Pédagogie Et Psychologie Des Émotions PDF
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Tiré de : Pédagogie et psychologie des émotions, L. Lafortune, M.-F. Daniel, P.-A. Doudin, F. Pons, O. Albanese (dir.),
ISBN 2-7605-1360-2 • D1360N
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Sous la direction de
LOUISE LAFORTUNE
MARIE-FRANCE DANIEL
PIERRE-ANDRÉ DOUDIN
FRANCISCO PONS
OTTAVIA ALBANESE
2005
Presses de l’Université du Québec
Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bur. 450
Sainte-Foy (Québec) Canada G1V 2M2
ISBN 2-7605-1360-2
1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2005 9 8 7 6 5 4 3 2 1
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© 2005 Presses de l’Université du Québec
Dépôt légal – 2e trimestre 2005
Bibliothèque nationale du Québec / Bibliothèque nationale du Canada
Imprimé au Canada
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Louise Lafortune, Marie-France Daniel, Pierre-André Doudin
Francisco Pons et Ottavia Albanese
Partie 1
Approche plutôt pédagogique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
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X Pédagogie et psychologie des émotions
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Table des matières XI
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XII Pédagogie et psychologie des émotions
Partie 2
Approche plutôt psychologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Chapitre 6 Adolescence et conscience
des émotions positives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
Ottavia Albanese et Ilaria Grazzani Gavazzi
1. Émotions et adolescence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148
2. Le travail de recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
2.1. Méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151
2.2. Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
Discussion et conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160
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Table des matières XIII
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Introduction1
Louise Lafortune
Marie-France Daniel
Pierre-André Doudin
Francisco Pons
Ottavia Albanese
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Introduction 3
PREMIÈRE PARTIE –
APPROCHE PLUTÔT PÉDAGOGIQUE
Dans le premier chapitre, Marie-France Daniel, Emmanuelle Auriac, Cathe-
rine Garnier, Martine Quesnel et Michael Schleifer présentent les résultats
d’une étude menée au Québec et en France, en lien avec les représentations
sociales que se font les enfants de quatre émotions de base. Les auteurs
tentent de répondre aux questions suivantes : Comment les enfants de cinq
et six ans se représentent-ils la joie ? la colère ? la peur ? la tristesse ? Sans
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4 Pédagogie et psychologie des émotions
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Introduction 5
DEUXIÈME PARTIE –
APPROCHE PLUTÔT PSYCHOLOGIQUE
Ottavia Albanese et Ilaria Grazzani, au chapitre six, rapportent les résultats
d’une recherche préliminaire portant sur la conscience des émotions et
la compétence émotionnelle chez les adolescentes et adolescents âgés de
16 à 18 ans. Il était demandé aux jeunes d’explorer leurs émotions en lien
avec des expériences positives, reconnues comme un aspect du bien-être
subjectif et comme un facteur de protection durant l’adolescence. L’étude a
notamment permis de relever des distinctions entre les garçons et les filles
quant aux types d’expériences que les deux groupes considèrent comme
positives.
Dans le chapitre sept, Francesco Mancini et Amelia Gangemi exami-
nent les effets cognitifs de l’activation du sentiment de culpabilité chez un
groupe d’adolescents et d’adolescentes. Les auteurs décrivent les résultats
d’une recherche expérimentale visant à étudier l’influence de la culpabi-
lité, suscité par le souvenir de sentiments de culpabilité antérieurs, sur
la perception du danger et sur les jugements relatifs aux performances
préventives.
Le chapitre huit, rédigé par Francisco Pons, Pierre-André Doudin,
Paul Harris et Marc de Rosnay, porte sur la compréhension des émotions
et sur les possibles relations entre les émotions, l’affect et l’intellect. Les
auteurs définissent d’abord le concept de compréhension des émotions. Ils
présentent ensuite les résultats d’une recherche visant à examiner l’impact
spécifique des abus (caractéristique affective) et des difficultés scolaires
(caractéristique intellectuelle) sur la compréhension des émotions chez les
adolescents et adolescentes.
Maria Grazia Strepparava, au chapitre neuf, explore la cognition des
émotions et la psychopathologie au regard des problèmes alimentaires des
enfants et des adolescents. Adoptant une approche clinique, l’auteure traite
des caractéristiques et du développement de la narration émotionnelle
chez des sujets qui souffrent d’un problème de comportement alimen-
taire, ainsi que du rôle de la dimension émotionnelle dans les relations
interpersonnelles.
La contribution d’auteurs et d’auteures de divers horizons géogra-
phiques – Québec, Danemark, France, Italie et Suisse – ajoute à la diver-
sité des perspectives adoptées. Cette variété de points de vue permet de
proposer une vision transversale de l’influence des émotions dans l’appren-
tissage en explorant des avenues comme la métaémotion et la compétence
émotionnelle.
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P A R T I E
APPROCHE
PLUTÔT PÉDAGOGIQUE
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Étude des représentations sociales
C H A P I T R E
Marie-France Daniel
Université de Montréal
marie-france.daniel@umontreal.ca
Emmanuelle Auriac
Institut universitaire de formation
des maîtres (IUFM) d’Auvergne
Emmapeyronnet@aol.com
Catherine Garnier
Université du Québec à Montréal
Garnier.Catherine@uqam.ca
Martine Quesnel
Université du Québec à Montréal
Quesnel.Martine@uqam.ca
Michael Schleifer
Université du Québec à Montréal
Schleifer.Michael@uqam.ca
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10 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Dans la visée d’un projet de recherche, subventionné par le
Conseil de recherches en sciences humaines du Canada de 2001
à 2005 et axé sur la prévention « primaire » de la violence, un des
objectifs des auteurs consistait à étudier le processus par lequel
les enfants d’âge préscolaire modifient leur représentation de
certaines émotions de base. Les questions particulières qui ont été
traitées dans ce chapitre sont : a) Quelles sont les représentations
sociales que se font les enfants de 5 et 6 ans de quatre émotions de
base (la joie, la colère, la peur, la tristesse) ? b) Sans stimulation
particulière, les représentations sociales des enfants de cet âge
sont-elles stables ? c) Sous stimulation cognitive, comment se
manifeste le processus de modification des représentations chez
ces enfants ? L’étude menée était exploratoire ; l’outil principal
était une entrevue individuelle basée sur l’association de mots
auprès de 53 enfants. Les résultats préliminaires qui ont émergé
de l’analyse indiquent que les représentations sociales des enfants
se regroupent selon trois catégories : une non-représentation des
émotions, une représentation égocentrique des émotions et une
représentation socialisante des émotions. Il est également ressorti
de l’analyse des entrevues individuelles qu’à l’intérieur d’une
année scolaire, dans tous les groupes (expérimentaux et témoins),
les enfants ont modifié leurs représentations des émotions. Par
ailleurs, les modifications ont été plus significatives chez les
enfants issus des groupes expérimentaux et des changements
se sont davantage manifestés dans la troisième catégorie, soit la
représentation socialisante des émotions.
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Étude des représentations sociales que se font les enfants… 11
1. Certains chercheurs comme Wallon (1925) nomment quatre émotions de base : joie,
peur, colère, tristesse. D’autres chercheurs (voir Frijda, 1993 ; 2003) y ajoutent quatre
autres émotions de base : fierté, culpabilité, dégoût, surprise. Dans le cadre de notre
projet de recherche, nous nous sommes attardés aux quatre émotions relevées par
Wallon.
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12 Pédagogie et psychologie des émotions
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2. CADRE THÉORIQUE
Afin de mieux saisir ce que nous entendons par les « représentations sociales
des émotions », dans les pages suivantes nous introduirons d’abord le
volet « représentations sociales » puis le volet « émotions », avant de nous
intéresser à l’approche philosophique.
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3. MÉTHODE D’ANALYSE
Il s’agit d’une étude de type exploratoire mixte comprenant : a) une
démarche avec groupes expérimentaux et groupes témoins permettant
d’étudier les RS des enfants lorsqu’ils sont stimulés sur le plan cognitif et
lorsqu’ils n’ont pas de stimulation particulière sur ce plan ; b) une démarche
de théorisation ancrée permettant d’analyser le processus de modification
des RS.
Notre méthode d’analyse est inspirée de la théorie ancrée (Glaser et
Strauss, 1967 ; Huberman et Miles, 1991), caractérisée entre autres par une
exigence liée à la diversité des participants. Dans cette optique, nous avons
choisi huit classes (expérimentales et témoins) du préscolaire, dont six au
Québec et deux en France. Au Québec, les classes étaient composées de
12 à 18 enfants, tandis qu’en France elles en comprenaient 27. Les milieux
socioéconomiques représentés allaient de favorisés à défavorisés. Dans le
cadre de ce chapitre, nous n’utiliserons que les données collectées dans les
six groupes (expérimentaux et témoins) du Québec.
Tous les enfants des groupes expérimentaux ont bénéficié d’une
intervention philosophique hebdomadaire. Les séances philosophiques, qui
variaient entre 30 et 45 minutes par semaine selon la capacité de concen-
tration des enfants, se sont échelonnées d’octobre à mai. Les enfants des
groupes témoins venaient des mêmes écoles mais ne faisaient pas l’objet
d’intervention philosophique.
Des variables associées à des facteurs d’âge et de genre ainsi qu’à des
facteurs culturels, sociaux et socioéconomiques ont été prises en compte. Les
groupes expérimentaux et témoins ont été jumelés sur les points suivants :
l’âge minimum des enfants est 5 ans et l’âge maximum, 6 ans ; la propor-
tion de filles et de garçons se rapproche de 50 % ; les enfants sont de langue
française ; les enfants sont des citadins.
Pour l’étude des RS, nous avons rencontré en entrevue individuelle
53 enfants, soit 9 par classe, sélectionnés dans chacun des groupes expéri-
mentaux et témoins par les enseignantes en fonction de leur niveau scolaire
(3 forts, 3 faibles, 3 moyens). Une entrevue de vingt minutes avait lieu en
début d’expérimentation (fin septembre) et une autre en fin d’expérimen-
tation (fin mai). Au début de l’entrevue, afin de mettre l’enfant à l’aise,
l’intervieweur lui demandait de réaliser un dessin le représentant avec
ses amis à l’école. C’est à partir de ce dessin (prétexte) que l’intervieweur
formulait ses questions (Galli et Nigro, 1990, 1992).
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2. Nous demandions aux enfants de nous donner trois mots, mais la plupart n’en four-
nissait qu’un seul. Aussi avons-nous choisi de ne traiter que le premier mot relevé
par chacun des enfants.
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4. DES RÉSULTATS
Dans les pages suivantes nous présentons la catégorisation des RS que les
enfants se font des émotions de base, puis la dynamique des représentations
alors que les enfants expérimentent ou non une stimulation cognitive.
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22 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 1
RS des émotions : Trois catégories et leurs éléments constitutifs
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4.2.1. Joie
Pour les groupes expérimentaux, les analyses des corpus obtenus en début
d’année scolaire permettent de mettre en évidence une vision de l’émotion
« sans dénomination » par une moitié du groupe (16/27). Toutefois, on
assiste à l’émergence dans le groupe d’une représentation « concrète ou
égocentrique » (huit enfants) et d’une représentation « socialisante » (pour
seulement trois enfants). À la fin de l’année scolaire, le groupe d’enfants se
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24 Pédagogie et psychologie des émotions
caractérise davantage par une représentation partagée entre les trois plans :
10 enfants sur 27 ont une représentation « sans dénomination » de la joie
(10/27 enfants), 9 enfants en ont une représentation concrète, tandis que
8 enfants en ont une représentation socialisante.
Ainsi, entre le prétest et le post-test, la représentation des groupes
expérimentaux a évolué en se dirigeant de plus en plus vers une vision
davantage socialisée : la représentation sans dénomination est passée de
16 enfants à 10 ; la représentation concrète est passée de 8 enfants à 9 ; la
représentation socialisante est passée de 3 enfants à 8. Il semble bien que
l’on puisse invoquer ici le processus développemental observé dans les
modifications qui apparaissent dans les groupes d’enfants, les émotions
s’insérant dans des dynamiques plus complexes, mais résultant aussi d’une
contagion sociale dans laquelle les représentations se développent au sein
des interactions sociales.
Dans les groupes témoins, en début d’année scolaire, comme dans
les groupes expérimentaux, la moitié des enfants (13/26 enfants) ont une
vision de la joie qui est « sans dénomination », tandis que 8 enfants en
ont une représentation concrète et 5, une représentation socialisante. En
fin d’année, les enfants montrent une évolution vers une représentation
« concrète », puisque 7 enfants manifestent une vision sans dénomination
de la joie et que la moitié se retrouve dans une vision concrète (15), les
4 derniers manifestant une représentation socialisante.
Entre le prétest et le post-test, la représentation des groupes témoins a,
elle aussi, évolué en se déplaçant vers la représentation concrète (la repré-
sentation sans dénomination est passée de 13 à 7 enfants, la représentation
concrète est passée de 8 à 15 enfants, la représentation socialisante a légè-
rement diminué, de 5 à 4 enfants). Ces résultats confirment l’interprétation
faite à propos de l’évolution de la représentation de la joie dans les groupes
expérimentaux, cette transformation étant toutefois moins marquée dans le
cas des groupes témoins. En effet, cette dernière touche surtout la représen-
tation concrète, alors que les groupes expérimentaux semblent poursuivre
cette tendance évolutive davantage vers la représentation socialisante.
Bref, on constate que les représentations sociales de la joie que se
font les enfants se modifient au cours d’une année scolaire, avec ou sans
stimulation cognitive. Par contre, les enfants qui ont vécu une stimulation
cognitive sont parvenus à une transformation plus grande de leur repré-
sentation de la joie.
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TABLEAU 2
Nombre de réponses concernant les RS de la joie
Groupes Expérimentaux Témoins
Catégories 1 2 3 1 2 3
Prétest
Nombre
de réponses 16 8 3 13 8 5
Post-test
Nombre
de réponses 10 9 8 7 15 4
4.2.2. Colère
Dans le cas de la colère, la représentation que les enfants s’en font dans
les groupes expérimentaux en début d’année est plutôt marquée par ses
aspects concrets chez la moitié d’entre eux (14/27), tandis que 9 enfants ont
une « représentation sans dénomination » de la colère et que les 4 derniers
enfants en ont une représentation socialisante. En fin d’année scolaire, les
modifications vont dans le sens d’une représentation socialisante, puisque
9 enfants se situent maintenant dans cette troisième catégorie, tandis que
14 ont une représentation concrète de la colère et que 4 ont toujours une
vision « sans dénomination ».
Ainsi, entre le prétest et le post-test, la transformation de la représen-
tation de la colère dans le groupe va vers une plus grande intégration des
aspects sociaux de cette émotion, le nombre d’enfants « sans dénomination »
se réduisant et celui de la « représentation socialisante » augmentant. On
peut donc considérer, comme dans le cas de la joie, que l’on se retrouve
devant un effet du processus développemental. Cette interprétation est
encore plus plausible dans ce cas-ci, si l’on retient le fait que l’émotion de
la colère (9/27) est déjà plus intégrée au point de départ que celle de la
joie (16).
Dans les groupes témoins, en début d’année scolaire, 6 enfants sur 26
ont une représentation « sans dénomination » de la colère, 13 d’entre eux
en ont une représentation concrète ou égocentrique et, enfin 7 en ont une
représentation socialisante. Pour ces enfants, en fin d’année, la tendance
reste assez semblable et les modifications sont minces : 5 enfants ont une
représentation de la colère « sans dénomination » (légère baisse) et 15 en
ont une représentation concrète (légère hausse). Six, enfin, en ont une
représentation socialisante (légère baisse).
Bref, au regard de la RS de la colère, la marge de transformation des
groupes qui n’ont pas eu de stimulation cognitive reste limitée, tandis que
celle des groupes expérimentaux demeure grande.
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26 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 3
Nombre de réponses concernant les RS de la colère
Groupes Expérimentaux Témoins
Catégories 1 2 3 1 2 3
Prétest
Nombre
de réponses 9 14 4 6 13 7
Post-test
Nombre
de réponses 4 14 9 5 15 6
4.2.3. Peur
Dans le cas de la peur, le développement représentationnel est encore,
d’entrée de jeu, avancé, puisque les groupes expérimentaux comptent
dès le début de l’année scolaire, 7 enfants dont la représentation est « sans
dénomination », tandis qu’une majorité d’entre eux (19/27) ont une repré-
sentation concrète ou égocentrique, notamment en lien avec une cause
imaginaire reliée à la sous-catégorie 5 (par exemple la peur d’un monstre),
qu’un seul enfant s’exprime selon une représentation socialisante. À la
fin de l’année scolaire, on observe une légère modification qui va dans
le sens d’une évolution vers la représentation socialisante (6 enfants ont
une représentation « sans dénomination » de la peur, 17 en ont une repré-
sentation concrète, mais cette fois-ci en lien avec une cause réelle liée à la
sous-catégorie 7 (la noirceur, un bruit trop fort…), et 4 enfants expriment
une représentation socialisante. Ainsi, entre le prétest et le post-test, on
assiste à une transformation dans le groupe, mais la tendance reste encore
fortement concrète quoique ancrée dans le réel.
Par contre, en ce qui concerne les représentations que se font les
groupes témoins de cette émotion, le tableau en début d’année se diffé-
rencie nettement de celui des groupes expérimentaux, avec une répartition
semblable dans les deux premières catégories. Ainsi, 12 enfants sur 26 se
situent dans la catégorie « sans dénomination », 11 enfants ont une repré-
sentation concrète de la peur (5 l’associant à une cause imaginaire et 6 à une
cause réelle) et 3 enfants se situent dans la représentation socialisante. En fin
d’année, les modifications sont minces étant donné que 9 enfants ont une
représentation de la peur « sans dénomination », 13 en ont une représenta-
tion concrète (la majorité d’entre eux [8/13] se situant dans la dimension
imaginaire liée à la sous-catégorie 5), et 4 enfants en ont une représentation
socialisante. Ainsi, entre le prétest et le post-test, les modifications restent
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TABLEAU 4
Nombre de réponses concernant les RS de la peur
Groupes Expérimentaux Témoins
Catégories 1 2 3 1 2 3
Prétest
Nombre
de réponses 7 19 1 12 11 3
Post-test
Nombre
de réponses 6 17 4 9 13 4
4.2.4. Tristesse
En début d’année scolaire, les groupes expérimentaux présentent un schéma
assez semblable à celui qu’ils montrent dans le cas de la représentation
de la colère (10 sur 27 enfants ont une représentation de la tristesse « sans
dénomination », 13 en ont une représentation concrète ou égocentrique et 4,
une représentation socialisante). À la fin de l’année, les modifications sont
importantes et vont dans le sens du processus développemental, comme on
a pu le constater pour la colère en premier lieu mais aussi la joie (3 enfants
ont une représentation de la tristesse « sans dénomination », 12 en ont une
représentation concrète et 12, une représentation socialisante).
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28 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 5
Nombre de réponses concernant les RS de la tristesse
Groupes Expérimentaux Témoins
Catégories 1 2 3 1 2 3
Prétest
Nombre
de réponses 10 13 4 11 8 7
Post-test
Nombre
de réponses 3 12 12 9 11 6
Pour conclure sur ces résultats, on doit relever les tendances géné-
rales qui émergent. Les groupes expérimentaux vont toujours plus loin
dans leur évolution et atteignent en plus grand nombre la représentation
socialisante, alors que les groupes témoins semblent persister au plan des
représentations concrètes. Plus finement, au prétest, la majorité des enfants
appartenant aux groupes expérimentaux ont une représentation de la joie
« sans dénomination » et une représentation majoritairement concrète ou
égocentrique des autres émotions (colère, tristesse, peur). En post-test,
l’affinement des RS des quatre émotions chez les enfants des groupes expé-
rimentaux a été manifeste aux deux paliers des représentations concrètes et
socialisantes, c’est-à-dire que le « sans dénomination » a nettement diminué,
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Étude des représentations sociales que se font les enfants… 29
5. DISCUSSION ET CONCLUSION
À la suite des analyses, nous sommes en mesure de soutenir que les
émotions sont un objet de représentation comme le sont d’autres objets
(Moliner, 1993) ; que les RS que les enfants âgés de 5 et 6 ans se font des
émotions sont une construction dynamique qui évolue dans un contexte
social (Abric, 1994) et grâce à ce contexte (Vygotski, 1985).
En réponse à la deuxième question de recherche, concernant le carac-
tère stable ou dynamique des RS des enfants, les résultats issus de l’analyse
indiquent que les RS des enfants de 5 et 6 ans sont dynamiques, qu’il y ait
ou non une stimulation cognitive particulière exercée auprès de ces derniers.
Les RS semblent se modifier au contact des pairs et des apprentissages
formels et informels issus du quotidien, malgré le fait qu’on caractérise
souvent les enfants d’une épistémologie égocentrique, c’est-à-dire fermée
et peu influençable.
Par ailleurs, les enfants des groupes expérimentaux, au lieu d’associer
leurs émotions uniquement à ses manifestations observables, commencent
à en saisir la portée sociale et relèvent le rôle d’autrui dans l’émergence de
leurs propres émotions (Cosnier, 1994 ; Harris et Pons, 2003). La maturation,
liée au passage de 5 ans à 6 ans, est fondamentale dans la modification des
représentations des émotions. Mais il va sans dire que, conformément à la
thèse vygotskienne (1985), sans une stimulation cognitive d’essence socio-
constructiviste, c’est-à-dire une stimulation qui trouve ses fondements dans
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Étude des représentations sociales que se font les enfants… 31
dans ces groupes d’enfants, mais ses représentations indiquent qu’elle est
souvent subie et, corollairement, que les relations sociales sont porteuses
à la fois de joie, de colère et de tristesse.
La réalisation de l’objectif de recherche qui était traité dans ce chapitre
nous permet d’esquisser des pistes théoriques liées au processus d’interna-
lisation, d’appropriation et de modification des émotions des enfants issus
des groupes expérimentaux : lors des échanges entre pairs, des mots associés
à de nouvelles représentations se forgent dans l’esprit des enfants et se
modifient. Il devient donc possible pour les enfants de fonder des concepts
« spontanés » avec des mots désignant des émotions. Se développent alors
des définitions partagées par les membres du groupe, qui vont vers une
tangente consensuelle de la réalité sociale (Abric, 1994 ; Doise, 1992 ; Jodelet,
1989 ; Moliner, 1993).
Ainsi que nous l’avons mentionné précédemment, cette étude est de
nature exploratoire. Et les résultats que nous avons accepté de partager dans
ce chapitre sont préliminaires ; nous n’entendons donc pas les généraliser.
Toutefois, nous soutenons qu’ils représentent un point de départ intéressant
sur lequel il conviendrait de se pencher de façon plus systématique.
Dans cette optique, une autre subvention vient d’être demandée au
CRSH du Canada par une équipe élargie de chercheurs en vue de réaliser
les objectifs avec un plus grand échantillonnage d’enfants et des instruments
de collecte de données plus diversifiés. Les résultats préliminaires obtenus
et discutés ici deviendront plus significatifs, puisque nous serons alors en
mesure de vérifier avec un plus grand nombre de sujets le bien-fondé des
catégories qui ont émergé de cette étude. Nous pourrons théoriser sur la
base des catégories émergentes afin de mieux comprendre le processus
d’évolution des représentations des émotions chez les enfants. De plus,
il sera possible de comparer diverses approches pédagogiques visant au
développement cognitif des enfants de 5 et 6 ans afin de déterminer quelles
composantes de ces approches stimulent le plus adéquatement les compé-
tences intellectuelles qui sont arrimées à la modification des RS des enfants.
Enfin, nous serons en mesure d’étudier la corrélation entre le développe-
ment cognitif chez les enfants et leurs comportements prosociaux à court
et à long terme. En effet, si l’on soutient qu’une des sources internes de la
violence se situe dans des RS biaisées que se font les individus des situations
(Libersan, 2003), et qu’une stimulation adéquate est susceptible d’influencer
positivement les RS que les enfants se font des émotions vers une dimension
plus « socialisante », il convient de vérifier dans quelle mesure un travail sur
les RS est susceptible de participer à une prévention primaire de la violence,
c’est-à-dire d’orienter les comportements des enfants de 5 et 6 ans en vue
d’une pratique sociale plus intégrée et plus coopérative.
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32 Pédagogie et psychologie des émotions
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de la compétence émotionnelle
C H A P I T R E
Développement
2
Utilisation d’activités interactives-
réflexives pour assurer
le suivi parental en mathématiques
Louise Lafortune
Université du Québec à Trois-Rivières
Louise_Lafortune@uqtr.ca
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36 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Dans ce chapitre, il est question de considérer les émotions selon
une perspective cognitive en lien avec les interventions que les
parents peuvent faire auprès de leurs enfants au regard de l’ap-
prentissage des mathématiques. Pour approfondir cette problé-
matique, les résultats de trois étapes de recherche sont présentés :
1) ceux liés à la validation d’activités interactives-réflexives en
mathématiques pour assurer le suivi scolaire en mathématiques
à la maison ; 2) ceux liés à l’implantation et à l’évaluation de
l’implantation d’activités interactives-réflexives à la maison,
que l’on décrit en posant un regard particulier sur les activités
qui portent sur la dimension affective en lien avec la compétence
émotionnelle ; 3) ceux liés à une étude exploratoire portant sur
les perceptions des élèves à propos des croyances qu’ils pensent
que leurs parents entretiennent à propos des mathématiques.
Les résultats de ces étapes alimentent les pistes de solution et
de recherche.
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Développement de la compétence émotionnelle 37
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38 Pédagogie et psychologie des émotions
émotionnelle dans la relation que les parents ont avec leurs enfants à propos
des mathématiques vient du désir de comprendre les émotions que les
jeunes entretiennent à propos des mathématiques (dimension cognitive)
plutôt que de se limiter à susciter l’expression des émotions à l’égard des
mathématiques. Ce dernier choix limite, selon nous, les actions qui peuvent
être posées autant par des enseignants et enseignantes que par des parents.
Traiter des aspects émotifs selon une perspective cognitive nous vient des
travaux de Saarni (1999), mais aussi de Pons, Doudin, Harris et de Rosnay
(2002). Notre apport consiste à appliquer leurs propos à l’apprentissage
des mathématiques.
Pour approfondir cette problématique, nous résumons les résultats2
d’une première étape de recherche visant la validation d’activités interac-
tives-réflexives en mathématiques en vue d’assurer le suivi scolaire en
mathématiques à la maison. Ensuite, nous expliquons les trois concepts
principaux qui alimentent notre propos : émotions, métaémotion et
compétence émotionnelle en accordant une importance particulière à ce
troisième concept. Nous abordons également les résultats de l’implanta-
tion et de l’évaluation de l’implantation d’activités interactives-réflexives
à la maison en posant un regard particulier sur les activités qui portent
sur la dimension affective afin d’établir des liens avec la compétence
émotionnelle. Pour poursuivre la réflexion, nous présentons les résultats
d’une étude exploratoire3 portant sur les perceptions des élèves à propos
des croyances qu’ils pensent que leurs parents entretiennent à propos des
mathématiques. Les résultats de cette exploration ouvrent sur des pistes
de solution et de recherche.
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Développement de la compétence émotionnelle 39
(voir Lafortune, 2003 et 2004b pour plus de détails sur cette phase de la
recherche). Au cours d’entrevues, nous avons donc rencontré 16 parents de
quatre écoles différentes, les enfants (10 à 13 ans, fin du primaire et début
du secondaire) de ces parents et 10 enseignants et enseignantes (2 hommes
et 8 femmes) intervenant auprès de ces enfants. Les activités proposées
portaient sur les aspects suivants : les croyances et préjugés, la prise en
compte de la dimension affective, la prise de conscience des processus
mentaux, la pratique de discussions philosophiques en mathématiques, la
réalisation de liens entre les mathématiques et des activités quotidiennes
ainsi que des projets intégrateurs.
Comme résultats de ce processus de validation, les enseignants et
enseignantes font remarquer qu’il est essentiel qu’une préparation soit
faite en classe et que l’activité à la maison soit suivie d’un retour en classe
afin de montrer aux élèves que le travail réalisé à la maison revêt une
importance aussi grande que celui qui est fait à l’école. De plus, les ensei-
gnants et enseignantes avaient de la difficulté à garder à l’esprit que les
activités proposées s’inscrivaient dans une perspective de suivi parental.
Facilement, ils trouvaient un intérêt à utiliser les activités en classe, sans
avoir à l’esprit que les parents pouvaient contribuer à leur poursuite à la
maison. Il reste à développer chez le personnel enseignant une préoccupa-
tion pour que ce qui se fasse à la maison, soit la poursuite de la réflexion
amorcée en classe, et non pas pour la seule pratique d’un apprentissage
réalisé en classe. Malgré cette difficulté à garder une perspective parentale,
les enseignantes et enseignants rencontrés ont démontré une ouverture à
l’utilisation d’activités innovatrices.
De leur côté, les parents rencontrés sont très ouverts à ce type d’acti-
vités à la maison même si le manque de temps est souvent cité comme
un frein. Néanmoins, ces parents sont d’avis qu’ils doivent recevoir des
explications afin de pouvoir bien réaliser ce type d’activités dont ils n’ont
pas l’habitude. Ils se voient mal, par exemple, amorcer une discussion
philosophico-mathématique avec leur enfant sans avoir des éléments de
réflexion pour alimenter leurs idées sur un sujet donné. Ils ne veulent pas
se sentir démunis devant des situations embarrassantes ou trop différentes
de ce qu’ils connaissent.
Plusieurs parents ne semblent pas avoir toujours conscience des diffi-
cultés de leur enfant ; pourtant, les jeunes aimeraient être écoutés de leurs
parents, mais sans leur dire : « Mais voyons, je ne comprends pas pourquoi
tu ressens ce stress, tu es bien préparé. » Ils préfèrent éviter de parler de
leurs difficulté que d’entendre ce type de commentaires.
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40 Pédagogie et psychologie des émotions
2. CONCEPTS THÉORIQUES :
ÉMOTIONS, MÉTAÉMOTION
ET COMPÉTENCE ÉMOTIONNELLE
Les difficultés des élèves en mathématiques peuvent relever de divers
facteurs comme des lacunes dans leurs connaissances mathématiques, les
différents sens donnés aux énoncés des problèmes (Baruk, 1973, 1977, 1985),
les difficultés langagières – langages naturel, symbolique et graphique – (De
Serres et Groleau, 1997 ; De Serres, 2003), les croyances et préjugés (Lafor-
tune, Mongeau et Pallascio, 2000 ; Dehaene, 1997), mais aussi les attitudes
adoptées à l’égard des mathématiques (Anthony, 1996 ; Ma et Kishor, 1997 ;
Fennema et Sherman, 1976 ; Goos et Galbraith, 1996 ; Jitendra et Xin, 1997 ;
Lafortune, Mongeau, Daniel et Pallascio, 2000 ; McLeod, 1994 ; Meravech
et Kramarski, 1997 ; Petit et Zawojwoski, 1997). Ces attitudes sont liées aux
émotions que les élèves ressentent à l’égard de cette discipline.
2.1. ÉMOTIONS
Une émotion est une réaction affective, heureuse ou pénible, se manifes-
tant de diverses façons (Sillamy, 1980). Plusieurs émotions de base ont
été relevées, telles que la peur, la colère, la joie, la tristesse, la surprise, le
dégoût et la détresse (entre autres, voir Martin et Briggs, 1986). Lorsqu’on
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Développement de la compétence émotionnelle 41
2.2. MÉTAÉMOTION
Selon Pons, Doudin, Harris et de Rosnay (2002, p. 9), la métaémotion
renvoie à « la compréhension que le sujet a de la nature, des causes et des
possibilités de contrôle des émotions [… mais aussi à] la capacité du sujet
à réguler l’expression d’une émotion et son ressenti émotionnel de façon
plus ou moins inconsciente et implicite ». Ces auteurs considèrent comme
fondamentale la relation qui associe la compréhension des émotions à la
capacité de régulation de ces émotions. Même si nous ne connaissons pas de
travaux étudiant le développement de la métaémotion dans l’apprentissage
des mathématiques, nous pensons que, si les élèves comprennent la nature
et les causes de l’anxiété qu’ils ressentent à l’égard des mathématiques, ils
pourront mieux se donner des moyens pour éviter que ces émotions les
empêchent de réussir l’activité mathématique à la mesure de leurs capacités
et compétences. De plus, la compréhension de la source de l’anxiété dimi-
nuera l’influence des attributions causales, liées à la génétique parentale ou
à des croyances qu’il est nécessaire de posséder un talent supérieur pour
réussir en mathématiques, qui constituent d’excellents prétextes pour ne
pas fournir les efforts essentiels à la réussite.
La métaémotion est, selon nous, une composante de la compétence
émotionnelle qui accorde autant d’importance à la compréhension de ses
propres émotions qu’à la compréhension des émotions des autres. Comme
nous considérons l’apprentissage dans une perspective socioconstructiviste
(Jonnaert et Masciotra, 2004 ; Jonnaert et van der Borght, 1999 ; Lafortune et
Deaudelin, 2001) et que nos recherches mettent les personnes apprenantes
en interaction avec les autres, nous abordons la problématique du suivi
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Développement de la compétence émotionnelle 45
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46 Pédagogie et psychologie des émotions
3. IMPLANTATION D’ACTIVITÉS
INTERACTIVES-RÉFLEXIVES ET ÉVALUATION
DE CETTE IMPLANTATION :
DESCRIPTION ET RÉSULTATS
Les enseignants et enseignantes qui ont participé à l’implantation d’ac-
tivités interactives-réflexives (AIR) favorisant le suivi scolaire en mathé-
matiques à la maison ont conçu leur propre programme d’intervention
(comportant entre 5 et 8 activités) à partir de 29 activités élaborées à la
suite de la démarche de validation (décrite à la section 1 ; Lafortune, 2002).
La majorité des enseignants et enseignantes qui ont participé à cette étape
de la recherche avaient collaboré à l’étape de validation. Les élèves et
leurs parents qui ont collaboré sont ceux des classes de ces enseignants et
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Développement de la compétence émotionnelle 47
4. Les enseignants et enseignantes qui ont participé à l’étape précédente ont parfois
changé de niveau d’enseignement. De plus, d’autres enseignantes se sont ajoutées
à la fois par intérêt et en raison d’une connaissance minimale du matériel qui leur
permettait de penser que les activités pouvaient être adaptées au niveau des élèves
auxquels elles s’adressaient.
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50 Pédagogie et psychologie des émotions
[ce n’est] pas que je trouve ça « le fun » de ne pas étudier avec [mes
parents], mais c’est parce que ma mère veut tellement qu’on réussisse.
[…] Elle exagère quasiment. Toutes les deux minutes, elle me demande-
rait d’étudier. Tandis que là je ne lui en parle pas puis j’étudie un peu à
chaque jour et je lui dis : « Oui, oui, j’ai beaucoup, beaucoup, beaucoup
étudié. » Dans le fond, j’ai étudié juste un petit peu. Parce que j’ai déjà
essayé, j’ai dit : « Non, je n’ai pas vraiment étudié » et elle a dit « Bon
viens-t’en. » On a passé quasiment une demi-heure à étudier la même
chose. Ce n’est pas très agréable.
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Développement de la compétence émotionnelle 51
Ma mère aurait dessiné quelqu’un qui est dans la [difficulté]. Une bulle,
[…] un point d’interrogation, un point d’interrogation, un point d’in-
terrogation. Parce que ma mère elle n’a pas beaucoup appris les maths.
Elle a de la misère.
Elle dessinerait un gros nuage noir parce qu’elle n’aime pas les maths et
les problèmes, ce n’est pas vraiment son fort.
Ma mère, je pense que ce serait confus parce qu’elle travaille un peu avec
les chiffres, mais je n’ai jamais su si elle aimait ça.
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52 Pédagogie et psychologie des émotions
6. INTERPRÉTATION ET DISCUSSION
Les résultats présentés dans ce texte laissent penser que les parents ont un
rôle à jouer dans les attitudes des jeunes à l’égard des mathématiques. Leur
influence peut être liée à leurs propres réactions affectives à l’égard de cette
discipline, à leur façon d’intervenir pour aider leur enfant ou à leur compré-
hension des sources des difficultés de leur enfant. En ce sens, il semble
important de développer la compétence émotionnelle en mathématiques
autant chez les parents que chez les élèves. Nous pensons que plusieurs
parents éprouvent de la difficulté à intervenir auprès de leur enfant, car
ils reportent chez celui-ci ce qu’ils ressentent à l’égard des mathématiques
en exagérant la difficulté de s’engager dans l’activité mathématique, en
évitant d’aider leur enfant ou en indiquant toute la démarche de résolu-
tion de problèmes en pensant apporter une aide. Le développement de la
compétence émotionnelle en mathématiques tant chez le parent que chez
l’enfant conduit, selon nous, à des échanges plus judicieux, à une écoute
plus adaptée et à une compréhension mutuelle des difficultés éprouvées
et des émotions ressenties.
Selon les résultats rapportés, les commentaires de parents éloignent les
jeunes et en empêchent plusieurs de demander de l’aide. Lehrer et Shumow
(1997) montrent que les parents ont plus tendance que les enseignants et
enseignantes à aider les enfants en contrôlant les démarches de résolution
de problèmes proposées par ces derniers. De leur côté, les enfants préfèrent
avoir des indices. Le manque de compréhension qu’ont les parents des
besoins de leur enfant diminue les échanges au fil des années scolaires et les
parents finissent par ne plus savoir ce que leur enfant fait à l’école, ce qu’ils
déplorent. De leur côté, les jeunes finissent par formuler des phrases toutes
faites qui ferment la porte à toute aide de la part des parents. Pourtant, les
jeunes pourraient bénéficier de cette aide et ils aimeraient en profiter. Ils
préfèrent cependant se débrouiller seuls ou avec leurs camarades pour ne
pas subir la tension indue et l’attention étouffante de leurs parents.
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Développement de la compétence émotionnelle 53
CONCLUSION
Dans ce texte, nous avons voulu présenter les résultats d’une démarche
de validation et d’implantation d’activités interactives-réflexives assurant
le suivi scolaire en mathématiques à la maison. Après une explication de
ce qu’est la compétence émotionnelle, nous avons tenté d’expliquer la
contribution de l’implantation d’AIR sur le développement d’une telle
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Développement de la compétence émotionnelle 55
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C H A P I T R E
Louise Lafortune
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Andrée Robertson
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62 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Dans ce chapitre, les auteures proposent de jeter un regard
réflexif sur les liens qui existent entre les émotions et l’expression
d’une pensée critique. En fait, des questions comme la manifes-
tation de une ou plusieurs émotions peut-elle influencer – de
façon positive ou négative – l’expression de la pensée critique ?
Le développement de la pensée critique peut-il influencer l’ex-
pression ou la compréhension des émotions ? Existe-t-il des
actions/interventions qui permettraient une meilleure gestion des
émotions, favorisant ultérieurement l’expression d’une pensée
critique ? Le développement d’habiletés liées à la pensée critique
peut-il favoriser une meilleure gestion des émotions ? sous-tendre
leur réflexion ? Ces auteures explorent également des avenues
d’action visant autant les émotions que la pensée critique afin
de rejoindre les élèves de différentes façons.
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64 Pédagogie et psychologie des émotions
ainsi que des « états émotifs ». Les émotions – lorsqu’elles sont exprimées
sans discernement ou de façon impulsive – peuvent nous tromper, nous
faisant estimer que nous avons raison, même lorsque la décision prise se
révèle être inefficace. Il serait plausible de dire que les émotions altèrent
l’habileté à penser de façon critique. Les penseurs critiques ne suppri-
ment pas leurs émotions ni ne sont influencés outre mesure par celles-ci.
La réponse naturelle aux émotions et aux sentiments peut être tempérée
de façon constructive par une manière de penser qui se veut critique. La
pensée critique fournit alors un espace pour « sélectionner » les émotions
et les sentiments et ainsi reconnaître ceux qui sont les plus appropriés pour
une situation donnée. La voyant de cette façon, nous pouvons avancer que
la pensée critique n’est plus uniquement un processus analytique froid
et insensible, mais qu’elle comprend des émotions et des passions d’une
façon positive.
Selon Leader et Middleton (1999), les réactions émotives que l’appre-
nant éprouve à l’égard d’une tâche à réaliser peuvent grandement influencer
son attitude au regard d’une même tâche dans un contexte précis. De façon
générale, les gens font confiance à leurs réactions émotives comme indi-
cateurs de leurs attitudes (Fazio, 1995). Swartz et Perkins (1989, cités dans
Guilbert, 1999) abondent dans le même sens. En fait, selon les auteurs, « la
prise de conscience des sentiments, autant que les processus de pensée qui
accompagnent l’accomplissement d’une tâche, est importante justement
pour le contrôle réel qu’on a sur cette tâche » (p. 80). D’autres recherches,
notamment celle de Schwarz et Clore (1988), montrent que les individus
utilisent leurs réactions affectives comme des éléments significatifs dans
des situations où ils sont appelés à prononcer des jugements de valeur. Par
ailleurs, les composantes émotives de la mémoire semblent alors détenir
un rôle important dans la réponse de l’individu à des situations émotives
qui se déroulent au moment présent. Middleton et Toluk (1999, cités dans
Leader et Middleton, 1999), ont déjà mis en évidence la pertinence ainsi
que la signification de la mémoire émotive en lien avec l’évaluation qu’un
individu fait de sa participation ou de son engagement dans une situation
ou un événement précis. En effet, lorsqu’un élève doit s’engager dans une
activité, il est possible qu’il expérimente une ou des émotions déjà éprou-
vées lors d’activités similaires dans lesquelles il a été engagé antérieurement.
Parce que ces émotions constituent le cœur d’une pléthore de conditions
provenant d’expériences passées, l’émotion sert de moyen pour libérer la
mémoire, révélant ainsi des informations potentiellement importantes au
regard de la valeur de sa participation.
Enfin, notons que le rôle accordé aux émotions se caractérise comme
celui « d’une interface intelligente qui serait le médiateur entre les intrants
et les extrants » (Scherer, 1994, p. 127, cité dans Guilbert, 1999). Ainsi, ce sont
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66 Pédagogie et psychologie des émotions
L’une d’entre elles, « explorer les pensées sous-jacentes aux émotions et les
émotions sous-jacentes aux pensées », peut aider à comprendre le lien entre
la pensée critique et l’expression des émotions.
Bien qu’il soit commun de séparer la pensée et les émotions, un peu
comme si ces entités étaient indépendantes, le fait est que tous les sentiments
ou toutes les émotions humaines reposent en pratique sur une certaine
forme de pensée. Et tout comme Paul, Binker, Jensen et Kreklau (1990),
nous dirions que nos pensées naissent, du moins jusqu’à un certain point,
de nos émotions. Réfléchir, penser avec un certain niveau d’introspection
et d’autocompréhension exigent que nous réconcilions les liens étroits qui
existent entre la pensée et les émotions, et entre la raison et les émotions. Les
penseurs critiques se rendent compte que leurs sentiments ou encore leurs
émotions constituent en fait la réponse (non pas la seule possible ou néces-
sairement la plus raisonnable) à une situation donnée. Ils reconnaissent que
leurs émotions pourraient être différentes s’ils avaient une compréhension
ou une autre interprétation de la situation. Ils admettent également que les
pensées et les émotions, loin d’être des « choses ou des éléments » isolés et
différents, représentent en fait deux aspects intrinsèquement liés, émanant
de leurs propres interprétations. D’un autre côté, les penseurs « non
critiques » voient peu ou pas de rapport entre leurs émotions et l’expression
de leur pensée. Malheureusement, ce faisant, ils fuient leur responsabilité
au regard de leurs propres pensées, de leurs émotions et de leurs actions.
Qui plus est, leurs émotions leur semblent souvent inintelligibles.
Paul (1982), dont les propos sont repris par Guilbert (1999), propose
aussi un modèle qui caractérise l’interaction entre l’affectif et le cognitif
en relation avec la pensée critique. L’auteur présente deux niveaux qu’il a
appelés le weak sense of critical thinking et le strong sense of critical thinking. Le
premier niveau représente « la personne possédant de nombreuses habiletés
de pensée critique qui les utilise pour défendre ses propres intérêts, son
propre point de vue ; il s’agit ici de la simple maîtrise d’habiletés intellec-
tuelles de pensée critique sans souci de l’autre, sans empathie intellectuelle »
(Paul, 1982, repris par Guilbert, 1999, p. 83). On retrouve au deuxième
niveau, en plus des habiletés intellectuelles de pensée critique, « un souci
de l’autre, une décentration permettant de comprendre l’autre, ses valeurs,
et ainsi de prendre une décision plus éclairée, plus globale, moins entachée
de valeurs personnelles » (Paul, 1982, repris par Guilbert, 1999).
En réfléchissant à ce que signifient ces deux niveaux, on peut
comprendre que le développement de la pensée critique peut comporter
deux facettes : une maîtrise d’habiletés intellectuelles accompagnée de peu
d’empathie intellectuelle ou la même maîtrise associée à une compréhen-
sion limitée de l’autre et de ses valeurs. Au premier niveau, on pourrait
dire que le développement de la pensée critique aurait peu d’influence
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Une réflexion portant sur les liens entre émotions et pensée critique 73
cognitif sur les émotions. Ils se retrouvent dans une position où ils ne se
limitent pas à exprimer leurs émotions, mais où ils peuvent aussi étudier ces
émotions et les comprendre. Ils finissent alors par porter un regard externe
sur ce qu’ils vivent, ce qui améliore leur esprit critique.
Dans les solutions allant dans le même sens, Guilbert (1999) laisse
supposer que le fait de susciter des prises de conscience peut faciliter
l’établissement de liens cognitifs entre la pensée critique et les émotions. La
prise de conscience est de nature à favoriser l’apprentissage de la gestion
de l’influence des émotions sur la pensée critique. Le développement de la
pensée critique permet de mieux organiser sa pensée pour limiter l’influence
« néfaste » des émotions. Cette auteure donne comme exemple le travail
des juges qui doivent tenter de limiter l’influence de leurs émotions sur les
jugements qu’ils soutiennent à la cour.
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78 Pédagogie et psychologie des émotions
par exemple, à la tristesse dans le cas d’un deuil ou de la perte d’un être
cher et à la colère dans le cas d’une injustice flagrante. De la même façon,
la pratique de ces habiletés ne diminuera ni n’éliminera certaines émotions
plaisantes et agréables, surtout que certaines émotions agréables peuvent
s’appuyer elles aussi sur des perceptions inadéquates. Les éliminer revien-
drait à diminuer ou encore à éliminer les émotions plaisantes qui leur sont
rattachées. Dans un cas comme dans l’autre, l’ignorance ou l’irrationalité
peuvent être tantôt bénéfiques, tantôt néfastes. Il s’agit peut-être, dans ce
cas, d’accompagner l’individu qui fait des découvertes sur lui-même et sur
les autres à prendre conscience des éléments qui sont bénéfiques ou néfastes
à son « bien-être émotif » à l’aide d’une approche qui respecte davantage son
rythme (Ennis, 1987 ; Facione, 2004). Les propos de Gratton laissent penser
que le développement d’habiletés liées à la pensée critique peut contribuer
à ce que chaque personne porte un regard réflexif sur ses façons de penser
et d’agir et, ainsi, modifie la perception qu’elle a d’elle-même. En ce sens, le
développement de telles habiletés favorise une certaine objectivité devant
des situations qui font surgir des émotions.
L’objectif que poursuit Gratton (2001) est surtout d’outiller les élèves
de manière à ce qu’ils puissent retirer les bénéfices d’une stratégie axée
sur le développement d’habiletés liées à la pensée critique afin de les aider
à cerner les perceptions irrationnelles qui sous-tendent leurs réactions
émotives. Dans cette perspective, l’expression d’une pensée critique laisse
penser que « ce n’est pas tant les événements qui dérangent l’homme, mais
plutôt les opinions émises à propos de ces mêmes événements » (Epictetus,
1991, p. 14, cité par Gratton, 2001, p. 40).
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80 Pédagogie et psychologie des émotions
Perception
Événement Croyance de soi Émotion Explication
Je dois donner Une personne Je me sens Embarras
une présen- qui fait une ridicule.
tation orale présentation
en classe. orale est ridicule.
Je dois donner Une présentation Je me sens à Plaisir
une présen- orale permet l’aise et j’ai le
tation orale de présenter ses goût de
en classe. idées et peut partager
être plaisante. mes idées.
Je dois donner Dans une J’espère que Inquiétude
une présen- présentation les élèves ne
tation orale orale, on pose poseront pas
en classe. toujours des trop de
questions aux- questions
quelles il est difficiles.
difficile de
répondre.
J’ai échoué Les tests de Ce n’est pas Frustration
au test français sont de ma faute,
de français. toujours l’examen était
difficiles. trop difficile.
J’ai échoué Si l’on échoue, Je ne vaux rien. Dévalorisation
au test c’est qu’on
de français. ne vaut rien.
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Une réflexion portant sur les liens entre émotions et pensée critique 81
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82 Pédagogie et psychologie des émotions
Évaluation
Tout au long de cette démarche, il est important que les élèves utilisent leurs
habiletés liées à la pensée critique et évaluent les croyances qui présentent
des liens de causalité pertinents. La tâche consiste à cerner les croyances sans
fondement, à les rejeter ou pas et à justifier le fait qu’elles soient écartées.
Cette réflexion aide les élèves à éviter de vaincre des émotions qu’ils croient
inappropriées ou dérangeantes en utilisant des prétextes qui relèvent de
croyances plus ou moins justifiées.
Dans la même veine, si l’utilisation des habiletés liées à une pensée
critique vise à améliorer de façon significative le « bien-être émotif », il
est essentiel d’apprendre à reconnaître et à évaluer certains énoncés. Ces
énoncés relèvent de croyances spécifiques dans des contextes variés. Ces
énoncés entraînent une pratique ou encore font appel à des règles de morale
qui suggèrent « ce que nous devrions croire, faire ou évaluer dans des
situations spécifiques » (Gratton, 2001, p. 45). Ces énoncés font référence à
une perception de soi (« si j’échoue un test, je ne vaux pas grand-chose »)
ou encore emprisonne ou limite la philosophie de la vie d’une personne
(« si je veux être heureuse, je dois réussir au plan financier »). Ainsi, ces
énoncés sous-tendent des émotions qui influencent les choix et les façons
d’agir. Plus précisément, un énoncé non fondé qui conduirait, dans des
contextes similaires, à l’expression d’émotions dérangeantes ou inappro-
priées dans la mesure où la personne accorde de l’importance à cet énoncé
risque de placer cette personne dans une position vulnérable au regard de
ces mêmes émotions.
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84 Pédagogie et psychologie des émotions
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Compétence émotionnelle
C H A P I T R E
dans l’accompagnement
4
Analyse des manifestations des émotions
dans un contexte de changement
Louise Lafortune
Université du Québec à Trois-Rivières
louise_lafortune@uqtr.ca
Lise St-Pierre
Université de Sherbrooke
lise.st-pierre@usherb.ca
Daniel Martin
Haute École pédagogique de Lausanne
daniel.martin@edu-vd.ch
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88 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Par ce chapitre, les auteurs suscitent une réflexion sur l’influence
de la dimension affective dans une démarche d’accompagnement
et, ainsi, contribuent à mettre en place de nouvelles façons
d’aborder la formation continue. Ils proposent une réflexion
théorique tant sur l’influence de la dimension émotionnelle sur
l’accompagnement que sur le développement de la compétence
émotionnelle des personnes accompagnatrices. Cette réflexion
théorique est alimentée par la description d’une démarche d’auto-
analyse de la prise en compte des émotions dans une formation à
l’accompagnement associée à une recherche-formation-interven-
tion menant à l’émergence d’une grille d’analyse. Ils ajoutent
les résultats d’une recherche exploratoire visant à connaître et à
analyser des situations d’accompagnement qui ont été influen-
cées par des émotions. L’un des éléments de conclusion proposés
vise l’élaboration et la mise au point de modèles d’intervention
en trois étapes, selon : ce qui relève 1) de la présence affective,
2) du modelage affectif et 3) de l’instrumentation affective, tout
en faisant des liens avec les trois types d’interventions définis
dans la démarche d’autoanalyse et avec les huit composantes de
la compétence émotionnelle.
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 89
1. RÉFLEXION MENANT
À DES CHOIX THÉORIQUES
Dans les observations que nous avons faites à propos de démarches d’accom-
pagnement menées par différents groupes de personnes accompagnatrices
(enseignants et enseignantes, conseillers et conseillères pédagogiques,
directions d’école), nous pouvons constater que celles-ci relèvent l’impor-
tance que prend la dimension affective dans leurs interventions, et ce, de
façon assez continue. Néanmoins, le choix de s’investir dans une formation
à l’accompagnement où les émotions sont traitées directement n’est pas
une priorité.
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90 Pédagogie et psychologie des émotions
Il existe une perception selon laquelle les émotions occupent une place
transversale dans l’accompagnement et il est difficile de cerner les aspects
de l’accompagnement qui font émerger des émotions. Est-ce le contexte,
la tâche demandée, les attitudes des personnes accompagnées ou accom-
pagnatrices… ? Il semble qu’il manque de modèles, de formation ou de
moyens pour intervenir sur la dimension affective de l’accompagnement.
Notre réflexion nous porte à craindre la recherche de moyens simples
d’intervention quand la prise en compte des émotions dans l’accompa-
gnement est un processus complexe qui suppose un regard sur soi, sur
les autres, sur ce qui se passe et sur les perceptions des interactions des
membres d’un groupe.
Nous nous interrogeons donc sur la formation à fournir aux personnes
accompagnatrices qui intègre des éléments tant théoriques que liés à la
communication et aux interrelations. Nous favorisons un traitement cognitif
des émotions plutôt qu’un traitement émotif qui ne peut, selon nous,
mener qu’à ce qu’on appelle des « thérapies de groupe ». Nous croyons que
cette dernière avenue n’est pas pertinente dans le cadre des changements
actuels en éducation et que celle qui privilégie un traitement cognitif des
émotions permet de prendre conscience de ses émotions et de celles des
autres dans une démarche d’accompagnement. Cette perspective suscite la
recherche de moyens facilement adaptables à une situation de classe pour
le développement de compétences ou à une situation d’équipe-école ou
d’équipe-cycle pour trouver des moyens d’intervention à mettre en action,
cherchant non pas à analyser les comportements et attitudes des autres,
mais plutôt à les comprendre. Nous considérons que, pour favoriser une
telle compréhension, il importe que les personnes accompagnatrices déve-
loppent une compétence émotionnelle en vue de porter un regard cognitif
sur les émotions en cause dans une démarche d’accompagnement.
2. COMPÉTENCE ÉMOTIONNELLE
Saarni (1999) est l’auteure principalement consultée pour la compréhension
de la compétence émotionnelle dans une perspective qui peut être trans-
posée à celle de l’accompagnement. Elle explique la compétence émotion-
nelle à partir de huit composantes que nous décrivons dans ce qui suit en
proposant d’abord une formulation et une explication de chacune d’elles
(voir également Lafortune, 2005). Nous ajoutons des précisions quant au
sens de ces composantes pour l’accompagnement socioconstructiviste dans
une optique métacognitive et réflexive (Lafortune et Deaudelin, 2001).
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94 Pédagogie et psychologie des émotions
3. AUTOANALYSE DE LA PRISE
EN COMPTE DE LA DIMENSION AFFECTIVE
DANS LE CADRE D’UNE FORMATION
À L’ACCOMPAGNEMENT
L’idée de réaliser une autoanalyse de la prise en compte de la dimension
affective est venue de commentaires formulés lors d’interventions dans
le milieu scolaire. En réponse à la question « Quels apprentissages avez-
vous réalisés lors de cette intervention ? », plusieurs personnes ont indiqué
qu’elles ont pris conscience de l’importance de la dimension affective.
Pourtant, dans les expériences concernées par cette observation, la néces-
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96 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 1
Types d’interventions pour la prise en compte
de la dimension affective
Niveaux de prise en compte
de la dimension affective Explications
1) Tenir compte Ce premier niveau renvoie aux interventions
de la dimension menées lors de la formation à l’accompagnement
affective auprès des qui font en sorte que la dimension affective (les
personnes formées à émotions) de ces personnes est prise en compte
l’accompagnement directement.
ou personnes
accompagnatrices.
2) Montrer qu’on Ce deuxième niveau fait référence au regard porté
tient compte de la sur les interventions réalisées auprès des personnes
dimension affective accompagnatrices (celles qui sont formées à
dans l’intervention l’accompagnement) pour que ces personnes
auprès des personnes prennent conscience que la dimension affective est
accompagnatrices. prise en compte et qu’elles puissent mieux en tenir
compte lorsqu’elles accompagnent des personnes
dans leur milieu.
3) Donner des idées pour Ce troisième niveau fait référence à des idées
tenir compte de la d’intervention fournies pour tenir compte de la
dimension affective en dimension affective des personnes accompagnées
référant aux personnes (généralement des enseignants et enseignantes)
accompagnées. dans une démarche d’accompagnement.
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 97
1re partie
Faire parler à propos des personnes que l’on accompagne avant de faire parler de soi
(de l’impersonnel à l’individu) rassure les personnes auprès desquelles on
intervient. Même si le fait de fournir des éléments d’observation à propos
des personnes accompagnées peut donner l’impression de se dégager de
soi, les observations faites donnent énormément d’information sur les
personnes auprès desquelles on intervient. Le choix des observations n’est
pas objectif et montre ce qui préoccupe la personne accompagnatrice (déve-
loppement d’un vocabulaire associé aux émotions, 3e composante).
Écouter les descriptions d’essais réalisés en classe sans porter de jugements
hâtifs (sans préjuger). On peut alors poser des questions ou demander l’avis
des personnes qui ont fait les essais ou des autres personnes qui participent
à la rencontre. Il importe de ne pas dévaloriser ce qui se fait déjà. Si on le fait,
c’est qu’on pense que cela est opportun et que cela apporte quelque chose
aux personnes accompagnées (capacité d’empathie, 4e composante).
Éviter de dire qu’une façon de faire ou une stratégie est facile à utiliser ou à
réaliser ou à mettre en place. Cela permet aux personnes accompagnatrices
de ne pas se dévaloriser si tout ne se déroule pas très bien. On peut même
ajouter qu’un premier essai peut causer des difficultés et que cela est tout
à fait normal. Trop souvent, on est porté à dire que cela est facile dans une
optique de motivation ; pourtant, rien n’est facile à réaliser les premières fois
qu’on le fait (compréhension des émotions des autres, 2e composante).
S’inclure comme faisant partie du groupe signifie qu’on utilise grande-
ment le « on » ou le « nous », et pas seulement le « vous ». Par exemple, on
peut parler des priorités qu’on se donne comme groupe. Cela crée un climat
de collectivité qui a plus de chance de se rapprocher d’une communauté
d’apprentissage (reconnaissance et compréhension des émotions des autres,
2e composante).
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98 Pédagogie et psychologie des émotions
Établir des liens en se référant aux idées énoncées par les personnes du groupe,
en nommant ces personnes par leur nom, si c’est possible. Déjà, en se référant
aux idées des personnes, on leur accorde de l’importance. Cependant, si,
en plus, on peut nommer les personnes qui ont soumis une idée, on crée
un climat d’attention. Cela démontre une écoute et une importance accor-
dées non seulement aux idées, mais aussi aux personnes. C’est une forme
d’appréciation de la personne. Cela peut même inciter d’autres personnes
à parler. Sans préjuger des intentions ou des représentations derrière les
idées, il est nécessaire de ne pas toutes les traiter sur un même plan. On
peut les comparer, les mettre en relation, les confronter, les interroger…
(reconnaissance de la nécessité des personnes d’être considérées comme
des êtres émotifs, 2e composante).
Diversifier ses interventions est essentiel. Il importe de diversifier ses
formes d’intervention et d’interaction. On peut se fixer comme objectif de
rejoindre toutes les personnes dans différentes façons d’apprendre à partir
de quatre à six interventions ou situations proposées (développement d’un
sentiment d’autoefficacité, 8e composante).
« Faire des deuils » ou accepter de ne pas réaliser toutes les tâches ou situations
préparées. Pour réaliser les tâches ou situations en respectant les personnes
auxquelles on s’adresse et favoriser leur processus réflexif en respectant
l’horaire, il est essentiel de faire des deuils, c’est-à-dire de ne pas nécessai-
rement faire tout ce qui était prévu, tout en tentant de satisfaire les besoins
cognitifs des personnes participantes. Ces deuils sont alors faits dans le
respect de l’horaire. Cela peut sembler anodin, mais respecter l’horaire
met les personnes accompagnées dans une situation de meilleure écoute.
Trop souvent les rencontres ne respectent pas l’horaire et les personnes
participantes n’écoutent plus les derniers propos. De plus, pour respecter
l’horaire et satisfaire les personnes accompagnées, il faut parfois arrêter des
interventions qui dérivent et qui ne vont pas dans le sens de ce qui était
prévu. Cela peut vouloir dire qu’on ne profite pas à fond d’une activité, mais
d’autres fois cela exige d’être strict dans le temps pour les interventions. Par
exemple, lorsque des personnes ou des équipes présentent le résultat de
leur travail ou de leur réflexion, il peut être important d’allouer un nombre
limité de minutes et de respecter ce cadre horaire. Parfois, il est nécessaire
d’arrêter les deux premières personnes ou équipes dans leur présentation
d’expérience, qui pourrait durer 30, 40 ou 50 minutes. Cette intervention
est généralement appréciée, car plusieurs personnes ne trouvent pas utile
d’écouter une autre personne « se raconter » dans le cadre d’une formation.
Après deux équipes, le rythme est donné et tout le monde se conforme au
temps alloué. Chaque personne ou équipe arrive à choisir ce qu’elle présente
aux autres. On se limite à l’essentiel. Le propos devient plus intéressant, car
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 99
on évite les formes anecdotiques. Cette façon de procéder est plus stimu-
lante pour le groupe (reconnaissance des émotions des autres et capacité
d’empathie, 2e et 4e composantes).
Éviter l’anecdotique. Il importe de trouver des moyens d’éviter que des
personnes se confinent dans le récit d’anecdotes qui ne fait pas avancer la
réflexion. Ce type de récit ne contribue pas à la démarche de construction
dans le processus d’accompagnement. Les personnes présentes veulent
généralement faire de véritables apprentissages et la connaissance de ce qui
se passe en détail dans une école ou dans une classe leur est peu utile. On
peut travailler à faire en sorte que les personnes reconnaissent la structure
de ce qu’elles font pour pouvoir en parler. C’est cet aspect intéressant à
partager qui alimente la réflexion (compréhension du rôle des émotions
dans la communication et de l’importance de développer un sentiment
d’autoefficacité, 5e et 8e composantes).
2e partie
En relation plus directe avec le socioconstructivisme, nous pouvons relever
les aspects suivants.
Montrer qu’on est soi-même à la recherche, en cheminement aide les
personnes formées à vivre la démarche d’accompagnement comme un
processus en évolution. Cela aide également ces personnes à accepter de ne
pas avoir toutes les réponses à leurs questions et surtout pas rapidement.
Tout savoir à l’avance enlève du plaisir à la création (capacité d’accepter
ses expériences émotives, 8e composante).
Montrer comment se prépare le processus de construction. Les habitudes de
formation créent des attentes. Par exemple, il est habituel que les éléments
théoriques soient fournis au début et que les exemples et la pratique suivent.
Pour favoriser l’écoute, il est nécessaire de préciser que la démarche sera
différente cette fois-ci et que la synthèse fournissant des liens avec la théorie
viendra plus tard. Cette façon de procéder est nouvelle et demande que l’on
sache ce qui fait partie de la démarche pour accepter de s’engager dans ce
processus : « Je ne vous ai pas donné un exposé, mais vous pouvez sentir
qu’il va venir. Dans mon esprit, cette mise en commun plus théorique de
ce qui est préparé maintenant pourra venir dans quatre rencontres ; pour
moi, cela fait partie du processus de construction (ou de coconstruction) »
(développement d’un sentiment d’autoefficacité, 8e composante).
Dans le cadre de remue-méninges ou de synthèses collectives, par exemple,
ne pas considérer que tout est bon. Dans un remue-méninges, il est important
de noter toutes les idées et de ne pas les critiquer au moment de la mise en
commun. Cependant, si ce remue-méninges mène à la présentation d’une
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106 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 2
Émotions selon la nature de la situation de changement
et manifestations de ces émotions selon leur type (Suisse)
Suisse Changement Changement Manifestations selon le type
choisi : forma- prescrit : d’émotions
tion réforme de
l’évaluation
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 107
TABLEAU 3
Émotions selon la nature de la situation de changement
et manifestations de ces émotions selon leur type (Québec)
Québec Changement Changement choisi Changement prescrit :
choisi : insertion ou prescrit : plaintes élaboration ou révi-
professionnelle d’élèves et suivi, sion d’un programmes
imposé ou choisi d’études
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108 Pédagogie et psychologie des émotions
même s’il peut susciter une émotion de tristesse chez l’un ou de colère
chez l’autre. Ces constatations montrent la nécessité de développer la
compétence émotionnelle autant pour reconnaître les émotions que pour
les nommer (2e et 3e composantes), mais aussi pour gérer des émotions qui
peuvent être intenses et pour accroître un sentiment d’autoefficacité (6e et
8e composantes).
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 109
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110 Pédagogie et psychologie des émotions
4.3.1. Formation
Au chapitre de la formation, des personnes accompagnatrices signalent
d’abord l’importance de maintenir ses compétences en relation d’aide, de se
former, de s’informer avant la séance au sujet de la situation, de participer à des
groupes d’analyse des pratiques des formateurs, de travailler sa capacité d’écoute.
Il s’agit d’enrichir ses outils théoriques et pratiques. Une technique utilisée est
celle qui consiste à analyser a posteriori chaque séance et en reparler lors de la
réunion suivante. Le regard métacognitif et critique sur l’expérience vécue devient
une activité de préparation pour une prochaine séance d’accompagnement.
Le vocabulaire de la compétence émotionnelle n’est pas vraiment utilisé,
mais implicitement on s’y réfère lorsqu’on parle de compétences en relation
d’aide. Cependant, il serait important de comprendre ce que recouvrent
ces compétences afin de trouver des moyens pour les améliorer et, ainsi,
devenir de meilleures personnes accompagnatrices dans une démarche de
changement.
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 111
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112 Pédagogie et psychologie des émotions
5. DISCUSSION
Certains liens peuvent être faits avec les résultats de l’autoanalyse de
séances d’accompagnement rapportés précédemment. Les deux expériences
diffèrent cependant à certains égards et la prudence s’impose dans toute
interprétation. Dans l’expérience d’autoanalyse, la chercheure forme à
l’accompagnement des personnes accompagnatrices ; quant à la collecte
de données, elle est réalisée auprès des personnes accompagnatrices qui
interviennent dans différents contextes, sans viser la formation à l’accom-
pagnement des personnes auprès de qui elles interviennent. Les personnes
qui ont répondu au questionnaire sur les émotions dans l’accompagnement
se situent à un autre niveau d’intervention ; celui qui correspond aux
personnes qui accompagnent, qu’elles aient ou non suivi une formation à
l’accompagnement.
En ce qui concerne les types d’interventions liés à la prise en compte
de la dimension affective (tableau 1), on relève des exemples de chacun
des types, mais avec moins de variété que dans la situation d’autoanalyse
pour les types 1 et 2 et plus de variété dans le cas du type 3. Parmi les
quinze stratégies relevées par l’autoanalyse de la personne formatrice
à l’accompagnement, celles qui correspondent au type 1 de la prise en
compte de la dimension affective, que nous pourrions nommer la « présence
affective », deux seulement correspondent à des actions mentionnées par
les personnes interrogées, à savoir ménager une place pour l’expression
des émotions et s’inclure comme faisant partie du groupe. En ce qui a trait
au deuxième type, montrer qu’on tient compte de la dimension affective
dans l’intervention, que nous nommons le « modelage affectif », parler de
ses prises de conscience et laisser du temps à l’apprentissage sont deux
stratégies mentionnées par les personnes interrogées qui relèvent de ce
niveau. Rappelons que le fait de remplir le questionnaire a été l’occasion
pour certaines personnes de porter sur leurs façons d’intervenir le « regard
méta » dont il est question dans ce type d’intervention. Le type 3 d’interven-
tion pour la prise en compte de la dimension affective traite de l’« instru-
mentation affective », c’est-à-dire le fait de fournir des idées d’intervention
pour tenir compte de la dimension affective. C’est relativement à ce type
d’intervention que les personnes ont fourni le plus de données à étudier.
En effet, les stratégies d’intervention et de préparation à l’intervention sont
riches d’enseignement. Elles font soupçonner l’intérêt qu’il y a à analyser
des pratiques d’accompagnement, sous l’angle du traitement des aspects
affectifs, dans le cadre d’activités de formation. Elles permettent égale-
ment de pressentir la possibilité d’élaborer et de valider une base variée et
riche de connaissances pratiques dans ce domaine. Toutefois, on peut se
demander, dans une perspective socioconstructiviste, ce que peut apporter
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 113
CONCLUSION
Dans plusieurs pays, des réformes scolaires d’envergure mises en place
exigent des changements profonds dans les conceptions et les pratiques
des personnels scolaires. Pour assurer le succès de ces réformes, on mise
sur l’accompagnement de personnes et de groupes de personnes qui
voient leurs façons traditionnelles de travailler être remises en question et
soumises à un regard critique. Cela provoque des émotions, parfois vives,
qui risquent de perturber les processus d’accompagnement. Les personnes
accompagnatrices ont avantage à prendre en compte ces émotions et à les
traiter de manière à ce qu’elles ne s’interposent pas négativement dans
la mise en œuvre des changements proposés. Mais cette tâche s’avère
complexe et délicate, et elle ne s’improvise surtout pas. Les personnes
accompagnatrices que nous formons expriment souvent le sentiment de ne
pas maîtriser suffisamment ces situations et elles apprécieraient être mieux
formées pour intervenir efficacement. Elles n’utilisent pas l’expression
« compétence émotionnelle », mais les propos peuvent facilement être mis
en relation avec cette compétence. Peu de chercheurs se sont penchés sur
cette question en ce qui a trait au travail d’adultes auprès d’autres adultes
en éducation. Les réflexions théoriques et les expériences présentées contri-
buent à une meilleure compréhension des phénomènes en cause et suggè-
rent des pistes d’intervention à l’intention des personnes accompagnatrices
et des réflexions à propos de la compétence émotionnelle.
Ces personnes vivent elles-mêmes des déséquilibres, voire des « chan-
gements paradigmatiques », par rapport aux fondements conceptuels et
aux cadres de référence organisationnels à la base des réformes scolaires.
Elles ne se sentent pas toujours en plein contrôle en ce qui concerne ces
fondements. Le traitement des aspects émotifs qui doit se faire de concert
avec le traitement cognitif sur le plan des idées, dans le cadre des objectifs
visés par la situation d’accompagnement, ajoute une difficulté supplé-
mentaire au processus d’accompagnement. Les données recueillies auprès
de certaines personnes ont mis en évidence le fait qu’il leur arrive d’être
influencées dans le discours négatif des personnes accompagnées, par un
excès d’« empathie ». À notre avis, cela souligne l’importance de former les
personnes accompagnatrices sur le plan de la compétence émotionnelle.
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114 Pédagogie et psychologie des émotions
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 115
autres, des démarches et outils pour soutenir l’analyse des pratiques. Outre
ces connaissances théoriques et pratiques, une formation à l’accompagne-
ment devrait prévoir le soutien au développement d’un regard critique
concernant les manifestations émotives et les effets de différentes inter-
ventions (Lafortune et Robertson, 2005). À cet égard, certaines personnes
ont signalé que le questionnaire avait été en lui-même un outil puisqu’il
leur a permis de réfléchir à leur pratique. Cet exercice est un premier pas
dans l’approfondissement de ce regard critique. Il y aurait donc un intérêt
à développer cet outil pour amplifier le mouvement.
Le traitement efficace des aspects émotifs qui émergent lors d’une
situation d’accompagnement exige un préalable en lien avec la culture
pédagogique (Lafortune et Martin, 2004) : maîtriser le domaine qui fait
l’objet du processus d’accompagnement, que ce soit celui de l’évaluation
des apprentissages, de la pédagogie coopérative, de l’insertion profes-
sionnelle ou de l’élaboration de programmes. Selon notre conception de
l’accompagnement (qui inclut des éléments de formation relatifs tant au
contenu qu’au processus), ce préalable est essentiel pour que la personne
accompagnatrice dispose de la liberté mentale nécessaire pour percevoir
ce qui se passe et agir sans perdre de vue les intentions de changement.
C’est donc la culture pédagogique de la personne qu’il importe de solidifier
d’abord ou en concomitance avec le développement de la compétence à
l’accompagnement, y compris sa composante émotionnelle. L’une des pistes
à considérer pour accroître la compétence émotionnelle en accompagne-
ment, c’est, paradoxalement, l’intervention en vue d’améliorer « la culture
pédagogique » des personnes accompagnatrices.
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116 Pédagogie et psychologie des émotions
ANNEXE
Questionnaire – Recherche exploratoire – Février-mars 2003
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Compétence émotionnelle dans l’accompagnement 117
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La formation des travailleurs sociaux
C H A P I T R E
Jo Ann Lévesque
Université McGill
joann.levesque@mcgill.ca
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120 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
L’auteure décrit les démarches de recherche qui l’ont conduite à
découvrir un modèle systémique d’enseignement portant sur le
développement du jugement réflexif et à découvrir les conditions
relatives aux stratégies privilégiées de ce modèle, qui sont la
transmission de l’information, la conversation éducative et la
rédaction. Elle présente également les résultats du prétest et des
post-tests sur la réflexion cognitive qui attestent que le modèle
de développement du jugement réflexif contribue réellement au
développement de la capacité réflexive ou au maintien des hautes
habiletés réflexives.
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122 Pédagogie et psychologie des émotions
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124 Pédagogie et psychologie des émotions
3. UN INSTRUMENT D’ANALYSE :
LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT
DU JUGEMENT RÉFLEXIF
Pour arriver à déterminer si l’ensemble des stratégies d’enseignement et
d’apprentissage du cours Réalités interethniques et intervention sociale avait
contribué au développement de la capacité réflexive des étudiants, nous
avons utilisé le dernier modèle du courant de la pensée critique perçue
comme un développement intellectuel, soit le modèle de développement
du jugement réflexif élaboré par King et Kitchener (1994).
Le modèle du jugement réflexif sert de cadre de référence décrivant
le développement chez l’individu, de l’enfance à l’âge adulte, de l’appré-
hension du processus de la connaissance et des justifications propres à
chaque étape, étayant ainsi les croyances au sujet de problèmes flous ou
peu structurés. Dans le modèle, on décrit le développement de la cognition
épistémologique. Au cours de sa croissance, l’individu acquiert une capacité
d’évaluation des postulats de la connaissance et devient capable d’expliquer
et de défendre son point de vue. Il est un cadre de référence qui spécifie
comment une personne perçoit et cherche à résoudre les problèmes mal
définis et met l’accent sur la perception de la connaissance et les concepts
de justification.
Ce processus cognitif se divise en trois niveaux (préréflexif, quasi
réflexif et réflexif) et sept stades, chacun ayant ses postulats d’accès au
savoir et leur concept de justification. Chaque stade représente une façon
d’accéder à la connaissance. Plus on avance dans les stades, plus la forme
de justification se complexifie, devient effective et permet aux individus
d’évaluer et de défendre leur point de vue. Chaque stade a ses propres
stratégies de résolution de problèmes. Aux stades avancés, l’individu peut
distinguer les problèmes qui sont bien et mal définis et intégrer tout un
ensemble de données au sujet d’une situation complexe.
Les personnes qui raisonnent selon les trois premiers stades pensent
que la connaissance peut s’acquérir par l’observation ou par le discours
des experts. Elles supposent que le savoir est concret et absolu, et ne font
pas la différence entre les problèmes qui sont bien et mal définis. Elles
pensent au contraire qu’il existe une solution à tous les problèmes. Ce
type de raisonnement est caractéristique du niveau préréflexif du modèle
de King et Kitchener (1994). Les élèves du secondaire pensent en général
de cette façon.
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 125
4. UNE MÉTHODOLOGIE :
L’APPROCHE ANTHROPOPÉDAGOGIQUE
En plus du modèle de développement du jugement réflexif, nous nous
sommes grandement inspirée des caractéristiques de l’approche anthro-
popédagogique de Morin (1992b), qui se définit ainsi :
Une méthode de recherche pédagogique qui utilise l’essentiel de la
démarche anthropologique au profit de la pédagogie pour favoriser
une compréhension et une évaluation active des phénomènes éducatifs.
(Morin, 1984, repris dans Legendre, 1993, p. 1074, et Morin et Vautour,
1994, p. 29.)
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126 Pédagogie et psychologie des émotions
Dans la présente recherche, tous les acteurs ont contribué par leur
réflexion à la finalité de l’étude. D’abord, deux personnes ont agi à titre
d’observatrices participantes en consignant et en analysant, selon un modèle
préétabli de notation (Morin, 1992a), l’ensemble des interactions qui se sont
déroulées dans chacune des séances de cours, celles-ci étant enregistrées et
retranscrites afin qu’aucun propos tenu en salle de classe n’échappe à l’ana-
lyse. Nous avons aussi rédigé notre propre journal de bord selon la méthode
de notation privilégiée par Morin (1992a). Pour leur part, les étudiants ont
rédigé un cahier d’apprentissage à la réflexion contenant une synthèse et
une réflexion sur l’un des contenus de chacune des séances théoriques. Ils
ont également participé aux rencontres formelles et informelles portant à
la fois sur le déroulement du cours et sur leur perception de l’évolution de
leur propre capacité à juger dans la sphère des relations interculturelles.
À ces outils de nature anthropologique se sont ajoutés un prétest et des
post-tests sur la réflexion cognitive (Wood, King, Kitchener et Lynch, 1994)
qui ont servi à mesurer l’évolution des niveaux et des stades du jugement
réflexif des étudiants.
L’examen de l’ensemble des données et de leur relation s’est effectué
en trois analyses. La première, verticale5, réunissait les interactions de
chacune des séances6 de cours, recueillies grâce aux instruments de la
collecte des données : enregistrement, notes des observatrices participantes
et de la professeure-chercheure dans leur cahier de bord. Elle présentait
aussi une analyse qualitative du jugement réflexif des réflexions critiques
des étudiants7. L’ensemble de ces données réunies constituait le premier
processus de triangulation des données de cette étude. La deuxième analyse,
horizontale8, a montré l’évolution du jugement réflexif des étudiants selon
les séances de cours, un cheminement réflexif qui a été mis en relation
avec leurs résultats au prétest et aux post-tests sur la réflexion cognitive.
Cette deuxième analyse regroupait également toutes les observations de
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 127
5. LE MODÈLE D’ENSEIGNEMENT
PORTANT SUR LE DÉVELOPPEMENT
DU JUGEMENT RÉFLEXIF
Les résultats de l’étude ont fait émerger un modèle d’enseignement qui
regroupe les trois axes pédagogiques du cours Réalités interethniques et inter-
vention sociale : la transmission de l’information, la conversation éducative
et la rédaction. D’implicites qu’ils étaient au début de la recherche, ces trois
axes pédagogiques se sont transformés, par leurs étroites interrelations et
interdépendances, en composantes essentielles d’un modèle intégrateur
d’enseignement centré sur le développement du jugement réflexif dans la
formation interculturelle.
Le modèle comporte d’autres attributs qui viennent qualifier chacun
des axes pédagogiques. Par exemple, la transmission de l’information
soulève la nécessité de fournir des documents pédagogiques et appelle
à un enseignement magistral pondéré et clair. La conversation éducative
est l’orientation pédagogique nécessaire qui permet de rejoindre direc-
tement l’expérience des étudiants et qui favorise un approfondissement
de la matière grâce à l’échange démocratique, voire même socratique en
petits groupes de travail ou en séance plénière. Quant à la rédaction, elle
soulève la nécessité d’une formation aux rudiments de la pensée critique,
demande l’exercice assidu de l’écriture et exige une correction rigoureuse
pour développer la capacité réflexive.
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128 Pédagogie et psychologie des émotions
FIGURE 1
Modèle d’enseignement de développement du jugement réflexif
Structure
illustrations
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Formation de la
pensée critique
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Étu
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Liens entre les activités
Transmission Conversation
de l’information éducative
Cohérence
Amplitude ou
Pondération complétude de l’information Échange
et clarté Richesse du contenu démocratique
Cohérence du contenu
Rédaction
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t io
quotidienne
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Écriture
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Complémentaire
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 129
La transmission de l’information
Les huit premières séances du cours Réalités interethniques et intervention
sociale comportent toutes un segment d’enseignement magistral. Par
exemple, l’une des activités pédagogiques de la deuxième séance traite
du profil de l’immigration au Québec sous forme de tableaux graphiques.
Quelque 30 tableaux ont été présentés pendant près d’une heure et dix
minutes. En réaction à cette stratégie d’enseignement, un étudiant écrivait
ceci dans son cahier d’apprentissage à la réflexion :
Je dois dire au départ qu’aucun des chiffres donnés en classe ne m’a
vraiment surpris. Ce qui m’a étonné c’est que vous avez utilisé ceux-ci
pour décrire le profil de l’immigration au Québec sans plus de détails
qui auraient pu, selon moi, nous aider dans la formation d’une idée juste
sur le sujet. Prenons comme exemple l’apprentissage du français. À la
question quelle langue parlent-ils ? Vous avez répondu : l’anglais et puis
vous avez donné les pourcentages, sans plus. Ma première réaction était
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130 Pédagogie et psychologie des émotions
Les analyses de tous les écrits et des interactions ont indiqué qu’une
transmission parcellaire de l’information éveillant la curiosité grâce à un
questionnement, suivie d’une présentation de tableaux graphiques et de
leurs conclusions, peuvent donner matière à réflexion. Cependant, si la
transmission de l’information, accompagnée d’autres activités pédagogi-
ques, ne peut répondre de façon correcte aux questions des étudiants, elles
devient une contre-stratégie pour le développement du jugement réflexif,
parce que les étudiants semblent ainsi laissés à eux-mêmes dans un relati-
visme réflexif et démontrent une tendance préréflexive ou quasi réflexive,
stade 4. De cette observation, se dégage la condition suivante :
La présentation parcellaire de l’information peut éveiller la curiosité
intellectuelle, mais pour favoriser le développement du jugement
réflexif, il faut présenter l’information dans sa complétude ou son
amplitude. (Lévesque, 1999, p. 322)
Dans la séance portant sur la culture, nous avons reconnu les diffé-
rents sens rattachés au concept de la culture : la culture est perçue dans
son sens premier, l’agri-culture, la culture perçue comme l’ensemble des
connaissances de l’homme, les cultures perçues au sens ethnographique, la
culture perçue au sens spirituel et la culture perçue au sens technique. Nous
enchaînons avec la classification ethnographique de la culture telle qu’elle
est définie par les ethnologues. Une note d’une observatrice participante
révèle ceci à l’égard de ce traitement de l’information :
Dans la première partie de ce segment de module, les questions ou les
remarques des étudiants montrent un désir d’en connaître plus sur le sujet,
mais le tollé de la classe dû à une explication insuffisante de l’époque des
Lumières semble avoir affecté le sérieux des réponses vers la fin du cours
[…] (Propos cités dans Lévesque, 1999, p. 191.)
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 131
Dans la séance portant sur le choc culturel, nous avons abordé les
différentes facettes du choc culturel vécu par les nouveaux arrivants. Le
contenu de cette matière fut présenté à partir de titres évocateurs, suivis
d’exemples pris dans le quotidien. À la suite du cours, une étudiante écrivait
ceci dans son cahier d’apprentissage à la réflexion :
Le contenu de ce cours renferme en plusieurs points les dimensions
importantes à tenir compte dans l’intervention psychosociale. Même si
le sujet du cours concerne les particularités de la réalité interculturelle,
il ne faut pas aller loin pour parfois être confronté à des différences qui
nous font vivre un choc culturel.
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132 Pédagogie et psychologie des émotions
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 133
La conversation éducative10
Toutes les séances du cours « Réalités interethniques et intervention sociale »
comportent une conversation éducative dans laquelle il y a une interaction
formelle ou informelle entre les étudiants ou entre les étudiants et nous-
même. Par exemple, le cours sur l’immigration comprenait, entre autres,
deux types de conversations éducatives : l’une dans laquelle les étudiants
étaient invités à répondre à une question formulée à partir de tableaux
graphiques et une autre dans laquelle les étudiants se regroupaient pour
répondre à la question : Quels sont les motifs qui poussent les immigrants
à quitter leur pays ? La comparaison a permis de déduire qu’une conver-
sation éducative faisant suite à un travail de réflexion en petits groupes
de partage gagne plus en profondeur sur le plan des idées émises qu’une
conversation menée à partir de réflexions individuelles. Il en découle la
condition suivante :
Le travail en petits groupes de partage favorise l’approfondissement
des idées nécessaires à la formulation d’un jugement éclairé et réflexif.
(Lévesque, 1999, p. 324)
10. Pour Potvin (1994), la conversation éducative est un pôle majeur de l’activité
éducative. Pour lui, il s’agit d’une action éducative intentionnelle et consciente dans
laquelle l’éducateur interagit et « communicagit » avec l’élève dans l’instantanéité
de la situation et dans le jeu total de la dynamique de vie.
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134 Pédagogie et psychologie des émotions
rité ethnique, ces affirmations, ainsi que leur manière de les dire m’ont
bouleversée, car ces préjugés existent réellement et ils ne sont pas faciles
à oublier. Toutefois, j’aurais mieux accepté leur message si l’équipe l’avait
mentionné avec du sérieux. À mon avis, elle n’avait plutôt pas beaucoup
réfléchi sur cet exercice […] (Propos cité dans Lévesque, 1999, p. 151)
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 135
(culture de masse) en était une de ces formes. Par contre, elle essaie aussi
de leur faire valoir une seconde forme de culture, la culture globale, une
culture de l’âme et de l’évolution.
Tout ça pour te dire, mon cher Mario, que j’ai été étonné, encore une
fois, d’entendre des paroles provenant d’esprits aussi fermés. Pour ces
individus, la culture gravite autour de leur environnement immédiat.
Pourtant, on ne cesse de répéter qu’un travailleur social doit apprendre
à ne pas imposer ses valeurs de Québécois, de Canadien et de Nord-
Américain. Comment peuvent-ils comprendre la pauvre mère de famille
islamique qui souffre d’isolement avec une attitude fermée et nombriliste
de « Habitant pea soup » [mentalité de soupe au pois] ? À mon avis, le
début de carrière ne s’avère guère facile pour ce petit groupe d’individus
[…] (Propos cités dans Lévesque, 1999, p. 449.)
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136 Pédagogie et psychologie des émotions
12. L’affectivité non raisonnée est définie ici comme une émotion qui obnubile toute
capacité à raisonner sur une ou plusieurs propositions dans un temps donné.
Channouf et Rouan (2002) montrent comment une émotion modifie le traitement
de l’information.
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 137
7. LA RÉDACTION
La rédaction est une habileté de base en éducation à laquelle on reconnaît
de hautes vertus cognitives. Comme il a été mentionné précédemment, les
étudiants ont rédigé huit réflexions critiques sur un thème de leur choix lié
au contenu de chacune des séances théoriques du cours. Le tableau suivant
illustre l’évolution du jugement réflexif d’un étudiant :
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138 Pédagogie et psychologie des émotions
FIGURE 2
Parcours du jugement réflexif de Marc*
7
6 X
5
4
3
2
1
1 1 1 1 1 1 1 1
Séances
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 139
8. LE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT
DU JUGEMENT RÉFLEXIF ET LA PÉDAGOGIE
Le modèle de développement du jugement réflexif est un instrument
au service de la pédagogie qui contribue réellement à développer le
jugement réflexif des individus, particulièrement ceux du niveau quasi
réflexif, stade 4, ou qui maintient les acquis réflexifs d’individus de niveau
quasiréflexif, stade 5. C’est ce que le prétest et les post-tests sur la réflexion
cognitive ont démontré avec les deux groupes d’étudiants. En effet, le score
obtenu au post-test (4,71 + 0,78) était significativement supérieur à celui
obtenu au prétest (4,54 + 0,75), p = 0,014 dans le premier groupe. Dans le
deuxième groupe, par contre, il n’y avait pas de différence significative
entre le post-test (5,02 + 0,090) et le prétest (4,90 + 0,087), p = 0,134. Cette
différence pouvait s’expliquer par le fait que le résultat au post-test du
second groupe n’était pas significativement supérieur à celui du prétest. Le
score obtenu au prétest (4,90 + 0,087) du deuxième groupe était par contre
significativement supérieur à celui du premier groupe (4,54 + 0,75). Ces
différences entre les groupes laissaient ainsi présager qu’il peut être plus
difficile de faire progresser le jugement réflexif d’un groupe d’étudiants
qui épousent de près les caractéristiques du niveau quasi réflexif, stade 5,
et non celles du stade 4.
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140 Pédagogie et psychologie des émotions
CONCLUSION
Le modèle de développement du jugement réflexif, par ses stratégies d’en-
seignement et d’apprentissage, a contribué au développement du jugement
réflexif du premier groupe et maintenu les acquis réflexifs du deuxième
groupe d’étudiants. Ses résultats attestent la richesse du modèle, parce que
celui-ci tient compte de toutes les dimensions de l’être qui sont interpellées
par une structure d’activités pédagogiques, comme celle du cours Réalités
ethniques et intervention sociale qui vise une meilleure compréhension des
réalités interculturelles. Tout en créant un terrain propice à l’apprentissage
de réalités nouvelles, interculturelles, il permet d’accueillir les propositions
préréflexives très souvent non raisonnées pour les conduire vers des niveaux
quasi réflexif et réflexif, voire beaucoup plus raisonnés. Il aide l’individu à
grandir intellectuellement et affectivement dans la compréhension d’autres
univers culturels que le sien.
La mise en application et le respect des conditions rattachées aux trois
axes pédagogiques du modèle sont toutefois une condition sine qua non pour
qu’il y ait un développement du jugement réflexif. En effet, le modèle de
développement du jugement réflexif prend toute son ampleur et tout son
dynamisme dans le respect des conditions qui doivent être sérieusement
prises en compte pour qu’il y ait véritablement une différence dans la
capacité de juger des réalités interculturelles des individus, notamment les
travailleurs sociaux qui auront à soutenir les gens venus d’ailleurs.
Le modèle de développement du jugement réflexif s’inscrit dans
la famille des modèles qui contribuent au développement de la pensée
critique. Mais il appartient surtout, par son objet, à la famille des modèles
de développement axés sur le jugement réflexif (King et Kitchener, 2004).
Il montre la difficulté de former la pensée dans les situations complexes.
Il appelle à un regard systémique des réalités, regard dont on a et dont on
aura particulièrement besoin dans nos sociétés du présent siècle.
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La formation des travailleurs sociaux aux réalités interculturelles 141
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P A R T I E
APPROCHE
PLUTÔT PSYCHOLOGIQUE
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C H A P I T R E
Adolescence et conscience
des émotions positives
6
Ottavia Albanese
Università degli Studi di Milano-Bicocca
ottavia.albanese@unimib.it
Ilaria Grazzani Gavazzi
Università degli Studi di Milano-Bicocca
ilaria.grazzani@unimib.it
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146 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Cette recherche fait partie d’un projet plus vaste ayant pour objet
d’étudier la conscience des émotions et la compétence émotion-
nelle chez les adolescents. Il s’agit d’une recherche préliminaire,
concentrée sur les émotions positives comme aspect du bien-être
subjectif (SWB) et comme facteur de protection au cours de l’ado-
lescence, une phase problématique du développement. À cet effet,
un journal de cinq pages a été créé sur les moments positifs et
les émotions qui sont expérimentées dans la vie de tous les jours.
Cette étude a été réalisée sur un échantillon de 222 adolescents
(entre 16 et 18 ans ; âge moyen : 17,2 ans) choisis dans trois lycées
de Milan et de sa banlieue à qui l’on a demandé de remplir une
page de journal chaque fois qu’ils faisaient l’expérience d’un
moment positif, en décrivant la situation et les émotions l’ayant
suivie, en précisant s’ils étaient seuls ou pas et s’ils avaient parlé
de ces émotions à d’autres ou pas. Les résultats montrent des
différences intéressantes entre les sexes. Par exemple, pour les
garçons, les expériences positives renvoient plutôt aux loisirs et
aux activités sociales, tandis que pour les filles elles sont plutôt
liées aux relations affectives. En outre, les garçons indiquent une
satisfaction à l’égard de la vie qui est habituellement supérieure
à celle qui est éprouvée par les filles.
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Adolescence et conscience des émotions positives 147
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148 Pédagogie et psychologie des émotions
1. ÉMOTIONS ET ADOLESCENCE
Dans ce chapitre, nous abordons le thème des émotions positives liées à
la phase particulière du cycle de la vie qu’est l’adolescence. À cet égard,
on assiste à un étrange paradoxe : d’un côté, une grande tradition de
recherche – aussi bien la psychanalyse que la recherche pédagogique –
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Adolescence et conscience des émotions positives 149
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150 Pédagogie et psychologie des émotions
nouveaux rapports avec les parents, les adultes significatifs et les adoles-
cents du même âge. En quelque sorte, il est possible de représenter l’ado-
lescence comme un processus en construction de l’identité à l’intérieur du
cycle de vie, processus qui se met en œuvre en affrontant et en essayant
de résoudre des tâches spécifiques de développement qui trouvent leur
explicitation dans les contextes et les cultures d’appartenance de chaque
adolescent.
Sur cette toile de fond qui s’est imposée au cours des dernières années,
l’approfondissement des émotions positives ou agréables qui, d’après
certains auteurs, sont liées à la croissance du bien-être psychologique
subjectif trouve toute sa justification (Schimmack, Oishi et Diener, 2002).
Les émotions associées à des expériences agréables sont celles qui sont
principalement liées au bonheur, à la joie, à la satisfaction, à la fierté, au
contentement et à l’extase, c’est-à-dire aux émotions qui ont été élaborées
de façon empirique (Johnson-Laird et Oatley, 1989 ; Storm, Storm et Jones,
1996 ; Zammuner, 1998).
Il existe de nombreux travaux qui ont approfondi l’étude des émotions
positives en lien avec la neurophysiologie (Ekman, Levenson et Friesen,
1983 ; Fredrickson et Levenson, 1998), l’expression (Argyle, 1987), la person-
nalité connexe (Myers et Diener, 1995 ; Peterson, 2000), l’appartenance
culturelle (Suh, Diener, Oishi et Triandis, 1998), les événements connexes
significatifs et, plus particulièrement, les relations sociales (Grazzani
Gavazzi et Ornaghi, 2001 ; Grazzani Gavazzi, 2002, 2004 ; Myers, 2000 ;
Scherer, Wallbott et Summerfield, 1986), le travail (Argyle, 1987), le temps
libre (Csikszentmihalyi et Wong, 1991) et la pratique religieuse (Gartner,
Larson et Allen, 1991). Il existe très peu de travaux qui ont examiné ces
aspects par rapport à la phase du cycle de vie de l’adolescence et surtout
très peu qui ont utilisé des approches méthodologiques plaçant au premier
plan la signification subjective de bien-être en relation avec l’expérience
émotive qui le caractérise. D’après Armezzani (1998), malgré un intérêt
croissant pour le « subjectif bien-être » (traduction de la célèbre expression
subjective well-being ou de l’abréviation SWB), choisir la signification et la
subjectivité comme thématiques centrales de la recherche scientifique relève
encore de nos jours du défi.
2. LE TRAVAIL DE RECHERCHE
La recherche que nous présentons fait partie d’un projet intitulé « émotions
et vie quotidienne » que nous sommes à mettre en forme depuis quelques
années dans une perspective évolutive en accord avec les suggestions de
la psychologie culturelle narrative de Bruner (1990). Il naît de la consta-
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Adolescence et conscience des émotions positives 151
tation que nous avons faite, à savoir que l’on connaît très peu de chose à
propos de l’expérience émotive positive des adolescents ainsi qu’à propos
de leur satisfaction dans la vie. La recherche scientifique traditionnelle
a eu tendance à éviter d’exploiter les récits pour vérifier des hypothèses
particulières ou pour en tirer des conclusions sérieuses.
D’après les résultats de différentes recherches, le bonheur et la joie
sont des émotions qui sont souvent ressenties. Cependant, nous ignorons
dans quelles circonstances spécifiques de la vie quotidienne, en rapport
avec quelles activités et avec quelles personnes ces émotions sont ressenties,
car la plupart des auteurs ont abordé le sujet en utilisant des critères socio-
économiques et des méthodes psychométriques (Argyle, 1987 ; Legrenzi,
1998 ; Strack, Argyle et Schwarz, 1991). L’utilisation du journal intime
semi-structuré – qui est l’instrument adopté dans notre recherche – relève
le défi signalé par Armezzani (1998) en permettant, d’une part, d’enquêter
sur l’expérience du bien-être et des états émotifs connexes et, d’autre
part, d’obtenir du matériel empirique narratif suffisamment rigoureux et
contrôlable. Nous nous sommes plus particulièrement attachés à :
➢ décrire les caractéristiques des émotions et des affects positifs
éprouvés dans la vie quotidienne (antécédents, intensité, typologie,
dimension sociale) en relation avec des événements agréables ;
➢ cerner les différences de genre par rapport aux émotions positives
et en relation avec le degré de satisfaction dans la vie ;
➢ offrir des points de départ à une réflexion sur le rapport qu’entre-
tiennent les émotions positives et le bien-être psychologique au
cours de l’adolescence.
2.1. MÉTHODE
La méthode de recherches sera présentée en décrivant les sujets, les outils
et le codage des données.
Sujets participants
Deux cent vingt-deux adolescents âgés de 16 à 18 ans (âge moyen : 17,2 ans)
ont rempli un journal. Ils venaient de classes socioéconomiques moyennes
et le nombre des adolescentes était légèrement supérieur. Ils ont relaté en
tout 665 épisodes concernant des expériences positives, soit 333 pour les
adolescentes et 332 pour les adolescents. Les participants ont été contactés
à l’intérieur d’établissements scolaires situés en Lombardie (et plus parti-
culièrement dans la région de Milan et de Lecco) ; ils appartenaient aussi
bien à la filière scientifique qu’à la filière socio-humaniste.
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2.2. RÉSULTATS
Les résultats de cette recherche sont présentés selon leur cadre général,
mais aussi en comparant les résultats selon le genre.
Cadre général
L’analyse des données révèle que les expériences positives dans la vie
quotidienne sont accompagnées, dans 83,3 % des cas, par une ou plusieurs
émotions et que ces émotions sont d’une certaine intensité, car la valeur
moyenne de l’intensité qui leur est attribuée est de 7,0 % (sur une échelle
de 1 à 10).
Les émotions qui ont été le plus fréquemment mentionnées sont : le
bonheur (25,1 %), la joie (15,7 %) et la satisfaction (9,9 % ; voir la figure 1 pour
un cadre général). D’autres émotions apparaissent également : contentement
1. Ici on ne discutera pas les données sur le type d’action ni celles sur la présence de
souvenirs.
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154 Pédagogie et psychologie des émotions
(4,7 %), allégresse (4,4 %), enthousiasme (1,8 %), amour (2,0 %), soulagement
(2,0 %). La catégorie « autre » (34,4 %) est plutôt vaste, car elle comprend de
nombreuses étiquettes verbales liées à une expérience émotive agréable.
Il s’agit de termes appartenant aussi bien au langage des émotions (par
exemple l’euphorie) que d’expressions articulées liées à des conditions
psychologiques et physiques de bien-être (par exemple : je me sentais bien,
je me suis sentie libre et insouciante…).
Le type d’événement (ou antécédent) qui a été le plus souvent associé
à ces émotions est celui que nous avons classé sous la rubrique des diver-
tissements-loisirs (346 %), suivie par celles des devoirs (28,2 %), des affects
(16,6 %), de la détente (11 %), des événements sociaux (8,8 % ; voir la figure
2). La catégorie travail représente seulement 0,5 % des épisodes.
Le bonheur est plus fréquemment associé à des épisodes de diver-
tissements et d’affects ; la joie, à des épisodes d’affects ; la satisfaction, aux
devoirs.
FIGURE 1
Typologie des émotions agréables
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
n
t
se
on
r
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en
en
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FIGURE 2
Événements précédant les émotions agréables
40%
30%
20%
10%
0%
loi rt.-
irs
ail
ts
te
l
cia
s
fec
ten
sir
vo
v
ve
So
Tra
Af
De
Di
Dé
Dans 59,2 % des cas, les émotions positives ont été partagées, c’est-à-
dire que les sujets en ont parlé avec des personnes proches (les adolescents
étaient en compagnie d’amis ou de connaissances dans 60,8 % des cas).
FIGURE 3
Contexte émotif
50%
40%
30%
20%
10%
0%
ec xte
lic
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t
il
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va
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b
Sp
n r nte
Éc
pu
Tra
on
Ma
no Co
u
Lie
Enfin, la satisfaction dans la vie des adolescents qui est manifestée est
de 5,4 sur une échelle de 1 à 7.
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156 Pédagogie et psychologie des émotions
FIGURE 4
Nature de l’événement en fonction du genre
70 %
60 %
50 %
40 % F
30 % M
20 %
10 %
0%
s
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te
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Adolescence et conscience des émotions positives 157
FIGURE 5
Contexte émotif en fonction du genre
100 %
80 %
60 %
F
40 % M
20 %
0%
ec xte
on
lic
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ail
or
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vo
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Tra
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Ma
De
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no Co
Lie
DISCUSSION ET CONCLUSION
Dans les données de la recherche que nous avons présentées, nous décrivons
les caractéristiques des émotions et des affects positifs éprouvés dans la vie
quotidienne des adolescents et nous analysons les différences de genres
pour réfléchir au bien-être psychologique vécu au cours de l’adolescence.
Ces résultats nous permettent de dégager un certain nombre de consi-
dérations. D’abord, les émotions et les affects positifs sont une composante
importante de la vie quotidienne des adolescents qui ont pris part à ce
travail de recherche. Bien que nous ne disposions pas de données précises
sur la fréquence journalière des états émotifs agréables, nous pouvons
affirmer qu’une majorité des adolescents ont rempli avec facilité et en
respectant les délais prévus le journal qui leur avait été remis (même si
parfois celui-ci n’a pas été rempli en entier), en y reportant des épisodes
positifs et les émotions connexes comme des événements inhérents à la vie
de tous les jours.
Le vocabulaire psychologique lié aux émotions agréables apparaît
plutôt riche et varié, puisqu’il s’attache non seulement à des mots d’usage
commun, tels que le bonheur, la joie, la satisfaction, mais aussi aux étiquettes
qui révèlent une connaissance précise de la dimension émotionnelle liée à la
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158 Pédagogie et psychologie des émotions
Sujet 246, M – À l’école, j’étais content parce que j’ai fini un projet que
j’avais commencé avec mes camarades au mois de janvier.
Sujet 100, F – Après avoir participé à la messe avec mon père, comme
c’était la fête des Pères, j’ai fait tout ce qu’il devait faire à sa place : je ne
voulais pas qu’il travaille, puisque c’était sa fête.
Sujet 291, F – J’étais seule chez moi sur le balcon, il n’y avait pas un
nuage, je me sentais vraiment bien. Je suis restée à regarder le jardin,
les oiseaux et le ciel.
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C H A P I T R E
Le sentiment de culpabilité
comme outil d’information
7
(affect-as-information)
chez les adolescents
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166 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Dans ce chapitre, les auteurs examinent les effets cognitifs
de l’activation, chez un groupe d’adolescents, d’un sentiment
de culpabilité pour avoir agi de façon irresponsable selon le
mécanisme connu de l’affect-as-information : l’émotion est
utilisée, telle une information saillante, dans la formulation
des jugements et des évaluations (raisonnement émotionnel).
À cet effet, les auteurs s’attacheront à présenter une contribu-
tion expérimentale sur l’influence du sentiment de culpabilité,
provoqués par le biais de souvenirs de sentiments de culpabilité
antérieurs, sur la perception du danger et sur les jugements
relatifs aux performances préventives exprimés par un groupe
d’adolescents scolarisés. Ils chercheront par ailleurs à savoir quel
rôle joue le sentiment de culpabilité comme trait sur leur esti-
mation du danger et de leurs propres performances préventives.
D’après les résultats obtenus, ils ont pu déduire que, chez les
adolescents, le sentiment de culpabilité est effectivement utilisé
comme une information saillante pour la formulation d’estima-
tions et de jugements. Les adolescents chez lesquels un sentiment
de culpabilité a été stimulé estiment, de fait, les événements
dangereux comme plus probables et plus graves et ils expriment
un plus grand degré d’insatisfaction à l’égard des performances
préventives. Les auteurs constatent enfin qu’il existe également
un lien très fort entre le sentiment de culpabilité comme trait et
le raisonnement émotionnel.
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 167
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 169
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170 Pédagogie et psychologie des émotions
1. MÉTHODE
Dans la présentation de la méthode, nous décrivons les sujets participants,
le matériel utilisé et la façon dont l’analyse a été réalisée.
Participants et structure
On a choisi au hasard 248 élèves (127 garçons et 121 filles) d’une école
secondaire de Palerme. L’âge moyen était de 14 ans (écart-type = 0,6 ; de
13 à 16 ans).
Ces élèves ont été divisés, toujours au hasard, en deux groupes d’état
émotif induit (affect-induction condition) : 123 dans le groupe du sentiment de
culpabilité, 125 dans le groupe du sentiment de fierté (voir le tableau 1).
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 171
Matériel et procédure
Les participants ont été évalués à l’intérieur de huit groupes. Ils ont reçu
un livret avec des instructions écrites, une histoire et un certain nombre
d’échelles visuelles analogiques de 100 mm (visual analog scales ou VAS).
On leur a ensuite soumis un questionnaire pour vérifier l’efficacité de la
manipulation par les instructions (soit la naissance du sentiment de culpa-
bilité ou de fierté).
L’expérience a été menée dans une grande pièce. Un chercheur a
dit aux participants qu’il s’agissait d’étudier comment les différences de
personnalité pourraient influencer les perceptions des élèves. On a obtenu
le consentement informé des parents ainsi que des adolescents. Chaque
participant devait résoudre le problème individuellement.
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172 Pédagogie et psychologie des émotions
Une histoire
Après avoir décrit ces expériences d’émergence d’un état émotif, tous les
participants devaient lire l’histoire suivante :
Vous êtes chez vos grands-parents avec vos cousins. Vos grands-parents
sont absents et vous décidez avec vos cousins de les rejoindre. Vous et vos
cousins, distraits par vos conversations et vos blagues, oubliez de fermer
la fenêtre de la salle de bain avant de quitter la maison. Plus tard, en
regardant la télé, vous vous inquiétez du fait que des voleurs auraient pu
entrer dans la maison des grands-parents par la fenêtre ouverte.
Un questionnaire
Après avoir lu l’histoire, tous les participants ont répondu au questionnaire
relatif (dependent measures) à cette expérience.
Le questionnaire se compose de deux sections : la première comprend
des échelles visuelles analogiques mesurant les jugements de probabilité
d’un événement négatif et de sa gravité. Sur une échelle de probabilité de
0 à 100, les extrêmes sont 0 « extrêmement improbables » et 100 « extrême-
ment probables » ; sur une échelle de gravité de 0 à 100, les extrêmes sont
0 « pas grave du tout » et 100 « le plus grave que je peux imaginer ».
La deuxième section comprend des échelles visuelles analogiques
mesurant le degré de satisfaction à l’égard d’actions préventives. Sur une
échelle de satisfaction de 0 à 100, les extrêmes sont 0 « tout à fait satisfait »
et 100 « tout à fait insatisfait ».
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 173
2. RÉSULTATS
Cette section présente les résultats des différentes étapes de cette
recherche.
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174 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 1
Moyenne et (écarts-types) des critères de risque
(fréquence et gravité) et actions préventives
pour les trois conditions expérimentales
Condition expérimentale N = 248 Fréquence Gravité Action
préventive
Expérience à propos de l’état émotif
Culpabilité 123 67,3 (5,75) 68,3 (6,24) 68 (6,88)
Fierté 125 38,2 (3,98) 39,8 (3,76) 39,4 (3,7)
Culpabilité comme trait
Élevé 144 68,2 (6,1) 68,4 (6,77) 68,7 (5,56)
Faible 104 39,7 (3,8) 41,1 (4,1) 41 (3,8)
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 175
FIGURE 1
Probabilité moyenne en tant que fonction du sentiment
de culpabilité vs le sentiment de fierté et du trait
de culpabilité élevé vs faible pour l’échantillon total (N = 248)
%
80
70
60
50
Culpabilité
40
Fierté
30
20
10
0
Trait de Trait de
culpabilité faible culpabilité élevé
FIGURE 2
Gravité moyenne en tant que fonction du sentiment
de culpabilité vs le sentiment de fierté et du trait
de culpabilité élevé vs faible pour l’échantillon total (N = 248)
%
90
80
70
60
50 Culpabilité
40 Fierté
30
20
10
0
Trait de Trait de
culpabilité faible culpabilité élevé
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176 Pédagogie et psychologie des émotions
FIGURE 3
Moyenne de l’évaluation de la satisfaction des actions
préventives en tant que fonction du sentiment
de culpabilité vs le sentiment de fierté et du trait
de culpabilité élevé vs faible pour l’échantillon total (N = 248)
%
90
80
70
60
50 Culpabilité
40 Fierté
30
20
10
0
Trait de Trait de
culpabilité faible culpabilité élevé
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 177
DISCUSSION ET CONCLUSION
La présente recherche a examiné le mécanisme du sentiment de culpabilité
comme outil d’information chez un groupe d’adolescents du secondaire,
issus de milieux « normaux ».
Nous avons étudié comment le sentiment de culpabilité comme trait
influence la manière d’utiliser le sentiment de culpabilité comme état pour
juger la fréquence et la gravité du risque d’un événement négatif, ainsi
que pour évaluer les actions préventives. À cet effet, nous avons observé
comment des adolescents ayant un trait de culpabilité élevé et faible ont
utilisé les états émotifs négatifs (culpabilité) et positifs (fierté) provoqués
en laboratoire. L’état émotif a été étudié en faisant décrire par les partici-
pants un événement positif ou négatif de leur vie. Les résultats peuvent se
résumer de la façon suivante.
On a d’abord prouvé qu’en général le sentiment de culpabilité est un
outil d’information. En effet, par comparaison avec les adolescents « fiers »,
les « coupables » avaient davantage tendance à souligner plus fréquem-
ment et avec une plus grande gravité, un événement négatif. De plus, les
adolescents « coupables » ont montré plus d’insatisfaction par rapport à
leurs actions préventives.
En outre, ce mécanisme du sentiment de culpabilité comme outil
d’information a été associé au plan du sentiment de culpabilité comme trait.
Plus élevé est le trait de culpabilité, plus forte est la tendance à surestimer
le risque et à rehausser les critères d’évaluation des actions préventives.
Ce résultat indique qu’une des différences importantes entre les sujets
ayant un trait de culpabilité élevé ou faible pourrait être leur croyance en
leur propre sentiment de culpabilité. Dans cette perspective, le sentiment
comme trait influence la manière dont on se sert du sentiment comme état
en tant qu’outil d’information.
Ces données, jointes aux conclusions de Arntz, Rauner et van den
Hout (1995), Scott et Cervone (2002) et Gasper et Clore (1998), révèlent que
les adolescents en général se servent du sentiment de culpabilité comme
outil d’information lorsqu’ils estiment le risque d’un événement négatif et
leur capacité de l’éviter.
La conclusion que le sentiment de culpabilité influence le jugement sur
le risque et les critères d’action est cohérente avec les théories qui soulignent
la nature constructive des jugements et des critères. Les critères que les
personnes adoptent pour s’évaluer ainsi que pour évaluer les événements
ne sont pas nécessairement toujours des contenus cognitifs préexistants et
directement accessibles. Au contraire, les critères peuvent être construits
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180 Pédagogie et psychologie des émotions
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Le sentiment de culpabilité comme outil d’information 181
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La compréhension des émotions
C H A P I T R E
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184 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
Les auteurs de ce chapitre traitent une question cruciale par
rapport au développement de la compréhension des émotions :
celle de ses origines. Des études récentes issues de la psychologie
du développement montrent que certaines caractéristiques intel-
lectuelles et affectives de l’enfant sont à l’origine de la compré-
hension que l’enfant a des émotions. Toutefois, la contribution
respective de ces caractéristiques intellectuelles et affectives ainsi
que leur éventuelle interaction demeurent, jusqu’à ce jour, encore
mal connues. L’objectif de la recherche que les auteurs présentent
dans ce chapitre est d’examiner l’impact spécifique de ces carac-
téristiques intellectuelles et affectives ainsi que leur éventuelle
interaction sur la compréhension des émotions. Une meilleure
connaissance des origines du développement de la compréhension
des émotions devrait contribuer, dans le futur, à l’élaboration
de programmes éducatifs davantage ciblés dont la finalité est
d’aider l’élève à mieux comprendre les émotions et de susciter
l’utilisation de ces programmes ciblés par les intervenants dans
le milieu scolaire.
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186 Pédagogie et psychologie des émotions
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La compréhension des émotions : entre affect et intellect 187
2. Les âges indiqués dans ce chapitre sont des tendances générales. Ils doivent cepen-
dant être considérés avec précaution étant donné l’existence, par exemple, de diffé-
rences individuelles typiques et de différences méthodologiques importantes.
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188 Pédagogie et psychologie des émotions
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190 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 1
Les trois stades du développement de la compréhension
des émotions et leurs composantes
Stades Composantes
III. Externe (2-3 ans à 5-6 ans) 1. Reconnaissance
2. Causes situationnelles
3. Souvenirs
III. Mental (5-6 ans à 8-9 ans) 4. Désirs
5. Connaissances
6. Contrôle de l’expression
III. Réflexif (8-9 ans à 11-12 ans) 7. Régulation du ressenti
8. Émotions mixtes
9. Émotions morales
2. ORIGINES DE LA COMPRÉHENSION
DES ÉMOTIONS
C’est une chose de montrer que la compréhension des émotions est cons-
tituée d’au moins neuf composantes différentes et que ces composantes
s’assemblent en trois groupes développementaux de plus en plus complexes
(externe, mental et réflexif) ; mais c’est autre chose d’expliquer le déve-
loppement de ces composantes (et des différences individuelles typiques
dans ce développement). De nos jours, au moins deux modèles explicatifs
peuvent être proposés. La construction de ces deux modèles résulte d’une
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La compréhension des émotions : entre affect et intellect 195
3. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Nous présentons ici un échantillon de 28 préadolescents de langue fran-
çaise qui ont été évalués. Ils ont tous été évalués individuellement dans
leur milieu scolaire, selon le Test of Emotion Comprehension (TEC). Nous
présentons ci-après la procédure utilisée et le score obtenu.
3.1. POPULATION
Un échantillon de 28 préadolescents répartis en quatre groupes a été
évalué.
Groupe 1 : préadolescents abusés ayant des difficultés scolaires (A+ D+).
Groupe 2 : préadolescents abusés, sans difficultés scolaires (A+ D–).
Groupe 3 : préadolescents non abusés ayant des difficultés scolaires
(A– D+).
Groupe 4 : préadolescents non abusés, sans difficultés scolaires (A– D–).
L’âge moyen était le même dans chaque groupe (environ 13 ans). La
proportion de filles et de garçons était sensiblement la même dans chacun
des quatre groupes. Tous les préadolescents parlaient la langue française.
Dans la littérature spécialisée sur les abus envers les enfants (pour
une revue, voir Erkohen-Marküs et Doudin, 2000), on distingue quatre
types d’abus : a) les abus physiques (frapper, gifler, etc.) ; b) les abus sexuels
(inceste, viol et tentative de viol, attouchements sexuels, exposition à la
pornographie ou aux actes indécents, etc.) ; c) les abus psychologiques (abus
verbal, dépréciations, humiliations, actes symboliques terrifiants, cruauté
psychologique, etc.) ; et d) les négligences (déficit des soins prodigués,
abandon, absence d’attention physique et/ou psychologique, etc.).
Comme nous l’avons montré (Doudin, Pons, Pfulg et Martin, 2004),
tous les préadolescents abusés (groupes 1 et 2 de notre échantillon) ont
subi un ou plusieurs types d’abus dans leur famille : abus psychologiques
(100 %) ; négligences (71 %) ; abus physiques (14 %) ; abus sexuels (14 %). En
raison de la gravité des abus subis, tous ces préadolescents ont été retirés de
leur foyer familial au moyen de l’intervention des services sociaux et placés
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La compréhension des émotions : entre affect et intellect 197
4. RÉSULTATS DE LA RECHERCHE
TABLEAU 2
Nombre de préadolescents par niveau global
de compréhension des émotions et par groupe
Groupe Niveau global de compréhension des émotions
IV V VI VII VIII IX
Groupe 1 (A+ D+) 1 1 2 3
Groupe 2 (A+ D-) 1 2 1 3
Groupe 3 (A– D+) 1 1 3 1 1
Groupe 4 (A– D-) 4 3
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La compréhension des émotions : entre affect et intellect 199
5. DISCUSSION
Notre objectif poursuivi dans ce chapitre était de traiter l’une des questions
cruciales par rapport à la compréhension des émotions, à savoir celle de
ses origines intellectuelles et/ou affectives telles qu’elles sont analysées
par les chercheurs en psychologie du développement. Une meilleure
connaissance de ces origines devrait contribuer dans le futur à l’élabora-
tion de programmes éducatifs plus ciblés visant à aider l’enfant à accroître
sa compréhension des émotions en tenant compte de ces origines. Elle
devrait également participer à l’utilisation de ces programmes ciblés par
les intervenants dans le milieu scolaire, ceux qui sont les plus à même de
choisir lequel de ces programmes est le mieux adapté pour leurs élèves en
fonction des connaissances des caractéristiques intellectuelles et affectives
de leurs élèves.
Dans cette recherche, nous avons voulu évaluer les effets spécifiques
et l’interaction possible entre abus et difficultés d’intégration scolaire sur la
compréhension par des préadolescents de plusieurs composantes simples et
complexes de la compréhension des émotions, l’abus étant considéré comme
un indicateur de difficultés d’ordre affectif et les difficultés d’intégration
scolaire comme un indicateur, notamment, de difficultés d’ordre intellectuel,
tant sur le plan des apprentissages que sur celui des compétences.
Les résultats de cette recherche montrent que le fait d’avoir été abusé
n’a pas une incidence sur la compréhension des émotions. Les préadoles-
cents abusés ont sensiblement le même niveau de compréhension que les
préadolescents non abusés. Ces résultats révèlent en outre que seul le fait
d’éprouver des difficultés scolaires a un effet négatif sur la compréhen-
sion des émotions. Ainsi, les préadolescents sans difficulté scolaire ont
un niveau de compréhension des émotions qui est supérieur à celui des
préadolescents présentant des difficultés scolaires. Signalons que le niveau
global de compréhension des émotions des préadolescents sans difficultés
scolaires est analogue à celui qui a été reconnu dans d’autres recherches
sur le développement de la compréhension des émotions chez des enfants
et préadolescents typiques. Enfin, il n’y a pas d’interaction entre le fait
d’avoir été ou non abusé et le fait d’être ou de ne pas être en difficulté
scolaire. Les groupes de préadolescents sans difficultés scolaires (abusés et
non abusés) ont toujours tendance à avoir un niveau de compréhension des
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200 Pédagogie et psychologie des émotions
émotions supérieur à celui des élèves qui sont en difficulté scolaire (abusés
et non abusés). Les résultats de cette recherche peuvent être interprétés de
plusieurs façons.
Premièrement, ces résultats confirment l’hypothèse cognitive et déve-
loppementale qui postule que ce sont surtout les caractéristiques intellec-
tuelles (comme le fait d’avoir ou de ne pas avoir de difficultés scolaires,
le niveau langagier et le QI ou la qualité des discours sur les émotions) de
l’individu (et de son entourage) qui déterminent sa compréhension des
émotions. Par contre, ces résultats ne confirment pas l’hypothèse étholo-
gique et psychanalytique qui postule que ce sont surtout les caractéristiques
affectives (comme le fait d’avoir ou de ne pas avoir été abusé, la qualité des
relations d’attachement) de l’individu (et de son entourage) qui déterminent
sa compréhension des émotions. Autrement dit, une première interprétation
des résultats de cette recherche serait que les caractéristiques intellectuelles
sont un meilleur prédicteur de la compréhension des émotions que les carac-
téristiques affectives. Comme nous l’avons mentionné dans la deuxième
section de ce chapitre, plusieurs recherches avec de jeunes enfants étayent
cette interprétation.
Deuxièmement, ainsi qu’il a été mentionné dans la deuxième section
de ce chapitre, plusieurs travaux montrent que les caractéristiques affec-
tives de l’individu et de sa famille ont un effet direct sur la compréhension
que celui-ci peut avoir des émotions, et ce, particulièrement chez de jeunes
enfants. Par conséquent, il est possible que la même recherche avec des
sujets plus jeunes donne des résultats différents. Nous pouvons spéculer
sur le fait que l’impact des abus et des difficultés scolaires et leur interaction
n’est pas le même au cours du développement. Par exemple, plus les indi-
vidus sont jeunes, plus leurs caractéristiques affectives ont une influence
directe sur leur compréhension des émotions (hypothèse d’une plus grande
dépendance affective chez le jeune enfant ou de l’existence d’une période
affective sensible). Nous pouvons également spéculer sur le fait que l’im-
pact des caractéristiques intellectuelles est inversement proportionnel à
l’âge de l’individu. Ces caractéristiques intellectuelles prendraient le pas
sur les caractéristiques affectives, d’une part, du fait de leur accroissement
avec l’âge et, d’autre part, du fait de l’autonomisation affective de l’enfant
par rapport à son entourage familial. Seules des recherches longitudinales
permettraient de confirmer cette deuxième interprétation.
Une troisième interprétation des résultats de cette recherche serait que
les préadolescents abusés dotés de bonnes capacités intellectuelles ont pu
compenser l’impact négatif de leur expérience affective dramatique. Nous
pouvons spéculer sur le fait que les caractéristiques affectives, comme le fait
d’avoir été abusé, n’ont qu’une influence indirecte sur la compréhension
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La compréhension des émotions : entre affect et intellect 201
CONCLUSION
En guise de conclusion, nous pouvons formuler la question suivante :
« Pourquoi certains préadolescents abusés qui éprouvent des difficultés
scolaires ont-ils, de ce fait, un niveau de compréhension des émotions qui
est relativement moins bon que celui des élèves qui ont été abusés, mais
qui ne sont pas en difficulté scolaire ? » La réponse à cette question devrait
participer dans le futur à l’élaboration et à l’utilisation de programmes
d’intervention visant à aider l’élève à améliorer sa compréhension. En effet,
pour appréhender dans toute sa complexité la situation dans laquelle les
élèves abusés se trouvent, il faut tenir compte non seulement des facteurs de
risque que représentent les abus, mais également des facteurs de compen-
sation (Belsky, 1980 ; Cicchetti et Rizley, 1981 ; Kaufman et Zigler, 1989).
Ainsi, même si un individu a été abusé, il peut devenir un adulte confiant
et compétent. Kaufman et Zigler (1989) mettent notamment l’accent sur
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202 Pédagogie et psychologie des émotions
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208 Pédagogie et psychologie des émotions
RÉSUMÉ
L’auteure, utilisant l’approche clinique, présente au lecteur la
perspective cognitiviste-constructiviste et le rôle fondamental
que la dimension émotionelle joue dans le modèle des processus
interpersonnels. Les caractéristiques et le parcours du dévelop-
pement de la narration émotionnelle auprès des sujets souffrant
d’un dérangement dans leur comportement alimentaire sont
traités dans ce chapitre. Une attention particulière – soutenue
par des observations expérimentales – est consacrée aux théma-
tiques, récurrentes auprès des adolescentes et des adultes, qui
sont précocement reconnaissables dans les premières années
scolaires, telles que le sens de la solitude et l’importance du
jugement d’autrui. D’autres réflexions sur l’importance des
interventions psychologiques et éducatives dans ce domaine
complètent le propos.
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212 Pédagogie et psychologie des émotions
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Cognition des émotions et psychopathologie 213
les plus diverses, ont eu peu d’espace pour expérimenter cette dimension
dans le contexte de leur vie familiale. Nous reprendrons ces aspects au
cours du chapitre.
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Cognition des émotions et psychopathologie 221
Nevonen, 2001). Ce qui est moins évident, c’est la répartition des deux
formes d’attachement : incertain, d’évitement et anxieux-résistant. Les
psychologues cliniques tendent à isoler dans l’histoire du développement
de sujets anorexiques un attachement anxieux-résistant, alors que chez les
sujets obèses et boulimiques ils ont remarqué un attachement d’évitement,
en raison même de la présence de traits dépressifs à l’âge adulte. Quelques-
uns des travaux semblent indiquer toutefois la présence de l’attachement
anxieux-résistant, même chez les sujets boulimiques, ainsi que la présence
d’un pourcentage élevé d’attachement d’évitement chez les sujets anorexi-
ques (Latzer, Hochdorf, Bachar et Canetti, 2002).
S’il est relativement facile d’isoler les enfants sur une ligne d’évolution
vers l’obésité, grâce aux données physiques objectives, il est plus complexe
de reconnaître les sujets qui risquent une évolution psychopathologique
vers l’anorexie. Il peut être utile de savoir que la difficulté concernant la
perception adéquate de son corps a été reconnue comme étant l’une des
caractéristiques déterminantes de l’anorexie et de la boulimie (voir, par
exemple, les changements opérés dans les critères diagnostiques du DSM-
IV, le manuel diagnostique le plus utilisé dans le milieu psychiatrique
par rapport aux versions précédentes). En règle générale, les enfants ne
semblent pas faire très attention à leur corps et à leur silhouette ; c’est le
cas notamment des enfants qui se perçoivent – et qui sont perçus par leurs
parents – dans la norme. Un enfant scolarisé, de poids normal, mais qui se
sent gros et qui a une perception incohérente de lui-même peut être consi-
déré comme un sujet à risque de développer un trouble anorexique. Dans
l’histoire clinique des sujets boulimiques, on note souvent au cours de la
petite enfance un surpoids ou un excès pondéral qui a été vécu consciem-
ment, de manière très négative et culpabilisante. Chez les adultes obèses,
en revanche, on retrouve aussi bien des individus qui ont mal vécu leur
obésité infantile que des adultes qui, à l’opposé, ne se souviennent pas
d’avoir éprouvé des problèmes particuliers en raison de leur poids.
Une recherche, coordonnée par l’Université Milan-Bicocca (Faculté
de médecine), sur la prévention des troubles de comportement alimen-
taire (Strepparava, Linguadoro, Notaro, Strozzi et Grimi, 2002 ; Streppa-
rava, Stagnaro, Strozzi et Grimi, 2000), est en cours. Elle vise, en partie,
à approfondir les aspects relatifs au développement émotionnel chez les
enfants qui ont ce genre de problèmes et à mettre au point un programme
d’intervention dans les écoles, avec une évaluation de son efficacité. Pour
mieux comprendre l’histoire de l’évolution de ces problèmes cliniques,
il apparaît utile d’explorer l’autodescription que ces enfants donnent de
leur vie émotionnelle, en enquêtant pour découvrir si ces thèmes narratifs
sont en accord avec les observations cliniques faites sur les adultes et les
adolescents. Il serait intéressant de voir s’il existe des différences entre la
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222 Pédagogie et psychologie des émotions
5. ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES
Cent seize enfants, dont 54 filles et 62 garçons âgés de 8 à 10 ans (la moyenne
d’âge étant de 9,2 ans), qui fréquentent l’école primaire de deux villages de
taille moyenne dans le nord de l’Italie ont participé à cette étude. Quatre
classes de troisième année et deux classes de quatrième ont participé et on
a demandé et obtenu l’approbation de la famille de chaque enfant pour son
insertion dans l’échantillon de recherche.
Au cours de notre étude, les enfants ont reçu un questionnaire élaboré
ad hoc sur leurs habitudes alimentaires, sur leurs attitudes à l’égard de la
nourriture ainsi que sur d’autres aspects plus généraux relatifs à la percep-
tion de soi, tels que l’estime de soi, les habiletés relationnelles et certains
traits de personnalité. L’analyse des résultats de cette partie du travail
n’est pas pertinente dans cette section du chapitre ; elle est donc présentée
dans une autre partie (Strepparava, Grimi, Linguadoro, Notaro, Strozzi et
Rezzonico, 2003). Toutefois, dans le questionnaire, il y avait deux questions
touchant deux aspects – « je pense être gros » et « je pense avoir un gros
ventre et de grosses fesses » – qui ont été utilisées pour repérer les quatre
groupes étudiés. Ces questions sont reportées au tableau 1. Les réponses
à cette question pouvaient être cohérentes avec l’image de l’enfant : « oui »
dans le cas de surpoids ou d’obésité, « non » dans le cas de poids normal ;
ou incohérentes : « non » dans le cas de surpoids ou d’obésité, « oui » dans
le cas de poids normal.
TABLEAU 1
Les sous-groupes de sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Garçons 30 4 6 22
Filles 21 8 12 13
Total 51 12 18 35
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224 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 2A
Grille de classement des réponses centrées
sur la relation avec un autre ou « relationnelles »
Système
motivationnel
interpersonnel
activé
(SMI activé) Catégorie Description (positive ou négative)
Compétition Conflit Le sujet décrit une dispute ou une discussion avec
quelqu’un ou, au contraire, la résolution d’une dis-
pute/discussion pour faire la paix.
Volonté Le sujet décrit une situation dans laquelle quelqu’un
s’oppose à la réalisation d’un désir du sujet ou, au
contraire, une situation dans laquelle quelqu’un
soutient la réalisation du désir du sujet et où l’action
peut être réalisée.
Injustice Le sujet décrit une situation dans laquelle il a le
sentiment d’avoir subi une injustice.
Intrusion Le sujet décrit une situation dans laquelle il ne se sent
pas respecté dans son corps et dans sa tête « se sentir
respecté ».
Jugement Le sujet décrit une situation dans laquelle il est jugé
ou puni – « avoir une mauvaise note » – ou est grondé
par sa mère ou reçoit un compliment ou est approuvé.
Coopération Activité Le sujet décrit une situation dans laquelle il fait des
choses avec d’autres personnes – « quand je vais à la
montagne avec papa ou mes amies ».
Exclusion Le sujet décrit une situation dans laquelle il se sent
exclu du groupe de ses pairs ou se sent intégré dans le
groupe.
Moqueries Le sujet décrit une situation dans laquelle il est l’objet
de moqueries de la part de ses camarades ou se sent
bien avec eux.
Attachement Séparation Le sujet décrit une situation dans laquelle il il vit une
séparation active d’une figure d’attachement ou dans
laquelle il se sent proche de la figure d’attachement.
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Cognition des émotions et psychopathologie 225
TABLEAU 2B
Grille de classement des réponses centrées
sur un état interne ou « subjectives »
Compétition Jugement Le sujet décrit une situation d’auto-évaluation
négative ou positive d’une prestation – « je ne suis
pas // je suis fort en maths ».
Attachement Solitude Le sujet décrit une situation d’un état de solitude ou
d’isolement – « je suis seul ».
Action Le sujet décrit une situation dans laquelle il fait une
activité physique pratiquée seul – « nager ».
État mental Le sujet décrit une situation dans laquelle il fait une
activité mentale pratiquée de façon solitaire – « je
lis », « je joue avec la console de jeu ».
Récompense Le sujet décrit une situation dans laquelle il reçoit
un objet concret – « Maman m’achète un jeu » ou « Je
reçois un cadeau ».
Exploration Nouveauté Le sujet décrit une situation dans laquelle il lui
arrive quelque chose de nouveau – « visiter un
endroit nouveau ».
5.2. RÉSULTATS
La capacité narrative des enfants, c’est-à-dire le fait qu’ils arrivent à activer
des souvenirs de situations liées à des émotions diverses mentionnées par
l’expérimentateur, est en substance la même d’un point de vue quantitatif.
Les moyennes – c’est-à-dire le nombre total des réponses divisé par le
nombre des sujets – donnent les chiffres qui permettent la comparaison
directe des groupes et sont indiquées dans le tableau 3. Tous racontent plus
ou moins le même nombre d’épisodes avec une légère différence entre les
sujets de poids normal qui se perçoivent gros, qui ont donné le nombre de
réponses le plus élevé, et les enfants obèses qui se perçoivent normaux, qui
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226 Pédagogie et psychologie des émotions
ont donné le nombre de réponses le moins élevé. Dans les deux groupes
d’enfants obèses, on retrouve moins de situations exprimant de la colère
que dans les deux autres groupes.
TABLEAU 3
Moyennes des événements liés à chaque émotion
décrite par les sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Bonheur 2,7 3,0 2,7 2,3
Tristesse 2,3 3,5 2,4 2,3
Colère 2,6 2,5 2,2 1,9
Peur 2,5 3,6 3,0 2,1
Total 10,1 12,6 10,3 8,6
5.2.1. Bonheur
Si l’on considère les trois grandes catégories de réponses – relationnelles,
subjectives, abstraites –, il n’y a aucune différence significative : les enfants
de poids normal décrivent davantage de situations liées à la relation
(69,0 %). Les enfants des trois groupes cliniques (poids normaux qui se
perçoivent gros, obèses qui se perçoivent gros, obèses qui se perçoivent
normaux) sont un peu plus centrés sur eux-mêmes (50,6 %, 49,0 %, 60,0 %
respectivement). Ce dernier résultat est statistiquement significatif
(chi2 = 11,37 ; p = 0,009 ; dl = 3). Cette donnée pourrait faire penser que, pour
les enfants qui ont des problèmes de poids, la joie est liée dans leurs récits à
des situations dans lesquelles les autres sont peu présents. La question qui
se pose immédiatement est de savoir si les enfants obèses ou les enfants qui,
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Cognition des émotions et psychopathologie 227
même en étant de poids normal, se perçoivent comme trop gros disent être
heureux dans des situations différentes de celles racontées par les enfants
sans problèmes. Dans le tableau qui suit (tableau 4b), on a dressé une liste
des situations décrites par les enfants, avec leur pourcentage par rapport
à la totalité des réponses.
TABLEAU 4A
Bonheur dans les sous-groupes de sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Focalisation
sur la relation 69,0 50,6 49,0 60,0
Focalisation
sur l’état
intérieur 31,0 49,4 51,0 40,0
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
(N = 136) (N = 36) (N = 50) (N = 79)
TABLEAU 4B
Situations de bonheur décrites par les enfants des quatre groupes
Bonheur PN PNG OB OBN
Relationnelles
Coopération Intégration dans le groupe
(non-moquerie, non-exclusion) 22,1 19,4 8,0 17,7
Activité avec d’autres 11,1 11,1 6,0 4,9
Attachement Attachement 17,6 16,7 22,0 15,2
Compétition Jugement (positif) 14,0 5,5 8,0 6,3
Non-compétition
(non-conflit, réalisation d’un désir ) 2,2 2,8 2,0 5,1
Intrusion (positive) 0,7 – – –
Injustice (positive) 0,7 – – 1,3
Subjectives
Attachement Activité physique solitaire 14,0 11,1 26,0 24,1
Activité mentale solitaire 0,7 – 8,0 5,1
Récompense 7,4 25,0 4,0 8,9
Compétition Autoévaluation 6,6 2,8 8,0 5,1
Sensation physique 0,7 2,8 4,0 3,8
Exploration Nouveauté 2,2 2,8 4,0 2,5
PN = Poids normal qui se perçoit normal, PNG = Poids normal qui se perçoit gros,
OB = Obèse qui se perçoit gros, OBN = Obèse qui se perçoit normal.
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228 Pédagogie et psychologie des émotions
5.2.2. Tristesse
La tristesse est beaucoup moins étudiée que les autres émotions de base,
parce que la majeure partie des recherches dans le champ clinique s’est
concentrée sur la dépression ou sur le deuil, qui ne sont pourtant pas équi-
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TABLEAU 5A
Tristesse dans les sous-groupes de sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Focalisation sur
la relation 82,1 74,9 70,5 72,3
Focalisation sur
l’état intérieur 15,3 12,2 27,2 22,4
Événements
externes 2,6 14,6 2,3 5,3
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
(N = 118) (N = 42) (N = 44) (N = 80)
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TABLEAU 5B
Situations de tristesse décrites par les enfants des quatre groupes
Tristesse PN PNG OB OBN
Relationnelles
Coopération Exclusion du groupe des pairs
(moquerie, exclusion) 22,9 26,8 9,2 14,5
Attachement Attachement (séparation) 18,6 7,3 25,0 17,1
Compétition Jugement 19,5 17,1 22,7 15,8
Compétition (conflit, volonté) 14,4 17,1 6,8 18,4
Intrusion – 2,4 – 1,3
Injustice 2,5 – 2,3 2,6
Prendre soin Perception de la souffrance
d’une autre personne 4,2 2,4 4,5 2,6
Subjectives
Attachement Solitude 8,5 4,9 4,5 5,3
Compétition Autoévaluation 3,4 2,4 15,9 9,2
Sensation physique 3,4 4,9 4,5 7,9
Exploration Nouveauté – – ,.3 –
Externes 2,6 14,6 2,3 5,3
PN = Poids normal qui se perçoit normal, PNG = Poids normal, qui se perçoit gros,
OB = Obèse qui se perçoit gros, OBN= Obèse qui se perçoit normal.
Les situations de jugement, dans lesquelles l’enfant se sent jugé par une
autre personne ou se juge lui-même, sont beaucoup plus présentes chez les
enfants obèses (38,6 %) et chez les enfants obèses qui se perçoivent normaux
(25 %) que chez les enfants de poids normal qui se perçoivent gros (19,5 %)
et chez les enfants de poids normal qui se perçoivent normaux (22,9 %). En
général, toutes les situations de type compétitif sont sur-représentées dans
les deux groupes obèses (47,7 % et 47,3 %) et beaucoup moins présentes chez
les sujets de poids normal (39,8 %) et chez les enfants de poids normal qui
se perçoivent gros (39 %). Plus que chez tous les autres enfants, le contact
physique (se faire tirer les cheveux, se faire pincer) engendre de la tristesse
chez les enfants obèses qui se perçoivent normaux (7,9 %). Les résultats sont
statistiquement significatifs (chi2 = 28,4 ; p = 0,005 ; dl = 18).
5.2.3. Colère
Dans le modèle des systèmes motivationnels, la colère, comme la tristesse
peut être activée soit dans des situations d’attachement, comme protestation
contre le manque de soin et d’attention, soit dans le système motivationnel
de compétition comme colère de défaite.
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Cognition des émotions et psychopathologie 231
Dans notre échantillon, dans la plus grande partie des cas, la colère
est mentionnée en partie en référence à des situations de relation – je suis
en colère « avec quelqu’un » pour « quelque chose » – et en partie comme
état intérieur – « je me sens en colère ».
TABLEAU 6A
Colère dans les sous-groupes de sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Focalisation sur
la relation 78,7 76,8 90,2 84,1
Focalisation sur
l’état intérieur 21,3 23,2 9,8 15,9
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
(N = 106) (N = 30) (N = 40) (N = 66)
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232 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 6B
Situations de colère décrites par les enfants des quatre groupes
Colère PN PNG OB OBN
Relationnelles
Coopération Exclusion du groupe des pairs
(moquerie, exclusion) 28,4 20,0 24,4 28,7
Attachement Attachement (séparation) – – 2,4 2,9
Compétition Jugement 1,9 13,4 12,3 7,3
Compétition (conflit, volonté) 23,7 16,8 19,6 16,6
Intrusion 21,8 20,0 19,6 25,7
Injustice 2,9 6,6 12,3 2,9
Subjectives
Attachement Solitude 3,9 6,6 – 1,4
Compétition Auto-évaluation 7,7 10,0 4,9 11,6
Sensation physique 9,7 6,6 4,9 2,9
PN = Poids normal qui se perçoit normal, PNG = Poids normal, qui se perçoit gros,
OB = Obèse qui se perçoit gros, OBN = Obèse qui se perçoit normal.
Le contact physique est vécu comme une gêne pouvant tendre vers la
colère, notamment chez les deux groupes d’enfants de poids normal, alors
qu’il a davantage tendance à être rapproché du sentiment de peur chez les
enfants obèses, comme on peut l’observer dans le tableau 6b.
Pour le groupe d’enfants de poids normal qui se perçoivent gros, la
colère semble liée non pas à la séparation perçue de manière active, mais
au fait de se sentir seul (6,6 %), alors que dans les autres groupes la colère
associée au sentiment de solitude est beaucoup moins présente (3,9 % d’en-
fants de poids normal, 0 % d’enfants obèses et 1,4 % d’enfants obèses qui se
perçoivent normaux). Cela peut être lu comme un signal de la plus grande
« réactivité » de ces enfants à la perception d’un état interne douloureux.
La colère, en effet, dans les situations d’attachement est le stade qui suit
immédiatement la peur (le rappel de la figure d’attachement). Cela indique
que l’individu a encore quelques chances de réussir, même au prix de
grands efforts, pour obtenir de nouveau l’attention et la proximité protec-
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Cognition des émotions et psychopathologie 233
5.2.4. Peur
La peur est l’une des émotions primaires qui ont été les plus étudiées chez
les adultes et les enfants. Quels récits nos sujets ont-ils racontés ? Comme
on pouvait s’y attendre, beaucoup de situations liées à la peur peuvent
être rapprochées des peurs classiques infantiles et des situations de nature
phobique : animaux, voleurs, tremblements de terre, maladie, etc. Les
événements « externes » sont donc la principale cause de peur chez tous les
sujets, notamment chez les enfants de poids normal (76,3 %), qui indiquent
cependant peu de situations (8,4 %) dans lesquelles la peur est liée à une
action, à un geste ou à une pensée qu’une autre personne, émotionnellement
et physiquement proche de l’enfant, pourrait faire ou avoir. L’on obtient des
pourcentages beaucoup plus élevés de récits centrés sur les aspects relation-
nels dans les trois autres groupes, surtout dans les deux groupes d’obèses
(22,2 % d’obèses et 18,4 % d’obèses qui se perçoivent normaux) qui, aussi
dans les situations connectées avec l’émotion de la peur, sont beaucoup
plus orientés dans le sens relationnel (chi2 = 9,3 p = 0,009 df = 2).
TABLEAU 7A
Peur dans les sous-groupes de sujets
Poids normal Poids normal Obèse Obèse
qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit qui se perçoit
normal gros gros normal
Focalisation sur
la relation 8,4 13,9 22,2 18,4
Focalisation sur
l’état intérieur 15,1 16,3 27,8 14,5
Événements
externes 76,5 69,8 50,0 67,1
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
(N = 131) (N = 43) (N = 54) (N = 76)
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234 Pédagogie et psychologie des émotions
TABLEAU 7AB
Situations de peurs décrites par des enfants des quatre groupes
Peur PN PNG OB OBN
Relationnelles
Coopératif Exclusion du groupe des pairs
(moquerie, exclusion) – – – –
Attachement Attachement (séparation) 0,7 2,3 7,4 1,3
Compétition Jugement 7,6 11,6 14,8 17,1
Compétition (conflit, volonté) – – – –
Intrusion – – – –
Injustice – – – –
Subjectives
Attachement Solitude 7,6 7,0 3,7 2,6
Compétition Autoévaluation 2,2 – 5,6 12,0
Sensation physique 5,3 9,3 14,8 4,0
Exploration Nouveauté – – 3,7 –
Externes 76,5 69,8 50,0 63,0
PN = Poids normal qui se perçoit normal, PNG = Poids normal, qui se perçoit gros, OB =
Obèse qui se perçoit gros, OBN = Obèse qui se perçoit normal.
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Cognition des émotions et psychopathologie 235
CONCLUSION
Les enfants dont l’état clinique est différent nous rappellent les différentes
catégories prototypiques liées aux émotions présentées. À chacune de ses
situations correspond une image différente de soi dans le monde, une
manière différente d’être et de vivre la relation avec les autres protagonistes.
L’accessibilité immédiate de ces scénarios signale leur intérêt et leur impor-
tance dans la narration individuelle et renvoie aux ordres relationnels qui
y correspondent. En effet, la colère liée à une situation de séparation nous
renvoie l’image d’un enfant ayant une perception différente de lui-même
et de ses figures d’attachement par rapport aux émotions d’un enfant
qui perçoit la peur ou la tristesse de l’abandon. Sont-ce là des narrations
compatibles avec les différentes typologies présentées par la théorie des
organisations de la personnalité ? Certains schémas relationnels mentionnés
par des enfants ayant un problème relatif à l’alimentation semblent être des
précurseurs cohérents des schémas des adolescents et des adultes ayant ce
genre de problématique.
Le corps semble déjà tenir un rôle important dans l’horizon de l’enfant.
C’est donc un outil dont il peut disposer vers l’âge de 8-10 ans dans la
modulation de la relation ou dans la modulation de ses états intérieurs : chez
les enfants obèses, les activités qui ne requièrent aucune habileté physique
particulière sont indiquées comme étant une source de joie et de plaisir dans
lesquelles l’engagement corporel est global et plus indifférencié comme dans
nager, skier ou danser. Beaucoup plus que les autres enfants, les très jeunes
obèses mentionnent des punitions corporelles infligées par les adultes ou
des agressions physiques de la part de leurs camarades (« ils me tirent les
couettes ») ; alors que chez les enfants de poids normal, le contact physique
avec leurs camarades déclenche une réaction agressive – la colère comme
préparation à la lutte –, les enfants qui présente un trouble du comporte-
ment alimentaire vont réagir en s’éloignant (tristesse), en éprouvant un
sentiment d’impuissance (peur).
Les enfants qui connaissent une problématisation excessive de leur
poids et de son contrôle (enfants de poids normal qui se perçoivent gros)
sembleraient avoir déjà tendance à tenir éloignées les émotions liées à la
présence directe et proche d’une autre personne. Cela pourrait expliquer
le fait qu’ils attribuent une grande valeur aux objets comme éléments
d’échanges affectifs, beaucoup plus que ne le font les autres enfants du
même âge – leur joie est liée à des choses reçues, telles que des objets, des
cadeaux, des gâteaux –, et, plus que les autres, ils mentionnent des situations
lointaines de l’expérience vécue comme activateurs d’émotions. En effet,
nous nous souvenons que pour eux la tristesse est activée par des facteurs
distants et abstraits, tels que la violence dans le monde – et non pas celle
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236 Pédagogie et psychologie des émotions
que l’enfant pourrait avoir subie directement dans son contexte quotidien –,
le sida, les maladies en Afrique, la faim et les désastres atmosphériques.
La perception de ne pas se sentir respecté dans ses barrières corporelles et
psychiques – la sensation d’intrusion – est corrélée à la réponse active de
la colère, de même qu’au déclenchement de la réaction de la tristesse et au
retrait de celui qui ne se permet pas de réagir. Le thème de l’« impossibilité
de donner son avis » face à des comportements d’intrusion des figures d’atta-
chement apparaît souvent dans les rapports des adolescentes anorexiques
comme un des antécédents du début symptomatique. Il est intéressant de
remarquer, chez ces enfants, la faible fréquence des émotions de colère et de
tristesse associées à des situations de séparation des figures d’attachement.
On observe également que la présence de situations d’attachement même à
connotations positives est généralement inférieure : cela pourrait s’expliquer
par le fait que ces enfants ont vécu peu d’expériences liées à des situations de
séparation (en raison d’une mère anxieuse), mais il pourrait s’agir également
du refus de reconnaître les besoins émotionnels de l’attachement.
Le thème du jugement est l’un des éléments fondamentaux dans
l’organisation de la personnalité comportant un trouble de comportement
alimentaire : chez les enfants de poids normal, plus du tiers des situations de
jugement est associé à la joie, alors que dans les autres groupes cette asso-
ciation ne représente qu’un sixième du total des situations qu’ils décrivent.
Qu’il s’agisse de tristesse, de colère ou de peur, le jugement, par contre, est
présent dans la narration individuelle comme un aspect redoutable dans
la relation et qui est parfois anticipé par l’autoévaluation. La description
récurrente de l’incapacité personnelle qui apparaît dans les descriptions
des enfants obèses est une expérience colorée par le sentiment d’échec : un
enfant qui est triste lorsqu’il songe aux choses qu’il ne sait pas faire est un
enfant qui se replie en pensant ne pas pouvoir changer la situation. Il n’est
donc pas étonnant que le bonheur soit lié à des activités solitaires telles que
dessiner, lire, jouer devant son ordinateur, nager et danser.
Une modulation différente apparaît chez les enfants obèses au regard
des situations d’attachement et de séparation. Le groupe cohérent, c’est-à-
dire les enfants obèses qui se perçoivent gros, est davantage préoccupé par
les situations de proximité ou de séparation de la figure d’attachement. Il
n’est donc pas étonnant de voir la colère mentionnée à côté de la tristesse,
en raison de la séparation qui représente une forme d’autoactivation,
une manière de « se remonter le moral », afin d’éviter de trop ressentir le
manque. Les autres enfants obèses, les obèses qui se perçoivent normaux,
apparaissent résolument plus préoccupés par les situations de relation
entretenues avec le groupe – en faire partie ou ne pas faire en partie – et
par la recherche du consentement et de l’approbation (d’où la souffrance
liée à leur absence ou aux moqueries à leur égard). C’est comme s’il existait,
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éducation par le biais de résultats de recherche, et de réflexions théoriques et
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d’enseignement et d’apprentissage sont également présentés lorsqu’ils ont
été validés, implantés et évalués dans le cadre de recherches. Les ouvrages à
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Afin d’assurer la rigueur scientifique des textes publiés, chacun d’eux est
soumis à un processus d’arbitrage avec comité de lecture et évaluations
externes. De plus, les délais de publication sont réduits au minimum afin de
conserver l’actualité et l’à-propos des articles, des recherches et des études
réalisés par les chercheurs et chercheures. Chaque texte est évalué par deux
arbitres : un membre du comité de lecture de la collection et un spécialiste
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