Éclampsie

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 7

Article orignal

ECLAMPSIE : ASPECTS EPIDEMIOLOGIQUES, DIAGNOSTIQUES, THERAPEUTIQUES ET


PRONOSTIQUES AU CENTRE HOSPITALIER REGIONAL DE THIES A PROPOS DE 146 CAS

M. THIAM, L. GUEYE, L.C . SYLLA, A.B. MAMBOU, S. MAHAMAT, A.P. DIOP,


M.L. DIOUF, M.M. NDIAYE, M.L CISSE

RESUME SUMMARY
Introduction : L’éclampsie est l’une des complications Eclampsia: Epidemiological, diagnostic, therapeutic and
neurologiques graves de l’hypertension artérielle associée prognostic aspects at the Regional Hospital Center of Thies.
à la grossesse et en particulier de la prééclampsie. Elle est About 146 cases.
responsable d’une mortalité maternelle et périnatale croissante Introduction: Eclampsia is one of the serious neurological
au Sénégal, et en Afrique subsaharienne. Le but de notre étude complications of high blood pressure associated with pregnancy
était de décrire les aspects épidémiologiques et diagnostiques and particularly preeclampsia. It is responsible for increasing
de l’éclampsie, et d’évaluer la prise en charge et le pronostic maternal and perinatal mortality in Senegal and in sub-Saharan
materno-fœtal dans notre contexte. Africa. The aim of our study was to describe the epidemiological
Patientes et méthodes : Il s’agissait d’une étude prospective, and diagnostic aspects of eclampsia, and to evaluate the
descriptive et analytique allant du 1er juin 2015 au 1er juin 2017, management and maternal-fetal prognosis in our context.
réalisée dans le service de Gynécologie et d’Obstétrique du Patients and methods: This was a prospective, descriptive
Centre Hospitalier Régional de Thiès. Elle concernait toutes les and analytical study from June 1, 2015 to June 1, 2017,
femmes enceintes présentant des crises convulsives au-delà de conducted at the Gynecology and Obstetrics Department of the
la 20ème semaine d’aménorrhée dans un contexte d’hypertension Regional Hospital Center of Thies. It concerned all pregnant
artérielle et ou la présence d’une albuminurie. women presenting convulsive crises beyond the 20th week
Résultats : L’éclampsie concernait 146 patientes sur 14155 of amenorrhea in a context of arterial hypertension and or the
accouchements, soit une fréquence de 1,03%, soit 10 cas pour presence of albuminuria.
1000 accouchements. Le profil épidémiologique retrouvé était Results: Eclampsia concerned 146 patients out of 14155
celui d’une femme jeune (âge moyen de 23,88 ans), primipare deliveries, a frequency of 1.03%, or 10 cases per 1000 deliveries
(75,34%), mariée (86,99%), femme au foyer (71,92%), provenant over 2 years. The epidemiological profile found was that of a
de la commune de Thiès (59,59%), suivie dans un poste de young woman (mean age 23.88 years), primiparous (75.34%),
santé (98.63%), évacuée (80,82%), porteuse d’une grossesse married (86.99%), housewife (71.92%), from the commune of
monofoetale (90,41%), au 3ème trimestre de la grossesse Thies (59.59%), followed in a health post (98.63%), evacuated
(92,5%). La crise survenait dans 85% des cas en antepartum, (80.82%), carrying a mono-fetal pregnancy (90.41%), in the 3rd
dans 10% de cas en per partum et dans 5% de cas dans le post trimester of pregnancy (92.5%). The crisis occurred in 85% of
partum. La majorité des patientes avaient présenté une crise cases in antepartum, in 10% of cases in per partum and in 5%
(87,67%) et l’état de mal éclamptique concernait 5 cas, soit of cases in postpartum. The majority of patients had presented
3,43%. Les principaux signes cliniques et paracliniques retrouvés an attack (87.67%) and the state of eclamptic illness concerned
étaient l’HTA (92,46%), un syndrome œdémateux (86,98%) des 5 cases, i.e. 3.43%. The main clinical and paraclinical signs
céphalées (95,20%), une albuminurie ≥ 2croix (97,94%), une found were hypertension (92.46%), an edematous syndrome
hyperuricémie (67,80%). La protéinurie des 24h était rarement (86.98%), headache (95.20%), albuminuria ≥ 2croix (97.94%),
dosée (6,16%). Le sulfate de magnésium était utilisé dans hyperuricemia (67.80%). The 24h proteinuria was rarely dosed
97,95% des cas et l’antihypertenseur principalement utilisé était (6.16%). Magnesium sulfate was used in 97.95% of cases and
la nicardipine injectable (97,26%). Le délai moyen entre la crise the antihypertensive mainly used was injectable nicardipine
et l’accouchement était de 1,4h. La voie d’accouchement était (97.26%). The mean time from seizure to delivery was 1.4 hours.
dominée par la césarienne à 62,33% contre 37,67% pour la voie The delivery route was dominated by caesarean section at
basse. Le pronostic maternel était marqué par 17 cas de décès 62.33% versus 37.67% for vaginal birth. Maternal prognosis was
soit une létalité de 11,64%. La mortalité périnatale était de 125‰ marked by 17 cases of death, be so 11.64% of lethality due to
naissances vivantes, et le taux de prématurité de 43,2%. eclampsia. Perinatal mortality was 125‰ live births and the rate
Conclusion : L’éclampsie reste un problème majeur de santé of prematurity was 43.2%.
publique. Le pronostic dépend de l’efficacité de la prise en Conclusion: Eclampsia is a major public health problem. The
charge. L’utilisation du sulfate de magnésium et la précocité de prognosis depends on early and effective management. The
l’accouchement améliorent le pronostic. La prévention nécessite use of magnesium sulfate and early deleverie improves the
un suivi prénatal de qualité et la bonne prise en charge des états prognosis. Prevention requires quality prenatal follow-up and
hypertensifs. good management of hypertensive states.

Mots-clés : Eclampsie, Epidémiologie, Pronostic materno- Keywords: Eclampsia, Epidemiology, Materno-fetal prognosis,
fœtal, Thiès/Sénégal Thies/Senegal

Tirés à part : Pr Ag Mariétou Thiam, Hôpital Régional de Thiès, THIAM m., GUEYE l., SYLLA c., MAMBOU A.B., MAHAMAT
Sénégal, Tel : 00221777317915. s., DIOP A.P, DIOUF M.L., NDIAYE M.M. , CISSE M.L.
Email : maricoulibaly10@gmail.com Eclampsie : Aspects épidémiologiques, diagnostiques, thérapeu-
tiques et pronostiq ues au centre hospitalier régional de Thiès
à propos de 146 cas. Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,
p.13-19

ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,


13
INTRODUCTION 1.2. Caractéristiques socio-démographiques

L’éclampsie est une complication neurologique - Age


grave de la prééclampsie. Il s’agit d’une urgence
obstétricale définie par la survenue d’une crise L’éclampsie était fréquemment rencontrée dans la
convulsive généralisée et /ou des troubles de la tranche d’âge des moins de 20 ans (26%) et celle
conscience survenant au-delà de la 20ème SA ou comprise entre 20-24 ans (37,7%). La moyenne
dans le post partum (jusqu’à j15 du post partum), d’âge était de 23,88 ans. Les patientes âgées de plus
dans un contexte de prééclampsie, et en l’absence de 40 ans étaient peu représentatifs avec (1,4%).
pathologie neurologique sous-jacente expliquant les
convulsions [9]. En Afrique, l’éclampsie concerne 1%
des accouchements [14,11] contre 0,5 à 0,7‰ dans
les pays développés [25]. Malgré les progrès dans
sa prise en charge [8,7], la morbi-mortalité maternelle
et périnatale liée à l’éclampsie reste toujours élevée.
L’objectif de notre étude était de décrire les aspects
épidémiologiques, diagnostiques et d’évaluer la
prise en charge de l’éclampsie afin de proposer des
solutions pour améliorer son pronostic.

I. PATIENTES ET METHODES

Il s’agissait d’une étude prospective, descriptive


et analytique allant du 1er juin 2015 au 1er juin
2017, portant sur les cas d’éclampsie pris en charge
dans le service de Gynécologie Obstétrique du Figure 1 : Répartition des cas d’éclampsie en fonction
de l’âge
Centre Hospitalier Régional de Thiès. Etait incluse
toute femme ayant présenté des crises convulsives
- Profession
et/ou des troubles de la conscience, survenus entre
la 20ème semaine d’aménorrhée (SA) et j15 du
La majorité des patientes éclamptiques étaient des
post-partum, reçues en urgence ou déjà hospitalisées
femmes au foyer avec 105 patientes (71,92%); 27
dans notre service, sur un terrain de pré-éclampsie.
patientes (18,49%) étaient des salariées et 5 patientes
N’étaient pas inclues les patientes qui présentaient
(3,43%) exerçaient une profession libérale.
des crises convulsives en l’absence d’hypertension
artérielle (HTA) et/ou de protéinurie. Les sources
- Statut matrimonial
de données étaient constituées par les carnets de
consultations prénatales, les dossiers d’hospitalisation
La majorité des patientes (127 patientes soit 86,99%)
et d’accouchement. Les variables étudiées étaient
étaient mariées et 13,01% des patientes étaient
les caractéristiques sociodémographiques, le
célibataires. Le délai moyen entre le mariage et la
déroulement de la grossesse, de l’accouchement et
grossesse était de 8,68 mois avec des extrêmes de 1
le devenir maternel et néonatal. Les données étaient
et 60 mois. L’éclampsie était plus fréquente chez les
saisies et analysées grâce au logiciel SPSS20.
patientes ayant eu une grossesse dans les 6 premiers
En cas de mesure d’association épidémiologique
mois de mariage avec 47,24% (60 patientes).
positive, l’intervalle de confiance (IC) était à 95%.
Une valeur p inférieure à 0,05 a été définie comme
- Localité de provenance
étant statistiquement significative.
Les patientes provenaient essentiellement (59,59%)
II. RESULTATS
de la commune de Thiès.
1. Etude Descriptive
1.3. Antécédents
1.1. Fréquence
- Parité
La parité moyenne était de 1,88 avec des extrêmes
Au cours de la période d’étude, l’éclampsie concernait
de 1 et 22. Parmi les éclamptiques, 110 patientes
146 patientes pour 14.155 accouchements soit
étaient des primipares (soit 75,34%), 17 patientes
une fréquence de 1,03%, ou 10 cas pour 1.000
(11,64%) étaient des paucipares, et 19 patientes
accouchements.
(13,02%) étaient des multipares.

ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,


14
1.5. Aspects cliniques et para cliniques

Les patientes étaient évacuées essentiellement et


reçues dans un état de postcritique (80,8%). La plupart
des patientes était au troisième trimestre (92,5%)
et étaient porteuses d’une grossesse monofoetale
(90,41%). La crise était survenue dans 85% des
cas pendant la grossesse, dans 10% et 5% des cas
respectivement pendant l’accouchement et le post-
partum. La majorité des patientes avaient présenté
un seul épisode de crises convulsives (87,67%) et
l’état de mal éclamptique concernait 5 patientes soit
Figure 2 : Répartition des cas en fonction de la parité
3,43% des patientes. L’hypertension artérielle était
présente chez 92,46% des patientes, de même que
- Grossesses et accouchements antérieurs des céphalées (95,20%) associés à un flou visuel à
65,75% (figure 3).
Il y avait 4 patientes (2,73%) ayant des antécédents
de prééclampsie, une patiente (0,68%) avait un
antécédent d’éclampsie et 15 patientes (10,27%)
avaient eu des fausses couches.

- Antécédents médicaux

Deux patientes (1,37%) étaient porteuses


d’une antigénémie HBs, une patiente (0,68%)
était drépanocytaire et une patiente avait une
dyslipidémie.
Chez 70 patientes soit 47,94%, un antécédent
d’hypertension artérielle a été retrouvé chez les
parents.
Figure 3 : Fréquence des signes cliniques
1.4. Suivi prénatal
Des examens biologiques ont été effectués chez
- Lieu du suivi de la grossesse 93,83% des patientes. Une protéinurie pathologique
était retrouvée à la bandelette urinaire supérieure
Les patientes étaient suivies en majorité dans un ou égale à 2 croix chez 97,94% des patientes. La
poste de santé avec 144 patientes, soit 98,63% contre protéinurie des 24 h n’a été dosée que chez 6,16%
2 patientes soit 1,37% des patientes qui n’avaient des patientes, et était massive chez ces patientes.
pas de suivi. Une hyperuricémie était retrouvée dans 67,80% des
cas, un bilan rénal perturbé dans 19,86% des, cas
- Qualité des consultations prénatales (CPN) une anémie dans 51,36% des cas. Les autres signes
biologiques retrouvés étaient une thrombopénie
Le nombre moyen de CPN était de 3,14 CPN avec (10,95%), une cytolyse hépatique (26,02%) et un
des extrêmes allant de 0 à 6. La qualité des CPN HELLP syndrome (9,59%).
était jugée bonne chez 92,47% des patientes.
1.6. Aspects thérapeutiques
- Terme de découverte de l’HTA
Le sulfate de magnésium était le principal
Le terme moyen de découverte de l’HTA était de 34,44 anticonvulsivant utilisé chez 143 patientes (97,95%).
SA avec des extrêmes de 23 et 43 SA. La majorité Trois patientes n’avaient pas reçu le protocole de
des patientes, 130 patientes soit 89,04% était au sulfate de magnésium. Le protocole a duré 24h dans
troisième trimestre (≥28SA) et 14 patientes (9,59%) 93% des cas et 48h dans 7% des cas.
au deuxième trimestre (20-27SA). Un traitement Un traitement antihypertenseur était instauré chez
antihypertenseur était instauré chez 36 patientes toutes les patientes à base d’inhibiteur calcique
(24,7%), avec comme principal antihypertenseur avec comme molécule principale utilisée la
utilisé un inhibiteur calcique chez 33 patientes. Chez nicardipine injectable dans 97,26% des cas. Les
22 patientes, soit 61,1% des patientes sous traitement, antihypertenseurs à action centrale étaient utilisés
la réponse au traitement était jugée mauvaise avec chez 2,73% des patientes.
une persistance de l’HTA.
ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,
15
L’association du sulfate de magnésium et de - Pronostic fœtal
l’inhibiteur calcique n’avait pas entraîné d’effets Concernant les fœtus, nous avons recensé : 139
secondaires particuliers. nouveau-nés vivants (86,88%), 11 mort-nés frais
Le délai moyen entre l’admission et l’accouchement (6,88%) et 9 mort-nés macérés (5,62%).
était de 5 heures avec des extrêmes de 1 heure et 168
heures. Le délai entre la 1ère crise et l’accouchement Nous avons enregistré 70 naissances prématurées
était notifié chez 98 patientes et était en moyenne (43,75%), 85 naissances à terme (53,125%) et 5 post
de 84,01mn (soit 1,4h), avec des extrêmes de 0 et termes (3,125%). Le poids de naissance moyen était
1144mn (soit 19h). Un déclenchement artificiel du de 2377,69 g avec des extrêmes de 690 et 4200g. Le
travail a été réalisé chez 14 patientes (9,59%) dont taux de bébés de faible poids de naissance était de
quatre se sont soldés par un échec ayant motivé une 50,63% comme le montre la figure 5.
césarienne. Un déclenchement à l’ocytocine a été
réalisé chez 12 patientes (85,71%), et 2 patientes
(14,29%) ont eu un déclenchement au Misoprostol.
La césarienne était la principale voie d’accouchement
(62,33%). Elle était réalisée sous anesthésie générale
dans 87,67% des cas et sous rachianesthésie dans
12,32% des cas. Une hystérectomie d’hémostase a
été réalisée chez une patiente pour coagulopathie.

1.7. Aspects pronostiques

- Pronostic maternel
Figure 5 : Répartition des nouveau-nés en fonction du
L’évolution maternelle était émaillée de plusieurs poids de naissance
complications. Ainsi, 14 patientes (9,59%) avaient
développé un HELLP syndrome, et 3 en sont Le score d’Apgar à la 1ère minute (M1) chez les
décédées. Cinq patientes (3,43%) avaient présenté nouveau-nés variait entre 3 et 10/10. Cinquante-
un hématome rétroplacentaire avec deux cas de huit nouveau-nés (41,73%) présentaient un score
décès par coagulopathie. Huit patientes (5,48%) d’Apgar ˂ à 7 à la 1ère minute ayant nécessité une
ont présenté un œdème aigu du poumon, et 2 réanimation néonatale. A la 5ème minute, on notait
sont décédées. Vingt-neuf patientes (19,86%) ont chez 8 nouveau-nés (5,76%) une asphyxie périnatale
présenté une insuffisance rénale aigue, dont deux avec un score d’Apgar ˂ à 7 (Tableau I).
ont nécessité un transfert en néphrologie. On notait
Tableau I : Répartition des nouveau-nés en fonction du
aussi 2 cas de rétinopathie hypertensive (1,37%).
score d’Apgar (N=142)
Chez 75 patientes (51,37%) une anémie avait été
retrouvée.
Score Apgar M1 Apgar M5
L’issue maternelle était marquée par 17 cas de
Effectif Pourcentage Effectif Pourcentage
décès maternels, soit une létalité liée à l’éclampsie N (%) N (%)
de 11,64%. Toutes les patientes sont décédées en
<7 58 41,73 8 5,76
réanimation et constituaient 30,1% des patientes
≥7 79 56,83 129 92,80
transférées en réanimation
Non précisé 2 1,44 2 1,44
Total 139 100 139 100

La mortinatalité était de 125‰ naissances vivantes


avec une mortalité néonatale précoce nulle.

2. Etude analytique

L’analyse unie variée montrait que la létalité était


plus importante chez les femmes paucipares avec
un risque de décès maternel 9 fois plus élevé. Le
tableau II présente les différents facteurs de risque de
survenue de décès maternel avec un lien significatif.
Figure 4 : Répartition des causes de décès maternels

ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,


16
Tableau II : Facteurs de risque de décès maternels jeune [4,12,5]. D’autre part le contexte socio-culturel
fait que les femmes se marient à des âges très jeunes
Facteurs de Niveau Ods et ont souvent un désir de maternité dès leur union.
P value
risque de risque [IC à 95%]
Dans notre étude 47,24% des patientes mariées
Pauciparité 9 0,004 9,8[1,03-92,7]
avaient contracté une grossesse dans les 6 premiers
Etat de mal mois après le mariage ce qui augmentait leur risque
16 0,002 16,3[2,4-100]
éclamptique
de faire une prééclampsie. A côté de l’âge jeune, la
Hématome
10 0,000 10,9[6,5-18,3] primiparité est reconnue comme un facteur de risque
rétroplacentaire
de la maladie La fréquence de l’éclampsie est en effet
Thrombopénie 10 0,000 10,9[3,2-37,2]
estimée à 5% au cours de la première grossesse,
Cytolyse hépatique 3,5 0,019 3,5[1,1-10,4]
contre 0,3% pour les grossesses suivantes [13]. Ce
HELLP syndrome 10 0,000 10,0[2,1-47,8] risque serait lié au phénomène d’histocompatibilité et
Insuffisance rénale
3 0,010 3,9[1,3-12,1] au facteur paternel [12,13,15].
aigue La couverture en soins prénataux n’était pas
adéquate tant au plan quantitatif que qualitatif dans
Concernant le pronostic fœtal, le principal facteur de notre série : 57,5% des patientes avaient entre 3 et
risque périnatal était la prématurité avec un taux de 4 CPN, et 98,63% étaient suivies dans un poste de
décès périnatal de 50% avant 28SA (P value 0,000). santé, alors que 1,37% d’entre elles n’étaient pas
suivies. Dans d’autres études africaines [14,11,3] le
III. DISCUSSION mauvais suivi prénatal variait de 63% à 82,3%. Par
contre, dans la série de Ducarme [12] en France,
1. Aspects épidémiologiques 75% des patientes avaient un bon suivi obstétrical
avec plus de 5 consultations prénatales. Nos
L’éclampsie reste une pathologie d’actualité dans résultats différaient également de ceux de Labib
notre contexte. Elle a considérablement régressé [19] au Maroc qui avait trouvé 81,7% de patientes
dans les pays développés du fait d’une prise en sans aucun suivi prénatal. Dans notre contexte ces
charge précoce et adéquate de l’HTA au cours de la résultats pourraient s’expliquer par le bas niveau
grossesse, du dépistage systématique des femmes socio-économique, le retard à la référence au niveau
à risques et de l’utilisation de moyens préventifs supérieur des gestantes suivies essentiellement en
plus efficaces [8,2]. Dans notre étude, la fréquence périphérie, mais également à la méconnaissance
de l’éclampsie était de 1,03%. Elle est comparable des signes de danger de la grossesse [26]. Ailleurs,
à celle de la plupart des études en Afrique [21,14,6] dans les pays européens et américains, on note une
notamment en Afrique Subsaharienne avec les études nette régression de la mortalité maternelle grâce à
de Ndiaye [23] en 2017 avec 0,5%, Cissé en 2003 avec une meilleure qualité du suivi prénatal [16,12].
0,8% [7] de même que Diouf [11] en 2013 (1,35%). A l’admission 92,4% des patientes de notre série
En revanche, elle est largement supérieure à celles présentaient une HTA sévère ≥ 160/110 mmhg à
retrouvées dans les pays développés [27,18,12]. l’admission. Nos résultats se rapprochaient de ceux
Cette fréquence élevée relève essentiellement d’une de Diouf [14] qui avait retrouvé une HTA chez toutes
mauvaise prise en charge des états hypertensifs les patientes. Ducarme [12] avait retrouvé une HTA
associés à la grossesse notamment au niveau chez 75% des patientes au moment de la crise.
périphérique. La majorité de nos patientes étaient Pour Noraihan [24] 20% de patientes n’avaient pas
en effet évacuées (80,8%) vers notre structure. Ce d’hypertension artérielle contre 7,54% dans notre
résultat est proche de ceux reportés par Danmadji série. Ces résultats s’expliquent du point de vue
[10] avec 78,8% d’évacuées. Cissé [7] et Diouf physiopathologique par le fait que l’HTA pouvait
[11] ont eu également des résultats similaires manquer au cours de l’éclampsie [12]. Sur le plan
avec respectivement 75,6% et 82,3% de patientes biologique, une albuminurie pathologique à la
évacuées. Ces taux élevés d’évacuations montrent bandelette urinaire était notée chez presque toutes
que ces grossesses à risque sont initialement suivies les patientes (97,94%). Diouf [11] avait également
dans les centres périphériques et ne sont référées retrouvé un taux élevé (84%) de patientes présentant
que lorsque surviennent les complications, dans une albuminurie pathologique comme la plupart des
notre contexte. auteurs [12,16]. Cette protéinurie massive a une
La tranche d’âge la plus vulnérable est celle des valeur pronostique maternelle et fœtale. Elle est la
femmes jeunes de moins de 25 ans. Nos résultats traduction de l’atteinte rénale pouvant aboutir à un
se rapprochent de ceux de Diouf [11] qui avait trouvé authentique syndrome néphrotique et entrainer ainsi
un âge moyen de 24 ans et de ceux de Buambo- des conséquences néfastes sur le développement
Bamanga [6] au Congo avec un âge moyen de 22 et la viabilité du fœtus [13]. Certains auteurs ont
ans et 68,4% des patientes ayant un âge compris d’ailleurs établi une corrélation entre le taux de la
entre 16 et 25 ans. Les auteurs sont unanimes sur le protéinurie et le pronostic fœtal [12].
fait que l’éclampsie touche principalement la femme
ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,
17
2. Prise en charge 3. Aspects pronostiques

La prise en charge médicale de l’éclampsie est Les complications étaient fréquentes dans notre
multidisciplinaire et repose essentiellement sur étude avec une létalité maternelle élevée de
la réanimation, le traitement antihypertenseur et 11,64%. Elle était légèrement plus basse que celle
le traitement anticonvulsivant. Le contrôle de la de la plupart des auteurs africains avec Cissé [7] au
pression artérielle est un objectif important. La Sénégal, Brouh [5] en Côte d’ivoire et Mayi-Tsonga
nicardipine était la principale molécule utilisée au Gabon [21] qui avaient enregistré respectivement
dans notre série (97,26%), le plus souvent en 17,9%, 16% et 21% de décès maternels dans leur
association avec le sulfate de magnésium comme série. Notre taux élevé de décès maternels était lié
anticonvulsivant (97,95%). Il est décrit en effet une aux taux élevés de complications qui augmentaient
action potentialisatrice de l’effet antihypertenseur du significativement le risque de décès maternels. A
sulfate de magnésium sur les inhibiteurs calciques cela s’ajoute l’insuffisance du plateau technique
[2]. Pour notre part, l’association nicardipine- notamment de la réanimation. Dans les pays à
sulfate de magnésium avait donné des résultats ressources plus élevées, le pronostic est meilleur
satisfaisants avec une bonne maîtrise de la tension comme le montre Knight [17] dans une étude en
artérielle et des crises convulsives. Contrairement à Angleterre concernant 214 patientes éclamptiques
nos résultats, l’étude Magpie [2] avait retrouvé des avec aucun décès maternel. Lee au Canada [20],
manifestations à type de détresse respiratoire, de Ducarme [12] en France ainsi que d’autres auteurs
palpitations et d’hypotension chez 5% des patientes. européens avaient des résultats similaires [18,16].
Toutefois, ce succès passe irrémédiablement par La mortalité périnatale est influencée par de multiples
une bonne surveillance du traitement. Cette prise en facteurs parmi lesquels : la parité, l’âge gestationnel,
médicale doit aller de pair avec la prise en charge le poids fœtal à la naissance, la qualité de la prise
obstétricale qui revêt également une importance en charge materno-fœtale. Dans notre série, la
capitale surtout que la maladie survient le plus mortinatalité périnatale était de 125‰ avec une
souvent en antepartum (85%) et au troisième de la mortalité néonatale précoce nulle. Nos résultats
grossesse. Il s’agit d’une urgence obstétricale dont étaient comparables à ceux de Ducarme [12], en
le seul véritable traitement repose sur l’évacuation France qui avait 125‰ cas de décès périnatals et de
utérine qui doit être faite sans délai pour améliorer Diouf et al avec une mortalité périnatale de 130‰.
le pronostic materno-foetal. La décision de maintenir Par contre, Cissé [7] avait retrouvé un taux beaucoup
ou d’interrompre la grossesse dépend de plusieurs plus élevé avec une mortalité périnatale 359‰.
facteurs : la sévérité de la prééclampsie sous- Mayi-Tsonga [21] au Gabon, avait 170‰ cas de
jacente et des complications maternelles qu’elle peut décès périnatals. Cette mortalité élevée est liée à la
engendrer, l’âge gestationnel, et les complications prématurité souvent induite du fait des complications
fœtales [25]. Dans notre série, la césarienne était de la maladie. Par ailleurs, les difficultés fréquentes
le mode d’accouchement principal (62,33% des d’un transfert in utero, font que la surveillance des
accouchements), pour des indications d’état de mal patientes prééclamptiques est parfois prolongée afin
éclamptique ou d’éclampsie. Au Sénégal, Cissé [7] de gagner quelques jours voire des semaines pour
avait retrouvé un taux de césarienne moins élevé de avoir un poids fœtal acceptable avant l’extraction
50%. Notre taux se rapproche de ceux obtenus par fœtale. Cependant, cette attitude qui nécessite une
d’autres auteurs tels que Danmadji [10] avec 61%, et surveillance étroite peut augmenter le risque de
Brouh 58,5% [5]. Des taux de césarienne plus élevés complications maternelles et fœtales. L’amélioration
sont retrouvés par Ducarme [12] en France avec 82%, du pronostic fœtal passe par une amélioration du
Agida [1] au Nigéria avec 84,8% et Mayi-Tsonga [21] plateau technique en néonatologie et des conditions
au Gabon avec 97%. Pour notre part, la césarienne de transfert des nouveau-nés.
n’était pas retrouvée comme un facteur protecteur.
En effet la majorité des patientes décédées (88,24%) CONCLUSION
avaient bénéficié d’une césarienne. Cela pourrait
s’expliquer par le fait que la plupart de nos patientes L’éclampsie tout comme la pré éclampsie reste
étaient admises avec des complications déjà fréquentes en Afrique et en particulier au Sénégal.
installées. La césarienne était ainsi systématique Le pronostic reste sombre avec une morbidité et une
mais tardive chez ces patientes dont l’état clinique mortalité materno-fœtales importantes. La prévention
était déjà précaire. Par conséquent nous pensons que de l’éclampsie passe par un suivi prénatal de qualité
si les conditions obstétricales sont favorables et en des femmes enceintes dans les postes de santé
raison des risques liés à la chirurgie, l’accouchement pour le dépistage et la référence précoces au niveau
par voie basse devrait garder toute sa place. supérieur de celles qui sont à risque.

ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,


18
REFERENCES 13. Edouard D. Prééclampsie. Eclampsie. EMC
Anesthésie-réanimation. Elsevier SAS ;2003. 15p.
1. Agida ET, Adeka BI, Jibril KA. Pregnancy outcome [36-980-A-10].
in eclamptics at the University of Abuja Teaching 14. Elongi JP, Tandu B, Spitz B, Verdonck F. Influence
Hospital, Gwagwalada, Abuja: a 3 year review. Niger de la variation saisonnière sur la prévalence de la
J Clin Pract. 2010;13(4):394-8. pré-éclampsie à Kinshasa. Gynecol Obstet Fertil.
2. Altman D, Carroli G, Duley L, Farrell B, Moodley 2011;39(3):132-5.
J, Neilson J, Smith D, MagpieTrial Collaboration 15. Galaviz-Hernandez C, Sosa-Macias M, Teran
Group. Do women with pre-eclampsia, and their E, Garcia-Ortiz JE, Lazalde-Ramos BP. Paternal
babies, benefit from magnesium sulphate? The Determinants in Preeclampsia. Front Physiol.
Magpie Trial: a randomised placebo-controlled trial. 2019;9:1870.
Lancet. 2002;359(9321):1877-90. 16. Jaatinen N, Ekholm E. Eclampsia in Finland; 2006 to
3. Atade J, Adisso S. L’éclampsie à la maternité du 2010. Acta Obstet Gynecol Scand. 2016;95(7):787-
CHDU de Parakou Bénin. Incidence et létalité. [En 92.
ligne]. Fondation Genevoise pour la Formation et la 17. Knight M. UKOSS. Eclampsia in the United Kingdom
Recherche Médicales. 23 Août 2006. (page consultée 2005. BJOG. 2007;114(9):1072-8.
le 19 sept 2019). Disponible sur: http://www.gfmer. 18. Kullberg G, Lindeberg S, Hanson U. Eclampsia In
ch/Membres_GFMER/pdf/Eclampsie_Adisso_2006. Sweden. Hypertens Pregnancy. 2002;21(1):13 21.
pdf 19. Labib S. Eclampsie : Epidémiologie et facteurs
4. Beye MD, Diouf E, Kane O, Ndoye MD, Seydi A, pronostiques en milieu de réanimation. [Thèse
Ndiaye PI, et al. Prise en charge de l’éclampsie de doctorat e médecine]. Casablanca: Université
grave en réanimation en milieu tropical africain. Hassan II, Faculté de Médecine et de Pharmacie;
À propos de 28 cas. Ann Fr Anesth Réanimation. 2005.
2003;22(1):25 9. 20. Lee W, O’Connell CM, Baskett TF. Maternal and
5. Brouh Y, Ndjeundo PG, Tetchi YD, Amonkou perinatal outcomes of eclampsia: Nova Scotia, 1981-
AA, Pete Y, Yapobi Y. Les éclampsies en centre 2000. J Obstet Gynaecol Can. 2004;26(2):119-23.
hospitalier universitaire en Côte d’Ivoire: prise en 21. Mayi-Tsonga S, Akouo L, Ngou-Mve-Ngou J-P,
charge, évolution et facteurs pronostics. Can J Meye J-F. Facteurs de risque de l’éclampsie à
Anesth. 2008;55(7):423 8. Libreville (Gabon) : étude cas-témoins. Cah D’études
6. Buambo-bamanga SF, Ngbaler R, Makoumbou P, Rech Francoph Santé. 2006;16(3):197 200.
Ekoundzola JR. L’éclampsie au centre hospitalier 22. Moussaoui A, El Himdy N, Benyacob A, El
et Universitaire de Brazzaville, Congo. Clinics in Ghadbane H, Tachinante R, Tazi SA. Morbidité et
Mother and Child Health. 2009 ;6(2):1129-33. mortalité de l’éclampsie. Cah Anesth. 2002;50(5):319
7. Cissé CT, Faye Diémé ME, Ngabo D, Mbaye M, 23.
Diagne PM, Moreau JC. Indications thérapeutiques 23. Ndiaye O, Fafa Cissé D, Guèye M, et al. Complications
et pronostiques de l’éclampsie à l’hôpital universitaire fœtales et néonatales de la pré-éclampsie sévère et
de Dakar. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). de l’éclampsie. Etude rétrospective à la maternité
2003; 32 (3): 239-45. et au service de néonatologie du Centre Hospitalier
8. Cissé M L, Moreau J C, Faye O, Moreira P, Touré Abass Ndao de Dakar (Sénégal). J Afr Pediatr Genet
A O, Sarr G, Diadhiou F. Salicylothérapie dans la Med. 2017;2:10-14.
prévention de l’hypertension artérielle gravidique 24. Noraihan MN, Sharda P, Jammal AB. Report of
et de ses complications : étude prospective à 50 cases of eclampsia. J Obstet Gynaecol Res.
propos de 101 patientes au CHU de Dakar. Journal 2005;31(4):302-9.
de la SAGO. 2003 ;4(2) :21-26 25. Raphael V, Levasseur J. Eclampsie. EMC.
9. Collange O, Launoy A, Kopf-Pottecher A, Médecine d’urgence. Masson;2007 :1-14 [25-070-B-
Dietemann JL, Pottecher T; Collége National des 20].
Gynécologues et Obstétriciens; Société française 26. Thiam M. Aspects cliniques, pronostiques et
de médecine périnatale; Société française de thérapeutiques de la prééclampsie au CHU de
néonatalogie; Société française de anesthésie et Dakar.[Thèse de doctorat en médecine]. Dakar:
de réanimation. Eclampsia. Ann Fr Anesth Reanim. Université Cheikh Anta Diop Faculté de Médecine,
2010;29(4):75-82. de Pharmacie et d’Odontologie;2004, n°048/04.
10. Danmadji LN. La prééclampsie sévère au Centre 27. Thornton C, Dahlen H, Korda A, Hennessy A.
Hospitalier National de Pikine. [Mémoire Méd]. The incidence of preeclampsia and eclampsia and
Dakar: Université Cheikh Anta Diop de Dakar Faculté associated maternal mortality in Australia from
de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie; 2015, population-linked datasets: 2000-2008. Am J Obstet
n°1086. Gynecol. 2013;208(6):476-476.
11. Diouf AA, Diallo M, Mbaye M, Sarr SD, Faye-Diémé
ME, Moreau JC, Diouf A. Profil épidémiologique et
prise en charge de l’éclampsie au Sénégal: à propos
de 62 cas. Pan Afr Med J. 2013; 16: 83.
12. Ducarme G, Herrnberger S, Pharisien I, Carbillon
L, Uzan M. Éclampsie : étude rétrospective de 16
cas. Gynécologie Obstétrique Fertil. 2009;37(1):11
7.
ISSN : 2712-7230 Journal de la SAGO, 2020, vol.21, n°2,
19

Vous aimerez peut-être aussi