Contrôle Diagnostic Et Contrôle Interactif
Contrôle Diagnostic Et Contrôle Interactif
Contrôle Diagnostic Et Contrôle Interactif
Contrôle et stratégie :
Le contrôle de gestion est très souvent présenté comme un système de gestion générique, standard,
adaptable à toute forme d’organisation, toute sorte d’activité et tout niveau de responsabilité. La
question des conditions et des modalités de son adaptation aux spécificités du contexte est rare ment
abordée.
Elle représente cependant un enjeu majeur pour l’ensemble des acteurs en charge du développement
et de l’animation du contrôle de gestion : contrôleurs de gestion bien sûr, mais aussi managers et
responsables opérationnels qui souhaitent piloter leur activité quelle qu’elle soit.
Pour participer de manière pertinente au pilotage des organisations, les systèmes de contrôle de gestion
doivent répondre aux besoins spécifiques de leurs dirigeants et managers par des dispositifs et des
outils adaptés à leur contexte économique et social et à leurs processus de décision.
Les éléments structurants du contrôle de gestion, sont de nature très diverse :
− Tantôt stratégique : les conditions de la concurrence dans un secteur, le positionnement stratégique
choisi différenciation par les prix ou par l’innovation notamment, la technologie utilisée, orientent les
choix d’organisation du contrôle et la manière dont les outils sont mis en œuvre ;
− Tantôt institutionnelle : le contrôle de gestion environnemental est ainsi largement influencé par le
contexte social et réglementaire ;
− Tantôt organisationnelle : la taille, l’histoire et les valeurs de l’entreprise et de ses dirigeants
influencent le système de délégation de responsabilité et de contrôle ;
− Tantôt encore fonctionnelle : les missions et outils du contrôle de gestion industriel, commercial,
logistique ou des ressources humaines sont organisés pour répondre aux besoins des fonctions
opérationnelles et des fonctions supports
. Le contrôle de gestion s’exprime ainsi différemment selon le secteur d’activité, le niveau d’incertitude
de l’environnement, la stratégie, la technologie, la taille et l’histoire de l’entreprise, le style managérial
de ses dirigeants, leurs valeurs et les compétences réunies, les règles et normes qui caractérisent
l’environnement et encadrent les actions…
La préoccupation des ingénieurs et des dirigeants était alors à la fois de maîtriser les coûts et de
contrôler les responsabilités déléguées, par un strict contrôle budgétaire. Parallèlement à la
formalisation du contrôle de gestion comme discipline comptable, un courant comportementaliste a
émergé à partir des années 1950, donnant une représentation moins mécaniste des organisations.
Ce courant s’intéresse aux liens entre les dispositifs de contrôle de gestion et les relations humaines au
sein des organisations. Les implications managériales du contrôle de gestion concernent aussi bien
l’implication au travail des individus en fonction de la manière dont ils sont contrôlés que les jeux
sociopolitiques associés à la définition des fins de l’organisation, des objectifs par centres de
responsabilité, des moyens et des indicateurs de performance (Naro, 1998).
La perspective compréhensive des systèmes de contrôle de gestion constitue une sorte de synthèse des
travaux menés pendant quarante ans dans le champ du contrôle de gestion.
Elle propose de dépasser les approches contingentes qui, jusqu’aux années 1980, ont exprimé un
déterminisme très systématique de certains éléments de contexte tels que la stratégie, la technologie,
la structure organisationnelle, la culture… sur la forme du contrôle de gestion (Chiapello, 1996). Ces
approches analysaient l’influence de tel ou tel type de facteur sur les systèmes de contrôle de gestion
de manière isolée, et donnaient par conséquent souvent des résultats contradictoires (Chenhall, 2003).
L’approche compréhensive propose un modèle qui tient compte de l’ensemble des éléments du
contexte, à la fois économiques, humains, sociaux et culturels, qui participent à la structuration du
contrôle de gestion. L’intention de cette approche est de comprendre la cohérence des systèmes dans
leur complexité plutôt que de cher - cher à identifier des liens de cause à effet systématiques et
généralisables.
Il est d’usage de définir les systèmes de contrôle de gestion (SCG) à partir de la définition fondatrice
du contrôle de gestion comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les
ressources sont obtenues et utilisées avec efficacité et efficience pour la réalisation des objectifs de
l’organisation. » (Anthony, 1965, p. 17). Dans ce cadre, Anthony identifie trois niveaux de contrôle
bien distincts que sont la planification stratégique, le contrôle de gestion et le management
opérationnel (figure 0.1).
Long terme Planification stratégique Ensemble de l’organisation
Contrôle de gestion
Management opérationnelle
Court terme Département
La planification stratégique est le processus qui conduit l’organisation à définir ses buts et la stratégie
permettant d’atteindre ces mêmes buts.
À ce niveau de pilotage, l’organisation formalise ses missions et métiers, ses domaines d’activité
stratégiques, ses marchés cibles et les produits ou services qu’elle entend offrir.
Les managers opérationnels sont autonomes quant à la manière d’atteindre leurs objectifs
opérationnels avec les moyens accordés, mais ils doivent rendre des comptes périodiquement sur
l’atteinte de ces objectifs.
Par exemple, un directeur commercial régional organise la commercialisation sur sa zone. Il met en
œuvre la politique commerciale, définie globalement au niveau du groupe le cas échéant, à travers un
plan d’actions commerciales avec une relative autonomie, il anime ses équipes de vendeurs, ses
agents…
Ce suivi de la performance est un processus qui peut être réalisé par un contrôleur de gestion ou par
le manager opérationnel lui-même.
Ainsi, le directeur commercial peut rendre des comptes sur la performance de sa zone à travers son
reporting. Il explique l’atteinte de certains objectifs de chiffre d’affaires par ligne de produits, par
segment de clientèle, et il justifie les moyens financiers, humains et matériels mis en œuvre.
À partir d’études de cas et d’entretiens menés avec des dirigeants d’entreprises et des managers
pendant plus d’une dizaine d’années, Simons (1995) propose un modèle (figure 0.2) dans lequel quatre
leviers de contrôle permettent la mise en œuvre de la stratégie et le contrôle de sa pertinence : les
systèmes de contrôle interactif, les systèmes de contrôle diagnostic, les systèmes de frontières (garde-
fou) et les systèmes de croyances.
Chacun de ces leviers de contrôle joue un rôle vis-à-vis d’un paramètre du pilotage stratégique, à la
fois dans le sens de la mise en œuvre de la stratégie en interne et du contrôle de sa pertinence externe.
« En situation de changement stratégique, les systèmes de contrôle sont utilisés par les dirigeants pour
formaliser les croyances, établir les garde-fous par rapport à un comportement stratégique acceptable,
définir et mesurer les variables de performance critiques, engendrer le débat et la discussion sur les
incertitudes stratégiques.
Au-delà des fonctions traditionnelles de mesure et de pilotage, les systèmes de contrôle sont utilisés
par les dirigeants pour dépasser l’inertie organisationnelle, communiquer de nouvelles étapes
stratégiques, établir des cibles et des jalons de la mise en œuvre et assurer une attention continue à de
nouvelles initiatives stratégiques. » (Simons, 1994, p. 169)
Le système de délimitation (ou contrôle garde-fou) encadre la prise de risques et joue un rôle limitatif
dans la recherche de nouvelles opportunités.
Ce système pose des contraintes sur certains axes du pilotage, mais n’empêche cependant pas toute
créativité et innovation. Ainsi, Simons (1987) montre comment certains prospecteurs (les entreprises
innovantes) mettent en œuvre un contrôle budgétaire strict sur certaines zones de leur activité, qui ne
les empêche pas d’innover et de réussir, notamment par la mise en œuvre d’un contrôle interactif sur
les zones d’incertitude et de prospection.
A la suite d’études de cas, Simons constate que « toutes les organisations grandes et complexes ont
des systèmes similaires de contrôle de gestion […] mais il y a des différences dans la manière d’utiliser
les systèmes de contrôles de gestion » (Simons, 1990, p.135).
Il en vient à caractériser les différences entre systèmes de contrôle par la façon dont les dirigeants
surveillent activement certains outils de contrôle alors qu’ils délèguent les autres. Il différencie ainsi
dans une série d’articles et de livres ce qu’il appelle le contrôle interactif du contrôle diagnostic (ou
programmé). Cette vision des systèmes de contrôle a aujourd’hui un succès certain.
En effet, elle s’intègre dans une réflexion qui vise à « comprendre comment les managers efficaces
utilisent les systèmes de contrôle » et à faire le « lien entre la stratégie, le design de l’organisation et
les systèmes de contrôle ».
Dans son ouvrage de synthèse, Simons définit les systèmes de « contrôle diagnostic » comme
« Les systèmes d'information formels que les managers utilisent pour surveiller les résultats de
l'organisation et corriger les déviations par rapport aux standards prédéfinis de performance » et les
systèmes de contrôle diagnostics comme « les systèmes formels d’information que les managers
utilisent pour s’impliquer régulièrement et personnellement dans les décisions de leurs subordonnés ».
Selon Simons, « la quasi-totalité des écrits en contrôle de gestion se réfèrent à des systèmes de contrôle
diagnostics » un contrôle diagnostic s'apparenterait donc à ce qu'on appelle classiquement le contrôle
de gestion. Ce type de système permet à l'entreprise de fonctionner sans surveillance constante car les
managers ne s'y impliquent que s'il y a des écarts par rapport aux résultats attendus : c'est le principe
du management par exception. Les plans et les budgets sont les exemples les plus significatifs des
systèmes de contrôle diagnostics
Suite à une étude de cas chez Johnson & Johnson, Simons caractérise les systèmes de contrôle
programmés (qu’il appellera par la suite « diagnostic ») de la manière suivante :
2. le processus implique rarement les managers et sur la base du management par exception;
3. les données sont transmises par des procédures formelles de reporting ;
L’utilisation d’un système est dite interactive quand les dirigeants utilisent le système pour s’impliquer
personnellement et régulièrement dans les décisions des subordonnés. Six conditions caractérisent un
système interactif:
1. les spécialistes fonctionnels ont un rôle limité dans la préparation et l’interprétation des résultats
;
2. le processus demande une attention régulière et fréquente de la part des managers opérationnels
à tous les niveaux de l’organisation ;
3. les données sont interprétées et discutées en réunion avec les supérieurs, les subordonnés et les
pairs ;
4. l’information générée par le processus de contrôle est un ordre du jour important et récurrent
suivi par les plus hauts niveaux de la direction ;
5. les processus repose sur un débat permanent autours des données, hypothèses, et plans d’action;
6. plus que les résultats, ce sont les efforts qui sont récompensés.
Simons observe cinq types de contrôle qui peuvent être utilisés de manière interactive : systèmes de
gestion de programme, systèmes de planification, budgets de résultats par marque, systèmes
d’intelligence et systèmes de développement humain. De manière générale « tout contrôle diagnostic
peut être rendu interactif par un intérêt et une attention fréquents et continus des top managers. Le but
d’un système de contrôle interactif est de centrer l’attention et de forcer le dialogue et l’apprentissage
dans l’organisation » (Simons, 1994, p.171)
La mise en évidence de ces styles de contrôle conduit Simons à réfléchir aux présupposés du modèle
traditionnel de contrôle de gestion. Partant du postulat que « toute théorie fait des hypothèses sur le
comportement humain », il constate que la théorie classique du contrôle postule que les individus sont
opportunistes et paresseux. Il fait, au contraire, l'hypothèse que, de manière générale, les gens ont le
désir de bien faire, de se réaliser, de contribuer et de créer. Ce qui les en empêche, bien souvent, c'est
l'organisation et les systèmes de contrôle. C'est cette analyse (nourrie du terrain) qui lui permet de
proposer une théorie rénovée du contrôle et justifie l’existence de systèmes interactifs de contrôle.
Il ne peut pas y avoir trop de systèmes de contrôle utilisés simultanément de manière interactive. En
effet, ce type de contrôle a un coût économique et cognitif (les individus ne peuvent prêter attention à
tout). Se concentrer sur trop de systèmes de contrôle en même temps risque de conduire à un surplus
d'informations, des analyses superficielles et uneparalysie. Simons constate que les dirigeants
sélectionnent les modes de contrôle interactifs ou diagnostics à mettre en place en fonction de la
stratégie et des incertitudes stratégiques (Simons, 1990, 1991).
Selon le but managérial poursuivi, un même système de contrôle peut être utilisé de manière interactive
dans une entreprise et de manière diagnostique dans une autre.
On peut résumer les caractéristiques des deux systèmes dans le tableau ci-dessous.
Tableau 1 : Caractéristiques des systèmes de contrôle interactifs et diagnostics (Simons, 1994, p.172 ;
1995b, p.124, 170)
Le budget est le prototype du système de contrôle diagnostic dans la plupart des firmes
(Simons, 1991, p.119). Pourtant, le budget « peut être un outil proactif et dynamique pour
collecter l’information et stimuler la discussion » (Simons, 1991, p.61). Il est dans ce cas utilisé
de manière interactive.
Simons développe la distinction entre systèmes de contrôle interactifs et diagnostics au cours d’une
étude de cas menée chez Johnson & Johnson. Dans cette entreprise les budgets se caractérisent de
la manière suivante :
• Ils requièrent beaucoup de temps et d'effort de la part des managers pour constamment
réévaluer les objectifs budgétaires et plans d'action ;
• Ils sont préparés de manière bottom-up (il n'y a pas de lettre de cadrage donnant le niveau
nécessaire de profits, de ventes ou de dépenses) ;
• Ils reprennent la première année du plan stratégique. S'il y a des modifications par rapport
au plan stratégique, celles-ci doivent être justifiées ;
• Ils font l’objet de négociations à tous les niveaux hiérarchiques ;
• Ils sont révisés 3 fois par an (les révisions font l'objet d'une implication forte de tous les
niveaux du management) ;
• Les éléments de contrôle budgétaire sont présentés aux dirigeants régulièrement (chiffre des
ventes chaque semaine, compte de résultat tous les mois et commentaires), analyse de la
variance et discussion par les fonctionnels ;
• Ils ne sont pas liés aux rémunérations matérielles ou symboliques (les bonus sont déterminés
de manière subjective en fonction des efforts des managers).
En 1990, Simons propose une comparaison entre deux entreprises choisies parmi 13 qu'il a suivies
pendant deux ans dans le secteur de la santé. L'une utilise son budget de manière diagnostique, l'autre
de manière interactive.
Tableau 2 : Contrôle budgétaire diagnostic / interactif (adapté de Simons, 1990, p.133)
Entreprise A Entreprise B
Contrôle budgétaire diagnostic Contrôle budgétaire interactif
Revue des plans Sporadique (la dernière a eu lieu deux Processus annuel intensif
ans auparavant) Les managers préparent des plans stratégiques
Ne motive pas beaucoup de discussions pour en débattre en comité de direction
Buts financiers Fixés par la direction et communiqués Établis par chaque direction opérationnelle puis
au reste de l’organisation discutés et revus
Préparation du Les budgets sont préparés pour Les budgets sont préparés en fonction des plans
budget atteindre les buts financiers d’action avec une attention sur la stratégie
Les budgets sont coordonnés par la Débats approfondis
finance
Les révisions et Pas de révision pendant l’année Re-budgétisation à partir du plus bas niveau de
mises à jour du dépenses 3 fois pendant l’année et reformulation
budget des plans d’action
Évaluation et Bonus basés aux ¾ sur l’atteinte des Bonus basés sur une évaluation subjective de
bonus objectifs budgétaires l’effort
Cette lecture des travaux de Simons nous permet de tirer les 5 caractéristiques majeures du contrôle
budgétaire interactif (en opposition au contrôle budgétaire diagnostic) :
▪ Implication constante (par exception) des managers dans le processus budgétaire
(négociation, reprévision, suivi) (dimension « implication »)
▪ Fort (faible) lien entre budgets et plans d’actions (dimension « plans d’action »)
▪ Construction plutôt bottom-up (top-down) et forte (faible) participation des
opérationnels (dimension participation)
▪ De nombreuses (peu de) reprévisions budgétaires en cours d’année et des budgets qui
ne sont pas (sont) rigides (dimension « reprévisions »)
▪ Faible (fort) lien entre l’atteinte des objectifs budgétaires et la rémunération monétaire
ou symbolique des managers (dimension « non évaluation »)
Par les études terrains sur lesquelles elle s'appuie et par la catégorisation proposée, Simons
propose une modélisation intéressante pour appréhender les pratiques budgétaires.
D’abord, les managers et le rôle qu’ils jouent dans le processus budgétaire sont mis au centre
de la construction théorique de Simons. Ce qui constitue une nouveauté importante.
Ensuite, il prend en compte le fait que « les systèmes de contrôle sont utilisés pour de multiples
objectifs : suivi, apprentissage, signal, contrainte surveillance, motivation et autres » (Simons,
1990, p.142), rôles que la littérature classique a souvent réduit à la motivation et au contrôle.
Comme l'avait souligné Arrow (1964), Simons nous rappelle que les instruments de contrôle
ne servent pas uniquement à réduire la divergence d'intérêt mais aussi à faire connaître les
orientations de la direction aux subordonnés et à aider l'apprentissage. Si l'on reprend la
typologie de Burchell, Club et al. (1980), on peut dire qu'un « budget diagnostic » correspond
à une « answer machine » alors qu'un « budget interactif » est une « learning machine »
(Abernethy et Brownell, 1999, p.191).
Enfin, cela permet de revenir à une vision processuelle du budget en prenant celui-ci comme
un tout, sans se focaliser sur une étape unique. En effet, l’utilisation du budget aux différentes
étapes du processus de contrôle (finalisation, pilotage et post-évaluation (Bouquin, 2001)) a été
perdue de vue dans des études parcellaires qui s’intéressent surtout à la participation budgétaire
ou à l’évaluation budgétaire. Comme le note Hartmann (2000, p.453) « les premières études
qui cherchaient à comprendre le processus budgétaire dans son ensemble et à expliquer ses
effets dysfonctionnels, ont été suivies par des études qui se focalisent sur une seule étape du
processus budgétaire ».
On peut s’interroger sur la proximité de cette approche avec le concept de contrôle budgétaire
serré (tight budgetary control), notion très utilisée dans les livres de cours américains,
notamment dans les livres d’Anthony. De manière générale, la notion de contrôle serré peut
s'appliquer à tous les systèmes de contrôle mais elle « n’a pas une définition et
d’opérationnalisation équivalente dans les différentes études [ni] une image claire en ce qui
concerne sa définition, son domaine et son opérationnalisation » (Van Der Stede, 2001, p.119).
Van Der Stede propose d’opérationnaliser cette notion à partir de 5 dimensions : l’insistance
sur l’atteinte des objectifs budgétaires, la fixité du budget, le niveau de détail du budget, la
tolérance pour les déviations au budget, l’implication du supérieur dans le travail du
subordonné. Ses résultats montrent que ces dimensions (excepté la fixité du budget) sont bien
sous-jacentes à un seul construit : le contrôle budgétaire serré. Concernant la notion de contrôle
interactif il tire de ses résultats l’observation suivante :
« Il semble que la notion de contrôle interactif, qui a été opérationnalisée pour capturer
l’intensité des échanges d’information dans l’organisation sur les sujets budgétaires, est
cohérente avec la notion de contrôle budgétaire serré. Une explication possible est que les
modes budgétaires interactifs laissent peu de possibilité aux subordonnés de laisser leur
business hors de contrôle sans que les supérieurs en soient informés, et donc produisent un
contrôle serré » (Van Der Stede, 2001, p.134-135).
L'examen que nous venons de faire de la typologie de Simons nous conduit à nous interroger
sur la pertinence de cette affirmation. En effet, si Van Der Stede (2001) arrive à ce résultat c’est
aussi parce qu’il ne s’intéresse pas aux dimensions qui permettraient de différencier contrôle
budgétaire serré et contrôle budgétaire interactif (par exemple la participation ou les liens avec
des plans d’action).
Les notions proposées par Simons apportent donc une certaine nouveauté et ne se confondent
pas avec les notions déjà existantes. On peut pourtant leur adresser un certain nombre de
critiques.
D'abord, dans le développement de son modèle, Simons fait une hypothèse très forte sur la
rationalité des dirigeants : les dirigeants identifient des incertitudes stratégiques et rendent
interactifs les systèmes de contrôle qui leur donnent des renseignements sur ces incertitudes.
Jamais ils ne sont pris dans des jeux de pouvoir ou des ambitions personnelles, seuls la stratégie
et l'environnement guident leurs choix (et ces choix sont les bons).
Ensuite, comme le note Gray (1990, p.147), chez Simons la mise en place des systèmes de
contrôle choisis ne pose aucun problème :
« Il semble curieux que les interviewés [...] Ne fassent jamais part d’une quelconque résistance
(du fait de la force d’inertie et de l’intérêt commun au statu quo) aux directives stratégiques. »
Enfin, on ne perçoit pas toujours la part de ce qui est descriptif et de ce qui est prescriptif chez
Simons. Ainsi, il observe des entreprises qu’il considère performante, et propose aux autres
entreprises de faire la même chose sans réellement expliciter ses choix.
Ces critiques ne remettent cependant pas en cause la pertinence des notions de Simons en tant
que moyen d’appréhender l’objet « budget ».
Section 3- Le contrôle de gestion environnemental
Comme l’expose Simons, le contrôle de gestion est un équilibre subtil entre contrainte et
stimulation. Les variables critiques de performance nécessitent un suivi réalisé au moyen
d’outils conventionnels de contrôle (outils de diagnostic), alors que dans des contextes
d’incertitudes stratégiques, il peut être utile de mobiliser des dispositifs permettant de stimuler
l’apprentissage organisationnel et l’émergence de nouvelles idées et stratégies (outils
interactifs).
• du domaine de la mesure;
• de l’horizon temporel;
Des flux physiques, des indicateurs non monétaires et leur interprétation en termes d’impact
sur l’environnement sont suivis. Pour ce qui est des flux physiques, ils sont pris en compte avec
l’intention d’inclure des acteurs, que l’entreprise ait ou non une relation contractuelle avec eux.
Dans la plupart des cas, les outils classiques de comptabilité de gestion sont mobilisés.
Cependant, les mesures sont affinées pour déterminer les coûts supportés par l’entreprise, en
faisant le lien entre les décisions et les conséquences pour celle-ci.
Il en est ainsi d’une entreprise qui étudie le remplacement de solvants dans son processus de
production par un substitut moins toxique, mais plus coûteux.
Dans ce cas, elle aura recours à des techniques de calcul des coûts classiques, comme l’analyse
de la rentabilité et/ou l’estimation du retour sur investissement, pour déterminer le bien fondé
d’un tel investissement. Ainsi, l’investissement dans un outil de production respectant
l’environnement sera nécessairement accompagné d’une analyse classique de son coût et de sa
rentabilité.
3-1-2 L’élargissement de l’horizon temporel
Dans le cadre d’une analyse de cycle de vie, le contrôle de gestion environnemental doit tenir
compte de tous les éléments à la fois en amont de la fabrication du produit, mais surtout en aval
de celle-ci, afin de calculer le coût de production du bien en question. De plus, les outils de
contrôle de gestion «verts» peuvent avoir à considérer les coûts externes, tels que les émissions
de gaz à effet de serre.
Dans les approches de type analyse de cycle de vie impliquant la comptabilisation de flux
physiques et leur traduction sous forme d’impacts environnementaux, ainsi que certains coûts
externes, un grand nombre d’acteurs sont pris en compte, tels que les utilisateurs, les
consommateurs, les personnes exposées à une substance donnée, les riverains et
l’environnement naturel. Cette ambition de représenter les conséquences d’un produit ou d’un
service pour l’ensemble des acteurs est une caractéristique du contrôle de gestion
environnemental.
Ce type de contrôle repose sur le principe de management par exception où l’intervention des
dirigeants est limitée à la résolution de problèmes imprévus ou complexes, alors que les
fonctionnels jouent un rôle central dans la préparation et l’interprétation de l’information. Ils
sont aussi responsables de construire et de s’assurer de l’intégrité et de la fiabilité du système
de reporting. Ce type de contrôle s’appuie sur un système formel de feedback utilisé par les
dirigeants pour surveiller les résultats et corriger les déviations par rapport aux standards de
performance fixés préalablement.
Les supports utilisés sont principalement des tableaux de bord dans lesquels les performances
réalisées sont comparées aux objectifs fixés par la direction dans le cadre de sa stratégie.
Les objectifs sont fixés de façon itérative entre les managers opérationnels et la direction de
l’entreprise. Préalablement à la fixation des objectifs, des auto-évaluations peuvent être
réalisées au niveau des unités opérationnelles. Le but est de mettre en évidence les points forts
et les points faibles de chaque unité à partir d’un ensemble prédéfini de critères d’amélioration,
et de dégager les actions prioritaires pour chaque unité. La fixation des objectifs se fait sur un
mode collaboratif.
3-3-2Le pilotage
Le pilotage se fait essentiellement au travers des plans d’action ou des plans de progrès. Ces
derniers sont issus des auto-évaluations et de l’ensemble des objectifs préétablis. Ils sont ensuite
intégrés au sein des budgets des unités opérationnelles afin de déconnecter le moins possible
les processus classiques de management des dimensions de la RSE.
3-3-3La post-évaluation
Les travaux sur les leviers de contrôle de Robert Simons (1987, 1990, 1991…) ont été
régulièrement mobilisés depuis près de 20 ans que ce soit pour l’étude d’entreprises
industrielles, commerciales (Naro et Travaillé, 2010), internationales (Fasshauer, 2012),
d’hôpitaux (Abernethy et Brownell, 1999) ou encore d’universités (Augé et al., 2009). Cet
intérêt est lié à la richesse du cadre conceptuel proposé par Simons. Ses apports se situent
notamment dans la mise en évidence de relations réciproques que les systèmes de contrôle
peuvent entretenir avec la stratégie, en tant que systèmes de contraintes et d’apprentissage, et
de l’utilisation combinée de dispositifs de contrôle formels et informels.
Bien que pour Simons (1991) les systèmes de contrôle recouvrent une grande variété de
dispositifs, systèmes d’information externes, de ressources humaines, d’analyse des ventes, de
gestion de projet, le contrôle de gestion fait l’objet d’une attention particulière dans ses
travaux. Considéré par l’auteur comme trop fréquemment déployé dans une logique top down
pour la mise en œuvre de la stratégie, Simons préconise également un usage interactif
du contrôle de gestion dans des contextes d’incertitudes stratégiques. C’est cette logique
d’équilibrage des leviers de contrôle, en particulier du contrôle de gestion, et non
d’exclusivité dans son usage qui apparait dans de nombreux travaux mobilisant ce cadre
conceptuel (Henri, 2006, Widener, 2007, Renaud, 2010, Fasshauer, 2011…). Ces travaux
mettent en lumière certaines limites du cadre de Simons, notamment : les imprécisions
des modalités de contrôle interactif, de l’apprentissage qui en découle (Kuszla, 2005, Dambrin
et Löning, 2008) et de l’équilibrage entre usage interactif et usage diagnostic ; la focalisation
excessive sur les dirigeants limitant le rôle des managers intermédiaires (Fasshauer, 2011)
; l’approche verticale excluant les processus horizontaux (Gautier, 2002, Renaud 2010). Ces
limites posent notamment la question de la nature du contrôle dans des organisations
caractérisées par une forte transversalité et soumises à des incertitudes stratégiques. Le
contexte de la Supply chain (SC) nous a ainsi paru particulièrement fécond pour appréhender
ces limites et tenter d’enrichir le cadre des leviers de contrôle.
Bibliographie :