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Littérature du XVIIe siècle
Les idéologies du siècle
1. Les idées morales et l’idéal littéraire
2. Le courant rationaliste: René Descartes 3. Le courant libertin 4. Jésuites vs Jansénistes 5. Blaise Pascal et le Jansénisme 1. Les idées morales et l’idéal littéraire Au XVIIe siècle l’objet de la littérature était l’analyse et la peinture de l’homme - la leçon que les classiques tirent de l’étude des anciens (l’esthétique est inséparable de l’éthique). Il faut discerner les principaux courants moraux qui traversent le siècle: - L’enthousiasme et la raison (le rationalisme) - La lucidité sans espoir - Le jansénisme pessimiste A. Enthousiasme et raison – Descartes affirme la primauté de la raison. L’homme idéal est celui: - généreux de Descartes
- le héros de Corneille
- le seigneur chevaleresque, galant et téméraire de la Fronde.
Les passions sont dominées par la raison.
Dans ce siècle chrétien, la doctrine théologique permet la foi dans la liberté et la grandeur de l’homme.
B. Lucidité sans espoir – il ne faut pas compter sur l’homme,
ni beaucoup lui demander. Ce serait naïveté de croire qu’il est naturellement bon ou raisonnable. « La raison du plus fort est toujours la meilleure » constate La Fontaine (l’homme a le goût de l’indépendance). C. Le pessimisme janséniste – pessimisme profond (Racine > l’homme est esclave de son amour-propre et de ses passions. Les passions sont mauvaises en elles-mêmes ; la raison et la volonté sont impuissantes à les corriger). - La littérature peint l’âme en état de péché, condamnée à la damnation éternelle si n’intervient pas la grâce de Dieu. Il faut quitter le monde et ses tentations si l’on veut échapper à l’abîme du péché (Racine lui-même renonce au théâtre). La fin du siècle – la remise en cause de toutes les idées morales. 2. Le courant rationaliste: René Descartes (1596-1650) Ancien élève des jésuites; En 1619, en Allemagne, une sorte d’illumination intellectuelle lui découvre la voie à suivre pour rechercher la vérité; Œuvres: - Discours de la méthode (1637) - Méditations métaphysiques (1641) - Principes de la Philosophie (1644) - Traité des passions de l’âme (1649) Discours de la méthode (1637) Autobiographie intellectuelle: c’est l’histoire d’une vie ou d’une pensée. Descartes raconte le fil chronologique des faits, sa quête de vérité (« Comment accéder à la vérité? ») Une méthode qui tient à l’application de la raison humaine – celle du scepticisme: il faut se douter de tout. L’homme peut se servir de son doute raisonné, méthodique, pour arriver à la connaissance de la vérité. Après avoir rejeté toutes ses connaissances, il se trouve en présence de son doute. Mais douter, c’est penser ( Dubito, ergo cogito. Je doute, donc je pense.). C’est le premier axiome de son système. Or, pour pouvoir penser, il faut exister, d’où il conclut : Cogito, ergo sum. Je pense, donc je suis. C’est le second axiome de son système. Le voilà en possession d’une première vérité, d’une première certitude, celle de son existence. « Le bon sens (=la raison) est la chose du monde la mieux partagée. » Dès la première phrase du Discours, Descartes pose le principe de sa recherche. En s’appuyant sur le récit de sa propre expérience intellectuelle, il va construire une méthode permettant d’« appliquer bien » cette raison, qui est la propriété commune de tous les hommes. Partant du scepticisme systématique (il faut se douter du tout) et du relativisme généralisé qu’enseigne le spectacle du monde, il apprend à ne plus faire confiance qu’à lui-même pour remettre en ordre toutes ses connaissances. Selon une procédure gardant « la certitude et l’évidence » des constructions mathématiques (la méthode cartésienne), il dégage ainsi quatre principes: « Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle : c’est-à-dire, d’éviter soigneusement la précipitation et la prévention; et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n’eusse aucune occasion de le mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés(1) que j’examinerais, en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets(2) les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composés; et supposant même de l’ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrements si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre. Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir, pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses, qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes, s’entre-suivent en même façon et que, pourvu seulement qu’on s’abstienne d’en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu’on garde toujours l’ordre qu’il faut pour les déduire les unes des autres, il n’y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu’on ne découvre. Et je ne fus pas beaucoup en peine de chercher par lesquelles il était besoin de commencer, car je savais déjà que c’était par les plus simples et les plus aisées à connaître; et, considérant qu’entre tous ceux qui ont ci-devant recherché la vérité dans les sciences, il n’y a eu que les seuls mathématiciens qui ont pu trouver quelques démonstrations, c’est-à-dire quelques raisons certaines et évidentes, je ne doutais point que ce ne fût par les mêmes qu’ils ont examinées; bien que je n’en espérasse aucune autre utilité, sinon qu’elles accoutumeraient mon esprit à se repaître de vérités, et ne se contenter point de fausses raisons. » René Descartes, Discours de la méthode, 1637 (Seconde partie) Notes: (1) ensembles complexes; (2) tout ce qui se présente au regard ou à l’imagination. « Le Cogito »: retrouver Dieu non par la foi, mais par la raison « Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j’y(1) ai faites : car elles sont si métaphysiques et si peu communes, qu’elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu’on puisse juger si les fondements que j’ai pris sont assez fermes, je m’en trouve en quelque sorte contraint d’en parler. J’avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu’on sait fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu’il a été dit ci-dessous; mais parce qu’alors je désirais seulement vaquer à la recherche de la vérité, je pensais que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce que en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir, s’il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance(2), qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer. Et parce qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes(3), jugeant que j’étais sujet à faillir, autant qu’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillées, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en esprit n’étaient non plus(4) vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule(5), pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. » René Descartes, Discours de la méthode, Quatrième partie Notes: (1) En Hollande; (2) croyance; (3) raisonnements faux; (4) pas plus; (5) sans crainte d’erreur 3. Le courant libertin (le libertinage) naît en France au début du XVIIe siècle une crise de conscience généralisée la liberté de mœurs et de pensée mènent, par voie de conséquence logique, à l’anticonformisme moral et religieux (apanage exclusif de l’élite aristocratique). les écrivains libertins se font remarquer par les imprécations et les blasphèmes contre les mythes antiques et les histoires bibliques on assiste parfois à un libertinage extravagant, injurieux et blasphématoire (la révolte contre la religion et la pratique volontaire de mœurs dissolues sont les constantes du comportement de cette génération) la liberté se veut totale : spirituelle, morale et sensuelle. Les libertins se groupent au début autour de Gaston d’Orléans. Les libertins se réunissaient dans un groupe secret sous le nom de la Confrérie de la Bouteille, groupe qui fait l’apologie d’Épicure, de Démocrite et de Lucrèce, qui parodie la messe et l’Église, baptise et marie les chiens ou dédaigne le jeûne et l’abstinence. C’est l’époque du libertinage flamboyant qui fait naître une littérature « satyrique ». Le libertinage érudit naît avec plus de force dans les cercles restreints et discrets où se réunissent les esprits éclairés du temps. Dans les cabarets, le salon des frères Dupuy, celui de Ninon de Lenclos ou celui de Marion Delorme, ils se mettent à l’abri des vexations officielles pour échanger des informations et des réflexions. On compte parmi eux des savants appartenant à la noblesse de robe (gens de barreau et de magistrature), à la haute bourgeoisie, des philosophes, des hommes de science, des médecins, des gens de l’Église même. Les penseurs/ théoriciens du libertinage qui forment la célèbre Tétrade du temps : Gassendi, François de La Motte Le Vayer (1588-1672), Gabriel Naudé (1600-1653) et E. Diodati. Pierre Gassendi (Gassend) (1592-1657) – prêtre devenu professeur de philosophie et de mathématiques au Collège royal de 1645 à 1648. Le courant qu’il développe à la suite de ses écrits, le gassendisme, propose une voie oblique entre le scepticisme obstiné, qui refusait à l’homme tout espoir d’atteindre le vrai, et les dogmatismes, qui croyaient à sa capacité de dégager la vérité universelle grâce à l’étude de systèmes abstraits (aristotélicien et cartésien). Les gassendistes se réunissaient au Collège de France ou dans le salon de Mme de la Sablière et publiaient dans le périodique Le Journal des savants. Gassendi (ne croyait pas qu’on pouvait prouver rationnellement l’existence de Dieu) Œuvres: - De vita et moribus Epicuri (1647) - Syntagma philosophiae Epicuri (1659) « Il y a des auteurs qui rapportent que les premiers hommes, voyant le Soleil, la Lune et les Astres toujours en mouvement, les appelèrent Deos, (êtres) qui suivent leur course, et au premier rang le Soleil, dont le cours était le plus évidemment visible. Puis, comme ils avaient reconnu le Soleil pour le plus bienfaisant de tous, ils se dirent qu’il faisait le tour de la Terre pour répandre ses bienfaits sur toutes les nations successivement, et ils l’appelèrent cette fois Théon (mot grec), c’est-a-dire Dieu, comme étant celui qui voit, parce qu’il voit toutes les choses […] »
Gassendi, Recherches métaphasiques, ou doutes et instances contre la
métaphysique de René Descartes et ses réponses (1642) La Motte Le Vayer (sceptique, plutôt athée) - Quatre dialogues faits à l’imitation des Anciens (1631) Dans le dialogue intitulé De la Divinité, le philosophe se demande comment croire à la Providence devant le spectacle du monde tel qu’il est.
- « Quelle religion choisir parmi toutes celles qui existent?
- Faut-il être religieux jusqu’à la superstition ou au contraire
athée?
- Vive donc le scepticisme qui ouvre la voie…à une foi
éclairée! » La Mothe Le Vayer, Quatre dialogues…(1631) Gabriel Naudé - L’apologie pour les grands personnages soupçonnés de magie (1625); Considérations politiques sur les coups d’État (1639) – il montrait que les religions et les miracles étaient autant d’« inventions et de supercheries » dont se servait les puissants à des fins politiques, c’est-à-dire pour asservir les peuples ignorants. « Finalement, pour ce qui est de la politique il faut un peu s’y étendre davantage […] et montrer en quelle façon les princes ou leurs ministres, quibus quaestui sunt capti superstitione animi (1), ont bien su ménager la religion et s’en servir comme du plus facile et plus assuré moyen qu’ils eussent pour venir à bout de leurs entreprises plus relevées. » (1) Qui ont intérêt à ce que les esprits se laissent prendre à la superstition Naudé, Considérations politiques sur les coups d’État (1639) Pour conclure… Le mouvement libertin repose sur trois idées-clés:
1. l’attitude intellectuelle marquée par un sentiment de
supériorité à l’égard de la sotte multitude; 2. la morale indépendante du sage (une sagesse toute humaine, réglée sur la nature et rejetant la morale chrétienne) ; 3. la critique antithéologique et la critique des fondements du pouvoir. 4. Jésuites vs Jansénistes La seconde moitié du siècle est marquée par « un combat fratricide » qui oppose les Jésuites et les Janséniste pour la domination idéologique de l’Eglise. Cette lutte est au centre de la vie et de l’œuvre de Blaise Pascal. La Compagnie de Jésus – ordre religieux de l’Eglise catholique romaine fondé en 1540 par l’Espagnol Ignace de Loyola - une organisation structurée, quasi-militaire qui disposait de collèges d’enseignement redoutables. - les Jésuites professent les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance à leur supérieur (le Pape). *(Pascal attaque les Jésuites dans Les Provinciales) Le jansénisme – mouvement religieux et politique; - le nom vient de Cornélius Jansénius (Jansen) (1585-1638; Augustinus – posthume, 1640), professeur de théologie à l’Université de Louvain. L’abbé de Saint-Cyran le répand en France. Le siège du courant est à dix lieues de Paris, dans la vallée de Chevreuse, dans l’abbaye de femmes de Port- Royal. Les laïcs qui y viennent faire retraite s’appellent « les solitaires », « les messieurs ». Les jansénistes considèrent que:
1/ la grâce n’est pas donnée à tous les hommes (Jésus-Christ
n’est pas venu sauver tous les hommes); 2/ tous les justes ont le pouvoir d’accomplir les commandements de Dieu; 3/ la grâce détermine la volonté de prier; Jésuites et Jansénistes se disputent au sujet de la grâce divine (l’homme, est-il maître de son destin ? ; contribue-t-il à son salut ou à sa damnation ?) Les Jésuites croient que c’est à chacun de construire sa vie, que Dieu a accordé à tous sa grâce, que l’homme est libre (libre arbitre), qu’il bâtit lui- même son destin et qu’il est jugé en fonction de ses actions. Les Jansénistes pensent que Dieu accorde sa grâce aux seuls méritants, que le libre arbitre est limité, que les « hantés » par les forces du mal ne peuvent pas être sauvés. Les Jésuites atténuent l’idée du péché, ils fondent une vraie casuistique de la faute : les actions sont à la fois positives et négatives. Les Jansénistes sont pessimistes, ils croient que le mal est redoutable face au bien. Les deux conceptions s’opposent aussi sur le plan social: les Jésuites sont adeptes de l’action. Les Jansénistes, de la contemplation. Les Jésuites influencent les classes sociales dynamiques, l’aristocratie et la bourgeoisie d’argent, tandis les Jansénistes séduisent la bourgeoisie parlementaire désenchantée, privée progressivement de son pouvoir. 5. Blaise Pascal et le Jansénisme philosophe-penseur-géomètre, polémiste de génie converti au jansénisme Œuvres: - Les Provinciales (1656-1657) - Discours sur la conditions des grands (1660) - Traite du triangle arithmétique (1665) - Les Pensées (1670) Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un Provincial de ses amis et aux R.R. Pères Jésuites (1656-1657) 18 lettres écrites par Pascal sous un pseudonyme, Louis de Montalte imprimées successivement et clandestinement par trois libraires, en particulier par Pierre Le Petit (janvier 1656 - mars 1657) peu après la retraite de Pascal à l’abbaye de Port-Royal-des-Champs. sont une défense d’Antoine Arnauld, janséniste ami de Pascal, qui fut condamné en 1656 par la Sorbonne pour des opinions considérées comme hérétiques. Thèmes essentiels: - la question de la grâce (de la foi) – lettres I-IV, XVII-XVIII - la question de la casuistique qui met en cause la morale – lettres V-XVI La stratégie des pamphlets est basée sur le regard faussement naïf d’un provincial qui rapporte dans ses lettres les disputes théologiques de l’époque. Le narrateur, en principe témoin impartial, attaque de manière indirecte les adversaires qui se discréditent eux-mêmes par l’immoralité de leur casuistique ou par l’absurdité de leurs argumentations sur les subtiles distinctions entre la grâce efficace (grâce active, agissante en ce qu’elle assure le salut) et la grâce suffisante (grâce qui ne donne que la possibilité du salut). Les Provinciales – source d’ironie Beaucoup de lettres sont dialoguées, simples, naturelles, spirituelles, moqueuses, véhémentes, passionnées et amères. Le procédé majeur de Pascal est la réfutation (montrer sa fausseté par un contre-exemple ou sa contradiction/ nier une proposition sans pour autant apporter de preuve valide de cette négation). Le style de Pascal est unique : finesse, bon goût, souplesse et clarté. « Je sus, en un mot, que leur différend (n.b. des Jésuites), touchant la grâce suffisante, est en ce que les jésuites prétendent qu’il y a une grâce donnée généralement à tous, soumise de telle sorte au libre arbitre, qu’il la rend efficace ou inefficace a son choix, sans aucun secours de Dieu, et sans qu’il manque rien de sa part pour agir effectivement; et c’est pourquoi ils l’appellent suffisante, parce qu’elle seule suffit pour agir. Et que les jansénistes, au contraire, veulent qu’il n’y ait aucune grâce actuellement(1) suffisante, qui ne soit aussi efficace, c’est-à-dire que toutes celles qui ne déterminent point la volonté à agir effectivement sont insuffisantes pour agir, parce qu’ils disent qu’on n’agit jamais sans grâce efficace. […] Est-ce une chose indifférente de dire qu’avec la grâce suffisante on agit en effet? […] C’est une hérésie, c’est une hérésie formelle. La nécessité de la grâce efficace pour agir effectivement est de foi; il y a hérésie à la nier. Note: (1) réellement Pascal, IIe Provinciale Les Pensées notes et fragments d’une apologie du christianisme; notes écrites sur un grand nombre de morceaux de papier, enfilés en liasses et sans ordre, collées sur un grand registre devenu le manuscrit original; les intellectuels jansénistes de Port-Royal (Arnault, Nicole, Filleau de La Chaise) recueillent ces notes après la mort de Pascal. au XIXe siècle, les exégètes (Chevalier, Massis) ont procédé par regroupements thématiques, par exemple : I. L’homme sans Dieu (L’homme entre les deux infinis ; Misère de l’homme ; Grandeur de l’homme) ; II. L’homme avec Dieu (Recherche de Dieu ; Preuves de Jésus-Christ ; Misère de l’amour divin). Idées: La religion chrétienne est nécessaire à l’homme (le célèbre pari sur l’existence de Dieu). L’homme est misérable sans Dieu (étudiant l’homme en lui-même, tant il l’exalte, tantôt il l’abaisse) « L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange, fait la bête. » « L’homme n’est qu’un roseau pensant. » « La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable… Toutes ces misères-là prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand seigneur, misères d’un roi dépossédé. » La mort met fin aux maux de l’humanité. Il ne faut pas rester indifférent, il faut parier sur l’existence divine. La foi n’est pas une certitude gratuite, mais un engagement. Le christianisme donne seul le bonheur à l’homme, en le mettant en possession de Dieu. La vision pascalienne de l’homme est à la fois tragique et héroïque. Le style pascalien est naturel, précis, nerveux, parfois incisif, sans ornements recherchés ni antithèses forcées. Son originalité réside dans la force de sa pensée, la froideur austère et originale. « Il faut parier » « Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, en choisissant l’un que l’autre, puisqu’il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. Cela est admirable. »
Pascal, Pensées, fragment 397, « Preuves de la
religion » Divertissement « Quand je m’y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s’exposent, dans la cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir, n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achètera une charge à l’armée si cher, que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près. Quelque condition qu’on se figure, si l’on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, et cependant qu’on s’en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher. S’il est sans divertissement, et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s’il est sans ce qu’on appelle divertissement, le voilà malheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit. » Pascal, Pensées, fragment 126, « Divertissement » Grandeur de l’homme « L’homme est si grand, que sa grandeur paraît même en ce qu’il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. Il est vrai que c’est être misérable, que de se connaître misérable ; mais c’est aussi être grand, que de connaître qu’on est misérable. Ainsi toutes ses misères prouvent sa grandeur. Ce sont misères de grand Seigneur, misères d’un Roi dépossédé. L’homme n’est qu’un roseau le plus faible de la nature ; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue ; parce qu’il sait qu’il meurt ; et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Ainsi toute notre dignité consiste dans la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever, non de l’espace et de la durée. Travaillons donc à bien penser. Voilà le principe de la morale. Il est dangereux de trop faire voir à l’homme combien il est égal aux bêtes, sans lui montrer sa grandeur. Il est encore dangereux de lui faire voir sa grandeur sans sa bassesse. Il est encore plus dangereux de lui laisser ignorer l’un et l’autre. Mais il est très avantageux de lui représenter l’un et l’autre. »
Pascal, Pensées, fragment 186, « Grandeur de l’homme »