with her two children, her daughter and her son…

She‘s cleaning the dishes… the water is overflowing…

The son is standing on a stool and obviously falling down trying to get cookies in the
cupboard. His sister is looking at him, laughing or telling him to be quiet and… she wants a
cookie too!

Sujet n° 3

This is a picture about a family kitchen. You can see a mother… She‘s washing the
dishes… putting some water all over the kitchen…

The children … the little boy is trying to get some cookies and the girl is watching
him. He‘s going to fall because his…stool is bouncing, sorry is falling.

288
There‘s a window where you can see another house and the driveway I think, or
maybe the garden.

Sujet n° 4

So it‘s a family in a kitchen…

There‘s a kid that is on a stool that‘s going to fall. He‘s trying to get cookies, he‘s
going to give them to his sister…

The mother is washing dishes. The sink is overflowing and she seems happy and she‘s
looking outside.

The mother is not paying attention to what the kids are doing… She‘s certainly not a
good mother… and… ‗cause the kid‘s going to fall and the sink is overflowing so… not very
neat!

Sujet n° 5

So, on this picture we can see a little boy and a little girl trying to steal cakes from the
cupboard… And we can see the mother that is doing the washing up and the water is falling
out of the… of the sink.

The little boy is nearly falling off the stool. The little girl is standing up and the little
boy is giving her cakes.

On this picture, we can see the outside from the window and there‘s another house,
trees and… a little garden.

There are two cups and a plate.

The lady is wearing a skirt with a blouse and the little boy is wearing some shorts with a tee-
shirt, socks and shoes and the little girl is wearing a tee-shirt with a skirt and shoes as well.

Sujet n° 6

I see a woman with a dish. She‘s drying the dish… water is falling from the sink…
water is opened..

And I see two children, a boy and a girl. The boy is trying to… catch some cookies…
and the girl is trying to get one too. She is asking her brother to give her a cookie.

There is a window…

Yes, the boy is standing on a stool… and he is about to fall.

So I can see a window and there is another house… out.

There are two cups just next to the sink and… curtains on the window.

289
Sujet n° 7

Ok, so we‘ve got a family I guess, the mother and the two kids in the kitchen.

I think the lady forgot to stop the water so the water is pouring all over the place but
that doesn‘t seem to be a problem for her… neither her kid nearly falling over on the chair
behind her trying to pick up cakes… well biscuits…

The girl seems to find that quite funny.

Sujet n° 8

It‘s in a kitchen… there‘s a mother washing her plates.

The children are getting cookies out of the cupboard while she‘s got her back turned…

She left the water on… she‘s looking out the window and so the water is going all
over the floor, the boy is going to fall off the stool…

Apart from that, it‘s a very typical household environment. Outside, there‘s a… you
can see a garden and the neighbors‘ house.

Sujet n° 9

So there‘s a mother obviously doing the washing up… She‘s drying dishes and not
really paying attention to the water which is overflowing from the sink.

At the same time, she also can‘t see her two children who are behind her and who are
trying to get little biscuits from the cupboard. The son is… stood up on a stool and is ready to
fall down as the stool is obviously off balance and his sister is looking at him, seems to be
laughing and reaching out for some biscuits at the same time.

And we can see from the kitchen window trough the curtains what seems to be the
neighbors‘ house or it could be an extension of the same house…and the garden with trees
and bushes.

Sujet n° 10

So this scene describes apparently a family in the kitchen.

So the kids are probably going to eat some cookies… so the boy is going for the
cookies and he‘s giving one at his sister but at the same time, he seems like he is falling
backwards and his sister seems to be laughing.

At the same time, the mother is washing the dishes and she hasn‘t realized that the
water is going overboard, I mean which is in the sink.

And we see a perfect view of the garden and apparently there are some neighbors
which aren‘t outside but we see the house though… and there‘s a little garden as well.

290
Sujet n° 11

So it‘s a black and white picture. We can see a mother with her two children.

The mother‘s washing dishes. The water‘s pouring down on her feet… she‘s looking
outside the window. At that time, while she‘s doing that, her children are trying to grab on
some small cakes, like cookies…

The little is on a … stool, and almost falling because it‘s leaning dangerously. The
little girl looks like she‘s quite happy with that situation and is giving her hand to her brother I
guess… The little boy has a cake, small cookie in his left hand. The little girl looks like she‘s
laughing… and the mother doesn‘t care about what‘s happening in her back.

Sujet n° 12

Well firstly, this picture is a black and white picture and it first looks like a normal
family life scene with a mum and her two children in the kitchen, but then when you look
more closely, there are a few abnormal situations…

The boy…so there‘s a woman, a boy and a girl, and the boy is standing on a stool
and… a three legged stool and it seems it‘s falling over. He‘s lost his balance, he‘s trying to
get some cakes out of the cupboard but because I think his mum‘s back is turned, his sister,
the little who‘s standing next to him, is holding her hand out so that he can give her one of the
biscuits…

And the other abnormal thing is this picture is that the mum seems to have left running
the tap and so it‘s overflowing and there‘s…a flood in the kitchen and…cause she‘s doing the
washing up … and she‘s smiling so it seems she hasn‘t noticed. She‘s drying a plate with a
dish cloth. She‘s wearing a skirt, an apron, a sleeveless top, and some shoes.

On the work surface, there are a couple of mugs, and another plate. The woman is
standing by a window, so when she‘s doing the washing up, she can look out and see a garden
giving on the neighbors‘ house I presume. There‘s a path in the garden and there‘s a few
bushes, and we can see a tree trunk. There are curtains.

Sujet n° 13

Two children with the young woman in the kitchen, probably the mother and her
children, a brother and a sister. They… The brother‘s on a stool trying to reach for cakes in
the cupboard.

The sink is overflowing. The mother is doing the dishes.

The little girl is having fun and the little boy seems like he‘s going to fall.

291
Sujet n° 14

I can see two children playing, and trying to get biscuits out of a box without the mum
knowing apparently or could be… And the kid on the left, his sister probably, is lifting up her
hand to get another piece of the cake. The little boy seems unstable, and probably to fall off,
because the stool is just leaning on the right side… whilst the mum… seems probably…
unaware of the situation and dreaming because, so she doesn‘t help her son…and also doesn‘t
see that the water is leaking on her floor and on her feet.

She‘s doing the dishes, maybe looking out the window… and out the window is just a
neighboring landscape, so a house and also probably a garden… And she‘s drying a plate.
Two small cups have been done or will be done. The sink is empty, I mean with no dishes,
just water pouring and pouring on the floor…

It reminds me of the nineteen sixties advertisement, where the mum was… is in the
kitchen, and only in the kitchen. Although she doesn‘t dress up like in the 1970‘s, probably
more 1980‘s, there is standard dressing.

Sujet n° 15

I see three characters, two children and their mother.

The mother is doing the washing up. Apparently, they‘ve just had breakfast or maybe
lunch or dinner.

The children are playing. The boy seems to be interested in getting the biscuits from
the cupboard… Reminds me of my own brother. The girl is getting biscuits too.

The mother is doing the washing up. She‘s making a big mess, flooding the house…

Oh, I can see outside… The scene is obviously happening in a kitchen but you can see
through the window. You can go along the path… I can see a garden and trees and the house
of the neighbors.

Sujet n° 16

This is happening in a kitchen. The mother is washing the dishes. The water tab is on
and water is/has filled the sink and is over flooding.

Then you have the two children that are trying to grab for cookies. They got up on a
chair and the girl is grabbing the cookies from the little boy that has got up on the chair and is
trying to catch the cookies.

Other than that… yes, the stool is falling over so accident is about to happen and the
mother is not at all paying attention to that… She‘s actually back to them. She‘s turning her
back on them and is actually looking through the window… She‘s almost finished with the
dishes.

292
There‘s another house outside the window, a garden also and a pathway to the next
door house.

The window has curtains. There‘s… several cupboards in the kitchen… six.

The little girl has a skirt and a tee-shirt and I think she‘s very…. She‘s laughing on
what her brother‘s doing. Her hair is mid-long, like her mother… the little boy too apparently,
I mean he doesn‘t have very short hair… He has shorts on and a tee-shirt. The mother has a
skirt, she has high-heels, a black skirt and bear arm tee-shirt.

Sujet n° 17

It‘s a family scene. A mother and two children are in the kitchen. The mother is busy
doing the dishes, she‘s probably looking at something outside the window and is not seeing
that the faucet is totally spilling out on the kitchen floor.

Her two children are up to no good. The little girl is eating a cookie… Her brother is
standing on a pretty high stool. He‘s getting cookies from a cookie jar and is just about to tip
over.

The scene is probably a reminiscence of the 60‘s. They‘re all dressed in summer cloth.

There‘s a neighbor‘s house outside, … two cups on the counter and a plate or a bowl.
The mother is drying a … plate.

The little girl is wearing a tee-shirt and a short skirt and…that‘s it!

Sujet n° 18

It‘s a kitchen. A woman is washing dishes or drying her plate, not paying attention to
what‘s happening around her. The sink is overflowing with water running on the ground at
her feet, two children , teenage children, are stealing some cookies out of the cupboard… A
young boy and a young girl.

The boy is standing on a stool and the stool is almost falling down so the boy will fall
down.

So it‘s a very accident prone …family we can assume, except that the ―mother‖ is
really not paying attention to the children or what she‘s doing.

Out the kitchen window we can see a house and a garden.

Sujet n° 19

So this is a family in the kitchen. A mother doing the washing up and children trying
to reach the cupboard where the biscuits are situated.

It seems to be in a house, there seems to be a roof that we can see through the window,
and the mother doesn‘t seem to be quite at… knowing what she‘s doing because the water….
I mean the basin is completely filled with water and so it‘s catastrophic basically.
293
So one of the children is trying to reach for the cakes, biscuits that are in the cupboard
and he is basically standing on a… stool and basically is probably going to fall… and a sister,
probably a sister, is actually laughing about it, about the whole scene.

Sujet n° 20

Well, it‘s a kitchen… There‘s a woman. She‘s doing the washing up… There‘s a little
boy. He‘s being naughty… he‘s getting some cakes out of a cupboard and the daughter
obviously is… I don‘t know what she‘s doing actually… so it seems to be all problematic in
this kitchen.

The water, half of the water is on the floor. The stoll is going to fall… the boy is going
to fall, the cakes… he‘s probably not allowed to get them. The mother seems very peaceful
and she doesn‘t seem to find this… any of this being a problem which she‘s very lucky about
because I think I would be in a state if my kitchen was like that!

She‘s a… I don‘t know, the woman is the one who strikes me the most… She looks
very serene, very peaceful, very happy.

Sujet n° 21

So this is happening in a kitchen. Kids are stealing … I don‘t know, there‘s reaching
for cookies I guess, in the kitchen shelves and the mother is smiling and she‘s turning her
back on them so she can‘t see what‘s she‘s doing…drying the dishes and the tap is on and she
doesn‘t seem to notice water is overflowing.

You can see the neighbors‘ house out there. There are two cups and a plate… right
next to the sink.

So the sink is overflowing and the little boy is standing on a stool that‘s actually
falling so he‘s probably going to be on the floor in about two seconds and… The little girl is
eating one of the cookies that her I guess brother gave her. She‘s wearing a skirt and he‘s
wearing shorts.

There‘s no daddy to be seen. The mother has a nice hair-cut, right under the ear, and
she‘s wearing a black skirt and she has an apron on I think… and she‘s stepping in the water
overflowing from the sink.

Sujet n° 22

It‘s a scene taking place in a kitchen with a window overlooking a garden and there
are three people here in the scene, a woman wearing an apron and her two children.

There‘s a boy on a stool trying to grab some cookies on a top shelf and there‘s a young
girl standing next to him hoping to get one of the cookies.

Meanwhile, the woman who could be their mother is not noticing that the water is
leaking. She keeps on wiping her plate and there‘s a large pool of water spreading under her

294
feet … and she‘s not even noticing that the boy is about to fall because he‘s losing his
balance.

Everybody has a smile on their face so it‘s a funny scene where everybody looks
happy and yet disaster is looming.

Sujet n° 23

Ok, so this is a kitchen with a mother washing dishes. The water is overflowing from
the sink and there‘s a window looking out on another house.

Two kids are playing. One little boy is falling off his chair trying to grab some
cookies. The little girl is laughing. She seems like his sister and…

This image looks old, looks like it‘s from the 50‘s. Nobody wears these clothes
anymore. It shows a pretty typical image of the 50‘s where mummies are at home taking care
of the kids and the household.

There are curtains on the window, there are two cups, one plate…

The girl is wearing a skirt, a tee-shirt and shoe-socks. The little boy is wearing a skirt
and a pair of shorts, socks and shoes.

Sujet n° 24

So it‘s in a kitchen with a mum and two kids and the little boy wants to get some
cookies. He‘s standing up on a stool and he‘s going to fall down and the little girl is waiting
for her cookie and she doesn‘t seem to realize that the little boy is going to fall down…

Also, the mum left the tap running so there‘s a little flood starting in the kitchen which
she doesn‘t seem to realize either.

And through the window… there‘s a cloud in the garden for some reason and…
another house with another little window. Someone seems to be watching from far.

Also, two cups, a plate and she‘s drying a plate… And she‘s dressed up like in the
50‘s. Curtains on the window.. That‘s it!

Sujet n° 25

It‘s someone‘s kitchen.

You‘ve got the mother that‘s standing at the sink that‘s frying the dishes. She forgot to
turn the water off ‗cause everything is overflowing onto the kitchen floor.

The kids are playing in the background trying to reach the cookies in the cookie jar
which are up on top… and the son is probably going to fall over cause he‘s not paying
attention and his little sister laughing at him because he‘s going to fall.

295
And you have the window which shows that they live in some kind of a
neighborhood…trees outside… Looks like just a typical kitchen.

Sujet n° 26

So it‘s a catastrophe… You have a young mother drying a plate while the sink, water
is overflowing…

And two young children, a boy and a girl, reaching for a … for cakes and the boy‘s
about to fall over and hit his mother, probably break her leg or something like that.

And in the background you see another house or the other end of that house and a
number of other catastrophes that are waiting to happen.

Sujet n° 27

Well it‘s a kitchen scene… with probably a family, a mother with two kids, a boy and
a girl and she‘s doing the dishes and she‘s not paying attention to what she‘s doing because
the sink is overflowing water onto the floor while she‘s looking at something out of the
window… probably and handsome gardener! And she‘s turning her back to the kids so at the
same time they‘re doing a lot of silly stuff.

They‘re taking some cookies, and the young son is… is on some kind of a stool and
looks like the stool is going to fall. The little sister‘s asking for some cookies too.

Obviously it‘s a middleclass family… They probably have their own house, they have
neighbors, you can see the house next door.

Sujet n° 28

Well we have a very clumsy family here apparently. The mother doing dishes but
letting the water run onto the floor and the boy trying to get some cookies and falling off the
stool. I don‘t know if his sister is trying to help him or not or if she‘s talking on the cell
phone…

The mother doesn‘t see what the boy is doing so she‘s dreaming… dreaming about
something, rather wiping a plate and letting the water run on the floor.

Sujet n° 29

The scene takes place in a kitchen obviously. There‘s a mother and two children.

The mother is washing the dishes and obviously thinking about something else I
should imagine because she‘s letting the water overflow from the sink.

She‘s not even paying attention to her kids who are being pretty misbehaved actually,
or misbehaving themselves. Her son is standing on a stool and trying to get the cakes which
obviously have been put on a higher shelf so that he couldn‘t reach them but he‘s obviously

296
found a method to do so and his sister is encouraging him because she‘s eating one of the
cakes and having quite a laugh about it.

Let me see… outside the window I can see another house. Probably the suburban area.

XXX

297
Annexe 2 : Cotation des productions orales par les deux spécialistes du langage,
Mrs B. Frankenhuis et Mrs M. Deschaux (somme des deux cotations).
0: Pas de difficulté; 1: Difficultés.

(MOY : moyenne ; ET : écarts-types).

SYNTAXE LEXIQUE PHONOLOGIE TOTAL


1 0 0 0 0
2 1 1 0 2
3 0 1 0 1
4 0 1 0 1
5 0 2 0 2
6 0 1 0 1
7 0 1 0 1
8 0 0 0 0
9 0 1 0 1
10 0 0 0 0
11 0 1 0 1
12 0 0 0 0
13 0 1 0 1
14 0 0 0 0
15 1 0 0 1
16 0 0 0 0
17 0 0 0 0
18 2 0 0 2
19 0 1 0 1
20 0 0 0 0
21 0 0 1 1
22 0 0 0 0
23 0 0 0 0
24 0 0 0 0
25 0 0 0 0
26 0 0 0 0
27 0 0 0 0
28 0 0 0 0
29 0 0 0 0
MOY 0,13 0,37 0,03 0,55
ET 0,44 0,56 0,18 0,68

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