(Octopus Vulgaris) : Le Régime Alimentaire Du Poulpe 'Sur Les Côtes Sénégal
(Octopus Vulgaris) : Le Régime Alimentaire Du Poulpe 'Sur Les Côtes Sénégal
(Octopus Vulgaris) : Le Régime Alimentaire Du Poulpe 'Sur Les Côtes Sénégal
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ARCHIVES
SCIENTIFIQUES
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1 janvier 2000
LE REGIME ALIMENTAIRE
DU POULPE (Octopus vulgaris)
SUR LES COTES DU SENEGAL
par
INTRODUCTION 3
1. MATERIEL ET METHODE 3
1.1. Périodes et zones d'étude 3
1.2. Echantillonnage 3
1.3. Matériel utilisé 3
lA. Paramètres relevés et méthodes d'étude .4
1.5. Discussion sur le matériel et les méthodes .4
II. RESULTATS 5
2.1. Répartition spatiale des proies 6
2.2. Evolution temporelle de la composition du régime alimentaire 7
2.3. Répartition des proies en fonction de la bathymétrie 8
204. Répartition des proies suivant la nature du fond 9
2.5. Régime alimentaire du poulpe selon la taille 10
2.6. Régime alimentaire du poulpe selon le sexe Il
2.7. Régime alimentaire du poulpe femelle selon la maturité sexuelle 11
III. DISCUSSION ET CONCLUSiON 12
BIBLIOGRAPHIE 14
INTRODUCTION
Le poulpe commun (Octopus vulgaris) est un mollusque céphalopode benthique
répandu dans les eaux sénégalaises. Son exploitation par les chalutiers qui date du début des
années 1970, s'est étendue à la pêche artisanale sur tout le littoral à partir de 1986
(Bakhayokho, 1997). En effet, en 1986, les côtes sénégambiennes ont été envahies par le
poulpe commun, et durant cette année, il a fait l'objet de captures très importantes, estimées à
25 000 tonnes (Caverivière, 1990).
Des recherches faites par divers auteurs dans différentes régions du monde ont montré
qu'Octopus vulgaris, une fois recruté dans les pêcheries, se nourrissait essentiellement de
mollusques bivalves, de crustacés et de poissons; la prévalance de ces proies variant cependant
en fonction des zones et des saisons (Nigmatullin et Ostapenko, 1976; Guerra, 1978;
Hatanaka, 1979 ; Baddyr, 1993). ..
Au large des côtes sénégambiennes, très peu d'études ont été réalisées sur le poulpe
(Gérard, 1987; Caverivière, 1990 et 1993). Pour pallier cette insuffisance, nous nous
proposons d'analyser les contenus stomacaux de cette espèce, obtenus lors de campagnes en
mer que nous avons réalisées à bord du navire de recherches océanographiques, Louis
SAUGER, pendant la saison chaude en septembre 1989 et pendant la saison froide en février -
1990. La présente note apporte ainsi une première contribution à la connaissance de
l'alimentation du poulpe au large du Sénégal.
1. MATERIEL ET METHODE
1.2. Echantillonnage
L'engin de pêche utilisé est un chalut de fond standard, de type poisson. Ce chalut à
grande ouverture verticale mesure 27 m à la corde de dos et 38 m au bourrelet. Des rondelles
en caoutchouc de près de 15 cm de diamètre et une chaîne pesant 80 kg sont associées au
bourrelet. Le cul du chalut, protégé par un tablier en caoutchouc, a une maille de 25 mm de
4
côté (Caverivière et Thiam, 1992). Afin de mieux l'adapter aux caractéristiques des poulpes, le
gréement a été modifié en rajoutant une deuxième chaîne de 26 kg sur le devant de l'ouverture
pour mieux racler le fond. Du matériel de dissection (ciseaux, couteaux, pinces) ainsi que deux
balances de précision au gramme près ont été embarqués.
Le matériel biologique utilisé s'élève à 501 poulpes dont 317 en 1989 en Casamance et
184 en 1990 dont 56 au Nord, 46 sur la Petite Côte et 82 en Casamance. La quasi-totalité des
poulpes capturés au chalut en 1989 et en 1990 a été traitée à bord du bateau. En effet, la
digestion étant un processus rapide qui se poursuit après la mort, l'animal est disséqué aussitôt
après capture. L'estomac est séparé du tube digestif puis ouvert et son contenu est vidé et
analysé à même le pont.
coûteuse et, de toutes, est celle qui fournit le plus d'informations, raison pour laquelle nous
l'avons adoptée dans cette étude.
L'emploi de loupe binoculaire et / ou de microscope aurait aidé à mieux identifier les
différentes espèces composant le régime alimentaire donc, à mieux affiner les résultats.
Le manque de données sur le régime alimentaire du poulpe au nord et sur la Petite Côte
en 1989, ne nous a pas permis de faire la comparaison spatiale des résultats de cette année.
Corrélativement, l'analyse comparative dans le temps n'a pu être faite que pour la Casamance.
La faiblesse de la taille des échantillons ainsi que la ponctualité des différentes périodes
de prélèvement incitent à la prudence dans l'interprétation des résultats sur certains aspects.
Il. RESULTATS.
Les résultats de la dissection des 501 exemplaires, indiqués dans le tableau 1, montrent
que 32 % des poulpes (soit 163) présentaient des estomacs vides. Sur les 338 estomacs restant,
les contenus de 270 d'entre eux (soit 54 %). étaient encore à l'état solide, donc susceptibles
d'être déterminés. Les 68 derniers poulpes étaient à un niveau de digestion trop avancé pour
permettre l'identification des proies.
Nord 56 23 41 9 16 24 43
Sud 82 55 67 10 12 17 21
L'analyse du contenu du tube digestif des animaux dont les proies ont été déterminées
révèle une prédominance des crustacés avec 69,6 % du nombre total de proies identifiées. Le
groupe des mollusques (bivalves, céphalopodes) représente 20,4 % et celui des poissons
9,3 %. Les échinodermes (oursins) n'occupent que 0,7 % de la ration alimentaire (fig. 1).
Parmi les crustacés, certains ont été identifiés avec plus de précision. Il s'agit de crabes
(23,7%), de bernard-l'ermite (10 %), de balanes (4,8 %), d'arthropodes (0,4 %), et de
crevettes (0,4 %). Certains, dont l'identification du niveau taxonomique posait quelques
6
difficultés, ont été classés dans la rubrique « divers crustacés» ; ils représentent 30,4 % du
total du régime alimentaire .
La proportion des mollusques bivalves ou jambonneaux (Atrina sp. ou Pinna sp.) s'élève à
19,3 %. Le reste de la composition du régime alimentaire de Octopus vulgaris est constitué de
mollusques céphalopodes (seiche) avec un taux de 1,1 % (fig. 2).
4,81%
30,4%
23,7%
nord (78,3 %) qu'au centre (56,0 %) où le poisson prédomine. En effet, dans la zone centre, ce
sont les poissons qui forment la, part la plus importante du bol alimentaire avec 40,0 % contre
17,4 % au nord et 9,1 % au sud.
Au nord, après les «divers crustacés» (60,9 %), nous avons observé par ordre
d'importance décroissante les poissons (17,4 %), les crabes (13,0 %), puis les crevettes et les
seiches en proportions identiques (4,3 %).
En Casamance, c'est aussi le groupe des « divers crustacés» qui domine. Cependant,
l'ordre est inversé entre les crabes (27,27 %) et les poissons (9,09 %), suivis par les balanes
(5,45 %), les oursins (3,6 %) et les bernard-l'ermite (1,8 %).
Sur la Petite Côte, par contre, les crabes (32,0 %) et les « divers crustacés» (20,0 %)
forment l'essentiel de la diète d'Octopus vulgaris après les poissons (40,0 %) ; les bernard-
l'ermite et les seiches se partagent équitablement les 8,0%restants.'"
%
70 .-r--------~-----------------_____,
60
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40
-
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20
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Nord 90 Petite Côte 90 Casamance 90 Casamance 89
%
70 -
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50
40
30
20
10
0+------'
1020 2030 3050 50 100 >100 m
L
mautrescrustacés D Pois::ons [] ~iche ~ Oursin ml Crevettes
--J
Sur les petits fonds (10-20 m) prospectés uniquement sur la Petite Côte en 1990, les poissons
(41,6 %) et les crustacés, crabes (25 %) et le groupe des «divers crustacés» (25 %) forment
pour l'essentiel l'alimentation du poulpe. Nous notons aussi l'existence de seiche en proportion
plus faible (8,3 %).
Sur les fonds de pêche de 20-30 m de la Petite Côte et de la Casamance, les crabes puis
les bernard-l'ermite prévalent au centre tandis que la diète du poulpe est dominée au sud pour
moitié par des bernard-l'ermite et pour moitié par les « divers crustacés» en 1990.
L'évolution interannuelle (entre 1989 et 1990) de la composition du régime indique un
remplacement d'A/rina sp. en Casamance par les bernard-l'ermite et les « divers crustacés» Il
faut toutefois noter qu'en 1989 en Casamance, le régime sur ces fonds (20-30 m) est composé
de toutes sortes de proies, sauf d'oursins et de crevettes.
Sur les fonds moyennement profonds (30-50 rn), la préférence du poulpe varie d'une
zone à l'autre: les seiches au nord, les crabes au centre et les « divers crustacés» au sud en
1990.
En Casamance, comparativement à 1989 où le choix portait sur les crabes, ce sont les «divers
crustacés» qui prédominent en 1990.
La composition de la nourriture du mollusque sur les fonds de 50-100 m est
sensiblement la même partout au Sénégal. Elle tourne essentiellement autour des «divers
9
crustacés», des crabes et des poissons. Il s'y ajoute des crevettes et des oursins en faibles
proportions.
Le groupe d'espèces constitué de «divers crustacés» est prépondérant au nord et au sud
en 1990 alors que le centre est dominé par les poissons au cours de la même année. Nous
remarquons ici une similitude dans la composition de l'alimentation entre le nord et la
Casamance, une similitude déjà relevée lors de l'étude de la composition spatiale du régime
alimentaire.
Nous avons constaté, comme sur les fonds de 30-50 m, un remplacement des .crabes
par les «divers crustacés» dans la zone sud aux mois de septembre 1989 et de février 1990.
Sur les fonds de plus de 100 m, visités dans la seule zone nord en 1990, la composition
du régime alimentaire est la même que sur les petits fonds de la zone centre, à l'exception de la
-présence de seiche.vavec -toutefois-des proportions différentes: «divers crustacés»'66~6!%,
poissons 20 %, crabes 13,3 %.
40
30
20
10
o
Roche Sable Vase
1989, tandis gu' en 1990, le groupe des «divers crustacés» se substituent aux crabes.
10
Sur fonds meubles sableux, le préférendum du poulpe est le même que sur fonds durs
(rocheux) au nord et au sud en 1990, à savoir les «divers crustacés» ; dans la zone centre, la
préférence porte sur les crabes.
La variation interannuelle est marquée par une prédominance d'Atrina sp. en saison
chaude 1989 en Casamance. Dans la même zone, la gamme de proie est légèrement plus vaste
en 1990 qu'en 1989.
Sur fond vaseux, le groupe des «divers crustacés» constitue l'aliment préféré des
poulpes en toute saison. Si la fourchette de proies rencontrées est riche et variée en été 1989,
aucune proie n'est par contre rencontrée en saison froide 1990 en Casamance sur les fonds
meubles vaseux, sur un total de 82 estomacs examinés.
50
40
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1
30
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20
10
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0-600 600 - 1300 >1300 po id s (g)
Un changement notable de la nature des proies est observé chez les poulpes adultes. En saison
froide de l'année 1990, les seiches deviennent la cible au nord et prennent une réelle
importance sur la Petite Côte; en Casamance, les crabes puis les poissons prennent le pas sur
les «divers crustacés». Les bernard-l'ermite, qui existaient à l'état de traces, voient leur
contribution à la nutrition des poulpes de grandes tailles devenir non négligeable, à l'inverse
des balanes dont la part a chuté. Au large de la Casamance, on note chez les grands poulpes un
report de la prédation d'Atrina vers les crabes.
%
35
30
25
20
15
10
5
o +-==---'----
Femelles Mâles
Parmi 314 femelles de poulpe étudiées, un peu plus de la moitié (52 %) de celles pesant
moins de 600 g est en phase de maturation. Chez les individus dont le poids varie entre 600 g
et 1300 g, le taux de femelles matures est de 45 %. La proportion de femelles en maturation
atteint 54 %, la seule femelle en stade post-ponte est rencontrée dans cette classe. Le taux de
femelles matures chez les individus pesant 1300 g et plus est de 91 % ; les 9 % restant sont en
phase d'immaturité.
Le régime alimentaire du poulpe femelle est marqué globalement par une nette
prévalence des «divers crustacés» chez les immatures. Pour les autres stades sexuels, le groupe
d'espèces composé de crabes, àAtnna et de «divers crustacés» est dominant. A ce groupe,
s'ajoutent les bernard-l'ermite chez les femelles en phase de maturation sexuelle, et les balanes
chez les individus matures (fig. 8).
12
En 1990, les «divers crustacés» dominaient dans la nourriture des immatures, sauf sur
la Petite Côte où le poisson domine. Les individus en phase de maturation se nourrissent pour
l'essentiel de crabes et de «divers crustacés». Les femelles mûres consomment des bemard-
l'ermite et des poissons en Casamance et des crabes dans la zone centre.
La comparaison du régime des femelles entre 1989 et 1990 en Casamance révèle que:
- hormis les crabes, les individus immatures et ceux en maturation capturent soit des
Pinna (1989), soit des « divers crustacés» (1990) ;
- la gamme de proies est plus diversifiée (crabe, «divers crustacés», balane, Pinna sp.)
en 1989 qu'en 1990 (bernard-l'ermite, poissons).
%
50 -
BIBLIOGRAPHIE
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