Cours DPE - DJAGBA (Première Partie) Moodle
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COURS DE DROIT
PUBLIC ECONOMIQUE
SEMESTRE V : HARMATTAN
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Plan du cours
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CHAPITRE INTRODUCTIF
NOTION DE DROIT PUBLIC ECONOMIQUE
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droit public économique n’est pas caractérisé par son objet. Il se caractérise au
contraire par sa méthode, c’est-à-dire un ensemble de règles spécifiques.
La doctrine a en effet proposé différents critères pour définir le droit
économique (le critère de l’entreprise, de l’acte économique, des interventions de
l’Etat dans la vie économique ect..).
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comme « l’ensemble des règles tendant à assurer à un moment donné, un
équilibre entre les intérêts particuliers des agents économiques public ou privé et
l’intérêt économique général ».
On le voit, les approches valorisent soit les fins, soit les moyens. Une tentative de
synthèse est envisageable. Il est alors possible de définir le droit public
économique comme le droit de l’action économique des personnes chargées de
missions d’intérêt général.
Les termes « action économique » placés au cœur de la définition ont été préférés
à ceux de « l’intervention publique » qui est assurée par les organes publics en
vue de l’intérêt économique général, et qui représente une époque révolue
d’action administrative plus unilatérale.
L’expression " personnes chargées de missions d’intérêt général" a été préférée à
celle des personnes publiques, et est donc à comprendre au sens large, comme
englobant les personnes privées chargées de l’exécution de telles missions, ce qui
permet d’inclure les entreprises publiques ayant le statut de société. Toutes ces
personnes morales, de droit public ou de droit privé ont une relation directe ou
indirecte avec les pouvoirs publics, en ce qui concerne le but d’intérêt général,
principal ou subsidiaire, qui leur a été confié.
La consécration de cette discipline, juridique à part entière, permet seule de
développer une réflexion relative aux acteurs qui sont impliqués, aux buts
poursuivis, et aux moyens employés pour parvenir à appréhender les principes de
l’action publique dans l’économie. Le droit public économique est un droit destiné
à encadrer la production de biens et de services. Il s’insère dans la sphère du droit
public, dans la mesure où il s’intéresse à la gestion publique des affaires
sociétales, c’est-à-dire aux organes et aux moyens d’action spécifiques au
traitement des affaires liées à l’intérêt général.
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III- LE CONTENU DU DPE
Traditionnellement, le droit public économique a un contenu constitué
uniquement de l’interventionnisme. Mais, aujourd’hui son contenu dépasse ce
cadre et est constitué par l’action économique.
1- L’interventionnisme
C’est le développement de l’interventionnisme des pouvoirs publics qui
historiquement, a expliqué la formalisation (l’émergence) progressive du droit
public économique. Les économistes expliquent souvent très bien les raisons pour
lesquelles les Etats souhaitent « diriger » ou orienter l’économie. Keynes constitue
le maître le plus emblématique de l’école de l’interventionnisme économique.
Selon lui et bon nombre de doctrinaires, le DPE est la volonté de l’Etat de rectifier
les équilibres du marché, de diriger ou d’orienter l’économie, bref de mener des
actions dans l’économie. Le droit public économique s’en fait l’écho, même si les
perspectives ont aujourd’hui évolué.
2- L’action économique
Les actions publiques dans l’économie sont variées, tant par leur forme que par
les acteurs qu’elles impliquent. Ces actions sont opérées par ou pour le compte
d’une personne publique ou sous son contrôle. Ce dirigisme économique de l’Etat
se manifeste sur un certain nombre de plans :
- La portée de l’action poursuivie : celle-ci peut être globale comme par
exemple le blocage des prix, l’encouragement de l’investissement… ;
sectorielle comme l’aide à certains secteurs comme l’agriculture, les
textiles, la sidérurgie ou particulière comme la subvention accordée pour la
création d’une entreprise qui s’installe sur le territoire d’une collectivité
donnée.
- La modalité de l’action : en DPE, l’action de l’Etat peut être directe ou
indirecte. Les actions directes concernent l’intervention publique dans
l’économie comme par exemple l’octroi d’une subvention. Dans la
pratique, beaucoup d’actions sont indirectes à travers par exemple la
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fiscalité sous le trait de mesures de fiscalisation de certains investissements
dans l’immobilier par exemple. Bien à l’opposé, on peut mentionner des
incitations fiscales, des emprunts d’Etat….
- Le consentement ou non des destinataires : de manière traditionnelles,
l’interventionnisme économique de l’Etat se faisait par voie unilatérale
(autorisation, interdiction, règlementation…). De nos jours, l’option la plus
partagée est celle d’actions industrielles et économiques par voie
conventionnelle, ce qui parait plus conforme au libéralisme démocratique ;
- La souplesse d’action : l’Etat peut intervenir en s’imposant aux agents
économiques mais il peut le faire aussi de manière interventionniste par
voie de gestion en prenant lui-même en charge certaines activités
économiques : c’est généralement le cas avec les entreprises publiques, les
nationalisations…
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et social). La Constitution établit les pouvoirs, la répartition des compétences,
ainsi que certaines attributions dont l’interventionnismes économique, le système
économique (le droit de propriété, la liberté de commerce et d’industrie, les
nationalisations…). La jurisprudence du conseil constitutionnel vient renforcer
les dispositions écrites, en les modernisant, ou vient créer de nouvelles règles non
écrites.
Le droit administratif de l’économie
Le droit administratif de l’économie est constitué des institutions administratives
dotées de compétences en matière économique ainsi que des règles de fond
applicables aux relations administration-administrés. La notion de service public
est au centre de bien des disciplines et également, du DPE dans la mesure où, ce
sont des personnes morales publiques ou privées qui mettent en œuvre
l’interventionnisme économique. Il y a également ici des mécanismes dignes
d’intérêt comme le contrat administratif, les actes administratifs unilatéraux, les
travaux et marchés publics, les recours administratifs ect..
Le droit des finances publiques (y compris le droit budgétaire et le droit
fiscal)
Subventions et garanties d’Etat, politique fiscale, budget de l’Etat…. Voilà autant
d’éléments qui vont drainer une masse de dépense pour les politiques
économiques. En effet, le budget va permettre de dégager une grande masse de
dépenses pour exécuter la politique économique de l’État et des autres personnes
publiques. Le lien avec le droit public économique est évident puisque c’est dans
ce cadre budgétaire que vont pouvoir s’inscrire bon nombre de mesures
d’accompagnement et d’encouragement à destination de certains acteurs et
secteurs économiques. De même, le système fiscal est un instrument d’action
essentiel des pouvoirs publics sur les équilibres et les finalités économiques de la
société : la fiscalité permet des actions directes ou indirectes sur la consommation,
sur l’investissement, sur des activités ou des secteurs déterminés.
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b- Les subdivisions du droit public économique au plan international
Elles sont constituées de l’ensemble des règles qui régissent l’organisation des
relations internationales économiques. Ces branches du droit public économique
international règlementent l’établissement et l’investissement internationaux mais
aussi la circulation internationale des marchandises, services et paiements
économiques de la société.
Pour certains auteurs dont Claude CHAMPAUD, le DPE est un droit nouveau qui
emprunte à d’autres certaines de leurs méthodes ou règles. En effet, les règles
appliquées à l’économie ne sont pas fondamentalement différentes de celles
appliquées dans de grandes branches traditionnelles du droit, comme le droit
administratif, le droit civil. Le DPE ne constitue pas une nouvelle branche du
droit, mais un « droit nouveau » qui emprunte à d’autres certaines de leurs
méthodes ou règles, il correspondrait donc à un prolongement des disciplines
traditionnelles du droit, contenant des spécificités relatives à l’appréhension des
mécanismes économiques.
2- Le caractère transversal du droit public économique
Le droit public économique constitue un droit transversal, entre droit public, droit
privé, et l’économie. Les relations économiques entre personnes privées sont
traitées par les différentes branches traditionnelles du droit, c’est-à-dire le droit
commercial, le droit civil, le droit des sociétés, etc. Ainsi, il n’existe pas de droit
privé économique. Seul existe le droit public économique qui se justifie par les
réglementations publiques dans l’économie.
La frontière droite public-droit privé est en réalité reconfigurée (façonnée,
modifiée) par le droit public économique. Le droit public est en effet le droit qui
régit les personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, établissements
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publics, groupements d’intérêt public) : leur organisation, leur fonctionnement,
les relations qu’elles entretiennent entre elles ainsi qu’avec le secteur privé. C’est
un droit qui se caractérise en principe par l’emploi des prérogatives de puissance
publiques. L’ensemble du droit public est concerné par les questions
économiques, il est normal que chacune de ses branches recèle des dispositions
applicables à ce domaine. Par ailleurs, le droit public semble plus adapté à la
compréhension des questions macroéconomiques (qui étudie les systèmes et
relations économiques au plan global) que le droit privé qui s’intéresse le plus
souvent aux aspects microéconomiques (qui étudie les activités et comportements
économiques au niveau des individus).
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CHAPITRE II : THEORIE DE L’ACTION ECONOMIQUE PUBLIQUE
Les pouvoirs publics ont pour rôle d’agir dans l’intérêt général. Celui-ci ne
s’entend que dans un contexte historique, à un moment donné. Le plus simple
consiste à envisager comment, dans le cours de l’histoire, les gouvernants ont
voulu et/ou pu influer sur le cours de l’Économie.
SECTION I- « Le libéralisme historique »
Certains grands principes ont été forgés avec force et conviction dès l’Ancien
régime, et ont laissé des traces jusqu’à aujourd’hui.
§1- Le Colbertisme
Il est une doctrine qui a servi de fondement au droit public économique à ses
débuts en France. Jean Baptiste Colbert (1619-1683) qualifié de plus grand
ministre de Louis XIV est le tenant de cette thèse basée sur l’abondance de
l’argent au sein du pays : il faut empêcher l’argent de sortir de France tout en y
attirant l’argent étranger. A cet effet, il fallait redresser les importations par la
réglementation ou par une forte taxation, consolider les industries existantes ou
créer de nouvelles. Dès lors, l’Etat était obligé d’intervenir dans tous les
domaines, de la politique douanière à la création de manufactures en passant par
des appuis au secteur privé.
Le Colbertisme se traduit par un flot de subvention et de privilèges aux
corporations ainsi que par une activité réglementaire abondante. Le mercantilisme
qui en résulte peut directement s’analyser en un nationalisme économique
(importation de matières premières bon marché, valorisées sur le sol national).
Le bilan de cette politique reste toutefois mitigé : les marchands français ont
souvent contourné les réglementations, et à l’extérieur, les autres États ont souvent
riposté par la mise en place de droits de douane élevés, ce qui rendait inutiles les
subventions accordées aux nationaux. La diminution des financements publics a
conduit à une réorientation de la politique de Colbert vers plus de libéralisme,
avec notamment un abandon partiel des monopoles. Les rigidités du système,
largement basé sur une réglementation stricte (protectionnisme douanier ; contrôle
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de la qualité des marchandises) ainsi mis en place auront aussi, à terme certains
effets pervers, comme l’incapacité de certains secteurs à se réformer, en raison de
contraintes réglementaires ou de fixation des prix (agriculture p. ex.).
§2- Les principes révolutionnaires
La Révolution française, en réaction contre l’Ancien Régime, traduit une volonté
de libéralisme économique. On s’ouvre à l’influence des libéraux (économiques)
anglais comme Adam Smith. Le droit de propriété est « sanctuarisé » dans la
Déclaration des droits de l’homme (art. 2 et 17) ; le décret d’Allarde des 2-17 mars
1791 met fin aux corporations, associations privées qui disposaient du pouvoir de
réglementer les professions ; la loi Le Chapelier des 14-17 juin 1791 consacre la
liberté du commerce et de l’industrie.
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gendarme ». La concurrence « pure et parfaite » est perçue comme seule à pouvoir
fonder un système de prix tendant à l’équilibre. Mais le XXe siècle va mettre à
mal cette idée.
§2- Le début du 20e siècle : Le dirigisme
Les changements politiques du début du 20e siècle vont conduire à réinterpréter le
rôle de l’État et à développer à nouveau l’interventionnisme. L’influence de J.-M.
Keynes va se révéler essentielle (il doit agir en cas d’offre excédentaire pour
stimuler la demande, p. ex. en organisant la hausse des salaires ; et l’État peut
utilement relancer l’économie en relançant la demande via une augmentation des
déficits publics pour notamment lancer des grands chantiers). La Première Guerre
mondiale explique vraisemblablement ce changement de perspective. La grande
crise économique de 1929 va aussi contribuer au phénomène. En France, le Front
populaire va agir clairement dans le sens de l’action de l’État dans l’économie
(création des congés payés p. ex.). L’on peut aussi se rappeler l’ordonnance du 30
juin 1945 relative aux prix, qui avait donné au ministre de l’Économie le pouvoir
de réglementer les prix des produits et services.
On a souvent résumé cette période par la référence au « dirigisme » : l’État dirige
l’économie directement, notamment via la prise de possession de secteurs entiers
de l’économie, par différents moyens institutionnels (nationalisations ; création
de personnes publiques dédiées : les établissements publics ; association de
personnes privées sous contrôle). Nous verrons que le service public a ainsi été
conçu, en France, comme un moyen puissant d’intervention. Les entreprises
publiques constituent le cœur de cette politique, dans la première moitié du XXe
siècle, dans le secteur industriel et commercial. Le « secteur public » ne cesse
alors de croître.
§3- Le Gaullisme
La Révolution russe et la mise en place du collectivisme ; l’implantation durable
du socialisme à l’Est de l’Europe au début du 20e siècle influencent profondément
les réflexions en France. Le Général De Gaulle y sera sensible, à la Libération et
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aussi à son retour au pouvoir en 1958. Ainsi, le Général DE GAULLE, indiquait
en Mai 1963 : « si je n’avais pas accepté de nationaliser l’électricité à la fin de
la guerre, jamais nous n’aurions eu de centrale atomique en France. En France,
il faut être un Etat pour entreprendre de grandes choses…. Depuis 40 ans, nous
ne sommes pas foutus de faire des moteurs et pourtant nous avons des
polytechniciens… ».
En réalité, le Gaullisme est une synthèse entre le capitalisme et le socialisme.
L’héritage du Gaullisme a été reçu par les différents régimes qui ont suivi.
François Mitterrand en a donné l’exemple avec sa formule « ni nationalisation, ni
privatisation ». Dans un tel contexte, technocrates, banquiers et avocats vont
redynamiser le secteur des entreprises publiques entre 1990 et 1993. Cependant,
la ratification du Traité de Maastricht (traité d’union économique, monétaire et
politique qui est l’acte le plus important de la construction européenne depuis le
Traité de Rome de 1957 : La CEE laisse ainsi place à l’Union européenne. Le
traité de Maastricht vise à établir une citoyenneté européenne commune à tous les
habitants des pays membres) est suivie de l’interventionnisme économique moins
marqué en France. L’Etat va perdre le levier de la politique monétaire au profit de
la banque centrale européenne tandis que sa politique budgétaire sera encadrée
par le pacte de stabilité européenne.
Dans la définition d’une nouvelle politique économique, l’Etat français doit faire
des choix tout en restant dans la logique du Gaullisme. C’est à ce moment précis
que le DPE, français va devoir affronter les réalités du marché communautaire
européen ainsi que les exigences de la mondialisation.
§4- La régulation
La régulation correspond à l’époque « moderne » du DPE, que l’on peut faire
véritablement remonter au début des années 1990. Les années 1980 avaient été
celles du succès de l’ultralibéralisme, pratiqué notamment en Grande-Bretagne
(M. Thatcher) et aux États-Unis (R. Reagan), caractérisé par une critique virulente
de l’intervention économique publique, et par un désengagement économique de
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l’État. Certains auteurs sont emblématiques de cette évolution. On peut citer
notamment Friedrich Hayek et l’école du public choice, pour lequel le Marché est
à la fois la technique économique la plus efficace, mais aussi celle la mieux à
même de garantir l’égalité de la concurrence. Il critique l’interventionnisme, étant
dans la veine libérale (d’inspiration libérale). Il a inspiré M. Thatcher et R.
Reagan... peut-être aussi D. Trump. Mais la crise économique des années 1980 a
montré les limites d’une remise en cause systématique du retrait des pouvoirs
publics. Ce sont de nouveaux modes d’intervention qui se mettent en place, sur
les cendres de la référence à la capacité du Marché à s’autoréguler.
En effet, les années 1980 se sont traduites par une dérégulation profonde de
certains secteurs. Autrement dit, les pouvoirs publics ont laissé plus de liberté aux
acteurs économiques, leur laissant par exemple la faculté d’organiser eux-mêmes
le marché dans lequel ils interviennent. Les prix ont été libérés (cf. Ord. 1er
décembre 1986 en France). Cette politique a pour but de stimuler la croissance,
par un renforcement de la concurrence, et une libération de l’innovation. Elle peut
s’accompagner ou non d’une déréglementation, que l’on peut définir comme un
allégement des contraintes réglementaires sur les entreprises. On l’accompagne
généralement d’une libéralisation de certains secteurs clefs de l’économie (p. ex.
transports), ou d’activités professionnelles spécifiques. On observe aussi un recul
de l’engagement « actionnarial » de l’État, qui privatise de nombreuses entreprises
du secteur public.
Face aux critiques fondées de cette libéralisation qui a sans doute commis
quelques excès, les pouvoirs publics prônent désormais la mise en place de
politiques de « régulation ». C’est un changement de paradigme : il ne s’agit plus,
comme dans le passé, de « faire », mais de « faire faire ». Autrement dit, l’État
reste responsable de la définition de grandes politiques nationales, y compris dans
le domaine économique. De nouveaux acteurs ont vu le jour : ce sont les autorités
administratives indépendantes, qui constituent un intermédiaire utile et qui vont «
réguler » de multiples secteurs d’activité essentiels de la vie économique (p. ex.
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communications électroniques, Poste, banques et marchés financiers,
assurances...). On comprend que les théories de l’intervention purement
unilatérale ne correspondent plus à une telle régulation, qui fait la part belle à la
négociation, au consensus ou au compromis (et donc au contrat). La régulation ne
fait pas l’économie de la réglementation. Mais celle-ci est conçue comme un
moyen pour garantir l’égalité entre opérateurs économiques, donc pour garantir
une concurrence « praticable ». Elle n’interdit pas l’intervention des personnes
publiques, mais les soumet dans ce cas largement aux mêmes règles que les
opérateurs privés (cf. infra), notamment au droit de la concurrence.
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CHAPITRE III : L’ORGANISATION DE L’ACTION ECONOMIQUE
PUBLIQUE
Section I : Les structures de l’action économique
On retrouve en droit public économique une structuration des organes
d’intervention qui ne saurait surprendre, puisque les personnes publiques sont
classées en catégories fixes et bien identifiées. Ceci étant, plusieurs des organes
qui font aujourd’hui partie du paysage administratif ont justement été créés à
l’effet de réguler l’économie. On peut les distinguer selon qu’elles sont des
structures à vocation nationale (§1) ou locale (§2).
§1- Les structures à vocation nationale
A- L’ETAT
1- Le parlement
L’organisation très formalisée du travail parlementaire a naturellement conduit à
développer des structures dédiées en son sein aux questions économiques.
Rappelons qu’en vertu de la Constitution, le Parlement a une vocation
économique essentielle, notamment via le vote du budget annuel de l’État (Article
34 constitution française et 91 de la constitution togolaise). Parmi les
commissions permanentes créées au sein du parlement, certaines traitent des
problèmes d’ordre économique. En France par exemple, il existe à l’assemblée
nationale, une commission des affaires économiques (comptant plusieurs
commissaires) qui traite des problèmes économiques par secteurs : industrie,
agriculture, énergie, commerce, urbanisme, logement, télécommunications,
transports, environnement ect… Au Togo, des 9 commissions existante au sein
du parlement, c’est celle des finances et du développement économique qui
s’occupe des affaires économiques. Des commissions spéciales peuvent être
créées ponctuellement, pour l’examen d’un texte particulier et dont l’existence
prend fin lorsque le projet ou la proposition ayant provoqué leur création a fait
l’objet d’une décision définitive.
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2- L’administration centrale de l’Etat
a- Le président de la république
Dans la constitution, le président de la république dispose de compétences
éminentes qu’il peut mettre en œuvre dans une dimension économique. L’article
69 de la constitution togolaise du 14 octobre 1992, et 13 de la Constitution
française de 1958 indiquent qu’il signe les décrets et les ordonnances délibérés en
Conseil des ministres. Ainsi, en 1988, le président Mitterrand refusa de signer les
ordonnances de privatisations en 1986 présentées par J. Chirac, alors Premier
ministre de cohabitation dans le cadre de sa politique « ni-privatisation, ni
nationalisation ». De même, le président de la république a le pouvoir de
nomination des plus hauts fonctionnaires et des dirigeants des grandes entreprises
publiques nationales (article 13 et 65 constitution française). Mais face aux
critiques récurrentes de politisation de la sphère économique, cette compétence
fut modifiée en application de la révision constitutionnelle de juillet 2008.
Désormais, le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après
avis public du, s’agissant de certaines fonctions ou emplois importants pour la
garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation.
b- Le gouvernement et le premier ministre
En vertu des articles 20 de la Constitution française et 77 de la constitution
togolaise, le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Les
articles 21 et 78 précisent que le Premier ministre dirige l’action du
gouvernement, et qu’il exerce le pouvoir réglementaire, ce qui peut être utile en
matière économique. Ainsi, il peut édicter des réglementations à vocation
nationale, essentiellement en matière d’ordre public (CE, 8 août 1919, Labonne),
ce qui peut entretenir des relations avec l’économie (CE, 25 sept. 2013, Sté
Rapidépannage : obligation d’agrément des entreprises de dépannage sur
autoroute).
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c- Les ministères
Les ministres ne disposent pas du pouvoir réglementaire, sauf si la loi le prévoit
et dans la mesure où il est nécessaire au fonctionnement et à l’organisation du
service sous leur responsabilité. Le ministre qui se voit reconnaître un pouvoir
réglementaire par un texte peut donc remplir un rôle économique, en matière de
prix par exemple. Le ministre représente juridiquement l’État, notamment pour
l’exercice de sa compétence économique, qu’il s’agisse de la prise d’un acte
unilatéral ou de la signature d’un contrat (marchés de travaux publics, délégation
de service public...). En qualité d’ordonnateur des dépenses, le ministre décide
des dépenses du ministère.
Le ministère de l’Économie et des Finances a nécessairement une place
particulière, puisqu’il exerce l’ensemble des missions de régulation économique.
Les principales missions ou attributions du ministère de l’économie et des
finances (MEF) au Togo sont entre autres, la mise en œuvre de la politique de
l’Etat en matière de mobilisation de ressources, de contrôle des finances
publiques, de réformes et de maitrise de l’environnement macroéconomique et de
gestion du patrimoine de l’Etat, de fournir au gouvernement des informations sur
les évolutions économique et financière internes et externes.
B- Le conseil économique et social
Aux termes de l’article 132 de la constitution du Togo, le conseil économique et
social est chargé de donner son avis sur toutes les questions portées à son examen
par le président de la république, le gouvernement, l’Assemblée nationale, le
Sénat ou toute autre institution publique. Il est consulté, pour avis, sur tout projet
de plan ou de programme économique et social ainsi que sur tout projet de texte
à caractère fiscal, économique et social. Il peut également procéder à l’analyse de
tout problème de développement économique et social
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C- Les établissements publics nationaux
L’établissement public est une personne publique dotée de la personnalité
juridique, dédiée à la gestion d’une mission spécialisée d’intérêt général, et
soumise à la tutelle d’une autre personne publique. L’État a créé de nombreux
établissements publics afin de mettre en place des formes d’intervention plus
souples et plus proches des milieux destinataires de son action économique. Il
s’agissait parfois des prémisses des autorités administratives indépendantes (sans
la même indépendance...), et de ce qu’on appelle parfois aujourd’hui les «
opérateurs de l’État ». L’établissement public dispose d’un patrimoine propre, de
droits, d’obligations, d’une autonomie financière (sans pouvoir en principe lever
des impôts).
Les établissements publics se divisent en deux grandes catégories juridiques : les
établissements publics administratifs (EPA) et les établissements publics
industriels et commerciaux (EPIC). Les EPA sont des personnes morales qui
gèrent une activité de service public administratif qui relèvent en principe
totalement du droit public (exemple d’EPA de l’État : la Caisse, l’Institut national
de la propriété industrielle en France, OTR au Togo). Les EPIC gèrent quant à
eux une activité commerciale que la puissance publique a décidé d’exercer, c’est-
à-dire un service public industriel et commercial (c’est-à-dire un SPIC catégorie
créée par la décision du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921, Sté commerciale
de l’Ouest africain, dite aussi affaire du « Bac
d’Éloka »). Le SPIC est largement soumis au droit privé notamment dans ses
relations avec les usagers. La création, l’organisation et la tutelle des EPIC
relèvent du droit public comme les EPA, et ils disposent de prérogatives de
puissance publique (par ex. l’expropriation), mais leur activité, commerciale,
relève du droit privé. Les EPIC nationaux intervenant dans le domaine
économique sont nombreux (Exemple d’EPIC : la SNCF (société nationale de
chemin de fer) ; la Chambre du commerce et d’industrie du Togo (CCI-Togo).
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D- Les Autorités Administratives Indépendantes (AAI)
De manière générale, les AAI sont de grandes institutions administratives dotées
de grands moyens mais sans personnalité morale. Elles peuvent revêtir deux
formes : soit une autorité unique (p. ex. : Défenseur des droits), soit (et c’est le
cas en matière économique) une autorité collégiale.
Les AAI se caractérisent par trois éléments :
- L’autorité : elles sont dotées de pouvoirs non seulement de type juridique,
mais ont aussi une autorité morale (influence) sur le secteur dont elles ont
la responsabilité
- L’absence, en principe, de la personnalité juridique : elles n’ont dès lors pas
la possibilité d’agir en justice. Elles n’engagent pas leur propre
responsabilité mais celle de l’État. Mais, elles sont parfois dotées de la
personnalité juridique (ex : Autorités Publiques Indépendantes » (API).
- L’indépendance : elles échappent à tout pouvoir hiérarchique ainsi qu’à
toute tutelle ministérielle.
En matière économique, c’est la nécessité de régulation impartiale et efficace qui
a conduit à mettre en place les AAI en dehors des services de l’administration
centrale. Elles sont aujourd’hui nombreuses en matière de régulation de
l’économie et avec de plus grands pouvoirs (ex : Autorité de la concurrence,
Autorité de régulation des communications électronique et des postes. Au Togo,
on peut citer entre autres, l’autorité de régulation des marchés publiques du Togo
(ARMP) devenu l’ARCOP (Autorité de régulation de la commande publique) ; la
haute autorité de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions
assimilées (HAPLUCIA).
Leurs moyens d’action sont extrêmement variés, le principal but étant de leur
donner les moyens de réguler le secteur économique dont elles ont la charge. Elles
ont un pouvoir d’investigation (obligation d’information, convocations, contrôles
sur pièces parfois pouvoir de perquisition et de saisie de document dans les
domaines économique et financier) ; le pouvoir d’avis et de recommandation
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(suggérer à l’administration la réalisation de réformes) ou de conseils au
gouvernement ; les pouvoirs d’avertissement et d’injonction (l’Autorité de la
concurrence peut émettre par exemple d’injonction en matière de pratiques
anticoncurrentielles) ; le pouvoir de saisir les juridictions des infractions dont elles
ont connaissance ; le pouvoir de contrôle et le pouvoir de sanction (les sanctions
peuvent être pécuniaires, ou revêtir la forme d’une suspension ou d’un retrait
d’une autorisation ou d’un agrément).
E- Les organes de contrôle
L’administration est tout d’abord contrôlée en interne. La juridiction
administrative de droit commun est par ailleurs compétente en matière de contrôle
de l’action économique des personnes publiques. Le contrôle administratif peut
être déclenché par l’administré, qui conteste une décision prise à son encontre via
un recours administratif, gracieux (devant l’auteur de l’acte), ou hiérarchique
(devant un supérieur). Par ailleurs, il existe au sein de l’administration financière
(ministère de l’économie et des finances) une structure interne de contrôle n
(Inspection Générale des Finances) (c’est le contrôle administratif interne).
L’administration est ensuite contrôlée à l’externe par la Cour des comptes, pour
juger des comptes publics.
La Cour des comptes (consacrée par le titre VII de la constitution du Togo) répond
à l’impératif du respect des droits de l’homme dont celui de demander compte à
tout agent public de son administration.
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responsables de l’exécution des lois et règlements ainsi que la mise en œuvre de
la politique définie par le gouvernement respectivement dans la région et dans la
préfecture (articles 13 et 21 de la loi de 2007 portant organisation de
l’administration territoriale déconcentrée au Togo ; et articles 3 et 30 du décret de
2011 portant organisation de la fonction de gouverneur et de préfet).
En France, le préfet de département et le préfet de région détiennent de réel
pouvoir en matière économique tel la présidence du Comité départemental
d’examen des difficultés de financement des entreprises (préfet de département),
la répartition des dotations générales entre les investissements d’intérêt régional
et départemental (préfet de région), la consultation sur toute demande d’aide
instruite par les services de l’État visant à faciliter une opération d’investissement,
de développement ou de restructuration d’entreprise. Enfin, le préfet (de
département ou de région), rappelons-le, dispose du contrôle administratif sur les
actes, y compris à vocation économique (on pense notamment à la passation des
contrats, notamment concession de service public ou marché public) des
collectivités territoriales de sa circonscription.
B- L’administration décentralisée
La Constitution précise que l’organisation de la République est décentralisée (art.
1er constitution française et 141 de la constitution togolaise). Dès lors, les
collectivités territoriales, qui incarnent la décentralisation, doivent recevoir des
compétences réelles. Elles vont mettre en œuvre leur pouvoir de prendre des actes
administratifs de façon libre, dans les limites de la loi, notamment dans le domaine
économique. De manière générale, les collectivités territoriales sont assimilées
aux autres personnes publiques lorsqu’elles souhaitent exercer une activité
commerciale. L’intervention est possible, sous réserve, par rapport aux autres
opérateurs agissant sur le même marché, de ne pas fausser le libre jeu de la
concurrence sur le marché en cause. Les collectivités territoriales bénéficient de
structures juridiques spécialement créées pour participer au soutien de l’économie
locale.
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Section II : Les moyens juridiques de l’action économique
On évoquera ici essentiellement l’acte administratif. L’acte unilatéral de droit
public constitue la forme classique d’intervention (§1) à laquelle s’ajoute la
technique contractuelle (§2).
§1- L’acte administratif unilatéral
L’acte administratif unilatéral peut se définir comme l’acte, réglementaire ou
individuel, produit par un organe administratif de droit public ou sous son
contrôle, dans le cadre d’une mission d’intérêt général, dont le but est de modifier
l’ordre juridique (caractère en principe décisoire), et dont le destinataire, qui va
devoir s’y soumettre, n’est juridiquement pas l’auteur.
A- Classification des actes unilatéraux
Il existe classiquement une distinction entre les actes administratifs unilatéraux,
selon leurs destinataires. D’une part l’acte réglementaire, ressemblant à la loi qu’il
est chargé d’appliquer, car ayant aussi un caractère général et impersonnel. Il a
longtemps exprimé le caractère unilatéral et donc décrit comme autoritaire, de
l’action administrative, notamment dans l’économie. Une ordonnance de 1945 sur
la police des prix donnait ainsi au ministre de l’Économie le pouvoir de prendre
des mesures de taxation ou de blocage des prix. D’autre part, l’acte individuel qui
concrétise nominativement l’acte réglementaire. Il est d’utilisation quotidienne
dans le secteur économique et est susceptible de mettre à la charge de l’administré
des contraintes variées : la déclaration préalable ; l’autorisation préalable, qui
prend des noms variés (agrément, autorisation, licence, permis...) subordonne
l’activité à une déclaration préalable de l’administré suivie d’un acquiescement
en principe explicite de l’administration.
B- L’acte unilatéral saisi par l’économie
Le champ économique a été la source de nouvelles catégories d’actes
administratifs unilatéraux depuis les années 1970. C’était le cas des directives
développée dans le secteur économique et par lesquelles le ministre, comme tout
administrateur, pouvait définir des « orientations générales » à l’attention de ses
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services (CE, 11 décembre 1970, Crédit Foncier de France). Depuis 2013, elles
ont été remplacées en France par les « lignes directrices », afin de les différencier
des directives de l’Union européenne (CE, 19 septembre 2014, M. Jousselin).
C’est le cas également de la planification notamment le plan national moyen par
lequel les pouvoirs publics souhaitent rationaliser (organiser) la production afin
de répondre au mieux aux besoins de la population entière. De même, la
décentralisation va doter les collectivités territoriales de la possibilité de mettre
en place une programmation de leurs actions à moyen terme.
§2- La technique contractuelle
Le contrat, de droit privé comme de droit public, est utilisé depuis longtemps par
l’administration. Mais au-delà de la pure technique contractuelle, on va
s’intéresser au phénomène de « contractualisation » de l’action administrative,
c’est-à-dire à la tendance actuelle à recourir de plus en plus souvent à ce moyen
juridique bien particulier par l’administration.
A- La nature du contrat administratif
Souvent, aujourd’hui, la loi qualifie expressément certains contrats
d’administratifs (p. ex. concession de service public ; marché de partenariat...).
Lorsque ce n’est pas le cas, c’est la jurisprudence qui dégage le critère
d’identification du caractère administratif ou non d’un contrat passé par
l’administration (CE, 20 avr. 1956, Époux Bertin et Ministre de l’Agriculture
c/Consorts Grimouard), en s’appuyant sur la nature juridique des contractants
(critère organique), et sur l’objet du contrat (critère matériel).
Le critère organique suppose que l’un des contractants au moins ait, au moment
de la conclusion du contrat la qualité de personne publique (État, collectivité
territoriale, établissement public, GIP). Un contrat passé entre deux personnes
privées ne peut donc en principe pas être administratif. Il y a présomption (non
irréfragable) de contrat de droit privé d’un tel contrat, même s’il contient des
clauses exorbitantes, ou a pour objet l’exécution de travaux publics, et même s’il
est conclu par des personnes de droit privé gérant un service public. Un contrat
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entre deux personnes privées peut néanmoins être administratif si l’une d’entre
elles agit en vertu d’un mandat d’une personne publique ou pour le compte d’une
personne publique : (T. confl., 9 mars 2015, Mme Rispal c/Sté des Autoroutes du
Sud de la France (ASF).
Quant au critère matériel, il suppose que le contrait ait pour objet l’exécution du
service public (solution dégagée dès CE, 4 mars 1910, Thérond) ou s’il contient
une ou des clauses exorbitantes du droit commun (critère formel) (T. confl., 13
octobre 2014, Sté Axa France IARD). C’est dire qu’en plus de la présence d’une
personne publique (critère organique), le juge exige une autre condition,
alternative (soit l’objet SP = critère matériel ; soit l’existence de clauses
exorbitantes = critère formel).
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critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché public ou à ses conditions
d’exécution.
Ensuite, dans l’exécution du contrat administratif, la poursuite des fins d’intérêt
général par l’administration co-contractante lui fait bénéficier d’une position
juridiquement favorisée. L’administration dispose d’un droit de direction et de
contrôle, qui lui permet de donner des instructions à son cocontractant, ou de lui
demander des renseignements. Elle a aussi le droit de modifier unilatéralement le
contenu, l’étendue ou la durée des obligations du cocontractant, même en
l’absence de dispositions contractuelles (arrêt de principe : CE, 21 mars 1910,
Compagnie générale française des Tramways) ou encore résilier prématurément
le contrat dans l’intérêt général (CE, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval).
En contrepartie des droits dérogatoires de l’administration, le cocontractant a
essentiellement droit à ce que soit garanti l’équilibre financier du contrat. On
retrouve ici des préoccupations directement liées au DPE, qui viennent renouveler
les réflexions classiques du droit administratif (droit à être rémunéré à raison du
service qu’il gère ; droit au règlement du prix convenu ; droit à être indemnisé des
travaux exécutés ect..).
Aujourd’hui, le contrat prend indéniablement le relais de l’acte unilatéral dans
bien des domaines. La typologie des contrats administratifs n’a cessé de s’enrichir
au fil des ans, et conduit aujourd’hui à la consécration d’un paysage administratif
complexe.
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§1- Le principe d’égalité
Le principe d’égalité vise à éviter des situations subjectives entre les grands
secteurs économiques. Sur ce plan, le Conseil constitutionnel et le Conseil de la
concurrence en France interviennent assez souvent. Il en est ainsi en matière
fiscale où le principe exige que les opérateurs économiques ne soient
arbitrairement favorisés par rapport à d’autres par l’octroi d’avantages fiscaux.
Les différents opérateurs doivent être en situation comparable.
Le problème se pose aussi en matière de nationalisation. Si l’objectif poursuivi
est de faire en sorte que le secteur parapublic de l’Etat soit élargi, une difficulté
est de savoir quelle entreprise nationaliser sans porter atteinte au principe
d’égalité. Le plus souvent, les nationalisations ont donné lieu à des contentieux
sur fond de principe d’égalité, la question de droit étant de savoir s’il était
possible, en toute légalité, d’exclure de la nationalisation les entreprises
étrangères. Il a été admis tant de la part du législateur que du juge, qu’il n’y a pas
atteinte au principe d’égalité lorsque les entreprises étrangères sont exclues du
champ des nationalisations.
§2- Le principe de sécurité juridique
Le principe de sécurité juridique invite les autorités à faire en sorte que toute
règlementation limite objectivement les contraintes auxquelles doivent faire face
les opérateurs économiques. Dans ce cas, une disposition législative ou
réglementaire nouvelle ne peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours
à sa date d’entrée en vigueur, ce qui serait contraire au principe de non-
rétroactivité. Exceptionnellement, seule une disposition législative peut, pour des
raisons d’ordre public, autoriser l’application de la norme nouvelle à de telles
situations. Il incombe donc à l’autorité investie du pouvoir réglementaire
d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires
qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle (CE, 6 nov. 2009, Réseau
ferré de France).
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Tous les Etats ont été invités à introduire dans leurs dispositions constitutionnelles
le principe dit « de confiance légitime » dont l’économie peut être ainsi résumée :
le législateur ne saurait porter atteinte à l’économie des conventions et des
contrats légalement conclus, une atteinte d’une gravité telle qu’elle méconnaît
manifestement la liberté découlant des textes des droits de l’homme.
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en raison de sa nature, à une personne publique de se porter candidate à
l’attribution d’un marché public ou d’un contrat de délégation de SP ».
Par ailleurs, certaines activités lucratives peuvent faire l’objet de limitations, voire
d’interdictions, qui résultent de la loi ou du pouvoir réglementaire. En voici
quelques exemples : Interdictions sous peine de sanction pénale du proxénétisme,
trafic de stupéfiants...) ; interdiction d’exploitation du fait d’un monopole d’État
(monnaies et médailles...) ; interdiction administrative de circulation par mesure
de police administrative. Quant aux limitations, elles peuvent concerner
l’autorisation préalable de mise sur le marché de certains produits ou denrées
(médicaments, automobiles, vidéos...) ; déclaration préalable avant
commercialisation (certains produits chimiques, diététiques) ect..
§4- Le droit de la concurrence
Le Conseil d’État a accepté de contrôler l’acte d’organisation et de dévolution du
service public au regard du droit de la concurrence prohibant les ententes et abus
de position dominante (CE, 3 nov. 1997, Sté Million et Marais). Les personnes
publiques ou privées chargées de la gestion d’un service public sont donc soumis
au Code de commerce en tant qu’il établit des règles qui « s’appliquent à toutes
les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont
le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de
délégation de service public » (C. com., art. L. 410-1). À cet effet, il est interdit à
la puissance publique de fausser le libre jeu de la concurrence sur le marché (CE,
ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris). Le juge judiciaire reste
compétent en ce qui concerne les actes détachables du service public (CE, 29 juill.
2002, Sté CEGEDIM).
Selon le droit de l’UE notamment le TFUE, échappent aux lois du marché et donc
ಠla concurrence certains services sociaux d’intérêt général (SSIG) apparus en
2004 dans le Livre blanc de la Commission européenne sur les « services d’intérêt
général ». Ce sont des services considérés comme jouant un rôle crucial dans
l’amélioration de la qualité de la vie et l’accès à la protection sociale : bénéficiant
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à la personne, conçus pour « répondre aux besoins vitaux de l’homme », en
particulier des « usagers en situation vulnérable ». Selon UE, la nature spécifique
des objectifs poursuivis par les SSIG ne peut dépendre exclusivement des lois du
marché intérieur. Dès lors, il est important de noter que la plupart de ces services
ne peuvent être qualifiés d’activités économiques aux termes du Traité, c’est-à-
dire qu’ils ne peuvent être soumis aux règles de la concurrence. Tel n’est pas le
cas des services publics qui ont pas une dimension « industrielle et commerciale »
ou « d’intérêt économique général » (SIEG) dont le financement par les Etats ne
doivent pas fausser le jeu de la concurrence. A titre d’exemple, la Cour de justice
des communautés européennes a reconnu comme SIEG entre autres la collecte, le
transport et la distribution du courrier ; la fourniture ininterrompue d’énergie
électrique sur l’intégralité du territoire concédé ; la distribution d’eau ; la
fourniture de prestation de services dans le domaine des télécommunications ; les
émissions de télévision.
Il demeure que, bien que les SIEG soient des activités économiques et soumises
au droit de la concurrence, leur caractère d’intérêt général leur permet de
bénéficier de certaines dérogations justifiées par leur mission particulière d’intérêt
général. Sur cette base, le juge communautaire vérifie la nécessité et la
proportionnalité des dérogations qui leur sont accordées.
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