Eau Dans Le Béton

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 4

C onnaître les risques

L’eau dans le béton


la juste dose...
Constitué de ciment, de sable, de gravillons et d’eau, le béton est un
matériau qui présente, dès sa fabrication, des caractéristiques plastiques
permettant sa mise en œuvre. Progressivement, le béton durcit pour
conserver la forme souhaitée et obtenir les résistances mécaniques pré-
alablement calculées. Les formules de béton d’aujourd’hui sont
particulièrement étudiées. L’emploi d’adjuvants contribue à améliorer les
performances du béton tant à sa mise en œuvre qu’au niveau des résis-
tances mécaniques finales.
Pour la réalisation d’un ouvrage, l’ingénieur structure détermine donc,
par le calcul, les résistances mécaniques. De son côté, l’ingénieur béton
met au point la formule de béton, c’est-à-dire qu’il choisit en particulier
le type de ciment, son dosage, la répartition granulaire du sable, des gra-
villons et les adjuvants à employer. Il est important aussi, au niveau de la
formule du béton, de bien préciser la quantité d’eau globale que doit
contenir le béton. Si la quantité d’eau de la formule de béton n’est pas
respectée, ceci peut avoir une incidence sur les performances finales du
béton.
Nous nous proposons ici de rappeler, dans un premier temps sous une
forme illustrée, en oubliant volontairement les équations chimiques, le
rôle de l’eau dans le béton. Dans une deuxième partie, nous présentons
quelques conséquences qui peuvent être attribuées à un non-respect de
la formule de béton.

L’EAU DANS LE BÉTON Schématiquement, le ciment se présente sous une


L’eau ajoutée lors du malaxage du béton se pré- forme de poudre fine constituée de minéraux
sente, une fois le béton durci, sous trois formes : dénommés silicate tricalcique (C3S) et aluminate
tricalcique (C3A).En présence d’eau, ces compo-
■ l’eau d’hydratation, sants réagissent pour donner de nouveaux
■ l’eau libre, minéraux : silicate de calcium hydraté (CSH) et
■ l’eau adsorbée. aluminate de calcium hydraté (CAH).

Pour faire prise et ensuite durcir, le béton, ou plu- Prenons l’exemple de l’hydratation du silicate tri-
tôt le ciment, se combine à une partie de l’eau du calcique. Nous distinguons quatre étapes
mélange du béton. C’est l’eau d’hydratation ou successives du processus d’hydratation du
eau chimiquement liée. Les mécanismes de prise ciment :
et puis de durcissement du ciment ont fait l’objet
de nombreuses recherches. 1) l’eau imbibe progressivement le grain de
ciment C3S,

60 SYCODÉS Informations n° 63 - novembre - décembre 2000


C o n n a î t re l e s r i s q u e s L’eau dans le béton,
la juste dose...

2) la dissolution partielle du ciment est constatée, 1 2


3) la réaction donne des silicates de calcium
hydratés CSH insolubles dans l’eau et de la
chaux en solution. Ce dernier composant
contribue à donner au béton un pH basique,

4) les silicates de calcium hydratés s’empilent et


forment des aiguilles.

Les figures de la photo n°1 présentent ces


réactions.

L’enchevêtrement de ces cristaux en aiguilles est à


l’origine du raidissement du béton constaté lors 3 4
de la prise du ciment. La croissance de ces cris-
taux et leur nombre vont progressivement
consolider l’édifice et conférer au béton sa résis-
tance mécanique.

En théorie, la quantité d’eau nécessaire pour


hydrater complètement le ciment correspond à un
rapport E/C de 0,26.

L’eau excédentaire forme une pellicule autour des


granulats permettant ainsi de lubrifier le mélange.

Une partie de cette eau constitue l’eau libre dans


le béton. Elle sera partiellement éliminée lors du
séchage du béton. Son départ créera des vides
formant ainsi une partie de la porosité du béton. Photo n°1

Dans les pores de plus petites dimensions, l’eau


est difficilement éliminée. Elle adhère aux parois
des pores. Cette fraction de l’eau constitue l’eau
adsorbée.

INCIDENCEDE L’EAU EXCÉDENTAIRE SUR LES


PERFORMANCES DU BÉTON
L’excès d’eau de gâchage a pour conséquence
d’éloigner les grains de ciment les uns des autres
et d’envelopper les granulats d’un film d’eau plus
ou moins épais. Il en résulte une porosité créée par
la place prise par l’eau libre.

Le schéma de la photo n°2 montre la différence de


compacité entre un béton moyennement dosé en
eau et un béton fortement dosé en eau.

Photo n°2

Habituellement, la quantité d’eau globale que doit contenir le béton est mentionnée par le rapport E/C, c’est-à-dire la quan-
tité d’eau E exprimée en kilogrammes divisée par le poids de ciment contenu dans un 1 m3 de béton.

Précisons que la quantité d’eau globale comprend l’eau ajoutée lors du malaxage et l’eau apportée par le sable et les gra-
villons. Par conséquent, au moment du mélange du béton, la quantité d’eau ajoutée dans le malaxeur doit être ajustée en
fonction de l’apport d’eau des granulats. Des appareils de mesure installés sur les malaxeurs permettent de maîtriser cette
quantité d’eau globale.

SYCODÉS Informations n° 63 - novembre - décembre 2000 61


C o n n a î t re l e s r i s q u e s L’eau dans le béton,
la juste dose...

On constate que la porosité du béton pour toutes


conditions de fabrication identiques est plus
importante pour les bétons contenant une quanti-
té plus importante d’eau.

Etant donné que l’enchevêtrement des cristaux est


moins dense, la résistance mécanique du béton
sera plus faible. À titre d’exemple, nous reprodui-
sons les courbes d’évolution des résistances
mécaniques en fonction des rapports E/C* (voir
photo n°3).

Les bétons plus poreux sont propices à la carbona-


tation, c’est-à-dire à la réaction dans l’épaisseur
du béton entre le gaz carbonique atmosphérique
et le milieu basique du béton. La carbonatation du
béton détruit la couche protectrice au contact de
l’armature métallique qui peut alors se corroder.

La courbe de la photo n°4 montre l’évolution de la


profondeur de carbonatation en fonction du rap-
port E/C**.

L’autre origine de corrosion des armatures est due


à la migration éventuelle des chlorures dans le
béton. Des courbes analogues à celles de la carbo-
natation mettent en évidence l’incidence du Photo n°3
rapport E/C sur la diffusion des chlorures dans le
béton.

AUTRES CONSÉQUENCES DE L’EAU


EXCÉDENTAIRE
Les bétons fortement mouillés présentent, d’une
manière générale, des retraits plus importants sus-
ceptibles d’entraîner la fissuration du béton. C’est
principalement le retrait de dessiccation qui pré-
domine alors dans le retrait du béton.

Nous avons vu précédemment que l’excès d’eau


contribue à accroître la porosité du béton. Cette
porosité rend, d’une manière plus générale, le
béton sensible au phénomène de gel/dégel. Dans
le cas de contact avec des solutions chimiques
agressives, les bétons plus poreux présentent aussi
moins de résistance aux agents agressifs.

Les bétons trop mouillés mis en place par vibra-


tions développent une ségrégation, c’est-à-dire Photo n°4
que les éléments fins migrent vers la surface.
Cette couche superficielle du béton est dénom-
mée laitance. Le schéma de la photo n°5 montre
la coupe de béton de ce type.

Cette couche superficielle est généralement moins


résistante que le béton de masse. Les peintures ou
résines appliquées sur de tels supports peuvent se
décoller. Ceci résulte de la tension créée par le film
de peinture ou de résine qui sollicite cette couche
superficielle en cisaillement. La rupture apparaît
alors dans le plan de liaison de la couche superfi-
cielle et du mortier sous-jacent. Photo n°5

62 SYCODÉS Informations n° 63 - novembre - décembre 2000


C o n n a î t re l e s r i s q u e s L’eau dans le béton,
la juste dose...

Des constatations similaires sont faites sur les


bétons de dallage surfacés. Le retrait de la couche
de barbotine doit être bloqué par un bon accro-
chage sur le béton. Si le béton est trop mouillé, la
couche superficielle n’est pas suffisamment résis-
tante pour assurer une cohésion efficace avec la
couche de surfaçage. Des faïençages sont alors
observés et éventuellement un décollement de la
couche de surface.

OBSERVATIONS
L’ajout d’eau dans le béton permet d’accroître son
ouvrabilité, c’est-à-dire la facilité de sa mise en
œuvre mais cela présente les inconvénients

Photo DR
majeurs que nous venons de rappeler.

Pour obtenir une bonne ouvrabilité du béton tout Vue en coupe d’une écaille de peinture de sol,
en maîtrisant la quantité d’eau, il est conseillé avec rupture dans la couche superficielle du béton.
d’employer des adjuvants de type super plastifiant
haut réducteur d’eau et/ou plastifiant réducteur
d’eau.

La norme NFP 18 305 béton prêt à l’emploi men-


tionne les différentes plasticités recherchées pour
le béton. Elles sont mesurées par un essai d’affais-
sement du béton frais au cône.

Les exemples des désordres donnés dans cet arti-


cle peuvent avoir d’autres origines que l’excès
d’eau, qu’il convient de diagnostiquer au cas par
cas.

Jean-Marie Estoup
Cabinet d’Expertises CPA

Photo DR
Références bibliographiques :

* “Les bétons, bases et données pour leur formulation”. Disparition d’une couche de laitance
Jacques Baron et Jean-Pierre Ollivier, Éditions EYROLLES. du béton sous l’effet de dissolution de l’eau.

** “La durabilité des bétons”. Presse de l’École


Nationale des Ponts & Chaussées. Photo DR

Fissures de retrait de dessication du béton.

SYCODÉS Informations n° 63 - novembre - décembre 2000 63

Vous aimerez peut-être aussi