Conference Proceedings by Géraud Lafarge
Ces journées de travail souhaitent faire le point sur le journalisme en tant qu’espace relativeme... more Ces journées de travail souhaitent faire le point sur le journalisme en tant qu’espace relativement autonome, structuré et structurant. Deux constats les motivent.
Tout d’abord le sentiment, fort, que la sociologie a, depuis quelques années, délaissé l’objet « journalisme » alors même que ce champ professionnel continue à jouer un rôle central dans les catégorisations du monde social et la perpétuation des inégalités qui le traverse. Dynamique dans les années 1990-2000, la sociologie du journalisme est aujourd’hui en perte de vitesse. Il nous paraît donc important de mobiliser à nouveau les sociologues sur l’étude du journalisme, voire des « médias » aussi problématique puisse être la définition ce terme.
A défaut, et c’est un second constat, ces objets sont abandonnés à des travaux sur les contenus médiatiques qui, dans une forme d’enfermement sur leurs propriétés internes (Champagne, 1989 ; Neveu, 2010), ignorent les structures, les agents qui les font tenir, les relations d’interdépendances entre l’espace de production et les autres champs (politique, économique, littéraire, sportif, scientifique…) ou la manière dont ces rapports déterminent ce qui est dit ou écrit par les journalistes (Benson, 2004). Ces analyses contribuent ainsi à alimenter un sens commun savant sur les mutations des médias « à l’ère numérique ».
C’est donc enfin pour évaluer sociologiquement les éventuelles recompositions du journalisme qu’il nous a semblé utile de se demander : Où en est le champ journalistique ? Où en sont les recherches sur le champ journalistique ? Dans le cadre des réflexions du Réseau Thématique 37 « Sociologie des médias » de l’Association française de sociologie (AFS), nous souhaitons rappeler la nécessité de nous positionner dans une sociologie générale, ce qui implique, par exemple, de penser le journalisme comme un espace historiquement et socialement situé pour saisir comment il travaille et est travaillé par les hiérarchies matérielles et symboliques entre les groupes sociaux.
Le programme des sessions s’inspire de celui esquissé par Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1994) et ses contemporains (Champagne, 1991 ; ARSS, 1994, 2000).
La première journée porte sur « la double dépendance » (Champagne, 2016), à savoir sur les relations entre le journalisme et les champs politique et économique.
La première session explore l’emprise réciproque entre les univers journalistique et politique. Rappelant les fondements de cette dépendance et ses évolutions, cette session interroge également, à partir de l’analyse de trajectoires sociales d’agents en politique, le poids des ressources médiatiques dans le jeu politique et, par ce biais, la place du journalisme dans les transformations du champ politique. Le concept de « capital médiatique » et son articulation avec celui de champ, seront questionnés.
La deuxième session envisage les formes de l’emprise du marché sur le journalisme et en particulier les agents sociaux qui l’exercent, à commencer par les dirigeants de presse d’information politique et générale. En plus de se porter sur le marché de l’information, le regard se pose sur la formation au métier et la manière dont les investissements patronaux l’infléchissent. En prenant comme exemple les nominations dans l’audiovisuel extérieur, cette session montre également la voie pour éviter l’économicisme en envisageant la télévision non pas comme un espace uniquement structuré par le capital économique, mais comme un lieu également réglé par des logiques hautement politiques incarnées par les trajectoires des agents occupant des positions de pouvoir dans l’audiovisuel public.
La deuxième journée interroge la structuration interne du journalisme et la contestation (relative) des règles en vigueur dans cet espace.
La troisième session examine la morphologie de l’espace des journalistes en étudiant principalement leurs trajectoires sociales, leurs formations et leurs parcours professionnels. Les contributions reviennent sur la genèse du champ journalistique, l’état actuel de ses frontières incertaines et cherchent à caractériser ses principes de division interne. Que nous disent les données disponibles sur les professionnels de l’information et leurs carrières, de l’autonomie du champ journalistique ? Une attention est également portée aux coordonnées sociales, aux orientations politiques ainsi qu’aux styles de vie des journalistes. Il s’agit ainsi de discuter de la place du journalisme dans les rapports de pouvoir entre les classes sociales.
La quatrième session explore les mécanismes sociaux qui sous-tendent les entreprises de contestation de la légitimité journalistique. Dans quelle mesure une sociologie du champ journalistique permet-elle de rendre compte des stratégies des agents qui en contestent les logiques dominantes de consécration ? Ces individus et groupes ont-ils des propriétés sociales, notamment en termes de capital économique, social et culturel, qui les prédisposent à s’engager dans des luttes pour la transformation des rapports de forces qui prévalent dans le champ journalistique ? Lesquels ont les moyens de convertir des ressources externes pour peser davantage dans les luttes internes ? Lesquels privilégient la construction d'espaces de contestation relativement protégés de la domination symbolique exercée par les agents mieux dotés en capitaux ?
D’autres questionnements plus généraux serviront de fil conducteur aux échanges : Est-il encore pertinent de parler de champ journalistique alors que ses recompositions récentes suggéreraient sa dilution (Champagne, 2016) ? N’est-il pas plus heuristique d’appréhender le journalisme à partir d’une sociologie des champs de production culturelle de grande diffusion (Marchetti, 2012) restituant davantage l’allongement des chaînes d’interdépendances et les circulations entre les espaces (journalisme, animation, production…) ? Est-il envisageable de parler de « champ médiatique », unité d’analyse souvent utilisée dans le langage sociologique sans pour autant être discutée en profondeur ? Comment éviter le risque de la multiplication des champs, à l’image de la tendance des sciences sociales à « accumuler les capitaux » (Neveu, 2013) ?
Au-delà, il s’agira donc de s’interroger sur les conditions de possibilité d’enquêtes (sur le journalisme, l’édition, le divertissement, le cinéma,…) outillant, et outillées par, le concept de champ. Quels programmes de recherche et mutualisations possibles dans un contexte contraignant de course (forcée) à la publication et d’injonction à une interdisciplinarité propice à la diffusion d’analyses sur les médias dont les opérations de rupture avec le sens commun, à la base du métier de sociologue, sont parfois inabouties, voire même impensées ?
Papers by Géraud Lafarge
Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 2011
Résumé/Abstract Fondé sur une enquête par questionnaire et par entretiens, cet article montre que... more Résumé/Abstract Fondé sur une enquête par questionnaire et par entretiens, cet article montre que les conditions d'entrée dans les formations au journalisme les plus prestigieuses sont de plus en plus sélectives scolairement et socialement. La construction de l'espace des élèves fait apparaître une double opposition, selon que l'entrée dans les formations s' effectue par une «petite porte» ou par la «grande porte», et selon que la trajectoire des étudiants s' inscrit dans un mode de reproduction structuré par le capital ...
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Conference Proceedings by Géraud Lafarge
Tout d’abord le sentiment, fort, que la sociologie a, depuis quelques années, délaissé l’objet « journalisme » alors même que ce champ professionnel continue à jouer un rôle central dans les catégorisations du monde social et la perpétuation des inégalités qui le traverse. Dynamique dans les années 1990-2000, la sociologie du journalisme est aujourd’hui en perte de vitesse. Il nous paraît donc important de mobiliser à nouveau les sociologues sur l’étude du journalisme, voire des « médias » aussi problématique puisse être la définition ce terme.
A défaut, et c’est un second constat, ces objets sont abandonnés à des travaux sur les contenus médiatiques qui, dans une forme d’enfermement sur leurs propriétés internes (Champagne, 1989 ; Neveu, 2010), ignorent les structures, les agents qui les font tenir, les relations d’interdépendances entre l’espace de production et les autres champs (politique, économique, littéraire, sportif, scientifique…) ou la manière dont ces rapports déterminent ce qui est dit ou écrit par les journalistes (Benson, 2004). Ces analyses contribuent ainsi à alimenter un sens commun savant sur les mutations des médias « à l’ère numérique ».
C’est donc enfin pour évaluer sociologiquement les éventuelles recompositions du journalisme qu’il nous a semblé utile de se demander : Où en est le champ journalistique ? Où en sont les recherches sur le champ journalistique ? Dans le cadre des réflexions du Réseau Thématique 37 « Sociologie des médias » de l’Association française de sociologie (AFS), nous souhaitons rappeler la nécessité de nous positionner dans une sociologie générale, ce qui implique, par exemple, de penser le journalisme comme un espace historiquement et socialement situé pour saisir comment il travaille et est travaillé par les hiérarchies matérielles et symboliques entre les groupes sociaux.
Le programme des sessions s’inspire de celui esquissé par Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1994) et ses contemporains (Champagne, 1991 ; ARSS, 1994, 2000).
La première journée porte sur « la double dépendance » (Champagne, 2016), à savoir sur les relations entre le journalisme et les champs politique et économique.
La première session explore l’emprise réciproque entre les univers journalistique et politique. Rappelant les fondements de cette dépendance et ses évolutions, cette session interroge également, à partir de l’analyse de trajectoires sociales d’agents en politique, le poids des ressources médiatiques dans le jeu politique et, par ce biais, la place du journalisme dans les transformations du champ politique. Le concept de « capital médiatique » et son articulation avec celui de champ, seront questionnés.
La deuxième session envisage les formes de l’emprise du marché sur le journalisme et en particulier les agents sociaux qui l’exercent, à commencer par les dirigeants de presse d’information politique et générale. En plus de se porter sur le marché de l’information, le regard se pose sur la formation au métier et la manière dont les investissements patronaux l’infléchissent. En prenant comme exemple les nominations dans l’audiovisuel extérieur, cette session montre également la voie pour éviter l’économicisme en envisageant la télévision non pas comme un espace uniquement structuré par le capital économique, mais comme un lieu également réglé par des logiques hautement politiques incarnées par les trajectoires des agents occupant des positions de pouvoir dans l’audiovisuel public.
La deuxième journée interroge la structuration interne du journalisme et la contestation (relative) des règles en vigueur dans cet espace.
La troisième session examine la morphologie de l’espace des journalistes en étudiant principalement leurs trajectoires sociales, leurs formations et leurs parcours professionnels. Les contributions reviennent sur la genèse du champ journalistique, l’état actuel de ses frontières incertaines et cherchent à caractériser ses principes de division interne. Que nous disent les données disponibles sur les professionnels de l’information et leurs carrières, de l’autonomie du champ journalistique ? Une attention est également portée aux coordonnées sociales, aux orientations politiques ainsi qu’aux styles de vie des journalistes. Il s’agit ainsi de discuter de la place du journalisme dans les rapports de pouvoir entre les classes sociales.
La quatrième session explore les mécanismes sociaux qui sous-tendent les entreprises de contestation de la légitimité journalistique. Dans quelle mesure une sociologie du champ journalistique permet-elle de rendre compte des stratégies des agents qui en contestent les logiques dominantes de consécration ? Ces individus et groupes ont-ils des propriétés sociales, notamment en termes de capital économique, social et culturel, qui les prédisposent à s’engager dans des luttes pour la transformation des rapports de forces qui prévalent dans le champ journalistique ? Lesquels ont les moyens de convertir des ressources externes pour peser davantage dans les luttes internes ? Lesquels privilégient la construction d'espaces de contestation relativement protégés de la domination symbolique exercée par les agents mieux dotés en capitaux ?
D’autres questionnements plus généraux serviront de fil conducteur aux échanges : Est-il encore pertinent de parler de champ journalistique alors que ses recompositions récentes suggéreraient sa dilution (Champagne, 2016) ? N’est-il pas plus heuristique d’appréhender le journalisme à partir d’une sociologie des champs de production culturelle de grande diffusion (Marchetti, 2012) restituant davantage l’allongement des chaînes d’interdépendances et les circulations entre les espaces (journalisme, animation, production…) ? Est-il envisageable de parler de « champ médiatique », unité d’analyse souvent utilisée dans le langage sociologique sans pour autant être discutée en profondeur ? Comment éviter le risque de la multiplication des champs, à l’image de la tendance des sciences sociales à « accumuler les capitaux » (Neveu, 2013) ?
Au-delà, il s’agira donc de s’interroger sur les conditions de possibilité d’enquêtes (sur le journalisme, l’édition, le divertissement, le cinéma,…) outillant, et outillées par, le concept de champ. Quels programmes de recherche et mutualisations possibles dans un contexte contraignant de course (forcée) à la publication et d’injonction à une interdisciplinarité propice à la diffusion d’analyses sur les médias dont les opérations de rupture avec le sens commun, à la base du métier de sociologue, sont parfois inabouties, voire même impensées ?
Papers by Géraud Lafarge
Tout d’abord le sentiment, fort, que la sociologie a, depuis quelques années, délaissé l’objet « journalisme » alors même que ce champ professionnel continue à jouer un rôle central dans les catégorisations du monde social et la perpétuation des inégalités qui le traverse. Dynamique dans les années 1990-2000, la sociologie du journalisme est aujourd’hui en perte de vitesse. Il nous paraît donc important de mobiliser à nouveau les sociologues sur l’étude du journalisme, voire des « médias » aussi problématique puisse être la définition ce terme.
A défaut, et c’est un second constat, ces objets sont abandonnés à des travaux sur les contenus médiatiques qui, dans une forme d’enfermement sur leurs propriétés internes (Champagne, 1989 ; Neveu, 2010), ignorent les structures, les agents qui les font tenir, les relations d’interdépendances entre l’espace de production et les autres champs (politique, économique, littéraire, sportif, scientifique…) ou la manière dont ces rapports déterminent ce qui est dit ou écrit par les journalistes (Benson, 2004). Ces analyses contribuent ainsi à alimenter un sens commun savant sur les mutations des médias « à l’ère numérique ».
C’est donc enfin pour évaluer sociologiquement les éventuelles recompositions du journalisme qu’il nous a semblé utile de se demander : Où en est le champ journalistique ? Où en sont les recherches sur le champ journalistique ? Dans le cadre des réflexions du Réseau Thématique 37 « Sociologie des médias » de l’Association française de sociologie (AFS), nous souhaitons rappeler la nécessité de nous positionner dans une sociologie générale, ce qui implique, par exemple, de penser le journalisme comme un espace historiquement et socialement situé pour saisir comment il travaille et est travaillé par les hiérarchies matérielles et symboliques entre les groupes sociaux.
Le programme des sessions s’inspire de celui esquissé par Pierre Bourdieu (Bourdieu, 1994) et ses contemporains (Champagne, 1991 ; ARSS, 1994, 2000).
La première journée porte sur « la double dépendance » (Champagne, 2016), à savoir sur les relations entre le journalisme et les champs politique et économique.
La première session explore l’emprise réciproque entre les univers journalistique et politique. Rappelant les fondements de cette dépendance et ses évolutions, cette session interroge également, à partir de l’analyse de trajectoires sociales d’agents en politique, le poids des ressources médiatiques dans le jeu politique et, par ce biais, la place du journalisme dans les transformations du champ politique. Le concept de « capital médiatique » et son articulation avec celui de champ, seront questionnés.
La deuxième session envisage les formes de l’emprise du marché sur le journalisme et en particulier les agents sociaux qui l’exercent, à commencer par les dirigeants de presse d’information politique et générale. En plus de se porter sur le marché de l’information, le regard se pose sur la formation au métier et la manière dont les investissements patronaux l’infléchissent. En prenant comme exemple les nominations dans l’audiovisuel extérieur, cette session montre également la voie pour éviter l’économicisme en envisageant la télévision non pas comme un espace uniquement structuré par le capital économique, mais comme un lieu également réglé par des logiques hautement politiques incarnées par les trajectoires des agents occupant des positions de pouvoir dans l’audiovisuel public.
La deuxième journée interroge la structuration interne du journalisme et la contestation (relative) des règles en vigueur dans cet espace.
La troisième session examine la morphologie de l’espace des journalistes en étudiant principalement leurs trajectoires sociales, leurs formations et leurs parcours professionnels. Les contributions reviennent sur la genèse du champ journalistique, l’état actuel de ses frontières incertaines et cherchent à caractériser ses principes de division interne. Que nous disent les données disponibles sur les professionnels de l’information et leurs carrières, de l’autonomie du champ journalistique ? Une attention est également portée aux coordonnées sociales, aux orientations politiques ainsi qu’aux styles de vie des journalistes. Il s’agit ainsi de discuter de la place du journalisme dans les rapports de pouvoir entre les classes sociales.
La quatrième session explore les mécanismes sociaux qui sous-tendent les entreprises de contestation de la légitimité journalistique. Dans quelle mesure une sociologie du champ journalistique permet-elle de rendre compte des stratégies des agents qui en contestent les logiques dominantes de consécration ? Ces individus et groupes ont-ils des propriétés sociales, notamment en termes de capital économique, social et culturel, qui les prédisposent à s’engager dans des luttes pour la transformation des rapports de forces qui prévalent dans le champ journalistique ? Lesquels ont les moyens de convertir des ressources externes pour peser davantage dans les luttes internes ? Lesquels privilégient la construction d'espaces de contestation relativement protégés de la domination symbolique exercée par les agents mieux dotés en capitaux ?
D’autres questionnements plus généraux serviront de fil conducteur aux échanges : Est-il encore pertinent de parler de champ journalistique alors que ses recompositions récentes suggéreraient sa dilution (Champagne, 2016) ? N’est-il pas plus heuristique d’appréhender le journalisme à partir d’une sociologie des champs de production culturelle de grande diffusion (Marchetti, 2012) restituant davantage l’allongement des chaînes d’interdépendances et les circulations entre les espaces (journalisme, animation, production…) ? Est-il envisageable de parler de « champ médiatique », unité d’analyse souvent utilisée dans le langage sociologique sans pour autant être discutée en profondeur ? Comment éviter le risque de la multiplication des champs, à l’image de la tendance des sciences sociales à « accumuler les capitaux » (Neveu, 2013) ?
Au-delà, il s’agira donc de s’interroger sur les conditions de possibilité d’enquêtes (sur le journalisme, l’édition, le divertissement, le cinéma,…) outillant, et outillées par, le concept de champ. Quels programmes de recherche et mutualisations possibles dans un contexte contraignant de course (forcée) à la publication et d’injonction à une interdisciplinarité propice à la diffusion d’analyses sur les médias dont les opérations de rupture avec le sens commun, à la base du métier de sociologue, sont parfois inabouties, voire même impensées ?