BCH 0007-4217 1921 Num 45 1 3055

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Bulletin de correspondance

hellénique

Attis d'un Métrôon ( ? ) de Cyzique


Charles Picard, Th Macridy-Bey

Citer ce document / Cite this document :

Picard Charles, Macridy-Bey Th. Attis d'un Métrôon ( ? ) de Cyzique. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 45,
1921. pp. 436-470;

doi : https://doi.org/10.3406/bch.1921.3055

https://www.persee.fr/doc/bch_0007-4217_1921_num_45_1_3055

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ATTIS D'UN MÉTROON (?) DE CYZIQUE

(PI. XIV-XVII)

I. — Circonstances de la découverte.

Dès l'intervention de la Turquie dans la guerre europe'enne,


Panderma devint un lieu de concentration pour les troupes
ottomanes destinées aux divers fronts. Les locaux militaires
durent être alors agrandis ; en particulier, la construction d'une
vaste caserne avait été, d'emblée, décidée par les autorités
locales. Les ruines deCyzique, visibles à proximité, et qui
pouvaient fournir la pierre nécessaire, attirèrent encore (1) l'atten-

(1) On sait combien les édifices de Cyzique ont été souvent, et fâcheusement
exploités, depuis les temps antiques. La ville détruite a constamment servi de
carrière de marbre, et le dommage, au point de vue archéologique, historique,
est déjà irréparable. Sur la continuité de ces destructions, cf. G. Perrot et E.
Guillaume, Explorât, archéol. delà Galatie, etc., 1862, p. 71 : dévastations commises
par les habitants d'Erdek (Artaki), les plus voisins, a l'Ouest, du site présumé du
Temple d'Hadrien. M. Th. Reinach a rappelé [BCU, XIV, 1890, p. 521), qu'au temps
du premier voyage de Cyriaque d'Ancônedans la région, en 1431, on employait déjà
les pierres des ruines de Cyzique, pour la construction des maisons, ou d'édifices
publics, à Brousse. Cyriaque avait alors obtenu des autorités locales une
promesse de cessation du pillage. Elle ne fut pas tenue ; quand il revint, en 1444,
il n'y avait plus au «Temple d'Hadrien » que 29 colonnes debout, au lieu de 31,
vues précédemment; encore, pour la plupart, avaient-elles perdu leurs
chapiteaux. A une époque plus récente, ce sont encore les pierres de Cyzique qni ont
servi pour la construction et l'entretien des quais de la Corne d'Or. A cet filet,
les sultans avaient donné à leurs architectes de véritables firmans d'exploitation.
Nous avons pu voir récemment, dans une collection particulière de
Constantinople, diverses statues cyzicéniennes d'époque gréco-romaine, inédites, et
provenant ainsi des édifices mis à mal ; elles ont été, au moins, sauvées de la
destruction, et il sera intéressant de les faire connaître quelque jour.
attis-d'un' métrôon (?) de cyzique: 437

tion'> des constructeurs.. Mais la Direction, des Musées


Impériaux, avise'eà temps, réussit à prendre, cette fois-ci, les mesures
dictées par r les circonstances. Elle · chargea l'architecte du

.
district ' de Karassi, dont dépend ■ Panderma, de rester, en
permanence à Cyzique,pour inspecter les travaux, en n'autorisant que
l'enlèvement des marhres sans valeur. Ce fonctionnaire devait;,
en outre,, informer la. Direction des Musées de toute découverte
intéressante.

Fis. 1. — <:l):t[)ii(".ui ilu plier <l'Alti*.'lops de la diVniivei-U·.

Le 18 septembre 1ί)17,-ΐπι»; U'.ttrc du -gouverneur de Karassi*


annonçait précisommit rrxhumation d'une •grande- statue et
d'un pilastre --sculpté,, tous deux faits de ce marhr(i bleuté,
fortement cristallin, qui provient de la Proconnèse. Le<
trouvailles, par ordre, fuient mise- en caisse et amenées à Panderma..
C'est- là -que, -les vit un inspecteur îles Musées, Bedri-Bey,
chargé, erwnail9l8.de se rendre sur. place, et d'adresser un?
rapporl-surladécouverte. Ilnous a libéralement communiqué^
ce document. Pendant son séjour à Cyzique, Bedri-Bey fut assez1
heureux pour découvrir aus>i le chapiteau du pilier d'Attis(fig.l),
qu'il a fait parvenir aux Musées. Le chapiteau du pilastre sculptéj
438 1 TH. MACR1DY-BEY ET CH. PICARD

assez, détérioré, nous dit-il (1), resterait - sur place, à-demii

exhumé. leUne
montre' mur,,
photographie
de- construction
que ·nous
évidemment
reproduisons
tardive,
ici (tig.
devant-
2)

lequel furent découverts, ensemble, le pilier d'Attis et le pilastre


sculpté.. Malheureusement, les carnets du missionnaire,
contenant ses croquis et ses mesures exactes,- devaient être perdus
au cours du voyage de retour.vïlh'a pas été possible, jusqu'ici; en

'.·'.'■

F'?· 2. — Mur à niches, «levant lequel ont ftc5 trouvés le pilier «l'Attis et le pilastre «rulpté.

raison des événements de guerre, de refaire sur place-les obser^


valions de Bedri-bey; \e. .schéma que nous présentons
provisoirement (fîg. 3} n'a pir ôtre- établi qu'à: distance et de mémoire,,
d'après les renseignements: reçus.
Le pilier d'Attis et le pilastre trouvé avec Iuij entrés aux
Musées Impériaux Ottomans en mai; 1918, ont été inscrits dans

(Γ Ce n'est -pas assurément- celui qu'a signalé Th.. Wiegand, Athen. Mitt.,,
XXIX, l'J04, p. 2'JO, iiir. i3.. Le chapiteau vu par Th. Wiepand avait ue?5 proportions <
plusi fortes : haut. 0 m. 82. De plus, le type des feuilles d'acanthe diffère.
ATT1S D'UN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 439

les inventaires sous lesn6* 3302 et 3303. Le chapiteau du pilier


d'Attis, reçu quelques jours plus tard, a été mis en placo, dans
la salle XVI (1). ^ous devons encore à Bedri-bey la photo-

(1) Ch. Picard, Rev. de l'art anc. et moderne, xl, 1921, p. 246-247, et fig. 12.
440 τη; macridybey: et. πι; picard

graphie- d'une- interposante colonne (?) de marbre sculptée


(fig. 4), qui se trouvait, nous dit-il. à^OOrn. environ, à l'Est
du?mur ci-dessus mentionné (fig..2et .'{). Son diamètre, assez

Figr. i. — Cr.L.nne <?, ^,,Ι,,Κ-ρ. trouvé W ,l;llls |,. n.ari.-a^e, 4 : m. à l'Est «lu mur.

fort, est d'un mètre 40. Rllc est encore dressée- verticalement;
in- situ, sijlon toute vrais^mhlancH, — ilnris un marais,, d'oui
elle émerge de 2 m. environ. La décoration en. relief aurait.
ATTIS d'uN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 441

représenté, d'après Bedri-bey, « des oiseaux (?) et des


poissons » ; certains de ces poissons sont nettement des
dauphins (1). On ne peut oublier de rappeler, à ce sujet, que
G. Perrot et E. Guillaume, à la suite de leur exploration des
ruines de Cyzique, avaient signalé déjà, dans la région du
Temple présumé d'Iladrien (2) des « fragments de dauphins
sculptés » (3). Le thon, d'autre part, de longue date, avait eu \
une place symbolique dans le blason de la cité (4) ; or, on
distingue aussi trois de ces poissons, en file horizontale, sur
la colonne «le Bedri-bey, au-dessous des dauphins.
Qu'il nous soit permis d'adresser ici, à l'heureux inventeur de:
ces diverses pièces, nos remerciements cordiaux, pour tous les
renseignements qu'il a bien voulu nous fournir. Nous
exprimons aussi notre gratitude et nos félicitations à Ziidln-bey,
architecte des Musées, à qui sont ducs les excellentes
reproductions du pilier d'Attis et du pilastre trouvé tout auprès (fig. 7 et
pi. XVII).

(1) Nous nous bornons ici à signaler cette intéressante trouvaille, qui pourra
mettre, un jour, sur la voie de belles découvertes, dans le cas d'une exploration
exhaustive des ruines de Cyzique, œuvre à laquelle l'Ecole française d'Athènes
a songé. Sur la photographie prise par Bedri-bey, on voit les deux grands
dauphins disposas verticalement, de part et d'autre d'une tige droite, peut-être
terminé? par une feuille, plutôt par une pointe trident:; cf. une mosaïque de
Délos, Mon. Piol, XIV, 1907, pi. X, A en haut; et la frise des Thermes d'Agrippa,
à Rome; F. Benoit, Architecture, Antiquité, p. 473, lig. 315; au-dessous, une frise
de thons, représentés horizontalement. Quant au reste du décor,
vraisemblablement marin, nous ne pouvons nous prononcer. Nous n'avons pas remarqué,
pour notre part, la présence d'oiseaux. — C'est également aux soins de Bedri-bey
que les Musées Impériaux ottomans doivent d'avoir acquis deux consoles ou
acrotères archaïques provenant aussi de Cyzique :.Ch. Picard, lieu, de l'art anc. et
modern?, XL, 1H21, ρ- 164-16."'· ; en outre, un entablement dVdifice funéraire d'un
bon style, de la même*ville, et plusieurs stèles, recueillies dans la région. Un
arlicle du BCII fera connaître prochainement, en détail, ces pièces, avec d'autres
sculptures inédites de Cyzique.
(2) Sur ce temple, G. Perrot et E. Guillaume, /. l. (Explor. Galatie.) ; cf. pi. Ill ;
Rev. arch., lsfii, I, p. .Ό sqq.; cf. aussi Th. Reinach, BCII, XIV. 189S, p. 517 sqq.;
F. W. Ilasluck, C'/zia/s, p. 187-1*9.
^3} Rev. arch., l. L, p. 35·"», η. 1 : « Parmi les débris informes que nous avons
étudiés, nous avons reconnu des fragments de dauphins sculptés ».
(4) Le thon était déjà associé à la tête d'Attis, sur des monnaies du v« siècle
av. J.-C. : cf. V. Fritze, Nomisma, IV, 1909, p. .'Jô, et pi. III, >, 5, 7, 10.
442: TH. MACRIDY-BEY. ET CH. PICARD

IL, — Le: site;' l'arrangement architectonique.

Malheureusement, — jusqu'à ce que la cessation de l'état de,


guerre permette la reprise de l'exploration archéologique, — la
perte des carnets de: Bedri-
bey nous prive des
informations les plus précises* que
nous aurions pu désirer, sur
Tend mit môme de la
découverte. On sait que la ville
ancienne de Cyzique(l) était*
bâtie à l'étranglement de la
presqu'île deProconnèse; à:
moitié au Nord, sur le Din-
dymos (Kapou-Dagh).
aujourd'hui couvert de vignes
et de vergers,. que Strabon:
appelle άρκτων όζος ; à·
moitié dans la plaine
méridionale (2). qui bordaitle
détroit; celle-ci est maintenant
cha ngée ' en ?. un vaste
marécage cerné par deux plages :
istbmiques. C'est de ce côté,
dans les lagunes du Sud,

;i) La topographie en a été


plusieurs fois étudiée; cf. G. Perrot et.
E. Guillaume, Explor. Galatie, pi. .
Ill ; R. de Rustafjaell. JUS., XXII,
1902, pi. XI; A. E. Henderson, JHS.,
XXIV, 1904, pi. VI.1 Dans l'ouvrage,
d'ensemble de F. W. Hasluck, Cyzi-
cus, on trouvera, d'abord, un carton
d'ensemble, d'après II. Kiepert, Spe-
cialkarte von wesllichen Klehmsien, 1896 ; puis, une étude spéciale de la région ■
(Cyzicus et viciniai: enfin, un levé détaillé des ruines conservées en 19()2-19»3.
œuvre d'A. E. Henderson, F. W.. Hasluck, W. Peet {Survey ofCyzicus). C'est à
ce levé que se rapporteront les indications topographiques données ci-après.
<2) F. W., Hasluck. C'/zicus, p. 2 sqq.; p. 215 sqq. .
ATTIS d'un MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 443

qu'ont été- exhumées les pièces publiées ici. On aurait pu croire


que l'emplacement présumé du Temple d'Hadrien, — signalé de
longue date, si riche en pierres et en marbres (à cause de la
présence des ruines d'un sanctuaire immense, et de l'Agora
voisine) — avait dû attirer tout d'abord, pendant la guerre,
l'attention des chercheurs de carrières. Ce n'est pas là pourtant
qu'ont été trouvés l'Attis et le pilastre-.. Si l'on se reporte à la
carie d'À. E. Henderson, de F. W. llasluck et de \Y. Peet, — en
suivant la route, qui, au Sud du versant méridional du Kapou-
Dagh et de l'isthme, mène de Panderma à l'Est, vers Erdek
(Artaki) à l'Ouest, et, au passage, vers les ruines du Temple dit
d'Hadrien, — on rencontre d'abord un carrefour, où la carie
anglaise a mentionné une fonlaine, une citerne et un abri
(« shelter house »). La fontaine est sans doute celle qui est dite
actuellement « Puits des Tziganes » (Tchinghiani-Iiounar).
Près de là, à l'Ouest, on voit la tète d'un aqueduc, qui s'enfonce
dans la lagune. La Tour de Balkiz-Seraï est encore assez
éloignée vers l'Ouest [{), etee n'est qu'après l'avoir dépassée qu'on
arriverait aux ruines du « Temple d'Hadrien » et de l'Agora.
C'est, au contraire, beaucoup plus près vers, le Sud, à 600 m.
environ de Tchinghiani-I>ounar, qu'ont été trouvés les
marbres entrés en mai 1918 aux Musées Impériaux.
De ce côté, la présence, dans les marais, de la colonne (?)
(fig. i), trouvée par Bedri-bey, à 300 m. environ à l'Est du mur
de la fifj. <2, fournira toujours un précieux repère, pour
l'exploration éventuelle d'un édilice, auquel nous pouvons prêter dès
maintenant un intérêt capital : la découverte d'un pilier d'Attis,
les rapprochements qu'elle autorise avec d'autres pièces, dont
la provenance peut être désormais précisée, nous met, en etîet,
semble-t-il, sur la trace d'un Metrôon, — peut-être le temple
principal, à l'époque romaine, d'une cité dont la Cybèle du
Dindymos, la Dindyméné, fut, comme l'on sait, jusqu'à la
décadence latine, la vénérable suzeraine (2).

■vl) Plus de 20 minutes de marche.


(2: Le temple de la Cybèle du Dindymos passait pour avoir été fondé par les
Argonautes ; cf. M. Besnier, Lex. de géogr. anc, s. y.; F. W. Hasluck, L L, p. 214.
444 TH. MACRIDY-BEY ET CH. PICARD

Nous résumons ci-après les renseignements à extraire du


rapport de Hedri-bey, écrit sur le lieu même de la découverte.
Le mur, contre lequel ont été trouvés, l'un près de l'autre, l'Attis
et le pilastre sculpté, est de construction romaine; épais de
0 m. 60 environ, il présente un appareil de pierres inégales,
assemblées à la chaux (1). Le dispositif restauré
approximativement en plan (Jig. 3) montre une partie recliligne, longue de
0 mètres (?) environ, en avant de laquelle apparaissent, orientés
vers le Nord (cf. aussi fig. 2), deux courts retours
perpendiculaires saillants dont les pièces retrouvées formaient les têtes.
Derrière le mur de 0 m. 60 d'épaisseur, une autre construction
plus épaisse (1 m.;, de même appareil, a été remarquée ; c'était
la paroi principale de l'édifice, le reste étant décoration
intérieure d'applique. Entre les deux retours terminés par nos
·

pilastres, on voit (fig. 2) une niche cintrée (3), dont le fond était
constitué par le parement même du mur le plus épais. Sur la
figure 3, d'un coté, l'on remarque que la construction semble se
terminer au retour perpendiculaire; c'est cequ'indiqueraitaussi
la structure du pilastre quadrangulaire retrouvé là (fig. 6-7). De
l'autre coté, au contraire, on aperçoit la naissance de l'arc d'une

(1) On comparera la construction des arcades de l 'amphithéâtre ; cf. G. Perrot


et E. Guillaume, Explor. datai le, p. 74-75 (2e moitié du inc s. de notre ère;. Pour
remplacement de cet amphithéâtre, voir la carte d'A. E. Henderson, tic Purvey),
tout au Nord 'amphithéâtre;.
!2; La longueur précise de ces retours n"a pu nous être fournie par les notes
de Bedri-bey; mais nous connaissions la longueur exacte du chapiteau du pilier
d'Attis, prolongé, comme dans la décoration des thermes dWphrodisias, par une
sorte de frise. Nous avons pu ainsi calculer, avec une suffisante approximation,
la saillie même des retours (fig. 3;. On notera qu'à Cyzique dans le Temple dit
d'IIadnen, inauguré probablement eu 167 ap. J.-C, et dont l'emplacement nous
est aussi connu (cf. ci-dessus, p. 441, n. 2), il y avait pareillement,, à l'intérieur
de la cella, des supports engagés ; Cyriaque d'Ancone 'cf. Th. Reinach, DC1I,
XIV, 189(3, p. 527) avait signalé à l'intérieur de la cella, dix colonnes très
richement décorées « parietibus annexae » ; elles devaient soutenir les galeries
latérales.
(:5) Des baies cintrées analogues ont été remarquées par G. Perrot et E.
Guillaume, au « théâtre >; ; cf. Explor. Galatie, p. 74. On notera que l'endroit
considéré comme le théâtre par les deux explorateurs français, se trouve sensiblement
au S.-E. du lieu désigné par la même apellation sur la carte anglaise {Suruey). Il
n'y a sans doute là que l'effet d'une incertitude des levés les plus anciens.
aîtis d'ln metkoon r.'i de cvziquk 44o

— Pilastre s.culpt'\ tiuiivi an voi>iuaue de ΓΛΠι»,


446 τη; macridy-bey et ch., picard.'

seconde niche, identique à la première; il· est. donc


vraisemblable que la décorationuigrénientée avec les piliers d'Attis
s'étendait par là. D'autres piliers similaires, fragmentés -et
dispersés, dont nous- aurons à parler: ci-après, devaient;, par
conséquent, provenir, auss'n de cet ensemble architectonique,
sans doute prolongé assez- loin. Même si* nous n'avions pas
disposé de tels renseignements pris sur place, — et si précieux,
quoiqu'incomplels, — il eût été hors de doute que le pilier d'Attis
et la*parastade quadrangulaire trouvée près de lui avaient fait
partie··- d'un même édifice (1);: leur hauteur totale est- pareille;
le socle sur lequelpose PAttis (pi. X1V-XV) arrive au niveau de?
la partie planequi commence au-dessous. du cartouche sculpté
de la parastade (fig. 6-7). De plus, on observe que les deux
supports étaient pareillement engagés à leur, partie inférieure.
Les deux supports, celui que décorait une-figure divine, et.
le pilastre quadrangulaire voisin, devaient sans doute terminer,
d'un coté, une construction, dont.nous pouvons ainsi deviner
quelque peu l'ordonnance. Un. chapiteau de pilastre, à base
quadrangulaire, faisait pendant au chapiteau connu* pour le:
pilier d'Attis ; il est-resté surplace, comme nous l'avons ci-
dessus indiqué.
On; aurait pu· être autorisé à penser,- en., raison de la faible *
hauteur totale des deux soutiens retrouvés, voire d'après les
traces visibles à hauteur du socle de PAttis que les divers
éléments découverts avaient appartenu à la décoration d'une sorte:
Baltique,; plutôt qu'à l'ordre principal· inférieur, d'un portique.
On sait, en. fait, qu'après l'époque hellénistique, ce genre de
construction a été assez fréquent (2) en- pays helléniques, le
pilier quadrangulaire de faible hauteur,-étant devenu, dès lors,
le modèle-type dusoutiendusecond ordre (étage). Lesarchi-

(1) M." H. Graillot, Le culte de C.ybele, p. .377, connaissant seulement l'Attis mutilé
de Brousse, dont nous ; parlerons ci-après, a pensé, à la suite- de 11." G. Mendel
{DCH, XXXIII, 1U09, p. 259; n° 8;, que cette statue, avec le pendant symétrique ;■
supposé icf. G. Mendel, l. L), avait pu décorer la porte d'un temple, ou peut-être
d'un enclos funéraire; le? observations exposées ci-après expliquent ; pourquoi *
nous renonçons à cette hypothèse.
(2) R.\Vallois, dans C. R: Ac. Inscr., 1912, p. 105 sqq.
ATTis î d'c:* métrôon (?) de cyzique 447:

LASTBJt.

SCULPTE

itCYZIQfflL

PEAN AIL

Fig. 7. — Détail du pilastre sculpté (of. fi?. 6,'.


BCH, XLV (1921).
448 TH. MACRIDY-BEY ET CH. PICARD

tectes avaient peu à peu introduit beaucoup de variété dans la


conception de Xattiqup. Les s to ai à deux étages d'Athènes [Stoa
d'Attale, Stoa -du i'Asclépieion) ont à leur ordre supérieur des
colonnes circulaires ou elliptiques, celles-ci se rapprochant de
l'effet produit, à sa partie supérieure, par le pilier d'Attis.
L'existence de balustrades reliant des « coluinnae attieae » (1)
a été constatée assez souvent [2\; Y at tique de (îyzique aurait
donc pu être de ce type, dit attique carré, qui semble bien, en
Asie-Mineure comme en iirèce propre, plus récent et plus rare,
en comparaison de Yattique rectangulaire, dont les paraslades
avaient eu une section oblongue, le. coté le plus larqe étant
placé en profondeur. Calte constatation ne serait pas en
contradiction avec les observations que nous aurons à présenter au
sujet de la date de l'édifice evzicène.
Toutefois, les observations faites d'après les notes de ftedri
bey, surtout d'après le dispositif des deux murs, ne nous
engageaient pas à nous en tenir à de telles hypothèses. La
longueur exacte du chapiteau du pilier d'Atlis étant de 1 m. 3Γ> et
celle du pilier d'Attis lui-même, de 0 m. 70o seulement, nous
devions compter 0 ni. 64") pour la saillie du mur sous le
chapiteau. Après cette remarque, il nous a semblé hors de doute
que les deux pilastres placés en tète dc^ retours perpendiculaires
ne faisaient pas partie de la décoration d'un étage, — sous
lequel il aurait d'ailleurs fallu supposer tout un premier ordre
encore enfoui, et resté plus ou moins en place. Ils étaient, plus
vraisemblablement, disposés au rez-de-chaussée d'une cour, et
reliés entre eux par une banquette de marbre, en retrait de
0 m. 29, de manière à dégager chaque statue et sa base (fig. 3).
La banquette avait une hauteur égale a celle de la base des
piliers, une épaisseur présumée de 0 m. 90; elle venait aboutir
au mur du fond, qui était certainement plaqué de marbre, ainsi
que les parois des retours.

(1) C-est le nom que Pline donne aux colonnes de section carrée, Nat. Hist.
XXXVI, 23 et 56.
(2) A Délos, par exemple, à Yattique de la Stoa coudée de l'Agora; cf. R. Val-
lois, /. l., p. 107, et fig. 1 à la p. 108 ; â Pergame, à Yattique de la Stoa d'Attale.
ATTIS D'UN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 449

On reconstituerait, dès lors, fonte une décoration de piliers


appliqués, avec statues, entre deux lointaines parastades à
ornementation florale, dont nous possédons l'une ; à chaque
intervalle des piliers, deux niches cintrées s'ouvraient,
symétriquement, dans la partie plane des parois de l'édifice. C'est là
le décor attendu, assez riche d'ailleurs, d'un péribole.
Le parti adopté pour le pilier d'Altis (pi. XIV, XV, et XVII),
sorte de compromis entre le relief et la caryatide, n'évoque, à
notre connaissance, dans la grande sculpture, aucune
comparaison directe, hors de Cyzique même (lf. On remarquera que
la statue du dieu phrygien ne jouait pas véritablement le role
d'un Atlante, quoique taillée dans l'épaisseur même de la paras-
tade à laquelle elle paraît adossée. Du moins, la pose générale,
surtout la figuration des bras, croisés derrière le dos, laissent-
ils penser que le sculpteur avait réellement cherché lui aussi
reflet- produit, à l'occasion, par les Atlantes, les Télamones (2\
les Caryatides, qui rappelaient un souvenir de captifs (3).
L'idée de Γ utilisation des Atlantes, dans un ordre d'étage ou
dans un premier ordre, est fort ancienne, puisqu'elle doit
remonter, comme l'on sait, au moins à l'époque de la
construction du temple, dit de Zeus, à Agrigente (i). L'époque grecque
classique a développé surtout l'emploi de la Caryatide. C'est la

,1' Dans la petite décoration, à Pompéi, nous connaissons du moins des types
similaires ; cf. au Musée de Naples, les Attis nos 207 et 12040 (statuettes de marbre,
représentées avec l'attitude conventionnelle, les bras croisés, une main portée au
menton. La statuette n° 207 garde quelques traces de polychromie!.
(2) C'est le nom latin donné par Vitruve, VI, 7.
(3) Portique des prisonniers perses a Spnrte, où l'on désignait la, ligure dile de
Mardonius, Vitruve. 1, 1. Pour les Caryatides, cf. Th. Ilomolle, Rev. arch., 1U17
p. 1 sqq.
(4) C'est le parti qu'a adopté en dernier lieu J. Dunn, dont la instauration diffère
de celle de Puchstein; cf. Handb. Archileklur. p. iil.'i sqq. 'Ug. 371-2:
hypothèses de Puchstein, et p. Î2G, fig. «i<S9 : nouvelle restitution proposée·. On pourrait
même l'aire remonter jusqu'à l'architecture égyptienne l'usage des Atlantes
adossés comme décoration de piliers dans les cours intérieures; à l'époque du
second Empire thébain, on trouverait ainsi à alléguer les exemples de la première
cour du temple de Médinnt-Habou Maspero, \'E;/!/pte, p. 12'J, tig. 231-, ou les
Atlantes du Ramesseum de Thèbes {ibid., p. 132, tig. 237), ou la décoration de
la cour du temple de Ramsès III à Karnak 'ibid., p. 136, fig. 245}.
450 TH. MACR1DY-I3EY ET CH. PICARD

décoration romaine, qui. à son tour, a multiplié les types des


statues adossées à un pilier, statues rappelant l'emploi des
Atlantes et des Caryatides, mais sans intérêt architectonique
véritable. Après les savants de VExprililiou de Mover, M. .1. Durm
a signalé à. Corinthc et dessiné à son loin· une ligure d'aspect
oriental, représentée les bras croisés, devant un pilier à section
rectangulaire, surmonté d'un chapiteau corinthien (I).
L'addition de la statue était là, plus encore qu'à Cyzique, une fantaisie
décorative, puisque le chapiteau ne porte nullement sur la tète
du pseudo-Atlante, tandis que l'Atlis cyzicène peut passer pour
avoir soutenu, sur ses épaules et sur son cou, une part au moins
du poids du chapiteau corinthien qui le surplombe. Par confie, la
Caryatide adossée à un pilier du Musée National d'Athènes <2î,
tout eu ayant, par son socle, certaines analogies avec l'Atlis de
Cyzique, se révélerait d'utilité architectonique mieux marquée,
la section d'un chapiteau corinthien engagé repose en elle t..
directement et exclusivement, sur sa tète. On peut rapprocher,
de cet emploi de la statue eu soutien, la Caryatide de Tralles (-'{),
ou, du moins, la figure de même style vue par Ch. Texier au
théâtre de la ville antique ii;, Caryatide qui doit, provenir du
même ensemble ·'">). Ch. Tevicr rapprochait lui-même le
pilastre auquel elle était adossée de celui des « statues de Saloni-
que ». Il s'agit là des célèbres « Incautada w. Atlantes rapportés
au Louvre par li. Miller en 1804. et qui, adossés, par couples,
de chaque côté de; piliers larges et trapus, formaient jadis
l'attique d'un portique de style corinthien, baptisé à l'époque
moderne le « Palais enchanté » \ΐή. Les statues île Thessalonique

il) A. Blouet, Expéd. de Mui-kp, III, pi. 88: J. Durm, Uundb., p. 'HiO, fig. '.VÔ2 A.
(2) J. Durm, l. L, p. .'U!l, iig. :',7i b.
(3) G. Mendel, Catal. des sculpt., Musées hnperlaur. Ottomans, II, p. 257 sqq.,
n« 541.
(4) Ch. Texier, Descript. de l'Asie- Mine tue, III, p. 28.
(o)G. Mendel, l. L, p. 23'J.
(6) J. Durm, llandb., p. :;6l. fi·,', .'tfi. Cf. J. S tu art et N. Revett, Antiquités
d'Athènes, t. III, ch. xi, pi. XLV, XLVI; E. Michcm, Cutal. sommaire Jeu
marbres du Louvre, p. 8G. n0* loUl-1^9 ί ; la n-stauratimi faite au Musée <lu Louvre
est conventionnelle; sur certains «les chapiteaux employés un remarque, au
lit d'attente de l'abaque, des traces circulaires.
ATTis d'un métrùon (?) decyzique 45 it

ont eu, um rôle archîtectonique encore plus artificiel que V Attis


de Cyzique ; cependant; certaines gardaient peut-être les bras:

ι. . ^
Fis. s. — Pilier «l'Attis m-oustUm'. au Musie de (!nnstanlinople r ensemble).

croisés derrière le, dos, dans la posture des Atlantes ; le


chapiteau· du pilastre a iiijuel· elles s'adossent présente une moulure
en saillie, formant un couronnement,"auquel la: tète des fausses
Caryatides pouvait sembler prêter appui;
452 TH. MACRIDY-BEY ET CH. PICARD

Nous croirions volontiers qu'à Thessalonique, les « Incan-


tada » attestaient certaines influences artistiques convergentes
de Rome et de l'Asie. Les figures humaines ornant des jambages
de portes (1) ont été, certes, fréquentes en Anatolie, où la
tradition apparaîtrait dès l'époque hittite, et a été reprise aussi
bien par les Ioniens que par les Perses et les Syriens (2). Mais,
en Asie, le bas relief a été plus employé que la statue, pour ce
genre de décorations ; c'est à Rome que s'est surtout développé,
à partir de l'époque impériale, l'usage des statues adossées à
une paroi, donnant parfois l'illusion d'un relief (3); c'est aussi
dans le domaine de l'art romain que l'on pourrait le mieux
constater la coutume de faire varier les types décoratifs des
soutiens isolés, et même les types des pseudo-Atlantes, comme
il arrive, à Thessalonique, au portique des « Incantada », et,
— pour de petites statuettes, il est vrai, — à Pompéi, dans une.
des salles des Thermes (i).

III. — La date.

Il n'y a guère de doute que les marbres retrouvés en 1917 à


Cyzique n'aient appartenu à un édifice, de l'époque romaine

i; R. Vallois, C. R. Ac. J riser., 1ί»12, ρ. 114, a rappelé justement les rapports


originels des parastades d'attiques, avec les montants de chambranles et les
meneaux de fenêtres. 11 appelle le lanterneau un « groupe de fenêtres composées
en édicules ». L'allique d'étage serait, à peu près de même, une suite de baies
ou «le portes, composées en portique.
i2; Cf., par exemple, en Asie-Mineure, les portes de Ykérôun de Trysa; en Phé-
nicie, la porte de Rouméli, au N. de Saïda : Th. Macridy, A travers les
nécropoles sidonieiines, lieu, biblique, 1904, p. 570 sqq.
(3\ Cf. l'autel des Vicomagistri, E. Strong, Roman sculpt., I, p. 74-73, pi. XXIV;
cf., aussi, les « Provinces », à la basilique de Neptune, adossées à des pilastres
qui décorent les entrecolonnements ; ibid., II, p. 243 sqq., pi. LXXV; H. Bulle,
Der Schone Mensch, pi. CLXIX ; J. Toutain, Bull. Soc. nat. Antiq. de France,
1917, p. 10-1 sqq. : Tutela d'Alesia. etc. Très souvent k Rome, vers l'époque de
la décadence de l'art, la statue n'était qu'un expédient architectural, destiné à
justifier un ressaut, disposé lui-même pour justifier une colonne; cf. par
exemple, à l'arc de triomphe de Constantin, E. Strong, l. l., II, p. 328, pi. Cil;
cf. aussi, CIL, III2, 2922.
(4) Mus. Borbonico, II, pi. LIV ; des figures analogues ont été signalées aux
Thermes de Corneto ; cf. Raoul-Rochette, Mém. sur les représent, fig. du
personnage d'Alias, cité par J. Guadet, Diet. Ant., s. ν. Atlantes, p. 526, n. 13.
ATTIS D'UN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 453

impériale. Le style du chapiteau du pilastre d'Attis, le type


de l'Attis lui-même, sur lequel nous aurons à revenir ci-après,
eniin et surtout le caractère décoratif de la parastade quadran-
gulaire voisine suggèrent, pareillement, une date qui ne peut
être antérieure à l'époque hadrienne.
Le chapiteau du pilastre d'Attis, travaillé au foret, offre
certaine ressemblance avec les chapiteaux de pilastres trouvés à
l'Arc triomphal de Caraealla, à Thasos; cette porte
monumentale est de la période de 213 à 217 apt*. J.C.; le chapiteau
cyzicène est toutefois d'un ait un peu supérieur (1). Par contre,
le pilastre quadrangulaire ne supporterait la comparaison ni
avec le célèbre <c Pilier aux roses » du Musée du Latran,
d'époque probablement llavienne (2l, ni avec certain pilastre décoré
d'un temple ionique de Pergame (3), ni, à beaucoup près, avec
le grand pilastre des Thermes d'Aphrodisias (4), chefd'œuvre
d'art naturiste, pièce d'une exquise fantaisie - décorative, qui
ouvrait, de loin, la voie à l'ornementation byzantine. Les
chapiteaux-frises d'Aphrodisias, à dater aussi de l'époque
d'Hadrien (o), rappelleraient, il est vrai, plus ou moins, le
chapiteau du pilastre à l'Attis. On observera surtout l'aspect des
acanthes, qui sont représentées droites, collées au fond, et
séparées par un espace vide; c'est le même travail au trépan,
rapide, sec, peu agréable d'aspect; il se pourrait donc bien,
malgré la supériorité — exceptionnelle — de Fart décoratif du
grand pilastre d'Aphrodisias, qu'on ne fût pas gêné pour

l· Les chapiteaux thasiens sont inédits; pour les volutes d'angle du chapiteau
«lii pilastre à l'Attis, cf. E. Strong, Roman sculpt., II, p. ,'iOS, pi. XCIV; même
période.
(2; E. Strong, Roman sculpt., I, p. 124, pi. XXXV. G. Mendel, Calai., II,
p. 178, date ce relief décoratif de 1ère d'Auguste.
;'3) Altert. v. Peryamon, IV, pi. XXXIX.
'4) (t. Mendel, CntaL, II, p. 176 sqq. (n° 493).
(.".) G. Mendel, l. /., p. 186 'n« 494;. Cf. E. Strong, l. /., 1, p. 126, pi. XXXVI,
pour un document trouvé dans le Forum romain, et dont le décor se rapprocherait
aussi de celui du pilastre quadrangulaire de Cyzique ; on se reportera également
au pilier sculpté de la crypte de Saint-Pierre, E. Strong, ibld., p. 127, fig. de
la pi. XXXVII.
454 ; ΤΗ; MACRIDY-ΒΕΥ. ET CH. PICARD

replacer aussi i vers l'époque hadrienne (117-138) les documents-


nouvellement exhumés à Cyzique (1).
Nous ne manquerions pas, ?i cette conclusion était acceptée,
de rappeler, ici qu'Hadrien avait précisément' fait reconstruire
la ville de la Dindyméné (2). Λ l'époque de cette
restauration, ,1e- soin des Metrâa de la ville -dut s'imposer d'abord;
:

On sait; que, . loin autour de (Cyzique même; presque toutes


les cimes; des monts- étaient couronnées d'édifices dédiés
à Cybèle : non- seulement le Dindymos, mais le Lobrinos, et
sur la: côte; d'Asie, l'Adrasleios. Il» y avait aussi, un temple
important au port de Plakia, probablement à l'Ouest de
l'embouchure du Rhyndacos, sur l'emplacement de ce monastère de la
Παναγία τοϋ Μεγάλου ,'Λγρου du Kara-Dagh; (nii a été si
important: jusqu'à l'époque byzantine (3). L'empereur Hadrien eut
très vraisemblablement l'occasion de faire rebâtir, totalement
ou. en partie, tel ou. tel· de ces temples, dont nous savons que
quelques-uns, comme celunde la.Méter Plakiané, étaient fort'
vastes, et, pourvus de nombreuses constructions annexes (4). Le
culte de Cybèle était précisément associé, dans la ville, à î la ^
religion impériale, ce qui devait particulièrement exciter le zèle
romain (."). Les marbres retrouvés peuvent donc
vraisemblablement avoir fait partie du principal sanctuaire citadin, élevé ou;
restauré, lors de la réfection de la ville,. par la munificence de
l'Empereur, et sans; doute converti; sous Léon l'Isaurien,. au
ye siècle de notre ère, en église de la Théotokos (6). Des fouilles

(1^ C'est précisément de l'époque du, principat d'Hadrien que datent les statues;
de « Provinces », à la Basilique de Neptune, à Rome; ci-dessus, p. 4S2, n. 3;
elles témoigneraient de la même compréhension du rôle décoratif de la statue.
.

(2) H. Graillot, Le cuite de Cybèle, p. 148.


(."{) O:i y conserve deux lions en marbre ; cf. F. YV. Hasluck, JHS, XXIV, 1904,
p. 35; Cyzlcus, p. ."1 sqq. Sur la conversion du principal Metrôon de Cyzique:
en église de la Théotokos, sous: Léon Tlsaurien, au ν siècle «le notre ère, cf..
H. Graillot, Le culte de Cybèle, p. 410-411.
(4) Les textes signalent, par exemple, un Parthenon, dans le Métrôon de Plakia;·
cf." H. Graillot, Ι. Λ,.ρ. 376.
(3j H. Graillot, LU, p. 393.
(6) Cf. ci-dessus, n. 3.
ATTIS d'uN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 45">

conduites sur l'emplacement môme où les pilastres ont été


recueillis, seraient, à ce sujet, fort instructives.
Il est intéressant, .à un autre point de vue, d'apercevoir, pour
l'époque hadrienne, certaines ressemblances entre la sculpture
d'Aphrodisias et celle de Cyzique. Si le décor du pilastre qua-
drangulaire de Cyzique peut être rapproché — bien à son
détriment d'ailleurs, — des sculptures qui ornèrent les para-
stades des Thermes de la cité cariennc.ou encore du pilastre d'un
temple ionique de Pergame, dont nous avons ci-dessus parlé,
— voire de la sculpture ornementale exécutée en Italie, vers
la même période de l'ère impériale, — cela incite, à ne plus
considérer l'art des sculpteurs dits di· Γ « école d'Aphrodisias »,
comme une réussite isolée. L'Attis du pilier cyzicène pourrait
être lui-même comparé, — cette fois sans infériorité, — aux
statues honorifiques déjà retrouvées à Aphrodisias: elles sont à
peu près contemporaines des pilastres des Thermes. Dans
l'expression de la figure (1), dans le rendu des formes du corps,
c'est la même facilité un peu molle, le même travail surtout
décoratif». On notera, pour le détail, maintes recherches
identiques, par exemple, quelques effets de transparence d'étoiles,
qui ramènent, plutôt maladroitement, au souvenir du procédé
classique de la « draperie mouillée » \2). Leprosies des fouilles
d'Asie-Mineure amènera certaiuementà considérer qu'à l'époque
hadrienne, une sorte de κοινή de l'art impérial s'était répandue
en Anatolie, d'Aphrodisias à Tralles, de Tralles à Pergame. de
Pergame à Cyzique même (Ά), produisant ça et là comme à
Aphrodisias, suivant le degré de virtuosité des tailleurs de
marbre, un style personnel d'une perfection plus ou moins
avenante (i).

(1) On verra aussi combien, pour l'Attis "le Cyzique, le traitement de la


chevelure rappelle les types divins des chapiteaux-frises, à Aphrodisias, ou les
consoles, de même date, qui proviennent des Thermes. Cf. (1. Mendel, Catal.,
II, p. 183 ?qq., nos 4'J't sqq.
iù) Cf., en comparaison avec l'Attis de Cyzique, G. Mendel. Calai., II, n0* 503-505.
'3) Sur les rapports religieux de Per^ame et de Cyzique, cf. J//S, XXII, 1902,
p. 105; G. Cardinali, II regno di Perganw, p. 11 le nom d'Attale dériverait d'Attis;.
(4; Le même style était d'ailleurs réalisé aussi, à cette époque, en Macédoine
4o6 th. macridy-bey et ch. picard

IV. — Li: typc de l'Attis.

Reste à examiner, en lui môme, le fype de l'Attis adossé au


pilastre corinthien.
Le culte du jeune dieu phrygien était ancien à Cyzique, où
l'organisation du clergé inétroaque a été déjà signalée par
Hérodote, pour le vie siècle (Γ;, et où certaines légendes mettaient
même l'installation de la mère des dieux en relation avec le
voyage des Argonautes (2). Terre «l'élection de Cybèle et
centre religieux du principal culte phrygien, au môme titre que
Smyrne môme (3), Cyzique accueillit de bonne heure Atlis,
esprit lumineux et astral, honoré spécialement par des lampa-
déphories i'4). Le Oyzicène Néant h es avait écrit un traité, au
ivc siècle, sur le mythe d'Attis, -ρότ-ολοςΛβ la mère des dieux o).
Des monnaies d'électron et d'argent de la ville, datées de la
période de 480 à 400 environ, portent la tôle du jeune favori (G).
De telles indications, sur l'ancienneté- d'un culte qu'on croirait

et dans certaines îles, à Thasos, par exemple; on comparera les statues et les
pilastres de l'Arc de Caracal la. — de dat'\ il est vrai, un peu plus tardive.
1} Hérodote, IV, 70 ; V. Fritz-, Sonti-sma. l. L, p. :j." ; II. Hepdin.L', Altis, p. 128;
IL Graillot, Le cuite, de Cf/bele, p. 21)1.
i-2) F. W. llasluck, Cyzicus, p. 157. p. 21i sq.; II. Graillot. l. L, p. 376: cf. aussi
p. 410-411.
>'i) II. Graillot. ibid., p. :jl(i. Preller-Robert, Gr. Mythol., 1. p. 649.
v4';Cf. Drexler, S eue. Piàlol. Jnhrb., CXLIX. ls'Ji, p. '.'rli-'Mïïi, d'après les monnaies
impériales: cf. Wroth, My nia, p. .">0. n° ;S2G, pi. XIII, 7. Une importante étude
sur le culte d'Attis a Cyzique a été publiée par V. Fnt.ze, Snnii-snui, IV. 190'J,
p. Πυ sqq.. et pi. III. L'auteur a il lus In' Ι,Ί. pu partie à l'aidf <W la nuitiistnatique,
la cérémonie de Ια στοώτ:; τ·?,; κλίν/,;: il rapporterait aux latnpadëphories
certains types d'Attis, mal compris, qui représentent des adorants avec torches.
(5. Cf. Ilarpocration, e-d. lîekker, s. ν. "λτττ,; : II. Ilepding, Atlis, p. 102 sqq.;
Marquardt, Cyzicus un.dse.in Oebi^L p. 'J'-> sqq.
'61 E. liabelon. Truite, CLXXIII, ^7-8; CLXX1V, 21-2: CLXXV. 18; CLXXVIII,
14; V. Fritze. l. L, p. X) et pi. III, 2, :;, 7, lu: cf. IL Graillot, Le Culle, de Cybèle,
p. 'M"), n. Î5. Pour le milieu du n" siècle av. J.-C, nous avons η η témoi<_rna<:e
de Nicandre de < 'olop bon. Alexiiih.tivmn.ka, 7 sqq., et Scl/ol. ail h. L, qui citait
à Cyzique, près des θαλάαχ: de 'Viirt Aoopivr,. Γοργαττ/,ριον d'Attis. Le dieu paraît
très fréquemment sur les monnaies d'époque antonine.
ATT1S D'UN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE 4θ7

bien à tort de date seulement hellénistique, nous guideront,


ci-après, pour l'étude du type.
L'auteur d'une bonne monographie récente sur la Cybèle
phrygienne, M. H. Graillot, a distingué deux aspects principaux d'Attis
à Cyzique; une de ses images cultuelles, connues par les
monnaies, le représentait « à demi-couché, vêtu d'anaxyrides, et
d'une tunique étoilée ». Ce sont là les types étudiés par V. Fritze.
« Les Gyzicéniens avaient adopté aussi* ajoute M. Graillot, le
ty ό e ionien de l'Attis ailé » (1). Décrivant ce second modèle,
M. tl. Graillot observe que le dieu « hermaphrodite et ailé,
était vêtu d'une tunique transparente qui laisse à nu tout le
buste, et qui se continuait sur les jambes en braies à crevés » (2).
Cette description appellerait quelques corrections. Ni sur. la
statue incomplète de Brousse, que M II. Graillot connaissait
seulement, ni sur la nouvelle effigie du dieu, intégralement
conservée, transférée à Constantinople en mai 1918, le buste
n'apparaît nu. La poitrine — plutôt féminine — est pareillement
recouverte d'un vêtement assemblé sur le sternum par une agrafe
métallique, et qui laisse intentionnellement à découvert, par
dessous, le ventre, jusqu'au delà des parties viriles. Il n'y a pas
de « braies à crevés », M. II. Graillot ayant mal interprété le.
rendu, plus ou moins habile, des plis de l'étoile du pantalon
oriental.
M. H. Graillot, non plus qu'aucun de ses prédécesseurs,
n'avait point essayé de classer chronologiquement les deux
modèles. Nous reviendrons ci-après sur la question,, pour
indiquer qu'à notre avis, le type hermapbroditique ailé, qualifié
justement à' ionien par MM. G. Mendel et II. Graillot, nous
paraît le plus ancien.
Relevons d'abord que nous possédons aujourd'hui plusieurs
grandes répliques cyzicènes, en marbre, de ce type hermaphro-
ditique, ailé ou aptère (3). Leur rapprochement a déjà été tenté

(Π P. 377, n. 3, aver renvoi h G. Mendel, BCIi, XXXIII (l'JOu;, p. 25!), n° 8 i.statue


de marbre, mutilée, de Brousse).
(2) Ibid.
(3) Dans son Répert. statuaire, II, p. 471 sqq. M. S. Reinach a réuni plusieurs
4o8: TH. MACRIDY-BEY ET.: CH. PICARD

parMl G. Mendel; mais la découverte, faite à Cyzique même, du


premier exemplaire complet de-la statue permet de reprendre
avantageusement l'étude dirtype en général.
I. Attisailé de Brousse. Fig. 9 (de face'· et 10 (arrière). Manquent

Fipf. ί·. — Alti» île Brousse, face aiitirit-ure.

latête; les jambes, une partie îles ailes. Provenance : Cyzique;


Nous donnons ici pour la première fois la. photographie du =

exemples d'Attis au pilier : p. 411,. il" 1 Attis de l.i (ilyptothèque Ny-Cailsberg ;


cf. .ci-après·; 3, ?>. '.). lu; p. i'2, u" '■'>. L'Attis u° '.) île la p. ill (AndrinopleJ
est; un: des plus int/rt^saiits Louvre, 44K); il é-t.;· it placé .ι l'avant d'une courte:
colonne corinthienne, romme le- Atti-4 «1- ilyz'niue: existait-il, à Andrinople
(Uadrianoupolis;. un l'i'.iiire r.if.[i'!.uit ie M-'lii'n-n «"yzifëue. et bâti ;Ί peu près
à la même époque? Nous uVxriuuiis pas ct-tîe po-sibilité ; pour les Attis de
Pompéi, cf. ci-dessus, p. 44'J, n. ,. 1.
ATTIS DUN MÉIT.OON (?) DE CYZIQUE. 439-

re vo rs, qui prouve que la slalue était bien adossée elle-même à


un pilier, dont elle a été détachée par force.
Une description voimn-u-e de c<'tle jiiet··· a éié donnée par
M. (î. Mendel ' I : ou y corrigera seulement quelques détails,.

FiUT. 1". — Altis Ίι* Brous·.»· [.ire |..Μ>1·'ππιι·μ. m.iiil r-,ιιιΐ rouimeut 11 statue r-tait adoss/'Ps
.

ù Taitle diMiouveau document cyzicèue. La coilTure ne


comportait pas, en fait, de iriiinUrjurs (bandelettes) ;;-mais on
aperçoit· les extrémités il'une mitre à paragnalhides [2). Le

Ί; L. L, et. e'\-i\i"-<n~, p. t">~,, n. I.


Ί: Ce qu'un voit 11Ί — t ρ ι* u:.e l, ui.lcle \\>· Dirf. mit., s. v., l.fn mis· eux Έ Sa^liO'.
Le lcmiiisq'i·· supj»"s»-r.iit une rmn-nime ρ.ι^.-e sur la t**t·* «i·* l'Aîtis: la.I>au-
ilelette la inaiiitieti-irtit et aurait tl ■ · 1 1 < - sur h· i'"U et \"Ί épaules ilu porteur
(cf. Diet, ant., Curona, p. ίΌ-2'j. û<j. l'JTS;. La mitre asiatique d'Attis, à bouts
460 TH. MACRIDY-BEY ET CH. PICARD

dieu n'était pas représenté « volant », mais les pieds à


l'appui (1\ On noiera que la jambe gauche est légèrement portée
en avant, ce que l'on remarque aussi sur les exemplaires de
Bouyouk-Déré et de Copenhague (pi. XVI) ;2).
Iï. Altis ail·'1 de Bottyutik-Déré [Résidence d'été de l'Ambassade
de Russie à ConslantinoplfA. Fig. 11. Brisé au-dessus des
genoux. — Ce type a élé décrit plus ou moins en détail par P.

Arndl (3). et (ί. Mendel (I) ; nous en donnons ici la première


reproduction photographique. La mention de I\ Arndt : « sch-
lecht erhallen und sc.hwer zugànglich aufgeslellt ». paraîtra,
d'après cette reproduction, exagérée. La comparaison de l'abaque
rond et profile* qu'on voit au dessus de la tète, avec la moulure
supérieure du pilier de Cyzique (pi. XVI), ne laisse plus douter
que les dtîiix parastades aient appartenu à un même ensemble
décoratif, comme M. G. Mendel l'avait déjà soupçonné (")\ S'il
y a quelques diliérences dans le profil même de la moulure,
voire dans la largeur de l'abaque, c'est que le tailleur des
marbres s'est permis là quelques fantaisies; nous en
constatons d'autres, en ce qui concerne le type de l'Attis lui-même; à
Bouyouk-Jiéré, comme pour l'Attis de Brousse, l'agrafe circu-

tlottauts dénoués, et à fil pendant rappelant un peu de longues boucles de


cheveux, figure déjà sur le relief d'Attis et CybèJe du Musée de la Marciana, à Venise;
cf. M. Colliguon, Mont/m. ;/>·., 1S81. p. il srjrj. , pi. II. Le dieu porte là aussi le
manteau jeté par-dessus les épaules, et qui couvre sa nudité, comme sur l'un
des documents de Cyzique 'Glyptothèque Ny-Carlsberg). Pour l'agencement des
anaxyrides et le détail intentionnel du ventre découvert, cf. V. Fntze, Nomisma,
p. 34-"i ; cette mode rituelle était particulière A Altis ; cf. aussi S. Reinach,
Répert. statuaire, t. I, p. 184. 1 ; II, p. 471, n° 9-12, et p. 472, n°* 1, 2, 4.
(1) /.. /., p. 259.
(2) M. G. Mendel aurait pu rapprocher le fragment de Brousse d'un
document d'Ilypati 'vallée du Spercheios-, directement comparable ; cf. S. Reinach,
Répert. statuaire, p. 472, n° 4.
(·"{ Photograph. Einzelaufnahmen antilt. Skulpturen, P. Arndt et W. Ame-
lung, série III, p. W- texte), 1897.
(4, ECU, XXXIII, 1909, p. 260 sqq.
(5) L. /., p. 260. Haut, du fragment de Cyzique, () ni. 69 ; du marbre de Bouyouk-
Déré, 1 m. 15. Ces dimensions s'accordent avec celles de l'Attis complet du
Musée de Constantinople pi. XVI}. L'Altis de Douyouk-Déré, dont la
provenance n'était pas jusqu'ici attestée, était aussi adossé â un pilier ; cf. G. Men-
del, /. i., p. 259, n. 1.
ATTIS D'UN MÉTROON (?) DE CYZ1QUE

Fis. II. - AU» Je Bouyouk-Diri Rîm.J..,,pp .IVli .1, ÏAmb^a.l, .le Russi,. a Co..sUnliu.,ple
φ).
4G2 TH. MACHIDY-BEY ET CH. PICARD

laire unissant la tunique à manches du jeune dieu sur sa


poitrine est décorée d'un ç/orgoneioii, qui n'existe pas sur la statue
complète récemment exhumée. La draperie est moins écartée
sur les flancs; la curieuse combinaison des organes herma-
phroditiques, que l'on ne remarque pas sur les exemplaires
de Brousse et des Musées de Constantinople, tandis qu'elle est
fort apparente pour l'Attis de L'Ambassade de llussie, avait
été notée, pour la première fois, par P. Arndt (1). Les cheveux,
travaillés aussi au foret, descendent ?ur les épaules, comme il
arrive pour L'exemplaire le plus complet; le traitement du
bonnet phrygien (2). des boucles do. la chevelure, l'aspect môme
de la physionomie, solide, un peu épaisse, confirment
L'attribution tie l'œuvre à l'époque hadrienne, où se produisit, on le
sait, comme une savante renaissance, un peu cherchée, un
peu académique, de l'art grec classique ; une comparaison
avec les types des « Provinces » de la Basilique de Neptune,
au l'alais des Conservateurs, à Borne 3), voire avec les
effigies d'Antinoos de l'époque (i), permettrait d'écarter
définitivement tout essai d'attribution du modèle à l'époque
hellénistique {IV).
111. Altis apth'f de la (ilyptolhî'que Ny-Carlsbrrg.
Provenance : Cy/ique. Le marbre, reproduit par P. Arndt avec
une excellente planche (6), et étudié déjà par G. Mendel,

(Γ: h. /., p. 30.


±) Le bonnet phrygien paraît <léjà, comme coiffure «l'Attis, sur les monnaies
d'électron de Cyzique, vers 400 ; cf. V. Fritze, L L, p. 35, et pi. III, 3, 10.
■ 3; E. Strong, Unman sculpt., II, pi. LXXV, ά la p. 246 'K, L.;.
4) Par exemple, l'Antinous de Delphes. G. Blum, BCH, XXXVII, 1913. p. 323 sqq.,
fig. 4. Sur l'art de l'époque et ses imitations classiques, cf. p. 333 sqq.; on
comparerait aussi le Dionysos de la Villa Hadriana, E. Strong, l. L, II, pi. LXXXVI,
p. 248.
(5) G. Mendel avait peut-être incliné à choisir cette date pour le fragment brisé
de Brousse, dont le classement chronologique, en raison de la mutilation de la
tête, était fort difficile; cf. l. L, p. 260-261. P. Arndt, à. propos de la statue de
Copenhague (ci-après, n° m), s'est prononcé sans précisions « pour l'époque
romaine, mais non a une date trop basse encore »
(6) La (Hyptolkèque Ny-Carlsberrj, l'J12, dotal., n° 121, pi. 144; cf.,
précédemment, S. Reinach, Répert. statuaire, 11, p. 471. n° 1.
ATTIS D'UN MÉTROON (?) DE CYZIQUE 463

présente, d'emblée, d'importantes di (Terences de pose, de


costume, môme de style 'traitement du visage et de la draperie),
avec les autres exemplaires connus ; aussi M. P. Arndt n'avait-
til psis cru pouvoir le rapporter à un môme ensemble (1);
mais les dimensions concordent assez bien et aucun des
arguments donnés pour une mise h part ne se révèle décisif (2).
La provenance cyzicène est bien attestée ('{). On voit encore,
à gauche de la tète, une partie du profil terminal de
l'abaque, dont la mouluration correspond à celles des exemplaires
des Musées de Constantinople, de Houyouk-Déré, et dont la
saillie, au dessus du bonnet de l'Attis, n'est guère supérieure,
contrairement à ce que pensait P. Arndt (4), à ce que nous
constatons par ailleurs (5). Mais l'Attis de. Copenhague riait
aptère, à la difference de ses congénères ; M. F. Poulsen,
qui a bien voulu l'examiner de nouveau, à notre demande,

\\.) P. 139, commentaire delà pi. 144.


'2) La hauteur exacte, indiquée par P. Arndt, est de 1 ni. 43, depuis l'abaque
jusqu'à la brisure du genou franche. Mais l'échelle portée sur la planche 144
cf., ici pi. XVI':, forait compter seulement 1 m. 34. La planche de comparaison
(pi. XVI), où nous avons fait assembler, à même échelle, les divers Altis montre
qu'ils étaient sensiblement de même taille.
3) On avait «lit â Jacnbsen, fondateur de la collection Ny-Carlsberg, que cette
statue provenait « d'un temple de l'yzique », et qu'elle faisait partie du chambranle
d'une porte. On ajoutait qu'un chercheur aurait trouvé, en même temps, les
restes d'une effigie symétrique « une statue de (lybèle qui ornait l'autre
piédroit ». M. G. Mendel a déjà très justement indiqué que cette Pseudo-Cybële,
incomplète, devait être aussi un Attis hermaphrodite (l. l., p. 26Γ, pn/bn-
hlement le fragment de ■ lirousise. L'erreur commise au sujet du « chambranle
de porte » est parfaitement compatible avec l'interprétation que nous donnons,
ci-dessus, pour l'arrangement architec tonique des parastades.
(4) L. l. : « La forme des piliers diffère à l'extrémité supérieure ». Encore
qu'il ne faille pas du tout exagérer celte différence, elle n'eût pu nous
surprendre, après ce que nous avons constaté déjà pour le piller de Bouyouk-Déré.
.")) M. G. Mendel, qui ne disposait, comme termes de comparaison, que des
fragments plus ou moins mutilés de Brousse et de Bouyouk-Déré, a hésité sur
ce point. 11 observait que le marbre de Copenhague ne porte sur sa tête aucun
membre architectonique, et que le rôle du support est rempli par le pilier
auquel la statue s'adosse. Nous savons maintenant, par le document nouveau
des Musées de Constantinople, jusqu'ici le plus complet, quel avait été le partj
architectonique adopté pour la série; nous sommes ainsi libérés de l'objection
qu arrêtait M. G. Mendel.
BCH, XLV (1921). 30
464Λ TH. MACKIUY-BEY ET. CH. PICaUD"

se range nettement, sur ce point; à l'avis de P. Arndt;


contrairement à celui de G. Mendel ; la saillie apparente, à gauche'
de la tête dujeune dieu, n'est pas le resle dhme aile;. D'ailleurs,-,
bien d'autres différences à retenir ?e révéleraient., on-, l'a dit
tout/ d'abord; dans la; pose et le costume ; si le jeune dieu;
de Copenhague, comme* TAltis de Brousse, par exemple,
porte la jambe· gauche en avant, il a le bras droit. plié contre
la, poitrine,, l'avant-bras, gauche- posé horizontalement sur la
taille, ce qui est nouveau (1). Surtout, il est velu,· celte fois,.
de· son; costume; vraiment1 phrygien ; il: est môme enveloppé
d'une ehlamyde asiatique ikandys), qui; retombait; également
sur, le buste et sur le dos; pour la première fois, .elle cachait;
ainsi; la poitrine : et le ventre... Le bonnet phrygien- n'est pas:
non plus tout a fait du type ordinaire; il y manque les couvre-
joues, avec leurs- extrémités en. « lemuisques ». Quant au:
visage, — il est vrai; très restauré — (2), il a cerlainement plus;
« de grâce- décente et de-modestie juvénile » (3) ([ue -sur- les
autres^ effigies" cyzicènes- du? même- dieu:·.. Là, comme on l'a
dit, « les. longs yeux' qui» semblent. -voir. l'invisible, et la:
sensualité ides lèvres,. un peu. fortes, révèlent le dieu des
mystères- orgiastiques- » (4). Mais,"*em fait, de telles différences
paraissent* surtout; dues: à la^ fantaisie d'un; exécutant plus
raffiné,, plus habile^ Nous avons déjà signalé,. entre les autres:
exemplaires de. la série que nous proposonsici de constituer,
certaines variantes, sinon aussi sensibles, du· moins elles-
mêmes^ assez: instructives, puisqu'elles suffisaient' à nous-
révéler que · les décorateurs des parastades du4 Metroom cyzi-

(1) Cf. le commentaire de P. Arndt, qui verrait là « limage d'un deuil absorbé en -.
soi ». On notera que les autres Attis, qui avaient les bras reportés en arrière, ,
derrière le dos, sont aussi figurés le ventre nu, exhibant volontairement leur sexe ; ·
dans -■ tte * posture, rituelle^ il était ; expédient de cacher les avant-bras, qui,
visibles, eussent permis moins bien le dégagement des parties sexuelles; pour'
une autre explication possible de cette posture, cf. ci-dessus,- p. 449, n. :i.
(2) On a refait le nez et les lèvres.
(3) Cf. G. Mendel, /. /., p. 261. A comparer l'Antinoos Mondragone, ou le
Dionysos de la villa- Hadriana ; E. Strong, l. l., pi. LXXVI et LXXV1I, p. 248-250.
(4) G. Mendel,· ibid.
ATTis d'un ■ métro on (?) de î.yzique 46οι

cène ne s'étaient pas: astreints à répéter indéfiniment un?


même type (1). Avec une intention. d'art qui n'est pas^
méprisable, ils avaient, ainsi, ingénieusement; groupé autour de; la
mère des -dieux un1 cortège de jeunes Attis· tous à peu- près1
semblables,. mais» cependant: divers,, dont, l'image- pouvait;
rappeler, sans monotonie à la- déesse amoureuse, les traits de
son favori (2).
La comparaison des quatre documents cyzicènes — dont l'un
parfaitemenbcomplet — qui- sont; livrés aujourd'huif a notre
élude, et que l'on peut assembler cote à cote (p\: XVI), paraît,
on le voit, démontrer définitivement l'appartenance de la série·
à; un même * ensemble architectural ;. nous avons essayé 'déjà
d'en faire deviner l'ordonnance (3).
A propos de :1a statue de Bouyouk-Déré, M. P.· Arndt; avait
prononcé le nomjde « pantheistische Gottheit;». Il voyait dans:
l'Àttis de la Résidence de Russie, un composé d'Attis, d'Éros,
et d'un type hermaphroditique. Ce curieux mélange des aspects
de plusieurs dieux — qui, par lui-même, suffirait à attester une:
date romaine — a été en' effet justement noté (4). Nousajou*
terons icideux remarques, qui complètent ce que l'on pouvait*
observer à; propos de ce syncrétisme.
D'abord; le document, nouveau permettra, de constater à.
nouveau l'affinité générale ducoslume de l'Attis cyzicène, avec

il) P. Arndt signalait qu'on aurait trouvé !au même endroit)? à Cyzique, une
,

pareille figure adossée,. représentant, un, satyre. La pièce est à Liverpool; cf.·.
S. Reinach, Ilépert. statuaire, II, p. 141, n° ± ; mais il. s'agit, d'après le dessin -
d'un Pan à la syrinx : si la grandeur 'inconnue; de ce fragment Je permettait, il
serait intéressant de présumer son appartenance à l'édifice des Attis; Attis était
quelquefois représenté lui-même avec la. syrinx; cf.' S. Reinach, . Répert.

statuaire, II, p. 471, nos 9 et il;


(2: N'est-ce pas, . en somme, de la même façon qu'on avait varié, à l'époque
archaïque; autour* de la Parthénos, les. attitudes, pourtant· fraternelles,, des
diverses Korés composant la cour de la déesse,' et qui furent ses αγάλματα ?
(3j L'hypothèse de M..G. Mendel, d'après quoi -les Attis « auraient décoré
les portes du temple, probablement* à la manière de consoles placées à une
certaine hauteur », n'a plus besoin d'être discutée en détail: cf. ci-dessus, p. 446,
n.l.
(4i (If. V. Fritze, Nomisma, p. liô.
466» TH. MACRIDY-BEY'ET CH. PICARD

celui de Mithra. C'est -le. classique coslume perse, comportant-


la ; tunique à manches longues, les anaxyrides, et même, dane .
le cas de la statue de Copenhague, la kandys. Le bonnet
phrygien, avec ses couvres-joues, qu'un cordon, pendant permettait
dénouer sous le menton,- présenterait; aussi les plus -directes-
analogies avec la « tiare » des combattants du; sarcophage
ditd'Alexandie ■[■[). Ce qui a été particulier au dieu* phrygien
et aui dieu iranien, dans certaines· de leurs représentations,
tout* au. moins, c'est.le dispositif Jde la· tunique ouverte, des
anaxyrides rattachées au haut des cuisses, dispositif laissant, à
l'occasion; l'abdomen.' et les. parties génitales à découvert.. On
comparera, u- ce sujet, le Mithra d'une plaque de terre-cuite
de* Kertch, avec l'Attis des Musées de- Constantinople, ou
avec ceux de Brousse et de Bouyouk-Déré (2). Une; partielle
confusion des types de- Mithrav et. d'Attis n'était; nullement
inattendue (3). Plus fréquente! encore serait celle de l'Attis
phrygien, avec; les dadophores du- dieu- perse taurochtone,.
Caufès et' Cautopatès (4)..M·; F.Cumont.a relevé la coutume-
de: donner à Mithra le costume phrygien (.")..
Un autre détail mérite d'être remarqué avec quelque

attention,,, sur, la statue du? Musée de Constantinople, qui seule,-


jusqu'ici, nous conserve la partie inférieure du corps de l'Atlis..
Devant;, les; chevilles du; jeune dieu, une feuille de lierre est.
sculptée. On ne croira. pas qu'il· s'agisse -là d'un simple
ornement fantaisiste.
Nous reconnaissons plutôt lelierre dionysiaque, qu'il était*
interdit en Grèce, d'après Plutarque (6), d'otFrir aux Olympiens,
parce que- les Hellènes, le considéraient ;comme; un* symbole

(1) G. Mendel, Catal., ], p. 181.


(2) La plaque de Kertch était, avant 1917, au musée de l'Ermitage de Pétroprad ; .
salle de Kertch, 893 d; cf. F. Cumont; Textes et inonum. relatifs auxMyst. de-
Mithra, II, p. 191, ûg. 17.' Le Mithra figuré là porte aussi la. tunique à manches,
attachée sur la poitrine par une boucle ronde.
(3) F.Cumont, Textes et monwn., 1, p. 212; II. p. 437-438, et supplém., p. i)26...
(4) F. Cumont, Ι. Γ.,
(o) F." Cumont ibid.,112.'
I, p. 180 sqq.
(6) Quaest. roman.,
ATTIS : d'un MÉTKOON (?) DE CYZIQUE ; 467

étranger;, venu* précisément de cette région de la -Thrace, qui


a présenté avec la Phrygie tant- d'affinités ethniques ou
religieuses assurées (1). La, valeur rituelle de la; feuille de? lierre·
a été bien expliquée par, M; P. Perdrizet (2). ~ ID est:
particulièrement intéressant de - retrouver à Cyzique, point de passage
entre la Phrygie et la Thrace,, une telle preuve de Tintluence
dionysiaque sur. les religions de TAnatolie dur.Nord; de
perpétuels échanges: cultuels ont. dû, certes, se produire entre la-
Macédoine et l'Asie-Mineure, depuis l'ère classique jusqu'à la·
période romaine (3) ; à l'histoire de ces échanges, la nouvelle
statue cyzicène apportera un témoignage nouveau (4). Serait-il;
interdit de- faire ici observer que, précisément, fladrien.se
faisaihprobablemenU honorer em Asie-Mineure, à Ephèse,,par
exemple, comme Néos* Dionysos (">)?. Et- faudra-ib dès lors
s'étonner,. que, dans un édifice reconstruit probablement sous ?
les auspices de l'empereur, Attis eût lui-même exhibé, à>
Cyzique," le symbole caracléristique du dieu ihrace? Desrela-
tions bien-plus anciennes l'unissaient à Sabbazios, dont le rôle;
aélé attesté a la fois en Thrace et en Phrygie (fi)..
Ainsi,d'une part, un indice milhriaque ; un indice
dionysiaque,* par: ailleurs ;,si l'omajoute. l'observation* juslifiée-de-
M. Pi, Arndt, à propos de la statue de. Bouyouk-Deré, où>l'on·
rpconn.iîti la fusion-des types d'Attis, d'Eros et de; l'Herma--
phmdite,, on approuvera l'expression- : « pantheistische Got-

.1) Cf.. P. Perdrizet, Cultes et mythes du Vanqée,^. 59; n. !..


'2: Cultes et mythes du Pangèa,- p. 63-H6 ; sur. le tatouage au ; signe du : lierre,
cf. p. U7-98; cf. aussi RE.l,,19iO, p. 217 sqq.
:\) P. Perdrizet, Cultes et mythes, p. 8fi ; cf. Ch. Picard, BCU; XXXVIII,' 1914,.
.

p. otisqq.; XL1V, 1920. p. 56 sqq.


(iï Ou connaissait précisément un culte : mystique, important, de Dionysos à
Cyzique; cf. F. \V. Hasluck,. Cyzicus, p. 207. p. 233-234 (ex-voto de ■ Mihallitch,
S. E. du· Karadafih et de la presqu'ile>: il était. dédié à Dionysius Attoudenus ?
F." \V1 Ilasluck. p. 234. et n. 10 : p. 27"i, n" 64. avec bibliographie) ;. Le Bas,
.

Mon. fig., p. 113, pi. 133, n. 3. Au-dessus, la feuille de lierre avec -corymbes..
Dionysos en Attis figure sur îles monnaies antonines..
">, E. L. Hicks,-.IBM, IU, n" «()<): cf. cependant W. i)uàndt, De- Baccho, etc..
Dissert, philol. halenses, XXI, p. π, 1!)13, p. ;.26fi.
(6p V. Fritze, Nomisma, p. 33 ; P." Perdrizet, Cultes et mythes, p. 86 et n. 1..
468 i TH. MACRIDY-BEY- ET CH. PICARD <■

.
theit », qu'employait. le savant allemand 1 On arrivera aussi à%
mieux, restituer, l'aspect «lu; curieux:é(Jifice ι éalisé à Cyzique·


par les artistes contemporains d'Hadrien; Autour d'unportique
sacré, la série des Attis,. semblables et, cependant divers,
devait :; présenter, aux yeux: des fidèles de la mère des dieux,
comme la Iraductionplastique de: certains syncrétismes
religieux qu'admettait l'époque, et, dont s la; période des Sévères
allait encore accroître la complexité.

V. — Observations. .

Nous avons noté plus haut (1) qu'à notre1 sens, Je type de
l'Attis hermaphroditique az7<?, qualifié « ionien », paraissait plus-
ancien; que; celui'· de l'effigie cultuelle^ reproduite, à l'époque
impériale, sur les monnaies cyzicènes (2). C'est M: G., Mendel,
qui; le premier, axvupourquoicertaines des parastades
décorées de statues, trouvées à; Cyzique, pourraient· reporter
l'esprit vers les figurations adoptées spécialement dânsles pays de
culture ionienne (3). Tout: ce que Mi (t. Mendel a écrit, à-· ce-'
sujet, sur: l'importance des originalités provinciales- que l'on,
constate principalement- en. Anatolie '< sous l'apparente unité
que l'art attique a constituée à son profit », mérite-fort;d'être
retenu: Non, moins suggestives paraissent: aujourd'hui.; les
observations du; môme savant à propos de- la: persistance ai
Cyzîque de l'ionisme primitif (4)..
Si, comme nous l'avons indiqué, le culte d'Attis, dans la
puissante ; cité de.* la>. Dindyméné, a; eu; des traditions; qui
remontaient jusqu'aux guerres médiques (o),, son ι apparition
pourrait être datée même des temps ioniens. C'est à ces siècles-
de l'archaïsme qu'on4 devra, logiquement attribuer hv creation»
du ? modèle- de Γ Attis; ailé, divinité l ptérophore, analogue à ♦

(1) P. 457.
(2: H. Graillot, l. /., p. 377," n. 2.
(3) l. /., p. 262. Pour les Caryatides,- cf. Th. Homolle, BC7/,'XX1II,' 18'J9, p. 615
sqq.; pour les portes décorées de reliefs, ibid., XXIV," 1900, p. 567; n. o.
(4} fîC/i,XXXIlI, 1909; p. 232: Catal., II. p. 228 sqq. (à propos des nos 525 et 526).
(">) Monnaies ; cf. ci-dessus, p.. 456, n. 6.
469"
ATTISd'uN MÉTRÔON (?) DE CYZIQUE,

toutes celles qu'à Tinsligation de l'Orient (1), lu Grèce de l'Asie-


et des îles adopta d'abord; on sait comme leur figuration!
bizarre' intriguait- les Hellènes du continent.- Dès lors, om
admettra· facilement que l'Attis ailé, qui: s'est perpétué en
Asie (21,. ait été antérieur, am dieu- à demi-couché, aptère,,
que les monnaies cyzicènes représentèrent vêtu d'anaxyrides et
d'une tunique étoilée (3). L'Atlis ionien était déjà probablement!
hermaphroditique ; Anacréonle disait ήυ-ίΟηλυς (4). Nous
classerions plutôt comme hellénique, ou hellénistique, le modèle: du.
berger debout, adossé à un cippe, ou à un tronc d'arbre placéà
gauche, — tel que le feraient reconnaître, par exemple, maintes:
terres-cuites d'Amphipolis (o). Nous ne;sommes pas gagnés à"
l'avis de M; Pi' Perdrizet,,Iorsqu'iK donne, à ce dernier modèle,,
plus d'importance qu'à celui: de l'Àttis-ÉiOs, en- costume
asiatique, qui ne serait pas même sûrement, nous dit-il, un Attis (f>).
La transformation d'Attis en* gardeur de troupeaux n'a pas dû.
être, semble-t-il, .une inventions très ancienne; elle* se
rapporterai t. plutôt à un· courant d'idées hellénistiques. Derrière
FAllis ailé, nous pourrions entrevoir, au contraire — ,. d'assez
loin, il est vrai, — les génies ptérophores de l'Asie mésopota-
mienne et hittite (7).

(Γ Sur l'emprunt fait à l'Asie mésopotamienne et hétéenne «lu type de certains-


dieux ailés, cf. p.. ex. Ch. Picanl, Mélanges ΙΙοΙΙβαυτ, 1913,. p. 181 sqq. ,
(2) Cf.. pour l'époque hellénistique,· les statuettes citées: par M." G. Mendel,
BCII, XXXlll, 100'J, p. 260. On allongerait assez facilement la liste.
■3', Le type transitoire serait conforme à celui de l'Attis aptère de Copenhague. . .
(4; Bergck, 11, 2.
o) Cf. P. Perdrizet, \ZJC/i, XXI, 1897, p. ."19 sqq.; sur. les discussions qui se
rapportent à l'interprétation des Atlis d'Amphipolis, Cultes et mythes, p. 86,' n. 1;.
;6) Cf. P. Perdrizet, ΒΟΗ,Ί. /., p. ."J27; M. P.- Perdrizet a donné là la liste des
statuettes d'Attis connues - de lui (liste · aujourd'hui;, incomplète ; cf. aussi.
Fr. Winter, Die.antiken Ten-akoten, III, π, Die Typen, p. 3"lsqq). M.' P.
Perdrizet doutait que le personnage aile de Myrina, en costume asiatique '.Nécropole:
de Myrina, pi. XXXD, fût un Attis ; il refusait aussi le nom d'Attis au personnage :
du brùle-parfum de Tarse, L. Heuzey, Gaz. Beaux Arts, 1876, fig. 12 = Ε. Pottier,,
Statuettes, fig. fil; Winter, Typenkat., II, p. .'534, 3, et 372, 10.
,7} Sur l'hypothèse de M. L. Heuzey. qui voyait, dans leurs ailes « en faucilles »,
l'interprétation du croissant placé par les Orientaux derrière les épaules de Men.
ou de Men-Attis, cf. avec la bibliographie des opinions contraires, G. Mendel,
BCII; XXXIII, 1909,· p. 260. En Italie, ou, grâce à l'influence de TÉtrurie, avaient
470 TH. MACRIDY-BEY ET CH. PICARD

On n'est pas trop surpris que cet aspect primitif du jeune


dieu phrygien se soit, de préférence, conservé à Cyzique, et cela
jusqu'à l'époque romaine encore. M. G. Mendel a parfaitement
montré L'esprit conservateur de la vieille cité de Cybèle (l) ; il
en allait en religion, sans doute, comme pour l'art.
Ce sera l'intérêt des fouilles scientifiques à pratiquer à
Cyzique, — fouilles si désirables aujourd'hui, — que de faire
connaître plus historiquement ce milieu de la Proconnèse, où,
longtemps, s'entretinrent, se combinèrent les influences de la
Perse, de la Phrygie, de l'Ionie primitive. Le prestige du
culte métroaque s'étendait, comme l'on sait aujourd'hui, sur
toute la route qui. vient de la Ilautc-Phrygie par la vallée du
Rhyndacos, et jusqu'à Milétopolis encore (2). L'influence
religieuse de Cyzique a été particulièrement marquée autour
du -lac Manias ou Dascylitis, en Rithynie, voire en cette cité de
Dascylion, fondée par un dynasfe de la famille de Gygès, ou
séjourna, plus tard, l'un des deux satrapes chargés d'administrer
l'Asie après la victoire du Grand-Roi i.T). ("est là qu'ont été
trouvés récemment ces reliefs, qui illustrent si curieusement
l'association d'influences ioniennes (4) et persiques, dans une
région de civilisation particulièrement traditionaliste (o).
Constantinople-Athènes, juillet 1920..
Th. Macridy-Rey et Cb. Picakd.

subsisté plus longtemps certains thèmes religieux venus <le l'Asie-Mineure, on


trouve l'Attis ailé dadophore associé avec une Artémis τ.ότπχ, aux lions; c'est
le cas pour certaines antéiixes décoratives de Falerii Veteres (me-ne s. av. J.-C",
où les types alternent; cf. Mary Taylor et H. C. Bradshaw, Papers of the Brit.
Schooll at Rome, VIII, 1916, p. 1-3.".
(1) Cf. ci-dessus, p. 468, η. 4.
^2) Mionnet, Supplém., V, p. 381, p. HI 9 monnaie de Vespasiem; II, p. 570,
n° 358 monnaie d'Antonin le Pieux:. M. G. Mendel tend à attribuer à Cyzique la
stèle dite de Dorylée, avec sa -οτνία 6ηρών ailée; cf. Calai., II, p. 230 sqq.
i3. Cyzique n'a chassé sa garnison perMque qu'au milieu du m" siècle av. J -C,
22 ans environ après la paix d'Antalcidas ; cf. Diodore de Sii-ile, XV, SO ; Corn.
Nepos, Tirriulliée, I. On ne sera donc pas surpris de trouver la des influences
religieuses iraniennes.
(4) Cyzique, comme l'on sait, était colonie de Milet.
;.7 Th. Macridy-bey, DCH, XXXVII. 11)13. p. 340 sqq. Sur les relations de
Cyzique et de Dascylion, cf. F. W. Hasluck, JUS, XXIII, 1903, p. 82 ; II. ftraillot,
Le culte de Cybèle, p.377;Ch. Picard, Rev.de l'art anc. et moderne, 1921, p. 254 sqq.

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