Fiscalite Du Logement

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POUR UNE FISCALITÉ

DU LOGEMENT PLUS
COHÉRENTE

Décembre 2023
Conseil des prélèvements obligatoires
Pour une fiscalité du logement plus cohérente - décembre 2023
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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE III

Le Conseil des prélèvements obligatoires,


une institution associée à la Cour des comptes
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est « chargé d’apprécier
l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des
prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur
toute question relative aux prélèvements obligatoires » (articles L.411-1 et
suivants du code des juridictions financières (CJF)).
Placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le Premier Président
de la Cour des comptes, le collège du CPO comporte seize membres, huit
magistrats et hauts fonctionnaires et huit personnalités qualifiées choisies,
à raison de leur expérience professionnelle, par les Présidents de
l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et
environnemental, ainsi que par les ministres chargés de l’économie et des
finances, des affaires sociales et de l’intérieur (articles L. 411-4 et L. 411-
5 du CJF).
Le président du CPO peut désigner, pour une durée d'un an, au plus quatre
personnalités qualifiées, afin d'éclairer les délibérations du Conseil. Ces
personnalités qualifiées assistent aux réunions du Conseil mais n'ont pas
voix délibérative (article L. 411-8 du CJF).
Situé, comme la Cour des comptes, à équidistance du Gouvernement et du
Parlement, le CPO est un organisme pluridisciplinaire et prospectif qui
contribue à l’élaboration de la doctrine et de l’expertise fiscales, grâce à
l’indépendance de ses membres et à la qualité de ses travaux.
Le CPO peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou des
commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances
et des affaires sociales, de réaliser des études relatives à toute question
relevant de sa compétence. Il peut également être saisi pour avis, dans les
mêmes conditions, en vue d'apprécier les incidences économiques,
sociales, budgétaires et financières de toute modification de la législation
ou de la réglementation en matière d'impositions de toutes natures ou de
cotisations sociales (article L. 411-3 du CJF).

L’organisation des travaux


du Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO est indépendant. A cette fin, les membres du Conseil jouissent d’un
mandat qui a été porté de deux à trois ans par la loi du 6 décembre 2021
portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances
publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques, mandat

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IV CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

qui est renouvelable une fois. Ils « ne peuvent solliciter ou recevoir aucune
instruction du Gouvernement ou de toute autre personne publique ou
privée ». Le secret professionnel s’impose à eux (article L.411-12 du CJF).

Le CPO est pluridisciplinaire dans sa composition et collégial dans son


mode de délibération. Il entend en audition des représentants de la société
civile et du monde économique.
Afin d’assurer l’information du CPO, le directeur général du Trésor, le
directeur de la législation fiscale, le directeur du budget, le directeur
général des collectivités locales, le directeur de la sécurité sociale, le
directeur général des entreprises et le directeur général de l’Agence
centrale des organismes de sécurité sociale assistent, à la demande de son
président, à ses réunions et s’y expriment, sans voix délibérative, ou s’y
font représenter.
L’élaboration des rapports
du Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO fait appel à des rapporteurs habilités, comme ses membres, à se
faire communiquer tous documents, de quelque nature que ce soit (articles
L. 411 8 et suivants du CJF). Pour l’exercice de leurs missions, les
membres du CPO comme les rapporteurs ont libre accès aux services,
établissements, institutions et organismes entrant dans leur champ de
compétences. Ceux-ci sont tenus de leur prêter leur concours, de leur
fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à
l’accomplissement de leurs missions.
Chaque rapport est réalisé par un ou deux rapporteurs généraux, qui
s’appuient sur les travaux de rapporteurs particuliers choisis en fonction
de leur expertise.
Le rapport général comme les rapports particuliers, sont rendus publics et
sont consultables sur le site internet www.ccomptes.fr/CPO. Seul le
rapport général engage le CPO.

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Les rapports du
Conseil des prélèvements obligatoires

Février 2023 La TVA : une taxe à recentrer sur son objectif de


rendement pour les finances publiques
Février 2022 Redistribution, innovation, lutte contre le
changement climatique : trois enjeux fiscaux
majeurs en sortie de crise sanitaire
Septembre 2019 La fiscalité environnementale au défi de l’urgence
climatique
Janvier 2018 Les prélèvements obligatoires sur le capital des
ménages

Janvier 2017 Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie


ouverte
Décembre 2015 La taxe sur la valeur ajoutée
Février 2015 Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes?
Mai 2014 Fiscalité locale et entreprises
Juillet 2013 La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes
Janvier 2013 Les prélèvements obligatoires et les entreprises du
secteur financier
Février 2012 Prélèvements à la source et impôt sur le revenu
Novembre 2011 L'activité du Conseil des prélèvements
obligatoires pour les années 2006 à 2011
Mai 2011 Prélèvements obligatoires sur les ménages :
progressivité et effets redistributifs
Octobre 2010 Entreprises et « niches » fiscales et sociales – Des
dispositifs dérogatoires nombreux
Mai 2010 La fiscalité locale
Octobre 2009 Les prélèvements obligatoires des entreprises
dans une économie globalisée

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VI CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Mars 2009 Le patrimoine des ménages


Novembre 2008 La répartition des prélèvements obligatoires entre
générations et la question de l'équité
intergénérationnelle
Mars 2008 Sens et limites de la comparaison des
prélèvements obligatoires entre pays développés
Mars 2008 Les prélèvements obligatoires des indépendants
Mars 2007 La fraude aux prélèvements obligatoires et son
contrôle

Les études et avis à la demande du Parlement et du


Gouvernement
Juin 2023 Les différences d’imposition sur les bénéfices entre
les PME et les grandes entreprises
Octobre 2022 La fiscalité locale dans la perspective du Zéro
artificialisation nette (ZAN)
Septembre 2020 Adapter la fiscalité des entreprises à une économie
mondiale numérisée
Juillet 2018 Les taxes affectées : des instruments à mieux
encadrer

Les notes du
Conseil des prélèvements obligatoires

Septembre 2023 Note n° 6 – La TVA est-elle juste ?

Juillet 2023 Note n° 5 - La fiscalité nutritionnelle

Juin 2023 Note n° 4 - Les enjeux de la TVA à l’ère du


numérique

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE VII

Février 2022 Note n° 3 - Baromètre des prélèvements


obligatoires en France – Première édition 2021

Juillet 2021 Note n° 2 - Les enjeux pour la France des


négociations à l’OCDE sur la taxation des
bénéfices des multinationales

Juillet 2021 Note n° 1 - Quel taux pour l’impôt sur les sociétés
en France ?

Les rapports du Conseil des impôts

2005 La fiscalité dérogatoire


2004 La concurrence fiscale et l’entreprise
2003 La fiscalité dérogatoire – pour un réexamen des
dépenses fiscales

2002 Les relations entre les contribuables et


l’administration fiscale

2001 La taxe à la valeur ajoutée

2000 L’imposition des revenus

1999 La fiscalité des revenus de l’épargne

1998 L’imposition du patrimoine

1997 La taxe professionnelle

1995 La contribution sociale généralisée

1994 Fiscalité et vie des entreprises

1992 La fiscalité de l’immobilier urbain

1990 L’impôt sur le revenu

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VIII CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

1989 La fiscalité locale

1987 La fiscalité des entreprises

1986 L’imposition du capital

1984 L’impôts sur le revenu

1983 La taxe sur la valeur ajoutée

1980 L’imposition des bénéfices agricoles


1979 L’impôt sur le revenu
1977 L’imposition des bénéfices industriels et commerciaux
1974 L’impôt sur le revenu
1974 Application de l’article 5 de la loi d’orientation du
commerce et de l’artisanat

1972 L’impôt sur le revenu

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE IX

Le Conseil des prélèvements obligatoires est présidé par


M. Pierre MOSCOVICI, Premier président de la Cour des comptes.

Il comprend :
M. Patrick LEFAS, président de chambre maintenu à la Cour des
comptes, suppléant le Premier président de la Cour des comptes.

En sont membres :
- M. Dominique BAERT, maire de Wattrelos et conseiller maître en
service extraordinaire à la Cour des comptes
- M. Alain CHRÉTIEN, maire de Vesoul et président
d’agglomération
- M. Samy BENOUDIZ, maire d’Aigremont et dirigeant de sociétés
- M. Jean-Claude HASSAN, conseiller d’État
- Mme Marie-Christine DAUBIGNEY, conseillère à la Cour de
cassation
- Mme Mathilde LIGNOT-LELOUP, conseillère maître à la Cour
des comptes
- Mme Selma MAHFOUZ, inspectrice générale des finances
- Mme Cécilia BERTHAUD, inspectrice générale des finances
- M. Pierre-Louis BRAS, inspecteur général des affaires sociales
- M. Nicolas CARNOT, inspecteur général de l’institut national de
la statistique et des études économiques
- M. Pierre BOYER, professeur d’économie à l’École
Polytechnique
- M. Frédéric DOUET, professeur de droit à l’université Rouen –
Normandie
- Mme Lise PATUREAU, professeure d’économie à l’université
Paris Dauphine
- M. Rémi PELLET, professeur de droit à l’université de Paris et de
Sciences Po Paris
- Mme Laurence JATON, vice-présidente, Engie
- M. Jacques CREYSSEL, délégué national de la fédération des
entreprises du commerce et de la distribution

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X CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Ont participé à la première phase des travaux sur ce rapport en tant


que membres du CPO jusqu’à l’expiration de leur mandat,
- M. Pierre COLLIN, conseiller d’État
- M. Patrick WYON, conseiller à la Cour de cassation
- M. Alain BAYET, inspecteur général de l’institut national de la
statistique et des études économiques
- et Mme Nathalie MOGNETTI, directrice fiscale de TotalÉnergies.

En est membre, sans voix délibérative, Mme Elisabeth ASHWORTH,


associée chez CMS Francis Lefebvre.

Le secrétariat du Conseil des prélèvements obligatoires est assuré par


M. Guilhem BLONDY, conseiller maître à la Cour des comptes, secrétaire
général du CPO, et M. Alexandre JEHAN, conseiller référendaire en
service extraordinaire à la Cour des comptes, secrétaire général adjoint.
Les travaux de secrétariat du Conseil sont réalisés par Mme Jacqueline
SELLAM, chargée de mission.
Le rapport, présenté par M. Vincent DEDRIE, conseiller référendaire
à la Cour des comptes, a été délibéré et arrêté au cours de la séance du 16
novembre 2023.
Les études préliminaires au rapport (« rapports particuliers ») ont été
effectuées par :
- M. Arthipan ARUNDALARAJAH, expert à la Cour des comptes,
- Mme Roma BEAUFRET, conseillère référendaire à la Cour des
comptes,
- M. Luc BÉGASSAT, inspecteur général de l’environnement et du
développement durable,
- M. Gauthier JACQUEMIN, inspecteur des finances adjoint,
- M. Samuel MONTEIL, inspecteur des finances,
- M. Olivier PAU, auditeur au Conseil d’État,
- Mme Marie ROGER-VASSELIN, auditrice à la Cour des comptes,
- M. Julien ROUSSELON, inspecteur des affaires sociales,
- M. Nicolas THERVET, auditeur à la Cour des comptes,
- Mme Lili VESSEREAU, inspectrice des finances adjointe.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE XI

Le rapport a en outre bénéficié de deux contributions :


- L. BACH, A BOZIO, P. DUTRONC-POSTEL, E. FIZE, A.
GUILLOUZIC, C. MALGOUYRES, « Évaluation de la réforme de
la taxe d’habitation », IPP, décembre 2023,
- O. MESLIN, « Étude sur les propriétés redistributives de la taxe
foncière sur les propriétés bâties », novembre 2023, repris par M.
ANDRÉ, O. MESLIN, « Les ménages au patrimoine immobilier le
plus élevé paient relativement moins de taxe foncière que les
ménages les moins dotés », Insee Analyses, décembre 2023.
Par ailleurs, ont été auditionnés par le Conseil :
- Mme Béatrice BOUTCHENIK, Service des données et études
statistiques (SDES), ministère de la transition écologique et de la
cohésion des territoires,
- M. Boris COURNÈDE, Division des finances publiques, OCDE,
- M. Étienne WASMER, professeur des universités, Université de
New York,
- M. Clément LECUIVRE, directeur général, CDC-Habitat,
- M. Dominique HOORENS, directeur des études, Union sociale
pour l’habitat,
- M. Thierry REPENTIN, maire de Chambéry, co-président du
groupe de travail logement-habitat-hébergement de l’Association
des maires de France,
- M. Éric JOURDE, délégué général de la Fédération française du
bâtiment.

Les rapports particuliers sont des documents de travail n’engageant pas


en tant que tels le Conseil des prélèvements obligatoires. Ces rapports
particuliers, ainsi que les contributions de l’Insee et de l’IPP, sont
consultables sur le site internet www.ccomptes.fr/CPO

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Sommaire

SOMMAIRE ....................................................................................... 1
SYNTHÈSE DU RAPPORT .............................................................. 3
SYNTHÈSE DES CONSTATS ET DES RECOMMANDATIONS
.............................................................................................................. 7
INTRODUCTION ............................................................................ 11
CHAPITRE I - UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT À
ADAPTER AUX RÉALITÉS ÉCONOMIQUES LOCALES ...... 16
I - La fiscalité du logement, composée des impôts et dispositifs
dérogatoires liés au logement, est plus élevée en France que dans les
autres pays ............................................................................................... 16
A - Différents impôts, prélevés tout au long du « cycle de vie » du
logement ............................................................................................... 16
B - Une fiscalité lourde, reflet de prélèvements obligatoires parmi les
plus élevés des pays développés ........................................................... 24
C - Des dépenses fiscales nombreuses, coûteuses et peu évaluées ....... 28
D - Des données incomplètes ou d’une qualité insuffisante au regard des
enjeux ................................................................................................... 35
II - Le lien qui unissait la fiscalité du logement aux collectivités
territoriales s’est distendu ...................................................................... 37
A - Une fiscalité qui pèse dorénavant presque exclusivement sur les
propriétaires .......................................................................................... 37
B - Des collectivités territoriales toujours premières bénéficiaires, mais
dans une moindre proportion qu’auparavant ........................................ 44
C - Un pouvoir de taux des collectivités qui s’est réduit ...................... 48
III - Les disparités territoriales croissantes en matière de fiscalité du
logement appellent des aménagements ................................................. 50
A - La fiscalité du logement, notamment foncière, entretient de fortes
disparités entre territoires ..................................................................... 50
B - Une réforme de l’assiette de la fiscalité foncière pourrait améliorer
la cohérence avec les réalités économiques locales .............................. 53
C - La taxation des logements vacants pourrait être étendue................ 61

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2 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

CHAPITRE II – UNE PLUS GRANDE NEUTRALITÉ


FISCALE, GAGE D’EFFICACITÉ ET DE COHÉRENCE DE
LA POLITIQUE PUBLIQUE DU LOGEMENT .......................... 67
I - La fiscalité du logement s’articule imparfaitement avec les objectifs
de la politique du logement .................................................................... 67
A - La fiscalité du logement n’est pas le facteur déterminant du marché
de l’immobilier ..................................................................................... 68
B - Certains dispositifs fiscaux ont un effet ambigu sur l’accès au
logement et à la propriété ..................................................................... 72
C - L’incidence de la fiscalité du logement sur les prix n’est pas assez
prise en compte ..................................................................................... 74
D - Les outils fiscaux ne permettent pas de mobiliser suffisamment le
parc social au sein de la politique du logement .................................... 77
II - L’outil fiscal ne peut à lui seul suffire à relever les défis sociaux ou
environnementaux du bâti en France ................................................... 79
A - Répondre aux inégalités liées au logement passe davantage par une
sécurisation des recettes que par une modification de la fiscalité ......... 80
B - La réorientation des dispositifs fiscaux pour lutter contre
l’artificialisation des sols est utile mais non-suffisante ........................ 82
C - La rénovation énergétique des logements doit mobiliser avant tout
l’outil réglementaire et les aides budgétaires ciblées ............................ 87
III - L’architecture de la fiscalité du logement pourrait être réorientée
vers davantage de neutralité .................................................................. 91
A - La détention de logements devrait être davantage taxée que leur
cession .................................................................................................. 91
B - Le régime de taxation des plus-values immobilières pourrait être
simplifié dans le temps ......................................................................... 94
C - Les différentes situations d’occupation des logements pourraient
être traitées de manière plus homogène ................................................ 98
CONCLUSION ............................................................................... 102

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Synthèse du rapport

La fiscalité du logement représente un ensemble complexe


d’impositions et de dispositifs fiscaux incitatifs hérité d’une histoire longue
et d’une intégration inaboutie à la politique publique du logement.
Représentant un produit d’environ 92 Md€ en 2022, soit environ 3,5 % du
produit intérieur brut (PIB) selon la définition retenue dans ce rapport, elle
fait face aujourd’hui à des enjeux inédits liés aux difficultés conjoncturelles
du marché de l’immobilier et, de manière plus structurelle, à la transition
énergétique et écologique et à l’accroissement des inégalités patrimoniales
en France. Pour ces raisons, le CPO a choisi pour la première fois
d’analyser la fiscalité du logement en s’interrogeant sur sa cohérence et son
efficacité. Il arrive à la conclusion, au terme de son analyse, que cette
fiscalité sectorielle est peu préparée aux défis actuels et doit gagner en
cohérence en trouvant un meilleur équilibre entre les dispositifs
d’incitation et une logique plus large de neutralité.
La fiscalité du logement est déconnectée de la valeur
économique des biens.
La fiscalité du logement est plus lourde en part du PIB que dans la
majeure partie des autres pays développés, ce qui reflète moins une
structure de la fiscalité défavorable au secteur que le poids particulièrement
important des prélèvements obligatoires en France.
Elle concerne toutes les étapes du cycle de vie du logement, de sa
construction à sa cession. Son produit est toutefois concentré sur la phase
d’acquisition, du fait du poids important des droits de mutation à titre
onéreux (DMTO) ou gratuit (DMTG), et de détention, avec la taxe foncière
sur les propriétés bâties (TFPB).
La réforme de la taxe d’habitation (2018-2022), aujourd’hui
supprimée pour les résidences principales, a réduit la part de recettes qui
revient aux collectivités territoriales et leur pouvoir de taux. La moitié des
ressources fiscales des communes continue néanmoins à provenir de la
fiscalité du logement. Pour autant, elle représente une faible part du coût
du logement. Bien qu’elle pèse de façon prédominante sur les propriétaires,
la part du revenu consacrée au logement reste plus élevée chez les
locataires ou les accédants à la propriété. Surtout, au sein des propriétaires,
comme le montrent des travaux réalisés par l’Insee pour le CPO dans le
cadre de ce rapport, la taxe foncière est régressive en raison principalement

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4 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

des effets d’une assiette archaïque qui sous-évalue la valeur de


l’immobilier dans les communes les plus aisées.
La difficulté à pouvoir disposer de données solides et exhaustives
sur le logement et sa fiscalité fragilise les perspectives de réforme. Des
modifications pourtant nécessaires, comme la révision des valeurs
locatives cadastrales (VLC) qui forment l’assiette de la taxe foncière, sont
régulièrement repoussées au motif des difficultés techniques et des forts
enjeux redistributifs qu’elle présenterait, mais au prix d’une divergence
devenue considérable entre la fiscalité foncière et les capacités
contributives des ménages.
La révision de l’assiette de la taxe foncière est une réforme majeure
qui devrait être conduite selon une méthodologie qui établisse un lien direct
avec la valeur locative de marché ou la valeur vénale des logements,
permettant une actualisation régulière et à moindre coût pour
l’administration.
La fiscalité du logement, malgré des dispositifs incitatifs
coûteux, rigidifie le marché et n’est pas adaptée aux nouveaux enjeux
environnementaux du bâti en France.
Fruit d’une lente construction historique remontant au moins à la
Révolution française, la fiscalité du logement s’est complexifiée dans la
deuxième moitié du XXème siècle par l’ajout de dépenses fiscales
nombreuses (70 en 2022) et coûteuses (environ 15 Md€ en 2022) qui sont
censées traduire la volonté de faire de l’outil fiscal un levier de la politique
du logement. Elles devraient a minima être bornées dans le temps et
régulièrement évaluées.
Or, si les effets de la fiscalité sur le marché du logement paraissent
globalement limités en comparaison de ceux de la conjoncture ou des taux
d’intérêt, certains dispositifs peuvent contribuer à rigidifier les prix et à
freiner les ajustements nécessaires en cas de contraction du crédit. Ainsi,
les effets sur la solvabilisation des ménages du « prêt à taux zéro » sont
incertains, des études sur un dispositif analogue américain ayant même
conclu à une réduction de l’accès à la propriété. De même, l’effet
inflationniste de certains dispositifs fiscaux d’incitation à l’investissement
locatif a pu être démontré. Une étude inédite réalisée pour ce rapport par
l’Institut des politiques publiques (IPP) montre également que la
suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales a pu être
en partie répercutée sur les prix de l’immobilier et les loyers, mais dans des
proportions limitées.
Surtout, les effets de la fiscalité du logement au regard des défis
nouveaux du bâti (« zéro artificialisation nette », rénovation énergétique)
sont encore mal pris en compte. Le CPO constate que certains dispositifs

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 5

fiscaux pourraient être mobilisés pour limiter l’artificialisation des sols,


comme la taxe sur les terrains nus rendus constructibles et la taxe sur les
logements vacants (TLV). Cette dernière, aujourd’hui trop restreinte
territorialement, pourrait être généralisée et exclue seulement des
communes en déprise : permettant de mieux mobiliser le parc de logements
existant, elle s’inscrit dans la volonté de mieux apparier offre et demande
de logements et de lutter contre la consommation d’espaces naturels. De
même, les dispositifs de solvabilisation de la demande (prêts à taux zéro)
peuvent avoir un attrait dans un contexte de hausse des taux d’intérêt, mais
devraient être orientés vers l’acquisition et la rénovation des logements
anciens qui permettent une forme de sobriété foncière.
En revanche, recourir à l’outil fiscal pour la rénovation énergétique
ne permet pas de répondre aux enjeux de ciblage et d’efficience, si bien
qu’un alignement du taux réduit de TVA de 5,5 % sur le taux intermédiaire
de 10 % pourrait être recherché, à condition de redéployer le gain
budgétaire de ces réformes sur les aides budgétaires directes.
La logique globale qui doit motiver toute réforme de la fiscalité
du logement est un rééquilibrage vers plus de neutralité.
Il s’agit tout d’abord de chercher à taxer plus la détention que
l’acquisition, au vu notamment des effets économiques peu efficients des
droits de mutation à titre onéreux (DMTO) qui sont plus élevés en France
que dans les autres pays européens. Cette orientation générale implique
d’une part d’envisager une bascule des DMTO vers la taxe foncière, sans
perte pour les collectivités locales, d’autre part d’engager une réflexion
précise sur l’assiette foncière, dont les incohérences par rapport aux réalités
économiques locales et les effets régressifs entre propriétaires sont patents.
Il est nécessaire également de traiter de manière homogène des
situations comparables, dans le temps et dans l’espace. Dans le temps, les
avantages fiscaux des plus-values immobilières liés à l’abattement pour
durée de détention alimentent des phénomènes de rétention immobilière ou
foncière qui pourraient être corrigés en tenant compte de l’érosion
monétaire et des travaux d’amélioration du bâti. Dans l’espace, la
distinction historique et unique dans le monde entre la location vide et la
location meublée devrait être remise en cause, en supprimant d’abord les
conditions favorables pour les meublés touristiques classés, et en unifiant
ensuite progressivement le droit fiscal, autour de deux régimes,
microfoncier (en-dessous de 15 000 euros) et réel.
Une telle dynamique permettrait in fine non seulement de renforcer
la cohérence de la fiscalité du logement avec les réalités économiques et
les nouveaux défis environnementaux, mais aussi de sécuriser son
rendement et le financement des services publics locaux et d’améliorer,
plus largement, la progressivité globale du système socio-fiscal français.

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6 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 7

Synthèse des constats et des


recommandations

I - Constats

Constat n° 1 : La fiscalité du logement désigne l’ensemble des impôts et


dispositifs fiscaux reposant directement sur le logement ou affectés à ce
secteur, et s’appliquant tout au long de son cycle de vie, de sa construction
à sa cession, en passant par son acquisition, sa détention, son occupation et
sa location. Selon ce périmètre retenu par le CPO, elle représente 92 Md€
en 2022, soit près de 8 % des prélèvements obligatoires en France.
Constat n° 2 : En comparaison internationale, la fiscalité du logement en
France fait partie des plus élevées de l’OCDE, mais sa part relative dans le
total des prélèvements obligatoires reste inférieure à celle rencontrée dans
plusieurs économies comparables, telles que les Etats-Unis ou le Royaume-
Uni.
Constat n° 3 : Les dépenses fiscales relatives au logement sont nombreuses,
pour un coût élevé de 15 Md€ en 2022. Elles ne sont en majorité ni bornées
dans le temps, ni systématiquement évaluées par l’administration.
Constat n° 4 : La fiscalité du logement repose majoritairement sur le
propriétaire qui est plus souvent un couple, de 50 ans ou plus. Ces
propriétaires sont en moyenne plus aisés que les locataires.
Constat n° 5 : La fiscalité du logement représente une faible part du coût
du logement et affecte peu le taux d’effort net des ménages, qui reste plus
élevé chez les locataires ou les accédants à la propriété que chez les autres
propriétaires.
Constat n° 6 : La fiscalité du logement est une ressource essentielle des
collectivités territoriales, si bien que toute réforme d’ampleur doit prendre
en compte les effets sur les moyens financiers des collectivités, pour les
neutraliser.
Constat n° 7 : La fiscalité du logement en France est en partie déterminée
par les collectivités territoriales, mais la réforme de la taxe d’habitation a
fortement réduit leur pouvoir de taux.
Constat n° 8 : La fiscalité foncière en France présente un profil régressif en
fonction du niveau de vie des propriétaires, les patrimoines immobiliers les
plus importants se situant dans les localités aux taux de taxe foncière plus
faibles.

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Constat n° 9 : L’assiette de la fiscalité foncière est largement décorrélée de


la réalité de la valeur marchande des logements ainsi que du prix de la terre.

Constat n° 10 : Compte tenu de la rigidité du marché français du logement,


la hausse des taux d’intérêt s’est traduite jusqu’à présent par une baisse
limitée des prix et beaucoup plus forte des transactions. L’activité du
secteur du BTP résiste néanmoins à ce stade grâce aux chantiers lancés
avant 2022, au dynamisme des rénovations et à la baisse de l’impôt sur les
sociétés et des impôts de production.

Constat n° 11 : Malgré un coût élevé des dépenses fiscales, la fiscalité du


logement a une incidence limitée sur le marché de l’immobilier par rapport
à d’autres facteurs comme la conjoncture économique et l’état du marché
du crédit.
Constat n° 12 : Sur la période 2018-2022, en première analyse, la
suppression de la taxe d’habitation aurait été répercutée dans les prix de
l’immobilier, à l’achat comme à la location, mais de manière limitée. Elle
ne semble avoir eu à ce stade d’effet significatif ni sur la mobilité
résidentielle ni sur le niveau de la taxe foncière, principalement affecté par
les effets de la hausse de l’inflation sur la dépense locale.
Constat n° 13 : Les dispositifs fiscaux sur l’investissement locatif peuvent
avoir un impact inflationniste sur le niveau des prix des logements, en
contradiction avec leur objet.
Constat n° 14 : La lutte contre l’artificialisation des sols nécessite
notamment de mieux mobiliser le parc de logements existants, en taxant
plus efficacement la vacance, et de limiter les effets artificialisants des
dépenses fiscales liées au logement.
Constat n° 15 : Pour permettre l’atteinte de la norme « bâtiment basse
consommation » ou équivalent pour les logements d’ici 2050, l’outil fiscal
n’est pas le levier le plus efficient par rapport aux aides budgétaires ciblées,
aux mesures réglementaires et à une politique visant à lever les obstacles à
la rénovation énergétique.
Constat n° 16 : Les droits pesant en France sur les transactions marchandes
de logements sont d’un niveau élevé. Ils limitent le volume des transactions
et ont un effet négatif sur la mobilité résidentielle et sur l’accession à la
propriété.
Constat n° 17 : Les différents régimes d’abattement pour durée de
détention sur les plus-values immobilières alimentent des phénomènes de
rétention de terrains et de biens immobiliers sous-utilisés.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 9

II – Orientations et recommandations

Orientation 1 : Mettre en cohérence les dispositifs fiscaux avec la


valeur économique des logements
Recommandation n° 1 : Borner dans le temps les dépenses fiscales liées au
logement et procéder à leur évaluation systématique pour ne conserver que
celles aux effets économiques, sociaux ou environnementaux avérés.
Recommandation n° 2 : Compléter les bases de données existantes
relatives au logement, notamment à sa fiscalité, et en réaliser l’expertise
statistique.
Recommandation n° 3 : Revoir la méthodologie d’estimation de l’assiette
de la taxe foncière pour établir un lien plus direct et facilement actualisable
avec les loyers ou les prix de marché.
Recommandation n° 4 : Étendre la liste des communes soumises à la taxe
sur les logements vacants (TLV) en excluant les territoires en déprise et
supprimer la possibilité pour les communes et établissements publics de
coopération intercommunale (EPCI) d’instituer la taxe d’habitation sur les
logements vacants (THLV).
Orientation 2 : Préférer les aides budgétaires ciblées en substitution
aux incitations fiscales pour faire face aux nouveaux défis du bâti
Recommandation n° 5 : Confirmer la non-reconduction du dispositif
« Pinel » et l’absence de dispositif équivalent en remplacement.
Recommandation n° 6 : Ouvrir à nouveau le prêt à taux zéro (PTZ) au
logement ancien avec travaux dans les zones tendues pour le rendre plus
cohérent avec les enjeux environnementaux.
Recommandation n° 7 : Rehausser le taux de TVA à 5,5 % sur la
rénovation énergétique au niveau du taux intermédiaire de 10 % et utiliser
le gain financier ainsi obtenu pour les aides budgétaires ciblées en faveur
de la rénovation énergétique des logements.
Orientation 3 : Renforcer la neutralité de la fiscalité du logement pour
favoriser la résilience du marché du logement
Recommandation n° 8 : Une fois le lien rétabli entre l’assiette de la taxe
foncière et la valeur économique des logements taxés, engager une
réflexion sur le niveau et l’affectation des droits de mutation à titre onéreux
(DMTO) visant à moins taxer l’acquisition de logements et à compenser le
manque à gagner pour les finances publiques par un relèvement des impôts
portant sur leur détention.

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10 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Recommandation n° 9 : Limiter la rétention des biens en remplaçant les


abattements sur les plus-values de cessions foncières et immobilières pour
durée de détention par une prise en compte de l’évolution des prix de la
construction et des travaux d’amélioration réalisés par le vendeur et en
réhaussant, pour les terrains nus rendus constructibles, la taxe forfaitaire.
Recommandation n° 10 : Rapprocher et unifier à terme les régimes fiscaux
de la location meublée et de la location nue.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 11

Introduction

Le logement est un bien particulier, au cœur du quotidien des


citoyens comme de la vie économique du pays. En 2022, selon les
données du compte du logement publiées par l’Insee, on décompte
37,7 millions de logements ordinaires en France, chiffre en croissance de
320 000 nouvelles unités par rapport à l’année précédente, dont 82,1 %
sont des résidences principales, 9,8 % des résidences secondaires et 8,2 %
des logements vacants. En parallèle, la dépense courante des agents
économiques pour le logement en France s’élève à 580,7 Md€ en 2022, soit
plus d’un cinquième du PIB (22,0 %), en hausse de plus de 3 % par rapport
à 2021. L’activité immobilière, qui regroupe l’ensemble des dépenses
d’investissement en logements neufs et anciens, en terrains d’assises et en
gros travaux, atteint 439 Md€ et a été portée dans la période récente par les
travaux de rénovation ou d’entretien et les acquisitions dans l’ancien.

Le logement, en ce qu’il présente l’avantage pour


l’administration fiscale d’être visible et immobile, fait l’objet d’une
taxation particulière. L’héritage révolutionnaire (« les quatre vieilles »)
et son ancrage au sein de la fiscalité locale ont orienté la fiscalité du
logement vers un objectif principal de rendement. Les prélèvements
obligatoires relatifs au logement s’élèvent ainsi à 92 Md€ en 2022 selon la
définition retenue dans ce rapport, soit 3,5 % du PIB et près de 8 % des
prélèvements obligatoires en France. Toutefois, à côté de cette logique de
rendement s’est développée une dimension incitative par l’instauration
d’avantages fiscaux, issus d’une volonté d’aide à la pierre, en faveur de la
filière du bâtiment et des travaux publics (BTP) dans le contexte de l’après-
guerre, puis d’aide à la personne à partir de la fin des années 1970, dans
l’objectif de favoriser l’accès au logement. En conséquence, les aides
fiscales se sont multipliées jusqu’à représenter plus du tiers des 42 Md€
d’aides à la personne en faveur du logement en 2022.

Le logement est confronté aujourd’hui à des défis nouveaux ou


devenus centraux, et qui ne sont pas sans incidence sur les dispositifs
fiscaux.

Tout d’abord, les enjeux environnementaux contraignent fortement


les évolutions du bâti en France. Ils visent à la fois à permettre d’atténuer

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12 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

les effets du changement climatique et d’adapter le logement à la hausse


globale des températures, au bénéfice des populations. Ils représentent
toutefois une césure majeure par rapport aux orientations constructivistes
précédentes : tant la lutte contre l’artificialisation des sols que la nécessité
d’assurer la transition énergétique du bâti, qui représente à terme un gain
en pouvoir d’achat, en confort thermique et en santé1 pour les ménages à
condition de le répartir équitablement, s’appuient avant tout sur une
mobilisation du parc existant. Les dispositifs fiscaux d’incitation à
l’investissement immobilier peuvent voir leur intérêt diminuer d’autant.

Par ailleurs, la concentration du patrimoine immobilier, en nombre


et en valeur, chez les ménages les plus aisés2 et dans le centre des grandes
aires urbaines, est un fait majeur des vingt dernières années. Ces inégalités
patrimoniales qui se transmettent entre générations posent la question des
effets régressifs des prélèvements obligatoires liés au logement.

Enfin, les défis traditionnels d’adéquation entre l’offre et la


demande de logements présentent davantage d’acuité aujourd’hui. Si le
marché de l’immobilier est hétérogène et obéit à une logique territoriale, il
se caractérise aussi par un déséquilibre structurel entre l’offre et la
demande de logements. La conjoncture économique actuelle marquée par
une hausse des taux d’intérêt, et la contraction corrélative des emprunts,
accentue les difficultés rencontrées par les ménages et le secteur de la
construction neuve (cf. encadré).

1
La rénovation énergétique des logements permettrait d’éviter le décès de 10 000
personnes par an, de réduire les coûts pour la santé et les coûts liés.
2 Un quart des ménages français possède plus de 2/3des logements.

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Encadré 1 : Les difficultés du marché du logement en 2023

Après une période de relative prospérité, le marché du logement traverse


depuis peu une crise importante sur tous ses segments.
En premier lieu, le marché de la construction du logement neuf connaît une
chute de la production et de la demande avec un recul de 15 % des mises en
chantier et de 45 % des réservations par les particuliers. Cette crise s’explique
par des facteurs qui pèsent structurellement sur l’offre (rareté croissante du
foncier, augmentation des coûts de construction, moindres investissements
dans l’immobilier notamment) mais surtout par le recul de la demande, liée à
la remontée des taux d’intérêt et à la baisse de la capacité d’emprunt des
ménages.
En second lieu, le marché du résidentiel ancien voit le nombre de
transactions diminuer, malgré un prix moyen en légère baisse dans les
grandes agglomérations. Ces effets sont contrebalancés par la pénurie sur le
résidentiel neuf qui maintient un prix d’équilibre plus élevé. Ce recul cyclique
est lié aux relèvements successifs des taux directeurs de la BCE, qui ont
renchéri les taux de crédit à l’habitat (3,77 % en moyenne au troisième trimestre
2023 hors assurance emprunteur et coût des sûretés).
Enfin, les déséquilibres sur le marché locatif se trouvent renforcés par la
pénurie d’offre, avec moins d’accédants et moins de mobilité immobilière, ce
qui nourrit les tensions sur les prix.
Le logement social, engagé dans un cycle de rénovation du bâti, est moins
touché par les difficultés du secteur de la construction et par le
renchérissement du coût du crédit en raison de la bonne situation financière des
bailleurs sociaux qui touchent des revenus de loyers peu affectés par la crise et
du report de la revalorisation du livret A dont la rémunération est fixée à 3%
jusqu’en janvier 2025. Toutefois, il peine à atteindre les objectifs de
construction annuels fixés autour de 100 000 logements, ce qui limite la
mobilité du parcours résidentiel.

Ces différents défis ont conduit à bouleverser les objectifs de la


politique publique du logement et à les rendre parfois contradictoires, entre
la production de logements neufs et la lutte contre l’étalement urbain,
l’incitation à l’investissement locatif et le développement de l’offre de
logements sociaux.

Ils dessinent surtout un logement qui est désormais devenu un


bien pluridimensionnel. Économique et social, support culturel de
l’identité individuelle comme de l’accès au marché de l’emploi et aux
services publics, lien historique entre le citoyen et son territoire, le
logement est aussi au cœur des enjeux de réduction de la consommation
d’énergie carbonée ou d’espaces naturels, de même que de santé publique.
Liés entre eux, ces enjeux contraignent l’outil fiscal à devoir s’adapter de

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14 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

manière inédite, dans un contexte marqué par la suppression de la taxe


d’habitation sur les résidences principales (2018-2023).

Pour ces différentes raisons, le CPO a choisi de se pencher en


2023 sur la fiscalité du logement. Si des travaux précédents ont abordé
les questions d’imposition du patrimoine des ménages3 et la fiscalité locale
dans le contexte de la transition écologique4, et si plusieurs des constats et
propositions formulés alors restent valables, c’est la première fois qu’un tel
objet est traité en tant que tel et que les interactions entre une politique
publique et sa fiscalité sont étudiées par le CPO.
Dans ce contexte, le présent rapport vise à la fois à dresser un état
des lieux de la fiscalité du logement envisagée comme un ensemble, à
étudier son rôle et ses effets face aux défis socio-économiques et
environnementaux auxquels le bâti est confronté aujourd’hui, et à proposer
des orientations structurelles d’évolution des dispositifs fiscaux dans le
sens d’une plus grande efficacité.
Il s’attache à apporter des éléments de réponse à la question
suivante : dans un contexte de renforcement des inégalités patrimoniales,
d’ambition renouvelée pour le bâti par la transition énergétique et
écologique, comment mobiliser au mieux la fiscalité du logement sans
fragiliser son rendement ?
Il ne vise pas à proposer des remèdes de court terme aux
difficultés rencontrées en 2023 par le marché immobilier, dans le
contexte de la hausse des taux d’intérêt. Certaines des recommandations
peuvent toutefois contribuer, en réduisant la rigidité des prix, à rendre ce
marché plus résilient face aux variations conjoncturelles.
Le rapport s’articule en deux chapitres :
Chapitre I : comment s’assurer que la fiscalité du logement
appréhende correctement la valeur économique de son assiette ?
Ce chapitre donne des clés de lecture sur les taxes qui composent la
fiscalité du logement, leur champ d’extension, les redevables et les
bénéficiaires. Il propose d’améliorer la cohérence des dispositifs fiscaux
avec la valeur économique des biens en modifiant l’assiette des taxes
foncières et le zonage qui détermine la taxe sur les logements vacants.

3
CPO, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.
4CPO, La fiscalité locale dans la perspective du Zéro artificialisation nette (ZAN),
octobre 2022.

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Chapitre II : au regard des enjeux socio-économiques et


environnementaux auxquels est confronté le bâti en France, comment
rendre la fiscalité du logement plus efficace ?
Cette seconde partie s’interroge sur l’adéquation entre outil fiscal et
politique publique du logement en mettant en évidence certains effets
négatifs ou distorsifs des prélèvements obligatoires. Elle propose de mieux
cibler les dispositifs fiscaux quand ils sont utiles et de viser à la neutralité
globale du système d’imposition lié au logement.
Cinq rapports particuliers, fruit d’un travail inter-institutions fondé
sur des échanges avec plus d’une centaine de personnes du secteur public
ou privé et sur une analyse inédite des données disponibles, abordent les
différents aspects des interrogations qui traversent la fiscalité du logement
et détaillent les principaux constats et les recommandations du présent
rapport. Ils portent sur :
 le panorama budgétaire et juridique de la fiscalité du logement
(rapport particulier n° 1) ;
 l’impact de la fiscalité sur le marché du logement (rapport
particulier n° 2) ;
 la fiscalité du logement et les inégalités (rapport particulier n° 3) ;
 la fiscalité du logement et les enjeux environnementaux (rapport
particulier n° 4) ;
 la comparaison internationale des systèmes fiscaux liés au
logement (rapport particulier n° 5).
De plus, deux publications, rédigées dans le cadre de ce travail,
appuient également les analyses présentées. Il s’agit de :
 L. Bach, A Bozio, P. Dutronc-Postel, E. Fize, A. Guillouzic, C ;
Malgouyres, « Évaluation de la réforme de la taxe d’habitation »,
IPP, décembre 2023
 O. Meslin, « Étude sur les propriétés redistributives de la taxe
foncière sur les propriétés bâties », novembre 2023, repris par M.
André, O. Meslin, « Les ménages au patrimoine immobilier le plus
élevé paient relativement moins de taxe foncière que les ménages
les moins dotés », Insee Analyses, décembre 2023.

* *

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Chapitre I - Une fiscalité du logement à


adapter aux réalités économiques
locales

Ensemble composite d’impôts et de dispositifs fiscaux en large


partie anciens qui ont en commun de peser sur le logement ou d’être
mobilisés en sa faveur (I), la fiscalité du logement a connu des réformes
récentes qui ont réduit son lien avec l’échelon local (II), si bien qu’une plus
grande adéquation avec les réalités économiques des territoires devrait être
recherchée (III).

I - La fiscalité du logement, composée des impôts et


dispositifs dérogatoires liés au logement, est plus
élevée en France que dans les autres pays

A - Différents impôts, prélevés tout au long du « cycle


de vie » du logement

Il n’existe pas de définition reconnue et partagée de la « fiscalité


du logement ». Le compte satellite du logement (CSL) en est au sens
statistique l’approximation la plus poussée. Il recense en effet l’ensemble
des flux économiques, monétaires et non monétaires, consacrés au fait de
« loger » ou de « se loger », de manière cohérente avec les normes des
comptes nationaux. En 2022, la dépense nationale en logement s’établit
ainsi à 580,7 Md€, divisée en dépenses courantes associées à l’occupation
des logements (414,7 Md€) et dépenses en capital, qui alimentent la
croissance et l’entretien du parc (166,0 Md€).

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Encadré 2 : Les règles européennes en matière de fiscalité du logement

Le cadre européen ne fixe aucune compétence particulière de l’Union


européenne en matière de politique de logement, ce dernier terme ne figurant
d’ailleurs pas dans les traités. En matière fiscale, comme les prélèvements liés
au logement sont à rattacher aux impôts directs, les règles sont peu
contraignantes, si ce n’est l’impossibilité de discriminer les résidents et les non-
résidents.
En revanche, en matière de TVA, le cadre fixé par la directive 2006/112/CE du
28 novembre 2006 relative au système commun de TVA, modifié en dernier
lieu en 2022, définit des obligations et des marges de manœuvre pour le secteur
immobilier, permettant par exemple l’application de taux réduits sur la
livraison et la construction de logements.

Graphique n° 1 : Vision synthétique du compte satellite du logement


(2022)

Source : CSL, 2023.

Pour l’année 2022, le CSL recense 96,7 Md€ de prélèvements


liés au logement. Il distingue les impôts sur la consommation associée au
service de logement, y compris la TVA sur l’énergie et les charges par
exemple, ceux pesant sur les producteurs de service de logement
(notamment les loyers), sur l’investissement en logement, enfin ceux
afférents aux mutations.

Cette approche ne correspond pas entièrement à la « fiscalité du


logement » au sens du présent rapport. D’une part, le CSL est pensé par
redevables et non par incidence des impositions aux différentes étapes de
la vie du logement, ce qui limite les propositions dynamiques visant à
améliorer, par exemple, la construction ou la fluidité sur le marché de

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l’immobilier. D’autre part, des impositions comme la TVA sur l’énergie,


consommée par le logement mais dont le rôle sur l’habitat est indirect, y
figurent, tandis qu’en sont exclues des impositions en lien direct avec le
logement, comme les droits de succession, ou affectées au secteur du
logement alors qu’elles participent également des objectifs de la politique
publique du logement, à l’exemple de la participation des employeurs à
l’effort de construction (PEEC, cf. infra).

L’approche de la fiscalité peut être mieux définie autour des


différentes étapes qui jalonnent la vie du logement5. Une telle vision
avait déjà été esquissée par le Conseil des prélèvements obligatoires dans
son rapport général de 2018 consacré aux prélèvements sur le capital des
ménages. Ce « cycle de vie » du logement peut couvrir six étapes, distinctes
tant du point de vue du moment temporel concerné que de l’acte effectué
par l’utilisateur du logement :

- la construction ;

- l’acquisition ;

- la rénovation ;

- la détention ;

- la location ;

- enfin la cession.

À chaque étape correspondent ainsi des prélèvements obligatoires


qui ne coïncident qu’imparfaitement avec ceux du CSL. Selon la
définition retenue par ce rapport, la fiscalité du logement s’élève à
91,5 Md€ en 2022, soit 3,5 % du PIB et 7,6 % des prélèvements
obligatoires. La définition du CSL sera toutefois utilisée pour les
comparaisons historiques, tandis que certaines comparaisons
internationales auront recours à la notion de « taxes sur la propriété
immobilière », utilisée par l’OCDE.

5 Pour une vision d’ensemble et exhaustive, se référer à O. Pau et N. Thervet, Panorama

budgétaire et juridique de la fiscalité du logement, rapport particulier n° 1, 2023.

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Graphique n° 2 : Répartition des prélèvements fiscaux et leur


rendement selon le « cycle de vie » du logement (2022)

Source : CPO.

La construction de logements correspond à la transformation


d’un terrain nu en bâti, si bien que la taxe foncière sur les propriétés non
bâties (TFPNB, env. 1,1 Md€6) est exclue du champ. Cette étape de la vie
du logement est soumise principalement à la taxe d’aménagement (environ
1,1 Md€), élément majeur de la fiscalité de l’urbanisme, qui permet de faire
participer les constructeurs et les aménageurs au financement des
équipements publics, qu’il s’agisse des réseaux d’eau et d’énergie, ou de la
voirie. La construction est concernée à titre secondaire par la TVA sur les
terrains à bâtir (un peu moins d’1 Md€), la taxe d’archéologie préventive
pour la composante logement (env. 100 M€) et les différentes taxes,
nationale et communale, sur la cession de terrains nus devenus
constructibles (TCTNRC, pour env. 20 M€), voire les taxes spéciales
d’équipement, perçues et affectées aux établissements publics fonciers
locaux ou d’État. À cet ensemble, il faut ajouter la « participation des
employés à l’effort de construction », dite « PEEC » (env. 1,6 Md€), non

6
Les données de cette partie valent pour 2022 et sont issues soit du CSL, soit des
données budgétaires annexées au projet de loi de finances pour 2024, comportant les
montants en exécutés.

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pas tant parce que son assiette correspond à la création de logements, mais
parce que son objet y est dédié (cf. infra).

Encadré 3 : Les dispositifs quasi-fiscaux en matière de logement

À côté des prélèvements fiscaux existent également des régimes « quasi-


fiscaux » qui ont une incidence sur la fiscalité du logement. Les régimes de
participation d’urbanisme conduisent ainsi à une exonération de plein droit de
taxe d’aménagement pour les constructions et aménagements réalisés dans le
cadre d’un projet urbain partenarial (PUP), ou au sein des zones
d’aménagement concerté (ZAC).

L’acquisition correspond à l’achat ou à l’héritage d’un


logement, si bien que les impôts y afférents relèvent des droits de
transmission et d’enregistrement. Il s’agit principalement des droits de
mutation à titre onéreux (DMTO, 16,8 Md€) ou à titre gratuit (DMTG,
11,2 Md€). Les premiers correspondent à ce qu’on appelle souvent
imparfaitement les « frais de notaire » (cf. encadré infra). Les seconds
s’appliquent lors de la transmission, par succession ou par libéralité dans
le cas d’une donation ; le produit total des DMTG (18,6 Md€) contient
également les transmissions de patrimoine mobilier, si bien que des
estimations doivent être réalisées pour comptabiliser les DMTG qui sont
prélevés sur le seul logement7. À ces droits de transmission s’ajoutent la
TVA prélevée lors de l’acquisition ainsi que la contribution à la sécurité
immobilière (CSI, 360 M€). Pour l’acquisition d’un logement neuf, les
droits d’enregistrement ou la taxe de publicité foncière sont limités à
0,715 % du prix d’acquisition8 tandis que la TVA à 20 % s’applique, en
sus des frais divers.

7 L’approximation communément admise est de 60 % du produit des DMTG : d’après


l’Insee, 62 % du patrimoine des ménages est immobilier, dont 97 % à usage
d’habitation. En 2022, le produit des DMTG est de 18,6 Md€, soit environ 11,2 Md€
concernant le patrimoine immobilier.
8 Article 1594 F quinquies du code général des impôts.

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Encadré 4 : Les « frais de notaire »

Lors d’une vente immobilière, les coûts de transaction sont couramment


désignés comme « frais de notaire ». Ils s’élèvent en général à 7 à 8 % du prix
d’acquisition du bien hors taxes mais recouvrent en réalité plusieurs types
d’imposition :
 les DMTO d’un taux global de 5,81 %, qui se décomposent en :
o taxe de publicité foncière, qui correspond à la part
départementale, d’un taux entre 3,8 % (Indre, Morbihan et
Mayotte) et 4,5 % (autres départements) ;
o taxe additionnelle communale de 1,2 % ;
o frais d’assiette et de recouvrement : 2,37 % du montant du
droit départemental.
 la rémunération des notaires (les « frais de notaire » au sens strict),
calculés selon le montant de la transaction, à 0,799 % de la valeur pour
les transactions supérieures à 60 000 € ;
 la contribution à la sécurité immobilière à 0,1 % du prix de vente ;
 les frais divers (débours, formalités…) ;
 la TVA à 20 % prélevée sur les frais (de notaire, d’agence…).
Il faut également, dans la plupart des cas, ajouter les frais d’agence éventuels,
qui s’élèvent à environ 5,8 % du prix d’acquisition TTC9.
Pour l’acquisition d’un bien neuf, la taxation est différente : la taxe de publicité
foncière s’élève à 0,7 %, mais le bien est soumis à la TVA à 20 % ; les frais
d’assiette et de recouvrement sont moins élevés.
D’après l’agence nationale d’information sur le logement (ANIL), pour un
achat de 400 000 € en France métropolitaine, les « frais de notaire » s’élèvent
en moyenne à environ 30 000 € pour un bien ancien, et environ 9 000 € pour
un bien neuf.

À l’instar des autres pays développés, il n’existe pas en France


de dispositifs fiscaux spécifiques visant à titre principal la rénovation.
Seule la TVA, imposition générale, est également, par nature, prélevée lors
d’une action d’amélioration ou de rénovation énergétique d’un logement.

9 Donnée de 2022. Cette valeur est supérieure à la moyenne de l’Union européenne,


située à 4 % du prix TTC, d’après les données de l’Autorité de la concurrence (2023).

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Dans ce cas, le taux est toutefois réduit, respectivement à 10 % et à 5,5 %,


pour un rendement d’environ 5,3 Md€ en 202210.

La détention est soumise à un nombre significatif de taxes. La


taxe foncière sur les propriétaires bâties en est la principale, tant au regard
de son produit (25,5 Md€) que de son ancienneté (cf. encadré). Prélevée
sur la moitié de la valeur locative cadastrale nette (c’est-à-dire le loyer
annuel théorique, cf. infra), elle est une ressource centrale pour les
collectivités (cf. infra).

Encadré 5 : Les « quatre vieilles »

Les « quatre vieilles » désignent les quatre contributions directes mises en


place pendant la Révolution française, élaborée à la fin de l’ancien régime et
sous la monarchie constitutionnelle puis le directoire, entre 1790-1791 et 1798.
Il s’agit de « contributions » et non plus d’« impôts », pour insister sur le geste
civique et citoyen qu’elles impliquent, par opposition à l’arbitraire d’une
« imposition ». Elles sont dites « réelles » puisqu’elles frappent des objets et
non des individus ; « indiciaires » car indépendantes des capacités
contributives mais assises sur des « indices » ou signes extérieurs de richesse ;
et proportionnelles, la progressivité du système fiscal étant alors exclue11. Il
s’agit de :
 la contribution foncière, qui remplace la « taille » de l’époque de
l’ancien régime, et dont la taxe foncière (sur les propriétés bâties et
non bâties) est l’héritière ;
 la contribution personnelle et mobilière, assise sur la valeur du
loyer de l’habitation, dont la taxe d’habitation (à partir de 1974) est
l’héritière, aujourd’hui réduite aux résidences secondaires et
logements vacants ;
 la contribution de la patente, due pour l’activité économique, qui a
subsisté en partie sous la forme de la taxe professionnelle à partir de
1976, puis de la contribution économique territoriale, constituée de la
contribution foncière des entreprises (CFE) et de la contribution sur
la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), à partir de 2010 ;
 la contribution sur les portes et fenêtres, basée sur le nombre de
portes et de fenêtres, qui a été supprimée en 1926.

10
En 2022, le taux réduit de TVA à 10 % représente un coût de 2,0 Md€, et celui à 5,5
% un coût de 1,0 Md€.
11 N. Delalande et A. Spire, Histoire sociale de l’impôt, 2010.

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Héritière également de contributions anciennes, la taxe d’habitation


est aujourd’hui limitée aux résidences secondaires (THRS, 2,8 Md€) et aux
logements vacants (THLV, env. 90 M€). Sur ces derniers pèse également
une taxe sur les logements vacants (TLV, env. 80 M€), alternative à la
THLV selon les territoires (cf. infra). Enfin, l’imposition sur la fortune
immobilière (IFI, 2,1 Md€), qui a remplacé à partir de 2018 l’impôt de
solidarité sur la fortune (ISF), est conçue comme un impôt non pas sur les
« biens immobiliers » mais sur les « actifs immobiliers », inaugurant un
terme nouveau pour la législation fiscale, à condition toutefois que leur
valeur nette soit supérieure à 1,3 M€. En revanche, malgré ses liens avec
la fiscalité foncière, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM)
ne semble pas devoir être assimilée à une taxe sur le logement car elle se
rapproche des taxes sur des services annexes au logement.

La location est concernée avant tout par la fiscalité des revenus


qu’elle génère, si bien que l’impôt sur le revenu des personnes physiques
lié aux revenus immobiliers (4,2 Md€), les prélèvements sociaux sur les
revenus fonciers (2,4 Md€), la contribution sociale généralisée (CSG) sur
les revenus immobiliers (1,1 Md€) ou encore la contribution sur les revenus
locatifs (100 M€) y sont associés. En 2022, l’ensemble de ces impositions
sur les revenus immobiliers représente 8,3 Md€. Toutefois, particularité
française, un double régime d’imposition existe selon que le bien loué
est nu ou meublé et, dans ce dernier cas, selon le régime choisi :
contrairement à la location vide, le régime de la location meublée permet
d’amortir le logement loué. Enfin, s’agissant de la location de courte durée
pour le secteur de type hôtellerie s’appliquent des impositions comme la
taxe de séjour (TS), sur le territoire de 83 % des communes, et des taxes
qui lui sont additionnelles (env. 400 M€)12.

En dernier lieu, la cession est majoritairement soumise à


l’imposition des plus-values réalisées lors de la vente du logement.
Celles-ci sont soumises à divers prélèvements, sociaux ou taxes sur les
plus-values élevées, pour un produit de 2,8 Md€ en 2022.

12Sur la question spécifique des services d’hébergement rendus par l’intermédiaire de


plateformes en ligne, le CPO a déjà eu l’occasion de recommander l’étude des
justifications d’une extension du champ d’application de la TVA au regard des
difficultés techniques qui seraient posées pour l’administration fiscale, du fait du flux
important des particuliers souhaitant s’immatriculer à la TVA pour bénéficier du droit
à déduction. Cf. CPO, « Les enjeux de la TVA à l’ère du numérique », Les notes du
CPO, juin 2023.

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Constat n° 1 : La fiscalité du logement désigne l’ensemble des impôts


et dispositifs fiscaux reposant directement sur le logement ou affectés
à ce secteur, et s’appliquant tout au long de son cycle de vie, de sa
construction à sa cession, en passant par son acquisition, sa détention,
sa rénovation et sa location. Selon ce périmètre retenu par le CPO, elle
représente 92 Md€ en 2022, soit près de 8 % des prélèvements
obligatoires en France.

B - Une fiscalité lourde, reflet de prélèvements


obligatoires parmi les plus élevés des pays développés

Au sens de l’OCDE, la fiscalité du logement représentait environ


3,8 % du PIB et 8,5% du total des prélèvements obligatoires en France en
2021. Ces parts sont en légère augmentation sur dix ans (respectivement, +
0,2 et + 0,1 points), mais en baisse depuis 2017, du fait de la suppression
de la taxe d’habitation sur les résidences principales (-0,4 et -0,8 points).

Graphique n° 3 : Rendement de la fiscalité du logement par rapport


au PIB et au total des prélèvements obligatoires (2011-2021)

10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
0
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021

en % du PIB En % des PO

Source : CPO (données : OCDE)

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La fiscalité du logement13 en France est l’une des plus élevées de


l’OCDE, mais ceci reflète moins une structure de la fiscalité
défavorable au secteur qu’un poids global important des prélèvements
obligatoires. La part de la fiscalité du logement dans les prélèvements
obligatoires est ainsi inférieure par exemple à celle des Etats-Unis ou du
Royaume-Uni

Graphique n° 4 :Poids de la fiscalité du logement au sein des


prélèvements obligatoires (2020, en points de PO)

Source : CPO (données : OCDE).


Note : la moyenne est celle de 34 pays de l’OCDE, hors 4 pays latino-américains ; les
données de l’OCDE sont retraitées des taxes sur la richesse nette et la transmission du
patrimoine financier.

13
La fiscalité du logement correspond pour l’OCDE aux taxes sur l’utilisation, la
détention ou le transfert (à titre gratuit ou onéreux) de propriété. Elle est différente de
l’agrégat utilisé dans le reste de ce rapport car elle n’inclut la fiscalité sur les revenus
fonciers. Par ailleurs, elle ne distingue pas toujours, au sein de l’imposition des
transmissions et de la richesse nette, l’imposition du patrimoine financier de celle du
patrimoine immobilier.

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Elle reste en revanche supérieure à la moyenne des pays de


l’OCDE et cet écart s’accroît sur longue période14. Les données disponibles
permettent d’estimer cette part pour 23 pays de l’OCDE depuis 1965, en
excluant toutefois l’imposition de la richesse nette15. La fiscalité du
logement représente ainsi 5,9 % des prélèvements obligatoires en France
en 2000, contre 4,9 % en moyenne dans ces pays de l’OCDE. En 2020, ces
parts sont respectivement de 7,8 % et de 5,3 % (4,8% pour l’ensemble plus
large des 33 autres pays de l’OCDE considéré au graphique n°4).

Graphique n° 5 : Comparaison des impôts récurrents sur la


propriété immobilière (2021, en points de PIB)

Source : CPO (données : OCDE ou Eurostat, selon les pays).

En prenant comme élément de référence les impôts récurrents sur la


propriété immobilière, qui excluent les droits de transmission et

14
Pour les éléments détaillés de comparaison internationale, se référer à J. Rousselon
et L. Vessereau, La comparaison internationale des systèmes fiscaux liés au logement,
rapport particulier n° 5, 2023.
15 Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis,

Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Japon, Luxembourg, Norvège, Nouvelle-


Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Turquie

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d’enregistrement ainsi que les taxes annexes comme la TVA, la France se


distingue par la fiscalité la plus élevée en points de PIB dans l’Union
européenne, et la quatrième dans l’OCDE et le G7 (2,2 % en 2021), derrière
le Canada (3,0 %), les États-Unis (2,8 %) et le Royaume-Uni16 (2,7 %).

Si l’on recentre sur les ménages la comparaison des impôts


récurrents sur la propriété immobilière, en excluant les entreprises, l’écart
de la France à la moyenne s’accroît : son système fiscal est centré aux deux
tiers sur les ménages, contrairement à la Suède (45 %) ou à l’Allemagne
(40 %).
Ce constat se confirme en prenant en compte d’autres éléments
de la fiscalité du logement. Les impôts sur les transactions y sont
également plus lourds : le niveau français est certes comparable à
l’Espagne ou à l’Italie (0,9 % du PIB), mais il se trouve au 2e rang, derrière
la Belgique17. S’agissant de l’imposition des revenus locatifs, seuls quatre
pays de l’OCDE (Autriche, Japon, Corée, Danemark) présentent un niveau
de taux marginaux, d’environ 53-55 %, plus élevé que la France (51 %).
Enfin, la France est le pays qui impose le plus les donations et les
successions, pour 0,74 % du PIB, contre un niveau moyen de 0,2-0,3 % du
PIB pour l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne ou le Royaume-Uni.
Il faut toutefois rappeler que toute comparaison en matière de
fiscalité doit prendre en compte les caractéristiques du système socio-
fiscal. En particulier, le niveau élevé des prélèvements obligatoires en
France reflète notamment les choix en matière de niveau et de financement
de la protection sociale.
Constat n° 2 : En comparaison internationale, la fiscalité du logement
en France fait partie des plus élevées de l’OCDE, mais sa part relative
dans le total des prélèvements obligatoires reste inférieure à celle
rencontrée dans plusieurs économies comparables, telles que les Etats-
Unis ou le Royaume-Uni.

16
Ce pays n’applique toutefois pas de taxe foncière.
17Dans l’OCDE, seule la Corée a une fiscalité sur les transactions supérieure en points
de PIB.

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Encadré 6 : Les modèles de fiscalité du logement dans l’OCDE


Pour comparer les pays selon leur fiscalité du logement, les considérations
méthodologiques conduisent à centrer l’analyse sur la fiscalité foncière,
cœur des « impôts récurrents sur la propriété immobilière », à laquelle il
faut adjoindre des impositions qui ne sont pas distinguées dans les autres pays :
les régimes de type « taxe d’habitation » ; les taxes spécifiques sur les terrains ;
les taxes sur les entreprises ; les impositions annexes (taxes d’urbanisme par
exemple).
En prenant en compte ces différents éléments, on peut distinguer plusieurs
modèles :
 Un modèle fondé sur la seule fiscalité foncière :
o autour d’une taxe unifiée pesant sur le bâti comme sur le
non-bâti : ce modèle est le plus courant et concerne les
États-Unis, la Grèce, l’Italie, la Belgique ou encore
l’Espagne ;
o autour d’un impôt spécifique sur les terrains : Danemark,
Estonie.
 Un modèle sans fiscalité foncière :
o remplacée par des impôts de type « taxe d’habitation » qui
forment la part principale de la fiscalité du logement :
Royaume-Uni (Council tax), Israël (Arnona) ;
o centrée autour de taxes spécifiques sur les entreprises,
comme en Irlande où les ménages sont minoritairement
concernés par la fiscalité immobilière.
Entre ces deux cas-types, et même en prenant en compte la récente réforme de
la taxe d’habitation, la France appartient à la catégorie des modèles hybrides
conjuguant plusieurs types d’imposition au sein de la fiscalité immobilière, à
l’instar, dans une certaine mesure, de la Hongrie et des Pays-Bas.

C - Des dépenses fiscales nombreuses, coûteuses et peu


évaluées

Le produit théorique de la fiscalité du logement est minoré par


la multiplication de dispositifs dérogatoires, ou « dépenses fiscales »,
qu’il est également possible d’associer aux étapes du « cycle de vie »
du logement.

Pour l’acquisition, il s’agit des dispositifs de solvabilisation des


ménages, du type prêt à taux zéro (PTZ), ou des différents plans d’épargne
(plan épargne logement ou PEL, compte épargne logement ou CEL).

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L’étape de rénovation est, comme dans les autres pays, concernée


à titre principal par des dispositifs d’incitation fiscale plutôt que par des
prélèvements obligatoires. Jusqu’en 2021, le crédit d’impôt transition
énergétique (CITE) permettait ainsi de réduire la charge de l’impôt sur le
revenu en cas d’amélioration énergétique du logement. En contrepartie de
la suppression du CITE, les subventions du type « MaPrimeRénov’ » ont
connu une augmentation continue ces trois dernières années. Aujourd’hui
ne subsistent que les taux réduits de TVA18, la déductibilité des charges
induites par des travaux de rénovation et l’éco-prêt à taux zéro19. Toutefois,
en cas de rénovation lourde d’un logement, qui peut s’analyser dans les
faits comme une opération de destruction-reconstruction d’un logement, la
TVA sur la livraison d’immeubles neufs s’applique au taux de 20 %.

Tableau n° 1 : Principales mesures dérogatoires en fonction du


« cycle de vie » du logement

Étape du cycle de vie Mesure dérogatoire


Prêt à taux zéro (PTZ)
Plan épargne logement (PEL)
Compte épargne logement (CEL)
Acquisition
Réduction d’impôt sur le revenu en faveur de
l’investissement locatif (Scellier) et locatif
intermédiaire (Pinel)
Déductibilité des charges de rénovation
Éco-PTZ
TVA à 10 % sur les dépenses d’amélioration et
Rénovation
gros entretien
TVA à 5,5 % sur les travaux de rénovation
énergétique

18Au taux intermédiaire de 10 % sur les travaux d’amélioration, de transformation,


d’aménagement et d’entretien (article 279-0 bis du CGI) ; au taux réduit de 5,5 % sur
les travaux de rénovation énergétique (article 278-0 bis A du CGI) ; au taux de 5,5 %
sur les opérations de rénovation des logements sociaux.
19 L’éco-prêt à taux zéro permet aux propriétaires bailleurs ou occupants, sans

condition de ressources, de bénéficier d’un prêt à taux zéro d’un montant de


30 000 euros maximum pour financer des travaux dits « d’éco-rénovation », qui
permettent de réaliser des économies d’énergie et de diminuer l’émission de gaz à effet
de serre produite par un logement construit depuis plus de 2 ans.

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Étape du cycle de vie Mesure dérogatoire


TVA à 5,5 % sur les opérations sur les logements
locatifs sociaux
Exonération d’impôt sur le revenu pour les
Location
personnes louant en meublé
Détention Exonérations et dégrèvements de TFPB
Exonération des plus-values de cessions
d’immeubles
Cessions
Exonération de DMTG des donations entre vifs de
terrains à bâtir et d’immeubles
Source : CPO.

Pour la location le régime meublé permet de déduire des loyers


perçus un abattement représentatif des charges20. Il s’y ajoute, pour la
location meublée, la déduction au réel des amortissements dans certaines
limites.

S’agissant de la détention, on note l’exonération de TFPB pour les


constructions nouvelles, reconstructions et additions de construction à
usage d’habitation pendant les deux années qui suivent celle de leur
achèvement (article 1383 du CGI).

Enfin, les plus-values sur les cessions des résidences principales


sont exonérées.

Ces dépenses fiscales, nombreuses21, représentent un coût


important, estimé en 2022 à 15,5 Md€, soit un sixième du rendement de
la fiscalité du logement. Le principal document qui en rend compte est le
jaune budgétaire relatif aux dépenses fiscales en faveur du développement
et de l’amélioration de l’offre de logements qui, sur un périmètre plus
circonscrit22, recense en 2023 un coût de 10,4 Md€. Ce montant est en nette
diminution par rapport à 2022 (14,8 Md€) du fait d’une nouvelle méthode

20 50 % en droit commun, voire 71 % pour les meublés de tourisme et chambre d’hôtes


dans le régime micro-BIC contre 30 % seulement au titre du régime micro-foncier dans
le cadre de la location d’un logement.
21 En 2023, 70 dépenses fiscales figurant dans le tome II des Voies et moyens se

rattachent au logement.
22 Le rapport évaluant l’efficacité des dépenses fiscales en faveur du développement et

de l’amélioration de l’offre de logements, dont la dernière version date d’octobre 2023,


est consacré aux dépenses fiscales du programme 135 « Urbanisme, territoires et
amélioration de l’habitat ».

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de calcul pour les taux réduits de TVA, qui ne prend en compte que le reste
à charge pour l’État après transferts aux collectivités territoriales et aux
administrations de sécurité sociale. Cette méthode est contestable car il n’y
a pas de lien entre la mise en place d’un taux réduit et l’affectation d’une
partie du produit de la TVA hors du budget de l’État.

Par ailleurs, un nombre important de mesures dérogatoires ne


sont pas considérées comme des dépenses fiscales par l’administration
(cf. tableau).

Tableau n° 2 : Principales dépenses fiscales liées au logement non-


considérées comme telles

Coût
Impôt estimé
Mesure dérogatoire
concerné 2022
(Md€)
Exonération de TFPB de deux ans pour les constructions neuves (art.
1383 du CGI)
Exonération de TFPB de trois ans des logements anciens qui ont fait
l’objet de travaux en faveur des économies d’énergie et du Non
TFPB
développement durable, sur délibération de l’EPCI ou de la calculé
collectivité (art. 1383-0 B du CGI)
Dégrèvement de TFPB en cas de vacance de logement ou
d’inexploitation d’immeuble de la collectivité (art. 1389 du CGI)
Taux de 5,5 % pour la fourniture de logement et de nourriture dans
les établissements d’accueil des personnes âgées et handicapées, les 0,5
logements-foyers et les résidences hôtelières à vocation très sociale
Taux réduit dans les départements d’Outre-Mer (DOM) (2,1 %) sur
Non
les travaux de construction de logements évolutifs sociaux, financés
TVA calculé
dans les conditions prévues par arrêté interministériel
Taux réduit dans les DOM (2,1 %) sur les ventes de logements Non
évolutifs sociaux calculé
Réduction du taux de TVA appliquée à l’Association Foncière Non
Logement (AFL23) calculé
IR Non-taxation des loyers imputés
Source : CPO.

Par ailleurs, contrairement aux recommandations de la Cour des


comptes24, les dépenses fiscales liées au logement n’ont, pour leur grande

23
Cette association à but non lucratif a pour objet de produire des logements locatifs
pour les salariés.
24 Cour des comptes, La gestion des dépenses fiscales en faveur du logement, 2019.

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majorité, pas fait l’objet d’une évaluation, notamment au regard des enjeux
environnementaux. L’évaluation est d’autant plus complexe que le bornage
dans le temps des dépenses fiscales est déficient : la moitié d’entre elles ne
sont pas d’une durée limitée.

Constat n° 3 : Les dépenses fiscales relatives au logement sont


nombreuses, pour un coût élevé de 15 Md€ en 2022. Elles ne sont en
majorité ni bornées dans le temps, ni systématiquement évaluées par
l’administration.

Il convient ainsi d’en tirer les conséquences pour assurer une


meilleure efficacité des dépenses fiscales.

Recommandation n° 1 : Borner dans le temps les dépenses fiscales liées


au logement et procéder à leur évaluation systématique pour ne
conserver que celles aux effets économiques, sociaux ou
environnementaux avérés.

En revanche, les propositions de remplacer en bloc les dépenses


fiscales par un statut dérogatoire assis sur des subventions directes ne
paraissent pas convaincantes. Le statut du propriétaire bailleur proposé
pour favoriser l’investissement locatif (cf. encadré) permettrait certes de
gagner en lisibilité, mais il n’est pas certain que ce régime de droit commun
viendrait résoudre les difficultés observées sur le dispositif Pinel25, en
particulier le faible entretien des biens et l’impossibilité de maîtriser le
choix de localisation des investisseurs (cf. chap. II). Son coût à moyen et
long terme pourrait par ailleurs être plus élevé qu’envisagé par la filière,
pour une faible capacité de pilotage. En outre, un statut unifié n’exclut pas
une approche territorialisée des marchés et la nécessité de procéder zone
par zone en fonction de la tension observée par les acteurs locaux.

Encadré 7 : La proposition de statut de propriétaire bailleur

25 Cf. Article 199 novovicies du code général des impôts. Ce dispositif permet une
réduction d’impôt sur le revenu en cas d’investissement locatif intermédiaire dans le
neuf sous certaines conditions. L’avantage fiscal est subordonné à un engagement de
durée de location (6 ou 9 ans, jusqu’à 12 ans), au plafonnement du loyer et des revenus
du locataire et à des critères de performance énergétique (cf. RP n° 3 – tableau 6 p. 36).

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Le secteur de l’immobilier a repris à son compte la proposition émise par la


Fédération française du bâtiment (FFB) de créer un statut fiscal du
propriétaire bailleur privé, selon une forme juridique encore imprécise, en
remplacement de l’ensemble des dépenses fiscales en faveur de
l’investissement locatif, permettant l’amortissement du prix d’acquisition.
Ce statut est proposé en contrepartie d’un plafonnement de loyers et de
ressources, sur le modèle des dispositifs de défiscalisation pour le logement
intermédiaire en zone tendue, type Pinel.
Ce statut représenterait un coût budgétaire compris entre 3,8 et 4,2 Md€26 à
sa mise en place selon les acteurs du secteur. Il engagerait toutefois les
pouvoirs publics dans la durée pour des montants croissants et peu
prévisibles.

De même, et en cohérence avec la position qu’il a déjà adoptée,


le CPO ne recommande pas de revenir sur la non-taxation des loyers
imputés, qui n’est pas considérée comme une dépense fiscale par
l’administration (cf. tableau n° 2), bien qu’il s’agisse d’un avantage fiscal
en faveur des propriétaires occupants. Depuis 1965, en effet, la France ne
taxe plus les loyers dits « implicites » ou imputés des propriétaires qui
occupent leur logement (cf. encadré).

Encadré 8 : Les loyers dits « implicites » ou imputés des propriétaires


occupants

Jusqu’en 1965, la France taxait les loyers « implicites » des propriétaires


occupants, dits également « imputés », au motif qu’ils constituaient des
revenus locatifs que les propriétaires auraient pu obtenir s’ils avaient mis leur
logement en location. Pour prendre en compte l’endettement des ménages,
l’imposition était toutefois allégée des intérêts d’emprunt.
Ainsi, aux termes de l’article 15 du code général des impôts, les « revenus
des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance », c’est-à-dire les
revenus tirés des « loyers implicites » résultant du statut de propriétaire
occupant, pour une résidence principale comme pour une résidence
secondaire, « ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu ».

26
Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), Agenda logement 2022

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34 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Dans une note publiée en décembre 201627, partant du constat que la fiscalité
du logement favorisait le statut du propriétaire occupant, freinait la mobilité
géographique en taxant lourdement les transactions et pénalisait les jeunes
générations qui aspiraient à ce statut, France Stratégie proposait de simplifier
la fiscalité du patrimoine immobilier, soit en supprimant la taxation des
revenus locatifs et en refondant la taxe foncière, soit en supprimant la taxe
foncière et en taxant les loyers implicites des propriétaires occupant. Elle
proposait, en outre, de supprimer les droits de mutation à titre onéreux.

Les promoteurs de cette taxation mettent en avant plusieurs


avantages : inciter davantage à la mobilité résidentielle ; mieux prendre en
compte les inégalités de situation, un ménage propriétaire qui occupe son
logement ayant un niveau de vie plus élevé qu’un ménage locataire, à
logement et par voie de conséquence à loyer identiques28 ; conduire
éventuellement à des ressources budgétaires en hausse, jusqu’à 15 Md€29
même si la déductibilité des intérêts d’emprunt réduirait ce gain dans des
proportions qu’il est complexe d’estimer. Le bénéficiaire de cette recette
supplémentaire serait en principe l’État, mais elle pourrait être affectée aux
départements, dans le contexte d’un allègement des DMTO, ou aux
communes, dans le cadre d’une refonte de la taxe foncière.

Toutefois, les inconvénients de la taxation des loyers imputés


semblent l’emporter. Outre la faible acceptabilité, voire
l’incompréhension de la population que susciterait le rétablissement d’une
telle taxation qui pourrait être interprétée comme la recréation d’une taxe
d’habitation sur les propriétaires occupants, les éléments disponibles de
comparaison internationale tendent à conforter cette orientation : seuls trois
pays sur les 38 membres de l’OCDE ont conservé cette taxation, en divisant
par deux la taxe foncière pour le Danemark, de manière très partielle aux
Pays-Bas avec une baisse progressive couplée à celle de la déductibilité des
intérêts d’emprunts, et avec en Suisse un débat de longue date et toujours
d’actualité sur l’opportunité de supprimer cette imposition. Dans ces
différents cas, les ménages peuvent connaître des situations de

27
France Stratégie, « Quelle fiscalité pour le logement ? », décembre 2016.
28 Au sens strict, on peut même considérer que le taux de pauvreté est légèrement
surestimé en France du fait de la non-prise en compte des loyers imputés, alors qu’une
partie des ménages au niveau de vie inférieur à 50 % du niveau médian sont
propriétaires et bénéficient ainsi de ce régime favorable (J.-C. Driant et A. Jacquot,
« Loyers imputés et inégalités de niveau de vie », Économie et statistique, 2005).
29 Estimation à partir du montant des loyers imputés évalués par le compte satellite du

logement, de 202,8 Md€ en 2022, dont 27,4 Md€ pour les résidences secondaires.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 35

surendettement. L’OCDE souligne la difficulté de mettre en œuvre la


taxation des loyers imputés « pour diverses raisons d’ordre conceptuel,
administratif et politique » et avait souligné que les pays qui y procédaient
le faisaient « à des taux relativement bas et sous certaines conditions
seulement »30. D’un point de vue technique, elle se heurte aux mêmes
difficultés de définition de l’assiette que la taxe foncière.

Le CPO consacrera prochainement à cette question qui revient de


manière récurrente dans le débat public une note d’analyse technique qui
dressera un état des lieux au regard des exemples étrangers.

D - Des données incomplètes ou d’une qualité


insuffisante au regard des enjeux

La difficulté d’évaluer les dépenses fiscales est liée à une


problématique plus générale concernant la fragilité des bases de
données existantes sur le logement, et notamment sur sa fiscalité.
Certains impôts relatifs au logement sont peu connus d’un point de vue
statistique. C’est le cas des DMTG, pour lesquels il n’existe à ce jour
quasiment pas de données exploitables, malgré le chantier lancé par la
DGFiP à partir des documents scannés sur les donations et les successions,
seule une estimation permettant d’approcher la part représentée par
l’immobilier. Pour l’IFI, les données détaillées sur les biens possédés ne
sont pas disponibles alors qu’elles seraient utiles pour mesurer la sous-
déclaration. S’agissant des dispositifs d’incitation à l’investissement locatif
intermédiaire, dont l’imposition de référence est l’impôt sur le revenu, les
données disponibles permettent de connaître les foyers fiscaux
bénéficiaires, mais pas l’identifiant cadastral des logements concernés.
L’absence de liste complète et cohérente des logements subventionnés par
les dispositifs de type « Scellier » (2009-2012), « Duflot », ou « Pinel »31

30OCDE, op. cit., 2022.


31L’article 80 de la LFI pour 2013 a instauré au 1er janvier 2013 un dispositif en faveur
de l’investissement locatif intermédiaire, dit dispositif Duflot, se substituant au
dispositif Scellier qui avait pour objectif de recentrer l’offre de logements sur les zones
tendues et les ménages modestes. Ce dispositif ouvrait droit à une réduction d’impôt
calculée sur le prix de revient des logements neufs ou réhabilités pour atteindre les
performances techniques du neuf, construits dans des zones présentant un déséquilibre
entre l’offre et la demande de logements. Il a été remplacé à compter du 1er septembre
2014 par le dispositif Pinel.

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est une défaillance majeure, rendant significativement complexe le pilotage


et l’évaluation de ces dépenses fiscales.

Les données relatives au marché immobilier sont également


parcellaires et limitées. Les loyers ne sont connus que par les enquêtes
« Loyers et charges » de l’Insee et par des enquêtes ponctuelles réalisées
depuis 2015 par l’Observatoire des loyers, mais dans l’attente de la mise
en place de la base dite GMBI32, il n’existe pas de source statistique
détaillant les loyers à un niveau géographique fin. S’agissant des
transactions, la base de référence DVF33 est incomplète car, en France
hexagonale, elle ne couvre pas l’Alsace-Moselle ; un travail technique
devrait être conduit entre la DGFiP et notamment l’établissement public
d’exploitation du livre foncier informatisé (EPELFI), sous tutelle du
ministère de la justice, auquel est historiquement rattaché le plan cadastral
de ce territoire, pour pouvoir assurer l’exhaustivité de cette source
statistique, qui devrait également faire l’objet d’une expertise approfondie
pour en améliorer la qualité. Sur la vacance enfin, les bases FIDELI et
FILOCOM présentent des divergences qui ne sont pas explicables.

Encadré 9 : L’expertise de sources statistiques relatives au logement

Une expertise de certaines sources fiscales existantes relatives au logement,


en particulier DVF et GMBI, pourrait être menée pour en identifier les limites
et proposer des pistes d’amélioration. Elle pourrait répondre aux questions
suivantes :
 ces données couvrent-elles l’ensemble du territoire ? si certains
territoires sont mal couverts, quelles sont les solutions
envisageables ?
 ces données sont-elles exhaustives ou manque-t-il certains types de
biens34 ?
 les variables essentielles, comme le loyer ou la valeur de marché,
sont-elles fiables ? le contribuable peut-il influer sur cette valeur, en
sous- ou en sur-déclarant ? l’administration a-t-elle les moyens
humains et techniques de s’assurer de cette fiabilité ?

32
« Gérer mes biens immobiliers » ; cette base devrait permettre d’ici quelques années
de fournir une information exhaustive sur les loyers du parc privé, les propriétaires-
bailleurs devant déclarer le montant des loyers payés par les locataires.
33 « Demandes de valeurs foncières », accessible désormais en ligne.
34 Pour les loyers, ces biens absents des données pourraient être les logements loués en

meublé ou les logements sociaux.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 37

 dans quels délais ces données sont-elles disponibles ? sur quel pas
de temps ?
 le processus de collecte des données est-il bien documenté ? existe-
t-il des contrôles qualité au moment de la collecte ?

Cet enjeu central avait été identifié par la Cour des comptes qui,
au regard de la fragilité des données existantes et de la concurrence
progressive des données privées, avait recommandé notamment de
compléter les sources statistiques et d’assurer leur interopérabilité35.
De telles améliorations permettraient notamment une connaissance précise
du « besoin en logement » et une meilleure conduite de la politique du
logement. Les bases ainsi complétées devraient notamment faire l’objet
d’une analyse statistique pour pouvoir s’assurer de leur qualité (cf. encadré
supra).

Recommandation n° 2 : Compléter les bases de données existantes


relatives au logement, notamment à sa fiscalité, et en réaliser
l’expertise statistique.

II - Le lien qui unissait la fiscalité du logement aux


collectivités territoriales s’est distendu

A - Une fiscalité qui pèse dorénavant presque


exclusivement sur les propriétaires

L’approche en « cycle de vie » du logement peut être croisée avec


une approche par type de redevables, de manière à mieux définir sur qui
pèse effectivement la fiscalité du logement au regard notamment des
réformes récentes36.

Cette approche s’appuie d’abord sur les différents parcs de


logements qui existent en France. On distingue trois ensembles

35 Cour des comptes, La production et l’utilisation des données utiles à la politique du


logement,
36 Pour une présentation détaillée des redevables de la fiscalité du logement, se référer

à S. Monteil et M. Roger-Vasselin, La fiscalité du logement et les inégalités, rapport


particulier n° 3, 2023.

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principaux. Le parc public, qui est géré directement par l’Etat ou les
collectivités, n’est pas concerné par la fiscalité du logement, ou à un degré
mineur. Le parc privé regroupe l’ensemble des logements dont le prix (à
l’acquisition) ou le loyer (à la location) résultent d’un rapport entre offre
disponible et demande solvable. Le parc social, enfin, désigne les
logements qui appartiennent à des opérateurs particuliers, organismes
d’habitation à loyer modéré (HLM) ou équivalents. Les loyers y sont
encadrés et l’accès au parc est déterminé par les ressources du ménage. La
réduction de loyer moyenne y était d’environ 225 € par mois en 2020. Le
taux de rotation y est plus faible que dans le parc privé et a tendance à
diminuer : s’il était de 10 % en 2011, il est de 8 % en 2020.

Du point de vue des ménages, le logement peut être occupé en


tant que résidence principale ou secondaire ; s’il n’est pas occupé, on
dit qu’il est vacant. En 2022, 82,1 % du parc des logements ordinaires
sont des résidences principales, 9,8 % des résidences secondaires et 8,2 %
des logements vacants.

Encadré 10 : La notion de « vacance » du logement

Un logement vacant est un logement qui, lors du passage de l’agent recenseur


(pour les recensements de la population) ou au 1er janvier (pour les fichiers
fiscaux), n’est pas occupé, volontairement ou non. On distingue la vacance
frictionnelle, qui est liée en général à la période de temps où le logement est
proposé à la vente ou à la location, et dont la période dépend en général de la
mobilité des ménages et de la zone concernée37, et la vacance structurelle, où
le logement n’a pas d’affectation précise. Dans ce dernier cas, il peut exister
plusieurs raisons : en cas de vétusté, ou en cas de transmission sans volonté du
ménage de le louer par crainte de dégradations ou d’impayés.
En l’absence de source distinguant la vacance frictionnelle entre deux
occupations et la vacance structurelle, on assimile souvent la première à la
courte durée et la seconde à la longue durée, de façon toutefois abusive. En
tout, 45 % des logements vacants le sont depuis moins d’un an, 62 % depuis
moins de deux ans et 71 % depuis moins de trois ans38.

Ces parcs voient coexister différents statuts d’occupation du


logement qui déterminent la situation juridique du ménage et, partant,
le paiement de l’impôt. Le statut de propriétaire définit les ménages

37
Quelques semaines de vacances en zone tendue ; quelques mois sur un marché
détendu.
38 D’après les données d’origine fiscale (exploitation de la base FIDELI).

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 39

propriétaires de leur logement, copropriétaires ou accédants à la


propriété39 ; il peut s’agir d’un propriétaire occupant ou d’un propriétaire
bailleur, c’est-à-dire louant son logement à d’autres personnes. Le statut de
locataire désigne les ménages s’acquittant d’un loyer, quel que soit le parc
auquel appartient leur logement. Enfin, le statut de logé
gratuitement concerne, selon l’Insee, les ménages qui ne sont pas
propriétaires de leur logement et qui ne s’acquittent pas d’un loyer, mais
peuvent payer des charges.

En 2022, il y avait en France pour les résidences principales


17,7 millions de propriétaires occupants, dont un tiers d’accédants
(6,3 millions), et 13,3 millions de locataires, dont 5,6 millions dans le parc
social et 800 000 logés à titre gratuit. La proportion de propriétaires est en
légère augmentation depuis les années 1990, avec environ 46 % du parc de
logements en 2022 contre 44 % en 1992, contre respectivement 34 % et
36 % pour les locataires. Les parts respectives des locataires du parc social
(environ 15 %) et des résidences secondaires (environ 10 %) restent quant
à elles stables sur les trente dernières années40.

En comparaison internationale, la part des propriétaires-


occupants en France est inférieure à la moyenne de l’OCDE, en part
des ménages ou en part des individus. À ce titre, la France occupe une
position intermédiaire entre l’Europe orientale (Roumanie, Pologne,
Slovaquie…) et l’Europe du sud (Espagne, Portugal) où cette part est
supérieure, et l’Europe centrale et du nord (Allemagne, Autriche,
Danemark, Suède) où elle est moindre : si elle est supérieure à 60 % des
ménages ou des individus41 en France, la proportion de propriétaires-
occupants est de 40 à 45 % en Allemagne, soit au moins quinze points de
moins.

Certains individus possèdent plus d’un logement. Ces


multipropriétaires sont plus souvent aisés car le nombre de logements
possédés est fonction du revenu et donc du niveau de vie. En 2020, 60 %
des ménages du dernier décile possèdent au moins deux logements, contre
13 % seulement pour les 50 % des ménages les moins aisés.

39 Un accédant est soumis à des charges de remboursement pour l’acquisition de son

logement.
40 Données SDES pour 2022, Compte satellite du logement, juillet 2023.
41 Selon que l’on applique la définition de l’OCDE ou celle d’Eurostat.

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40 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Graphique n° 6 : Nombre de logements selon le niveau de vie (2021)

80,0 %
60,0 %
40,0 %
20,0 %
0,0 %
1 7 13 19 25 31 37 43 49 55 61 67 73 79 85 91 97

0 logement 1 logement 2 logements


3 ou 4 logements 5 logements ou plus

Source : CPO (données : Insee)

Depuis la réforme de la taxe d’habitation qui a conduit à sa


suppression pour la résidence principale, la fiscalité du logement repose
principalement sur le propriétaire et l’investisseur en logement, qui
seuls sont soumis aux taxes foncières et d’enregistrement ainsi qu’à
l’imposition des revenus immobiliers, des transmissions et du patrimoine.
Le locataire, assujetti historiquement à la taxe d’habitation aujourd’hui
limitée aux résidences secondaires et aux logements vacants, n’est
concerné qu’à la marge par la fiscalité du logement : par la TVA sur les
services de logement au sens du compte satellite du logement,
éventuellement celle pesant sur la rénovation s’il engage des travaux, ainsi
qu’au titre des contributions PEEC ou FNAL (cf. infra).

L’analyse des caractéristiques socio-économiques des propriétaires


et locataires permet de dessiner le profil-type du redevable de la
fiscalité du logement. Les propriétaires sont plus souvent un couple (70 %
des logements) et sont plus âgés que la moyenne, l’accès à la propriété étant
corrélé à l’âge : deux tiers des propriétaires sont âgés de 50 ans ou plus. En
termes générationnels, la situation actuelle de la propriété ressemble
toutefois, toutes choses égales par ailleurs, aux années 1980-1990, à la
nuance près que la proportion de propriétaires chez les 70 ans et plus tend
à augmenter. Le taux de détention de la résidence principale s’est en
revanche maintenu pendant les 30 dernières années pour les tranches
d’âges les plus jeunes (Moins de 30 ans - 30-39) (cf. graphique).

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 41

Graphique n° 7 : Taux de détention de la résidence principale par


classe d’âge (1986-2021)

80 1986
70
1992
60
50 1998
40 2004
30 2010
20 2015
10
2018
0
moins de De 30 à De 40 à De 50 à De 60 à De 70 à 80 ans et 2021
30 ans 39 ans 49 ans 59 ans 69 ans 80 ans plus

Source : CPO, d’après données de l’Insee.

Les propriétaires sont en moyenne plus aisés que les locataires.


Parmi les ménages du premier quintile42, 2/3 ne possèdent aucun logement,
contre 15 % au sein du dernier quartile. Sur les vingt dernières années, le
poids des dépenses de logement dans le revenu des locataires43, s’établit à
environ 20 %. Il a progressé d’environ 4 points, contre 3 points pour les
propriétaires accédants et un peu plus d’un point pour les propriétaires non-
accédants. De manière générale, les ménages à bas revenu sont
surreprésentés parmi les locataires du secteur privé : si 55 % des ménages
en France ont un revenu imposable annuel inférieur à 20 000 €, ils
représentent 65 % des locataires du secteur privé44.

En ce sens, la fiscalité du logement reflète les inégalités de situation,


de patrimoine et de revenus de la société française. Les inégalités sociales,
de genre mais aussi intergénérationnelles démontrent la pertinence de
l’analyse en « cycle de vie » individuel pour comprendre la fiscalité du
logement.

42
Les 20 % de ménages les plus modestes.
43 Parcs locatifs privé et social confondus.
44 SDES, Chiffres clés du logement, 2022.

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42 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Constat n° 4 : La fiscalité du logement repose majoritairement sur le


propriétaire qui est plus souvent un couple, de 50 ans ou plus. Ces
propriétaires sont en moyenne plus aisés que les locataires.

Toutefois, le redevable n’est pas nécessairement celui qui


supporte la fiscalité du logement, car il peut répercuter sur le locataire
tout ou partie de l’imposition, de même que les aides personnelles au
logement peuvent être « captées » par le propriétaire45. Les travaux
manquent toutefois pour évaluer l’ampleur de cette répercussion sur les
locataires, et il faudrait différencier en fonction des impôts concernés46.

On constate en revanche une augmentation importante, depuis vingt


ans, du poids du logement dans les revenus des ménages, ces derniers ayant
moins progressé que les prix des logements47. Ce taux d’effort est
supérieur chez les ménages modestes et les primo-accédants. Selon
l’Insee, le taux d’effort net48 des ménages moyen est de 18 %. Il est plus
élevé chez les locataires du parc privé (28 %), les accédants à la propriété
(27 %) et les locataires du parc social (24 %). Dans tous les cas, le taux
d’effort est négativement corrélé avec le niveau de vie : plus un ménage est
aisé, plus son taux d’effort net en pourcentage du revenu disponible des
ménages est faible. Les écarts sont même très importants : chez les
propriétaires accédants, 57,1 % pour le 1er quartile contre 23 % pour le
quatrième ; pour les locataires du parc privé, respectivement 41,8 % et
19,5 % ; pour les locataires du parc social, 28,7 % et 15 % ; pour les
propriétaires non accédants, 21,7 % et 6,8 %.

Tableau n° 3 : Taux d’effort des ménages selon le statut


d’occupation et le quartile de revenus, après aides au logement (2020)

Quartile de Taux d'effort (en %) Part des taxes


En %
revenu après aides au logement en % du revenu
Propriétaires Q1 57,1 5,5
accédants Q2 32,8 3,3

45 G. Fack, « Pourquoi les ménages à bas revenus paient-ils des loyers de plus en plus
élevés ? », Économie et statistique, 2005
46 Une étude de Davidoff et Leigh en 2013 avait démontré que la hausse de DMTO était

supportée par les vendeurs, si bien qu’elle faisait baisser les prix de l’immobilier.
47 J. Friggit, « Prix de l’immobilier d’habitation sur le long terme », IGEDD, octobre

2023.
48 C’est-à-dire après prise en compte des aides au logement.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 43

Q3 27,7 2,8
Q4 23 2,3
Q1 41,8 1,1
Locataires du Q2 31,2 1,1
parc privé Q3 25,3 1,1
Q4 19,5 0,9
Q1 28,7 1,0
Locataires du Q2 24,8 1,4
parc social Q3 20,7 1,6
Q4 15 1,3
Q1 21,7 6
Propriétaires Q2 13,6 4,4
non accédants Q3 10,3 4,1
Q4 6,8 2,9
Source : Chiffres clés du logement – édition 2022, SDES.

La part de la fiscalité du logement dans le revenu des ménages


reste en revanche faible. Elle dépend d’abord du régime d’occupation.
Elle pèse plus sur les propriétaires que sur les locataires et, au sein de cette
catégorie, plus sur les locataires du parc privé que sur les locataires du parc
social. En revanche, au sein de chaque catégorie, le poids de la fiscalité est
dégressif en fonction du revenu, sauf dans le parc social où les ménages du
premier quartile voient le poids des taxes réduit par rapport aux deux
quartiles suivants (cf. tableau n° 3).

Constat n° 5 : La fiscalité du logement représente une faible part


du coût du logement et affecte peu le taux d’effort net des ménages,
qui reste plus élevé chez les locataires ou les accédants à la propriété
que chez les autres propriétaires.

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44 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

B - Des collectivités territoriales toujours premières


bénéficiaires, mais dans une moindre proportion
qu’auparavant

La fiscalité du logement finance à titre principal en France les


collectivités territoriales. Non seulement près de la moitié de son
rendement leur est affectée, mais le produit des taxes qui la composent
représente également la part majoritaire de leurs ressources fiscales.

Graphique n° 8 : Répartition par affectataires des prélèvements sur


le logement en 2018 et en 2021

Source : CPO.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 45

La part de la fiscalité du logement dans le panier fiscal des


collectivités a toutefois été réduite ces dernières années. Avec la réforme
de la taxe d’habitation (cf. encadré), les prélèvements sur le logement sont
passés de 42 % des ressources fiscales des collectivités en 2020 à 29 % en
2021. Cependant, il convient de remarquer que l’exposition à la réforme de
la taxe d’habitation est différente selon les communes. Si en moyenne les
foyers au sein d’une commune acquittaient environ 2,36 % de leurs
revenus en taxe d’habitation, 25 % des communes avaient un effort des
foyers représentant en moyenne 1,25 % de leurs revenus en taxe
d’habitation et 25 % d’entre elles avaient un effort de 3,53 % de leurs
revenus. La dispersion de cet effort dépendait notamment de la taille des
unités urbaines, mais également de leur répartition géographique.

Encadré 11 : La réforme de la taxe d’habitation (2018-2023)


La réforme de la taxe d’habitation (TH)49 a conduit à sa suppression sur les
résidences principales pour l’ensemble des contribuables. Elle a été mise en
œuvre par étape entre 2018 et 2023 :
 pour les 80 % des ménages les plus modestes, par une réduction de
30 % (2018), 65 % (2019), puis 100 % (2020) ;
 pour les 20 % restants, selon un même rythme, de 2021 à 2023.
Dans le même temps, un gel du taux de la taxe d’habitation a été décidé
entre 2020 et 2022, afin d’éviter tout effet d’aubaine de la part des collectivités
cherchant à taxer davantage les propriétaires encore non exonérés de la taxe
d’habitation.
Cette réforme s’est accompagnée d’une refonte du financement des
collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre pour assurer une
compensation intégrale et dynamique dans le temps de la suppression de la TH,
avec :
 la création de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires
(THRS) ;
 le transfert aux communes de la part départementale de la TFPB à
compter de 2021 ;
 une compensation par des abondements (communes), éventuellement
au titre du fonds de sauvegarde (départements), l’affectation de part
de TVA (EPCI et Paris, départements) ou des dotations
supplémentaires (régions).

L’incidence de cette réforme a été différenciée en fonction des


échelons concernés. Malgré le poids historique de la TH pour leur

49
Elle représentait une recette de 23,4 Md€ en 2016, affectée aux collectivités.

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46 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

fonctionnement, les communes ont enregistré une réduction limitée du


produit des taxes sur le logement dans leurs ressources, celui-ci en
représentant toujours la part majoritaire du fait de la compensation de la
réforme par l’affectation de la part départementale de TFPB. La chute est
plus marquée pour les EPCI, pour lesquelles la TH a été compensée par
une affectation de TVA. Il en est de même, dans une moindre mesure, pour
les départements, du fait du transfert de TFPB.

Graphique n° 9 : Part de la fiscalité du logement dans les produits


fiscaux des collectivités territoriales et par niveau de collectivités en
2021 (en %)

70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
2016 2017 2018 2019 2020 2021

Toutes collectivités Communes EPCI Départements

Source : CPO.

L’étude de l’IPP50 consacrée à la réforme de la taxe d’habitation


à la demande du CPO met en évidence la forte hétérogénéité des
situations des communes du fait de la composition de leur population.
Elle fait aussi ressortir que la suppression de la taxe d’habitation sur les
résidences principales n’a pas eu d’effet sur le niveau de la taxe foncière
(voir également infra constat n°12).

Pour autant, la question est moins celle de la dépendance des


collectivités à l’égard de la fiscalité du logement que de la volatilité de

50
IPP, « Évaluation de la réforme de la taxe d’habitation », décembre 2023.

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l’assiette de certaines impositions. Au-delà de leurs effets négatifs sur les


politiques de la mobilité résidentielle et professionnelle (cf. chap. II), les
DMTO, très dynamiques sur longue période, constituent néanmoins une
ressource fiscale difficilement prévisible, à l’évolution contrastée selon les
territoires et largement soumise à des retournements cycliques et à des
chocs économiques annuels. Au regard des missions sociales contra-
cycliques des départements à qui ils sont principalement affectés, qui
exigent une plus grande stabilité des financements, la Cour des comptes
avait ainsi proposé de transformer les DMTO en imposition nationale,
affectée au bloc communal, en la répartissant en fonction des charges et
non plus de la localisation des transactions immobilières51.

Sans se prononcer dans le cadre du présent rapport sur les


modifications des affectations de fiscalité locale aux collectivités
territoriales qui pourraient être proposées, le CPO relève que toute réforme
d’ampleur de la fiscalité du logement doit prendre en compte la question
des ressources fiscales des collectivités.

Constat n° 6 : La fiscalité du logement est une ressource essentielle des


collectivités territoriales, si bien que toute réforme d’ampleur doit
prendre en compte les effets sur les moyens financiers des collectivités,
pour les neutraliser.

Enfin, parmi les autres affectataires de la fiscalité du logement


figurent des opérateurs, à hauteur de 5 % du rendement, comme
Action Logement à qui revient la PEEC, ou le Fonds national des aides au
logement (cf. encadré).

Encadré 12 : Les opérateurs affectataires de la fiscalité du logement

La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), est


couramment désignée comme le « 1 % logement » bien que le taux appliqué
à la masse salariale des entreprises de plus de 50 salariés ait progressivement
été abaissé à 0,45 %. Elle a été créée en 1953 dans le contexte de la
reconstruction du pays et du développement du parc immobilier social. Faute
de versements, les entreprises assujetties s’exposent à une cotisation fiscale
plus élevée, à hauteur de 2 % de leur masse salariale. Ce dispositif original
au regard des autres pays établit un lien entre politique de l’emploi et
politique de la mobilité résidentielle.

51
Cour des comptes, Les scénarios de financement des collectivités territoriales, 2022.

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Cette ressource est affectée au groupe Action Logement qui, à travers sa


filiale Action Logement Services (ALS), en assure la collecte et l’utilise
principalement pour la construction et la réhabilitation des logements
sociaux. Pour le présent rapport, elle est assimilée à un prélèvement fiscal,
bien qu’en comptabilité nationale elle soit regardée comme un prélèvement
obligatoire ayant la nature d’une recette non fiscale.
Le Fonds national des aides au logement (FNAL), instauré en 1977, est
également financé par une cotisation des employeurs, pour 2,6 Md€ en 2021.
C’est lorsque le taux est passé de 0,1 % de la masse salariale à 0,5 %, en
1991, que le « 1 % Logement » a été réduit en contrepartie. Autrefois financé
en partie par la PEEC, le FNAL a vu ses circuits budgétaires rationalisés en
2022. Ses recettes, prélevées par les Urssaf, lui permettent de financer
exclusivement des aides individuelles au logement. Du point de vue juridique
et de la comptabilité nationale, la contribution au FNAL est bien considérée
comme une imposition de toute nature52.

C - Un pouvoir de taux des collectivités qui s’est réduit

Principales bénéficiaires de la fiscalité du logement, les


collectivités territoriales jouent également un rôle dans la
détermination des taux, voire des assiettes, des taxes qui s’y rattachent,
collectés par l’administration fiscale nationale. La France correspond à ce
titre au cas le plus classique en Europe (cf. encadré).

Encadré 13 : Fiscalité du logement et rôle des collectivités en Europe

Dans l’immense majorité des cas européens, voire de l’OCDE, les impôts
récurrents sur la propriété immobilière sont des recettes locales. Toutefois,
les collectivités n’ont pas toujours un rôle établi dans la modification de cette
fiscalité ou dans leur collecte. Il convient de distinguer plusieurs modèles de
pays, selon le degré d’intervention des collectivités :
 Les pays où la fiscalité foncière est centralisée : Suède, Grèce ou
Chypre par exemple ;
 Les pays où les collectivités territoriales, bien que bénéficiaires,
ne jouent pas de rôle dans la détermination de l’impôt foncier :
Irlande ;

52 Conseil constitutionnel, Décision n° 2014-706 DC, 18 décembre 2014, Loi de

financement de la sécurité sociale pour 2015.

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 Les pays où les collectivités peuvent copiloter les taux de fiscalité


foncière, l’administration centrale fixant en général un corridor
d’imposition : Finlande, République tchèque, Espagne ; dans les
pays fédéraux comme l’Allemagne, ou à dévolution comme le
Royaume-Uni, ce copilotage fait intervenir différents échelons de
collectivités ;
 Les pays où le rôle des collectivités s’étend également aux
allègements et exonérations : Italie (mais la collecte est nationale),
Portugal, Lituanie ;
 Les pays où les collectivités sont pilotes, collecteurs et
bénéficiaires : Pays-Bas, Pologne, Autriche.
S’agissant de la fiscalité des transactions, les collectivités déterminent les
taux et assurent la collecte dans les pays fédéraux ou quasi-fédéraux
(Allemagne, Belgique, Espagne, Royaume-Uni par exemple). Dans les autres
pays, les impositions concernées sont en général calibrées par l’État, et les
cas où les collectivités en sont bénéficiaires, entièrement (Croatie, Pologne,
Slovénie) ou partiellement (Autriche, Italie), est moins fréquent.

Avec la réforme de la TH, les pouvoirs de taux des impositions


locales ont significativement évolué, au point de conférer au taux de la
TFPB le rôle de « taux pivot », en remplacement de la TH. En effet, le
code général des impôts53 prévoit que, pour fixer les taux d’imposition des
taxes locales (TFPB, TFPNB, THRS et CFE), les communes et les EPCI à
fiscalité propre ont la faculté de les faire varier dans une même proportion
(« variation proportionnelle »), ou de les moduler différemment
(« variation différenciée »). Dans ce dernier cas, les taux des TFPNB,
THRS et CFE ne peuvent varier de manière trop différenciée par rapport à
celui de la TFPB.

Constat n° 7 : La fiscalité du logement en France est en partie


déterminée par les collectivités territoriales, mais la réforme de la taxe
d’habitation a fortement réduit leur pouvoir de taux.

53 Article 1636 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 1er

janvier 2023.

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III - Les disparités territoriales croissantes en


matière de fiscalité du logement appellent des
aménagements

A - La fiscalité du logement, notamment foncière,


entretient de fortes disparités entre territoires

Le pouvoir des collectivités sur la fiscalité du logement, bien que


dorénavant plus limité, emporte de fortes conséquences sur les
disparités entre territoires.

Les travaux de M. André et O. Meslin54 ont mis en évidence que


les taxes foncières en France, au profil globalement progressif en
fonction du niveau de vie, étaient régressives sur les propriétaires et
pesaient davantage sur les plus modestes d’entre eux. En effet, la part
de la TFPB dans le patrimoine immobilier brut décroît en fonction de ce
patrimoine : supérieure à 0,5 % pour les ménages au patrimoine immobilier
le plus faible, elle décroît au sein du dernier « décile » de patrimoine pour
s’établir à 0,18 % en moyenne pour le « top 0,1 % » du patrimoine
immobilier. De ce fait, le taux d’effort des ménages imposables à la TFPB
décroît en fonction du niveau de vie.

Ce profil régressif de la taxe foncière est dû à la conjonction de deux


phénomènes : d’une part, les logements les plus chers appartiennent
principalement aux ménages ayant les patrimoines immobiliers les plus
élevés ; d’autre part, le taux d’imposition des logements décroît fortement
avec leur valeur de marché.

54 O. Meslin, « Étude des propriétés redistributives de la taxe foncière sur les propriétés

bâties », novembre 2023, repris par M. André et O. Meslin, « Les ménages au


patrimoine immobilier le plus élevé paient relativement moins de taxe foncière que les
ménages les moins dotés », Insee analyses, décembre 2023.

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Graphique n° 10 : Taux d’imposition du patrimoine immobilier des


ménages par millième de patrimoine immobilier brut

Note de lecture : Parmi les ménages proches du 600ème millième de patrimoine


immobilier brut, la taxe foncière brute représente environ 0,42 % de la valeur du
patrimoine immobilier imposé ; la taxe foncière nette en représente environ 0,40 %.
Les 420 premiers millièmes ne sont pas représentés car il s’agit de ménages qui n’ont
pas de patrimoine immobilier brut. Les parts moyennes sont représentées en pointillés
Source : M. André, O. Meslin (2023).

Il est également très différent en fonction de la zone


géographique concernée. Il est près de deux fois inférieur à Paris qu’en
Seine-Saint-Denis (cf. graphique), ce qui illustre un « effet taux » : les
ménages qui possèdent les patrimoines immobiliers les plus élevés résident
dans les localités où le taux de taxe foncière est, en comparaison, plus
faible. À cet égard, la hausse de taxe foncière observée en 2023 à Paris, a
pour effet de réduire ces disparités, même s’il était principalement motivé
par des considérations budgétaires internes.

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Graphique n° 11 : Taux d’effort des ménages imposables en région


parisienne, par lieu de résidence

Note de lecture : La taxe foncière acquittée par les ménages imposables à cet impôt et
résidant dans Paris représente en moyenne moins de 1,5 % de leur revenu disponible.
Cette part est supérieure à 2,5 % dans la plus grande partie de la Seine-Saint-Denis, et
supérieure à 3,5 % dans certaines communes
Source : M. André, O. Meslin (2023).

Selon cette même étude, le taux d’imposition des logements varie de


manière considérable selon les territoires. Il est d’autant plus faible que la
densité de population est élevée. Des espaces peu denses de l’Est (Meuse,
Vosges), du centre (Indre, Creuse, Corrèze, Dordogne) et du sud de la
France (Aude, Lot-et-Garonne) ont un taux d’imposition des logements
élevé (supérieur à 0,5% de la valeur des logements), alors que les espaces
proches des grandes agglomérations ont un taux d’imposition des
logements proche de ou légèrement supérieur à la moyenne (Picardie,
Normandie, Ile-de-France hors région parisienne, Bretagne rurale, vallée
du Rhône). Les grandes agglomérations et le littoral sont généralement
associés à un taux d’imposition inférieur à la moyenne nationale. On
observe aussi dans les agglomérations une opposition forte entre les
quartiers centraux où les prix immobiliers sont élevés et le taux

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d’imposition des logements est faible et les zones périphériques où la


situation est rigoureusement inverse (0,3% autour de la place du Capitole
à Toulouse contre plus de 1,0 % dans le quartier du Mirail, 0,26% dans le
7ème arrondissement de Marseille contre 0,63 % dans le
3ème arrondissement où le taux de pauvreté dépasse 50 %).

Constat n° 8 : La fiscalité foncière en France présente un profil


régressif en fonction du niveau de vie des propriétaires, les patrimoines
immobiliers les plus importants se situant dans les localités aux taux
de taxe foncière plus faibles.

B - Une réforme de l’assiette de la fiscalité foncière


pourrait améliorer la cohérence avec les réalités
économiques locales

Ces disparités ont principalement pour origine l’assiette de la


fiscalité du logement, les valeurs locatives cadastrales (VLC), qui est
largement déconnectée de la valeur locative de marché (« effet
assiette »). Inscrites sur les documents cadastraux, les VLC sont censées
refléter le loyer théorique annuel que le bien, local professionnel ou local
d’habitation, serait susceptible de générer. Or, s’agissant des logements,
elles ont été définies en 1970 et peu actualisées depuis. Ce cas n’est pas
isolé en Europe puisque d’autres pays ont assis leur fiscalité foncière sur
des bases cadastrales aujourd’hui obsolètes, comme le Luxembourg (les
bases datent de 1941), l’Autriche (1973), la Belgique (1975) ou encore le
Royaume-Uni (1991).

Depuis les années 1970, les écarts entre VLC et valeur locative
réelle en France se sont même accrus entre communes, conduisant à un
renchérissement de l’impôt pour des territoires pourtant en pertes
d’attractivité. Par ailleurs, les VLC ne permettent pas d’imposer le prix de
l’actif, mais uniquement le flux (le loyer), si bien qu’il n’est pas tenu
compte de l’évolution du prix du foncier : alors que l’écart entre les VLC
moyennes à Paris et à Lens est resté similaire, le prix du foncier a
proportionnellement davantage augmenté dans la première que dans la
seconde depuis cinquante ans, sans que les VLC n’en rendent compte. Ce
large décrochage par rapport au prix des terres, dont la valeur cumulée

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serait près de quatre fois supérieure au PIB de la France en 202155, et qui


devrait continuer à augmenter du fait de l’objectif de « zéro
artificialisation nette », renforce les inégalités en avantageant les
propriétaires de logement où le foncier a le plus augmenté.

Surtout, la méthode de calcul même des VLC, c’est-à-dire les


règles procédurales appliquées aux données estimées du niveau des
loyers par zone, fondée sur une notation censée refléter l’état du bien
et des aménités qu’il propose, tend à favoriser des zones aujourd’hui
riches. Ainsi, pour Paris, qui présentait dans les années 1970 un habitat
ancien dégradé, l’absence de révision des VLC n’a pas permis de prendre
en compte les rénovations importantes intervenues depuis lors. À l’inverse,
un département comme la Seine-Saint-Denis, où les grands ensembles
étaient alors vus comme le parangon de la modernité, a une note plus basse,
correspondant à un habitat de meilleure qualité (cf. cartes suivantes), ce qui
alourdit la charge fiscale des contribuables qui y résident. L’augmentation
des taxes foncières, tirée par la revalorisation nationale annuelle des bases
des VLC en fonction de l'indice des prix à la consommation harmonisé, ne
réduit pas cet écart.

55 O. Bonnet, G. Chapelle, A. Trannoy et É. Wasmer, “Land is back, it should be taxed,


it can be taxed”, European Economic Review, 2021.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 55

Image n° 1 : Distribution des moyennes de notations VLC en France


et en Île-de-France (2022)

Note de lecture : une note supérieure est censée correspondre à un habitat en moins
bon état et à une VLC inférieure.
Source : CPO, d’après données DGFiP.

Encadré 14 : Méthode de calcul des VLC

La valeur locative cadastrale fait l’objet d’un calcul incrémental complexe


visant à appliquer à la surface réelle du bien, incluant salles d’eau, garages,
buanderies, caves, greniers et terrasses, un coefficient de pondération :
 entre 1,05 et 2,6 pour les 20 premiers m2 d’un appartement, et entre
1,1 et 3 pour une maison, selon la catégorie du bien (catégorie de 1
à 8, de « somptueux » à « délabré ») ;
 0,9 pour les m2 compris entre 21 et 350 ;
 0,75 pour les m2 suivants.
Un correctif est appliqué, avec un coefficient d’entretien compris entre 0,8
si le bien nécessite de lourdes réparations et 1,2 s’il n’en est pas besoin, et un
coefficient de « situation » générale. Plusieurs aménités du logement, qui en
réhaussent la qualité, jouent un rôle dans la notation, notamment la présence
d’un ascenseur, mais également d’un vide-ordures, d’une baignoire ou de
l’eau courante, ces derniers éléments s’ajoutant pour obtenir la « surface
pondérée nette ».

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Les VLC ont été actualisées en 1980 au niveau départemental, puis


uniquement au niveau national au moyen d’un coefficient d’actualisation
forfaitaire unique fixé chaque année. Depuis la loi de finances pour 2018, ce
coefficient se réfère à l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)
publié par l’Insee au mois de novembre précédant la taxation. En 2023, le
coefficient de revalorisation forfaitaire a été fixé à 1,071, soit une hausse
forfaitaire de 7,1 % de la base de calcul des propriétés bâties et non bâties
(hors locaux professionnels).

Constat n° 9 : L’assiette de la fiscalité foncière est largement


décorrélée de la réalité des loyers, de la valeur marchande des
logements ainsi que du prix de la terre.

La nécessité de réformer les VLC est bien identifiée par les


pouvoirs publics (cf. encadré). Au-delà des effets redistributifs négatifs
d’une telle obsolescence, la situation actuelle conduit à une perte de
recettes fiscales pour les collectivités, et implique une répartition inefficace
des logements puisqu’elle encourage les propriétaires à rester dans des
logements sous-évalués. Au regard des caractéristiques de la taxe foncière,
une telle révision permettrait une redistribution des ménages les plus aisés
vers les moins aisés56. Un rapport doit être remis au Parlement d’ici 2026
permettant de mieux connaître les conséquences sur les collectivités et les
contribuables de cette réforme.

Encadré 15 : La réforme des VLC des locaux d’habitation

Les valeurs locatives cadastrales doivent être revues depuis plusieurs


années. La loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 posait le principe d’une réforme
générale des évaluations cadastrales mais, au regard des transferts entre
contribuables qui en auraient résulté, cette dernière n’a pas été mise en
œuvre. De même, la loi de finances rectificative pour 201357 avait prévu une
nouvelle révision, mais la méthodologie proposée par la DGFiP à l’issue
d’une expérimentation dans cinq départements n’a pas été retenue.

56 Institut des politiques publiques (IPP), G. Chapelle, B. Fabre et C. Lallemand,


« Révision des valeurs locatives sur les locaux d’habitation : une évaluation sur grandes
agglomérations », décembre 2020.
57 Loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013, art. 74.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 57

En parallèle, la révision des bases locatives cadastrales des locaux


professionnels et commerciaux, décidée en 2010, a été mise en œuvre en
sept ans : de nouveaux paramètres d’évaluation ont été définis pour les
3,6 millions de locaux concernés, accompagnés de mécanismes atténuateurs
évitant une trop grande déstabilisation des contributions acquittées.
Sur le modèle de la réforme des locaux professionnels, une nouvelle révision
des valeurs locatives cadastrales des locaux d’habitation a été enclenchée par
la loi de finances pour 2020, mais la réforme a été reportée de 2026 à 2028
par la loi de finances pour 202358 ce qui, selon la Cour, « fragilise les
fondements des taxes foncières et nuit à l’équité de traitement entre
contribuables »59.
Les autres pays européens rencontrent des difficultés similaires pour
réviser leurs bases cadastrales. Les contraintes d’acceptabilité, du fait de
l’augmentation de la charge fiscale des contribuables, ont conduit le
Danemark et l’Irlande à ne prendre en compte que graduellement les valeurs
révisées, en parallèle d’une refonte globale de la propriété immobilière
prévoyant la baisse concomitante des taux. En Allemagne, la révision a été
plusieurs fois différée ; dans sa dernière mouture, elle prévoit dès 2025 une
obligation de mise à jour de l’assiette sur la base de la valeur marchande des
biens au 1er janvier 2022.
Le rapport rendu lors de l’expérimentation de 2014-2015 permet de
dégager trois principes majeurs pour une telle révision :
 premièrement, un coefficient de neutralisation doit être mis en place
pour assurer la stabilité fiscale pour les collectivités ;
 deuxièmement, la révision de bases doit être lissée dans le temps
pour étaler les transferts et l’augmentation des bases ;
 enfin, la révision doit être plafonnée pour diminuer par deux l’écart
entre la situation antérieure et la situation revue.

Les orientations retenues pour la révision des VLC ne semblent


toutefois pas pouvoir assurer la cohérence fine de l’assiette de la
fiscalité du logement avec la valeur économique des biens. Les
modalités de mise à jour des VLC seront globalement identiques à celles
qui existent aujourd’hui : les coefficients de revalorisation,
vraisemblablement appliqués par grande catégorie de biens ou de zones
géographiques, ne pourront pas refléter l’hétérogénéité des évolutions des
prix de marché.

58 Loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, article 106.


59 Cour des comptes, Les taxes foncières, Observations définitives, 2023.

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58 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Encadré 16 : Pistes de réflexion pour le choix d’une assiette foncière


idéale

Les travaux de comparaison internationale montrent qu’il existe une grande


diversité de pratiques en matière de définition et de mesure des assiettes
foncières, sans qu’aucune ne s’impose de manière évidente. Il paraît donc
raisonnable de conduire la réflexion sur l’assiette foncière en posant comme
principe qu’une assiette adaptée à la fiscalité foncière est celle qui vérifie en
pratique les trois conditions suivantes principales :
 elle est une mesure économiquement pertinente de la capacité
contributive ;
 elle peut être estimée facilement et avec peu de risque de
contestation ;
 elle peut être mise à jour régulièrement et à moindre coût.
Appliquée à la situation actuelle du logement en France, ces conditions
amènent à se demander si :
 la mesure économique pertinente de la capacité contributive est le
loyer (valeur locative) ou le prix du bien (valeur de marché ou
valeur vénale), voire le prix de la terre (valeur du foncier sous-
jacent) ;
 l’assiette est effectivement mesurable, c’est-à-dire s’il existe des
sources statistiques pour les loyers ou les prix de marché
suffisamment fiables et détaillées et si l’estimation peut être réalisée
pour l’ensemble des biens immobiliers, y compris ceux pour
lesquels l’information n’est pas observable directement ;
 l’administration fiscale a les moyens, sans investissements lourds,
d’actualiser cette assiette régulièrement et au plus juste, au regard
des fluctuations du marché immobilier.

Or, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences


principales, qui justifiait la référence aux valeurs locatives, pourrait
conduire à définir d’autres modalités de définition d’assiette, comme
la taxation à la valeur vénale (cf. encadré). Cette modalité présente
l’avantage de mieux refléter la valeur de marché si bien que l’imposition
aurait un effet régulateur sur les prix en cas de bulle immobilière. Par
ailleurs, cette réflexion est cohérente avec la mise en place de l’IFI (cf.
supra), qui considère l’immobilier non plus comme un fait générateur
d’imposition, mais bien comme un actif. Enfin, les collectivités seraient
davantage en mesure de capter, au moins partiellement, les rentes foncières
induites par l’amélioration des services publics locaux (voirie et desserte
de transports publics, présence d’écoles…). Toutefois, cette modalité a été
exclue par la DGFiP. Celle-ci oppose d’abord des obstacles techniques :
les estimations des valeurs vénales sont nécessairement imprécises

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 59

contrairement aux loyers puisque les biens sont mis sur le marché tous les
19 ans en moyenne. En outre, la plus grande volatilité des valeurs vénales
implique des difficultés de financement pour les collectivités et, pour les
ménages, des effets potentiellement déstabilisants.

L’option de la taxation à la valeur vénale ne saurait cependant


être complètement écartée, sauf à ce que des travaux techniques
approfondis aient conclu à son absence de faisabilité ou à la supériorité
objective de la taxation à la valeur locative. Les progrès accomplis par
la DGFiP dans la déclaration préremplie de l’impôt sur le revenu et dans la
fiabilisation des données physiques relatives aux biens immobiliers laissent
entrevoir la possibilité pour l’administration fiscale de mener cette révision
d’ampleur. Il faudrait toutefois, soit que les données DVF soient
généralisées sur l’ensemble du territoire français (cf. supra), y compris
DROM-COM, après expertise et fiabilisation, et associées à des règles
cohérentes, soit que l’administration fiscale s’approprie un outil comme les
modèles de valorisation automatisée des biens (dits « AVM ») permettant
d’estimer les valeurs foncières, vénales ou locatives (cf. encadré).

Encadré 17 : Les modèles de valorisation automatisée des biens


immobiliers, dits « AVM »

Les modèles de valorisation automatisée des biens immobiliers, souvent


décrits sous l’acronyme anglais AVM (automated valuation model), ont été
développés par des acteurs privés des secteurs financiers et immobiliers afin
d’estimer rapidement et à moindre coût la valeur de marché des logements
avec un degré de fiabilité satisfaisant. Les instituts nationaux statistiques ont
commencé à utiliser des méthodes statistiques inspirées des AVM pour
évaluer le patrimoine immobilier des ménages60.
Derrière la diversité de ces modèles, le principe est le même : pour estimer
la valeur d’un logement répondant à des caractéristiques données
(localisation, surface, équipements…) à une date donnée, un algorithme
recherche dans une base de données de transactions immobilières des
logements vendus à une date proche et présentant des caractéristiques
similaires, puis restitue une estimation fondée sur les prix auxquels ces
logement ont été vendus (par exemple le prix moyen). Si rien ne fait obstacle
à l’utilisation des AVM pour l’estimation du loyer potentiel d’un logement,
c’est presque exclusivement pour la valeur de marché qu’ils sont employés.

60
M. André et O. Meslin, « Le bonheur est dans le prix : Estimation du patrimoine
immobilier brut des ménages sur données administratives », document de travail Insee,
décembre 2023.

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60 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les AVM présentent trois avantages principaux : leurs estimations, fondées


sur les transactions observées, reflètent la réalité du marché immobilier ; leur
précision et par voie de conséquence leur marge d’erreur, peuvent être
mesurées ; les estimations réalisées peuvent être mises à jour facilement et à
moindre coût.
Toutefois, le fonctionnement interne complexe des AVM peut les rendre peu
transparents. Par ailleurs, leur utilisation dépend de bases de données sur les
transactions immobilières à la fois de bonne qualité et représentatives du
marché immobilier.

Une objectif plus ambitieux consistant à taxer le terrain plutôt


que le bâti pourrait être poursuivi, même si en pratique, du fait des
difficultés à les distinguer, les pays développés taxent dans le même temps
les deux61. L’OCDE avait ainsi formulé la proposition de développer un
« impôt foncier à taux fractionné », à un taux d’imposition plus élevé sur
la valeur du foncier que sur celle de l’aménagement, pour favoriser le
développement de villes plus compactes62. Partant du constat que la
fiscalité ne s’était adaptée ni à l’augmentation continue de la part de la
richesse immobilière par rapport au revenu, ni à la croissance continue de
la valeur de la terre, A. Trannoy et É. Wasmer63 observent que la valeur
cumulée des terres est près de quatre fois supérieure au PIB de la France
en 2021 et que 1,5 % du territoire concentrerait 85 % de la valeur. Il en
résulte une base fiscale potentielle extrêmement concentrée, même si elle
est en réalité associée à une faible capacité contributive puisque ces actifs
fonciers ne sont pas liquides. Ce renchérissement de la valeur de la terre ne
pourra qu’augmenter avec la mise en place de l’objectif zéro
artificialisation nette. Ils proposent en conséquence une fiscalité plate et
uniforme sur le terrain, pénalisant davantage la rente que l’effort (la
rénovation, l’amélioration du logement, etc.) et incitant à la densification.

Si la procédure de révision des bases cadastrales tend à


conforter la taxation à la valeur locative, il est toutefois possible
d’améliorer les méthodes de calcul. Il serait par exemple possible a
minima de tirer parti des possibilités offertes par l’intelligence artificielle,
et déjà exploitées par la DGFiP dans le programme « foncier innovant »,

61 Dans le cas des VLC, on peut considérer que sont pris en compte, d’une part le loyer
du logement proprement dit, d’autre part le loyer de la superficie du terrain sur lequel
il se trouve.
62 OCDE, Rethinking Urban Sprawl Moving Towards Sustainable Cities, 2018.
63 A. Trannoy et É. Wasmer, Le grand retour de la terre dans les patrimoines, 2022.

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pour l’actualisation des bases cadastrales : les données disponibles en ligne


(plateformes, sites de location…) pourraient enrichir les informations
connues pour mieux évaluer le confort du logement (baignoire, ascenseur,
terrasse…) ainsi que sa situation géographique (« front de mer », présence
de commerces, etc.) et ainsi rendre davantage cohérente l’assiette de la
fiscalité du logement avec la valeur du logement. De manière plus
ambitieuse, la source statistique « GMBI » (cf. supra), dans laquelle les
propriétaires bailleurs devront déclarer le montant des loyers payés par les
locataires, pourrait être utilisée à cette fin, pour calculer des loyers au mètre
carré à un niveau géographique fin et renforcer le lien entre les VLC et les
loyers de marché. Cette source pourrait même être utilisée pour construire
un modèle d’estimation automatisée de la valeur locative des logements en
utilisant les modèles AVM.

Une méthodologie prenant davantage en compte le prix du


terrain par rapport au bâti a été développée par l’Agence nationale
pour l’information sur le logement (ANIL). Elle s’appuie sur une base
de données recensant les loyers de plus de 7 millions de logements et des
indicateurs permettant d’estimer, à l’échelle d’une commune, les loyers
(charges comprises) par m2, selon la localisation et le type de bien
immobilier ; il en résulte une estimation du prix des loyers par zone
homogène, dont l’actualisation est plus aisée que celle des VLC actuelles.

Face à ces défis structurants pour la fiscalité foncière, le CPO


insiste sur la nécessité de ne pas exclure par principe une modalité
particulière de détermination de l’assiette, et de tirer profit des outils
existants et des sources statistiques disponibles et à venir pour adapter les
taxes foncières aux réalités économiques locales.

Recommandation n° 3 : Revoir la méthodologie d’estimation de


l’assiette de la taxe foncière pour établir un lien plus direct et
facilement actualisable avec les loyers ou les prix de marché.

C - La taxation des logements vacants pourrait être


étendue

L’existence de plusieurs zonages, permettant d’identifier la


tension entre offre et demande, est un fait majeur de la politique du
logement en France. Pour la fiscalité, ces zones différentes (cf. encadré)
ouvrent droit à des prélèvements obligatoires particuliers (TLV et
majoration de la THRS) et à des dispositifs fiscaux dérogatoires.

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Encadré 18 : Les zonages de la politique du logement en France

Trois principaux zonages existent : le zonage dit 123, le zonage dit ABC,
et le zonage « zones tendues », dit également TLV, car relatif au champ
d’application de la taxe sur les logements vacants. Ces zonages diffèrent :
 le zonage 123, créé en 1978, permet de moduler les allocations
logements et de fixer les plafonds de loyers des logements PLUS et
PLAI pour tenir compte des écarts entre les loyers de marché et les
revenus des ménages.
 le zonage ABC, créé en 2003 et régi par le code de la construction
et de l’habitation, établit cinq zones géographiques (A bis, A, B1,
B2 et C) en fonction du déséquilibre local entre offre et demande de
logements, par ordre décroissant de tension sur le marché privé. Il
est utilisé pour l’éligibilité aux dispositifs d’investissement locatif
(Pinel, locatif intermédiaire) et d’accession à la propriété (PTZ,
TVA à taux réduit en zone ANRU, etc.), et peut moduler les valeurs
des plafonds de loyers, de ressources et de prix pour d’autres
dispositifs (Denormandie, Loc’Avantages ou loyers des logements
sociaux financés en PLS).
 le zonage TLV a été créé en 1998 et refondu par le décret n° 2013-
39264. Il définit une liste de communes, marquées par une aire
urbaine supérieure à 50 000 habitants, un net déséquilibre entre
offre et demande et des difficultés pour l’accès au logement, où
s’applique la TLV. Son champ a été élargi en 2023 aux territoires,
notamment de montagne et littoraux, soumis à la pression des
résidences secondaires65.

64 Décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d’application de la taxe annuelle


sur les logements vacants (TLV).
65 Décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013

relatif au champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants institué par
l’article 232 du code général des impôts.

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Tableau n° 4 : Éligibilité selon le zonage des dépenses fiscales liées à


l’investissement immobilier

Dispositif A A bis B1 B2 C
Scellier
Duflot
Pinel
Borloo
Besson
Loc’Avantages
Louer Abordable
PTZ
Denormandie
Note de lecture : en grisé si le dispositif est éligible dans la zone concernée, en blanc
dans le cas contraire
Source : CPO.

Ces zonages sont peu cohérents par rapport aux territoires, et


entre eux. Ils sont mis à jour de manière irrégulière, en 2005 et sur un
territoire restreint pour le zonage 123, en 2022 de manière très partielle
pour le zonage ABC. La coexistence de plusieurs notions de « zones
tendues » est source de complexité : 3 669 communes, pourtant tendues,
étaient exclues du décret n° 2013-392 et n’étaient donc pas concernées par
la TLV.

Image n° 2 : Communes tendues en zonage ABC mais exclues du


zonage TLV (2022)

Source : CPO

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64 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

L’extension du décret TLV intervenue en 2023, portant le nombre


de communes soumises à la TLV de 1 138 (11,7 millions de logements en
2019 dont 0,8 million vacants) à 3 697 (16,4 millions de logements dont
1,1 million vacants), n’a toutefois pas permis de résoudre toutes les
incohérences entre zonage ABC et zonage TLV. Certaines communes
classées A, comme Rambouillet ou Fontainebleau, sont hors du champ de
la TLV. C’est le cas également d’une grande partie du Genevois français.
Dans ces territoires, les communes ont la possibilité d’instituer la taxe
d’habitation sur les logements vacants depuis plus de deux ans (THLV),
appliquée aux cas de vacance volontaire.

Les effets de ces dispositifs sur la remise sur le marché des


logements vacants ne sont pas certains dans leur configuration
actuelle. Au-delà de la difficulté réelle pour les acteurs locaux d’identifier
les logements concernés et leurs propriétaires, le taux de vacance de courte
et moyenne durée est en augmentation significative depuis une dizaine
d’années, notamment dans les zones tendues (cf. graphique), un logement
vacant ayant d’autant plus de chance de le rester qu’il l’est déjà depuis
longtemps, malgré le renforcement de la TLV. Les études économétriques
récentes concluent certes à une baisse du taux de vacance et à une
augmentation concomitante du nombre de résidences principales à la suite
de la mise en place de la taxe66, mais les évaluations de l’administration ne
sont pas convergentes67.

66
Mariona Segú, “The Impact of Taxing Vacancy on Housing Markets: Evidence from
France”, Journal of Public Economics, 2019.
67 IGF/CGEDD, Évaluation de la politique publique de mobilisation des logements et

des bureaux vacants, 2016.

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Graphique n° 12 : Les taux de vacance de courte et longue durée


selon la zone de tension (2011-2019)

Note de lecture : en 2019, 7,0 % des logements de la zone A bis étaient vacants depuis
moins de deux ans, et 2,0 % depuis deux ans et plus. Ces chiffres étaient respectivement
de 6,2 % et de 2,1 % en 2013.
Source : CPO.

Pour renforcer l’impact de la TLV dans la lutte contre la


vacance, il pourrait être décidé de modifier le paradigme de la taxation
des logements inoccupés en faisant de celle-ci la norme plus que
l’exception. Le CPO avait précédemment proposé une fusion de la TLV et
de la THLV, transformées en un impôt local68. Une telle réforme
présenterait des difficultés techniques, notamment en ce qu’elle modifierait
les équilibres budgétaires pour les affectataires de ces taxes, et fiscaux pour
les contribuables soumis à une pression plus importante. Toutefois,
l’objectif de « zéro artificialisation nette » invite à envisager différemment
la question de la vacance pour intégrer également les zones moins tendues
où il serait souhaitable de remettre des logements sur le marché pour
réduire les besoins de constructions nouvelles. Il serait possible de changer
d’approche en généralisant la TLV, tout en prévoyant une liste de
communes marquées par une dépression du marché du logement justifiant
de renoncer à la taxation des logements vacants. Dans les territoires

68
CPO, La fiscalité locale dans la perspective du ZAN, octobre 2022.

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couverts par la TLV, la THLV, sans raison d’être, pourrait être supprimée.
Cette extension pourrait s’accompagner d’une augmentation du taux de
TLV de manière à compenser la perte du produit de la THLV.

Recommandation n° 4 : Étendre la liste des communes soumises à la


taxe sur les logements vacants (TLV) en excluant les territoires en
déprise et supprimer la possibilité pour les communes et
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)
d’instituer la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV).

En revanche, la fusion entre les taxes sur les logements vacants


et la THRS semble devoir être écartée. Cette dernière peut être majorée
dans les communes où la TLV s’applique69, même si cette possibilité
n’était appliquée que par 255 communes en 2022, soit un cinquième de
celles qui en avaient la possibilité. L’extension du nombre de communes
éligibles à la TLV devrait conduire également à une extension du nombre
de communes instituant la majoration de la THRS. Toutefois, les assiettes
de ces deux types d’imposition, les logements vacants d’un côté, les
logements meublés de l’autre, sont distinctes. En revanche, la hausse du
taux de la TLV pourrait éviter l’effet d’aubaine consistant, pour un
propriétaire, à déclarer un logement vacant plutôt que comme résidence
secondaire pour éviter la majoration de THRS.

* *

69
Code général des impôts, article 1407 ter.

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Chapitre II – Une plus grande neutralité


fiscale, gage d’efficacité et de cohérence
de la politique publique du logement

Au-delà de sa capacité à dégager des revenus, notamment pour les


collectivités territoriales, la fiscalité du logement s’intègre dans la politique
publique du logement, du fait même que l’outil fiscal peut se voir fixer des
objectifs d’incitation et de redistribution en sus de l’objectif de
rendement70. Au global, toutefois, l’efficacité de l’outil fiscal apparaît
limitée, relativement aux objectifs traditionnels de la politique du logement
(I) mais surtout au regard des nouveaux enjeux socio-économiques ou
environnementaux du bâti en France (II), si bien que l’option d’une plus
grande neutralité de la fiscalité du logement pourrait être choisie (III).

I - La fiscalité du logement s’articule


imparfaitement avec les objectifs de la politique du
logement

La fiscalité du logement peut être lue au prisme de la politique


publique du logement (cf. encadré), visant à fournir un logement décent et
abordable à chacun, pour interroger l’efficacité des prélèvements
obligatoires ou des dépenses fiscales au regard de cet objectif.

Encadré 19 : Les objectifs de la politique du logement en France

La politique publique du logement vise à l’origine à fournir à chacun un


logement décent et abordable, impliquant un soutien à la construction,
notamment dans les zones tendues, la modération des loyers et l’incitation à
l’accession à la propriété. Cette ligne directrice globale s’est toutefois
enrichie de considérations liées à la qualité de l’habitat et à l’organisation des
espaces urbanisés, en lien avec les enjeux environnementaux de lutte contre
l’artificialisation des sols et d’adaptation au changement climatique qui la
contraignent fortement.

70 CPO, Prélèvements obligatoires sur les ménages : progressivité et effets

redistributifs, 2010.

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68 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Dans le cadre du présent rapport, on peut distinguer au sens strict trois


objectifs principaux de la politique publique du logement, à savoir
permettre :
 l’accès à un logement, d’abord pour l’accès à un logement locatif
pour les personnes privées d’un logement autonome, puis par
extension sous la forme de l’accès à la propriété ;
 un logement abordable, que permet d’atteindre la maîtrise des prix
des biens, à l’achat ou à la location ;
 un logement décent, ou digne, pour résumer l’enjeu plus général
de qualité des logements, de salubrité et dorénavant de confort
thermique et de performance énergétique.
Il est possible de considérer que la volonté d’accroître le parc social se situe
au carrefour de ces trois objectifs.

A - La fiscalité du logement n’est pas le facteur


déterminant du marché de l’immobilier

Il convient de noter d’abord que la fiscalité du logement dépend de


facteurs multiples et exogènes qui jouent un rôle sur le marché de
l’immobilier71. Au sens économique, le marché de l’immobilier se
subdivise en différents segments : l’achat-vente de terrains non bâtis, de
logements neufs ou de logements anciens ; le marché locatif pour le parc
privé, de longue ou de courte durée ; le marché locatif pour le parc social.

Encadré 20 : Le logement, un bien économique particulier


Du fait de ses caractéristiques propres, le logement et son marché ne respectent
pas les conditions de concurrence pure et parfaite. Sont notamment absentes :
 l’atomicité du marché du fait de la diversité des acteurs et de la
prépondérance du pouvoirs des acteurs institutionnels ;
 l’homogénéité car les logements ne sont ni mobiles, ni
interchangeables, et parce que les préférences des agents économiques
sont variées ;
 la transparence d’information du fait des coûts de recherche
formant de réelles asymétries d’information.
Le marché de l’immobilier est structurellement caractérisé par deux

71 Pour une analyse détaillée, se référer à R. Beaufret et G. Jacquemin, L’impact de la

fiscalité sur le marché du logement, rapport particulier n° 2, CPO, 2023.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 69

déséquilibres : d’une part une inélasticité de l’offre disponible au prix puisque,


toutes choses égales par ailleurs, une augmentation des prix de 1 % ne conduit
qu’à une augmentation de 0,5 % des constructions72 ; d’autre part, les prix sont
rigides, une augmentation de l’offre de logements de 1 % ne faisant diminuer
les prix que de 1 à 2 %73.

Ces différents segments de l’immobilier interagissent à des


degrés divers, mais de manière territorialisée, si bien que les prix
diffèrent largement selon les caractéristiques des territoires : les
aménités et la densité du bâti, mais également le niveau de vie médian de
la population, la densité d’emploi et le pourcentage de catégories socio-
professionnelles favorisées dans la commune. Ces différences peuvent
jouer au sein même des communes, suivant les caractéristiques du bien,
son emplacement et le moment de la vente. Les zones les plus chères pour
l’acquisition d’un logement sont également les plus chères pour la location
(cf. cartes A et B).

Image n° 3 : Prix moyen au m2 (A) et loyer moyen au m2 (B) par


commune en France métropolitaine (2020)

Source : IGN, ministère de l’économie et des finances.

72 G. Chapelle et al., “Land-use Regulation and the Housing Supply Elasticity: Evidence

from France”, 2023.


73 J. Friggit, L’élasticité du prix des logements par rapport à leur nombre, CGEDD,

2021.

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70 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Les périodes de recul ou de « crise » de l’immobilier sont largement


influencées par la conjoncture économique, tant le marché du logement
dépend d’autres marchés, comme ceux du travail et du crédit, avec
lesquels il est en interaction constante. À court terme, les projets
immobiliers des ménages sont conditionnés par leurs anticipations de
revenus. À plus long terme, l’évolution de la localisation des emplois agit
sur les zones d’habitation, bien que la numérisation de l’économie et
l’augmentation du télétravail puissent nuancer cet état de fait.

Pour acheter un bien, les ménages comme les investisseurs ont


recours à une part majoritaire d’endettement. Les emprunts
immobiliers représentaient 83 % de l’endettement des ménages en 2018 et
28,7 % des ménages avaient souscrit un emprunt immobilier. La baisse des
taux d’intérêt jusqu’en 2022 a favorisé un allongement de la durée
moyenne des crédits immobiliers, passée de 13 ans à 20 ans depuis 2000.
Du fait de la hausse des taux d’intérêt74, due en grande part à la forte
inflation, et des durcissements des conditions d’octroi de crédit, le marché
du crédit se rétracte cependant depuis 202275, ce qui pèse sur le marché de
l’achat / vente de logements.

Le marché « bâtiments-travaux publics », ou « BTP », est en


situation de codépendance par rapport au marché de l’immobilier,
selon des temporalités qui peuvent être différentes. La santé du marché
du logement est déterminante pour la construction, notamment le niveau
des permis de construire qui se matérialisent en mises en chantier. Or, ces
deux derniers indicateurs sont en baisse, le mois de juillet 2023 ayant
représenté un bas historique inédit depuis 1997, ce qui explique la
contraction de l’offre de logements en 2023 sur le marché du neuf. Pour
autant, la poursuite de l’exécution des constructions lancées au cours de la
période précédente et le dynamisme des rénovations maintiennent l’activité
globale du secteur, comme en témoigne le niveau de l’emploi dans la
construction en 2023. Les coûts de construction, en hausse de près de 7 %
entre 2022 et 2023, et les coûts de rénovation, d’entretien et d’amélioration,
en augmentation de près de 27 % sur la même période, freinent en revanche
la baisse des prix de l’immobilier que devrait entraîner la hausse des taux.

74
Taux moyen à 4,12 % en octobre 2023, contre 1 % en janvier 2022.
75D’après la Banque de France, le montant total des nouveaux crédits s’élève en août
2023 à 9,9 Md€, son plus bas niveau depuis mars 2016.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 71

Constat n° 10 : Compte tenu de la rigidité du marché français du


logement, la hausse des taux d’intérêt s’est traduite jusqu’à présent
par une baisse limitée des prix et beaucoup plus forte des transactions.
L’activité du secteur du BTP résiste néanmoins à ce stade grâce aux
chantiers lancés avant 2022, au dynamisme des rénovations et à la
baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production.

Encadré 21 : La notion de « besoin en logement »

Le « besoin en logement » désigne le déficit d’offre à combler pour


répondre à la demande de logement, selon la diversité des parcours
résidentiels, des dynamiques démographiques et des préférences des ménages.
Il détermine l’objectif national de construction neuve.
Toutefois, aucun consensus n’existe sur son niveau. Estimé à
500 000 logements par an par les promoteurs immobiliers et par l’Union
sociale pour l’habitat, ce besoin serait vraisemblablement plutôt situé à environ
370 000 logements selon les travaux du Cerema et de l’administration76, voire
à 300 000 logements environ selon le scénario « bas », qui prévoit une
stabilisation de la part des résidences secondaires et des logements vacants à
partir de 2030 et se fonde sur l’hypothèse d’une accélération de la
transformation de bureaux en logements77.
Partant du constat que les besoins en construction sont mal connus, le Conseil
national de la refondation (CNR) a proposé en juin 2023 la création d’une
mission sur l’exploitation des données sur le logement afin de mieux les définir
et de créer un outil d’évaluation de la demande.

76
Cour des comptes, « La production et l’utilisation des données utiles à la politique du
logement », référé, juillet 2022.
77 Note de la DHUP, « Trajectoire de construction neuve », mars 2023.

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72 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Image n° 4 : Représentation simplifiée des interactions des différents


marchés avec le marché de l’immobilier

Source : CPO.

Constat n° 11 : Malgré un coût élevé de dépenses fiscales, la fiscalité


du logement a une incidence limitée sur le marché de l’immobilier par
rapport à d’autres facteurs comme la conjoncture économique et l’état
du marché du crédit.

Pour répondre aux objectifs de la politique du logement, la fiscalité


du logement doit donc prendre en compte ces différents facteurs et ces
différents marchés.

B - Certains dispositifs fiscaux ont un effet ambigu sur


l’accès au logement et à la propriété

Plusieurs dispositifs fiscaux vont à l’encontre de l’objectif de


permettre, à tous, l’accès à un logement. Si l’incidence de la
transformation de l’ISF en IFI sur l’investissement immobilier est à ce jour,

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 73

et selon les études disponibles, relativement faible78, le niveau élevé des


DMTO limite le nombre de propriétaires-occupants en France (cf. infra).

Au-delà, certains dispositifs qui visent à favoriser l’accession à


la propriété peuvent avoir des effets ambigus : c’est le cas du prêt à
taux zéro (PTZ). Prêt sans intérêt consenti par une banque aux termes
d’une convention passée avec l’État, il permet de couvrir une partie du coût
de l’accès à la propriété, en échange depuis 2005 d’un crédit d’impôt sur
les sociétés en faveur de l’établissement bancaire, pour un coût de 877 M€
en 2022 et de 783 M€ en 2023. Existant selon trois tranches et ouvert sous
conditions de ressources, il aide davantage les revenus inférieurs. Ce
dispositif a connu des modifications importantes depuis sa création en
1995, notamment au regard de la localisation des logements éligibles,
traduisant une hésitation : sa suppression pour les logements neufs dans les
zones détendues, prévue pour 2019, a ainsi été annulée avant même d’avoir
reçu un début d’application.

Au regard de ses différents objectifs, l’efficacité de ce dispositif


n’est pas démontrée. Une étude conduite sur un dispositif similaire aux
États-Unis met en évidence que ce type de dépense fiscale a une incidence
sur les prix des biens immobiliers et réduit in fine le nombre de
propriétaires79. Si aucune étude n’a établi cet effet en France, le PTZ ne
permettrait en revanche de déclencher réellement une acquisition que
dans 15 % des situations80, et conduirait dans les autres cas à un effet
d’aubaine. Son effet déclencheur est toutefois très variable selon les
catégories d’opérations, les territoires et les tranches des revenus des
bénéficiaires. Une analyse de l’intensité de l’aide financière réelle attachée
aux différentes catégories de PTZ permet d’en prendre la mesure. Les taux
d’aide varient du simple au double selon que l’accédant appartient à la
tranche de revenus fiscaux supérieure (tranche 3) ou à la tranche inférieure
(tranche 1). Pour les opérations de construction neuve, le taux d’aide est
inférieur de moitié dans les zones les moins tendues (B2 et C) par rapport
aux zones en plus forte tension (B1 et A). Cette différence est la
conséquence de la réduction de moitié du montant du PTZ pour les
opérations en neuf en zones B2 et C qui est appliquée depuis 2019.

78 France Stratégie, Rapport final du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du


capital, octobre 2023.
79 K. Sommer et P. Sullivan, “Implications of US Tax Policy for House Prices, Rents

and Homeownerships”, American Economic Review, 2018.


80 Voir notamment CGEDD/IGF, Évaluation du prêt à taux zéro (PTZ), 2019.

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74 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Dans un contexte de hausse des taux, l’effet déclencheur du PTZ


pourrait être plus élevé que celui relevé dans les études réalisées avant
2022. Les taux d’aide sont en effet fortement liés au niveau des taux
d’intérêt de marché. Ils étaient ainsi au plus bas au 1er trimestre 2022 (entre
1,9 % et 7,6 %). Ils avaient sensiblement doublé au 2e trimestre 2023 (entre
4,1 % et 15,7 %) sous l’effet de la remontée des taux directeurs de la BCE.
L’augmentation de l’avantage financier du PTZ a ainsi compensé
partiellement l’impact de la hausse des taux sur le pouvoir d’achat
immobilier pour les primo-accédants qui en bénéficient.

Malgré cette attractivité renforcée par la hausse des taux, le


PTZ n’aurait pas un effet significatif sur l’accès au crédit puisque les
banques apprécient la solvabilité des emprunteurs sous les mêmes
conditions que les autres prêts. Prenant en compte le revenu fiscal de
l’année n-2 pour le plafond des ressources, il est accordé à des bénéficiaires
au revenu moyen annuel de 34 100 €, soit 4 000 € de plus que le revenu
moyen des primo-accédants. L’impact social du PTZ s’est réduit
globalement du fait de la diminution régulière de la part des accédants de
la tranche de revenu inférieure, la plus aidée (44,5 % en 2016, 29,5 % en
2023)81. En revanche, le PTZ augmente le pouvoir d’achat des ménages,
car une partie du prêt est prise en charge par l’État et représente donc un
soutien indirect au secteur de la construction.

C - L’incidence de la fiscalité du logement sur les prix


n’est pas assez prise en compte

La fiscalité du logement et les dispositifs incitatifs qui y sont


attachés ont des effets distorsifs non souhaités sur les prix. Les effets
des DMTO sur les prix de l’immobilier sont hétérogènes et dépendent de
l’état du marché : selon l’élasticité de l’offre et de la demande, une hausse
des droits de mutation peut être supportée par les acheteurs dans les zones
tendues où ils sont moins sensibles au prix, ou par les vendeurs dans le cas
inverse.

81
D’après SGFGAS. Bilans de production annuels du PTZ.

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La suppression de la taxe d’habitation aurait aussi été


répercutée dans les prix de l’immobilier, à l’achat comme à la location,
mais de manière limitée.

Une étude réalisée par l’IPP82 pour le CPO, qui porte sur les années
2018-2022, met en évidence une corrélation entre le poids de la taxe
d’habitation avant sa suppression dans le revenu des foyers d’une
commune et la hausse des prix des biens et des loyers depuis celle-ci dans
les communes concernées. À trois ans, une baisse d’un point de de la part
de la taxe d’habitation dans le revenu des foyers de la commune
augmenterait en moyenne le prix du bien de 50 € par m² et le loyer de 0,2 €
par m2. Ces montants restent cependant modestes, au regard du gain de
pouvoir d’achat permis par la réforme : pour mémoire, le montant moyen
de la taxe d’habitation dans les communes de plus de 100 000 habitants
s’élevait à 1 097 euros en 2016. Il n’est, en revanche, pas observé d’effet
significatif de la réforme de la taxe d’habitation sur la mobilité résidentielle
et sur le niveau de la taxe foncière, dont la hausse significative intervenue
en 2023 dans certaines communes et à Paris est davantage liée aux effets
de l’inflation sur la dépense locale et à la baisse des DMTO du fait de la
diminution des transactions.

Des études ultérieures permettront de consolider les conclusions de


cette première évaluation.

Constat n° 12 : Sur la période 2018-2022, en première analyse, la


suppression de la taxe d’habitation aurait été répercutée dans les prix
de l’immobilier, à l’achat comme à la location, mais de manière limitée.
Elle ne semble avoir eu à ce stade d’effet significatif ni sur la mobilité
résidentielle ni sur le niveau de la taxe foncière, principalement
affectée par les effets de la hausse de l’inflation sur la dépense locale.

Les dépenses fiscales liées à l’investissement locatif peuvent


également avoir un effet inflationniste sur les prix des logements. Sur
le modèle de mécanismes précédents83, le dispositif dit « Pinel » est une
réduction d’impôt sur le revenu pour un investissement locatif dans le
neuf, sous certaines conditions84 : une location de 6, 9 ou 12 ans ; un
plafond de loyers et de ressources propres au logement locatif

82 IPP, op. cit., septembre 2023.


83 Les dispositifs dits Méhaignerie (1984-1997), Périssol (1996-1999), Besson (1999-
2002), Robien (2003-2006), Borloo (2006-2009), Scellier (2009-2012).
84 Article 199 novovicies du code général des impôts.

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intermédiaire ; une location nue ; une performance énergétique ; une


situation géographique en zone tendue (A, A bis ou B1). Il poursuit trois
objectifs principaux : orienter l’épargne vers la production de logements
intermédiaires privés ; relancer la construction en zones tendues ;
améliorer la qualité des logements.

Il a été modifié et recentré à quatre reprises depuis 2016. En


parallèle de la mise en place à partir du 1er janvier 2023 de la dégressivité
des déductions d’impôt pour le Pinel classique85, les conditions précédentes
du Pinel continuent de s’appliquer pour les quartiers de politique de la ville,
dits « QPV », et les logements qui respectent des critères de qualité et de
performance énergétique, au sein du « Pinel + ».

L’efficacité du Pinel fait l’objet de débats importants. Il


semblerait avoir un effet sur l’investissement dans le logement
intermédiaire et donc sur la construction de logements en immeubles
collectifs par les promoteurs86. En revanche, dès lors que la rentabilité pour
les ménages n’est pas certaine dans un contexte de taux bas87, l’intérêt
principal du Pinel serait l’effet psychologique sur la décision d’initier
l’investissement immobilier. Du point de vue du profil des investisseurs, le
Pinel bénéficie aux 40 % des Français les plus favorisés, et à plus de 80 %
au dernier décile de revenu.

Plus globalement, la suppression de dépenses fiscales en faveur


de l’investissement locatif peut réduire le prix des biens. La suppression
du dispositif Borloo-Robien en 2009 aurait ainsi, toutes choses égales par
ailleurs, conduit à une baisse des prix de 1,0 % et à une réduction de la
vacance de 1,6 % dans les zones ne bénéficiant plus de ces dispositifs88.

Constat n° 13 : Les dispositifs fiscaux sur l’investissement locatif


peuvent avoir un impact inflationniste sur le niveau des prix des
logements, en contradiction avec leur objet.

D’après le PLF 2024, le dispositif du Pinel ne devrait pas être


reconduit après son extinction prévue à la fin de l’année 2024. Compte

85
Aux termes de l’article 168 de la loi de finances pour 2021.
86 Rapport IGF/CGEDD, Évaluation du dispositif d’aide fiscale à l’investissement
locatif « Pinel », novembre 2019.
87 Ibid.
88 G. Chapelle, B. Vignolles et C. Wolf, “Impact of Housing Tax Credit on Local

Housing Markets: Evidence from France”, Annuals of Economics and Statistics, 2018.

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tenu de son coût élevé pour les finances publiques et au regard des doutes
existant sur son efficacité voire de la possibilité d’effets négatifs sur les
prix des logements, le CPO juge pertinente cette non-reconduction.

Recommandation n° 5 : Confirmer la non-reconduction du dispositif


« Pinel » et l’absence de dispositif équivalent en remplacement.

D - Les outils fiscaux ne permettent pas de mobiliser


suffisamment le parc social au sein de la politique du
logement

L’un des objectifs de la politique publique du logement est de


développer l’offre du secteur du logement social. Ce dernier, du fait de
sa classification de « service d’intérêt économique général » (SIEG),
bénéficie d’un régime spécifique favorable, les trois principales dépenses
concernées représentant en 2022 un coût d’environ 3,2 Md€ (cf. tableau).

Tableau n° 5 : Les trois principales dépenses fiscales en faveur du


logement social

Réalisation
Numéro Intitulé de la dépense fiscale
2022 (Md€)
Exonération d'impôt sur les sociétés des organismes
300102 0,95
de logement social (OLS)
Taux de 5,5 % dans le secteur de l’accession sociale
à la propriété et dans le secteur du logement locatif
social pour les logements financés par un prêt locatif
aidé d’intégration (PLAI), pour les logements
730216 1,2
financés par un prêt locatif à usage social (PLUS)
lorsqu’ils relèvent de la politique de renouvellement
urbain, ainsi que pour certains travaux portant sur ces
logements ou participant au renouvellement urbain
Taux de 10 % dans le secteur du logement locatif
730210 social pour les opérations qui ne sont pas éligibles au 1,0
taux réduit de 5,5 %
Note : Le coût des taux réduits de TVA est estimé à un montant double du coût
pour l’État présenté dans le PLF 2024, compte tenu de l’affectation de la
moitié de la TVA aux collectivités territoriales et aux administrations de
sécurité sociale.
Source : CPO.

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La Cour des comptes avait déjà eu l’occasion de noter la faible


efficacité de dépenses fiscales en faveur du logement social89. Les
dispositifs qu’elle recommandait de supprimer ont été maintenus. Ainsi,
l’exonération d’IS pour les organismes de logement social, au coût de près
d’1 Md€90, n’apparaît pas liée à l’effort en faveur du développement de
l’offre sociale et favorise les organismes aux résultats élevés, qui
construisent peu ou hébergent des ménages en moyenne plus aisés.

La Cour notait par ailleurs une corrélation positive entre


l’importance du dégrèvement de TFPB pour les organismes sociaux91, et le
nombre de logements sociaux, pénalisant les zones où le besoin de tels
logements est significatif. Par ailleurs, cette dépense fiscale dépend du taux
local de TFPB ; il peut fortement varier, sans lien avec les besoins en
logement du territoire concerné.

Les taux réduits de TVA dans le secteur du logement social, sur


les acquisitions de terrains à bâtir comme sur les autres opérations,
représentent toujours un coût significatif, supérieur à 2 Md€ en 202292. Ce
régime a évolué ces dernières années, notamment en 2014 (taux passé de
7 % à 14 %), puis en 2018 : le taux est passé à 10 %, sauf dans certains cas
pour lesquels le taux à 5,5 % s’applique. Or, l’efficacité de ces dispositifs
n’est pas établie : il n’est pas possible d’affirmer un lien de causalité entre
les évolutions du taux de TVA et les variations du nombre des logements
sociaux construits (cf. graphique).

89
Cour des comptes, Les dépenses fiscales en faveur du logement social, Référé, juin
2017.
90 950 M€ en 2022 et une prévision de 800 M€ en 2023.
91 Son coût pour l’État est évalué à 41 M€ pour 2022, car elle fait partie des exonérations

compensées partiellement.
92 Le coût est évalué à 595 M€ pour le taux à 5,5 % et à 520 M€ pour le taux à 10 %

dans le tome II du Voies et moyens du PLF pour 2024, mais il est proratisé en fonction
de la part de l’État dans les recettes de TVA.

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Graphique n° 13 : Évolution du nombre de logements sociaux en


France et réforme des taux de TVA (2012-2022)

Source : CPO.

II - L’outil fiscal ne peut à lui seul suffire à relever


les défis sociaux ou environnementaux du bâti en
France

Au-delà des objectifs stricts de la politique du logement, l’efficacité


de la fiscalité du logement peut s’appréhender au prisme des nouveaux
enjeux, socio-économiques et environnementaux93, qui se posent pour les
bâtiments en France.

93
Pour une analyse détaillée des implications des enjeux environnementaux pour la
fiscalité du logement, se référer à A. Arundalarajah et L. Bégassat, La fiscalité du
logement et les enjeux environnementaux, rapport particulier n° 4, 2023.

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A - Répondre aux inégalités liées au logement passe


davantage par une sécurisation des recettes que par une
modification de la fiscalité

S’agissant de l’enjeu redistributif, plusieurs prélèvements


obligatoires sur le logement participent de la redistribution verticale94 du
système socio-fiscal français : l’impôt sur le revenu des personnes
physiques tiré de l’immobilier ; l’imposition du patrimoine immobilier
(IFI) ; les droits de mutation à titre gratuit.

Toutefois, la construction même de ces dispositifs peut réduire


leur impact sur la réduction des inégalités. Les DMTG connaissent ainsi
des abattements sur une partie de l’assiette, en fonction du lien de parenté
ou selon la nouvelle destination (résidence principale ou non) du bien
immobilier.

Par ailleurs, les réformes récentes ont pu avoir une incidence


négative sur les inégalités de patrimoine et de revenu. La réforme de
l’imposition sur les hauts patrimoines, par le remplacement de l’ISF par
l’IFI, a ainsi conduit à réduire de moitié la contribution de ce type de
taxation à la réduction des inégalités en France95. Cette imposition concerne
en tout état de cause un faible nombre de ménages.

Encadré 22 : La transformation de l’ISF en IFI

L’IFI est un impôt déclaratif et progressif auquel sont assujetties les


personnes physiques détenant un patrimoine immobilier net taxable
supérieur à 1,3 M€. De 0 % jusqu’à 0,8 M€, le taux passe à 0,5 % jusqu’à
1,3 M€ et est progressif pour atteindre 1,5 % au-dessus de 10 M€.
Contrairement à la taxe foncière, il est assis sur la valeur vénale nette du bien.
Il a été mis en place en 2018 dans le cadre de la réforme de la fiscalité du
capital mise en place en 2017, venant remplacer l’impôt de solidarité sur la
fortune (ISF), dans le but notamment de favoriser les investissements dans
les actifs mobiliers.

94
Cf. rapport particulier n° 3.
95 F. Paquier, K. Schmitt et M. Sicsic, Simulation des effets redistributifs de la
transformation de l’ISF en IFI à l’aide du modèle Ines, Insee, 2019.

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L’ISF connaissait une vingtaine de dépenses fiscales, excluant de son assiette


les biens professionnels, les objets d’art et d’antiquité ainsi que les
investissements dans les PME. Il faisait en outre l’objet d’un plafonnement.
D’après les dernières conclusions de France Stratégie96, la suppression de
l’ISF a réduit le nombre de départs à l’étranger de foyers résidents en France.
L’institution de l’IFI n’aurait pour sa part pas conduit, entre 2018 et 2021, à
une baisse de l’investissement immobilier. Le coût budgétaire de cette
réforme représenterait toutefois 4,5 Md€ en 202297.
Ce type d’imposition du patrimoine est minoritaire en Europe, où la taxation
de la richesse nette concerne davantage les entreprises (Allemagne, Belgique,
Italie par exemple). Il existe toutefois en Espagne, avec une assiette plus
étroite et des taux plus élevés qu’en France, ainsi qu’en Suisse et en Norvège,
où les assiettes sont très larges98 et les taux bas et faiblement progressifs.

De manière générale, dans la construction des dispositifs fiscaux


liés au logement, l’objectif redistributif est secondaire par rapport au
rendement et à l’incitation. Cet état de fait n’apparaît pas en soi
problématique, dès lors que d’autres composantes de la fiscalité (impôt sur
le revenu principalement), et surtout les transferts sociaux et les prestations
des services publics assurent un niveau satisfaisant de redistribution99. S’il
est souhaitable de limiter les effets inégalitaires de certains prélèvements
sur le logement, notamment la taxe foncière (chap. I), il est justifié que
l’objectif de rendement de la fiscalité du logement, pour financer le
développement et le fonctionnement des services publics, notamment
locaux, reste prioritaire.

L’acceptation de ces prélèvements suppose, en revanche, qu’ils


soient acquittés par tous ceux qui en sont redevables. En ce sens, malgré
son rendement budgétaire limité, l’estimation de la fraude à l’IFI est un
enjeu symbolique fort. Cette imposition est peu contrôlée100, alors même
que l’exploitation de données statistiques par la DGFiP pourrait permettre
de réaliser des contrôles plus nombreux sur un panel représentatif, en

96
France Stratégie, op. cit., octobre 2023.
97 Calcul réalisé sur la base du produit de l’IFI en 2022 (1,83 Md€) et d’une estimation
de la place de la fortune immobilière dans le produit de l’ISF, évaluée à 29 %.
98 Le seuil d’assujettissement est fixé à quelques dizaines de milliers d’euros en Suisse

et à 145 000 € en Norvège.


99 CPO, Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux

fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire, février 2022.


100 La part de redevables contrôlée était de 2,4 % en 2022.

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utilisant les outils de « datamining » et en comparant les résultats obtenus


par les services dans les contrôles selon les critères de ciblage.

B - La réorientation des dispositifs fiscaux pour lutter


contre l’artificialisation des sols est utile mais non-
suffisante

La lutte contre l’artificialisation des sols, dans le cadre de la mise en


œuvre du « zéro artificialisation nette » (ZAN), impose d’une part de
réévaluer les dispositifs fiscaux en fonction de cette contrainte, d’autre part
de s’interroger sur les modalités de taxation les plus efficaces pour adapter
le parc de logements à cet enjeu101.

En premier lieu, il est nécessaire de mieux prendre en compte


les effets artificialisants, ou non, des dispositifs fiscaux. Au-delà de ses
effets limités sur la solvabilisation des ménages voire l’accession à la
propriété (cf. supra), le PTZ est ainsi critiqué pour son incidence sur les
sols. S’il n’est pas possible de savoir précisément si l’opération d’un PTZ
a conduit à l’artificialisation d’une parcelle, seule la commune
d’implantation du logement étant déclarée102, il n’en demeure pas moins
qu’une corrélation existe entre le nombre de PTZ finançant les logements
neufs et les surfaces artificialisées par commune : les zones classées parmi
les bourgs ruraux et l’habitat rural dispersé, représentant près des deux tiers
du total des surfaces artificialisées, réunissent plus de la moitié des PTZ
finançant les logements individuels neufs (cf. graphique).

101 Il s’agit notamment de réorienter la chaîne de valeur de l’aménagement urbain vers


le recyclage urbain, en particulier en réinvestissant des friches et en mobilisant les
logements vacants.
102 Cette déclaration se fait par la banque auprès de la SGFGAS qui concentre

l’ensemble des données sur les PTZ.

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Graphique n° 14 : Répartition des PTZ selon une grille de densité,


comparée à l’artificialisation des sols

Source : CPO.

S’il n’est pas évident que cette corrélation débouche sur un lien de
causalité, l’effet d’aubaine étant vraisemblablement significatif (cf. supra),
les orientations prévues dans le PLF 2024 permettent de mettre davantage
en cohérence le dispositif avec les enjeux environnementaux en limitant le
dispositif à l’acquisition d’appartements neufs en zones tendues et à la
rénovation des logements anciens dans les zones détendues.

Encadré 23 : La révision du PTZ dans le PLF 2024

Prolongé jusqu’en 2027, le PTZ devrait être dorénavant assorti de conditions


plus restrictives selon la zone :
 en zone tendue : appartements neufs dans des immeubles collectifs ;
 en zone détendue : logements anciens avec travaux d’amélioration.
Selon ces nouvelles conditions, 55 % des PTZ de 2022 n’auraient pas été
octroyés103. En revanche, les conditions de ressources seraient élargies et le
PTZ pourrait concerner environ 6 millions de ménages supplémentaires.

Il est toutefois étonnant d’avoir choisi d’exclure du champ du PTZ


les primo-accédants qui acquièrent en zone tendue (A ou B1) un logement

103
Parmi les 62 504 PTZ de 2022, 34 497 ne respectent pas ces conditions.

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ancien avec des travaux représentant au moins 25 % du coût total.


Mobiliser le parc existant permet au contraire de lutter contre la vacance et
l’artificialisation des sols. Compte tenu des effets ambigus du PTZ sur
l’accession (cf. chap. II, section I. B.), la rénovation du logement ancien
dans les zones tendues paraît au contraire un objectif prioritaire.

Recommandation n° 6 : Ouvrir à nouveau le prêt à taux zéro (PTZ) au


logement ancien avec travaux dans les zones tendues pour le rendre
plus cohérent avec les enjeux environnementaux.

S’agissant des autres aides fiscales en faveur du logement locatif


intermédiaire, le dispositif qui cible les investisseurs institutionnels et qui
est réservé à la construction de logements neufs dans les zones A, A bis et
B depuis sa création en 2014, concerne peu les zones les plus artificialisées.
Les évolutions prévues dans le PLF 2024 devraient permettre d’élargir ce
soutien à la réhabilitation d’immeubles existants, en lien avec les enjeux
environnementaux.

Le redimensionnement des impositions au prisme de l’enjeu de


lutte contre l’artificialisation des sols doit en réalité s’opérer de
manière très ciblée, au cas par cas, au regard des effets de bord
potentiels de tels rééquilibrages. S’agissant de la taxe d’aménagement
(TA), il n’est ainsi pas nécessairement efficace de remettre en cause
l’abattement de 50 % appliqué sur les 100 premiers m2 des locaux
d’habitation : la suppression de cette mesure pourrait augmenter les coûts
de construction dans les zones urbanisées denses où les taux de TA sont
déjà élevés et remettre ainsi en cause des aménagements qui auraient
permis de densifier le bâti. En revanche, l’abattement facultatif que les
collectivités peuvent mettre en place sur la surface de plancher supérieure
à 100 m2 pour les logements financés par un PTZ, même s’il est peu utilisé,
va à l’encontre de la sobriété foncière et pourrait être supprimé.

En second lieu, comme la lutte contre l’artificialisation des sols


passe par la mobilisation du parc de logement existant104, il peut sembler
judicieux de mobiliser les prélèvements obligatoires à cette fin. Toutefois,
mis à part une taxation plus efficace de la vacance (chap. I) et des
cessions de terrains nus devenus constructibles (cf. infra), le recours au
levier fiscal n’est pas toujours pertinent. Ainsi, la taxation de la sous-

104 En cohérence également avec les règles d’urbanisme, pour éviter toute incitation à
l’artificialisation.

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POUR UNE FISCALITÉ DU LOGEMENT PLUS COHÉRENTE 85

occupation, qui aurait pu être véhiculée au sein de la taxe d’habitation, peut


difficilement faire partie de la taxe foncière qui pèse sur les propriétaires,
indépendamment des choix d’occupation des locataires. Au-delà, ce
dispositif, qui repose sur des considérations statistiques et est peu adapté
aux nouveaux modes de vie (cf. encadré), se heurterait vraisemblablement
à une faible acceptabilité sociale, ce qui conduit plutôt à envisager des
modalités plus douces d’incitation que de nouveaux modes de colocation
ou d’habitat partagé105.

Encadré 24 : Le sous-peuplement en France

Notion statistique, le « sous-peuplement » est évalué par l’Insee au sein


de l’« indice de peuplement des logements » qui permet de caractériser le
degré d’occupation en fonction du nombre de pièces selon la composition du
ménage. En France, ce phénomène concernait environ la moitié des
trentenaires en 2020, trois quarts des 50-64 ans mais 85 % des 75 ans et plus,
ces chiffres étant en légère diminution par rapport à 2013106.
Si cet indice est utile pour disposer d’un état des lieux de la densité intra-
logements, il ne prend pas en compte certaines situations dues à l’évolution
des familles, sans qu’il s’agisse à proprement parler de sous-peuplement :
couples séparés disposant d’un nombre de chambres suffisant pour pouvoir
accueillir, même s’ils n’en ont pas la garde exclusive, leurs enfants, ou
télétravailleurs disposant d’un espace séparé de travail.

De même, la taxation de la sous-densité n’est pas non plus


entièrement efficace pour promouvoir la densité de construction. Déjà
institué par le passé, le versement pour sous-densité n’a pas fait la preuve
de sa pertinence (cf. encadré). Un tel dispositif ne pèse que sur les maîtres
d’ouvrage et s’appuie sur une différenciation territoriale. Le rendre plus
efficace nécessiterait d’une part de le rendre obligatoire pour éviter son
non-recours, d’autre part de pouvoir définir au niveau national un seuil de
densité maximale qui soit modulé selon les secteurs à l’intérieur de chaque
commune.

105
Le parc social dispose d’un tel dispositif : l’article L. 442-3-1 du code de la
construction et de l’habitation permet au bailleur de proposer au locataire un nouveau
logement, en cas de sous-occupation. Toutefois, les personnes âgées de plus de 65 ans
ainsi que les couples séparés avec droit de visite des enfants de l’occupant ne sont pas
concernés.
106 SDES, Enquêtes nationales logement, 2013 et 2020.

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86 CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

Encadré 25 : Le versement pour sous-densité

De 2010 à 2021, les communes et les EPCI pouvaient instituer par


délibération un seuil minimal de densité pour les opérations de construction
et d’aménagement, déterminé par secteur et ne pouvant être inférieur à la
moitié ni supérieur aux trois-quarts de la densité maximale autorisée, et en-
deçà duquel un versement pour sous-densité (VSD) était dû. L’objectif était
d’encourager la densification dans les zones urbanisées et de limiter
l’étalement urbain. Toutefois, peu de communes y avaient recours107 du fait
notamment de modalités de détermination jugées complexes.

En réalité, les obstacles à la densification du bâti pour les opérations


d’aménagement sont principalement de nature réglementaire108 et ne
relèvent pas toujours des promoteurs mais parfois des exécutifs locaux. Le
choix fait par le législateur de favoriser la contrainte réglementaire109 plutôt
que de pénaliser la sous-densité est donc plus pertinent.

Enfin, les modalités récemment mises en place pour renchérir le


coût des résidences secondaires ou des logements meublés à vocation
touristique devraient en tout état de cause faire l’objet d’une
évaluation. En particulier, les effets sur la mobilisation du parc de
logements de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences
secondaires110 devraient être précisément étudiés.

À plus long terme, l’enjeu de lutte contre l’artificialisation des


sols et de renaturation impose d’envisager une tarification générale de
la consommation d’espaces, qui pourrait prendre la forme d’un marché
des droits à artificialiser ou d’un dispositif de bonus/malus. Il devrait
toutefois s’appuyer sur un classement précis et fin de l’état des sols selon
leur artificialisation qui manque aujourd’hui.

Constat n° 14 : La lutte contre l’artificialisation des sols nécessite


notamment de mieux mobiliser le parc de logements existants, en

107 25 en 2015, 18 en 2019.


108 IGEDD, La délégation de compétence des aides à la pierre, mars 2023.
109 La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a ouvert la possibilité d’introduire

dans les PLU une densité minimale obligatoire en-deçà de laquelle les permis de
construire ne peuvent être délivrés.
110 Depuis le 1er janvier 2023, les communes soumises à la TLV peuvent majorer la

THRS de 5 % à 60 %.

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taxant plus efficacement la vacance, et de limiter les effets


artificialisants des dépenses fiscales liées au logement.

C - La rénovation énergétique des logements doit


mobiliser avant tout l’outil réglementaire et les aides
budgétaires ciblées

Afin de réduire la consommation d’énergie du bâti et de limiter


les émissions de gaz à effet de serre (GES) des logements, les pouvoirs
publics ont fixé comme objectif l’atteinte d’une norme « bâtiment-
basse consommation » ou équivalent pour le parc bâtimentaire d’ici
2050. Dans ce cadre, l’enjeu de rénovation énergétique des logements est
devenu central. D’abord appréhendé sous l’angle social, car la situation de
mauvaise qualité énergétique du parc pèse en particulier sur les plus
modestes111, cet enjeu s’est structuré en une politique publique organisée,
avec la mise en place d’aides fiscales, notamment le taux réduit de TVA
aujourd’hui à 5,5 %112 et le « crédit d’impôt transition énergétique (CITE),
puis de subventions directes (actuellement MaPrimeRénov’), à l’instar
d’autres pays européens.

Encadré 26 : Le financement de la rénovation énergétique des logements


par l’outil fiscal dans les pays européens

L’outil fiscal est peu utilisé en Europe pour le financement de la


rénovation énergétique. Il s’agit principalement d’un recours au taux
réduits de TVA, par exemple aux Pays-Bas (9 % au lieu de 21 %) ou au
Royaume-Uni (5 % au lieu de 20 %). Les incitations fiscales peuvent
également passer par:
 l’impôt sur le revenu, comme pour le CITE français ;
 la taxe foncière, via une déduction fiscale si la classe énergétique du
logement après travaux est de très bonne qualité (Portugal) et même
pour la pose de dispositifs d’énergie renouvelable (Espagne).

111
Les dépenses de facture énergétique peuvent représenter jusqu’à 10 % des revenus
des ménages des premiers déciles. Cf. Observatoire national de la précarité énergétique,
Tableau de bord, mars 2023.
112 Taux pour les travaux d'amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage

d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur
sont indissociablement liés prévu (article 278-0 bis A du code général des impôts).

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L’Italie a mis en place un dispositif original de crédit transférable appelé


« super bonus », permettant aux ménages de céder leur crédit d’impôt à des
entreprises, mais pour une déresponsabilisation forte sur le montant des
travaux (le taux de prise en charge pouvant atteindre 110 %) et une fraude
importante.
Les autres pays européens ont davantage recours à des dispositifs non-
fiscaux : contrats de performance énergétique, aides budgétaires directes,
normes et outil réglementaire.

Or, la rénovation du bâti dépend de nombreux facteurs qui


échappent largement aux considérations fiscales mais peuvent
conditionner l’efficacité de cet outil. La structuration même de
l’occupation du parc immobilier pèse sur la décision de rénovation : le
locataire bénéficie des économies de charges mais ne décide pas des
travaux ; le propriétaire-bailleur n’est pas incité à le faire, le bénéfice étant
pour lui incertain et lointain. Les règles de vote dans les copropriétés
limitent le nombre et la qualité des travaux décidés113, de même que les
règles d’urbanisme et les décisions du ministère de la culture114. Le marché
de la rénovation est encore peu structuré, composé principalement de
petites entreprises qui ne peuvent pas réaliser tous les gestes de rénovation,
tandis que les diagnostics de performance énergétique (DPE), aujourd’hui
opposables, sont souvent décrits comme peu fiables.

Pour compléter la fiscalité, d’autres outils existent, bien que leur


efficacité dépende également des facteurs précités. La notion de marché
carbone permet de couvrir, avec des quotas d’émission, les externalités
négatives liées à l’utilisation du logement, ce qui incite à sa rénovation (cf.
encadré). L’outil réglementaire est également mobilisé : l’interdiction
progressive de location des passoires thermiques115 conduit déjà à une
hausse des mises en vente des logements les plus énergivores et renchérit
comparativement le prix des logements les plus efficaces
énergétiquement116.

Dans ce contexte, l’outil fiscal paraît à lui seul insuffisant pour


atteindre les objectifs de rénovation énergétique fixés. Les propositions

113
Vote collectif de l’assemblée générale à la majorité de tous les copropriétaires, aux
termes de l’article 25, f) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la
copropriété des immeubles bâtis.
114 Cour des comptes, La rénovation énergétique des bâtiments, Référé, octobre 2022.
115 G+ à partir de 2023, G en 2025, F en 2028 et E en 2034.
116 Notaires de France, « La valeur verte des logements en 2021 », novembre 2022.

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de recourir à la fiscalité existante pour encourager la rénovation du


bâti, par une hausse des droits de mutation ou de la taxe foncière, ne
sont pas satisfaisantes. D’une part, instaurer ce type de « malus incitatif »,
en taxant davantage le bien énergivore pour pousser son propriétaire à le
rénover, nécessiterait d’augmenter significativement les DMTO ou la
TFPB117 et se heurterait vraisemblablement à une opposition sociale forte.
D’autre part, ce type de modulation dépend des DPE, qui ne sont pour
l’instant ni fiables, ni généralisés118.

En réalité, l’enjeu principal pour les dispositifs de soutien en


faveur de la rénovation énergétique est de cibler davantage les aides
publiques sur les rénovations les plus efficaces119. Dans le parc privé,
l’objectif est de favoriser les rénovations globales, qui seules permettent de
donner une cohérence aux gestes de rénovation et atteindre, à terme, le
niveau « bâtiment-basse consommation ». Or, le recours à ce taux ne
permet pas une telle différenciation. Il n’exclut pas les résidences
secondaires, contrairement aux aides directes comme MaPrimeRénov’,
alors même que ces logements sont par définition moins utilisés, et donc
consomment moins d’énergie, que les résidences principales. Il ne permet
pas non plus de cibler les rénovations globales, qui résultent d’un ensemble
de travaux de différentes natures, réalisés par des entreprises différentes, ni
de se concentrer sur les logements qui ne sont pas déjà conformes aux
normes réglementaires : il s’applique aux logements de plus de 2 ans,
contre 15 ans pour les aides directes.

En outre, la coexistence de plusieurs taux réduits de TVA en


faveur de l’amélioration-rénovation des logements est source de
complexité, de risque de fraude et d’inefficacité. D’une part, la liste des
équipements concernés et le cas des travaux induits et liés aux actions
d’efficacité énergétique, qui peuvent relever de l’un ou l’autre taux, rendent
difficile leur répartition pour les professionnels comme pour les usagers.
D’autre part, l’existence d’un autre taux réduit pour l’amélioration du
logement, qui comprend des équipements de chauffage défavorables à la
qualité énergétique du logement, brouille le signal-prix en faveur de la

117 43 % à 91 % pour les DMTO et 100 % pour la TFPB, d’après le CIRED : « La


rénovation thermique des logements : quels enjeux, quelles solutions ? », La revue du
CGDD, 2015.
118 Seuls 2 millions de logements en France, soit un peu plus de 5 % du parc, ont fait

l’objet d’un DPE.


119 Cour des comptes, Le soutien aux logements face aux évolutions climatiques et au

vieillissement de la population, octobre 2023.

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rénovation énergétique. Enfin, le CPO a déjà eu l’occasion de rappeler


que les dépenses fiscales liées à la TVA ne sont pas des outils efficaces
pour relever les défis socio-économiques et environnementaux120.

Pour ces différentes raisons, le CPO recommande de supprimer


le taux réduit de TVA à 5,5 %, en le relevant à 10 %. Cette réforme
permettrait de dégager un gain financier significatif, de l’ordre de
1,8 Md€ par an121 dans l’hypothèse d’une absence de modification du
comportement du secteur du BTP et des choix en faveur de la rénovation
pour les ménages. Ce montant pourrait être utilisé pour augmenter le niveau
des aides directes122, notamment en faveur des rénovations globales, ce qui
compenserait les effets éventuels de bord qu’une telle réforme pourrait
avoir sur les prix des actes de rénovation. Cette réduction de la place de
l’outil fiscal au profit d’aides directes serait par ailleurs cohérente avec la
fin du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) qui existait jusqu’en
2020 et a ensuite donné lieu à MaPrimeRénov’.

Recommandation n° 7 : Rehausser le taux de TVA à 5,5 % sur la


rénovation énergétique au niveau du taux intermédiaire de 10 % et
utiliser le gain financier ainsi obtenu pour des aides budgétaires ciblées
en faveur de la rénovation énergétique des logements.

En revanche, si par parallélisme des formes la suppression du taux


réduit sur la rénovation énergétique des logements sociaux peut apparaître
séduisante, elle n’est pas recommandée, les bailleurs sociaux étant plus à
même de planifier spontanément des rénovations globales que les
propriétaires privés.

De manière générale, doivent en priorité être actionnés des


leviers extra-fiscaux pour réussir la rénovation énergétique : révision
des règles d’urbanisme et de copropriété, fiabilisation des diagnostics et
audits énergétiques, structuration du marché de la rénovation, intégration
des résidences secondaires et des logements vacants, y compris les meublés
de tourisme, au dispositif d’interdiction de location de logements

120 CPO, op. cit., 2023.


121 Cf. Rapport particulier n° 4 pour les calculs.
122 Le produit de la TVA est toutefois partagé entre l’État, les collectivités territoriales

et les administrations de sécurité sociale.

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énergivores123, actions de communication en faveur des aides budgétaires


encore peu connues des citoyens124, mobilisation de moyens financiers
supplémentaires pour la rénovation du parc social.

Constat n° 15 : Pour permettre l’atteinte de la norme « bâtiment basse


consommation » ou équivalent pour les logements d’ici 2050, l’outil
fiscal n’est pas le levier le plus efficient par rapport aux aides
budgétaires ciblées, aux mesures réglementaires et à une politique
visant à lever les obstacles à la rénovation énergétique.

III - L’architecture de la fiscalité du logement


pourrait être réorientée vers davantage de
neutralité

Au regard de la relative inefficacité de plusieurs dispositifs fiscaux


liés au logement dans l’atteinte des objectifs de politique publique,
notamment d’accès au logement, de sobriété foncière ou de rénovation de
l’habitat, et face à la complexité de régimes fiscaux qui s’amoncellent plus
qu’ils ne se complètent, le CPO propose de retenir comme orientation
générale le renforcement de la neutralité de la fiscalité du logement.

A - La détention de logements devrait être davantage


taxée que leur cession

Cette neutralité implique, en premier lieu, de taxer davantage la


détention de logements que leur cession. Du fait de considérations
d’équité plus globales, cette première orientation pourrait être limitée à la
cession à titre marchand et conditionnée à une fiscalité de la détention plus
cohérente avec son assiette (cf. chap. I).

123 Pour l’instant, les résidences secondaires et touristiques sont exclues du champ de
la rénovation énergétique, ce qui tend à les favoriser, y compris du point de vue de
l’artificialisation des sols.
124 Statista, « Niveau de connaissance des aides financières pour des rénovations en

France en 2021 », août 2023.

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Les droits de mutation à titre onéreux en France présentent des


avantages significatifs pour les finances publiques. L’assiette fiscale est
aisée à définir et à mesurer et peut difficilement faire l’objet de sous-
déclaration. Leur coût de collecte est réduit pour les pouvoirs publics, qui
le délèguent aux notaires (cf. supra). Ils sont enfin relativement bien
acceptés par la population.

Toutefois, leurs effets sur la mobilité résidentielle sont


globalement négatifs. Les études empiriques mettent en évidence, dans
les pays étudiés125, un « effet de verrouillage »126 : la hausse des droits de
transaction conduit à une baisse du nombre de transactions. L’analyse de
l’augmentation des DMTO en France en 2014 tend à démontrer l’existence
d’un tel effet à court terme et dans les zones les moins tendues127, mais la
contraction du nombre de ventes ne l’a pas emporté sur la hausse
mécanique des recettes fiscales, les départements ayant perçu davantage de
ressources qu’escompté. À long terme toutefois, l’incidence de cette hausse
est moins claire du fait des caractéristiques des DMTO, qui sont
proportionnels à la valeur d’acquisition, et du marché du logement, qui est
localisé et dont les prix sont rigides128.

Encadré 27 : Comparaison internationale de la fiscalité sur les


transactions

La France se distingue par une fiscalité lourde sur les transactions de


biens immobiliers, à un niveau de 0,9 % du PIB. Dans l’OCDE, seuls la
Belgique, la Corée et Singapour ont opté pour une imposition plus importante
sur les mutations. Il faut noter toutefois qu’en France le taux du régime
commun qui s’applique aux logements anciens est plus faible aujourd’hui
que dans les années 1980, où il était compris entre 6 % et 12 % du prix
d’acquisition129.
Plusieurs types de régime existent :
 droits progressifs : Royaume-Uni, Belgique ;

125 Il s’agit des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la Finlande. Cf.


rapport particulier n° 2.
126 D. Schmidt, Property Transfer Taxes, Residential Mobility and Welfare, 2022.
127 M. Bachelet et M. Poulhès, Hausse des droits de mutation : quel impact sur le

marché de l’immobilier ?, CGEDD/SDES, 2017.


128 G. Bérard et A. Trannoy, The Impact of the 2014 Increase in the Real Estate Transfer

Taxes on the French Housing Market, Economics and Statistics, 2018.


129 J. Friggit, Droits de mutation et montant des transactions immobilières, CGEDD,

2009.

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 droits différenciés selon qu’il s’agit de la résidence principale ou


non : Italie par exemple ;
 déductions fiscales sur les droits de mutation par une exonération
totale ou partielle en-dessous d’un certain seuil (Israël, Australie
pour les primo-accédants) ,
 exonération assortie de conditions d’âge pour favoriser l’acquisition
chez les moins de 35-40 ans (Pays-Bas, Finlande).
Enfin, plusieurs pays ont abandonné la fiscalité sur les transactions :
Nouvelle-Zélande, Slovaquie, Islande, Lituanie et Lettonie.

Si l’incidence de la taxation de la cession sur la mobilité


professionnelle n’est pas établie130, elle a toutefois des effets sur
l’accession à la propriété. Aux Pays-Bas, la baisse du taux des droits de
mutation décidée en 2011, de 6 % à 2 %, a entraîné une augmentation du
taux d’accession de 1 à 5 %131. Pour les ménages plus jeunes à l’épargne
limitée, la taxation des transactions est en effet un obstacle plus important
qu’une taxation sur la détention plus élevée mais échelonnée sur la durée.
Une exonération de droits pour les jeunes primo-accédants permettrait de
neutraliser cette barrière à l’entrée132, mais pour des considérations d’équité
il faudrait prendre en compte le caractère hérité ou non du patrimoine qui
permet au ménage d’emprunter pour acquérir le logement, si bien que le
CPO ne préconise pas cette mesure, qui serait incohérente avec le principe
de taxer davantage la rente que l’effort.

Constat n° 16 : Les droits pesant en France sur les transactions


marchandes de logements sont d’un niveau élevé. Ils limitent le volume
des transactions et ont un effet négatif sur la mobilité résidentielle et
sur l’accession à la propriété.

Il existe ainsi un consensus assez large sur la nécessité de réduire


les DMTO pour les remplacer par une taxation plus efficace, en
neutralisant les effets négatifs de cette réforme pour les ressources des
collectivités territoriales bénéficiaires. Plusieurs propositions ont été
formulées notamment par A. Trannoy133. Mettre en place des DMTO

130
A. Trannoy et É. Wasmer, 2019.
131 D. Schmidt, op. cit.
132 Les Pays-Bas, en 2021, ont exonéré les primo-accédants de moins de 25 ans des

droits de mutation.
133 A. Trannoy, Réforme optionnelle de la part départementale des droits de mutation

à titre onéreux, 2019.

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progressifs134 aurait des effets minimes sur les recettes des départements
mais la baisse des droits qui en résulterait pour la majorité des transactions
pourrait être captée par les prix, à l’instar de ce qui a été observé avec la
réforme de la taxe d’habitation (cf. supra), et dans un contexte de forte
tension sur le marché de l’immobilier. Exonérer de DMTO les transactions
pour raison de mobilité professionnelle poserait des difficultés d’ordre
juridique et constitutionnel en vertu du principe d’égalité devant l’impôt.

La bascule des droits de mutation vers la taxe foncière, de


manière progressive et en préservant les ressources des collectivités
territoriales, a déjà été proposée par le CPO en 2018. Elle nécessiterait
une compensation par l’État des pertes fiscales pour les départements et
une réflexion plus globale sur les circuits de financement des collectivités,
qui pourrait par ailleurs permettre de fournir aux départements des recettes
plus stables et moins liées au cycle immobilier (cf. chap. I).

Elle ne saurait non plus être mise en œuvre tant que la fiscalité
foncière apparaît décorrélée des réalités économiques locales et que ses
effets régressifs ne sont pas davantage pris en compte. Une telle bascule
devrait donc être envisagée dans le cadre de la réforme de l’assiette de la
taxe foncière (chap. I).

Recommandation n° 8 : Une fois le lien rétabli entre l’assiette de la


taxe foncière et la valeur locative de marché des logements taxés,
engager une réflexion sur le niveau et l’affectation des droits de
mutation à titre onéreux (DMTO) visant à moins taxer l’acquisition de
logements et à compenser le manque à gagner pour les finances
publiques par un relèvement des impôts portant sur leur détention.

B - Le régime de taxation des plus-values immobilières


pourrait être simplifié dans le temps

En deuxième lieu, une plus grande neutralité peut être


recherchée sur la taxation des plus-values immobilières, de manière à

134
Sous la forme d’une imposition forfaitaire de 5 000 € pour toute transaction
inférieure à 250 000 €, soit 70 % des transactions en France, et d’une taxe à taux
marginal constant de 8 % au-delà.

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limiter les effets de rétention, tout en renforçant la lutte contre


l’artificialisation des sols.

Du point de vue du vendeur, la cession est également taxée au


titre des plus-values immobilières, sauf pour la résidence principale.
Cette exonération apparaît justifiée au regard de l’objectif de favoriser
l’accession à la propriété et de fluidifier le marché immobilier. Elle peut
cependant avoir des effets négatifs, en favorisant la « surconsommation »
d’immobilier au détriment d’autres actifs. Dans le cadre du présent travail,
le CPO ne recommande toutefois pas de revenir sur cette exonération ni,
comme le préconise pourtant l’OCDE135, d’instaurer un plafond, du fait des
difficultés techniques à définir un seuil et à assurer un lissage dans le temps.
Si l’assiette de la taxation foncière est revue conformément à des
considérations d’efficacité et d’équité, la TFPB pourrait permettre de
corriger la distorsion créée par l’exonération des plus-values à la cession
des résidences principales.

Pour les autres biens immobiliers, plusieurs mécanismes


d’abattement pour durée de détention existent et viennent limiter
l’efficacité du dispositif de taxation des plus-values à la cession. Les
plus-values immobilières de logement sont imposables à hauteur de
36,2 %136, soit 6,2 points de plus que les revenus du capital, soumis au
prélèvement forfaitaire unique. Toutefois, en plus des exonérations sur la
résidence principale, dans les cas d’une mutation inférieure à 15 000 € et
pour la première vente sous condition de réemploi au titre de la résidence
principale dans les deux ans, une exonération complète intervient au bout
de 22 ans de détention pour l’impôt sur le revenu137, et de 30 ans pour les
prélèvements sociaux138. Cette situation, qui traduit la prise en compte de
l’érosion monétaire en matière d’imposition des plus-values,
conformément à la jurisprudence constitutionnelle139, conduit à un

135 OCDE, La fiscalité immobilière, 2021.


136 19 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.
137 Selon l’article 150 VC du code général des impôts, cette exonération est

progressive : 6 % pour chaque année de détention au-delà de la 5ème année de détention


et 4 % pour la 22ème année.
138 De manière également progressive : 1,65 % au-delà de la 5ème année, puis 1,6 % pour

la 22ème, et enfin 9 % pour chaque année supplémentaire.


139 Conseil constitutionnel, Décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2014,

considérant 46.

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phénomène de rétention, le propriétaire pouvant vouloir, d’une part payer


le moins possible d’impôt, d’autre part attendre une hausse du prix du bien.

C’est le cas également pour les plus-values sur les terrains nus
rendus constructibles. Ce type de terrain prend soudainement de la valeur
du fait d’une décision administrative de modification du plan local
d’urbanisme : alors qu’une terre agricole vaut en moyenne 1 €/m2, ce prix
n’est quasiment jamais inférieur à 50 €/m2 pour un terrain à bâtir. Si le
régime fiscal complexe qui s’applique aux plus-values peut alors
représenter plus de la moitié du montant (cf. encadré), un nombre
significatif d’abattements viennent de fait réduire la charge fiscale, en
fonction de la durée de détention (cf. graphique).

Encadré 28 : Le régime fiscal des plus-values sur cession de terrains


devenus constructibles

La taxation des plus-values de cession sur terrains nus devenus constructibles


du fait de leur classement dans une zone urbaine ou à urbaniser se décompose
en plusieurs taxes :
 Une taxe forfaitaire de 10 % prélevée sur la plus-value, soit l’écart
entre le prix de cession du terrain et le prix d’acquisition actualisé
selon l’IPC hors tabac, que les communes ou les EPCI, aux termes
de l’article 1529 du code général des impôts, peuvent instituer140.
Elle ne s’applique que si le prix de cession est trois fois supérieur à
celui d’acquisition ou si le classement en secteur constructible est
inférieur à 18 ans.
 Une taxe perçue par l’agence de services et de paiement (ASP)
aux termes de l’article 1605 nonies du CGI, et affectée à un fonds
pour l’installation des jeunes agriculteurs. Elle ne s’applique que si
le prix de cession est au moins dix fois supérieur au prix
d’acquisition (taux de 5 % dans ce cas, taux de 10 % si le rapport
est supérieur à 30) et son assiette fait l’objet d’un abattement annuel
de 10 % à partir de la 8e année, soit une exonération totale à partir
de la 10e année.

140
En 2023, étaient concernés 6 606 communes et 2 EPCI.

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 Les prélèvements sociaux et fiscaux applicables de droit aux


plus-values immobilières : impôt sur le revenu (19 %) ;
prélèvements sociaux dont CSG (17,2 %). La plus-value en est
exonérée partiellement à partir de la 6e année de détention, et
totalement à partir de la 22e et de la 30e année de détention
respectivement.
Une taxe supplémentaire sur les plus-values élevées (supérieures

à 50 000 €), représentant jusqu’à 6 % du montant.
Au total, ce régime fiscal peut représenter jusqu’à 56,2 % de la plus-
value si elle est inférieure à 50 000 €, voire à 62,2 % si elle dépasse
260 000 €, dans le cas d’une durée de détention courte.

Graphique n° 15 : Taux effectif de la taxation des plus-values des


terrains nus rendus constructibles selon la durée de détention

60%
Taux effectif de taxation de la plus-value

50%

40%

30%

20%
Terrain acquis en 1990
10%

0%

Année de la première cession


après le classement en terrain constructible au 1er janvier 2020

Source : CPO.

Constat n° 17 : Les différents régimes d’abattement pour durée de


détention sur les plus-values immobilières alimentent des phénomènes
de rétention de terrains et de biens immobiliers sous-utilisés.

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Pour éviter les comportements de rétention foncière issus de ce


système, il serait possible de revoir le régime fiscal des plus-values
immobilières dans une logique de neutralisation dans le temps. Tous
les abattements pour durée de détention seraient remplacés par la prise en
compte de l’évolution des prix de la construction et des travaux
d’amélioration réalisés par le propriétaire.

Au regard de l’objectif du « zéro artificialisation nette », un


traitement à part serait à réserver aux plus-values pour les terrains
nus rendus constructibles. Dans ce cas, il pourrait être envisagé de relever
le taux de la taxe forfaitaire décidée par les communes et EPCI et affectée
au bloc communal, de manière à donner aux collectivités concernées les
moyens de favoriser un urbanisme plus dense et de qualité et limiter
l’incitation à libérer du foncier artificialisant qui pourrait en résulter. Sur
ce type de terrains, la réforme pourrait à court terme augmenter les
opérations artificialisantes par la vente de terrains que les propriétaires
conservaient, mais la hausse de la taxe forfaitaire limiterait ces effets
négatifs à moyen et long termes.

Recommandation n° 9 : Limiter la rétention des biens en remplaçant


les abattements sur les plus-values de cessions foncières et
immobilières pour durée de détention par une prise en compte de
l’évolution des prix de la construction et des travaux d’amélioration
réalisés par le vendeur et en réhaussant, pour les terrains nus rendus
constructibles, la taxe forfaitaire.

C - Les différentes situations d’occupation des


logements pourraient être traitées de manière plus
homogène

Enfin, les différents statuts d’occupation des logements


pourraient être également traités de manière plus neutre. Ils font en
effet l’objet en France, au titre des revenus locatifs, de régimes distincts et
complexes qui ne sont plus justifiés. Il existe d’une part une incitation au
régime de la location meublée, qui permet d’amortir le logement loué au
titre des bénéfices industriels et commerciaux (BIC)141, relativement à la

141 Conseil d’État, 10 juillet 1925, Dupont, n° 84803, Rec. p. 102, et Conseil d’État, 10

juin 1926, Dupont, Rec. p. 577.

Conseil des prélèvements obligatoires


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location nue ou vide qui relève du régime des revenus fonciers. D’autre
part, dans le cas des meublés, le régime de « loueur meublé non-
professionnel » (LMNP), pour les revenus inférieurs à 23 000 € ou
n’excédant pas 50 % des revenus fiscaux du ménage, permet une
minoration du montant imposable du fait de la non-réintégration des
amortissements pratiqués en cours de détention au moment de la plus-
value. Le tableau n°6 résume l’imposition qui résulte des différents
régimes.

Tableau n° 6 : Imposition des régimes de location vide et meublée au


titre des revenus locatifs

Location meublée
Location vide Loueur en meublé non Loueur en meublé
professionnel (LMNP) professionnel (LMP)
 régime micro-BIC :
chiffre d’affaires
Micro-foncier (loyers inférieur à 77 700 €
Régime réel (normal
Régime inférieurs à 15 000 € (logements) ou 188
ou simplifié)
par an) ou foncier réel 700 € (tourisme)
 régime réel (normal ou
simplifié)
Régime micro-BIC :
 50 % pour les locaux
d’habitation meublés
Abattement Régime micro-
 71 % pour les Aucun
forfaitaire foncier : 30 %
chambres d’hôtes et
meublés de tourisme
classés
Régime foncier réel :
 déduction de
charges réelles Régime réel : nombreuses charges et
Déductions de
 déduction du amortissements, dont amortissement du bien lui-
charges déficit foncier même
constaté une
année142
Immeuble hors terrain, frais de notaires, travaux et
Amortissement Aucun
ameublement
Taux IR Taux marginal d’imposition
Taux
prélèvements 17,2 % 35 %143
sociaux
Source : CPO.

142 Hors intérêts d’emprunt, et dans la limite de 10 700 €.


143 Au titre des cotisations sociales dues pour la sécurité sociale des indépendants (SSI).

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Cette distinction, qui est une particularité française en


Europe144, apparaît largement datée. La différence de régime fiscal est
peu lisible, avec une différence d’abattement entre la location vide (30 %)
et la location meublée (50 %) qui est trop importante pour couvrir
l’ameublement. Le double privilège dont disposent les revenus des
meublés de tourisme par rapport aux locations nues, au titre du régime des
BIC et du fait de l’abattement majoré de 71 %, héritage du XIXe siècle où
la location meublée était principalement composée de chambres d’hôtel, ne
se comprend plus. Il tend à encourager la location meublée de courte durée,
donc à réduire le nombre de biens disponibles sur le marché du logement
et éventuellement la mobilité résidentielle. Du reste, cet avantage
s’applique, dans le cas du régime micro-BIC, à un seuil de revenus élevé
pour une activité non-professionnelle145. Pour un particulier, alors que le
choix du régime réel permettrait d’inciter à l’amélioration du bien146,
l’incitation en faveur du micro-BIC limite aussi la rénovation du parc.
Enfin, ces différences de régimes représentent un coût significatif pour les
finances publiques : le régime micro-BIC applicable aux LMNP est
responsable d’un manque à gagner d’au moins 330 M€ par an147.

Malgré les nombreuses recommandations en ce sens,


notamment de la part du CPO148, ce système complexe et archaïque
perdure. Le CPO rappelle la nécessité d’unifier les deux régimes de la
location vide et de la location meublée, de manière progressive pour éviter
des effets redistributifs trop abrupts pour les ménages. Plusieurs étapes
pourraient ainsi être suivies pour y parvenir.

Dans un premier temps, il s’agirait de mettre fin aux conditions


favorables pour les meublés de tourisme classés et chambres d’hôtes
en supprimant l’abattement majoré et en ramenant le seuil au droit
commun149. Dans le cadre de la lutte contre l’artificialisation des sols et de
la mobilisation du parc existant, cette harmonisation permettrait de

144 Dans le monde, seule la Corée du Sud distingue également la location vide et
meublée.
145 188 700 € contre 77 700 €
146 Les travaux et la rénovation peuvent être amortis.
147 IGF/CGEDD, Mission d’évaluation de politique publique. Le logement locatif

meublé, janvier 2016.


148 CPO, Les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages, janvier 2018.
149 Dans le cadre du PLF 2024, un amendement gouvernemental adopté en première

lecture à l’Assemblée nationale prévoit la suppression de cet abattement majoré pour


les meublés de tourisme en zones tendues, et l’encadre pour les autres zones.

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maîtriser le développement des résidences touristiques, voire à terme d’en


réduire le nombre150.

Dans un second temps, après avoir mené une étude d’impact,


prévoir une unification des différents systèmes autour de deux régimes
(cf. tableau récapitulatif) : d’une part, le régime micro-foncier dans lequel
le seuil maximal pourrait être conservé à 15 000 € et la différence
d’abattement pourrait être réduite à 10 points (30 % pour la location vide,
40 % pour la location meublée), avant de mettre fin à la distinction entre
location nue et location meublée ; d’autre part, le régime réel, permettant
l’imputation des charges selon le régime de droit commun.

Tableau n° 7 : Réforme de la fiscalité des revenus locatifs autour de


deux régimes, unifiés pour la location vide et meublée

Micro-foncier Réel

Revenus locatifs bruts Inférieurs à 15 000 € par an Supérieurs à 15 000 € par an


Charges déductibles standard
30 % Déficit foncier imputable (hors
Abattement forfaitaire ou
(éventuellement 40 % pour un intérêts d’emprunt) sur le
déductions de charges
meublé) revenu global dans la limite de
10 700 €
Amortissement Frais de notaires, travaux et ameublement
Source : CPO.

Recommandation n° 10 : Rapprocher et unifier à terme les régimes


fiscaux de la location meublée et de la location nue.

150 En parallèle, l’inclusion de ces biens dans les normes réglementaires d’interdiction

à la location des biens énergivores serait utile, comme indiqué supra.

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Conclusion

Face aux nouveaux défis du bâti en France, la fiscalité du logement


apparaît encore trop peu adaptée aux réalités économiques locales et aux
objectifs, traditionnels et nouveaux, de la politique publique du logement.
Assurer sa plus grande cohérence passe également par la mise en extinction
des dispositifs fiscaux inefficaces et une plus grande neutralité fiscale.

Dans l’hypothèse d’une mise en place des différentes


recommandations figurant dans le présent rapport, et en raisonnant à
rendement budgétaire constant, il est possible de représenter les enjeux
financiers de la fiscalité du logement. Actuellement assise sur les deux
piliers de la détention et de l’acquisition, cette fiscalité serait à terme
recentrée sur la détention, ce qui permettrait de mieux la répartir sur le
cycle de vie du logement.

Image n° 5 : Enjeux financiers de la réforme proposée de la fiscalité


du logement

Note de lecture : en mettant en œuvre les recommandations du présent rapport, à


rendement budgétaire constant et à comportements des acteurs inchangés.
Source : CPO.

La part de l’acquisition serait réduite, du fait de la baisse, voire de


la suppression des DMTO, tandis que seraient relevées les parts de la

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détention, du fait de la révision de l’assiette et de la hausse de la taxe


foncière, et dans une moindre mesure de la cession (limitation des
avantages fiscaux sur les plus-values immobilières), de la location et de la
rénovation (suppression de certaines dépenses fiscales). Représentant un
tiers du produit de la fiscalité du logement dans le régime actuel, la part de
la détention en représenterait ainsi la moitié dans le régime cible. La
représentation schématique ci-dessus illustre les enjeux d’un tel
rééquilibrage, à comportements des agents économiques et grandes masses
financières constants.

Le CPO rappelle qu’il serait nécessaire, pour une réforme de cette


ampleur, de lisser ses effets dans le temps et de ménager la possibilité
d’appliquer une clause d’antériorité pour prendre en compte la situation
légitime de particuliers ayant effectué un investissement sous l’empire d’un
précédent régime fiscal.

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