Cahiers Du Cinema 229
Cahiers Du Cinema 229
Cahiers Du Cinema 229
INFORMATIONS/NOTES/CRITIQUES
Lettre de lecteur 57
« Peau d'Ane », par Serge Daney __________ __________ _____________ 58
«Le C iném a de papa», p a r Jacques A u m o n t _______________________ 59
« Promenade avec l'amour et la mort », par Pascal Kané________ 59
« Melinda », par Pierre Baudry 60
Réponses à « Politique-Hebdo » 61
Lettre sur « Les Clowns » 64
Liste des films sortis à Paris du 10 février ou 13 avril 1971 65
CAHIERS DU CINEMA. Revue mensuelle de Cinéma. 39, rue Coquilllàre, Paris-1*r - Administration*
Abonnements : 236-00-37. R6daction-Publlcltà : 236-92-03.
Comité de rédaction : Jacques Donlol-Valcroze, Pierre Kast, Jacques Rlvette. ’ Rédaction en chef :
Jean-Louis Comolli, Jean Narboni. Administration : Jacques Aumont. Documentation : Sylvie Pierre.
Bernard Eisenschitz. Rédaction : Jacques Aumont, Pierre Baudry, Pascal Bonitzer, Serge Daney, Ber
nard Eisenschltz, Pascal Kané, Jean-Pierre Oudart, Sylvie Pierre. Les manuscrits ne sont pas rendus.
Tous droits réservés. Copyright by Les Editions de l’Etoile.
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Technique et Idéologie
Caméra,
perspective,
profondeur de champ
par Jean-Louis
Comolli
Mais il est un poin t de hlocage, où se m anifeste nt les plus fortes résistances à l ’analyse critique de l ’inscrip tio n
idéologique du cinéma, et ce poin t curieusem ent n ’est pas celui d ’u ne revendication d ’a u to n o m ie des processus esthé
tiques : c’est la revendication insistante d e cette au to n om ie p o u r les processus techniques. T o u t ce qui p a rtic ip e d u
d o m ain e des techniq ues cin é m a to g ra ph iqu e s : appareils, procédés, normes, conventions, est vivement d é fe n d u p a r u n
c ertain n o m b re de critiques, d e cinéastes, et bien sûr p a r la m a jo r ité des te chniciens eux-mêmes, c ontre to u te im p l i
cation idéologique. On veut bien (plus ou moins) que le film e n tre tie n n e q u e lq u e r a p p o r t à l’idéologie au niveau de
ses.thèm es, de sa pro d u c tio n (de son économ ie ), de sa diffusio n (de ses lectu res), voire m ê m e à celui de sa réalisation
(du suje t m e tte u r en scène), mais aucun, jamais, du côté des p ra tiq u e s techniques, des a p p areils qui le f a b r iq u e n t
p o u r ta n t de p a r t en part. O n exige p o u r la te c h n iq u e c i n é m a to g r a p h iq u e u ne place à part, à l ’a b ri des idéologies,
hors de l ’histoire, des processus sociaux et des procès de signification. La t e c h n iq u e c in é m a to g ra p h iq u e , nous dit-on,
est u ne te c h n iq u e précisément, n eutre, po uv an t servir à t o u t dire, ne disant r i e n d ’elle-même, ne disant q u e ce q u ’on
(le cinéaste, le technic ie n) lui fait dire. Elle est u n vé hic ule, u n m oyen, q ue lq u e chose qui relaie, et a p o u r fin de
s’effacer de ce relais. E t en effet le b o n sens ne m a n q u e pas d ’exemple s p o u r nous m o n t r e r qu e les cam éras servent
in d iffé re m m e n t à f a b r iq u e r des films fascistes ou communiste s, que le gros plan in te rv ie n t dans les filins hollywoodiens
c om m e dans ceux d ’Eisenstein, etc.
Lebel écrit : « (...) le cinéma est bien un e invention scientifique et non u n p r o d u i t de l ’idéologie,
p u isq u ’il repose sur u n savoir vrai, sur les propriétés de la m a tiè re q u ’il m e t en jeu ; la preuve, c’est q u ’il fonctionne
et que, m e tta n t en œ uvre une certa ine m a tiè re (appareillage divers -f proprié tés d e la lu m iè re + persistance ré ti
nien n e) p o u r film e r u n objet matérie l, il obtient u n e image m a térielle de cet objet, » (2 )
Ou : « (...) Ce n'est pas le cinéaste, mais la cam éra, a p pareil passif, enregis tr eur, qui re p r o d u it le ou les
ob je ts filmés, sous fo rm e d ’u ne image-reflet construite selo n les lois de la p r p p a g a t io n rectiligne des rayons l u m i n e u x ;
lois qui définissent en effet, l’effet dit de perspective. Ce p h é n o m è n e s’e x p liq ue p a rfa ite m e n t sc ie ntifiquem ent et n ’a
rien d ’idéologique. » (3)
S’inscrit en ces fragments, très clairement, ce qui s u p p o rte le texte de Lebel et focalise le discours-des-
techniciens ici visé (discours q u ’on peu t e n ten d re ou lire dans les Ecoles de cinéma, les Universités ou s’installe r e n s e i
g nem ent de la technique, les m anuels qui la professent, etc.) :
1 ) le fa it q u e la tech n iq u e ciném atographique est e n que lq u e chose héritière de la Science (sur l ’im po rta n c e ,
la légalité de cet hérita ge, nous nous interrogeons en III, Tenons-en le p rin c ip e acquis p o u r le m o m e n t) ;
2 ) d 'o ù l ’on tire qu'elle hérite par surcroît de la scientificité de cette Science, soit e n l'occurrence la d o u b le
1 vertu <l'exactitude et de neutralité.
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scientifique, l'artisanat ôta il une lare. Comme si temps et ries myth es : ce n'est pas seulement
Ions les grands découvreurs et c h ercheu rs «le l’his- u n « vieux rêve rie l'im m u n ité » «pie le cinéma
l o i r e de l'h u m a n i té j u s q u ’au XXL siècle n’avaient réalise, mais c'est une série de « v i e i l l e s » réalités
pas tous été des a rtisa n s.» (18). Nous sommes e m piriques, d e « vieilles » techniq ues rie re p ré
bien d'accord : il n e s'agit pas de savoir si les se nta tion qu'il prolonge.
« inventeurs » du ciném a étaient ou non des arti Deslandes par exem ple choisit 1826 et l’inven
sans (ils l'éta ie nt plus ou moins fa ta le m e n t), mais tion de la p h o to g r a p h ie (soit, en fait, de la seule
dans quelle mesure, en d é p it ou à cause de ce pla que p h o to g r a p h iq u e sensible à la lumiè re) p a r
statut artisanal, leurs préoccupatio ns et leurs tra N ie pce et Daguerre, mais c’est là privilégier une
vaux peuvent r e v e n d iq u e r aussi un sta tu t scien seule des techniques constitutives du cinéma, celle
tifique, seule question finalem ent posée, celle précisément que l'on peut rlater h isto riq u em ent.
m ême q u 'é lu d e Lehel. Mais p o u r les autres (caméra, décomposition-svn-
3) L’inconsislance rie l’autre a rgum ent de Lehel thèse du m ouvem ent) il est contraint in évitable
fra p pe plus encore : « Lorsque celle allusion nu ment à ries reto urs en arriè re , tant elles o n t une
caractè re artisanal de Finvention de la photogra histoire ancie nne et chargée.
phie et du cinéma, afin de disqualif ie r son aspect La caméra, on le sait, n'est o p tiq u e m e n t rien
scientifique, s’a p p u ie sur le fait que le cinéma d ’a u tre q u e l'a d a p ta tio n — à peine perfection
concrétise un vieux « rêve » de l’h u m a n ité dont née — de lu caméra obscura du Q uattrocento .
l’aspect idéologique est évident (et (mais) histo Mais cette c h a m b r e noire était c onnue de l'Egypte
r iq u e m e n t d é te rm in é ), cela lie fait q u e dévoyer p h a r a o n iq u e (347 av. J.-C.), de la science arabe
encore la démarche. C’est comm e si 011 faisait du tx,! siècle, et dans le u r « D ictionnaire du
grief à l’avion, lui aussi inventé dans des condi cinéma » Bessy et C ha rd a n s se plaisent à en
tions artisanales, de concrétiser un vieux rêve de détailler les a p p a ritio ns et perfectionnements
l'h u m a n ité dont le conte nu idéologique est non depuis Bacon (1260).
moins évident (et tout aussi h istoriq uem en t dé te r Telle ancie nneté fait de la caméra obscura un
m iné). Et ainsi, afin de lu tter contre l’effet idéo in str um ent non seulement connu, mais manié,
logique du m ythe d ’Icare, on som m erait les cons utilisé, étu dié des savants et artistes de siècle en
tru cteurs d'avions socialistes (ou matérialistes) siècle tout au long de n otre histoire, ce bien avant
de d énoncer l'idéologie pro d uite par l’avion en qu'il ait été question de c o m p re n d re le pourquoi
le « déconstm isant », sinon ju s q u ’à le faire systé et le com m ent de l'image qui en son fond se
m atiq u e m e n t s’écraser, du moins ju s q u ’à assurer m o n tra it, petite, inverse et sombre.
à ses passagers un inconfort suffisant [tour rom p re Mais là où la chose devient un peu plus tr o u
la fascination du ciel et ra p p e le r c o n stam m en t à blante, c'est qu'il n ’en va pas a u tr e m e n t p o u r le
charpie voyageur que ce n’est pas lui qui vole, p h é n o m è n e (pii constitue l'a u tre axe m a je u r de
mais q u ’il ne le fait que grâce à et à Iravers un la spécificité te c h n iq u e du cinéma : ce qu i s’est
appareil et que, p a r conséquent, son rapport nom m é à p a r tir du xix** siècle « persistance réti
concret au m onde réel n’a pas c h a n g é .» (19). nie nne », mais qui était connu de longue date et
Certes Lehel prend soin de préciser : « Bien étu dié au moins depuis l'astro nom e ara b e Al
entendu, je caricature... », mais certain excès Hazen (965-1038), a u te u r des « E lém ents d 'o p ti
rie sa com paraison ne s’en a tté n u e guère : car que » (où il m entionne aussi la caméra ohscura),
p ro prem en t aveuglé p a r son souci rie foire du (fut non seulement critique la théorie de la vision,
cinéma (ou de la cam éra) un objet scientifique. alors dom in an te, de l'émission p ar l'œ il de
p u r système technique, il ne voit pas que le « rayons lum ineux » eu signala nt la persistance
c o m p a re r à un a u tre système te c h n iq u e comme des impressions lumineuses après ferm e tu re des
l’avion, c’est tout sim plem ent exclure le cinéma paupières, mais décrit en core p a rfa ite m e n t le
du c h a m p où il se jo u e (et où ne se jo u e pas cercle continu (pie l'œil perçoit q uan d 011 fait
l’avion, bien que moyen de « c om m unication »...) : to u rn e r à gran d e vitesse devant lui un tison
celui des procès (le signification, celui m ême de enflammé.
l'idéologie. C’est bien parce que le cinéma est Ainsi, les p r in c ipa ux thèmes de l'invention du
(objet scientifique ou non) une p r a tiq u e signi ciném a : la production d 'u n e im age du m onde et
fiante, c’est bien parce qu'il se trouve produire l’illusion d 'u n e c ontin u ité produite par le d é p la
du sens et rie l'idéologie, que pèse le fait qu'il c em ent des objets, é ta ie nt constitués plusieurs
réalise un « vieux rêve rie l'h u m a n ité », que ce siècles avant la mise au poin t de la pla que sen
débat nous im porte, et que Lehel a cru bon d'y sible, de la photo. Voilà déjà (pii doit relativiser
intervenir... consid érable ment le rôle jo u é p a r la Science en
D 'abord il faut constater ce fait sym ptom atique tant que telle dans cette invention, puisque 1 ) les
que tous les historiens du cinéma (Deslandes deux phénomènes en question relèvent rie la caté
aussi, auquel m a in te n a n t nous allons nous réfé gorie de l'observation e m p ir i q u e (les « illusions
rer), sont embarrassés à choisir u ne lim ite anté d 'o p tiq u e » sur le statut desquels nous revenons
rieure à le u r travail : seul le plus total a rb itra ire plus loin) et que 2 ) ils ont été notés, commentés.
leur fait désigner comm e inaugural à le u r ouvrage « expliqués » en c h a q u e siècle selon les philoso-
tel événement, telle date, telle invention plutôt phies dom inante s, c’est-à-dire idéologiquement,
que tels autres. C’est qu'à p ro p re m e n t p arler la m ême si c'était du nom de science que l'on b a p t i
pré histoire du cinéma se perd dans la nuit ries sait ces systèmes d'e xplication (il faut attendre, à
titre de « co up u re épisté m ologique », po u r la
18) Op. cit., p. 71. caméra ohscura la lente et c a h otiq u e constitution
19) M., p. 71. de l’O p tiq u e géom étriqu e [xvn° siècle], p o u r la
II
persistance rétinie nne la psycho-physiologie du être expliq uée th é o riqu e m e n t l’action de la lu
XX0). mière sur la couche sensible (23).
Or, se r a p p r o c h e r de lu date formelle d’inven C'est sans doute qu ant à la « persistance réti
tion du cinéma ne conduit pas à des rem arques nienne » que l'im p o rt a n c e tle lu recherche scien
bien différentes. tifique est la plus n ota ble : en 1824, le m a t h é
D’abord, comm e le noie Bazin, le rôle relative ma ticie n anglais Roget c o m m u n iq u e une série
ment modeste lenu dans lu gestation de ccl instru d ’expériences sur ce qu'il n om m e « une curieuse
ment et p a r les sciences et par les savants en ta nt illusion d 'o p t iq u e » , l’effet stroboscopique. Quel
que tels. On a vu déjà que lu c a m é r a o h s c n r a , si ques années plus tard (1830), et p ra tiq u e m e n t en
elle met en évidence la pro pag atio n recliligne des m êm e temps, les physiciens F a r a d a y en Angle
rayons lum ineux (encore q u ’elle n ’en soit pas la te rre et surtout Pla te au en Belgique p ublient les
vérification ex p é rim e n ta le ), a été conçue et am é résultats de leurs expériences ù p a r tir de je u x de
liorée en dehors p ra tiq u e m e n t de tout savoir roues dentées tu u ruu u t en m êm e sens ou en sens
scientifique constitué sur lu lu m ière et l ’optique, contraire. .Plateau en tire im m é d ia te m e n t son
en murge : la seule p r a tiq u e scientifique avec Ph énakistiscope ou Fantascope (1833), curiosité
la quelle elle en tre tie n n e un ra p p o rt réel est en scientifique qui devient le jo u e t à la mode, au
fait le système ries lois fie la p e r s p e c t i v u a r t i f i - m om ent m ême (encore) où Sta mpfe r, professeur
c ia lis (20). de géométrie a p p liq u é e à l'Université de Vienne,
Ce n ’est donc pas de ce côté que vient le geste diffuse ses « disques st rohoscopiques », exactem ent
décisif. La mise au poinL de lu plaque p h o to id entiq ues aux planches de Plateau, et construit
g r a p h iq u e y ressortirait davantage : il y a là un le Znotropc.
saut, certes p r é p a r é par les recherches de Niepce Des! amies a ttr ib u e cette brusque condensation
6ur les procédés lith o g rap h iq u es et le moyen de de recherches et d 'a p p a re ils à « un renouveau
copier des gravures par un procédé chim ique. d intérêt dans les milieux scientifiques pour les
Reste cpie ce saut s’effectue sans le secours d 'a u problè mes posés pur le mécanisme de la vision ».
cune h y p oth è se scientifique ni sur la n a tu r e Bazin s’en étonne aussi : « Il ne sera pas inutile
exacte de la lu m ière ni sur sa chimie : il n ’est de noter que, sans aucun r a p p o r t scientifique
p o u r s'en convaincre que de citer Niepce : « T r o u ment nécessaire, les travaux de Plateau sont à
ver dans les ém a na tio n s du - fluide lum ineux un lieu près contem porains de ceux de Niepce,
agent susceptible d ’enip re in dre d ’une maniè re comme si l’attentio n des chercheurs avait, d u r a n t
exacte et d u ra b le les images transmises pur les des siècles, attendu po ur s’intéresser ù la syn
procédés de l’op tique, de les e m p rein d re, je ne thèse du m ouvem ent que — tout à fait indé
dis pas avec l’éclat de la diversité de leurs cou p en d a m m e n t rie l'optique — la chim ie s’inté
leurs, mais avec toutes les dégra dations de teintes ressât 'd e son côté ù la fixation au tom a tiqu e de
du noir au blanc: » (2 1 ) Q u ant à Daguerre, on l'im ag e ».
sait que ce sonl les spectacles en trompe-l’œil du
D i o r a m a (qui co n n u re n t un grand succès public à
p a r ti r de 182i2 et où, « éclairages, bruitage, tout Il y a u ra it floue, à re n d re com pte des causes
concourait à d o n n e r au spectateur l’illusion p a r d e ce « retard » — ou tle cette contempora-
faite fie la réalité ») qui le conduisent ù recher n éité fies travaux sur la photo et le mouvement.
ch er « à fixer p a r un moyen nouveau, sans avoir Ce n ’est sans don h; pas, semhle-l-il, du côté de
recours à un dessinateur, les vues qu'offre la l'clal respectif fies sciences en jeu q u ’il convient
n a t u r e » (22): A quoi il faut enfin a jou te r que de les chercher... Dans la faille ouverte p a r la
c’est plus d ’un siècle après eux (1940-15) qu'a pu p h o to g ra p hie dans les représentations figuratives
du monde plutôt; flans la remise en cause qu'elle
20J ( /est au point q ue le mot prnspretiva ou perspuctiva
(Insigne «Inus le lutin médiéval lu science optique i:lli:-même provoque, le doublant et tendant à se substituer
(cf. le truite «l'optique J e Jo h n IVckham, mort en 1292, qui à lui comm e son perfectionnement, son re p ré
porte le litre* de « IVrspecliva Les peintres et théoriciens senta nt privilégié, «lu rôle central fie l'œil h u
du Quuttroccntn et ilu Cinquc« enlo ont. à la suite des tra main, de sa place solaire, de son ra p p o r t d 'in ti
vaux d’Alberti, qui u fondé malhé matiq uem eu t et gé ométri
qu emen t la perspective, distingué entr e pr.npcctira tou m ité avec le momie (intimité du Sujet à la Vie
pronpnr.tiva) communia ou naluralis qui semble uvoir dési désormais médiatisée et troublée p ar une m a
gné ù la fois la science de lu vi>iim, et l’acte de vision lui- chine) : élu côté de l'idéologique donc.
mêm e la prise Mir Ica clios«‘B pur u n anjîle île vue »,
Sehefer') et artificitilis qui, « ù l’inverse, assoit lu perspec On avancera (à titre d'h vpothèse et p o u r réé
tive angulaire d'Albcrli en permet! uni des conslruclions crire le propos fie Bazin) que c'est au moment
justes » (Schcfer). où l’invention fie la p h o to g ra p hie (fie la plaque
21) Cité par An dré Vigneau in Une brève histoire. r/e l'art sensible) vient p arachever la caméra obscura et
de. jVfrpcc à no* jours (Laffont). p.
22) Cité pa r Ju cques Deslandes, o/». rit., p. 611, 65.
accom plir par là ce que des générations de pein
23) Cf. sur ce « relurd >> de la ph otochimie et de lu théorie tres avaient d e m a n d é ù la te ch n iq u e tle la pers-
physique de la lumière sur lu prutique de iu pho to grap hi e pectiva artificiolis («le p erm ettre la copie la plus
La .science de la photographie de (»érurd de Vunconleurs fidèle tle la n a tu re « La plus excellente m a
(Ed. Klzévir) : « ... 11 a fallu attendre jus.qii*à ces toutes nière de p eindre est celle qui imite le mieux,
dernières années p our voir appuruître une explication théo
riqu e cohérente du subtil et myslerioux mécanisme île l’ac qui rend le ta bleau le plus semblable à l'objet
tion de la lumière sur la couche sensible, explication vaine na tu rel q u ’il représente », écrit Vinci) — la
ment recherchée depuis un siècle. C'est que ce mérunisme prem ière p ho tog rap h ie, on le sait, m ontre une
met en jeu les phénom ènes *>î complexes où interviennent perspective fie toits — , où semble donc s’assurer
le? particules élément dires de lu na ture : iuns, électrons,
pilotons, que seules perme ttent «l'interpréter les théories les le tr i o m p h e de la perspective m o no cu laire comme
plus m oderne s tle la matière et «h: la l um iè re.» système tle représenta tion où l’œil du specta te ur
(du peintre, du Suje t) occupe le centre, dirige Ica
lignes «le fuite, règne au d é p a r t et à la conver
gence des rayons lu m ineu x , c’est en ce m o m en t
q u e l’œil b ru s q u e m e n t a p p a r a ît comm e ni tout
à fait un ique, ni tout à fait irrem pla çable , ni très
p arfait (la « lentille » de la ramera obscura. h o m o
logue du cristallin com me Vinci déjà l’avait rele
vé, devient « l’objectif »). Ce qui redouble l’œil
et pe rp é tu e scs prin cipes de représentation du
monde, les codes «le sa normalité , en menu; temps
mine son hégémonie, le dépasse.
Ce dou b le m ouvement à la fois de confirmation
et «le relativisation a p o u r effets probables un
renforcement do la confiance en la représenta tion
perspective et analo gique «lu m onde (l'image p h o
t o g ra p h iq u e est in d u b ita b le elle manifeste le
réel en sa vériléï et une crise de confiance dans
l'organe de la vision (pii jusqu'a lors régentait
(scientifiquement : par les « lois de la perspec
tive scientifique ») toute représenta tion eu en
constituant l’étalon de justesse (on se souvient
du conseil de Vinci : « ... P o u r le p re m ie r arbre,
lu pre n dra s un verre solidement fixé, et fixeras
également bien la position de ton œil, et tu
dessineras ce p rem ier a r b r e sur ce verre en
d é calq u ant son conto ur ; puis dépla ce le verre
la té ralem ent, ju s q u ’à ce «pie les contours de
l’arb re réel et «le l’arb re dessiné se to u c h e n t ;
puis colore ton dessin de sorte que, p o ur la
co u leu r com me po u r la forme, ils soient sem
blables, et que, si tu fermes* un œil, Ioiis les
deux paraissent peints sur le verre à nne m êm e
«listance... » (24).
De cette crise de confiance, l’intérêt soudain
«le la science p o u r les « illusions d’oplitpic » (25)
peut constituer un sy m p tôm e : dévalorisé, d é c e n
tré par l’œil de la caméra , l’œil peut redevenir
un objet de science, de recherches, d’expériences.
Les ab e rra tion s font retour dans et c ontre l’idéo-
logie de la n orm alité de l’œil légalisée par les
lois perspectives. Ce n ’est point, on l’a noté, «pie
ces « i l l u s i o n s » n ’aient élé connues de longue
dale, au point même p o u r les savants et no m bre
«le philosophes d ’avoir m iné to ute confiance aveu
gle en l'œil h um a in . Mais «;e doute au plan «le
la science appela it en q u e h p ic sorte sa c o m p e n
sation, son remplissage au plan de l’idéologie,
tels (pie l’inscri pl ion du «loute et du mampic
a élé systém atiquem ent recouverte p ar l’inscrip-
lion d e la n o rm alité et de la centralité «h; l’œil.
C’est en ce sens aussi q u ’on peut dire avec
2-H lu L éonard dv Vinci, La l'vintitrc, textes réuni.- et tra
duits par A n d ré Cbustel (H e rm unn), |>. 172. l 'o u r Vinci
plus encore que p our Alherli I'<■*i 1 do l'observateur est le
critère de lu vérité du représenté : ou suit que V' i uni u clé
conduit ù crit iquer lu perspective linéa ire d’Albc.rli p o u r
1 . La « première ]j ruison que l\uil du speetuleur Tare ù ntl tubleuu composé
nelon les lois perspectives* ne pouvait voir celle surface
photographie », p a r Nicéphore Niepce, plunc sans défo rm atio n aucune q u ’à nue certaine dislunce
prise de sa chambre, à Gras, en 1826 . imposée, une déformuliou des parties latérales de lu toile
se pr oduisa nt q ua nd l'œil s'approchait de son centre.
25) Voici, ci'.é pur Des lande* (op. cit., p. 2-171. !e p ro
2 . Le Praxinoscope à projection gramme d'u ne conférence don née ù Londres en 1881 : « La
propu poli o u de lu lumière ; les ondes lumineuses ; les m i
d ’Emile Reynaud ( 1 8 8 0 ). roirs concuvcy el convexes : le Kuléidoscope de Du rkcr ; la
réfruction ; le speclre lumin eux ; les mirages ; lu diffrac
tion ; les interférences ; les anneaux de Newton ; l’irides-
3 . Chronophotographies partielles cencc des perles, de» plumes et des bulles de &uvon ; la
de Marey (vers 1 8 8 5 ). lumière cliromutique et m on ochrom utiq ue : la pcrsistuucr
lu mineu se sur la rétine ; le Tliunm ulrope ; le Ka lo tro pc ;
Cf. page suivante. le l'Jiolodrimic ; le Cboreutoseope de Haylc. »
13
M arcelin Pleynel (pie le code «le la fterspecliva Comme dit Deslandes : « Il ne voyait pas l’intérêt
artificialis a jo u é com me système répressif (26). de p ro jeter sur un écran « lu vie lelle q u ’elle
est. » (30) A rpioi il faut a jo u t e r «pie dans le
c h a m p m ême de ses recherches sur la physiologie
du mouvement, Marey assez vile a ressenti le
S'il fuul enfin pro d u ire lin autre indice du fait
réalisme «le l’image p h o to g ra p h iq u e comme une
«pie Finvenlion du cinéma ne s’est constituée tpie
gê.ne. et a été conduit à dénaturaliser sa scène :
c o m m e réponse à une de m a n d e idéologique, 011
fonds noirs, vêtements blancs, souvent une ja m b e
le trouvera dans la contradictio n totale qui se
du sujet couverte de noir po u r éviter q u ’elle
m a r q u e entre les projets, intentions, déclarations
brouille la trace de l’autre, enfin des bandes
«le la m ajorité des inventeurs successifs du cinéma réfléchissantes sur les bras et les jambes, seules
el les positions de l’un d'eux, le physiologiste
enregistrées, pour arriver à une sorte «le gra-
M arey, le plus près sans doute d 'a b o u tir à l’a p
p h iq u e : « Les images animées se sont im m obili
pareil ultime, mais qui, du poin t de vue de la
sées en des figures géométriques : l'illusion «les
science, n’y voyait nul avantage. Alors en effet
sens s’est évanouie mais elle a fait place à la
q u e d om inent ce que Deslandes appelle « la re
satisfaction «le l’esprit. » (31)
c h e rc h e de l’ahsolu » et Bazin « le m ythe du
Une lecture quehpic peu attentive «le l’histoire
c iném a total », cpie de tous côtés l’on vise à la même de l'invention «lu cin éma fait ainsi a p p a
rep ro d u c tio n parfaite et complè te de la vie : raître l’abus q u ’il y a u ra it à exagérer, pour les
im age p h o to g r a p h iq u e + relief + mouvem ent besoins de la cause objectiviste, le r«"de jo u é par
+ couleurs + son (« C’est ainsi, «lisait très n a ï la science, théori«juement com me p ratiquem ent,
ve m e n t 1111 jo u rn a liste du ”T einps”, que peu à en celte invention. Mais cette histoire — dont
peu la science, «pii va à pas «le géant, réussira je n ’ai fait ici que réinscrire certaines questions
à su p p r im e r la Mort, son seid obstacle et sa — n ’est pas non plus sans in diq uer, à défaut
seule ennemie... »), ATurey met au point le citro- de la Science, Y Econom ie com me déterm ination
n opholttgraphe. que «listingue de la caméra su r prin cip ale «le la constitution de la techni«pie ciné
to u t le fait q u ’il utilise «lu p a p ie r p h o to g ra p h iq u e m a to gra p h iq u e . Et dans un procès de do uble
et non «lu film, sauf que, c om m e le no te Des d éterm in atio n , liée à elle, demande-réponse so
landes : « Un abîm e sépare le e h r o n o p h o to g r a p h e ciale, l’idéologie.
d e la cam éra cin é m a to g ra p h iq u e et ce n'est pas
seule m ent une p a rtic u la rité techn iqu e (...) C’est
la destination même de l’appareil. La caméra
c i n é m a to g r a p h iq u e a po u r bu t essentiel l’o b te n
tion «l’un long r u b a n d ’images qui, se déroulant C’est en effet comme à la fois m ultip le et
e n su ite dans un pro je cte ur, créera l’illusion du fra g m en taire que se donne à lire, en toutes ses
m ouvem ent. L e e h ro n o p h o to g ra p h e , lui, a pour « Histoires », la naissance du cinéma : disséminée,
seule fonction d ’enregistrer le mouvem ent, de éclatée, recommencée en eliaque nouvel « a p p a
l ’immobiliser. » (27) Le physiologiste s’intéresse reil » mis au point, en c h a q u e «létail techniq ue
d o n c avant tout i) la décomposition, à l’analyse sup p lém en taire, en c h aqu e brevet nouveau, et
des mouvements, et s’il é tu die les possibilités de sim u ltaném en t différée, reculée «l'un instant
p rojection «le ses images, met au poin t plusieurs encore pour le m aïupie en ces appareils l’un après
modèle s «le projecteur chronophotogra phi que. c’est l’autre de quelq ue «létail technique, «le la nouvelle
p o u r pouvoir observer plusieurs fois de suite le solution «l’un nouveau problème. Si bien que ce
m o uvem ent enregistré. Ce pourquoi il n’envisage qui change d ’un appareil au suivant est infinité-
uucu n em ent de travailler avec un film, mais se 30) Op. cit., p. 130.
c ontente d ’une han f/e .sans fin : « P o u r bien 31) C.ité par Deslandes, op. cit., p. 144. No to ns encore qu’un
sa is ir la n a tu re d ’un mouvement, il est avanta autre savant. Albert Londe, chargé pur Charrot de diriger
le laboratoire de photo grap hi e médicale «le La Salpétrière,
geux de le repro«luire un certain nom bre de fois. mit ail point des appareil» chronophotoi;raphiques mais,
Cela s’obtient naturellem ent avec les appareils comme Marey, déclara que le Ciném atographe était sans
ù disque tou rn ant. Mais comme nous devons nous intérêt au point de vue scientifique, « la représentation ciné
servir, pour p r o du ire les images, d’une b a n d e m atog ra phiqu e mettant l'observate ur dans lu même situation
exactement q ue devant le m odèle lui-même. Cependant,
pellic ula ire, il faut «pie celle-ci soit refermée L onde Souligne qu’il en va tout autrem ent si Ton se sert
s u r elle-même p o u r to u r n e r sans fin et faire «lu Ciném atographe au ralenti ou à l'accéléré : € En ralen- ‘
repasser continuellem ent la série «les images au t i r a n t la marche de l’appareil de synthèse on arrive à
foyer «le l’objectif. » (28). Ce sont ces mêmes re ndre visible à l’œil les mouvements qui éch appe nt n or
male ment à l’œil. (...) Inversement, certains mouvements
préoccupations qui lui font, précisément, c o n éch appe nt à l’ceil à cause de leur le nte ur extrême, tels pur
d a m n e r le cin éma : « Les photo g rap h ies animées exemple l'accroissement des anim aux el d o plantes. Eu p r e
o n t fix«î pour toujours «les m ouvem ents essentiel na nt des séries de photographies à des intervalles convenu-
le m e n t fugitifs... niais enfin ce (pi’elles m o n tren t, Ides mais éloignés, 011 po urra les faire repasser sous les
yeux ra pide ment et re p ro d u ire en un instant le ph énomène
l ’œil eût pu le voir directe ment ; elles n ’ont rien dan^ son ensemble. » Se trouve pré vu là l’un des grands
a j o u t é à la puissance de notre vue, rien enlevé axes de. déve loppe ment du cinéma scientifique, et il n’est
il ses illusions. O r le vrai caractè re «l’une m é th o d e pas indifférent de relever que c’est dans le « trucage »,
scienlifnpie est d e suppléer à l'insuffisance de a u tr e m en t dit «lans la transgression de l’impression de réalité
que cet axe est d'e mb lé e inscrit. Il 11e suffit pas en effet,
nos sens ou «le corriger leurs «erreurs.» (29). c om m e le dit Lebel, de « br anc her une caméra sur un
microscope (...) p our filmer q u e lq u e opération entr e lame
26) Cf. infra. et la m e ll e » p our [aire du cinéma scientifique tel que « h ;
27) Op. cit.. p. 141. résultat obt enu 11*a rien « d ’i d éologique» (...)» encore,
28) Cilé par Deslandes. op. cit., p. 143. convient-il, p o u r filmer des images microscopiques, de rom
29) Cite par Deslandes, op. cit., p. 144. pre avec la no rm alité de. la fréquence « réaliste »...
14
simal, ce rfui m a n q u e aussi. Avec la « n o u v e l l e » vain en effet «le c h e rc h e r à d é m o n tr e r que tel
invention des frères L u m iè re — mille fois préfi ou lel a pp areil de 1895 ou de 1896, destiné ù
gurée — c’est le double jeu de celle « avance » la proje ctio n des images animées, dérive plus
et de ce « relard » d ’un progrès 1eclini<|ue sur ou moins d irectem ent du p rincipe et du m é c a
l’a u tre (pii brusq u em en t prend fin, mais non m ir a nisme po u r lesquels Edison avait pris un brevet
culeusement : saut qualitatif, à quel prix ? (...) Il est inutile de r a n im e r les disputes d ’a n té
Comme le n otent Bazin el Sadoul, « rien ne rio rité concernant les particularités te chniques
s’opposait à la réalisation d ’un Phânakistiscojte des premiers appareils de projection ou de prise
ou d ’un Z o o tro p c depuis l’a n tiq u ité » (32) ; « pres de vue c in ém ato g rap h iq u e. Le fil c o n d u c te u r ne
que rien », pourrait-on dire aussi, à celle de la se trouve pas là. Le fait essentiel, le point de
p h o to g ra p h ie depuis le m o m e n t (1550 semble-t-il) d é p a rt qui conduisit enfin à la réalisation pra
où l’on a d jo in t une le ntille à la caméra obscura, tiq u e des projections animées, c’est le « nickel »
de mêm e q u e presque rien ne sépare le Praxi- q u e le sp e c ta te ur am é ric a in glissait dans la fente
noscope d ’Emile R ey n au d , qui p ro je tte p u b liq u e du K in étoscope Edison, ce sont les vingt-cinq
ment des images animées, du C iném atographe centimes (pie payait le b ad a u d parisien en sep
Lum iè re, sinon que, la photo p o u r t a n t ré p a n d u e te m b r e 1894 p o u r pouvoir coller son œ il à l ’ocu
depuis longtemps, ce sont des images dessinées la ir e du K inétoscope (...) Voilà qui e x p liq ue la
et non filmées, etc. naissance du spectacle c in é m a to g ra p h iq u e en
Nous nous trouvons donc face à des chaînes France, en Angleterre, en Allemagne, aux Etats-
de recherches (sur la production rie l’image, sur Unis p e n d a n t l’année 1895. Les p h o tog ra p hie s
su fixation et sa re productio n, sur la synthèse animées n ’étaie nt plus seule m ent une expérie nce
du mouvement) plus ou moins parallèles, ind é de la boratoire, une curiosité scientifique, elles
pendantes, désordonnées, d ’inventions souvent pouvaient désormais être considérées com me une
sim ulta nées et identiques (les querelles d ’a n tério form e de spectacle rentable. Il ne faut pas c h e r
rité de brevets o ccu p ent u n e b on n e part des ch e r l’origine du C in é m a to g ra p h e Lum ière, du
histoires du cin ém a) qui se développent sur le T h é â tr o g r u p h e de R o bert W illia m P au l ou du
fond c o m m un des observations em piriq ue s a n Bioskope de Skladauow sky dans les descriplioiiK
ciennes p o u r ne converger et se co m pléter que t e c h n i q u e s des brevets antérie urs, mais dans les
très ta rd : un demi-siècle après les expériences colonnes «le chiffres d ’un livre de comptes, celui
de F araday, Plate au el S ta m p fe r sur la persis de la K ineto seope C o m p a n y de Rapli et Giimmon,
tance rétin ien n e el l’effet stroboseopique, un demi- chargée de l’e xplo ita tion des appareils Edison
siècle aussi après l’invention de la couche ph o to [plus de 48 000 dollars en moins d ’une a n n é e j
graphique. En revanche, dans les toutes dernières (...) Les ho mm es qui vont m ettre au poin t en
années du xix* siècle, c’est alors une course au 1895 des appareils destinés à p e r m e ttr e la pro
brevet effrénée, le surgissement sim ultan é sur le je ction en public, à des fins commerciales, de
m a rché de plusieurs appareils enregistreurs-pro- photog rap hies animées, ne sont pas des c h e r
jecte urs p ra tiq u e m e n t identiques : les concurrents cheurs désintéressés poursuivant on ne sait quel
arrivent ensemble au but. rêve pro m élh éen. Ce sont des esprits pratiques. »
Bazin in te rp rè te ces séries de reta rds et de (33). Ce q u ’avait dit d é jà l’historien anglais B rian
lenteurs comme preuve d’une « résistance de la Coe : « L’a p p a r ilio n du K in étoscope et son ex
matière », reta rd m ême de la te c h n iq u e et de ploita tion aup rès du grand public m a rq u e n t le
la science sur l ’idée et le m ythe, puisque la to urn an t décisif de l ’histoire du c in é m a to g ra p h e ;
p lu p a r t des invente urs avaient une très claire non seulement il était désormais prouvé q u e l’on
idée du but et de la porté e de leurs travaux : pouvait m a in te n a n t o b te n ir sur le plan p r a tiq u e
la production d ’une représentatio n fidèle el totale des images animées — ce dont on avait douté
de la vie, « réaliser le rêve ancien de l’h u m a n ité ». p e n d a n t Irès longtemps — mais surtout d é m o n t r é
Mais la raison m êm e de ce reta rd ne tient pas q u ’elles pouvaient r a p p o r te r de l’a r g e n t. » (34).
seule ment à la fatalité selon Bazin d 'u n décalage C’est au redouble m ent récipro q u e de la de
entre le « r ê v e » et sa « r é a l i s a t i o n » . C’est p lu tôt m a n de idéologique (« voir la vie telle qu'elle
(pie d ’une part, si les conditions « scientifiques » est ») et île la d e m a n d e économ ique (en faire
de la production de la cam éra définitive étaient u n e source de profits) qu 'ainsi le cinéma <1oit
réunies plus d ’un demi-siècle avant sa mise au d ’être. Il n ’en va pas a u t r e m e n t de la p lu p a r t
point, les scientifiques eux-mêmes ne se sont guère des techniques : tendues vers la réalisation d ’un
préoccupés, on l’a vu, de régler les difficultés objectif qu e le ur assignent et dont les constituent
technico-praliques de fabrication de l’appareil l’une et l’a u tre de ces (leux demandes. Et c’est
parce qu'ils ne se sont guère intéressés à celle ce q u ’il nie semblait i m p o r t a n t d ’é ta blir el de
fabrication ; et que d’autre pari c’est à p a r tir ne pas p e r d r e de vue dans le cas du cinéma, c a r
fin moment où la production de la caméra s’est si nous sommes d’accord avec Lebel p o u r refuser
inscrite dans une d e m a n d e sociale et dans une de le m a r q u e r d ’une « tare idéologiq ue na tu re lle »,
réalité économ ique que les choses se sont préci ce n ’est pas p o u r escamote r d e rrière une incon
pitées, les efforts décuplés. sistante « base scie ntifiq ue» le fait (pie c'est sous
Deslandes, dont la visée n’est en rien marxiste, les effets d ’une d e m a n d e économ iq ue, c’est-à-dire
r e m a rq u e : « L’im po rtan ce du K inétoscope Edison dans l’idéologie et c o m m e in stru m en t id éologique
(1892-93) n’esl pas d ’o rdre technique, mais éco q u e de part en pa rt s’est pensé, fa briq ué e t
n o m iq u e el commercial. Il serait p a rfa ite m e n t acheté le cinéma.
32) Cf. An dré Buzin in « L e mythe d u cinéma to ta l», op. 33) Op. cit., p. 213, 214.
cit., p. 22. 34) Cilé pur Dc&landcs, op. cit., p. 213.
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12 numéros : 100 F
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“L’immaculée perception”
( JLemparts d'argile)
par Jean Narboni
Rappelons d ’abord que la sémiotique, qui se consti m ent à son niveau spécifique les manques caractéris
tue aujou rd'h ui comme une science des significations, tiques de toute sociologie empirique (donc non scien
p eu t être dite également, en ta nt q u’elle considère tifique), s’en t r o u v a n t p a r là m êm e g r a v e m e n t
les pratiques socio-historiques comme des systèmes compromis dans son exigence de « rigueur » ciné
signifiants, la méthodologie des « sciences hu m at o g ra p h iq u e et, inséparablement, dans ses meil
maines » (i ). leures intentions progressistes.
A ce double titre, m ain te n a n t dans son activité N i la familiarité en effet avec r u n i v e r s social que
déconstructive et analytique la pluralité et l’h é t é ro revendique l’auteur, ni la « loyauté farouche d ev a n t
généité des modes de signifier d o n t elle pratiqu e le fait » d o n t le gratifie D u v i g n a u d en personne, ni
l’investigation, mais pensant aussi la production de le « principe d ’effacement de va nt la réalité » qui
son p ro p r e discours p o u r le critiquer, elle est à présida nous dit-on à l’entreprise (2 ) , ni la « c o m p r é
m ême d 'é pro uv er, sans jama is se poser en Savoir hension » enfin d o n t elle ferait la pre uve envers la
absolu, la légitimité de ce qui s’avance sous le nom comm una ut é villageoise filmée ne saur aien t — p o u r
de sciences humaines, d ’en re pé re r les présupposés, estimables q u’ils soient — être mis au cr édit du
conscients ou inconscients, sur lesquels elles se fon film, p o u r la raison que ces traits constituent (c’est
dent et donc de m et tre à j ou r leurs insuffisances a u j o u r d ’hui acquis, m êm e si non encore, et p o u r
théoriques et leurs implications idéologiques/ longtemps, admis) les obstacles épistémologiques les
politiques. plus résistants à une pratique conséquente connais
II p eu t sembler illégitime, comme on va tent er de sant ce q u’elle fait, et qu’on ne p eu t les retenir qu ’au
le faire ici, de m et tre en compa rais on la dé m ar che titre de ce q u ’ils désignent de manque à la théorie
d ’un film et celle qui caractérise la sociologie dans la (lequel n ’est jam ais sans e ffe ts 1res pratiques) et de
g ra n d e maj ori té de scs interventions, le cinéma soumission à ce que Nietzsche appelait le « d o g m e
comm e pratique signifiante déterminée n’ayant pas de l’im maculée perception ».
à se co n f o r m e r au procès d ’une science (qui, comme
Q ue la carence théorique ne soit jam ais sans effets
science du « social », pré ten d à p ro d ui re des connais
bien réels immédiats, on le constate en p r e m i e r lieu
sances) et donc, semble-t-il, pas à en être rapproché.
à ce que toute dém a rc h e empirique (qu’il s’agisse de
Cepen da nt, le prob lème envisagé éta nt ici celui
« savants », d* « artistes » ou de « critiques » ) , dès
de l}em pirism e et de scs implications, il nous p a r a î t
au contraire possible, et souhaitable, sur l’exemple le m o m en t où, se co n f o r m a n t à l’i m p ér a tif de la
« soumission aux faits », elle p ré te nd à l’a b a nd on
d ’un film précis lui-même di rectement lié à une expé
de tou t présupposé, engage au contraire une série de
rience sociologique, de m ett re en évidence les po stu
postulats implicites idéologiquement très chargés,
lats implicites qui sont à l’œuvre et dans l’exercice
d o n t on v e r ra ici les principaux à l’œuvre. L a « sou
m aj o rit ai re de la pratique cin éma tographique cl dans
mission » au fait et cette fo rm e particulière d ’imagi
celui des sciences dites humaines, p o u r tenter de
construire, à p a r t i r de cet exemple, le système de naire que sont l’illusion référentielle, l’illusion de la
leurs affinités (il va de soi que l'empirisme p ro cé dan t transparence, impliquent en effet que les faits p a r le
dans tel ou tel champ des mêm es fondements philo raient d' « eux-mêmes », et que, leur « vérité » rési
sophiques idéalistes, le prob lèm e de l’« influence » d a n t dans leurs relations app arentes, il suffira de
ou de l'a ntériorité ne saur ait être retenu que comme décrire ces relations, de les m ettre en f o r m e } au
indicateur, lui-même empirique, du fait que l’enquête mieux de les systématiser, p o u r déc réter le do m ai n e
a précédé le fil m ). concerné analysé et « connu ». P o u r nous limiter à
Il nous pa r aî t en effet que R e m p a r t s d ’argile de l’o r d r e des pratiques « artistiques » (quand du moins
Jea n-Lo uis Bertucelli (scénario de J e a n Duvi gna ud, elles se veulent conséquentes, et nul doute que Ber
d ’après le livre « Chebika », enquête sociologique sur tucelli ait voulu tel son film), la contradiction est ici
un village tunisien) redouble et accentue exemplaire flagrante avec les principes brechticns du réalisme
com me dévoilement du co m ple xe de causalité sociale
1) « La M utation sémiotique », Julia Kristeva, in « A n
nales », novembre-décembre 1970. 2) P re s s book du film.
23
(et q u ’il s’agisse de cinéma « sur le terrain » ne Q u e l’on en vienne à in ter ro ger la conception des
change rien à l’affaire, mais, au contraire, les risques r a p po rts sociaux que le film manifeste (et nous y
d ’ave ugl eme nt éta nt plus grands, devr ait imposer sommes autorisés p a r une entreprise qui aussi déli
une plus g ra nd e vigilance) ; op ér ati on qui, p o u r b ér ém ent entend se placer sous le signe de la poli
n’être pas le procès scion lequel une science constitue tique, non seulement autorisés mais tenus, sauf à
son objet (encore Brecht en doutait-il) n ’en exige pas continuer d ’accorder aux « artistes », sous le p ré
moins un travail de construction, soit de dissolution texte de leur « marginalité », ce droit à l’inconsé
des unités immédiates proposées à la perception au quence d o n t la bourgeoisie leur fait un d e v o i r ) , et
profit d ’un nouvel o r d r e de relations (« L ’art ne nous la constaterons fondée, en contradiction fla
doit présente r les choses ni com m e évidentes (tro u gra nte avec le marxisme, sur l’illusion que les r a p
v a n t un cr.lto dans nos sentiments) ni com m e incom p or ts sociaux on t la forme de relations entre sub
préhensibles, mais co m m e compréhensibles, bien que jectivités dotées d ’intentions, de motivations et
non encore co m prises'») (3). N é gl ig e an t toute d ’aspirations, et non pas de ra p po rts « nécessaires,
analyse/construction historico-sociale (la grève, p a r d é te rm iné s, indépendants de leur v o l o n t é ». T o u t e
exemple, survient p a r « miracle » ) , R e m p a r ts d }ar situation conflictuelle (le film en expose une) sera
gile se cantonne à un interminable parcours, ba alors pensée comme opacité secondaire survenue
layage, quadrillage de surface, en l’addition méca- dans la transparence des ra p po rts intersubjectifs
niste de cadrages « p ro f on ds » , le donné y fonctionne, (cf. l’apparition de l’exploiteur ou du collecteur de
au sens analytique, comme écran (c’est une f o r m a t i o n plus-value comme puissance m al fa is a n t e) , ra pp ort s,
de co m p ro m is caractérisée comme telle p a r son « in en de « meilleures » circonstances, déterminés p a r
sistance et sa netteté exceptionnelle co nt ra st an t avec des sujets maîtres d ’eux-mêmes et de leur vérité
le m anq ue d'i nt ér ê t et l’innocence du c o n t e n u » ) . (d’où l’inflation, toute métaphysique, des thèmes de
Dispositif garanti, encore, à la fois du côté de Vévi la dét ermination de Yelre c o m m e présence, et surtout
dence (« faisant écho à nos sentiments » : soit l’équi de la conscience comme proximité, intimité, présence
libre de sa composition, sa rigueur, son « maintien », à soi : la chanson, à peu de choses près, dit : « C ’est
où nous verrons plutôt un descriptivisme décoratif au plus p ro f o n d de la solitude que je suis p ar ven ue
d o n t la préte nd ue sobriété, à la lettre, sc re -m arq ue ), à moi-même et à ma v é r i t é . . . » ) . C or ré la t iv e m en t à
et du côté de Pincompréjiensible (à enten dre ici cette philosophie des droits de la personne, « droit
comme ce qui, perdu en psychologisme, se regagne à Paction libre et droit à la conscience claire de
au centuple dans les mystères de l'intériorité et l’o p a Paction » (4 ) , l’acte révolutionnaire p a r excellence
cité des conduites, ce que Vile une, autre mo num ent sera celui qui, annulant l’opacité advenue, rétablira
métaphysique, faisait il y a dix ans, avec les mêmes la transparence un m o m en t altérée des relations
effets assurés). interhumai nés (le geste de couper la corde du puits,
E n conséquence, nulle distance n’éta nt prise p a r p a r lequel la jeune fille, comme dans les plus beaux
r a p p o r t au « réel » puisque ce « réel » est supposé films de vampires, fait littéralement se dissiper l’a r
ne [aire jamais question (voir article de Pascal m ée ). On connaît les effets très précis des mytholo-
B o ni tz cr dans ce même n u m é r o ) , le lilm fonctionne gies de la communication et leur fonction q u an t à
sur le modèle éprouvé de la réponse pré don née à une l’ad a p t at i o n /r éa d a p t at i o n des agents sociaux aux r a p
question dont la réponse est la condition, et que p a r ports de production. M a i s si cela semble a u j o u r d ’hui
là même elle peut implieiter. T r è s précisément, c’est à peu près acquis po ur ce qui est des « sciences
ce qui a lieu avec la ph ra s e inaugurale de F ano n sur humaines » (« On sait ma répugnance de toujours
la nécessité p ou r les peuples affranchis du colonia p o u r P appellation de sciences hum aines, qui me
lisme de liquider leur révolution nationale d ém o c ra semble être l’appel m ê m e de la servitude » J. L a
tique bourgeoise p o u r accéder au socialisme, do nt le ca n ), il ne semble pas en aller de même q ua nt au
spectre en quelque sorte plane sur tou t le film, le rôle susceptible d ’être joué p a r les films où sont
surplombe et s’y insinue, le go uv er na nt vers sa fin. engagées de telles philosophies humanistes et libé
P h ra s e qui dès lors, comme réponse anticipée, rales, sous la pression d ’une comman de sociale de
comme pré-diction (relevant peut-être d ’un o rdr e plus en plus friande de films « progressistes », dans
mythique, mais non historique, donc en d eh or s des cette même a d a p t a t io n/ r éa da p ta ti on .
contradictions et des luttes) se découvre cause, et Constatons p ou r term in er le r a p p o rt étroit q u ’en tre
non effet (au ter m e d ’un tra vail) de sa p r o p r e dé tient R e m p a r ts d ’argile, dans sa diachronie, avec
monstration, ici économisée p a r l’absence précisément la formule des sciences humaines (très précisément
de ce travail. P h r a s e cont ra ig nan t à sc faire lire à de la psychologie sociale) telle que T h o m a s H e r b e r t
travers chaque plan, figure, prise, ceux-ci, les plus l’écrivait dans le num éro 2 des « C ah ier s po ur
anodins et inoffensifs, fonctionnant comme preuve, l’analyse » :
vérification, confirmation aveuglante de ce que l’on « 1 ) L e s rapports sociaux, constitués par Pin ter-
sait déjà y t ro u ve r (la critique progressiste, peu relation des points subjectifs sont, à P origine, adap-
exigeante, y a cru sur pa ro le).
4) « Le Métier de sociologue », P ie r r e Bourdieu, Jean-
3) E c r its s u r la litté ra tu re et l’a r t 1 , « Sur l’a r t ancien Claude Chamboredon, Jean-Claude Passeron, Mouton /
et nouveau », L ’Arche, p. 30. Bordas 1968, p. 39, auquel ce texte doit beaucoup.
24
25
I
26
VERTOV, LA PRESSE ET LE PARTI
L e 24 ju illet 1926, sous la litre <t La F abrique des laits (à litre de proposition) », Dziga V crto v écrit dans la P ra vda : « M a i s la question
d'un centre u n iq u e p our les activités et les travailleurs du ciné-œil, le p ro b lè m e d'u ne base solide p o u r lo travail ciné-œil, que le camarade
Févralski a soulevé en temps utile dans son article de la P ra v d a (du 15 j u i n ) , est un sujet à l 'o r d r e d u jour . Le cam arade Févralaki a parfai
tement raison q ua nd il parle de l'urgence d ’une centralisation de toutes les formes rion-tliéùlruIcB, non jouées, d u film ». Les trois articles
qu e nous p ub lions ici, par le systèm e insistant d e renvois et de références qui les assem ble, nous paraissent rendre un compte assez fid è le
des d ifficu ltés qu e le « ciné-docum entaire » des K in o k s affronta en s o n temps, difficu ltés ne provenant, selon le récit d e V ertov, ni d u
Parti c om m u niste , ni d e ta Pravda , mais de fonctionnaires de la Ciném alographie S o v ié tiq u e et de « spécialistes » du cinéma (ou de la < lit-
téralure », cf. les textes cTOssip H rik ). N o u s rappelons que les textes de V ertov seront p ubliés en sep tem bre (et non en m a i) 1971 dans la
collection 10/18 (Christian B ourgo is éd iteu r) dans la traduction établie par A n d ré e H obel et Sy lv ian e Mossé, préface d e Jean N arboni.
D z ig a V E R T O V .
CAHIERS DU CINÉMA
Revue mensuelle de cinéma
ii vec
NOS
1-50 (avril 1951 - août-sept. 1955) en 1 volume relié toile 56,00 F
N os 51-100 (oct. 1955 - oct. 1959) en 1 volume relié toile 56,00 F
N °s
101-159 (nov. 1959 - oct. 1964) en 1 volume relié toile 56,00 F
Nota : Les prix indiqués ci-dessus sont strictement basés sur le prix d’édition en dollars, majorés de la TVA
et des frais accessoires, et sont sujets à modification en cas de changement du rapport des monnaies.
AMS P R E S S , IN C .
56 East 13 th Street, New York, N.Y. 10003/ 17 Conduit Street, London W . 1, England
Notes pour une théorie de la représentation
par Jean-Pierre Oudart
{Ce texte pr en d la suite de « L ' e f f e t de réel », parti ou fétichisé, l’effet de réel constitue a u j o u r d ’hui, dans
dans notre n° 228.) le cha m p de la théorie cin ém at og rap hi que , la tache
aveugle de son discours, lorsqu’a u r o n t été dégagés
les ra p p o r t s entr e l’inscription de cet effet et les m o d a
i R ap p els e t p ro p o sitio n s lités d ’interpellation du spe c ta te u r p a r le film comme
p a r le tableau. D a n s n ot re p ré c é d e n t texte, nous avions
D éc ons tru ire a u j o u r d ’hui le système de la re p ré s e n posé th é o ri q u e m e n t une distinction entre e f f e t de p r o
tati on que nous décrirons m ai n t e n a n t so m m a i re m e n t duction et e f f e t de sens, et défini l’effet de réel comme
comme une figuration se ré f é r a n t à un objet réel, l’effet d ’inscription des figurants picturaux dans un
co n te m p or ai n du p r o d u c te u r de la figuration, vu p a r ca d re scénique, a u t r e m e n t dit com m e l'e f f e t de pro
lui, et inscrivant scs figurants comme é ta nt là, regard és duction d'un systèm e f i g u r a t i f scénique. C et effet de
p a r et r e g a r d a n t le spe c ta te u r l ors qu’il s’agît de figu prod uction des systèmes figuratifs qui se sont succédés
rants humains, au moyen d ’un dispositif scénique dont entre le M o y e n Ag e et le xix° siècle est ce qui a déte r
nous avions p r é c é d e m m e n t indiqué le processus de miné les conditions de lisibilité de leur discours. Il s ’est
t r a n s f o r m a t i o n entre le Q u a tt r o c e n t o et la fin du XIX* tro u vé en fait réinscrit, d ’une man ièr e répétitive et
siècle, implique que ce système ait été replacé dans le rela tiv em ent figée, comm e le non-vu de ces systèmes
cad re historique de sa production. F a u t e de cela, ris successifs, d ans la m es u re où, con ditionnant une visi
q ue r ai t f o r t de per sister une confusion qui pèse a u j o u r bilité qui éta it elle-même fonction de la déte rm ina tio n
d ’hui lourd sur la th éorie cin ém at ographique, entre idéologique et sociale de la figuration, sa p r o p r e d é t e r
des systèmes figuratifs très différents mais d o n t le mination idéologique et sociale est restée inconsciente.
commun d é n o m i n a t e u r est qu ’ils co m p o rt e n t tous un Ce p en d a n t, le fait qui p e r m e t d ’instituer une coupure
dispositif scénique (qui ne se ré fèr e d ’ailleurs pas entre la représ en tation telle que nous l’avons décrite
tou jo urs à une scène th é â tr a l e ) qui pro dui t, mais peut- et les autre s systèmes est que l’institution de cette
être un iquement p our un spectateur actuel, ce que re p ré se n ta tio n consiste non seulement en l’av èn em ent
nous avons no m m é un effet de réel, c’est-à-dire qui d ’une figuration à ré fé r en ts réels et actuels, privilégiée
institue leurs figurants, à quelque ob jet réel ou imagi p a r la Bourgeoisie p a r r a p p o r t à toutes celles qui
naire q u ’ils se réf èr ent , comm e é t a n t là au r e g a r d d'un l’av ai ent précédée ou lui éta ient encore con temp orain es
spe c ta te ur lui-même institué comm e le m ett eu r en (les figurations religieuses et mythologiques p a r
scène d ’un fanta sm e d o n t ces figurants constitueraient ex e m pl e ), mais aussi en une t r a n s f o r m a t i o n , idéologi
les objets. Il convient d ’insister sur le fait que cette quem en t et socialement surdé ter mi née , du dispositif
interpellation actuelle, p a r de tels dispositifs figuratifs, scénique des systèmes figuratifs qui l’avai ent précédée,
du sujet en m et t eu r en scène, cette institution d'un im a op ér ée sur le mo de du re f o u l e m e n t du dispositif scé
ginaire comme réel, sont le fait, réactivé p a r le cinéma, nique de la figuratio n. L e système de la re présentation
d ’une persistance des effets idéologiques du système ne consiste nullement en l’adjonction d ’un sp ectateur
de la représ en tation d o n t l’ultime effet de leurre est à une scène qui lui a u r a i t préexisté. Ou, plus précisé
de susciter a u j o u r d ’hui cet a m a lg a m e entre des svs- ment, d ’un discours figuratif religieux inscrit dans
tèmes figuratifs encore une fois hi st oriquement, idéo un dispositif tel que p a r exemple celui de Gi otto, à
lo gi quement et socialement di ffé rem m ent déterminés. un tablea u p r o f a n e co m m e « Les M én i n es » de Vélas-
L a déconstruction des o pé r at io ns de pro du c tio n de quez, la scène est a p p a r e m m e n t restée la même, mais
l*effet de réel, replacées d an s le cad re des différents les acteurs et les spectateurs on t changé. Ce ne sont
systèmes figuratifs dans lesquels ils on t été inscrits, plus les mêmes acteurs qui interpellent les mêmes
p e r m e t t r a peut-être de co m p r e n d r e po urquoi, a b h o r ré spectateurs. E t c’est da ns cette t r a n s f o r m a t i o n invisible
43
niais ce pendant lourde de déter min at ion s idéologiques gén éral d ’une étude de la t ra n s f o rm a t i o n de la société
et sociales, c’est dans la substitution de ligures de médiévale et de l’av èn em en t de la Bourgeoisie et de
p er so nn age s réels, conte mpo ra in s du peintre, à des son idéologie. N o u s n ’en indiquerons ici que les repères
figurants in carnant des ligures religieuses, que s'est p r o qui nous par ais sen t nécessaires à ce p ré s en t travail, en
duite et que doit être re pérée la mise en place du dis p a r t a n t d'une distinction du sym bole et du signe, déjà
positif p r o p r e m e n t fa ntasmatique de la représentation. faite p a r Ju lia Kristeva, que nous essayerons de ne
P ro d u i s a n t en effet ses figures comme réelles, au moyen pas abstr ai re de leurs d éte rm in at io n s économiques et
a p p a r e m m e n t du même effet de réel que les peintres idéologiques. N o u s désignerons p a r symbole d ’ab o rd
du M o y en Age, Vélasque/. inscrit dans son tableau la l'objet d ont se règle la pratique du sacrifice religieux;
trace de leur vision réelle, inscrit ses figures comme p a r signe l’objet dont se réglé la négociation des p r o
é t a n t réellement vues dans une fiction iconique dans duits économiques.
laquelle est impliqué le specta teu r à qui ces ligures Le symbole est impliqué d ans les pratiques sociales
s’adressent, p r o d u i s a n t un e f f e t d 1assertion qui persis médiévales p a r l’institution d ’une D e tt e qui régit les
t era ju sq u’à la iin du XIXe siècle. Cette st ructure asser- ra p p o rt s hiérarchiques des g ro up es sociaux, le signe
tive du discours du peintre a donc été pro du it e p a r dans les r a p p o rt s sociaux qui sont instaurés au sein
la réinscription du dispositif scénique de la peinture de la société médiévale, p a r les activités com merçantes
religieuse médiévale, et de la syntaxe de son discours de la Bourgeoisie.
(les r a p p o rt s de r e g a r d des « scènes » de Gi ot to p a r b) L a D e tt e qui lie la paysannerie aux seigneurs
exe m ple ). M a i s ses figurants repr ése nten t dés ormais constitue la référence sociologique m aj eu r e du symbole,
des perso nna ges conte mpo ra in s du peintre, impliqués comme d ’une manière homologue, celle qui lie le sujet
avec lui dans un rapport social qui, dans « Les M é- théologique au cr éat e u r en constitue la référence reli
nines », a é t é ’ di re c te m en t inscrit dans sa scène, et gieuse. L a structure de la société médiévale s’inscrit
d o n t l’inscription donne peut-être la clé de la t r a n s f o r et se pense sur le mo de de ce r a p p o r t théologique de
mation qui s’est opérée, lors de l’av è n em en t de la la cr éat ure endettée envers le créateur, et du créateur
représentation, dans le dispositif scénique des tab leaux: envers la créature, cette réversibilité n ’ét an t que l’effet
les figurants s’inclinent d ev a n t un m aî tre à qui ils signi inversé de la conception de la filiation divine du sujet:
fient son autorité, et qui occupe, dans Je dispositif' la D e t t e au P è re réinscrit la De tte du Père, le thème
nouve au de la scène, dans le fantasme de la r e p ré s e n du Fils sacrifié comme le symbole de la De tte du
tation, la place m ê m e du peintre réel à son travail, Père à ses créatures était déjà impliqué p a r la concep
devan t sa toile. L e discours social du tableau, le Roi tion du P ère comme cause de l’avèn eme nt symbolique
p re n an t la place du peintre, V é la s q u e / se fa nt a s m an t du sujet. L e thème du P èr e se dev an t à ses créatures
dans le rôle du Roi, décrit très exactement le statut constitue l’effet de l’inscription du P ère (du signifiant
qui sera déso rma is accordé à la figuration, celle d ’///; P è r e ) comm e l’unique g a r a n t de l’identité du sujet,
semblant de réalité produit par le re fo u le m e n t de tout tle la mêm e manière que l’institution sociale de la
discours énoncé st/r les rapports sociaux de production D e tt e économique (parallèle à celle du sacrifice reli
dans lesquels cette production fig ura tiv e était inscrite. gieu x), inscrit l’assujettissement du sujet à sa Loi, et
L e propre de la représentation bourgeoise sera de s u rd é te rm in e des r a p p o r t s sociaux tle produ cti on qui
produire scs figures c o m m e réelles au regard d ’un vont se t r o u v e r en suite oblitérés p a r la Bourgeoisie.
sujet censé ne rien savoir des rapports de production L ’i m p o rt a n t est de re pérer, dans la pro duction et les
dans lesquels le produit pictural sera inscrit c o m m e tra n s f o r m a t i o n s successives du discours de la Bou r
tons les antres produits. Cette o p ér at io n consistera en geoisie ava nt et après sa prise de pouvoir, l’opération
le refo u lem e n t de l’e f f e t de production) de la trace politique el économique du refo u lem e n t de l’institution
métony?nique de l’inscription de la figure dans un dis de la D e t t e médiévale.
positif scénique, p a r la m é ta pho re du spectacle (dans c) L ’avè nem ent du discours tle la Bourgeoisie
le tableau de Vélasque/. : le reHet-l'œil-rœil du Roi, du consiste en la pro duction tl’unc position subjective, qui
peintre, du s p ec ta t eu r) . La pro duction de cette m é t a ne peut se co m pre nd re, historiquement, que p a r
pho re , d on t nous étudierons à la fin de ce texte les Vexclusion de la Bourgeoisie de la structure sociale
d éte rm ina tio ns idéologiques et sociales plus en détail, médiévale, et p a r le fait q u 'a v a n t sa prise tle pou voi r
dé t e rm in e ra elle-même l’escamotage, devenu de règle (c’est-à-dire ava nt l’avèn eme nt de son idéologie poli
apr ès la Renaissance, du dispositif scénique inscrit ti que), elle avait déjà produit, de p a r ses activités
dans la figuration. commerçantes, l’amorce de la structure de son discours,
d ont elle avait accumulé les signifiants, en valorisant
les équivalents-argent des m archandises (signes, au
11 Sur l ’id é o lo g ie sens où Lacan définit ce terme, ce qui implique d ’ail
leurs qu'une th éorie du signe ne puisse que s’inscrire
a) Q u e l’av èn em ent de la représentation, c’est-à-dire dans le cad re d ’une théorie de la re p ré s e n ta t io n ) . A v a n t
d ’un système figuratif se r é f é r a n t exclusivement à des sa prise de pou voi r politique, ces signes se tro uve nt
objets réels et conte mpo ra in s du peintre, implique une inscrits dans line p re m iè re version théologico-monétaire
t r a n s f o r m a t i o n à la fois du statut du p r o d u c te u r de de son idéologie, en t a n t que signifiants de l’exclusion
)a figuration et de son pro dui t, du peintre et du de cette classe sociale de la société médiévale à son
tableau, d ev r ai t po u v o i r être théorisé dans le ca dre déclin, sur un m ode qu’on p o u r r a i t qualifier d’hystérique
44
en ceci q u ’y fait d i rec tem ent saillie V e f f e t de sa coupure
symbolique (au sens lacanien), le signifiant de la plus-
value monétaire qui désigne le capitaliste com vie élu
solitaire de D i e u , exclu d'une société dont il n’est pas
encore le m a î t r e . O n pe ut di re que la t r a n s f o r m a t i o n
du discours de la Bourgeoisie s ’est opérée d ans le sens
hystérie-maîtrise lors de son av èn em en t politique p r o
p r e m e n t dit, p a r exemple da ns le discours de la R é v o
lution française, la D é c l a ra t io n des D r o i t s de
l’H o m m e (« T o u s les h om m es sont libres et égaux en
dro it ») ne signifiant rien d ’autre, dans le ca dre de
ce discours idéologique planificateur, que l ’abolition de
l'institution de la D e t t e médiévale et une institution
des équivalents généra ux-hom m es qui fera d ’emblée
m éc onn aît re à la nouvelle classe dirig ea nte la singula
rité de sa position. D ’où cette vocation universelle
de la Bourgeoisie, d o n t M a r x s ’est étonné, et q u ’on
p o u r r a i t i n t e r p r é t e r comme un ra t a g e de l ’inscription
symbolique de ce sujet, une impossibilité de se conce
voir comme un sujet singulier, une impossibilité de
concevoir aucune différenciation symbolique des
groupes.
d) O n peu t dire que la partic ula rit é du discours
du capitaliste consiste en un court-circuit sémantique
de sa structure en ceci qu ’il s’agit d ’un discours « p u re
m ent » économique, d o n t les signifiants monét air es
constituent la chaîne m aj eu r e ; et a m o r c e r l’explication
de ce court-circuit en m a r q u a n t que la pro duction de
sa position subjective a consisté pri nci pa lem ent en le
re-m arq ua ge iVun systèm e de signes déjà constitué
(les équivalents-argent des march and is es) qui s’est
t rou vé érigé en signifiant-maître de ce sujet. L ’ef f et
p ro du ctif de l’avèn eme nt de ce signe comm e signifiant
maître, c’est-à-dire de la suhsomption du sujet « sous »
la valeur monétaire, a consisté en la valorisation idéo
logique de la plus-value argent, c’est-à-dire en un
re -m arq ua ge de la val eu r m o n é t a i re qui pa s s e ra litté
ra le m en t inaperçu tant que M a r x n ’au r a pas in terrog é
l’absence, dans le discours du capitaliste politiquement
établi, de toute indication île sa pro duction et du
d é t o u r n e m e n t de la plus-value dans le cadre des r a p
p o rt s de pr odu cti on capitalistes.
L ’o pé r a t i o n de re foulement, dans le discours du
capitaliste politiquement établi, de la plus-value m o n é
taire, après sa valorisation hystérique dans le discours
du capitaliste du x v r siècle, est en fait très exacte
ment hom olo gu e de celle du refoulement, dans le dis
cours politique de la Révolution Française, de la D e tt e
médiévale. L ’une et l’autr e refo ul ent les r a p p o rt s
sociaux de pro duction institués dans la société médié
vale sur un mod e théologique.
On p o u r r a i t définir ainsi l’idéologie bourgeoise
comme un discours dans lequel un sujet (le sujet du
signifiant, autrem ent dit le sujet de la production, dans
la m esure où le signifiant consiste en un p r o d u i t éco
nomique, linguistique, etc.) a articulé la question de
sa propre production, de son a vè n em e n t symbolique,
sur le m o d e du refou lem e n t, le p r o p r e de la B o u r
geoisie, comme M a r x encore le rem ar qua it , é ta n t de
se concevoir comm e anhistorique. (A suivre.)
Jean-Pierre O U D A R T .
I
46
Fellini :
“ Les
Clowns ”
La vie du sujet névrotique d ’après F re u d est inaugurée peut que se r a p p o rte r à une période déjà avancée de
(réellement ou fa n tas m a tiq u e m en l — th é o riq u e m e n t cela Inexpérience sexuelle.
im p o rte peu) par une représentation dont le contenu, Ce que la construction du film rend donc manifeste
a p p o r ta n t à l’enfant un enseignement décisif au sujet ici, c'esd que cette sirène de clowns n ’a fait « de l’effet »
de la castration, m a rq u e ra sa vie im aginaire de son effet que parce qu'elle était destinée à eu refaire dans un
stru c tu ran t, y cond itionn era certaines récurrences réglées. chassé-croisé clownerie —> tra u m a / traum a —> clownerie
Celte représentation ressurgit au cours de l’analyse (sou (autrem ent dit : représentation —> réalité / réalité —>
venir ou reconstruction) comme une scène de violence. représentation) indéfinim ent répété dans lu fantasm e fel-
O r il semble bien q u ’à la fois p a r sa mise en scène linieu. Cercle de la représentation dont le processus é q u i
p r o p r e et par sa valeur opé ra tio nne lle dans la construc vaut précisément à celui de la scène prim itive dans son
tion du film, la prem ière séquence des Clowns présente efficacité par ra p p o rt à l'im aginaire du sujet.
ne tte m e n t certaines caractéristiques d ’une telle scène, Le film donne-t-il cependant le droit d'a ller plus
appelée p a r F reu d « p r im itiv e » : loin ? P lutôt q u ’à la scène prim itive p r o p r e m e n t dite,
1° Il s’agil bien «l’une scène, d’une représentation où il semble q u ’on n’assiste ici q u ’à l’une de ses réacti
le sujet se trouve im p liq u é par son regard (l'enfant à la vations imaginaires dont les signifiants ne la repré
fenêtre, fasciné p ar l'érection de la lente), convoqué à sentent, elle el son contenu, que sous une forme m é ta
un spectacle qui s’adresse à lui seul (l’enfant entre d 'a bord p h o riq u e d éjà très élaborée :
seul dans l’enceinte du cirque, où, de Ja piste, un clin — la fenêtre ouverte connue m éta p hore de la re p r é
d ’œil lui est destiné ; il sera ensuite personnellem ent pris sentation (et m étonymie du r e g a r d ) ;
à tém oin par 1111 Monsieur Loyal-clown de la qualité d ’une —■ l’érection de la tente comme m éta p h o re du phallus ;
des a ttr a c tio n s) : — le spectacle de cirque comme re présentation m é ta
2° Il s’agit d ’une scène île violence. Le spectacle est p h o riq u e de la castration.
irrésistible : l’en fa n t est tiré hors du lit, h a p p é vers la D’où vient q u ’on serait tenté d ’introd uire ici l'é quatio n
fenêtre, n e pouvant d é ta c h e r scs yeux de la lente. Son Fellini (comme sujet névrotique) = l’hom m e aux clowns
contenu est tra u m a tiq u e : l ’enfan! ne su p p o rte pas le — les clowns re prése nta nt p a r ra p p o rt à mie scène pri
spectacle des clowns ; effrayé, il éclate en sanglots et doit mitive la même rééeriturc p a r le fantasm e «pie le rêve
q u itte r le cirque. des loups po ur le patient de Freud. C’est-à-dire q ue cette
3° Ce spectacle peut être aussi bien un souvenir q u ’une scène tles clowns d e m a n d era it à une lecture a naly tique
reconstruction imaginaire. Le film p re n d lnen soin de u n travail de rem ontée régressive dans l’iiisloire du sujet
n e pas se p rononcer quan t à la « réalité » de cette scène Fellini ; lecture à laquelle semble nous convier, dans sa
(pii s’inscrit, q u a n t aux divers « moments * qui la co m cohérence m é tonym ique, toute la ch aîn e des signifiants
posent, dans une curieuse ind éte rm in a tion du temps Tic* de castration dans cette scène des clowns. Q u ’on ne nous
tionnel. On ignore s’il se passe du temps, et combien de accuse pas ici de forcer les choses, l’h u m o u r de Fellini (l)
temps, en tre le m o m e n t où, en chemise de nuit, l'e n fa n t lui-mêine s’y é ta nt employé, à m e ttre eu scène successi
ouvre et referm e la fenêtre de sa cham bre, les d eux scènes vem ent :
à l ’in térieur du c irque ayant eu lieu dans cet intervalle. — un su perm âle menacé d’être écrasé par son prop re
4° Cette scène est directem ent mise en r a p p o r t dans phallus (à moins q u ’il ne s’agisse de celui de son père...
la suite du film avec d ’autres scènes, d’aiitres « s o u v e ou de sa mère) eL le r a ttr a p a n t de justesse dans une
nirs » de Fellini, où in terv ien dra la m êm e structure, la collure louche, miteuse ;
m êm e op éra to ire im aginaire. A tel point que la séquence —■ des lutteuses qui se retrouvent face à face après
des « vrais clowns » du d éb u t du film est reliée à celle avoir élim iné chacune, en u n combat ultra-bref, des mâles
des « clowns dans la vie » p a r une intervention en voix qui ne fout pas le poids ;
off de Fellini lui-même qui donne la p re m iè re (justifiant — un f ak ir enferm é po ur q u a ra n te jours sans boire ni
ainsi p a r une sorte de prévision du passé le tra u m a q u ’elle m an g e r ;
provoque) comme une réminiscence de la seconde — ce
qui n ’est rpie très partiellem en t « vraisemblable », puis (1) De l' h u m o u r de Fellini ù en remettre sur les signifiants du sexuel
il faudrait préciser ici q u ’il remplit une fonction très ambig uë — ù
q u ’il est fait, flans cette dernière, « référence » (celte série l’iïiverso p;ir exemple de celui de Bunu el qui consiste tr anquille m ent
de guillemets pou r bien souligner que le temps du réfè à en inscrire la lettre dnns ses films (cf. l’œuf « la coqu e de T ris
re n t n’est précisém ent guère convoqué ici) à certains tan») — et s'il y a du surréalisme clicz Huniiel c’est liit*n lù qu’il
événements d o n t Fellini n’a pu êLre le témoin ou l’acteur faut le ch ercher. L ’h u m o u r de Fellini est plus rclors et plu s nnïf ù
la fois : il met la lettre en évidence p our em pê c her qu 'o n la voie
que bien après ses 3-4 ans. La scène du billard en p a rt i « t r o p » . Peut-être même croit-il vra im ent de cette mani ère s’en dé b a r
culier (l’entrée de la vamp-elown dans le petit café) ne rasser.
48
F e d e r ic o F e llin i : Los Clo wns .
— un couple .siamois au formol, androgvnc, infra-sexuel, castration, c’est ce que le film ne nous do nne pas les
mort-né ; moyens d ’éclaircir, et qu ’il ne nous im p o rte n u lle m e n t
— des lions (mangeurs d’h o m m e s ) ; d ’exam in er à la lu m iè re d ’une h y p o th é tiq u e (et anecdo-
— et su rto u t des clowns, affreux gnomes qui parasite nt tique) histoire du sujet Fellini.
piteusem ent de leurs facéties grotesques tout le spec La scène p rim itive m a n q u e ici, b a r r a n t l'accès d e toute
tacle, avec leurs m onstrueux accessoires à couper, à pi le c ture à une vérité du fantasm e fellinien, e scam otant
quer, à f ra p p e r, dont ils se servent offensivement les uns p a r son d éfaut une mise en r a p p o rt que le d é p a r t du
c ontre les autres. Cette représentation du cirqu e est e ntiè film avait feint d ’esquisser (tout comme PEclipo R e de
rem en t « fantaisiste ». Le vrai cirque n ’est pas ainsi : il P asolini) e n tre vérité du sujet et vérité de l’art.
m étaph orise ù la fois la castration (la m ort, l’être mangé O r plutô t qu e d'en être tantalisée ou frustrée, nous
ou hlessc, la chute, la maladresse, etc.) et le phallus (la pensons que n otre le c tu re au con tra ire doit s’a tta c h e r à
p e rform ance, la compétence, le risque bravé, etc.), dans cette feinte, à ce « m a n q u e de vérité » — non q u ’on
u ne dialectique quasi sérieuse où les interventions de pré ten de ici d éjo u e r l’une et c om bler l’a u tre : une logique
clowns ne font q u ’in tro d u ire le troisièm e te rm e de la les travaille, les c ontraint; qui, elle, vaut la peine d’être
bouffonnerie. analysée.
Le cirque de Fellini — e n tière m en t con tam iné p a r les En fait de nous a p p r e n d r e q ue lque ebose su r sou h is
clowns — n ’est plus dialectique, le phallus n’v est plus toire, Fellini consent à nous livrer au d é b u t du film une
représenté (pas de trapézistes, pas de do m p te u rs : rien sorte de p â tu r e a u to b io g ra p h iq u e , ou en tout cas son
(pie des numéros « b i d o n » ) , mais seulem ent la castration a p p a re n c e :
— représentatio n d o n t le caractère in s u p p o rta b le doit — enfant, j ’eus la révélation du spectacle par le
év idem m ent être c o n ju ré p a r une singerie (et non une cirque ;
miinésis) p erm anente. ■— ce spectacle m e fit de l ’effet, le m ê m e effet que me
Q u a n t à savoir de quelle m anière et selon quelle faisait la vie, q ue je voyais, elle aussi, com m e u n eirque,
logique ce c ir q u e /f a n ta s m e s’origine à l'angoisse de la com m e essentiellement clownesque. S’au torisa nt d e celle
49
G rotesques de Léo nard d e V in c i,
do uble confidence, les plus vieilles platitudes de la culture ou lointaines, ou anodines, ou contingentes, le sexe, la
occidentale sur la « n a tu re » de l’artisle et les rap ports po litique et l’histoire. Toutes choses dont, sans doute, « il
que sa pra tiq u e instaure entre l'im agin aire el le réel vaut m ieux rire que p le u re r ». Mais une assertion de ce
au raie n t le d ro it d’èlre placées : type n ’est audacieuse (cf. Céline, cf. Charlie H c b d o dans
— l ’artiste est prédestiné à devenir ce q u ’il est : c’est ses meilleurs moments) cpie si les larmes sout effective
la vocation ; celle du pianiste a lieu au concert, il est m e n t près de couler. Ce qui n ’est pas le cas ici — qui
no rm al qu e celle du m e tte u r en scène s’origine au lieu songerait a u jo u r d ’hui, en Italie ou ailleurs, à s’offenser
de la représentation. Fellini, c’est d ’aho rd un œ il : ce q u ’un fasciste (tles années 2 0 ) soit m o n tré c o m m e un
qu’il a, c’est le «c sens du spectacle » ; clown à la pa ra de ? — et le moins q u’on p o u r r a it dénon
cer, d’un tel discours, c’est son caractère anodin et conci
— l’art c’est la vie et réciproquem ent ; la vie est un
lia te u r à peu de frais. Mais rien n ’autorise non plus à la
th é â tre plein de hruit et de f u r e u r qui ne signifie rien ;
le ttre à y réduire le film, q ui ne requiert an to u te rigueur
les deux spectacles dérisoires de la vie et du cirque se
à son fo n c tio n n e m e n t et à son rendem ent, que les signi
spécularisent.
fiants île la clownerie : les formes, les figures. Essentiel
Discours de la tautologie et du lieu c om m un qui n ’a le m e n t : fard, masque, accentuation ju s q u ’au grotesque
évidem m ent pas m a n q u é d’être recon nu co m m e celui du des traits des visages et des corps.
filin, Fellini lui-même, dans ses déclarations, s’é ta n t bien A cet égard le film de Fellini ne fait q ue s’installer
gardé d ’en interdire u ne lecture aussi mystifiée — d o n t il im plic ite m e n t à une certaine date dans l ’acquis récent
n’est sans doute pas le de rn ie r aveuglé (cf. l ’en tretien d ’une ré é c riture de l ’histoire de l’a rt pictu ral depuis la
ci-dessous : th è m e et variations sur la déclinaison de son Renaissance. Au m o m e n t où cette histoire, q u i avait
id entité d’a rtiste). Q u ant au film, rien n 'e m p ê c h e non plus d ’aho rd été lue, et écrite, com m e complète du réalisme
de le lire com m e discours su r « le m o n d e en général (appétence im périaliste victorieuse vers « l e in o n d e » q u ’il
comme clow nerie », où ne seraient convoqués q ue pour s’agissait de s’a p p r o p r ie r en le confinant dans un contour
une p ro m p te évacuation, com m e des calamités universelles, q u ’on voulait a p p e le r « le sien ») suivie d ’une dércalisa-
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lion progressive à p artir de Delacroix, commença (par une reconstitutions pou r le film (se référant à de vrais numéros
valorisation de cette d ernière progression) à être relue de clowns morts : Béby et A nlonet, F ootit et Chocolat,
co m m e celle d’une dé m a rc h e d ’em blée centripète, les Fratellini...), soiL des mises en scène entiè rem e nt créées
« abstraite », libérée de tous comptes à ren d re envers lu p a r Fellini (défilé des clowns blancs, e n te rre m e n t du
réalité, ren due à la le ltre de sa m atière figurative. clown, etc.) :
C’esl dans un tel renversement de perspective que — q u a n t au do cum ent filmé a u th e n tiq u e sur les clowns,
F « exagération » du Irait chez Fellini (mais aussi bien à deux reprises il déçoit : le filin brûlé sur les Fratellini,
chez L éonard de Vinci dans ses grotesques) dem a n d e à le film-fantôme sur R h u m , fru s tra n t à tous les niveaux —
c ire lue : non pas com m e une assertion descriptive rela muet, trop court, illisible. N aturellem en t, il fallait q u ’il
tive au momie, mais comme l’effet «l’une maîtrise u n i s - eu soit ainsi : (pie le vrai clown s’efface et m eure pour
tiq u e indéfiniment aulo con tem p lée el com p laisante à elle* q u ’apparaisse le clown-fantasme, signifiant m a je u r du dis
même. Et le clown ici, c’est d ’abord cela : rie grands cours fellinien. Ce clown qui, on l’a vu, n’est q u ’une re p ré
gestes, beaucoup de grimaces, une én o rm e dépense de se ntation de la castration : et c’est bien en tant que tel que
signes, p ou r ne rien dira — u ne véritable m é ta p h o r e de l’e n q u ê te /fa n ta s m e «le Fellini va s’a tta c h e r ù le faire a p p a
la g rat u ité figurative. Impossible de le p re n d re po ur autre raître. La prem ière reconstitution suscitée par l’enquête
chose q u ’un p u r et simple paroxysm e île visibilité. A l’in pose d’emblé e le ra p p o rt sy m bolique c lo w n /m o rt : mais
verse de ces éléphants trop gris pou r q u ’on les confonde ce (pii le représente (ce ra p p o r t) c’cst moins la mort
jamais avec un e fraise des bois, il est trop fardé, lui, trop m ê m e du clown, vieux pan tin désarticulé (pii s’affaisse sur
voyant, pour q u ’on puisse jam ais le ré d u ir e ù ui i q u e l un banc et constitue p o u r ainsi dire une représentation
c onque signifié. « insuffisante » de la m ort (bien q u ’il représente la mort
Mais la logique du film est telle dans ce jeu auquel vraie) q ue le spectacle de F o o tit et Chocolat lui-même
son a u te u r se prétend, au nom de la lib e r té de l’artiste, (pii, com m e dispositif m écaniq ue parfait de la d é c e p tio n ,
tous les droits à disposer du signifiant (linguistique, for constitue la plus pure m é ta p h o re de la castration et, par
mel) sans avoir de comptes à re n dre du côté du signifié, contiguïté avec la mort du clown dans la salle, une m éto
tpie « s a n s le sa v o ir» , le film va basculer, par le simple n ym ie de la m ort (pii devient eu q u e lque sorte sym boli
effet du travail a p p ro fo n d i a uquel il s'est obligé sur le q u e m en t plus forte q u ’une pure et sim ple représentation
signifiant, vers une recherch e qui d é b o rd e de beaucoup de la m o rt vraie (laquelle au con tra ire s'en trouve « affai
le cadre thé o riq u e et idéologique d ’un envers complice de blie »).
l’art com m e expressivité et comm e message (la maîtrise Ce lien entre la clownerie el la mort au niveau de la
g ratuite et a rb itra ire de la m atière visible) où il croyait — rep résen tation (du signifiant) est par ailleurs constant
en toute méconnaissance de cause — s’être cantonné. dans le film : par exemple, « les clowns dans la vie »
Donc une fois mis en place p a r Fellini l ’univers-clown rep résen tent justem ent toutes les formes de la m ort, toutes
com m e vision de l’artiste, le film va consister en un les figures de la nécrose physique — teint cadavérique du
reto ur su r cet élément dont la réc u rrence a reçu, de fasciste, chairs bouffies de la m atro n e ou ra tatinées de la
l’aveu explicite des séquences introdnetives (et implicite religieuse, pâleur de la vamp, nanisme... (On trouverait
de tous les autres films de Fellini), valeur str u c tu ra le dans des exemples similaires parmi les grotesques du Satvricon,
le discours fellinien : le clown. avec la même im p licitation du r a p p o r t à la castration.) (2 )
Et la soi-disant en quête sur les clowns (que le film lie L’e n q u ê te sur les clowns s’a tta r d e également be aucoup
ch erche d’ailleurs pas une seconde à faire passer pour à définir un couple clown, ce qui n’a d’a u tre effet «pie
sérieuse) a p p a r a ît avant tout comme une d é m a rc h e narcis de renforcer Féquivalence spectacle «le c lo w n s/re p ré sen
sique de Fellini lui-même à la recherche de son propre tation de la castration :
fantasme. De toutes les m anières possibles, elle escamote — le clown blanc est une femme : il porte des vête
un véritable discours did ac tiq u e sur les clowns : ments clairs el som ptueux, il sait faire la cuisine, il est
— la fiction d’un repo rtage en 16 mm s u r les clowns conformiste et non créateur. Donc il est castré. Mais c’est
est e ntièrem en t paro d iq u e (équipe e ntièrem en t clownes une femme castratrice p a r sa supério rité en savoir et
que, caricature p a r tic u liè re m e n t forcée du « com m entaire compétence sur l’A uguste ;
de do cu m e n ta ire » assumé par une d e m e u ré e en mini-jupe, — l’Auguste est castré parce q u ’il a une fem m e castra
Fellini lui-même en super-clown, etc.). D e ce point de trice à côté de laquelle il fait piètre figure. Mais c’esl un
vue, Les Cloivns c’esl l’anti-/l m o u r fou : le 35 bafouant mâle : un ivrogne qui a le don com ique (cf. le nu m é ro
et expulsant le 16 mm, le cinéma-art réglant ses comptes du « Gâteau dans le chapeau », où l'antagonism e est très
hargn eusem en t avec le cinéma-vérité sans s’em barrasser accentué).
de dialectique ; Mais à y re ga rde r de plus près, ce d é dou ble m e nt
— l’historien des clowns T rista n R ém v a p p a ra ît très «pi’opère le couple clown suivant la différenciation
fugitivement dans le film, et n ’y a pas v éritablem ent son sexuelle des deux types de représentations liées à l’a n
mot à dire ; goisse de la castration (celle de l’h o m m e ou celle «le la
— escamotage r a p id e de la question de l ’être social du femme) n ’est pas telle m e nt ce qui re«piierl d’une a tte n
clown (« Grock et C harlie Rivel, les seuls clowns qui tion spéciale Fellini ici. Mais bien plutôt le clown en
soient devenus riches... ») ; général en sa qualité d’objet de spectacle, fétichisé p ar ses
— occultation d u travail du clown : C ha rlie Rivel, le accessoires, el affecté com m e tel d’une passivité en tiè re
clown espagnol, pose p o u rta n t la question : « Vous croyez m ent féminine. Car ce «pii intéresse le fantasm e fellinien
que c’esl facile de d o n n e r une gifle ? »... « On devrait c’est «pie le clown soit de toute façon castré.
fond er des écoles p o u r les clowns. » Mais le film ne D’où vient qu'il im p o r te si peu à Fellini «le m o n tre r
m o n tr e jam ais « le clown au travail » ; le travail du clown la femme fétiche ne doit pas tr a
— ce qui fait q ue pa ra do xa le m e nt, ce qui m a n q u e le vailler (A suivre). — Sylvie l*IERRE.
pluB dans le film c’est une véritable représentatio n de
clowns. Si l ’on excepte le couple cra c h e u r du cirque Orfei, (2) Su r l'équivalence <li>wu/morI, voir Partiels île Jeun-Louis Coniolli,
tous les autres num éros de clowns du film sont, soit des c Lu Mort-Clown >, Q uin za ine Littéraire, n° 115.
51
Entretien avec
Federico Fellini
Nous publions ici quelques extraits d'un entretien avec F ederico Fellini à paraître dans le n u m é ro spécial consacré à
ce cinéaste par la revue « L ’Arc ». Ces propos sont à lire en rapport avec Carticle de S y lvie Pierre (pages p ré c é d e n te s).
Q u e s t i o n Quelle était votre idée de d épart lorsque vous est une donnée récente et 11e concerne que le cinéma. En
avez décidé d e tourner un film sur les clowns ? fait, les producteurs (qu’ils se soient appelés mécènes ou
F kllini M ou idée «le départ fui le rouirai que j’avais com m anditaires) ont toujours existé. Voyez dans quelles
signé. conditions s’est faite la Sixtine : « Si lu 11e la fais pas
P o u r les gens qui vivent dans l ’im aginaire, ce ne sont je te coupe les mains ! » Là le p rétexte était très fort !
pas les sujets qui m anquent. C h e rc h e r le m om ent précis Les Médicis, les Borgia. é taient des producteurs. Et l’a r
où se décide l’inspirai ion, c’est se poser un faux problème. tiste, au fond, s’accommode assez bien de cela. Il a u n
La fantaisie nous submerge de suggestions, ceci à tout c aractère enfantin et il a besoin de cette a utorité despo
moment et dans toutes les directions. Ce qu 'il faut, pour tique. Même si par la suite il s’eu joue, dans l’exercice de
d o nne r mie forme précise à celte fantaisie, c’est tr ouver son arl.
un prétexte quelconque ; se créer des liens avec la réalité Q u e s t i o n Mis à part le contrat, il doit cependant y avoir
matérielle. J ’ai besoin d ’un préte xte brutal. Sans quoi je une idée-force, ou une sensation-force (une couleur, un
ne donnerais jamais une forme concrète à mes idées : je p a r fu m ) à /’origine d'un film . Vous savez q u e Flaubert
ne ferais rien. En ce sens, la signature d ’un contrat est disait, à propos de M adam e Bovary q u i l avait voulu faire
un préte xte Irès fort. La pesanteur du q uotid ien , les néces quelque chose qui évoque les moisissures, le gris. N e vous
sités d ’ord re matériel donnent une colonne vertébrale à sentez-vous jam ais guidé [xir des m obiles de ce genre ?
des projets qui sans cela resteraient am orphes. J e suis un F e l l i n i Vous savez, <1ire de telles choses, c’est un peu faire
artiste, c’est-à-dire que ma psychologie est celle de l’enfant des boutades à l’intention des jo urnalistes ! Cela donne un
qui, pour travailler, doit y être obligé. Q u itte à retrouver Ion très alerte aux interviews mais cela n’e x prim e pas
sa liberté au sein de cette obligation et fie ces contraintes. vraim ent la réalité de l’opération artistique. Il est vrai
que le prem ier contact avec un film peul se trouver dana
Q u e s t i o n Cela pose tout le pro b lèm e de vos relations avec l’évocation d'un parfum ou d ’une forme. Mais on 11e peut
les producteurs. Dans quelle m esure ces derniers conilitton pas ré du ire un ensemble souvent très complexe à cette
nent-ils votre travail ? traductio n fugitive. Oui, M adam e Bovary, c’est le gris, mais
F k l l i n i J ’ai toujours eu beaucoup de chance, de ce point M adam e B ovary cela fait q u atre cents pages et c’est beau
de vue. Aucun p ro d u c te u r n ’a jam ais con dition né mon coup d’autres choses. P o u r Les Clowns (mais je 11e puis
travail el j ’ai toujours fait ce que je voulais. Je lutte pour e x p rim er cela q u ’une fois le film achevé) mon idée de
créer des conditions telles que je puisse travailler en paix. départ s'est aussitôt confon due avec le travail p réparato ire
Cela tient probablem ent à mon égotisme : si je 11e peux auquel je. me livrais. P o u r un film avec fies clowns, j ’ai
pas faire ce que je veux, je préfère ne rien faire. Cela dit, du me d ocu m enter sur eux. J e 11e pouvais pas 111e suffire
cette lnlle même m ’aide à faire du filin ce q u ’il est. Sans de mes souvenirs ou fie mes nostalgies. Peu à peu le film
elle il serait différent e.t, dans la p lu p a rt des cas, moins s’est construit sur ces trois éléments : mes souvenirs, le
bon. La bêtise et la m édiocrité des p rodu cteu rs m ’ont aidé, do cum entaire (qui s’est intégré au film lui-même) et une
en fin de compte, à prendre conscience fie la n a tu re de succession de « numéros » eti form e fl’allégorie sur la mort
mon travail, à trouver une sorte d ’équ ilib re sans lequel je du clown.
me serais ab a n d o n n é à l'idéalisme, à la méconnaissance des Q u e s t i o n Qui sont les acteurs des Clowns ?
problèmes pratiques, quotidiens, banals, qui son! la réalité F k l l i n i Ce ne sont pas de véritables acteurs. Ce sont des
du cinéma, de tout art et de toute chose. comédiens comm e ceux qui, avant la dernière guerre mon
On aurait tort de croire que le prin cip e de la production diale, in te rpré ta ien t des sketches [tendant les entractes.
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A cette époque c’étail un genre très à lu mode <|ui a em pêch e toute expression. La lum iè re est crue, sans
désormais presque disparu. J'a i eu beaucoup de peine ù nuance. Le cinéma, c’est d ’e x p rim e r que lqu e chose avec
trou ver des gens capables de jo u e r le rôle de clowns. Car de la lum ière. A la télévision, tons les composants expres
un véritable acteur lie sait pas faire cela. U exécute froi sifs de l’image, la p ein ture, l’écluiragc, to u t cela est absent.
d em ent des gestes qui doivent cire spontanés, vécus. Les H faut des contrastes qui tuent l’expression. C’est comme
clowns sont obliges rie crier, de gesticuler. On iic peut si on avait dit ù F e m b r a n d t : « Votre clair-obscur ne
pas enseigner cela ù un acteur, l’ou r in te r p r é te r le rôle du passera /w/.s le p e tit écran ; c'est très beau votre R o n d e de
clown il faut réellement en être un. N uit, mais on n 'y voit pas grand-chose. » En réalité, j ’ai
Q u e s t i o n La bande sonore, tics Clowns est très élaborée. fait un film de cinéma mais pour la télévision, alors ça a
Ceftendant vous d o n n e z toujours la priorité, dans nos c o m été un massacre. El com m e ce lilm eu cou leu r a été projeté
mentaires. à la lumière, à la fo rm e et nous sorti mes m ê m e eu noir et blanc il en est résulté une m utilation su p p lé
parvenus à nous faire, dire (ju'au fo n d , le cinéma, pour m entaire. En somme je ne crois pas q u ’il y ait un langage
voust c’était le cinéma m uet. C o m m e n t travuitlez-vtms les de la télévision, des auteurs de télévision. Les seuls auteurs
dialogues. le son ? de télévision sont ceux qui jouent lu carte de la fameuse
F e l l i n i Les dialogues no sont pas im p orta nts po ur moi. culture : les jeux, les palm arès, etc. Eux, au moins, e x p ri
La fonction du dialogue est uniquem ent d ’information. J e m e n t une réalité sociale.
pense qu ’un cinéma il vaut beaucoup mieux utiliser Q u e s t i o n II sem ble qu'à la suite d'un m a le n te n d u qui
d ’autres éléments, tels Féchiinige, les objets, le décor dans consiste à penser que le génie est tine chose et q u e le
lequel se déroule Faction, qui sont beauco up plus chargés m é tie r en est une autre, on ait fin i par se d o n n e r de
d ’expression que des pages el des pages de dialogues. vous r im age d 'u n créateur brouillon, plein de d ésin vo ltu re
L’effet sonore doit avoir pour b u t de souligner l’image. p o u r les t/uestions techniques et confiant le sort d e son
J e travaille moi-même la bunrlc sonore, après avoir tourné film a ux aléas de sa fantaisie et de l'im provisation en tant
le film. Les bruits que l’on veut o b te n ir sont bien meilleurs que m é th o d e de travail...
lorsqu’on les travaille en sludio de mixage, ù p a rtir d ’a r ti F e l l i n i L’improvisation est un m irage qui tro m p e les gens
fices et de truquages, cpie lorsqu'on pratiq u e un e prise ignorant la tech niq ue nécessaire à tout travail de création.
directe du son. Tous mes films, même les premiers, ont Ils considèrent l’inspiration com m e une sorte de miracle,
élé doublés. Ce sont les A méricains qui tiennent absolu* d ’étal d ’hypnose qui dispenserait, en que lqu e sorte, de
m ent à enregistrer le son sur place. Ainsi, ù Cineeittù, tout souci matériel. En fait il faut venir à bout de cette
B ru n o Crerner a-t-il été obligé de r e p re n d re soixante fois légende de l’urtiste inspiré qui vit eu dehors du monde.
la mêm e scène parce que des oiseaux avaient niellé dans L ’artiste est responsable d e ce q u ’il fuit. Il doit m e ttre sa
la ch a rp e n te et q u ’on a mis trois jours à trouver l’origine lucidité au service d’une mise eu œ u v re rigoureuse, respec
du b ruit parasite. Je ne com prends pas les avantages d ’une ta n t à la fois la logique de ses personnages, la d y n am iq u e
telle méthode, alors q u ’en studio on peut travailler dans tle son film, les im pératifs techniques q u ’il suppose. L’im
des conditions de véritable asepsie sonore et faire vrai provisation se réduit à un e certaine forme de sensibilité
ment ce q u ’on veut. aux exigences du m om ent, p ar e xem ple q u a n d il s’agit de
Même chose pour les dialogues. Je les introduis dans changer q uelque chose à la de rn iè re m inute. Elle ne
le film après le tournage. L’acteur joue mieux ainsi, concerne en somm e que le détail. L’ensemble, lui, doit
n’ayant pus le souci île se souvenir d ’un texte. D’autant être con duit avec u n e précision toute m a th é m a tiq u e . Faire
plus que très souvent je prends des gens qui ne sont pus un film nécessite une organisation très complexe qui impli*
des acteurs el pou r q u ’ils soient naturels, je leur fais dire qu e ries décisions rie tous les instants. Il faut décider, des
ce qu'ils ont l’h a h itu d c de dire dans la vie courante. A un centaines tle fois p a r jo u r, du cadrage, des personnages, de
garçon de café il faut faire te n ir des propos de garçon la lumière, de la d a te du tournage, de la co uleur du cos
de café. 11 m’arrive de faire réciter des prières, des listes tu m e de tel ucteur, des paroles cpie p ron oncera tel autre,
de numéros. J ’arrange tout au mixage. du type de caméra q u ’il convient d’utiliser... Si tout cela
Q u e s t i o n A v e c Les Clowns, vous avez abordé. j>onr la n ’éta it pas inscrit dans un o rd re m a th é m a tiq u e , il est facile
p rem ière fois, la télévision et vous en avez conservé, se m de s’imaginer q u’il n ’y a u r a it jumuis de film. E l cette
b l e r a un m auvais souvenir... précision doit être d’a u ta n t plus rigoureuse qu’il s’ugit
F e l l i n i Oui. ça a été une e rr e u r de ma part. J ’ai péché d ’une entre prise qui met en jeu l’imaginuire et l’inconnu.
p a r présomption. J e suis un h o m m e de cinéma et j ’ai Ceci dit, précision m a th é m a tiq u e ne veut pas dire schéma
pensé «le façon confuse et un peu puérile que cinéma et mort. Un film est un e réalité vivante : on doit tour à tour
télévision étaient fies arts voisins : fatale erreur. On ne obéir à ce q u ’il com m ande, tour à to u r le ra m e n e r ù la
peut pas se livrer à un travail artistique à lu télévision. rig ueu r intern e qui est la sienne. Je ne voudrais pas faire
La télévision c’est un meuble. Il faut avoir ça chez soi, une mystique de m on travail, mais je voudrais dire que
comme on u un frigidaire ou une m achine à laver. Cela mon système est de ne pas avoir de système : je vais à
fait partie de l ’électro-ménuger el ce n’est pas un instru une histoire pour savoir ce q u ’elle vu m e raconter.
ment de l’art. C’en est même tout le contraire, lunt par Q u e s t i o n A C inecittà vous sem blés chez vous. Ces studios
les moyens que cela met en jeu ([lie pur lu façon dont vous apportent-ils ce dont vous avez besoin fXfur votre
c’est reçu par le spectateur. C’est l ’op ératio n anti-artistique travail ?
pa r excellence. Vous avez de lu lu m ière dans la pièce, les F e l l i n i J ’uime Cinecittà. J ’v pusse le plus clair rie mon
enfants qui font du bruit, le téléphone. T o u t con trib u e ù temps. C'est mon usine, c’est là qu e je travaille et c’est
vous d istraire du spectacle. Cela se passe chez vous, c’esl mon in stru m ent de travail. Et puis j ’y suis attac hé par des
une sorte d’agression. On n’a aucun respect p our ce q u ’on liens affectifs. Je suis venu ici, pou r lu prem ière fois, il y
voit ; on regarde le poste avec: indifférence ou avec mépris, a très longtemps. A l'époq ue j ’élais journa liste et j ’y
parce q u ’il est là, parce q u ’on l’a payé. Il n ’y u pas de faisais ries interviews de vedettes, de m ette u rs en scène...
moment religieux, ce rituel du spectacle, nécessaire ù la Ces propos o n t été recueillis n R o m e au cours d*un e n tre
comm unication. La représentation d ’une vision personnelle tien qui réunissait, auto u r de F. F ellini, Roger Borderie,
ne peut pus passer à la télévision. La tec h n iq u e elle-même H enri Ronse et Jean R oudaut.
53
INFORMATIONS
NOTES
CRITIQUES
Pa ssa nt é trangem ent sous silence les lecteur que pour de fausses raisons et un es
sai de récupération). Ils refusent de
problèmes idéologiques d ’importance penser simplement (car en reprenant
que devrait soulever la juxtaposition M. Christian Oddos (Le Vésinet). la réflexion à la base, ils craignaient
de textes inconciliables. « Cinéthique » J e profite de cette lettre pour vous d’être obligés de voir ce q u’ils ne veu
9/10 publie un entretien avec Julia communiquer les quelques réflexions lent pas voir ; penser simplement leur
Kristeva, un compte rendu des acti suivantes : les Cahiers ne correspon fait peur, car ils ne peuvent plus se
vités du ciné-club de Lille depuis 1967, dant plus totalement à ce que j ’a tte n cacher derrière des schémas déformés
la déclaration cosignée par cette revue, dais d’une revue de cinéma (tan t au et préfabriqués), ce que Strau b de
« Tel Quel » et les « Cahiers du ciné niveau de l’inform ation ponctuelle mande ; et pour masquer le ridicule
ma » en décembre 1970. enfin un texte q u’à celui de l’idéologie — plus r a re q u ’il y a u r a it à avouer q u’on ne veut
collectif de 70 pages prétendant à ment cependant), je me suis abonné pas comprendre, on taxe Straub d’in
produire une analyse des conditions à P ositif, en outre. J ’ai donc pu suivre tellectualisme, défense bien connue. Or
de la lutte des classes en France en le « conflit * (si l’on peut dire) qui Ot.hon ne demande que de la disponi
1971 donnée comme indispensable à vous a opposés à cette revue. Cet évé bilité et de la sincérité au spectateur:
une évaluation de l'importance des nement m'incite à vous soutenir sur on y parle sons, rythmes, rapports,
fronts culturel et idéologique et à deux points : couleurs et les significations au second
toute intervention conséquente dans l ü Ot.hon : je suis totalement d’ac degré viennent d ’elles-mêmes lorsqu’on
le champ des pratiques signifiantes. cord avec ce que vous avez publié sur a accepté d’appréhender le film au pre
En dépit de la révision qui s ’y opère ce film, qui m ’a p p a ra ît comme é tant m ier degré.
de certaines positions précipitées, et un des plus achevés des films de L ’échec d ’Othon a prouvé que les
malgré quelques effets productifs, ce Straub (sauf s u r un point : je trouve spectate urs é taient des « pédants * et
texte, fonctionnant s u r le modèle d’une que votre obstination à soutenir com que le cinéma bourgeois éta it bien
critique mécaniste et dogmatique d’un me significatif l’épisode de la « grotte enraciné (surtout dans sa fo r m e ).
mécanisme et d’un dogmatisme anté aux armes » dessert plutôt le film Q uant à la critique, il vaut mieux
rieurs, révèle, sous la compacité d’une qu ’elle ne le soutient ; ce point, p ar l’ignorer et la laisser sombrer dans le
terminologie marxiste-léniniste convo son aspect anecdotique et la sur-signi- ridicule qui la recouvrira dans quel
quée d’abondance, un certain nombre fication a posteriori q u ’il apporte, dé ques années.
de graves lacunes dans l’ordre même. séquilibre la ligne directrice du film, 2" Toutes les attaques de Positif
du marxisme-léninisme. E r r e u r s qui et tend à symboliser un message poli contre les Cahiers se situaient à un
nous p araissent procéder d ’un survol tique, alors que Straub a déclaré lui- niveau de vulgaire polémique, de la
hâ tif de l’histoire du mouvement ou même que le meilleur moyen de poli p a r t d’une revue dont le seul regret
vrier international depuis cinquante tiser et d’actualiser éta it de replacer est de ne pas savoir penser. P o sitif
ans et d’une lecture insuffisante des la pièce dans son contexte, en conser n ’est qu ’une « bonne » revue d’infor
textes du marxisme, pour culminer vant l’atmosphère de l’époque ou le mation. A ce niveau aussi je pense
dans une « analyse » erronée des condi film était tourné (voitures, bruits, etc.; que vous avez raison de vouloir conti
tions objectives de la lutte des classes mais pas de signifiants symbolisablcs) : nuer dans la ligne que s’étaient tracée
ici et maintenant. Nous reviendrons ce qui revient à un refus de moderni les Cahiers et de servir une pensée
dans un prochain numéro sur certains ser les significations. Il f a u t donc con cinématographique, au lieu d’un en
des points politiques et/ou théoriques server à ce « fa it » qu’est l’utilisation semble d ’articles bâclés (il n’y a, à
abordés p ar ce texte. Précisons cepen de la grotte comme cachette, son sta mon sens, pas de ru p tu re à ce niveau
dant, si nécessaire, qu’il ne sa u ra it t u t in form atif). en tre les Cahier a passés et fu tu rs ) .
être question ici ni dans la critique Tout ce qui a été publié à propos Maintenant, voici quelques critiques:
annoncée de fo u r n ir des armes aux de ce film dans Poxit.if et dans une je souscris au b ru it qui court, et qui
exploiteurs p arasites des contradictions grande partie de la presse bourgeoise dit que les Cahiers sont illisibles ;
chez les autres (pour être clair, à la n’est qu’un tissu de malhonnêteté et on y trouve côte à côte des articles
droite, q u ’elle siège à gauche ou à de mauvaise foi (sans parler de la dé complexes mais fort bien écrits, et
droite). Ce dont nous ne sommes pas bilité inquiétante de G. H a u s tr a te — su rto u t issus d ’une pensée claire, et
certains que ce texte de « Cinéthique ». qui laisserait supposer que certains d’autres dont on ose à peine dépasser
précisément, a it mesuré les risques. critiques « b ie n pensants » -sont moins la première colonne, vu leur aspect
dangereux q u ’on ne le penserait). Ces brouillon et abscons. Je crois ici me
54
faire le porte-parole de certains lec et orientée réapparition du journal des de caméra s ’achevant, de façon énig
teurs, qui vont peut-être finir p ar se lecteurs (qu’on ava it pourtant, dans m atique, sur une grotte oh, pendant
lasser de ta n t de confusionnisme men votre revue même et au moment de la dernière guerre mondiale, les com
tal. Vous dites que le nombre de vos la redéfinition de la ligne à suivre, pro m unistes dissimulaient leurs arm es ?
lecteurs n ’a pas changé, en effet, mais mis de m a in ten ir). L’impression que Grotte à partir de quoi il n'est pas
attention aux contre-coups! laissent les « Cahiers * est donc tro u possible de passer sous silence, étant,
D’a u tre part, les Cahiers ne répon ble : ta n tô t l’on est tenté de soutenir donné le dispositif film iq u e auquel elle
dent plus à leur rôle d’information : leurs prises de position courageuses introduit, tels autres e ffe ts de grotte
non seulement à propos des films cjue et le f a it q u’elle demeure la seule re repérés par Derrida dans le texte de
vous détestez (ce qui peut être logi vue intelligente de cinéma ; ta n tô t on Mallarmé, dont il écrira (« Tel Quel »
que), mais aussi de ceux que vous est déçu et agacé par. leur manque de n° 42) : « Les e ffe ts de grottes sont
aimez, et dont l’annonce et la critique respect du titr e « Cahiers du Cinéma ■», le plus souvent des e ffe ts de glotte,
paraissent parfois plus de six mois et leur intolérance ainsi que p a r cer traces laissées d'un écho, empreinte
après la sortie du film. Vous semblez ta in s incidents troubles (coupes, infor d'un s ig n ifia n t phonique sur un autre,
préconiser un cinéma sans films. D’a u mations déformées, etc.). production de sens selon les reten tis
tre pa rt encore, je ne pense pas q u’il J ’avais pris la plume pour vous sou sem ents d'une double paroi... » (Jean
soit honnête de couper ou d’« a r r a n tenir, et voilà que je vous attaque. Je Narboni, « La vicariance du pouvoir »,
ger » certa ins interviews lorsque la crois que c’est une bonne illustration Cahiers n° 224).
ligne exprimée ne vous s a tisfa it pas. de ce que ressentent certains. J'e spère Donc, loin d’introduire a r b i t r a i r e
Il est f o rt désagréable de lire un que vous me pardonnerez ce que j'ai ment à quelque signifié « politique »,
journal qui n’accepte q u ’une discus essayé de vous dire franchement. il n’était question, à p a r t i r de la com
sion qui reste dans le cadre étro it de J e vous prie d’a g rée r l’assurance de m utation g ro tte /g lo tte dont nous de
l'idéologie fixée au départ, et consi mes sentiments distingués. — C h ris vions .l’épreuve à D errida s u r le texte
dère Moullet et Rohmer comme réac tian ODDOS, Le Vésinet (78). de Mallarmé, que d’insister sur certain
tionnaires (ce qui peut être juste, travail de et dans la voix, certains
d’ailleurs, mais ne justifie pas votre Cette lettre dont, faut-il le dire, effets de souffle, d’échos et de rép er
attitude intransigeante). nous apprécions grandem ent la séré cussions, nullement de g a r a n t ir p a r là
Je termine ici ma lettre en affir nité et la précision, nous p a r a ît appe quelque caractè re « c o m m u n iste » du
m a n t que, malgré une sympathie pour ler les mises au point suivantes : film. Sans doute le malentendu pro-
votre revue, qui d em eurera toujours 1° Il n’y a eu de notre p a r t nulle vient-il du rapprochement p ratiqué p a r
si elle reste honnête (et non pas une « obstination à soutenir comme signi des lecteurs entre cet article et une
sympathie dans le style paternaliste), f i c a t i f », dans Ot.hon, le plan « d e déclaration de S tr a u b p arue dans le
je n ’exclus pas la proche possibilité de la grotte *. nulle obstination du moins même numéro (« M ais il est normal
me désabonner des Cahiers ainsi que à le soutenir comme politiquem ent si que m on Corneille déplaise aux so
) deux de mes camarades (pour des ra i gnificatif. Rappelons en quels termes ciaux-démocrates si comme je le crois
sons semblables à celles exprimées il y a été fa it référence ici : « Quel il est bien un film com m uniste : parce
dans cette lettre). coup de hasard a fait. Stra u b commen que dans la caverne au pied de l'arbre
Je note, avant de terminer, la timide cer son film (...) par un m ouvem ent qui termine le panoramique précédant
U n e c r itiq u e e n t h o u s i a s t e t
REVUE CRITIQUE : "T ou t ce qui a trait au 7» Art est là..."
LE SPECTACLE DU MONDE: "L e Littrô du cin ém a"
L'EXPRESS: ..."La plus agréable et la meilleure des initiations aux techniques
cinématographiques"
CINEMA INTERNATIONAL: "L'élém ent indispensable dans toute bibliothèque de
cinéphiles "
CINEMA 66 : “ Le plus remarquable ouvrage du genre "
LE FIGARO LITTERAIRE: "O uvrage sans précédent par son ampleur..."
L'EXPRESS: "D es études fouillées sur les sujets les plus divers... comblent les
curiosités les plus diverses” .
Chaque volume 500 pages environ très nombreuses illustrations. Relié toile format 180x 265
N O M .........................................................................................................................................................................................
Adresse
Signa ture
55
r
le générique, les communistes ca l’importance de ces textes, dont l’ap type de recherche, et leurs lecteurs
chaient leurs ormes à la f i n de la p o r t théorique dans le champ des p r a aussi.
guerre i ) , déclaration dont l’article ne tiques signifiantes commence à être Indiquons enfin, pour les irréducti
se soutenait pas plus qu ’il n’entendait reconnu et utilisé de diverses parts. bles. que nous n’avons jamais éprouvé
la démontrer. Ceci a été explicité dans Nous sommes persuadés que, en dépit de réelle difficulté à nous faire enten
le débat s u r Otkon paru clans la N o u de ce que notre lecteur prend pour dre, à chaque fois que nous avons eu
velle critique (n° 43) : à l’intervention confusionnisme, et qui n'est le plus l’occasion, dans les lieux et circonstan
de Richard Demarcv (« Est-ce que souvent que refus d’un certain « beau ces les plus divers, de présenter notre
S tra u b surveille ses signes, à la lim i style », les textes d ’O udart su r la travail sous forme pratique, sans rien
te ? Par exemple, quand Straub 111071- suture ou Ye ffe t de réel p a r exemple céder.
tre au début de son film une caverne ne p o u rront plus longtemps être igno 30 — Nous ne pouvons que déplorer
puis prétend que c’est un film com m u rés p a r tonte réflexion se voulant avec notre correspondant le retard qui
niste parce que les résistants y ca conséquente sur le cinéma. s’accumule en tre la sortie des films
chaient des armes, c'est, strictem ent Nous ne prétendons pas. encore une et les articles qui leur sont consacrés.
illisib le »), Nnrboni répondait : «(...) fois, méconnaître l’effort qu’une telle Ce retard nous p a ra ît malheureuse
Le plan de la caverne n'est pas destiné réflexion exige pour être suivie (y ment difficile à combler :
à transm ettre ce que la déclaration de compris dans scs éventuelles e rre urs — à cause de notre périodicité ;
S traub nous apprend. Il a. très exacte momentanées : nous ne disposons d’a u — à cause de la fonction (et donc
m ent, à côté de ses fonctions plastique, cune vérité absolue, ni définitive) — du niveau critique) des articles (qui
rythm ique, etc., celle d'une dédicace nous constatons simplement (le récent n ’est ni de raconter, ni de juger, mais
{invisible, secrète) répondant à celle, « co u rrie r des lecteurs * de Cinéma 71 d'anali/ser) ;
écrite et lisible, qui clôt le film... » vient encore le confirmer) que. là — à cause de la médiocrité crois
Signalons q u ’une fois encore, un comme ailleurs, intolérance et paresse sante de la très grande m ajorité des
compte rendu caricatura! de notre lec intellectuelle font bon ■‘m énage ; films qui « s o r t e n t » .
tu re est donné p ar les rédacteurs de n ’ayons pas peur de nous répéter : 4o — L’allusion aux entretiens
C inêthique (n*' 9-10, page 44), toujours ap rès qu ’ils aient, des années durant, « coupés » ou « a rra n g é s » fait sans
empressés à déplacer s u r d’a u tre s leurs pratiqu é la « c ritique * sur le mode doute référence aux « indications »
bévues : « Qu'aujourd'hui le politique empirique (pour lequel, faut-il le sou données p ar R. Benayoun dans Positif,
(tel qu'il s'y réfléchit spécifiquem ent) ligner. le couple e rr e u r /v é r ité , à force et reprises servilement dans Jeune
occupe, q u ’on le veuille ou non, le poste d ’imprécision, n’a aucune pertinence), Cinéma, selon lesquelles nous aurions
de commandement, dans les pratiques nous entendons bien, désormais que a m puté l'entretien avec Robert Kra-
signifiantes, cela est si vrai q u ’il est les « C a h i e r s » pratiquent un a u tr e mer (no 225) de passages dirigés con
impossible de lire Othon sur les bases
où nous lisions M éditerranée sans fa n
tasm er une réflexion positive du mo
m e n t politique dans le procès du film
{cf. le fa n ta sm e de la grotte...'). » On d’accord ...ou pas !
la nouvelle
conviendra que c’est tout à fa it ce qui
r essort de ce que nous avons réelle
m ent écrit, et que nous venons de
rappeler !
2 ° Q uant au « problème » de la « li
sibilité », qui semble décidément être
névralgique pour plus d’un : nous
n’ignorons pas (voir ci-dessous, nos
réponses à Politique-Hebdo) que la
lecture des Cahiers demande un travail.
Cependant :
- a y a n t à de multiples reprises déjà
(cf. notam ment nos textes à propos de 19 rue st-eeorges Paris 9e
P o sitif, dans notre n° 226/227, on ne
peut plus explicites) indiqué dans quel
contexte nous nous situons, nous te Dans la Nouvelle Critique de mai
nons pour acquis que l’on ne s a u r a it
comprendre quoi que ce soit à notre
travail, si l’on ne veut faire l’e ffo rt
Quelques ambiguités du sionisme.
préalable de prendre connaissance d’un
certain nombre de recherches en cours Le capitalisme monopoliste d’état
par ailleurs, recherches qui n'ont au
cun caractère confidentiel, et su r les
et sa crise.
résultats desquels nous nous appuyons, L’espace et le temps du point de vue
ne pouvant ni ne voulant à chaque
fois r e p a r tir à zéro ;
du matérialisme dialectique.
- nous reconnaissons volontiers que.
même à supposer nos lecteurs fam i Aux Etats-Unis :
liers avec ces textes, certains a r t i la lutte pour la paix.
cles (tels ceux de Je a n -P ie rre Oudart,
entre autres, s u r lesquels principale
ment achoppe la bonne volonté de c e r LA
i\ / p i | p k io s q u e s - librairies : 6 F
tains lecteurs) demeurent d ’un accès | W ^ J U V d l rL a b o n n e m e n t 1 an : 50 F - 6 mois : 27 F
relativement difficile ; cette difficulté r D r r F i l I— étudiant 1 an : 30 F - 6 mois : 1 5 F
ne nous échappe pas : mais nous esti W \l IM U C C.C.P. Paris 6956.23
mons qu’étra ng è re à tout e ffe t de
cuistrerie, elle est en proportion de
spécimen gratuit sur demande
5&
tr e le P.C.F. Il s ’a g it là d’une calom
nie gratuite., comme en f a it foi cette
lettre de Louis Marcorelles (auteur de
l’e n tretie n ), adressée à ces deux re
vues, et p a r elles soigneusement p a s
sée sous silence :
« Je précise par la présente que j ’ai
remis aux Cahiers du Cinéma une bo-
bine contenant l’intégralité d'une inter
view avec Robert K ra m er (...)' réalisée
en octobre. 1970 n N e w York. Je leur
ai également remis une transcription
de ma main de ce texte, transcription
qui couvrait à peu près les deux tiers
de l'interview originale. Je leur ai p ré
cisé la chose de vive voix en apportant
Vensemble.
« Jean-Clande B ic tte a effectu é la tra
duction en français de ma transcrip
tion anglaise. La version publiée dans
les Cahiers reproduit l’essentiel de ma
transcription, s a u f des allégements et
coupes m ineurs. La partie relative à
Vopinion de Robert K ram er sur le
p a rti comm uniste français était conte
nue dans le dernier tiers de l'interview Catherine Dencnve dons Peau (PA ne.
que je n'avais pas eu le tem ps de Ce qui donne sim ultaném ent une
transcrire, laissant aux Cahiers le soin
de compléter le travail. (S igné : Louis Peau « thém atique » (contenant/contenu, pa
re n ts /e n f a n ts , décor/personnage et
Marcorelles) »
P o u r dissiper tout malentendu que
p o u rra it laisser subsister cette lettre :
o'Ane aussi, sale /p ro p re ) repérable dans tous
les films de J.D. et, pou r la première
fois avec Peau d'A ne (d’où l’intérêt
sans utiliser la bande, nous avons p u PEAU D'ANE Film français de Jacques Demy. du film), quelque chose comme la f o r
blié, avec des coupes « mineures », la Scénario : Jacques Demy, d'après la version mulation du principe selon lequel une
transcrip tion qui nous avait été remise en prose (apocryphe) du conte de Perrault.
Images : Ghislain Cloquet. Musique : Michel
fiction peut avancer, un personnage
p a r Marcorelles. Au demeurant, il est Legrand. Décors : Jim Léon, Jacques Dugied. a pparaître, un film se faire, é ta n t bien
ridicule de penser que telles déclara Montage : Anne-Marie Cottret. Son : André entendu q u’il ne s ’a g it pas t a n t du
tions de Kram er, si nous en avions Hervée. Assistants réalisateurs : Jean Le- passage d ’un plan à un a u tre que d’un
pris connaissance, a u r a ie n t suscité de fèvre, Alain Franchet. Directeur de pro plan à un a u tre du récit, chaque mo
notre p a r t un intérêt tel que nous duction : Philippe Dussart. Interprétation : ment décisif é ta n t celui d ’un change
nous sentions obligés de les supprim er! Catherine Deneuve (Peau d'Ane), Jacques ment d’enveloppe.
(le débat s u r le film indiquant on ne Perrin (le prince), Jean Marais (Premier roi),
Fernand Ledoux (Second roi), Micheline Mais à quelle condition ces « m uta
peut plus nettem ent notre position su r Presle (la reine), Delphine Seyrig (la fée), tions » sont-elles possibles ? T o u t se
le problème de la p ratiq ue politique Pierre Repp (Thibaud), Sacha Pitoëff (Pre passe comme si un contenu a p p a rte
critiquée / sublimée p a r K ra m e r). mier ministre), Henri Crémieux (chef des nant à la même série (celle du propre
5° — Dans la mesure où une pratique, médecins). Sylvain Corthay (Godefroy), Pa ou celle du sale) que son contenant
quelle q u ’elle soit (technique, a r t i s t i trick Préjean (Allard)r Louise Chevalier (ta (ex. : Princ e sse /l"' château) devait
que, etc.) engage toujours, consciem vieille fermière), Michel Delahaye (deuxième
ministre), Domergue Regor (troisième minis
pour s ’en séparer, en être délivré, in
ment ou inconsciemment, une philoso tre), Guy Davout (quatrième ministre), Michel
tercaler entre lui et ce contenant une
phie spontanée (au sens où A lthusser Mardore (cinquième ministre), George3 Adet seconde enveloppe, a p p a rte n a n t à l’au
parle de la « philosophie spontanée des (le savant), Gabriel Jabbour (le chef des tre série et qui jo uera le rôle d’iso
s a v a n t s » ) , et dans la mesure aussi où tailleurs). Romain Bouteille (le charlatan). lant. L ’e r r e u r de la Fée est de croire
toute philosophie renvoie à une « con Production : Parc Films, Marianne Filma, q u’elle peut obtenir le p re m ie r dépla
ception du monde » et implicite une 1970. Distribution : Cinéma International cement. d épart de la princesse, en
politique, il nous p a ra ît impossible Corporation. Durée : 1 h 30 mn. obligeant le Roi à lui offrir des robes
d’éviter, dans nos entretiens avec des « L ’itinéraire » de Peau d’Ane somptueuses, inefficaces pu *squ'appar
cinéastes, d’aborder le problème de consiste à aller d’un château à un te n an t à la même série, celle du pro
leurs présupposés, l’entretien ne se a u tr e château, en passant p a r une ca pre. Peau d’Ane ne pourra qu itte r
lim itant pas à m a rq u e r confortable bane. P o u rta n t, son voyage n’est pas le château de son père q u ’au moment
m ent des « lignes de démarcation ». montré (plus exactement — cf. : le où, à la chaîne or-âne-château. va se
mais visant à fa ire jo u er des contra ralenti — dérobé aux re g a r d s ) . P o u r su b stitu e r sa réplique princesse-peau
dictions. Nous pensons que l’entretien quoi ? d’âne-château.
avec Rohmer, quels que soient les a n C’est que la progression de ce voya Le second « lïcu » du filn est la
tagonismes visibles qui nous opposent, ge n ’est plus soumise à une quelcon ^°bane située au cœur de la forêt.
est l’un des plus im portants et révéla que subjectivité (Peau d’Ane, Demy C’est ici que le cinéaste, une fois le
te urs (symptomatiques), que nous ou même P e r r a u lt a u r a ie n t voulu quel système mis en place, le laisse jouer
ayons publiés depuis longtemps. que chose), mais à un système d’en avec la plus grande r ig u e u r et la plus
6 ° Terminons p a r un souhait : celui trées et de sorties dont le modèle est grande liberté. Tout élément du film
que les lecteurs qui. comme M. Oddos, donné to u t au début du film : l’âne y est deux fois inscrit, une fois dans
éprouvent telle ou telle réticence à la et l’or. Il 11’y a progression q u ’à condi la série du propre, une fois dans celle
lecture des Cahiers veuillent bien nous tion. a) de s o rtir de quelque chose, du sale, ce qui donne lieu à un cli
fa ir e part, de façon aussi claire et b) d’en so rtir sous une « a u tr e » for vage généralisé dont l’annonce e t com
positive qu’il l’a fait, de leurs c riti me. Ou encore : tout passage donne me la parodie sont fournie s p a r le per
ques et suggestions. lieu à une métaphore. roquet qui préside aux limites de ce
57
« réfèrent » d’une image n’étant ja
mais que le dispositif de tournage en
vue de cette image), comment rendre
compte de son apparition, de ses trans
formations, de sa disparition ?
2. Il faudra que le film en expose
— quelque, part et à sa manière — la
loi, le modèle. Le fil conducteur n’étant
plus : comment passer d’un plan à un
autre mais plutôt comment la réponse
à cette question est déjà esquissée,
indiquée, inscrite dans le film.
3. Inscription qui sera toujours « à
côté », métaphorique, analogique, non
pas noyau caché ou modèle réduit mais
représentation ■ du fonctionnement du
film dans le film même. Dans le cinéma
« classique » qu’il semble urgent au
jourd’hui d’apprendre à lire et dont
Demy est un des derniers héritiers,
cette représentation est toujours repé-
rable du côté de la fiction et des
« thèmes » dont elle se nourrit et plus
particulièrement celui de la reproduc
tion des êtres humains car c’est finale
ment sur ce mode analogique que le
Prau d 'A n e . problème n ’a pas pu ne pas se poser
lieu. Si par clivage, on entend un fait, les tout derniers plans du film et qu’on pourrait résumer ainsi : l’en
certain mode d’articulation au niveau se situent en un endroit découvert (ni fant, comme l’image, voit le jour.
d’une mêm e surface, c’est bien ainsi château, ni forêt) où les trois couples Nul doute que les solutions diffè
qu’il faut voir la parfaite coexistence en blanc (ni bleu, sang figé, ni rouge, rent : par exemple, chez Renoir, l’at
dans un même plan de la princesse et sang qui coule, mais blanc : stérilité) tention est tellement portée s u r la pro
de la souillon, des meubles luxueux et figurent comme des pions, réduits enfin duction (toujours identifiée chez lui à
de la cabane misérable. Tout se passe à une pure valeur (au sens linguisti un acte sexuel) que le produit (film,
comme si la cabane, entre les deux que), sur un échiquier idéal. enfant, film-enfant) est très vite né
châteaux, au milieu du film et de la Donc, pour la première fois, béné gligé, abandonné, évacué (la fameuse
forêt, était l’endroit privilégié, le lieu ficiant des conventions du conte de « peur des responsabilités » dans La
de la pliure du film, où tout ce qui fées. Demy peut systématiser l’exi Partie de Campagne, l'extrême rareté
se présente ailleurs sous forme d’al gence qui court dans tous ses films : des enfants dans les films de Renoir,
ternative (ou bien/ou bien) est simul que personnages, films et, à la limite, etc.). Inversement, chez Lang, tout
tanément présent (et, et...), endroit les images de .ee film, doivent bien sor plan risque à tout moment d’être gros
« hors-jeu » et presque « hors-film » tir d’un quelque part qui, lui-même... d’un autre, soit par des raccords dans
d’où on peut regarder vers l’arrière Production des films : dès Lola l’in l’axe ou par un système d’écran dans
ou vers l’avant puisque dans les mi trigue est autoréférentielle et donnée l’écran (les grottes dans Le. Tombeau
roirs, véritables plans issus du plan, comme quelque chose qui se re-pro- Hin dou). Demy adopte un système
apparaissent le Roi, puis le Prince. duit. Ce ne sera ensuite qu'un jeu (Pa différent qui consiste, dans l’épisode
Ici une question : Peau d’Ane ne rapluies, Demoiselles) d’instaurer un de la cabane, à disséminer les élé
peut quitter la cabane que si on vient circuit fermé de références où tout écart ments des deux séries, si bien que
la chercher. Pourquoi ? Il semble que est conçu comme variante, où le Même chaque plan semble soumis à une sorte
comme dans le premier cas (or/âne') ne cesse de revenir. Production des de scissiparité amibienne.
elle doive sortir une première fois sous personnages : soit à travers les situa Signalons rapidement que celle-ci
une forme métaphorique (bague/gâ- tions parents-enfants, soit qu’un per renvoie aussitôt à un système non-
teau) qui lui sert de modèle, anticipe sonnage vienne occuper une place lais sexué de reproduction. Dans les films
et permet son passage réel de la sée vide, jouer le rôle d’un autre, etc. de J. Demy, jamais, nulle part, il n’y
cabane au second château où, ôtant sa On a dit que le système métapho a d’acte sexuel. Les pères sont tou
peau, elle se retrouve dans un rapport rique se situait autour d’un axe pro jours absents, perdus, ce qui rend
immédiat avec un contenant de la pre/sale. Tout contenant prégnant d’un moins mystérieux le désir du Roi de
même série qu’elle. contenu devient sale. Il ne semble pas Peau d ’A n e pour sa fille : la pater
Ce qui pose le problème de savoir qu'on s’aventure beaucoup en rappro nité n’existe pas. Les conséquences en
ce qui a bien pu être yagnê à la fin chant ceci du thème de l’enfantement, sont redoutables : nul accès du reje
du film, outre la formation de trois de la femme enceinte ou de la fille- ton à la métaphore paternelle, nul re
couples au lieu de deux, assortis par mère, thème récurrent chez J.D. Une foulement originaire, c’est-à-dire que
l’âge. On peut remarquer que le châ femme enceinte est aussitôt marquée ledit rejeton, pris dans une relation
teau du début est un enclos et le (même à ses propres yeux : Deneuve duelle, ne se séparera jamais vraiment
second un lieu de passage. On peut dans Les Parapluies) de saleté. Elle du contenant. Tout au plus, il en chan
tenter une lecture ethnôlogisante qui est sale parce que la seule manière de gera : la Mère, le Décor, la Ville, etc.
verrait dans la fiction de Peau d’Ane rendre compte de la naissance de l’en Note : cette copulation, on s’en
le passage d'un système endogame à fant sera de l’ordre de la « théorie doute, ne cesse de faire retour. Ainsi
un système exogame. C’est du moins cloacale », indissociable de l’ignorance, dans Peau d'Ane, l’importance de la
le sens de la chanson de la Fée, chan ici de la forclusion, de tout acte sexuel. nourriture. Elle fait aussi retour par
son suspecte et qui pourrait bien ser Ici se dessine un problème qu’il la propreté exagérée des plans, pro
vir de leurre (car ce ne sont pas les convient — pour le moment —■ de preté qui évoque le cinéma publicitaire
« exigences de la civilisation » mais poser dans sa plus grande généralité : où l’image comme produit risque tou
bien le désir très précis de la Fée 1. Si tout élément d’un film n’a plus jours de faire oublier le produit à
qui est. à l’origine de la fiction). En à être rapporté à un prétexte (le seul mettre en images. -— Serge DANEY.
58
film comme Le Vieil Homme et l’en ce point de vue. est tout un p ro g ram
Le cinéma fant, ça me f a it u n plaisir immense,
parce que je m e sens moins seul, je
me, à lire au pied de la lettre et dans
tous les sens possibles, et comme la
Corlan (Robert). John Hallam (Sir Meles), la scène où l’oncle (Huston lui-même) — Dans l’esprit, comme un discours
Robert Lang (Chef des pèlerins), Guy Deghy f a it éta t de ses positions pro-pay- allégoristique sur la féminité comme mys
(le prêtre). Michael Gough (le moine fou), sannes avant de disparaître, to u t se tère au rega rd de l'homme : le fantas
George Murcell (le capitaine), Eileen Mur- passant comme si le simple énoncé tique dans Mclinda assigne directement
phy (la bohémienne), Anthony Nlcholls (le
père supérieur), Joseph O’Connor (saint
d’un discours progressiste (que vient à la femme d’être le lieu énigmatique
Jean), John Huston (Robert the Elder). Pro cautionner et actualiser sa personne, d ’un savoir (érotique : Mclinda Tentress
duction : John Huston, Carter De Haven véritable effet de réel) suffisait à p ro = Melinda, temptress) informulable et
pour 20th Century-Fox, 1969. Distribution en duire une fiction progressiste, était sans limites (ce que Good bye, Charlie
France : Cinémas Associés. Durée : 90 mn. a u tre chose q u ’un simple discours idéa tentait de développer selon la figure
liste, ni plus ni moins « vrai » que compliquée du paradoxe).
ceux au quels il s’oppose. Citons à ce propos Camille Laurin
Malgré la réputation d’œuvre m a u
dite complaisamment accolée au film Pascal K A N E. (in « L a Psychanalyse », n “ 7 ) : « L a
d’Huston, son succès parisien f u t assez sexualité féminine a, pour sa part, tou
limité. En dehors des problèmes de jours paru à l’homme singulièrement
distribution, ce semi-échec peut être trouble et énigmatique. Nous disons, à
a ttr ib u é : l’homme, car c'est bien à lui que nous
— à la tim idité fade de son p ro g re s devons la divinisation des principes fémi
sisme hippisant, dont le caractè re inof nin et maternel ainsi que la riche affa
fe n sif a souffert d’être comparé à bulation des mythes et mystères qui
celui d’œuvres a u trem e n t « radicales » symbolisent les multiples aspects de la
(qu’elles soient véritable ment subver
sives ou qu ’elles ne ressortissent qu’à Melinda mise en action de ces principes. C’cst
à lui que nous devons également la
plupart des descriptions et interpréta
une audace p ure m e n t opportuniste
comme c’est a u jo u r d ’hui le cas aux tions de la conduite féminine que nous
Etats-U nis, de la p a r t de cinéastes, a léguées ju sq u’ici la tradition. »
jeunes ou vieux, qui n’ont pas la sin 2) Dans « C h a b o t» , il y a aussi « c a
cérité hustonienne — ce qui explique bot » (il est fort improbable que Minnelli
aussi, en passant, l’échec cuisant du ON A CLEAR DAY YOU CAN SEE FOR- ignore le sens français de ce mot) ; et
film s u r le marché am éricain) ; EVER {MELINDA). Film américain de Vin- effectivement tout se passe comme si le
cente Minnelli. Scénario : Alan Jay Lerner. film donnait licence aux tics d’Yves
— au peu d’in térê t suscité p a r le Images : Harry Stradling. Musique : Burton
moyen âge aussi bien su r un plan ciné- Montand, à la grimaccrie forcenée (à
Lane. Chorégraphie : Howard Jeffrey. Cos
philique q u’historique. D ’ailleurs, con tumes : Cecil Beaton. Interprétation : Bar 1' « abattage ») de B arb ra Streisand. Mais
tr a ir e m e n t à ce qui f u t dit, le film bara Streisand (Daisy Gamble). Yves Mon- si Mclinda permet sans dommage ces
manque totalement de justesse s u r ce tand (Dr. Marc Chabot), Bob Newhart (Dr. vulgarités, c'est qu'elles ont pour rôle
point : les rap ports sociaux y sont Mason Hume), Larry Blyden (Warren Pratt), d'cdulcorcr, de mettre le discours sur le
p a rfa ite m e n t irréalistes, et les posi Simon Oakland (Dr. Conrad Fuller), Jack mode du « pour rire » (011 remarquera
tions « morales » des personnages, Nicholson {Tad Pnngle), John Richaidson que les gags au sens strict du terme
(Robert Tentrees). Pamela Brown (Mrs. Fitz-
projetées du présent, anachroniques. sont très peu nombreux). Le cabotinage
herbert). Irene Handl (Winnie Wainwhistle).
Que pouvait bien vouloir dire une a t t i Production : Howard W. Koch - Alan Jay des stars est donc, paradoxalement, un
tude « non-violente » au moyen âge ? Lerner; Paramount, 1969. D istributio n: Para- raffinement pour le filin : Mclinda, tout
E n f a it tout est. dans le film, pro mount. Durée : 2 h 09 mn. en semhlant servir les acteurs, en fait,
jection du présent. Aussi bien l’ima les met à son service.
gerie médiévale bon marché (où ne i) Le personnage interprété par Yves 3) Le nom complet du personnage
manque pas la traditionnelle opposi Montand sc nomme Chabot. Dans « Cha féminin est « M c lin da W iu if red W ain c
tion sensualité/mysticisme, mais beau- bot » il y a «C harcot», et c’est bien de Tentress » ; on remarquera qu’à p art le
cou p plus schématique et extérieure psychiatrie, et de psychanalyse, qu’il « a ». qui dénote le féminin, les seules
que chez Bergm an) que les préoccu s’agit. On peut à cet égard lire le film voyelles sont, comme dans « Vincente
pations éthico-politiques, plaquées s u r de trois façons : Minnelli ». des « c » et des « i ». Q u ’in
le récit sans qu ’intervienne jam ais un dique une telle anaphonic ?
véritable travail d ’inscription de ces — A la lettre, comme la parabole
divers éléments fictionnels. T out au d’une réfutation de Freud par Jung à Que la féminité est, dans le discours
contraire, la seule préoccupation propos d'un cas. « S ’il s’agit bien de du film, un faux* mystère, puisque soti
d ’Huston semble avoir été de préserver métempsycose, les partisans de Freud lieu y est maîtrisé : les contrechamps,
coûte que coûte la « lisibilité » du en prendront un coup », dit le Dr Conrad, qui montrent à quoi pense la jeune fille
film, c’est-à-dire son absolue tr a n s p a l'ami du Dr Cliabot. Et effectivement la alors même qu'elle ne dit rien au Dr
rence au message véhiculé. D’où le jeune tabacomanc avoue sous hypnose Chabot, excèdent la simple fonction su
personnage totalement conventionnel line quantité — non limitée — de vies turante (pour la suture, elle s’exerce dans
de l’étudiant, dont la neutralité, la non- antérieures. On pourra voir là quelque ce que Ton désigne comme la « pictura-
insertion sociale, la disponibilité sur chose comme la métalepse de la notion 1i té » du film : que, par exemple, les
tous les plans ne sont là que pour d'inconscient collectif. One telle soit une couleurs des champs-comrcchamps soient
serv ir I’ « a rb itr a ir e » fictionnel, c’est- des visées de Minnelli. un film comme pour la plupart réglées par la complé
à-dire bien sû r le « vouloir-dire » hus- The Cobiceb est là pour nous le confir mentarité) : ils mettent en lumière le
tonien. Au lieu donc de « charger » ses mer. lieu d'où parle le film : celui d’un savoir
personnages, psychologiquement comme — Comme le récit d'un contre-trans métaphorique. Ces contrechamps, donnant
chez Hitchcock ou socialement comme fert, l'histoire d’un psychanalyste « pié à voir autre chose que ce qui devrait
chez Mizoguchi, d’introduire une résis gé » par le délire d’une de sus clientes ; être, spatialement, à leur place, mais qui
tance qui implique le regard du spec il s’en dépêtre in extremis (la multipli prétendent en révéler la vérité, sont,
t a t e u r dans la fiction de manière com cation finale des vies antérieures lui fait atteignant ici le plus haut degré de ce
plexe et active. Huston constitue déjà reconnaître le contre-transfert ; la sépa qu ’il faut bien appeler le raffinement,
son personnage en spectateur et n'en ration des deux personnages s’accomplit, la réduction oppositiomielle d’une des
f a i t rien d ’a u tre que l’opérateur qui « les choses remises à leur place », lui marques du cinéma « hollywoodien » :
accrédite et avère la fiction, qui la retourne à son travail et à sa femme ; que le seul discours qu'il puisse tenir sur
f a it jouer de manière toujours asser- elle s'en va, à elle-même étant révélé ce la féminité est de l’ordre de la mytho
tive. Caractéristique est s u r ce point qu’elle savait depuis le début). logie. — P ie rre B A U D R Y .
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Réponses
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ANCIENS NUMÉROS a
Les numéros suivants sont disponibles :
" Politique
Ancienne série (5 F) : 98 - 108 - 110 - 111 - 113 - 119 - 122 - 125 - 129 - Hebdo"
130 - 132 - 135 à 137 - 140 à 149 - 152 à 159.
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199 - 202 - 203 - 206 - 208 à 219 - 222 à 225 - 228.
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ou mandats aux CAHIERS DU CINEMA, 39, rue Coqulllière, P a ris -I" (Tél. Cet entretien, réalisé le 21 fé v r ie r
236-92-93 et 236-00-37). C.C.P. 7890-76 PARIS. 1971 par Roger Dosse et Jean Duflot,
responsables respectivem ent de la p a r
Les anciens numéros sont également en vente à la Librairie du Minotaure, tie culturelle et de la page cinéma de
2, rue des Beaux-Arts, Paris- 60 (033-73-02). Politique-Hebdo, devait prendre place
dans une enquête sur l'avant-garde
COMMANDES GROUPEES : Les remises suivantes sont applicables aux cinématographique (pratique et théo
commandes groupées : rique) commencée par cet hebdoma
daire. Il nous a paru utile de repro
10 % pour plus de 5 numéros duire ici cet entretien, l'interruption
25 % pour plus de 15 numéros de parution de Politique-Hebdo n 'ayant
50 % pour plus de 25 numéros pas perm is sa publication.
(ces remises ne s’appliquent pas aux frais de port). POLITIQUE-HEBDO Vrm.s avez été récem
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NUMEROS EPUISES trées sur votre défense du f i l m de
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« Hitchcock » de Rohmer et Chabrol - Ed. Universitaires). théorique et politique, depuis votre
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notre séparation d'avec le groupe F i
Jean-Noël HERLIN, 21 East 87th Street New York N.Y. 10028, U.S.A. lipacchi n’a été ni l'origine ni la cause
itecherche no* 1 à 80 - 82 - 84 à 90 - 92 è 95 - 97 - 99 - 100 - 102 à
de notre ligne rédactionnelle actuelle:
c'est a u contraire l’orientation de plus
104 b - 106 - 109 - 114 à 116 - 118 - 138 - 150/151. en plus nette, théoriquem ent et poli
tiquement de la revue, qui a provoqué
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p a r le contenu de numéros bien a n té
rie u rs au conflit). E t précisément, les
attaq ues très violentes dirigées contre
nous a u jo u rd ’hui de divers côtés (réac
OFFRE SPÉCIALE tionnaires avérés, sociaux-démocrates
éclectiques, gauchistes mystiques) sont
la réaction, au fond logique, au f a it
Avec notre no 226/227 (Spécial Eisenstein) se termine pour l'instant la que notre travail se développe de fa
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lecteurs la collection complète des 19 numéros dans lesquels ont paru les rialisme historique et du matérialisme
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50 francs. (Offre valable dans la limite des exemplaires disponibles). du m atérialism e que se manifestent
a u jo u r d ’hui les plus grandes résis
tances : au point qu ’il est de plus en
plus f ré q u e n t de voir s'avancer à l’en-
61
seigne du marxisme-léninisme des dis politique, et directem ent liés aux lu t série de plans dont le jeu d’ensemble
cours qui refoulent le matérialisme. tes actuelles ? n’est aucunement pensé (au lieu que
La question est de savoir s ’il est en CAHTERS C’est un reproche q u ’on nous le montage, comme Je voulait Vertov,
core possible a u jo u r d ’hui de s’affirmer fa it souvent. E t en effet, on constate doit commencer avant le tournage et
marxiste et de défendre, dans le champ a u jo u r d ’hui l’inflation du nombre de se poursuivre tout au long du film).
de la critique professionnelle, une p ro films s’avançant sous l’étiquette de Ce qui résulte d ’un tel empirisme est
blématique de l’expressivité, de la « films politiques », reconnus comme au mieux la production d’effets impro
création « visionnaire », etc. Nous pen tels p a r la critique, et d’ailleurs consa ductifs de reconnaissance narcissique
sons que non. Alors que la sémiotique crés récemment comme « genre » p a r (ou d’indignation non moins « imagi
commence à pouvoir rendre compte « Pariscopc ». N ’insistons pas s u r les naire »). On nous accuse parfois de
des processus de formation du sens « effets de politique » (comme on dit p ra tiq u er de ces films une critique
dans les divers champs « a rtistiques » : « effets de réel ») dont tels ou tels théoriciste. formaliste, coupée de la
alors que, précisément, le concept de cinéastes agrém entent des films tout pratiq ue sociale, etc., mais c’est au con
pratique sig n ifia n te vient bouleverser à fait anodins. Plus significatif est le tra ire un défaut politique général que
et ruiner la notion de noyau ineffable cas des films dont le « contenu » est nous pointons : inscription non dialec
et génial de la subjectivité créatrice, de p a r t en p a r t « social » ou « poli tique de la politique dans le film, elle-
les protestations qui s ’élèvent un peu tique » (il peut s ’a g ir aussi bien de même provenant d’une insuffisance
p a rto u t dès que l’on f a it jouer ces films produits et diffusés dans les d’analyse politique du champ concret, à
concepts dans le champ du cinéma (et conditions normales du marché, que de chaque fois, de leur intervention. Ce
pas seulement) dénotent un véritable films « m a rginaux », « parallèles », mi qui ne veut pas dire non plus que nous
affolement : celui d’un certain nombre litants). Le fa it que leur « contenu » les trouvions, d ’un point de vue stricte
d’idéologues bourgeois devant l’e f f ri soit « social » ou « politique » suffit-il ment militant, inutiles, mais les ni
tement de leurs garanties symboliques. à leur décerner un brevet de juste sse? veaux d’exigence, et donc de critique,
A chaque poussée matérialiste dans le Car un point de vue politique — même sont à la fois liés et distincts (niveau
champ des pratiques signifiantes, ces progressiste dans ses intentions — théorique/politique, et usage militant
mêmes protestations se sont élevées. peut être juste ou faux, complet ou immédiat).
E n ce sens, les réactions à propos incomplet. Il f a u t donc aller plus loin A un a u tre pôle, Promenade avec
d’Othon sont symptomatiques. Ce qui que le réflexe habituel de la critique l’amour et.... p ar ex., dont on parle
nous a retenus d ’abord dans Othon, progressiste qui veut que « puisque beaucoup comme d ’un film lui aussi
c’est ju stem en t l’évacuation d’un cer c’est politique et de gauche, donc c’est « p o litiq u e » , et qui n’est qu’une jolie
tain nombre de vieilleries idéalistes juste ». Brecht exigeait du réalisme ballade médiévalo-hippisante. ne peut
coriaces : l’œuvre comme émanation qu ’il dévoile « le complexe de causalité m anquer de combler une critiqué qui
d’un « c ré a te u r » au s ta tu t divin, com sociale », qu ’il rende compte à propos va y reconnaître le bon vieux progres
me expression d’Un Sens déjà-là, tom d’une situation concrète de tous scs sisme de Huston, qui, s ’il prend pa rti
bé du ciel, é tra n g e r à to u t travail ; aspects et des rap ports dialectiques dans son film pour les paysans et
l’e a r t » comme supplément ornemen entre ces aspects, insistant sur le fa it contre les nobles, le fa it d’un point de
tal d ’un « m e s s a g e » (cf. p a r exemple: que le réalisme n 'é tan t ni une ques vue humaniste et sentimental. Rappe
Melville, Sautet, pour citer des têtes tion de forme ni une question de lons avec Althusser que « l’amnésie ni
d ’affiche). A u trem en t dit, de la p a r t contenu, un film, une pièce, un roman l’ironie, le dégoût ni la complaisance
de Straub, une conception de son acti pouvaient se prétendre réalistes, so ne font l’ombre d ’une critique ». E n
vité comme pratiq ue et comme tr a n s cialistes, etc., privilégier même le revanche, nous trouvons la preuve que
formation, impliquant la prise en contenu social aux dépens du travail le réalisme au sens brechtien n’est pas
considération de son matériau de base: formel, et n ’en être pas moins fo r m a une question de forme, mais de p ra
résistance du texte, de la langue, de listes, p a r infidélité à la réalité sociale, tique, de logique et de méthode, dans
la voix des acteurs comme lieu de exposée de façon unilatérale, statique Sous le signe du Scorpion, de Paolo
croisement du son et du sens, enfin et superficielle. Car cette restitution de et Vittorio Taviani, film résolument
des corps et des gestes — toutes ces la causalité sociale n’est ni survol, ni anti-natu raliste — mais là encore,
stra te s signifiantes disloquant, mais description mécaniste, des événements, Brecht déclarait que le naturalisme
de façon réglée (nullement anarchi mais reconstruction de rapp orts de était au réalisme ce que le m atéria
que), la scène représentative classique. force exigeant du cinéaste la pratique, lisme mécaniste est au matérialisme
Cette entreprise n’a rien de form a dans son film , de la contradiction, des dialectique.
liste : elle n ’est en rien réductible à luttes, de l’histoire. Citons Brecht, P. -n. Mais Sous le signe du Scorpion
ce qu’Eisenstein appelait « un fé ti écrivant s u r le cinéma : « La simple joue dans l’ordre du vijftlui, de la fable
chisme du m atériau ». mais expose la «re production de la réalité» ne dît — et ne porte pas directement sur la
m atérialité sig n ifia n te : à savoir, le quoi que ce soit s u r cette réalité. Une situation politique présente. N ’y a-t-il
f a it que le sens se produ it et se défait photographie ries usines Krupp ou de aucun film politique actuel qui vous
p a r la connexion de signifiants m até l'A.E.G. ne nous apprend pratiquem ent semble répondre aux critères que vous
riels. avez donnés?
rien s u r ces institutions. (...) Il f a u t
c a h i e r s II y a en tous cas les films
Tout cela ne veut nullement dire donc effectivement « construire quel
récents du groupe Dziga Vertov. et
— précisons-le une fois encore — que que chose », « quelque chose d’artifi su rto u t Luttes en Italie. Le travail de
nous aurions « élu » ce film pour son ciel ». (...) Car celui qui ne donne de ce groupe nous p a ra ît être au jo u rd ’hui
« inaudibilité», son « hermétisme », la réalité que ce qui peut en être vécu une des rares tentatives qui, se réfé
son caractè re ré b arb a tif ou provocant. ne reproduit pas la réalité.» r a n t explicitement au matérialisme
Au contraire, nous trouvons q u’Othon P a r exemple, un g r a n d n o m b re historique et dialectique, s’efforce,
est un très beau film, capable de sus de film s de groupes, d ’équipes, de col difficilement, de développer sa p r a
citer aussi du plaisir, plaisir qui bien le ctifs de m i lita n ts , nous se m ble nt tique spécifique (cinématographique)
entendu n'a rien à voir avec l’identifi • in s u f f i s a n t s : l’analy se po litiq ue indis sur ces bases. E t ce n ’est pas p ar
cation narcissique et l’hédonisme pres p en sab le y e s t r a m e n é e au sim ple ré hasard que dans cette pratique, ils
que toujours de règle dans le spectacle cit, au redo ub le m e nt, à la répétition réfléchissent les expériences du cinéma
cinématographique. m é ca n iq u e d ’une lu t te préc ise, de tel soviétique des années 2 0 ...
P.-H. Est-ce Que justement, l'attention év é n em en t ou de tel c o m b a t (d'ailleurs p .- h . Mais y a-t-il un enseignement à
que vous portez au < sig n ifia n t * ne le plus so u v e n t in c o m p lè tem ent r e s t i tirer — pour aujourd'hui — des film s
risque pas de vous fa ire négliger un tué), le m o n t a g e c o n s is ta n t dès lors à de Vertov ou d'Eisenstein ?
certain nombre de film s à contenu m e t t r e t a n t bien que ma l en o r d r e une c a h i e r s II est a rriv é en effet qu’on
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56. G R E M I L L O N , par Henri Agel
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quent en outre, à titre gratuit, “ DÉCOUVERTE DU CINÉM A G REC”.
Je préfère régler en 3 mensualités, soit 27 F ci-joint par chèque bancaire / chèque postal / mandatf,;; 27 F
que je m'engage à régler dans un mois; 27 F que je m’engage à régler dans deux mois n;.
Date :------------------------------ S ig n a tu re :
(1) R a y er les m o n tio ns mu tiles.
65
de Robert Downey, avec A. Johnson. A. Taf- Von Haut zu Haut (Peau sur peau), de Harald
1 6 films italiens A Hoeller, avec Dagmar Lassander.
gas, L. Greene.
WKeel of a9hes (Roue de cendres), de Peter I Clowns (Les Clowns), de Federico Fellini.
Emmanuel Goldman, avec Pierre Clémenti, Voir ce numéro, page 47. 4 films anglais
Katinka Bo, Pierre Besançon, Judith Malina. H Conformista (Le Conformiste), de Bernardo The blood terror (Le Vampire a soif), de
Voir n® 213, « 58 nouveaux films *. Bertolucci. avec Jean-Louis Trintignant, Do Vernon Sewell, avec Peter Cushing, Robert
minique Sanda, Stefania Sandrelli, Gastone Flemyng. Wanda Ventham.
20 films français Moschin. Voir entretien avec Bernardo Ber Corruption (Carnage). de Robert Hartford
tolucci et article dans le prochain numéro. Davis, avec Peter Cushing, Sue Lloyd, Noël
L’amour c’est gai, l'amour c’est triste, de Cosi dolce... cosi perversa (Si douces, si Trevarthen.
Jean-Daniel Pollet, avec Chantai Goya, Clau perverses), de Umberto Lenzi, avec Carroll Music lovera (La Symphonie pathétique), de
de Melkl, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Ma- Baker, Jean-Louis Trintignant. Erika Blanc. Ken Russel, avec Richard Chamberlain, Glin-
rlelle. Garringo (Garringo). de Raphaël Romero Mar da Jackson, Max Adrian.
Bof..., de Claude Faraldo, avec Marie Dubois. chent, avec Anthony Steffen, Peter Lee Law Quaterma83 II (La Marque), de Val Guest,
Paul Crauchet, Julien Negulesco. Voir note rence, Solvi Stubing. avec Brian Donlevy, John Longden, Sidney
dans le prochain numéro. Gentleman K iller (Gentleman Killer). de James.
Le cri du cormoran le soir au-dessus des George Finley, avec Anthony Steffen, Eduar-
jonques, de Michel Audiard, avec Michel do Fajardo, Silvia Solar. 2 films espagnols
Serrault, Bernard Blier, Marion Game. I Giomi délia violenza (Furie au Missouri),
Doucement les basses, de Jacques Deray, de El Bradley, avec Peter Lee Lawrence, Be- Cabezas cortadas (Tètes coupées), de Glau
avec Alain Delon. Paul Meurisse, Nathalie ba Loncar, Luigi Vannucchi. ber Rocha, avec Francisco Rabal, Marta May,
Delon. La Legge dei gangsters (La loi des gangsters), Pierre Clémenti, Rosa Maria Penne. V oir cri
L’Homme de désir, de Dominique Delouche, de Siro Marcellini. avec Klaus Kinski, Mau tique dans un prochain numéro.
avec Emmanuelle Riva, François Timmerman, rice Poli, Franco Citti. La Marca del hombre loco (Les Vampires
Der Leone have sept cabezas (Le Lion à du Docteur Dracula), de E. Eguiluz, avec Paul
Eric Laborey.
sept têtes), de Glauber Rocha, avec Rada Noschy, Diana Kimpka.
Le Juge, de Jean Girault, avec Pierre Perret,
Robert Hossein, Silvia Monti. Rassimov, Gabriele Tinti, Jean-Pierre Léaud,
Giulio Brogi. Voir critique dans un prochain
2 films polonais
Juste avant la nuit, de Claude Chabrol, avec
Stéphane Audran, Michel Bouquet, François numéro. Everything fo r sale (Tout est à vendre), de
Périer. V oir ce numéro, page... La Moglie del prete (La Femme du prêtre), AndrzeJ Wajda, avec W itold Holtz, Beata
Laisse aller... c'est une valse, de Georges de Dino Risi. Voir note dans le prochain Tyszkiewicz, Elzbieta Czyzewska.
Lautner, avec Jean Yanne, Mireille Darc, Mi numéro. Krajobraz po bitwie (Paysage après la ba
chel Constantin. il Prete sposato (Un prêtre à marier), de taille), de Andrzej Wajda, avec Daniel 01-
Les Mariés de i'An Deux, de Jean-Paul Rap- Marco Vicario, avec Rossana Podesta, Lando brychski, Stanislawa Gelmska, Tadeusz Janc-
Buzzanca, Magali Noël zar.
peneau, avec Jean-Paul Belmondo, Marlène
Jobert, Michel Auclair. Quel maledetto ponte suH'Elba (Le Pont sur
Max et les ferrailleurs, de Claude Sautet, l'Elbe), de Léon Klimowsky, avec Tab Hunter, 1 film autrichien
avec Michel Piccoli, Romy Schneider, Fran Howard Ross, José Guardiola. Dornwittchen und Schneerôschen (Blanche-
çois Périer. V oir article de Jacques Aumont Sentenza di morte (Sentence de mort), de Neige et les sept1...), de Erwin Klein, avec
dans le prochain numéro. Mario Lafranchi, avec Robin Clark, Richard Georg Thomalia, Georg Siedler, Nera Nlcol.'
Morgane et ses nymphes, de Bruno Gantil- Conte, Enrico M. Salerno.
lon, avec Dominique Delpierre, Alfred Bâil Se vuoi vivere, spara (Tire si tu veux vivre), 1 film belge
lon. de W illy S. Regan, Bvec Sean Todd, Ken Nathalie après l'amour, de Michael B. San-
Pays de Cocagne, de Pierre Etaix. Wood. Isabella Savona. ders, avec Nathalie Nesle, William Hawk.
La Philosophie dans le boudoir, de Jacques La vera storia di Frank Mannata (Le Clan
Scandelari, avec Souchka, Fred Saint-James. des frères Mannata), de Saverio Seto, avec 1 film danois
Marc Coûtant. Jeffrey Hunter, Margaret Lee. William Bogard.
I Vigliacchi non pregano (Django ne prie Quiet Oays in Clichy (Jours tranquilles à CK-
Popsy Pop, de Jean Herman, avec Claudia chy), de Jens-lorgen Thorsen, avec Paul Val-
pas), de Marion Sciviko, avec John Garko,
Cardinale, Stanley Baker. Henri Charrière. jean, Wayne John Rodda, Louise White.
Sean Todd. Elisa Montes.
Raphaël ou le débauché, de Michel Deville,
Zan, re délia jungla (Le Roi de la jungle), de
avec Maurice Ronet. Françoise Fabian, Jean
Manuel Cano. avec Steve Hawkes, Kitty
1 film hongrois
Vilar, Anne Wiazemsky.
Swan, Doria Christanel. Magasiskola (Les Faucons), de Gaal Istvan.
Rêves érotiques, de Gabriel Axel, avec Jac
avec Andonov Ivan, Banffi Gyorgy, Meszleri
ques Mauclair, Nadine Alari, Bernard Noël.
Sapho ou la fureur d’aimer, de Georges Far- 4 films allemands Judit.
rel, avec Marina Vlady, Renaud Verley, Dawn Aile Kàtzchen machen'a gern (Les petites 1 film suédois
Addams. chattes sont toutes gourmandes), de Joseph
Lob Stances à Sophie, de Moshe Mizrahi, Zachar, avec Sieghart Rupp, Ernst Stankow- Resele (Les Envoûtés), de Torgny Wickman,
avec Bernadette Lafont, Michel Duchaussoy. ski, Edwige Penech. avec Solveig Andersson, Anita Sanders,
Bulle Ogier. Das gelbe Haua am Pinnasberg (La Maison Hans Wahlgren.
Un beau monstre, de Sergio Gobbi, avec jaune), de Alfred Wohrer, avec Eddie Arant,
Virna Lisi. Helmut Berger, Françoise Brion. Siegfried Schùrenberg. 1 filrrfsuisse
Un peu, beaucoup, passionnément, de Robert Ich spiire deine Haut (Ah si j'étais restée James ou pas. de Michel Soutter. avec Har-
Ennco, avec Maurice Ronet. Lucienne Ha- pucelle), de Günter Schlesinger, avec Solvi riet Ariel, Jean-Luc Bideau, Serge Nicoloff.
mon, Neda Americ. Stubing, Frank Rheinbolt, Anja Forster. Voir critique dans un prochain numéro.
219 (avril 1970) : S.M. Eisenstein - Mikhaïl Romm - Jancso : hier, aujourd’hui - Eric
Rohmer.
224 (octobre) : Cinéma japonais : Hani, Masumura, Yoshida - J.M. Straub : « Othon »
- J. Narboni : La vicariance du pouvoir - S.M. Eisenstein : Programme d’enseigne
ment - J.-L. Comolli : Film/politique 2 (« L’aveu »).