Émotions, quand c'est plus fort que lui !

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Catherine Aimelet-Périssol

et Aurore Aimelet

Par la
spécialiste
des
émotions !

ÉMOTIONS
QUAND C’EST PLUS
FORT QUE LUI !
Aider son enfant
de 3 à 11 ans à bien grandir !

n° de commande : IZ1577049374.0831.34702
Catherine Aimelet-Périssol, médecin et psychothérapeute reconnue, est
l’auteure de nombreux ouvrages de référence dont Comment apprivoiser
son crocodile (Robert Laffont, Pocket).
Aurore Aimelet, journaliste indépendante, travaille notamment pour
Psychologies Magazine. Elle est l’auteure de nombreux guides de
développement personnel dont La pensée positive, c’est malin ou encore
Ne plus se gâcher la vie, c’est malin (Éditions Leduc.s).

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à


l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers,
à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre est strictement
interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et
suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit
de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant
les juridictions civiles ou pénales.

Suivi éditorial : Cécile Dick


Design couverture : Laurence Maillet
Illustration de couverture : © Marie Bretin
Illustrations intérieures : Séverine Aubry
(www.severineaubry-illustration.com)

© 2018 Leduc.s Éditions (ISBN : 979-10-285-1107-4) édition


numérique de l’édition imprimée © 2018 Leduc.s Éditions
(ISBN : 979-10-285-1014-5).

Rendez-vous en fin d’ouvrage pour en savoir plus sur les éditions


Leduc.s

n° de commande : IZ1577049374.0831.34702
Catherine Aimelet-Périssol
et Aurore Aimelet

ÉMOTIONS :
QUAND C’EST PLUS
FORT QUE LUI !

Aider son enfant de 3 à 11 ans


à bien grandir

n° de commande : IZ1577049374.0831.34702
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Sommaire

Introduction......................................................................................................9

Chapitre 1. Changez de point de vue, changez de projet........... 11


Chapitre 2. Comprenez ce qui se passe en lui.....................................29
Chapitre 3. Redonnez du sens à l’émotion...........................................45
Chapitre 4. Identifiez ce qui se passe en vous.....................................67
Chapitre 5. Repérez son émotion..........................................................87
Chapitre 6. Optez pour la bonne réaction à chaud.......................... 125
Chapitre 7. Aidez-le à diminuer son émotivité
sur le long terme.....................................................................................155

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Sommaire

Conclusion.....................................................................................................179

Les étapes de l’émotion................................................................................181

Cartographie de la logique émotionnelle................................................... 183

Pour aller plus loin....................................................................................... 185

Table des matières........................................................................................ 188

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« Ne me dites pas de ne pas pleurer
De me calmer
D’être moins excessive
D’être raisonnable.
Je suis une créature émotionnelle,
C’est ainsi que la Terre a été créée.
Que le vent continue à polliniser.
On ne dit pas à l’océan Atlantique
De se contrôler. »
Eve Ensler*

* Je suis une créature émotionnelle, Éditions 10/18, 2011.

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Introduction
C hers parents, chers éducateurs, chers qui que vous soyez,
chers adultes soucieux de l’équilibre et du développement
de votre ou d’un enfant, courage ! Oui, courage. Nous sommes
avec vous et nous vous comprenons. Car nous aussi nous nous
sommes senties bien démunies devant la peur paralysante de l’un
de nos enfants (quatre pour l’une, deux pour l’autre), face à l’une
de ses colères noires ou à un gros chagrin inconsolable. Nous
aussi avons connu ce sentiment d’impuissance, d’abattement,
d’incompréhension lorsque surgit, sans prévenir, l’émotion d’un
tout-petit ou d’un plus grand. Nous aussi avons été bouleversées,
avons pensé de travers et réagi un peu n’importe comment. Et
pour cause.

C’est qu’elles nous brisent le cœur, ces émotions ! Et qu’elles


gâchent la vie de celui ou celle que nous sommes censés élever
dans un bonheur sans nuages. Malheureusement, force est de
constater qu’elles s’invitent au quotidien dans sa petite vie pour-
tant tranquille. Une priorité grillée au toboggan et c’est la rage qui
s’empare de l’enfant. Une remarque de la maîtresse et surgit une
angoisse existentielle : « Je suis nul ». Un Lego qui ne veut pas

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Introduction

s’emboîter dans son alter Lego et l’exaspération est à son comble


– et la construction entièrement menacée. Un « Je suis plus ton
copain » et le banni n’a plus que ses yeux pour pleurer. Petits
tracas ou gros soucis, tous ces événements créent chez l’enfant de
l’émotion, d’une drôle d’intensité.

Que faire quand il est débordé, dépassé par de bien vilaines sen-
sations, des sentiments fort désagréables ? Le hic, par-dessus le
marché, c’est qu’il n’est pas le seul à se sentir ébranlé. Lorsqu’il se
met dans tous ses états, nous sommes dans tous les nôtres ! Com-
ment comprendre et accompagner ce qui semble parfaitement in-
sensé ? La réponse se trouve dans la question : il s’agit de redonner
du sens à l’émotion, ce mouvement du corps puis de l’esprit qui
cherche à nous faire retrouver l’équilibre quand, tout simplement,
quelque chose ne va pas.

Car l’émotion, c’est ça : non pas un problème mais le début d’une


solution.

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1
Changez de point
de vue, changez
de projet

11

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« Qu’est-ce que je peux faire de ce qu’on a fait de moi ? »
André Gide

S atanées émotions ! Par quel mécanisme absurde ce tout-petit,


cet adorable bambin, si prompt à sourire quand il est détendu,
se met-il dans tous ses états ? Quand cela arrive, évidemment,
vous essayez de gérer, l’enfant, son émotion et la situation… sans
y arriver vraiment. Pourquoi ? Et si vous commenciez par prendre
du recul ?

◗◗ « Il faut que j’apprenne à gérer »


Vous vous êtes offert ce livre sur les émotions de l’enfant et, parce
que nous vous connaissons comme nous nous connaissons,
vous avez certainement une idée en tête : vous débarrasser une
bonne fois pour toutes de ce qui est embarrassant ! Et c’est
normal : vous avez bien remarqué que certains émois étaient
véritablement difficiles à vivre pour l’enfant. Ce savant mélange
de sensations physiques, de ressentis douloureux, de pensées
désagréables et de réactions à vif ne favorise en rien son bonheur,
ni son quotidien.

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Changez de point de vue, changez de projet

Mû par une volonté de le protéger, vous pensez qu’il vous in-


combe de le préserver autant que faire se peut des grands tsuna-
mis émotionnels. Enfin… pas tout à fait. Parce que, évidemment,
vous êtes parfaitement sensé et tout à fait mesuré. Votre objectif
n’est pas de bannir toute émotion du corps, de la tête et du cœur
de votre enfant. Vous avez opéré une sélection et en êtes arrivé à la
conclusion suivante : il faut vous débarrasser des mauvaises émo-
tions, celles que l’on dit négatives, toxiques, celles qui le dévorent
pour rien, le privent de ses moyens.

Car ces émotions-là ne sont acceptables qu’à certaines condi-


tions : la peine due à la disparition d’un animal de compagnie,
OK ; celle qui suit un « T’es plus mon copain », non. S’énerver
quand on n’arrive pas à faire ses lacets, oui ; mais quand on ne
veut pas prêter un jouet, faut pas exagérer. Avoir peur du noir,
ça passe ; avoir peur de la maîtresse, certainement pas, elle est
charmante.

Vous voilà arrivé à une conclusion implacable : parmi les émotions


qui traversent l’enfant, il y a celles que vous pouvez accepter et ac-
compagner ; et les autres, à bannir. ASAP. Halte à la jalousie, stop
à la culpabilité, haro sur l’angoisse, surtout quand elles semblent
totalement injustifiées. Vous savez que tout cela est mauvais pour
sa santé et gâche sa vie – et pour cause, ça gâche la vôtre. Alors,
votre décision est prise : vous n’allez tout de même pas laisser ces
émotions entraver le bon développement d’un plus petit.

Le problème, c’est que vous faites (un peu) fausse route…

Loin de nous l’idée d’affirmer qu’un bon vieux caprice ou un état


de profond désespoir, pour cause de départ inopiné du parc, est
agréable à vivre. Non, l’émotion, quand elle traverse un individu,

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« Il faut que j’apprenne à gérer »

Halte à la jalousie, stop à la culpabilité, haro sur l’angoisse !

bouleverse. Inévitablement, et quelle que soit la pointure de ses


chaussures. Non contente de déséquilibrer l’enfant, c’est bien vous
aussi, adulte, qu’elle atteint. Alors, évidemment, vous endossez le
rôle de celui ou celle qui, parvenu à maturité, est responsable.
Et vous vous dites en toute bonne foi : « Il faut que j’apprenne à
gérer ».

Gérer quoi ? Eh bien, deux choses. L’état légèrement probléma-


tique de l’enfant en proie à de vives émotions et les conséquences
qui en découlent, tout aussi pénibles à vivre. Logiquement, dans
un souhait de légitime quiétude et de bonheur relationnel, vous
tâchez de « gérer » et cherchez à limiter :
yy le malaise, la gêne, l’inconfort éprouvés par l’enfant (à l’inté-
rieur) ;
yy les situations à hauts risques émotionnels (à l’extérieur).

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Changez de point de vue, changez de projet

Intelligent comme vous êtes, vous avez compris intuitivement que


trois options s’offraient alors à vous : fuir ou éviter le problème
– du moins ce que vous considérez comme un problème ; le maî-
triser – ou demander à l’enfant de se maîtriser ; ou l’expliquer
pour lui donner un sens – qui vous échappe, à vous comme à lui.

Surtout, ne culpabilisez pas : vos réactions sont similaires aux


nôtres. Nous avons tous expérimenté ces trois façons de résoudre
la crise.

◗◗ Vous cherchez à lui épargner


toute souffrance… sauf que
c’est impossible !
Première bonne idée, pensons-nous : nous allons préserver l’en-
fant de toute frustration. Nous allons lui éviter de ressentir trop
de douleur et mettre tout en œuvre pour garantir son bien-être.
Quitte à être dans le déni, ou faire preuve de la plus parfaite
mauvaise foi : « Quoi ? Tu as peur des loups ? Mais non, chéri !
Les loups sont très gentils, les meilleurs amis des hommes. Sou-
viens-toi de Mowgly… »

Consciemment ou non, nous cherchons à lui épargner toute émo-


tion et/ou toute situation émotionnellement déstabilisante. Pour-
quoi ? Parce que nos croyances en la matière sont légion et qu’elles
sont tenaces. En effet, nous sommes convaincus que les émotions,
les mauvaises hein, empêchent l’enfant…
yy d’être bien dans sa peau ;
yy d’être beau, grand, fort et intelligent ;
yy d’avoir confiance en lui ;

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Vous cherchez à lui épargner toute souffrance…

yy de voir la vie du bon côté ;


yy de s’affirmer ;
yy d’être constant, de savoir ce qu’il veut ;
yy d’être heureux et joyeux ;
yy d’être mesuré, raisonnable ;
yy d’être tranquille et serein ;
yy d’être libre et indépendant ;
yy d’entretenir de bonnes relations avec ses camarades, ses profes-
seurs, sa Mamie, etc. ;
yy d’être aimé et respecté ;
yy de s’aimer et de se respecter ;
yy de savoir écouter – pour ne pas dire obéir… ;
yy de se protéger de situations et/ou relations toxiques ;
yy etc., etc.

Donc, au nom de son bien-être et de son épanouissement, nous


sommes persuadés que notre rôle est de le protéger. Nous devons
prendre en compte les besoins de l’enfant. Ses besoins physiques (la
moindre des choses), ses besoins affectifs (un enfant mal aimé de-
vient un adulte malheureux et stressé), ses besoins sociaux (lui don-
ner un maximum de chances de réussir sa vie sociale) et, bien sûr,
sa vie professionnelle (en commençant par lui choisir les bonnes
écoles). Et pour accomplir ce programme, nous avons besoin que
l’enfant soit au top ! C’est-à-dire non bouleversé, non ému.

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Changez de point de vue, changez de projet

Tu seras un homme, mon fils !


Et arrête de pleurer, Pénélope !
Dans la tête de l’adulte s’emmêlent trois époques : son passé et son
lot de difficultés, de peines et d’émotions refoulées ; le présent de la
relation avec l’enfant ; et le futur projeté de l’enfant, c’est-à-dire le rêve
du parent d’être un bon parent qui a élevé un fils merveilleux et une
fille parfaite.
Toutes ces informations se distinguent à peu près aisément à froid.
Mais face au comportement ému de l’enfant, face à sa panique, son
agressivité, sa détresse ou sa surexcitation, là, tout se brouille : nous
cherchons immédiatement une solution à ce qui nous apparaît faire
obstacle au beau projet. Une solution anti-émotion.
D’autant que la société est tout entière orientée dans cette voie : nous
ne cessons de chercher des solutions « anti » à la façon des antibio-
tiques qui traitent l’inflammation en réduisant le développement de
l’infection. Tout à fait adaptés à des maladies aiguës mettant en jeu le
pronostic vital, nous voyons aujourd’hui combien leur usage systéma-
tique devant le moindre petit rhume a entraîné un affaiblissement du
corps, de moins en moins résistant.
Il en est de même pour les émotions : la médecine suggère de prendre
des calmants, des anxiolytiques (anti-angoisse), des antidépresseurs, des
anti-bipolaires, des anti-insomnies, des modulateurs de l’humeur, des sti-
mulants pour acquérir la zen attitude.
Le bien-être est vendu comme une panacée et les émotions ne sont
tolérées que quand elles relèvent de situations d’exception. Et encore.
Si la douleur du deuil dépasse un temps considéré comme normal, c’est
que nous devons nous soigner pour retrouver notre bien-être.
L’enfant grandit dans un monde aseptisé dans lequel il doit correspondre
à ce schéma.

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Vous voulez maîtriser son comportement…

Cela signifie, en clair, que nous attendons inconsciemment de


l’enfant qu’il nie ce qu’il ressent. Ou, du moins, qu’il se taise et
garde pour lui ce qui le bouleverse, le contrarie, le déstabilise.
Pas vu, pas pris. Bien sûr, consciemment, nous savons que c’est…
mission impossible. Nous ne pouvons pas lutter contre la bio-
logie ! Ni contre les aléas de la vie. L’individu ne se développe
qu’en se confrontant aux autres et aux événements, que nous le
voulions ou non.

Mais nous faisons comme si, nous nous confortons dans ce fan-
tasme, reprenons notre course effrénée pour éviter à l’enfant ces
satanées émotions. Évidemment, nous faisons régulièrement l’ex-
périence que nos efforts sont comme un cautère sur une jambe de
bois ! Pire, nos tentatives de « gestion » nous renvoient à un sen-
timent d’échec et d’impuissance, ce qui crispe plus encore notre
intention d’y arriver.

Et si nous trouvions autre chose ?

◗◗ Vous voulez maîtriser son


comportement et/ou qu’il se
maîtrise… sauf que lui ne fait
pas exprès !
Autre option, quand nous ne pouvons pas fuir ou éviter le pro-
blème, lutter contre, dompter l’animal (l’émotion), contrôler l’en-
fant et la situation : « Stop ! Ça suffit, tout ça n’est qu’un caprice.
Tu te comportes comme un bébé. Tiens-toi correctement. »

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Changez de point de vue, changez de projet

Là, nous exigeons de l’enfant qu’il se contrôle, qu’il se maîtrise,


qu’il se « gère » lui-même. Sauf que lui, comme l’adulte d’ailleurs,
n’est pas en mesure de « gérer » ce qui est avant tout un phéno-
mène automatique : quelque chose est arrivé qui l’a déstabilisé
et une réaction émotionnelle s’est enclenchée. Il ne peut stricte-
ment rien à ce processus qui, depuis la nuit des temps, lui permet
de survivre. S’il peut apprendre à l’accueillir, à l’écouter, à réagir
autrement, il ne peut pas le faire disparaître, ni faire comme s’il
n’était pas là. Que voulez-vous, c’est la nature !

Il convient donc de prendre un peu de recul : l’enfant n’exprime


pas sa colère, via un bon gros caprice par exemple, dans le seul
but de nous faire enrager. Il est temps d’en finir avec cette façon
de considérer les soi-disant enfantillages : la « fausse » colère,
comme la peur « déraisonnable » ou la tristesse « démesurée »
n’existent pas. Derrière une réaction émotionnelle se trouve tou-
jours une intention. Sur le moment, elle nous échappe peut-être.
Mais c’est d’abord à l’enfant lui-même qu’elle échappe puisqu’elle
échappe à sa conscience.

Si personne ne peut contrôler l’apparition d’une émotion, pas


même les moines tibétains, l’enfant, lui, a encore moins les moyens
de la canaliser. C’est qu’il est mû par un élan vital extrêmement
puissant et vit toujours un peu selon un certain « principe de
plaisir ». Tout ce qui va à l’encontre de son désir, qui pour lui est
synonyme de survie confortable, engendre un déséquilibre. Aux
yeux de l’adulte, l’enfant en fait tout un plat, il dramatise. Sauf
qu’à l’intérieur, à hauteur d’enfant, c’est véritablement le drame.

Paroles de parents : Jean, papa de Gabriel, 5 ans

« Ce soir-là, Gaby s’est effondré. Son ami Aman lui avait


dit dans l’après-midi qu’il n’était plus son copain. Des his-
toires de gamins, quoi. Mais il prenait ça très au sérieux.

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Vous voulez maîtriser son comportement…

Il était triste, désespéré, il n’arrêtait pas de pleurer en di-


sant : « On ne jouera plus jamais ensemble, avec qui je vais
parler à la récré, et il ne va pas m’inviter à son anniversaire,
c’est sûr, j’aurai plus jamais de copain comme lui ». J’ai pris
Gaby dans mes bras, je lui ai lu une histoire, je lui ai dit que
ça allait passer, que ça allait s’arranger. Rien à faire. Il a dû
s’endormir avec ma femme dans notre lit. »

L’avis du psy

Pour un enfant qui est attaché à un copain avec lequel il


partage sa vie, toute séparation est vécue comme un rejet
insupportable. Précisément parce que sa vie est en jeu : ses
repères affectifs, ses habitudes, sources de confiance, son
identité de bon copain sont remis en question. Un ressenti
de vide traduit cette rupture. Les parents n’y peuvent rien
mais ils peuvent prendre en compte le drame, écouter ce
qui se joue dans cette séparation et l’aider à traverser cette
épreuve naturelle. La minimiser, la dramatiser, l’ignorer ne
peut que déstabiliser l’enfant davantage : non seulement
il vit un gros chagrin mais en plus il lui apparaît par le
comportement de ses parents que ce qu’il ressent ne leur
convient pas.

L’enfant apprend, peu à peu, à vivre selon le principe de réalité. À


force d’expériences et de rencontres avec la réalité, il intègre que
les limites existent : les siennes (physiques par exemple), celles
de son entourage (la patience de ses parents, la tolérance de sa
maîtresse) et celles de son environnement (la matière, le temps,
l’espace). Au fur et à mesure, il comprend et accepte qu’il ne peut
pas tout, que sa puissance n’est pas infinie. Mais tout cela prend
du temps, beaucoup de temps et reste en cours d’apprentissage
– même après l’âge dit de raison, 7 ans, il subsiste un certain sen-
timent d’omnipotence…

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Changez de point de vue, changez de projet

Voilà pourquoi, confronté à la réalité, il tombe véritablement de


haut, de bien plus haut que les adultes, qui, forts de leur plus
grande expérience, sont moins secoués. Pour l’enfant, tout événe-
ment qui met à mal son désir, son besoin, est un drame. Il souffre
pour de vrai. Et ce qu’il éprouve est vraiment plus fort que lui.

Alors, encore une fois, trouvons autre chose…

◗◗ Vous lui expliquez pour qu’il


comprenne et qu’il arrête…
sauf que ça le dépasse !
Ultime solution quand la situation nous échappe, et que l’état de
l’enfant ne s’arrange pas : les fameuses explications. En ayant pris
soin de nous positionner à sa hauteur, nous le regardons dans les
yeux et essayons de (le) raisonner : « Attends, je vais t’expliquer,
calme-toi. Tu vas très bien comprendre. »

Seulement, l’enfant a bien du mal à comprendre ce qui se passe


à la fois en lui et à l’extérieur. Il vit une expérience qui dépasse
sa compréhension car il est littéralement submergé par un mé-
lange de sensations inconfortables, de sentiments douloureux et
de pensées désagréables. Il ne peut pas continuer à jouer et cela le
rend triste : il aurait voulu finir sa construction. On lui refuse un
gâteau et il se met en colère : il avait vraiment envie de sucré. Le
magasin de billes est fermé et il a peur : et s’il était le seul à ne pas
avoir de billes demain à l’école ?

Mais rien de cela n’est vraiment conscient. Parce que, nous l’avons
dit, la réaction émotionnelle est automatique et non consciente.

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Vous lui expliquez pour qu’il comprenne et qu’il arrête…

Mais surtout parce que, lorsqu’enfin le cerveau archaïque envoie


au cerveau cognitif l’information que « quelque chose ne va pas »
et que ce dernier se met en marche pour régler le problème, eh
bien, l’enfant comprend encore moins !

Pourquoi lui interdit-on de finir sa construction, de manger un


gâteau, d’acheter des billes ? L’enfant a beau réfléchir, il lui est dif-
ficile de comprendre la raison pour laquelle on refuse de lui faire
plaisir. Pour lui, seule la satisfaction de son désir parviendrait à
l’apaiser puisqu’il comblerait son besoin.

Le cerveau immature
de l’enfant
Inutile de mettre la charrue avant les bœufs ! Sachez que le cerveau
de l’enfant n’arrive pas à maturité avant l’âge de… 21 ans au mieux ! En
général, 25. La « maturation » se développe en trois grandes phases :
• Jusqu’à 7 ans, c’est surtout le corps de l’enfant qui réagit aux évé-
nements, sous l’influence du cerveau reptilien ; son néocortex est
encore peu développé et n’a pas la capacité de modérer et tempé-
rer cette réactivité.
• De 7 à 14 ans environ, le cerveau devient de plus en plus capable
de concevoir l’abstraction et de se représenter les événements et
les apprentissages ; l’enfant peut alors réfléchir à ses propres com-
portements.
• De 14 à 21 ans (ou 25, rappelez-vous…), le cortex préfrontal se
développe entièrement ; l’adolescent puis le jeune adulte peuvent
alors, petit à petit, analyser, prendre du recul, faire des choix
conscients, en parler, etc.

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Changez de point de vue, changez de projet

Nos explications plausibles d’adultes n’y changent rien. Nous


commettons souvent l’erreur de projeter sur l’enfant des raisonne-
ments d’adultes. Nous croyons lui apporter une preuve irréfutable
quand, par exemple, nous invoquons la notion du temps : « Il est
18 heures, arrête de jouer » ou « On est dimanche, le magasin de
billes est fermé » ou celle du budget : « Pas de billes, c’est trop
cher » ou « On ne va pas acheter de gâteau, on en a à la maison ».

Considérant cela, trouvons autre chose.

◗◗ Fichez-lui la paix ! Il exprime


comme il peut ce qui ne va pas
Et si nous changions de point de vue, et si nous changions de pro-
jet ? Sans abandonner, ni baisser les bras, sortons de nos peurs et
de nos projections hasardeuses pour reconsidérer le problème et
voir la réalité telle qu’elle est. Que se passe-t-il en vrai ? Dans l’in-
capacité de mettre des mots sur des maux, mais pressé d’évacuer
la pression intérieure, de résoudre la situation qui lui pose pro-
blème, l’enfant n’a d’autres choix que d’exprimer ce qu’il ressent
avec ses moyens à lui :
yy Il s’échappe, il s’agite, il fait l’andouille, il rigole pour rien…
yy Il crie, il tape, il casse, il fait mal aux autres…
yy Il pleure, il se cache, il se tait, il rêve, il est ailleurs…

Bref, il exprime sa contrariété parce que, décidément, que valent


deux euros (le prix des billes) en comparaison d’un sentiment
d’appartenance (ce qu’il obtiendrait s’il avait enfin le même jeu
que ses camarades ?) Quel est le rapport entre une heure (18, en
l’occurrence) et son besoin physiologique (il a faim) ?

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Fichez-lui la paix ! Il exprime comme il peut ce qui ne va pas

Voilà pourquoi notre premier pas doit être de redonner aux émotions
tout leur sens, toute leur fonction. Nous sommes convaincus que ce
qui émeut l’enfant doit être accessible au bon sens ou aux efforts.
Aux nôtres comme aux siens. Seulement, nous oublions qu’avant de
raisonner avec la partie de notre cerveau qui parle et qui pense, nous
résonnons avec une partie de notre cerveau bien plus archaïque. Avant
de réfléchir au problème avec le mental, nous réagissons d’abord avec
le corps, en cas de problème. Évidemment, nous le comprendrons
plus précisément dans les prochains chapitres.

Halte aux injonctions


occultes !
Sans en avoir bien conscience, nous transmettons à l’enfant des mes-
sages subliminaux qu’il intègre peu à peu comme des vérités absolues.
Parce que, physiologiquement, nous n’aimons pas être bouleversés
nous-mêmes, nous lui enjoignons de se comporter d’une manière telle
qu’elle ne réveille pas nos propres craintes. Ces messages automa-
tiques mais très contraignants agissent ensuite comme des règlements
intérieurs limitants. Quels sont-ils ?
• Sois parfait !
• Sois fort !
• Fais des efforts !
• Fais(-moi) plaisir !
• Dépêche-toi !
Pendant plusieurs semaines, tâchez de porter plus d’attention à vos
paroles, vos demandes, vos exigences, vos « intentions occultes » et
essayez de repérer ce que, sans en avoir bien conscience, vous attendez
de l’enfant. Ce recul vous permettra de tempérer vos injonctions et de
redonner à l’enfant davantage de liberté.

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n° de commande : IZ1577049374.0831.34702
Changez de point de vue, changez de projet

Pour l’heure, contentons-nous de cette vérité absolue : si l’enfant


est ému, c’est que son corps puis sa tête ont décelé, dans la réa-
lité, quelque chose qui leur pose problème. Que ce problème
nous échappe et lui échappe n’est pas le problème. L’émotion est
un signal d’alarme. En voulant la « gérer », avec ou à la place de
l’enfant, nous sautons une étape.

Nous cherchons à obtenir un résultat satisfaisant (on se demande


pour qui…) avant d’avoir pris en compte les étapes biologiques de
l’émotion. Celle-ci est un processus vital qui anime tous les êtres
vivants. Bien sûr, chacun réagit selon un modèle défensif qui lui
est propre. Mais nous avons tous une même finalité : vivre.

Votre volonté, votre motivation, votre détermination et surtout tout


votre amour ne peuvent rien contre un processus archaïque qui
permet à l’enfant de rester en vie. Décidément, il va falloir trouver
autre chose. Rassurez-vous, c’est tout l’enjeu de cet ouvrage.

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Fichez-lui la paix ! Il exprime comme il peut ce qui ne va pas

LES IDÉES CLÉS

L’émotion est un processus naturel et vital qui parle du


vécu de l’enfant. À ce titre, il ne se « gère » pas mais se
comprend.

L’enfant apprend de ses propres expériences, les bonnes


comme les pénibles. Vouloir les lui épargner à tout prix,
c’est risquer de le priver de ses ressources, des ressources
dont il a besoin pour réagir aux difficultés inévitables de
la vie.

L’émotion s’enclenche de façon automatique et non


consciente, sans intention de mal faire ou de faire du mal.
Elle témoigne d’une forte pression intérieure chez l’enfant
confronté à une situation qui le dépasse.

Le caractère biologique de l’émotion le rend sourd à vos


tentatives de lui faire entendre raison. C’est normal : sous
le coup, dans l’urgence, émotion et raison sont
incompatibles.

Plutôt que de porter votre attention sur l’inconvénient


d’être ému, soyez à l’écoute de ce que vit (intensément)
l’enfant.

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2
Comprenez ce qui
se passe en lui

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« Éduquer un enfant, ce n’est pas remplir des vases,
c’est allumer des feux. »
Montaigne

I l est terrorisé, il hurle, il pleure… Que se passe-t-il ? Rien ou


presque. L’enfant, être humain soumis à la loi de la biologie
comme nous tous, réagit à quelque chose qui l’a contrarié en
éprouvant une émotion. C’est tout ? Oui. Mais c’est énorme ! Per-
sonne, pas même lui, n’est ému pour rien. Personne ne peut créer
de l’émotion par la seule force de la volonté !

◗◗ Nature et fonction de l’émotion


Pour ces premiers pas dans le monde merveilleux des émotions
– si, si, vous allez voir –, nous allons nous intéresser d’abord à
l’intéressé lui-même : l’enfant. Évidemment, quand celui-ci ne va
pas bien, vous n’allez pas bien. Mais pour réagir à bon escient au
trouble de l’enfant, il vous faut avant tout comprendre la logique
de l’émotion.

Logique ? Oui, logique. Ce qui se passe à l’intérieur de lui, dans


son corps, puis dans sa tête et jusque dans son cœur, suit un pro-

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Comprenez ce qui se passe en lui

cessus qui a du sens et une fonction. Pourquoi ? Parce qu’il a beau


être petit par la taille, et inexpérimenté, il est un être humain. Or
tout le monde, hommes et femmes confondus, bien avant 7 ans
et au-delà de 77, quelles que soient sa culture ou sa personnalité,
bref, l’individu lambda est mû par une mécanique émotionnelle
bien huilée, et ce, depuis la nuit des temps.

Revenons en arrière et voyons comme la nature est bien faite.


Évidemment, quand vous voyez l’enfant se mettre dans tous ses
états, vous pensez qu’il est submergé par une foule d’émotions.
En réalité, il en existe quatre, fondamentales, essentielles, car elles
ont pour but de maintenir la vie :
yy la joie
yy la peur
yy la colère
yy la tristesse

Quatre émotions ?
C’est tout ?
Et la jalousie dans tout ça ? nous direz-vous. La honte ? La surexcita-
tion ? Eh bien, figurez-vous qu’elles sont des émotions secondaires, des
déclinaisons des émotions primaires et initiales :
• Dans l’agitation, l’enthousiasme, la curiosité… on distingue la joie.
• Dans la surprise, l’effroi, l’anxiété, l’impatience… on retrouve la peur.
• Dans le rejet, le dégoût, la culpabilisation, la honte… se cache la
colère.
• Dans le désœuvrement, l’ennui, la fatigue mentale, l’alexithymie
(l’absence d’émotion apparente), la culpabilité… on repère la tristesse.

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Nature et fonction de l’émotion

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Comprenez ce qui se passe en lui

Si nous mettons de côté la première de ces drôles de dames, les


trois autres ne sont pas faciles à vivre. Ce qui est éprouvé est
véritablement éprouvant. Seulement, que voulez-vous, c’est vi-
tal ! Une émotion, agréable ou non, surgit dès que le cerveau
perçoit une information liée à l’existence. Celui-ci la « traite » et la
« classe » de façon automatique, sans réfléchir, commenter, juger,
etc. Il se contente de la considérer en termes de « bon/pas bon ».

Et le cerveau de l’enfant n’est pas différent du vôtre ! Il reçoit l’info et…


yy … option 1 : il la considère comme neutre. Il n’a rien à faire et
l’enfant n’éprouve aucune émotion particulière ;
yy … option 2 : il la considère comme « bonne » car favorable à
l’existence. Il réagit et l’enfant ressent de la joie ;
yy … option 3 : il la considère comme « pas bonne » car défavo-
rable à l’existence. Il réagit et l’enfant ressent, au choix, l’une,
voire un savant mélange, des trois émotions de défense, c’est-
à-dire la peur, la colère ou la tristesse.

◗◗ Une information d’abord


perçue par le corps
Petite précision de taille ! Vous lisez cet ouvrage avec le désir, le
souhait de parvenir à mieux « gérer » les émotions de l’enfant.
Nous l’avons expliqué dans le premier chapitre, votre projet va
sans doute se modifier au fil des pages. Car, autant vous le dire
tout de suite, vous n’y parviendrez pas. La joie, pas plus que la
peur, la colère ou la tristesse n’est « gérable ». Personne ne choisit
d’éprouver tel ou tel ressenti consciemment, à la seule force de la
volonté. Non, le système ne fonctionne pas comme ça puisque les
émotions échappent d’abord totalement à notre conscience.

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Une information d’abord perçue par le corps

Explications enfantines : nos cinq sens perçoivent quelque chose ;


ils relayent l’information au cerveau dit « reptilien » car c’est la
partie la plus ancienne, celle que nous avons en commun avec les
reptiles ; ce cerveau-là, qui fonctionne de façon très archaïque, en
termes de « bon/pas bon », va ordonner presque immédiatement
une réaction ; mais le premier mouvement, qu’il soit de « capta-
tion » en cas d’information sympathique ou de « défense » en cas
d’information désagréable, sera d’abord corporel.

C’est en effet le corps qui réagit, bien avant que l’esprit ne prenne
le relais :
yy Si l’information est jugée « bonne », l’enfant va spontanément
sourire, ses yeux s’illuminent, son corps s’ouvre, il respire am-
plement.
yy Si l’information est jugée « pas bonne », l’enfant va s’agiter, les
traits de son visage se crispent, il est comme absent à la situa-
tion car tout en tension, son regard se ferme, sa respiration se
fait plus courte, voire se suspend un moment.

La métaphore
de l’escalator
Nous avons déjà évoqué cette image dans notre ouvrage consacré aux
émotions*. Mais nous ne résistons pas à l’envie de la reproduire ici, tant
elle est parlante. Cerise sur le gâteau, l’enfant peut en faire l’expérience.
N’hésitez pas à lui en parler lors de vos prochaines escapades dans les
transports en commun ou au supermarché !
Que se passe-t-il quand vous vous avancez vers un escalator ? De
toute évidence pour vous, à la fois dans votre corps en mouvement qui

* Émotions : quand c’est plus fort que moi, éditions Leduc.s, 2017.

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Comprenez ce qui se passe en lui

en a fait moult fois l’expérience, et donc dans votre mémoire, cet es-
calator fonctionne. Vous vous attendez à le voir bouger sous vos yeux
et préparez votre corps au mouvement qui vous fera mettre les pieds
sur l’escalier roulant. C’est là un automatisme géré par votre cerveau
archaïque, hors de toute analyse ou réflexion. Et là, face à vous, vous
voyez qu’il est inerte, bloqué.
Au moment où vous allez mettre un pied sur l’escalier mécanique, votre
corps va réagir : il va être instinctivement, automatiquement, en réso-
nance avec la situation. Peut-être pressé et poussé vers l’avant, vous
allez monter à toute allure. Peut-être saisi d’étonnement, vous allez
sursauter, marquer un temps d’arrêt et chercher une solution. Peut-être
épuisé devant l’escalator inerte, vous allez péniblement monter.
Votre cerveau a été surpris. Pourquoi ? Comment ce simple événe-
ment peut-il susciter votre réactivité ? Parce qu’il avait mémorisé le
lien, le mouvement, le processus entre la situation extérieure (cet es-
calator m’amène là où je veux aller) et l’expérience corporelle (sans
peine, avec satisfaction) déjà enregistrée dans votre mémoire.
Très vite, dans le cerveau réfléchi, vous traiterez cette information : les
gens montent à pied bien sûr, l’escalator est en panne… Cette analyse
se fera dans un second temps : vous trouverez du sens et des explica-
tions, vous réaliserez peut-être que vous êtes contrarié et commente-
rez la situation en vous disant que vous n’avez jamais de chance ou que
les escalators sont tout le temps en panne ou que ça n’arrive qu’à vous
ou encore que vous feriez mieux de prendre l’escalier car cela vous
ferait du bien…
Donc, le cerveau automatique va commander au corps de réagir de
façon habituelle, connue et enregistrée. Or, la situation bien réelle est
inhabituelle et demande à ce cerveau de s’adapter à cette nouvelle ré-
alité. Il est surpris et donc vous voilà surpris. Le côté inerte de l’escalator
dont on attend le mouvement va résonner dans votre mémoire à ce
niveau non pensé et non raisonné, mais bel et bien vivant.
La situation nouvelle va évoquer quelque chose qui échappe à
votre conscience, à votre connaissance rationnelle même, mais qui
n’échappe pas à votre mémoire corporelle. Vous aurez beau savoir

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Ému pour un rien, jamais pour rien

que la situation, ici, n’est pas habituelle, puisque l’escalator est en


panne, et vous raisonner sur la situation, n’empêche ! Le mouvement
corporel va se produire : fatigué avant même de commencer à
monter les marches ou au contraire tendu et pressé, c’est votre corps
qui a parlé d’abord.

Ensuite, bien évidemment, la pensée, la conscience, le jugement,


le raisonnement, la volonté, le recul vont intervenir dans le pro-
cessus : ils vont faire cheminer l’émotion. Nous y reviendrons
plus tard. Pour l’heure, retenez que la joie, la peur, la colère et la
tristesse sont des phénomènes qui commencent d’abord dans le
corps.

C’est pourquoi il est inutile, quand l’enfant a perçu, à tort ou à rai-


son, quelque chose qui a l’a déstabilisé et qui l’a rendu de bonne
ou de mauvaise humeur, de vouloir gérer l’émotion, en essayant
de la faire disparaître, de la maîtriser ou de l’expliquer en deman-
dant à l’enfant de se servir de son psychisme : ce qui le traverse est
avant tout physique, et même physiologique. Sa tête, sous le choc
émotionnel, ne peut rien pour lui.

◗◗ Ému pour un rien,


jamais pour rien
Voilà pourquoi l’émotion est logique ! L’enfant n’a jamais peur,
n’est jamais en colère, n’est jamais triste pour rien. Il s’est forcé-
ment passé quelque chose, dans la réalité, pour que le mécanisme
s’enclenche. Un événement extérieur a bien eu lieu et il résonne
maintenant à l’intérieur. Nous avons tous une « bonne » raison de
ressentir ce que nous ressentons, quand bien même cette raison

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Comprenez ce qui se passe en lui

échappe à notre raisonnement – et plus encore à celui de l’enfant


qui commence tout juste ses expérimentations et manque de recul
pour faire le lien ; mais comment l’en blâmer lui, quand nous
autres, adultes et vaccinés, avons bien du mal à le faire nous-
mêmes ?

Paroles de parents : Myriam, maman de Paul, 6 ans

« Moi, je trouve ça dingue ! Voir parfois Paul frôler la crise


de nerfs si je lui refuse un bonbon, ça me dépasse. Le pire,
c’est que certains jours, il accepte tranquillement que je
dise non. Mais quand il est mal luné, ça peut prendre des
proportions incroyables. Il devient tout rouge et hurle à la
mort. Vraiment, je ne comprends pas. Ce n’est pourtant
pas un enfant capricieux. »

L’avis du psy

Il arrive que le « non » soit la goutte d’eau d’un vase qui


s’est rempli insidieusement à partir d’un événement qui a
pu échapper à la conscience du parent comme à celle de
l’enfant ; mais pas au corps de celui-ci. Est-ce le ton du
« non », le visage contrarié du parent ou un précédent inci-
dent dans lequel l’enfant s’est senti en danger, rejeté ?

L’enfant a donc une « bonne » raison d’éprouver ce qu’il éprouve,


bonne pour lui, bonne pour sa survie, bonne pour recouvrer sa
vitalité. Quelque chose a bouleversé son équilibre, il lui faut im-
pérativement le retrouver, et vite fait, s’il vous plaît. Son cerveau
a jugé, de façon automatique et non consciente, que l’information
n’était pas bonne. Se déclenche alors dans son corps une sensa-
tion de malaise, qui, sans qu’il ait à réfléchir, va déclencher chez
l’enfant, un système de défense. Comment va-t-il se défendre ?
Trois possibilités vont s’offrir à lui.

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Se défendre coûte que coûte !

Nous faisons ici un aparté pour vous raconter une histoire de…
rats ! Loin de nous l’idée de comparer l’enfant au rongeur mais
force est de constater que tous deux se ressemblent, comme nous
tous d’ailleurs. Dans les années 1970-1980, Henri Laborit, neu-
robiologiste français (1914-1995), étudie le comportement et les
réactions des rats devant un danger, lorsqu’un choc électrique est
envoyé dans les barreaux de leur cage.

Les rongeurs réagissent ainsi :


yy Lorsque la possibilité lui est offerte, le rat s’enfuit dans une
cage adjacente. Naturellement, il opte pour la fuite et retrouve
sa vitalité.
yy Si cela n’est pas possible (la porte de communication est fer-
mée), l’animal mord les barreaux et montre des signes d’agres-
sivité. Si un autre rat est introduit dans la cage, les animaux
se battent, se griffent violemment. Ils maintiennent ainsi leur
énergie vitale.
yy Si le rat est seul dans la cage, alors son action est « inhibée »,
rendue impossible : la fuite n’est pas une option, pas plus que
la lutte avec un autre. Il n’a d’autre choix que de se replier sur
lui-même en attendant que ça se passe. À force, il en tombe
malade.

◗◗ Se défendre coûte que coûte !


L’enfant dispose du même kit de survie que le rat. Lorsque quelque
chose est arrivé qui a été jugé défavorable à son équilibre, il va
mécaniquement éprouver :
yy de la peur qui va déclencher la fuite ;
yy de la colère qui va déclencher la lutte ;
yy de la tristesse qui va déclencher le repli sur soi.

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Comprenez ce qui se passe en lui

Automatiquement, en cas de danger ou de menace – ou plutôt ce


qui a été jugé comme tel par le corps – l’enfant va tenter de fuir ;
s’il est dans l’incapacité de le faire, l’enfant tentera de lutter ; et si
rien ne fonctionne, ni la fuite ni la lutte, l’enfant va subir la situa-
tion, se replier sur lui-même, en essayant simplement de survivre
et de conserver a minima sa propre vitalité… en attendant que ça
passe.

En voici le déroulé de façon schématique et visuelle :

L’émotion est donc un système d’alarme : quand quelque chose ne


va pas, ne convient pas, va à l’encontre de nos besoins, c’est tout
notre corps, bien avant notre esprit, qui se met en branle et réagit.
Démunis d’émotions, nous ne pourrions pas survivre une seconde
dans ce monde complexe, pour ne pas dire de brutes !

Jusqu’ici vous comprenez très bien que ressentir de la peur est


bien utile quand l’enfant se trouve nez à nez avec une bête féroce.
Mais quand il l’imagine tapie sous son lit ? À quoi sert cette émo-
tion quand elle ne sert à rien puisque, objectivement, vous venez
de vérifier, aucun loup ni aucun crocodile ne se sont installés chez
vous récemment.

Malheureusement, l’émotion est logique mais elle ne répond pas


à la logique de l’esprit. Nous l’avons déjà évoqué : lui démontrer
par A + B qu’il ne court aucun risque et qu’aucun méchant ne va
venir le kidnapper dans la nuit ne sera pas suffisant pour l’apaiser.

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Quand la mémoire joue des tours

L’imagination de l’enfant témoigne, avec une loupe grossissante et


un haut-parleur, d’un état d’alerte intérieur.

Celui-ci vient peut-être d’une situation antérieure qui ne s’est pas


exprimée sur le moment et qui a peu à voir avec ce qu’il raconte.
L’état a enflé et enflammé l’imagination pour pouvoir être dit. L’en-
fant est lui-même dupe du conte imaginaire qu’il se raconte. Et
plus on essaye de le rassurer, plus son imagination s’enflamme…
Elle sert à exprimer un mal-être confus mais bien réel.

◗◗ Quand la mémoire joue


des tours
Il nous faut ici parler du rôle de la mémoire dans le processus
émotionnel. Car le comprendre vous permettra de mieux appré-
hender les réactions de l’enfant. Mais avant, nous allons prendre…
le métro.

Une histoire banale


Après les escalators, prenons le métro. Cela nous est arrivé à tous :
c’est l’heure de pointe et nous sommes dans la rame, coincés, serrés,
enfermés, presque étouffés. Que ressentons-nous alors ? Eh bien, il y
a de grandes chances pour que, au choix, nous éprouvions de la peur,
de la colère ou de la tristesse. Nous avons les sensations à vif. Mais ce
n’est pas une vue de l’esprit : notre corps se souvient que c’est une très
mauvaise idée de ne plus pouvoir bouger ! Donc il réagit.

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Comprenez ce qui se passe en lui

Le rôle de la mémoire serait-il de nous souvenir des belles


choses, de retrouver intacts nos apprentissages, ou encore de
conserver des expériences difficiles pour éviter d’y être de nou-
veau confrontés ? En réalité, la mémoire facilite notre adaptation
au monde.

Avec la mémoire, nous sommes au pays de la connaissance ; nous


allons donc réagir aux événements qui surgissent en connaissance
de cause. Avec la mémoire naît ce que l’on appelle les filtres de
perception, ces écrans qui se superposent à la réalité en nous la
faisant voir sous un certain angle. Mais lequel ?

La mémoire la plus archaïque et inconsciente est la mémoire cor-


porelle : elle retient les informations qui, dès la vie intra-utérine,
ont « marqué » le corps, surtout durant les trois premières années
de la vie. Elle suit la même intention que l’émotion : retenir les
événements qui vont dans le sens du plaisir et ceux qui vont dans
le sens du danger pour la vie.

« Bon/pas bon », tel est le code binaire qui sert de support à la


mémoire initiale. À partir d’elle, les mémoires des cerveaux plus
élaborés vont reproduire le même schéma, mais sur un mode de
plus en plus conscient. De la mémoire corporelle aux appren-
tissages, grâce à toutes sortes de moyens mnémotechniques, en
passant par la mémoire de la langue maternelle acquise sans ap-
prentissage, la mémoire, c’est pour le meilleur… ou pour le pire !
yy Le meilleur puisque nous avons enregistré ce qui favorise la
vitalité et ce qui risque de la mettre en péril.
yy Le pire car nous cherchons toujours à reproduire le connu sa-
tisfaisant, quitte à nous enfermer dans des (mauvaises) habi-
tudes ; car nous projetons le connu douloureux du passé sur
les événements du présent et nous nous privons alors de la
possibilité de considérer la réalité d’un œil neuf et créatif.

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Quand la mémoire joue des tours

La mémoire fait partie intégrante de l’émotivité qu’elle alimente en


commentaires et en croyances. La tentation serait d’en faire table
rase, ce qui est évidemment impossible ! Elle explique – sans jus-
tifier – que l’enfant n’est jamais ému pour rien mais parce que
quelque chose de sa mémoire ancienne et corporelle a été réveillé
inconsciemment par une situation. L’émotion témoigne de ce ré-
veil douloureux par un mouvement de survie.

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Comprenez ce qui se passe en lui

LES IDÉES CLÉS

Comme toute manifestation du corps, l’émotion a une


fonction vitale. Elle sert à rétablir l’équilibre quand celui-ci
a été perturbé, quand quelque chose est venu
l’interrompre.

Avant de devenir éventuellement consciente et de pou-


voir peut-être la nommer, l’émotion témoigne d’un effet
de résonance du corps dans la situation. À force de ne
voir que les capacités mentales de l’enfant (et des adultes),
on en oublie notre réalité biologique…

Même si notre raison d’adulte nous fait évaluer la situa-


tion comme insignifiante, l’émotion ne se manifeste
jamais pour rien.

Sur le moment, le corps a les moyens de retrouver l’équi-


libre pour défendre son intégrité. Ainsi se manifeste
l’émotion par la fuite, la lutte, le repli sur soi ou
l’excitation.

Plutôt que de vous demander « Pourquoi se comporte-t-il


comme ça ? », posez-vous la question du « Pour quoi ? ».
La réponse : pour restaurer son équilibre car sa mémoire,
d’abord corporelle puis cognitive, le presse en ce sens.

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Redonnez du sens
à l’émotion

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« L’homme devient meilleur quand on lui montre ce qu’il est. »
Anton Tchekhov

L a question que vous vous posez sûrement est la suivante :


qu’obtient l’enfant grâce à la peur, la colère ou la tristesse ? En
quoi les émotions sont-elles indispensables à la survie alors qu’il y
a encore peu de temps, vous étiez persuadé qu’elles lui gâchaient
la vie ? Découvrir leur sens vital vous permettra de mieux com-
prendre ce qui anime l’enfant. Et d’y répondre à bon escient.

◗◗ Un mouvement naturel
pour aller mieux
Quelque chose a donc bouleversé l’enfant, un élément que son
cerveau a déterminé comme « pas bon » car totalement défavo-
rable à sa survie, ou son équilibre. Mais soyez-en convaincu : der-
rière toute peur, toute colère, toute tristesse, qu’elle vous paraisse
légitime ou insensée, se cache un manque. L’un des besoins de
l’enfant est mis à mal, un besoin vital. Alors, son corps d’abord,
sa tête ensuite, réagissent et se défendent. Simple, non ? Basique.

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Redonnez du sens à l’émotion

Vous ne voyez pas de quel besoin il s’agit ? Nous admettons volon-


tiers que le lien de cause à effet est parfois difficilement repérable.
Quand l’enfant perd son doudou et s’effondre, nous comprenons
aisément qu’une émotion surgisse : il a peur que l’objet tant chéri
lui manque, il est en colère contre lui-même ou simplement triste à
l’idée de ne plus jamais le revoir. Dans ces cas-là, nous voyons bien
comme l’émotion comble son besoin puisqu’elle remplit son vide.

C’est quoi, au juste, un besoin ?


Différents des désirs et des envies, les besoins fondamentaux de l’être
humain sont, comme leur nom l’indique, tout ce dont il a impérative-
ment besoin pour vivre et se construire. Ils ont été identifiés et clas-
sés par de nombreux psychiatres et chercheurs. L’un des pionniers,
Abraham Maslow, a hiérarchisé ces motivations sous la forme d’une
pyramide, dans les années 1960. Tous les psys ne sont pas d’accord !
Mais, en nous fondant sur la biologie des comportements, nous pou-
vons considérer tout de même que l’individu, pour rester en vie d’abord,
puis s’épanouir ensuite, est mû par :
• des besoins physiologiques : respirer, manger, boire, dormir, etc. ;
• un besoin de sécurité et de protection : avoir un abri, un environ-
nement sécure, être en confiance… ;
• un besoin d’appartenance, de sociabilisation : avoir une place et
être accepté dans une famille, des amis, un groupe… ;
• un besoin de reconnaissance et d’estime : être valorisé et respecté,
se valoriser et se respecter, être soi avec les autres… ;
• un besoin de se réaliser dans des projets, de se comprendre lui-
même, de comprendre les autres et le monde, de donner du sens à
sa vie, de s’accomplir…

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Un mouvement naturel pour aller mieux

Mais est-ce toujours le cas ? L’émotion vient-elle toujours tenter


de satisfaire un manque ? Eh bien, oui ! Quand l’un ou l’autre des
besoins fondamentaux de l’individu est en jeu, que ce trouble soit
conscient ou non, inutile de chercher midi à quatorze heures, ni
même, de nouveau, de faire appel à sa raison, le cerveau s’en oc-
cupe, il engendre un mouvement.

Et l’émotion est en réalité ce mouvement de survie. Voyez d’ail-


leurs comme le mot lui-même, e-motion, donne à entendre un
mouvement. Ce processus est le moyen qu’a l’enfant – mais aussi
le vôtre et le nôtre – pour retrouver son équilibre et répondre ainsi
à ses besoins vitaux.

Cependant, ces besoins n’ont pas la même valeur vitale. Ils vont
du plus essentiel en termes de survie aux plus élaborés :
yy En éprouvant une émotion, l’enfant cherche d’abord, de façon au-
tomatique et en priorité, à préserver son intégrité corporelle.
En cas de choc corporel, quand l’enfant est heurté par quelque
chose (il est bousculé par un camarade, par exemple, ou il fait une
chute à vélo), il perd la stabilité qui était la sienne. C’est le début
de l’émotion, ce mouvement qui va naturellement chercher à lui
faire récupérer son équilibre physiologique. Cela commence par
une sensation : il se sent, au sens littéral du terme, bouleversé.
Immédiatement, son corps réagit : il respire à fond, il bouge, il
crie, il se plie en deux, il pleure… Cela permet une restauration
intérieure. Quand le corps est choqué, il éprouve donc des émo-
tions, moyens naturels pour survivre et retrouver son équilibre.
Ce mouvement se fait sans conscience, automatiquement.
yy Une fois ce bon fonctionnement du corps rétabli, l’émotion va
permettre de nourrir des besoins plus élaborés, moins né-
cessaires en termes de survie mais tout aussi importants pour
son bon développement : son besoin de sécurité (l’enfant a be-
soin d’évoluer dans un environnement stable et fiable), son be-
soin d’identité (l’enfant a besoin d’exister à ses yeux et aux yeux

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Redonnez du sens à l’émotion

des autres) et son besoin de sens (il a besoin de comprendre le


monde dans lequel il évolue, les événements, les situations).

Évidemment, vous comprenez parfaitement qu’une chute à vélo


déclenche une émotion pour restaurer l’équilibre du corps, de
même que la perte du doudou en déclenche une autre pour nour-
rir quand même un sentiment de sécurité. La peur, la colère et la
tristesse sont un palliatif à une expérience dans laquelle l’enfant a
vraiment eu la sensation de perdre quelque chose d’essentiel à sa
vie : l’équilibre sur le vélo ou la fameuse peluche.

Le cerveau engendre du mouvement pour combler


le manque et retrouver l’équilibre perdu.

Cependant, sachez qu’il perd quelque chose tout autant dans


chaque événement déstabilisant qui engendre une émotion. Sous
le choc, quel qu’il soit, il perd son confort corporel, par exemple,

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Gaspard et son déménagement – Partie 1

sa sécurité affective, son sentiment d’identité ou encore sa tête !


L’émotion répond toujours à une expérience de manque, présent
ou mémorisé, qui a un rapport avec son existence. Voilà pourquoi
le cerveau ne cherche pas midi à quatorze heures : il engendre du
mouvement pour combler le manque et retrouver l’équilibre perdu.

◗◗ Gaspard et son
déménagement – Partie 1
Évidemment, cela vous saute moins aux yeux quand l’expérience
est moins flagrante que le vélo ou le doudou. Ce qu’a vécu et
éprouvé Gaspard lors de son déménagement vous permettra de
mieux comprendre.

Paroles de parents : Sylvie, maman de Gaspard,


9 ans

« Mon petit garçon a vécu des moments très difficiles l’an-


née dernière. Nous avons déménagé à Nancy et Gaspard a
réagi très bizarrement. Au moment de l’installation dans la
maison, il était intenable ! Il bougeait dans tous les sens, ne
pouvait pas s’arrêter une minute. L’entrée à l’école a été com-
pliquée aussi : il était presque agressif avec ses nouveaux ca-
marades et la maîtresse. Mais parfois, le soir à la maison, il ne
parlait plus, se réfugiait dans son lit, tout peiné. »

L’avis du psy

Les réactions de Gaspard viennent des émotions qu’il


éprouve suite au déménagement, et qui sont un moyen
pour lui de pallier l’absence ou le manque et d’atténuer la
souffrance.

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Redonnez du sens à l’émotion

Certes, vous vous dites que changer de maison, ce n’est facile pour
personne. Vous admettez donc que cela provoque quelques émo-
tions douloureuses chez le petit garçon. Ce que vous voyez peut-
être moins, c’est ce qu’obtient Gaspard en éprouvant ces émo-
tions, en quoi celles-ci nourrissent ses besoins.

1. Gaspard se rassure et nourrit son besoin


de sécurité
yy Que fait-il ? Gaspard déménage dans un lieu qu’il ne connaît
pas, il perd ses repères. Ce changement l’insécurise. Il a peur.
Alors il s’affaire, il court dans tous les sens, il interrompt ses
parents, il pose des tas de questions. En s’agitant ainsi, il re-
trouve le mouvement de son corps, ce qui le rassure sur sa
capacité à échapper à l’inconnu que représente le changement.
Ses parents ont déjà fort à faire avec le déménagement ! Mais
lui trouve ainsi de quoi se rassurer.
yy Pourquoi ? En cas de trouble dans l’espace qui l’entoure, quand
l’environnement n’est plus stable, plus fiable, l’enfant est sur-
pris et perd sa stabilité. C’est cette émotion que l’on définit
sous le terme de « peur ». Grâce à elle, l’enfant est alerté sur
son besoin de conserver sa sécurité ; alors il cherche à fuir le
danger, réel ou perçu comme tel.

2. Gaspard s’affirme et renforce son besoin


d’identité
yy Que fait-il ? Gaspard découvre une nouvelle école mais c’est
un « nouveau », sans identité ! Il va donc devoir s’imposer et
la colère va l’aider à s’affirmer. Colère contre lui-même qu’il
voudrait plus courageux, plus aimé par des copains ; colère
contre ses parents qui ont voulu changer de lieu de vie alors

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Gaspard et son déménagement – Partie 1

qu’il aimait bien son ancienne école ; colère contre la nouvelle


maîtresse qui fait trop attention à lui et ainsi accentue son sta-
tut d’enfant « particulier » ; colère contre les autres élèves qui
ne sont pas assez gentils. Ses cris et ses accusations cherchent à
lui confirmer qu’il est fort et qu’il a de la puissance en lui pour
affronter la situation.
yy Pourquoi ? En cas de trouble, l’enfant perd son appartenance
au groupe et l’émotion « colère » lui permet de prouver qu’il
existe malgré tout, de se le prouver à lui-même comme aux
autres.

3. Gaspard se renferme pour conforter


son besoin de sens
yy Que fait-il ? Gaspard, plutôt que de s’affirmer avec colère, peut
se replier sur lui-même, pleurer, se plaindre, penser sans cesse
à ce qu’il a perdu et se renfermer. Dans son isolement, il re-
trouve son monde à lui, ses repères personnels, part volontiers
dans son imaginaire, plus compréhensible que le monde des
adultes. Il se coupe des autres mais survit.
yy Pourquoi ? En cas de trouble, l’enfant perd le sens de sa propre
place dans un univers devenu trop complexe pour lui : il ne
comprend plus. Il perd sa stabilité et l’ordre auquel il était ha-
bitué, celui qu’il connaissait. L’émotion « tristesse » lui permet
de se recroqueviller sur lui-même, de se rassembler et de ras-
sembler ses idées, de comprendre ce qui lui arrive, en atten-
dant de meilleures circonstances.

Vous voyez combien, sous l’effet du choc que représente le démé-


nagement, Gaspard en éprouvant des émotions retrouve son équi-
libre. Sa peur, sa colère et sa tristesse lui sont utiles, bénéfiques,
puisqu’elles répondent à ses besoins fragilisés.

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Redonnez du sens à l’émotion

Et il en va ainsi de toutes les émotions, quels qu’en soient l’origine


et le choc qu’elles procurent.

◗◗ Une solution, pas un problème !


Nous voyons bien comment une émotion, loin d’être un pro-
blème, est d’abord une solution :

Ce qui pose problème n’est certainement pas que l’enfant ait peur,
soit en colère ou encore triste quand il chute de vélo, quand il
perd son doudou ou quand il déménage. Si l’un de ses besoins
est mis à mal, nous sommes bien contents que son cerveau crée
de l’émotion pour qu’il sauve sa peau ! Le hic n’est pas le système
émotionnel en lui-même, celui qui fait réagir l’enfant de façon
automatique et non consciente. Non, les soucis commencent…
après ! Quand le système mental du cerveau qui réfléchit prend le
relais. Et enregistre automatiquement ses réactions comme le seul
moyen de vivre.

La difficulté vient d’une émotivité récurrente, prégnante, limitante,


désorganisatrice, inhibitrice, etc. Or, cette émotivité de l’enfant
est une extension de l’émotion en elle-même. Dans un deuxième
temps, après le choc et le premier mouvement du processus qui
est purement et simplement un élan de fuite, de lutte ou de repli
sur soi pour répondre au « c’est pas bon », l’esprit prend le relais,

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Une solution, pas un problème !

voire s’emballe. Ce qui donne lieu, bien sûr, à des pensées, des
comportements et des ressentis automatiques et… douloureux.

La bonne nouvelle est que ce temps-là est accessible à l’esprit, à la


conscience, à la vôtre bien entendu mais aussi, dans une certaine
mesure et s’il est accompagné dans cette voie, à celle de l’enfant.
Il est donc, pour nous qui tenons tant à maîtriser les choses, « gé-
rable ». Nous ne pouvons pas gérer une émotion, mais nous pou-
vons, en redonnant du bon sens à celle-ci :
yy apprendre à nous conduire quand l’émotivité psychique de
l’enfant s’emballe ;
yy lui transmettre les clés qui lui permettront, à lui, de mieux
réagir.
Dans la mesure où nous ne passons pas à côté de l’essentiel. Et où
nous prenons les choses dans l’ordre.

Nous aimerions que l’enfant soit moins émotif, moins sensible,


moins fragile. Nous cherchons dès lors à nous débarrasser de ce
que nous considérons comme déplacé, inhabituel, stupide. Nous
avons l’impression qu’il est ému pour tout (et non pour rien), tout
le temps, et n’importe comment.

Or, lorsque nous cherchons à non pas éradiquer mais réduire


l’intensité et l’objet de cette émotivité, la tentation est grande de
partir dans le mauvais sens. Nous prenons le problème en tirant
le mauvais fil de ce qui ressemble fort à une pelote de laine (très
emmêlée, vous en conviendrez). Nous pensons que c’est en par-
tant du psychique que s’apaisera le corporel. Mais on ne peut pas
partir de la fin du film pour dérouler le scénario !

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Redonnez du sens à l’émotion

◗◗ Comprendre le mouvement
pour mieux l’accompagner
Pour mieux comprendre la mécanique émotionnelle, rien de tel
qu’un schéma. Celui que vous trouverez ci-dessous, de même
qu’à la fin de cet ouvrage, est en tout point identique à celui que
nous proposions dans notre livre précédent*. Car, vous le savez
maintenant, le chemin que suit l’émotion chez l’enfant est en tout
point identique à celui qu’il suit chez l’adulte.

N’hésitez pas à afficher ce dessin dans un endroit stratégique pour


servir de pense-bête en cas d’emballements intempestifs ! Sur le
frigo ou dans la salle de bains, sur le tableau de bord de la voiture,
etc. Gardez-le sur vous, et notamment… au parc. Vous pourrez
vous focaliser sur ce précieux soutien en cas de réaction difficile.
Souvenez-vous, une grande partie de notre hypersensibilité émo-
tionnelle vient de notre ignorance du système.

* Émotions : quand c’est plus fort que moi, éditions Leduc.s, 2017.

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Comprendre le mouvement pour mieux l’accompagner

Tadam ! Voici comment se crée une émotion :

LES ÉTAPES DE L’ÉMOTION

Étape 1. Perception sensorielle


d’un événement

Début Étape 2. Sensations corporelles


de l’émotion
dans le corps Étape 3. Réaction corporelle de défense
(processus non (fuite, lutte, repli)
conscient)

Étape 4. Besoin d’intégrité satisfait,


retour de l’équilibre

Étape 5. Développement du désir


de conserver cette intégrité
(sécurité, identité, sens)

Diffusion Étape 6. Pensées et comportements auto-


de l’émotion matiques visant à la conserver
dans l’esprit
(processus
Étape 7. Ressentis douloureux, sensations
conscient)
de mal-être

Étape 8. Représentations cognitives,


croyances, interprétations

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Redonnez du sens à l’émotion

Voyons maintenant de plus près comment tout cela s’organise.


Pour plus de lisibilité, nous n’évoquerons ici que le traitement
des informations jugées « pas bonnes » par le cerveau reptilien
de l’enfant ; et la peur, la colère ou la tristesse qu’elles impliquent,
dans un mouvement de défense. Mais sachez que la mécanique
est la même pour les informations jugées « bonnes » qui impli-
queront la joie, dans un mouvement de captation. Pour l’heure,
focalisons-nous sur le problème, pas l’émotion elle-même, mais
notre problème, le traitement de celle-ci !

◗◗ Gaspard et son
déménagement – Partie 2
Retrouvons Gaspard qui est perdu, au sens propre comme au fi-
guré, au milieu de ses cartons.

Paroles de parents : Jean, papa de Gaspard, 9 ans

« C’était un dimanche après-midi, peu de temps après le


déménagement. Gaspard s’était réfugié dans sa chambre
et semblait jouer au milieu des cartons que nous n’avions
pas encore défaits. Je suis entré pour en déposer un de
plus. Et tout à coup, il a craqué. Je ne l’avais jamais vu
comme ça. »

L’avis du psy

Chez Gaspard, comme chez chacun, la mécanique émo-


tionnelle s’est enclenchée… Une suite de mouvements
corporels puis psychiques va suivre le coup du carton !

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Gaspard et son déménagement – Partie 2

Début de l’émotion dans le corps


(processus non conscient, non gérable)
Ici, c’est le corps qui réagit
Étape 1. Perception sensorielle

Un événement concret, précis, réel, est perçu par les sens de l’enfant.
Il voit son père entrer et déposer un carton supplémentaire qui rétré-
cit plus encore sa chambre, son espace vital. Cet événement réveille
une vieille mémoire corporelle puisque son corps a mémorisé qu’être
enfermé dans un lieu trop étroit représentait un danger. Cette mé-
moire a sélectionné des filtres de perception qui rendent insuppor-
table pour lui le rétrécissement de son espace, de sa chambre.

Étape 2. Sensations corporelles

Son corps éprouve automatiquement des sensations car son seul


moyen d’être informé des événements extérieurs est d’en faire
l’épreuve sensorielle intérieure. Naît alors dans le corps de Gaspard
une sensation intime, toute corporelle, de perte d’équilibre, de
choc, de malaise : il se sent étouffé, comprimé dans sa poitrine
comme s’il avait du mal à respirer. Il est éprouvé, tremblant,
oppressé, affolé, surpris.

Étape 3. Réaction corporelle de défense

Le corps de l’enfant répond à la sensation physique par le mouve-


ment : le voilà qui se lève comme une furie et sort de la chambre,
si pressé qu’il en bouscule son père. Cette réaction automatique
du corps est une réponse à la sensation d’oppression. Il s’active
pour restaurer son équilibre, sans avoir conscience de bousculer
Jean, tant le mécanisme est automatique. En cas de danger ou de
menace, le cerveau commande en effet un mouvement de fuite

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Redonnez du sens à l’émotion

(on s’agite, on bouge, on s’en va, on ferme les yeux, on respire


un grand coup), de lutte (on s’oppose, on agresse, on crie, on se
redresse) ou de repli sur soi (on se fige, on pleure, on sourit). Si
Gaspard n’avait pas pu sortir de sa chambre, il est probable qu’il
se serait retourné contre son père et se serait mis en colère contre
lui. S’il n’avait pas osé, il aurait pu se replier sur lui-même et pleu-
rer, se refermer dans sa solitude.

Étape 4. Besoin d’intégrité satisfait

Le corps de Gaspard retrouve son équilibre, son « homéostasie ».


Il a recouvré plus de mobilité, de volume ou d’air. Il est sorti de
l’espace étriqué qui représente pour lui un danger. Il n’a pas ré-
fléchi, juste réagi. Il a survécu. Avec la lutte, il aurait récupéré plus
de puissance, de force et de combativité. Avec le repli, il aurait
gagné plus de présence. Ce système d’alerte est immédiat et auto-
matique : quand il a lieu, l’enfant ne le pense pas, ne le « calcule »
pas. Il s’impose comme une évidence. Nul besoin de raisonner
pour sauver sa peau au moment où l’événement se produit ! Le
corps mémorise l’incident qui vient s’ajouter à d’autres, identiques
mais plus anciens. Raison pour laquelle il se réactivera à chaque
expérience similaire. Gaspard est soulagé, il se sent mieux… avec
quelques dégâts collatéraux cependant.

Diffusion de l’émotion dans l’esprit


(processus conscient, gérable)
À partir de là, l’esprit prend le relais
Étape 5. Réveil du désir de conserver cette intégrité

L’incident a stimulé le besoin existentiel de Gaspard de maintenir


son intégrité et de satisfaire ses besoins de sécurité, d’identité, de

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Gaspard et son déménagement – Partie 2

sens. Parce que le corps a retrouvé un état de stabilité, l’esprit peut


prendre le relais et va chercher à conserver cet état de satisfaction.
Or, puisque le corps a trouvé la « bonne » solution, l’esprit, en
toute logique, va poursuivre dans la même voie. Une pression,
une exigence s’enclenche : l’automatisme va évoluer sous forme
de désir plus conscient. Mais toujours dans la même intention,
satisfaire le besoin de vie et d’accomplissement.

Ce désir peut prendre des formes multiples : désir d’être à la hau-


teur, désir de stabilité, désir de calme, désir d’espace, désir de
liberté, désir de reconnaissance, désir d’harmonie, désir de force,
de puissance, de vitalité, de forme, de tonus…

Pour poursuivre notre exemple, l’événement (l’intrusion des car-


tons dans la chambre) réveille chez Gaspard le besoin de conser-
ver son espace vital et que celui-ci soit respecté. Il n’en a pas eu
conscience mais s’il avait été questionné à propos de son com-
portement, ses mots traduiraient probablement ce désir « d’avoir
de l’air, de ne pas être coincé, de pouvoir bouger ou encore que
personne ne rentre dans sa chambre, que c’est sa chambre à lui ».
L’incident rend le désir encore plus prégnant.

Étape 6. Pensées et comportements automatiques

Le psychisme va se développer pour répondre au désir et éveil-


ler autant la mémoire des souvenirs que la motivation à agir en
amont. Il s’agit de tout faire pour obtenir satisfaction, c’est-à-dire
tout faire pour ne pas être à nouveau privé d’espace et en manque
de sécurité. Gaspard a ainsi développé des habitudes de pensées et
des comportements qui caractérisent sa personnalité. Du reste, son
entourage sait bien qu’il est volontiers agité, qu’il demande à faire
du sport, qu’il a du mal à rester assis longtemps en classe et qu’il
n’est jamais aussi heureux qu’en week-end à la campagne. Il adore
les livres d’aventure et veut « faire astronaute comme métier » !

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Redonnez du sens à l’émotion

Nous avons tous des comportements automatiques dont nous


pouvons avoir conscience mais auxquels nous sommes très atta-
chés, tant ils nous paraissent évidents. Nous avons même du mal
à comprendre comment les autres font autrement que nous ! Du
côté de ces comportements habituels qui font suite aux réactions
de défense corporelles, on retrouve : éviter la situation (fuir), la
contrôler (lutte) ou la tolérer malgré tout grâce au sens que nous
lui donnons (repli sur soi). Du côté des pensées défensives/of-
fensives, on retrouve : « Ce n’est pas possible, je n’y crois pas, au
secours, on ne va pas s’en sortir (fuite), c’est insupportable, quel
abruti, je ne le permettrai pas, il faut que je réussisse (lutte), je ne
comprends rien, ce n’est pas normal, c’est trop compliqué, je ne
sais pas… » Autant de pensées automatiques qui témoignent de
l’épreuve traversée mais aussi de notre difficulté à la tolérer.

Nos pensées défensives et/ou offensives se multiplient et se pro-


pagent dans tout le cerveau qui réfléchit… sauf que cette réflexion
est d’abord le reflet de l’émotion pour répondre à notre désir. Gas-
pard va tenter de convaincre sa mère de sortir au parc. Il va se
justifier d’avoir bousculé son père en trouvant que c’est lui qui
envahit sa chambre, que ce n’est pas normal et que ses parents
ne font même pas attention à lui. Il va aller embêter sa sœur qui
jouait tranquillement…

Les comportements de l’enfant s’imprègnent de réactivité. Évi-


demment, il est bien incapable de le savoir, ni même de com-
prendre le sens et la finalité de ses réactions, accusant souvent la
situation d’être stressante. Si le choc a bel et bien eu lieu (pour
Gaspard, l’apparition de son père dans sa chambre avec les car-
tons), c’est bel et bien le besoin qui se traduit dans un désir de
conserver cet espace vital qui oriente le comportement et les pen-
sées de l’enfant. Il en va de même pour nous, adultes : nous ne le
savons pas toujours en conscience mais adoptons naturellement

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des comportements et des pensées qui sont l’écho de notre part


émotive.

Étape 7. Ressentis douloureux, sensations


de mal-être
À force d’éviter certaines situations, avec l’usage automatique et
plus ou moins conscient des comportements défensifs ou offen-
sifs, et donc à force de vouloir éviter toute insécurité, contrôler
toute situation relationnelle ou s’isoler de toute complication,
l’enfant finit par ressentir bien des frustrations. La sensation de
manque initiale dans le corps se retrouve dans des ressentiments
au long cours. Surtout quand, malgré toute sa bonne volonté, tous
ses efforts à tout bien faire, eh bien… une nouvelle situation sur-
git qui le déstabilise quand même.

Gaspard avait aménagé sa nouvelle chambre pour pouvoir y cir-


culer aisément et voilà qu’on lui rajoute un carton de plus ! Il n’a
même pas pris le temps de savoir ce qui était à l’intérieur (peut-
être des jouets à lui ?), l’urgence l’a fait réagir et dans les moments
qui ont suivi, son cerveau s’est tout entier organisé pour garan-
tir cet espace vital, au prix de ressentis pénibles : il ressent une
boule dans le ventre et a du mal à respirer normalement, il frôle
la crise d’asthme comme quand il était petit. Cela l’agite encore
plus. Le ressenti semble aggraver son état. En réalité, les ressentis
témoignent, dans son versant douloureux, du désir de l’enfant,
comme si le corps prenait un haut-parleur pour se faire entendre.

Nous aussi, quand nous ne comprenons pas le sens biologique


des ressentis, nous nous en voulons, nous avons peur de ne ja-
mais y arriver et de manquer de moyens pour répondre à notre
besoin, à notre désir. Nous nous sentons frustrés (de ne pas être
bien), coupables (de réagir comme ça), nuls (d’être à ce point
déstabilisés), impuissants (de ne rien pouvoir changer). Cela nous

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Redonnez du sens à l’émotion

ronge l’esprit et le corps. Les ressentis et les ressentiments em-


ballent l’esprit dans une surchauffe éprouvante. Finalement, ils
sont des émotions par-dessus l’émotion initiale. Ce sont eux qui
affectent le corps jusque dans ses organes (les maladies psycho-
somatiques).

Gaspard se sent mal, tendu, sur le qui-vive, mécontent, il craint


les contacts, les anticipe, il est furieux contre ces autres si indif-
férents ou déçu de vivre dans un monde si pressé qui ne le com-
prend pas.

Étape 8. Représentations cognitives, croyances,


interprétations
Chez l’enfant comme chez l’adulte, les différentes étapes mentales
créent ce que nous appelons nos représentations, ou nos points
de vue sur nous-mêmes, les autres et le monde. Ils sont fonction
des ressentis et sont totalement subjectifs, donc fonction de nos
expériences propres. Les émotions ne pourront jamais être qua-
lifiées d’« objectives » malgré la tentation de prétendre que notre
vision est plus objective que celle des autres. Ainsi Gaspard se
fabrique-t-il des représentations assez binaires : il y a ceux qui lui
laissent de l’espace, comprennent son envie de mouvement et de
liberté, le soutiennent dans ses rêves… et les autres qui l’obligent,
le contraignent et l’empêchent de respirer.

Ces représentations en « ce qui est bien/ce qui est mal » ou « ceux


qui sont gentils/ceux qui sont méchants » nous concernent tous.
Elles sont à l’origine de bien des conflits et des incompréhensions
en famille et au-delà. Nous ne pouvons guère échapper à ce sys-
tème biologique avant d’être psychique. Mais nous pouvons en
devenir conscients et apprendre à nos enfants à le devenir aussi.
C’est l’idée des prochains chapitres, vous vous en doutez.

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Gaspard et son déménagement – Partie 2

LES IDÉES CLÉS

Le mouvement émotionnel a une intention : satisfaire un


besoin qui restaurera l’équilibre, tant corporel que psy-
chique ou relationnel.

Rappelons qu’il existe trois besoins élémentaires :


• Le besoin de sécurité : être rassuré mais aussi être
libre d’agir.
• Le besoin d’identité : être reconnu mais aussi se dis-
tinguer des autres.
• Le besoin de sens : conserver le connu fiable mais
aussi pouvoir explorer d’autres voies, l’inconnu.

L’émotion est la solution biologique du corps avant d’être


un problème à gérer ou à maîtriser.

Sans cette compréhension, l’adulte risque de passer à


côté d’un message essentiel et de projeter son propre
désir ou sa propre peur sur l’enfant, plutôt que de cher-
cher à l’accompagner.

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Identifiez ce qui
se passe en vous

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« Si je m’écoutais vraiment, je m’entendrais. »
Jacques Salomé

N ous avons parlé de ce qui se passe chez l’enfant quand il est


sous le coup d’une émotion. Mais que se passe-t-il en vous ?
Eh bien, de l’émotion ! Vous ajoutez de l’émotion à l’émotion de
l’enfant. Voyons maintenant comment vous réagissez précisément,
dans les faits. Cela vous permettra de mieux comprendre votre
réaction pour ensuite… en adopter une autre plus adaptée !

◗◗ « Il est ému, donc je le suis »


Logiquement, voir l’enfant dans tous ses états nous plonge nous-
mêmes dans tous les nôtres. Lorsqu’il est bouleversé, inutile de le
nier ou de lutter contre, nous le sommes aussi. Ses émotions font
écho et bientôt, c’est nous qui nous trouvons en déséquilibre.

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Identifiez ce qui se passe en vous

Miroir, mon beau miroir


Dans les années 1990, l’équipe du neuroscientifique Giacomo Rizzolati
met en évidence une drôle d’équation : quand un singe observe le
mouvement d’un autre, il le reproduit dans son cerveau, sans pour
autant bouger lui-même. Que le primate regarde l’action ou l’effectue,
peu importe : les mêmes zones du cerveau s’activent. Il en va de même
pour l’émotion. Observer la peur, la colère, la tristesse ou la joie chez
l’enfant vous fait éprouver vous-même de la peur, de la colère, de la
tristesse ou de la joie.

Pourquoi ? Simplement parce que la peur, la colère et la tristesse


de l’enfant représentent pour nous… un choc, un danger, une me-
nace. Nous exagérons ? Pas si sûr. Car, à y regarder de plus près,
son émotion à lui bouleverse en nous :
yy notre intégrité physique : ses cris, ses larmes, son silence font
que notre propre corps est bousculé, en alerte ; sa réaction
dérange notre équilibre corporel tant le corps entre naturel-
lement en résonance avec les changements qui se produisent
autour de lui ;
y y notre besoin de sécurité : celui-ci est dépendant d’un envi-
ronnement stable, aux repères connus ; et voilà que l’émo-
tion de l’enfant crée une rupture, brise la quiétude habi-
tuelle ;
yy notre besoin d’identité : le malaise de l’enfant dégrade et
remet en question l’image que nous avons de nous-mêmes,
alors que nous nous aimons infaillibles, efficaces, mesurés et
justes ;

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Reconnaissez votre propre émotion

yy notre besoin de sens : nous avons tous besoin de comprendre


ce qui nous arrive et d’attribuer un effet à une cause, et vice
versa ; or, bien souvent, la réaction de l’enfant (mais finalement
de tout « autre » que nous-mêmes) nous échappe, ce qui nous
renvoie à un sentiment d’incohérence et d’impuissance.

Nous sommes donc physiquement bousculés. L’émotion de l’en-


fant, c’est notre choc à nous, cet élément extérieur qui est soudain
venu nous déstabiliser. Souvenez-vous du schéma précédent qui
mettait en évidence les étapes du processus émotionnel. Eh bien,
la peur, la colère ou la tristesse de l’enfant, et même sa joie qui
frôle l’hystérie, c’est notre étape 1 ! Notre « perception sensorielle
d’un événement » bien encombrant ! À partir de là, nous allons
dérouler notre petit scénario et passer, sans le vouloir vraiment, à
l’étape 2, puis 3, etc.

◗◗ Reconnaissez votre propre


émotion
Il s’agit donc, avant de nous occuper de l’émotion de l’enfant, d’ap-
prendre à reconnaître la nôtre. Pourquoi ? Pour ne pas en rajouter,
évidemment ! Et éviter que la machine ne s’emballe, que la situa-
tion ne dérape en basculant dans le déraisonnable. Et puisqu’il
nous faut reconnaître notre propre émotivité, il faut regarder ce
qui se passe en nous, quand un grain de sable vient enrayer la
machine.

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Identifiez ce qui se passe en vous

Le masque à oxygène
Souvenez-vous des consignes de sécurité à bord d’un avion. En cas de
dépressurisation, des masques à oxygène tombent automatiquement
sur les passagers. Mais il vous est formellement demandé de placer et
d’ajuster votre propre masque avant d’aider l’enfant à faire de même.
Eh bien, en cas de crise émotionnelle, c’est pareil. Vous aurez bien du
mal à vous occuper de lui si vous n’êtes pas, vous-même, en mesure
de respirer ! Si vous n’avez pas trouvé le moyen de recouvrer votre
équilibre intérieur ou, plus simplement, un brin de sérénité.

Soyons concrets et prenons un exemple de la vie courante de pa-


rents débordés ! Nous aurions pu reparler de Gaspard et de ses
parents déboussolés par son comportement mais nous choisis-
sons ici d’évoquer une banalité pour que vous compreniez à quel
point le mécanisme émotionnel se développe toujours dans le
même sens. Nous allons donc nous intéresser à Assia.

Paroles de parents : Soraya, maman d’Assia, 8 ans

« C’était un lundi soir et tout allait bien à la maison. Nous


avions fait les devoirs, Assia avait pris son bain, elle lisait
tranquillement dans sa chambre. Mais à l’heure du dîner,
elle a dit qu’elle n’avait pas faim. Ce n’était pas dans les
habitudes de ma petite fille si gourmande. Et puis, au mo-
ment d’aller dormir, elle n’avait plus sommeil. Son visage
était crispé, elle regardait ailleurs. Et finalement elle a
décrété qu’elle détestait l’école, qu’elle n’irait plus jamais,

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Reconnaissez votre propre émotion

que sa maîtresse était trop sévère, etc. Sur le moment,


j’ai quitté sa chambre en lui disant que c’était des bêtises.
Je devais m’occuper de son frère aîné et il fallait qu’elle
dorme. Mais je m’en suis voulu de l’avoir laissée toute
seule et je suis revenue quelques instants plus tard. En
l’interrogeant, j’ai compris qu’elle avait peur de l’évalua-
tion en mathématiques prévue le lendemain. Je me suis
assise sur son lit et j’ai essayé de la calmer, je lui ai dit qu’on
avait le droit de se tromper, que ce n’était pas grave, que
l’école, c’était justement un endroit pour apprendre. Mais
au bout d’un moment je n’y arrivais plus ! J’avais eu moi-
même une journée chargée, j’étais fatiguée, je ne trouvais
plus rien à dire. Je m’exaspérais de voir l’heure tourner. Et
évidemment, ça n’a pas arrangé les choses… »

L’avis du psy

En proie à une anticipation anxieuse liée à sa peur de


l’échec, Assia cherche du réconfort auprès de sa mère.
Seulement, la peur de l’une résonne chez l’autre. Et le mé-
canisme émotionnel s’enclenche chez la maman, provo-
quant un dialogue de sourds.

Parents ou non, nous avons tous vécu une situation analogue.


Face à l’émotion de l’enfant, nous pouvons perdre nos moyens,
tant celle-ci réveille la nôtre. Ce qu’il nous faut comprendre,
c’est ce qui se passe chez nous, ce dont Soraya fait alors l’expé-
rience. En reprenant nos fameuses étapes, voici comment cela
fonctionne.

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Identifiez ce qui se passe en vous

Début de l’émotion dans le corps


(processus non conscient, non gérable)
Soraya réagit physiquement et elle n’y peut rien !
Étape 1. Perception sensorielle

Le comportement d’Assia informe Soraya que quelque chose d’in-


habituel se passe : en effet, cette dernière entend les mots de sa
fille (pas faim, pas sommeil) et voit son visage se fermer.

Étape 2. Sensations corporelles

La maman éprouve un malaise, elle se sent déstabilisée.

Étape 3. Réaction corporelle de défense

Elle s’en va, quitte la pièce.

Étape 4. Besoin d’intégrité satisfait

Soraya, ainsi éloignée de sa fille, retrouve une certaine tranquillité.

Diffusion de l’émotion dans l’esprit (processus


conscient, gérable)
Puis, elle se met à penser (elle culpabilise)
et c’est là que les choses se compliquent !
Étape 5. Réveil du désir de conserver cette intégrité

Soraya retourne auprès de sa fille pour essayer de la calmer et


ainsi faire perdurer la tranquillité retrouvée.

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Repassez-vous le film au lieu de vous en faire (des films)

Étape 6. Pensées et comportements automatiques

La maman explique, dédramatise, elle redessine le cadre (l’école,


c’est fait pour apprendre).

Étape 7. Ressentis douloureux, sensations de mal-être

Soraya éprouve de la peine et du ressentiment, d’autant que rien


n’y fait : Assia reste inquiète.

Étape 8. Représentations cognitives, croyances,


interprétations

Elle voit Assia fragile, probablement comme elle ; et elle se dit


qu’elle ne va pas s’en sortir car c’est pour elle une certitude : dans
la vie, il faut être courageux.

Soraya, c’est vous, c’est nous. Quels que soient notre personnalité,
notre vécu, et même nos efforts, nous allons réagir automatique-
ment à l’émotion de l’enfant en éprouvant nous-mêmes des res-
sentis. Alors, que faire ?

◗◗ Repassez-vous le film au lieu


de vous en faire (des films)
Nous ne pouvons pas aller contre l’émotion. Mais nous pouvons
aller avec elle, suivre son mouvement. C’est-à-dire l’accompagner
et ajouter d’autres réactions, plus intelligentes, plus justes, là où
nous en rajoutions des tonnes.

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Identifiez ce qui se passe en vous

Vous êtes ému et vous avez


raison !
Lorsque nous abordons l’émotion à l’aune de la psychologie, l’enfant
n’a aucune raison d’avoir une peur bleue, d’être dans une colère
noire ou affreusement triste. Et, par ricochet, vous n’en avez pas non
plus ! À la lumière de la psychanalyse, en revanche, il a bien raison
d’éprouver ce qu’il éprouve parce qu’un événement traumatique (réel
ou supposé) mais tombé dans son inconscient ou, plus vulgairement,
dans les oubliettes s’est produit. Dans le premier cas, nous cherchons à
nous débarrasser de la raison (puisque nous n’en avons aucune). Dans
le second, nous cherchons une obscure raison (puisqu’elle doit être là
mais où ?). Pourtant, la raison se trouve là, sous notre nez. Loin de
nous l’idée de jeter la pierre ou l’opprobre sur telle ou telle démarche
thérapeutique. L’objectif de tout soignant est de soulager l’individu de
ses symptômes, et ainsi de contribuer à son bien-être ou, a minima, à son
mieux-être. Mais, pour nous, la raison n’est pas plus fantasmagorique
qu’obscure. Elle est simplement biologique.

La peur, la colère ou la tristesse surviennent après la transmis-


sion du message « danger, c’est pas bon » au cerveau. Ce que
nous avons perçu chez l’enfant, son malaise, sa contrariété,
son désarroi, nous a alertés. Quelque chose dans la réalité, que
l’émotion ait été intériorisée ou extériorisée, nous a vraiment fait
réagir, c’est-à-dire fuir, lutter ou nous replier sur nous-mêmes.
Il s’agit donc de revenir là où tout a commencé. De revenir au
« grain de sable ».

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Repassez-vous le film au lieu de vous en faire (des films)

Car, oui, nous avons bien rencontré un grain de sable qui a fait
s’enclencher le mécanisme ou l’engrenage. Après, bien après, nous
en avons fait une montagne. À l’origine, ce n’était qu’un grain de
sable. Petit, soit. Minuscule même. Mais un grain de sable quand
même !

Ce qu’il convient de comprendre, c’est que le grain de sable n’est


pas un leurre. Quelque chose s’est produit. Et ce quelque chose a
toujours à voir avec un blocage, une rupture, un empêchement :
l’émotion de l’enfant a bel et bien heurté le mouvement automa-
tique de vie, quelque chose a été réveillé dans notre mémoire,
quelque chose qui avait été repéré puis mémorisé comme vital.

Voilà pourquoi la seule question valable à se poser est : qu’est-ce


qui, dans la situation, nous a comme « empêchés » d’exister ?
Après la chasse aux mauvaises habitudes (voir le chapitre 1), la
première démarche, le premier pas à oser est donc de revenir à
nos moutons, de porter toute notre attention sur le grain de sable.

Même si, avouons-le, là, le grain de sable est devenu montagne ! Il


nous faut donc ralentir et nous repasser le film. Repartir de zéro.
Et considérer ce que nous pouvons faire, à chaud, quand l’émo-
tion de l’enfant est venue réveiller la nôtre. Souvenez-vous : nous
ne pouvons rien contre la réaction corporelle, puisqu’elle est auto-
matique et non consciente ; mais, tout bien pensé, nous pouvons
faire un pas de géant en l’amenant à la conscience. Si fuir, lutter
ou subir le mécanisme ne mène qu’à un soulagement provisoire,
ajouter de la conscience et du sens dans un processus qui nous
échappe, qui est « plus fort que lui » mais tout aussi « plus fort
que nous », nous fait considérablement avancer et grandir.

Il s’agit, ni plus ni moins, de nous lancer dans une recherche de


réalité ! Dans le feu de l’action, soyons honnêtes, c’est extrême-
ment difficile. Les réactions s’enchaînent en un quart de seconde

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Identifiez ce qui se passe en vous

et l’esprit a vite fait de construire une histoire à partir du grain de


sable, d’en faire une montagne, de s’emballer, nous l’avons com-
pris. C’est ici que nous devons ralentir. Pour mieux apprivoiser ce
qui nous arrive quand l’enfant est bouleversé.

◗◗ Apprivoisez votre émotion :


5 conseils salvateurs
C’est en accueillant votre propre émotion que vous parviendrez à
mieux réagir à celle de l’enfant. Alors, c’est parti. Ne vous laissez
plus déborder et gagnez en sérénité en suivant cinq conseils aussi
simples qu’efficaces.

Conseil 1. Appuyez sur pause


Vous êtes désormais familier avec le mécanisme émotionnel. Et
vous avez compris que l’émotion se produisait et se diffusait en
deux temps, comme pour Soraya :
yy Il y a un premier temps, celui de l’expérience corporelle courte
et immédiate, le temps où surgit la peur d’Assia et fait choc
(étape 1), où le corps est ébranlé, défaillant (2), ce qui dé-
clenche une réaction de défense (3) qui restaure l’intégrité (4).
Ouf !
yy Puis, il est très vite suivi d’un second temps, celui de l’expé-
rience mentale, où apparaît le désir de protection et de conser-
vation (étape 5), qui active des pensées et des comportements
automatisés pour répondre à ce désir (6), mais qui finalement
entretient le ressentiment, la peur que la stratégie ne soit pas
efficace (7), puis génère des représentations de soi et des autres
binaires, du type « c’est bien » ou « c’est mal » (8). Comme

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Apprivoisez votre émotion : 5 conseils salvateurs

Soraya qui se fait une représentation du monde : il y a ceux qui


s’en sortent et ceux qui restent sur le carreau !

L’idée, ici, est d’appuyer sur pause dès la fin du processus corpo-
rel, c’est-à-dire à l’étape 4. Si vous parvenez à percevoir le choc, le
grain de sable, l’émotion de l’enfant qui vous a bouleversé, il vous
suffira ensuite de vous laisser traverser par la vôtre. Car, aussi
douloureuse soit-elle, violente parfois, une émotion ne dure pas.
Enfin… elle dure deux minutes seulement !

Deux minutes, c’est le temps que met l’onde émotionnelle pour


traverser le corps à condition que l’esprit ne s’en mêle pas. Vous
percevez le grain de sable, le cerveau détermine que « c’est pas
bon », votre corps éprouve un malaise, c’est inconfortable mais…
ça passe ! Naturellement. Le corps sait parfaitement bien gérer
le « c’est pas bon » grâce à cette indisposition passagère ; c’est sa
manière à lui de s’informer de la situation qui vient de changer.

Donc, lorsque l’enfant est submergé, surnagez en vous laissant


aller, en vous laissant flotter deux minutes : n’exigez pas de
vous l’impossible, respirez, faites quelques pas, fermez les yeux,
ralentissez, massez votre visage ou vos yeux, buvez un verre d’eau,
croquez dans un carré de chocolat…

Conseil 2. Qu’est-ce que vous vous racontez ?


Évidemment, dans le feu de l’action, il n’est pas évident de prendre
conscience du mécanisme émotionnel qui s’est enclenché et de le
mettre sur pause. Si vous constatez que votre esprit a déjà pris le
relais, il convient de vous interroger pour essayer de prendre du
recul, d’observer votre bavardage mental.

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Identifiez ce qui se passe en vous

Si nous avions pu lire dans les pensées de Soraya, nous serions


tombés nez à nez avec toutes sortes de distorsions cognitives.
Dans le désordre :
yy Assia a peur de l’évaluation de maths, elle va perdre ses moyens.
yy Elle a peur mais elle a peur de tout, de toute façon.
yy Elle a peur, elle doit être malheureuse.
yy Elle a peur, c’est une catastrophe.
yy Elle a peur, elle est en échec scolaire
yy Elle a peur, c’est à cause de moi, je ne suis jamais là.
yy Elle a peur, elle est trop fragile.
yy Elle a peur, c’est à cause de la maîtresse.
yy Elle a peur, je ne vais pas réussir à la rassurer.
yy Elle a peur et ça ne va jamais s’arrêter.

L’idée est donc de prendre conscience du spectacle mental et de


convenir que vous en faites tout un plat, que vous en rajoutez.
Certes, l’enfant est ému et vous êtes déstabilisé. Mais intéressez-
vous à ce que vous êtes en train de vous dire à vous-même :
yy Confondez-vous le fait extérieur avec l’effet intérieur ?
yy Tirez-vous hâtivement des conclusions de la situation ?
yy Vos propos manquent-ils de nuances ? Vous sentez-vous empê-
ché ? Coincé ? Foutu ?
yy Vous condamnez-vous sans merci pour une seule et unique
erreur ?
yy Vous focalisez-vous sur vos faiblesses en oubliant vos forces ?
yy Vous culpabilisez-vous pour quelque chose qui n’est pas de
votre fait, de votre faute ?
yy Êtes-vous en train de vous juger ? Ou de juger l’enfant ?
yy Prétendez-vous lire dans ses pensées ?
yy Vous imposez-vous des objectifs irréalistes qu’évidemment
vous n’allez pas pouvoir tenir ?

Ce deuxième pas vous permettra de mesurer l’ampleur et la vi-


tesse des commentaires et des jugements à l’emporte-pièce qui

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Apprivoisez votre émotion : 5 conseils salvateurs

sont associés à l’émotion. Il vous permettra aussi d’en faire un


troisième.

Conseil 3. Que s’est-il passé concrètement ?


Il s’agit maintenant de reconnaître que nous faisons partie de la
situation, corporellement partie de l’événement, même si notre
esprit essaye d’y échapper. Évidemment, c’est l’enfant qui est ému.
Mais nous sommes sur la mauvaise voie si nous considérons la
situation comme extérieure à nous, sans nous considérer nous
dans la situation, au cœur du drame qui se joue. Drame au sens
théâtral du terme, bien sûr !

Soraya, par exemple, se laisse entraîner dans le processus émo-


tionnel en focalisant toute son attention sur l’extérieur, sur sa fille,
sans voir qu’elle fait elle-même partie de la situation. Or, plus
nous focalisons sur l’extérieur, espérant y trouver une solution,
plus nous augmentons notre émotivité intérieure.

Il nous faut distinguer mais surtout reconnaître les faits survenus


à l’extérieur de l’effet survenu à l’intérieur. Distinguer l’extérieur
de l’intérieur permet de se reconnaître distinct de l’événement
tout en reconnaissant que l’on y participe, que l’on y est pleine-
ment acteur.

Pour opérer ce recadrage, interrogez-vous et tâchez de repérer


ce qui a été perçu comme un frein, un obstacle, une privation,
une menace, bref, ce qui vous a momentanément « empêché » de
vivre !
yy Que s’est-il passé concrètement ? Pas dans votre imagination
mais dans les faits ?
yy Qu’est-ce que vos sens ont réellement perçu ? Quels mots de
l’enfant sont parvenus à vos oreilles ? Sur quel ton ? Tous vos

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Identifiez ce qui se passe en vous

sens ont perçu quelque chose alors, quel contact, quels bruits,
quel fracas ?
yy Par quoi votre corps a-t-il été heurté et alerté pour que l’émo-
tion surgisse ?

Ce questionnement vous permettra d’entrer dans le réel, dans le


présent, en vous éloignant des fantasmes et des projections. Si,
par exemple, vous avez été déstabilisé par la plainte de l’enfant
(quels que soient l’origine de sa plainte, l’objet de sa frustration),
tâchez de mener l’enquête : qu’avez-vous entendu précisément ?
Quels mots a-t-il utilisés ? Comment les a-t-il prononcés ? Vous
avez entendu une parole, mais aussi vu son visage, perçu peut-
être un cri. C’est tout cela que votre cerveau a décodé en quelques
secondes seulement en tant que « c’est pas bon ».

Conseil 4. Qu’est-ce que cela a provoqué


en vous ?
Il s’agit maintenant de vous laisser traverser par l’émotion, de
vivre l’onde de choc. Ce n’est pas parce que vous êtes parvenu à
identifier la situation (ce qui vous a heurté, la parole ou le geste
de l’enfant) et l’émotion qui en découle (la peur, la colère ou la
tristesse) que vous n’êtes pas absolument… sonné.

Comprendre le mécanisme émotionnel n’est pas l’empêcher


puisque, nous nous répétons mais c’est pour la bonne cause,
celui-ci est un élan, un mouvement de survie. Alors, que faire
maintenant ? Laissez passer le trouble, considérez-le comme
parfaitement naturel. L’onde de choc vous traverse, se diffuse.

C’est sans doute ce que Soraya aurait dû faire avant de vouloir


« gérer » la peur d’Assia. Sous la pression du mental (la culpa-
bilité), la maman est retournée voir sa fille (lui expliquer, la cal-

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mer…) plutôt que d’écouter sa propre émotion et la vivre. Par


conséquent, lorsqu’elle retrouve Assia, elle est encore imprégnée
de sa propre émotivité.

Concrètement, comment pouvez-vous vivre sans trop de douleur


ce moment délicat ? Prenez appui sur votre corps et sur votre
respiration.
yy La bonne posture. Asseyez-vous sur une chaise ou restez de-
bout, les pieds bien ancrés dans le sol. Étirez-vous, le dos est
bien droit, il s’élève à partir du bassin. Ouvrez grand votre poi-
trine, dégagez votre buste, abaissez les épaules. Regardez droit
devant vous. Vous êtes dans l’ici et maintenant, vous recouvrez
peu à peu votre stabilité.
yy La bonne respiration. Procédez à plusieurs respirations abdo-
minales. À l’inspiration, votre abdomen se soulève, le ventre se
gonfle, les côtes s’écartent, les poumons se remplissent d’air ; à
l’expiration, les poumons se vident, la cage thoracique s’abaisse
et le ventre s’aplatit profondément. Faites-le plusieurs fois
jusqu’à ce que vous vous sentiez plus présent à votre propre
corps. Il ne s’agit pas de dissoudre la sensation mais d’y faire
davantage attention, et ainsi être mieux informé.

Accepter n’est pas subir


Laisser passer l’onde de choc, ce n’est pas abandonner la partie, loin
de là. Accepter n’est pas se soumettre, faire le dos rond ou la sourde
oreille, baisser les bras, échouer, se résigner ou encore tout accepter et
la subir. Non, c’est simplement, être là, avec notre émotion, et non plus
contre elle ou sans elle.

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Souvenez-vous toujours que :


• la difficulté que vous vivez ici et maintenant est momentanée :
l’émotion est toujours passagère, elle ne signe jamais un bail de
longue durée ;
• elle ne fait pas de vous un père lamentable, une mère incapable :
vous n’êtes pas votre peur, votre colère ou votre tristesse, vous ne
vous limitez pas à votre réaction ; vous éprouvez, point ;
• elle ne ternit pas le reste de votre existence : vous êtes énervé
contre l’enfant, là, maintenant, ce qui ne veut pas dire que votre
éducation est un échec ; encore moins que l’avenir de l’enfant est
compromis.

Conseil 5. Qu’avez-vous fait ?


Il s’agit enfin d’identifier votre réaction. D’oser vous regarder « en
face ». Certes, vous n’êtes pas un rat ! Mais puisque la nature ne
change pas une équipe qui gagne, vous possédez le même système
défensif que nos rongeurs et les mêmes mécanismes de survie.

Soraya, elle, a d’abord opté pour la fuite, prétextant, en toute


bonne foi, qu’Assia devait dormir, qu’elle-même devait s’occuper
de son frère et que tout cela n’était que des bêtises. C’est ainsi
qu’elle peut s’éloigner de ce qui lui pose problème et se débarras-
ser momentanément de son propre malaise. Elle bouge, quitte la
pièce, fait quelque chose d’utile pour retrouver un certain calme.

Peu importe la stratégie employée. L’objectif est ici de reconnaître,


après l’épreuve sensorielle, ce que vous avez fait :
yy Avez-vous plutôt utilisé la fuite et cherché dans l’urgence à sor-
tir de la situation en vous bougeant, en trouvant des solutions
pour ne plus vous sentir empêché, quitte à ne pas tenir compte

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Apprivoisez votre émotion : 5 conseils salvateurs

de la difficulté de l’enfant ? Rappelez-vous : c’est votre façon à


vous de répondre à votre besoin de sécurité.
yy Avez-vous plutôt utilisé la lutte et cherché à avoir raison de la
situation en la maîtrisant coûte que coûte, en imposant vos
idées et votre décision, quitte à user de votre pouvoir sur l’en-
fant ? Rappelez-vous : c’est votre façon à vous de répondre à
votre besoin d’identité.
yy Ou bien avez-vous opté pour le silence, le retrait, le rôle du gen-
til, du confident, quitte à abandonner votre posture d’adulte et
conforter l’enfant dans sa douleur ? Rappelez-vous : c’est votre
façon à vous de répondre à votre besoin de sens.

Quelle a été votre stratégie sur le moment ? Il vous faudra là en-


core ralentir pour voir le film de votre réaction tant celle-ci vous
semble évidente, normale, nécessaire et adaptée ; tant vous avez
tendance à la justifier puisqu’elle vous est vitale. Pour parvenir à
repérer votre mécanisme de défense préféré, n’hésitez pas à utili-
ser des verbes d’action quand vous vous repasserez le film :
yy Vous avez… crié ?
yy Vous avez… sursauté ?
yy Vous vous êtes… écroulé ?
yy Vous avez… pleuré ?
yy Vous avez… parlé ?
yy Vous avez… bougé ?

Ces verbes vous permettront de déterminer si vous avez plutôt


opté pour la fuite, la lutte ou le repli. Surtout, ne jugez pas votre
réaction, n’en profitez pas pour vous culpabiliser : ces mécanismes
de défense sont efficaces, voilà pourquoi, consciemment ou non,
vous y avez recours. Les reconnaître, ce n’est pas les condamner,
c’est le seul moyen de récupérer un peu de libre arbitre.

Et maintenant, vous dites-vous ? Eh bien, puisque vous avez ap-


privoisé votre émotion, vous êtes fin prêt pour apprivoiser celle

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Identifiez ce qui se passe en vous

de l’enfant ! Souvenez-vous du masque à oxygène : vous avez le


vôtre, occupez-vous du sien.

LES IDÉES CLÉS

Pas de fumée sans feu, pas d’émotion chez l’enfant sans


émotion chez l’adulte ! Cela relève du mécanisme biolo-
gique : nous sommes naturellement en résonance les uns
avec les autres, et d’autant plus que l’autre nous est affec-
tivement lié.

Le courage consiste à reconnaître sa propre émotion plu-


tôt que se précipiter pour tenter de gérer celle de l’enfant.
Cette prise de conscience va faciliter l’échange et
l’accompagnement.

Le système cognitif a vite fait de s’emballer : nous nous


racontons beaucoup d’histoires plutôt que poser notre
attention sur la réalité de la situation. Regardez, écoutez
ce qui est là, plutôt que ce qui devrait être.

Faites une pause dans l’urgence émotionnelle ! C’est dif-


ficile quand on est emporté par la pression intérieure,
mais indispensable pour agir avec respect, de soi comme
de l’enfant.

Nommez votre propre émotivité pour pouvoir écouter


celle de l’enfant, non pour vous expliquer, vous justifier ou
vous excuser, mais pour partager cette condition humaine
avec lui.

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5
Repérez
son émotion

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« Ne méprisez la sensibilité de personne.
La sensibilité de chacun, c’est son génie. »
Charles Baudelaire

V ous voilà désormais aussi informé que mesuré ! Il est temps


maintenant de retourner voir ce qui se trame chez l’enfant, un
peu plus précisément cette fois. Nous avons compris comment
fonctionnait la logique émotionnelle. Voyons maintenant laquelle
des quatre émotions traverse l’enfant, à la fois sous le choc, au
moment T ; mais aussi laquelle s’est installée au fur et à mesure en
tant qu’émotion-mère.

◗◗ Deux temps, deux mouvements


Pourquoi apprendre à repérer les signaux des quatre émotions,
vous demandez-vous légitimement. Parce que comprendre que
l’enfant est sous l’effet de la peur, de la colère, de la tristesse ou en-
core de la joie vous permettra d’admettre qu’il se trouve dans une
réactivité « plus forte que lui », automatique et tout orientée vers
sa survie. Et, d’emblée, cette information simple sera une donnée
qui va diminuer votre propre émotion. Enfants comme adultes,
nous sommes tous mus par le même mécanisme.

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Repérez son émotion

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Deux temps, deux mouvements

Non, décidément, l’enfant ne le fait pas exprès pour agacer ou pertur-


ber ou faire peur à son parent ! Il s’émeut pour répondre à ses besoins
(de sécurité, d’identité ou de sens) sur le moment, bien évidemment ;
mais aussi en différé, quand la mémoire d’un épisode douloureux
refait surface ou encore dans la projection d’un épisode futur.

Voilà pourquoi nous distinguerons l’émotion sur l’instant de


l’émotivité qui s’est installée sur le long terme. Ce qu’il vous faut
comprendre, c’est que plus l’émotion est immédiate, spontanée,
plus elle échappe au contrôle de l’enfant qui se vit comme empor-
té. C’est cette énergie-là qui va colorer les habitudes défensives.

Cette dynamique de survie est en effet enregistrée dans la mémoire du


cerveau comme garantie de la vitalité et de la croissance, et ce de façon
inconsciente. Ce qui apparaît alors à la conscience est vécu comme une
évidence, comme « plus fort que soi », comme « soi » en réalité.

Un peu de poésie
Ces vers écrits par Jacques Prévert illustrent parfaitement ce lien indé-
fectible entre soi et l’émotion :
« Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats […] »
Le rôle essentiel du parent n’est pas de valider le comportement de
l’enfant (« c’est bien ! ») ou de l’invalider (« c’est pas bien ! ») mais de
reconnaître déjà le sens vivant de sa réactivité. Pourquoi ? Pour, petit à
petit, lui donner à voir qu’il a d’autres ressources pour témoigner de cette
vitalité, des ressources plus justes et moins défensives ou agressives.

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Repérez son émotion

L’enfant, comme chacun d’entre nous, est donc marqué dans son
corps et, par ricochet, dans son esprit, dans ses représentations
mentales et comportementales, par cette coloration défensive liée
à la fuite, la lutte, le repli ou la recherche de plaisir.

Quelles sont les expériences à l’origine de cette mémoire non


consciente ? Ce sont d’abord des épreuves corporelles (la nais-
sance, les maladies, les traumatismes) puis, au fil des années, des
épreuves relationnelles et psychiques (des conflits, des brimades,
des séparations, des échecs, des frustrations…)

Prenons pour exemple la peur. L’enfant qui a enregistré, au fil


de ses expériences, que sa survie dépendait de sa capacité à fuir,
n’est pas… idiot ! Il a enregistré dans son corps et dans sa tête
l’impératif de la sécurité, et donc de la fuite comme moyen de la
conserver. Il ne va donc pas changer de réaction en cours de route
tant que celle-ci demeure efficace. Pas si bête !

Parce que la peur, sur l’instant, a déclenché le mouvement de fuite,


un mouvement qui lui a permis de se (re)mettre en sécurité ; parce
que, finalement, elle lui a sauvé la vie si souvent qu’il considère au-
tomatiquement cette stratégie comme utile et finalement indispen-
sable. Et la peur devient pour lui « inévitable ». Il s’y attache comme
il est attaché à elle. S’installe dans le temps un filtre de perception :
toute situation est d’emblée lue par le filtre du danger. Au cas où…

Voilà comment s’installe l’anxiété. À force d’utiliser ce même sché-


ma, l’enfant développe des habitudes cognitives et comportemen-
tales d’évitement. Au nom de sa sécurité, il cherche à éviter tout
problème, tout conflit, tout danger.

Il en va de même avec les autres émotions. Au nom de son identité,


sous la pression de faire sa place, des habitudes de dominance et
de lutte se développent, avec un filtre de perception : la menace.

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Deux temps, deux mouvements

Au nom de la cohérence et du sens, des habitudes de compréhension


et de repli s’installent, avec un filtre de perception : un monde
compliqué et difficile à vivre. Enfin, au nom de son plaisir,
des habitudes de captation dominent l’enfant, avec un filtre de
perception : un monde dont il faut tirer profit.

Ce petit pense-bête en forme de tableau vous permettra de bien


mémoriser le lien entre l’émotion du moment et les habitudes sur
le long terme :

Émotion
Habitudes Entretien,
immédiate,
Mécanisme cognitives et voire
spontanée,
de… comportementales augmentation
automatique,
de… de…
face au choc
Peur Défense du corps Fuite Anxiété
Colère Défense de l’image Lutte Ressentiment
Tristesse Défense des acquis Repli sur soi Mélancolie
Joie Attraction Recherche de plaisir Optimisme

93

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Repérez son émotion

◗◗ Le salaire de la peur

Intéressons-nous d’abord à la première de nos émotions princi-


pales : la peur. Celle-ci, vous le savez désormais, surgit quand un
événement est considéré automatiquement comme un danger, soit
un danger réel, soit un danger considéré comme réel du fait de
la mémorisation de situations identiques survenues dans le passé.
Rappelons que ces chocs précédents sont inscrits dans la mémoire
corporelle de l’enfant mais pas nécessairement dans sa mémoire
consciente. Son cerveau reptilien fait le lien mais pas nécessaire-
ment son néocortex ! Inutile donc de tenter de lui expliquer…

À chaud, que se passe-t-il sous l’effet


de la peur ?
Nous ralentissons à nouveau le film pour que vous puissiez obser-
ver ce qui se joue chez l’enfant.

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Le salaire de la peur

Que voyez-vous, vous ?

LA PEUR
Si vous y prêtez attention – et nous sommes certaines que vous le
ferez, n’est-ce pas ? – vous pouvez être témoin des modifications
qui surviennent automatiquement dans le corps et sur le visage
de l’enfant :

LA COLÈRE
yy Le corps s’immobilise immédiatement et présente des signes
caractéristiques.
yy Le visage se modifie : vous observez une rougeur, de la pâ-

LA TRISTESSE
leur, une dilatation des pupilles laissant apparaître le blanc des
yeux, le front se plisse, les yeux s’agrandissent sous l’effet de la
surprise, les sourcils se relèvent, la bouche s’agrandit.
yy Le rythme respiratoire change : l’enfant peut bloquer sa respi-
ration ou chercher à prendre de l’air, et le rythme cardiaque

LA JOIE
s’accélère.
yy Les mains sont moites, la peau pâlit car tout le sang va dans les
muscles : le corps s’apprête à réagir dans la fuite pour échapper
à ce que le corps perçoit comme un danger.

Devenir l’observateur de cet état de peur vous permettra de


prendre du recul. Vous deviendrez ainsi un spectateur avisé.

Que ressent-il, lui ?

Dans son corps, c’est l’état d’alerte maximum ! Son petit corps a été
averti que quelque chose n’allait pas, qu’il y avait danger. L’enfant se
sent mal, déstabilisé, ébranlé, coincé, oppressé, sa gorge est serrée,
il manque d’air pour respirer, sa tête est comme prise dans un étau,
son ventre est noué, ses jambes ou ses bras tétanisés. Le corps a per-
du sa stabilité, son aisance au profit d’un mal-être qui va le pousser
à faire quelque chose. Cette urgence intérieure est une pression à
agir sur l’instant pour sortir de l’état de malaise et quitter cette si-
tuation parfaitement inconfortable, voire douloureuse.

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Repérez son émotion

À quoi pense-t-il ?
Les pensées sont au point zéro ! La peur n’invite pas à penser mais
à agir. C’est la raison pour laquelle toute sollicitation rationnelle
est vaine. Son corps l’invite à bouger, à sortir de la situation inté-
rieure et extérieure dans laquelle il se trouve. Il faut absolument
qu’il se mette hors danger. S’il était en mesure de raconter le mes-
sage de son corps, ce serait « Sauve qui peut ! » Sauver sa peau,
c’est ce que réclame le corps en dehors de toute logique ration-
nelle mais en toute logique émotionnelle pour l’enfant.

Que dit-il ?

Il peut mettre des mots sur ce qu’il éprouve quand la sensation


est forte : « C’est trop noir, c’est énorme… » Mais il peut aussi se
taire, tout occupé à retrouver sa stabilité. Car c’est son corps qui
est en jeu et parler n’est pas d’une grande aide. C’est ainsi que
répondre aux questions des adultes peut nécessiter un effort trop
grand pour lui.

Comment se comporte-t-il ?

C’est l’agitation qui domine le comportement : l’enfant s’affaire,


bouge, marche, cherche à respirer, repousse les gestes des adultes
qui voudraient le calmer. Dans l’urgence, le corps répond à sa
propre logique de survie : l’enfant cherche un abri et son agitation
témoigne de cette quête essentielle.

Sur le long terme, comment s’installe l’anxiété ?


L’anxiété est l’installation de l’enfant dans un registre défensif de
peur ; celle-ci est intégrée à sa façon d’exister dans son monde,
comme un filtre au travers duquel il se représente les événements.

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Le salaire de la peur

C’est sa garantie personnelle de survie ! Coûteuse, cette habitude


a néanmoins sa logique, même si elle semble déconnectée de la

LA PEUR
réalité extérieure.

Paroles de parents : Denise, grand-mère d’Enora,


7 ans

LA COLÈRE
« Depuis quelque temps, je m’inquiète beaucoup pour
ma petite-fille. C’est une enfant vraiment adorable, très

LA TRISTESSE
drôle, mais on voit qu’elle a du mal à canaliser son éner-
gie. Elle veut toujours “faire un truc” quand elle passe le
mercredi à la maison ou “parler de choses, Mamie, tu sais”.
Elle n’est jamais tranquille, en vérité. Et, depuis son entrée
en CE1, elle se plaint de son ventre. Le pédiatre a parlé de

LA JOIE
somatisation, c’est cela qui m’inquiète. La maîtresse, elle,
prétend qu’elle n’a pas confiance en elle. Bon, je relativise,
personne n’a vraiment confiance en soi, surtout à cet âge-
là. Mais quand même, je la trouve bien angoissée pour une
petite fille. Je voudrais tant qu’elle soit plus heureuse, plus
joyeuse, qu’elle profite des bons moments de l’enfance, de
l’insouciance. »

L’avis du psy

Denise observe avec bienveillance que la peur s’installe


chez sa petite-fille. Enora, en cherchant de plus en plus sou-
vent à occuper son temps par des activités et son esprit par
des histoires, cherche à fuir sa propre réalité du moment.
Une attitude qui favorise le déni et prive de confiance la
petite fille. La confiance est en effet le témoin de sa capa-
cité à se fier à ses propres expériences et ses sensations,
celles-là mêmes qu’elle fuit. L’anxiété qui s’installe est une
pression du corps pour revenir à la réalité, et en premier
lieu à la réalité de ce qui a été éprouvé.

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Repérez son émotion

À nouveau, essayons de regarder précisément comment cette ha-


bitude défensive s’exprime.

Que voyez-vous, vous ?

Un enfant animé par la peur a un visage plutôt agité, des tics ner-
veux, les traits mobiles, les yeux qui semblent chercher quelque
chose (au cas où surviendrait un danger qui le déstabilise). Son
corps bouge beaucoup. L’enfant a du mal à tenir en place, il
cherche à sortir et d’ailleurs s’apaise plus facilement à l’extérieur. Il
parle vite, il est « comme une anguille ». Autre possibilité, il reste
à l’abri, parfois à l’écart, dans ses repères bien connus. Il observe
ce qui se passe autour de lui, est très attentif aux lieux, aux gens
et à leurs comportements. Il s’inquiète de ce qui va arriver.

Que ressent-il, lui ?

Très souvent, il éprouve comme une boule dans la gorge. Les


maux de ventre sont aussi fréquents. Il cherche souvent sa respi-
ration et se plaint d’oppression dans la poitrine. Il transpire plus
que les autres enfants. Il semble gêné dans son corps comme s’il
s’y sentait à l’étroit. On le dit mal dans sa peau et c’est exactement
ce qu’il ressent, comme si cette enveloppe était trop petite et qu’il
cherchait à s’en libérer.

À quoi pense-t-il ?

Il pense beaucoup, pose de nombreuses questions, notamment


sur la vie ou ce qu’il ressent. Et pourquoi ? Et pourquoi ? Les
réponses ne semblent jamais lui suffire. Il cherche des explica-
tions à son état, mais plus il cherche, plus l’anxiété augmente : ce
qui pourrait être une saine curiosité est ici orienté vers la quête
de solutions qui puissent lui garantir une sécurité totale… mais
malheureusement illusoire. Ce qu’il voudrait, c’est être sûr de s’en

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Le salaire de la peur

sortir ! De quoi, il ne sait pas, mais c’est un impératif pour lui.


Par ailleurs, cette recherche de solutions entretient l’idée qu’il a

LA PEUR
un problème, ce qui alimente l’anxiété. Il pense aux dangers éven-
tuels, aux risques qu’il encourt, à ce qui peut surgir dans sa vie,
dans sa famille, dans son corps, à l’école… Il anticipe aussi bien
ce qui peut lui arriver de pire que ce qu’il doit faire et mettre en

LA COLÈRE
œuvre pour éviter que le danger ne surgisse. Il considère les situa-
tions comme autant de problèmes ou d’obstacles.

LA TRISTESSE
Que dit-il ?

Il dit qu’il a peur, qu’on ne se rend pas compte, que n’importe


quoi peut arriver, qu’on l’empêche de vivre, de respirer. Il dit
aussi qu’il n’a pas confiance, ni en lui ni dans les autres. Il rêve

LA JOIE
de sérénité, de tranquillité, et la cherche en permanence en ob-
servant les événements. Il demande qu’on le rassure mais, tel le
tonneau des Danaïdes, aucun raisonnement ne vient à bout de
son anxiété. Et d’ailleurs, si l’entourage cherche à le rassurer,
c’est bien que le danger est réel ! Ses mots évoquent beaucoup
l’idée de s’en sortir, de trouver des solutions, d’avoir des moyens,
des certitudes, des repères solides, un entourage fiable et stable,
sûr et certain.

Comment se comporte-t-il ?

L’agitation est devenue une habitude, un comportement qui prend


l’allure de trait de caractère. L’enfant va chercher à se constituer un
environnement qui lui assure de la sécurité. Cette quête de sécu-
rité, dans sa version quête de sûreté, va se traduire par le besoin
de maintenir des repères connus, ou, dans sa version quête de
liberté, se traduira par la fuite de toute contrainte, l’évitement de
toute menace potentielle.

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Repérez son émotion

Le grand bénéfice de l’anxiété (si, si !)


Parce que la nature est bien faite, nous tenons à rappeler ici que
toutes les habitudes défensives ont du sens et de la valeur. Elles
ont véritablement favorisé le développement de nos talents, ceux
des adultes et, bien entendu, ceux des enfants. Ainsi, parce qu’il
voit en toute situation un danger potentiel et qu’il recherche des
solutions en permanence, l’enfant qui est dominé par l’émotion
« peur » est un enfant qui a le sens de l’observation et de l’antici-
pation ; il est en outre particulièrement créatif, imaginatif. C’est
d’ailleurs sur ce terrain qu’il vous faudra l’accompagner pour que
diminue son émotivité.

◗◗ Les raisins de la colère

La colère surgit quand l’enfant, dans la situation qui pose problème


sur le moment, ne peut pas fuir (bouger, se sécuriser). Mais aussi
quand il a mémorisé depuis belle lurette que la meilleure défense
restait… l’attaque ! L’intention de la colère est, par l’agressivité et

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Les raisins de la colère

le retournement contre ce qui fait choc, de vaincre ce qui menace


l’identité de l’enfant, d’être le plus fort pour ne plus éprouver de

LA PEUR
faiblesse et ainsi retrouver sa place dans le groupe. La priorité est
de dominer la situation mais surtout sa propre peur. Comme il ne
peut fuir, il crie ! Les autres seront des rivaux, voire des ennemis.

LA COLÈRE
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet
de la colère ?

LA TRISTESSE
Vous êtes désormais familier avec nos arrêts sur image. Voyons ce
qui se joue sous l’effet de la colère.

Que voyez-vous, vous ?

LA JOIE
Ce qui arrive à l’enfant (un geste, un mot, un reproche, une éva-
luation, une demande) est vécu comme un événement qui me-
nace directement sa valeur. Tout son corps est donc mis en ten-
sion, prêt à agresser l’agresseur. Ses sourcils orientés vers le bas,
provoquant des rides verticales au-dessus du nez, et ses yeux mi-
clos traduisent la fureur. Le visage est devenu rouge, la bouche
s’est fermée ou reste entrouverte, donnant à voir ses petites dents
prêtes à mordre. Sa respiration est ample. Son corps est ramassé
sur lui-même, prêt à bondir. Parfois, s’ajoutent des gestes de re-
jet, de dégoût : les lèvres forment une mimique spécifique. Sur
le moment, vous aurez rarement le temps d’apercevoir tous ces
signaux car la réaction de lutte suit souvent ces préparatifs corpo-
rels ! Mais, puisque désormais vous les connaissez, tâchez d’y être
attentif la prochaine fois que l’enfant verra rouge.

Que ressent-il, lui ?

L’enfant éprouve une urgence intérieure, qui prend la forme d’une


tension vers l’avant, d’un bouillonnement, la sensation d’être sous

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Repérez son émotion

pression. Toute son énergie est mobilisée dans cette résistance,


cette puissance vitale rassemblée pour faire front, pour tenir coûte
que coûte. Tout le corps peut ainsi se mobiliser pour agir contre
ce qui est perçu comme un danger qui vient mettre à mal sa va-
leur, son identité, son sentiment d’appartenance. Cette sensation
le prépare à l’attaque !

À quoi pense-t-il ?

À pas grand-chose sur le moment ! Il est entièrement concentré


sur sa survie. Son comportement réactif n’a rien de réfléchi. Il
s’agit de sauver sa place et rien d’autre ne compte. S’il pouvait
s’exprimer, ses mots raconteraient combien il se sent menacé, que
c’est plus fort que lui et que s’il n’est pas le plus fort, là, à cet ins-
tant précis, face à l’autre, il va en mourir.

Que dit-il ?

Son registre est plus proche de celui du cri que celui de la parole :
hurlements, injures font davantage penser à un animal en fu-
reur dont les rugissements accompagnent le mouvement d’agres-
sion. C’est tout le souffle qui s’exprime, l’enfant fulmine. Les cris
semblent autant là pour impressionner l’entourage, l’agresseur,
que pour encourager l’enfant à affronter le danger. Le parent qui
voudrait le calmer à ce moment-là ne ferait qu’accentuer la rage.

Comment se comporte-t-il ?

Il agresse, il tape, il mord, il donne des coups de poing, il fait mal,


il casse, il écrase, il envoie balader, il rejette tout ce qui se met en
travers de son chemin. Sa violence le dépasse et il pourra recon-
naître, mais seulement après, une fois l’émotion dissoute, qu’il n’a
pas pu, qu’il n’a pas su se contrôler.

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Les raisins de la colère

Sur le long terme, comment s’installe


le ressentiment ?

LA PEUR
Le ressentiment témoigne de l’installation dans le temps d’une
lutte sans fin. Comme si l’enfant continuait à être porté par cette
énergie défensive, cherchait à poursuivre le combat sans même

LA COLÈRE
savoir ni pourquoi, ni contre qui. Lutter, avoir raison, dépasser
ses peurs, affronter les situations et les vaincre, tel est son credo.
Évidemment, il y a la facette favorable (quand l’enfant parvient

LA TRISTESSE
à ses fins) et la facette défavorable (quand il tombe sur plus fort
que lui ou, plus simplement, se heurte au principe de réalité
des faits). Tout ce qui vient l’alerter sur une faiblesse le met
en rage. Nous parlons ici de ressentiment mais cette réactivi-
té émotionnelle existe aussi dans les comportements agressifs,

LA JOIE
voire violents.

Paroles de parents : Carmen, maman de Pablo,


5 ans

« Mon petit garçon est très colérique. Longtemps, j’ai


pensé que ma séparation d’avec son père était respon-
sable de cette agressivité qu’il retourne contre ses copains
à l’école mais aussi contre nous, et même contre lui-même
parfois. Tout est prétexte à l’exaspérer, à l’énerver. Il n’arrive
pas à enfiler son pull, il le jette. Son copain en classe fait un
joli dessin, il se moque de lui. Je lui demande de ranger sa
chambre, il claque la porte violemment. Comment dire…
Je sens que la colère gronde en permanence, qu’elle veille,
qu’elle ne le quitte jamais. Et je ne sais plus quoi faire pour
l’aider. Je sais bien que ce n’est pas en culpabilisant que je
vais y arriver. Mais le fait est que ça a commencé au mo-
ment du divorce… »

103

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Repérez son émotion

L’avis du psy

Pablo ne sait plus bien qui il est. Il cherche à retrouver une


place dans un couple séparé. Ne pouvant fuir cette situa-
tion, il cherche à la maîtriser et à prendre le contrôle. Sa
colère, contre ses copains, ses parents et lui-même, lui sert
à retrouver un peu d’énergie et de son identité. Il cherche
à vaincre sa peur et l’incertitude qui ont suivi le divorce.
L’émotivité de sa maman, qui est débordée et se sent cou-
pable, le confirme dans son ressentiment. La colère est son
refuge devant cette injustice. Bien sûr, elle n’arrange pas la
situation et Pablo ne peut qu’être frustré. Mais tant qu’il est
en colère, il reste debout.

Que voyez-vous, vous ?

Ce qui marque ostensiblement le visage et le corps de l’enfant,


c’est l’énergie, une sorte de réactivité combative. Vous percevez
une tension permanente, constatez que sa voix est forte, ses gestes
sont fermes, voire brutaux, et déplorez une certaine négligence
des autres et des conséquences de ses comportements. Soupe au
lait, susceptible, vite agacé, exigeant, difficile à vivre, dominateur
dans ses relations avec les autres, ses frères et sœurs notamment
mais aussi à l’école, l’enfant considère que la vie est un combat de
tous les instants.

Que ressent-il, lui ?

La tension lui est devenue naturelle, elle est, chez lui, comme
une seconde nature. Le ressentiment se manifeste sous la forme
de jalousie, d’indignation, d’injustice. Il en veut aux autres et s’en
veut à lui-même. Il craint de ne pas être à la hauteur. Il a peur de
perdre la face et rêve d’être le meilleur. Il souffre car il cherche sa

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Les raisins de la colère

propre valeur dans le regard des autres. Il craint par-dessus tout


d’échouer.

LA PEUR
À quoi pense-t-il ?

Il échafaude des stratégies pour obtenir la validation d’être

LA COLÈRE
quelqu’un de bien, de meilleur que les autres. Il veut avoir raison
et pense compétition. Il cherche à dominer : ses propres peurs
d’abord mais aussi sa fratrie, voire ses parents. Il ne s’accorde au-

LA TRISTESSE
cune faille. Il travaille beaucoup, se donne du mal pour y arriver.
Que ce soit à l’école ou à la maison, il vit avec l’obligation de réus-
sir. Il n’a pas une bonne estime de lui-même, se dévalorise et se
méfie de ceux qui pourraient le dépasser. Il n’aime pas perdre. Il
ressasse ses erreurs et se dévalorise lui-même. Mais, évidemment,

LA JOIE
il ne supporte pas que les autres pointent du doigt ses fragilités.

Que dit-il ?

Il réclame, quémande, parle fort, s’énerve vite et râle souvent. Il


n’est jamais content sauf, temporairement, quand il gagne, quand
il prend le dessus. Rien n’est jamais de sa faute et il peut être de
parfaite mauvaise foi. Il en veut à ses parents, à son enseignant, à
son frère, à sa sœur. Il explique, raisonne et cherche à prouver à
chacun qu’il a raison. Il se justifie pour se rendre justice.

Comment se comporte-t-il ?

Sa tension lui fait adopter des comportements brutaux, rudes, il


passe en force. On peut lui reprocher une certaine froideur quand
il cherche à réglementer les jeux, à être le plus fort ou le plus
rapide dans les apprentissages, à dominer ses copains. Les jeux
peuvent mal se terminer tellement il a envie de gagner. Il se dis-
pute facilement et peut se montrer très agressif, violent, il crie,
tape et envoie tout balader. Il ne supporte pas les critiques et les

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Repérez son émotion

reproches. Il aime bien les défis. Il entre vite en rivalité avec ses
amis ou sa fratrie et se montre jaloux de ce qu’ils ont ou de ce
qu’ils font, surtout quand ces autres réussissent à obtenir ce que
lui désire.

Le grand bénéfice du ressentiment (si, si !)

À nouveau, le mécanisme de défense que représente la lutte au


long court offre des bénéfices secondaires. En effet, la recherche
de contrôle de l’enfant dominé par l’émotion « colère », qui s’est
habitué à combattre pour survivre et garantir son identité, a favo-
risé son sens des responsabilités, sa capacité de décision et d’ar-
gumentation, son affirmation et son estime de soi. C’est d’ailleurs
sur ce terrain qu’il vous faudra l’accompagner pour que diminue
son émotivité.

◗◗ Bonjour tristesse

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Bonjour tristesse

Rappelez-vous : la tristesse est l’émotion qui suit la colère, quand


l’enfant n’a pu ni fuir ni lutter. Quand la tristesse s’installe après

LA PEUR
un choc, suite à une situation incompréhensible au moment T,
une situation qui fait perdre à la vie tout sens aux yeux de l’en-
fant, il se replie sur lui-même. Il s’isole pour survivre, le temps de
récupérer.

LA COLÈRE
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet

LA TRISTESSE
de la tristesse ?
De nouveau, repassons-nous le film au ralenti pour mieux com-
prendre ce qui se joue.

LA JOIE
Que voyez-vous, vous ?

Sous le choc, le visage de l’enfant se referme ; tous ses muscles


sont tirés vers le bas, il a des yeux de chien battu. Son corps peut
se figer. Il perd son élan, s’inhibe, s’arrête net. Tout son corps
semble retenu, le souffle est coupé. Ses yeux rougis brillent et
des larmes coulent sur son visage, doucement ou bruyamment.
Les paupières sont baissées, comme les coins de sa bouche qui
tombent vers le bas. La respiration est ample et lente, ralentie,
avec de gros soupirs et de petites inspirations superficielles. Tout
le tonus du corps est faible.

Que ressent-il, lui ?

Ce qui lui arrive est vécu comme trop compliqué, incohérent et


dénué de sens, complètement absurde. L’enfant éprouve un pro-
fond affaiblissement, une perte d’énergie, une lassitude subite,
un blanc, une sidération. Ses jambes lui échappent et ne le sou-
tiennent plus. Il se sent disparaître, il est comme tiré vers le bas,
affaissé, ramolli, épuisé sous l’effet du choc.

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Repérez son émotion

À quoi pense-t-il ?
À rien. Il ne pense pas. Il est même insensible à toute parole.
Inutile de lui demander de réfléchir, de faire appel à sa raison
pour qu’il se remue, pour qu’il parle, pour qu’il examine ce qui se
passe. C’est que tout son corps a bien assez à faire pour survivre à
ce qui a fait choc ! Il est trop paralysé pour pouvoir faire d’autres
efforts, et notamment l’effort de penser.

Que dit-il ?

La parole n’est pas plus accessible que la pensée. Parfois, il


gémit, il sanglote, parvient à dire que ce n’est pas juste, par
exemple. Mais le plus souvent, l’enfant se tait. Il fait silence
alors que l’entourage voudrait tellement qu’il s’exprime pour
dire ce qui ne va pas. Le corps cherche à récupérer, à reprendre
contact avec la réalité, la sienne d’abord, celle de l’environne-
ment ensuite.

Comment se comporte-t-il ?

Il ne bouge pas, il reste là, un peu comme une statue, le regard


triste et absent. Il pleure, il est dans son monde intérieur, loin
de ce qui se passe autour de lui. Il ne rentre pas en lien avec son
entourage, isolé dans sa bulle de protection, tout seul. Il cherche
à « disparaître », quitte à « faire le mort » et rester silencieux. Il
est « dans son coin ».

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Bonjour tristesse

Sur le long terme, comment s’installe


la mélancolie ?

LA PEUR
Quand la tristesse s’installe sur le long terme, c’est que ce repli est
devenu une « façon d’être » au monde, une « habitude d’être »
en relation avec les autres et l’environnement. L’enfant ne peut

LA COLÈRE
pas éviter les situations éprouvantes par la fuite ; il ne peut pas
exprimer sa valeur, ni obtenir la reconnaissance de son entourage
puisque ses tentatives de colère sont vaines et tombent à plat ;

LA TRISTESSE
alors il s’installe dans la mélancolie. La tristesse colore ses com-
portements, ses pensées, sa façon d’écouter et de parler. Il se retire
derrière un filtre qui le protège, toujours dans le souci de ne pas
déranger, de ne pas gêner.

LA JOIE
Paroles de parents : Romain, papa de Mia, 9 ans

« Ma fille a d’immenses qualités. Elle est profondément


gentille, elle fait attention aux autres, elle travaille bien à
l’école, elle se montre très responsable avec son petit frère.
Tout le monde rêve d’avoir une enfant si agréable et facile
à vivre. Avec Sylvie, mon épouse, nous pourrions être des
parents comblés. Sauf que nous voyons parfois Mia sombrer
dans la peine. Elle ne réagit pas, elle ne sait pas se défendre.
Si une copine est désagréable avec elle, elle encaisse, ja-
mais elle ne rendra la pareille. Mais nous voyons bien qu’elle
souffre en silence, qu’elle est abattue, affectée, parce qu’elle
ne comprend pas la méchanceté. Ce qui est étrange, c’est
qu’elle ne fait jamais rien pour se venger. Elle peut même
rester amie avec les gens qui la blessent. Quand je pense à
son avenir, quand je me dis que la vie n’est pas un long fleuve
tranquille, ça me fait un peu peur. Je crains qu’elle ne soit
trop fragile, trop docile pour affronter le monde. Et pourtant,
je suis fier d’elle, fier de sa bonté. »

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Repérez son émotion

L’avis du psy

Mia a trouvé dans ses habitudes de repli de quoi se réfugier


de situations complexes et qui la dépassent. Elle cherche
du sens, tente de comprendre ce qui se passe autour d’elle,
au prix de fréquentations qui la blessent. Le repli, teinté
de tristesse, fait suite à l’impossibilité de fuir ou de lutter.
Une réaction par défaut de pouvoir agir contre ou loin des
conflits ou des comportements hostiles. Mais sa gentillesse
est aussi une hypertolérance, un piège mental. Mia subit
plutôt son propre comportement, pourtant valorisé par ses
parents et la société comme responsable et obéissant.

Que voyez-vous, vous ?

Bien souvent, les traits du visage sont tirés vers le bas. Ce qui
se voit chez l’enfant en proie au choc s’installe dans le temps et
donne une impression d’effacement. Même le sourire semble
pauvre et discret. L’enfant paraît toujours fatigué et plutôt pâle.
Il manque d’énergie sans être malade pour autant. Il évite tout
effort, a du mal à se concentrer, parle peu et montre une certaine
hypersensibilité.

Que ressent-il, lui ?

Il se sent en peine, en panne. Fatigué, las et sans entrain, sauf


quand l’entourage trouve de quoi le stimuler. Comme si son éner-
gie un peu fragile devait être ménagée. L’enfant n’éprouve pas
vraiment de ressentis douloureux, mais se trouve dans un état
que l’on peut qualifier de « dépressif », au sens d’une absence de
pression. Tout effort lui semble compliqué et vite excessif. Une
impression de vide le tenaille et lui fait peur. Il se demande pour-
quoi et ne comprend pas, ce qui augmente son malaise. Il se sent
malheureux mais ne sait pas toujours à quoi ou à qui attribuer cet

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Bonjour tristesse

état. Il s’en veut et se sent vite coupable de mal faire et d’être aussi
faible. S’il est en colère, c’est contre lui-même.

LA PEUR
À quoi pense-t-il ?

Il cherche à comprendre le monde, les autres, le sens de cette

LA COLÈRE
existence qui lui semble si compliquée, à commencer par le com-
portement des adultes. Il pense beaucoup, cherche des explica-
tions, la vérité, les causes de tant d’inconséquences. Il pense que

LA TRISTESSE
s’il comprend, il va pouvoir agir à bon escient pour que la situa-
tion, trop complexe pour lui pour le moment, s’arrange. Parce
qu’il va alors réussir à l’arranger. Il pense qu’il est responsable,
coupable de la peine des autres. Il cherche en observant, en lisant,
en apprenant, en rêvant. Il pense qu’il y a, ailleurs, un monde

LA JOIE
meilleur, que ses parents ne sont pas les siens, que s’il fait tout
parfaitement, ça va aller mieux et qu’on le comprendra. Il croit
qu’il est un incompris parce que lui-même ne se comprend pas. Il
doute de lui, se dévalorise. Il craint de gêner son entourage. Mais
il a un monde intérieur souvent riche d’histoires qu’il se raconte
et qui lui font du bien, dans lesquelles il se sent plus exister que
dans le monde réel.

Que dit-il ?

Il n’est pas très bavard. Il parle doucement et ne prend pas facile-


ment la parole. Si on l’interroge, il répond mais ses proches disent
qu’il faut lui tirer les mots de la bouche. Il attend la validation ou
l’autorisation pour parler et cherchera toujours l’harmonie avec
les autres. Finalement, il a peur de s’exprimer. Lui-même aime
bien poser des questions pour comprendre. Il peut dire oui quand
il pense le contraire et est souvent d’accord avec le plus fort ou
le dernier qui a parlé. Ce qui n’est guère important pour lui car
l’essentiel se trouve dans son propre monde.

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Repérez son émotion

Comment se comporte-t-il ?
Il est discret, ne fait pas de vagues. C’est simple, on ne l’entend
pas ! Il s’efface volontiers, obtempère gentiment. Il rend facile-
ment service sans que l’on ait besoin de lui demander dix fois. Il
est gentil et réservé, aime se rendre utile. Il veut faire bien ce qu’il
entreprend, non pour être reconnu mais simplement pour faire
bien, beau, juste. Il peut être un peu maniaque, perfectionniste et
s’épuiser dans cette tâche. Ce qui le fatigue encore plus, au point
parfois qu’il arrête tout. Il fait tout ce qui lui semble pouvoir lui
procurer de la paix. Et il attend de l’aide des autres, dont il est vo-
lontiers dépendant. Mais ce qu’il veut par-dessus tout, c’est qu’on
le laisse en paix, tranquille.

Le grand bénéfice de la mélancolie (si, si !)

Bien évidemment, s’installer dans une forme de mélancolie après


avoir intégré que l’émotion « tristesse » était une issue de secours,
ça a du bon ! L’enfant qui se replie sur lui-même cherche un sens
à ce qui lui échappe, ce qui favorise un élan pour comprendre
(soi, les autres et le monde), un désir de savoir, une capacité à
prendre du recul, à être bienveillant, empathique. C’est d’ailleurs
sur ce terrain qu’il vous faudra l’accompagner pour que diminue
son émotivité.

◗◗ L’hymne à la joie
La joie est la seule émotion favorable, par rapport aux trois autres
qui sont défensives. Favorable, c’est-à-dire que l’enfant saisit la situa-
tion dans ce qu’elle va satisfaire son plaisir et donc favoriser sa vie.

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L’hymne à la joie

LA PEUR
LA COLÈRE
LA TRISTESSE
Une mécanique identique

LA JOIE
Évidemment, la joie a meilleure presse que ses consœurs tant elle
est agréable à vivre. Mais elle est, elle aussi, une simple réponse bio-
logique à un événement. Néanmoins, à la différence de la peur, de
la colère et de la tristesse, l’événement est perçu comme une oppor-
tunité : le cerveau reptilien la classe dans le registre « c’est bon ».
Une musique, une caresse, une odeur, une saveur, un contact, une
image… et voilà, le mécanisme se met en marche ! À partir de cette
perception, le système émotionnel suit la même logique :
yy Étape 1. Les sens sont saisis par cette opportunité…
yy Étape 2. Ce qui déclenche une sensation physique de joie :
l’enfant se sent excité, stimulé, échauffé, galvanisé…
yy Étape 3. Et donc une réaction d’ouverture : le cœur bat plus
fort, la respiration est plus ample, l’enfant peut aussi sauter de
joie, ou pleurer tout en riant, etc. Il cherche à « attraper » ce
qui a déclenché la joie, raison pour laquelle on parle de mou-
vement de « captation ».
yy Étape 4. Et ainsi, l’enfant satisfait sur l’instant son besoin de
puissance, de vitalité.

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Repérez son émotion

yy Étape 5. Le système cognitif se réveille par un désir de conser-


ver ce regain de puissance et de vitalité, cette ouverture, cet
élan de vie que l’on va nommer le bonheur ou le plaisir.
yy Étape 6. Ainsi, l’enfant développe toutes sortes d’habitudes
chargées de garantir ce bonheur et donc d’éviter le malheur : il
est positif, privilégie tout ce qui lui fait du bien, etc.
yy Étape 7. Seulement, quand il n’y parvient pas ou quand les
contrariétés s’accumulent, la frustration revient…
yy Étape 8. Au point que l’enfant se représente les autres sous une
forme binaire : il y a ceux qui lui font « plaisir » et les autres,
les « méchants », les « pas beaux » qui lui font du mal.

La joie est une émotion comme une autre, ni meilleure ni pire,


simplement plus agréable à vivre puisque son message est favo-
rable. En acceptant ce fait biologique, nous pouvons nous libérer
de cette représentation selon laquelle il existe des « bonnes » et
des « mauvaises » émotions. Les quatre émotions ont la même
finalité.

Mais examinons-la de plus près, cette joie qui transporte l’en-


fant. Elle est facile à percevoir lorsqu’elle s’empare de lui : l’enfant
s’ouvre, rit, devient enthousiaste, exalté. Il est comme emporté,
avide d’expériences positives et plein d’élan. Il s’exprime parfois
bruyamment, en demande encore plus, uniquement nourri par
son propre plaisir.

À chaud, que se passe-t-il sous l’effet


de la joie ?
Vous savez désormais comment mettre le film sur pause.

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L’hymne à la joie

Que voyez-vous, vous ?

LA PEUR
Un large sourire éclaire le visage de l’enfant, faisant apparaître ses
dents. C’est qu’il veut croquer la vie ! À moins que ce ne soit son
rire qui l’oblige à ouvrir grand la bouche pour ne pas en perdre
une miette. Les yeux brillent et sont mi-clos, faisant apparaître

LA COLÈRE
des petites pattes d’oie dans leur angle externe. Les joues sont
bombées sous l’effet du souffle. La respiration est ample… Aucun
doute, l’enfant est heureux et plein de joie !

LA TRISTESSE
Que ressent-il, lui ?

L’enfant perçoit ce qui lui arrive comme un cadeau, il veut en


profiter un maximum. Un sentiment de dilatation dans la poi-

LA JOIE
trine l’envahit, une sensation d’ouverture qui peut même s’avérer
douloureuse. Tous ses sens sont aux aguets. Il aime, il vit, il jouit
de la vie.

À quoi pense-t-il ?

Il ne pense pas à grand-chose sur le moment, tout occupé à se


réjouir, à profiter et à s’approprier ce qui lui arrive de bon. Il est
concentré sur lui-même, il goûte au bonheur et est peu sensible
aux autres ou à tout autre chose qui l’éloigneraient de ce qui le
gratifie.

Que dit-il ?

« Merveilleux, incroyable, super, top, génial… » Tout un voca-


bulaire superlatif est dédié à raconter la joie et cette sensation
si formidable de se sentir compris, heureux, satisfait, valeureux,
bien dans sa peau. Il parle fort, raconte, embrasse, remercie, se
répète.

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Repérez son émotion

Comment se comporte-t-il ?
L’enfant saute dans tous les sens, il rit aux éclats, il lance des objets
en l’air, il s’excite. Totalement tourné vers son plaisir, il exprime sa
satisfaction sans mesure.

Sur le long terme, comment s’installe


l’optimisme forcené ?
L’enfant optimiste voit le verre à moitié plein et entretient le goût
du plaisir. Il va donc orienter ses filtres de perception du côté de
ce qui rapporte de la satisfaction et du bonheur. Un filtre aussi
exclusif que peut l’être celui de la peur, de la colère ou de la tris-
tesse. Même si la joie a bonne presse, elle n’en demeure pas moins
une émotion qui détermine des habitudes de pensées, de compor-
tements et d’expressions.

Paroles de parents : Vanessa, belle-mère de Louis,


8 ans

« Louis est le fils de mon compagnon, Étienne. Je l’aime


beaucoup, je l’ai connu si jeune. Et puis tout se passe plutôt
bien, nous formons une famille très unie une semaine sur
deux, avec Nina, sa petite sœur qui est née il y a 3 ans.
Je m’entends vraiment bien avec Louis, sans doute parce
que je suis moins impliquée dans son éducation. C’est un
enfant très joyeux, plein d’entrain, nous jouons beaucoup
ensemble, nous faisons les fous, nous rions, nous faisons la
course au parc. J’aime ce rôle auprès de lui. Cependant, je
vois qu’Étienne a bien du mal à le contenir parfois. Louis
peut ne jamais s’arrêter, il n’arrive pas à se taire, à rester en
place, ni même à s’endormir : le soir, il veille jusqu’à ce qu’il
tombe. Avec Nina, c’est pareil : il la sollicite sans arrêt, veut

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L’hymne à la joie

la faire rire, lui apprendre tout un tas de choses. Étienne dit


que ça doit être épuisant pour lui. Moi, je ne sais pas qu’en
penser… »

LA PEUR
L’avis du psy

LA COLÈRE
Nous voyons combien le même système peut se retourner
contre l’enfant : le goût du bonheur peut devenir addictif
au point de rejeter toute interruption de satisfaction. C’est

LA TRISTESSE
là qu’apparaît – à un âge plus avancé, rassurez-vous – la
dépendance : à la nourriture, au travail, au sport, aux jeux
vidéo, à la drogue… Le corps et l’esprit qui lui est attaché
cherchent leur dose d’excitation. Et sont parfois prêts à
tout pour l’obtenir.

LA JOIE
Que voyez-vous, vous ?

Vous êtes auprès d’un enfant actif qui saisit les opportunités pour
rire, s’amuser, profiter des copains, chercher à se divertir, à plaisanter
sans trop prendre les choses au sérieux. Il est agréable et de bonne
compagnie. Il ne s’en fait pas et trouve toujours de quoi jouer.

Que ressent-il, lui ?

Il éprouve de la curiosité, de l’empressement, de l’intérêt pour cer-


taines choses ou certaines personnes, de l’envie, de la motivation.
Il est plein d’énergie et va de l’avant avec élan. Il se sent téméraire
et ambitieux.

À quoi pense-t-il ?
Il réfléchit à ce qui est bon pour lui, à ce qui va le satisfaire.
C’est pourquoi il pense souvent beaucoup à lui. Il se détourne
naturellement de la peine, voire de l’effort et n’est endurant que

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Repérez son émotion

vis-à-vis de ce qui va lui donner du plaisir. Il a du mal à faire


preuve d’empathie pour les copains tristes et craintifs. Il rêve
d’accomplir de grandes choses et se voit plutôt réussir, ses in-
terros comme son tournoi de tennis. Au point même de ne pas
relire sa copie, ce qui lui évite de voir ses erreurs. Il cherche à
éprouver la joie et agit dans ce sens, attendant de son entourage
qu’il le satisfasse.

L’enfant hyperactif
Attention ! Ce n’est pas parce qu’un enfant est très agité qu’il souffre
d’une pathologie. Nous attendons des plus petits de la sagesse, de
l’obéissance, du travail, des efforts, du calme, de l’attention… La liste
est longue et bien trop exigeante ! Ne tombons pas dans le piège
et évitons de considérer la surexcitation comme un symptôme.
Évidemment, les enfants qui éprouvent des difficultés à se concentrer
peuvent souffrir du désormais célèbre TDA/H, le trouble déficitaire
de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Ces enfants ont bien du
mal à se contrôler, à se tenir tranquille, ils ont besoin de toucher à
tout, font du bruit, ont toujours quelque chose dans les mains, sont
incapables d’attendre leur tour, oublient et perdent leurs affaires. Mais
seul un médecin spécialiste est habilité à poser un diagnostic aux 6 ans
de l’enfant, et pas avant ! En fonction de la sévérité du trouble et de
ses conséquences, un traitement médicamenteux et/ou thérapeutique
sera envisagé. Mais ce n’est pas parce que l’enfant bouge dans tous les
sens, animé par une joie nécessaire à son équilibre, qu’il est atteint de
ce trouble neurobiologique.

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L’hymne à la joie

Que dit-il ?

LA PEUR
L’enfant s’amuse, n’est pas avare de blagues, rit d’un rien, évite les
conversations sérieuses en parlant de ce qui lui fait plaisir. Il se
moque gentiment. Il raconte des histoires pour le plaisir de s’en-
tendre parler et inventer.

LA COLÈRE
Comment se comporte-t-il ?

LA TRISTESSE
Il demande beaucoup, veut faire plein de choses qui lui feront plaisir,
consomme, se lasse vite pour renouveler son plaisir. Il est créatif,
inventif et passe d’un jeu à un autre car il a du mal à approfondir les
sujets. Il recherche l’attention pour en profiter encore plus et fait rire
son auditoire. Il est avide de changements et de sensations fortes.

LA JOIE
Le grand bénéfice de l’optimisme
(là, vous êtes d’accord !)
De nouveau, ces habitudes cognitives et comportementales
permettent de développer certains talents chez l’enfant. À force
de rechercher le bonheur et les plaisirs, il est particulièrement
curieux, créatif, motivé, énergique et altruiste. C’est souvent un
enfant agréable à vivre, gai. C’est d’ailleurs sur ce terrain qu’il vous
faudra l’accompagner pour que diminue son émotivité.

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Repérez son émotion

◗◗ Quelle émotion s’est


confortablement installée
chez l’enfant ?
Nous avons fait le choix de vous présenter les quatre grandes
émotions qui traversent momentanément l’enfant avant de vous
proposer un test qui vous permettra de reconnaître celle qui pré-
domine chez lui, celle qui entraîne des pensées et des comporte-
ments défensifs sur le long terme.

Pourquoi ? Parce que nous avons tous une idée, voire des
croyances bien ancrées, quant au tempérament d’un enfant, à pro-
pos de ce que nous considérons comme « son problème ». Nous
voulions donc éviter de vous conforter dans cette idée ou plutôt
de vous enfermer dans ces croyances. Vous avez peut-être raison
et savez d’ores et déjà dans quel mécanisme de défense s’est peu à
peu installé l’enfant, sans en avoir conscience, évidemment.

Mais qui sait ? Le test suivant vous permettra peut-être d’ouvrir


les yeux et de comprendre que derrière son comportement très
émotif se cache une « émotion-mère » que vous ne soupçonniez
pas. Nous vous invitons donc à cocher parmi les quarante affir-
mations suivantes celles qui vous semblent le mieux correspondre
à l’enfant. Vous découvrirez à la fin du test son profil. Et pourrez
relire à loisir l’une des quatre descriptions précédentes. En procé-
dant de cette façon, vos idées deviendront plus claires.

1. Il est souvent agité.


2. Il veut être reconnu, valorisé.
3. Il aime être entouré.
4. Il envie les enfants qui ont de l’assurance.

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Quelle émotion s’est confortablement installée chez l’enfant ?

5. Il parle beaucoup, donne souvent son avis.


6. Il est parfois trop prudent, parfois très téméraire.
7. Il se réfugie dans son monde.
8. Il aime par-dessus tout qu’on lui fasse plaisir.
9. Il voit rarement le verre à moitié plein.
10. Quand on le blesse, il attaque.
11. Il aime la surprise, la nouveauté.
12. Il doute beaucoup, a du mal à se décider.
13. Il est vraiment curieux, la différence ne lui fait pas peur.
14. Il est un peu soupe au lait et se compare beaucoup aux autres.
15. Il est toujours partant.
16. Il peut être pris de panique.
17. Il est plutôt combatif.
18. Il pense beaucoup, réfléchit.
19. Il est déjà très ambitieux et n’aime pas les rivaux.
20. C’est un boute-en-train qui met l’ambiance.
21. Il est hypersensible.
22. Il n’aime pas beaucoup faire des efforts.
23. Il déteste être malade.
24. Parfois, il baisse les bras, abandonne.
25. Il apprécie les défis.
26. Il ne s’encombre pas de ce qui l’ennuie ou l’agace.
27. Il trouve souvent des échappatoires.
28. Il a facilement les larmes aux yeux.
29. Il prend le bon côté des choses, le meilleur chez les autres.
30. Il apprécie les bons camarades, se méfie des peureux.
31. Il a un côté « petit chef ».
32. C’est un solitaire.
33. Il n’aime pas être enfermé quelque part.
34. Il est généreux, trop parfois.
35. Il adore les anniversaires, Noël, les vacances…
36. Il pense beaucoup aux autres, se soucie d’eux.
37. Il ne se laisse pas abattre, ni marcher sur les pieds.
38. Il sait faire des choix, prendre des décisions.

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39. Il sait faire feu de tout bois.


40. Il pose beaucoup de questions.

Entourez dans le tableau suivant chacune de vos réponses puis


calculez votre total de A, de B, de C et de D. Reportez-vous ensuite
au profil de l’enfant.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
B C D B C B D A D C A B A C A B C D C A

21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
B D B D C A B D A B C D B D A D C C A A

Place aux résultats !

Vous obtenez davantage de :


A. C’est l’émotion « joie » qui prédomine chez l’enfant et qui a
développé des habitudes cognitives et comportementales teintées
d’optimisme, parfois forcené.

B. C’est l’émotion « peur » qui prédomine chez l’enfant et qui a


développé des habitudes cognitives et comportementales teintées
d’anxiété.

C. C’est l’émotion « colère » qui prédomine chez l’enfant et qui a


développé des habitudes cognitives et comportementales teintées
de ressentiment.

D. C’est l’émotion « tristesse » qui prédomine chez l’enfant et qui a


développé des habitudes cognitives et comportementales teintées
de mélancolie.

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Quelle émotion s’est confortablement installée chez l’enfant ?

Il se peut que le test fasse apparaître un équilibre et c’est tant


mieux. Cela veut dire que l’enfant joue sur toute la gamme émo-
tionnelle. Il se peut aussi qu’elle fasse apparaître deux domi-
nantes :
yy B et C. Peur-colère : l’enfant n’ose pas se sentir vulnérable.
yy B et D. Peur-tristesse : l’enfant a du mal à reconnaître sa propre
identité.
yy C et D. Colère-tristesse : l’enfant évite ses propres sensations
de peur.

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Repérez son émotion

LES IDÉES CLÉS À RETENIR

Comme il existe un code génétique, il existe un code


émotionnel. Apprenez à le décoder ! L’enfant, lui, est
emporté dans son urgence, il ne comprend rien à ce qui
lui arrive et il attend de son entourage d’être rassuré,
reconnu et aimé.

Reconnaissez les symptômes émotionnels :


• La peur : de l’agitation à la sidération. La peur parle
du désir de recouvrer sa sécurité et sa confiance.
• La colère : de la contrariété à la violence. La colère
parle du désir de recouvrer son identité, sa place et
sa propre valeur dans le groupe.
• La tristesse : de la lassitude à l’enfermement. La tris-
tesse parle du désir de recouvrer du sens à la situation
dans laquelle le trouve l’enfant, ainsi qu’à ses propres
réactions.
• La joie : de l’excitation à l’optimisme forcené. La joie
est aussi perturbatrice que les émotions dites défen-
sives. Elle parle du désir de recouvrer du plaisir et des
opportunités de vie.
• Quand l’émotion se déploie dans des habitudes
comportementales défensives, on parle de traits de
caractère ou de personnalité. Alors, le mot risque de
« coller » à l’enfant et de l’enfermer.

124

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6
Optez pour
la bonne réaction
à chaud

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« J’aimerais libérer ton esprit Neo, mais je ne peux que te montrer
la porte. C’est à toi qu’il appartient de la franchir. »
Morpheus dans Matrix

V ous voilà incollable sur les émotions, leur mécanisme, leur


sens, leur objectif. Mais que faire en cas de tsunami émotion-
nel de l’enfant ? Comment réagir quand il est débordé par la peur,
la colère, la tristesse et même la joie ? Pas de panique, place à la
pratique.

◗◗ Que faire dans tous les cas ?


Ces premiers conseils vont vous aider à mieux réagir quelle que
soit l’émotion intense, voire douloureuse, qui traverse l’enfant.
Nous étudierons ensuite la meilleure façon de se comporter en
cas de peur, de colère, de tristesse et de joie intempestive.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

Que faire en cas de tsunami émotionnel de l’enfant ?

Occupez-vous d’abord de vous !


Souvenez-vous de notre métaphore du masque à oxygène dans
l’avion en cas de dépressurisation : vous ne pouvez pas donner
de l’air à l’enfant si vous en manquez vous-même. Donc, avant
toute chose, avant toute démarche, appuyez sur pause et vision-
nez le film de la situation dans laquelle vous vous trouvez. Rappe-
lez-vous nos conseils du chapitre 4 :
1. Prenez deux minutes pour respirer, marcher, fermer les yeux,
boire un verre d’eau, vous étirer, bref retrouver un peu de votre
stabilité corporelle.
2. Identifiez votre bavardage mental, repérez vos (vilaines) pen-
sées : qu’êtes-vous en train de vous dire qui aggrave la situation ?

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Que faire dans tous les cas ?

3. Tâchez de distinguer les faits de l’effet qu’ils vous font : que


s’est-il passé concrètement ? Qu’avez-vous vu, entendu, senti ?
4. Qu’éprouvez-vous ? Nommez votre émotion, accueillez-la,
laissez-la vous traverser : à l’origine, vous le savez maintenant,
elle vous veut du bien !
5. Comment êtes-vous en train de réagir ? Voyez si, pour vous
défendre, vous optez, consciemment ou non, pour la fuite, la
lutte ou le repli ; ne vous culpabilisez pas, reconnaissez seu-
lement que vous êtes embarqué « à l’insu de votre plein gré »
dans le processus émotionnel, la logique émotionnelle.

Optez pour la bonne posture


Quand l’enfant est dépassé par ce qu’il éprouve, il convient
d’adopter, en tant qu’adultes, une posture corporelle stable, fiable
car notre rôle est de soutenir l’enfant. Nous devons incarner un
repère, un peu à la manière d’un tuteur sur lequel le petit cham-
boulé pourra prendre appui. Cette posture physique nous per-
mettra par ailleurs de garder le cap psychiquement.

Comment vous installer confortablement pour faire face à la si-


tuation ?
1. Mettez-vous à sa hauteur. Vos pieds sont bien ancrés au sol
mais vous réduisez la distance entre l’enfant et vous et ainsi
sortez d’une position qui peut lui apparaître dominante.
2. Regardez-le dans les yeux : ayez un regard doux, bienveillant,
compréhensif, à l’écoute ; transmettez-lui votre confiance avec
les yeux.
3. Votre regard peut rester ouvert et large, c’est-à-dire sans fixer
l’enfant. Ainsi, vous restez en contact avec la situation et évitez
de vous sentir « piégé » par l’émotion de l’enfant.
4. Tâchez d’adopter une position d’ouverture corporelle : ouvrez
grand votre buste, vos bras.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

5. Soyez vraiment prêt à accueillir ce qui se passe : desserrez la


bouche, détendez vos muscles.
6. Prenez du temps. Dites-vous que la crise sera d’autant plus
longue que vous chercherez à gagner du temps. L’enfant n’a
aucune notion des contraintes sociales tant qu’il n’en fait pas
lui-même l’expérience – à l’école notamment.

Cela étant dit, il ne s’agit pas de singer l’adulte serein qui « gère »
la situation ! Nous devons nous montrer authentiques, rester
nous-mêmes, c’est-à-dire une personne qui sait ce qui se passe et
qui va traverser cet épisode houleux en tenant la barre. Il convient
donc de relâcher le corps plus que de le contraindre. C’est le déca-
lage entre notre message – ce que nous disons – et notre attitude
– ce que notre corps exprime – qui crée chez l’enfant la confusion,
la méfiance, voire le rejet. En essayant de contrôler nos mouve-
ments, nous perdons en spontanéité, ce que le petit bouleversé
percevra comme une incohérence.

Intéressez-vous à ce qu’il éprouve


et ce qu’il pense
Souvenez-vous : c’est son émotion, pas la nôtre ! La nôtre, si nous
avons suivi le plan de cet ouvrage, est déjà en grande voie d’amé-
lioration. Il est temps d’entendre et d’accueillir la sienne, pour
l’aider à décrypter ce qui se passe.

Comment mener l’enquête de façon efficace ?


1. Posez des questions (ouvertes, si possible) et écoutez attentive-
ment les réponses de l’enfant.
2. Reformulez : le mieux serait de reformuler avec ses mots à lui ;
ainsi, l’enfant se sent vraiment entendu, compris, et considéré
dans ce qu’il vit intérieurement ; c’est une façon d’entrer en ré-
sonance avec lui, d’entrer dans son monde sans interprétation

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Que faire dans tous les cas ?

et de façon respectueuse. Si vous n’y arrivez pas, reformulez


avec vos mots à vous, puis demandez-lui si c’est bien ce qu’il
a voulu dire.
3. Synthétisez : tâchez d’en faire une conclusion – toujours avec
ses mots à lui si possible. À défaut, avec les vôtres et vérifiez
auprès de lui si vous avez bien compris.
4. Gardez parfois le silence : évitez les jugements et commen-
taires personnels trop hâtifs, laissez-le s’exprimer.
5. Observez le langage corporel de l’enfant : son corps bouge, il
se tire les cheveux, se mord les lèvres, respire fort. Ces signes
vous disent qu’il est anxieux et a besoin de retrouver de la
sécurité ; des bras croisés vous disent qu’il se ferme pour se
protéger et repousser toute intrusion, qu’il est plutôt en lutte ;
des larmes aux yeux, du silence sur un visage bouleversé vous
disent qu’il a de la peine et ne comprend plus rien.
6. Manifestez de l’intérêt : regardez-le, hochez la tête, soyez pré-
sent, ici et maintenant.
7. Restez attentionné : ne faites strictement rien d’autre qu’être
présent et à l’écoute, laissez de côté votre to-do list de la jour-
née.
8. Laissez de la place et du temps à l’émotion de l’enfant : c’est la
sienne, pas la vôtre, on ne le répétera jamais assez !

Nommez l’émotion si l’enfant est jeune ou s’il


est complètement perdu dans ses ressentis
Vous connaissez la formule : mieux vaut toujours mettre des mots
sur les maux. Or, l’enfant, parce qu’il est encore jeune ou parce
qu’il est si bouleversé qu’il ne sait plus où il en est, peut ne pas
reconnaître ce qui lui arrive.

Nommer l’émotion permettra de donner une forme extérieure,


palpable, identifiable, à ce qui se trame et qui est bien confus à

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Optez pour la bonne réaction à chaud

l’intérieur. Plutôt que de dire à l’enfant que c’est normal d’avoir


peur ou qu’il a le droit d’être en colère ou triste, trouvez les mots
qui décrivent l’état dans lequel il se trouve et qui expriment ce
qu’il éprouve, surtout dans son corps.

Concrètement, que lui dire ? « Je vois ce qui se passe. Tu te sens


peut-être tout serré dans la poitrine ou le ventre (la peur), tendu
avec l’envie de tout casser (la colère), tout vide et malheureux (la
tristesse), excité avec l’envie de sauter partout (la joie). Est-ce que
je me trompe ? Non ? C’est bien ça ? C’est pénible, ça fait mal. »
Si l’enfant vous dit que vous vous trompez, revenez en arrière et
menez à nouveau l’enquête.

Soyez vigilant quant au ton que vous emploierez. Nous parlons


avec des mots mais c’est la voix qui les transporte. Or, plus la
voix est aiguë, avec une forte intensité, plus elle est désagréable,
crispante ; plus la voix est grave, douce et basse dans son volume,
plus elle est réconfortante.

Sachez enfin que vous n’avez pas besoin de ressentir la même


chose que l’enfant. Cette forme d’empathie n’arrange pas sa dou-
leur et pourrait même la compliquer. En revanche, vous pouvez
partager son expérience car vous-même avez vécu ces épreuves
quand vous étiez enfant – et, avouons-le, encore aujourd’hui ! Il
est inutile d’en parler à chaud mais cela vous aidera à écouter la
douleur qui le traverse et à conserver votre patience.

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Que faire dans tous les cas ?

Éduquer sa conscience
émotionnelle, qu’est-ce que c’est ?
C’est en adoptant ces attitudes d’écoute, constructives et productives,
que vous favorisez la conscience émotionnelle chez les plus jeunes.
Il s’agit d’éveiller l’enfant à la valeur de l’émotion, à ses messages et
au caractère naturel de son expression. Il acquiert ainsi la conscience
qu’il est un être à la fois vivant, avec un corps sensible et qui peut être
heurté par des événements divers, et intelligent, car capable de com-
prendre et de raisonner. On peut parler de « quotient émotionnel »,
évaluation qui n’a rien à voir avec le QI. La conscience émotionnelle
est la capacité à :
• identifier son propre état émotionnel : qu’est-ce qui m’arrive ?
• identifier l’état émotionnel de l’autre : il lui arrive quelque chose, je
le perçois ;
• comprendre le mécanisme, logique et naturel, de l’émotion ;
• accepter cette information inconfortable et vitale ainsi que celle
de l’autre ;
• réfléchir à partir du message émotionnel et celui de l’autre.

Ne jugez pas sa réaction


Rappelez-vous toujours que l’émotion répond à une mécanique
de survie. Si l’enfant réagit de telle ou telle façon, c’est qu’il a rai-
son : il en va de sa vie ! Abstenez-vous donc de tout commentaire,
critique, jugement et condamnation. Il vous faut accompagner le
mouvement, pas l’endiguer.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

Comment faire ? Cherchez et reconnaissez ce qu’a fait l’enfant


dans la situation, sans juger : est-ce qu’il s’est tu ? Est-ce qu’il
s’est défendu ? Est-ce qu’il a boudé ? Est-ce qu’il a pleuré ? Est-
ce qu’il s’est agité ? Est-ce qu’il s’est enfui dans ses rêves ? Vous
devez comprendre que c’est la solution qu’a trouvée l’enfant sur
le moment et que cela lui a permis de rester là, sain et sauf, alors
qu’il était en panique, ou « super en colère » ou « triste à mou-
rir ». Validez que ce qu’il a fait était la solution de son corps,
qu’il n’y a rien à regretter et que s’en vouloir ne ferait qu’aug-
menter sa peine et sa peur.

N’hésitez pas à lui raconter des histoires d’animaux qui, sous l’ef-
fet de la peur, cherchent à s’échapper ou bien qui, sous celle de la
colère, vont montrer les dents, se hérisser le poil ou au contraire,
sous l’effet de la sidération, vont s’arrêter de bouger et faire le
mort.

Gardez à l’esprit que sa réaction est ce que votre enfant a trouvé


« de mieux » pour répondre à une situation qu’il vit comme une
menace ou qu’il trouve trop complexe. Il est mû par son système
de survie et en partie déterminé par lui. Et comment peut-on en
vouloir à un tel système ?!

◗◗ Que faire en cas


de peur momentanée ?
Passons maintenant aux situations délicates provoquées par nos
quatre émotions principales. Et pour commencer, voyons comment
réagir lorsque nous sommes confrontés à la peur. Comme Vincent,
le papa d’Edgar, qui nous raconte un épisode peu agréable.

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Que faire en cas de peur momentanée ?

Paroles de parents : Vincent, papa d’Edgar, 7 ans

« J’ai vécu l’enfer la semaine dernière. À l’heure de son

LA PEUR
cours de solfège, Edgar a décrété qu’il n’irait pas, qu’il
n’irait plus. On sortait de l’école et j’ai dû le traîner jusqu’au
conservatoire. Il hurlait que la musique, c’était nul, que lui

LA COLÈRE
était nul en musique, que le prof était nul, etc. Je savais
qu’en effet ce dernier n’était pas commode. Je savais aussi
qu’il fichait une trouille bleue à Edgar qui, du coup, avait

LA TRISTESSE
peur de tout rater, de ne pas comprendre, de se tromper.
Mon fils était terrorisé, vraiment… Et moi, tiraillé entre l’en-
vie de le protéger et le souhait qu’il dépasse ses peurs, qu’il
n’abandonne pas pour de mauvaises raisons… »

LA JOIE
L’avis du psy

Il s’agit ici d’une peur anticipée mais elles sont fréquentes


chez l’enfant. En réagissant dans la panique, Edgar cherche
par-dessus tout à éviter le moment où il sera face à son
professeur « pas commode », sans doute tétanisé et inca-
pable de répondre car tout occupé à survivre à la situation.
Vincent est tiraillé entre son rôle de papa protecteur et son
rôle de père qui sait la nécessité d’affronter les situations
difficiles pour découvrir ses propres ressources. La posture
à adopter est délicate : s’arrêter, écouter les mots de l’en-
fant, lui donner à entendre les maux qu’il éprouve, recon-
naître que son professeur est exigeant, lui proposer une
porte de sortie autre que d’échapper à la leçon de musique
(récompense valorisante).

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Optez pour la bonne réaction à chaud

Les fausses bonnes pistes


Voyons d’abord ce qu’il nous faut, dans la mesure du possible,
éviter de faire :
yy Nier l’émotion ou l’événement : « N’aie pas peur, arrête d’y
penser. »
yy Dédramatiser : « Tu as peur pour rien, le prof n’est pas un
monstre non plus ! »
yy Dramatiser à excès : « Comme tu dois souffrir ! Oh ! là, là !
c’est très grave ! »
yy Chercher des solutions à la place de l’enfant : « Je vais deman-
der à ton prof d’être plus gentil avec toi. »
yy Donner des ordres (qui peuvent avoir l’air de conseils) : « Moi,
à ta place, je me ferais tout petit pour éviter qu’il m’interroge. »
yy Victimiser l’enfant : « Ce prof est extrêmement méchant ! »
yy Culpabiliser l’enfant : « C’est de ta faute ! Tu ne travailles pas
assez ton solfège… »
yy Surenchérir : « Montre-lui que tu es le plus fort, que rien ne
te fait peur ! »
yy Juger : « C’est nul d’avoir peur, tu es grand, tu ne dois pas
pleurer. »

Toutes ces fausses bonnes pistes témoignent de l’émotivité du pa-


rent et de ses propres habitudes/solutions pour traiter ce type de
situations. Solutions utilisées par lui… ou solutions idéalisées et
fantasmées présentées sous la forme d’un « yakafokon ».

Les vraies bonnes idées


Et maintenant, voici les comportements que nous pourrions
adopter pour à la fois tenir compte de la peur de l’enfant et avan-
cer avec elle (et non contre ou sans elle, souvenez-vous) :

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Que faire en cas de peur momentanée ?

yy Réconforter l’enfant physiquement : prenez-le dans vos bras,


caressez-lui les cheveux, sans le contraindre mais en l’assurant

LA PEUR
de votre présence physique ; ici, gardez le silence.
yy L’inviter à respirer, profondément : dites-lui de poser une main
sur l’abdomen et l’autre sur la poitrine, de sentir son ventre se
soulever et s’abaisser, à plusieurs reprises. Faites-le avec lui, en

LA COLÈRE
même temps.
yy Expliquer que la peur est naturelle et qu’elle est passagère :
« Tu as peur, c’est normal, cette sensation va passer » ; inutile

LA TRISTESSE
d’ajouter « Ne t’inquiète pas » puisque, justement, si, il est
inquiet !
yy L’encourager à exprimer ce qu’il sent sans jugement, ni com-
mentaire : « Comment ça se passe, là, dans ton corps, en ce
moment ? Tu as mal quelque part ? Dans ta gorge ? Dans ton

LA JOIE
ventre ? »
yy L’encourager à exprimer ce qu’il pense : « Qu’est-ce qui te fait
dire que ce professeur est nul ou méchant ? Est-ce parce qu’il
s’est conduit avec sévérité avec toi ? »
yy Reformuler ce qu’il dit pour bien le comprendre : « Si je te
comprends bien, tu crois que ce professeur ne t’aime pas ? »
yy Revenir à l’événement déclencheur : on n’a jamais peur pour
rien, même si c’est pour un rien : « Que s’est-il passé la semaine
dernière pendant le cours ? »
yy Envisager avec l’enfant ce qu’il peut faire pour à la fois conser-
ver sa sécurité et sa liberté dans la situation telle qu’elle est :
« La peur est là, qu’est-ce que tu peux faire avec elle ? Par
exemple, puisque nous sommes pour le moment tous les deux
dans la rue, tu peux me serrer très fort la main, regarder les
vitrines, retrouver la dernière fois où tu as bien répondu au
solfège, chanter… »
yy Entraîner l’imagination de l’enfant à trouver des solutions : « Si
jamais cela recommence, si le prof n’est pas content, qu’est-ce
que tu peux faire ? Par exemple, tu peux le regarder vraiment
et voir que, s’il crie autant et a une voix si dure, c’est qu’il doit

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être bien malheureux, t’échapper dans tes rêves, imaginer que


tu es un chevalier très fort puisque tu résistes à la sévérité de
ton professeur… »

◗◗ Que faire en cas de colère


momentanée ?
Autre émotion particulièrement déstabilisante pour l’enfant mais
aussi pour nous, adultes qui montons vite dans les tours : la co-
lère. C’est Madeleine, assistante maternelle, qui nous en parle.

Paroles de parents : Madeleine, nounou de Carmen,


3 ans

« Je m’occupe de Carmen depuis qu’elle est bébé. C’est


une enfant très sensible et pour cela, très attachante. Mais
elle se met parfois dans des états pas possibles. Pas plus
tard qu’hier au parc, une enfant un peu plus âgée se faisait
un malin plaisir à passer devant elle pour grimper sur le to-
boggan. Une fois, deux fois, trois fois… Je voyais ma petite
louloute s’exaspérer. Et ça n’a pas manqué. Elle s’est mise
à crier mais plutôt que de s’en prendre à la petite fille, elle
s’en est prise à son goûter, qu’elle a jeté par terre, à moi, “Tu
es méchante !”, au toboggan contre lequel elle a tapé. Im-
possible de la calmer. J’ai essayé de faire diversion, d’inter-
venir auprès de l’autre enfant, j’ai même sorti les bonbons.
Rien à faire, on a dû quitter le parc. Ce n’est qu’en rentrant
à la maison qu’elle s’est enfin reprise. Moi, j’étais épuisée. Et
pourtant, j’ai l’habitude des enfants ! »

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Que faire en cas de colère momentanée ?

L’avis du psy

LA PEUR
La petite Carmen se trouve face à une autre petite fille qui
se place en rivale et elle se laisse dominer. Son identité en
souffre et seule la colère qui la submerge lui permet de re-
prendre sa place, sa force et le sentiment de sa puissance.

LA COLÈRE
Mais cette colère est décalée par rapport à la situation ini-
tiale et c’est souvent le cas chez les enfants : ils s’attaquent
aux plus petits, aux plus faibles pour être sûrs de gagner.

LA TRISTESSE
Ou bien détournent leur agressivité contre des objets qu’ils
cassent. L’entourage a du mal à comprendre et cherche à se
protéger ou à raisonner l’enfant. Mais plus l’enfant valide sa
force par la lutte, plus il est attaché à son comportement.
Sans s’en rendre compte, bien sûr.

LA JOIE
Les fausses bonnes pistes
Face à la colère de l’enfant, avouons-le, il n’est pas facile de garder
son calme. Et pourtant, nous gagnerions du terrain en évitant
certains comportements improductifs :
yy Punir l’enfant pour s’être mis en colère plutôt que pour ce qu’il
a réellement fait : « Si tu ne te calmes pas tout de suite, je te
prive de bonbons/de dessins animés toute la semaine. » Si l’en-
fant avait tapé l’autre fillette, alors il serait important de repar-
ler de son comportement agressif, mais plus tard.
yy Lui interdire de s’exprimer, lui donner des ordres : « Arrête de
crier ! »
yy Juger son comportement : « Tu n’as pas honte ? Tu es complè-
tement folle, ma pauvre… »
yy Lui démontrer que se mettre en colère contre les autres (le
goûter, le toboggan…), sans s’affirmer (face à la petite fille),
c’est complètement stupide.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

yy Le traiter de « méchant », l’accuser d’être un mauvais enfant :


« Tu es insupportable ! »
yy Rejeter l’enfant, le repousser physiquement.
yy Hurler plus fort que lui, entrer dans un bras de fer dont il sor-
tira forcément vaincu : « Tu vas voir qui est le chef ici ! »
yy Vouloir le prendre dans ses bras pour le calmer : ce n’est vrai-
ment pas le moment.
yy Tenter de lui expliquer que se mettre en colère ne sert à rien :
« On n’a pas idée de se mettre dans un tel état ! » Il n’a pas
accès à sa propre raison.
yy Se substituer à lui pour trouver des solutions alternatives ; la
colère étant une voie qui exprime le besoin de reconnaissance,
l’adulte ne doit pas lui proposer ses propres solutions pour
restaurer son sentiment d’identité : « Tu n’avais qu’à lui dire
que c’était ton tour et qu’elle n’avait pas à te prendre ta place ! »
yy L’entraîner à se battre en dehors des règles sociales : « Tu n’avais
qu’à pousser cette petite fille à ton tour ! »

Les vraies bonnes idées


Alors, que faire ? Voici quelques réactions bien plus adaptées en
cas de crise :
yy Se mettre à sa hauteur physiquement, tout en conservant un
peu de distance pour le laisser s’exprimer (par des mots, par
des gestes).
yy Lui demander dans son corps l’endroit où ça chauffe très fort
et d’y mettre la main ou bien son doudou.
yy Reformuler comme une question ses propres mots sans les dé-
former du tout pour qu’il réentende ce qu’il exprime. Lui : « Tu
es méchante, je te déteste ! » Vous : « Je suis méchant et tu me
détestes ? » Cette façon de faire permet à l’enfant de se sentir
entendu (et donc un peu compris) et reconnu dans ce qu’il vit.
Cela ne valide pas le contenu de ses propos mais cela restitue

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Que faire en cas de colère momentanée ?

à l’enfant ce qui lui appartient en propre. Et cela vous évite de


prendre pour vous ce qui appartient à l’enfant.

LA PEUR
yy Accueillir ses propos quels qu’ils soient, aussi irrationnels et
excessifs soient-ils. Ces mots sont un défouloir de la tension
qui habite l’enfant et dérivent sa violence.
yy Lui dire que sa colère est une façon de se défendre : « Tu sais,

LA COLÈRE
quand on en veut à l’autre mais que l’on n’ose pas l’affronter
ou bien que l’on n’aime pas se battre, alors on se défoule sur
d’autres objets ou d’autres personnes. » C’est tout à fait naturel

LA TRISTESSE
et vous allez tous les deux laisser passer la colère un petit mo-
ment pour mieux l’écouter.
yy Distinguer ce que l’enfant aimerait idéalement faire à ceux qui
« menacent son identité » de ce qu’il fait réellement. La petite
Carmen laisse passer l’autre enfant et a du mal à s’imposer. Sa

LA JOIE
colère cache sa difficulté. Et elle se retourne contre ses proches.
« Tu aimerais être plus forte que tu n’as été et tu t’en veux. Mais
ce que tu as fait a été important pour toi sur le moment ».
yy Lui demander de parler plutôt de lui-même que des autres :
« Les autres m’intéressent beaucoup moins que toi. Peux-tu me
parler de toi ? » Cela limite et recadre le propos de l’enfant bien
plus efficacement qu’en lui interdisant de mal parler des autres
ou d’utiliser des mots grossiers.
yy L’inviter à imaginer des solutions la prochaine fois que survient
ce même type de situations. Les reconnaître et même faire une
liste avec lui avant de les relire et de les évaluer à l’aune de ce
que l’enfant se voit réellement pouvoir faire ou dire. Attention
aux solutions fantasmées !
yy Être attentif à ce qu’il dit de lui-même, même s’il n’évoque
qu’une situation ou un événement. Dans sa colère, l’enfant
donne à voir l’image qu’il a de lui dans la situation qui le bou-
leverse. Quand il parle des événements ou de l’autre, c’est en
réalité de lui qu’il parle. « Tu es méchante ! » signifie sans
doute que c’est l’enfant qui se trouve insuffisant.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

yy Ne pas céder. Restez cohérent avec l’enfant ; le oui est un oui et


le non est un non. Quand vous dites non, vous savez pourquoi
et nul comportement, même pénible, ne vous fera changer
d’avis. Vous observez sa colère, mais n’oubliez pas que celle-ci
est sa solution à court terme et ne vous concerne pas directe-
ment. Vous n’êtes pas sa solution sur le moment.

◗◗ Que faire en cas de tristesse


momentanée ?
Comme toutes les émotions, la tristesse de l’enfant réveille au-
tomatiquement la nôtre. Notre cœur est aussi brisé que le sien,
comme l’évoque Amandine, une maman éprouvée.

Paroles de parents : Amandine, maman de Simon,


9 ans

« Simon a toujours été un petit garçon solitaire. Je ne sais


pas pourquoi je dis “petit” alors qu’il a bientôt 10 ans… Bref,
il est toujours le nez dans ses bandes dessinées. Il a très peu
de camarades, deux en réalité, et justement le drame est
arrivé cette année. L’un de ces garçons ne l’a pas invité à
son anniversaire, comme les années précédentes. L’enfant
en question est très apprécié et ses parents ne pouvaient
pas inviter tout le monde au Laser Game, ce que je com-
prends. Et Simon aussi le comprenait. Mais vous auriez
dû voir son visage quand je lui en ai parlé le soir au dîner
– lui ne voulait pas. “C’est comme ça, me disait-il, tant pis.”
Quand je lui ai demandé s’il avait de la peine, il m’a répon-
du : “Oui, j’ai de la peine. Mais c’est pas grave… C’est pas
très important pour moi… Enfin si, j’aurais préféré y aller
aussi… Je ne sais pas.” Il avait la voix pleine de larmes et

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Que faire en cas de tristesse momentanée ?

j’avais envie de hurler que si, c’était grave ! Pendant des


semaines, il est resté dans cet état de tristesse, un peu de

LA PEUR
torpeur, jusqu’au jour de l’anniversaire, en fait. Jusqu’à ce
que le Laser Game se passe, s’éloigne enfin. »

L’avis du psy

LA COLÈRE
Quand Simon reçoit la nouvelle – son copain ne l’invite
pas –, il subit la situation avec fatalité et s’efface. C’est nor-

LA TRISTESSE
mal pour lui. Il a peu de valeur à ses propres yeux et ne
peut se considérer qu’à partir du regard et de l’attention
des autres. L’amitié de ses copains lui est donc essentielle et
il se sent impuissant. Amandine, elle aussi, se sent impuis-
sante pour l’aider. Il est en effet bien difficile de prendre

LA JOIE
du recul face à notre enfant ainsi attristé. Comme si son
effondrement renvoyait son entourage à quelque chose de
funeste.

Les fausses bonnes pistes


yy L’empêcher de s’exprimer : « Arrête de faire la tête, de rester
dans ton coin, de pleurer ! Viens ! » L’enfant subit alors « une
double peine » : son copain qui ne l’invite pas et son parent qui
lui refuse toute expression de son chagrin.
yy Se moquer de lui : « À ton âge, franchement, on dirait
un bébé ! » Il n’y a pas d’âge pour réagir dans la tristesse.
yy Lui expliquer par A + B qu’il n’a aucune raison d’être triste : « Tu
comprends, sa maman ne pouvait pas inviter tout le monde, ce
n’est pas contre toi… » Il le sait. N’empêche… La compréhen-
sion de la situation ne change rien à la douleur éprouvée. La
situation a réveillé une blessure mémorisée et plus profonde.
yy Dramatiser la situation ou au contraire la dédramatiser : « C’est
affreux ! » ou « Allez, ce n’est pas bien grave, ce n’est qu’un

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anniversaire… » C’est se tromper de cible : la situation n’est


que l’événement révélateur et l’important, c’est l’enfant.
yy Faire taire l’émotion en « monnayant » : « Si tu retrouves le
sourire, je te mets la télé, je te fais un gâteau, je t’achète une
BD… ». Ce marchandage déconsidère l’enfant.
yy L’envoyer dans sa chambre seul pour réfléchir. L’enfant a déjà
tendance à s’isoler et à réfléchir mais avec des pensées qui
tournent en rond.
yy Lui parler de ses propres peines, ce qui plonge l’enfant dans un
monde encore plus douloureux.

Les vraies bonnes idées


yy Lui signifier que sa tristesse est « normale et naturelle » en
hochant la tête en signe d’approbation, en reformulant ses pro-
pos.
yy Lui proposer de fermer les yeux et de se mettre à l’écoute de
son corps : comment respire-t-il ? Y a-t-il un endroit bloqué,
douloureux ? Où dans son corps sent-il de la peine ?
yy L’interroger, mener l’enquête pour savoir ce qui lui a fait du
chagrin car souvent il n’en a pas conscience.
yy Offrir à l’enfant un soutien physique, stable, solide, fiable. In-
dépendamment de la situation, le parent est là.
yy Revisiter l’événement à l’origine de la tristesse en version affir-
mative : demandez à l’enfant de raconter ce qui s’est passé en
enlevant tous les « ne » et les « pas » ; faites-en un jeu ! « Il ne
m’a pas invité » devient alors « il m’a oublié, il a invité d’autres
enfants ».
yy Proposer ouvertement de parler d’autre chose, de faire autre
chose que de penser à ce qui fait tant de peine.

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Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?

yy Lui dire qu’on le comprend, que dans une situation pareille,


nous aurions probablement éprouvé la même chose.

LA PEUR
yy L’inviter à se souvenir d’autres moments où il a été triste : « Tu
te souviens comment la peine est passée ? »
yy Aller marcher avec lui, bouger.
yy Lui donner à imaginer que cette situation est peut-être une

LA COLÈRE
« aubaine » qu’il ne voit pas encore : ce peut être, pour Simon,
la possibilité de faire quelque chose d’inhabituel l’après-midi
de l’invitation, une occasion de parler à son copain pour lui

LA TRISTESSE
dire qu’il aurait aimé aller à son anniversaire.

◗◗ Que faire en cas de joie

LA JOIE
soudaine et trop forte,
exubérante ?
La joie semble plus facile à vivre, même en tant qu’adulte. Sauf
que… quand elle déborde, elle n’est pas évidente à contenir.
Thomas nous raconte une soirée éreintante.

Paroles de parents : Thomas, papa de Clara, 7 ans et


Mona, 5 ans

« Wow ! Ma femme Vanessa et moi, on a failli quitter la


maison, tellement c’était insupportable ! Mes deux nièces
étaient là pour une soirée pyjama à quatre, joyeusement
intitulée “Girl Power” – une idée de la plus grande, âgée
de 11 ans. La soirée a commencé par des rires et nous-
mêmes étions ravis de les voir si heureuses. Mais elles
étaient surexcitées. La salle de bains s’est transformée en
piscine, la raclette du dîner a fini par terre, elles hurlaient

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Optez pour la bonne réaction à chaud

à nous briser les tympans, riaient, gloussaient, mais s’en-


voyaient aussi des piques, se cherchaient mutuellement.
Euphoriques ! Et ingérables. On voulait leur faire plaisir,
les laisser profiter, s’amuser… Alors, au début, on n’a rien
dit. Mais on prenait sur nous. Jusqu’à ce que Vanessa n’en
puisse plus et mette les quatre au lit en criant : deux dans
notre chambre, une dans le salon et la dernière dans la
chambre des filles. On est restés dans la cuisine un long
moment, sous le choc ! »

L’avis du psy

Il est normal que le niveau de plaisir et d’excitation aug-


mente au fur et à mesure dans un espace sans règles. Les
fillettes débordent puisqu’à aucun moment n’a été donné
ou rappelé le cadre dans lequel jouer et s’exprimer. Cette
submersion de l’enfant par son propre plaisir d’expansion
nous rappelle que l’équilibre s’organise dans un duo cadre
(règles, limites, canal) + expression (manifestation, plaisir,
croissance, développement). À défaut, ces parents vont
utiliser leur propre émotion de colère pour rappeler les li-
mites puisqu’ils se sentent « envahis » par autant de bruit et
de rires. Notre société valorise beaucoup le plaisir et la joie,
surtout chez l’enfant, comme si ceux-ci étaient les meilleurs
facteurs de bonheur et de motivation. Mais la biologie en
dit plus : tout enfant comme toute cellule se déploie avec
un cadre, une structure, des règles. Faute de quoi, il dé-
borde jusqu’à ce que la limite s’exprime enfin.

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Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?

Les fausses bonnes pistes

LA PEUR
yy Prendre sur soi avant de partir en vrille : on risque de lais-
ser augmenter chez soi le niveau d’intolérance. Et de n’avoir
comme recours que la fuite ou la lutte pour remettre de l’ordre.
yy Lui demander de se concentrer, de faire attention, de se calmer.

LA COLÈRE
yy Le faire s’asseoir sans bouger ni rien faire, au risque d’augmen-
ter l’ébullition intérieure.
yy Juger la joie comme de l’égoïsme, culpabiliser l’enfant : « Tu ne

LA TRISTESSE
penses qu’à toi ! », « Tu ne me fais pas plaisir alors que moi, je
te permets de t’amuser… »
yy Se précipiter sur Internet pour vérifier la liste des symptômes
des troubles du comportement ; c’est alors une façon de ré-
pondre à votre propre inquiétude.

LA JOIE
yy Chercher à faire plaisir sans contrepartie sociale et affective :
le « gagnant/gagnant » est une formule éducative précieuse,
rappelez-vous.
yy Se contenter de chercher le bonheur de l’enfant sans prendre
soin de son propre équilibre ; l’adulte cherche en réalité à se
rassurer sur son propre sort, celui d’être un « bon » parent.
yy Considérer la frustration comme une punition plutôt que
comme un moyen d’aider l’enfant à composer avec les règles,
donc à se construire.
yy Participer à l’excitation comme une occasion de profiter vous
aussi de l’ambiance ; attention au fantasme du « parent-co-
pain » qui sème la confusion.

Les vraies bonnes idées


yy Lui dire que vous avez compris et que vous partagez ce qu’il
ressent : « Wow, je vois que vous êtes très heureuses, les filles ! »
yy L’interroger sur ce qui précisément le rend heureux : « J’aime-
rais bien savoir ce qui vous met autant en joie. »

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Optez pour la bonne réaction à chaud

yy Proposer d’entrer dans la fête dans des propositions plus orga-


nisées : redéfinissez le cadre !
yy Lui proposer de poser une main sur sa poitrine pour sentir
son cœur battre : il prendra ainsi conscience qu’il a un rythme
très rapide ; rappelez-lui qu’il est le seul à pouvoir ralentir son
petit moteur.
yy Lui proposer de prendre quelques respirations profondes en
bougeant et en faisant du bruit (ce dont il a besoin, là, puisqu’il
est surexcité et qu’il serait bien incapable de s’asseoir en lotus !)
Sur l’inspiration, il ouvre grand les bras ; sur l’expiration, il les
referme contre sa poitrine Et tout cela, en soufflant très fort.
yy Évidemment, lui permettre de profiter de son énergie : allez
faire un tour dehors ou mettez de la musique pour danser ; il
faut qu’il évacue la pression.
yy Instaurer des règles pour que le plaisir soit canalisé : limites
dans le temps, niveau sonore acceptable et agitation soumise
à des règles.
yy Proposer de raconter une histoire à tour de rôle, de créer des
personnages.
yy Proposer un bain… en limitant l’usage de la mousse !

Il s’agit pour l’enfant de découvrir que le plaisir n’est pas uni-


quement lié à « pouvoir tout faire », « faire que ce que j’aime »,
mais peut coexister avec le cadre défini en famille ou à l’école. La
phrase qui va l’aider sera : « Comment peux-tu être joyeux avec ce
qui t’est demandé, imposé ? » La culture de la joie s’associe alors
au sens de l’effort personnel et collectif.

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Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?

Bonus track. Trois exercices

LA PEUR
ludiques pour avancer avec lui

LA COLÈRE
Si vous êtes toujours un peu perdu, voici trois pages à pho-
tocopier à volonté ! Elles vous permettront de mesurer
avec la complicité de l’enfant l’état et le niveau émotionnel

LA TRISTESSE
dans lequel il se trouve et ce dont il a besoin.

Je me dessine

Proposez-lui de dresser son portrait en l’invitant à dessiner

LA JOIE
un visage expressif. N’hésitez pas à lui demander de mettre
des couleurs ou une croix là où ça chauffe dans son corps,
là où ça fait bizarre.

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Optez pour la bonne réaction à chaud

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Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?

Comment je me sens ? Où est-ce que je sens quelque chose


dans mon corps ?

LA PEUR
Demandez-lui d’entourer de la couleur qui lui plaît ce qu’il
éprouve :

LA COLÈRE
LA TRISTESSE
LA JOIE

De quoi j’ai besoin ?

Proposez-lui de lire avec lui la liste des besoins énumérés


page suivante et de vous indiquer celui qui lui ferait du
bien. Pour expliquer ce qu’est un besoin, utilisez des mots
simples. Par exemple : « Dans certaines situations, on a un
très gros besoin de quelque chose pour se sentir mieux,
plus vivant. On est sûr que si on ne nous le donne pas, on
ne peut plus rien faire. Comme quand on a une énorme

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Optez pour la bonne réaction à chaud

faim. Alors il est important de savoir de quoi on a besoin et


de mettre un mot dessus. Parce que la colère (ou la peur,
ou la tristesse), c’est une façon de dire ce besoin mais sans
les mots. Et ce serait mieux avec… Qu’en penses-tu ? »

« As-tu besoin…
• d’amour ?
• d’attention ?
• d’autonomie ?
• de compréhension ?
• de confiance ?
• d’écoute ?
• d’empathie ?
• d’évolution ?
• de force ?
• d’harmonie ?
• d’honnêteté ?
• de joie ?
• de justice ?
• de mouvement ?
• de paix ?
• de partage ?
• de reconnaissance ?
• de repos ?
• de respect ?
• de soutien ?
• de tranquillité ? »

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Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?

LES IDÉES CLÉS

Vous ne pourrez aider l’enfant que si vous vous aidez


vous-même. Interrogez-vous : comment vous sen-
tez-vous ? Quel est votre désir pour vous-même et non
celui projeté sur l’enfant ?

Appuyez-vous d’abord sur le corps : une bonne posture


vaut mieux qu’un long discours.

Menez l’enquête : que s’est-il passé concrètement ?


Quand, où, qui, comment, pour quoi ?

Aidez l’enfant à apprivoiser son émotion : « Ah, c’est ça


que tu ressens, de la peur à l’intérieur ? » plutôt que :
« C’est ceci ou untel qui te fait peur ? »

Ne jugez pas l’émotion de l’enfant ! Rappelez-vous, l’émo-


tion n’est pas le problème mais la solution de son corps.

Entraînez-vous ! Faites de petits pas pour prendre de


nouvelles habitudes.

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Aidez-le à
diminuer son
émotivité
sur le long terme

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« Apprenons à nos enfants à être contents d’eux
indépendamment de notre approbation. »
Françoise Dolto

L oin de la crise, il vous serait profitable de faire un dernier pas :


mettre tout en œuvre pour favoriser de nouvelles habitudes,
alimenter le besoin de sécurité, donc la confiance en soi, le besoin
d’identité, donc l’estime de soi, et le besoin de sens et de réalisa-
tion de l’enfant. Pourquoi ? Pour lui permettre de vivre (et d’en
profiter) en dehors de ses automatismes de survie.

◗◗ Que faire dans tous les cas ?


Être convaincu
Cela paraît évident et pourtant ! Nous ne pourrons pas faire pas-
ser de messages à l’enfant si nous ne sommes pas entièrement
convaincus de leur bien-fondé. Nous ne pouvons pas lui deman-
der d’accueillir ses émotions si nous passons nous-mêmes notre
temps à fuir ou à lutter contre les nôtres. Si l’enfant sait ou simple-
ment ressent qu’elles nous font peur, nous mettent en colère ou
nous attristent, il y a peu de chances pour qu’il les regarde d’un

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

bon œil ! Il ne s’agit pas simplement d’y croire mais d’y adhérer
parce que nous en avons l’expérience dans notre corps et notre
mémoire.

On apprend en imitant
L’enfant apprend (à s’exprimer, à parler, à fabriquer, à interagir) en imi-
tant l’adulte ! Cette imitation est d’abord automatique, presque réflexe
chez le bébé. Pour grandir, il observe et essaye de reproduire ce que
perçoivent ses oreilles, ses yeux, etc. Mais pour qu’il répète un son,
encore faut-il qu’il l’ait entendu ; pour qu’il imite un geste, une attitude,
une réaction, il faut qu’il les ait vus.
C’est dans cette phase que se joue en grande part la responsabilité
parentale. Le « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » ne résiste pas à
l’expérience du corps de l’enfant face au comportement de son parent :
celui-ci « prend » en direct des informations et on dit parfois même qu’il
« prend cher ». Ces apprentissages se modélisent dans le cerveau de
l’enfant. Ce qui ne signifie pas qu’il va « singer » son parent ; il va intégrer
l’information puis l’adapter et l’utiliser selon son propre registre émo-
tionnel ; et donc selon ses propres besoins.
Attention à ne pas basculer dans un idéal de parent parfait ou la
culpabilité de ne pas l’être ! Il s’agit d’accepter cette réalité biologique
et d’agir et de parler à l’enfant en connaissance de cause.

Montrer l’exemple est probablement l’élément clé de l’éducation ;


y compris de l’éducation aux émotions. Alors, devenez un mo-
dèle ! Lorsqu’une émotion désagréable vous traverse, repensez à
son mécanisme (schéma du chapitre 3) et à la façon de le mettre
sur pause (conseils du chapitre 4).

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Que faire dans tous les cas ?

Travaillez sur votre propre angoisse ou agressivité ou déprime si tel est


le cas. Si vous vous sentez perdu, si vous ne parvenez pas à « gérer »,
n’hésitez pas à demander de l’aide et consulter un thérapeute. Car
rappelez-vous de la dépressurisation en avion : il vous sera difficile
de donner de l’oxygène à l’enfant si vous en manquez vous-même.

En parler librement
Plus le sujet sera abordé naturellement en famille, moins « drama-
tiques » apparaîtront la peur, la colère et la tristesse. Plus l’enfant
en entend parler, moins il s’en défend. Nous sommes parfois très
pudiques en la matière, considérant que l’émotionnel appartient
au domaine de l’intime. Pourtant, c’est en considérant l’émotion
comme naturelle et utile, comme une simple fonction vitale, que
nous permettrons à l’enfant de les vivre sereinement.

N’hésitez donc pas une seconde à parler de vous, de ce que vous


éprouvez, de ce que vous ressentez, dans votre corps et dans votre
esprit. Mettez vos mots à vous pour décrire ce qui se joue en vous
dans certaines situations. Faites-le simplement, non pour obtenir
de votre enfant une compréhension de sa part qui aurait pour
effet un changement de comportement, mais pour témoigner de
votre propre expérience. Choisissez des petits moments du quoti-
dien : lorsque vous regardez un film ensemble, lors d’une balade
en forêt ou… en craquant pour un gros gâteau au chocolat !

Évitez aussi de lui dire que « Tout va bien » alors que votre jour-
née au bureau a été un enfer. Il ne comprendrait pas un tel déca-
lage entre vos mots et ce qu’il perçoit de vous. Sans détailler quoi
que ce soit, sans chercher à prouver quoi que ce soit, dites-lui
simplement que vous êtes en colère, par exemple. Et cette colère
parle de vous et non de lui qui « vous aurait mis en colère ».

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

Enfin, n’hésitez pas à parler de vos émotions d’enfant. Racontez-


lui que vous aviez peur du noir quand vous étiez petit ; ou le
jour où sa grand-mère vous a refusé le ballon rouge dont vous
rêviez ; ou ce moment de désespoir terrible quand votre meilleur
ami a déménagé ; ou encore ces sensations formidables ressenties
quand vous faisiez du ski.

S’adapter à l’enfant
Chaque enfant est différent. Raison pour laquelle nous devons nous
adapter et adapter nos façons de faire et de parler en fonction de son
individualité, de tout ce qui fait qu’il est lui : son caractère, réservé ou
expansif par exemple ; ses goûts et ses capacités (il peut apprécier la
discussion ou les marques d’affection) ; ses talents et ses fragilités ; de
même que son âge et son développement, sa maturité.

Vous le constaterez vous-même si vous avez plusieurs enfants : il


y a des « choses qui marchent » avec l’un mais pas avec l’autre. Ils
sont différents parce qu’ils sont uniques. Et parce que vous portez
vous-même un certain regard sur l’enfant, selon qu’il est l’aîné ou
le cadet, une fille ou un garçon, bien portant ou plus fragile, etc.

Il vous faut apprendre à le connaître, et donc l’écouter et le re-


garder évoluer, changer, grandir. Sortez de vos certitudes et gar-
dez-vous de tout jugement définitif : « Il est timide ! » Peut-être
a-t-il été très observateur, en retrait, plutôt passif, mais ne l’en-
fermez pas dans une image immuable, figée et rigide. Il n’est pas
timide car timide n’est pas une identité : il ne fait qu’adopter des
attitudes de timidité.

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Que faire dans tous les cas ?

Le reconnaître, une priorité


Un enfant a besoin de deux piliers pour construire sa sécurité af-
fective et son sentiment d’identité : d’une part, la reconnaissance
de ce qu’il est au travers de ce qu’il fait déjà ; et, d’autre part,
l’assurance qu’il est aimé pour ce qu’il est, un petit humain en
cours d’apprentissage et de construction (et pas sous l’effet de nos
projections, de nos désirs et de nos craintes d’adulte).

Alors, félicitez-le ! Soulignez ses actions quand elles sont grati-


fiantes pour lui et conformes au désir ou au projet qui était le
sien. Mettez-y du cœur et de l’enthousiasme… sans ajouter qu’il
doit continuer ses efforts, hum, hum ! Juste la reconnaissance du
résultat obtenu qui fait suite à ce qu’il a fait pour l’obtenir : « Bra-
vo ! Tu as vu ce que tu as su faire ? Tu peux être fier de toi et moi
aussi je le suis. C’est formidable ! »

Surtout, veillez à ce que ces félicitations soient fondées sur ses


propres comportements, ses actes, ses pensées à lui. Et donc, ac-
compagnez-les d’une description précise de ce que l’enfant a fait
et que vous appréciez à sa juste valeur.

Cela permettra, quand le résultat n’est pas à la hauteur de ce que


l’enfant attendait de lui, de poursuivre cette reconnaissance mais
avec un discours adapté à la réalité. Évitez les « Ce n’est pas grave,
tu feras mieux la prochaine fois » car ni lui ni vous n’en savez rien ;
ou les « Décidément, tu n’es pas doué en maths » ou encore « Tu
es bien comme ta mère (ton père) ». Puisque l’enfant mérite d’être
reconnu dans son intégralité, c’est en reconnaissant ce qu’il a fait et
qui l’a amené au résultat infructueux qu’il va pouvoir s’améliorer.

Alors, que dire ? « Qu’as-tu fait concrètement qui t’a permis d’obte-
nir ce résultat-là ? » Il s’agit d’inviter l’enfant à prendre conscience
du déroulement émotionnel, comportemental et mental qui lui a

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

fait faire ce qu’il a fait et qui s’est traduit par des conséquences,
qu’elles soient relationnelles, scolaires ou corporelles.

Prenons par exemple le cas d’un enfant qui casse beaucoup ses
affaires. Le traiter de maladroit ou le punir ne servira pas à grand-
chose. En revanche, vous pouvez refaire avec lui le chemin émo-
tionnel et comportemental qui aboutit à sa maladresse. Cette simple
démarche peut améliorer son attention et donc sa confiance. L’en-
fant est ainsi mieux outillé par ce qui lui appartient en propre.

L’encourager à oser
Des encouragements sincères sont pour lui un moteur puissant.
Ils renforcent bien sûr sa confiance et développent l’estime, deux
sentiments qui diminueront son émotivité. Encore faut-il que ces
encouragements répondent à son projet à lui, au sens qu’il donne
à ce qu’il désire pour lui-même. Par quoi commencer ?
yy Valoriser ses actes, ses idées, ses comportements, ses choix,
ses rêves, ses efforts, etc. Il s’agit simplement d’accorder de
la valeur au sens de l’élan vital, de ce sens qui porte chacun
vers son propre accomplissement. C’est ainsi que l’évaluation
binaire « c’est bien/c’est pas bien » est insuffisante le plus sou-
vent pour l’enfant qui ne sait pas sur quoi elle est fondée. Un
résultat juste ou faux en matière de calcul, c’est simple à com-
prendre (même pour un enfant qui a du mal avec cet appren-
tissage). Mais une appréciation sur un dessin est incompréhen-
sible. Aussi, l’encouragement aura du sens s’il porte sur l’acte
de dessiner par exemple, plus que sur la qualité du dessin,
évalué évidemment selon les goûts culturels de chacun.
yy Favoriser la résilience. Celle-ci est un geste d’amour de l’en-
fant à l’égard de qui il est et de ce qu’il peut faire dans sa
vie. N’oublions pas que la finalité du cerveau est d’assurer
et de déployer sa propre existence ! Comme si celui-ci nous

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Que faire dans tous les cas ?

disait : « Vis ta vie ». S’aimer soi-même dès l’enfance, malgré


ses failles, ses fragilités, ses carences, ses manques, son hu-
maine imperfection est donc un cadeau inestimable, une base
solide pour avancer dans la vie et admettre que l’on puisse
être bouleversé parfois, plier sous le poids d’une émotion dou-
loureuse, mais se relever, indemne, sauf, parce que la peur, la
colère et la tristesse ne sont pas là pour nous détruire mais bien
pour garantir notre existence.

Lui faire confiance


Rappelez-vous ! C’est son émotion, pas la nôtre ; et c’est son exis-
tence, pas la nôtre. C’est au fil de ses expériences que l’enfant
construit sa confiance. Celle-ci n’est pas un capital déjà inscrit dans
lequel l’enfant n’aurait qu’à puiser. La confiance est une aptitude,
un potentiel qui va se réaliser au fil de ses propres actions, de ses
épreuves et de ses tentatives. Autrement dit, au fil de ses réussites et
des échecs dont il peut tirer profit. L’enfant va d’autant mieux déve-
lopper sa confiance que lui auront été accordées la valeur de ses ac-
tions et leurs conséquences pour lui-même et pour son entourage.

Il convient donc de ne pas vivre à sa place et de lui faire confiance,


de le laisser expérimenter des situations certes bouleversantes
mais constructives. L’adulte est celui qui sait que l’enfant a des
ressources pour les traverser, des ressources corporelles et psy-
chiques. Plus vous en serez convaincu, plus il le sera lui-même.

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

Ayez confiance en lui


et en son émotion !
Pour lui faire confiance, tâchez d’avoir confiance en l’émotion ! Dans
cette optique et dans la mesure du possible :
• N’évitez pas coûte que coûte les situations qui font peur à l’en-
fant, car plus il les évitera, plus elles seront angoissantes pour lui.
Aidez-le à imaginer comment il peut s’adapter à cette situation
tout en se fondant sur ses propres ressources, ses capacités à lui.
Peut-être fera-t-il de plus petits pas ; mais ce seront ses pas à lui,
des pas à la hauteur qui est la sienne ; et non des pas pour rassurer
l’adulte qui les exige.
• Ne lui demandez plus de se maîtriser, de dompter son émotion ou
de la « gérer », de garder le contrôle en permanence ; car plus il
essayera de lutter contre ce qu’il ressent, plus ce qu’il ressent sera
fort. Apprenez-lui plutôt à mettre des mots sur ses maux.
• Ne cherchez pas d’explications raisonnables à ce qui n’en a pas
pour l’esprit mais qui en a pour le corps, car cela sèmera encore
plus de doutes et de confusions. « Parlez corps » avant de chercher
à interpréter psychologiquement. D’autant que ces interprétations
ne feront que stigmatiser l’enfant plutôt que l’aider. Évitez surtout
les « C’est parce que… » qui ont sans doute du sens pour vous,
adulte ; mais aucun pour l’enfant.

L’enfant a des talents, des aptitudes, des capacités qui lui per-
mettent de s’adapter à son environnement, comme tout être hu-
main depuis la nuit des temps. Il a besoin de vous, certes, pour
grandir et avancer en confiance, mais il a surtout besoin d’avoir
confiance en lui.

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Que faire dans tous les cas ?

Relâcher le corps
Vous le savez désormais : l’émotion commence dans le corps avant
que l’esprit ne prenne le relais. Alors, revenez à la source et favo-
risez l’apaisement physique de l’enfant avant d’exiger de lui une
sérénité psychique à toute épreuve. N’hésitez pas à instaurer un
petit rituel dans la semaine en puisant dans ces quelques idées
pour le détendre et réduire son niveau de stress.

La relaxation

C’est l’exercice « dur-dur-mou-mou ». Proposez à l’enfant de s’as-


seoir ou de s’allonger confortablement et expliquez-lui qu’il s’agit
de pratiquer une suite de contractions volontaires puis de décon-
tractions, dans chaque zone du corps. On raidit un à un ses mus-
cles et hop ! on relâche brutalement. Il peut, par exemple, com-
mencer par serrer le poing droit très fort : « Dur, dur. Une chaleur
va envahir tes doigts, ta main, ton poignet, peut-être tout ton
bras. » Puis, l’enfant desserre son poing d’un seul coup. « Mou,
mou. Tu vas sentir des picotements et la tension va disparaître. »
L’enfant poursuit ainsi l’exercice en contractant puis en relâchant
son poing gauche, et de la même manière tous les muscles de
son corps : il lève les sourcils, par exemple, serre la mâchoire,
pousse fortement sa langue contre le palais, soulève et contracte
les épaules avant de les faire retomber, cambre le dos, serre les
fesses, pointe le pied, etc. L’idée reste la même : contracter pour
mieux relâcher.

La respiration
Optez pour « la respiration du ballon ». Proposez à l’enfant de
s’allonger sur le dos et de fermer les yeux si cela l’aide à se dé-
tendre. Posez un bateau en papier ou son doudou sur son ventre.
L’objectif est d’imaginer que celui-ci est un ballon : l’enfant doit

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

sentir le ballon se gonfler et se dégonfler dans un rythme fluide.


Demandez-lui d’inspirer par le nez (5 secondes) comme s’il vou-
lait sentir la bonne odeur d’un gâteau au chocolat et de pousser
fort sur son ventre pour faire monter le bateau ou doudou. Sur
l’expiration (5 secondes), le bateau ou doudou redescend tout
doucement. L’enfant peut aussi faire cet exercice avec ses mains
pour sentir le ballon se gonfler et se dégonfler. Il s’agit de créer des
vagues régulières qui favorisent l’apaisement.

Les massages

On sait aujourd’hui à quel point le contact physique, le toucher,


est essentiel au bon développement de l’enfant. Les massages lui
permettent de ressentir les limites de son corps, de mieux ha-
biter son schéma corporel, ils le rassurent et le sécurisent. Par
ailleurs, ils activent la circulation sanguine, stimulent le système
immunitaire, améliorent le sommeil et facilitent la digestion. Et
enfin, ils créent du lien, instaurent une complicité, développent la
confiance mutuelle. Tout bénef ! N’hésitez pas à lui proposer ces
petits moments de douceur. S’il montre une certaine réticence,
optez pour un massage des jambes ou des pieds, moins intrusif et
sans doute plus ludique.

La méditation

L’un des exercices fondamentaux de la méditation de pleine


conscience s’appelle le « body scan » et peut être proposé dès
le plus jeune âge. Il s’agit d’un « balayage corporel » pendant le-
quel l’enfant « scanne » mentalement chaque partie de son corps.
Après s’être confortablement installé, en position assise ou allon-
gée, peu importe, il ferme les yeux et commence à focaliser son
attention sur ses pieds – il remontera ensuite le long de son corps
très progressivement. Demandez-lui ce qu’il ressent à cet endroit,
si c’est plutôt chaud ou froid, tendu ou détendu, douloureux ou

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Que faire dans tous les cas ?

tranquille : « Tu peux maintenant relâcher les pieds, sans te for-


cer. » Progressez ainsi de zone en zone puis proposez-lui, à la fin,
de visualiser l’ensemble de son corps… bien plus cool qu’il y a
seulement quelques minutes !

Le yoga

Le yoga est une activité relaxante qui peut aussi être pratiquée
avec les enfants à partir de 5 ans. Très efficace pour évacuer les
tensions de la journée, il soulage aussi de l’anxiété et du ressasse-
ment. Pourquoi ne pas essayer ensemble quelques postures ?

La posture du chat. À quatre pattes, l’enfant alterne respective-


ment dos creux en regardant vers le haut et dos rond en regardant
vers le nombril. Il inspire et il expire profondément par le nez
entre chaque mouvement.

La posture de l’arbre. L’enfant se tient sur un pied et plie l’autre


jambe au niveau du genou (ou de la cheville). Les bras sont levés
et les mains sont jointes au-dessus de la tête. Comme un arbre, il
s’agit de s’ancrer fermement à la Terre pour se rassurer.

La posture de la montagne. Le corps de l’enfant forme un V inver-


sé. Les mains sont bien étalées au sol, ainsi que les talons. La tête
reste entre les bras. Le dos doit être bien plat. Cette position est
parfaite pour étirer et détendre les muscles.

La (bien nommée) posture de l’enfant. C’est un temps de relaxa-


tion. Genoux au sol, en boule, la tête est posée sur le côté et les
bras s’allongent le long du corps, paumes dirigées vers le haut.
L’enfant peut rester dans cette position le temps qu’il souhaite.

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

◗◗ Comment apaiser
son anxiété ?
Que faire quand l’enfant a développé des habitudes défensives
empreintes de peur ? Comme le petit Léon, dont sa maman nous
raconte l’histoire :

Paroles de parents : Myriam, maman de Léon, 6 ans

« J’ai l’impression que mon fils est stressé… Comme son


père, comme moi, comme tout le monde dans ce monde
qui va trop vite et qui demande beaucoup ! Il a toujours
peur que j’oublie de signer son cahier de correspondance,
par exemple, ou d’arriver en retard à l’école, au judo… Il
craint d’être malade, pas en forme. Ou encore de ne rien
comprendre à ce que la maîtresse demande. Il est anxieux…
Un fond anxieux comme disent les psys ! Vous vous rendez
compte ? Léon est si jeune ! Il devrait être enthousiaste,
insouciant. Qu’est-ce qu’on peut faire ? »

L’avis du psy

La maman de Léon a raison de s’interroger sur ce fond d’an-


xiété qui le fait anticiper toutes les situations dans lesquelles
il pourrait être réprimandé. Léon a besoin de construire sa
propre sécurité intérieure : se donner lui-même des points
de repère dans le temps et dans son organisation pour ré-
pondre au mécontentement éventuel des adultes.

La bonne piste, en ce cas, est bien sûr de développer la confiance


en soi de l’enfant. L’intention est de le ramener à sa réalité, celle
de la situation mais aussi celle de ses sensations et de ses actes.

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Comment apaiser son anxiété ?

L’anxiété est en effet un message qui invite l’enfant à se repérer


dans la situation dans laquelle il se trouve ou dans celle qu’il an-

LA PEUR
ticipe dans son imaginaire. Une pression à retrouver sa boussole
et… le nord ! L’essentiel est donc d’accompagner l’enfant dans son
monde réel.
yy Distinguer la réalité de ce qu’il s’imagine. Dans le cerveau, il

LA COLÈRE
y a une partie qui repère la réalité au présent et une autre qui
fabrique de l’imagination. Les deux sont formidables mais ne
doivent pas être trop mélangées quand l’enfant réfléchit. Si-

LA TRISTESSE
non, il devient tout confus et très inquiet ! Pour l’aider, prenez
une feuille de papier et un stylo : écrivez d’un côté les faits et
de l’autre, les représentations imaginées.
yy Lui demander ce qu’il imagine de pire. Par exemple, il peut
craindre de « se tromper » ou d’« être moqué ».

LA JOIE
yy Lui demander ce qu’il désire le plus. Par exemple, « Tout sa-
voir ! » ou « Que mes copains jouent avec moi… »
yy Se demander avec lui si ces solutions ne dépendent pas sur-
tout de ce que font les autres : les copains, maman, papa, la
maîtresse… Mais aussi de ce qu’il croit qu’ils pensent de lui.
Laissez-le réfléchir avec cette idée.
yy L’aider à voir que tout ne dépend pas de lui totalement : les
copains, les parents, la maîtresse ont leurs propres idées à eux.
yy Lui faire raconter ce qui lui donne de l’assurance et qui le rend
heureux : aidez-le à décrire concrètement ce qu’il fait, lui, en
l’écoutant vraiment.
yy Lui suggérer qu’il pourrait se servir de ces expériences
agréables, surtout quand il s’inquiète en imaginant le pire. Peu
importe que ce qu’il s’imagine soit ou non rationnel : « Des vo-
leurs vont venir m’enlever et ils vont passer par la fenêtre… »
alors que vous habitez au septième étage ! Le plus important
est de stimuler une forme de fuite dans un imaginaire acces-
sible et possible pour lui : « Je peux mettre un bâton près de
mon lit au cas où, je peux crier pour vous réveiller… » Le plus
important est dans le « JE PEUX… »

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

yy Favoriser les expériences qui contiennent un risque abordable


par l’enfant, qu’elles soient corporelles, artistiques ou intellec-
tuelles.
yy Favoriser la nouveauté dans sa vie comme autant de chances
pour lui. Regardez-le faire avec curiosité : un gâteau, une robe
de poupée, une construction, une poésie… C’est en se voyant
capable de s’adapter et de faire face à la nouveauté que l’enfant
s’assure lui-même. Il est de plus en plus ballotté dans la vie
hyperactive de notre époque. Nous avons donc tout intérêt à
stimuler cette aptitude mais à sa mesure afin qu’il ne s’inhibe
pas face aux changements trop complexes pour lui.
yy Le féliciter à chaque fois qu’il a su aborder une situation avec
courage et inventivité.

Autant de gestes qui participent à la construction de la confiance


en soi de l’enfant, à commencer par le fait de pouvoir se fier à ses
émotions qui lui envoient un message fiable.

◗◗ Comment modérer
son ressentiment ?
Que faire quand l’enfant s’est habitué à réagir avec colère, quand
son comportement est teinté de ressentiment ? Étienne nous parle
de sa fille, qui cherche à conserver son identité.

Paroles de parents : Étienne, papa de Joséphine, 9 ans

« Ma Jojo a un sacré caractère ! Elle est drôle, elle est


vive, a mille idées par seconde, mille envies aussi. On peut
dire qu’elle croque la vie à pleines dents. Sauf que parfois,
trop souvent même, elle ne croque pas : elle mord. Elle

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Comment modérer son ressentiment ?

peut se mettre dans de grosses colères. Je pensais que ça


allait passer avec l’âge mais pas du tout. Et puis, elle en veut

LA PEUR
un peu à tout le monde, à ses copines, mais aussi à ses deux
frères (on a eu des jumeaux après sa naissance), à la vie en
fait ! Elle se tient sur le qui-vive, prête à jouer des coudes.
Elle dit elle-même : “Moi, je ne me laisse pas faire.” C’est

LA COLÈRE
une battante et quelque part, c’est bien. Mais je crois que
ça l’use aussi beaucoup, que ça la fatigue… »

LA TRISTESSE
L’avis du psy

Il est probable que l’arrivée des jumeaux dans son univers


a déstabilisé la petite Joséphine qui cherche à conserver
sa place d’aînée. Elle a ainsi recours à la colère quand elle

LA JOIE
se sent « envahie ». Une façon efficace mais épuisante de
retrouver de l’importance dans sa famille.

Les vraies bonnes pistes, ici, sont celles qui permettront à l’en-
fant de mieux construire son sentiment d’identité. L’intention est
donc de reconnaître la valeur de ses actes. Le manque d’estime et,
par conséquent, le ressentiment et la rivalité sont la conséquence
d’une prise en compte insuffisante de ses propres actions comme
de ses propres goûts. C’est l’obsession des autres – contre lesquels
il faut se battre – qui entretient ces habitudes de colère. Il s’agit
donc de redonner à l’enfant ses propres capacités.
yy Reconnaître, donner du sens à ce qu’il fait concrètement
AVANT de l’évaluer. Voire oublier l’évaluation au profit de la
façon dont il s’y est pris. Le plaisir de l’enfant à avoir fait selon
son goût est plus important pour construire son identité que
l’attente affective ou sociale.
yy Lui faire préciser ce qu’il apprécie particulièrement dans ce
qu’il a choisi. Qu’a-t-il aimé dans telle ou telle activité ?
yy Lui faire raconter comment il s’y est pris pour faire ce qu’il a
fait. Le parent devrait ainsi être dans la possibilité de « voir le

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

film » de ce que l’enfant fabrique. En mettant des mots sur ses


actes, l’enfant construit directement de l’estime.
yy Identifier avec lui les ressources intérieures qu’il a mobilisées,
celles de son corps et celles de sa tête. Lui faire ainsi recon-
naître le chemin qu’il a parcouru lui-même.
yy Identifier avec lui les ressources affectives et relationnelles
qu’il a mobilisées. Demander de l’aide est un acte de courage
puisque l’enfant accepte de ne pas être tout-puissant et d’ap-
prendre auprès d’un adulte.
yy Le féliciter à chaque fois qu’il a su réagir par une voie plus
créative que la colère : en réalisant qu’il est en colère avant
d’exploser, en racontant ce qui le contrarie, en faisant un des-
sin, en se retenant, en imaginant pourquoi l’autre n’a pas fait ce
qui lui convenait à lui, etc.
yy Le sortir de temps en temps de ses habitudes confortables pour
qu’il découvre ses capacités relationnelles : regarder un docu-
mentaire sur les coutumes d’un autre pays, l’envoyer apporter
quelque chose aux voisins…
yy Créer de la coopération avec lui : faites ensemble quelque
chose de nouveau ou quelque chose que jusqu’alors vous fai-
siez pour lui.
yy Accepter de se faire aider par lui. Demandez-lui de porter l’un
de vos paquets, d’aller faire une course pour la maison, de lire
un texte que vous saisissez sur l’ordinateur, de passer le chiffon
sur les meubles du salon…

Autant de gestes qui participent à la reconnaissance de l’enfant


par lui-même car c’est ainsi que se construit le sentiment d’iden-
tité.

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Comment consoler sa mélancolie ?

◗◗ Comment consoler

LA PEUR
sa mélancolie ?
Que faire quand les enfants se replient sur eux-mêmes et sombrent

LA COLÈRE
dans une forme de mélancolie, comme ceux que Delphine
accompagne ?

LA TRISTESSE
Paroles de parents : Delphine, orthophoniste

« J’étais jeune quand j’ai eu Thomas qui a aujourd’hui 21 ans.


Je l’ai élevé seule, un peu comme j’ai pu et sans beaucoup de
psychologie, je le crains. Il va bien, il s’en sort, c’est un jeune

LA JOIE
homme équilibré. Mais je me questionne beaucoup au-
jourd’hui parce que je travaille avec de jeunes enfants et je re-
marque que certains sont affreusement tristes. Ils sont comme
coupés du monde… J’aimerais trouver une voie d’accès, mieux
comprendre comment les aider d’un point de vue émotion-
nel, en parallèle de mes séances. Pas pour me substituer
aux parents, évidemment. Juste mieux les accompagner. »

L’avis du psy

La tristesse chez les enfants peut passer inaperçue tant elle


« arrange » les adultes qui voient en eux des petits « sages »
et « matures ». Ceux-ci se sentent d’autant plus seuls et
incompris. Delphine qui travaille à leurs côtés a plus de dis-
tance ; elle peut mesurer cette détresse discrète. Elle a rai-
son d’écouter ce qui se joue dans la mélancolie des enfants.

La vraie bonne piste, ici, est de tout mettre en œuvre pour favori-
ser les initiatives personnelles de l’enfant. L’intention est de faire
le lien entre son monde intérieur et le passage à l’action, perçue
comme risquée car visible par tous.
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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

yy Écouter son chagrin qui décrit surtout l’espoir d’un autre


monde, bien meilleur et surtout moins compliqué, un monde
avec du sens et des belles histoires.
yy Le consoler, non de sa mélancolie, mais de sa lucidité à voir
son entourage souffrir et faire souffrir.
yy Reconnaître qu’il a un monde à lui, fait d’images, de rêves, de
personnages…
yy Lui poser des questions pour mieux imaginer son monde : de-
mandez-lui s’il souhaite le partager avec vous et écoutez-le at-
tentivement sans juger.
yy Alimenter ce monde en l’emmenant découvrir comment
d’autres ont su créer à partir du leur : musées, spectacles, livres,
poèmes, musique. Il n’est pas seul à éprouver ce sentiment de
solitude, un sentiment qui est même une richesse à cultiver.
yy Inviter des copains qui partagent une même sensibilité pour
rompre le sentiment d’incompréhension.
yy L’inscrire dans un groupe de théâtre, à l’école ou dans un cours.
En endossant un rôle, autre que le sien, il endossera des pos-
tures inhabituelles qui faciliteront des prises d’initiative plus
risquées.
yy Lui proposer des activités complexes en l’habituant à avancer
par étapes. Cette simplification lui facilite l’accès à la com-
plexité, souvent interprétée comme « trop difficile pour lui » :
recette de cuisine, petit bricolage, fabrication de modèles ré-
duits… Préférez les activités manuelles aux activités digitales
au cours desquelles le rapport au corps est moins présent.
yy Lui offrir un journal sur lequel écrire, dessiner, ou une boîte
aux trésors. Plus l’enfant perçoit que l’entourage reconnaît sa
mélancolie comme naturelle (et non une maladie dont il doit
guérir), plus il découvrira ce qu’il peut « faire » de sa mélanco-
lie, plus il en « sortira ».
yy Lui donner un rôle à jouer et des responsabilités dans la vie
familiale, dès que vous le pouvez : proposez-lui de faire un

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Comment tempérer son optimisme forcené ?

dessin pour symboliser la place des invités de ce soir, ou d’éta-


blir le tableau de la semaine pour préciser les tours de chacun.

LA PEUR
Autant de gestes qui lui prouvent que la mélancolie n’a rien de
pathologique. Elle dit quelque chose de la difficulté de l’enfant
à s’adapter, à trouver sa sécurité et sa place dans un monde

LA COLÈRE
complexe.

LA TRISTESSE
◗◗ Comment tempérer
son optimisme forcené ?

LA JOIE
Que faire enfin quand un enfant cherche son plaisir à tout prix,
quitte à le chercher un peu loin ? Sandra nous dresse le portrait
d’Emeline, sa « tornade ».

Paroles de parents : Sandra, maman d’Emeline,


7 ans

« C’est une tornade ! Emeline est à 150 % du lundi matin


au dimanche soir. Très gaie, très speed, avide de connais-
sances, d’activités en tout genre, elle reste peu en place, a
même du mal à suivre un film en entier. Jean et moi, on s’est
demandé il y a quelques années si elle n’était pas hyperac-
tive. Mais le pédiatre a dit que non. Le souci, c’est qu’il faut
la suivre et ce n’est pas toujours facile, notamment pour ses
professeurs qui parfois peuvent la prendre en grippe, telle-
ment elle en fait trop. Il n’y a rien de grave, évidemment.
Mais nous croyons, son père et moi, qu’il faudrait l’aider à
canaliser ce feu intérieur qui la dépasse parfois. »

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

L’avis du psy

Il est parfois difficile de reconnaître dans la joie de vivre un


mécanisme de défense, d’autant que la joie a très bonne
presse. Et pourtant, les parents d’Emeline se questionnent
à juste raison. Chercher à « la suivre », à satisfaire toutes
ses demandes participe à alimenter un puits sans fond en la
privant de limites pourtant nécessaires.

Éduquer l’enfant à faire avec ses émotions,


et non contre elles, sans elles ou soumis à elles.

Les vraies bonnes pistes, en ce cas, sont toutes celles qui vont
aider l’enfant à s’ouvrir à l’altérité et à conserver son équilibre
en lien avec la réalité. L’intention est de favoriser son attention.
Il ne s’agit pas de jouer les rabat-joie mais de lui permettre de
relativiser son enthousiasme et de découvrir que la recherche

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Comment tempérer son optimisme forcené ?

du plaisir peut se faire autrement que dans la vitesse et l’ins-


tantanéité.

LA PEUR
yy Lui faire nommer ce qui lui procure du plaisir, précisément.
Ces détails permettent à l’enfant de distinguer en conscience
ce qu’il recherche automatiquement, et donc sans s’en rendre
compte.

LA COLÈRE
yy Lui faire rencontrer des personnes différentes de lui.
yy Lui demander d’aider les autres qui ont plus de difficultés
émotionnelles que lui.

LA TRISTESSE
yy Favoriser le sens de l’effort dans le temps en lui donnant des
objectifs sur le long terme.
yy L’encourager à faire des activités physiques d’endurance.
yy Favoriser les activités qui nécessitent de la concentration et de
la mémoire : des constructions manuelles, par exemple.

LA JOIE
yy Lui offrir des livres d’aventure qui vont alimenter son imagi-
naire et ainsi équilibrer la relation corps/esprit : le corps s’ex-
cite d’autant plus que l’enfant perd l’attention et l’imagination
qui construit son monde intérieur.
yy Limiter l’usage des écrans et l’orienter vers des jeux qui lui per-
mettent de s’améliorer. Il s’agit donc d’éviter le « tout bien tout
de suite sans effort ».
yy Favoriser les relations avec les animaux qui, eux, ne se laissent
pas faire : le chat, par exemple, ou le cheval si vous habitez à la
campagne.

Toutes ces pistes ont vocation d’éduquer l’enfant à faire avec ses
émotions, et non contre elles, sans elles ou soumis à elles. Elles
reconnaissent l’importance et la valeur biologique de cet élan de
vie et permettent aux plus jeunes d’apprivoiser leur « crocodile »
intérieur, ce cerveau reptilien à l’origine de nos réactions, ce petit
animal sauvage qui ne veut que notre bien. Et plus encore, celui
de l’enfant.

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Aidez-le à diminuer son émotivité sur le long terme

LES IDÉES CLÉS

Soyez aligné ! L’enfant sait instinctivement quand vos


mots, votre corps et vos intentions sont cohérents ou
non.

Osez parler de votre état émotionnel sans attendre que


l’enfant vous comprenne ou vous excuse.

Regardez l’enfant comme une personne, un individu qui a


la capacité de réagir (à sa façon) aux situations qu’il
rencontre.

Éduquez sa confiance : « Que peux-tu faire toi dans cette


situation ? »

Éduquez son estime : « Que sais-tu déjà de cette


situation ? »

Éduquer au sens : « Que comprends-tu déjà de cette


situation ? »

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Conclusion
F inalement, l’objectif de cet ouvrage était de vous faire découvrir
les nouvelles amies de votre enfant – les émotions, vous l’aurez
deviné. Et de les considérer comme des amies pour la vie car elles
lui seront toujours fidèles.

Comprendre le mécanisme émotionnel et accompagner le mouve-


ment plutôt que nager à contre-courant vous permettra :
yy de mieux connaître l’enfant, à la fois mû par un système vieux
comme le monde, mais toujours singulier ;
yy de le guider dans sa connaissance et sa conscience de lui-
même, deux préalables à une bonne estime de soi ;
yy de favoriser son épanouissement personnel mais aussi relation-
nel. Apprivoiser ses émotions, c’est aussi reconnaître et mieux
réagir à celles de l’autre, forcément un peu différentes – pour
ne pas dire parfaitement dérangeantes ;
yy de lui faire découvrir ses besoins et la façon dont lui-même
peut contribuer à leur satisfaction. Il s’agit de se responsabi-
liser en cessant de chercher à l’extérieur le ou les coupables
d’une difficulté intérieure ;

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Émotions : quand c’est plus fort que lui

yy d’éviter d’ajouter de l’émotion à l’émotion. S’il y a de bonnes


raisons de connaître la peur, la colère ou la tristesse, mieux
vaut éviter d’avoir peur, d’être en colère ou triste d’être ému ;
yy de redonner de la valeur à la fragilité, la vulnérabilité qui font
partie intégrante de la nature humaine ;
yy de construire le sentiment d’identité de l’enfant : il est lui, tout
entier, avec un corps et un esprit, et c’est très bien comme ça !
yy de lui faire entendre ce qui lui arrive pour qu’il l’accueille avec
tous ses moyens au lieu de les perdre.

Surtout, ce livre a pour but de l’éduquer – et de nous rééduquer –


à tenir compte de ce qui est concret, de ce qui est réel. Poser un
regard juste sur soi et le monde, mettre des mots sur ce qui fait
mal, voilà ce qui nous permet à tous de quitter nos projections,
de nous libérer de nos croyances, de nos interprétations, de nos
attentes et autres anticipations. Voilà en réalité ce qui nous per-
met de nous respecter nous-mêmes et de respecter les autres dans
toute leur altérité.

Alors, n’oubliez pas. La prochaine fois que vous surprendrez


l’enfant en proie à une vive émotion, souvenez-vous : elle est sa
copine, peut-être même sa meilleure copine. Soyez dans l’ici et
maintenant. Et posez les bonnes questions : « Qu’est-ce que tu
as vu, entendu, concrètement ? Qu’est-ce que ton corps a senti ?
Qu’est-ce que tu fais, qu’est-ce que tu as fait, qu’est-ce que tu peux
faire ? » Nous avons tous fantasmé d’être un parent parfait et un
adulte modèle. Mieux vaut toujours faire en fonction du réel. C’est
ainsi que nous serons humains.

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LES ÉTAPES DE L’ÉMOTION

Étape 1. Perception sensorielle


d’un événement

Début Étape 2. Sensations corporelles


de l’émotion
dans le corps Étape 3. Réaction corporelle de défense
(processus non (fuite, lutte, repli)
conscient)

Étape 4. Besoin d’intégrité satisfait,


retour de l’équilibre

Étape 5. Développement du désir


de conserver cette intégrité
(sécurité, identité, sens)

Diffusion Étape 6. Pensées et comportements auto-


de l’émotion matiques visant à la conserver
dans l’esprit
(processus
Étape 7. Ressentis douloureux, sensations
conscient)
de mal-être

Étape 8. Représentations cognitives,


croyances, interprétations

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CARTOGRAPHIE DE LA LOGIQUE ÉMOTIONNELLE

de p er c e p
tr es t
F il io n

CORPS

Étape 1 Étape 8 Bien


Bon (les gentils)
Perception Représentations,
Pas bon (FAITS) croyances Pas bien
(obstacle)
(les méchants)
(choc)
Angoisses
(peur par
Oppressé anticipations)
Étape 2 Étape 7
Tendu Jalousie
Sensation Ressentis
Effondré (EFFET) (rivalité)
(perte d’équilibre)
Dépression

Je m’agite J’hésite,
(fuite) je cherche
Étape 3 Étape 6
des solutions
Réactions Comportements,
Je crie, j’agresse (fuite)
(lutte) de habitudes,
défense stratégies Je contrôle
Je me tais, (lutte)
je m’efface
(repli sur soi) Je me soumets
(repli)

Mon corps Étape 4 Étape 5 de la sécurité


retrouve Besoin Désir
d’être de l’identité
son équilibre d’avoir
(retour d’intégrité du sens
corporelle)
M n ESPRIT
In sc

é m o s a ti o
rit

pt ri
sp
ri

io n l’ e
d u c orp s d a n s

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Pour aller
plus loin
Des livres pour décoder les émotions
de l’enfant et s’entraîner à l’art
de la communication respectueuse
ANDRÉ Christophe, D’ANSEMBOURG Thomas, FILLIOZAT
Isabelle, RICARD Matthieu, LAMBIN Éric, LECOMTE Jacques,
Psychologie positive : le bonheur dans tous ses états, Jouvence, 2011.
CORNEAU Guy, Victime des autres, bourreau de soi-même, Robert
Laffont, 2003.
CYRULNIK Boris, Sous le signe du lien, Hachette, 1990.
Les Vilains Petits Canards, Odile Jacob, 2004.
D’ANSEMBOURG Thomas, Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Les
Éditions de l’Homme 2001.
DOLTO Françoise, Tout est langage, Vertiges du Nord-Carrère, 1987.
L’Image inconsciente du corps, Le Seuil, 1992.

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Émotions : quand c’est plus fort que lui

FILLIOZAT Isabelle, Mes Émotions, Nathan, 2016.


Colère et retour au calme, Nathan, 2017.
Mes peurs, amies ou ennemies ? Nathan, 2017.
Au cœur des émotions de l’enfant, Marabout, 2006.
GORDON Thomas, Éduquer sans punir, Les Éditions de l’Homme, 2003.
Parents efficaces, une autre approche de l’enfant, Marabout, 2013.
GUEGUEN Catherine, Pour une enfance heureuse, Pocket, 2015.
HANH Trich Nhat, MIDAL Fabrice, Prendre soin de l’enfant
intérieur, Pocket 2015.
MIDAL Fabrice, Foutez-vous la paix ! et commencez à vivre,
Flammarion 2017.
NAOURI Aldo, Le Couple et l’Enfant, Odile Jacob, 2005.
WATZLAWICK Paul, HELMICK BEAVIN Janet, JACKSON Don D.,
Une logique de la communication, Le Seuil, 1989.
WEBER Gunthard, Les Liens qui libèrent, Grancher, 1998.

Des livres pour mieux comprendre le cerveau


DAMASIO Antonio, L’Ordre étrange des choses, Odile Jacob,
2017.
NACCACHE Lionel, Un sujet en soi, Odile Jacob, 2013.
KORZYBSKI Alfred, Une carte n’est pas le territoire, Éditions de
l’Éclat, 2015.

Deux livres écrits par les auteures


mais pour les enfants cette fois-ci
Ysée et Croco n’ont même pas peur, Leduc.s Éditions, 2017.
Ysée et Croco sont en colère ! Leduc.s Éditions, 2018.

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Pour aller plus loin

Un joli dessin animé sur les émotions


Vice-versa des studios Pixar (2015).

Un site pour mettre en pratique


cette logique émotionnelle
www.logique-emotionnelle.com

Des mêmes auteures aux éditions Leduc.s


Émotions : quand c’est plus fort que moi, 2017.
Ysée et Croco sont en colère !, 2018.
Ysée et Croco n’ont même pas peur, 2017.

Aurore Aimelet
Mon cahier J’ose la pensée positive ! c’est malin, 2017.
Les petits riens pour changer sa vie, c’est malin, 2017.
Je râle moins… mais mieux, c’est malin, 2016.
Arrêter de s’énerver, c’est malin, 2016.
Ne plus gâcher sa vie, c’est malin, 2015.
La pensée positive, c’est malin, 2015.

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Table
des matières
SOMMAIRE.................................................................................................5

INTRODUCTION.......................................................................................9

1. CHANGEZ DE POINT DE VUE, CHANGEZ DE PROJET..............11


« Il faut que j’apprenne à gérer ».......................................................13
Vous cherchez à lui épargner toute souffrance…
sauf que c’est impossible !..................................................................16
Tu seras un homme, mon fils ! Et arrête de pleurer, Pénélope !......... 18
Vous voulez maîtriser son comportement et/ou qu’il se maîtrise…
sauf que lui ne fait pas exprès !.........................................................19
Vous lui expliquez pour qu’il comprenne et qu’il arrête…
sauf que ça le dépasse !......................................................................22
Le cerveau immature de l’enfant........................................................ 23
Fichez-lui la paix ! Il exprime comme il peut ce qui ne va pas..........24
Halte aux injonctions occultes !.......................................................... 25

2. COMPRENEZ CE QUI SE PASSE EN LUI........................................29


Nature et fonction de l’émotion..........................................................31
Quatre émotions ? C’est tout ?........................................................... 32
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Une information d’abord perçue par le corps....................................34
La métaphore de l’escalator............................................................... 35
Ému pour un rien, jamais pour rien..................................................37
Se défendre coûte que coûte !.............................................................39
Quand la mémoire joue des tours......................................................41
Une histoire banale.............................................................................41

3. REDONNEZ DU SENS À L’ÉMOTION..............................................45


Un mouvement naturel pour aller mieux...........................................47
C’est quoi, au juste, un besoin ?......................................................... 48
Gaspard et son déménagement – Partie 1..........................................51
1. Gaspard se rassure et nourrit son besoin de sécurité.................... 52
2. Gaspard s’affirme et renforce son besoin d’identité...................... 52
3. Gaspard se renferme pour conforter son besoin de sens............... 53
Une solution, pas un problème !........................................................54
Comprendre le mouvement pour mieux l’accompagner.....................56
Gaspard et son déménagement – Partie 2..........................................58
Début de l’émotion dans le corps (processus non conscient,
non gérable) – Ici, c’est le corps qui réagit........................................ 59
Diffusion de l’émotion dans l’esprit (processus conscient, gérable) –
À partir de là, l’esprit prend le relais................................................ 60

4. IDENTIFIEZ CE QUI SE PASSE EN VOUS.......................................67


« Il est ému, donc je le suis »............................................................69
Miroir, mon beau miroir..................................................................... 70
Reconnaissez votre propre émotion...................................................71
Le masque à oxygène......................................................................... 72
Début de l’émotion dans le corps (processus non conscient,
non gérable) – Soraya réagit physiquement et elle n’y peut rien !................ 74
Diffusion de l’émotion dans l’esprit (processus conscient, gérable) –
Puis, elle se met à penser (elle culpabilise) et c’est là que
les choses se compliquent !............................................................... 74
Repassez-vous le film au lieu de vous en faire (des films).................75
Vous êtes ému et vous avez raison !....................................................76
Apprivoisez votre émotion : 5 conseils salvateurs..............................78
Conseil 1. Appuyez sur pause........................................................... 78
Conseil 2. Qu’est-ce que vous vous racontez ?.................................. 79
Conseil 3. Que s’est-il passé concrètement ?..................................... 81
Conseil 4. Qu’est-ce que cela a provoqué en vous ?.......................... 82
Accepter n’est pas subir...................................................................... 83

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Émotions : quand c’est plus fort que lui

Conseil 5. Qu’avez-vous fait ?...........................................................84

5. REPÉREZ SON ÉMOTION..................................................................87


Deux temps, deux mouvements.........................................................89
Un peu de poésie................................................................................91
Le salaire de la peur...........................................................................93
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet de la peur ?............................ 94
Sur le long terme, comment s’installe l’anxiété ?.............................. 96
Les raisins de la colère.....................................................................100
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet de la colère ?........................ 100
Sur le long terme, comment s’installe le ressentiment ?.................. 102
Bonjour tristesse..............................................................................106
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet de la tristesse ?..................... 106
Sur le long terme, comment s’installe la mélancolie ?..................... 108
L’hymne à la joie...............................................................................112
Une mécanique identique............................................................... 113
À chaud, que se passe-t-il sous l’effet de la joie ?............................ 114
Sur le long terme, comment s’installe l’optimisme forcené ?........... 116
L’enfant hyperactif............................................................................118
Quelle émotion s’est confortablement installée chez l’enfant ?........120

6. OPTEZ POUR LA BONNE RÉACTION À CHAUD...................... 125


Que faire dans tous les cas ?............................................................127
Occupez-vous d’abord de vous !..................................................... 128
Optez pour la bonne posture.......................................................... 129
Intéressez-vous à ce qu’il éprouve et ce qu’il pense........................ 130
Nommez l’émotion si l’enfant est jeune ou s’il est complètement perdu
dans ses ressentis........................................................................... 131
Éduquer sa conscience émotionnelle, qu’est-ce que c’est ?................. 133
Ne jugez pas sa réaction................................................................. 133
Que faire en cas de peur momentanée ?..........................................134
Que faire en cas de colère momentanée ?........................................138
Que faire en cas de tristesse momentanée ?.................................... 142
Que faire en cas de joie soudaine et trop forte, exubérante ?.......... 145
Bonus track. Trois exercices ludiques pour avancer avec lui............ 149

7. AIDEZ-LE À DIMINUER SON ÉMOTIVITÉ


SUR LE LONG TERME..........................................................................155
Que faire dans tous les cas ?............................................................157
Être convaincu................................................................................ 157

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Table des matières

On apprend en imitant.................................................................... 158


En parler librement......................................................................... 159
S’adapter à l’enfant.......................................................................... 160
Le reconnaître, une priorité............................................................ 161
L’encourager à oser.......................................................................... 162
Lui faire confiance.......................................................................... 163
Ayez confiance en lui et en son émotion !..........................................164
Relâcher le corps............................................................................ 165
Comment apaiser son anxiété ?.......................................................168
Comment modérer son ressentiment ?............................................. 170
Comment consoler sa mélancolie ?.................................................. 173
Comment tempérer son optimisme forcené ?................................... 175

CONCLUSION........................................................................................179

LES ÉTAPES DE L’ÉMOTION...............................................................181

CARTOGRAPHIE DE LA LOGIQUE ÉMOTIONNELLE...................183

POUR ALLER PLUS LOIN.....................................................................185

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