Rapport Du Jury BEL 2023

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Ministère de la Culture

Ecole du Louvre Ecole du Louvre


Service de la scolarité
Palais du Louvre. Porte Jaujard.
Place du Carrousel
75038 Paris cedex 01

BEL
Admission 1er cycle
2023
Rapport du jury d’admission par la banque d’épreuves
littéraires 2023
…………………………………………………………………………………………………………............................……………

L’épreuve d’admission consiste en un oral de vingt minutes. Dans un premier temps il s’agit d’un du commentaire de deux
œuvres. Sont évaluées l’aisance dans la lecture de l’œuvre (analyse iconographique et formelle), la remise en contexte
(historique, philosophique, culturel, artistique…), la capacité à identifier. Dans un second temps un entretien permet d’apprécier
la motivation du candidat, l’adéquation de son profil avec le cursus envisagé, la maturité de son projet professionnel, sa juste
connaissance des spécificités des filières des métiers de la culture et du patrimoine et sa maîtrise liminaire des grandes questions
de l’actualité culturelle, muséale et patrimoniale.

Les commentaires qui suivent reprennent les remarques générales faites par les membres du jury à l’issue des oraux 2023.

Décrire et commenter

Si un commentaire d’œuvre, du moins à ce niveau d’études, doit comporter une description, il ne saurait s’y réduire. Quand
le candidat n’a pas identifié l’artiste et n’a pas reconnu l’œuvre, il doit dépasser la description pour proposer une mise en
contexte culturelle et une interprétation, tenter une attribution, au moins proposer une aire géographique de création et une
datation étayée par un raisonnement et des comparaisons. L’analyse formaliste d’une œuvre d’art, dérivée des écrits d’Henri
Focillon, ne peut suffire. Ainsi, la question de la fonction originelle d’une œuvre d’art est essentielle : une Déposition de croix
a d’abord été un retable avant d’être un tableau détaché de son support puis exposé sur une cimaise dans un musée, une
illustration, dans un livre, ou un « cliché » proposé à un examen.

De plus, la description formaliste considérée comme un but en soi conduit à des banalités, comme « les troncs des arbres
sont verticaux » ou bien « la verticalité du cavalier s’oppose à l’horizontalité de sa monture ». Il arrive que des candidats
voient dans les œuvres ce qui ne s’y trouve pas, comme des ombres portées dans La Vierge au chancelier Rolin de Van Eyck.

Il convient d’être précis dans la description. Attention par exemple au mot « traitement » qui est allusif : il ne suffit pas de
parler du « traitement de la chevelure » ou d’affirmer que « par le traitement du paysage, le peintre est presque abstrait ».
Il faut le caractériser et dire plutôt que « Le traitement de la chevelure est minutieux » ou que « Le paysage est schématisé,
il est réduit à des aplats de couleur, de sorte que le tableau confine à l’abstraction ». Cela revient à disposer du vocabulaire
adéquat (« aplat ») et des adjectifs appropriés.

Quoi qu’il en soit, la description doit faire l'objet de la plus grande attention de la part des candidates et candidats afin de
formuler ensuite les bonnes hypothèses interprétatives et de saisir, à minima, les processus de création artistique.

Comparer pour dater


La situation de l’œuvre dans l’espace et dans le temps pose de sérieux problèmes à certains candidats.
Certains, quoiqu’ayant commenté finement telle œuvre, se trompent ensuite lourdement dans la datation. Non, François Ier
n’a pas régné à la fin du XVIe siècle, Van Eyck n’a pas vécu au XVIIe siècle, le Lion au serpent de Barye ne date pas de 1910
mais de 1832, la pratique des performances (à propos d’une œuvre de Beuys) n’a pas commencé en cette même année 1910.

Certains candidats ont tendance à convoquer des œuvres qui n’ont rien à voir avec celle qu’ils doivent commenter, ce qui
révèle la fragilité de leur culture historique et fausse, de fait, leur raisonnement. Ainsi, convoquer Greuze pour commenter un
Bruegel, mettre sur le même plan la théâtralité du Fils puni (1778) du premier et les expressions des mères témoins de la
mort de leurs enfants dans Le Massacre des innocents (1565) du second est un contre-sens total. Les comparaisons ne doivent
pas être forcées : le bronze de la Mante religieuse de Germaine Richier est qualifié de « bleu » pour mieux correspondance
avec les théories de Kandinsky sur la couleur, la verticalité de cet insecte anthropomorphe est abusivement rapprochée et de
la Déposition de croix de Pontormo et des gratte-ciel Art Déco.

Les candidats qui ont annoncé une problématique sont ceux qui ont le mieux réussi l’épreuve. Exemple : « Nous allons
montrer en quoi cette sculpture est caractéristique du maniérisme ». Orienter son commentaire permet de rendre l’analyse
plus pertinente, par conséquent plus intéressante. Encore faut-il posséder les notions convoquées. Quelques idées reçues ont
conduit des candidats à se tromper lourdement : l’Eva Prima Pandora de Jean Cousin (vers 1549-1555) a été prise pour une
œuvre du XIXe siècle, « romantique » même, au motif que le paysage est « fumeux ». Or l’équation fumeux = romantique est
erronée. Un mouvement ne se réduit pas à un procédé pictural ; l’histoire de l’art est bien plus complexe que cela. De même
qu’un terme n’est pas univoque. C’est ainsi que plusieurs termes employés par les candidats ne le sont pas en pleine
connaissance de cause, comme « classique », baroque », « non finito » ou « sfumato ».
S’exprimer correctement

Un soin particulier doit être apporté à l’expression orale. Dans bien des cas, les candidats ne sont pas exprimés
correctement. Leurs prestations ont été saturées de tics verbaux qui irritent et empêchent les examinateurs de se concentrer
sur le contenu. Il convient de hausser son niveau de langage.
Pour y parvenir, nous recommandons de lire des commentaires d’œuvres écrits, de ne pas se contenter d’écouter des podcasts
ou des émissions de radio. La plupart des candidats ont évoqué les ouvrages de Daniel Arasse, dans une moindre mesure
L’histoire de l’art d’Ernst Gombrich et les manuels de Nadeije Laneyrie-Dagen. Ils trouveront dans ces livres de quoi enrichir
la langue qu’ils emploient pour commenter les œuvres.

Le commentaire d’œuvre est un genre bien précis, que les élèves peuvent apprendre à maîtriser par exemple en lisant des
notices nourries dans des catalogues d’expositions ou sur des sites internet de musées, de monuments ou de sites
archéologiques. Ces publications éditorialisées, écrites par des spécialistes et relues par des correcteurs, sont fiables. Analyser
leur construction en décomposant leurs rubriques et leur cheminement logique permet de prendre conscience que la richesse
du vocabulaire et l’exactitude de la syntaxe sont essentiels au commentaire d’une œuvre d’art.

Voici quelques exemples :

À PROHIBER SUGGESTIONS
Entame du commentaire, début des phrases

Abus des phrases commençant par « Nous avons et


surtout « On a… » :

« Nous avons une sculpture animalière » « Il s’agit d’une sculpture animalière »

« Ici, on a toute une statue qui est en torsion » « La figure est toute en torsion »

« On a une atmosphère de solennité » « L’atmosphère est solennelle »

« On a une tension des muscles, une expression « Les muscles du fauve sont tendus, son expression est
effrayante, une… » effrayante, la… »

« On peut voir un cadrage resserré » « Le cadrage est resserré »

« L’artiste a longuement observé l’animal » ou bien


« On trouve une grande observation de l’animal »
« L’animal est finement observé »
Développement du raisonnement, enchaînements logiques, transitions

« On a… ensuite on a… ensuite on a… » Il faut utiliser les conjonctions, les adverbes et les


« Mais » locutions adverbiales qu’offre la langue française :
« Mais également » « or », « néanmoins », « toutefois », « pourtant »,
« Et donc » « ainsi », « dès lors » …
« Du coup »
« Et donc du coup »
« Par ailleurs… Par ailleurs… Par ailleurs… »
« À la fois… et à la fois… » « A à la fois… et… »
« D’un côté… de l’autre… »
Fin des phrases

« Et tout ça » À prohiber

« Voilà » (plusieurs fois par phrase, des dizaines de fois À prohiber


en vingt minutes !), « Et donc voilà. »
« Donc ça rajoute. » À prohiber

Dans l’annonce du plan, confusion entre style direct et style indirect

« On peut se demander est-ce que cette œuvre est « On peut se demander en quoi cette œuvre est
maniériste » maniériste »

« Je vais montrer qu’est-ce qui est nouveau dans le « Je vais montrer ce qui est nouveau dans le traitement
traitement de ce thème » de ce thème »
Mieux : « Je propose de démontrer en quoi le traitement
de ce thème est nouveau »
Lire un manuel de grammaire et faire des exercices
Fautes courantes, familiarités, expressions générationnelles

« suite à » : « après avoir fait son apprentissage auprès de»


« suite à son apprentissage auprès de »
« souci » : « Caravage utilise la lumière pour construire sa
« Caravage a le souci de la lumière pour la composition »
composition »
« de sorte à » « de sorte que »

« de base » « à l’origine »
« laisse voir » « montre »

« pas mal » « beaucoup »

« au sein de » « dans »

« évoque » : « provoque »
« Cette œuvre évoque un sentiment de malaise » « Cette œuvre provoque un sentiment de malaise »
« au niveau de » : Expression le plus souvent inutile
« Au niveau de la couleur, les couleurs sont vives » « Les couleurs sont vives »
« Quant aux couleurs, elles sont vives »
« vrai » : Le mot « vrai » est souvent inutile…
« C’est une vraie innovation », « On a un vrai détail
sur la couleur » (phrase qui ne veut rien dire),
« On a une vraie référence à l’antique », « La référence à l’antique est évidente »
« Cette statue est basée sur une vraie verticalité » « La statue est verticale »
« sur » :
« On est sur un tableau néo-classique », « On n’est « Il s’agit d’un tableau néo-classique », « La coiffure n’est
plus sur une coiffure du Moyen Âge », plus médiévale »
« On est déjà sur un pavé » (à propos du livre de « L’ouvrage de Gombrich est conséquent / riche /
Gombrich) abondant »
« faire un musée », « faire une exposition » « visiter un musée », « visiter une exposition »

« Caravage casse les codes » « Caravage subvertit les codes de la peinture »

« casquette » : « Spécialité »
« Le sculpteur porte la casquette d’un virtuose » « Le sculpteur était réputé pour sa virtuosité », « Le
sculpteur fait preuve d’une virtuosité éblouissante »
« comme quoi » : « Nous allons montrer comme quoi « Nous allons montrer en quoi cette œuvre est
cette œuvre est maniériste » caractéristique du maniérisme »
Quelques lapsus

« Antonio Cavano » « Antonio Canova »

« Danaé » « Daphné »

« La nature naturante »

«Caravage avait des mœurs douteuses, donc ça


rajoute »
Quelques liaisons mal à propos

« assez tintéressant », « assez tinnovant »

« un vrai tévénement »

Respecter les règles

Chaque œuvre doit être commentée pendant dix minutes. Or certains commentaires ont été trop courts, l’un d’eux ayant
même duré six minutes. La parole est au candidat ; s’il ne la prend pas, les examinateurs auront tendance à l’interroger et à
le pousser davantage dans ses retranchements.

Lors des questions qui, pendant les dix dernières minutes de l’épreuve, permettent aux examinateurs de vérifier la motivation
du candidat, les réponses doivent être claires et courtes. Il convient de bien écouter la question posée et d’y répondre, sans
réciter un discours préparé. C’est somme toute une conversation qui doit s’installer.
Les examinateurs tiennent compte du trac qui envahit certains candidats, essaie de les mettre à l’aise. Inversement, un excès
de confiance peut être dommageable. Ainsi, une candidate s’est elle-même décrite comme « à l’aise à l’oral », alors que c’est
aux examinateurs d’en juger !

Les motivations

Les candidats ont été interrogés sur leurs motivations. Une écrasante majorité a dit vouloir devenir conservateur de musée
sans s’être renseignée sur ce métier exigeant, auquel on n’accède que par un concours particulièrement difficile. Les
examinateurs tiennent à préciser qu’un conservateur tout seul n’est rien, que la conservation et la mise en valeur du
patrimoine sont un travail d’équipe, que les métiers du patrimoine sont nombreux et surtout que les musées ne sont pas les
seuls débouchés.
La possibilité de gérer des monuments historiques semble être inconnue alors que des émissions de télévision populaires,
comme « Des racines et des ailes » et des documentaires faciles d’accès en parlent. Le marché de l’art a été peu évoqué, le
journalisme culturel une seule fois. Nous rappelons également que « commissaire d’exposition » n’est pas un métier, mais
une partie du métier de conservateur. Si dans le domaine de l’art contemporain, les « curators » existent, rares sont les
historiens de l’art qui peuvent devenir commissaires d’exposition à plein temps et en vivre.

Nous incitons vivement les professeurs des classes préparatoires aux grandes écoles à inviter des professionnels dans les
lycées pour qu’ils parlent de leurs métiers respectifs et à nouer des partenariats avec les musées locaux et les DRAC. Tel est
d’un lycée en particulier, dont plusieurs élèves ont raconté la révélation qu’a représenté pour eux une visite au Palais des
Beaux-Arts nourrie d’explications par des professionnels passionnés. En ce sens, l’écart entre les « prépas » peut être
important, alors même que les lycées qui dispensent un enseignement d’histoire de l’art en prépa sont tous situés dans des
villes et des régions riches en musées, monuments et sites.
Le jury a également constaté que les candidats peinaient à rendre compte d'une exposition temporaire récente, qui plus est
dans la ville où ils sont scolarisés.
Par ailleurs, il a apprécié que certains candidats se soient renseignés par eux-mêmes : une jeune femme souhaitant devenir
restauratrice de peinture avait ainsi visionné des documentaires sur ce métier, ce qui lui a permis de décrire les étapes du
processus de restauration, du cahier des charges à l’accrochage de l’œuvre restaurée sur sa cimaise. Dès lors, sa motivation
ne faisait pas de doute.
Le jury a également apprécié la présentation d'une autre candidate souhaitant travailler dans le domaine de la médiation et
qui a pu présenter dans le détail un dispositif observé in situ dans une exposition temporaire, et en expliquer les enjeux.

Si un projet professionnel précis n’est pas exigé à ce stade des études – il est rare qu’à peine deux ou trois ans après le bac,
l’on vise un métier précis –, les candidats doivent mettre à profit les informations disponibles sur les études à l’École du
Louvre. Ainsi, l’écart était frappant entre les candidats qui n’avaient pas pris la peine de lire la brochure de l’école, de sorte
qu’ils ne pouvaient décrire les spécificités de son enseignement, et ceux qui, après l’avoir lue attentivement, se projetaient
déjà avec gourmandise dans une spécialité, un séjour à l’étranger ou la Junior Entreprise. Cette capacité à se projeter dans
la suite de leur parcours académique a été particulièrement appréciée.

Les membres du jury :

Claire BARBILLON
Emmanuelle HÉRAN
Valentina HRISTOVA
Zoé MARTY
Florian MÉTRAL

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