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Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

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 4-002-R-25

Incompatibilités fœtomaternelles
érythrocytaires
A. Cortey, A. Mailloux, S. Huguet-Jacquot, V. Castaigne-Meary, G. Macé, A. N’Guyen,
M. Berry, F. Pernot, J.-C. Galiay, F. Lattes, B. Blanchard, B. Carbonne

Le diagnostic et la prise en charge des incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires (IFME) restent


une importante activité des pédiatres de maternités et des professionnels de la naissance. Si les incom-
patibilités ABO représentent la plus grande cause des maladies hémolytiques néonatales actuellement,
les autres incompatibilités fœtomaternelles, beaucoup plus rares, n’ont pas disparu. À côté des IFME de
spécificité RH1 en voie de raréfaction, les incompatibilités RH3, RH4 et KEL1 prennent de l’importance.
Le diagnostic de toute incompatibilité du système rhésus et KEL devrait être fait pendant la grossesse et
non en urgence devant les complications anémiques fœtales ou hyperbilirubinémiques postnatales. Ceci
est possible si le calendrier de surveillance des agglutinines irrégulières pendant la grossesse est respecté,
le diagnostic évoqué sur tout ictère et/ou anémie néonatals précoce(s) ou prolongé(e)(s). Le diagnostic
des incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires repose sur un dialogue multidisciplinaire organisé
au sein de chaque établissement de santé entre les obstétriciens, les néonatologistes, les spécialistes de
l’immunohématologie périnatale ainsi que le milieu transfusionnel. En effet, de nombreux progrès ont
révolutionné ce domaine : en anténatal dans le diagnostic non invasif des incompatibilités (génotypage
des groupes sanguins du fœtus sur sang maternel) et celui de leurs complications anémiques fœtales (vélo-
cimétrie Doppler de l’artère cérébrale), mais aussi dans la prise en charge postnatale avec les innovations
de la photothérapie, le développement de traitements adjuvants, enfin l’évolution des thérapeutiques
transfusionnelles anténatales et postnatales.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Incompatibilités érythrocytaires ; Maladie hémolytique néonatale ; Anémie fœtale ;


Photothérapie intensive ; Génotype de groupe sanguin fœtal ;
Vélocimétrie Doppler de l’artère cérébrale moyenne ; Recherche d’agglutinines irrégulières et identification ;
Test de Coombs direct ; Transfusion ; Hyperbilirubinémie sévère

Plan ■ Prévention 18
Primaire 18
■ Introduction 1 Secondaire : en cas de désir d’un nouvel enfant chez une femme
immunisée 19
■ Physiopathologie et épidémiologie 2
■ Conclusion 20
Antigènes concernés 2
Mécanismes de développement d’une immunisation
et conséquences 2
Épidémiologie 5
■ Conséquences de l’immunohémolyse : éléments du diagnostic
Diagnostic clinique
5
5
 Introduction
Diagnostic biologique 8
Les incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires (IFME)
■ Prise en charge (et surveillance) des IFME pendant sont définies par la fixation d’alloanticorps maternels sur le
la grossesse 11 globule rouge du fœtus, anticorps transmis pendant la gros-
Schéma de surveillance d’une grossesse immunisée 11 sesse et qui ont pour cible les antigènes de groupes sanguins
Traitement de l’anémie fœtale : transfusions in utero (TIU) 12 du fœtus, d’origine paternelle. Les complexes immuns ainsi
■ Prise en charge et surveillance des IFME après la naissance 13 formés provoquent une immunohémolyse tissulaire. Le syn-
Règles générales 13 drome hémolytique s’exprime de deux façons chez l’enfant :
En salle de naissance 14 une anémie qui peut débuter in utero et se prolonge pendant
Premières heures 14 plusieurs semaines après la naissance, et une hyperbilirubiné-
Après la première semaine 17 mie (donc un ictère) précoce et rapidement croissante après la
naissance.

EMC - Pédiatrie 1
Volume 7 > n◦ 3 > juillet 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1637-5017(12)40368-4
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

Les IFME représentent un domaine de l’immunohématologie globules rouges à l’occasion d’une transfusion ou d’une hémorra-
périnatale qui se manifeste toujours après la naissance, mais gie fœtomaternelle (HFM) (anti-RH1, anti-RH4, anti-KEL1, etc.),
parfois aussi pendant la grossesse, mobilisant donc les exper- souvent occulte. Certains (anti-MNS1, anti-RH3, anti-RH8, etc.)
tises biologiques, obstétricales, pédiatriques et transfusionnelles. peuvent être d’origine naturelle.
L’histoire de la « maladie rhésus » (terme réservé en théorie aux
IFME de spécificité anti-RhD ou anti-RH1, mais par extension De l’anticorps à l’immunohémolyse
appliqué à d’autres spécificités) est très informative : initialement
décrite en 1912 sous le nom d’« erythroblastosis foetalis » avec une Induction d’une IFM
riche symptomatologie (anasarque, ictère et anémie sévères), elle Pour induire une IFM, les anticorps doivent :
n’est reliée à une physiopathologie immunologique et au « facteur • être de type IgG qui sont les seuls anticorps qui traversent le
rhésus » que seulement 30 ans plus tard. La prise en charge de placenta ;
l’anémie fœtale se développe 50 ans après ces descriptions. Enfin, • avoir une concentration circulante chez la mère suffisamment
dans les années 1960, ce sont affinées des méthodes de diag- élevée (cf. infra) ;
nostic de cette IFME RH1, et développés des moyens d’apprécier • avoir une affinité suffisante pour l’antigène ;
le risque et le degré d’atteinte fœtale ainsi que la prévention. • être apte à activer, par leur région Fc, les récepteurs des macro-
Cette dernière, basée sur l’injection d’immunoglobulines anti- phages.
D (IgRh), a permis par sa généralisation, la réduction drastique
Expression de la maladie hémolytique
de l’expression fœtale et néonatale de la « maladie rhésus RH1 ».
Ainsi, en 50 ans une pathologie périnatale létale devenait acces- L’expression de la maladie hémolytique chez l’enfant, donc du
sible au diagnostic, au traitement, et est presque entièrement conflit antigène-anticorps de l’IFME, est conditionnée par :
prévenue. • la quantité des anticorps dans la circulation maternelle, le flux
Aujourd’hui pourtant, les incompatibilités de spécificité anti- du transfert fœtal des anticorps associés à l’expression antigé-
RH1 n’ont pas complètement disparu, et si les IFME les plus nique cible sur les globules rouges fœtaux qui augmentent avec
fréquentes sont actuellement les incompatibilités ABO, celles de la progression de la gestation ;
spécificité anti-KEL1, -RH4, -RH3 à manifestations anté- et post- • la spécificité antigénique (manifestations fœtales pour RH1,
natales sont de plus en plus souvent décrites, ce d’autant qu’elles KEL1 et RH4, exceptionnelles avec RH3) mais aussi certaines
ne sont pas accessibles à une immunoprophylaxie. Le retard caractéristiques des anticorps (sous-classe par exemple), et les
de diagnostic de l’incompatibilité érythrocytaire peut encore interactions entre systèmes immunitaires maternel et fœtal.
être à l’origine d’une mort périnatale (anasarque fœtoplacen- Actuellement, aucun de ces éléments n’est accessible à des tech-
taire) ou d’un handicap grave chez l’enfant. Ces complications, niques d’exploration simples, prédictives et de routine.
aujourd’hui rares, témoignent de la sous-estimation des situa-
tions d’IFME par les cliniciens et les biologistes. Pourtant,
les moyens de diagnostic (génotypage de groupe sanguin
Mécanismes de développement
fœtal non invasif) et de surveillance (vélocimétrie Doppler du d’une immunisation et conséquences
pic systolique de l’artère cérébrale moyenne) ont progressé,
de même que les techniques de prise en charge du fœtus Développement des anticorps
(transfusion fœtale) mais aussi du nouveau-né (photothérapie Circonstances déclenchantes
intensive). Le développement d’anticorps dirigés contre les groupes san-
Au total, la prise en charge du désordre hématologique périna- guins chez une femme résulte de deux circonstances principales.
tal que représente l’IFME impose une approche multidisciplinaire La transfusion et la grossesse sont les principales conditions qui
par des spécialistes de cette période de développement : biolo- peuvent induire le développement d’anticorps et sont à recher-
gistes experts en immunohématologie périnatale et transfusion, cher à l’interrogatoire. Le développement d’anti-RH1 est possible,
gynécologues-obstétriciens référents dans le domaine anténatal et même en cas d’immunoprophylaxie à la grossesse précédente,
pédiatres néonatologistes avertis, approche enrichie des progrès sachant qu’il est souvent difficile rétrospectivement d’affirmer
récents diagnostiques et thérapeutiques. que le traitement a été optimal (délai après l’HFM et adaptation
des doses). Toxicomanies ou greffes sont aussi des circons-
tances d’immunisation érythrocytaire mais restent exception-
 Physiopathologie nelles.
L’origine transfusionnelle d’une immunisation maternelle est
et épidémiologie en France très rare du fait de la réglementation transfusion-
nelle : respect de la phénocompatibilité des concentrés de globules
Antigènes concernés rouges (CGR) sélectionnés en transfusion et choix de produit
Groupes sanguins impliqués KEL : -1 pour tout sujet féminin [4, 5] . Ceci est néanmoins pos-
sible pour des femmes ayant des antécédents d’hémothérapies ou
Parmi les 250 groupes sanguins répertoriés, environ 100 ont été ayant séjourné à l’étranger où ces règles transfusionnelles sont
impliqués dans les IFM [1, 2] . d’application récente.
À côté des antigènes privés (présents seulement chez quelques
familles) ou publics (absents chez moins de deux sujets sur 1 000), Au cours ou décours d’une grossesse
les antigènes le plus fréquemment « symptomatiques » sont ceux Les anticorps antiérythrocytaires peuvent se développer au
de fréquence moyenne (10 % à 90 %) au sein des systèmes ABO, cours ou au décours d’une grossesse par activation du système
Rhésus, Kell, Duffy, Kidd et MNS. immunitaire maternel, après une première étape de sensibilisation
Les antigènes des quatre systèmes (ABO, lewis, P, H) sont des par des hématies fœtales porteuses de caractéristiques paternelles
antigènes « rapportés » : carbohydrates générés par des glycosyl- parvenues dans la circulation maternelle.
transférases exprimés tard pendant la grossesse (avec antigènes Ce passage d’hématies correspond à des HFM qui sont spon-
P et lewis non retrouvés chez le fœtus) et aussi sur d’autres cel- tanées et dans ce cas occultes en cours de grossesse, avec une
lules que les hématies. En revanche, les autres antigènes cités fréquence de 45 % au troisième trimestre. Les HFM peuvent
sont des antigènes intégraux : produits directs des gènes des être provoquées (fausse-couche, interruption volontaire de gros-
protéines membranaires. Ils sont spécifiques des hématies et sesse, version, mort fœtale in utero, accouchement, etc.). Au
exprimés pleinement dès la vie embryonnaire (RH1, RH4, RH3, moment de l’accouchement, chez une femme sur deux l’HFM
KEL1, etc.) [1, 3] . est de volume supérieur à 1 ml de sang fœtal [6] . Certaines don-
Les anticorps dirigés contre les antigènes de groupe sanguin nées plus récentes donnent des incidences d’HFM minimes encore
résultent pour la plupart d’une « hétéro-immunisation » anti-A ou plus élevées au cours de la grossesse, sachant que le volume de
anti-B, ou d’une allo-immunisation secondaire à l’exposition au sang pouvant induire une immunisation n’est pas précisément
marqueur antigénique « étranger », non présent sur ses propres défini [7] .

2 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Le risque de développer des anticorps dépend alors de Une vision synthétique des anticorps et du risque fœtal et néo-
l’importance de l’HFM et de l’immunogénicité de l’antigène, natal d’anémie est exposée sur le Tableau 1.
le plus immunogène des antigènes étant l’antigène RH1 [8] . À Très souvent, l’anticorps ne présente aucun risque pour l’enfant
noter que l’hématopoïèse fœtale débute dès 3 semaines de et a simplement un risque transfusionnel maternel (anti-lewis,
gestation et que l’antigène RH1 a pu être identifié sur la sur- anti-P1, anti-lutheran, anti-FY2, anti-Jk2, auto-papaïne, etc.).
face des globules rouges dès 38 jours postconceptionnels [9] . La Pour ceux qui sont à risque d’impact hémolytique sur l’enfant,
réponse initiale à un antigène étranger est relativement lente il convient de distinguer :
(plusieurs semaines). Une nouvelle exposition au même anti- • ceux qui sont à risque de retentissement fœtal (anti-RH1, -RH4
gène va provoquer une réponse immunitaire rapide en quelques et anti-KEL1) pour lesquels il y a urgence à quantifier ce risque
jours. et à adapter un suivi de grossesse spécialisé. Ils ont aussi un
impact néonatal ;
Devenir des anticorps déjà formés • ceux qui ont un risque d’impact exclusivement néonatal limité
Une fois formés, les anticorps antiérythrocytaires restent pré- à l’éventualité d’un ictère hémolytique postnatal : anti-RH3,
sents dans l’organisme maternel ad vitam aeternam. Au cours anti-FY1, anti-MNS3, anti-RH8.
de toute nouvelle grossesse, les anticorps de type IgG traversent
le placenta (après capture par les récepteurs Fc du syncitiotro- Anticorps plus rares
phoblaste et transcytose) et vont se fixer sur les globules rouges Une certaine prudence doit rester de mise avec les anticorps
fœtaux incompatibles porteurs de l’antigène correspondant hérité plus rares.
du père. Pour certains anticorps (anti-KEL3, anti-JK1), ou des anticorps
Même si cela ne correspond pas à la physiopathologie classique antiprivés ou antipublics (anti-Jra, anti-MNS5, anti-KEL2, etc.),
de la maladie rhésus, une immunisation peut se développer chez la prudence doit s’imposer en matière de prédiction d’un risque
une authentique primigeste, ce qui renforce l’importance du res- néonatal et plus encore fœtal, en cas de titre élevé (supérieur au
pect du calendrier de recherche d’agglutinines irrégulières (RAI) 1/32 en technique de test indirect à l’antiglobuline en tube). Il
dans le diagnostic des IFME. faut donc surveiller le titrage de ces anticorps pendant la grossesse
et l’absence de leur retentissement fœtal, même s’ils ne sont pas
connus ou n’ont pas été rapportés comme « dangereux » pour le
Conséquences des anticorps antiérythrocytaires
fœtus dans la littérature [1, 2] .
maternels Pour certains comme les anti-MNS1, tout dépend de la quantité
Après la traversée du placenta, les anticorps se fixent sur les glo- des anticorps circulants, mais aussi de leur type : IgM (sans risque)
bules rouges fœtaux porteurs de l’antigène cible qu’ils recouvrent. ou IgG (à risque potentiel).
La présence de l’anticorps fixé sur les hématies fœtales dès le terme Enfin, en cas d’anasarque ou de mort fœtale, tout anticorps doit
de 6 semaines pour les anti-RH1 atteste de la précocité possible être considéré comme une hypothèse étiologique de cet accident.
du transfert. Le taux fœtal d’IgG va s’accroître progressivement à
partir du quatrième mois (10 % du taux maternel) pour atteindre Cas particulier de l’anti-RH1 [15]
voire dépasser ce taux maternel à terme [3] . Tout anticorps anti-RH1 identifié chez une femme enceinte est
Les complexes immuns formés se lient aux récepteurs FcϒRn à doser, y compris lorsqu’on suppose, à tort ou à raison, qu’il
des macrophages fœtaux dans la rate, entraînant leur activation. s’agit d’un anti-RH1 passif après une injection d’Ig anti-D (IgRh).
Une destruction des hématies s’ensuit par phagocytose ou lyse de Ceci permet d’éviter de méconnaître une immunisation en cours
contact. de développement « malgré » une immunoprophylaxie et dont
L’importance de l’hémolyse croît avec la densité en complexes l’évolution peut être fatale.
immuns, mais dépend aussi de la diversité de la région Fc des Pour des anti-RH1 dont le titre en technique indirecte à
anticorps (définissant des sous-classes d’IgG) et de la réceptivité l’antiglobuline en tube est inférieur au 1/4, la technique de
des macrophages fœtaux. microtitrage est préconisée. Cette technique consiste à tester des
Une hémolyse modérée se manifeste exclusivement en période dilutions du sérum ou plasma de la patiente ainsi que des dilutions
néonatale par une hyperbilirubinémie (bilirubine produit de d’un standard anti-RH1. La concentration trouvée en anti-RH1 est
dégradation de l’hème). Le processus a débuté avant la naissance, ensuite comparée à la concentration théorique calculée à partir de
mais la bilirubine formée est éliminée par la mère via le placenta la date et de la dose d’IgRh injectée (Tableau 2).
et l’anémie est compensée par une réticulocytose importante. Pour des titres supérieurs au 1/4, on a recours au dosage pondé-
Une hémolyse sévère aboutit à une production accrue de glo- ral permettant un dosage précis de la concentration en ␮g/ml.
bules rouges par le foie et la rate pour compenser la destruction
des globules rouges par conflit antigène-anticorps. Cette produc-
tion accrue inclut des perturbations de la circulation portale avec
un œdème placentaire à l’origine de perturbations de la perfusion
placentaire et du développement d’une ascite. Une hépatoméga- “ Point fort
lie, un aspect de placenta épaissi, un hydramnios, peuvent être
constatés. Enfin, si l’atteinte hépatique progresse, la réduction de • L’application du calendrier réglementaire français des
production d’albumine va aboutir à une anasarque avec épanche- examens immunohématologiques chez la femme enceinte
ments multiples [8] . permet de détecter les IFME hors ABO.
L’immunohémolyse se complète parfois d’une inhibition de • Toute femme enceinte doit avoir une carte de groupe
l’érythropoïèse, particulièrement lors de l’IFM KEL1 : la réticulo-
cytose et l’érythroblastose sanguine étant peu marquées au regard sanguin avec deux déterminations de phénotype RhKell.
d’une anémie parfois extrême, l’hyperbilirubinémie est modé- • La RAI est systématique :
rée [10] . ◦ chez la femme de phénotype RhD négatif au moins
à quatre reprises : avant 15 semaines, au cours du
En pratique périnatale sixième mois, au début du huitième mois et à
l’accouchement ;
Toute RAI positive signe une immunisation et impose une iden- ◦ chez la femme de phénotype RhD positif : avant
tification de l’anticorps responsable, ce qui permet d’identifier le
15 semaines, au début du huitième mois et à
risque pour la grossesse en cours [11–13] .
l’accouchement.
Classement des anticorps • Toute RAI positive chez une femme enceinte impose une
Les anticorps identifiés dans les IFME peuvent être classés selon identification de l’anticorps en cause ainsi qu’un titrage et
leur risque d’induire une maladie hémolytique chez le fœtus et un dosage pondéral permettant de quantifier l’anticorps.
l’enfant [2, 3, 14] .

EMC - Pédiatrie 3
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

Tableau 1.
Anticorps et risque fœtal et néonatal d’anémie.
Alloanticorps et risque de maladie hémolytique

Spécificité Spécificité Maladie hémolytique Risque d’anémie Incidence des cas


(nomenclature (nomenclature néonatale fœtale < 6 g/dl symptomatiques
traditionnelle) numérique) (pour 1 000 naissances)
Alloanticorps Anti-A Anti-ABO1 Oui Non ∼2
courants Anti-B Anti-ABO2 Oui Non ∼1
Anti-c Anti-RH4 Oui Oui (après 20 SA) 0,1
Anti-C Anti-RH2 Oui Non < 0,1
Anti-Cw Anti-RH8 Oui Non < 0,1
Anti-D Anti-RH1 Oui Oui (après 15 SA) 0,8
Anti-e Anti-RH5 Oui Exceptionnel 0,1
Anti-E Anti-RH3 Oui Rare (3e trimestre) 0,1
Anti-Fya Anti-FY1 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-Fyb Anti-FY2 Oui Non < 0,1
Anti-G Anti-RH12 Oui Non < 0,1
Anti-H, HI - Non - 0
(sujets A, B, AB)
Anti-Jka Anti-JK1 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-Jkb Anti-JK2 Oui Non < 0,1
Anti-Kell Anti-KEL1 Oui Oui (après 15 SA) 0,05
Anti-Kpa Anti-KEL3 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-Lewis Anti-LE1, LE2 Non - 0
Anti-Luthéran Anti-LU1, LU2 Non - 0
Anti-M Anti-MNS1 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-N Anti-MNS2 Non - 0
Anti-P1 Non - 0
Anti-S Anti-MNS3 Oui Non < 0,1
Anti-s Anti-MNS4 Oui Non < 0,1
Alloanticorps publics Anti-U Anti-MNS5 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-publics RH Anti-RH17, 29, 46 Oui Exceptionnel < 0,1
Anti-publics Kell Anti-KEL 2, 4, 5, 7 Oui Exceptionnel < 0,1
Autoanticorps Auto-agglutinines Non - 0
Autopapaïne Non - 0

SA : semaines d’aménorrhée.

Tableau 2.
Anti-RH1 passifs : concentrations sériques moyennes après administration d’immunoglobulines anti-D (IgRh).
Voie Délai après injection Concentration après injection de
100 ␮g 200 ␮g 300 ␮g
Intraveineuse 1 heure 30 ng/ml 60 ng/ml 90 ng/ml
24 heures 20 ng/ml 40 ng/ml 60 ng/ml
48 heures 15 ng/ml 30 ng/ml 45 ng/ml
Intraveineuse ou 1 semaine 12 ng/ml 24 ng/ml 36 ng/ml
intramusculaire 2 semaines 9,5 ng/ml 19 ng/ml 28,5 ng/ml
3 semaines 7,5 ng/ml 15 ng/ml 22,5 ng/ml
4 semaines 6 ng/ml 12 ng/ml 18 ng/ml
5 semaines 4,7 ng/ml 9,4 ng/ml 14,1 ng/ml
6 semaines 3,8 ng/ml 7,6 ng/ml 11,4 ng/ml
7 semaines 3 ng/ml 6 ng/ml 9 ng/ml
8 semaines 2,4 ng/ml 4,8 ng/ml 7,2 ng/ml
9 semaines 1,9 ng/ml 3,8 ng/ml 5,7 ng/ml
10 semaines 1,5 ng/ml 3 ng/ml 4,5 ng/ml
11 semaines 1,2 ng/ml 2,4 ng/ml 3,6 ng/ml
12 semaines 0,9 ng/ml 1,8 ng/ml 2,7 ng/ml
13 semaines 0,75 ng/ml 1,5 ng/ml 2,25 ng/ml
14 semaines 0,6 ng/ml 1,2 ng/ml 1,8 ng/ml
15 semaines 0,45 ng/ml 0,9 ng/ml 1,35 ng/ml

Exemple : calcul de la concentration maximale attendue chez une patiente ayant reçu 300 ␮g d’IgRh 8 semaines avant, puis 200 ␮g d’IgRh 2 semaines avant le prélèvement
sanguin : 7,2 + 19 = 26,2 ng/ml.

4 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Épidémiologie Une épidémiologie évolutive


L’amélioration de l’immunoprophylaxie anti-D, tant qualita-
L’incidence clinique des IFME serait de 4 pour 1 000 naissances, tive (doses calculées en fonction du volume d’HFM et prophylaxie
ce qui est loin d’être rare. de routine anténatale associée à la prophylaxie ciblée) que quanti-
tative (meilleure information des patientes et des professionnels),
IFME ABO a induit un recul des incompatibilités de spécificité RH1, compa-
rativement à celles liées à d’autres anticorps (KEL, RH4, RH3). Ceci
L’IFME la plus fréquente est l’IFME ABO.
est particulièrement flagrant sur la comparaison de deux séries de
Environ 5 % des nouveau-nés ont un test à l’antiglobuline posi-
grossesses immunisées en Amérique du Nord à 30 ans d’intervalle
tif relevant d’une IFME ABO et l’ictère hémolytique des IFME est
au cours desquelles la prophylaxie rhésus (ciblée et systématique
dans plus de 50 % des cas lié à l’incompatibilité ABO. Néanmoins,
au troisième trimestre) a été largement diffusée [2] . D’autres raisons
le risque de manifestations cliniques à type d’ictère hémolytique
sont aussi proposées : le plus petit nombre d’enfants par femmes
avec hyperbilirubinémie sévère (dépassant 340 ␮moles/l) en rap-
et l’âge plus avancé au premier enfant et encore, pour la France
port avec une IFME ABO est faible, évalué à 0,5 à 2 pour 1 000
en tout cas, la réglementation en matière transfusionnelle impo-
naissances. Le rang de grossesse ne semble pas influer sur la gravité
sant la phénocompatibilité et le choix d’un produit KEL : -1 pour
de l’expression clinique des IFME ABO [8, 16] .
transfuser tout sujet féminin [4, 5] .
Sauf exception, l’IFME ABO n’est pas génératrice d’anémie
fœtale sévère, même si une anémie des premières 24 heures coïn-
cide souvent avec la sévérité de l’ictère par IFME ABO. Néanmoins,
une forme avec anasarque et anémie fœtale dans un contexte  Conséquences
d’incompatibilité O/B a été décrite chez un couple originaire
d’Afrique subsaharienne [8, 17] .
de l’immunohémolyse : éléments
du diagnostic
IFME non ABO
Diagnostic clinique
IFME anti-RH1
Elles arrivent en seconde position de fréquence avec une inci- La fréquence des IFME a nettement diminué et plus encore les
dence en France de 0,9 pour 1 000 naissances. manifestations cliniques chez l’enfant ont évolué. Il est actuelle-
L’antigène RH1 n’est pas présent sur les globules rouges ment extrêmement rare (mais pas impossible) de rencontrer des
d’environ 15 % de la population caucasienne occidentale, contre présentations cliniques du type anasarque fœtale ou néonatale
1 % de la population asiatique (Chine-Japon) et 35 % de la popu- longtemps classiques dans la maladie rhésus de spécificité RH1
lation basque [8] . et constituant de véritables urgences. Aujourd’hui, les IFME hors
Les IFME RH1 sont symptomatiques dans 50 % des cas, dont ABO sont et devraient toujours être dépistées pendant la grossesse
un quart de formes sévères à manifestations anténatales avec ané- pour si besoin être traitées in utero.
mie fœtale s’exprimant pour la moitié avant 34 SA [18] . Ces chiffres L’immunohémolyse, qui peut débuter en anténatal, reste le
soulignent la rareté de cette pathologie dans sa forme compliquée support physiopathologique de la symptomatologie des IFME :
génératrice d’une méconnaissance du diagnostic par les profes- anémie et production accrue de bilirubine d’intensité variable
sionnels de la naissance qui peut avoir des conséquences graves selon celle du processus hémolytique [1, 3, 19] .
(mort fœtale, ictère nucléaire) souvent évitables. Le diagnostic doit donc être évoqué devant des associations
La mise en place dans les années 1970 de l’immunoprophylaxie variées des signes décrits ci-dessous.
rhésus du post-partum et ciblée sur les situations à risque d’HFM
a réduit l’incidence des IFME RH 1 de 80 %. Les causes des immu- Chez le fœtus
nisations anti-RH1 résiduelles se répartissent entre les oublis ou Une IFME peut se manifester dès la vie fœtale par une anémie
mauvaises applications de la prévention pour deux tiers d’entre parfois sévère et doit toujours être évoquée sur une anasarque [19] .
elles et les immunisations de première grossesse ou encore les Ce dernier tableau peut même être une circonstance de décou-
« échecs de prévention » pour le tiers restant (données du Centre verte de l’IFME, ce qui devrait être exceptionnel si le calendrier
national de référence en hémobiologie périnatale [CNRHP]). réglementaire français des RAI de la grossesse était respecté et une
RAI positive conduisait à une identification sans retard afin de
Autres IFME non ABO et non anti-RH1 déterminer si l’anticorps responsable est « à risque fœtal » [11–13].
Elles représentent 0,5 pour 1 000 naissances, avec la moitié liée
à une IFM RH4 ou RH3. Anémie fœtale des IFME
Les IFM anti-KEL1 sont plus rares (l’antigène KEL1 est présent Elle se constitue progressivement selon une cinétique très
sur les globules rouges de seulement 9 % de la population cauca- variable d’un couple mère-enfant à un autre pour un même type
sienne et 2 % de la population africaine). En revanche, les IFME d’anticorps, et ne se manifeste que pour certains anticorps de
anti-KEL1 non RH1 ont une gravité aussi importante que celle spécificité à risque d’impact fœtal.
de l’incompatibilité RH1 avec des anémies fœtales très sévères et Le mécanisme de l’anémie fœtale dans les IFME est une
très précoces, qui plus est de développement imprévisible. Du fait immunohémolyse, sauf dans les immunisations KEL1 pour
aussi de leur moindre fréquence, elles sont souvent moins bien lesquelles une inhibition de l’érythropoïèse est sans doute pré-
dépistées, ou découvertes a posteriori sur une anasarque ou une dominante [10, 19, 20] .
mort fœtale (expérience CNRHP). Ce sont essentiellement les anti-RH1, les anti-KEL1, et les anti-
RH4 et -RH3, qui peuvent induire des anémies fœtales. Dans les
Anémies fœtales sévères et IFME non ABO IFME RH1, les manifestations anémiques peuvent être observées
En ce qui concerne les anémies fœtales sévères (nécessitant dès le second trimestre de grossesse. Les manifestations anténa-
une transfusion fœtale ou à l’origine d’une anasarque) en rapport tales sont plus rares dans les immunisations RH4 et RH3, et dans
avec les IFME, les données rétrospectives (non publiées) les plus ces cas rarement avant le troisième trimestre (cf. infra). Pour ce qui
récentes du CNRHP (2003-2006) montrent que 85 % des cas sont est des antigènes de groupe ABO, ils sont de développement onto-
liés à une IFME de spécificité anti-RH1, 13 % des cas anti-KEL1 génique retardé pendant la grossesse, expliquant une expression
et 2 % des cas anti-RH4. Ceci est aussi rapporté dans la littéra- de l’IFME exclusivement néonatale.
ture [19] , avec une prévalence d’anticorps à impact fœtal autres Physiologiquement, pendant la vie fœtale, le taux moyen
que anti-RH1 rapporté de 0,15 % à 1,1 %, avec par ordre de fré- d’hémoglobine croît de 9 g/dl (à 20 semaines d’aménorrhée)
quence décroissante l’anti-RH3, l’anti-KEL1 et très loin derrière à 16 g/dl à terme [21] . Pour une valeur d’hémoglobine proche
l’anti-RH4. Une atteinte fœtale ou néonatale sévère survient chez de 7 g/dl au deuxième trimestre et de 9 g/dl au cours du troi-
4 % des enfants dont le père est antigène positif pour les IFME sième trimestre, l’accroissement du débit cardiaque fœtal en
KEL1, RH4 et RH3. réponse de l’organisme peut être objectivé par des signes indirects

EMC - Pédiatrie 5
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

A B C
Figure 1. Mesure du pic systolique de vélocité dans l’artère cérébrale moyenne (A à C) (A, B : clichés du Dr Evelyne Cynober).

(cf. infra). Lorsque l’anémie dépasse les capacités de réaction du Échographie morphologique. Le retentissement fœtal d’une
fœtus et devient mal tolérée apparaissent des épanchements liqui- immunisation ne peut être apprécié ou suivi de façon optimale par
diens (pleuraux, péricardiques ou péritonéaux) constituant à un l’échographie standard qui ne permet pas (à la différence du PSV-
stade ultime un tableau d’anasarque. Ces épanchements, même ACM) d’anticiper la constitution d’une anémie. De plus, les signes
au stade d’anasarque, peuvent régresser dans un premier temps échographiques décrits comme les plus précoces (augmentation
mais devenir, en l’absence de correction de l’anémie, irréversibles de la quantité de liquide amniotique, hépatosplénomégalie) sont
par lésion tissulaire hypoxique. de spécificité et sensibilité variables suivant les équipes. Le diag-
L’anémie fœtale semble mieux tolérée par le fœtus au second tri- nostic d’IFME est trop tardif s’il est exclusivement basé sur les
mestre, avec des signes d’anasarque exprimés seulement pour des signes échographiques à type d’épanchement liquidien péricar-
taux d’hémoglobine entre 2 g/dl et 5 g/dl. En revanche, l’anémie dique ou péritonéal, voire d’anasarque [23, 24] .
dans les IFME peut s’aggraver en quelques jours (plus particu- Les échographies obstétricales systématiques du deuxième ou
lièrement dans les IFME RH1 ou KEL1) sans le moindre signe du troisième trimestre restent pourtant une circonstance assez
d’anasarque, en particulier avant 18 SA pour les immunisations fréquente de découverte d’une anémie fœtale sur une anasarque.
KEL1 et dans le troisième trimestre pour les immunisations anti- Une anasarque fœtale fait évoquer une multitude de diagnos-
RH1 (expérience CNRHP). tics. Elle impose une démarche rigoureuse ainsi qu’une prise en
charge transfusionnelle spécialisée urgente, car majoritairement
Diagnostic d’anémie fœtale de mécanisme anémique : allo-immunisation ; infection mater-
Vélocité Doppler de l’artère cérébrale moyenne. Le diag- nofœtale virale ; HFM ; anomalie chromosomique ; cardiopathie
nostic de l’anémie fœtale repose aujourd’hui en premier lieu fœtale ; malformation fœtale ; maladie métabolique fœtale On
sur la mesure du pic systolique de vélocité de l’artère cérébrale comprend que la mesure du PSV-ACM doit être systématique
moyenne (PSV-ACM). Toute situation à risque d’anémie fœtale devant une anasarque car elle permet de confirmer (et plus
doit conduire à un suivi répété de cette mesure. rarement d’infirmer) le lien entre l’anasarque et un mécanisme
En 2000, une grande étude multicentrique a rapporté que anémique. En cas d’élévation du PSV-ACM, le bilan diagnostique
cette mesure, sous réserve de conditions techniques respectées s’oriente de manière privilégiée vers les causes d’anémie fœtale :
avait une sensibilité de 100 % pour la détection des anémies IFME (RAI maternelles), infections virales (sérologies parvovirus
modérées et sévères, faisant de ce test non invasif l’examen de B19 et cytomégalovirus [CMV]), HFM (test de Kleihauer). La ponc-
référence dans la population des IFME et a permis d’établir une tion de sang fœtal confirme le diagnostic d’anémie et doit être
courbe des valeurs normales du PSV-ACM en fonction de l’âge organisée pour permettre une transfusion fœtale dans le même
gestationnel [22] . temps pour corriger, si besoin, l’anémie sans retard.
L’augmentation de la vitesse du PSV-ACM par rapport à la Une anasarque reste non exceptionnelle dans le contexte d’une
norme pour l’âge en SA, liée principalement à la diminution de IFME : RAI faussement négative en début de grossesse du fait d’une
la viscosité sanguine, est très bien corrélée à la chute du taux méthode de détection insuffisamment sensible, mauvaise inter-
d’hémoglobine fœtale. Une valeur de PSV-ACM dépassant 1,5 prétation de RAI (confusion des anti-RH1 d’immunisation avec
multiple de la médiane fait évoquer une anémie fœtale à 8 g/dl des anti-RH1 résiduels de prophylaxie, cf. supra), suivi trop espacé
ou moins [22–24] . ou encore inadapté d’une IFME diagnostiquée (pas de mesure de
Sous réserve de conditions techniques optimales, la mesure du vélocité de l’artère cérébrale moyenne ou suivi trop espacé).
PSV-ACM permet ainsi de limiter le recours aux gestes invasifs Rythme cardiaque fœtal. Les « classiques » anomalies du
(ponction de sang fœtal en particulier) et de retarder le moment rythme cardiaque fœtal à type de rythme sinusoïdal sont très tar-
de la première transfusion in utero (TIU) lorsqu’elle est néces- dives, pathognomoniques d’une anémie évoluée dont la sévérité
saire. Ainsi, dans l’expérience du CNRHP, à partir de 500 mesures impose une correction sans délai, c’est-à-dire le plus souvent une
réalisées à la maternité de l’Hôpital Saint-Antoine dans le cadre extraction de l’enfant en urgence. L’enregistrement du rythme
du suivi de 46 femmes enceintes avec IFME, la mesure de la cardiaque fœtal ne fait pas partie des examens de dépistage de
PSV-ACM permet le diagnostic précis et précoce d’une anémie l’anémie fœtale dans les IFME, pas plus que la diminution franche,
en l’absence de tout signe échographique d’épanchement. Plus voire la disparition, des mouvements actifs fœtaux. Ils sont en
précisément est retrouvée une corrélation hautement significa- revanche des éléments objectivant la gravité d’une IFME et impo-
tive entre le taux d’hémoglobine fœtale et la valeur du PSV-ACM sant une prise en charge urgente [2, 23] .
(R2 = 0,6545 ; p < 0,0001), mais avec une valeur prédictive négative Indice de Liley. La détermination de la bilirubinamnie
de 97,8 % [24] (Fig. 1). (témoin indirect de l’intensité de l’hémolyse) par index optique

6 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

du liquide amniotique à 450 nm avait été proposée pour pré- D’autre part, dans une hyperbilirubinémie très précoce, il ne
dire un risque d’anémie fœtale (par comparaison entre les valeurs faut pas hésiter à rechercher d’autres causes associées : déficit
de bilirubinamnie obtenues et les normes connues pour l’âge en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD), maladie de Gil-
gestationnel) [25] . Il s’agit d’une méthode invasive imposant une bert [26] .
ponction de liquide amniotique, et donnant des informations très À l’inverse, l’ictère peut être moins sévère et peu évolutif, voire
imprécises et toujours indirectes sur la profondeur de l’anémie. De absent :
plus, l’indice de Liley est pris en défaut dans les immunisations • dans les immunisations KEL ou encore dans les immunisations
anti-KEL où l’anémie est plutôt liée au blocage de l’hématopoïèse anti-RH3 et anti-RH4 pouvant rassurer faussement, au regard
qu’à l’hémolyse. Il est cité ici à titre historique, car en pratique du risque d’anémie secondaire (3 semaines de vie postnatale)
actuelle de prise en charge des IFME son usage a disparu du fait par hémolyse masquée ;
du développement des mesures du PSV-ACM. • dans les IFME ABO du nouveau-né à terme dont l’hémolyse
a été importante en anténatal et qui a un métabolisme de la
Chez le nouveau-né bilirubine (conjugaison et élimination) très mature : le signe
principal est alors l’anémie régénérative.
Hyperbilirubinémie et toxicité neurologique. Pour un taux
de bilirubine libre dépassant 340 ␮moles/l chez le bébé à terme,
“ Point fort après 72 heures de vie, les mécanismes de protection du cerveau
peuvent être dépassés, autorisant la fixation irréversible de la
bilirubine sur les noyaux gris centraux à l’origine de séquelles
Tableau clinique des IFME motrices (syndrome extrapyramidal) et sensorielles (surdité cen-
Il est très polymorphe mais surtout évolutif avec l’âge post- trale), voire de décès. Ces complications correspondent au terme
natal : d’« ictère nucléaire » [27, 28] .
• un ictère des 24 premières heures de vie signe une Le seuil de toxicité cérébrale de la bilirubine est certainement
hémolyse ; bien inférieur à 340 ␮moles/l chez un enfant né prématurément
• l’ictère peut ne pas être visible à la naissance et franc à ou ayant présenté des difficultés d’adaptation (acidose, infection,
etc.) ou encore lorsque l’hyperbilirubinémie progresse dans les
quelques heures de vie ;
premières 48 heures de vie [29–31] .
• l’anémie peut être au premier plan, ou absente dans les
Il est important ici de signaler la difficulté à établir une valeur
premiers jours et se révéler majeure à trois semaines de seuil de toxicité à partir du seul taux de bilirubine totale ou
vie ; libre. En effet, si l’on sait que c’est la bilirubine libre (non conju-
• la réticulocytose dépassant 10 % doit attirer l’attention guée) qui, du fait de sa grande liposolubilité, peut traverser la
sur un processus hémolytique. barrière hématoencéphalique et se fixer sur les phospholipides
membranaires (plus particulièrement dans le cerveau), le risque
de séquelles neurologiques des enfants ictériques n’est pas bien
corrélé avec les taux de bilirubine totale ni même de bilirubine
libre dans les premières semaines de vie. Et ce même s’il est bien
Ictère démontré in vitro des interactions de la bilirubine avec toutes les
Le signe clinique de premier plan est l’ictère du fait de étapes du fonctionnement cellulaire neuronal ou glial [27, 28, 32] .
l’hyperbilirubinémie secondaire à l’immunohémolyse [3, 16, 18] . En revanche, les taux de bilirubine libre (non conjuguée) non
L’hyperbilirubinémie est par conséquent précoce (parfois dès la liée à l’albumine (BNL) ou de la bilirubine intraérythrocytaire
naissance et toujours dans les 72 premières heures de vie) et rapi- (BIE) semblent des marqueurs prédictifs de la toxicité neuro-
dement évolutive dans la mesure où les capacités d’élimination logique, mais ces dosages ne sont pas toujours disponibles en
de la bilirubine libre formée par le nouveau-né sont relativement routine. Une autre façon d’approcher les capacités de défense
faibles pendant les 7 premiers jours de vie. L’élimination de la de l’organisme face à la bilirubine serait le calcul du ratio biliru-
bilirubine se met en place à partir de la naissance seulement bine/albumine, mais ce dernier ne donne aucune information sur
puisque, en anténatal, toute bilirubine formée est éliminée par la capacité fonctionnelle de l’albumine à fixer la bilirubine et s’est
l’organisme maternel. La bilirubine libérée par la lyse des globules avéré très décevant chez le nouveau-né. Les dosages de BNL ou de
rouges est liposoluble donc potentiellement neurotoxique, en cas BIE ne sont pas disponibles en routine pour la plupart des néo-
d’accumulation chez l’enfant, ce qui fait la gravité des hyperbili- natologistes hors Île-de-France où le CNRHP réalise ces dosages.
rubinémies par hémolyse. Disposer de valeurs de BNL et/ou de BIE permet en pratique une
Évolutivité. L’ictère doit toujours être recherché dès la nais- approche plus fine du risque neurologique d’une hyperbilirubi-
sance, même s’il peut ne pas être flagrant dans les premières heures némie de façon indirecte en objectivant le potentiel de liaison de
(équilibration progressive entre secteur vasculaire et sous-cutané). l’albumine pour la bilirubine [31–33] .
Dans ces cas, l’examen attentif du cordon permet de le dépister
plus précocement qu’en cutané par la couleur jaune de la gelée du Anémie régénérative par hémolyse
cordon et ce dès la salle de naissance. Dans ce cas de l’expérience Elle est souvent associée à l’hyperbilirubinémie (exacerbant
du CNRHP, la bilirubinémie au cordon est au moins égale à 70 l’évaluation visuelle de l’intensité de l’ictère), se manifestant par
␮moles/l (Dr Berry, CNRHP). une pâleur. Cette anémie peut ne pas être présente d’emblée,
La rapidité d’évolution de l’hyperbilirubinémie des IFME est apparaissant seulement dans la première semaine de vie postna-
parfois surprenante, avec des progressions de bilirubinémie de tale [3, 16, 18] .
plus de 50 ␮moles/l/h dans les IFME rhésus anticipées si RAI posi- Elle évolue de façon progressive ou par pics évolutifs successifs
tives. en 24 à 48 heures qui peuvent surprendre parfois plus particuliè-
Elle motive la recommandation de mise sous photothérapie dès rement entre j2 et j3 ou en fin de première semaine.
la première heure de vie dans ces IFME connues de la grossesse. Elle reste évolutive pendant la durée de présence des anticorps
Dans les incompatibilités ABO chez le nouveau-né de mère maternels circulants, et tant que l’érythropoïèse de l’enfant n’est
originaire d’Afrique subsaharienne, qui sont les plus sévères, pas autonome et compensatrice. Ce délai est plus long pour les
les RAI sont négatives et le dépistage visuel de l’ictère est faci- immunisations rhésus (2 à 3 mois), surtout si elles ont bénéficié
lement pris en défaut (peau foncée). Dans ces populations, de transfusions fœtales (plus de 2 mois) que pour les incompati-
l’hyperbilirubinémie peut dépasser 250 ␮moles/l avant la vingt- bilités ABO (1 mois). Il n’excède pourtant pas 3 mois et demi,
quatrième, voire la douzième, heure. Il faut donc organiser, dans et l’absence de réticulocytose avant cette échéance ne motive
un contexte évocateur (mère de groupe O, antécédent d’ictère aucune exploration complémentaire car la moelle est riche mais
dans la fratrie, RAI positives, etc.) un dépistage de l’ictère instru- sidérée [34, 35] .
mental régulier et précoce (dès les premières heures de vie, voire D’expérience du CNRHP, il faut être particulièrement prudent
un dosage de bilirubine au cordon). dans les incompatibilités KEL1, RH4 et RH3 qui en l’absence de

EMC - Pédiatrie 7
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

tableau hémolytique très actif cliniquement dans les premiers mois suivant car certains anticorps vont parler très tôt dans la
jours (ictère modéré) peuvent néanmoins générer des anémies grossesse (fin du premier trimestre) : anti-KEL1, anti-RH1 ;
profondes à 3 semaines de vie postnatale. • s’astreindre à confirmer au plus tôt la situation
d’incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire chez une
Hépatosplénomégalie
femme enceinte immunisée (RAI positives) ;
D’importance variable (parfois jusqu’en fosse iliaque), elle doit • tout anti-RH1 identifié chez une femme enceinte doit être quan-
être recherchée car presque toujours présente pour compléter le tifié (titrage et dosage pondéral) car c’est le seul moyen de
tableau ; ces deux organes sont, en effet, les lieux de destruction différencier avec certitude un anti-RH1 résiduel d’une injection
des globules rouges, mais aussi de l’érythropoïèse réactionnelle d’IgRh d’un anti-RH1 d’immunisation (cf. supra).
chez le fœtus et le nouveau-né. L’hépatosplénomégalie témoigne
donc de l’intensité du processus hémolytique en cours [3, 16, 18] .
Évaluer la gravité de l’immunisation maternelle
Actuellement, la seule technique disponible en France pour éva-

“ Point fort luer la gravité de l’immunisation est celle de la « quantification de


l’anticorps circulant ». Elle doit être demandée dès l’identification
d’un anticorps pendant la grossesse [13] .
Cette quantification peut se faire par le titrage grâce au test indi-
• Le processus hémolytique des IFME a débuté avant
rect à l’antiglobuline et par le dosage pondéral. Le dosage pondéral
la naissance même pour les incompatibilités ABO des anticorps donne une approche plus précise que le seul titrage
s’exprimant par une anémie néonatale, un ictère précoce dans l’évaluation du risque de retentissement fœtal (en particu-
et sévère. lier pour les anti-RH1 et anti-RH4) mais n’est pas possible pour
• L’hémolyse se poursuit après la naissance : l’anti-KEL1.
◦ elle est très active dans les 10 premiers jours de vie Pourtant, ni le dosage, ni le titrage ne sont corrélés de manière
postnatale ; stricte avec l’existence d’une anémie. Néanmoins, à partir de don-
◦ elle disparaît dans le premier mois de vie dans les IFME nées cumulées de suivi d’immunisation au CNRHP des valeurs
seuils à risque accru d’anémie fœtale suivant l’âge gestationnel
ABO ;
ont été établies [3, 15] :
◦ elle est prolongée jusqu’à 3 mois dans les IFM RH1,
• pour les IFME de spécificité anti-RH1, en deçà d’un taux de 250
RH3, RH4 et KEL. unités CHP/ml (1 ␮g/ml) d’anti-RH1, le risque d’anémie fœtale
• La surveillance des enfants ayant présenté une mala- est pratiquement nul ;
die rhésus doit être prolongée puisque le risque d’anémie • pour les anti-KEL1, le dosage pondéral n’est pas disponible mais
persiste jusqu’à reprise d’une hématopoïèse autonome un titrage au 1/16 doit imposer une surveillance mensuelle en
dépassant l’hémolyse induite par les anticorps maternels. titrage et au 1/256 implique en urgence une surveillance des
Chez les enfants transfusés dès le stade fœtal, la dépen- PSV-ACM à rythme hebdomadaire ;
dance transfusionnelle est plus prolongée (en moyenne 3 • pour les anti-RH4, un dosage pondéral atteignant 1 000 uni-
mois) du fait d’une sidération médullaire. tés CHP/ml doit faire craindre une maladie hémolytique du
nouveau-né (MHNN) clinique grave en fin de grossesse et
période néonatale [36] .
Cette quantification de la gravité de l’immunisation d’une
femme par le dosage de l’anticorps circulant doit être répétée au
cours d’une grossesse, car en situation d’IFME le taux d’anticorps
Diagnostic biologique peut augmenter de façon importante et non prévisible. C’est le
Pendant la grossesse taux d’un anticorps à la découverte et l’évolution de ce taux sur
des titrages (et des dosages pondéraux) à intervalle réguliers au
Reconnaître une immunisation maternelle cours de la grossesse qui vont conditionner les modalités de prise
antiérythrocytaire en charge obstétricale et le retentissement fœtal.
L’examen-clé du diagnostic d’immunisation maternelle est la
RAI qui permet de révéler tout anticorps maternel développé hors
Confirmer ou infirmer sans délai la situation
système ABO.
d’incompatibilité fœtomaternelle
Selon la réglementation française de suivi de la grossesse [3, 11–13] ,
les RAI négatives au premier trimestre sont répétées : Phénotype ou génotype du père. Le diagnostic
• chez les femmes RH : -1 au sixième (avant l’injection d’IgRh), d’incompatibilité ne peut être exclu sans crainte que si le
huitième et neuvième mois de grossesse car une immunisa- père biologique ne possède pas l’antigène cible. Cela suppose
tion anti-RH1 à retentissement sur l’enfant peut apparaître au donc de disposer d’un document immunohématologique valide
cours des deuxième et troisième trimestres même sans facteur (comportant le phénotype Rh-Kell) du père pour pouvoir lever
favorisant ; tout suivi spécialisé de la grossesse [3, 15] .
• chez les femmes RH1 au huitième mois de grossesse car une Pour toute RAI positive avec un anticorps à risque fœtal ou néo-
immunisation à impact transfusionnel maternel ou fœtal peut natal (après identification), le phénotype paternel est à réaliser
apparaître en cours de grossesse. sur prescription le plus rapidement possible après le diagnostic
Toute RAI positive impose l’identification de l’anticorps sans d’immunisation de la mère.
retard aussi bien chez la femme RH1 que RH : -1 [11–13] et ce quel que Cependant, l’absence de situation d’IFME ne peut être affirmée
soit le terme de la grossesse. La spécificité de l’anticorps indique que si l’on dispose d’un groupe sanguin du père avec phénotype
alors s’il y a un risque fœtal connu pour cet anticorps ou si cet concerné confirmant l’homozygotie négative : RH(3,-4) pour anti-
anticorps n’a qu’un impact transfusionnel maternel. RH4, RH(-3,5) pour anti-RH3, etc.
En cas d’hétérozygotie phénotypique paternelle ou de phéno-
Identifier sans délai l’anticorps pour déterminer type paternel RH1, le fœtus est à considérer, pour l’organisation du
si cet anticorps pourrait faire courir un risque d’anémie suivi de grossesse, comme « présumé incompatible ». Seul le géno-
pour le fœtus typage du groupe sanguin fœtal permet le diagnostic de certitude
Ce risque est fonction de la spécificité de l’anticorps (Tableau 1). d’IFME.
Trois points peuvent s’ils ne sont pas respectés, de l’expérience Pour les anti-KEL1, la demande spécifique de phénotype KEL1-
du CNRHP, être à l’origine de retard au diagnostic de l’IFME chez KEL2 (Kell-cellano) est indispensable chez le père. En effet, il peut
une femme enceinte immunisée avec risque de séquelles voire de être Kell positif (KEL1) et être hétérozygote KEL(1;2), ce qui donne
décès pour le fœtus : une chance d’avoir un fœtus KEL1 négatif. Là encore, seul le géno-
• l’identification de l’anticorps doit être réalisée dès la découverte type du groupe sanguin fœtal permet le diagnostic d’IFME, et il
d’une RAI positive sans attendre un nouveau prélèvement le est maintenant disponible.

8 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Figure 2. Arbre décisionnel. Diagnostic biologique d’une


RAI positive incompatibilité fœtomaternelle érythrocytaire (spécificité
nomenclature traditionnelle) pendant la grossesse. RAI :
recherche d’agglutinines irrégulières (d’après A. Mailloux).

Identification

Anti-Fya, anti-Fyb, Anti-Lea, anti-Leb,


Anti-D, anti-c, anti-Jka, anti-Jkb, anti-P1, anti-H, anti-
anti-E, anti-Kell anti-S, anti-s, HI, autoanticorps
anti-M, anti-C froid, autopapaïne

Risque d’anémie Risque de maladie Pas de risque de


fœtale sévère in utero hémolytique postnatale maladie hémolytique

Phénotypage du procréateur Phénotypage du


Si phéno-incompatible : procréateur
Pas d’examen
- génotypage fœtal Si phéno-incompatible :
complémentaire
- titrage et dosage pondéral titrage et dosage
toutes les 2 à 3 semaines pondéral à 3 et 8 mois

Génotypage des groupes sanguins fœtaux. Deux modalités risque d’anémie fœtale est absent, quelle que soit la sévérité de
de détermination du groupe sanguin du fœtus sont disponibles l’allo-immunisation. La grossesse peut être surveillée de manière
actuellement. Elles permettent un diagnostic de certitude de habituelle et ne nécessite pas de prise en charge spécialisée (ni
fœtus avec groupe sanguin incompatible pour le groupe sanguin biologique, ni obstétricale).
érythrocytaire concerné si le phénotype paternel est « non déter- Une situation d’IFME confirmée impose une surveillance de la
miné » ou « hétérozygote ». grossesse spécialisée et contraignante du fait du risque d’anémie
Génotypage invasif sur biopsie de trophoblaste ou liquide amniotique. fœtale avec ce type d’anticorps, dès le second trimestre, acces-
Technique validée depuis de nombreuses années pour le RHD, sible maintenant à une prise en charge réglée (cf. infra). C’est
le RH4, le RH3 et le KEL1, elle a actuellement pour indication les ainsi la seule façon d’éviter les dangers que représentent les
immunisations sévères anti-KEL1 ou anti-RH4 (titre égal ou supé- IFME découvertes au stade décompensé d’anasarque par anémie
rieur à 1/16 ou 1/8 pour le KEL1) avec géniteur hétérozygote [37] . fœtale.
Bien sûr, cette modalité invasive comporte un risque de fausse
couche inhérent à la procédure de prélèvement d’échantillon
fœtal additionné de celui d’activation de l’immunisation ; même
si ce dernier est en pratique assez modéré. Pourtant, à ce jour,
et tant que les méthodes non invasives de génotypage fœtal de
“ Point fort
groupe sanguin sont en développement pour les autres groupes
sanguins que le RH1, le rapport bénéfice/risque de ces détermina- • Tout anticorps antiérythrocytaire identifié pendant la
tions invasives reste en leur faveur et il doit être proposé le plus grossesse doit faire suspecter une situation d’IFME.
tôt possible dans la grossesse. • Pour confirmer une situation d’IFME, il faut réaliser dès
Génotypage de groupe sanguin fœtal non invasif. L’acide désoxy- 12-13 SA si disponible un génotypage de groupe sanguin
ribonucléique (ADN) fœtal est présent, sous forme de fragments, fœtal (par amniocentèse ou sur plasma maternel) et/ou un
dans le plasma maternel en quantité progressivement croissante phénotype érythrocytaire paternel.
avec l’âge gestationnel. Cet ADN fœtal, après extraction et ampli- • Toute situation d’IFME confirmée doit bénéficier d’un
fication, permet un diagnostic direct non invasif du génotype de
suivi organisé spécifique de la grossesse.
certains groupes sanguins du fœtus. Cet examen est réalisable uni-
• La surveillance d’une IFME repose sur :
quement dans les laboratoires autorisés à la pratique du diagnostic
génétique prénatal sous la responsabilité de praticiens agréés [38, 39] . ◦ le dosage de la concentration d’anticorps, au mini-
Actuellement, les procédures d’amplification utilisées en rou- mum mensuel : titrage ± dosage ;
tine pour le génotypage RHD fœtal au CNRHP ont une sensibilité ◦ la vélocimétrie Doppler de l’artère cérébrale moyenne
de 100 %, une spécificité de 97 %, une valeur prédictive positive pour les IFME à anti-RH1, anti-KEL, anti-RH4, anti-
de 99 % et une valeur prédictive négative de 100 % dans la popu- RH3, qui peuvent induire une anémie dès la période
lation des femmes RHD négatif d’origine caucasienne et ce dès fœtale justifiant un dépistage de l’anémie par PSV-
12 SA. En effet, chez ces femmes c’est une délétion du gène RHD ACM selon la concentration d’anticorps.
qui est à l’origine du phénotype RH : -1. En revanche, chez les • La surveillance spécialisée des IFME permet de dépister
femmes africaines RH : -1., le gène RH est silencieux dans 60 % des
et traiter une anémie fœtale avant le stade d’anasarque.
cas, nécessitant une procédure d’amplification d’exons différents
pour que ce test soit informatif [40] . À partir de 20 SA (18 SA pour les équipes les plus entraî-
Actuellement sont aussi validés le génotypage fœtal non invasif nées), toute anémie fœtale peut bénéficier d’un traitement
KEL1 (réalisable à partir de 13 SA) [41] et en cours de validation celui in utero (transfusion fœtale) par cordocentèse et ce jusqu’à
du gène RH4. 34 SA.
Malgré ses performances, le génotypage fœtal non invasif
souffre de l’absence de traceur d’ADN fœtal et il est donc recom-
mandé de toujours vérifier un résultat négatif par un second
prélèvement à 15 jours d’intervalle. En cas de négativité du Le diagnostic biologique d’une IFME pendant la grossesse est
génotypage fœtal, confirmée sur deux prélèvements espacés, le résumé sur la Figure 2.

EMC - Pédiatrie 9
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

Après la naissance, chez le nouveau-né simplement d’orienter la prise en charge immédiate en salle de
Positivité du test direct à l’antiglobuline (ou test de Coombs naissance et dans les premières heures. À noter qu’une alterna-
direct) chez le nouveau-né tive est la détermination extemporanée en capillaire d’un taux
d’hémoglobine du nouveau-né en utilisant l’Hémocue® qui offre
C’est ce test qui, associé aux données immunohématologiques
une grande fiabilité.
mère-enfant et à la clinique, affirme la situation d’IFME [3, 16, 17] .
Le test direct à l’antiglobuline met en évidence les anticorps À la naissance, l’hémoglobine aurait des valeurs égales ou infé-
non agglutinants fixés sur les globules rouges. Ce test peut être rieures à 14,5 g/dl dans la moitié des incompatibilités. Des anémies
réalisé au cordon, et permet ainsi en quelques minutes d’identifier par IFME à 8-9 g/dl peuvent être bien tolérées et ne pas gêner
l’origine d’une anémie ou d’un ictère. l’adaptation quand elles résultent d’une hémolyse progressive et
Tout test direct à l’antiglobuline positif chez un nouveau-né chronique.
impose une vérification de RAI chez la mère et l’identification de Dans les incompatibilités ABO avec test direct à l’antiglobuline
l’anticorps en cause chez l’enfant par analyse d’élution. positif, l’anémie n’est pas toujours présente, contrastant avec
Classiquement, le test direct à l’antiglobuline de type IgG est une hyperbilirubinémie précoce et sévère. Ceci est probablement
retrouvé chez les nouveau-nés atteints de maladie hémolytique dû à la faible représentation des sites antigéniques A ou B sur
rhésus (RH1, RH3, RH4, etc.) ou ABO, et le test de Coombs direct les globules rouges permettant le maintien dans la circulation
est de type « complément ou IgG + complément » chez certains des globules rouges recouverts d’anticorps [21, 42] . Néanmoins des
nouveau-nés dans les IFME anti-KEL1, Duffy et Kidd. incompatibilités ABO avec anémie sévère néonatale (6 à 8 g/dl)
La cause la plus fréquente de test direct à l’antiglobuline posi- parfois sans hyperbilirubinémie sont observées (un tiers des cas)
tif chez le nouveau-né est de loin l’incompatibilité ABO, puisque plus particulièrement chez les petits garçons originaires d’Afrique
60 % des enfants de groupe sanguin A ou B nés de mère O naissent subsaharienne.
avec un test direct à l’antiglobuline positif. Pourtant, seulement L’anémie des IFME est d’origine hémolytique donc régénérative,
5 % des nouveau-nés A ou B de mère O expriment cliniquement avec des taux de réticulocytes de 30 % à 40 % chez les enfants
une MHNN. n’ayant pas été transfusé in utero. La présence de nombreuses
Dans le contexte des IFME ABO, le test direct à l’antiglobuline cellules rouges nucléées (érythroblastose dépassant 100 000/mm3 )
a une sensibilité très variable suivant les laboratoires et une mau- peut induire au comptage cellulaire automatisé un diagnostic de
vaise valeur prédictive d’un ictère pathologique, sauf en cas de fausse hyperleucocytose qui doit être rectifié par comptage à la
forte positivité (4 croix). En cas d’ictère sévère dans un contexte cellule [16] .
d’incompatibilité ABO avec test direct à l’antiglobuline négatif, Thrombopénie. Il existe plusieurs observations tendant à
il convient de demander une élution pour recherche d’anti-A ou montrer la corrélation entre la sévérité de la maladie hémolytique
d’anti-B dans le sérum du nouveau-né. des IFME et la présence d’une thrombopénie. Ceci doit être pris
En situation de MHNN clinique sans éléments biologiques en compte du fait du haut risque hémorragique de ces enfants.
signant l’incompatibilité (test direct à l’antiglobuline négatif et Néanmoins, cette thrombopénie s’observe plus souvent sur les
élution négative), il faut toujours s’attacher à rechercher une autre numérations fœtales et en particulier chez les enfants présentant
cause d’hémolyse corpusculaire : déficit en G6PD, pyruvate kinase, une anasarque [45, 46] . Une association avec une allo-immunisation
sphérocytose, etc. [16, 34, 42] . plaquettaire est néanmoins possible et doit être recherchée en cas
de doute.
Cas particulier Apports du frottis sanguin. L’examen du frottis sanguin par
Le test direct à l’antiglobuline est retrouvé positif chez 10 % à un hématologiste devrait être demandé chez tous les nouveau-
15 % des nouveau-nés de mères ayant reçu une immunoprophy- nés présentant un ictère sévère, ou précoce, ou prolongé. Il est en
laxie par anti-D dans le troisième trimestre. Ces anti-RH1 n’ont effet particulièrement informatif dans l’orientation diagnostique
aucun impact hémolytique chez le fœtus ni le nouveau-né. En en cas d’hémolyse non immunologique : pycnocytose, sphérocy-
cas de contexte de potentielle incompatibilité ABO ajoutée, il tose, etc. [34, 42] .
convient de surveiller les signes de MHNN ABO (anti-A ou anti-B Par ailleurs, en cas d’hémolyse immunologique et en l’absence
retrouvés à l’élution chez l’enfant), sachant que les anti-RH1 pas- de thérapeutique transfusionnelle fœtale :
sifs transmis semblent sensibiliser la positivité du test direct à • dans les incompatibilités rhésus on observe une anisocytose
l’antiglobuline mais pas les manifestations cliniques de la MHNN marquée avec des macrocytes nombreux et une discrète poï-
ABO [43, 44] . kilocytose ;
• dans les incompatibilités ABO, un aspect de sphérocytose est
Groupe sanguin du nouveau-né plus fréquent, pouvant faire évoquer à tort une pathologie de
Sa détermination permet de dépister des situations d’IFM ABO la membrane du globule rouge.
et de confirmer les autres IFME suspectées ou dépistées en cours de
grossesse sur les RAI. Il comprend la détermination du phénotype Dosage de bilirubine plasmatique
sans oublier des extensions de celui-ci en cas d’anticorps maternels L’hyperbilirubinémie des maladies hémolytiques néonatales
de spécificité hors Rh Kell. Il est toujours associé à un test direct à par IFME est à bilirubine libre, liposoluble produite par hémo-
l’antiglobuline chez le nouveau-né. lyse excessive dépassant les capacités déjà réduites de métabolisme
Lorsque la naissance a lieu après une prise en charge trans- hépatique et d’excrétion du nouveau-né (cf. supra) [29] .
fusionnelle fœtale, le groupe déterminé à la naissance est en Dans certains cas d’incompatibilités ABO ou rhésus, un certain
double population, ou après deux actes fœtaux correspond à degré de cholestase peut être associé [47, 48] . La cholestase se mani-
celui des CGR transfusés et ce pendant de nombreuses semaines. feste par un dosage de bilirubine directe (conjuguée) dépassant
Ce phénomène doit être pris en compte afin de ne pas susci- 25 ␮moles/l. Dans la majorité des cas, ce phénomène est résolutif
ter des conclusions erronées à réception d’un groupe sanguin en 8 à 10 jours ; sinon, il impose la recherche d’une atrésie des
qui est celui des CGR transfusés pendant la grossesse. Ceci met voies biliaires associée et ce, sans retard.
en valeur l’importance de la détermination (même unique) du L’incidence et la pathogénie de la cholestase et du bronze baby
groupe phénotypé du fœtus avec test direct à l’antiglobuline sur syndrome chez les nouveau-nés avec IFME sont mal connues,
un prélèvement de sang fœtal avant premier acte transfusionnel même si elles ont été décrites à plusieurs reprises en particulier
in utero. Ceci sera le seul document immunohématologique de avec les incompatibilités rhésus et ABO. Cette cholestase est tou-
l’enfant pendant les premiers mois de vie. jours réversible avec le temps. Une surcharge hépatique en fer
a été incriminée chez les nouveau-nés transfusés in utero à plu-
Numération et formule sanguine du nouveau-né sieurs reprises ou exsanguinés. L’accumulation de porphyrine du
Taux d’hémoglobine. Une anémie doit être recherchée cuivre dans les tissus pourrait être à l’origine de la réduction de
d’emblée lorsqu’une IFME est évoquée. Un dosage d’hémoglobine la concentration circulante en albumine et d’une moindre liaison
peut être réalisé au cordon, même si le taux d’hémoglobine est de la bilirubine, augmentant ainsi le risque d’ictère nucléaire chez
souvent inférieur à la réalité (dosage quelques heures plus tard ces enfants. Un certain degré de souffrance hépatique par hypoxie
sur sang périphérique). Cette détermination au cordon permet tissulaire chronique a aussi été proposé.

10 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Pour mémoire, les indications de photothérapie de l’Académie La situation d’IFME doit être établie le plus tôt possible après
américaine de pédiatrie (AAP) 2004 et dans celles du NICE 2010 le diagnostic d’immunisation en recourant si besoin à un génoty-
précisent que les indications doivent être posées sur le taux de page fœtal de groupe sanguin (invasif ou non).
bilirubine totale sans soustraction de la bilirubine conjuguée sauf
si celle-ci dépasse 50 % du taux de bilirubine totale. Surveillance [1, 3, 15]
Chez environ un tiers des nouveau-nés à terme avec MHNN En fonction de toutes les données biologiques, si le fœtus est
secondaire à une incompatibilité ABO, il n’existe pas d’ictère mais déterminé incompatible ou supposé tel en l’attente d’une confir-
une anémie profonde isolée avec test direct à l’antiglobuline posi- mation, un suivi double est à mettre en place.
tif, même si dans la majorité des cas d’IFME ABO l’ictère est au Suivi biologique spécialisé. Le titrage et le dosage pondéral
premier plan. des anticorps sont répétés à un rythme au minimum une fois
Dans une IFME suspectée, le dosage de bilirubine devrait être par mois. Ces taux peuvent être d’emblée inquiétants (dépassant
effectué sur le sang du cordon et ainsi servir de référence pour juger le 1/256), ou être initialement rassurants et le rester, ou encore
de l’évolution à réception des dosages répétés. Si ce dosage n’a croître en cours de grossesse, en particulier dans le troisième tri-
pas été réalisé, il semble indispensable dans les situations d’IFME mestre. La cinétique du taux d’anticorps est imprévisible et propre
confirmées ou même suspectées d’avoir un dosage de bilirubine en à chaque couple mère-enfant.
périphérie dès la première heure de vie ; il est couplé à la réalisation Le taux des anticorps peut parfois s’élever brutalement, sans
d’une numération formule, d’un test direct à l’antiglobuline et à facteur déclenchant identifié, particulièrement pour les immu-
la détermination de groupe sanguin. nisations anti-RH1, d’où la nécessité de les titrer à intervalles
Sur le premier prélèvement, on demande un dosage de bili- réguliers (au maximum toutes les 4 semaines) selon le taux initial
rubine totale et conjuguée, permettant d’en déduire le taux de et l’âge gestationnel.
bilirubine libre. Le dosage de la BNL ou BIE est d’un apport inté- Suivi obstétrical et échographique avec vélocimétrie Dop-
ressant pour le choix de la thérapeutique si l’hyperbilirubinémie pler de l’artère cérébrale moyenne. Si la quantification de
est très sévère (dépassant 150 ␮moles/avant la vingt-quatrième l’anticorps place la grossesse dans une situation à risque d’anémie
heure, et 300 ␮moles entre la vingt-quatrième et la quarante- fœtale, un suivi échographique Doppler spécialisé (PSV-ACM) est
huitième heure) ou chez les nouveau-nés fragiles (prématurité, alors à organiser avec un rythme habituellement hebdomadaire
infection, hypoxie ou acidose, etc.) [30, 32, 33] . Il faut regretter que (risque d’activation imprévisible). Il est associé au-delà de 32 SA à
ces dosages (BIE et BNL) restent non disponibles dans nombre une surveillance du rythme cardiaque fœtal.
d’établissements (cf. supra). Il est important que le couple soit de plus référé au centre de
Si le taux de bilirubine libre au cordon atteint ou dépasse diagnostic prénatal régional qui aura à organiser les éventuels
60 ␮moles/l, un traitement doit être débuté sans délai avec une actes transfusionnels avec les centres de compétence et le CNRHP,
efficacité rigoureusement contrôlée (dosage de bilirubine toutes mais aussi à programmer la naissance dans un environnement
les 6 heures dans les premières 24 heures). Il s’agit de s’assurer que obstétricopédiatrique et transfusionnel adapté.
la progression de l’hyperbilirubinémie est limitée par la thérapeu- C’est au prix d’une surveillance rapprochée et spécialisée que
tique choisie. ces grossesses à risque aboutissent à la naissance à terme d’un
La surveillance de l’évolution de l’hyperbilirubinémie chez tout enfant en bonne santé.
nouveau-né suspect d’IFME doit être précoce (dès la salle de nais-
sance) et rapprochée (toutes les 6 heures dans les incompatibilités)
dans les 3 premiers jours et enfin prolongée pendant les 7 premiers
jours de vie car l’hémolyse se poursuit. Cette surveillance doit
“ Point fort
être objective pour permettre un suivi évolutif donc basé sur
des dosages sanguins de bilirubine. L’usage de la bilirubinomé- Anticipation de la prise en charge néonatale des
trie transcutanée peut être proposé avant la mise en place d’un IFME
traitement par photothérapie si l’enfant ne présente pas d’ictère • Mère avec RAI positive et anticorps identifié comme à
à la naissance ; en revanche, une fois la photothérapie débutée, la
risque fœtal :
bilirubinométrie transcutanée ne peut plus être utilisée pour sur-
veiller l’ictère car la corrélation bilirubinométrie transcutanée et ◦ évaluation pédiatrique dès la naissance ;
plasmatique est perturbée par l’interaction peau-lumière. Enfin, ◦ bilan biologique au cordon à h0 : groupe sanguin et
en cas de traitement de l’ictère, il convient dans les premières test direct à l’antiglobuline, numération formule san-
48 heures de l’évolution des IFME de surveiller toutes les 6 à guine et réticulocytes, bilirubine ;
8 heures la réponse à la thérapeutique sur un dosage sanguin de ◦ CGR compatible disponible ;
bilirubine. ◦ photothérapie intensive prescrite dès h1 de vie.
• Mère de groupe O :
◦ dépistage précoce de l’ictère par bilirubinomètre
transcutané, au mieux dès sortie de salle de naissance,
 Prise en charge (et surveillance) en particulier si la peau est foncée ;
◦ photothérapie intensive prescrite dès le diagnostic de
des IFME pendant la grossesse l’ictère.
Schéma de surveillance d’une grossesse
immunisée
Du dépistage à la surveillance Fin de grossesse
Rappel Dans tous les cas, y compris dans les formes n’ayant pas néces-
L’application du calendrier réglementaire des RAI dans le suivi sité de transfusion in utero, il n’existe aucun bénéfice à prolonger
de toute grossesse permet de dépister la présence d’un anticorps la grossesse au-delà de 37 SA, ce qui permet d’éviter au maximum
maternel dirigé contre les groupes sanguins autres que A et B. les difficultés d’adaptation en rapport avec la prématurité.
Si la RAI en cours de grossesse se révèle positive, l’anticorps en En effet, le transfert placentaire des anticorps augmente de
cause doit être identifié. Si cet anticorps peut avoir un impact sur manière importante au cours de la grossesse et aboutit à terme
l’enfant (en anténatal ou postnatal), il convient, chez la femme à des concentrations beaucoup plus élevées dans la circulation
enceinte, d’obtenir un titrage et un dosage pondéral dans un labo- fœtale que dans la circulation maternelle.
ratoire de référence [11–13] . Même en l’absence d’anémie in utero, le processus hémoly-
Parallèlement, il est important de déterminer sans délai le carac- tique se majore de manière constante en période néonatale et
tère homo- ou hétérozygote du père de l’enfant. nécessite une prise en charge pédiatrique spécialisée immédiate,

EMC - Pédiatrie 11
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

RAI positive au premier trimestre

Identification anti-D

Génotypage RHD fœtal sur


Titrage et dosage
sang maternel à partir de 12 SA

Si fœtus RHD négatif Si fœtus RHD positif Anti-D < 1 μg/ml (250 UCHP/ml) Anti-D > 1 μg/l

Surveillance levée Surveillance échographique standard Surveillance hebdomadaire dès 18 SA


Dosage + titrage anti-D tous les Échographie + vélocimétrie Doppler
15 jours à partir de 18 SA Dosage + titrage anti-D tous les 15 jours
à partir de 18 SA

Figure 3. Arbre décisionnel. Grossesse avec allo-immunisation anti-RH1 (anti-D). RAI : recherche d’agglutinines irrégulières ; SA : semaines d’aménorrhée
(d’après A. Mailloux).

comportant dans tous les cas au moins une photothérapie inten- dans un environnement pédiatrique expérimenté permet ainsi le
sive dès les premières heures de vie. Il doit faire discuter d’une recours immédiat à une césarienne en cas de complication per-
transfusion, voire d’une exsanguinotransfusion selon les taux opératoire du geste transfusionnel.
d’hémoglobine, de bilirubine libre en postnatal immédiat et de Les étapes préalables au geste technique sont fondamentales
leur évolution au cours des premières heures. et font appel à la collaboration avec les équipes biologiques et
Chez les fœtus ne présentant pas de signe d’anémie sévère transfusionnelles.
d’après l’échographie-Doppler, les modalités d’accouchement Le sang doit être soigneusement sélectionné afin d’assurer la
sont celles d’un fœtus « à risque », même s’il n’y a pas de contre- compatibilité avec le sang maternel et le sang fœtal. Il est donc
indication a priori à l’accouchement par les voies naturelles ni nécessairement de groupe O sans hémolysine et Kell négatif choisi
au déclenchement du travail ou à la maturation du col utérin en respectant le phénotype sanguin maternel.
sous surveillance continue du rythme cardiaque fœtal, les déci- Le CGR (déleucocyté selon la législation) doit être qualifié CMV
sions d’extraction fœtale ne devant pas être retardées en cas de négatif, irradié (prévention de la réaction greffon contre hôte),
survenue d’anomalies du rythme. et frais (si possible moins de 5 jours et au maximum prélevé de
Un résumé de surveillance (exemple de l’immunisation anti- 8 jours). Il est préparé pour avoir un hématocrite dépassant 70 %
RH1) est illustré sur la Figure 3. afin de limiter au minimum le volume à transfuser et la surcharge
volémique avec correction de l’anémie.
Déroulement de la transfusion fœtale. Le geste lui-même
Traitement de l’anémie fœtale : transfusions débute après abord fœtal par l’obstétricien sous échographie au
in utero (TIU) niveau de la veine ombilicale, de préférence à l’insertion ou
proche de l’insertion choriale.
Les premières transfusions fœtales ont été réalisées par voie Le premier temps consiste en une ponction de sang fœtal
intrapéritonéale fœtale avant l’avènement de l’échographie (sous et l’obtention du taux d’hémoglobine fœtale par un analyseur
repérage radiologique du fœtus avec injection de produit de extemporané type Hemocue® . L’anémie ayant été confirmée, le
contraste) et étaient très aléatoires. Puis, les premières transfu- geste de transfusion peut démarrer immédiatement après curarisa-
sions fœtales intravasculaires furent réalisées sous fœtoscopie à la tion du fœtus. Sur le premier prélèvement sont réalisés a postériori
fin des années 1970, et sous échographie dans les années 1980. une numération formule sanguine avec détermination des réti-
Cette simplification de l’abord sanguin fœtal a permis de révolu- culocytes, ainsi qu’une détermination de groupe sanguin avec
tionner le pronostic des fœtus anémiques, plus particulièrement phénotype Rh-Kell et test direct à l’antiglobuline sur le prélè-
celui des IFME [2, 49] . vement de sang fœtal avant le premier acte transfusionnel. Le
volume de chaque échange ne doit pas dépasser 5 ml/kg, et se fait
Transfusion fœtale intravasculaire en va-et-vient grâce à un robinet à quatre voies.
La quantité totale de sang à transfuser peut être estimée à
La transfusion fœtale par abord du cordon sous guidage
l’aide d’abaques ou de formules faisant intervenir l’âge gestation-
échographique est la technique de référence actuelle. Elle est tech-
nel, le poids fœtal estimé, le taux d’hémoglobine initial, le taux
niquement faisable de manière habituelle à partir de 20 SA. À des d’hémoglobine recherché et l’hématocrite du sang contenu dans
termes plus précoces, elle devient techniquement délicate et fait la poche du culot globulaire. En pratique, au CNRHP le taux
parfois envisager une transfusion par voie intrapéritonéale fœtale. d’hémoglobine fœtale est contrôlé en extemporané de manière
À l’inverse, à des termes plus avancés, la décision de provoquer la répétée au cours de la TIU à l’aide d’un Hemocue® afin de gui-
naissance peut être une alternative à la transfusion intravasculaire, der le geste, et le taux d’hémoglobine final est fixé en fonction
même si de l’expérience du CNRHP un acte transfusionnel fœtal du taux d’hémoglobine en début d’acte (l’objectif étant relati-
est tenté (si les conditions sont favorables) jusqu’à 34 SA, permet- vement plus bas que le taux initial est bas) et de la tolérance
tant d’éviter que la prématurité s’ajoute à l’anémie au moment de fœtale [50] .
l’adaptation à la vie extra-utérine.
Modalités de la TIU Risques liés à la TIU
La TIU est réalisée dans des conditions strictes d’asepsie chi- Malgré les progrès liés aux techniques d’abord du cordon et à
rurgicale. Lorsque l’âge gestationnel permet d’envisager une la qualité de l’imagerie échographique, la transfusion fœtale reste
extraction fœtale, la réalisation du geste au bloc opératoire un geste invasif non dénué de risques.

12 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Une des difficultés est de distinguer les complications liées à les transfusions intrapéritonéales efficaces décrites ont été sui-
l’acte transfusionnel de celles liées à la gravité de la pathologie vies de transfusions intravasculaires dès que l’âge gestationnel le
sous-jacente. permettait.
Ainsi, pour un même taux d’hémoglobine fœtale, l’existence
d’une anasarque est associée à un pronostic plus péjoratif qu’une
anémie isolée, dépistée précocement sur la seule élévation du PSV-
ACM dans le cadre du suivi longitudinal d’une allo-immunisation Pronostic à long terme de l’anémie fœtale
par exemple. Dans les séries importantes de TIU, le taux de pertes Le pronostic d’une IFME avec anémie fœtale profonde est géné-
fœtales peut être estimé à environ 3 % par procédure [51] . Dans ralement considéré comme bon lorsque la tolérance fœtale a été
l’expérience de l’équipe obstétricale de la maternité de l’Hôpital bonne lors du geste transfusionnel et que l’on observe la régres-
Saint-Antoine, le taux de pertes fœtales liées au geste de TIU sion des symptômes d’anasarque. Les séries prospectives de suivi
était très similaire, de 2,8 % par procédure [24] . Ce risque doit être des enfants nés après TIU rapportent un développement cérébral
rapporté au nombre de TIU nécessaires tout au long de la gros- normal dans 90 % à 98 % des cas en l’absence d’anasarque contre
sesse. Lorsque la survenue de l’anémie est très précoce, quatre 70 % à 75 % en cas d’anasarque présent à la première transfu-
ou cinq transfusions peuvent être nécessaires au cours d’une sion [55, 56] .
seule grossesse, amenant le risque de complication fatale à près
de 15 %.
Les complications sévères, voire la mort fœtale, peuvent être
provoquées par une thrombose, une dissection ou un hématome
des vaisseaux du cordon, une hémorragie au point de ponc-  Prise en charge et surveillance
tion, une HFM ou encore un hématome rétroplacentaire. Plus
rarement, le geste peut être responsable d’un accouchement pré-
des IFME après la naissance
maturé ou d’une rupture prématurée des membranes. Le risque de Règles générales
complication grave doit être systématiquement envisagé en cas de
mauvaise tolérance fœtale de l’acte, notamment lorsque la TIU est Choix du terme de grossesse et du lieu
réalisée à un âge gestationnel de viabilité de l’enfant et faire alors de naissance
discuter une extraction.
Dans l’éventualité de complications survenant au cours ou Dans tous les cas d’IFME diagnostiquées in utero, y compris
au décours de l’intervention, les mesures préventives des dans les formes n’ayant pas nécessité d’acte transfusionnel
complications de la prématurité doivent être mises en œuvre dès fœtal, il n’existe aucun bénéfice à prolonger la grossesse au-
la programmation d’un acte transfusionnel fœtal : cure de cor- delà de 37 SA (cf. supra). La MHNN peut et doit être anticipée
ticoïdes, réalisation de la TIU dans un centre périnatal de type (RAI maternelles positives avec anticorps identifié à retentisse-
3 avant 32 SA et réalisation du geste au bloc opératoire afin de ment néonatal, antécédents de MHNN sévère dans la fratrie,
permettre une césarienne en urgence le cas échéant. suspicion d’anémie à l’entrée en salle de naissance, etc.).
Ainsi, la naissance doit avoir lieu dans un environnement
néonatal expérimenté en prise de charge des IFME et transfu-
Âge gestationnel « avancé » : TIU ou extraction sionnelle. Des produits sanguins labiles doivent être facilement
fœtale ? disponibles.
L’anémie fœtale est une des rares pathologies curables, per- En cas de découverte postnatale d’une anémie et/ou d’un ictère,
mettant de maintenir le fœtus in utero et de gagner en dès qu’une origine hémolytique est évoquée (cf. supra), les capa-
âge gestationnel au lieu d’envisager une extraction prématu- cités locales de prise en charge doivent être évaluées au regard du
rée comme dans de nombreuses autres pathologies fœtales. bénéfice d’un éventuel transfert précoce vers une structure de soin
Néanmoins, passé le stade de grande prématurité, l’évaluation plus adaptée. En dehors de la prise en charge thérapeutique qui
bénéfices/risques doit être soigneusement pesée. Klumper et al. [52] doit être démarrée sans tarder (rapidité de l’évolution), il convient
ont comparé le pronostic transfusions in utero réalisées avant de mener parallèlement et d’emblée une démarche diagnostique
et après 32 SA. Le taux de pertes fœtales avant 32 SA était de étiologique du tableau observé.
3,2 % par intervention, alors qu’au-delà de cet âge gestation- Toute MHNN symptomatique doit imposer une lecture des
nel il n’était « plus » que de 1,0 %. Le pronostic global était résultats des RAI maternelles les plus récentes voire une réalisation
meilleur chez les fœtus ayant reçu des TIU au-delà de 32 SA que de nouvelles RAI.
chez ceux n’ayant été transfusés qu’avant ce terme. Ce meilleur Il est toujours très important d’assurer des prélèvements à visée
pronostic s’explique sans doute en partie par le terme de nais- étiologique chez le nouveau-né avant toute thérapeutique trans-
sance plus avancé des fœtus ayant bénéficié de TIU « tardives ». fusionnelle, qui annule toute potentielle démarche diagnostique
Il existe également un biais lié au fait que les fœtus ayant été ultérieure.
transfusés avant 32 SA avaient probablement des formes beau-
coup plus sévères que les autres. Néanmoins, cette étude montre
qu’en cas d’anémie fœtale traitée avec succès avant 32 SA, la
Cas particuliers des IFME ayant bénéficié
meilleure prise en charge n’est certainement pas d’envisager
une extraction prématurée systématique des fœtus anémiques d’un traitement in utero
par IFME. Les enfants nés dans un contexte d’IFME ayant bénéficié
d’une prise en charge transfusionnelle in utero (dépassant deux
Âge gestationnel très précoce : transfusion actes transfusionnels) vont habituellement présenter une mala-
die hémolytique néonatale immédiate plus atténuée sur le plan de
intrapéritonéale
l’ictère (disparition des globules rouges recouverts d’anticorps). En
À des termes inférieurs à 20 SA, la réalisation d’une transfu- revanche, ils vont avoir une dépendance transfusionnelle prolon-
sion fœtale intravasculaire est délicate et comporte des risques gée avec anémie itérative sans réticulocytose, pendant plusieurs
accrus de complications fœtales. Certains cas isolés font état de semaines voire mois (n’excédant pas 3 mois habituellement) par
succès de TIU par voie péritonéale fœtale à des termes très pré- sidération médullaire ; ce risque est proportionnel au nombre de
coces. Plusieurs équipes ont eu recours à cette voie et ont fait état transfusions fœtales La prise en charge initiale est donc plus souple
de succès à des termes de 14 à 18 SA [53, 54] . Malheureusement, cet mais le suivi doit être prolongé [34, 35, 57] .
abord n’est pas possible en cas d’épanchement intrapéritonéal, S’ils sont réalisés à la naissance, le groupe sanguin et le
et perd de son efficacité avec la répétition. L’abord intrapérito- test direct à l’antiglobuline peuvent donner des résultats sur-
néal ne permet pas de mesurer le taux d’hémoglobine fœtale, prenants si les antécédents transfusionnels fœtaux ne sont pas
ni avant ni après la transfusion, et le succès ne peut donc être précisés et connus. Les résultats devront être conclus avec
apprécié que sur des signes indirects et parfois subjectifs. Toutes prudence.

EMC - Pédiatrie 13
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

Anémie confirmée
“ Point fort Une indication transfusionnelle peut être posée dès la salle de
naissance si l’anémie est confirmée.
Une anémie profonde et mal tolérée est toujours possible, sup-
• Une IFME doit être suspectée chez tout nouveau-né : posant donc une disponibilité de CGR adapté en extemporané.
◦ dont la mère a des RAI positives ; Dans l’urgence et selon les bonnes pratiques transfusionnelles,
◦ qui présente une anémie périnatale ou néonatale pré- on sélectionne un CGR de groupe O, en respectant les RAI de
coce ou évolutive, anémie régénérative sauf pour les la mère. Si la mère est de groupe RH1 et qu’une immunisation
anti-KEL ; anti RH-4 ne peut être exclue, il convient de ne pas utiliser de
CGR de groupe RH : -1 (rhésus D négatif) dont le phénotype est
◦ avec un ictère précoce, rapidement progressif ou
probablement RH4 positif.
d’évolution prolongée (à rebonds ou résistant à la L’évaluation de l’anémie peut être effectuée très facilement
photothérapie). grâce à l’utilisation de l’Hémocue® (dont disposent toujours les
• L’IFME est confirmée à la naissance par le test direct anesthésistes d’une maternité).
à l’antiglobuline (ou test de Coombs direct) positif et La correction à apporter pour rétablir un équilibre hémodyna-
l’élution identifiant des anticorps irréguliers. mique est une correction partielle du taux d’hémoglobine qui
• Dans les IFME de spécificité ABO, le test direct à peut être effectuée en transfusion simple. Le recours à la tech-
l’antiglobuline peut être négatif, mais l’élution est positive nique d’exsanguinotransfusion partielle en CGR pur (et non en
à anti-A ou anti-B. sang total reconstitué) doit être discutée seulement sur terrain fra-
gile ou pour des anasarques sévères, car ce geste d’échange est à
l’origine d’une thrombopénie qui peut aggraver des troubles de
l’hémostase et ne corrige pas l’hyperbilirubinémie. Dans les ané-
mies graves des IFME avec ictère sévère, il est recommandé de
recourir à la transfusion simple pour une correction partielle de
En salle de naissance la dette en hémoglobine et de relayer ce geste par une exsangui-
Diagnostic d’incompatibilité fœtomaternelle notransfusion en sang total lorsque le sang total reconstitué est
érythrocytaire préexistant disponible.

Si le diagnostic d’IFME préexiste à la naissance, la prise en


charge adaptée a été anticipée et démarre dès les premières Premières heures
minutes de vie.
L’examen clinique soigneux permet de juger de la qualité de Prise en charge de l’ictère
l’adaptation, mais aussi si l’enfant présente ou pas des signes
Photothérapie
d’hémolyse : coloration jaune (plus visible à la vitropression et en
cas d’anémie), pâleur pas toujours en conformité avec le dosage Son mécanisme d’action repose sur le fait que l’énergie
d’hémoglobine), hépatosplénomégalie. lumineuse dispensée à la peau par les dispositifs de pho-
Trois examens biologiques permettent de compléter tothérapie est absorbée par la bilirubine (libre liposoluble)
l’évaluation de l’enfant sur un minimum de prélèvement : localisée dans les tissus cutané et sous-cutané (de façon
dosage de bilirubine sur prélèvement de sang de cordon ; sur maximale dans le spectre bleu allant de 430 à 490 nm).
ce dernier prélèvement peut aussi être réalisé un test direct à L’énergie lumineuse transforme la bilirubine libre en photodéri-
l’antiglobuline qui confirme l’incompatibilité ; enfin, une mesure vés dont l’élimination se fait indépendamment de la conjugaison
extemporanée de l’hémoglobine par Hémocue® (équipement hépatique.
généralisé dans les équipes d’anesthésie) permet d’évaluer la L’efficacité des dispositifs dépend de plusieurs facteurs résumés
profondeur d’une anémie et son existence (même si ce dosage est sur la Figure 4 d’après Maisels et McDonagh [58] :
peu précis). • l’irradiance, intensité lumineuse dispensée à la peau qui est
variable avec la qualité et le design de la source lumineuse mais
Constatations cliniques évocatrices aussi avec la distance source/plan de traitement ;
• la surface cutanée exposée ;
Sans anticipation prénatale de l’IFME, une telle pathologie doit • la pigmentation de la peau ;
être évoquée devant certaines constatations cliniques : • la bilirubinémie à l’initiation de la thérapeutique ;
• toute anémie néonatale constatée à la naissance ou suspec- • la durée de traitement.
tée sur des anomalies de rythme, particulièrement le rythme Retenons néanmoins de ce résumé que la photothérapie est un
sinusoïdal pathognomonique d’anémie fœtale, menant à une traitement uniquement symptomatique de l’hyperbilirubinémie.
extraction de l’enfant, sans délai ; S’il n’y a pas de réelle preuve d’un intérêt de la photo-
• un ictère plus évident si associé à une pâleur anémique, même thérapie prophylactique dans les situations d’incompatibilités
s’il est rarement flagrant dans les premières heures, sauf en érythrocytaires [34, 59] , l’extraordinaire rapidité d’évolution de
cas d’examen attentif du cordon (cf. supra). L’hémolyse des l’hyperbilirubinémie dans les incompatibilités RH1, RH4 et
incompatibilités a débuté dès la vie intra-utérine et se poursuit ABO (pouvant atteindre 200 à 300 ␮moles/l dès la douzième
à une vitesse propre à chaque sujet mais l’intensité de celle- heure de vie) justifie la mise en place d’une photothéra-
ci peut être anticipée par les données anténatales de gravité pie dans un délai le plus court possible après la naissance.
de l’IFME de spécificité rhésus (titrage et dosage des anticorps Cette conduite à tenir permet d’éviter de se laisser dépas-
et évolution dans les dernières semaines, vélocimétrie Doppler ser par une hyperbilirubinémie évolutive échappant à la
de l’artère cérébrale). Pour les incompatibilités ABO, particu- surveillance.
lièrement chez les nouveau-nés à peau foncée chez lesquels le Le rappel du mécanisme d’action de la photothérapie permet de
dépistage visuel de l’ictère est impossible, l’usage du bilirubino- comprendre pourquoi dans les IFME caractérisées par une majo-
mètre transcutané dès l’arrivée de l’enfant en suites de couche ration de la production de bilirubine, cette thérapeutique doit
puis répété toutes les 6 à 8 heures est recommandé pour iden- être appliquée en continu (séances de 3 à 4 heures s’enchaînant
tifier précocement un ictère hémolytique et optimiser sa prise avec une interruption courte pour l’alimentation et le change, soit
en charge. 30 minutes dans les formes sévères) et instaurée le plus précoce-
Dans ce contexte, outre l’examen clinique et les trois données ment possible après la naissance, sans attendre que l’ictère soit
biologiques citées (cf. supra), il convient de demander un contrôle visuellement franc.
de RAI maternelles si celles-ci datent de plus de 8 jours et une En complément, les abaques d’indications de photothérapie
recherche d’HFM (test de Kleihauer par exemple) pour assurer un disponibles dans la récente littérature [60, 61] précisent bien que les
diagnostic différentiel d’origine de l’anémie. situations d’incompatibilités sont des facteurs de gravité imposant

14 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Pénétration cutanée croissante

459
Spectre lumineux :
bleu le plus efficace
surtout ± 460 nm

380 430 480 530 580 630


Longueur d’onde (nm)
A

Source lumineuse

Irradiance :
Distance : optimiser
- standard : 3 mW/cm²
l’irradiance et réduire
- intensive : 4-5 mW/cm²
la distance
avec radiomètre Babyblue®
source/patient

Source lumineuse
Surface cutanée exposée : optimisée en plaçant
une source lumineuse au-dessus et sous l’enfant
B
Figure 4. Facteurs influençant l’efficacité de la photothérapie de l’hyperbilirubinémie néonatale (d’après Maisels et McDonagh [58] )(A, B).

la vitesse d’hémolyse peut être considérable et que ces

“ Point fort optimisations ne doivent être proposées que si l’enfant pour


des raisons médicales (détresse respiratoire par exemple) ne
peut accéder au berceau 360® ou au BiliCrystal duo® . Dans
ces cas, l’évolution de la bilirubinémie doit être surveillée
Photothérapie
toutes les 6 heures et une exsanguinotransfusion préparée en
• La photothérapie est un traitement symptomatique de
cas d’indication déduite d’une évolution non optimale sous
l’hyperbilirubinémie. photothérapie [60, 61] .
• Son efficacité dépend de l’intensité de l’énergie lumi- La surveillance rapprochée de l’efficacité de la photothérapie
neuse dispensée à la peau, de la surface exposée et de la est indispensable car dans les IFME l’évolutivité de l’hémolyse
durée d’exposition. est individuellement imprévisible, un bilan sanguin toutes les
• Dans les ictères par hémolyse donc dans les IFME, la 6 heures est à prévoir pendant les 72 premières heures ; cet inter-
photothérapie intensive est le gold standard. Elle doit être valle court est modulé selon l’évolution. L’interruption de la
appliquée de façon précoce et continue. Une interruption photothérapie ne doit se faire qu’après les 72 premières heures si le
de la photothérapie n’est possible que si le dosage de bili- taux de bilirubine s’est stabilisé sous photothérapie à 150 ␮moles/l
ou moins depuis 24 heures.
rubine non conjuguée est 50 ␮mol/l en dessous du seuil
L’usage d’un bilirubinomètre transcutané pour cette sur-
d’indication. veillance précoce après photothérapie n’est pas recommandé (cf.
• La vitesse et l’intensité de l’hémolyse des IFME imposent supra). Il faut être très prudent dans les décisions d’arrêt de
une surveillance de l’efficacité de la photothérapie par photothérapie dans les 72 premières heures car un second pic
dosage de bilirubine toutes les 6 à 8 heures pendant les d’hyperbilirubinémie (peut-être lié au relargage d’anticorps dans
3 premiers jours d’évolution et 12 heures après tout modi- la circulation à partir des tissus) se manifeste presque toujours
fication de la photothérapie. entre 2 et 3,5 jours postnatals (analyse rétrospective des mala-
dies hémolytiques rhésus néonatales sur 5 ans au CNRHP, non
publiée).
Enfin, dans les 10 premiers jours postnatals, toute inter-
ruption de la photothérapie peut être suivie d’un rebond
une indication plus précoce et plus large de la photothérapie, et d’hyperbilirubinémie (défini comme une augmentation du taux
le choix préférentiel de photothérapie intensive. de bilirubine de plus de 30 ␮moles/l dans les 24 heures suivant
La photothérapie intensive de type berceau 360® ou BiliCrystal l’interruption) qui doit donc être surveillé [62] .
duo® , voire rampes LED à haute énergie exposant les deux faces
de l’enfant (nombreux développements en cours) pour respecter Discuter une exsanguinotransfusion
la définition de l’AAP 2004 (photothérapie à haute énergie dispen- L’exsanguinotransfusion a été longtemps la thérapeutique de
sée, irradiance plus de 30 ␮W/cm2 /nm, soit dépassant 4 mW/cm2 recours dans la MHNN quand prédominaient les présentations
avec un radiomètre Babyblue® , appliquée sur le maximum de sur- cliniques sévères (ictère et anémie), et les découvertes néonatales.
face possible), est la modalité de photothérapie qui s’impose dans L’exsanguinotransfusion correspond à un échange de deux
les IFME puisque c’est celle qui offre le maximum d’efficacité dans masses sanguines par du sang total reconstitué : mélange à héma-
la lutte contre l’hyperbilirubinémie [58] . tocrite entre 45 % et 55 % de CGR de groupe O sans agglutinines,
Prendre en charge un ictère hémolytique en utilisant des dis- le plus frais possible (idéalement de moins de 5 jours), KEL néga-
positifs de photothérapie conventionnelle suppose que celle-ci tif, CMV négatif, irradié, avec du plasma de groupe AB. Cette
soit « optimisée » dans l’irradiance administrée en « rapprochant » exsanguinotransfusion se fait sur une voie centrale de bon calibre,
les lampes de l’enfant, d’utiliser des surfaces réfléchissantes. le plus souvent cathéter veineux ombilical (Ch 5 minimum chez
Mais il faut reconnaître que le risque d’échappement de le nouveau-né à terme) par échanges successifs de 5 à 10 ml avec
l’hyperbilirubinémie à la thérapeutique est important car une vitesse de 2 à 5 ml/kg et par minute. Il permet de corriger

EMC - Pédiatrie 15
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

une anémie profonde ou mal tolérée sans aggraver une défaillance possible. Aussi il est très important d’assurer des tétées régulières,
hémodynamique, mais surtout de soustraire l’excès de bilirubine les plus efficaces possible (induction de la glycuronyl transfé-
plasmatique, voire en théorie une partie des anticorps circu- rase) et précoces pour tous ces enfants. Il est ainsi démontré que
lants ; ces deux derniers éléments ne sont démontrés que pour pour les enfants nourris au sein et déshydratés, une supplémen-
un échange lent des deux masses sanguines sur environ 1 h 30 à tation d’apport lacté (et non simplement hydrique) va améliorer
2 heures [63] . l’efficacité de la photothérapie, limiter la dette énergétique et ren-
Des critères d’indications d’exsanguinotransfusion spécifiques forcer la mise en place de l’allaitement maternel [58] . Il ne faut
aux maladies rhésus existent [64] , prônant un recours précoce à pas oublier que la photothérapie équipée de tubes fluorescents
cette technique sur l’évolution selon l’âge postnatal en heure du (qui dégagent de la chaleur à la différence des LED qui sont de
taux de bilirubine. Les améliorations diagnostiques et thérapeu- la lumière froide) augmente les pertes hydriques insensibles et
tiques dans les MHNN ont permis de réduire considérablement le doit s’accompagner d’une majoration des apports hydriques, sur-
nombre d’exsanguinotransfusions néonatales réalisées au point tout chez les enfants les plus fragiles (prématuré, petit poids de
que la jeune génération pédiatrique n’a pas de pratique de ce naissance) [67] .
geste. Enfin, actuellement l’approvisionnement en produits san- Immunoglobulines intraveineuses polyvalentes (IGIV).
guins et la reconstitution de sang total est aussi un facteur limitant Même si le mécanisme d’action exact des IGIV n’est pas déter-
de l’exsanguinotransfusion, grevant les indications d’un délai de miné (augmentation du catabolisme des IgG, blocage des
6 à 12 heures qui doit être mis à profit pour réaliser un « test récepteurs macrophagiques aux IgG) un blocage de l’hémolyse
thérapeutique » de la photothérapie intensive. Si le bilan à 4 a été démontré avec ce traitement par l’équipe de Kaplan, effet
ou 6 heures est positif (chute significative du taux de bilirubine, néanmoins limité à la précocité d’administration dans l’évolution
en dessous des valeurs d’indications d’exsanguinotransfusion), du processus hémolytique [68] .
on peut annuler l’indication d’exsanguinotransfusion sans gre- Plusieurs publications d’utilisation clinique des IGIV montrent,
ver le pronostic à long terme [65] . Ainsi, au travers de la littérature sur des petits effectifs, la réduction des indications d’exsanguino-
on peut constater que dans les seules maladies rhésus le taux transfusion dans les incompatibilités rhésus, mais aussi de la durée
d’exsanguinotransfusions varie de 20 % à 70 % avec une morbi- d’hospitalisation et de photothérapie [69–72] .
dité de cette technique pouvant atteindre 24 % et une mortalité S’appuyant sur ces résultats, les experts de l’Académie améri-
non nulle [34, 35, 66] . caine de pédiatrie ont proposé dans leurs recommandations 2004
Dans la mesure où la morbidité de cette technique peut l’usage des IGIV à la dose de 0,5 à 1 g/kg, en cas de progres-
atteindre 24 %, que la mortalité n’est pas nulle et qu’enfin la sion de l’hyperbilirubinémie dans les ictères hémolytiques malgré
préparation des produits sanguins nécessaires prendre plusieurs une photothérapie intensive bien conduite ou si le taux de bili-
heures, l’indication d’une exsanguinotransfusion doit être discu- rubine est à 35-50 ␮moles/l du seuil d’exsanguinotransfusion [60] .
tée. En revanche, les recommandations du Royaume-Uni de 2010 ne
En dehors des MHNN rhésus non traitées découvertes à la préconisent pas l’usage des IGIV dans ce contexte d’IFME [61] , ce
naissance et des MHNN ABO très sévères résistantes à la photo- traitement peut être discuté pour les experts. Il faut reconnaître
thérapie intensive, l’indication d’exsanguinotransfusion ne doit que pour les incompatibilités ABO, peu de données existent et que
pas être systématique et chaque situation clinique doit être éva- les critères d’indication d’exsanguinotransfusion des études sont
luée individuellement au regard des capacités de défense de peu cohérents [68, 71–73] .
l’enfant vis-à-vis de l’hyperbilirubinémie (âges gestationnel et De plus, les deux récentes méta-analyses de l’usage des IGIV
postnatal, état nutritionnel et d’hydratation) et de l’évolutivité dans les processus hémolytiques néonataux concluent à la néces-
de l’hyperbilirubinémie. La plupart des situations sont maitrisées sité de conduire des études randomisées avant de diffuser l’usage
avec l’association photothérapie intensive continue et transfusion des IGIV dans toutes les situations d’IFME. En effet, les moda-
simple de CGR. lités de photothérapie intensive continue ont fait augmenter
Pour mémoire, la présence de signes neurologiques associés à l’efficacité de cette thérapeutique de façon drastique réduisant
l’hyperbilirubinémie quelle qu’en soit l’origine reste une indica- le nombre d’indications d’exsanguinotransfusion. Les doses indi-
tion absolue d’exsanguinotransfusion [60] . quées varient de 0,5 à 1,5 g/kg en perfusion unique ou fractionnée,
Les seuils de bilirubinémie qui servent d’indications doivent à 12-24 heures d’intervalle [71, 72] . Il s’agit enfin de médicaments
être un choix d’équipe. Le travail de l’Académie américaine de dérivés du plasma, de produits coûteux, et des effets secondaires
pédiatrie en 2004 est largement diffusé et maniable, en définis- à type d’entérocolites parfois sévères ont été rapportés récem-
sant pour les plus de 35 SA les indications en fonction de l’âge ment par une équipe après analyse rétrospective [74] . Actuellement,
gestationnel et de facteurs aggravants cliniques. Les IFME font cet effet secondaire est très discuté et peut être lié aux moda-
partie des facteurs aggravants de toxicité neurologique du fait de lités d’administration et au produit choisi. De plus, une étude
la rapidité de l’évolution de l’hyperbilirubinémie et font antici- récente randomisée dans la maladie rhésus [75] met en doute
per les indications thérapeutiques. Pour ce groupe d’experts, un l’efficacité des IGIV qui avait pourtant été reconnue dans ce type
recours précoce et systématique à l’exsanguinotransfusion n’est d’incompatibilité.
pas conseillé, même dans les ictères par IFME [60] . D’autres recom- Aussi, l’indication des IGIV devrait être limitée à des formes
mandations existent (Royaume-Uni et Norvège) dans lesquelles graves d’incompatibilités (cf. supra) et sans doute à celles qui ne
l’IFME reste la seule indication néonatale des exsanguinotrans- peuvent bénéficier dans les premières heures de vie d’une pho-
fusions et avec des seuils d’indication plus « faciles » du fait tothérapie intensive voire d’une exsanguinotransfusion. Pour les
de la clairance théorique des anticorps circulants attribuée à ce incompatibilités ABO, il convient d’être encore plus réservé car le
geste [61, 65] . nombre de patients dans les études disponibles est très faible et
Certaines équipes ont étudié l’impact sur le nombre la gravité de l’hémolyse est moins facilement prévisible que dans
d’exsanguinotransfusions dans les maladies rhésus de cette les maladies rhésus.
prise en charge moins systématique. Il apparaît que 88 % des Phénobarbital. Des études récentes ne semblent pas en faveur
exsanguinotransfusions étaient réalisées dans les 12 premières d’un effet additionnel du phénobarbital, inducteur enzyma-
heures de vie, et que la réalisation concernait 69 % avant et 20 % tique, par rapport à l’usage de la photothérapie intensive [76] .
des maladies rhésus après le changement de politique. Il n’y a En revanche, Trevett et al. avec une analyse rétrospective
pas par ailleurs d’influence observée des actes transfusionnels in de l’administration maternelle anténatale de phénobarbi-
utero sur le nombre d’indications [66] . tal montrent une réduction de l’incidence des exsanguino-
transfusions de 52 % à 9 % dans les maladies rhésus néonatales [77] .
Discuter d’autres thérapeutiques associées De nouvelles études seraient nécessaires pour discuter ces indica-
de l’hyperbilirubinémie tions au regard des dispositifs de photothérapie intensive récents
Alimentation et hydratation. En faisant référence au rappel et particulièrement performants.
du métabolisme de la bilirubine, la mise en place d’un transit Métalloporphyrines. Elles agissent en inhibant l’hème oxy-
efficace fait partie des conditions pour que l’élimination de la génase car elles sont des analogues de l’hème (naturels ou
bilirubine soit optimale et le cycle entérohépatique le plus limité synthétiques) et inhibent ainsi la production de bilirubine.

16 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

L’administration se fait par voie parentérale en une seule dose ou s’il y a transfusion massive (dépassant une masse sanguine)
non renouvelable. Des effets de photosensibilisation ont été ou exsanguinotransfusion. Il devrait être « réduit de volume »
décrits après administration de métaloporphyrines. Si leur effica- pour obtenir un hématocrite dépassant 70 % en cas de risque
cité a été bien démontrée dans les hémolyses corpusculaires [78] , majeur de surcharge volémique ou de transfusion massive. La
une récente méta-analyse conclue à la nécessité d’essais cli- qualification « CMV négatif » est recommandée chez les nouveau-
niques plus nombreux et randomisés avant de recommander nés d’âge gestationnel inférieur à 32 SA et dont la mère n’est
leur usage dans les IFME et autres hyperbilirubinémies non pas immunisée contre le CMV, ce qui est souvent difficile à
conjuguées [79] . déterminer. L’actuelle déleucocytation systématique des produits
Albumine. Seule la BNL (free bilirubin dans la littérature anglo- sanguins labiles semble offrir une sécurité vis-à-vis du CMV ras-
saxonne) peut traverser la barrière hématoencéphalique sans surante même si différente de celle conférée par la qualification
limite. Le dosage de la BNL est le paramètre le mieux corrélé « CMV négatif » [83–85] . On respectera les RAI maternelles de moins
avec le devenir neurologique des enfants hyperbilirubinémiques de trois jours à l’accouchement. Il est recommandé d’utiliser un
et pour nombre d’experts une hypoalbuminémie (< 30 g/l) est CGR compatibilisé, avec le sérum de la mère (si anticipation avant
un facteur aggravant de toxicité à considérer dans l’analyse du la naissance) ou mieux avec le sérum de l’enfant. Enfin, en période
taux de bilirubine plasmatique en vue d’indiquer une thérapeu- néonatale immédiate, le choix d’un CGR de groupe O sans hémo-
tique : photothérapie et exsanguinotransfusion [30, 80] . En théorie, lysine permet d’éviter une hémolyse en cas d’IFME ABO.
l’administration d’albumine peut permettre de réduire la frac- Dans tous les cas, la dose à transfuser est fonction de l’objectif
tion non liée de bilirubine non conjuguée, le temps que la d’hémoglobine fixé et de l’hématocrite du CGR transfusé et
photothérapie fasse décroître suffisamment la bilirubinémie ou non d’un simple calcul en ml/kg afin d’avoir un bon rendement
que l’exsanguinotransfusion puisse être débutée. Par ailleurs, transfusionnel ; ceci pour ne pas multiplier les actes transfusion-
l’albumine administrée par voie intraveineuse va mobiliser la nels chez un enfant promis à un risque d’anémie prolongée
bilirubine des tissus vers le secteur vasculaire, permettant une du fait de l’IFME. En cas de volume à transfuser important, il
élimination plus rapide, et augmentant l’efficacité de la photo- convient d’allonger le temps de perfusion du CGR qui ne doit
thérapie ou de l’exsanguinotransfusion. Néanmoins, le recours néanmoins pas excéder 6 heures après la réception dans l’unité
à des perfusions d’albumine de routine devant une hyperbili- d’hospitalisation, dans le respect des bonnes pratiques transfu-
rubinémie sévère n’est pas validé par la littérature [60, 61, 81] . De sionnelles [83] .
plus, il est démontré qu’une photothérapie efficace permet une
réduction de la concentration circulante des dérivés toxiques de
la bilirubine avant celle de la bilirubine totale [80] . Au CNRHP,
nous disposons du dosage de routine de la BNL [33] , bilirubine
libre non liée, c’est-à-dire la bilirubine non conjuguée non liée
“ Point fort
à l’albumine (free bilirubine des Anglo-saxons). Le dosage de cette
fraction de la bilirubine plasmatique en cas d’ictère néonatal per- Prise en charge néonatale des IFME
met d’objectiver des situations où les « défenses » du nouveau-né • Elle repose sur deux thérapeutiques principales :
sont « déficitaires » face à une hyperbilirubinémie évolutive : albu- ◦ la photothérapie intensive débutée précocement et
mine de l’enfant en quantité ou qualité insuffisante pour faire prolongée ;
face à la bilirubine produite (hémolyse intense ou précoce des ◦ les actes transfusionnels à type essentiellement
IFME, prématurité, déshydratation). Ainsi, lorsque la BNL atteint de transfusions simples. L’indication d’exsanguino-
ou dépasse 1 ␮g/dl, chez l’enfant à terme, de l’expérience du transfusion est devenue exceptionnelle, réservée aux
CNRHP, l’administration d’albumine à 1,5 g/kg (en perfusion sur IFME découvertes sur un ictère sévère ou une ana-
4 heures) va permettre une décroissance de la concentration de
sarque.
BNL de 40 % environ à 6 heures du début de perfusion. La décrois-
• Des thérapeutiques adjuvantes peuvent être discutées :
sance de la BNL est à interpréter comme une intervention efficace
de l’albumine pour fixer la bilirubine en excès, en particulier IGIV, albumine, érythropoïétine.
chez les enfants en difficulté métabolique face à ce pigment (pré-
maturés, hypotrophes, acidose, drogues compétitives associées,
etc.) [80, 82] . Aussi l’albumine devrait-elle faire partie de l’arsenal
thérapeutique.
Après la première semaine
Prise en charge de l’anémie L’hémolyse se poursuit car les anticorps maternels sont présents
L’anémie peut être présente et profonde (< 9 g/dl) à la naissance pendant plusieurs semaines à plusieurs mois dans l’organisme de
et est le principal signe néonatal des immunisations KEL1. Ceci l’enfant.
impose le fait que même si une évaluation du PSV-ACM dans les
heures précédant la naissance a écarté une anémie profonde, un Hyperbilirubinémie
CGR phénocompatible doit être prêt pour la naissance dans tous
L’ictère peut rester sévère de façon prolongée soit au-delà de
les cas où le taux d’anticorps fait craindre une anémie fœtale en
la première semaine (âge auquel l’ictère néonatal par retard de
fin de grossesse.
conjugaison régresse). Un autre profil évolutif de l’ictère doit atti-
Il s’agit d’une anémie hémolytique et évolutive donc qui néces-
rer l’attention vers une IFME : la survenue de récurrences de l’ictère
site une surveillance échelonnée (toutes les 48 à 72 heures) la
à l’arrêt du traitement par photothérapie (rebonds parfois intenses
première semaine pendant l’hospitalisation initiale si la tolérance
d’hyperbilirubinémie). Il convient donc d’avoir une démarche
permet de différer une correction d’emblée.
rigoureuse face à tout ictère récidivant ou prolongé afin de pré-
Les indications transfusionnelles en période initiale sont
ciser une étiologie qui aura parfois des conséquences tant chez le
conformes à celles des recommandations de l’Agence française
nouveau-né que pour sa famille. Il faut aussi surveiller à chaque
de sécurité sanitaire des produits de santé [83] et dépendent bien
rebond d’hyperbilirubinémie l’aggravation ou la survenue d’une
sûr de la tolérance clinique de l’enfant. En pratique, le seuil de
anémie.
8 g/dl dans les 15 premiers jours de vie est un bon indicateur et
ce même si la réticulocytose est importante, car elle va s’épuiser.
En pratique c’est plutôt la corrélation entre la vitesse de chute de
Anémie
l’hémoglobine sur les premiers jours avec celle de l’évolution de L’anémie des IFME est une anémie évolutive car l’hémolyse
l’ictère (et ses rebonds) qui, pondérée par la tolérance clinique, va persiste tant que les anticorps maternels sont présents chez
faire les indications transfusionnelles [83–85] . l’enfant (soit environ 3 à 4 mois dans les maladies rhésus).
Le CGR choisi est un CGR irradié, en particulier si l’enfant a L’hémolyse aggrave l’anémie initiale à une vitesse variable d’un
reçu des TIU ou s’il est prématuré (consensus à moins de 32 SA), enfant à l’autre sur les premières semaines et est souvent

EMC - Pédiatrie 17
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

récurrente après transfusion. En revanche, le pic d’érythropoïèse


réactionnel initial (objectivé par une réticulocytose marquée
 Prévention
dépassant souvent 10 % et 350 000/mm3 très souvent présente) Primaire
s’épuise dans les premières semaines postnatales imposant le
recours aux transfusions correctrices. La mise en place entre MHNN secondaires aux incompatibilités
3 et 6 semaines postnatales d’une érythropoïèse autonome de spécificité RH1
(objectivée par la réticulocytose) va permettre de compenser
l’hémolyse chronique de façon très variable suivant les individus. Actuellement, seules les MHNN secondaires aux incom-
L’anémie tardive (3 semaines à 1 mois) est classique puisqu’elle patibilités de spécificité RH1 peuvent bénéficier d’une
touche 71 % à 83 % des maladies rhésus. Elle impose une sur- prévention par le biais de l’immunoprophylaxie par IgRh
veillance prolongée de l’hémogramme pendant plusieurs mois, (anti-RH1).
avec un intervalle qui doit dépendre de la tolérance clinique de Les modalités d’application de la prophylaxie sont bien définies
l’anémie [16, 35, 86] . dans les recommandations professionnelles de 2006 [95] .
L’immunoprophylaxie rhésus repose sur deux volets :
l’identification des femmes RH : -1 en âge de procréer et leur
information, l’injection chez une femme enceinte d’un fœtus
Quelques situations particulières RH1 de doses adaptées d’IgRh d’origine plasmatique (produit
Les enfants qui ont été transfusés in utero nécessitent plus dérivé de plasma humain) pour prévenir l’immunisation possible
de transfusions sur les 6 premiers mois de vie que ceux pré- en cas de situation à risque d’HFM.
sentant une IFME non traités in utero (77 % versus 26 %). Il On distingue deux types d’indication de l’immunoprophylaxie
existe bien sûr une différence de sévérité de la maladie hémo- par IgRh :
lytique dans ces deux groupes, mais aussi très probablement • les indications ciblées, qui ont longtemps été les seules indica-
une inhibition de l’érythropoïèse et une hypoactivité médul- tions en France ; ce de façon quasi-exclusive par comparaison
laire secondaire aux apports de CGR répétés comme en témoigne avec la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Elles
la pauvreté en réticulocytes des formules chez ces enfants sont elles-mêmes subdivisées en situations à fort risque d’HFM
(cf. supra) [35, 86] . et celles à faible risque ; à noter que l’accouchement (à terme ou
L’anémie des IFME ABO est peu évolutive en postnatal, mais fausse couche ou IMG...) est à considérer comme une situation
peut être mal tolérée si elle s’est constituée en fin de grossesse à risque élevé d’HFM.
et peut gêner l’adaptation à la vie extra-utérine, imposant alors • l’indication dite « systématique » visant à prévenir les HFM
une transfusion [17, 87] . Néanmoins la clairance des anti-A et anti-B occultes dont on sait qu’elles concernent jusqu’à 45 % des
est rapide puisque elle se fait dans le premier mois de vie postna- femmes enceintes au troisième trimestre. Cette indication a
tale [88] . fait l’objet d’une actualisation des recommandations profes-
L’anémie peut être surprenante dans les immunisations anti- sionnelles concernant l’immunoprophylaxie par IgRh chez les
RH4 et anti-RH3 qui n’ont souvent pas présenté d’ictère sévère femmes enceintes RH : -1 (groupe d’experts issus du Collège
initialement : découverte à 3 semaines d’un taux d’hémoglobine national des gynécoloques et obstétriciens français [CNGOF],
inférieur à 6 g/dl (données CNRHP). de la SFMP [Société française de la médecine périnatale] et du
CNRHP) parues en 2006. Actuellement (à 4 ans de la publication
des recommandations), l’application de cette prophylaxie sys-
Prise en charge tématique concernerait 60 % des femmes seulement en France
L’anémie des IFME est résolutive dans les 3 mois postnatals, (enquête CNRHP) [96] .
mais suppose donc un suivi de numération initialement hebdo- Seule la prophylaxie ciblée nécessite un calcul et une adapta-
madaire et ensuite à un intervalle fixé selon l’évolution observée, tion de la dose d’IgRh à l’importance de l’HFM par la classique
la tolérance clinique, la croissance de l’enfant. La surveillance ne technique de Kleihauer ou d’autres techniques (cytométrie de
peut s’interrompre tant que la réticulocytose mesurée n’objective flux. La base de calcul est la suivante : pour avoir une effica-
pas une érythropoïèse efficiente et autonome. cité de 100 %, nécessité d’un apport d’IgRh supérieur ou égal à
Les enfants souffrant de maladie hémolytique par IFME et plus 20 ␮g/ml de globules rouges (GR) fœtaux RH1. Le calcul de dose
encore ceux qui ont été transfusés in utero ont des stocks en fer s’effectue de la façon suivante : 200 ␮g d’IgRh sont suffisants pour
considérables. Les dosages de ferritine réalisés systématiquement couvrir une HFM allant jusqu’à 24 hématies fœtales pour 10 000
à la naissance pour ces enfants (maladie rhésus et autres IFME) hématies adultes (6,5 ml de globules rouges fœtaux). Ensuite, il
nés à la maternité de l’Hôpital Saint-Antoine sont toujours au- convient de rajouter 200 ␮g pour couvrir tout volume d’HFM
dessus de 400 UI/ ml voire 1 000 UI/ml et restent élevés pendant supplémentaire de 40 hématies fœtales pour 10 000 hématies
plusieurs mois, surtout en cas de transfusion. Une supplémen- adultes.
tation martiale chez ces enfants n’est pas recommandée et est Le Tableau 3 constitue un récapitulatif des modalités
même contre-indiquée, d’autant que des cas d’hémochromatose d’applications de la prophylaxie rhésus en accord avec les recom-
ont été décrits. Si une prescription de fer est envisagée, il est mandations professionnelles faites en 2006 de façon conjointe par
raisonnable de valider l’indication sur un dosage préalable de le CNGOF, la SFMP et le CNRHP.
ferritinémie [66, 89] . La prophylaxie par IgRh est une proposition de traitement
Selon certaines études et des méta, il n’existe pas d’intérêt nécessitant une information de la femme concernant son groupe
démontré de l’érythropoïétine dans la prévention des ané- RH : -1 et les risques qui y sont liés. Par ailleurs, une information
mies tardives des IFME [90, 91] . Au CNRHP, nous n’en avons pas concernant le produit est obligatoire avant chaque injection en
d’expérience, car un dosage systématique sur une cinquantaine de respect de la circulaire concernant les médicaments dérivés du
nouveau-nés avec maladie rhésus n’avait pas mis en évidence de sang et la traçabilité de ceux-ci. Toute injection d’IgRh fait l’objet
déficit quantitatif de l’érythropoïétine : mais il s’agissait d’enfants d’une traçabilité double : par le pharmacien qui délivre le produit
nés après 35 SA et sans antécédents de transfusion anténatale et sur le dossier patiente.
(données non publiées).
Néanmoins, l’indication de l’érythropoïétine dans les IFME MHNN de spécificité hors RH1
reste débattue avec des études à faible effectif (souvent hété-
rogènes), laissant la place à des pratiques différentes selon À noter que la prévention des maladies hémolytiques par anti-
les équipes. Il semble licite de proposer une attitude au KEL1, anti-RH4, anti-RH3 repose exclusivement sur la sélection
cas par cas au vu de certains résultats en faveur d’une des produits à transfuser chez toute femme dont l’état médi-
efficacité [91–93] . cal le justifie (incluant les nouveau-nés de sexe féminin) dans
L’administration d’acide folique (25 à 100 ␮g/j) en revanche est le respect du phénotype Rh-Kell [83] . Ceci permettra la dispari-
généralisée et pourrait contribuer à réduire le recours aux transfu- tion des maladies hémolytiques néonatales lors des premières
sions pour un minimum de contraintes [94] . grossesses.

18 EMC - Pédiatrie
Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

Tableau 3.
Femmes rhésus D négatif : prévention de l’allo-immunisation anti-RhD (juin 2006).
< 15 SA 15 à 27 SA 27 à 29 SA 29 SA à l’accouchement Accouchement
Prélever une RAI avant toute injection d’IgRh
Prévention ciblée : Prévention ciblée : Prévention Prévention ciblée : Si nouveau-né RhD positif :
- FC spontanée, IVG, GEU, IMG - HFM : FC tardive, IMG, systématique abstention si 300 ␮g (28 SA) sauf si injection d’IgRh
- Métrorragies, môle, réduction MIU, traumatisme HFM (version, MIU, traumatisme Abstention possible si :
embryonnaire, cerclage, traumatisme abdominopelvien, abdominopelvien, ponction cordon - < 3 semaines après IgRh
abdominal cordocentèse ou organe fœtal) - et Kleihauer négatif
- Ponction amniotique, biopsie de - HFM : amniocentèse - et anti-D > 6 ng/ml
trophoblaste simple, métrorragies,
cerclage tardif
Kleihauer : non Kleihauer : oui si HFM Kleihauer : non Kleihauer : oui si HFM Kleihauer : oui
Rhophylac® 200 i.v. Rhophylac® 200 i.v. Rhophylac® 300 Rhophylac® 200 i.v. Rhophylac® 200 i.v.
dans les 72 heures dans les 72 heures i.m. ou i.v. dans les 72 heures dans les 72 heures
Avant toute injection d’IgRh, prélever une RAI (sans attendre le résultat) pour s’assurer a posteriori de l’absence d’immunisation
Après toute injection d’IgRh, assurer la traçabilité (dossier patiente et pharmacie ; deux étiquettes dans la boîte)
Calendrier des RAI : premier trimestre (avec groupe sanguin si non fait) ; 6e mois (peut correspondre à la RAI avant l’injection systématique à 28 SA) ;
8e mois seulement si Rhophylac® 300 non fait à 28 SA ; quatre dernières semaines : sécurité transfusionnelle

HFM : risque élevé/risque faible d’hémorragie fœtomaternelle ; SA : semaines d’aménorrhée ; RAI : recherche d’agglutinines irrégulières ; FC : fausse couche ; IVG :
interruption volontaire de grossesse ; GEU : grossesse extra-utérine ; IMG : interruption médicale de grossesse ; MIU : mort in utero ; i.m. : voie intramusculaire ; i.v. : voie
intraveineuse.

Perspectives que chaque nouvelle grossesse incompatible aggrave le niveau


d’immunisation maternelle et que le tableau fœtal ou néona-
Améliorer la compliance à l’immunoprophylaxie rhésus D
tal est chaque fois (en dehors des incompatibilités ABO) plus
Dans tous les pays où se pratique l’immunoprophylaxie RhD, grave. Néanmoins, compte tenu des progrès dans le diagnostic
il existe des « ratés » de prévention. Les causes en sont assez bien (génotypage fœtal), et la prise en charge anticipée et spécialisée
identifiées : pas d’adaptation des doses d’IgRh au volume d’HFM, périnatale (transfusion fœtale, photothérapie intensive) du couple
oubli de prévention (en particulier quand une femme RH : -1 est mère-enfant avec IFME, il paraît difficile aujourd’hui de récuser
hospitalisée en urgence dans une unité qui n’est pas une mater- purement et simplement une nouvelle grossesse si elle est désirée.
nité et donc moins sensibilisée à la prophylaxie ou ne consulte
pas après un traumatisme). Il est donc important d’améliorer Pour les IFME dans le système ABO
encore l’information des femmes enceintes (dès le début et tout
au long de la grossesse) et les personnels soignants même hors Il faut reconnaître que rien ne peut être fait pendant la gros-
maternité [97, 98] . sesse. En revanche, il convient de bien informer les parents que le
La diffusion actuelle, en France de la prophylaxie dépistage de l’ictère chez le prochain nouveau-né à venir doit être
« systématique » du troisième trimestre est encore incomplète. Et très précoce, c’est-à-dire au cordon ou à H1 de vie comme dans les
ce même si elle a fait l’objet de recommandations professionnelles IFME rhésus et répété ce d’autant que l’enfant a une peau foncée.
en 2006 [96] . En effet, si le conjoint est de phénotype RH1, il peut De plus, il est indispensable que la naissance se fasse dans un éta-
être de génotype homo- ou hétérozygote RH1. On sait qu’une blissement de soin permettant une prise en charge spécialisée sans
femme RH : -1 a 30 % à 40 % de chances d’être porteuse d’un retard : photothérapie intensive, résultats biologiques (groupe Rh-
fœtus RH : -1. La connaissance du génotype RHD fœtal permet- Kell, test direct à l’antiglobuline et dosage de bilirubine) obtenus
trait de rationaliser la pratique de l’immunoprophylaxie. On peut dans les 6 heures suivant la prescription.
comprendre la réticence de certains praticiens à prescrire une
prophylaxie « systématique » sans connaître le groupe rhésus D Pour les IFME dans les systèmes hors ABO
fœtal, ce d’autant que les IgRh sont un dérivé de plasma humain. Il faut programmer un rendez-vous avec le couple pour évoquer
Une étude multicentrique médicoéconomique coordonnée par cette éventualité et aborder franchement la lourdeur du suivi à
le CNRHP est en cours en France pour déterminer à la fois la envisager pour avoir les meilleures chances d’une issue favorable
faisabilité, le rapport coût-bénéfice d’une pratique systématique (biologique, échographique et Doppler, lieu de naissance spécia-
du génotypage RHD fœtal non invasif chez toutes les femmes lisé). Il n’est pas rare qu’à cette occasion il faille reprendre les
enceinte RH : -1 dès 12 SA dans le but de cibler la prophylaxie mécanismes d’immunisation, voire toute l’histoire de la grossesse
aux seules grossesses avec fœtus RHD (étude GENIFERH). précédente et du suivi néonatal, pour que le couple réalise l’enjeu.
Développement des anticorps monoclonaux IgG anti-D Deux éléments vont permettre de mieux conseiller le couple :
Si les IgRh polyclonales sont utilisées avec succès depuis plus • la cinétique des titrages (et éventuellement dosages pondéraux
de 30 ans pour prévenir l’allo-immunisation anti-D, leur prépara- pour les anti-RH1, -RH3 et -RH4 particulièrement) des anticorps
tion pose le problème de l’approvisionnement en plasmas hyper- au cours de la grossesse précédente et l’historique de la maladie
immuns anti-D qui n’est plus assurée en Europe et celui éthique hémolytique du dernier enfant. Celle-ci peut être complétée
de l’immunisation de sujets volontaires sains. Si la préparation des par la quantification de l’anticorps en postnatal entre 1 mois
anticorps monoclonaux recombinants permettrait de résoudre ces et 6 semaines après l’accouchement qui représente le pic du
deux problèmes, les essais cliniques des quatre spécialités déjà pro- taux d’anticorps après le dernier évènement sensibilisant ; puis
duites sont moins prometteurs à ce jour en matière d’efficacité 6 mois plus tard afin d’évaluer la cinétique de décroissance des
que les IgG polyclonales. La recherche se poursuit et des essais taux d’anticorps (non valable pour les anti-KEL1). Celle-ci en
cliniques sont à l’ordre du jour [99] . théorie se poursuit au fil des mois selon un rythme propre à
chaque femme avec une baisse souvent très nette en moyenne à
2 ans. Il est raisonnable de ne pas débuter une nouvelle grossesse
Secondaire : en cas de désir d’un nouvel avant ce délai ;
enfant chez une femme immunisée • la détermination du caractère homo- ou hétérozygote du père
pour le déterminant de groupe sanguin concerné par les
Les pédiatres et obstétriciens sont souvent confrontés à la ques- anticorps de la mère ; et ce, même si actuellement il n’est
tion de la possibilité d’une nouvelle grossesse. Il est bien connu pas proposé pour les IFME de diagnostic préimplantatoire, la

EMC - Pédiatrie 19
4-002-R-25  Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires

connaissance de ce caractère sert en pratique à mieux infor- [13] Arrêté du 26 avril 2002 (JO du 4 mai 2002) modifiant l’arrêté du 26
mer certains couples qui souhaitent avoir connaissance de leurs novembre 1999 relatif à la bonne exécution des analyses de biologie
chances d’avoir une grossesse compatible. médicale.
[14] Koelewijn JM, Vrijkotte CE, Van der Schott CE, Bonsel GJ, De Haas
M. Effect of screening for red cell antibodies other than anti-D to detect
 Conclusion hemolytic disease of the fetus and newborn: a population study in the
Netherlands. Transfusion 2008;48:941–52.
[15] Brossard Y, Parnet-Mathieu F, Larsen M. Diagnostic et suivi prénatals
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dont le diagnostic est basé sur des examens biologiques facilement [16] Murray NA, Roberts IA. Haemolytic disease of the newborn. Arch Dis
accessibles : groupe sanguin, Rh-Kell de la mère et de l’enfant, RAI Child Fetal Neonatal Ed 200;92:F83–8.
maternelles avec identification, test direct à l’antiglobuline chez [17] Ziprin JH, Payne E, Hamidi L, Roberts I, Regan F. ABO incompatibility
l’enfant. Les résultats de ces examens doivent être obtenus sans due to immunoglobulin G anti-B antibodies presenting with severe fetal
délai devant tout tableau d’ictère et/ou anémie néonatale pré- anaemia. Transfus Med 2005;15:57–60.
coce ou prolongée, mais aussi lors de la prise en charge d’une [18] Bowman JM. The management of hemolytic disease in the fetus and
anasarque. La prise en charge peut être aujourd’hui anticipée newborn. Semin Perinatol 1997;21:39–44.
et toujours spécialisée, le couple mère-enfant dans ce domaine [19] Moise Jr KJ. Management of rhesus alloimmunization in pregnancy.
des IFME doit bénéficier des progrès importants réalisés ces der- Obstet Gynecol 2008;112:164–76.
[20] Cortey A, Berry M, Larsen M, Mailloux A, Carbonne B. Allo-
nières années (génotypage non invasif du groupe sanguin fœtal,
immunisation érythrocytaires découvertes en cours de grossesse en
vélocimétrie Doppler de l’artère cérébrale moyenne, transfusion Ile de France : expérience 2008 du CNRHP. Communication orale :
fœtale, photothérapie intensive). À côté des IFME rhésus qui ont 39es journées de la Société Française de Médecine Périnatale, Angers,
longtemps occupé le premier plan, aujourd’hui le pédiatre est 2009.
essentiellement confronté aux incompatibilités ABO ainsi qu’aux [21] Brown MS. Fetal and neonatal erythropoiesis. In: Stockman JA,
IFME dans les groupes RH4, RH3 et KEL1 qui peuvent parfois être Pochedly C, editors. Developmental and neonatal hematology. New
très sévères. York: Raven Press; 1988. p. 49.
Enfin, les progrès du suivi des grossesses et de la prise en charge [22] Mari G, Deter RL, Carpenter RL, Rahman F, Zimmerman R, Moise
périnatale permettent de faire évoluer les indications thérapeu- Jr KJ, et al. Noninvasive diagnosis by Doppler ultrasonography of
tiques chez les enfants porteurs d’une maladie hémolytique, avec fetal anemia due to maternal red cell alloimmunization. N Engl J Med
un recul franc des exsanguinotransfusions pour un pronostic de 2000;342:9–14.
plus en plus favorable, mais aussi d’envisager plusieurs grossesses [23] Oepkes D, Seaward G, Vandenbresshe F, Windrim R, Kingdom J,
chez une femme immunisée. Bajene J, et al. Doppler ultrasonography versus amniocentesis to pre-
dict fetal anemia. N Engl J Med 2006;355:156–64.
[24] Carbonne B, Castaigne-Meary V, Cynober E, Tesnière V, Soulié JC,
Larsen M, et al. Intérêt pratique du pic systolique de vélocité à l’artère
Remerciements : Nous dédions cet article :
cérébrale moyenne dans la prise en charge des allo-immunisations
au Docteur Yves Brossard pour sa dynamique implication dans le domaine
sévères. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2008;37:163–9.
des incompatibilités foetomaternelles érythrocytaires ; ses connaissances qu’il a [25] Liley AW. Liquor amnii: analysis in the management of the pre-
su nous enseigner nous guident aujourd’hui ; gnancy complicated by rhesus sensitization. Am J Obstet Gynecol
au Docteur Marc Larsen pour sa quotidienne participation à la prise en charge 1961;82:1359–70.
des « maladies rhésus » pendant plus de trente ans. [26] Kaplan M. Genetic interactions in the pathogenesis of neona-
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Incompatibilités fœtomaternelles érythrocytaires  4-002-R-25

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A. Cortey, Praticien hospitalier, pédiatre, responsable de l’Unité clinique du Centre national de référence en hémobiologie périnatale (CNRHP)
(anne.cortey@trs.aphp.fr).
Hôpital Armand-Trousseau (AP-HP), 26, avenue Arnold Netter, 75012 Paris, France.
A. Mailloux, Praticien hospitalier, biologiste, responsable de l’Unité fonctionnelle de biologie du CNRHP.
S. Huguet-Jacquot, Praticien hospitalier, biologiste.
Unité fonctionnelle de biologie du CNRHP, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
V. Castaigne-Meary, Praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien.
G. Macé, Praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien.
A. N’Guyen, Praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien.
Maternité de l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris, France.
M. Berry, Praticien hospitalier contractuel.
F. Pernot, Praticien hospitalier contractuel.
J.-C. Galiay, Praticien hospitalier contractuel.
F. Lattes, Praticien hospitalier contractuel.
Unité clinique du CNRHP, Hôpital Armand-Trousseau (AP-HP), 26, avenue Arnold Netter, 75012 Paris, France.
B. Blanchard, Praticien hospitalier, pédiatre.
B. Carbonne, Praticien universitaire, praticien hospitalier, gynécologue-obstétricien, coordinateur du CNRHP.
Maternité de l’Hôpital Saint-Antoine (AP-HP), 184, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cortey A, Mailloux A, Huguet-Jacquot S, Castaigne-Meary V, Macé G, N’Guyen A, et al. Incompatibilités
fœtomaternelles érythrocytaires. EMC - Pédiatrie 2012;7(3):1-22 [Article 4-002-R-25].

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