Conference Philippe Kourilsky
Conference Philippe Kourilsky
Conference Philippe Kourilsky
IMMUNOLOGIE
Philippe KOURILSKY
10 Mars 2020
• Seconde :
Agents pathogènes et maladies vectorielles p.15
Vecteurs
Coronavirus
• Première :
Le fonctionnement du système immunitaire humain pp.19 à 22
L’immunité innée
L’immunité adaptative
L’utilisation de l’immunité adaptative en santé humaine
I- TROIS PRÉLIMINAIRES
• Dans la pléiade des disciplines scientifiques, l’immunologie occupe une place assez singulière. Pour le comprendre, il faut regarder en arrière, et apercevoir combien, dans les années 1950, les sciences de la vie étaient morcelées avant que la biologie moléculaire, puis la biologie cellulaire, puis la génétique moléculaire ne
les relient entre elles. Avant, elles étaient comme distribuées dans une sorte d’archipel, au sein duquel dans lequel l’île occupée par les immunologistes était assez excentrée. Non que l’objet de leur discipline fût particulièrement difficile à appréhender : l’immunologie était sœur de la microbiologie. Elle était née à peu
près en même temps qu’étaient découverts les microbes responsables des maladies infectieuses. Sa mission était limpide : elle consistait à protéger l’organisme (humain ou animal) contre les agents pathogènes. Comme cet ouvrage le montre, cette mission s’est aujourd’hui élargie à la lutte contre les cancers.
• Bien entendu, au départ, on n’avait aucune idée précise de la manière dont l’organisme organisait ou développait une immunité contre les microbes. Le vocable de « système immunitaire» s’imposa dès qu’on en entrevit la diversité et la complexité des dispositifs mis en jeu. On ignorait de quelle manière on pouvait en
exploiter les capacités et le manipuler utilement, mais on savait que c’était faisable, puisque Louis Pasteur en avait apporté une preuve éclatante, dès 1885, avec le vaccin contre la rage.
• Le système immunitaire s’avéra extrêmement ardu à déchiffrer. Rétrospectivement, on ne saurait s’en étonner : on sait aujourd’hui qu’il met en jeu à peu près autant de cellules qu’un gros organe comme le cerveau. D’ailleurs, on découvrit qu’il était, comme ce dernier, d’une complexité abominable. Comme on pouvait
s’y attendre, le système immunitaire fait intervenir des molécules et des cellules qui circulent dans tous les recoins de l’organisme (ou presque), de façon à les protéger tous. Au départ, côté molécules, ce fut l’école de chimie allemande, avec notamment Paul Ehrlich et Emil Von Behring, qui fit merveille pour caractériser
les anticorps. Côté cellules, cela débuta avec la découverte de l’immunité cellulaire par Elie Metchnikov, un pasteurien des premières heures. L’immunité cellulaire, particulièrement difficile à élucider, ne se développa que lentement, et resta au deuxième plan jusqu’à sa quasi-résurrection dans les années 1980.
L’immunologie fut donc longtemps dominée par les anticorps.
• Le territoire de l’immunologie était plutôt balkanisé. Il se peupla graduellement de tribus qui cohabitaient autant qu’elles coopéraient. Elles étaient généralement dirigées par des personnalités hors du commun, souvent hautes en couleur. J’en ai côtoyé quelques-unes dans mes premiers temps à l’Institut Pasteur. Cette
structure clanique était assez logique. L’immunologie d’alors était largement une affaire de réactifs. Chacun préparait les siens, à sa manière, sans grande normalisation. De ce fait, la reproductibilité des résultats expérimentaux n’était pas toujours assurée. La réputation des expérimentateurs jouait un grand rôle. Elle
constituait une « marque ». On entendait dire couramment « si ça vient de chez Untel, on peut avoir confiance, ça doit être vrai ». Comme on peut l’imaginer, l’échange de ces réactifs rares et personnalisés n’était pas toujours fluide. Cela ne facilitait ni la vérification des résultats, ni la capitalisation des savoirs. Or le
champ de recherche était extrêmement difficile, et les approches expérimentales primitives.
• Cela rend d’autant plus admirables les découvertes qui permirent d’élucider progressivement les caractéristiques fondamentales du système immunitaire. Elles furent faites avec quelques souris, quelques lapins et de petits moyens techniques. Elles nécessitèrent des trésors d’intelligence et des efforts conceptuels d’une
abstraction et d’une imagination inouïes. Ce sont des sagas d’une beauté extraordinaire, de grandes pages de l’histoire des sciences. Je ne vais pas les exposer, puisque le lecteur en trouvera la description dans le livre que j’ai le plaisir de préfacer. Ces approches avaient néanmoins leurs limites. Le domaine était très fermé
sur lui-même, et ce d’autant plus que les immunologistes de l’époque s’étaient doté d’un jargon obscur et abscons, avec lequel ils parvenaient à communiquer entre eux, mais qui était quasiment inaccessible aux autres scientifiques.
• Plusieurs révolutions méthodologiques se produisirent dans les années 1970 et aboutirent à une modification radicale du champ. L’avènement, en 1975, des « anticorps monoclonaux » permit (entre autres) de normaliser les réactifs. Puis, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, l’émergence de la génétique
moléculaire ouvrit la possibilité d’isoler des gènes impliqués dans le système immunitaire. Cela changea complètement la donne. Au bouleversement scientifique s’ajouta une véritable révolution sociologique. La biologie moléculaire imposa son langage, et l’immunologie devint compréhensible par d’autres que les seuls
immunologistes. Elle se « normalisa » Une génération de jeunes chercheurs, formés dans le domaine de la biologie et de la génétique moléculaires (dont je fis partie) firent irruption dans le champ, avec la naïveté de l’ignorance, et un peu d’irrévérence. Ils brisèrent les codes, bousculèrent les conventions, labourèrent le
champ avec leurs nouveaux outils, et firent germer une immunologie rénovée, modernisée, harmonisée avec l’ensemble des sciences de la vie, raccordée à l’évolution des espèces, articulée à la biologie et à l’imagerie cellulaires, intégrée dans la physiopathologie des organismes.
• Dès sa genèse, l’immunologie a été auréolée des magnifiques succès de la vaccination. Avec le recul, cette réputation parait un peu usurpée : au départ, la vaccination s’est développée de façon très empirique, sans grand apport de l’immunologie. On découvrit rapidement que la protection prodiguée par le vaccin était
souvent (mais pas toujours) corrélée au niveau des anticorps spécifiquement dirigés contre l’agent infectieux en question. Cela fut très utile pour accompagner la mise au point des vaccins, mais cela ne permit pas de rationaliser leur conception. Un des éléments qui manquaient était la connaissance des mécanismes qui
assurent la mémoire de la vaccination, c’est à dire une protection de plusieurs années, allant parfois jusqu’à la vie entière. Les premiers vaccins qui, à mes yeux, proviennent d’un véritable raisonnement immunologique (les polysaccharides conjugués à une protéine porteuse) datent des années 1980. On notera qu’en dépit
de toutes les connaissances acquises depuis sa découverte, en 1983, il n’y a pas encore de vaccin préventif contre le virus du sida.
• C’est dans les années 1980 que l’immunologie cellulaire, jusqu’alors assez négligée, ou sous-estimée, ré-émergea de la plus brillante façon. Elle est le deuxième bras du système immunitaire, le premier étant l’immunité humorale, qui repose largement sur les anticorps. Elle inclut un ensemble de cellules tueuses capables
d’éliminer des cellules infectées par des microbes pathogènes, bactéries et virus notamment. On confirma dans certains cas, et on découvrit dans d’autres que, dans certaines conditions, elles ont la capacité de détruire aussi des cellules cancéreuses. On soupçonnait depuis longtemps que le système immunitaire pouvait
contrôler la croissance des cellules tumorales. On commençait à comprendre comment cela se produisait, sans pour autant parvenir à canaliser son intervention. Pendant deux ou trois décennies, on obtint des résultats parfois spectaculaires chez la souris, sans parvenir à les transposer à l’homme.
• Autant pour l’immunologie. Mais, en même temps que celle-ci se déployait, l’ensemble de la biologie progressait de manière magistrale. Les abondantes recherches sur la thérapie des cancers ont suivi une trajectoire « ascendante » depuis l’avènement de la biologie moléculaire dans les années 1950. Un grand champ
d’investigation s’ouvrit lorsqu’on comprit que l’ADN des cellules cancéreuses était altéré par des mutations (ou par l’insertion d’ADN issu de virus) qui déréglaient le contrôle de leur prolifération. Un énorme travail de biologie cellulaire et moléculaire permit de caractériser des récepteurs et des médiateurs de toutes
sortes impliqués à l’intérieur comme à l’extérieur de la cellule tumorale. On découvrit ainsi plusieurs moyens d’en bloquer la croissance ou d’en induire la destruction. Puis on déborda de la cellule tumorale en tant que telle pour étudier son microenvironnement, son « écosystème ». En parallèle, les recherches sur le rôle
du système immunitaire progressèrent de façon spectaculaire, et on aboutit à la situation présente, où l’immunothérapie apporte de véritables espoirs thérapeutiques.
• Enfin ! Voilà plus d’un demi-siècle que les plans de recherche contre le cancer se succèdent, avec la promesse jamais tenue de le guérir. Aux Etats-Unis, on avait commencé à programmer sur dix ans la défaite du cancer à peu près en même temps que la conquête de la lune. Pour le cancer, il aura fallu une cinquantaine
d’années de plus. On peut le comprendre : il y a des dizaines de sorte de cancers, qui sont des parties de nous-mêmes, des parties déviantes, mais des parties quand même. Il n’est donc pas surprenant que les énormes progrès faits dans la connaissance fine de l’organisme humain aient été indispensables pour prendre la
mesure de ces adversaires qui restent longtemps masqués avant de l’attaquer et trop souvent de le détruire.
• Désormais, une révolution médicale est en marche. La toile de fond que j’ai dressée à grands coups de pinceaux, n’a d’autre objectif que d’aiguiser l’appétit du lecteur qui ouvre cet excellent livre. Cet ouvrage combine la profondeur historique et la rigueur scientifique. Les deux auteurs sont des chercheurs
internationalement reconnus. Ils ont été des acteurs importants de ce domaine littéralement vital. Leurs expertises combinées recouvrent un champ particulièrement vaste. Cela leur a permis de produire un ouvrage passionnant et original.
• Eric Vivier et Marc Daëron ont construit trois niveaux d’exposition, de façon à intéresser plusieurs publics. Le premier est dans l’ordre de la science. L’ouvrage contient des chapitres qui distillent, de façon claire, des résultats de recherche importants et récents, dont des lecteurs avertis (et même des chercheurs aguerris
comme moi) peuvent faire leur miel. Le deuxième est dans l’ordre de l’Histoire (il s’agit de la grande histoire des sciences) et il est pimenté d’anecdotes souvent jubilatoires qui plairont à tous. Le troisième documente la « révolution médicale » désormais amorcée. Ici, je voudrais souligner la pertinence et la fiabilité de
leurs propositions, qui reposent sur une sérieuse connaissance de la manière dont on développe des médicaments ou des traitements chez l’Homme. Trop de chercheurs, par ailleurs extrêmement brillants, sont trop peu conscients des limites des modèles animaux, trop peu avertis de la manière dont on mène des essais
cliniques, et trop ignorants des contraintes du développement pharmaceutique et des problèmes règlementaires. D’où découle, beaucoup trop de « R.A.N.A », acronyme que j’emprunte à un grand hématologue et ami, Jean-Paul Levy pour désigner la « Recherche Appliquée Non Applicable ». Nos auteurs sont immunisés
contre ce travers.
• C’est l’un des grands mérites de ce livre : combiner la beauté de la science immunologique (du moins la part de celle-ci qui concerne les cancers) avec la démonstration de son utilité. Celle-ci était éclatante dans le domaine des maladies infectieuses ; elle le devient dans la lutte contre les cancers. Certes, il ne faut pas
nourrir de faux espoirs. Certes, tout n’est pas réglé, et de loin, et l’immunothérapie à elle seule ne résoudra pas tout. Certes il existe d’autres approches qui méritent d’être applaudies. Mais l’immense problème du cancer commence à être maitrisé. Cette alliance de la « beauté » de la science et de son utilité ne prend
sens que dans une dynamique puissante mais lente. Il lui faut plusieurs décennies pour parvenir à maturation, et ce mouvement prend racine, encore et toujours, dans la recherche fondamentale, celle qui met la connaissance au cœur de ses préoccupations. Les auteurs le rappellent et je me joins à eux, tant cette
évidence qui s’affirme dans le long terme doit encore et toujours être défendue dans le temps court.
• Philippe KOURILSKY P
• Professeur émérite au Collège de France, chaire d’immunologie moléculaire Membre de l’Académie des sciences
B- SYSTÈMES ET COMPLEXITÉ
Le réseau d’électricité européen
Un petit réseau social
Le réseau des interactions de 600 protéines de levure
Barabási et al. Network Biology: Understanding the cell's functional organization Nat Rev Genet.
2004 Feb;5(2):101-13.
13.02.2012
LA COMPLEXITÉ DU VIVANT : BIOLOGIQUE ET SOCIALE
• COMPLEXITÉ BIOLOGIQUE
• De la cellule à l’homme aux écosystèmes
• Chaque cellule comprenant 3 milliards de paires de bases dans son ADN
• L’homme = 10.000 milliards de cellules
• + 10 à 100.000 milliards de bactéries symbiotiques
• Avec un cerveau comprenant 100 milliards de neurones, connectés par des millions de milliards
de synapses
• COMPLEXITÉ SOCIALE
• Fortement croissante
2- Contrôlabilité
1- Avec 70 à 80% de nœuds directeurs, les systèmes biologiques, depuis la cellule, apparaissent
comme les plus complexes de tous. (suggestif, pas prouvé)
• 3- Cela pose le problème de la modularité et de l’intégration fonctionnelle des modules (logique
floue)
• Liu YY, Slotine JJ, Barabási AL. Controllability of complex networks. Nature, 2011, 473(7346):167-73.
Barabási et al. Network Biology: Understanding the cell's functional organization Nat Rev Genet.
2004 Feb;5(2):101-13.
13.02.2012
UNE NOTION MAJEURE : LA ROBUSTESSE
La robustesse est une propriété d’un système qui lui permet de continuer à
fonctionner correctement en dépit d’évènements négatifs qui se produisent dans
son environnement ou dans ses composants
La robustesse est l’instrument de la lutte contre le hasard. Pour les êtres vivants,
elle est une « assurance vie »
• Leur élimination totale est impossible (le coût biologique serait trop élevé)
• Plus un système est complexe, plus il fait d’erreurs, à moins qu’il n’intègre toujours
plus de mécanismes de correction, qui font eux aussi des erreurs
• Un système robuste
• Un système d’assurance-vie, qui fait face au hasard et aide à gérer
« les hasards de la vie »
• Un système très intra-connecté
• Interpénétration de l’immunité adaptative et de l’immunité innée
• Coopération des cellules B et des cellules T
• Un système interconnecté et intégré
Philippe Kourilsky The natural defense system and the normative self model F1000Res. 2016; 5:
797. doi: 10.12688/f1000research.8518.1
• Les cancers :
• des dizaines de maladies
• Des maladies progressives
• Des mutations dans l’ADN à la multiplication puis la diffusion des cellules tumorales
aux métastases
• Rôle de l’environnement de la tumeur : un « écosystème local » défensif, perverti,
permissif
• Une évolution « darwinienne » par sélections successives en fonction des
environnements qui eux-mêmes évoluent // agents infectieux variables
Eric Vivier et Marc Daëron L’Immunothérapie des Cancers, Odile Jacob, 2019, préface
de Philippe Kourilsky L’immunologie, si belle et si utile, pp 11-18
• Anticorps monoclonaux
APPROCHES CELLULAIRES: CAR-T cells
• Cellules autologues
• CAR = Chimeric Antigen Receptor : reconnaît antigène exprimé par la
cellule tumorale et connecté aux signaux d’activation des cellules T
• Les CAR-T cells court-circuitent les barrières pour atteindre leur cible
• Elles se multiplient dans l’organisme (pas ex-vivo)
• Cancers du sang : leucémies de l’enfant, myélomes multiples
APPRENDRE
APPRENDRE À APPRENDRE
UN PEU DE BIBLIOGRAPHIE
• *Alain Fischer, Cours du Collège de France : leçon inaugurale (2014) et cours 2020 sur « Cancer et
immunité »
• Philippe Kourilsky, Le Jeu du Hasard et de la Complexité, Odile Jacob, 2014
• *Philippe Kourilsky, France culture, 25 novembre 2014/Résumés annuels des cours Collège de France
(1999-2012)
• *Philippe Kourilsky, The natural defense system and the normative self model, F1000 Research, 2016
• Playfair and Chain, Immunology at a glance, 11th edition, Wiley-Blackwell
• *Philippe Sansonetti Cours du Collège de France
• Philippe Sansonetti Vaccins, Odile Jacob, 2017
• *Hughes de Thé ,Cours du Collège de France : L’oncologie, De l’empirisme à la biologie moderne
• Eric Vivier Marc Daëron l’Immunothérapie des Cancers, Histoire d’une révolution médicale, Odile
Jacob, 2019
• *Eric Vivier, France culture 12 Février 2019