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CÔTE D’IVOIRE
LA MÉTHODE PRIVÉ
L’entrepreneuriat se trouve au centre de la nouvelle phase
du plan d’émergence. L’ambition : produire et transformer
local. Et créer de la valeur ajoutée.
DOSSIER RÉALISÉ PAR ZYAD LIMAM, EMMANUELLE PONTIÉ, FRANCINE YAO ET JIHANE ZORKOT
DÉCOUVERTE / Côte d’Ivoire
Made
in Ivory
Coast
Au cœur des stratégies d’avenir du pays
se trouvent les entrepreneurs, incubateurs
de croissance. par Zyad Limam
C
ap sur le privé ! L’entreprise et l’entrepreneuriat
se retrouvent au cœur des stratégies d’avenir de la Côte
d’Ivoire. Depuis la réélection du président Alassane
Ouattara, en octobre 2020, cette thématique est
essentielle à la nouvelle phase du plan d’émergence. Il faut aller plus
vite, plus loin, et surtout de manière plus agile, plus souple, en libérant
les énergies. Des benchmarks comparatifs ont été menés avec des pays
leaders, en particulier en Asie, en regardant de près l’exemple du
Viêt Nam ou de la Thaïlande. Le projet a été longuement préparé
par feu Amadou Gon Coulibaly et Patrick Achi, alors secrétaire
général de la présidence, aujourd’hui Premier ministre. Une stratégie
à moyen terme sur dix ans a été validée par le président ADO.
Depuis 2011, la Côte d’Ivoire est l’un des 10 pays les plus performants
du monde en matière de croissance. Elle a su se montrer résiliente
malgré la crise liée au Covid-19. Il s’agit maintenant de renouer
avec une croissance élevée malgré les contraintes sanitaires, de voir
à moyen, long terme, « de penser la Côte d’Ivoire de demain ». L’objectif
quantitatif est de doubler, à nouveau, la richesse nationale du pays,
de toucher les frontières d’un PIB aux alentours de 100 milliards de
dollars en 2030, avec un revenu par habitant au-delà de 3 500 dollars
(malgré l’accroissement démographique). Et de générer de manière
« endogène » une bonne partie de cette croissance.
Au cœur de « cette stratégie du doublement » se trouve le secteur
privé, véritable accélérateur de développement. Il s’agit de faire
du « made in Ivory Coast » une mission nationale et prioritaire.
De promouvoir production et transformation locale, de capter une
meilleure partie de la valeur ajoutée, de faire émerger aux côtés des
services et du commerce un secteur industriel de qualité, compétitif.
de Vridi, dans
la commune
de Port-Bouët.
Les champs d’opportunité sont nombreux : sur une véritable ambition d’exportation. La Côte
l’agriculture évidemment, mais également d’Ivoire bénéficie d’un vaste marché régional,
d’autres secteurs portés par l’augmentation la zone UEMOA (Union économique et monétaire
des « consommateurs solvables » (automobile, ouest-africaine). Abidjan s’impose comme une
biens d’équipement, pharmacie, construction, cité globale, un hub financier, de services, de
électroménager, transports…). Cette ambition transports, la porte d’entrée vers de nombreux
vise les PME (petites et moyennes entreprises), pays de l’hinterland. Et la mise en place progressive
mais aussi « les champions nationaux », dont de la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale
il faut soutenir la croissance. africaine) permettrait d’accéder progressivement
Le cacao s’impose comme l’une des priorités, aux grands marchés de consommation du
avec des objectifs de transformation sur place continent (comme l’Afrique du Sud, le Kenya,
élevés. Il s’agit à court terme de broyer 50 % de la l’Éthiopie, l’Angola…). Et d’inciter des investisseurs
récolte du pays, 1er producteur mondial. Les usines étrangers à s’installer dans le pays pour bénéficier
de fabrication de pâte de cacao, de production de de ces vastes zones ouvertes. L’objectif serait aussi
Abidjan chocolat se multiplient. Pourtant, le changement
climatique, la déforestation, la concurrence aussi
de mieux intégrer les circuits de commercialisation
internationaux, de faire du marketing, de
s’impose comme d’autres pays, imposent de diversifier le modèle promouvoir la brand Côte d’Ivoire, les circuits
une cité globale, agro-industriel. Exemple, la noix de cajou, dont courts auxquels les consommateurs occidentaux
un hub financier, « le monde riche » est si friand. Premier producteur sont attachés, d’être partenaire avec les end users.
de services, et exportateur mondial en 2020 avec près Les opportunités sont donc nombreuses et
de transports, de 850 000 tonnes, la Côte d’Ivoire doit s’investir l’évolution réellement stratégique pour l’émergence
la porte en aval de la production, dans le décorticage, du pays. Reste à affronter à bras-le-corps les
là pour alléger la pression sur l’emploi. le social, dans l’éducation, dans la santé.
L’État lui-même va devoir évoluer. Dans cette Cette triple ambition ivoirienne
période exigeante, le pays a besoin d’un « État – modernisation, croissance, inclusivité –
manager » qui impulse, oriente, favorise l’action, n’est pas hors de portée. ■
« Le dynamisme
et les atouts de ce pays
sont indéniables »
Depuis 2020, elle s’investit dans l’ambitieux projet du groupe Bolloré :
le second terminal à conteneurs du port autonome d’Abidjan,
futur pivot du transport ouest-africain.
AM : Vous êtes tchado-malienne, vous avez 39 ans, J’ai des prérogatives classiques, comme la gestion
et vous êtes directrice financière de CIT, après dix ans de trésorerie, etc. Mais CIT, c’est en effet un projet.
au sein du groupe Bolloré. Quel est votre parcours ? En conséquence, j’assure également un éventail de
Madina Yankalbé Alliali : Mon père était tchadien, tâches particulières, comme le suivi des investissements.
ma mère est malienne, et je suis née à Nantes. Lui médecin, J’ai aussi un rôle transversal en tant que bras droit du
elle pharmacienne, mais je n’ai pas choisi la voie scientifique. groupe Bolloré – l’autre actionnaire étant APM Terminals.
J’ai fait des études de finance internationale en Belgique, Un poste passionnant, car je m’occupe des relations
et j’ai ensuite travaillé chez Siemens, à Bruxelles, de 2008 avec les institutions, des aspects fiscaux, des RH,
à 2010. Puis, ma carrière s’est orientée selon un choix de la coordination entre les différents actionnaires…
bien personnel : j’avais très envie de rentrer en Afrique, Parlez-nous de ce futur terminal. Quel rôle jouera-t-il ?
motivée par l’envie d’apporter quelque chose au continent. CIT est né à la suite de l’appel d’offres du port autonome
Le groupe Bolloré m’a fait une proposition. J’ai hésité, n’étant d’Abidjan en 2013, que nous avons remporté. Cette demande
pas spécialement attirée par la logistique. Mais j’ai vite répond à un grand plan d’amélioration des structures
compris que le transport et l’approvisionnement en général portuaires. Le second terminal à conteneurs contribuera
représentent un secteur central chez nous. Surtout pour à faire d’Abidjan un véritable hub sur la côte ouest-africaine.
moi, originaire de deux pays enclavés. J’ai d’abord travaillé En dehors des capacités habituelles de la Côte d’Ivoire, ce
au Ghana, où j’étais contrôleuse financière pour le groupe, terminal accueillera des navires de 14 000 EVP (équivalent
puis au Gabon, en tant que directrice financière adjointe. vingt pieds). Nous leur offrirons un tirant d’eau de 16 mètres,
En 2014, je suis arrivée en Côte d’Ivoire, l’un des pays les plus sur un terminal construit sur 375 hectares, avec 1 100 mètres
importants pour le groupe Bolloré en matière de transport de quai. Sur ce dernier, nous disposerons de 6 grues de
en Afrique. Je m’occupais du contrôle financier des activités quai et de 13 grues de parc électriques. Le projet va générer
logistiques. Puis, en février 2020, on m’a promue au poste 450 emplois directs et environ un millier d’emplois indirects.
de directrice financière de CIT. Total de l’investissement : 260 milliards de francs CFA.
Dans cette compagnie porteuse Les travaux ont commencé en décembre 2020, et l’ouvrage
d’un projet tel que le futur second terminal sera livré dans le courant de 2022. La particularité de ce
à conteneurs du port autonome, terminal, outre sa modernité, est qu’il intègre tous les enjeux
en quoi consiste votre travail précisément ? environnementaux du label « Green Terminal », créé par
Le dynamisme et les atouts de la Côte d’Ivoire, avec le droit d’aînesse, etc. Et c’est un atout majeur dans les
son économie très diversifiée, sont indéniables. Son marché négociations. ■ Propos recueillis par Emmanuelle Pontié
Youssouf Carius
Fondateur et directeur de Pulsar Partners
« Pouvoir exploiter
autrement
nos opportunités »
Placements, fonds d’investissement, financement… Sa société cherche
à proposer des produits innovants adaptés au marché régional.
AM : Racontez-nous votre parcours professionnel. comme étant dans ma propre entreprise. Par exemple,
Youssouf Carius : Après l’obtention d’un master en je prenais beaucoup d’initiatives à la place de mes managers
mathématiques, économétrie et finance à la Toulouse School chez Accenture. La différence, bien sûr, c’est qu’un
of Economics, j’ai démarré ma carrière chez BearingPoint, entrepreneur doit gérer toutes les facettes de l’entreprise
avant d’aller à Soft Computing, puis à SymphonyIRI Group, et devient responsable à de nombreux niveaux. Mon style
et enfin chez Accenture en France. En Côte d’Ivoire, j’ai de management, c’est de permettre aux travailleurs de
respectivement occupé les postes d’économiste en chef, progresser et d’aller voir ailleurs s’ils en estiment le besoin.
puis directeur et vice-président de l’agence de notation Ce que je ne manque pas de souligner en recrutant
financière sous-régionale Bloomfield Investment Corporation. mes collaborateurs.
Après y avoir passé quatre années, j’ai créé Pulsar Partners. Comment définiriez-vous l’environnement
Depuis avril 2016, je suis le manager général de cette de l’entrepreneuriat en Côte d’Ivoire ?
entreprise qui propose des solutions de placements adaptées Je ne fais pas de comparaison entre les climats
à l’environnement panafricain et fondées sur des standards des affaires d’un pays à l’autre. Dans le business,
internationaux de gestion et de gouvernance. De plus, l’environnement de chaque localité, quelle qu’elle soit,
je gère deux autres entreprises, le fonds d’investissement présente des avantages et des inconvénients. En Côte
Pulsar Capital, et Korlink, qui opère dans l’immobilier d’Ivoire, l’une des grosses faiblesses réside dans le manque
et la construction. de transparence et la lenteur de la mise en application
Quelles motivations vous ont conduit des réglementations des affaires. Que ce soit du côté
à l’entrepreneuriat ? administratif ou privé, les gens ont pour habitude de
Je dirais qu’il s’agit d’un simple cheminement ne pas suivre les règles établies. Ce qui me paraît très
professionnel. Je pense qu’il n’y a pas vraiment de différence préjudiciable. Toutefois, les rendements et les types
entre être salarié ou entrepreneur. L’objectif est d’avoir un d’opportunités que l’on trouve ici sont honnêtement
parcours qui vous permette de progresser continuellement. supérieurs à ceux d’autres pays où les règles sont beaucoup
Car le pire, c’est de stagner. Ainsi, monter mon entreprise plus structurées et respectées. Je ne saurais choisir ce
s’est naturellement imposé à moi à un moment donné. qui est mieux, finalement. Par exemple, on peut créer
Sans vraiment d’élément déclencheur. Selon moi, il n’y une entreprise en Suisse ou aux États-Unis en deux jours.
en a pas. Partout où j’ai travaillé, je me suis comporté Mais tout dépend après des opportunités à saisir…
et les SGO (sociétés de gestion d’OPCVM), pour justement mais pas encore en Côte d’Ivoire. Pourtant, le pays dispose
établir des liens avec des opportunités pas nécessairement de tout le potentiel immobilier au sens large pour le faire. ■
cotées à la BRVM (Bourse régionale des valeurs mobilières) Propos recueillis par Francine Yao
PME : priorité
au financement
Dans l’élan de redynamisation de revenir sur les effets
de l’économie, à la suite aussi des effets socioéconomiques de la crise
de la pandémie de Covid-19, les petites sanitaire qui a paralysé un long
et moyennes entreprises devraient moment le monde des affaires, force est
bénéficier d’un appui accru. par Francine Yao de reconnaître que les petites et moyennes
entreprises (PME) sont les plus exposées
et paient un lourd tribut. Aujourd’hui, nombreux
sont les chefs d’entreprise qui cherchent
de (nouveaux) repères et surtout des appuis
financiers pour reprendre leur activité.
Conscient de la situation, le gouvernement
ivoirien a rapidement mis en place un vaste
programme évalué à environ 1 700 milliards
de francs CFA pour soutenir l’ensemble
des acteurs du secteur privé, dont le Fonds
de soutien aux PME, doté de 100 milliards
de francs CFA, et le Fonds de soutien et de
garantie aux PME. Mais on a pu relever
des lenteurs dans sa mise en œuvre, liées
notamment aux difficultés des entreprises
à constituer les dossiers et à satisfaire aux
conditions d’éligibilité. Même si des allègements
ont été opérés par la suite, la plupart des
PME éprouvent encore de la peine à capter
les fonds mis à leur disposition par l’État.
PARVENIR À UN DÉGRÈVEMENT
TOTAL DES IMPÔTS
Selon le Dr Moussa Elias Farrakhan,
porte-parole de la Plateforme unique des PME
de Côte d’Ivoire, il est nécessaire de mieux
structurer le système financier de ces sociétés :
« Les fonds de soutien et de garantie doivent
répondre aux difficultés majeures des PME,
accentuées par la pandémie de Covid-19.
Et nous ne sommes pas sûrs que les remises
de fonds soient efficaces. Il faudrait plutôt
préconiser des placements conservatoires
ou des placements financiers, des structures
mutualistes, ou encore des crédits à l’import
et à l’export, qui ont davantage d’impact positif
sur la poursuite de l’activité et le maintien des
emplois. » Selon l’expert, les PME ivoiriennes
NABIL ZORKOT
Le recours Finance, dans le quartier des Deux Plateaux. et les entreprises. L’une des raisons pour
laquelle les banques refusent d’apporter leur
A
de la plupart des gérants de PME. « Le principal
vec l’intérêt croissant pour la finance islamique défi à relever est d’aider les entreprises à mieux
à travers le monde, considérée comme un canal se structurer. Depuis quelques années, nous
potentiel de mobilisation de capitaux additionnels avons développé des packs de services dédiés
en provenance des pays du monde arabe, et travaillons à créer le lien entre les banques
et notamment du Golfe persique, rien d’étonnant et les entreprises, afin de permettre aux deux
à ce que les PME ivoiriennes suivent le mouvement. entités de mieux se connaître », explique Faman
Selon le rapport de Thomson Reuters sur le développement de cette Touré, président de la Chambre de commerce
finance, en 2018, on dénombrait plus de 700 institutions financières et d’industrie de Côte d’Ivoire (CCI-CI). Il ajoute
islamiques opérant dans le monde. La valeur totale des actifs que son institution a signé des conventions de
de ce secteur a été multipliée par 16 entre 1990 et 2018, passant partenariat avec plusieurs banques commerciales
de 150 milliards de dollars à plus de 2 500 milliards – soit ivoiriennes. « Et nous disposons de programmes
NABIL ZORKOT
une progression fulgurante de 1 565 % –, et devrait atteindre tel que le Club Equity, et d’autres cadres de
plus de 3 800 milliards à l’horizon 2023. Des ressources colossales, facilitation avec des banques commerciales
dont la Côte d’Ivoire et ses PME devraient pouvoir tirer profit. ■ de la place », précise Faman Touré. ■
AM : Pouvez-vous nous parler de votre parcours bonne politique de sensibilisation, les gens ont compris que
et nous expliquer comment l’envie d’entreprendre les bâtiments écologiques offrent de nombreux avantages. Par
vous est venue ? exemple, on réalise une économie de 30 % sur le gros œuvre,
Marina Nobout : Je suis ingénieure commerciale et on respecte l’environnement. La demande est croissante
de formation, diplômée de l’école Pigier. J’ai commencé pour ce type de bâtiment, surtout de la part de la diaspora.
l’entrepreneuriat dès l’âge de 7 ans, et j’ai continué d’acheter Votre entreprise est présente en Côte d’Ivoire,
et de revendre des sous-vêtements, du pain, des sandwiches en Centrafrique, au Bénin et en Guinée-Bissau. Comment
à l’université. Je satisfaisais la demande des personnes êtes-vous arrivée à faire adopter le BTCS dans ces pays ?
que je côtoyais. En 2010, j’ai décidé de me spécialiser Nous disposons de matériaux locaux, comme la terre,
dans la construction de bâtiments écologiques. Créée que Dieu nous a donnés pour bâtir des maisons. Ce qui, de
il y a onze ans, notre entreprise Ohel International nous toute évidence, est une solution aux problèmes de logement
a permis de construire des complexes sportifs, hôteliers, en Afrique. La démographie africaine est grandissante ; il
des logements pour les enseignants, pour la diaspora, pour faut construire moins cher. Ayant bien compris cela, ces pays
les particuliers. Nous avons réalisé des écoles et des foyers ont développé des projets de construction dans ce sens.
de jeunes à Didiévi ou Soubré. Ou encore des bâtiments pour Quels sont, selon vous, les avantages à entreprendre ?
des écoles maternelles, primaires et secondaires, ainsi que Il y en a beaucoup ! Lorsque vous parvenez à satisfaire
des logements pour infirmiers à Toumodi et Dimbokro. les besoins de la population, c’est une belle valeur ajoutée.
Pourquoi avoir choisi ce secteur, Entrepreneure depuis dix ans, j’ai reçu des distinctions sur
et quels en sont les avantages ? les plans national et international. Toutefois, nous sommes
Face au déficit de logements, estimé à 60 000 par an confrontés à un problème de financement, car nous sommes
en Côte d’Ivoire, il fallait une réponse. L’étude de marché peu accompagnés. Et financer de l’immobilier est lourd.
que nous avons réalisée nous a permis de savoir ce que Comment voyez-vous les perspectives
les Ivoiriens désirent en matière de logement. Je me suis du secteur privé en Côte d’Ivoire ?
alors rendu compte que les gens sont de plus en plus tournés Il y a de bonnes avancées dans ce secteur dans la
vers les habitats écologiques, les logements à moindre coût mesure où les partenariats public-privé permettent au privé
et durables. Dans toute l’Afrique, les blocs de terre comprimée de s’affirmer. La dette intérieure est en train d’être traitée.
stabilisée (BTCS) répondent à ce besoin. Raison pour laquelle Le gouvernement fait beaucoup d’efforts en encourageant
nous nous sommes tournés vers cette solution. le secteur privé. C’est pourquoi je pense que l’avenir est
Y a-t-il un engouement autour de ce type prometteur. Nous souhaitons que les investisseurs viennent
JIHANE ZORKOT
AM : Pouvez-vous retracer les grandes étapes Lorsque je suis entré dans la vie professionnelle,
de votre parcours professionnel ? je n’ai pas arrêté de gérer mes propres affaires. Ma première
Jean Kobenan Djohou : Ma carrière professionnelle a débuté entreprise opérait dans le secteur des transports, où je suis
au cabinet PricewaterhouseCoopers (PwC) en 2001. Après arrivé à diriger une flotte qui a progressivement atteint
trois ans, je suis entré dans le secteur bancaire au poste 10 taxis-compteurs à Abidjan. Mais à la suite de la crise
d’assistant du contrôleur de gestion, puis contrôleur de gestion post-électorale de 2010, je me suis désengagé de ce créneau
et fondé de pouvoir à la Société générale, à Abidjan. Je suis pour me concentrer sur ma supérette, ce qui m’a permis
ensuite parti à la Compagnie bancaire de l’Atlantique Côte de me familiariser avec le monde de la grande distribution
d’Ivoire (COBACI) en tant que chef du département contrôle en Côte d’Ivoire. Cela m’a conduit ensuite dans le domaine
de gestion, jusqu’à la fusion de cette institution bancaire avec de la pêche, en tant qu’employé dans une entreprise de
une autre. J’ai participé à toutes les étapes de cette fusion pour vente de poissons congelés dans la zone portuaire d’Abidjan,
ensuite occuper le même poste dans le nouvel établissement, qui avait un dépôt au grand marché d’Adjamé.
la Banque atlantique Côte d’Ivoire (BACI). Quelques années En menant toutes ces activités, j’étais conscient
plus tard, j’ai été muté pour devenir le chef du département de devenir un entrepreneur à plein temps, afin, un jour,
analyses et rapprochements bancaires à la BACI. d’être autonome. Alors, en 2012, j’ai créé la Société de
Qu’est-ce qui a motivé votre engagement service de conseils et opérations (SSCO) dans le domaine du
dans l’entrepreneuriat ? consulting, de la formation et du renforcement des capacités.
Quand j’étais étudiant en sciences de gestion, j’ai milité Chemin faisant, j’ai créé une autre société dans le secteur
au sein de l’AIESEC, dont le sigle signifie Association de la communication, de la production et de l’imprimerie.
internationale des étudiants en sciences économiques et Entre-temps, j’ai travaillé en tant que chef du département
commerciales. Cela m’a procuré la connaissance des bases audit et contrôle de gestion dans le secteur de la réassurance
de l’entrepreneuriat. Au sein de cette organisation, j’ai un au sein de la compagnie panafricaine Aveni-Ré quatre années
long moment été responsable des projets et des programmes, durant, de 2013 à 2016. Avant d’arrêter, pour me consacrer
en contact permanent avec des entreprises, des institutions définitivement à mon cabinet SSCO.
publiques et des organisations internationales. Mon Fort de ces expériences, comment définiriez-vous
travail consistait à démarcher les sociétés pour soutenir l’écosystème entrepreneurial en Côte d’Ivoire ?
et financer les activités de notre association. Cela a été le Il est important d’avoir un environnement
déclic de mon désir d’entreprendre. Et ce qui m’a conduit, entrepreneurial riche et diversifié. Et j’apprécie à leur
déjà étudiant, à mener mes propres activités pour obtenir juste valeur les initiatives prises par les jeunes qui veulent
une autonomie financière. monter leur propre business. Ce qui exige de la personne
manque de ressources financières en phase de déploiement (CICS), qui ouvre ses portes cette année, et qui offrira
ou de développement. Bref, la contrainte financière est des formations diplômantes et en continu à Abidjan. ■
constante. Mais, aujourd’hui, le patron d’une PME peut Propos recueillis par Francine Yao
Emmanuel Yéo
Directeur général de Lynays
« Viser l’efficacité
énergétique »
Son objectif : optimiser les usages et les mouvements d’énergie,
limiter le gaspillage grâce à la technologie.
AM : Quel a été votre parcours professionnel d’une cellule de prière à l’université, j’avais noté qu’un
avant que vous ne créiez votre entreprise ? grand nombre d’intentions étaient axées sur l’obtention
Emmanuel Yéo : Après mes études à l’École supérieure d’un emploi. J’ai alors réfléchi à un système pour les aider.
interafricaine d’électricité (ESIE) de Bingerville et D’où l’idée de créer une société pour satisfaire la demande
à l’Institut polytechnique Houphouët-Boigny (INP-HB) de nos frères et de nos sœurs. Mais le véritable déclic
de Yamoussoukro, j’ai bénéficié d’une bourse d’études du est venu à la fin de mon cycle de formation en ingénierie
ministère des Énergies pour me perfectionner en anglais à la Southern Polytechnic State University. Il me restait une
à la Louisiana State University, aux États-Unis. J’ai obtenu UV pour valider mon diplôme, j’avais le temps de prendre
un Bachelor of Science en électromécanique à la Southern des cours sur la conception et la fabrication de la monnaie,
Polytechnic State University en 2004, et un Master of qui était un module en entrepreneuriat. Nous participions
Business Administration (MBA) à la Cameron University à des compétitions internationales de jeunes inventeurs pour
en 2005. Ma carrière professionnelle a débuté aux États-Unis, la vente d’équipements à travers le monde. Et mon équipe
à 3B Industries, une entreprise de robotique à Comanche dénommée « Chester » a été leader de notre établissement,
dans l’Oklahoma. Puis, j’ai travaillé comme ingénieur puis champion mondial en matière de « return on equity »
hardware à HI Solutions, en Géorgie. Nous fabriquions (« rentabilité des capitaux propres »). C’est ce qui m’a
des équipements d’intelligence artificielle dans la gestion réellement motivé à me lancer dans l’entrepreneuriat et à faire
de l’énergie électrique. Après cette expérience, j’ai eu besoin un MBA à la Cameron University. J’ai même eu à présenter
de travailler pour mon pays pour apporter des solutions à deux business plans à la fin de cette formation universitaire.
la problématique énergétique. Et j’ai rejeté les propositions Pourquoi avez-vous décidé d’entreprendre
d’emploi aussi bien aux États-Unis qu’en Côte d’Ivoire pour en Côte d’Ivoire ?
démarrer mon propre business. J’ai alors passé trois années J’étais convaincu que le meilleur investissement était
à faire des expérimentations et des essais, avant de lancer de créer ma propre entreprise, et l’environnement qui m’a
officiellement les activités de la société Lynays, en 2011. semblé le plus favorable était la Côte d’Ivoire. Pour la petite
Qu’est-ce qui a été l’élément déclencheur histoire, notre établissement Southern Polytechnic State
de cette vie entrepreneuriale ? University se trouvait à proximité de l’entreprise Lockheed
L’idée d’entreprendre remonte à mes années d’études Martin, qui fabrique des avions de guerre. Et un bon nombre
en Côte d’Ivoire. Et trois faits y ont véritablement contribué. de nos camarades, après leurs études, sont allés travailler
Premièrement, ma passion d’inventer et de fabriquer des dans cette entreprise. Moi-même, j’étais tenté à un moment
choses. En deuxième position viennent les difficultés réelles donné de devenir pilote d’avion. J’ai même pris quelques cours
qu’éprouvaient nos devanciers, titulaires de diplômes, de pilotage et réalisé des essais aériens. Mais j’ai renoncé
à trouver un emploi après leurs études. Étant membre pour devenir entrepreneur. Je voulais créer une équipe
à utiliser des appareils et équipements moins énergivores, la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
l’efficacité des sources d’énergie, etc. Cela participe à la a du mal à trouver des partenaires financiers. Un gros
réduction des coûts de production dans les entreprises challenge à relever… ■ Propos recueillis par Francine Yao
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DÉCOUVERTE / Côte d’Ivoire
JIHANE ZORKOT
par faire des petites créations avec ma de mes créations. J’utilise des tissus d’Abidjan, et nous étendre vers la
mère. C’est ainsi que Aya de Cauville ancestraux, du pagne baoulé, mais aussi sous-région. Aujourd’hui, les Africains
est née en 2009. « Aya » est le prénom du coton teint à la main par des femmes. raffolent du « made in Africa». ■ J.Z.