Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur – Champs-sur-Marne 2018

ETUDE DU COMPORTEMENT EN DEPLACEMENT DE MICROPIEUX

EN TRACTION
The axial behaviour of micropiles under tensile loading

Lama TOUBASSY1, Fahd CUIRA2, Vivien DARRAS3, Julien HABERT4

1
SOFREN GROUP, Saint Cloud, France
2
TERRASOL,Paris, France
3
SNCF RESEAU, Saint Denis, France
4
Cerema, Lille, France

RÉSUMÉ – Le comportement en déplacement des micropieux travaillant en traction est

actuellement appréhendé par les méthodes aux courbes de transfert, associées aux lois
d'interaction de Frank et Zhao couramment utilisées. Néanmoins ces lois ont été
développées pour des fondations profondes présentant un diamètre compris entre 0,6 et
1,00 m, sensiblement plus rigides et moins élancées que les micropieux. Dans le but de
trouver une loi plus adaptée aux micropieux, la base d'essais de chargement de
micropieux en traction constituée dans le cadre du Projet National ARSCOP a été utilisée
dans un premier temps, pour évaluer les méthodes de prévision du déplacement dans le
cas de micropieux travaillant en traction à différents niveaux de chargement. La
dispersion des méthodes de prévision a été notamment appréciée, permettant d'afficher
un niveau de confiance dans le cadre de la prévision des déplacements des micropieux.
Dans un second temps, le mécanisme de rupture lié notamment à la longueur sur laquelle
le frottement axial est mobilisé (longueur scellée) et au type de sol, a été étudié. La
compréhension de ce dernier phénomène permet d'affiner la prévision du comportement
des micropieux isolés travaillant en traction.

ABSTRACT – The axial behaviour of micropiles under tensile loading has been largely
investigated through load transfer method and particularly Frank and Zhao curves.
However, these curves are developed to predict the displacement of the piles having a
diameter between 60 and 100 cm and being significantly stiffer and less slender than
micropiles. In this study, in order to adapt these predictive curves to micropiles, first of all,
the database of the tensile loading tests of micropiles, executed in the framework of the
National Project ARSCOP, was used to evaluate usual methods. The difference between
measured and calculated values of displacement is significant, showing a weak level of
confidence of the utilised predictive methods. Secondly, the failure mechanism related
particularly to the length on which the axial friction is mobilised (sealed length) and also to
the type of soil, has been studied. The understanding of this last phenomenon helps
refining the prediction of the behaviour of the isolated micropiles under tensile loading.

1. Introduction
Le dimensionnement des micropieux soumis à des charges axiales nécessite un calcul de
la capacité portante ou de la résistance en traction, mais également une estimation
convenable des déplacements en tête associés. Cette dernière est en effet fondamentale
pour gérer correctement les problèmes d’interaction sol-structure et pour garantir les
fonctionnalités de la superstructure. Plusieurs modèles ont été proposés dans la
littérature pour calculer les déplacements en se basant sur la méthode des courbes de
transfert (méthode t-z).

1
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Le présent travail qui fait partie du projet national ARSCOP, (nouvelles Approches de
Reconnaissance des Sols et de Conception des Ouvrages géotechniques avec le
Pressiomètre) a pour objectif dans un premier temps d’évaluer les modèles de lois
d’interaction de Frank et Zhao (Frank et Zhao, 1982) et AB1 (Burlon et al, 2016) utilisés
pour le calcul du tassement des pieux et qui ont été établis pour des pieux de plus de 0,6
m de diamètre.
Dans un second temps, cette évaluation permet de déterminer l’incertitude spécifique
associée à ces deux modèles pour le cas des micropieux travaillant en traction et d’en
proposer des améliorations.
Ce travail est basé sur l’utilisation d’une base d’essais de chargement statique d’ouvrages
en traction. Il se fonde également sur la comparaison entre les tassements mesurés
expérimentalement et ceux estimés à l’aide des règles pressiométriques détaillées dans
la norme NF P94-262, relative à la justification des fondations profondes. Enfin, il utilise
les différents modèles de calcul évoquées ci-dessus.

2. Description de la base de données

La base de données comporte environ 300 essais de chargement statique de micropieux.
Ils sont répartis sur le territoire français et issus de chantiers suivis par SNCF RESEAU et
le CEREMA, (Habert et al, 2018). La version consolidée de la base comprend à ce stade
30 essais de chargement statique de bonne qualité. Ils permettent de déterminer
systématiquement la résistance et la charge critique de fluage en traction. Chaque essai
est associé à une campagne de reconnaissance géotechnique et présente une longueur
libre validée par le comportement effort-déplacement. Les micropieux utilisés sont de type
III et IV et ont été scellés dans différentes catégories conventionnelles de terrain. Le
diamètre des micropieux analysés est compris entre 70 et 250 mm et leur longueur entre
5 et 29 m.
Les campagnes de reconnaissance géotechnique et en particulier les essais
pressiométriques associés ont été utilisés pour déterminer les modèles géotechniques
associés à chaque site.

3. Présentation de la méthode des courbes de transfert (méthode t-z) (1966)

Un micropieu travaille essentiellement en frottement, la résistance de pointe est ainsi
négligeable. La loi de mobilisation de la contrainte à la base du micropieu ne sera pas
traitée dans ce qui suit.
La méthode des courbes de transfert permet de calculer le déplacement vertical d’un pieu
soumis à une charge axiale. Elle est basée sur la mobilisation progressive du frottement
axial sur le fut du pieu  ou de la contrainte sous la base du pieu q avec le déplacement
relatif sol-pieu wz (pour les micropieux, la résistance sous la base est nulle). Les courbes
t-z peuvent être construites à partir d’essais in-situ (Pressiomètre Ménard PMT
notamment).
Selon cette méthode, l’interaction sol/fondation profonde se traduit par l’assimilation du
sol autour de la fondation à une série de ressorts non-linéaires, se comportant
indépendamment les uns des autres.
En décrivant l’équilibre vertical d’un pieu , on obtient l’équation différentielle (1). La
résolution de cette équation est possible en discrétisant verticalement le pieu. Elle permet
de déterminer les variations du déplacement vertical et de l’effort normal dans le pieu,
mais aussi la mobilisation des frottements axiaux unitaires.
d 2 w( z )
Eb S  B ( z )  0 (1)
dz2
Avec Eb le module d’Young du pieu, S la section du pieu, w(z) le tassement du pieu à une
profondeur z, B le diamètre du pieu et (z) le frottement axial unitaire.

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3.1. Modèle Frank et Zhao (Frank et Zhao, 1982, « FZ »)

Frank et Zhao ont proposé une courbe tri-linéaire pour modéliser le frottement axial en
fonction du tassement du pieu. L’avantage de ce modèle est qu’il se base sur les résultats
des essais pressiométriques. La figure 1 représente la courbe déplacement-contrainte de
cisaillement et la variation de la pente correspondante (d(z) /dw(z)).

Figure 1. Courbe t-z du modèle Frank et Zhao (1982).

La raideur k dépend du type de sol, du module pressiométrique Em et du diamètre B du

pieu. k vaut 2Em/B pour un sol fin et 0.8Em/B pour un sol granulaire. qs est le frottement
axial unitaire calculé selon la méthode pressiométrique présentée dans la norme
française NF P94-262.

3.2. Modèle AB1 (2016)

Abchir et Burlon ont proposé une courbe hyperbolique pour les courbes t-z, afin de
supprimer les variations discontinues de la pente de mobilisation de la contrainte de
cisaillement. ils ont considéré que la rigidité du sol à l’interface sol-pieu est proportionnelle
(qs – ).
d ( z ) q s  
 (2)
dw( z ) s
Avec z le frottement axial mobilisé, qs le frottement axial limite, w(z) le tassement du
pieu à une profondeur z et ʎs=qs/ks où ks est la rigidité initiale de la courbe t-z et égale à k
du modèle Frank et Zhao.
La mobilisation du frottement axial est obtenue en intégrant l’équation (2) :
 (w( z))  qs (1  e w( z ) / s ) (3)
La figure 2 présente la courbe t-z et sa rigidité selon le modèle AB1.

Figure 2. Courbe t-z du modèle AB1 (2016)

4. Analyse statistique des résultats

Les résultats ci-dessous permettent de comparer le déplacement mesuré wmes en tête des
micropieux durant les essais de traction, au déplacement calculé wcalc selon les modèles
FZ et AB1. La Figure 3 représente cette comparaison et illustre le calage entre les
valeurs.

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Figure 3. Essai n°3 (IRS dans terrain sableux) et Essai n°12 (IGU dans terrain marneux)

Pour l’estimation de l’incertitude due aux modèles de calcul de tassement des micropieux,
le rapport wmes/ wcal est calculé pour chaque essai et pour différents niveaux de
chargement. L’étude est réalisée pour des chargements de 25%, 50% et 75% de la
résistance limite à la traction des micropieux.
Les figures 4 et 5 représentent respectivement la distribution de ce rapport (f[X)) et
illustrent l’écart entre les valeurs calculées et les valeurs mesurées dans le cas du modèle
FZ et AB1. Ainsi que la fonction de répartition (fréquence cumulée F[X)) de ce rapport
pour les trois niveaux de chargement.

V = 0,25 Rs V = 0,5 Rs V = 0,75 Rs

Médiane 1,17 1,25 1,63
Moyenne 1,24 1,57 2,00
g Rd;10% 2,05 2,80 0,00
Figure 4. Fonction de répartition pour les 30 essais soumis aux différents niveaux de chargement-
FZ

L’analyse des deux graphiques présentés sur les figures 4 et 5 permet d’étudier la
dispersion des modèles de calcul et de caractériser si les rapports de déplacement
mesuré/calculé sont surestimés ou sous-estimés. L’axe des abscisses permet de définir
un coefficient de sécurité Rd ;10% qui, multiplié par le déplacement calculé wcal définit une
valeur ayant un risque de 10% de surestimer wmes. L’équation (4) donne la définition
mathématique de Rd ;10%.
W W
F mes ( Rd ;10% )  P( mes   Rd ;10% )  0.9 (4)
Wcalc Wcalc

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V = 0,25 Rs V = 0,5 Rs V = 0,75 Rs

Médiane 1,15 1,30 1,63
Moyenne 1,19 1,56 1,98
g Rd;10% 2,05 0,00 0,00
Figure 5. Fonction de répartition pour les 30 essais soumis aux différents niveaux de chargement-
AB1

5. Prise en compte des effets de surface et propositions de courbes de transfert

modifiées

5.1. Principe

5.1.1. Frottement axial unitaire en traction

La résistance limite d’un pieu isolé en compression est actuellement calculée selon la
norme NF P94-262 en utilisant des données pressiométriques ou pénétrométriques. Pour
cela, on considère que la rupture se fait à l’interface sol-pieu et que le frottement axial qs
n’est pas impacté par la proximité de la surface.
Dans le cas de pieux en traction, une limitation de la résistance apparaît à proximité de la
surface : c’est le « mécanisme de cône ». Ce mécanisme suppose que la résistance de
l’interface sol-pieu est assez importante de manière à ce que le mécanisme de rupture se
développe dans la masse du terrain. La résistance limite en traction R t dans un sol
homogène sera calculée par la relation suivante.
 ( D  x) 3 
Rt  minx Bqs x   '  tan( k ) 2   ( D  x) 2 ck tan( k ) (5)
 3 
Où k et ck sont respectivement l’angle de frottement et la cohésion (caractéristiques) du
sol, ’ est le poids volumique déjaugé du sol, x la longueur sur laquelle le frottement axial
de la fondation profonde peut être considéré, et D la longueur scellée.

Figure 6. Mécanisme de rupture et mobilisation du frottement latéral d’un pieu isolé soumis à un
effort de traction

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En considérant ce mécanisme de rupture, la mobilisation du frottement latéral qs n’est

plus constante tout au long de la fondation profonde (Figure 6). Et le calcul du
déplacement au pied de la fondation se fait selon l’équation (6).

Figure 7. Distribution rectangulaire et triangulaire de qsl

FLu
u ( x pied )  u ( xtete )  (6)
ES
Avec u le déplacement vertical, S la section d’armature, P le périmètre du micropieu, L
longueur du micropieu, LL la longueur libre, Ls la longueur scellée, E le module d’Young
de l’armature, F l’effort normal, qs frottement latéral, qsl frottement latéral limite et Lu est la
longueur utile calculée selon la Figure 7.

5.1.2. Modification des lois de réaction

Après analyse des différents essais, deux nouveaux modèles formés de 4 segments sont
proposés. Le premier segment de la courbe de Frank et Zhao classique et sa pente k
restent identiques. La deuxième partie est divisée en deux segments.

Figure 8. Loi de Frank et Zhao pour pieux forés et nouvelle loi adaptée au aux micropieux

Où n est un paramètre permettant d’ajuster les paliers élastoplastiques des deux

nouveaux modèles (Figure 8). Les modèles FZ1 et FZ2 correspondent respectivement à
n=5 et n=10.

5.2. Mise en évidence des modèles proposés

Ce travail a été appliqué sur 30 essais. La courbe du déplacement en fonction de la
charge est tracée pour chaque cas en implantant les trois lois de mobilisations présentées
dans le § 5.1 dans le logiciel FOXTA. Les figures 9, 10 et 11 illustrent chacune un
exemple validant un des trois modèles. Les caractéristiques des micropieux des 3
exemples sont reportées dans le tableau 1.
Sol de
N° de l'Essai Diamètre (cm) Ls (m) LL (m) Em (kPa)
scellement
2 19 11,5 1 Sables, Graves 6000
3 24,5 3,5 9,2 Sables, Graves 25000
12 25 6 9,5 Marno-calcaire 19300
Tableau1. Caractéristiques des micropieux des essais n°2,3 et 12

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Q (kN)
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
0,00

0,01

0,01

0,02
tassement (m)

0,02

0,03 Mesure
F-z; mécanisme de cone
0,03 F-z classique

0,04

0,04

Figure 9. Essai n°2 (IGU dans terrain sableux)

Q (kN)
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
0,00000

0,00500

0,01000
tassement (m)

0,01500

0,02000

Mesure
0,02500
FZ1
FZ classique

0,03000

Figure 10. Essai n°3 (IRS dans terrain sableux)

Q (kN)
0 200 400 600 800 1000 1200 1400
0,00000

0,00500

0,01000
tassement (m)

0,01500

0,02000

Mesure
0,02500
FZ2
FZ classique

0,03000

Figure 11. Essai n°12 (IGU dans terrain marneux)

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Ces dernières figures montrent la capacité de la démarche à reproduire les courbes

expérimentales de tassement en fonction du chargement obtenues par mesures. La
similitude avec les courbes calculées a été obtenue en appliquant respectivement les lois
de mobilisation FZ en considérant le mécanisme du cône, FZ1 et FZ2.

6. Conclusion
L’étude menée dans cet article montre que les deux modèles utilisés pour le calcul du
tassement des micropieux, Frank et Zhao et AB1, présentent une certaine dispersion
après leur application à la base de données SNCF RESEAU et Cerema.
Cependant les valeurs peuvent être corrigées via le coefficient de sécurité Rd ;10%
dépendant du niveau de chargement.
Par conséquent, il parait judicieux d’adapter, pour des déplacements importants, la loi de
mobilisation du frottement latéral au cas des micropieux à proximité de la surface. Dans
cet article, en se basant sur les mesures expérimentales issues de la base de données
mentionnée, deux formes modifiées des courbes de Frank et Zhao (1998) ont été
proposées.
La base de données construite n’est pas figée et a pour vocation d’être enrichie.

7. Références bibliographiques
ABCHIR Z., BURLON S., FRANK R., HABERT J., LEGRAND S. (2016). t-z curves for
piles from pressuremeter test results. Géotechnique 66, 2016 No. 2, 137-148.
ABCHIR Z., HABERT J., LEGRAND S., BURLON S. (2014). Analyse de la base d’essais
de chargement de l'IFSTTAR pour le calcul du tassement des pieux. JNGG, 2014.
BURLON S., FRANK R., BAGUELIN F., HABERT J., LEGRAND S.. Model factor for the
bearing capasity of piles from pressuremeter test results-Eurocode 7 approach.
Géotechnique 64, 2014, No. 7, 513-525.
IREX-FOREVER, Comportement élémentaire des micropieux. In : Synthèse des résultats
et recommandations du projet national sur les micropieux. Paris : Presses de l’école
nationale des ponts et chaussées, 2004, 336 p.
Frank R., Zhao S.R., (1982). Estimation par les paramètres pressiométriques de
l'enfoncement sous charge axiale de pieux forés dans des sols fins, Bulletin de liaison
Labo P. et Ch, N° 154, 17-24.
NF P94-262, Justification des fondations profondes, AFNOR, 2012