Guerandi
Guerandi
Guerandi
FRANÇAIS
Jean-Marc Soboth
Afin que la terre et l’épopée glorieuse des hommes intègres n’en ignorent
Les Éditions Afro-Canadiennes, Québec
1-453, rue de Saint-Romuald, Lévis (Québec) G6W 3H9 Canada
Prologue
L a présente enquête - extrêmement compliquée - a été réalisée au milieu de
menaces de mort, de dénis et de silences. Elle est une promenade au sein
perfectionnait pour mieux servir son ami Blaise Compaoré, lequel l’avait
recueilli en juin 1984 à Ouagadougou. « L’homme de Ouaga » se préparait,
surtout, à changer la donne dans son pays le Cameroun. Il l’a fait toute sa vie
durant. Il était convaincu qu’il n’y aurait jamais d’alternance au suffrage
universel dans ce pays. Du moins tant que le régime en place n’était pas
chassé.
C’est ce qui, en tout cas, faisait de cet officier d’artillerie et instructeur l’un des
hommes à abattre par le système Biya.
Avant d’être assassiné puis couvert de gadoue par les médias, ce Camerounais
d’exception était déjà proche de Blaise Compaoré lorsque fut tué Thomas
Sankara en 1987.
Sa vie de tumulte le prédestinait à une fin apocalyptique. Le symbolisme qui
en découle résume le mal africain et, en l’occurrence, le déni de justice aux
un colonel bulgare. C’est celui qui s’est chargé des procédures pour affréter
«L’appareil n’a pas atteint son altitude de croisière que déjà l’acheteur
s’assoupit, terrassé par un puissant sédatif. Il est rapidement neutralisé et
délesté du passeport de service burkinabè avec lequel il voyage sous le nom
d’Ahmadou Diallo, une identité d’emprunt. En réalité, il n’a jamais été question
de le conduire en Russie ni de lui vendre le moindre fusil d’assaut. (…)
«Nous en sommes en 2012. Guérandi Mbara est en contact avec Georges
Starckmann, une figure du milieu qui s’est fait connaître en 1976 à la suite de
l’affaire dite des faux Startron (lunettes de vision nocturne) livrés à Kadhafi –
et pour laquelle il sera condamné par la justice française.
ans. Il a fini sa carrière à la fin des années 1990 comme patron de la sécurité
de l’ambassade du Portugal à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Sitôt à la retraite, il a
repris du service pour l’État ivoirien, qui l’embauche entre 1999 et 2000 au
Centre de communication, d’écoute et de renseignement sous la présidence du
général Robert Gueï. (…)
«Cela ne dure pas. L’instabilité ivoirienne le décide à s’installer au Cameroun, le
pays de son épouse. Il s’y lance dans la sécurité et vend ponctuellement ses
services à la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE). C’est lui
que Yaoundé missionne pour "s’occuper" de Guérandi Mbara. En dix mois, une
dispose pas d’un aéroport international. Les pilotes refusent de décoller de peur
de perdre leur licence. Abrantes doit changer son fusil d’épaule. Il choisit alors
de transiter par Sofia – une option qui a le mérite de ne pas éveiller la
le 25 janvier. Las, tout va encore de travers. Le plan de vol déposé par les
pilotes macédoniens, recrutés pour l’occasion, est à nouveau rejeté. Abrantes a
déjà perdu plusieurs jours ; il se résout à mettre le cap sur l’aéroport
international de Douala.
«À l’arrivée, le 26 janvier au matin, il n’y a personne pour accueillir les trois
voyageurs. La DGRE n’a rien prévu pour les soustraire aux procédures
auxquelles les passagers doivent habituellement se soumettre. C’est un
cauchemar logistique. Comment débarquer un homme inanimé dans cette
aérogare généralement très fréquentée sans attirer l’attention et, surtout, sans
se faire arrêter par des gendarmes zélés ? C’est là qu’intervient Thierry André
Mathé, le commissaire de l’aéroport.
«Il leur trouve une discrète porte de sortie. Toujours sous l’effet du sédatif,
Guérandi est remis à une équipe de la DGRE, dirigée par le commissaire James
Elong Lobé, "quelque part sur la route entre Édéa et Pouma", dans la région du
Littoral. "En dix mois, nous avons fait ce que les services camerounais n’ont pas
réussi à faire en trente ans", se félicite le contractuel portugais. Pourquoi a-t-il
décidé de parler ? Parce qu’il n’a pas été payé, explique-t-il. Se disant menacé,
il a dû quitter le Cameroun en décembre 2013 pour rentrer au Portugal. (…)
«(…) Qu’est-il devenu ? Son sort relève du secret d’État, mais dans le sérail il
preuve. Silence aussi du côté du Burkina Faso, qui l’accueillit pendant trente
ans. Au Cameroun, seule sa famille, dont son cousin, Samuel Kleda,
l’archevêque de Douala, ose pleurer (…).»
***
post mortem; tout le ridicule que l’on a versé sur le décédé, puis l’omerta
étrange des médias, semblent suffisants pour exonérer la France de toute
indignation, de toute enquête, de toute requête et de toute interrogation
sur cette disparition depuis le sol parisien;
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un
procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été
assurées» (article 11 alinéa 1).
D’après le Pacte relatif aux droits civils et politiques – ratifié aussi bien par la
France que par le Cameroun et le Burkina Faso, qui, lui aussi établit la liberté
des médias -, « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit
doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie »
(article 6, alinéa 1).
Le Pacte précise : « Il ne peut être admis aucune restriction ou dérogation aux
droits fondamentaux de l'homme reconnus ou en vigueur dans tout État partie
coutumes, sous prétexte que le présent Pacte ne les reconnaît pas ou les
reconnaît à un moindre degré » (article 5 alinéa 2)…
bien que mal, sa propre marge de manœuvre. De fait, plus l’informateur est
manipuler subtilement.
Ici, le journaliste agira à la lisière de la clause de conscience. Cette posture
soumet parfois un journaliste honnête et compétent à une influence dont
l’étendue n’est modérée que par l’expérience et le flair.
crime?
En se faufilant au milieu d’une foule d’usagers alignés dans tous les sens pour
attendre un service, on nous introduit sans façon dans le bureau d’un haut
responsable consulaire. Derrière la porte rembourrée est la table surchargée
du vice-consul, M. Xavier Ongolo.
L’homme, sérieux, affable, voire humble et généreux à première vue nous
jette un œil occupé. Il n’est nullement préoccupé par cette entrée brusque
dans son lieu de travail. Il est habitué. Le diplomate camerounais accueille
dans la pièce deux Français : un homme et une femme, tranquillement
installés. La femme, une quinquagénaire d’apparence, se retourne pour nous
Pour son séjour stratégique, le très discret chef d’État camerounais ne laisse
fût la raison, à rencontrer cette Parisienne inconnue qui a mis les autorités
Français ont anticipé le risque en brouillant les cartes. On a refilé le bébé aux
Camerounais en leur vendant l’urgence de son élimination physique en tant
que menace pour la stabilité, non pas de la France ou du Burkina, mais du seul
Cameroun de M. Paul Biya et de la sous région CEMAC... « Hamady Traoré »,
l’ex-envoyé spécial burkinabé, est, ainsi, redevenu Guerandi Mbara, le temps
d’une exécution physique. À la fin, c’est devenu « une affaire entre
Camerounais » relevant du droit positif tropical. C’était, sans nul doute,
l’objectif final des cerveaux de l’opération. La com subséquente trahit la trame.
La rencontre parisienne de juillet 2009 nous fournit, surtout, le plus important
repère chronologique. L’opération homo contre Guerandi Mbara n’a pas
perspicacité des journalistes, n’en relaie pas moins la com des espions. Ce
n’est pas l’occasion qui a fait le larron. C’est le larron qui a échafaudé de toute
pièce l’occasion. Cette affaire n’est pas née au hasard d’une rencontre de
Guérandi avec le marchand d’armes Starckmann comme on nous a laissé
croire. La petite jonglerie chronologique a simplement permis de sceller le
caractère faussement hasardeux du plan. Le projet criminel a bel et bien été
initié plus tôt, et s’est ébranlé par une série de pièges tendus à un Guerandi
Mbara ambitieux mais désargenté, à travers des individus payés rubis sur
ongle qu’il pensait être des amis ou des frères.
Sarkozy était-il au courant de cette opération homo contre l’opposant
camerounais montée comme un simple règlement de comptes dans la mafia?
Rien n’est moins sûr. L’omerta générale de la France suite à l’assassinat de ce
résident parisien en est peut-être la réponse la plus pertinente. L’inhabituel
modus operandi de cette opération confirme cette connotation faussement
clandestine. Il fallait qu’on ait, au finish, l’impression qu’il s’était agi d’un
circonstances. « Blaise » joue avec lui à chat et souris. Il lui envoie, semble-t-
il, des dossiers pour l’endormir - cette information n’est pas confirmée. Mais il
ne se fait plus d’illusion. L’ex-homme de confiance qui a formé la rébellion
ivoirienne anti-Gbagbo avec des officiers français dans le nord du Faso sait que
« Blaise » et ses Français ne vont pas le laisser en vie. Il en sait trop long sur
les micmacs d’une Françafrique militaire qui a établi sa base opérationnelle
régionale chez « Blaise ». Mais, « Blaise » le sait, on n’élimine pas un officier
de la trempe de Guerandi comme on élimine le chauffeur personnel de
François, son frère. Il faut du temps, des moyens et du tact. Il faut pouvoir
associer les « services » français, mieux outillés pour mener un assassinat
multinational qui ne permette pas de retracer le crime. Guerandi envisage de
quitter définitivement Ouaga. Il ira se cacher à Paris.
Et comme par hasard, en 2009, Sarkozy fomente le renversement du
Geost…
Il est une ou deux indications cruciales que l’on a fait exprès de ne pas
milieu des armes. En réalité, dans cette affaire, aucune hypothèse ne tient sur
la durée.
Pourquoi le marchand d’armes français Starckmann relance-t-il Guerandi
Mbara des années plus tard alors qu’il était officiellement désargenté ? Que
s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi choisit-il, cette fois-ci, de vendre
directement son client plutôt que des armes, au point d’impliquer dans une
opération homo (pour homicide) classique un « exécuteur » résidant à
Bechtel...
alors elles ne vont pas là où on les attend, mais chez des amis n'ayant pas les
moyens de les payer, ou bien parce qu'à ce moment-là, cela arrangeait la
à une provocation du Pérou. Et c'est l'affaire des Startron pour Kadhafi qui
mettra son nom en lumière. »
D’après l’ouvrage sur son étrange contrat de travail avec la DGSE, « Être dans
le commerce des armes, et respecter une déontologie, consiste parfois à
prendre des risques que l'on ne peut expliquer. On est ainsi toujours le diable
de quelqu’un, car la plupart de ces négociations ne se font pas sans mal, et si
cela se termine mal, on ne peut se plaindre. En résumé, dans ces opérations, il
ne faut jamais croire ce qui apparaît évident, les Services [secrets] faisant
avorter certains contrats quand l'intérêt de l'État le commande. Lorsqu’on le
laisse dans le flou, c'est de sa propre initiative que Geost décide du sort des
matériels sensibles en route vers une destination jugée suspecte. (…) ».
M. Starckmann a, en effet, agi pour le compte des « Services » français en
Irak, en Iran, en Côte d'Ivoire et « dans les arcanes de la République ». Il a
également sévi à Cuba, chez les FARC, à Taïwan, au Togo, dans la RDC de
Kabila, chez les Talibans, en Algérie, au Libéria, au Pérou, contre les Chinois
en Afrique, au Bénin, en Guinée Bissau …
Pour que ce marchand d’armes parisien travaillant pour la DGSE se décide à
brader sa réputation en « vendant » ainsi un client « françafricain », dont la
moindre des réputations n’est pas qu’il a souvent été négociateur en matériel
L’agent de la DGSE est le bras séculier de l’État français dans une diplomatie
clandestine du meurtre avec les palais du Kosyam et d’Étoudi…
Chapitre 4 : Un « baron du Rhône », complice à
son insu?
D .A.K est un dandy aux apparences d’enfant gâté. Ce n’est en réalité que le
fils-héritier d’un ex-apparatchik des forces armées du régime Ahmadou
Ahidjo, qui a précédé celui du président Paul Biya. La quarantaine, le rejeton
Baguirmi baigne très tôt dans les milieux de l’approvisionnement tous azimuts.
Et, progressivement, dans le trafic du matériel de guerre. Tout baignait à
pratiquant. Mais les raisons pour lesquelles il quitte Orléans pour s’installer
discrètement avec sa famille dans la région du Rhône semblent bien plus
mystérieuses.
L’Île-de-France où était basée Samaris International c’est le centre. La région
du Rhône, en l’occurrence ce nouvel univers aux confins de la « montagne
mystique », c’est la périphérie. La distance entre son ancienne et sa nouvelle
résidence est, peut-être, l’indice que ce déménagement n’est pas uniquement
motivé par ses déboires microéconomiques ou, simplement, par le fait d’avoir
eu de bons conseils du nouvel associé-gérant de Samaris International,
fraternelle. Car, on le sait déjà : Guerandi Mbara n’est pas n’importe qui. Il ne
se confie pas, certes. Mais il est une sorte de vorace relationnel chez ses
compatriotes. Néanmoins on ne lui avait pas soupçonné cette relation et une
« polit » également son éternel projet de société pour son pays et multiplie les
contacts. Il se nourrit peu et ne s’exprime presque pas sur sa stratégie. Il a
toujours vécu ainsi.
À Orléans, il traverse sa dernière période de déconfiture à l’égard du Kosyam.
C’est une nouvelle zone d’impécuniosité et de froid avec son vieil ami
burkinabé, le président Blaise Compaoré. Nul ne saura jamais, en effet, ce qui
brouillait les deux ex-inséparables de l’École militaire interarmes de Yaoundé.
C’est que, Guerandi connaissait parfaitement la géostratégie militaire
françafricaine dans laquelle il avait si longtemps travaillé au palais du Kosyam.
la manœuvre.
À Orléans, Guerandi se fait tout petit. Il en a l’art. Dans ces périodes, il lui est
C’est que, Guerandi n’est pas un bleu dans le milieu. La rencontre avec ce
point focal de la DGSE n’est, indubitablement, pas fortuite. Le « baron du
Rhône » était-il dans le coup de l’assassinat? Avait-il été contacté par les
Français? Savait-il à quoi il exposait son « frère » Guerandi Mbara? Des
président Paul Biya – ceci ayant suscité nombre d’arrestations dans les
entourages de certains pontes nordistes…
Toutes les informations prédirent à l’époque le chaos ethnique imminent au
Cameroun, faisant le tour des universités occidentales et autres organismes de
surveillance, en feraient partie. On évoquait dans le même ordre d’idées les
prétendues complicités autour de l’enlèvement spectaculaire à Kolofata, le 27
juillet 2014, de Agnès Ali, épouse du puissant vice-premier ministre Amadou
Ali.
N’empèche. Les Français ne démordent jamais. Eux au moins disposent d’une
stratégie de l’après-Biya.
Le « baron du Rhône » a effectué un retour en fanfare au bercail camerounais
en 2016 où, sans avoir jamais été diplomate, il annonçait qu’il intègrerait
l’ambassade de la France comme cadre... Pour faire de l’espionnage? Personne
ne l’y a vu à ce jour. En tout cas, le « frère » de Guerandi Mbara a quitté la
France définitivement. Il y en a au moins un, nouvel arrivant aussi dans la
même mission diplomatique - de la France à Yaoundé – ,nommé dans la même
période (septembre 2016) qui, sans nul doute, fut soit au cœur soit au parfum
de l’opération homo contre Guerandi Mbara, ancien résident de Ouaga. Il s’agit
de l’ambassadeur de France lui-même, Gilles Thibault, ancien de Saint-Cyr et
princesse toupouri
mari avait fui vingt ans plus tôt. Au cas où. C’était le moyen de me mettre à
l’épreuve. J’en ai encore en travers de la gorge de cette scène aujourd’hui.
La princesse toupouri du clan Salkréo du Mayo-Kani près de Kaélé, au cœur de
la steppe septentrionale camerounaise était, en effet, le genre de femme sans
âge dont la perspicacité, le charme et le charisme étaient discrets mais
évidents. Elle n’avait aucun maquillage apparent. Guerandi Mbara se vantait
de n’avoir jamais profité de la « stérilité » de sa compagne pour la vie pour
faire des enfants avec une autre femme - un serment qu’il n’aurait pas tenu ad
vitam aeternam, semble-t-il.
Au cours de ses années de gloire, le sénateur et ex-ministre camerounais
luttait pas tant pour le démentir. Je lui avais posé la question un jour lorsque,
par hasard, je l’avais rencontré à Yaoundé. L’initié toupouri et chef coutumier
Au moment de servir son repas, elle toisa attentivement le convive que je fus,
me salua et disparu sans mot dire. Je lisais dans son attitude l’exercice rapide
de son intuition d’épouse et protectrice de son fougueux et maladroit époux.
Elle révélait la psychose qui régnait dans l’entourage de l’homme fort du Faso,
et, en l’occurrence, en ce lieu de sécurité tous azimuts.
Dans cette même maison, Madame Guerandi, ex-amie de la First Lady Chantal
Compaoré, avait tout vu et tout entendu. Elle avait vu défiler dans ce salon
sobre du beau monde du pays où l’on en voulait tant à son mari. Elle avait
côtoyé des leaders venus s’abreuver à la source de l’internationalisme de la
« rectification », cet étrange méli-mélo diplomatique et militaire de la France
Au terme d’une soirée passée avec Laurent Gbagbo (me raconta son époux), la
discrète épouse s’était exclamée après qu’il s’en soit allé : « C’est lui qui veut
diriger la Côte d’Ivoire! » On ne sait pas trop ce que cela voulait dire.
Guillaume Soro était, en tout cas, le préféré ici.
Pourquoi avait-il besoin de me faire croire que des gens aussi humbles et
conviviaux vivaient dans la paranoïa?
Je ne saurai que longtemps plus tard la vérité sur ce lieu méconnu du public
burkinabé avec ses habitants. Le « Conseil de l’Entente » est situé au nord du
siège de la Radio et télévision nationale dans le secteur 03 de l’arrondissement
numéro 1. C’est dans cet ilot de manguiers et de villas poussiéreuses que
résidait Blaise Compaoré et son entourage. « Blaise » vivait là, quelque part
dans le voisinage, sans sa famille (femme et enfants), au milieu des villas
anonymes occupées par d’autres hommes de confiance de l’homme fort du
Faso.
séjourné dans l’antre du diable et que les Guérandi, comme la plupart des
résidents du « Conseil » d’ailleurs, y étaient quasiment assignés à résidence
tant que durait le pouvoir de « Blaise ». La jouissance du pouvoir version
Compaoré induisait une drôle de vie de sang, de pactes sataniques, de
manipulations d’opinion et d’argent, entièrement sous le contrôle du Régiment
de la sécurité présidentielle - dont l’homme de guerre et universitaire
Guerandi Mbara avait, heureusement, formé quelques hauts cadres à
l’Académie militaire de Pô.
Cet endroit macabre avait déjà fait parler de lui négativement en plusieurs
occasions célèbres. C’est à quelques mètres d’ici qu’avait été assassiné le chef
Plusieurs personnes entrées ici n’en sont plus jamais ressorties vivantes. Le
journal burkinabé Mutations fait une description significative de ce milieu
« lugubre » d’où est partie l’ultime tentative de coup d’État de septembre 2015
contre la transition burkinabé, fomentée par le fameux Régiment du général
Diendéré.
C’est ici qu’avait été torturé à mort en décembre 1997 David Ouédraogo,
chauffeur de François Compaoré... C’est également ici qu’est parti le
commando qui assassina en décembre 1998 le journaliste d’investigation
burkinabé Norbert Zongo, directeur de L’Indépendant. Le journaliste, son frère
Ernest Zongo et ses amis Blaise Ilboudo et Ablassé Nikiéma été avaient
abattus par balles par les éléments de la sécurité présidentielle avant d’être
brûlés alors qu’ils se rendaient dans un ranch pour le week-end. Les Compaoré
reprochaient au journaliste de trop s’intéresser au décès du chauffeur
personnel du « petit président ». L’étudiant en 7ème année de médecine Dabo
Boukary avait mystérieusement disparu ici alors qu’il y avait été amené vivant
en mai 1990; son dossier est toujours pendant devant la justice. Le professeur
d’université Guillaume Sessouma, entré en septembre 1989, n’y est plus
ressorti vivant et n’a plus donné signe de vie…
« Une partie du conseil est occupée par des tombes dont on ignore jusque-là
maisonnette d’à peine 2 m2 n’a pas manqué d’intriguer les visiteurs. Ses murs
de l’intérieur portent des écritures incrustées et écrites certainement par des
âmes en détresse avec des objets de fortune. Ces messages disposés pêle-mêle
faisaient tous l’apologie de la vertu et proclamaient la foi en Dieu. À défaut d’un
guide avisé et averti pour présenter le « Conseil » avec tous ses mystères,
certains visiteurs n’ont pas manqué de (…) que la maison faisait office de prison
et que les graffitis seraient l’œuvre des prisonniers en détresse qui attendaient
leur exécution dans l’antichambre de la mort: le purgatoire. »
C’est de ce camp militaire VIP qui fit tomber la révolution sankariste que s’est
échappé vers 2011 Guerandi Mbara, en rupture avec son ami Blaise
Compaoré. Nul ne peut savoir ce qui, exactement, les sépare. Les témoins
affirment que l’exilé parisien ne voulait plus, malgré l’impécuniosité,
rencontrer quiconque de l’entourage de Blaise Compaoré. « Il s’en méfiait. Il se
méfiait de tout le monde. Il se méfiait de nous tous »,me l’a avoué l’historien
Jean-Marc Domba Palm, inséparable de Guerandi et lui-même ex-ministre des
affaires étrangères.
L’une des dernières personnes à avoir rencontré Guerandi Mbara vivant à
Ouaga dans cette même période est ma consœur et amie de longue date
Henriette Ekwè Ebongo, « la seule Africaine à avoir reçu », à 62 ans à
Washington D.C. (le 08 mars 2011), le Prix du Courage féminin (International
Women of Courage Awards) du Département d’État américain, des mains de
Hillary R. Clinton, en présence de Michelle Obama. Amie de Laurent Gbagbo,
Ekwe séjournait au Faso en mai/juin 2011 dans le cadre d’un projet de
Guerandi aux abois. « Il était méconnaissable. Il avait peur pour sa vie ». Une
mutinerie sanglante éclatée au sein de la Garde présidentielle quelques
semaines plus tôt s’était étendue à Pô, ville garnison abritant plusieurs
casernes dont le CEC, le Centre d’entraînement commando et à l’académie des
officiers de Pô. Elle avait eu pour effet paradoxal de faire de l’ex-officier
camerounais l’un des hommes à abattre dans l’entourage de Blaise Compaoré,
diable. De son plein gré ou en otage malgré elle dans le bunker du « Conseil
de l’entente »? Guerandi Mbara n’a pas pu l’exfiltrer. C’est clair. Comment cela
aurait-il été possible sans réels risques? On peut imaginer que la surveillance
autour de l’ex-proche de Chantal Compaoré avait été renforcée alors même
allusion dans la presse burkinabé qui, de toutes les façons, ne connaissait pas
celui que les proches de « Blaise » et Thomas Sankara appelaient
exactement. On sait qu’elle était désormais active à l’église baptiste et, sans
doute, fréquentait-elle de rares amis restés fidèles.
Le scénario a duré jusqu’au jour où, 27 ans après l’assassinat de Thomas
Sankara, Blaise Compaoré est chassé du pouvoir par une révolution populaire.
Mais lorsque, le 31 octobre 2014, un énorme cortège de dignitaires du régime
déchu - dont une grande partie vivait au « Conseil de l’entente » - s’ébranle
vers la frontière du Ghana pour rejoindre la Côte d’Ivoire sous la protection de
l’armée française, beaucoup pensent qu’Élisabeth est assise en bonne place
dans l’une des cylindrées qui quittent Ouagadougou. Ce n’est pas le cas. Où
est-elle passée?
Élisabeth est restée en otage au « Conseil de l’Entente », cimetière à ciel
ouvert des contempteurs de la « rectification ». L’avait-on oublié ou purgeait-
elle la disgrâce de son défunt mari jusqu’au bout?
S’ensuivit la drôle de tentative de putsch du général Diendéré soutenu par ce
qu’il restait de son redoutable Régiment de la sécurité présidentielle en
septembre 2015. Ce dernier est mis aux arrêts. Son épouse, la sémillante
Fatou, est en fuite au Togo. Le Régiment tristement célèbre est enfin
démantelé. Le secteur 03 de Ouaga jadis inaccessible est cédé au ministère
burkinabé des affaires étrangères qui envisage d’en faire un mémorial Thomas
Sankara.
C’est que, ce bunker a été mis à sac par ses anciens occupants, proches du
président Blaise Compaoré, en fuite vers la Côte d’Ivoire, sans doute pour
effacer les preuves massives pouvant servir à d’éventuels procès pour crimes.
Dans la foulée, une preuve vivante des années Compaoré est restée sur les
dans le clan et son intuition d’épouse éplorée, aisément deviner, des années
après, comment, pourquoi et par qui son mari avait été tué?
Ce qui devait arriver arriva. Le 1er mars 2017 vers 19h, soit cinq ans environs
a fait des pieds et des mains pour faire aboutir une complexe procédure
d’extradition au Burkina Faso… On y voit le général Gilbert Diendéré, ex-
patron tout-puissant de la sécurité présidentielle du Faso et chef du commando
qui exécuta Thomas Sankara en octobre 1987, lui-même aux arrêts, avec dans
le dos un procès qui a démarré en février 2018; last but not least, Jean-Pierre
Palm, ancien commandant de la gendarmerie nationale sous Compaoré,
nommément cité dans plusieurs cas de tortures graves…
Les tortionnaires du régime Compaoré s’étaient-ils donné rendez-vous à ces
obsèques - après avoir ignoré l’assassinat de l’époux de la de cujus - où
centrafricaine
français. Il flirte en même temps avec les Chinois pour l’exploration pétrolière,
l’Afrique du Sud pour le diamant… Il agace Areva qui multiplie les
atermoiements sur l’exploitation de l’uranium. La firme nucléaire française
souhaite se le réserver pour l’avenir au détriment de l’économie centrafricaine
qui en attend les retombées immédiates pour payer ses fonctionnaires.
Prétexte de Areva ? La catastrophe de Fukushima avait hypothéqué la
demande en uranium.
Pour le chasser du pouvoir en brouillant les cartes, la France procède par son
habituelle diplomatie compliquée du chaos. Elle soutient malignement le
notamment.
En faisant semblant de se contenter par défaut d’une situation de fait
«nettoyage».
Un mois plus tard (le 10 janvier 2014), après avoir brièvement servi, le pantin
Michel Djotodia de Seleka est chassé du pouvoir par la même France.
Dans le chaos centrafricain qui précède Sangaris, Guerandi Mbara jouerait un
rôle déterminant. Du moins le répète-t-on à Yaoundé.
Cette occurrence est brandie par les autorités camerounaises qui, elles, sont
manifestement informées par la diplomatie française. L’ancien officier de
l’armée camerounaise est soupçonné d’y avoir installé 2000 hommes. Un
colonel soudanais recruterait pour lui au Sahel, d’après le gouvernement
camerounais. Ces hommes seraient stationnés à l’ouest du pays.
région. Son chef, le général Abdoulaye Miskine, est arrêté par hasard par les
Camerounais puis élargi contre la libération de 26 otages dont le prêtre
polonais Mateusz Dziedzic. Il était une connaissance à Guerandi, nous dit-on.
Les Français sont, sans doute, les mieux informés sur le rôle de l’ancien
guise, «d’entrer dans une sorte de double-jeu avec les pouvoirs en place».
C’est le truc favori de Paris en pré carré. Paris peut trahir n’importe quel projet
militaire hostile à un pouvoir en place après en avoir été averti et informé de
bonne foi, et après avoir donné une sorte de feu vert.
À Yaoundé, l’information sur une éventuelle rébellion menée par Guérandi
Mbara depuis la Centrafrique a été rappelée au cours d’un point de presse à
huis clos du ministre camerounais de la communication, Issa Tchiroma Bakary.
Ce dernier tentait d’expliquer la nécessité qu’il y avait d’éliminer
physiquement l’opposant. D’ailleurs, à la suite de Guerandi Mbara, d’autres
«rebelles» comme le notaire de Maroua, Abdoulaye Harissou, ou encore
Qu’il ait été allié ou pas de la France par le passé, au milieu d’une de ses
stratégies du chaos, Guerandi Mbara devait être éliminé de l’échiquier, d’après
cette hypothèse.
Mais ce n’était qu’une fausse piste. L’on n’a trouvé à ce jour, nulle part, aucune
preuve de l’existence du fameux colonel soudanais et des milliers de
mercenaires que Guerandi Mbara faisaient recruter par son truchement, ainsi
que le prétendaient les autorités camerounaises.
Il existe, a contrario, plus important que l’hypothèse Sangaris vendue au
Connu dans les milieux spécialisés à travers le label d’affaires Andal Afrique
dont les coordonnées changeaient au gré des conjonctures, Guérandi était
réputé être l’un des meilleurs stratèges de l’échiquier franco-africain et, a
fortiori, dans l’entourage du président Blaise Compaoré. Il était impliqué dans
le projet panafricain de « Blaise », lequel s’énonçait dans une collision parfaite
avec la politique militaire de la France dans le golfe de Guinée.
Sous le label Andal Afrique, il offrait de l’instruction militaire, du conseil
stratégique tous azimuts, l’intermédiation en matériel de guerre, du lobbying
politique voire académique dans les milieux des sorciers blancs…
Ouagadougou que le président Laurent Gbagbo qui échappa aux chars français
en novembre 2004 va être chassé du pouvoir par tous les moyens.
La mission française est secrète mais suscite déjà des bouderies dans
l’entourage de Compaoré qui avait travaillé à la médiation ivoirienne. L’un
d’entre les frondeurs est déjà en presque rupture de bans à Paris. En guise de
galop d’essai, la France installe à Ouagadougou, dès septembre 2010, un mois
avant le premier tour de la présidentielle, une centaine d’hommes du COS
(Commandement des Opérations Spéciales) dirigé par le général Frédéric
Beth, frère de l’autre, futur directeur du cabinet du DGSE. Mission officielle :
des petits secrets africains d’une France qui entend toujours se présenter
comme humaniste, donneuse de leçons de démocratie et de droits de l’homme.
gendarmerie. Il fut ministre des sports – j’ai lu plus tard dans la presse
burkinabé qu’il était un tortionnaire redoutés du système Compaoré.
chambrier de Yaoundé.
Le marchand d’armes parisien et agent de la DGSE Georges Starckmann a
prétendu avoir «vendu» son client parce qu’il voulait éviter une guerre au
Cameroun – alors que, justement, le marché des armes ne prospère qu’à
travers les guerres en Afrique noire entre autres. On a envie de rire en le
lisant. En fait, il a roulé les Camerounais dans la farine.
Chapitre 8 : Soro : « Les services secrets français
pays où il fut le plus contesté par l’opinion publique dans toute l’Afrique
francophone.
« Le petit Soro » s’est vu offrir une vraie fête. À la clé, un discours
retentissant et inédit au parlement à Yaoundé, puis un raout intime et des
cadeaux du chef de l’État dans son village natal à Mvomeka’a.
La particularité de cette visite: elle intervient après l’assassinat de l’homme
qui a travaillé main dans la main avec Soro à Ouagadougou, sur le terrain et,
probablement, dans le marché des armes de guerre sous la houlette de
« services » français et du parrain politique du rebelle ivoirien, le Burkinabé
Blaise Compaoré.
Le rebelle Soro était souvent accueilli à la maison par Elisabeth Guerandi.
C’était un ami intime à l’ex-officier camerounais. Ils se connaissait bien.
Élisabeth en a témoigné en ma présence lorsque je leur rendis visite en
novembre 2004. On les voyait marcher ensemble à Ouagadougou.
Ils avaient travaillé avec les Français. Guerandi m’a, en effet, avoué avoir fait
partie des quelques conseillers qui se montrèrent sceptiques à l’idée d’une
offensive militaire « finale » des Forces Nouvelles/FRCI malgré l’insistance de
la France de Nicolas Sarkozy.
Il ne faut pas réfléchir de midi à quatorze heures pour en arriver à la
pas moins qu’un Nobel. Cette posture avait-elle brouillé les anciens copains
ouagalais au point de susciter la trahison?
Pourquoi donc ce subit intérêt du Palais de l’Unité pour un individu sans intérêt
véritable pour les Camerounais ? Soro était-il «cadeauté» d’avoir assuré une
élucidé d’un compatriote d’un tel chef d’État eût pu servir de moyen
supplémentaire pour tenir le Palais d’Étoudi. La stratégie française consistant à
plutôt faire oublier ce crime en dit long sur l’implication de Paris.
Pour comprendre le rôle de la France ainsi exprimé, il faut d’abord cerner sa
politique africaine des ex-colonies. Même dans le cercle très fermé des
membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU, on sait que les
événements majeurs en Afrique des ex-colonies sont décidées et se dénouent
à Paris. Cette question n’a jamais échappé au président russe Vladimir Poutine
qui a souvent ironisé sur le sort incertain d’une France amputée de ses
anciennes colonies.
En clair, on le sait à New-York, la France n’a pas envie d’y promouvoir
sincèrement l’expression du suffrage universel de peur d’y perdre ses
immenses privilèges.
sous-régional des services spéciaux et forces spéciales français. Beth est tout
implication que Nicolas Sarkozy avait niée –, certains témoins gênants ont été
réduits au silence. On peut, aujourd’hui, ajouter à cette liste Guerandi Mbara,
l’homme de Blaise que connaissait bien le général Frédéric Beth alors chef du
Commandement des opérations spéciales (COS) de Ouagadougou et non moins
futur numéro 2 de la DGSE.
Chapitre 8 : Paul Biya, (presque) dindon de la
farce?
bluff.
À notre avis, Paris et Ouaga veulent s’en laver les mains et fournir une
explication «cohérente» à l’opinion hostile à la Françafrique, aux proches
ouagalais et amis parisiens du de cujus.
Yaoundé n’est pas à l’initiative. Cette donnée est constante. Il se peut
qu’Étoudi ait été roulé dans la farine française.
Le patriarche Starckmann aurait peut-être profité d’un tour de passe-passe de
la « piscine » pour escroquer les Camerounais.
Ainsi, d’après Jeune Afrique, Starckmann a directement contacté les services
Néanmoins, tel que livré, le scénario officiel est impeccable. Parce qu’il passe
sous silence les erreurs du casting. Il corrobore une certaine déontologie de la
police politique du régime Biya sous son nouveau patron, Maxime Léopold Eko
Eko, un Akonolinga qu’on avait pourtant présenté à sa nomination en août
camerounais sont trop peu offensifs à l’extérieur du périmètre national. Ils n’y
osent presque jamais d’opération homo aussi complexe. Paul Biya n’aime être
mêlé ni de près ni de loin à des opérations à fort potentiel de publicité
négative à l’international où il vit l’essentiel du temps.
Je m’explique.
Ancienne police politique toute-puissante dénommée CEDOC et CENER sous le
régime Ahmadou Ahidjo, la DGRE (Direction Générale de le Recherche
Extérieure) demeure un appendice de la présidence de la République. Elle fait
face, journellement, à une concurrence féroce de presque tous les
démembrements de l’administration territoriale, de l’armée, de la sécurité
présidentielle, de la police et autres individualités du système, voire, plus
directement, de la mission diplomatique française par exemple.
La DGRE se débrouille pour exister dans un milieu complexe où la hiérarchie
pourrait nuire à la stabilité du pays. Ici on axe l’action sur l’image de M. Paul
Biya, en l’absence d’une véritable menace armée venant de l’intérieur et
à son éveil.
En plusieurs années, nous avons, en effet, passé au peigne fin le système du
français pour solde de tout compte d’après l’accord du départ – et qui n’a
finalement jamais été payée par les Camerounais – était due à ce vice
rédhibitoire sur la marchandise livrée : on a livré un macchabée en lieu et
place d’un homme vivant. Pour ceux qui n’ont toujours pas compris, les
Français ont tué Guerandi avant de livrer son cadavre au président Paul Biya.
Il est crucial ici de revenir sur l’un des aspects les plus choquants de l’enquête
de Jeune Afrique sur la disparition de Guerandi Mbara. Dans une sorte
d’hymne à l’analphabétisme en matière de droits humains, au déni de justice
et des droits humains, le panafricain semble engager ses lecteurs à adouber
Guerandi était une menace pour beaucoup à Yaoundé, non pas tant dans l’idée
d’un coup d’État, mais parce qu’il était l’unique témoin vivant du plus grand
massacre inutile et injuste du régime Biya – avant la très meurtrière croisade
armée contre les Anglophones.
L’homme politique Biya eût pu en profiter dans une perspective machiavélique.
Rappelons-le: contrairement à l’apparence, ce ne sont pas les putschistes qui
ont massacré des Camerounais à l’aveuglette et qui ont appliqué une justice
militaire des vainqueurs au faciès. Ce sont «les gens de Paul Biya» qui ont
massacré étant donné qu’ils furent, corollairement, à la recherche d’un
justice internationale prend toujours prétexte du fait qu’il n’a pas été possible
« Hamady Traoré »…
I nstallé à Ouagadougou depuis son départ du Cameroun le 5 juin 1984,
Guérandi Mbara y est fort peu connu du public et de la presse burkinabé. Tout
Burkinabé à qui vous demanderez s’il a jamais entendu parler d’un Guerandi
Mbara proche de Compaoré s’en étonnera toujours. Cette posture découle
peut-être d’une stratégie politique du président Blaise Compaoré qui
années.
Ce fut à un point où je lui recommandai un jour ma cousine députée du parti
au pouvoir au Cameroun, le RDPC (Rassemblement démocratique du peuple
camerounais). L’honorable Jacqueline Man-Simbé, était en mission à
Ouagadougou au compte de l’Assemblée nationale. Guerandi l’y accueillit
chaleureusement. Il passa du temps avec elle. Elle retourna au pays après son
séjour sans même savoir de qui il s’agissait, hormis le fait que c’était «un frère
camerounais».
Cette méfiance lui aurait permis d’échapper, en trois décennies d’exil, à moult
tentatives assassinats au poison semblables à ceux de la SDECE française
Moumié...
Il a pu esquiver de nombreuses campagnes de dénigrement orchestrées au
pays mettrait en valeur, dans un plan fort détaillé dénué de tout académisme,
toutes ses ressources naturelles et humaines, devenant ainsi l’un des endroits
les plus prospères d’Afrique noire. Il s’imaginait des écoles, des universités et
recommandés.
eu tout le mal. Cette culture n’existe pas chez nous. On ne pense qu’à
s’enrichir. Les hommes politiques diplômés pensent que leurs seuls diplômes
universitaires et leur «gros français» devraient remplacer, pour l’essentiel, les
projets de société qui, eux, nécessitent pourtant un travail de fourmi dans le
Cameroun profond.
À chaque fois, il n’avait affaire qu’à ces compatriotes bardés de diplômes mais
radicalement dépolitisés et n’ayant que des intérêts opportunistes face à ce
compatriote dont la réputation fut qu’il aidait massivement, lorsqu’il le pouvait,
sans rien demander en retour. Aussi a-t-il énormément aidé à titre personnel
de nombreux compatriotes de tous les bords, de toutes les tribus et sur tous
les plans, notamment matériel, académique, politique, consulaire, etc.
Les fondateurs de la principale organisation des journalistes du pays, le
Syndicat National des Journalistes du Cameroun (SNJC), doivent au «grand-
Le Dr. Thémon Djaksam s’en était fait un devoir et le SNJC fut admis très vite
au sein de l’organisation au cours d’assises tenues à Washington D.C en juin
2002.
On peut l’évoquer aujourd’hui en rendant un vibrant hommage à ce Tchadien
parce que Thémon Djaksam ne vit plus. Alors qu'il représentait le NUJ
(National Union of Journalists) du Royaume Uni au congrès de la Fédération
Dans les cercles des armées où Peulhs et Kirdis restent, malgré tout,
dans une interview que Paul Biya, pressé par ses proches, demande qu’Ahidjo
lâche plus vite tous les leviers du pouvoir. Les jeunes loups bantous sont
assoiffés de pouvoir, et, on ne l’a jamais dit, d’argent frais. Le magot de la
succession s’évalue à près d’un millier de milliards d’anciens francs CFA
sonnants et trébuchants, à dilapider à la vitesse de l’éclair par une bande
d’arrivistes. Le Palais d’Etoudi dont l’hôte ira vite s’installer dans un grand
hôtel sis au Chemin du Petit-Saconnex à Genève ne déclarera jamais les
revenus pétroliers des comptes numérotés de la République aux Îles Caïmans,
ne faisant pas partie des ressources publiques connues.
Germaine Habiba affirme que son époux qui se repose à Garoua n’avait pas
l’intention de confisquer le pouvoir mais que les nouveaux maîtres de Yaoundé,
trop pressés, avaient fini par l’agacer au point où, pour calmer les esprits, il
avait tenu à prendre du recul pour que tout se fasse dans un climat plus
serein. Au sujet de la succession qu’il avait préparée en quelques années au
profit de son collaborateur le plus docile en apparence, le discours du président
Ahmadou Ahidjo de novembre 1982 s’était voulu sans équivoque sur la
question: «Notre pays dispose d’atouts importants. L’unité nationale consolidée,
des ressources nombreuses, variées et complémentaires, une économie en
expansion continue, des finances saines, une justice sociale en amélioration,
déjà «prêts à prendre les armes pour défendre le pouvoir de M. Biya» contre
son prédécesseur. Comme s’ils le pouvaient. Mais des faucons du parti unique
comme Moussa Yaya Sarkifada, ex-proche de Ahidjo, ne se font plus d’illusion
sur l’issue finale en faveur de celui qui détient dès lors la réalité dudit pouvoir.
«Une armée sans défense…» Dans les casernes ce faisant, la tension est
presque à son comble. Il se passe des choses. Entre novembre 1982 et début
1984, le climat s’est dégradé de manière substantielle. Les proches du
président Biya montent en épingle une réunion «secrète» tenue le 18 juin
1983 à 23h30 au domicile du délégué général à la gendarmerie, Ibrahima
C’est que, la philosophie politique du putsch du 6 avril n’est pas celle qu’on
croit. Elle sera expliquée par Guerandi dans un petit ouvrage à la couverture
rouge sang intitulé «Cameroun : une armée sans défense», publié en 1991.
Les jeunes cadres de l’armée disent vouloir prendre le pouvoir pour «trancher
le nœud gordien» d’un régime prébendier, gangrené par la corruption et
l’affairisme dans les milieux de l’armée. Selon eux, ce système commence à
l’indépendance, et n’en finit plus de se reproduire en avatars. C’est la raison
pour laquelle de nombreux sudistes Beti sont cités au nombre des insurgés et
sont exécutés.
À l’origine, le «Mouvement J’ose» n’est donc pas dirigé contre le seul régime
Biya d’après ses vrais auteurs. Il vise le système qui l’a installé. Telle est la
version officielle. Mais ce que le public camerounais ne sait pas c’est que l’une
des raisons de l’échec du putsch du 06 avril 1984, ayant notamment créé la
scission dans le groupe, fut une querelle qui a trop vite éclaté au moment de
prendre le pouvoir entre les autres et des hiérarques peulh se prévalant une
sorte de légitimité naturelle pour le pouvoir et les autres. En cas de succès du
putsch, le Mouvement se promettait à une évidente implosion. Mais le verrou
vaillance du ministre des forces armées Gilbert Andzé Tsoungui «au nom du
chef de l’État, M. Paul Biya.»
Rapidement mis sous la protection du futur général Pierre Samobo, loyaliste
pro-Biya et ancien militaire «français» de la guerre d’Algérie, le petit
Nordistes loyalistes qui ont combattu leurs « frères » putschistes. Leur nombre
et les positions stratégiques qu’ils occupaient dans les armées rendent
impossible toute autre hypothèse. Mais nul ne pouvait résister à l’envie
opportuniste d’en profiter pour se débarrasser des «gens de l’ancien régime».
D’après les auteurs du putsch, le grand Ahidjo lui-même ne comprend pas
grand-chose à ce mouvement intrinsèquement isolé, hostile en réalité à son
propre système. Il ralliera au conditionnel l’offensive de «ses» partenaires au
cours d’une déclaration historique à Radio Monte-Carlo en France où
l’interviewer français est celui-là même qui lui a révélé ce qui se passait à
Yaoundé…
l’anticolonialisme upéciste.
Regrettant amèrement tous les Camarades tués en cette occasion, Guerandi
me confia lui-même qu’une bonne partie du matériel de guerre était en
mauvais état de fonctionnement faute de maintenance adéquate.
Concrètement, les renforts « nordistes » escomptés d’unités d’élite à l’instar de
la base aéroportée de Koutaba dans le Noun vont, selon les témoignages
concordants, bouleverser les plans. Ils changeront de camp, appuyant par
simple opportunisme des loyalistes en déroute trop tôt.
Moult officiers nordistes ont maudit ces frères d’armes traîtres avant de périr.
Des officiers généraux populaires avaient pourtant détalé de la capitale dès les
premiers coups de feu, disions-nous. D’aucuns furent victimes d’attaques
revanchardes à domicile.
Quelques jours avant le mouvement, l’information sur le « coup » avait circulé
dans les cercles du pouvoir par mille et un réseaux, au point de parvenir à
l’oreille du directeur de la sécurité présidentielle d’alors, le colonel René
Claude Meka. L’information a été négligée, «parce qu’on avait vécu trop
longtemps en paix».
Chapitre 11 « Dodo », le businessman de la
Plusieurs années plus tard, il s’envole pour les États-Unis d’Amérique. Il milite
dans la branche américaine de la très en vue All-Afrikan People’s
Revolutionary Party (A-APRP) créée par le Ghanéen Kwame Nkurmah pendant
son exil en Guinée Conakry. Le parti s’est imposé au fil des années au sein de
l’intelligentsia africaine-américaine grâce à l’activisme d’un tribun : Stokely
Carmichael... De son nom africain Kwame Ture, cet ancien premier ministre
des Black Panthers a connu Djeukam Tchameni à Houston et en a fait son
représentant pour les États du sud-est américain. Kwame Ture n’est autre que
l’ex époux de la méga-star sud-africaine Miriam Makeba et, aussi, l’homme qui
réconcilier l’Afrique avec son histoire et jeter des bases solides pour la
Le crime commis par Djeukam Tchameni pourrait en faire rire plus d’un. On lui
la cassette mais prétend qu’il ne savait rien de son contenu.Il répète aux
enquêteurs qu’un certain Ouest-Africain nommé « Amady Traoré » dont il ne
sait rien lui a confié la cassette contenant, saura-t-on plus tard, un discours
appelant l’armée à un « soulèvement patriotique ». Il ne ment pas totalement.
Il n’avait pas écouté le contenu de la cassette. De plus, le capitaine Guerandi
Mbara qui lui a été présenté en 1987 à Paris par un proche est connu sous le
nom exclusif de « Traoré ». Les enquêteurs s’empressent de lui révéler qu’il a
été roulé dans la farine par « l’inconnu » qui n’a pas voulu lui révéler sa
véritable identité. Il s’agit bel et bien de Guerandi Mbara, clament-ils. Il ne le
sait que trop bien mais fait semblant de n’en rien savoir pour éviter d’offrir
aux enquêteurs l’occasion de retenir ipso facto, par aveu, les crimes de
subversion et atteinte à la sécurité de l’État.
Mieux, Djeukam Tchameni a été reçu quelques fois au domicile de Guerandi
Mbara au « Conseil de l’entente » à Ouagadougou. C’est dans cette résidence
ouagalaise qu’il a rencontré, entre autres, le Libérien Charles M. Taylor. Le
futur chef d’État du Libéria et prochain client de la Cour pénale internationale
(CPI) pour « crimes contre l’humanité » vivait ici. Sa couchette se faisait à
l’emporte-pièce dans la salle de séjour de la famille Guerandi Mbara. À l’instar
de chefs rebelles de plusieurs autres pays africains, l’ancien étudiant en
C’est que, Guerandi Mbara avait insisté pour qu’il remette la cassette audio au
« chef de son réseau » au pays. Le destinataire en question n’était autre que
qu’un jeune médecin-capitaine en service à la base militaire d’Édéa, un certain
Simon Draha. Il avait longtemps hésité avant de contacter le pleutre médecin
officier qui prétendit n’avoir pas eu d’autre choix que de dénoncer à la terrible
SEMIL l’émissaire de son « frère du village ». Il disait n’être pas membre dudit
réseau.
Avril 1989. Face à la montée des revendications pour le retour au pluralisme
politique - supprimé en 1966 -, le président Paul Biya durcit la machine sous
des dehors de démocratisation. Le régime exacerbe le tribalisme, met sur pied
des « escadrons de la mort » chargés - comme plus tard à Bamenda -, de tirer
à balles réelles sur des manifestants civils et de faire des morts afin de
décourager l’insurrection. Pour ce faire, M. Paul Biya rappelle à la tête du
de « modèle importé ».
À la BMM, double villa strictement anonyme faisant face à la prison centrale de
même date que l’UPC historique, interdite par le colonat français le 13 juillet
1955.
Djeukam Tchameni entre en clandestinité. Il dit avoir échappé a deux
J’en ai longuement discuté avec le premier sur la liste des « bannis à vie », le
chercheur en médecine Jean-Bosco Tagne, résidant à Boston et président de
« Nordiste » au faciès…
avaient discrètement déserté les états-majors. On saura plus tard qu’ils ont
disparu sans nouvelle « pour aller préparer la riposte »…
Ainsi écrit-on toutes les histoires des vainqueurs.
Des centaines de lampistes ont, ainsi, payé l’addition. Sans même
s’embarrasser des dispositions constitutionnelles relatives aux situations
exceptionnelles ou encore sur le droit universel de la défense, les tribunaux
militaires expédient des dizaines, voire des centaines d’éléments de l’armée au
gibet, en piétinant le code pénal en vigueur, en ordonnant des exécutions y
rafale à un check-point tenu par les brefs putschistes après un échange musclé
avec l’ancien sous-officier des Forces françaises libres (FFL). Heureusement,
peu ont, à l’instar du patriarche Etoudi, tenté d’affronter ainsi les soudards de
Yaoundé. D’innombrables éléments de l’armée trop souvent victimes
d’appartenance ethnique, à l’instar du colonel Salé Ibrahim, commandant de la
garde républicaine, ont été exécutés. Ce malchanceux avait d’abord été
capturé par les putschistes qui savaient qu’il était inutile de l’associer au
« coup » ou de l’impliquer parce qu’il s’y opposerait tout naturellement… À la
fin, ce Peulh loyaliste dans le sang arraché entre les mains des putschistes a
été exécuté par les loyalistes cette fois sur la base de sa seule origine ethnique
et religieuse…
Au total, pas moins de 265 éléments de la défunte Garde Républicaine ne sont
même pas passés en jugement mais demeurent sans nouvelles à ce jour,
d’après les familles des victimes.
***
Dès les années 2008, ces familles ont entrepris de rassembler les éléments de
preuves pour assigner le régime Biya devant les instances pénales
internationales à partir de relais basés à Paris.
Les principes gouvernant cette offensive judiciaire collective retardée par
divers atermoiements conjoncturels sont ceux de l’État de droit, la vraie
réconciliation et la nécessité d’indemniser symboliquement les victimes
innocentes.
C’est que, le haut commandement de l’armée a poussé la justice militaire à
multiplier les exécutions «des Nordistes» dans un processus illégalement
Guerandi est peu connu du grand public, mais fut déjà aussi populaire dans les
milieux de l’armée au-delà de son allure mystérieuse et nonchalante. Ses
positions contre l’inertie et la corruption des officiers, sa compétence et sa
pugnacité étaient bien connues de ses étudiants…
Son nom: Guérandi Mbara Goulongo, 30 ans, capitaine de l’armée de terre,
diplômé de la promotion « 20 Mai » de juillet 1975 de l’EMIA… Le jeune officier
qui a suivi une formation d’officier supérieur d’artillerie à l’Ecole de guerre de
Hambourg en République fédérale d’Allemagne, lui-même fils d’un autre
capitaine de l’armée, Guérandi Damsou, admis à faire valoir ses droits à la
retraite en 1970 et décédé entre-temps. L’officier s’exprime en plusieurs
Douala (un certain 30 août 1954) d’être retenu comme instructeur d’élèves
officiers.
Lorsqu’il passe au grade de capitaine, il n’a que 28 ans…
Flambeur à certains moments, ce spécialiste de l’artillerie sol-sol selon la
voltaïques. De retour au pays en 1979, il fut intégré dans une unité d’artillerie
à Dschang dans la Menoua. Avec un groupe d’officiers, il créèrent au sein de
certaines unités de l’armée des cellules clandestines de réflexion qui joueront
un rôle actif mais précoce dans le soulèvement du 6 avril 1984 contre le
régime Biya.
***
Cité dans la tentative de putsch contre le régime Biya - dont il parle très peu,
affirmant tantôt n’en rien savoir, tantôt que le groupe avait l’intention d’éviter
aux Camerounais toute la misère que vit aujourd’hui le pays sous Paul Biya,
tantôt que « la stratégie n’a pas été exécutée selon les recommandations » -,
scène.
Dans sa théorie, la prise de pouvoir doit procéder d’un principe fondamental:
éviter qu’il y ait des pertes ou que cela dure plusieurs heures voire plus d’une
demie journée. Il est en général question de mettre en état d’arrestation le
président déchu sans devoir l’éliminer physiquement comme le fit le groupe
des jeunes officiers nationalistes qui arracha le pouvoir néocolonialiste libyen
«rectifié» au Faso
C’est le moins que l’on puisse en dire. Elle risque de faire tâche d’huile dans
ses quinze anciennes colonies endormies, bercées par le doux bruissement des
coupures de franc Cfa, la monnaie de singe française pour Nègres fabriquée en
Il avait toujours rejeté en bloc ces allégations. Mais personne n’y croyait. Y
« amnistiés » de 1990
La nouvelle option, quémandée sans suite pendant une quinzaine d’années par
les ayants droit mais ignorée par la hiérarchie de l’Etat et de l’armée fut
initiée, politiquement, en direction de l’élite du Nord en général. Elle devait
bénéficier d’abord aux anciens officiers nordistes proches du président
Ahmadou Ahidjo, en l’occurrence le commandant Ibrahim Oumarou, les
capitaines Salatou Adamou, Adamou Mohaman, Moktarou Mohamadou,
Abdoulaye Tamboutou, et autres, l’enseigne de vaisseau Moussa Mamadou…
Entre temps, une vague d’autres officiers nordistes a discrètement été jetée à
la retraite anticipée par décret présidentiel pour « atteinte à la sécurité de
comparses ne l’avaient même pas informé pour le putsch alors qu’il allait en
être une victime à la tête du client. Il décède en 2003, des suites d’un
« accident banal » sur l’axe de l’Ouest alors qu’il revient d’un voyage
« secret » en Afrique de l’Ouest. Si on vous explique les circonstances de
voyage en Afrique de l’Ouest avait peut-être pour but d’accorder enfin les
répétait avoir prévenu son épouse que le jour où elle ne le verrait pas revenir
à la maison, qu’elle ne cherche pas de midi à quatorze heures. Ça voudra dire
qu’il aura disparu d’avoir tenté de renverser le régime Biya. Il se proclamait
homme mort, n’ayant plus peur de disparaître.
Le ministre de la défense d’alors, Amadou Ali, le savait. Ils étaient proches.
Car Konaté l’admirait paradoxalement. Il ne jurait que par Amadou Ali qu’il
prenait pour un «grand-frère» honnête et sage. Il se mettait chaque fois à
sourire et changeait de sujet lorsque je l’interpellais sur sa proximité bizarre
avec le sphinx de Kolofata. Cela semblait plus fort que lui. Il n’est pas
impossible qu’Ali ait joué sur une sorte d’ascendant financier et religieux sur
Malgré la disgrâce, il ne s’éloigna jamais des milieux d’une armée dont Ali fut
le patron. En fait, sur le quotidien, il n’avait jamais eu les moyens de ses
Yaoundé a, depuis, vécu dans une sorte de peur ambiante. Une psychose qui a
créé un énorme débauche d’argent dans les « services ». Le risque véritable
existait peut-être réellement hors du territoire national. Et pas nécessairement
à la manière où elle était attendue.
18 octobre 2000. Un hélicoptère de marque Bell de la suite du président Paul
Biya, de retour de cérémonie solennelle d’inauguration des travaux du pipeline
Tchad-Cameroun, est arraisonné dans le sud-tchadien.
L’équipage comportait des officiers de la présidence : le commandant Désiré
Awoa Mbang et le mécanicien Emma Abate. Coupé de toute liaison radio avec
la base militaire de Garoua, l’hélicoptère disparaît des radars. Il aurait bien pu
l’opération.
Six mois plus tard, la carlingue criblée de balles est découverte à la lisière du
Mayo-Rey camerounais. Les corps des officiers tués sont ramenés à Yaoundé le
16 avril 2001 à bord du cargo Hercule C-130 de l’armée.
prenant pour prétexte Guerandi Mbara ont, par intermittence, mis Yaoundé
sous coupe réglée, mobilisant du coup des sommes colossales en fonds
spéciaux. C’est un fonds de commerce sûr. Il est connu dans le sérail que Paul
Biya n’accepte de dépenser sans compter que lorsqu’il s’agit de protéger son
pouvoir. Ses proches appuient sur la pédale à fond. La plupart du temps, des
Nordistes étaient visés. Comme aujourd’hui avec les Anglophones.
Vendredi 03 novembre 2007. Dans les environs du quartier Tsinga à Yaoundé,
un jeune homme originaire de l’Extrême-Nord est abattu par un élément de la
garde présidentielle. Un fait presque inhabituel. Une nouvelle alerte au coup
d’éventuels stocks d’armes… Yaoundé vivait, ainsi, une discrète frilosité depuis
l’annonce d’un nouveau projet de coup d’Etat militaire moins d’un mois plus
tôt.
La Surveillance du territoire, la Recherche extérieure, la Sécurité
présidentielle, les Renseignements généraux, etc., étaient en alerte maximale
suite à l’information de la Défense nationale… À ce jour, l’on ne sait toujours
un secret pour personne qu’Amadou Ali passait pour l’homme qui «contrôle»
Koulikoro…
est interrogé sur l’affaire des militaires camerounais accusés d’avoir rencontré
le diable Guerandi Mbara en Afrique de l’Ouest où ils séjournaient dans le
cadre d’une formation à l’école d’état-major de Koulikoro (Mali), lesquels
furent, eux aussi, arrêtés quelques temps plus tôt puis expédiés au cachot dès
leur retour à l’aéroport international de Douala. Gnowa est ensuite transféré à
la Région de gendarmerie du Littoral à Douala pour «complément d’enquête».
Finalement retrouvé par sa famille qui ne savait pas où il se trouvait pendant
plusieurs jours – cela, grâce à une importante mobilisation de l’Alliance
biblique universelle (ABU) et autres activistes au rang desquels Guerandi lui-
être rencontré, trop brièvement, l’officier par hasard à l’occasion d’un de ses
jugement, on compte les lieutenants Isaac Aktaye, Nomo, Mué, Charles Houé;
les second-maîtres Litassou, Ousman Boukar, André Ousmanou, Boukono;
l’adjudant Bobie, le maréchal-des-logis Léon Gassissou, les sergents Wapi,
Nkoué, Madou A., les caporaux-chef Samba Nyame, Ndonfack, Njikam, Mballa
Ondoua, Belinga Amougou…
Des officiers toupouri subissent des perquisitions inopinées, «inadmissibles»
(sic) à domicile. Tous sont réduits au silence jusqu’au jour où, se révélant des
cachots de la Sécurité militaire (SEMIL), ils décidèrent de saisir par une
correspondance anonyme les chancelleries occidentales à Yaoundé.
En avril 2008, une rixe éclate un matin entre des éléments de l’armée détenus
dans cette unité de la discipline militaire. Les militaires détenus ouvrent les
portes des cachots, se disant en danger de mort puisqu’aucune explication ne
leur est donnée sur le motif exact de leur détention qui durait depuis fin
octobre 2007.
Interpellé sur la question à l’Assemblée nationale en décembre 2007, le
ministre de la Défense, Remy Zé Meka, avait prétendu que c’est dans les
médias qu’il avait, lui aussi, entendu parler de cette affaire et des arrestations
qui s’en sont suivies. C’était son habitude de n’être jamais informé de ce qu’il
initiait lui-même. Un menteur chevronné ! — l’homme de Paul Biya était
Mbara.
Dans la foulée de l’annonce d’un faux décès en Suisse du chef de l’État
camerounais qui défraya la chronique dans la première semaine du mois de
juin 2004, je fus directement ciblé par pure magie.
L’entourage présidentiel parlait de moi et l’on vint me le rapporter. Je fus
immédiatement attaqué par des médias proches du pouvoir dont Le Patriote,
du ministre de l’Enseignement supérieur, le Pr. Jacques Fame Ndongo.
Le journal s’en était pris à mon père de manière insultante dans une brève. Je
ne savais pas pourquoi. Des amis proches des milieux du Renseignement
m’approchèrent, littéralement atterrés, pour me dire qu’il se passait « des
choses très graves » à mon sujet. Ils se mettaient en colère quand j’en
Soboth, aux fins de recouper cette information qu’il disait tenir d’une « source
gouvernementale crédible ».
«Et, ainsi qu’il l’a d’ailleurs précisé dans l’article publié sous le titre «Alerte: Le
capitaine Guerandi Mbara est là», M. Soboth, n’a pas séjourné, depuis octobre
2003, dans la zone frontalière avec la République Centrafricaine où ladite
rumeur l’accuse d’avoir accompagné tout récemment le capitaine Guerandi
Mbara.»
Le SNJC précisait que «M. Jean Marc Soboth a connu le capitaine Guerandi
Mbara dans le seul cadre de l’exercice de son métier de journaliste (…) ;
n’entretenant aucune relation amicale ni de partenariat avec ce dernier, il ne
partage, en conséquence, avec lui aucun projet militaire ou politique.»
Le SNJC mettait en garde contre la «tendance à brasser des rumeurs folles,
pouvant porter d’énormes préjudices à de paisibles citoyens, dans certains
cabinets ministériels qui, de surcroît, servent de tutelle à la presse».
Le Syndicat en appelait enfin «à la vigilance de la communauté nationale et
internationale» par rapport à «toute utilisation malheureuse que pourrait,
du fait que «tout le monde autour du chef de l’État veut faire notre métier sans
chaque saison.
L’ancien formateur des officiers burkinabé à Pô enseignait déjà la science
politique, les relations internationales et l’économie à l’université après avoir
diversifié ses études en France. Un 3ème cycle en études diplomatiques
supérieures à l’Ecole des hautes études internationales (Ehei) de Paris, puis un
diplôme d’études approfondies en relations économiques internationales et
développement à Paris V ont contribué à donner une autre image à l’ancien
instructeur militaire…
On pensa que Guerandi avait peut-être lâché du lest. À l’idée d’aller à Ouaga
où il était invité pour la première fois par l’Élysée, le président Paul Biya était
mort de peur, d’après les médias. De source exclusive, le président français
Jacques Chirac dut s’impliquer personnellement pour rassurer son homologue
camerounais quant à la sécurité (française) du sommet de la Francophonie
dans la capitale burkinabé… Compaoré était, rappelons-le, le plus grand ami de
Chirac en pré carré. L’on peut conclure que, pour rassurer le président
camerounais et sa délégation, Compaoré dut promettre à ce dernier de
changer d’attitude à l’égard de l’opposant camerounais qu’il hébergeait chez lui
aux Camerounais.
Je lui avais déconseillé, de manière indépendante, sa nouvelle méthode
C’est d’ailleurs dans les dédales de son séjour académique parisien que je
rencontre pour la première fois le mythe Guerandi à l’hôtel Odéon, dans le
Saint-Germain des Prés où m’avait logé le Quai d’Orsay (ministère français des
affaires étrangères) à l’orée d’une invitation spéciale du gouvernement Jospin.
C’est ici près des Jardins du Luxembourg que j’obtiens de Guerandi Mbara pour
le journal camerounais La Nouvelle Expression, en septembre 1997, sa toute
Mfegué, fille du Pr. Joseph Owona, fidèle des fidèles du président Paul Biya. Ils
ne se connaissent pas. En 1999, soit deux ans après sa soutenance de thèse,
connaît assez bien le système Biya avec lequel il ruse depuis des décennies
***
Guérandi Mbara, excédés après tant d’années à guerroyer chez le voisin dans
le désordre, désapprouvèrent ouvertement pour les conséquences potentielles
sur les innombrables Burkinabé de Côte d’Ivoire.
Je peux aujourd’hui l’avouer: Guerandi Mbara affirme qu’ils ont été soumis au
«diktat inadmissible» du président français Nicolas Sarkozy qui n’en avait cure.
C’est à un point où ils auraient même «œuvré pour qu’il ne soit pas réélu en
France».
Se faisant violence, l’exilé Toupouri me contacta au cours d’un séjour en
Europe. Il tenait à me féliciter avec emphase d’avoir condamné, dans un
un changement d’époque.
Il agissait désormais sous le générique des Nouvelles Forces Patriotiques qui
ne prônait pas moins qu’une prise de pouvoir par la force mais sans effusion de
sang, les dés du suffrage universel étant pipés sous le régime Biya. Il n’avait
objectif que s’étaient fixé nos Héros et Martyrs, pionniers de notre Lutte
patriotique. Cette Lutte de Libération continuera, avec le peuple Béti aux côtés
de toutes les autres composantes de la Nation. Je n’ose pas croire en la
démission du vaillant peuple Béti».
Annexes
Résumé du projet de société des Nouvelles Forces Progressistes pour
la refondation du Cameroun
Début de texte :
«Au regard de la faillite du politique et des politiques, de la déchéance de leur
patrie, les Camerounaises et les Camerounais perçoivent qu’il n’y a, ni ne peut
avoir, dignité individuelle et collective sans passer par la résistance populaire
légitime et libératrice de la part des Forces Patriotiques, aucune autre
alternative n’étant au demeurant laissée par M. Paul Barthélémy Biya et ses
terroristes. En fait, cette solution est la seule réponse populaire et efficace à la
violence criminelle du régime tyrannique de Paul Barthélémy Biya. Personne
Le peuple camerounais doit baser ses actions salvatrices sur quatre principes
mobilisateurs constituant la plate-forme commune, qui rassemble tous les
Combattants de la Liberté:
Se constituer en alternative patriotique et populaire pour une alternance
historique et démocratique;
Libérer le Cameroun du régime totalitaire de M. Paul Biya.
«Les Nouvelles Forces Patriotiques (NFP) sont porteuses d’un important projet
sociétal c’est-à-dire philosophique, économique, politique, social, culturel et
environnemental. Ce projet de société est l’esquisse d’une Nouvelle
Convention Populaire dont notre Pays a besoin pour se libérer et s’épanouir.
Nous l’avons dessinée à partir de nos racines positives des terroirs
camerounais et africains, essentiellement humanistes et solidaires.
«Parce qu’il replace l’être humain au centre de toute préoccupation de bien-
être; parce qu’il élimine toute forme d’exclusion politique, économique, sociale
ou culturelle; parce qu’il est un outil d’intégration des intelligences et des
énergies nationales dans la relève des défis du bien-être, en termes autant des
avantages que des servitudes dans la gestion de la cité; parce qu’il offre à
«C’est pourquoi la Refondation sociale, qui est une option raisonnable et non
Notre but à long terme, le but qui donne du sens à notre engagement, c'est
construire une Nation, irriguée par la liberté, la citoyenneté et la solidarité
comme valeurs fondatrices ayant comme socle la participation (politique,
Les Nouvelles Forces Patriotiques (NFP) interpellent les peuples frères des pays
voisins pour leur compréhension et leur soutien indéfectible dans cette œuvre
de salut africain car Paul Barthélémy Biya constitue l’un des obstacles majeurs
Prince dans le fief Bulu comme Enoh Meyomessé qui croupit à la prison de
Kondengui ? Que penser de l’exil forcé de Ndzana Sémé pour avoir refusé de
cautionner l’autocratie de Yaoundé?
élan positif et cette volonté salvatrice, que le pouvoir actuel doit admettre que
toujours.
non plus renier son passé. Ceux et celles qui seront choisis par le Peuple
camerounais doivent être officiellement et solennellement réhabilités et faire
leur entrée au Panthéon des illustres fils et filles de ce pays nôtre.
Toutes ces ambitions populaires et légitimes devraient être consignées dans
une Charte de Réconciliation, de l’intégration nationale et du vivre-ensemble.
Le pays est aujourd’hui à la croisée de son destin. Les populations de toutes
les origines vivent dans le mépris royal de Paul Barthélémy Biya et ses
hommes de main, eux aussi issus de toutes les contrées. Le combat ne
s’achèvera que le jour où sera installé à Yaoundé, un pouvoir qui se soucie du
de ses missions»
Le soldat camerounais ne doit plus vivre dans nos cités en simple habitant mais
en citoyen et en citoyen en uniforme et, surtout, en citoyen débordant de
patriotisme. La formation des militaires doit d’abord être complétée par une
éducation permettant d’agir sur l’homme. Cette éducation doit permettre en
qui y était menée dès le 4 août 1983 fascinait tous les Africains en quête
d’idéal. Je ne voulais pas non plus m’éloigner de l’Afrique, car je devais aussi
être utile pour mes frères et sœurs du Burkina qui est en chantier. Ce qui
n’était pas le cas ailleurs qu’en Afrique. Y vivre, s’y inspirer, sentir l’Afrique...
Je veux ici, avec ma famille, remercier sincèrement le peuple et tous les Amis
burkinabè.
Avez-vous coupé les ponts avec le Cameroun ? Etes-vous devenu un
Dès que les conditions seront réunies, je retrouverai la terre natale. Il est une
chose essentielle à prendre en compte : il est temps que les fils et filles du
Il semble que vous êtes resté très populaire au sein des forces armées
camerounaises. Qu’est ce qui peut expliquer qu’après plus de vingt
ans, l’on continue toujours dans certains milieux du renseignement au
Cameroun à vous considérer comme une menace pour le pouvoir du
président Biya?
Ce n’est pas une question de faire peur. Il s’agit au Cameroun de savoir si la
corruption – leur arme fatale –, est applicable par tous les compatriotes.
Quand vous n’êtes pas dans cette catégorie de personnages, vous devenez un
ennemi, vous échappez au système.
C’est une fierté et un honneur de savoir que mes braves camarades d’armes
savent, malgré tout, faire la différence entre les chefs. Et en plus, j’ai aussi
participé à la formation de hauts cadres civils qui occupent encore de très
hautes fonctions au Cameroun et à l’extérieur. Si j’étais donc nul, je ne serais
pas respecté par ces compatriotes-là. Les hommes sont toujours à la recherche
aimer sa patrie qu’il est dès lors prêt à défendre. Toutefois, il faut prendre
garde à ce que les actions visant à affermir le sens du patriotisme et du
Propos recueillis par Modeste Mba Talla & Martin Stéphane Fongang, Ici
CEMAC, 07 février 2005
L’auteur
Jean-Marc Soboth (54 ans) est un journaliste d’investigation basé à Québec au Canada. Plusieurs
fois primé, ce fin connaisseur de l’Afrique des anciennes colonies françaises est considéré comme
l’un des meilleurs de sa génération. Il fut invité à Paris par le Quai d’Orsay (ministère français des
affaires étrangères) en septembre 1997.