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Corpus 6ème Bestiaire poétique

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Grenouille

Grenouille,
Tu n’es pas une étrangère,
Une bizzarerie.

Sans doute ai-je été grenouille


Vivant librement sans horaire
Et pataugeant à loisir
Dans une eau fraîche.

Peut-être suis-je appelé


A redevenir grenouille
Et alors me recevras-tu
Mieux qu’aujourd’hui

Où pourtant il me semble
Qu’à ta façon
Tu me souris.

GUILLEVIC, Quotidiennes
La Grenouille qui veut se faire
aussi grosse que le Boeuf

Une Grenouille vit un Bœuf


Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s'étend, et s'enfle, et se travaille
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ;
Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ?
- Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ?
- Vous n'en approchez point. La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages :


Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.

Jean de La Fontaine, Fables


Le chardonneret
Entre les peupliers passa
un minuscule dieu jaune:
rapide, voyageur du vent
laissant dans l’air un tremblement
une flûte de pierre pure,
un filet d’eau vertical,
violon du printemps:
il passa comme une plume
dans une rafale
minuscule créature, pouls du jour,
poussière, pollen, rien peut-être,
sauf la lumière vibrante
le jour, l’or.

Pablo Neruda, L’Art des oiseaux, 1965


Le papillon
Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!

Alphone de Lamartine, Nouvelles Méditations poétiques, 1820


Les papillons
De toutes les belles choses
Qui nous manquent en hiver,
Qu’aimez-vous mieux ? – Moi, les roses ;
– Moi, l’aspect d’un beau pré vert ;
– Moi, la moisson blondissante,
Chevelure des sillons ;
– Moi, le rossignol qui chante ;
– Et moi, les beaux papillons !

Le papillon, fleur sans tige,


Qui voltige,
Que l’on cueille en un réseau ;
Dans la nature infinie,
Harmonie
Entre la plante et l’oiseau !…
[...]

Comme un éventail de soie,


Il déploie
Son manteau semé d’argent ;
Et sa robe bigarrée
Est dorée
D’un or verdâtre et changeant.

Voici le « machaon-zèbre »,
De fauve et de noir rayé ;
Le « deuil », en habit funèbre,
Et le « miroir » bleu strié ;
Voici l' »argus », feuille-morte,
Le « morio », le « grand-bleu »,
Et le « paon-de-jour » qui porte
Sur chaque aile un oeil de feu !

Gérard de Nerval, Odelettes, 1831


Le chat et le soleil
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.

Voilà pourquoi, le soir,


Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.

Maurice Carême, L’Arlequin, 1970


L’oiseau voyou
Le chat qui marche l’air de rien
voulait se mettre sous la dent
l’oiseau qui vit de l’air du temps
oiseau voyou oiseau vaurien.

Mais plus futé l’oiseau lanlaire


n’a pas sa langue dans sa poche
et siffle clair comme eau de roche
un petit air entre deux airs.

Un petit air pour changer d’air


et s’en aller voir du pays
un petit air qu’il a appris
à force de voler en l’air.

Faisant celui qui n’a pas l’air


le chat prend l’air indifférent.
L’oiseau s’estime bien content
et se déguise en courant d’air.

Claude Roy, Enfantasque, 1974


Les Hiboux
Sous les ifs noirs qui les abritent,
Les hiboux se tiennent rangés,
Ainsi que des dieux étrangers,
Dardant leur oeil rouge. Ils méditent!

Sans remuer, ils se tiendront


Jusqu’à l’heure mélancolique
Où poussant le soleil oblique,
Les ténèbres s’établiront.

Leur attitude au sage enseigne,


Qu’il faut en ce monde qu’il craigne :
Le tumulte et le mouvement.

L’homme ivre d’une ombre qui passe


Porte toujours le châtiment
D’avoir voulu changer de place.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

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