Ncae 025 0001

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FAIRE PROSPÉRER LES PME

Les membres du CAE

Conseil d’analyse économique | « Notes du conseil d’analyse économique »

2015/6 n° 25 | pages 1 à 12
ISSN 2273-8525
DOI 10.3917/ncae.025.0001
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-notes-du-conseil-d-analyse-
economique-2015-6-page-1.htm
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Les membres du CAE

Faire prospérer les PME

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25, octobre 2015

L
e tissu productif français se caractérise par un petit l’accès à la formation continue et de contrôler réguliè-
nombre de grandes entreprises, le plus souvent des rement sa qualité. Les conditions d’embauche et de sépa-
groupes internationaux, et un très grand nombre de ration devraient être aménagées avec un contrôle juridique
PME voire de très petites entreprises. Il compte moins moins sujet à interprétation du licenciement économique.
de grandes PME et d’entreprises de taille intermédiaire Afin de donner aux PME une plus grande maîtrise de leur
que ses principaux voisins, un handicap potentiel dans la politique salariale, nous suggérons par ailleurs de limiter
concurrence internationale. Cette situation révèle une diffi- les extensions des accords de branches et de favoriser les
culté des entreprises jeunes et innovantes à grandir et à clauses dérogatoires.
concurrencer des entreprises plus anciennes, à les pous-
Pour la réallocation du capital entre entreprises, nous
ser à innover elles aussi ou à disparaître du marché. Elle
préconisons un régime fiscal neutre sur les cessions de
est préjudiciable à la productivité à l’échelle d’un pays :
parts sociales afin que les dirigeants-cédants ne soient
celle-ci augmente de fait principalement par un effet de
pas pénalisés de passer la main avant leur retraite ou de
réallocation des facteurs de production (capital et travail)
choisir un repreneur hors de leur cercle familial. Nous
au profit des entreprises les plus productives et en crois-
recommandons aussi de corriger les défaillances du finan-
sance ; or cet effet ne joue pas pleinement dans notre
cement interentreprises pesant sur les petites entreprises
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pays.
en renforçant l’application de la loi sur les délais de paie-
Quels sont les obstacles au développement des jeunes ment et pénalités de retard et en incitant au dévelop-
PME à fort potentiel de croissance ? Quelles sont les bar- pement de l’affacturage inversé.
rières aux réallocations de facteurs de production et com-
Pour assurer une concurrence équitable entre PME et
ment les lever ? Il nous paraît préférable d’éviter de cali-
grandes entreprises, il est souhaitable de réduire les
brer des dispositifs d’aide sur les PME selon un critère de
impôts sur la production plutôt que de créer des tranches
taille. Cela risque de renforcer des effets de seuils et de
imposition spécifiques aux PME. Enfin, les efforts de sim-
freiner in fine leur croissance. L’âge de l’entreprise peut,
plification doivent être poursuivis dans deux directions :
en revanche, être un critère pertinent : ce sont les jeunes
la réglementation, dont les petites entreprises souffrent
entreprises qui sont plus productives et plus créatrices
plus encore que les grandes et les procédures de la com-
d’emplois.
mande publique, pour faciliter l’accès des entreprises de
Pour améliorer l’allocation du facteur travail, nous iden- toutes tailles à ces marchés, sans pour autant réserver
tifions deux leviers au-delà du besoin général de faciliter des marchés aux plus petites.

Cette note est publiée sous la responsabilité des auteurs et n’engage que ceux-ci.

Organisme(s)
2 Faire prospérer les PME

Le manque d’entreprises de taille intermédiaire et de même année on comptait 137 500 PME hors TPE (entre 10
« grandes PME » est régulièrement pointé du doigt comme un et 249 salariés)3, 5 000 entreprises de taille intermédiaire
handicap majeur du tissu productif français dans la concur- (ETI, entre 250 et 5 000 salariés)5 et 243 grandes entreprises
rence internationale, notamment en comparaison avec le (GE, plus de 5 000 salariés). Par construction, le poids des
Mittelstand allemand. Seulement 1 % des entreprises fran- PME est plus modeste si on le mesure en termes d’emploi
çaises ont 50 employés ou plus (et seulement 0,2 % ont salarié (47 %) ou de valeur ajoutée (44 %), même s’il varie
250 employés ou plus) ; les proportions correspondantes considérablement selon les secteurs4. La contribution des
sont de 3 et 0,5 % respectivement en Allemagne1. Ce phéno- PME en termes d’exportations est encore plus faible (15,5 %).
mène est préoccupant car une plus grande taille est le reflet
d’une plus haute productivité permettant de supporter plus
facilement les coûts d’accès aux marchés étrangers2. Plus petites en France qu’en Allemagne
ou au Royaume-Uni
Toutes les PME n’ont pas vocation à grandir, de même qu’elles
ne sont pas toutes destinées à survivre du fait d’une renta- Par rapport à l’Allemagne et au Royaume-Uni, la France compte
bilité insuffisante. Ces deux phénomènes sont universels. Ce une plus grande proportion de TPE et une plus faible propor-
qui est particulier à la France, c’est la difficulté d’entreprises tion de grandes PME (tableau 1). Les différences de structure
jeunes et innovantes à grandir et à concurrencer des entre- sectorielle peuvent expliquer une part des écarts observés
prises plus anciennes, à les pousser à innover elles aussi ou avec l’Allemagne, mais pas ceux observés avec le Royaume-
à disparaître du marché. Or ce phénomène est la clé de la Uni. Dès lors, la question se pose de savoir si les TPE fran-
croissance de la productivité à l’échelle d’un pays : il ne faut çaises souffrent d’un problème spécifique de croissance.
pas attendre que toutes les entreprises fassent des gains de
productivité ; la recherche a montré que la productivité d’un
pays augmente principalement par un effet de réallocation 1. Comparaison France, Allemagne et Royaume-Uni
de la structure par taille des unités, 2012, en %
des facteurs de production (capital et travail) au profit des
entreprises les plus productives. Plusieurs études montrent France Allemagne Roy.-Uni
également qu’en termes dynamiques, ce sont moins les petites
et moyennes entreprises (PME) que les jeunes entreprises qui Part dans le total des PME
• 1 à 9 salariés 95 83 89
créent des emplois (voir infra). Dès lors, les objectifs de pro- • 10 à 19 salariés 3 10 6
ductivité et d’emploi sont alignés : c’est en aidant les jeunes • 20 à 49 salariés 2 5 3
• 50 à 249 salariés 1 3 2
PME à grandir (ou, plus modestement, en éliminant les obs-
tacles à leur croissance) que l’on créera richesse et emploi ; Part de l'emploi dans l'emploi total des PME
• 1 à 9 salariés 46 30 33
non en protégeant les entreprises en place pour éviter qu’elles • 10 à 19 salariés 13 18 16
ne disparaissent sous l’effet des nouvelles concurrences. • 20 à 49 salariés 17 19 21
• 50 à 249 salariés 24 33 31

Plusieurs pistes sont examinées dans cette Note pour amélio-


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Source : OCDE (2015) : SDBS Structural Business Statistics (ISIC Rev. 4),
disponible sur stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=SSIS_BSC_ISIC4
rer la réallocation des facteurs de production en faveur des
PME les plus dynamiques et réduire les difficultés auxquelles
elles sont confrontées lorsqu’elles se trouvent en concur- Pour éclairer cette question, le graphique 1 met en regard la
rence avec les grandes entreprises. taille moyenne des entreprises âgées de 0 à 2 ans et celle
des entreprises âgées de 3 à 10 ans dans différents pays de
l’OCDE6. Dans la plupart des pays, les entreprises « âgées »
(3-10 ans) sont en moyenne plus grandes que les entreprises
Trop petites, trop longtemps « jeunes » (0-2 ans). C’est le cas en France pour les secteurs
de services, mais la différence entre entreprises jeunes et
L’écrasante majorité des entreprises françaises sont des âgées n’est pas considérable. Dans l’industrie manufactu-
TPE (très petites entreprises) : en 2011, sur 3,1 millions rière, les entreprises françaises sont relativement grandes
d’entreprises, 3 millions avaient moins de 10 salariés. La dès leur naissance, tandis que les entreprises plus âgées ne

Les auteurs remercient Jean Beuve, Clément Carbonnier, Aurélien Eyquem et Hélène Paris qui ont assuré le suivi de ce travail au sein de l’équipe permanente
du CAE.
1
Données Eurostat, 2011 pour la France et 2012 pour l’Allemagne.
2
Voir, par exemple, Mayer T. et G. Ottaviano (2007) : « The Happy Few: The Internationalisation of European Firms », Bruegel Blueprint, n° 3.
3
Outre son nombre de salariés (moins de 250), la PME se définit par un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un bilan inférieur à 43 millions.
4
L’emploi dans les secteurs de la construction, des services aux particuliers, de l’artisanat commercial et des activités scientifiques et techniques est très
concentré dans les PME. A contrario, les secteurs finance-assurance, industrie et information-communication emploient surtout des salariés dans des ETI ou GE.
5
Selon la définition de l’entreprise et sa catégorie de la loi de modernisation de l’économie (LME), l’entreprise est plus proche conceptuellement du groupe que de
l’unité légale. Ainsi, les petites entreprises filiales d’un groupe, auparavant comptées comme PME, sont maintenant incorporées aux « grandes entreprises » si le
groupe est de grande taille. Données INSEE (ÉSANE : Élaboration des statistiques annuelles d’entreprises et LIFI : Enquête dur les liaisons financières entre sociétés).
6
Le projet DynEmp, porté par l’OCDE, fournit une base de données permettant de décrire les évolutions d’emploi pour différents groupes d’entreprises
classées par âge, taille et secteur d’activité sur 10 ans et dans 18 pays.

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25


Octobre 2015 3

plus que leur taille, apparaît comme le déterminent principal


1. Effectif moyen des entreprises « jeunes »
des créations nettes d’emplois. Aux États-Unis, la surperfor-
et « âgées » dans différents pays de l'OCDE
mance des PME en termes d’emploi s’explique entièrement
Secteur manufacturier France
par leur âge moyen plus faible8. En France, les données de
25 Secteur des services l’INSEE semblent confirmer cette relation entre âge et créa-
Taille des unités de 3 à 10 ans

20
Suède Pays-Bas tion d’emploi : entre 1995 et 2009, les entreprises de moins
Autriche
15
Autriche de 5 ans ont créé 173 000 emplois par an en moyenne,
États-Unis
États-Unis Royaume-Uni
contre une destruction moyenne annuelle de 129 000 pour
10 Portug al France les entreprises de plus de 5 ans9.
Espagne Pays-Bas
Suède Italie
Portugal
Royaume-Uni
Toutes les entreprises ne sont pas destinées à croître.
5
Certaines entreprises n’ont pas de perspective de croissance
Italie
Espagne car elles s’adressent à un marché très localisé. D’autres
peuvent se satisfaire d’atteindre une rentabilité jugée suf-
45°
3 fisante, sans chercher à développer leurs activités. Mais il
1 3 5 10 15 20 25 importe que des entreprises innovantes, avec un véritable
Taille des unités de 0 à 2 ans potentiel de croissance, parviennent à franchir les différents
Lecture : Échelles logarithmiques. stades de développement, soit en devenant elles-mêmes
Source : OCDE (2014) : Projet DynEmp, disponible sur www.oecd.org/ de grandes entreprises, soit en étant intégrées au sein d’un
fr/sti/dynemp.htm
groupe. Ce potentiel d’expansion des PME est un enjeu
majeur pour la croissance de l’économie dans son ensemble.
D’une part, les grandes entreprises sont plus productives
sont pas plus grandes. Ceci suggère qu’il existe, d’une part, que les petites grâce à des rendements d’échelle, notam-
des barrières à l’entrée nécessitant d’atteindre d’emblée une ment grâce à une production à forte intensité capitalistique :
taille critique, et d’autre part, des obstacles important à l’ex- élever la taille moyenne des entreprises permet donc d’élever
pansion de ces entreprises. la productivité. D’autre part, les gains de productivité dans
une économie sont dus pour une bonne part au différentiel
Constat 1. En France, les TPE sont sur- de croissance entre différents types d’entreprises. Ce qui
représentées par rapport à ce que l’on compte, ce n’est pas que toutes les entreprises fassent des
observe en Allemagne ou au Royaume-Uni. gains de productivité, mais plutôt que celles qui en font gros-
Cette surreprésentation des petites unités sissent plus vite que les autres (voir plus bas).
révèle un problème de capacité à croître.
La surreprésentation des entreprises de petite taille en
France, et leur difficulté à croître, est donc une mauvaise
Les inconvénients de cette situation nouvelle pour la productivité. Comme pour l’emploi cepen-
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dant, la taille des entreprises n’est que peu pertinente si l’on
D’après la Commission européenne, les PME ont assuré ne prend pas en compte leur âge. Les PME voient leur renta-
85 % de la création nette d’emplois dans l’Union européenne bilité économique diminuer en vieillissant et ce phénomène
entre 2002 et 2010, une proportion nettement supérieure de déclin de la rentabilité est d’autant plus marqué que les
à la part des PME dans l’emploi total dans l’Union euro- entreprises concernées n’ont pas grandi10. Le constat est le
péenne7. Au sein des PME, les TPE ont joué un rôle clé dans même pour la productivité qui semble décroître avec l’âge
la croissance nette de l’emploi de l’économie marchande. sauf pour les entreprises ayant atteint une taille suffisante
Dès lors, ne faudrait-il pas se réjouir de la surreprésentation (encadré 1).
des petites entreprises en France ?

L’âge plutôt que la taille Constat 2. Parmi les petites entreprises


(moins de 50 salariés), les jeunes sont les
L’examen plus approfondi des données d’entreprises permet plus dynamiques en termes de productivité
de porter un diagnostic plus nuancé. L’âge des entreprises, et de création d’emploi.

7
Commission européenne (2012) : Do SMEs Create More and Better Jobs?, Memo/12/11, 16 janvier.
8
Haltiwanger J., R. Jarmin et J. Miranda (2013) : « Who Creates Jobs? Small vs Large vs Young », Review of Economics and Statistics, vol. 95, n° 2, pp. 347-361.
9
Accardo J. et C. Cordellier (2013) : « Les entreprises indépendantes d’un groupe : un renouvellement continu et important », INSEE Première, n° 1438, mars.
Cette relation négative entre âge et croissance de l’emploi est confirmée sur données internationales par Ayyagari M., A. Demirguc-Kunt et V. Maksimovic
(2011) : « Small vs Young Firms across the World: Contribution to Employment, Job Creation, and Growth », World Bank Policy Research Paper, n° 5631, avril.
10
Picart C. (2008) : « Les PME françaises : rentables mais peu dynamiques ? », Document de Travail de l’INSEE, n° G 2008/01.

www.cae-eco.fr
4 Faire prospérer les PME

1. Taille, âge et productivité des PME


L’efficacité productive des entreprises françaises est ici Indices de productivité globale des facteurs
mesurée à partir de leur productivité globale des facteurs (PGF) relative selon l’âge et la taille des entreprises
(PGF)a. Les données issues de la base Amadeusb sont 600

sur l'ensemble de l'échantillon


<<55ans
ans
mobilisées pour calculer la PGF des PME selon leur taille

En % de la PGF moyenne
(1 à 9 salariés, 10 à 49 et 50 à 249) et leur âge (moins de 500 >= 5 ans
ans
5 ans et 5 ans et plus). L’échantillon se compose au total de
400
141 000 entreprises, dont 24 000 « jeunes » et 117 000
« âgées ». On mesure alors la PGF la plus fréquente (le 300
mode de la distribution) sur les différents sous-échantillons
et on la compare à la PGF moyenne de l’ensemble de 200
l’échantillon, cette dernière étant normée à 100. Un indice 100
de 100 représente une productivité majoritairement
proche de la moyenne de l’ensemble des entreprises de 0
l’échantillon, tandis qu’un indice supérieur (ou inférieur) Ensemble
1 1-9
2 10-49
3 50-249
4
indique une meilleure (ou moins bonne) productivité. Lecture : Mode de chaque sous-échantillon rapporté à la moyenne
sur toutes les entreprises.
Le graphique montre clairement que les PME de plus de
Source : Calculs CAE sur données Amadeus pour 2014.
5 ans sont moins productives que celles de moins de
5 ans, sauf lorsqu’elles ont atteint 50 salariés ou plus. majorité des plus de 5 ans. On voit néanmoins qu’il y
La population des jeunes entreprises de 10 à 49 sala- a un enjeu en termes de productivité à faire passer les
riés est particulièrement hétérogène, un grand nombre jeunes entreprises vers la catégorie des « grandes » PME
d’entre elles étant en réalité moins productives que la (de plus de 49 salariés) en quelques années.

a
Le calcul des PGF X se fait à partir de la valeur ajoutée totale Y, de l’actif immobilisé K et de l’effectif salarié N. Les entreprises reportant des
valeurs négatives ou nulles sont écartées de l’échantillon. Les variables Y et K sont exprimées en valeur, pour l’année 2014. La relation estimée
est log(Yi ) = Ak * log(Ki ) + An * log(Ni ) + Xi pour les i entreprises de l’échantillon. Les coefficients Ak et An sont estimés sur l’ensemble de l’échan-
tillon par la méthode des moments généralisés. Les indices reportés sont issus des distributions de PGF sur des sous-ensembles de l’échantillon.
b
Base de données comprenant 21 millions d’entreprises en Europe.

La productivité mal récompensée productives vers les entreprises les plus productives, et que
cette difficulté s’est accentuée depuis le début des années
Ainsi, ce sont les jeunes entreprises qui portent la productivité, 2000 (encadré 2).
non les PME en général. La question dès lors est de
savoir si la France compte suffisamment de jeunes Constat 3. La réallocation des facteurs
entreprises. Si l’on met de côté le régime des auto- de production (travail et capital) des
entrepreneurs11, le taux de création d’entreprise en France entreprises les moins productives vers les
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se situe dans la moyenne des principaux pays de l’OCDE, plus productives se fait mal en France, ce
tout comme le taux de destruction (même si ce dernier est qui freine la croissance de ces dernières.
un peu inférieur à la moyenne OCDE). Il ne semble donc
pas que la France crée trop peu d’unités ou qu’elle en Avant de se pencher sur le fonctionnement des marchés
détruise trop par rapport aux principaux pays de l’OCDE. concernés (travail et capital), il faut se demander si les PME
françaises les plus productives ne sont pas tout simplement
Il faut donc s’intéresser non pas au nombre (et au renou- freinées dans leur développement par les multiples effets de
vellement) des jeunes entreprises, mais à leur devenir qui seuil qu’elles n’ont pas les moyens humains de surmonter12.
dans notre pays semble paradoxal : si les jeunes PME sont Même si la surreprésentation des entreprises de 49 salariés
effectivement plus productives que leurs aînées, pourquoi et la sous-représentation de celles de 50 salariés font l’ob-
ne croissent-elles pas davantage ? Il semble que la France jet de débats entre experts, plusieurs études concluent à un
souffre d’une difficulté spécifique à réallouer les facteurs effet substantiel du seuil de 50 salariés sur le coût du tra-
de production (capital et travail) des entreprises les moins vail13, la productivité et l’emploi14.
11
Ce régime particulier, qui a connu un essor fulgurant lors de sa mise en place au début de 2009, est, en effet, avant tout une forme alternative d’emploi et
il faut rappeler que 60 % des auto-entreprises déclarent un chiffre d’affaires nul.
12
Le fait de franchir un seuil en termes d’effectifs pour une entreprise occasionne, en effet, une augmentation des obligations réglementaires et des charges
fiscales et sociales. À titre d’exemple, passer de 49 à 50 salariés implique de se conformer à 34 obligations législatives et réglementaires supplémentaires.
Les trois principaux seuils se situent en France à 10, 20 et 50 salariés.
13
Entre 5 et 10 % selon Garicano L., C. Lelarge et J. Van Reenen (2013) : « Firm Size Distortions and the Productivity Distribution: Evidence from France »,
CEPR Discussion Papers, n° 9495.
14
Perte d’emplois d’environ 8 % en tenant compte de l’ensemble des effets d’équilibre général, voir Smagghue G. (2014) : Size-Dependent Regulation and
Factor Income Distribution, Mimeo. Ceci-Renaud et Chevalier (2011) montrent toutefois que si les effets de seuils sont significatifs, leur ampleur n’est
que limitée. En effet, en l’absence de seuils dans la législation, la proportion d’entreprises entre 0 et 9 salariés diminuerait de 0,4 point, tandis qu’elle
augmenterait de 0,2 point dans chacune des tranches 10-19 et 20-249 salariés, cf. Ceci-Renaud N. et P-A. Chevalier (2011) : « L’impact des seuils de 10, 20
et 50 salariés sur la taille des entreprises françaises », Économie et Statistique, n° 437, mars.

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25


Octobre 2015 5

peut qu’être favorable à la croissance des PME. Si les seuils


2. La mauvaise allocation des facteurs eux-mêmes sont inévitables, un tel aménagement pourrait
de production être rendu permanent.
Dans une économie concurrentielle, les entreprises se
concurrencent non seulement pour gagner des parts de À l’inverse, il convient de se garder de mettre en place des
marché, mais aussi pour attirer du capital physique et dispositifs ciblés sur les PME qui seront autant de nouveaux
humain. Lorsque grâce à une innovation, une taille plus seuils à franchir lorsque l’entreprise souhaitera se développer.
grande ou une meilleure organisation, une entreprise est Parmi les dispositifs « pro PME » régulièrement proposés,
plus productive que les autres de son secteur, elle est citons le fait de réserver une proportion des marchés publics
capable de mieux rémunérer le travail et le capital, et aux PME, ou bien de créer un taux d’imposition spécifique au
donc d’attirer les meilleurs investisseurs et les meilleurs titre de l’impôt sur les sociétés, entre le taux réduit de 15 % et
travailleurs. Ceci lui permet à la fois de grandir et de ren-
le taux normal de 33,33 % (hors contributions additionnelles).
forcer son avantage productif.
S’ils partent de bonnes intentions, de tels dispositifs peuvent
Sur ce principe simple, Fontagné et Santoni (2015) s’avérer de redoutables « pièges » pour les entreprises qui
mesurent la qualité de l’allocation des facteurs de pro- préféreront se découper en morceaux plutôt que de franchir les
duction entre entreprises par l’écart, au niveau de cha- seuils. Quitte à retenir des dispositifs dérogatoires, mieux vaut
cune d’elles, entre la productivité marginale des intrants
les cibler sur les jeunes entreprises que sur un critère de taille.
(capital et travail) et leur prixa. Plus l’écart est important
en moyenne, moins bonne est l’allocation des facteurs
de production. Ils montrent que l’allocation des facteurs
de production s’est dégradée en France depuis le début Recommandation 1. Accorder définiti-
des années 2000 et qu’elle touche plus particulièrement vement une période de trois ans pour
les entreprises petites et/ou âgées. Ces résultats confir- s’adapter à toutes les obligations supplé-
ment ceux de Bartelsman, Haltiwanger et Scarpetta mentaires liées au franchissement de
(2013) qui mettent en évidence une moins forte corré- seuil. Ne pas créer de dispositifs d’aide
lation entre taille et productivité en Europe continen- ciblés sur la taille des entreprises. Cibler
tale qu’aux États-Unisb. Or, Osotimehin (2013) montre l’âge plutôt que la taille.
qu’une bonne réallocation des facteurs de production
entre entreprises existantes a davantage d’impact sur
l’évolution agrégée de la productivité que le renouvel-
lement des entreprises via les créations-destructionsc.
Lever les barrières aux réallocations
a
du facteur travail
Fontagné L. et G. Santoni (2015) : « Firm Level Allocative Inef-
ficiency: Evidence from France », CEPII Working Paper, n° 2015-12.
b
Bartelsman E., J. Haltiwanger et S. Scarpetta (2013) : « Cross
Comment faciliter la mobilité des travailleurs au sein des
Country Differences in Productivity: The Role of Allocation and entreprises d’un même secteur ou bien entre secteurs de
Selection », American Economic Review, vol. 103, n° 1, pp. 305-334. manière à accompagner les entreprises les plus productives
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c
Osotimehin S. (2013) : Aggregate Productivity and the Allocation of
Resources over the Business Cycle, Mimeo. dans leur expansion tout en protégeant les travailleurs des
effets négatifs de l’instabilité ? Nous identifions au moins
trois leviers : les conditions d’embauche et de séparation,
Actuellement, une PME qui franchit un seuil bénéficie d’un les marges de manœuvre en matière de politique salariale et
délai d’un an pour adapter les instances représentatives du la formation initiale et continue16. Ce dernier levier semble
personnel (comme celle de disposer d’un comité d’entre- incontournable pour faciliter la mobilité des personnes et les
prise). Comme par le passé, un gel de trois ans pour les réallocations de facteurs de production. À cet égard, l’effort
charges sociales supplémentaires liées au franchissement financier que la France consacre à la formation profession-
de seuil a fait l’objet d’annonce dans le programme Tout pour nelle, de l’ordre de 1,6 % du PIB soit 32 milliards d’euros
l’emploi dans les TPE et les PME (les dispositions devraient annuels, est important. Toutefois, faute d’un dispositif de
être intégrées dans les PLF et PLFSS 2016). Ainsi, les effets certification rigoureuse et d’une gouvernance claire, la for-
de seuils constatés d’ici fin 2018 n’occasionneront pas de mation professionnelle en France ne permet pas le retour
prélèvements fiscaux et sociaux supplémentaires pendant sur investissement que l’on pourrait attendre et n’est pas
les trois années suivant leur franchissement15. Simplifier et un outil très efficace de sécurisation des parcours profes-
aménager le franchissement des seuils (qui n’est pas forcé- sionnels17. Ce sujet, qui dépasse largement le cadre des poli-
ment définitif pour une entreprise sur un marché instable) ne tiques en faveur des PME, ne sera pas traité ici.
15
Le calcul des seuils pourrait lui-même être simplifié, comme en sont chargés le Conseil de la simplification et le Secrétariat général pour la modernisation
de l’action publique.
16
Un membre du CAE n’a pas souhaité s’associer aux recommandations 2 et 3.
17
Voir, par exemple, Urieta Y. (rapporteur) (2011) : 40 ans de formation professionnelle : bilan et perspectives, Avis du Conseil économique, social et
environnemental (CESE), Éd. des JO, décembre ; Dubié J. et P. Morange (2014) : « Évaluation de l’adéquation entre l’offre et les besoins de formation
professionnelle », Rapport d’information à l’Assemblée nationale, n° 1728, 23 janvier ; Cahuc P., M. Ferracci et A. Zylberberg (2011) : Formation
professionnelle : pour en finir avec les réformes inabouties, Institut Montaigne ; Dolé P. (2014) : « Les conditions du développement de la qualité et l’impact
du CPF sur l’offre de formation », Rapport de l’IGAS, n° 2014-026R, novembre.

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6 Faire prospérer les PME

Embauche et séparation Recommandation 2. Rendre la cause


économique du licenciement plus
Le marché du travail français se caractérise par une majo- objective et vérifiable sans faire appel
rité de travailleurs sur des emplois stables en CDI et une à un jugement sur la performance de
minorité de travailleurs (de l’ordre de 12 %) en CDD ou en l’entreprise.
contrat d’intérim de plus en plus court, en alternance avec
de fréquents épisodes de chômage18. Cette dualité n’est
pas favorable à une réallocation vertueuse des travailleurs Maîtrise de la politique salariale
aux emplois. En effet, les travailleurs en CDI ne sont pas
incités à prendre des risques, tandis que ceux en CDD n’ont Trois niveaux de fixation des salaires coexistent en France :
pas accès à la formation professionnelle qui leur permet- le niveau national avec la revalorisation du SMIC par l’État, le
trait de véritablement participer à une montée en gamme niveau des branches avec la négociation des minima conven-
du système productif. tionnels et celui des entreprises avec la négociation annuelle
sur les salaires effectifs. La France connaît de fait un taux de
Les PME souffrent davantage que les grandes de cette couverture conventionnelle parmi les plus élevés du monde :
situation. Premièrement, elles rencontrent de plus grandes 93 % en 2008 contre 56 % en moyenne dans l’OCDE, environ
difficultés de recrutement : plus de la moitié des emplois 60 % en Allemagne ou encore 35 % au Royaume-Uni. Avec
vacants se situent dans les entreprises de 1 à 9 salariés, la procédure d’extension des accords collectifs, les stipu-
alors que celles-ci ne représentent que 20 % de l’emploi lations des conventions collectives de branche sont rendues
salarié19. Deuxièmement, pour faire face à l’instabilité des obligatoires à toutes les entreprises du champ profession-
carnets de commandes, les petites entreprises utilisent nel concerné, même si elles ne sont pas adhérentes de l’une
moins que les grandes les leviers de flexibilité externe des organisations professionnelles d’employeurs qui en sont
comme le recours à la sous-traitance ou l’intérim, si signataires.
bien qu’elles sont plus rapidement exposées aux besoins
d’ajustement de l’emploi20. Enfin, la complexité du Code Ce rôle des accords de branche dans la formation des
du travail pèse davantage sur les TPE et PME, souvent salaires est particulièrement prégnant dans les petites entre-
moins armées pour maîtriser les procédures et faire face à prises : si un quart des entreprises en France déclarent se
un conflit prud’homal, et plus fragiles financièrement suite fonder uniquement sur les accords de branche pour déter-
à des condamnations prononcées. Pour réduire l’insécu- miner leur politique salariale, elles sont près de la moitié
rité juridique, le plafonnement des sanctions concernant dans ce cas pour les entreprises de moins de 50 salariés
les licenciements jugés sans cause « réelle et sérieuse » (enquête ECMOSS 2009). Par ailleurs, une proportion signifi-
serait un pas dans la bonne direction21. Cependant, les cative des salariés du secteur privé est payée sur la base du
chefs d’entreprise resteront exposés à des contentieux et SMIC : 25 % dans les TPE contre 5 % dans les grandes entre-
à l’évolution de la jurisprudence concernant l’appréciation prises en 2014. La DARES met en évidence le rôle normatif
par les juges des difficultés économiques. Le licenciement de la branche en matière de fixation des hiérarchies sala-
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économique, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel riales en étudiant la corrélation entre salaires conventionnels
ou collectif, est en effet soumis en France à une procé- fixés au niveau de la branche et salaires bruts effectifs indivi-
dure, variable en fonction de la taille de l’entreprise et duels : ce rôle est d’autant plus fort que les entreprises sont
du nombre de salariés concernés, particulièrement stricte de petite taille22.
notamment en matière d’entretien préalable et de reclas-
sement. Le licenciement doit être motivé par des diffi- Ainsi, les entreprises de petite taille ont une maîtrise limitée
cultés économiques, une mutation technologique ou une de leur politique salariale, celle-ci étant largement détermi-
réorganisation pour accroître la compétitivité de l’entre- née à un niveau qui leur échappe. Les entreprises à forte
prise. Les règles procédurales à respecter sont strictes croissance sont généralement plus jeunes et de plus petite
et les motifs invocables gardent un caractère subjectif taille que la moyenne. Celles-ci offrent des salaires inférieurs
et peu défini. Cet ensemble suscite des contestations et aux plus grandes entreprises au début de leur cycle de vie,
peut continuer de faire peser une insécurité juridique sur du fait notamment de contraintes financières plus fortes au
l’employeur et par là freiner considérablement les pro- moment où elles sont encore au stade du développement
jets d’embauche, dans un environnement économique qui de leurs produits et d’exploration de débouchés. En réalisant
demeurera incertain. des gains de productivité, elles peuvent ensuite prospérer et

18
Voir Cahuc P. et C. Prost (2015) : « Améliorer l’assurance chômage pour limiter l’instabilité de l’emploi », Note du CAE, n° 24, septembre.
19
DARES (2015) : « Les emplois vacants : la moitié se situe dans les petites entreprises », DARES Indicateurs, n° 059, août.
20
Voir, par exemple, Argouarc’h J., V. Cottet, É. Debauche et A. Smyk (2010) : « Les petites entreprises ont été les premières à baisser leurs effectifs pendant
la crise », Note de Conjoncture de l’INSEE, Dossier ‘Le cycle de l’emploi’, mars.
21
Voir l’article 266 de la loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (juillet 2015), ultérieurement censuré par le Conseil constitutionnel.
22
DARES (2012) : « Salaires conventionnels et salaires effectifs : une corrélation variable selon la catégorie socio-professionnelle et la taille de l’entreprise »,
DARES Analyses, n° 093, décembre.

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25


Octobre 2015 7

adopter une politique salariale plus dynamique. Cependant Recommandation 3. Limiter les extensions
plusieurs études empiriques ont montré que des contraintes des accords de branches. Favoriser les clauses
de salaires conventionnels fortes, ne tenant pas compte des dérogatoires dans les conventions étendues.
évolutions de productivité des jeunes entreprises, peuvent
être préjudiciables à leur développement pendant les toutes
premières années23. Dans le cas particulier de l’Allemagne,
des économistes ont pu mettre aussi en avant le rôle cen- Lever les barrières aux réallocations
tral joué par une forte décentralisation des négociations sala- du facteur capital
riales au milieu des années 1990, bien plus que les réformes
Hartz postérieures souvent citées en exemple, pour expli- La réallocation du capital entre entreprises peut se faire au
quer les gains de productivité et de compétitivité réalisés en moment des transmissions ou cessions, ou bien à l’occa-
Allemagne dans les années 200024. sion des mises en redressement judiciaire. Les PME sont les
premières concernées quantitativement par ces opérations,
Ceci plaide pour une approche très sélective des exten- tandis qu’elles souffrent de financer structurellement la tréso-
sions d’accords de branche, notamment lorsque les dispo- rerie des grandes entreprises.
sitions peuvent être un obstacle sérieux au développement
de certains acteurs, en favorisant de fait certaines entre-
prises de la branche. Parallèlement, et dans l’esprit du rap- Fiscalité sur les transmissions/cessions
port Combrexelle25, partenaires sociaux et État pourraient d’entreprises
inciter au développement de clauses dérogatoires dans les
conventions étendues, en donnant la priorité à l’accord col- Un récent rapport remis au ministre de l’Économie26 pointe les
lectif d’entreprise. Les dérogations pourraient aussi béné- blocages psychologiques et informationnels à la transmission des
ficier, dans certaines branches, aux nouvelles entreprises PME, et souligne aussi le rôle de la fiscalité. Le régime fiscal actuel
pendant leurs premières années d’activité. (encadré 3) soulève plusieurs questions. D’abord, le principe de

3. Le régime fiscal des transmissions et cessions d’entreprises


Une fois la plus-value constatée, les prélèvements sociaux sont effectués à hauteur 15,5 % ; puis, un abattement dépendant de
la durée de détention (seuils de 1 à 8 ans) est appliqué avant imposition au barème de l’impôt sur le revenu. Des abattements
majorés sont accordés aux dirigeants cédants partant à la retraite ainsi que pour les cessions intra-familiales. En outre, du point
de vue du bénéficiaire d’une succession ou donation intra-familiale, le « régime Dutreil » permet un abattement de 75 % pour les
droits de mutation à titre gratuit. Le tableau montre que l’impôt sur le revenu dû sur une même plus-value d’un million d’euros
(réalisée sur 7 ans) varie de 78 500 euros (dirigeant partant à la retraite) à 225 000 euros (régime général), la cession intra-
familiale et la cession d’une part acquise lorsque l’entreprise avait moins de dix ans se situant entre ces deux extrêmes.
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Abattements avant imposition sur le revenu et impôt dû sur la cession de parts d'une PME
pour une plus-value d’un million d’euros
Régime général PME acquise jeunea Dirigeant partant à la retraite
ou cession intra-famillialeb
Abattement Impôt dû Abattement Impôt dû Abattement Impôt dû
Durée de détention en % en euros en % en euros en euros en euros

< 1 an 0 450 000 0 450 000 500 000 225 000


1 à 2 ans 0 450 000 50 225 000 500 000 + 50 % 112 500
2 à 4 ans 50 225 000 50 225 000 500 000 + 50 % 112 500
4 à 8 ans 50 225 000 65 157 500 500 000 + 65 % 78 500
> 8 ans 65 157 500 85 67 500 500 000 + 85 % 33 750
Lecture : Les plus-values de cession mobilière sont intégralement soumises aux prélèvements sociaux à un taux de 15,5 % dont 5,1 % déductibles
l’année suivante. De plus, elles sont soumises au barème de l’impôt sur le revenu après abattement. Le montant d’impôt sur le revenu correspond
à un ménage imposé dans la tranche supérieure de 45 %, pour une plus-value réalisée d’un million d’euros.
Notes : a Les titres cédés doivent avoir été acquis moins de 10 ans après la création de l’entreprise, qui ne doit pas être issue d’une concentration,
d’une restructuration, d’une extension ou d’une reprise d’activité ; b Le cédant et son groupe familial doivent avoir détenu plus de 25 % de l’entre-
prise à un moment dans les cinq années précédant la cession.
Source : Articles 150-0 D et 150-0 D ter du Code général des impôts, www.legifrance.gouv.fr (dernière consultation : 18.09.2015).

23
Voir, par exemple, Henrekson M. (2014) : « How Labor Market Institutions Affect Job Creation and Productivity Growth », IZA World of Labor, n° 38, mai, ou encore,
Magruder J. (2012) : « High Unemployment Yet Few Small Firms: The Role of Centralized Bargaining in South Africa », American Economic Journal, vol. 4, n° 3.
24
Dustmann C., B. Fitzenberger, U. Schönberg et A. Spitz-Oener (2014) : « From Sick Man of Europe to Economic Superstar: Germany’s Resurgent Economy »,
Journal of Economic Perspectives, vol. 28, n° 1, pp. 167-188.
25
Combrexelle J-D. (2015) : La négociation collective, le travail et l’emploi, Rapport au Premier ministre, septembre.
26
Dombre-Coste F. (2015) : Favoriser la transmission d’entreprise en France : diagnostic et propositions, Rapport au Premier ministre, 7 juillet.

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8 Faire prospérer les PME

l’abattement en fonction de la durée de détention est motivé par


la progressivité du barème d’imposition de plus-values représen- 4. Faut-il favoriser les transmissions
tant des revenus de plusieurs années27. Cela engendre cepen- familiales ?
dant, pour les personnes à revenu élevé, une réduction d’impôt Il est tentant de penser qu’une cession intra-familiale
plus que proportionnelle à la durée de détention. Ensuite et à apporte davantage de garanties de pérennité de l’entre-
l’inverse, les seuils tous les deux à quatre ans de détention pro- prise qu’une cession externe, en raison de la présence
voquent des distorsions importantes selon que la PME est vendue éventuelle du fondateur aux côtés du nouveau dirigeant,
juste avant ou juste après le seuil. Un système de quotient géné- de la connaissance que ce dernier a acquise de l’entre-
ralisé (consistant à diviser la plus-value par la durée de détention, prise et de son environnement avant d’en prendre les
à calculer le taux d’imposition correspondant, puis à appliquer ce rênes ou bien tout simplement de son attachement à l’en-
taux sur l’ensemble de la plus-value) répondrait bien plus équi- treprise familiale. Pourtant, Haddadj et d’Andria (1998) ne
trouvent pas de différence de réorientation stratégique
tablement au problème de l’imposition en une seule année à un
selon que la transmission est interne ou externea. Quant à
barème progressif de plus-values générées sur plusieurs années. la qualité de la gestion, une ancienne étude canadienneb
favorable à la transmission familiale a été critiquée pour
Par ailleurs, le régime actuel peut-être critiqué en ce qu’il ses nombreux biais, notamment le fait qu’un dirigeant est
favorise la transmission d’entreprises à l’intérieur de la famille davantage incité à céder son entreprise à son descendant
(que ce soit pour les cessions ou les successions-donations). si celle-ci est en bonne santé et à la céder à un repre-
Les travaux empiriques sur le sujet ne mettent en évidence neur externe si ce n’est pas le cas. Les études empiriques
aucune supériorité de la transmission intra-familiale par rap- plus récentes ne plaident pas en faveur des transmissions
port à une reprise externe : l’orientation stratégique est la familiales (Perez-Gonzalez, 2006)c. Pour corriger le biais
même en moyenne, tandis que la rentabilité est plus faible et d’endogénéité, Bennedsen et al. (2007d ont tenté d’ins-
le risque de faillite plus élevé (voir encadré 4). trumenter la succession familiale par le sexe du premier
enfant et ont trouvé des résultats encore plus défavorable
à la transmission familiale. Bach (2009)e trouve égale-
Recommandation 4. Assurer la neutralité ment des résultats négatifs avec 10 points de rentabilité
du régime d’imposition des plus-values de en moins pour les entreprises de moins de 50 salariés
cession de parts sociales afin de ne plus reprises par un membre de la famille, et une probabilité
défavoriser les cessions par des dirigeants de faillite deux fois plus élevée pour les entreprises de
d’entreprise actifs à des repreneurs hors plus de 50 salariés. Bloom et al. (2015)f testent le lien
de leur cercle familial. entre une évaluation par enquête en 18 points de la qua-
lité du management d’entreprise et son statut de familiale
ou non. Ils trouvent également un effet négatif du fait que
Faillites et droit des entreprises en difficultés le dirigeant soit un descendant.

a
Dans le domaine du droit des entreprises en difficulté, la France Haddadj S. et A. d’Andria (1998) : « Transmissions internes et
transmissions externes dans les PME françaises : existe-t-il des
se distingue par des performances médiocres en termes de taux
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différences de changements stratégiques et d’orientations straté-
de recouvrement, un cadre juridique de l’insolvabilité peu perti- giques ? », Revue Internationale des PME, vol. 11, n° 4, pp. 45-65.
Toutefois, les entreprises restées familiales versent des salaires
nent et une participation insuffisante des créanciers28. Le droit plus bas (à qualifications identiques) avec, en contrepartie, une plus
français est moins protecteur pour les créanciers que ne le sont grande sécurité de l’emploi.
b
ceux de nombreux autres pays de l’OCDE. Il favorise aussi la Lentz B.F. et D.N. Laband (1990) : « Entrepreneurial Success and
Occupational Inheritance among Proprietors », Canadian Journal of
longue agonie des entreprises en difficulté, ce qui rend difficile Economics, vol. 23, n° 3.
la reconversion de l’entreprise et/ou le redéploiement du capi- c
Pérez-Gonzalez F. (2006) : « Inherited Control and Firm Perfor-
tal. Ces caractéristiques du droit des entreprises en difficulté mance », American Economic Review, vol. 96, n° 5.
d
Bennedsen M., K. Nielsen, F. Pérez-Gonzalez et D. Olfenzon (2007) :
expliquent aussi en partie les difficultés d’accès au crédit que « Inside the Family Firm: The Role of Families in Succession Decisions
rencontrent certaines PME françaises, ce qui limite leur capa- and Performance », Quarterly Journal of Economics, vol. 122, n° 2.
e
cité à croître29. À ce titre, la possibilité laissée aux créanciers Bach L. (2009) : « Les transmissions d’entreprise héréditaires sont-
elles moins efficaces ? Le cas de la France entre 1997 et 2002 »,
de convertir leurs créances en capital et de proposer un plan de Revue Économique, vol. 60, n° 3, pp. 287-296.
redressement concurrent de celui du dirigeant (ordonnance de f
Bloom N., R. Sadun et J. Van Reenen (2015) : « Do Private Equity
mars 2014 sur le droit des faillites)30 va dans le sens des précé- Firms Have Better Management Practices? », American Economic
Review, vol. 105, n° 5, pp. 442-446.
dentes recommandations avancées par le CAE31.

27
Pour une même plus-value annuelle, une détention sur dix ans engendre, avec des taux marginaux croissants, un impôt sur le revenu plus élevé que dix
plus-values annuelles. Le système d’abattement tente de corriger cette distorsion.
28
Le taux de recouvrement français est de 77,2 % (respectivement 80,4 et 83,5 % aux États-Unis et en Allemagne), tandis que les indices synthétiques de
participation des créanciers et de pertinence du cadre juridique sont respectivement de 1/4 et 11/16 (3/4 et 15/16 aux États-Unis comme en Allemagne).
Voir Banque mondiale (2013) : Doing Business 2014 : Comprendre les réglementations pour les petites et moyennes entreprises, Groupe Banque mondiale, 11e éd.
29
Voir La Porta R., F. Lopez-de-Silanes, A. Shleifer et R. W. Vishny (1998) : « Law and Finance », Journal of Political Economy, vol. 106 n° 6, pp. 1113-1150.
30
Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, en vigueur
depuis le 1er juillet 2014 (le projet de loi de ratification est en cours d’examen au Sénat).
31
Plantin G., D. Thesmar et J. Tirole (2013) : « Les enjeux économiques du droit des faillites », Note du CAE, n° 7, juin.

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25


Octobre 2015 9

Les défaillances du financement inter-entreprises Les règles des marchés publics pourraient par exemple com-
porter l’obligation, pour les entreprises dont les volumes de
Alors même qu’elles éprouvent parfois des difficultés à se finan- dettes fournisseurs dépassent une taille critique, de fournir
cer, les PME françaises souffrent de devoir de facto financer les des données détaillées sur leurs délais de paiement vis-à-vis
grandes entreprises au travers des délais de paiement32. Les des sous-traitants lors des exercices récents, ou bien de pré-
mesures législatives de 2008 ne sont pas parvenues à amélio- senter une solution d’affacturage inversé pour l’exécution du
rer durablement la situation33. Or, les délais de paiement des marché.
fournisseurs sont inversement proportionnels à la taille des
entreprises : alors que près de quatre micro-entreprises sur dix
payent leur fournisseur à la date prévue, elles sont moins d’une
sur dix au-delà de 250 salariés34. Le fait que certains grands Assurer une concurrence équitable
donneurs d’ordre réduisent ainsi leur besoin de fonds de roule- entre PME et grandes entreprises
ment aux dépens de leurs petits fournisseurs résulte d’un pro-
blème classique d’asymétrie de taille entre les deux agents, le Au-delà des barrières aux réallocations de facteurs de pro-
(petit) fournisseur perdant tout pouvoir de négociation une fois duction, qui pèsent particulièrement pour les PME, il est
que l’équilibre de son activité dépend d’une relation commer- également nécessaire de s’attaquer à des distorsions de
ciale spécifique avec un (grand) donneur d’ordre. Les retards concurrence qui peuvent jouer au détriment des petites
de paiements seraient à l’origine d’un quart des faillites de PME entreprises : la fiscalité, les règles administratives et les
en France35. Il apparaît ainsi nécessaire de veiller avec rigueur marchés publics. D’une manière générale, il est préférable
à l’application de la loi LME, d’autant plus que les micro-entre- de penser les politiques selon des principes généraux, en
prises et petites entreprises sont généralement réticentes ciblant éventuellement des dispositifs qui seraient particu-
à demander le règlement des pénalités de retard de peur de lièrement bénéfiques aux entreprises en croissance, sans
perdre leurs plus gros clients. S’agissant des donneurs d’ordre pour autant constituer des dérogations pour les petites
publics, si l’État a globalement réduit ses délais de paiement, entreprises dont celles-ci perdraient le bénéfice en crois-
ceux des collectivités locales se sont allongés depuis 2011. sant. A contrario, il serait utile de modifier les dispositifs
généraux qui sont actuellement défavorables aux PME ou
Le recours par le donneur d’ordre à l’affacturage inversé est plus précisément aux PME en forte croissance.
une solution pour corriger cette défaillance de marché36. Il
permet au donneur d’ordre de s’engager de manière crédible
à ne pas utiliser son pouvoir de marché vis-à-vis de ses four- Un impôt plus équitable
nisseurs. Celui-ci s’est développé rapidement aux États-Unis
depuis 2008 et est à l’heure actuelle nettement moins utilisé Le Conseil des prélèvements obligatoires, puis la Direction
en France que dans d’autres pays de la zone euro. La mission générale du Trésor l’ont montré : les taux implicites d’impôts
confiée à la Médiation inter-entreprises en juin 2015 pour sur les sociétés diffèrent entre entreprises selon leur taille,
faire un état des lieux de l’affacturage inversé en France et les PME étant les entreprises les plus taxées37. En effet, les
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à l’étranger et un recensement des bonnes pratiques et des plus petites entreprises sont plus souvent sujettes au taux
blocages en la matière constitue un pas dans la bonne direc- réduit d’IS de 15 %38. En revanche, les PME dépassant ces
tion mais il nous semble qu’une avancée plus décisive serait seuils voient leur bénéfice imposé au taux implicite de 32 %
souhaitable. de l’excédent brut d’exploitation, contre 26 % pour les ETI et
22 % pour les grandes entreprises.
Recommandation 5. Renforcer l’application
de la loi pour l’application des délais de Toutefois, il convient de bien interpréter ce résultat : ce n’est
paiement et des pénalités de retard. Inciter au pas la taille qui compte mais principalement le statut de mul-
développement de l’affacturage inversé afin tinationale et les possibilités d’optimisation fiscale qu’il per-
d’assurer les PME contre le risque de délais met possible. Une importante littérature économique s’est
excessifs de leurs grands donneurs d’ordres. penchée sur ces optimisations fiscales et a mis en exergue

32
Cailloux J., A. Landier et G. Plantin (2014) : « Crédits aux PME : des mesures ciblées pour des difficultés ciblées », Note du CAE, n° 18, décembre.
33
La loi de modernisation de l’économie (LME) a introduit des plafonds pour les délais de paiement des fournisseurs (60 ou 45 jours) et des pénalités en
cas de non-respect de ces plafonds. La loi sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (2015) stipule que le délai de paiement ne peut
dépasser soixante jours à compter de la date d’émission de la facture, par dérogation quarante-cinq jours, et renforce le respect des délais de paiement des
pouvoirs adjudicateurs qui sont des entreprises publiques.
34
Altares (2014) : Comportement de paiement des entreprises en France et en Europe, analyse 1er semestre 2014.
35
Altares (2014) op. cit.
36
L’affacturage est une opération financière par laquelle une entreprise transfère ses créances commerciales à une institution financière (l’affactureur) contre
règlement par anticipation des créances. Dans le cas de l’affacturage inversé, le client de l’affactureur est le donneur d’ordres et non le fournisseur : l’entreprise
cliente transmet à la société d’affacturage les factures des fournisseurs qui ont autorisé leur transfert, ainsi que les informations nécessaires au suivi des risques.
37
Voir Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) (2009) : Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, rapport du CPO et
Direction générale du Trésor (2012) : Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, Annexe au projet de loi de finances pour 2013.
38
Ce taux réduit s’applique aux 38 120 premiers euros de bénéfice des entreprises faisant moins de 7 630 000 euros de chiffre d’affaires annuel détenues
à au moins 75 % par des personnes physiques.

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10 Faire prospérer les PME

la pratique des dettes intra-groupes39. Les prix de transferts fice imposable. Plus généralement, ce dispositif pourrait être
permettent également un transfert de bénéfices imposables utile si effectivement il pouvait y avoir une corrélation tem-
entre pays aux fiscalités différentes. En particulier, Davies et porelle entre bénéfices et besoins d’investissements dans le
al. (2014)40 montrent que l’optimisation via les prix de trans- cycle de vie des entreprises, ce qui n’est pas toujours le cas
fert est très concentrée sur un petit nombre de grosses entre- (investissements réalisés en grappes).
prises. Enfin, le jeu de localisations des droits de propriétés
sur les immatériels (pour lesquels il n’existe pas de prix de Un autre mécanisme, similaire mais ayant un effet plus
référence) est une source très importante de réallocation de fort, est le principe du sur-amortissement. L’idée de base
bénéfice imposable, d’autant que l’hétérogénéité des accords est un système d’amortissement dégressif ayant pour effet
bilatéraux permet la construction de structures hybrides41. d’avancer dans le temps l’effet de réduction de l’assiette
imposable : au lieu d’amortir un investissement de 100 en
Ainsi, la bonne manière d’éliminer la surimposition de facto cinq déductions de 20 les cinq premières années, la pre-
des bénéfices dont souffrent les PME est un meilleur contrôle mière déduction se retrouve être plus importante (et les der-
de l’optimisation fiscale des multinationales, sujet qui dépasse nières plus faibles). Une mesure plus forte (annoncée par le
toutefois les frontières d’un seul pays. L’OCDE fait avancer Gouvernement et votée par le Sénat en avril 2015)45 consiste
cette question à son échelle avec le projet BEPS42. L’objectif à ajouter une déduction supplémentaire à l’amortissement
est de faire converger les législations fiscales des différents habituel qui n’est pas récupérée par la suite, ce qui conduit
pays afin notamment de limiter la déductibilité des verse- in fine à amortir un montant supérieur au montant investi. Il
ments d’intérêts intra-groupes, d’uniformiser les conventions s’agit de fait d’une subvention à l’investissement.
bilatérales pour éviter l’existence d’hybrides et de générali-
ser la vérification d’imposition dans un autre pays avant toute Enfin, le principe de l’exonération les premières années se
déduction fiscale. De même, la généralisation des échanges heurte aux mêmes critiques formulées plus haut. Les premières
automatiques d’information devrait permettre de réduire cette années, les entreprises sont souvent déficitaires, ou elles pré-
optimisation. Zucman (2014)43 propose d’aller plus loin avec sentent un faible bénéfice en raison de forts investissements
une déclaration mondiale des résultats des sociétés, ce qui réalisés au lancement et d’un bénéfice imposable souvent grevé
nécessiterait une information mondiale et une comptabilité par la recherche de parts de marché. Ainsi, le mécanisme même
uniformisée. Cela rejoint le projet européen ACCIS, initiale- de l’impôt sur les bénéfices, avec les possibilités de report du
ment lancé en 2011 et relancé en juin 2015 après une longue déficit, réalise cette exonération les premières années.
période de sommeil, projet d’assiette commune consolidée
pour l’imposition des sociétés44. Ce serait le premier pas vers
une nouvelle forme de fiscalité des sociétés non plus basée Alléger les impôts sur la production
sur l’obsolète règle d’établissement stable mais sur des règles
de répartition de l’assiette imposable à définir. En revanche, les impôts sur la production sont plus pénalisants,
notamment pour les jeunes entreprises ; or ceux-ci sont parti-
En complément, des mécanismes fiscaux soutenant le déve- culièrement lourds en France (graphique 2). Les impôts sur la
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loppement des petites entreprises en croissance peuvent production, par construction, ne jouent pas le rôle d’assurance
être étudiés. Plusieurs idées sont régulièrement avancées, de l’IS, puisque ce sont des charges assises sur les facteurs uti-
dont l’exonération des bénéfices réinvestis, le sur-amortissement lisés (souvent les facteurs les plus fixes), variant donc peu avec
et l’exonération les premières années. les résultats. Ils sont ainsi particulièrement pénalisants pour
les entreprises avec de faibles bénéfices relativement à leurs
La piste de l’exonération d’IS des bénéfices réinvestis n’est investissements ou leur chiffre d’affaires, donc en particulier
sans doute pas la plus porteuse. Les entreprises en crois- les entreprises en fort investissement ou croissance, qui paient
sance, et particulièrement les jeunes entreprises espérant l’impôt sur les nouveaux facteurs alors qu’elles n’en tirent pas
se développer de PME à ETI sont souvent, de par leur fort encore les bénéfices. La suppression progressive d’ici 2017 de
investissement et leur placement stratégique, dans une la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) va dans
situation où elles ne produisent que peu ou pas de béné- le bon sens46. Pour autant, celle-ci comptait pour moins de 8,5 %

39
Voir Dharmapala D. et N. Riedel (2013) : « Earnings Shocks and Tax-Motivated Income-Shifting: Evidence from European Multinationals », Journal of Public
Economics, vol. 97, pp. 95-107 et Buettner T. et G. Wamser (2013) : « Internal Debt and Multinational Profit Shifting: Empirical Evidence from Firm-Level
Panel Data », National Tax Journal, vol. 66, pp. 63-96.
40
Davies R., J. Martin, M. Parenti et F. Toubal (2014) : « Knocking on Tax Haven’s Door: Multinational Firms and Transfer Pricing », CESifo Working Paper, n° 5132.
41
Voir Fonds monétaire international (2013) : Fiscal Monitor: Taxing Times, World Economic and Financial Surveys (IMF), octobre, et Kleinbard E.D. (2011) :
« Stateless Income », Florida Tax Review, vol. 11, n° 9, pp. 699-774.
42
http://www.oecd.org/ctp/beps.htm
43
Zucman G. (2014) : « Taxing across Borders: Tracking Personal Wealth and Corporate Profits », Journal of Economic Perspectives, vol. 28 n° 4, pp. 121-148.
44
http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/company_tax/common_tax_base/index_fr.htm
45
http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/19134.pdf
46
« La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), payée par les entreprises à proportion de leur chiffre d’affaires et qui concerne notamment le
secteur industriel, entamera sa baisse dès 2015, avec une suppression prévue pour toutes les entreprises à horizon 2017. Un abattement permettra aux
deux tiers des 300 000 redevables, c’est-à-dire à la totalité des très petites entreprises (TPE) et à près de la moitié des petites et moyennes entreprises (PME),
dès lors qu’elles ont un chiffre d’affaires inférieur à 3 250 000 euros, d’être totalement exonérées dès 2015, cf. PLFSS rectificatif 2014.

Les notes du conseil d’analyse économique, n° 25


Octobre 2015 11

des impôts sur la production en 2014. Sa suppression constitue


2. La réglementation française
donc une diminution mineure, bien que notable, des impôts sur dans les rapports internationaux
la production en France, dont une grande part finance les col-
lectivités territoriales. À défaut de supprimer d’autres impôts sur Charges Fardeau de Facilité à
adminis- la réglemen- entreprendrec
la production pour toutes les entreprises, un mécanisme d’exo- trativesa tation gouver-
nération les premières années serait envisageable afin de mieux nementaleb
prendre en compte l’incertitude sur le chiffre d’affaires. 2003 2013-2014 2014

en % du PIB classement classement


Par ailleurs, un travail de l’Inspection générale des Finances France 3,7 121e sur 148 31e sur 189
réalisé en mars 2014 évalue que 175 impôts ont chacun un Allemagne 3,7 55e sur 148 14e sur 189
rendement inférieur à 100 millions d’euros et que 200 impôts e
Royaume-Uni 1,5 37 sur 148 8e sur 189
représentent un montant global de l’ordre de 5 milliards d’eu-
Danemark 1,9 80e sur 148 4e sur 189
ros. Une entreprise française est en moyenne concernée par
une cinquantaine de ce type de prélèvements, contre une Notes : a Étude menée en 2003 sur 19 pays européens (CPB) ;
b
dizaine pour la moyenne des entreprises de l’Union euro- Classement réalisé sur la base de 148 pays (World Economic Forum) ;
c
Classement réalisé sur la base de 189 pays (Banque mondiale).
péenne. Accélérer la suppression de ces impôts à faible ren- Sources : CPB (2005) : « Intra-EU Differences in Regulation-Caused
dement sur la production servirait le double objectif d’une Administrative Burden for Companies », EU Competitiveness Report, CPB
Bureau for Economic Policy Analysis ; World Economic Forum (2015) :
baisse des impôts pesant sur la production des entreprises The Global Competitiveness Report 2014-2015 ; Banque mondiale
(2013) : Doing Business 2014 : Comprendre les réglementations pour
et d’une simplification de la vie administrative des entre- les petites et moyennes entreprises, Groupe Banque mondiale, 11e éd.
prises, d’autant plus nécessaire pour les PME. Un fonds de
compensation pour les différents bénéficiaires des recettes
fiscales correspondantes pourrait être mis en place47. Simplification administrative

La simplification de la vie administrative des entreprises et plus


Recommandation 6. Limiter l’importance encore des PME et TPE est une préoccupation majeure. De nom-
des impôts sur la production, en supprimant breux rapports relèvent en effet que la réglementation en France
notamment ceux à faible rendement. Lutter s’accompagne de procédures trop complexes et trop lentes
contre les distorsions liées à l’optimisation (tableau 2). Cette lourdeur administrative génère des coûts,
fiscale des entreprises multinationales. elle dissuade l’investissement et pèse sur la compétitivité48.

Une explication souvent avancée à la lourdeur de la régle-


mentation en France est l’inflation normative. La France
2. Impôts sur la production en 2013, en % du PIB compte actuellement 10 500 lois, 130 000 décrets et plus
de 400 000 règles49. L’ensemble de ces règles pèse sur les
12
entreprises et en particulier sur les plus petites, qui ne dis-
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10 posent pas des ressources et des compétences suffisantes
pour toutes les comprendre et les maîtriser. Le travail effec-
8 tué par le Conseil de la simplification50 a permis d’avancer
cinquante propositions transversales pour simplifier et sécu-
6 riser la vie des entreprises par un environnement plus lisible
et prévisible. Des mesures plus générales pourraient être
4
envisagées pour ralentir voire freiner la particularité fran-
2 çaise de la « surproduction normative ». À ce titre, les sys-
tèmes américains des clauses d’extinction (sunset clauses)
0 et anglais de « one in, one out » (une suppression pour une
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création) sont intéressants. La clause d’extinction consiste


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à prévoir une date d’expiration pour chaque nouvelle loi/


Source : Eurostat. réglementation/norme votée (période qui varie en général
de deux à dix ans). Au moment de l’expiration, la loi, la

47
Un financement possible de cette mesure serait d’abaisser légèrement le seuil des allègements de charges dans le cadre du Pacte de responsabilité, par
exemple en l’alignant sur le seuil du Crédit d’impôt compétitivité emploi (2,5 fois le SMIC). Les PME, qui versent en moyenne des salaires plus faibles que les
grandes entreprises, en sortiraient gagnantes.
48
OCDE (2014) : France : redresser la compétitivité, Série ‘Politiques meilleures’, Éd. OCDE.
49
Sur l’inflation normative, voir Lambert A. et J-C. Boulard (2013) : Rapport de la Mission de lutte contre l’inflation normative, mars, ou encore Attali J. (prés.)
(2008) : Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française, la Documentation française.
50
Créé en janvier 2014, le Conseil de la simplification est chargé de proposer au Gouvernement les orientations stratégiques de la politique de simplification
à l’égard des entreprises.

www.cae-eco.fr
norme, ou la réglementation, est abrogée automatiquement, Toutefois, la participation des PME à la commande publique en
seules les lois « effectives » (dont l’efficacité est prouvée) étant valeur ne reflète pas le rôle qu’elles occupent dans l’ensemble
reconduites. Au Royaume-Uni, des dizaines de réglementations de l’économie. Pour accroître la capacité des PME à candidater
et de normes ont été supprimées depuis 2010 selon la règle du sans créer de distorsion, il est préférable de poursuivre les efforts
« one in, one out ». De plus, toute nouvelle réglementation qui déjà entrepris dans le cadre de la simplification. L’enquête de la
concerne une entreprise de moins de dix salariés ne doit pas Commission européenne sur l’accès des PME à la commande
avoir une durée de vie de plus de trois ans et toutes les nouvelles publique révèle que celles-ci considèrent l’importance exagé-
lois qui concernent le monde de l’entreprise doivent contenir une rée du prix, les délais de paiement, le manque d’information et
clause d’extinction ou de révision après cinq ans en moyenne. la lourdeur des charges administratives comme les principaux
Le gouvernement britannique a estimé à 3,32 milliards de livres obstacles. Parmi les mesures qui pourraient au contraire favo-
sterling (4,52 milliards d’euros) les économies réalisées entre riser leur accès aux marchés publics, les PME mettent en avant
janvier 2011 et juin 2012 et a décidé de passer en 2013 à un davantage de dialogue et moins de documents administratifs54
système de « one in, two out »51. Il importe donc, comme le préconisent Saussier et Tirole (2015),
de renforcer l’efficacité de la commande publique en assurant
une plus grande diffusion de l’information et une diminution des
Recommandation 7. Poursuivre le travail de coûts des procédures via la dématérialisation et la réduction et
simplification. Stopper l’inflation normative l’uniformisation du nombre de plates-formes de publicité55. Les
par l’application d’une clause d’extinction avancées permettant de réduire le coût de candidatures tels que
ou du principe d’« une suppression pour une les marchés publics simplifiés (MPS) ou encore le document
création ». unique (principe du « dîtes le nous une fois ») vont dans le bon
sens. Au-delà du soutien aux PME, ces mesures contribuent de
manière plus générale à l’intensification de la concurrence, ce
qui peut par la même occasion permettre d’atteindre des objec-
PME et commande publique tifs de réduction des dépenses publiques.

La mise en place en France de l’équivalent du Small Business Act


américain, qui consiste à réserver une partie de la commande Recommandation 8. Ne pas mettre en place
publique aux PME, est rendue impossible par la législation euro- de dispositifs spécifiques visant à favoriser
péenne. Faut-il le déplorer ? Deux raisons au moins peuvent les PME pour l’accès à la commande publique
faire douter de sa pertinence. En premier lieu, il n’y a pas de mais poursuivre les efforts de transparence et
preuves empiriques de l’efficacité de ce type de mesures ciblées de simplification des procédures pour faciliter
pour favoriser l’accès des PME à la commande publique. À l’in- leurs candidatures.
verse, certains travaux font état d’effets pervers, les distorsions
de concurrence pouvant induire une hausse des coûts et une
diminution de l’efficacité de la commande publique52. En second Pour soutenir la croissance des PME, une politique d’aides cali-
lieu, les performances des PME françaises en matière d’accès brées selon un critère de taille ne semble pas la meilleure voie.
à la commande publique se situent au-dessus de la moyenne Nous préconisons de privilégier des mesures visant les barrières
des pays de l’Union européenne : elles représentent 59 % de la aux réallocations de facteurs de production dont les petites
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commande en nombre de contrats et 31 % de la commande en entreprises pâtissent plus encore que les grandes, et de corriger
valeur, contre respectivement 55 et 29 % pour l’ensemble des les distorsions éventuelles de concurrence entre les entreprises
vingt-sept États membres53. de différentes tailles.

51
HM Government (Department for Business, Innovation and Skills) (2012) : One-in, One-out: Third Statement of New Regulation, février.
52
Marion J. (2007) : « Are Bid Preference Benign? The Effect of Small Business Subsidies in Highway Procurement Auctions », Journal of Public Economics, vol. 97,
n° 7-8, pp. 1591-1624.
53
Commission européenne (2014) : SMEs’ Access to Public Procurement Markets and Aggregation of Demand in the EU, DG Internal Market and Services, février.
54
Commission européenne (2009) : Programme d’action pour la réduction des charges administratives dans l’UE.
55
Saussier S. et J. Tirole (2015) : « Renforcer l’efficacité de la commande publique », Note du CAE, n° 22, avril.

Le Conseil d’analyse économique, créé auprès du Premier ministre, a pour mission d’éclairer, par la confrontation
des points de vue et des analyses de ses membres, les choix du Gouvernement en matière économique.

Présidente déléguée Agnès Bénassy-Quéré Membres Agnès Bénassy-Quéré, Antoine Bozio, Les Notes du Conseil d’analyse économique
Pierre Cahuc, Brigitte Dormont, Lionel Fontagné, ISSN 2273-8525
Secrétaire générale Hélène Paris
Cecilia García-Peñalosa, Augustin Landier,
Conseillers scientifiques Pierre Mohnen, Corinne Prost, Xavier Ragot, Directrice de la publication Agnès Bénassy-Quéré
Jean Beuve, Clément Carbonnier, Jean Tirole, Alain Trannoy, Étienne Wasmer, Rédactrice en chef Hélène Paris
Manon Domingues Dos Santos, Guntram Wolff Réalisation Christine Carl
Aurélien Eyquem
Assistant de recherche Correspondants Contact Presse Christine Carl
Paul Berenberg-Gossler Anne Perrot, Christian Thimann christine.carl@cae-eco.fr Tél. : 01 42 75 77 47

113 rue de Grenelle 75007 PARIS Téléphone : 01 42 75 53 00 Télécopie : 01 42 75 51 27 @CAEinfo www.cae-eco.fr

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