De Mark Granovetter

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EN QUÊTE DE THÉORIES

EMBEDDEDNESS
ET THÉORIE DE L’ENTREPRISE
Autour des travaux
de Mark Granovetter
PAR ISABELLE HUAULT
Maître de Conférences - Université de Versailles - Saint-Quentin-en-Yvelines - Chercheur LAREG

L’entreprise
n’est pas qu’économique mais résulte aussi d’interactions
concrètes entre acteurs réels, en liaison avec un environnement
socio-politique singulier. Partant de ce postulat, Mark Granovetter s’attache
à caractériser la manière dont les acteurs économiques construisent
des alliances et mobilisent des ressources à travers des réseaux de contact.
Le concept d’embeddedness, qu’il développe alors, conduit
à une plus grande prise en compte des processus socio-historiques,
des caractéristiques spécifiques des entrepreneurs, des dynamiques
de création et de transformation des formes institutionnelles
et enrichit la théorie économique.

Les recherches de Mark Granovetter Ses recherches les plus récentes s’articu-
insistent sur l’idée selon laquelle les organisations lent autour de quelques questions fondamentales
économiques ne peuvent être analysées en termes qui soulignent bien l’intérêt de l’œuvre de
strictement économiques mais doivent s’enrichir de Granovetter pour un enrichissement de la théorie
questionnements plus larges, incluant les dimen- de l’entreprise. Pourquoi observe-t-on des rela-
sions sociales : les formes organisationnelles, résul- tions de nature coopérative entre les firmes ?
tant d’interactions concrètes entre acteurs réels, en Selon quelles modalités concrètes les entreprises et
liaison avec un environnement socio-politique sin- les groupes d’affaires (voir note 1 page 68) – busi-
gulier. Dans l’ensemble des travaux de l’auteur sont ness groups – se forment-ils ? Comment l’agréga-
prises en compte, d’une part, des dimensions des tion de firmes dans des réseaux sociaux plus ou
institutions économiques, « encastrées » dans des moins cohérents est-elle rendue possible et quel
systèmes légaux, sociaux et politiques singuliers et, type de structure en résulte-t-il ? Comment et
d’autre part, des processus historiques et de trans- pourquoi ce ne sont pas en tant qu’individus isolés,
formation des organisations. mais par groupes, que les entrepreneurs coopèrent
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GÉRER ET COMPRENDRE
EN QUÊTE DE THÉORIES

Keystone – L’Illustration
au sein de plus larges entités, telles qu’entreprises,
industries et groupes interindustriels ? La problé-
matique de Ronald Coase [1937] « revisitée » par
Mark Granovetter [1995], en dépassant la répon-
se fonctionnaliste à la question du pourquoi de
l’existence des firmes, permet de caractériser la
manière dont les acteurs économiques construisent
des alliances et mobilisent des ressources à travers
des réseaux de contact.
En introduisant les concepts de réseaux,
de discussions symboliques, de cadre institution-
nel, d’axes de solidarité voire de confiance,
M. Granovetter pose dans son étude sur les
groupes d’affaires [1992 ;1994a ;1995] l’essen-
tiel des éléments autour desquels s’organisent ses
travaux depuis le début des années soixante-dix et
qui illustrent bien les questions et préoccupations
qui traversent son œuvre.
A l’instar de Neil Fligstein (2) [1990],
Granovetter souligne que les formes organisation-
nelles ne sont pas des réponses directes à des
forces économiques et à des contraintes finan-
cières ou technologiques — qui certes, restrei-
gnent le champ des possibles — mais il propose
des approches plus nuancées intégrant de nom-
breux facteurs sociaux.
L’objectif du présent article consiste à
éclairer la démarche de Mark Granovetter, principal
tenant du courant de la Nouvelle Sociologie Écono-
mique, à en montrer l’articulation et l’unité malgré
la diversité des objets, en analysant la probléma-
tique, puis les présupposés épistémologiques et la
méthode.
Dans cet esprit, le concept fédérateur et
les éléments structurants de la recherche sont
exposés et sont principalement illustrés par la pré-
sentation de quelques études majeures. Ces élé-
ments peuvent s’avérer riches d’enseignements
pour une méthode de recherche en sciences
sociales et, plus particulièrement, en sciences de
gestion.
C’est à une lecture gestionnaire de
l’œuvre de Granovetter que nous nous autorisons
ici, et dans un sens auquel l’auteur n’a probable-
ment pas voulu penser à ce jour. Si Granovetter ne
place pas au centre de ses préoccupations la théo-

(1) Le groupe d’affaires, selon l’acception de Granovetter,


est un groupe d’entreprises rassemblé de façon formelle
ou informelle : il peut s’agir de conglomérats, de cartels,
de prises de participations croisées, de coalitions et de
fédérations quasi-intégrées. C’est un phénomène très répandu
dans le monde et qui comprend, par exemple, les zaïbatsu et
keiretsu japonais, les chaebols coréens, les grupos economicos
d’Amérique Latine, les vingt-deux familles du Pakistan, etc. :
« les groupes d’affaires sont liés par des relations de
confiance interpersonnelle, sur la base d’une même origine
personnelle, ethnique ou communautaire » [Leff, 1989].
(2) Les parentés que Granovetter entretient avec cet auteur
sont importantes, puisque N. Fligstein propose également
une approche sociologique des marchés et des organisations.
Voir en particulier la synthèse des travaux de cet auteur :
L. Batsch [1994].

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EN QUÊTE DE THÉORIES

rie de l’entreprise, privilégiant plutôt une réflexion Les organisations


d’ensemble sur toutes les institutions économiques économiques
— qu’il s’agisse des marchés, des groupes ou des ne peuvent être
industries — il suggère néanmoins des conceptua- analysées en
termes strictement
lisations qui viennent notablement éclairer le fonc-
économiques mais
tionnement des systèmes d’action organisés. doivent être
considérées
comme des formes
organisationnelles,
MARK GRANOVETTER (3) résultant d’interactions
concrètes entre
acteurs réels,
en liaison avec
Mark Granovetter est né en 1943 dans le un environnement
socio-politique
New Jersey. Il effectue des études d’histoire à singulier.
l’Université de Princeton où il obtient son Bachelor
of Art en 1965. Sa thèse de Doctorat en sociologie
est soutenue en 1970 à l’Université de Harvard et
concerne la manière dont les individus trouvent un
emploi, thématique jusqu’alors étudiée par les éco-
nomistes exclusivement. Il met en évidence l’im-
portance des réseaux de contact et enrichit de la
sorte la connaissance des marchés du travail. Ses
différents travaux empiriques l’amènent ensuite à
remettre à l’ordre du jour, au milieu des années
quatre-vingts, le concept d’embeddedness. Ses
objets d’analyse évoluent peu à peu de l’étude du
fonctionnement des marchés du travail [1974,
1983, 1995], à l’analyse des relations écono-
miques [1993], des groupes d’affaires [1994,
1995] ou encore des firmes et des entrepreneurs
[1995]. Il rédige actuellement un ouvrage intitulé
Society and Economy: the social construction of
economic institutions, inspiré des développements
théoriques de l’article de 1985 sur l’embedded-
ness. Un autre ouvrage, intitulé provisoirement
The social construction of industry est également
en cours de rédaction, et porte sur les origines et
les évolutions récentes de l’industrie électrique
américaine.
Granovetter a d’abord enseigné à la John
Hopkins University, puis à l’Université de Harvard
où il fut nommé Professeur Associé. De 1977 à
1992, il enseigne à l’Université de New York à
Stony Brook où il devient Professeur, puis jusqu’en
1995 à la Northwestern University. Il est depuis
1995 Professeur de Sociologie à l’Université de
Stanford.
Élève de Harrison White, il s’est très tôt
intéressé au concept de réseau social. Il appartient
à l’Association Américaine de Sociologie et à
l’Association Américaine d’Économie, et participe
aux comités éditoriaux de revues comme American
Sociological Review, Administrative Science
Quarterly, American Journal of Sociology, Journal
of Socio-Economics, Rationality and Society…

(3) Cette notice s’appuie sur Swedberg [1990]


et sur un curriculum vitae qu’a bien voulu nous adresser
M. Granovetter dans le cadre de la préparation de cet article.

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GÉRER ET COMPRENDRE
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miques, est parfaitement représentatif de cette dis-


L’ANALYSE cipline en émergence qu’est la Nouvelle Sociologie
Économique. L’intention est d’appréhender l’en-
DES MÉCANISMES MARCHANDS ET semble du système économique comme faisant
DE LEURS MODES D’ORGANISATION partie intégrante de la société, sans ignorer les
contextes d’action et sans négliger le rôle de la
structure sociale de l’économie. En ce sens, les
Ce ne sont pas conceptualisations de Granovetter sont apparues
en tant qu’individus Le travail de Granovetter s’inscrit dans novatrices en portant l’attention sur les théories
isolés, mais par un courant qui se positionne contre la stratégie de des institutions économiques et la réactivation du
groupes, que les
entrepreneurs
réduction de la théorie économique et qui postule concept de « fait social économique ». Economic
coopèrent au sein de « l’incomplétude de la logique marchande pure » institutions as social constructions [1992] ou The
plus larges entités, [Orléan, 1994]. Le projet général, consistant à sociology of economic life [coédité avec
telles qu’entreprises, associer étroitement l’économie et la sociologie R. Swedberg,1992], tels sont les titres de
industries et groupes pour répondre à la question de la compréhension quelques travaux qui font la notoriété de Mark
interindustriels. de la genèse et du rôle des institutions écono- Granovetter. Ils définissent bien l’objet de
recherche que se donne l’auteur, c’est-à-dire les

Keystone
institutions économiques, et soulignent la volonté
de les aborder dans leur dimension à la fois socio-
logique et économique : ses recherches ne partent
pas du « raisonnement économique pour l’élargir à
un ensemble d’autres phénomènes » mais suppo-
sent que l’« économie ne constitue qu’un sous-
ensemble découpé au sein d’un ensemble social
plus vaste et construit à partir d’une logique pro-
prement sociale » [Caillé, 1993].
Le titre de l’ouvrage en cours de rédac-
tion de Mark Granovetter, Society and Economy,
est particulièrement révélateur de la posture théo-
rique de l’auteur. Il exprime bien la priorité causa-
le attribuée aux phénomènes sociaux et écono-
miques et une position que Granovetter qualifie lui-
même de « plus agressive », [1994b] que celle de
la sociologie économique du milieu du siècle, incar-
née par W. Moore [1955] ou T. Parsons et
N. Smelser [1956] : ceux-ci, en effet, par volonté
« accomodationniste », sans remettre en question
la validité de la théorie économique néoclassique,
tendaient plutôt à s’intéresser aux marges de l’ac-
tivité économique, « laissant (d’ailleurs) ces objets
centraux que sont la production, la distribution et
la consommation aux économistes ». La génération
de la Nouvelle Sociologie Économique incarnée par
R. Eccles [1983], N. Fligstein [1985], P. Hirsch
[1986], B. Mintz et M. Schwartz [1985] ou
W. Powell [1987], s’intéresse au cœur même des
institutions économiques (marchés, économie
internationale, consommation, organisations éco-
nomiques…), à l’instar de ces « pionniers intellec-
tuels » que furent Weber ou Durkheim qui consi-
déraient l’action économique comme une forme
particulière et subalterne de l’action sociale
[Granovetter, 1990].
Dès le début de ses recherches,
Granovetter rompt de façon nette avec l’idée que
les marchés appartiennent exclusivement au
domaine théorique des économistes [Granovetter,
1974, 1981, 1988] : ces marchés sont étudiés
comme structure sociale concrète et l’intention de
Granovetter est de repérer les mécanismes propre-
ment sociologiques grâce auxquels ils fonctionnent.
L’un de ses premiers travaux, Getting a job [1974],
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EN QUÊTE DE THÉORIES

démontre que lorsqu’ils recherchent un emploi, les l’action économique. Ni la vision sur-socialisée, ni
employés privilégient les informations qu’ils les conceptions sous-socialisées ne sont suscep-
obtiennent par contact personnel plus que par voie tibles, selon lui, de mettre en évidence un tel phé-
formalisée. En ce sens, le type d’action analysé nomène.
n’est pas constitué par les comportements ration-
nels d’agents qui maximisent mais par les repré-
sentations d’acteurs insérées dans un réseau de
relations. LE DÉPASSEMENT DES CONCEPTIONS
La volonté de M. Granovetter n’est pas SUR-SOCIALISÉES ET SOUS-SOCIALISÉES
de négliger l’analyse et la théorie économiques.
Bien au contraire ; il s’agit de prendre les argu- DE L’ACTION HUMAINE
ments économiques pour ce qu’ils sont, afin de
« les insérer dans un cadre plus large ». Ainsi,
« une sociologie économique raffinée ne rejettera Granovetter n’a guère d’indulgence pour
pas complètement ce qu’il y a de valable dans le les visions historicistes ou sur-socialisées de l’action
corpus du raisonnement économique, de même humaine, qu’il qualifie d’elliptiques voire de tauto-
qu’elle en refusera les séductions si cela l’amenait à logiques [1994b, p. 82]. La version sur-socialisée
énoncer un argumentaire du type « choix ration- considère que les modèles de comportement sont
nel » qui perdrait tout contact avec la tradition tellement intériorisés qu’il est superflu d’analyser
sociologique classique » [1994b p. 83]. Aux anti- les relations sociales concrètes, qu’elles n’ont
podes de la démarche de J. Hirshleifer [1985] qui qu’une influence très indirecte ou négligeable sur
affirme l’impérialisme de l’économie devenue l’action humaine. En particulier, les thèses cultura-
« grammaire universelle des sciences sociales », listes qui focalisent l’attention sur les normes, les
Mark Granovetter défend la conjugaison de diffé- croyances culturelles d’un groupe social et qui
rentes grilles de lecture des phénomènes sociaux, expliquent l’action humaine à partir de ces seules
l’articulation de différentes approches de l’action grilles de lecture ne sont guère capables d’aller au-
collective, de la coordination et de la construction delà de la prise en compte des « traits les plus évi-
des institutions économiques. Dans un article sur dents et les plus grossiers de l’environnement
les disparités de revenus [1981] il discute en par- social ». Par exemple, certains travaux veulent
ticulier de la manière dont idées économiques et mettre en évidence la tendance de la culture japo-
sociologiques pourraient se fertiliser mutuellement naise à l’unité organique et à la loyauté hiérar-
afin d’améliorer le pouvoir explicatif de certaines chique, qui la prédisposeraient mécaniquement à
conceptions : l’objet n’est pas de nier la rationalité l’émergence d’une société sans conflits. Pour
des acteurs mais de prendre en compte aussi des Granovetter, le référentiel culturaliste introduit un
descripteurs plus nombreux dans la fixation des danger déterministe et néglige les mécanismes par
revenus, comme la structure sociale des groupes lesquels les acteurs structurent des contextes d’ac-
d’employés, les réseaux interpersonnels, la nature tion : à travers l’argument culturel, le risque est
de la professionnalité et des circuits d’information, grand en effet de négliger toute autre forme d’ex-
l’organisation des groupes d’intérêts, les zones plication et toute possibilité d’évolution (4).
d’influence et la dynamique d’exercice du pouvoir. Or, les individus ne suivent pas automati-
Granovetter dénonce, finalement, l’inca- quement et inconditionnellement les coutumes, les
pacité de l’économie classique à « rendre compte habitudes ou les normes [1985, p. 487]. La vision
du cadre institutionnel à l’intérieur duquel se sur-socialisée postule en effet que les influences
déroulent les transactions économiques » et fonde sociales seraient telles qu’elles guideraient naturel-
sa critique sur trois assertions [1992, 1994b] : lement l’action des individus, qu’elles seraient
a) la poursuite d’objectifs économiques s’accom- capables de s’imposer à eux, voire de conditionner
pagne normalement de celle d’autres objectifs de leur comportement. Dans cette acception, « les
nature non-économique, tels que la sociabilité, l’ap- gens agissent de certaines façons parce qu’ils ont
probation, la statut social et le pouvoir ; l’habitude d’agir ainsi, ou parce que c’est obligatoi-
b) l’action économique (comme toute action) est re ou naturel, ou juste et bien, ou encore équitable
socialement située et ne peut être expliquée par de ou moral » [Granovetter, 1994b]. Ainsi les com-
simples motifs individuels ; elle est encastrée dans portements des acteurs deviennent totalement
des réseaux de relations personnelles, plus qu’elle étanches aux relations sociales courantes et
n’émane d’acteurs atomisés [Granovetter, 1985] ; concrètes. En ce sens, R. Boudon [1979] a dénon-
c) les institutions économiques (comme toutes les cé depuis quelques années déjà les déterminismes
institutions) n’émergent pas automatiquement sociaux qui pourraient restreindre l’autonomie des
sous une forme déterminée par les circonstances
extérieures ; elles sont « socialement construites »
(4) Certains ont bien montré le biais déterministe inhérent
[Berger et Luckmann, 1966]. aux travaux culturalistes, qui court-circuitent l’ensemble des
L’intention de Granovetter est bien de processus par lesquels les acteurs « construisent et se
montrer le rôle fondamental des liens sociaux dans reconstruisent » [Amadieu, 1992 ; Friedberg, 1993].

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GÉRER ET COMPRENDRE
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Keystone – L’Illustration
individus, dont le comportement serait alors direc-
tement et uniquement la conséquences des effets
sociaux. La dérive vers l’historicisme [Granovetter,
1985] devient possible, quand l’objectif est la
découverte de modèles et de lois qui sous-tendent
les développement sociaux ; ce que Popper a appe-
lé ailleurs la « prétention à la prédiction de l’histo-
ricisme ».
De la même façon, Granovetter estime
qu’arguments néoclassiques et individualisme
méthodologique sont inappropriés pour traiter du
cadre institutionnel des transactions économiques ;
il s’oppose aux théories qui caractérisent les insti-
tutions comme étant le résultat efficient d’individus
rationnels poursuivant leur intérêt personnel. En ce
sens, Gary Becker et les économistes mathémati-
ciens constituent l’une de ses « cibles » privilé-
giées : selon Granovetter, ceux-ci appliquent la
rigueur des arguments néoclassiques à des pro-
blèmes de nature fondamentalement sociale
comme la famille, le crime ou même l’altruisme.
Ainsi « l’expansion des institutions éducatives,
longtemps considérée comme un phénomène cultu-
rel, fut-elle décrite comme le résultat des choix
d’individus rationnels investissant dans leurs
propres capacités » [Granovetter, 1994b, p. 80],
ce qui, par ailleurs, donna lieu au développement
d’une littérature foisonnante sur la théorie du capi-
tal humain [Becker, 1964].
Selon Granovetter, l’individualisme
méthodologique n’est pas apte à montrer que l’ac-
tion économique est insérée dans une structure
sociale. Il en résulte une vision sous-socialisée des
relations économiques, puisque l’hypothèse de ces
modèles est bien celle d’acteurs atomisés prenant
leurs décisions en se coupant de leur environne-
ment social. Se fondant sur les travaux d’Albert
Hirschman [1982], Granovetter [1985] souligne
que, du point de vue utilitariste, ceux qui négocient
sur les marchés concurrentiels ne sont que des indi-
vidus interchangeables, dépourvus de relations
sociales. Une illustration en est donnée dans les
recherches sur les différences de revenus
[Granovetter, 1981] : les théories existantes, en
particulier la théorie du capital humain, ont ten- prendre le rôle fondamental des liens sociaux dans
dance à focaliser l’attention sur les caractéristiques l’action économique [Granovetter, 1988].
et décisions individuelles, considérées comme Dans le même esprit, Granovetter se fait
forces causales des disparités de revenus, négli- critique à l’égard du néo-institutionnalisme. Il
geant par là-même les processus de négociation et reproche à ce courant un fonctionnalisme et un
d’autres influences socio-structurelles. La théorie darwinisme excessifs [Swedberg, 1994].
du capital humain appréhende la détermination des L’économie néo-institutionnelle, bien incarnée par
salaires comme un cas spécifique de la théorie les travaux d’Oliver Williamson [1975, 1985] qui
générale de la valeur et les revenus, comme le s’interroge sur la raison d’être de l’entreprise,
résultat d’investissements individuels rationnels, fournit une réponse en des termes mécaniques :
tels que l’éducation et la formation. Elle se révèle l’entreprise, la hiérarchie apparaissent dès lors qu’il
incapable, en revanche, de rendre compte des faut réduire les coûts de transaction (5). Pour
mécanismes réels et concrets qui engendrent ce Granovetter, cette conception n’est guère à même
phénomène, en particulier des processus d’ajuste- de fournir des réponses quant au processus de
ment entre employeur, employé et emploi (« mat- construction des firmes et au comment de leur
ching process »). Ainsi, le modèle sous-socialisé, apparition. Car « les institutions économiques sont
celui de la théorie néoclassique et de l’individualis- plutôt construites par des individus dont l’action
me méthodologique, ne permet-il guère de com- est à la fois facilitée et limitée par la structure et les
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EN QUÊTE DE THÉORIES

Mark Granovetter
montre que la
manière dont une
industrie est organisée
constitue une
construction sociale.

De gauche à droite :
Harvey Firestone,
le Président
Calvin Coolidge,
Henry Ford,
Madame Coolidge,
et un inconnu…

ressources disponibles des réseaux sociaux où ils (p. 505) qu’elles peuvent être qualifiées de «révi-
s’inscrivent » [1994b, p. 86]. sionnistes» par rapport au paradigme néoclassique
Dans un article que l’on peut considérer et qu’elles ont le mérite de rejeter l’idée économique
comme constituant l’un des socles fondateurs de la classique «d’un monde sans frictions». Mais il pense
Nouvelle Sociologie Économique, «Economic action que l’efficacité de l’organisation est surestimée par
and social structure: the problem of embedded- rapport au marché et que la vision du marché
ness», M. Granovetter [1985] développe une cri- qu’adopte Williamson, quelque peu apparentée à
tique assez virulente des analyses économiques au l’état de nature de Hobbes, se révèle finalement cari-
sujet des institutions ; il reconnaît néanmoins caturale. Bien plus, l’organisation n’est pas synony-
me d’harmonie ou d’absence de comportements
opportunistes. Selon lui, les marchés et les hiérar-
(5) La thèse défendue par Ronald Coase [1937] puis précisée
par Oliver Williamson [1975] est que le choix d’une structure chies ne constituent pas une alternative aussi nette
organisationnelle répond à un critère d’efficacité : sera choisi que les néo-institutionnalistes le pensent. Les mar-
l’arrangement institutionnel qui minimise les coûts de chés peuvent être organisés, sous la forme de
transaction, dont l’origine provient surtout des compor- réseaux de contacts entre managers de différentes
tements opportunistes. Ainsi s’agit-il fondamentalement d’une
explication de la firme par les défaillances du marché dérivant firmes, de sorte que les transactions économiques et
des imperfections et asymétries d’information [Coriat, les relations sociales soient parfaitement imbriquées.
Weinstein, 1995, p. 70]. Dans ce contexte, la construction de réseaux sociaux
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GÉRER ET COMPRENDRE
EN QUÊTE DE THÉORIES

sur le marché serait bien plus apte à engendrer de la


confiance que les relations d’autorité au sein de la
hiérarchie. Cela permettrait d’expliquer au passage
LES INSTITUTIONS, AU-DELÀ
les phénomènes de quasi-intégration, les logiques DU MARCHÉ ET DES HIÉRARCHIES :
coopératives (6) et les nouveaux enjeux de contrôle LES CONTINGENCES
à l’œuvre au sein des firmes.
En d’autres termes, les états d’ordre et de
désordre peuvent alternativement s’observer sur le
marché ou dans les organisations et ils dépendent de Ainsi, quand Granovetter s’interroge pré-
la nature des relations interpersonnelles et de l’exis- cisément sur l’existence de relations de nature
tence des réseaux inter et intra-firmes [Granovetter, coopérative entre entreprises, c’est pour mieux
1985, p. 502]: s’il est des circonstances où, dans la comprendre les processus d’organisation et la
logique néo-institutionnelle, il est profitable de manière dont les acteurs économiques construisent
construire des firmes, des difficultés socio-structu- des alliances. Le phénomène des « groupes d’af-
relles — et particulièrement l’absence de confiance faires », peu étudié par la théorie économique,
dans le groupe social en question — rendent ce pro- mobilise particulièrement l’attention de l’auteur
cessus difficile, voire impossible [Granovetter, 1992, [1994, 1995]. Pour lui, et à l’encontre de l’argu-
1994]. En ce sens, Granovetter peut être qualifié de ment néo-institutionnel, les groupes d’affaires ne
«constructionniste social» [Orléan, 1994] puisqu’il constituent pas une réponse directe aux coûts de
considère que les organisations ne sont pas des transaction et aux problèmes d’agence [Encoua,
réponses automatiques à l’augmentation des coûts Jacquemin, 1989]. Ainsi, l’existence d’une « com-
de transaction : bien que la nature de l’environne- munauté morale », de relations de confiance, de
ment économique ne puisse être négligée dans les compréhension mutuelle est-elle explicative de la
formes finales de structuration des institutions, l’au- permanence du groupe d’affaires comme l’illus-
teur suppose que, sous conditions économiques trent fort bien les caractéristiques des groupes
identiques, les configurations institutionnelles peu- japonais. Si A. Chandler suppose que les cartels ont
vent varier radicalement si les structures sociales se disparu concomitamment au Sherman Act,
révèlent différentes [1994b]. Granovetter souligne leur déclin avant le vote de la
loi ; en particulier, la présence de « spéculateurs
(6) Il faut pourtant reconnaître que des travaux plus récents
renégats », situés en dehors de la communauté
de Williamson [1985] ont été amenés à insister sur des sociale et morale, a accéléré cette chute (7). La
structures « bi-latérales » en plein développement telles confiance et le partage de croyances sur la maniè-
que la sous-traitance, les alliances et autres formes de re spécifique de conduire les affaires économiques
coopération. C’est alors la très forte spécificité des actifs apparaissent, dès lors, comme des ingrédients
et le nombre de transactions récurrentes qui expliquent
l’émergence ou le maintien d’une structure hiérarchique. essentiels pour atteindre le niveau souhaité de
(7) Granovetter ajoute qu’en Allemagne, certains cartels coordination de l’activité économique. Granovetter
ont survécu malgré le maintien de lois peu favorables. souligne les caractéristiques spécifiques des
(8) Ainsi Granovetter démontre-t-il que le rôle de l’Etat groupes d’affaires, leurs axes de différenciation
est très important dans la formation du type de propriété,
de la structure d’autorité et des relations avec les institutions tels que le type de relations de propriété (individu,
financières. Par exemple, en Corée en 1961, Syngman Ree famille, ensemble de familles, Etat…), les principes
fut évincé par un coup d’Etat militaire organisé par le Général de solidarité (région, origine ethnique, religion,
Park Chung Hee. Les premières actions du Général Park parti politique…), les structures d’autorité en place
consistèrent à arrêter les hommes d’affaires millionnaires
de l’ancien régime et à les menacer d’expropriation s’ils ne
(contrôle impératif ou style d’autorité plus hori-
participaient pas au développement économique coréen de zontal), les standards de compréhension mutuelle,
façon volontariste. Park favorise dès lors la planification à le rôle des banques et de l’Etat (8). L’étude sur les
long terme et les grandes entreprises, et préside à l’expansion groupes d’affaires synthétise finalement l’une des
des chaebols qui dominent maintenant l’économie. C’est une idées fédératrices de l’œuvre de Granovetter : ces-
illustration de la manière dont les caractéristiques des groupes
d’affaires (importance de la taille, diversification dans ser d’analyser l’apparition des institutions écono-
l’industrie lourde, centralisation de l’autorité) furent rendues miques en postulant simplement qu’elles consti-
nécessaires par les exigences de l’Etat, et de l’importance tuent une solution efficace à certains problèmes
des prégnances institutionnelles pour comprendre les économiques. Essayant de se frayer un passage
organisations économiques.
(9) Ce point le rapproche à certains égards des travaux entre les conceptions sous- et sur-socialisées qui
de A. Giddens [1984]. Celui-ci a pour ambition d’analyser toutes deux négligent les relations sociales réelle-
les structures et les institutions, l’action humaine et les ment existantes (9), Granovetter en tire un point
institutions sociales : les notions d’action et de structure de vue fort intéressant sur la notion de contingen-
sont dialectiquement associées, les activités sociales des êtres
humains étant récursives. Les structures sociales permettent ce dans les sciences sociales. S’il insiste dans l’en-
aux acteurs d’agir et, de manière rétroactive, ceux-ci semble de ses travaux sur les contingences histo-
produisent les conditions qui rendent ces activités possibles. riques, sociales, institutionnelles, ce n’est pas pour
Le structurel est dès lors envisagé comme un « ensemble de nier non plus l’importance de l’énoncé de principes
règles et de ressources engagées de façon récursive dans la
reproduction sociale ; les traits institutionnalisés des systèmes
généraux : « La démarche exige qu’on explore sys-
sociaux ont des propriétés structurelles qui se stabilisent tématiquement les contingences elles-mêmes et
dans le temps et l’espace ». qu’on les incorpore à la structure théorique. Elle
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ANNALES DES MINES - JUIN 1998
EN QUÊTE DE THÉORIES

exige également que nous comprenions dans l’option finale. La démarche de Granovetter consis-
quelles circonstances les institutions économiques te à caractériser finement les situations donnant
sont susceptibles d’être modelées par les forces lieu à une diversité d’équilibres, puis à repérer les
issues de la structure sociale et de l’action collecti- réseaux d’action qui ont abouti au résultat finale-
ve ou, inversement, comment elles se “bloquent” ment observé. Une partie de sa thèse sur l’industrie
de telle sorte que les dites forces perdent toute électrique revient dès lors à souligner que «lorsque
pertinence (…). Le but ultime est de mettre en évi- la forme du système fut verrouillée, les autres pos-
dence une argumentation théorique intégrant un sibilités furent exclues» et que, «dans ces périodes,
haut niveau de contingence tout en satisfaisant aux des théories moins contingentes auraient pu suffi-
exigences scientifiques de généralité, mais sans re ». En ce sens, le niveau de cohésion et la confi-
tomber dans l’éternelle tentation de guration des réseaux interpersonnels des acteurs
l’historicisme » [1994b, p. 83 et 93]. Ces affirma- dirigeants constituent les facteurs explicatifs essen-
tions trouvent une concrétisation dans la recherche tiels du résultat organisationnel final. La démarche
empirique sur la naissance de l’industrie électrique de Granovetter pourrait se résumer ainsi :
américaine [McGuire, Granovetter, Schwartz, a) focaliser l’attention sur le concept d’acteur
1993 ; McGuire, Granovetter, 1996] et, plus pré- social, doté d’une rationalité limitée et de percep-
cisément, dans la structuration de l’industrie élec- tions et représentations particulières qu’il s’agit
trique, où les réseaux personnels de quelques indi- d’analyser ;
vidus ont joué un rôle fondamenta. Granovetter, b) appréhender l’ensemble du système économique
dans l’extrait qui suit, montre que la manière dont comme faisant partie intégrante de la société, sans
une industrie est organisée constitue une construc- ignorer les contextes d’action, l’importance des ins-
tion sociale : titutions et sans négliger le rôle de la structure
« De 1880 à 1892, T. Edison mobilisa la sociale de l’économie ;
foule énorme de ses partisans, y compris des fonds c) présenter l’action économique comme un état de
non négligeables en provenance de l’Empire déséquilibre permanent, résultat d’interactions
Germanique, pour une lutte à mort contre le ban- concrètes entre acteurs réels ;
quier J.-P. Morgan, dont l’idée n’était pas de d) s’intéresser enfin aux dynamiques économiques,
construire une industrie produisant de l’électricité, au temps socio-historique, aux phénomènes d’ap-
mais des générateurs individuels pour foyers et prentissage, plus qu’à l’instantanéité des résultats
entreprises, lesquels auraient produit l’électricité de l’action [Swedberg, 1994]. Le tableau page sui-
sur place, le genre de système qui, aux États-Unis, vante établit une comparaison entre les conceptua-
s’est largement généralisé pour le chauffage indivi- lisations de Mark Granovetter et celles du paradig-
duel (…) ». L’un des principaux alliés d’Edison, me néo-classique.
dans cette bataille, fut son secrétaire particulier,
l’Anglais Samuel Insull. En 1892, Insull s’établit à
Chicago pour prendre le contrôle d’une petite com-
pagnie nouvellement constituée, Chicago Edison, LES LOGIQUES D’EMBEDDEDNESS
en apportant dans ses bagages un réseau excep-
tionnel de relations personnelles : il comportait des
financiers de Chicago, de New York et de Londres, C’est le célèbre article de Mark
des politiciens locaux et des inventeurs américains Granovetter « Economic action and Social
et britanniques. Tout cela était le fruit de sa longue Structure: the problem of embeddedness », qui
association avec Edison. Cette combinaison d’ex- permet de « réactiver » le concept d’embedded-
perts financiers et techniques et de connexions ness, et qui met l’accent sur la thèse majeure de
politiques lui permit de réunir capital, relations l’auteur : les actions économiques n’existent qu’in-
politiques et savoir-faire industriel, assemblage que sérées dans des réseaux de relations interperson-
d’autres entreprises, même si certaines d’entre nelles (11) [1985, p. 504]. De portée théorique
elles étaient pleinement conscientes de leurs poten-
tialités, n’auraient jamais pu réaliser. C’est dire que
sa réussite fut due à ses talents politiques et à son (10) M. Granovetter «Les institutions économiques comme
esprit d’entreprise, plus qu’à des innovations tech- constructions sociales : un cadre d’analyse», in Orléan A.,
Analyse Économique des Conventions, PUF 94, Chap. 3, p. 90.
nologiques ou organisationnelles (…). S. Insull (11) Richard Swedberg [94, p. 240] explique que le succès
donna également forme à cette industrie en encou- qu’a connu cet article ne s’explique pas simplement par le fait
rageant des régulations par États et en dévelop- qu’au milieu des années 80, de nombreux sociologues
pant les sociétés holding, ce qui stabilisa ses rela- américains connaissaient bien la méthodologie de l’approche
en termes de réseaux et étaient convaincus de sa fécondité
tions avec l’industrie de chaque Etat et les orga- théorique ; mais qu’il est aussi lié au fait qu’à la même
nismes administratifs de contrôle » (10). Dans le époque, on commençait à utiliser le terme de «réseaux» de
cas de l’industrie électrique, trois systèmes d’équi- façon métaphorique dans la littérature économique, pour
libre ont été identifiés : la propriété publique, la décrire certaines évolutions de l’économie, comme l’utilisation
propriété privée et décentralisée ou l’entreprise à croissante de contacts interpersonnels, les alliances passées
par les firmes ou la production partenariale. Cet article a fait
capitaux privés. L’action, individuelle ou collective, l’objet d’une récompense attribuée par l’Association
canalisée par les réseaux relationnels, a déterminé Américaine de Sociologie en 1985.

81
GÉRER ET COMPRENDRE
EN QUÊTE DE THÉORIES

La démarche de
M. Granovetter : TRAVAUX DE MARK
une comparaison
THÉORIE NÉOCLASSIQUE
GRANOVETTER
avec le paradigme
néoclassique (12).
Le concept Acteur isolé (individu, ménages et Acteur social (groupe et institutions)
d'acteur entreprises). Sous-socialisation. en interaction avec d'autres acteurs.
Éviter l'écueil de la sur- et de la sous-
socialisation.

La sphère Toute situation où apparaissent Le système économique comme


de l'action un choix et des ressources rares, partie intégrante de la société.
essentiellement le marché (économie Focalisation sur le cadre
indépendante du reste de la société). institutionnel, la structure sociale de
l'économie : concept majeur
d'embeddedness (1985).

Les types Uniquement les comportements Les actions rationnelles mais aussi
d'actions rationnels, avec un accent mis sur les toutes les autres catégories d'actions
économiques choix et les procédures de économiques ainsi que les motifs
maximisation (rationalité formelle). d'action non économiques.

Le résultat Convergence vers l'équilibre Conflits d'intérêts et tensions :


de l'action (harmonie d'équilibre). interactions concrètes entre acteurs
économique réels. Résultat des perceptions et
représentations sociales d'acteurs,
de leurs relations, des réseaux figés.

Le concept Temps discret et stationnaire : Temps concret et variable, dépasse


de temps coïncide avec l'action qui est analysée l'action analysée, temps socio-
(concept de temps stationnaire et historique. Prise en compte de
adaptatif). Instantanéité des résultats l'histoire des organisations, de la
de l'action. Statique comparative. genèse des institutions. Concept
central de dynamique économique,
accent sur les changements et
évolutions.

La méthode Prédictions fondées sur des concepts Descriptions et explications reposant


scientifique abstraits (prédictions abstraites). sur des concepts empiriquement
de base Modélisation analytique et fermée, fondés, sur la caractérisation précise
énoncés normatifs et formels. des réseaux sociaux. Méthodologie
plurielle (qualitative par entretien et
études cliniques, quantitative par
questionnaire). Incorporer la
contingence à la structure théorique.
(12) Ce tableau
prolonge et élargit Tradition Smith, Ricardo, Samuelson. Weber, Durkheim, Schumpeter,
la formalisation de
R. Swedberg [1994, intellectuelle Veblen, Polanyi.
p. 30].
majeure, l’embeddedness constitue l’un des socles introduite par Karl Polanyi [1944] qui développa
fondateurs de la Nouvelle Sociologie Économique. l’idée selon laquelle, dans les sociétés anciennes,
Si avec Granovetter l’embeddedness est remis à pré-capitalistes, l’économie restait encastrée
l’ordre du jour, cette notion a été initialement (embedded) dans la société. Quatre types d’encas-
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EN QUÊTE DE THÉORIES

trement (13), non exclusifs les uns des autres, sont White [1981], Granovetter souligne que le com-
traditionnellement distingués depuis [Di Maggio et portement et les institutions économiques sont tel-
Zukin, 1990 ; Caillé, 1993] : lement déterminés et contraintes par les relations
- l’encastrement cognitif que les travaux de sociales en vigueur, qu’il est impossible de les ana-
Herbert Simon [1978] ou de James March [1991] lyser indépendamment de la sphère sociale [1985,
synthétisent bien, en soulignant que la rationalité p. 482]. Pour Granovetter, le concept d’embedded-
est limitée, qu’elle est subjective, cognitive voire ness, dont le champ d’application peut d’ailleurs
contextuelle. De fait, l’encastrement cognitif réfère être généralisé à d’autres objets économiques que
à toutes les limites observées du modèle néoclas- les institutions, permet d’écarter les conceptions
sique de la rationalité omnisciente et remet en sur- et sous-socialisées de l’action humaine.
cause de façon radicale la présomption de logique, Dès lors, la plupart des recherches de
d’hyperrationalité et de transparence des modèles Mark Granovetter font l’objet d’une analyse en
économiques conventionnels. termes de réseau : étude sur la manière d’obtenir
- l’encastrement politique souligne que les décisions un emploi [1974], étude de l’inégalité des revenus
économiques sont dépendantes de la sphère poli- [1981], de l’organisation [1985], des groupes
tique. A titre d’exemple, Amitai Etzioni (1983] d’affaires [1994] et de la naissance de l’industrie
montre que des analyses réalistes de groupes électrique américaine [1993]. Ainsi, Granovetter
industriels doivent non seulement tenir compte des étudie la mobilité professionnelle dans la banlieue
facteurs économiques mais aussi des facteurs poli- de Boston (14) pour soutenir l’idée selon laquelle,
tiques, variable fondamentale dans l’étude d’un oli- lorsqu’ils recherchent un emploi, les ouvriers privi-
gopole. légient les informations obtenues par contact per-
- l’encastrement culturel met l’accent sur l’idée sonnel, pour deux raisons principalement :
selon laquelle les aspects culturels façonnent les a) parce que ce type d’information décrit mieux les
institutions économiques et le monde des affaires, caractéristiques de l’emploi que les renseignements
que les processus économiques ont une dimension fournis par les agences ou les annonces ;
culturelle irréductible [Di Maggio et Zukin, 1990 ; b) parce que les emplois obtenus ainsi sont mieux
Di Maggio, 1994 ; d’Iribarne, 1995]. On retrouve rémunérés que ne le seraient les emplois trouvés
au passage la thèse chère à M. Weber, développée de façon formelle grâce aux agences, annonces et
grâce au concept d’engagement, c’est-à-dire de autres candidatures spontanées.
« choix lié aux convictions morales de chacun », et Tout l’objet est alors de comprendre les
à A. Sen [1977] selon laquelle l’action économique modalités et les processus d’information qui facili-
est inspirée par des valeurs, des croyances reli- tent la mobilité, et de montrer la dépendance des
gieuses ou des habitudes culturelles. individus à l’égard de leurs contacts personnels
- l’encastrement structurel montre que les relations [1974], c’est-à-dire la contrainte du réseau social
économiques sont insérées dans des « systèmes dans lequel ils s’inscrivent (15). En effet, la trans-
durables et concrets de relations sociales », dans mission et la dynamique de circulation de l’infor-
des réseaux de relations de personne à personne mation est jugée aussi importante pour la mobilité
qui apparaissent au niveau le plus élémentaire tout professionnelle que ne le sont les caractéristiques
en étant reliés à un niveau plus global. L’approche de l’emploi elles-mêmes.
en termes d’encastrement structurel aboutit à De surcroît, la nature singulière et la
l’analyse précise des modèles concrets de relations genèse du réseau sont les éléments qui permettent
sociales, qui déterminent quel type de structure, d’appréhender l’évolution dynamique d’un système
d’institution et de comportements économiques et de déterminer l’équilibre, parmi les équilibres
émergeront. possibles ex ante, qui sera effectivement atteint
Cette dernière dimension constitue l’élé- [Orléan, 1994], ce qui est bien illustré par l’étude
ment spécifique et essentiel autour duquel s’orga- sur l’industrie électrique aux États-Unis [Mc Guire,
nisent les travaux de M. Granovetter depuis ses Granovetter, Schwartz, 1993]. Même si les condi-
premières publications. A la suite de Harrison tions économiques, politiques ou technologiques
sont similaires, les formes institutionnelles finales
peuvent varier radicalement sous l’influence des
(13) Alain Caillé [1993] parle aussi d’« imbrication »,
structures sociales et de la configuration des
d’« enchâssement », d’« intrication » voire plus simplement réseaux interpersonnels des acteurs dirigeants. On
de « contextualisation ». Ce dernier terme rapproche des peut noter, au passage, la parenté du concept de
constats de Pettigrew [1987], selon lesquels les méthodes de « réseau » en sociologie économique, avec les
recherche en sciences sociales sont trop souvent a-historiques développements théoriques de M. Callon et
et a-contextuelles.
(14) Méthode de l’entretien semi-directif auprès de cent B. Latour. Callon et Latour ont insisté sur les méca-
individus et enquête statistique sur deux cents salariés. nismes de production de la coopération (la traduc-
(15) L’utilité du réseau social ne provient d’ailleurs pas tion), dont l’« une des formes abouties se décline
forcément de relations sociales intenses mais plutôt du sous la figure du réseau irréversibilisé » [Amblard
nombre de liens entretenus dans plusieurs domaines
institutionnels, ce que Granovetter nomme dans un article et al., 1996]. Même s’il ne faut pas surestimer
[1983] «The strength of weak ties» («La force des liens l’importance du rapprochement, car les différences
faibles»). restent substantielles, le concept de réseau, enten-
83
GÉRER ET COMPRENDRE
EN QUÊTE DE THÉORIES

Keystone
du au sens de Granovetter, peut devenir une grille
de lecture utile des systèmes d’action organisés, à
l’instar de la sociologie de la traduction élaborée
par Callon et Latour (16).

LA CONFIANCE ET LA VIGILANCE
DANS LES RELATIONS DE GESTION
AU SEIN DU RÉSEAU COMME CIMENT
DE L’ENCASTREMENT STRUCTUREL

Ainsi, le réseau est-il fondé en grande


partie sur ces formes sociales que sont la logique
d’appartenance, de communauté voire de normes
de réciprocité. Cela n’est pas sans rappeler égale-
ment certaines conceptualisations des convention-
nalistes [Orléan, 1994] qui utiliseraient plutôt le
terme de « cadre commun », en se fondant sur
l’hypothèse désormais bien connue de « common
knowledge » (17), sorte de système d’attentes
réciproques entre les personnes sur leurs compor-
tements [Amblard et al., 1996]. Avec Granovetter,
la notion de confiance (trust and malfeasance in
economic life) devient centrale. Le concept d’em-
beddedness permet de mettre l’accent sur le rôle
des relations personnelles et des structures de
réseaux pour susciter de la confiance et décourager
l’opportunisme : « là ou l’encastrement fait défaut,
et où beaucoup d’individus semblent être des maxi-
misateurs de profit rationnels, très proche du
modèle d’action sous-socialisé (…), l’activité éco-
nomique est souvent inhibée par manque de la
confiance interpersonnelle, nécessaire à la déléga-
tion de l’autorité » [Granovetter, 1994b]. La pré-
férence répandue de traiter avec des individus à la
réputation connue est, pour Granovetter, beaucoup
plus susceptible d’expliquer les constructions insti-
tutionnelles que ne l’est l’argument fonctionnaliste.
De même, la constitution de réseaux d’information
pour rechercher un emploi se révèle plus efficace
que la pénétration sur le marché abstrait du tra-
vail : l’information par relation est de meilleure
qualité, moins coûteuse, plus détaillée et plus fiable sées des agents, alors que l’insertion des transac-
[Granovetter, 1974, 1985, p. 490]. La théorie tions économiques dans des réseaux interperson-
économique néglige l’identité et les relations pas- nels est, principalement, à l’origine de la produc-
tion de la confiance permettant un meilleur parta-
ge de l’information, ce qui n’exclut nullement, par
ailleurs, l’existence de comportements opportu-
(16) Cela souligne d’ailleurs que les travaux de Granovetter nistes.
accompagnent une tradition déjà bien ancrée parmi les Pour Granovetter [1994], les équilibres
sociologues des organisations français. issus des règles produites supposent, pour être
(17) Cette hypothèse fonde toute action se prêtant à une
coordination par les règles, quand elle s’effectue sur la base stables, une vision économique et managériale qui
d’un présupposé commun. Dans ce contexte, la notion de intègre totalement le rôle des liens sociaux, comme
confiance est centrale. vecteurs de la confiance interpersonnelle. Les
(18) F. Eymard Duvernay et O. Favereau [1990] soulignent recherches empiriques sur les « groupes
aussi que les liens personnels peuvent permettre l’échange :
la connaissance personnelle des acteurs, l’intensité des liens d’affaires » mettent l’accent sur cette dimension,
entretenus, leur familiarité fondent ce que les auteurs en montrant que certaines formes institutionnelles
nomment la “coordination domestique”. dépendent beaucoup plus de la structure originelle
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ANNALES DES MINES - JUIN 1998
EN QUÊTE DE THÉORIES

vent faire l’objet de critiques et les limites de cer- Les recherches


taines recherches ont été parfois soulignées par empiriques sur les
l’auteur lui-même : l’analyse des réseaux, en parti- «groupes d’affaires»
culier, peut apparaître impérialiste, négligeant par- montrent que
certaines formes
fois la combinaison de nombreux facteurs comme
institutionnelles
les influences macro-économiques, politiques ou dépendent beaucoup
technologiques dans la compréhension des plus de la structure
constructions institutionnelles. originelle des relations
Ses contributions comportent pourtant personnelles – en
un intérêt conceptuel évident, tant pour certains particulier de la
domaines des sciences de gestion — pratiques de structure des liens
mobilité professionnelle, modes de relations inter- des familles les plus
firmes, confiance et vigilance dans les relations de importantes – que du
gestion — que, plus généralement, pour un enri- marché, et constituent
des «réseaux sociaux
chissement de la théorie de l’entreprise. Si l’exis- durcis».
tence de la firme est susceptible d’être analysée en
termes fonctionnalistes, la présence de situations
intermédiaires où les réseaux sociaux jouent un
rôle central ne saurait être négligée.
En ce sens, le concept d’embeddedness
est doté d’un réel pouvoir explicatif et conduit,
dans la tradition schumpétérienne, à une plus gran-
de prise en compte des processus socio-histo-
riques, des caractéristiques spécifiques des entre-
preneurs, des dynamiques de création et de trans-
formation des formes institutionnelles, par
exemple des structures des firmes.
En outre, Granovetter pose la probléma-
tique de la coordination entre acteurs, en insistant,
avec d’autres, sur le rôle de la confiance interper-
sonnelle. Ceci est empiriquement illustré par la
multiplication des coopérations interentreprises ou
des alliances entre firmes dont on ne peut réelle-
ment comprendre l’existence sans introduire l’idée
de confiance.
Il élargit ainsi la vision institutionnelle, et
attire l’attention sur les dimensions tant écono-
miques que sociales, mettant de la sorte en éviden-
ce des déterminations nouvelles pour la compré-
hension des dynamiques organisationnelles. Pour
toutes ces raisons, M. Granovetter peut apparaître
comme un authentique théoricien, quoique sûre-
ment involontaire, de la gestion des entreprises. •

des relations personnelles — en particulier de la


structure des liens des familles les plus impor- BIBLIOGRAPHIE DE MARK GRANOVETTER
tantes — que du marché, et constituent des
« réseaux sociaux durcis ». La confiance, véritable GRANOVETTER M., Getting a Job : a Study of Contacts and
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souligne finalement le fait simple mais absolument 2nd Edition)
fondamental selon lequel dans certaines situations, GRANOVETTER M. “Toward a Sociological Theory of Income
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du principe de rationalité » [Orléan, 1994] (18). GRANOVETTER M., “The Strengh of Weak Ties : a Network
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