Programme D'Action Mondiale Pour La Protection Du Milieu Marin Contre La Pollution Due Aux Activites Terrestres: Le Cas Du Senegal
Programme D'Action Mondiale Pour La Protection Du Milieu Marin Contre La Pollution Due Aux Activites Terrestres: Le Cas Du Senegal
Programme D'Action Mondiale Pour La Protection Du Milieu Marin Contre La Pollution Due Aux Activites Terrestres: Le Cas Du Senegal
RESUME _________________________________________________________________________________________ 5
INTRODUCTION ________________________________________________________________________________ 6
BIBLIOGRAPHIE _____________________________________________________________________________ 48
2
Liste des sigles et acronymes
ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie
CCLME : Canary Current Large Marine Ecosystem
CCNUCC : Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques
CNDD : Commission Nationale du Développement Durable
COV : Composés Organiques Volatiles
CRDI : Centre de Recherche en Développement International
CRODT : Centre de Recherches Océanographiques de Dakar-Thiaroye
DPM : Domaine Publique Maritime
FAO : Food and Agriculture Organization of the United Nations
GES : Gaz à effet de serre
GIZC : Gestion Intégrée Des Zones Côtières
HAP : Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques
IAGU : Institut Africain de Gestion Urbaine
ICS : Industries Chimiques Du Sénégal
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
ISRA : Institut Sénégalais de Recherches Agricoles
MTOA : Manufacture des tabacs de l'Ouest Africain
NSOA : Nouvelles Savonneries de l'Ouest Africain
NSQ : Nappe des Sables du Quaternaire
OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONAS : Office National de l’Assainissement Du Sénégal
PAD : Port Autonome de Dakar
PAM : Programme Alimentaire mondial
PASDUNE : Programme d'Actions pour la Sauvegarde et le Développement des
Niayes et zones vertes de Dakar
PCB : Polychlorobiphényles
PCTI : Plan Climat territoire Intégré
PNUE : Programme des Nations Nnies pour l’Environnement
POLMAR : Plan National de Lutte contre la Pollution Marine
POP : Polluant Organique Persistant
SAF : Savonnerie Africaine Fakhry
SAR : Société Africaine de Raffinage
SDE : Sénégalaise Des Eaux
SOBOA Société des brasseries de l'Ouest africain
SONACOS : Société Nationale de Commercialisation des Semences
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
UICN : International Union for Conservation of Nature
UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
VDN : Voie de Contournement Nord
3
Liste des figures
Figure 1 : Carte de situation géographique du Sénégal (ANDS, 2013) ------------------------------------------------------- 7
Figure 2 : Principaux sites de provenance de la pollution d’origine terrestre sur le littoral sénégalais ---------- 13
Figure 3 : Pollution par rejets directs d’effluents domestiques et industriels (DEEC, communication aux
journées scientifiques du littoral, UCAD, avril 2011) -------------------------------------------------------------------- 15
Figure 4 : Schéma de dépollution de la baie de Hann (DEEC, communication aux journées scientifiques du
littoral, UCAD, avril 2011) -------------------------------------------------------------------------------------------------------- 19
Figure 5 : Découpage régional du littoral sénégalais ---------------------------------------------------------------------------- 21
Figure 6 : Vues de la décharge de Mbeubeuss ------------------------------------------------------------------------------------- 23
4
Résumé
De nombreux pays connaissent des problèmes environnementaux parmi lesquels la pollution
marine due aux activités terrestres. C’est dans ce contexte que le CCLME (Canary Current
Large Marine Ecosystem) s’est engagé à réaliser un rapport dans les sept pays de sa zone
de couverture, à savoir le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée, la Guinée Bissau, le Maroc, la
Mauritanie et le Sénégal. L’objectif est de recenser toutes les activités terrestres pouvant
constituer des sources de pollution côtière et marine et affecter ainsi la qualité de l’eau de
mer et des sédiments et procéder ainsi à une estimation des quantités rejetées.
Le littoral sénégalais, objet d’un fort enjeu économique et social, subit de multiples
agressions liées à un développement croissant d’activités socio-économiques (industrie,
tourisme, habitat, pêche) qui contribuent grandement à la pollution marine. La Baie de Hann
est un bel exemple d’illustration, elle est le réceptacle des rejets issus des constructions
navales du port de Dakar, des rejets urbains de la commune d’arrondissement de Hann-Bel-
air et de nombreuses autres industries.
Le CCLME s’est engagé dans un processus d’élaboration d’un programme national de lutte
contre la pollution marine liée aux activités terrestres pour apporter une réponse face à ce
péril.
Le présent rapport présente une évaluation de la pollution marine liées aux activités
terrestres sénégalaises. Il est construit à partir d’un inventaire des différents sites de
pollution sur le littoral du Sénégal depuis l’estuaire du fleuve Sénégal au nord jusqu’à
l’embouchure du fleuve Casamance à l’extrême sud du pays.
5
Introduction
La pollution des eaux marines est un phénomène observable à l’échelle mondiale. Le
Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), cité par le Service de
l’Observation et des statistiques du Commissariat général au Développement Durable
(France) dans son rapport paru en mai 2011, intitulé « Environnement littoral et marin »,
montre que plus de 80 % de la pollution marine sont d’origine terrestre. Cette pollution arrive
au milieu marin via les fleuves, par les vents et/ou par rejets directs (rejets industriels et
urbains). Les écosystèmes estuariens représentent les principales zones de transit des
polluants. 20 % de la pollution marine sont liés aux activités humaines en mer (fuites et/ou
rejet d’hydrocarbures, pertes de cargaison, immersion de déchets, etc.). En effet, les
accidents pétroliers constituent une des plus importantes sources de pollution marine.
Toutefois, selon l’International Tanker Owners Pollution Limited, « la moyenne annuelle
d’accidents de plus de 700 tonnes de pétrole est passé de 25 dans les années 1970, 9 dans
les années 1980, à 3,8 entre 2000 et 2004 » (PNUE-DEWA/GRID-Europe, 2006).
Le milieu marin et littoral sénégalais, est soumis à ces deux catégories de sources de
pollution marine. Les rejets industriels et urbains polluent fortement le littoral du Sénégal : la
baie de Hann en est une illustration. Les bateaux de pêche, de marchandises et/ou en
transit, bien présents dans les eaux sénégalaises représentent de potentielles sources de
pollution. D’ailleurs, l’échouement du bateau espagnol « Almadraba Uno » sur les rochers de
l’île des Madeleines en août 2013, a suscité beaucoup d’inquiétudes quant à la pollution des
eaux et ses menaces sur la biodiversité marine.
Le Sénégal est situé entre 12° et 17° de latitude nord et 11° et 18° de longitude ouest. Il est
limité au nord et nord-est par la Mauritanie, à l’est et au sud-est par le Mali, au sud par la
Guinée Bissau et la République de Guinée et à l’Ouest par l’océan atlantique (Figure 1).
Zone de Finistère ouest-africaine, le Sénégal dispose de 700 km de côtes avec des
paysages riches et variés. Son espace maritime, qui s’étend sur 198 000 km2, est très
productif en raison de l’upwelling côtier, des apports terrigènes mais également des
conditions climatiques favorables, notamment de température et d’insolation (CSE, 2005).
6
Figure 1 : Carte de situation géographique du Sénégal (ANDS, 2013)
7
I. Recensement et évaluation des problèmes
Le recensement et l'évaluation des problèmes constituent une démarche qui comporte
quatre éléments à déterminer : la nature et la gravité des problèmes, la modification du
milieu physique y compris la modification et la destruction des habitats, les sources de
dégradation et les zones géographiques suscitant des préoccupations (zones touchées ou
vulnérables).
I.1. Enjeux
Les enjeux de la lutte contre la pollution marine d’origine terrestre sont de divers ordres : la
sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté, l’hygiène publique, la protection des
ressources côtières et la salubrité des écosystèmes ainsi que les avantages et les
utilisations économiques et, socioculturelles.
Des menaces pèsent également sur l'avenir de l'agriculture urbaine à Dakar. Un inquiétant
appauvrissement des sols et un difficile accès à l'eau ont été soulignés dans différentes
études (Ba, 2007 ; Cissé et Fall, 2001). La forte pollution et la salinisation de la nappe de la
zone des Niayes de Dakar, engendrées par la surexploitation, l’usage d’intrants chimiques et
8
l’absence de réseau d'assainissement, ont fortement déstabilisé le fonctionnement de
l'activité agricole en bouleversant les modes d'accès à l'eau. En réponse à cette situation, les
exploitants ont développé deux stratégies comportant toutes deux d’importantes limites,
souvent ils utilisent les eaux usées pour l'arrosage ou l'irrigation de leurs cultures. Ces
dernières ont l'avantage de contenir beaucoup de matières organiques. Cependant, cela
peut représenter une nuisance car la présence de matières en suspension, de germes
pathogènes et de coagulants risquent de compromettre l'activité agricole par le colmatage
des sols et par le développement de maladies pouvant affecter les producteurs et les
consommateurs. Ainsi, le fait marquant de l’agriculture urbaine dans la région de Dakar, est
la forte utilisation de pesticides et d'engrais chimiques pour augmenter les rendements et
répondre à la demande du marché national. L'utilisation de ces produits a été telle que
certains parasites commencent à développer des résistances. En réponse à ces
mécanismes de résistance, les producteurs multiplient les doses et les fréquences
d'utilisation. Ces pratiques peuvent, à moyen et long terme, entraîner une dégradation et un
appauvrissement des sols ; ce qui affecterait considérablement et négativement cet
important secteur de développement économique.
Selon Henry (1921), le niveau piézométrique de la nappe des sables quaternaires baisse
depuis 1883. Les prélèvements pour l’eau potable n’ont donc fait qu’accentuer le
phénomène. Dans les années 1930, le captage des eaux de la NSQ fournissait un débit de
3 000 m3/j qui fut porté à 24 000 m3/j en 1949 (Martin, 1970) ; ce qui provoqua une intrusion
saline dans les captages proches de la mer.
9
traitement, des moyens existants de gestion des boues de vidanges. Mais comme le
soulignait l’ONAS en introduction du colloque organisé par lui en 2009 sur cette même
gestion : « Le paradigme actuel qui oppose l’assainissement autonome (par latrines et
fosses septiques) à l’assainissement collectif (par réseaux d’égout) conduit à une impasse et
limite considérablement le développement du secteur » (Mbéguéré et al, 2011). En effet,
aucune de ces options technologiques ne permet de ni résoudre la question du traitement
des boues de vidange, ni exclure les pollutions massives qu’elles peuvent engendrer.
« Lorsque le contenu d’une fosse septique est malencontreusement déversée dans la
concession, la rue, en pleine nature ou dans des champs de cultures, les risques pour la
santé publique sont bien plus élevés que ceux liés aux déversements d’eaux usées
urbaines. Cette forme d’assainissement ne peut être qualifiée d’assainissement autonome.
Un litre de boues de vidange correspond en effet à 50 – 100 litres d’eaux usées et un camion
de vidange de 5 m3 déversé en pleine nature est l’équivalent d’une population de 5 000
habitants déféquant à l’air libre » (Ibid).
De nombreux rapports soulignent déjà que la gestion des déchets ménagers est un défi
majeur pour les municipalités sénégalaises qui sont confrontées à une forte croissance
démographique doublée d’une concentration des populations en milieu urbain. Cette
croissance urbaine, qu’on estime considérable dans les décennies à venir, se complique par
une évolution des modes de consommation, qui se traduit par une augmentation des
volumes de déchets, et par une proportion croissante de plastiques (Valentin 2010).
Cependant, aucune des étapes de la gestion des déchets -depuis le ramassage jusqu’au
traitement- n’est actuellement inscrite dans aucune perspective systémique et donc durable.
10
langoustes profondes au Cap Vert (Medina et al. 2003) constituent autant d’indices récents
montrant tous une diminution très significative de l’abondance des ressources démersales
ouest-africaines. Cette diminution est particulièrement forte au Sénégal où par exemple la
biomasse de mérou est actuellement réduite de 90% (Gascuel et al., 2003).
Des études rétrospectives, effectuées sur la cinétique sédimentaire de la baie de Hann sur la
période 1954-1997, montrent un recul du trait de côte d’environ 77cm par an, mais avec des
variations dans le temps et dans l’espace. L’érosion aurait ralenti au cours des dernières
décennies, entre 1978 et 1997. On constate également que l’érosion est limitée jusqu’à
Mbatal puis augmente de manière importante pour atteindre des maximums à Grand Mbao,
au Cap des Biches et Rufisque. Au Sénégal, les phénomènes de recul du trait de côte sont
signalés sur pratiquement tout le littoral de Saint-Louis à Joal en passant par de nombreux
sites de la région de Dakar avec des reculs variant entre 2 et 8 m par an. Les causes sont
connues : « ce sont les prélèvements de sable et autres sédiments sur les plages par
exemple à Mbao et à Mbeubeuss, […], aux Parcelles Assainies, Golf, Guediawaye, Cap des
Biches, […], etc. Ce sont aussi les constructions de bâtiments sur les plages et d’ouvrages
perpendiculaires au rivage […] l’examen de photographies aériennes montrent au niveau
des chenaux d’alimentation de l’usine ICS à Mbao et de la centrale thermique du Cap des
Biches, mais aussi au niveau de l’épi de Nianning, une situation d’érosion intense ». Ces
constats, effectués par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) en 2010,
lors d’une expertise sur l’état des côtes de la région ouest africaine en général et de la région
de Dakar en particulier, mettaient en évidence le coût déjà exorbitant des mesures prises
pour compenser le laisser faire en matière de construction, de prélèvements de sable et de
coupes des forêts de filaos qui jouent le rôle de protection des dunes littorales contre
l’érosion.
On sait que partout dans le monde, une importante population humaine s’installe sur la
bordure maritime pour profiter de ses ressources. D’après les estimations des Nations Unies,
60% de la population mondiale du début des années 1990 vivaient à moins de cinquante
kilomètres des côtes. On en prévoit 75% en 2025 soit une croissance de 1,5 par an, ce qui
dépassera de près d’un milliard la population actuellement concernée (PNUE/PAM/PAP,
1999). Ainsi, certains milieux littoraux comme les récifs coralliens sont producteurs de
services environnementaux essentiels à près de 500 millions d’individus (UNESCO, 2008).
90% des protéines animales consommées dans les îles du Pacifique sont d’origine marine.
Plus généralement, pour un nombre important de pays du Sud, l’essentiel du mieux-être
économique et social est issu de l’exploitation des richesses littorales et côtières. C’est le
cas du Sénégal où les principaux secteurs d’activité économique sont désormais basés sur
l’exploitation de ces richesses naturelles. Néanmoins, pour ce pays, comme pour l’ensemble
11
de la région ouest africaine, cette valorisation a été aussi tardive que brutale. Alors qu’à la fin
des années 1980 il était encore légitime de penser et d’écrire qu’à l’instar des sociétés ouest
africaines « on ne peut pas dire que les sénégalais soient un peuple tourné vers la mer »
(Bâ, 1993). Force est de constater, moins de quarante ans plus tard, l’ouverture des
marchés d’exportation des produits de la pêche, le développement du tourisme, l’explosion
de l’immobilier littoral, l’extension considérable des espaces urbanisés côtiers. Autant
d’évènements qui font que désormais les bordures maritimes sénégalaises sont le principal
théâtre du développement économique et social national.
12
Estuaire du
Sénégal
Ecosystème des
Niayes
Lagunes de
Somone,
Mbodiène, Joal
Delta du Saloum
Estuaire de la
Casamance
I.2.1. Contaminants
Le littoral sénégalais connait plusieurs sources de contaminants qui sont à l’origine des
problèmes environnementaux.
Des stratégies industrielles agressives, observées dans beaucoup de pays côtiers, et une
urbanisation galopante, entraînent des niveaux alarmants de pollution qui menacent très
sérieusement les écosystèmes marins et côtiers (Cicin Sain et al, 2002). Actuellement,
aucun traitement n’est porté aux effluents urbains ouest-africains. Une situation similaire est
13
observée au Sénégal où les eaux usées, en particulier en milieu urbain côtier, apparaissent
comme le parent pauvre des politiques et stratégies de gestion des eaux. Ainsi, des
performances remarquables ont été réalisées par le Gouvernement du Sénégal pour l’accès
à l’eau potable permettant d’atteindre les OMD plus d’un an avant l’échéance. Mais pour ce
qui est de l’assainissement les scores restent encore très faibles en milieu urbain comme en
milieu rural (Tableau 1) d’après le rapport de la 8e revue annuelle conjointe du PEPAM
(2014).
14
Pollution, par des rejets directs au milieu naturel…
Les rejets industriels (colorant, ammoniaque, métaux lours, etc.), la charge organique
importante et les fortes concentrations en coliformes et en streptocoques fécaux, comme
celles observées dans la baie de Hann à Dakar (Bouvy & Arfy, 2004), constituent des
sources de pollutions notables. Ces pollutions rendant les eaux côtières impropres à la
baignade et à la commercialisation de produits issus de la mer.
15
l’environnement. Les POPs sont véhiculées par l’air, l’eau et/ou par les espèces migratrices.
Du fait de leurs propriétés (bioaccumulation, persistance dans l’environnement, transportable
sur de très longue distance), toute la chaine alimentaire ainsi que les environnements
sédimentaires littoraux, qui représentent des milieux récepteurs, sont donc susceptibles
d’être contaminés par ces substances, même s’ils se situent au-delà des frontières de leurs
lieux d’émission. Au regard de cette classification et des sources potentielles, le littoral
sénégalais semble être à l’abri de cet type de pollution.
Nous pouvons souligner également que le gouvernement du Sénégal a pris des mesures
réglementaires notamment dans l’article 44 du Code de l’Environnement pour contrôler les
substances chimiques toxiques et radioactives. L’article stipule que « les substances
chimiques nocives et dangereuses qui, en raison de leur toxicité, de leur radioactivité, de leur
pouvoir de destruction dans l’environnement ou de leur concentration dans les chaînes
biologiques, présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour l’homme, le milieu
naturel ou son environnement lorsqu’elles sont produites, importées sur le territoire national
16
ou évacuées dans le milieu, sont soumises au contrôle et à la surveillance des services
compétents ». Il existe également des documents et des plans qui présentent le diagnostic
sur l’état de la pollution au Sénégal et des textes réglementaires adoptés. Nous pouvons
citer le Plan national de lutte contre la pollution marine (Plan POLMAR) et le Profil National
sur La Gestion Des Polluants Organiques Persistants au Sénégal (POPs).
17
de la capitale. La quantité d’ordures déversées, par jour, dans cette fameuse décharge, à
ciel ouvert, est de l’ordre de 900 tonnes chaque jour, selon l’Institut Africain pour la Gestion
Urbaine (IAGU cité par Ndao, 2012).
I.2.1.4. Hydrocarbures
La perturbation de l'équilibre des écosystèmes littoraux est souvent liée aux activités qui y
sont développées comme par exemple le transport d’hydrocarbures. Le déversement,
volontaire et/ou involontaire, de produits pétroliers constitue la principale source de pollution
aux hydrocarbures du milieu littoral. Le benzène, le toluène et le xylène, aromatiques
contenus dans le pétrole brut, sont très toxiques (Ndiaye, 2007) et sont de ce fait nuisibles à
la faune marine et côtière. L’auteur a observé des nappes d’hydrocarbures au niveau du port
de Dakar. Du fait de leur dispersion et leur transport par les courants marins, ces nappes
représentent une menace réelle sur la qualité biologique, écologique et sur la qualité des
eaux dans la baie de Hann, l’anse de Dakar, l’île de Gorée, etc.
A cause de sa position géographique favorable, le port de Dakar est une zone de trafic
(transbordement, transit, conteneurs) très importante. La ville de Dakar est située sur la
pointe la plus avancée de la côte ouest africaine, donnant ainsi à son port une position
géographique stratégique. Le port de Dakar se trouve à l’intersection des principales lignes
maritimes entre l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Amérique Latine et le continent africain. Ceci
permet aux navires venant du nord de gagner 2 à 3 jours de navigation par rapport aux
autres ports de la sous-région et favorise les trafics concurrentiels de transbordement et de
transit sur les pays de l’hinterland comme le Mali. Le Port Autonome de Dakar (PAD) est le
troisième port de l’Afrique de l’Ouest en tonnage derrière Abidjan et Lagos. Ainsi pour
conserver cette place, le PAD vient d’augmenter sa capacité d’accueil. Il a ainsi dragué le
chenal extérieur de la bouée 12 à la passe d’entrée à -13,5 mètres par rapport au zéro
hydrographique (www.walf-groupe.com/actualites).
La contamination aux hydrocarbures peut aussi être liée au largage des eaux de vidange
des bateaux, à l’antifouling1 (Sossa, 2008), au transbordement de pétrole, à la présence de
pipelines et la maintenance des bateaux dans la zone portuaire. Environ 100 Millions de
tonnes d’hydrocarbures, celles présentes dans les soutes des navires, transitent chaque
année le long des côtes sénégalaises (Gueye, 2012). Le trafic malien en hydrocarbures est
passé de 51643 à 88423 tonnes entre 2009 et 2012 (PAD, 2012).
Les zones de Mbao, Hann, le Port et la Baie de Soumbédioune présente une pollution
importante aux hydrocarbures qui a été révélée par l’analyse des eaux, des moules, et des
1
Peinture antisalissure utilisée pour les coques des bateaux
18
sédimentes prélevés dans ces zones. En effet, ces analyses indiquent une augmentation de
la teneur en hydrocarbures entre 2004 et 2007. Au port de Dakar, les valeurs trouvées sont
respectivement de 42,7 μg/kg et 2824,07 μg/kg. La concentration en hydrocarbures dans les
zones de Mbao, Hann, du Port et Soumbédioune suit une évolution croissante.
Si la baie de Soumbédioune est le réceptacle des rejets urbains du Canal Ouest (canal 4)
qui draine les eaux d’une bonne partie de la capitale, à Mbao et Hann, ce sont les industries
qui sont mises en cause dans l’accumulation des hydrocarbures. Cette pollution laisse planer
des risques sanitaires sur les usagers de la mer et les populations, d’autant plus que les
moules consommées à grande échelle et qui ont une fonction de filtre, ont des taux de
concentration en hydrocarbures supérieurs à la normale (Ndiaye, 20122). D’ailleurs pour la
baie de Hann, un schéma de dépollution (Figure 4) est prévu et à même reçu un accord de
financement de partenaires au développement.
2
www.lesoleil.sn
19
I.2.1.5. Nutriments
Toujours selon le PNUE (GEO 3), l’introduction de nutriments dans les eaux marines et
côtières est une grande préoccupation. Le déversement de composés azotés dans les
océans a considérablement augmenté. Les rejets d’eaux usées sont souvent la principale
source locale de ces composés au voisinage des agglomérations. Mais les rejets agricoles et
les dépôts atmosphériques y contribuent également. Dans certaines zones côtières, les
apports azotés anthropogéniques proviennent surtout de l’atmosphère, c’est-à-dire
principalement des émissions d’automobiles et de l’industrie. Ils devraient donc augmenter
avec l’industrialisation et l’utilisation massive des transports.
- Le milieu ouvert : il est constitué par les plages, les flèches littorales et les corps
sédimentaires de flot et/ou de jusant, visibles à marée basse au niveau des
embouchures du fleuve Sénégal, du Saloum, de la Somone, etc. Le faciès
sédimentaire y est principalement sableux. Les houles, les courants de dérive et les
courants de marée sont les principaux facteurs qui gouvernent la dynamique des
sédiments et leur redistribution dans le système ;
20
Figure 5 : Découpage régional du littoral sénégalais
La contamination des sédiments marins est une problématique majeure qui mérite une
attention particulière. Les opérations de dragages dans le port peuvent remettre en
suspension des sédiments contaminés et toxiques et donc altérer la qualité des eaux et
compromettre le bon état écologique des systèmes côtiers. L’absence de données récentes
sur la bathymétrie et la sédimentation côtière et maritime pose un réel problème d’analyse
de cette problématique hautement importante.
21
I.2.1.7. Détritus
D’après les travaux de Rouyat et al (2006) le taux de collecte des déchets dans les villes du
Sénégal est de 35% et se situe donc dans la moyenne des villes au sud du Sahara. Selon
Rouyat, Broutin et al, (2006) « D’une manière générale, les engins mécaniques sont surtout
utilisés dans les quartiers centraux des communes […]. Ainsi, les deux tiers des habitants
des communes étudiées ne bénéficieraient d’aucun service d’évacuation des déchets ». A la
périphérie, les usagers développent des solutions de substitution. On y observe
fréquemment les services d’opérateurs de pré-collecte qui drainent les déchets vers des
dépôts intermédiaires car, ils ne peuvent être acheminés vers les véritables décharges que
par la municipalité grâce aux moyens mécaniques dont elle dispose. Cette étape est souvent
défaillante : soit que les zones de dépôts intermédiaires ne soient pas identifiées, soit
qu’elles ne sont pas régulièrement vidées. Rouyat, Broutin et al. (2006) ont montré que :
« Face à cette situation, les usagers ont recours à l’incinération ou l’enfouissement au niveau
de la concession, ou à l’évacuation dans des dépotoirs sauvages situés sur la voie publique
ou sur des terrains vagues ». Dans les communes de Thiès et de Mbour, les maraîchers
achètent même le contenu des camions comme intrant de compostage. Ces pratiques
posent des problèmes de santé publique et de dégradation de l’environnement. Pourtant
elles sont interdites par le décret réglementant l’évacuation et le dépôt des ordures
ménagères.
D’une façon générale, les décharges ne sont pas conformes à la réglementation. Elles n’ont
pas de fonds imperméabilisés pour éviter la contamination des sols et des nappes. Elles ne
sont pas isolées, ni sécurisées. Les personnes peuvent y venir récupérer des objets et les
animaux en liberté viennent y chercher de la nourriture. Elles ne sont pas recouvertes et les
ordures qu’on y dépose sont emportées par le vent et dispersées dans la campagne
environnante. Elles sont également une source non négligeable d’émissions de gaz à effet
de serre (GES).
22
substances hautement toxiques liée aux activités de recyclage (Figure 6). Les résultats des
analyses réalisées sont inquiétants (IAGU, 2012 ; Diawara, 2009) puisque la totalité des
puits d’eau de boisson de Malika sont contaminés par les métaux lourds.
http://www.lequotidien.sn
© Julien Gérard
http://www.freresdeshommes.org
23
vasières, précédemment occupées par des palétuviers, en tanne n’est possible que si les
conditions d’immersion biquotidienne par la marée ne sont plus présentes.
L’estuaire du fleuve Sénégal est marqué, depuis la mise en place du barrage de Diama, par
un fonctionnement hydrologique exclusivement sous contrôle tidal. Le principe du mélange
eau douce/eau salée, qui définit le système estuarien, n’est plus considéré dans l’estuaire du
fleuve Sénégal. Cette situation a entraîné des modifications importantes sur le milieu
physique : salinisation des nappes côtières et dégradation des terres agricoles, notamment
dans la zone du Gandiolais. L’activité agricole, jadis très développée dans la zone, est
depuis totalement compromise. Toutefois, aujourd’hui, des projets sont mis place pour
alimenter cette zone en eau douce à partir du fleuve Sénégal.
La cimenterie de Dakar, basée à Rufisque produit près de 6 000 tonnes de ciment par jour.
Depuis 60 ans, elle dépose sur la zone des particules de dérivé de ciment qui selon les vents
s’étendent sur le littoral, la ville de Rufisque ou les zones agricoles et pastorales alentour. Un
24
projet de traitement des émissions est actuellement en cour de réalisation (2013). Les rejets
directs de déchets industriels sur le littoral de Mboro, opérés par les industries chimiques du
Sénégal (ICS) représentent une menace réelle sur la biodiversité marine, la qualité du milieu
physique et sur la santé de la population.
Sur le littoral de la Petite-côte, la baie de Hann est l’un des principaux réceptacles des
déchets industriels généralement rejetés sans traitement approprié dans le milieu marin. Il
s’agit d’une pollution chimique (colorants minéraux, arsenic, hydrocarbures, acides, etc.) et
même parfois physique avec le rejet d’eaux chaudes en mer par certaines industries.
D’après la DEEC, environ 66% des rejets liquides des industries sénégalaises estimés à
41 000 m³ par unité industrielle, aboutissent en mer.
Les rejets de la SAR (Société Africaine de Raffinage) sise à Mbao contiennent d’importantes
quantités de sels minéraux et de déversements liquides provenant de la turbine à vapeur et
du nettoyage des conduites. Les ICS produisent des déchets solides, liquides mais gazeux
liés à la fabrication des engrais NPK, des acides sulfuriques et phosphoriques. En effet, l’eau
de mer utilisée pour récupérer l’ammoniaque, le fluor et les autres gaz est indirectement
déversée en mer avec de fortes températures.
Les industries textiles quant à elles, émettent des effluents contenant de la teinture chimique
favorable à la prolifération des algues tandis que les industries de pêche envoient en mer de
l’eau de lavage chargée de sang et de matières solides.
Enfin les études océanographiques ont montré que beaucoup de polluants proviennent
essentiellement des effluents non traités d’unités industrielles comme la SONACOS, la SAF,
la NSOA, la MTOA et la SOBOA aboutissent, grâce aux courants, à la baie de Hann et à la
zone portuaire (Tableau 2). Annuellement, 1 203 230 m3 sont rejetés au niveau de ces deux
sites.
Volume annuel rejeté 923 352 m3.an-1 274 878 m3.an-1 1 203 230 m3.an-1
Entre le Port de Dakar et la Centrale du Cap des Biches, 69 industries rejetant en mer ont
été répertoriées par le cabinet TECSULT tandis que la base de données du Ministère en
charge de l’Industrie, donne un nombre 90 unités industrielles dont la majeure partie est
située dans le domaine du PAD. La campagne d’échantillonnages et d’analyses physico-
chimiques réalisée au niveau de ces 90 entreprises a mis en évidence une forte proportion
de dépassement des normes de raccordement au réseau d’assainissement (Tableau 3).
25
Tableau 3 : Nombre de dépassement des normes de raccordement au réseau
d’assainissement
3
http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/senegal-cap-des-biches-la
26
effectué par le Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan constatait, en matière de
protection des eaux et de conservation du littoral, un nombre impressionnant de
dysfonctionnements tels qu’« une importante dispersion des connaissances et des
responsabilités administratives en matière de gestion et de protection des eaux; une
législation et des normes en deçà de la nécessité; des rejets industriels, urbains et agricoles
qui provoquent […] la contamination de certains puits d’eau potable et l’insalubrité des eaux
de baignade sur tout le littoral […]; des milieux naturels en danger (érosion des côtes ;
dégradation des zones humides et des lacs côtiers; fragilisation des estuaires, des lagunes
et des mangroves) » (Ministre sénégalais des Finances et du Plan).
I.2.3.1. 5. Constructions
Le port de Dakar assure 90% des échanges du Sénégal avec l’extérieur et le trafic
correspond à plus de 70% des recettes douanières du pays.
27
constructions et aménagements inadaptés soit, par la multiplication des prélèvements de
sable destinés à la construction (Ouegnimaoua 2002, Cesaraccio et al.; 2004; Sakho, 2011).
La conjonction de ces deux phénomènes peut conduire à des phénomènes catastrophiques
comme on le craint actuellement sur la Langue de barbarie, à Saint-Louis.
La première cause de recul du trait de côte au Sénégal est attribuée aux pillages de sable et
de sédiment sur les plages de l’ensemble de la côte, de St-Louis à Joal en passant par la
presqu’île du Cap-Vert. L’expansion urbaine accélérée dans la capitale impose une pression
sur la ressource. Le site de Mbeubeuss est un exemple typique facilement observable par
vue aérienne.
28
dynamique de baisse : les zones sous influence des pompages de la SDE sont marquées
par une remontée à partir de 1985 suite à une baisse des volumes d’eau pompés et le littoral
sud est une zone à dynamique stable à cause de la présence du coin salé (DASYLVA,
COSANDEY, SAMBOU, 1992). Déjà en 1989, par une cartographie élémentaire, Collins et
Salem (1989) ont montré une corrélation entre la densité de population, le défaut
d’assainissement et la détérioration de la qualité des eaux souterraines dans les zones de
Thiaroye, Yeumbeul et Malika.
La distribution géographique des teneurs en nitrates montre que les valeurs sont assez
variables ; elles s’établissent dans les moyennes de 50 mg/l au niveau de la tête de la
presqu’ile, 200 à 400 mg/l au niveau du col et 20 mg/l vers l’Est dans le corps. Sur des profils
verticaux, l’évolution des teneurs en nitrates dans l’eau des sols, depuis la surface jusqu’à la
nappe, montre d’importante variations. 90% des ménages évacuent leurs ordures
ménagères par l’intermédiaire des sociétés de nettoiement, 5% par l’enfouissement et 5%
par incinération ou par dépôt sur le sol. Les eaux usées domestiques sont versées
directement sur le sol pour 95% de la population ou éliminé dans un trou creusé dans le sol
(Tandia et al., 1997). A l’inverse des études plus anciennes réalisées en 1979 (Harris et al.,
1979) présentaient des concentrations faibles en nitrates. Ceci laisse à penser que la
contamination de la nappe est un phénomène assez récent. La contamination de la nappe
de la zone périurbaine entraine celle de la nappe infrabasaltique à cause de la continuité
hydraulique existant entre ces deux zones.
29
Dans ces conditions, comment alimenter les populations de Thiaroye en eau potable ? La
solution actuellement en vigueur consiste à diluer les eaux polluées avec de eaux importées
du lac de Guiers afin d’atteindre les seuils de potabilité (Urbamonde, 2009).
30
I.2.3.3. Dépôts atmosphériques
Les dépôts atmosphériques proviennent essentiellement des moyens de transport (voitures
et des installations industrielles.
Le transport de marchandises a été recentré depuis les années 1960-1970 vers le « tout
routier » aux dépens des transports ferroviaires ou fluviaux déjà existants ; un choix qui s’est
avéré lourd de conséquences néfastes. Ainsi, peu de dispositions ont été prises pour
permettre aux camions gros porteurs de sillonner une capitale aux voies étroites et
dépourvue de lieux de stationnement fixes. Les camions viennent donc se mêler à un trafic
urbain déjà surchargé et fortement désorganisé par les 60% de transporteurs privés et les
15% de transporteurs clandestins. La position du port en plein centre ville ne favorise, ni la
fluidité du trafic, ni la mobilité urbaine, ni l’amélioration des conditions de sécurité et de santé
publique.
31
I.2.3.3.2. Installations industrielles
La cimenterie de Dakar, basée à Rufisque produit près de 6 000 tonnes de ciment par jour.
Depuis 60 ans, elle dépose sur la zone des particules de dérivé de ciment qui, selon les
vents s’étendent sur le littoral, la ville de Rufisque ou les zones agricoles et pastorales
alentour. Un projet de traitement des émissions est actuellement en cour de réalisation
(2013). Les rejets dans l’atmosphère, liés aux activités des centrales électriques et des
incinérateurs, représentent également une source importante de pollution.
32
dissiper, d’autant que l’orientation des bâtiments n’est aucunement pensée pour favoriser les
courants d’air rafraichissants. De même, la concentration dans la banlieue de petites
constructions les unes contre les autres, le plus souvent avec des terrasses en béton,
contrarie la ventilation des maisons, leur fait perdre de l’habitabilité et favorise le recours à la
climatisation, donc à une consommation d’énergie accrue pour compenser chaleur et
manque d’aération.
33
L'écosystème des Niayes est caractérisé par une très riche biodiversité. Une végétation de
type humide y est présente, les Niayes constituent un important réservoir floristique du
Sénégal. Selon Ndiaye (1998), 20% de la flore sénégalaise (près de 419 espèces végétales)
s'y trouvent localisés, et parmi les 31 espèces endémiques du pays, 13 sont spécifiques à
cet écosystème. Un rapport de l'UICN (2002) indique que dans la grande Niaye de Pikine,
113 espèces d'oiseaux ont été dénombrées parmi lesquelles 40 sont endémiques.
Cette région a connu, au cours des dernières décennies, de profondes mutations que lui ont
imposées de fortes contraintes naturelles et anthropiques qui, combinée à la vulnérabilité
écologique et climatique, se traduit aujourd'hui par une précarité qui risque à long terme de
réduire très significativement le potentiel de sécurité alimentaire de la région. Parmi ces
facteurs de vulnérabilités, on peut citer la sécheresse qui, en provoquant l'abaissement du
niveau de la nappe, a mis en péril les ressources environnementales vitales pour les
populations locales. La grande sécheresse des années 1970 qui a frappé l’ensemble des
pays du Sahel, est également responsable d’un afflux de population rurale venu chercher
dans les Niayes des conditions de vie meilleures. Cette migration massive a
considérablement augmenté la pression foncière et engendré un surcroît d’urbanisation
« spontanée », notamment autour des grandes agglomérations (exemple de Pikine). Le
changement d'occupation des sols résultant est la cause d’une diminution durable des
surfaces agricoles (Diop, 2006). Un autre exemple de vulnérabilité est illustré par plusieurs
études qui montrent que l'utilisation incontrôlée des pesticides dans la zone de Niayes
menace fortement la biodiversité de la région (Niang, 2001 ; Gueye, 2010). Plusieurs
espèces seraient déjà menacées de disparition.
Les Niayes, aujourd’hui exposées à de multiples menaces, sont le domaine par excellence
des transactions foncières irrégulières. Ces zones focalisent ainsi un nombre important de
problèmes environnementaux et socio-économiques, qui nécessitent des mesures
particulières tant au niveau de l’aménagement du territoire qu’au niveau de la préservation
de la biodiversité et de la qualité environnementale au sens le plus large du terme. Une
gestion concertée des Niayes, qui associerait tous les acteurs, s’impose, afin d’œuvrer dans
un esprit de développement durable.
34
International. Des campagnes de reboisement de la mangrove sont réalisées chaque année
en Casamance et dans le delta du Saloum.
Une attention particulière doit donc être accordée à ces écosystèmes fragiles, aujourd’hui
fortement menacés.
La création des Aires Marines Protégées (AMP) procède bien d’une volonté de sauvegarde
des écosystèmes côtiers et marins du Sénégal. Depuis 2002, le Gouvernement du Sénégal,
inquiet de la situation de ses ressources marines et côtières a mis en place cinq
successivement (5) AMP que sont celles de Saint-Louis, de Kayar, de Bamboung, d’Abéné
et de Joal-Fadiouth (Figure 7).
I.2.4.4. Littoral
Si la concentration des populations humaines dans les régions littorales est un phénomène
mondial, il constitue désormais, de par son ampleur, un sujet de préoccupation en Afrique.
Au Sénégal, la moitié de la population est côtière avec des densités cinq fois plus importante
qu’à l’intérieur du pays. 60 % de la population africaine vit à moins de 10 km des côtes
(UNESCO, 2004). La richesse et la diversité des ressources naturelles jouent un rôle
essentiel dans la concentration des populations humaines sur les franges côtières.
En Afrique de l’Ouest, des activités économiques de première importance comme la pêche
et le tourisme se partagent l’usage des richesses naturelles littorales et côtières avec un
nombre croissant d’activités telles que l’agriculture, les transports, l’élevage, la foresterie,
l’industrie, les loisirs, la plaisance, différentes formes d’aquaculture, les salines, les mines,
etc.
Voici à peine une vingtaine d’années, il était encore légitime d’écrire qu’à l’instar de la
majorité des sociétés ouest-africaines, « on ne peut pas dire que les sénégalais soient un
peuple tourné vers la mer » (Ba, 1993). Depuis l’ouverture des marchés d’exportation de la
pêche, le développement du tourisme, l’explosion de l’immobilier littoral, l’extension
considérable des espaces urbanisés côtiers font que les zones littorales sont désormais le
théâtre d’une forte dynamique économique et sociale.
Cette extension, aussi forte que rapide, des activités humaines sur cette frange étroite et
fragile n’est pas sans poser de nombreux problèmes de durabilité.
35
sujet d’inquiétude tant pour la poursuite du développement économique et social de la région
que pour la préservation de ses richesses éco systémiques.
La forte densification des populations humaines sur les bordures maritimes (Cour and
Snrech 1998 ; OCDE, 2006 ; UNEP, 2007) a entraîné une fragilisation importante des
écosystèmes par la dégradation des sols (PNUE, 2006), par une urbanisation massive
(UNEP, 2007), par la surexploitation des espèces et des écosystèmes marins (UNEP, 2007),
des massifs forestiers, des ressources pédologiques et en eau (FAO, 2003). Enfin, les
pollutions et empoisonnements des milieux tels que la salinisation des sols et des nappes
phréatiques contribuent également à déstabiliser les systèmes naturels et à raréfier les
ressources.
La fragilisation des zones littorales et côtières les rendent plus sensibles aux aléas
climatiques avec pour conséquences d’accroitre une vulnérabilité des populations déjà
aggravée par l'augmentation des inégalités dans l’accès aux ressources et aux services
écologiques. La concentration des activités consommatrices de ressources et de services
naturels sur la frange côtière ne demande pas une gestion sectorielle des interactions entre
systèmes sociaux et systèmes naturels. Elle oblige à considérer le système socioécologique
dans son ensemble et sa complexité, de façon à en atténuer la fragilité sans trop perdre de
ses performances. En cela la préservation des systèmes côtiers constitue tout à la fois une
nécessité urgente et un terrain privilégié de réflexion et d’expérimentation sur le
développement durable.
L’exemple de la Petite Côte sénégalaise illustre bien cette situation. Cette région se
caractérise tout à la fois par sa diversité (de paysages, de faune, de flore, d’organisations
sociales, de productions économiques), par un dynamisme économique remarquable depuis
une vingtaine d’années et par l’accumulation concomitante de graves problèmes
environnementaux. Principale zone économique après Dakar, elle héberge, sur 150 km, un
large panel d’activités : industrielles (Mbao, Rufisque, Bargny, Nianing, Missirah…), de
transports (terrestre et maritime) et de services, mais aussi des activités agricoles,
pastorales, forestières. Elle connaît une urbanisation galopante. Ses deux domaines
d’activité dominants sont la pêche et le tourisme, les deux secteurs les plus importants de
l’économie sénégalaise auxquels elle contribue de façon importante.
La Petite Côte possède des eaux fertiles en toute saison. Elle fournit les plus forts tonnages
et possède les principaux ports de pêche piroguière du pays : Joal, Mbour, Hann… Avec
Saly-Portudal, le plus grand centre touristique d’Afrique de l’Ouest, la Petite Côte est la
première zone de tourisme balnéaire et récréatif du Sénégal avec 21 % du chiffre d’affaires
national.
36
La conséquence la plus importante de la littoralisation de la population résulte du
changement de logique évolutive de la bordure maritime. Alors que précédemment une
population peu abondante exerçait une faible pression sur les ressources qui conservaient
une dynamique naturelle marquée par les alternances de saisons sèches et de saisons
humides, la colonisation massive des bordures littorales a favorisé l’émergence de systèmes
socio-écologiques régis par de fortes interactions entre les différents secteurs d’activité en
présence. La complexité des dynamiques qui en résulte interdit désormais les approches
sectorielles et oblige à des modes d’analyse et de gestion beaucoup plus délicates à mettre
en œuvre.
37
Les mesures prioritaires devraient être déterminées après l'évaluation des cinq éléments
indiqués plus haut et devraient refléter très précisément :
38
appliquée : loi n° 81-13 du 4 mars 1981 portant Code de l’eau ; loi n°2008-43 du 20 août
2008 portant code de l’urbanisme ; loi n°98-03 du 8 janvier 1998 portant Code Forestier ; loi
n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code Pétrolier ; loi n° 98-32 du 14 avril 1998 portant code
des Pêches ; l’article 69 de la loi n° 201-01 du 15 janvier 2001 portant code de
l’environnement et rappelant l’imprescriptibilité du DPM ; loi portant Code Minier interdisant
les prélèvements sauvages de sédiments marins.
Les questions de dégradation des paysages côtiers ne sont pas uniquement liées au laisser-
faire des services de l’Etat et des collectivités territoriales, mais aussi à des initiatives hâtives
ou mal informées comme la coupure de la langue de Barbarie vigoureusement dénoncée par
certains scientifiques sénégalais (Niang, 2011). D’autres exemples existent sur des
aménagements successifs, effectués sans études préalables approfondies, dans la région
de Mbao-Rufisque-Bargny. Même dans les aménagements récents, aucune des études
prospectives ou évaluations - qui sont pourtant nécessaires – n’a été réalisée pour prendre
en compte l’évolution marine dans les prochaines années.
Le littoral de la région de Dakar est sans doute la partie la plus vulnérable et celle qui
soulève encore plus d’interrogations sur l’application des règles juridiques en vigueur. Le
projet de loi sur le littoral est toujours à l’étude mais il se trouve confronté aux nombreux
enjeux politiques et financiers qui conditionnent les acteurs du littoral. Pendant ce temps :
39
II.1.2.3. Sécurité des terres agricoles
Le développement et la persistance de l'agriculture sur la presqu'île peut être expliqués par
la présence de plusieurs facteurs favorables. La proximité entre les consommateurs et les
producteurs est, à ce titre, l’atout clé de l'agriculture urbaine (Donadieu et Fleury, 1997).
Cette proximité raccourci les circuits de distribution (moins d'intermédiaires et des coûts de
transports faibles), contribuant ainsi à améliorer la compétitivité-prix de ces produits sur les
marchés de Dakar. Cette caractéristique devrait d’ailleurs se renforcer au cours des
prochaines années étant donnée la probable hausse des coûts de transport, liée à
l’enchérissement des combustibles fossiles. Le modèle de localisation agricole de Von
Thunen (1826), selon lequel les produits agricoles à forte valeur ajoutée et rapidement
périssables se localisent dans des zones de production proches des centres de
consommation, semble s'appliquer dans la région de Dakar où les principaux produits sont
les légumes, les fruits et la viande. Si la technologie permet de transporter et de conserver
des produits périssables sur de longues distances, le cout en énergie de la chaine de froid
est très élevé et s’enchérira encore dans les prochaines décennies. Le développement de
cette agriculture urbaine est très important pour l’équilibre de la ville. Toutefois, elle doit
respecter encore plus qu’ailleurs de strictes mesures écologiques pour assurer aux
consommateurs des produits de bonne qualité sanitaire à un prix abordable tout en évitant la
pollution des eaux côtières et du milieu physique littoral.
40
matière organique aux sols cultivés et l’accumulation de molécules toxiques rémanentes
constituent un problème majeur et une source de pollution éventuelle. L'utilisation de ces
produits chimiques a été telle que certaines espèces « nuisibles » aux cultures ont
développé des souches résistantes. En réponse, les producteurs augmentent les doses et la
fréquence d'application des traitements phytosanitaires accentuant ainsi le processus de
pollution des nappes et des eaux côtières.
II.1.2.6. Sécurité
Les risques industriels sont encore plus inquiétants. En 1992, l’accident de la SONACOS à
Bel Air a soulevé au plan juridique la question de la responsabilité pénale et/ou civile des
Industries Chimiques du Sénégal (ICS) et de la SONACOS pour non application ou défaut
d’application des normes de sécurité en matière de transport des produits dangereux (en
particulier l’ammoniac). Les industries, présentes sur le littoral du Sénégal, comme les ICS,
représentent une source de pollution réelle du milieu marin-côtier. Des actions visant à
encadrer et surveiller les rejets industriels doivent être menées pour protéger la ressource
biologique et la santé des populations.
41
économiques pertinents, y compris les organisations non gouvernementales,
les femmes, les populations autochtones et les principaux groupes;
Etre conscients des liens fondamentaux entre les eaux douces et le milieu
marin et recourir, entre autres, à des méthodes de gestion intégrée des
bassins versants côtiers ;
Recourir aux études d'impact sur l'environnement littoral pour évaluer les
solutions possibles ;
Tenir compte du fait qu'il faut considérer ces programmes comme partie
intégrante des programmes globaux concernant l'environnement marin-côtier,
existants ou futurs ;
Adopter des mesures pour protéger : (i) les habitats fragiles, pour lesquels on
fera appel à la participation des communautés concernées, ces mesures
devant être conformes aux méthodes actuelles de conservation et d'utilisation
de la diversité biologique compatibles avec un développement durable; et (ii)
les espèces en danger;
42
III. Objectifs de gestion concernant les
problèmes prioritaires
A partir des priorités retenues, les Etats devraient se fixer des objectifs précis en matière de
gestion, tant en ce qui concerne les catégories de sources que les zones touchées. Ces
objectifs devraient indiquer le but recherché, les objectifs à atteindre et leur calendrier
d'exécution, propre aux zones touchées et aux secteurs industriel, agricole, urbain et autres.
Dans la mesure du possible, les Etats devraient prendre immédiatement des mesures
préventives et correctives en se fondant sur les connaissances, ressources, plans et
procédures existants.
Ainsi, les mesures doivent permettre de protéger le littoral et garantir l’accès à la mer
comme par exemple déconstruire et relocaliser dans des zones sûres les lotissements
illégaux établis dans les zones sensibles en zone littorale sensu lato. Il faut également
43
penser à anticiper l’élévation du niveau de la mer en remontant les infrastructures d’accès
à la mer d’au moins deux mètres, tout particulièrement les établissements dédiés à la
pêche côtière.
Il serait également important d’économiser l’eau et réduire les contaminations dont elle
est l’objet, ce qui suppose de lutter contre les gaspillages et les fuites de réseau, de
développer le système de traitement des eaux usées, de réguler le niveau de la nappe et de
renforcer le réseau d’évacuation des eaux excédentaires et pluviales de façon systémique et
systématique.
44
faut préserver et encourager le développement de bandes boisées et des zones forestières
littorales.
En milieu urbain et périurbain, ces mesures peuvent être accompagnées par un ensemble
de politiques visant à réduire les sources de pollution du milieu marin-côtier, comme :
Organiser la gestion des déchets : le tri et la collecte des déchets peuvent être
organisés à grande échelle avec un traitement adapté, ce qui limiterait
considérablement les rejets sur le milieu littoral.
45
Changer le mode de construction du bâti, basé actuellement sur le béton, afin
d’arrêter les prélèvements de sable marin et de réduire la dépendance au sable, au
fer et au ciment. Aller vers un système à moindre empreinte écologique.
46
VI. Eléments d'appui au programme
L'objectif à long terme des programmes d'action nationaux devrait servir à l'élaboration de
stratégies et de programmes intégrés permettant d'appliquer toutes les mesures prioritaires
nécessaires pour remédier aux incidences des activités terrestres sur le milieu marin. En
outre, les programmes d'action doivent eux-mêmes être intégrés à l'ensemble des objectifs
nationaux et des autres programmes pertinents en matière de développement durable. En
conséquence, en matière d'administration et de gestion, les Etats devraient s'assurer qu'ils
disposent bien des moyens nécessaires pour appuyer les programmes d'action nationaux. Il
s'agira, le cas échéant de :
- Structures organiques favorisant la coordination entre secteurs et organismes
sectoriels ;
- Mécanismes juridiques et de mécanismes d'exécution (nécessité d'adopter une
nouvelle législation par exemple) ;
- Mécanismes financiers (y compris les approches novatrices permettant d'assurer un
financement continu et prévisible du programme) ;
- Moyens permettant de déterminer et de poursuivre les recherches nécessaires et de
moyens permettant de déterminer les besoins en matière de surveillance aux fins du
programme ;
- Planification des interventions d'urgence ;
- Mise en valeur des ressources humaines et d'éducation ;
- Participation sensibilisation du public (fondées, par exemple, sur les principes de la
gestion intégrée des zones côtières).
47
Bibliographie
CNDD 2009 : Rapport national sur le développement durable : contribution du Sénégal aux
18ème et 19ème sessions de la commission du développement durable des nations unies (cdd-
18/19), 62 p
Faye I. Nd., 2010 : Dynamique du trait de côte sur les littoraux sableux de la Mauritanie à la
Guinée-Bissau (Afrique de l'Ouest) : approche régionale et locale par photo-interprétation,
traitement d'image et analyse de cartes anciennes. IUEM, Brest, 393 p. + annexes.
Faye G. 2010 : Les impacts des activités économiques sur la dynamique du littoral de la
Petite côte, de la baie de Hann à Joal au Sénégal. RGLL, n°08, p 119-130
Ndiaye, C.O. 2007. Pollution du littoral par les activités du port autonome de Dakar. Mémoire
de Maîtrise, Section de Géographie, Université Gaston Berger de Saint-Louis, 105
p+annexes
48
Sakho, I., Mesnage, V., Deloffre, J., Niang, I., Faye, G., Lafite, R. 2011. The influence of
natural and anthropogenic factors on mangrove dynamics over 60 years : the Somone
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Sossa A. 2008 : Les plages de Dakar, endroits ludiques ou fosses sceptiques. http://www.au-
senegal.com
49
TABLE DES MATIERES
LISTE DES SIGLES ET ACRONYMES __________________________________________________________ 3
RESUME _________________________________________________________________________________________ 5
INTRODUCTION ________________________________________________________________________________ 6
50
I.2.4. Zones géographiques préoccupantes _______________________________________________ 32
I.2.4.1. Habitats fragiles ___________________________________________________________ 32
I.2.4.2. Habitats d'espèces menacées ________________________________________________ 33
I.2.4.3. Eléments d'écosystèmes ____________________________________________________ 34
I.2.4.4. Littoral __________________________________________________________________ 35
I.2.4.5. Bassins versants côtiers _____________________________________________________ 35
I.2.4.6. Estuaires et bassins de réception _____________________________________________ 37
I.2.4.7. Zones marines et côtières spécialement protégées _______________________________ 37
I.2.4.8. Petites îles _______________________________________________________________ 37
BIBLIOGRAPHIE _____________________________________________________________________________ 48
51