I- Bonheur Et Sagesse

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BONHEUR ET SAGESSE

- Les Grecs de l’Antiquité: eudaimonia (état de plénitude et de


paix intérieure).

- Âme indépendante, alignement avec la sagesse (but du


philosophe).

- Quête existentielle.
- Perfectionnement guidé par la raison.
- Problème philosophique: si le bonheur est compris comme un
état de sagesse, ne peut-il pas aussi être une illusion ?
« Il y a des choses qui dépendent de nous et d’autres qui ne dépendent pas de
nous. Ce qui dépend de nous, ce sont les pensées, la tendance, le désir, le refus,
bref tout ce sur quoi nous pouvons avoir une action. Ce qui ne dépend pas de
nous, c’est la santé, la richesse, l’opinion des autres, les honneurs, bref tout ce
qui ne vient pas de notre action.
Souviens-toi de ceci: si tu crois soumis à ta volonté ce qui est, par nature,
esclave d’autrui, si tu crois que dépend de toi ce qui dépend d’un autre, tu te
sentiras entravé, tu gémiras, tu auras l’âme inquiète, tu t’en prendras aux dieux et
aux hommes. Mais si tu penses que seul dépend de toi ce qui dépend de toi, que
dépend d’autrui ce qui réellement dépend d’autrui, tu ne sentiras jamais contraint
à agir, jamais entravé dans ton action, tu ne t’en prendras à personne, tu
n’accuseras personne, tu ne feras aucun acte qui ne soit volontaire; nul ne pourra
te léser, nul ne sera ton ennemi, car aucun malheur ne pourra t’atteindre ».

Épictète, Manuel, (vers 125).


1) Que signi e « ce qui est, par nature, esclave d’autrui » ? Donner des

exemples.

2) Pourquoi celui qui voit sa volonté entravée s’en prend-il aux dieux et aux

hommes ?

3) La frontière entre ce qui dépend de soi et ce qui n’en dépend pas est-elle

aussi nette ? Les croyances et les désirs dépendent-ils réellement de soi ? Ne

peut-on inversement augmenter ses chances d’être en bonne santé par

certaines actions ?

4) L’absence de malheur est-elle identique au bonheur ?


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- Celui qui confond ce qui dépend de lui et ce qui ne dépend pas de lui est

nécessairement malheureux.

- Distinction préalable: ce qui dépend de soi = ce sur quoi on peut agir


(croyance, tendance, désir, etc.); ce qui ne dépend pas de soi = ce sur quoi on

ne peut pas agir (santé, richesse, etc.).

- Première hypothèse: méconnaissance de cette distinction. On croit que


dépend de soi ce qui n’en dépend pas; la volonté ne cesse de se heurter à

des obstacles, on est malheureux et on s’en prend à tout le monde.


- Seconde hypothèse: respect de cette distinction. On croit que dépend de soi
uniquement ce qui en dépend: les actions sont pleinement volontaires, on est

libre et l’on ne s’en prend à personne. On est inaccessible au malheur.


Distinction conceptuelle

Obligation: nécessité à ce que la volonté s’impose parce qu’elle adhère à une

règle (morale, politique, juridique, religieuse, esthétique, etc.). Le fait de se

donner soi-même des obligations correspond à la liberté comme autonomie. La

négation de l’obligation n’est pas la liberté, mais la permission.

Exemple: un devoir auquel on croit (par exemple, aider autrui lorsqu’il est dans le

besoin) est une obligation morale.


Contrainte: nécessité imposée extérieurement à la volonté. La négation de la

contrainte est cette fois la liberté.

Attention, parfois, le mot « contrainte » est pris au sens large et correspond au

simple sentiment de la nécessité à agir, sans que l’on précise si cette nécessité

est intérieure (obligation) ou extérieure (contrainte au sens précis).

Exemple: agir sous la menace est agir sous contrainte.


« Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a
tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes
précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut.
Veut-il la richesse ? Veut-il beaucoup de connaissances et de lumières ? Peut-
être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter
d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent
encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de
besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une
longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue sou rance ? Veut-il
du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où
aurait fait tomber une santé parfaite, etc. ! Bref, il est incapable de déterminer
avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait
véritablement heureux: pour cela il lui faudrait l’omniscience.
Le problème qui consiste à déterminer de façon sûre et générale quelle action
peut favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait
insoluble; il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander, au
sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un
idéal, non de la raison, mais de l’imagination ».

Emmanuel Kant, Fondements de la Métaphysique des Mœurs, (1785).

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1) En quoi la connaissance augmente-t-elle le nombre de désirs ?

2) Quels excès une parfaite santé peut-elle nous conduire à faire ?

3) Kant dit-il que le bonheur est une illusion ?

4) Une obligation porte-t-elle toujours sur une action générale invariable ? Ne

peut-elle pas s’accommoder d’une variation, parfois très grande, de l’action

en fonction du contexte ?
- Le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination.

- Thèse: le concept de bonheur est indéterminé. Personne ne peut dire


précisément ce qu’il veut vraiment obtenir pour être heureux.

- Preuve: il n’y a pas d’objet dont l’acquisition ne puisse rendre malheureux. La


richesse cause de nombreux soucis; la connaissance rend plus lucide sur les

maux de l’existence et augmente le nombre de désirs; la longue vie peut nous

in iger de longues sou rances; la parfaite santé peut conduire à des excès

que l’on aurait évité en étant plus fragile. Seul un être omniscient pourrait éviter

ces dangers.
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- Conséquence: il n’y a pas d’action qui, de façon certaine, puisse rendre
heureux. Faire ce qui rend heureux ne peut donc faire l’objet d’une obligation.

Le bonheur n’engageant ni universalité, ni nécessité, il n’est pas un idéal de la

raison, mais bel et bien de l’imagination.


Distinction conceptuelle

Idéal: ce qui est parfait, éternel, transcendant, donc hors du monde de

l’expérience, et qui vaut comme but à atteindre.

Exemple: La beauté est un idéal.

Réel: ce qui est immanent, observable dans l’expérience, donc imparfait,

altérable, etc.

Exemple: Un être humain est un être vivant et réel.


« Observe le troupeau qui paît sous tes yeux: il ne sait ce qu’est hier ni
aujourd’hui, il gambade, broute, se repose, digère, gambade à nouveau, et ainsi
du matin au soir et jour après jour, étroitement attaché par son plaisir et son
déplaisir au piquet de l’instant, et ne connaissant pour cette raison ni mélancolie
ni dégoût. C’est là un spectacle éprouvant pour l’homme, qui regarde, lui,
l’animal du haut de son humanité, mais envie néanmoins son bonheur — car il ne
désire rien d’autre que cela: vivre comme un animal, sans dégoût ni sou rance,
mais il désire en vain, car il ne le désire pas comme l’animal.
L’homme s’étonne de lui-même, de ne pouvoir apprendre l’oubli et de toujours
rester prisonnier du passé: aussi loin, aussi vite qu’il court, sa chaîne court avec
lui. C’est un véritable prodige: l’instant, aussi vite arrivé qu’évanoui, aussitôt
échappé du néant que rattrapé par lui, revient cependant comme un fantôme
troubler la paix d’un instant ultérieur.
L’homme dit alors: « Je me souviens », et il envie l’animal qui oublie
immédiatement et voit réellement mourir chaque instant, retombé dans la nuit et
le brouillard, à jamais évanoui ».

Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles (1873).

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1) L’intelligence favorise-t-elle la liberté selon Nietzsche ?

2) Quel rapport au temps suppose le bonheur selon Nietzsche ?

3) Si l’animal ne peut être malheureux, peut-il vraiment être heureux ?

4) Les animaux sont-ils totalement privés de souvenirs ?

Igor Gonin et son ragondin, photographie d’Alain Rivière-Lecœur, 2012.


- L’homme envie le bonheur de l’animal, dont le prive son intelligence.

- Observation: l’animal ne vit que dans l’instant présent. Il ne peut donc être
a ecté par la représentation des plaisirs et des déplaisirs passés.

- L’homme envie l’animal: il désire vivre dans l’instant comme l’animal et ne pas
connaître la sou rance liée au passé.

- Mais ce désir est vain: car l’homme ne peut pas s’évader du passé. Il ne peut
pas ne pas se souvenir de l’instant qui vient de s’écouler. Alors que l’animal

voit mourir chaque instant, l’un après l’autre.


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Distinction conceptuelle

Médiat: ce qui est obtenu indirectement, en passant par un intermédiaire.

Exemple: La raison discursive ne donne qu’une connaissance indirecte, médiate,

qui passe par l’intermédiaire de raisonnements plus ou moins longs.

Immédiat: ce qui est obtenu directement, sans passer par un intermédiaire.

Exemple: La raison intuitive donne une connaissance directe, immédiate de son

objet. C’est pourquoi elle semble pouvoir nous délivrer une vérité supérieure.

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