L'homme Du XXe Siecle Et Son Esprit
L'homme Du XXe Siecle Et Son Esprit
L'homme Du XXe Siecle Et Son Esprit
Selon une attitude qui relève de la sagesse propre au sens commun, pour
savoir ce qu'un mot veut dire, on s'imagine qu'il suffit de connaître par-
faitement son étymologie. Le terme de psychologie se comprendrait dès
lors simplement par la décomposition rigoureuse de ses composants.
Pour Aristote, I'âme serait la forme d'un corps naturel qui possède la vie
en puissance. Elle est enteléchie, c'est-à-dire principe actif d'un corps
naturel organique. Pour le penseur grec, il y a des degrés de l'âme, des
différentes fonctions: la fonction végétative, qui anime les plantes, la
fonction sensitive qui se trouve de surcroît chez les animaux, et enfin, la
fonction intellectuelle qui s'ajoute chez l'homme aux deux autres.
Sans rentrer dans une analyse de détails de l'euvre d'Aristote, il est aisé
de remarquer qu'une telle approche de l'âme renvoie tout de même plus à
une métaphysique fondée sur le problème de l'union de l'âme et du corps
que sur une analyse concrète et objective des comportements humains et
de leurs causes. Cependant, une telle vision métaphysique se perpétuera
jusqu'à l'orée du XIX° siècle.
« Je pense donc je suis, mais que suis-je, je suis une chose qui pense ».
Aussi, ne doit-on pas s'étonner de voir le XVle siècle français tenter une
approche plus systématique sinon plus concréte de l'origine de nos
sentiments et de nos idées. On doit essentiellement ce mouvement à
l’Abbé Etienne Bonnot de Condillac, tout à la fois theologien, homme de
science et philosophe. C'est son ceuvre, aussi bien l'Essai sur l'Origine des
connaissances humaines (1746) que son Traité des Sensations (1754) qui
fonde systématiquement pour la France l'empirisme philosophique.
S'inspirant du Français François de Fontenelle et de l'Anglais John Locke, il
considère la sensation et la rétlexion comme les deux sources de
l'expérience. La perception sensible des objets constituant l'acte premier
de la connaissance. Le grand mérite de Condillac est d'avoir tenté de
substituer à une approche métaphysique, une approche fondée sur
l'observation, sur l'expérience, sur l'usage d'une méthode propre auX
mathématiques et à la physique.
Quant à l'erreur, elle réside dans I'habitude de raisonner sur des choses
dont nous n'avons pas une idée précise. Pour raisonner juste, il faut
reprendre nos idées à leur origine, c'est-à-dire remonter aux sensations
qui sont liées au voir et au sentir.
Pour mieux faire comprendre son point de vue et pour tenter d'esquisser
une histoire théorique de la formation de nos sentiments et de nos
connaissances, Condillac imaginera les aventures d'une statue. C'est
grâce a cet artifice que Condillac rendra compte de la manière dont selon
lui, apparaissent nos sentiments, nos passions., nos idées. L'important
dans cette affaire, c'est de tenter d'expliquer la variété de nos réactions
par la combinaison d'un petit nombre d'éléments : le mérite évident,
d'une telle affabulation est, au-delà du recours artificiel à ce mannequin
de pierre, d'avoir compris que la psychologie d'un homme n'était pas
fournie une fois pour toute mais qu'elle faisait l'obiet d'une acquisition
progressive. La psychologie d'un être a son origine dans le monde
extérieur, dans sa manière d'entrer en rapport avec le monde : elle passe
par des étapes que l'on peut déterminer et qui sont les mêmes d’un
individu à l’autre. Si bien que l’on peut voir en Condillac le prophète, sinon
l’ancêtre de la psychologie génétique.
Bien entendu, il ne s’agit ici que d’une histoire imaginaire : les statues
restent de pierre et ce n’est que dans I’imagination des hommes qu’elles
s’animent parfois; mais pour la première fois dans l’histoire des idées, les
facultés les plus complexes comme la volonté ou la pensée sont
expliquées à partir d’une pratique humaine et non point considérées
comme des facultés innées que les dieux auraient mises, on ne sait
pourquoi, en semence dans notre esprit. C’est la première fois aussi qu’un
ouvrage consacre l’essentiel de ses propos à une description affinée. Des
sentiments humains, qu’un ouvrage de philosophie, et non plus un roman
soit consacré à la psychologie de l’homme, d’un hommne abstrait certes,
mais qui sent, qui veut et qui pense.
Mais I’âme malgré ses transformations, reste une entité immatérielle qui
n’est pas une chose dans I’espace et qui ne peut donc s’enregistrer ni se
mesurer. Seul, le psychologue, grâce à une expérience intimne peut en
son for intérieur s’en assurer l’approche ineffable. Les romans, les
journaux intimes, les confessions sont le lien littéraire de sa révélation;
l’examen de soi est la cérémonie de sa contemplation ; l’introspection est
le moyen privilégié mis au point pour s’en emparer.
On sait que pour Maine de Biran, cette expérience intime nous montre
Que la prise de conscience de soi ne s’opère que dans le sentiment de
l’effort musculaire. C’est cet effort qui selon lui, est le fait primitif par
excellence. Le moi dit-il – ne se pose qu’en s’opposant, il ne prend
conscience de soi que contre une résistance qui est la résistance de
WILLIAM JAMES
C’est donc avec cette méthode qu’il aborde malgré certains efforts
tendant à une véritable démarche scientifique, tout à la fois le courant de
penser, la conscience de Soi, le Moi spirituel, les niveaux de la
personnalité, l’attention, la volonté, le raisonnement. «L’observation
introspective est ce sur quoi nous avons à compter, d’abord, surtout et
toujours… ». Il considère cette croyance comme le plus fondamental de
tous les postulats de la psychologie.
HENRI BERGSON
C’est pour Bergson, une erreur dangereuse, héritée d’une confiance trop
spontanée en l’intelligence, que d’imaginer la vie psychique comme
constituée d’une succession d’états de conscience multiples et distincts
se substituant mécaniquement les uns aux autres. La vie mentale est
changement continuel, hétérogénéïté pure, en un mot durée.
LE REJET DE L’INTROSPECTION
Si dans les sciences, le progrès est rendu possible par la critique possible
des méthodes employées, également par l’affinement des techniques
d’observation, par la mise en place des nouveaux instruments de mesure,
au contraire, dans la psychologie traditionnelle, telle qu’elle était alors
représentée auX Etats-Unis, aucun progrès de ce genre n’est possible,
puisque ce qui est privilégié c’est le sujet qui observe. En science, il y a
controverse, il y a contrôle possible des observations mais dans la
psychologie traditionnelle, je suis seul juge de mes découvertes, il n’y a
que moi qui puisse trancher. En un mot, pour le behaviorisme qui formule
toutes ces critiques, la psychologie introspective, aussi prétentieuse soit-
elle est stérile, aussi raffinée qu’elle soit dans sa description des courants
de concience n’est que bavardage.
Elle ne réalise en aucun cas les conditions d’une bonne observation. Car,
pour qu’une observation soit scientifique, il est strictement nécessaire que
le sujet qui observe, et l’objet à observer, soient distincts. C’est, d’ailleurs
le philosophe du positivisme français Auguste Comte, qui avait fait depuis
longtemps cette remarque de bon sens : l’individu pensant ne saurait se
partager en deux, dont l’un raisonnerait tandis que l’autre regarderait
raisonner. C’est le même Auguste Comte d’ailleurs qui soutenait que la
psychologie introspective n’a pas de raison d’être puisque les faits dont
elle prétend traiter, appartiennent en réalité soit à la biologie, soit à la
sociologie. L’homme n’est pas « dans » une entité métaphysique, appelée
comme on voudra homme ou esprit, l’homme est « dans» son organisme
et, il est « dans » son histoire.