INSTABILITÉ POLITIQUE

Les inquiétudes des professionnels

du cinéma et de l’audiovisuel

LE SOLEIL - SAMEDI 17 ET DIMANCHE 18 DÉCEMBRE 2023

Zoom sur... STUDIO LABOUTIQUE

Un laboratoire de bons sons et de l’enchantement
Le lieu était parti pour être une boutique du son épuré, pour laient sur un projet de 96 kHz (ki-
déparer la cacophonie qui a fini d’installer ses quartiers sur une lohertz) et l’Allemand considérait
bonne partie des scènes sénégalaises. Mais, par le génie et le riche que c’était impossible d’enregistrer
passif de son propriétaire, Pape Armand Boye, Studio LaBoutique avec ce format. Pape Armand réussit
s’affirme tel un laboratoire de la musique et de ses énergies, le  pourtant le coup par une rétrogra-
place to be Ê des puristes d’ici et d’ailleurs. dation, aussi rapidement et avec une
telle aisance que le mentor en était
Par Mamadou Oumar KAMARA
subjugué.
Studio LaBoutique. Ces deux micro, élément central, duquel Pape
mots peuvent être quelconques, Armand dit que « savoir le placer EXPÉRIENCE ET
mais en locution, ils provoquent un fait presque toute la différence dans PROFESSIONNALISME
émerveillement chez les initiés. Logé la fabrication du son ».
à Dakar, à Ngor-Almadies, c’est un Pape Armand s’est taillé le « must « Dans la seconde, il me demande
studio d’enregistrement de pointe, have » pour le matos de son studio, avec bienveillance pourquoi je ne
ultra moderne et qui s’inscrit aux sans être pourtant maximaliste. rentre pas pour aider à développer
Le studio abrite un label, SLb, qui produit, en particulier, des musiques
normes internationales les plus exi- Dans LaBoutique, on trouve l’Api le son dans mon pays. J’ai com-
du terroir liées aux instruments traditionnels.
geantes. « Nous faisons partie des 512 qu’on retrouve dans les clas- mencé à sérieusement y penser à
leaders. Tous les musiciens qui en- siques de rock sur la caisse claire. être ce grand univers dans un menu un tantinet fier. S’il s’engage ainsi à partir de cet instant », se rappelle
trent au Sénégal nous contactent », On contemple aussi l’Api 550 créé endroit où les sensibilités vont être établir un meilleur plateau pour le l’ingénieur du son, tout en clarifiant
sourit le maître des céans, Pape Ar- par Saul Walker, le préampli 3124, satisfaites. son au Sénégal et en Afrique, c’est qu’il a cependant toujours été ques-
mand Boye, aux côtés de son acolyte le Millennia qui est une légende de Le studio abrite, par ailleurs, un parce qu’il conçoit qu’« il y a encore tion de rentrer au Sénégal.
et gérant du studio, Sidy Seck. l’enregistrement de la musique clas- label, SLb, qui produit, en particulier, un long chemin à faire ». « Je suis Avec son expérience et ses com-
Studio LaBoutique offre des ser- sique, un convertisseur Lynx rare des musiques du terroir liées aux venu aider à relever le niveau du pétences, Pape Armand Boye est de-
vices d’enregistrement, de mixage, au Sénégal, un Great River « qui est instruments traditionnels. « On pro- son, sans aucune prétention. Il y a venu à lui seul un seul label. Il met
d’editing et de mastering, d’audio encore réparé par son créateur Dan meut des jeunes talents, mais il faut aussi la transmission. J’aimerais que cette notoriété au service de l’édu-
postproduction, des cours sur le River en cas de défection ». Liste tout de même que nous sentions ce des jeunes puissent bénéficier de cation et de la transmission. « Un
son, de scoring et tient des colla- non exhaustive. Encore, c’est lui- côté patrimoine, ce truc qui valorise toute l’expérience que j’ai acquise. jeune qui vient de la banlieue avec
borations artistiques partout dans même qui a fait l’acoustique du stu- l’Afrique », renchérit le producteur, C’est pourquoi on s’organise pour un « deux pistes » est émerveillé par
le monde. C’est un endroit chic dio. Exigeant avec lui-même, mi- qui donne du prix aux échos de ses faire beaucoup de sessions de for- mon studio, tandis que moi je suis
niché au rez-de-chaussée de la de- nutieux jusqu’à la moelle et as de origines dans son travail. À ses tout mation », explique-t-il. Selon lui, il étonné par le son qu’il produit. Ils
meure de son promoteur. Par son la rigueur, Pape Armand ne veut débuts, en 2018, Studio LaBoutique manque grandement de la spiritua- ont beaucoup de compétences et
installation, il est une sorte de Dis- rien laisser aux soins du hasard. Il avait démarré modestement. Entre- lité et de la créativité. Les musiques d’intelligence, mais ce n’est pas va-
ney Land miniaturisé de la mu- souhaite surtout répondre à l’esprit temps, l’offre s’est copieusement semblent se faire à la lettre. Le projet lidé », relève le cacique.
sique et du son. Le visiteur balade de son projet. élargie. « Nous sommes aujourd’hui est quelque part né de cette pâmoi- Pape Armand Boye se donne la
entre les impressions de musée, de le seul studio à pouvoir faire des en- son. Pape Armand Boye raconte mission sacerdotale d’accompagner
parc de merveilles, de lieu (de) INTELLIGENCES EN FUSION registrements live jusqu’à 48 pistes qu’un jour, alors qu’il se trouvait en- cette jeune génération de talents,
culte, de studio bien sûr, et de bou- au Sénégal, voire en Afrique de core à l’étranger, il a entendu une de l’aider à se décomplexer, se
tique. Une large gamme de guitares Le nom LaBoutique pour le stu- l’Ouest. Je peux enregistrer tout l’or- malheureuse plainte d’un artiste sé- structurer, lui filer des astuces dé-
modernes et traditionnelles orne dio est pour ce qu’il évoque dans chestre philharmonique de Paris ici. négalais de renom. terminantes, « sans la prétention de
une partie des murs. Une batterie l’imaginaire du Sénégalais. C’est l’en- Ça, même si tu n’es pas un gros stu- Ce dernier regrettait qu’une mai- la formater ou de tout chambou-
de percussions se dresse entre le droit où trouver les nécessaires dio à Paris ou aux États-Unis, tu ne son de disque anglaise lui avait refusé ler ». « À part cela nous continuons
bureau des consoles et pistes, et le consommables du quotidien, un lieu le fais pas. Dans le milieu, on dit que un album parce qu’il ne pouvait pas de travailler. Je n’ai pas de but par-
plaisant « salon de café ». Ce dernier de rencontres et de partage. Le bou- Studio LaBoutique est devenu un enregistrer un bon son au Sénégal. ticulier. Je veux juste que ce que
donne, à sa droite, sur la piscine tiquier est un recours quand on est passage obligé pour un musicien Cette anecdote est une des raisons nous faisons se sente et se fructifie
qui ajoute à la sérénité de son jardin dépourvu. Quels que soient ton sta- professionnel qui vient à Dakar. Le décisives. L’autre message subliminal des décennies plus tard. Nous vou-
et de tout le lieu. tut ou tes moyens, tu auras toujours xam-xam (savoir), l’expérience et lui était apparu en pleine séance de lons être utiles dans le temps en
Le lot de casques et de micros besoin de quelque chose dans cette le professionnalisme font notre seul travail, dans le studio d’un vieil in- nous améliorant et en améliorant»,
provoque aussi de la séduction. Ce épicerie singulière. LaBoutique veut secret », soutient Pape Armand Boye, génieur du son allemand. Ils travail- professe le briscard.

PAPE ARMAND BOYE, INGÉNIEUR DU SON

«C’est à partir du patrimoine qu’on peut inventer le son sénégalais typique»
 L’ingénieur du son règle le volume, la réverbération, la brillance, saturations et la distance, la room, s’apprend normalement. Nos ins-
l’équilibre des voix selon la commande artistique ou sa sensibilité comment disséquer les pistes et truments sont spirituels. Quand tu
propre. Son objectif est de communiquer aux auditeurs une émotion, enfin les techniques. Le micro est enregistres des flûtistes ou le tama,
de faciliter la perception d’un style de musique Ê. Voilà une définition un élément central. Si on sait com- à un certain niveau, je te jure que
de l’ingé-son, qui doit ainsi maîtriser son matériel de travail et l’im- ment le positionner, c’est terminé. tu sembles entendre des voix hu-
Ça ne nécessite pas forcément trois maines. C’est extraordinaire ! On
matériel qui fonde son être. C’est en outre ce qu’enseigne Pape Ar-
ans de formation. Quelques mois peut te traiter de fou quand tu en
mand Boye dans cet entretien.
voire semaines suffisent pour les parles, mais tu entends bien des
Comment l’ingénieur du son peut- rejoignons le mouvement pour doués. choses quand tu travailles le son
il améliorer la musique ? créer des sons spécifiques avec ce Pour arriver au son sénégalais, il des instruments traditionnels. Cette
La musique de Youssou Ndour a genre de musiciens. Des jeunes Comment construire ces sons sé- faut s’inspirer du patrimoine. C’est singularité, il faut que les jeunes
connu une énorme progression au comme Obree Daman, Iss 814 et négalais ? là qu’il faut puiser pour faire adhérer en soient conscients et l’investis-
fil des années avec Habib Faye. Is- Samba Peuzzi, il leur faut des ingé- D’abord, il faut former de jeunes le Sénégalais qui écoute. Nous sent. Notre musique est plus com-
maël Lô a un son unique, car il le son qui travaillent avec eux en par- ingénieurs du son, même dans le sommes trop orientés vers le futur plexe. Les jeunes regardent ailleurs,
maîtrise et a une longue histoire faite intelligence pour y arriver. Il tas, et leur faire comprendre les alors qu’on ne construit pas l’avenir or tout est ici. Il n’y a pas deux
avec les studios. Ses albums ont une sera bon d’avoir un son sénégalais, époques du son. C’est comme on sans les ingrédients du passé. Youssou Ndour, deux Baaba Maal,
cohérence sonore par sa voix, son tel qu’on a les sons distinctifs alle- enseigne l’Histoire de l’art aux ap- deux Omar Pène ou deux Thione
harmonica et sa guitare. Il réalise mand, espagnol, américain, français. prentis plasticiens. Il leur faut com- Peut-être parce que c’est plus Seck dans le monde. Où ailleurs tu
lui-même sa signature sonore. Pour Les sons du rock et du métal sont prendre qu’est-ce qui a fait qu’on complexe Á vas trouver Laye Mboup ou Kiné
Super Diamono et Xalam, tu sens créés par des ingé-son. Après, c’est soit passé de l’analogue au digital, Je pourrais passer une année à Lam ? C’est l’impérialisme qui
aussi des sons singuliers. Ils sont facile quand l’artiste a une vaste quelles sont les écoles du son, enregistrer le bougarabou. Il n’y a dicte notre esprit. Il est l’heure de
tous en avance, à force de pratique. culture musicale et est nourri de connaître les micros et comment rien de plus riche et exaltant. La renverser la vapeur.
Il faut que nous, ingénieurs du son, références. les positionner, comment utiliser les batterie est compliquée, mais ça M.O. KAMARA
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Portrait MUSICIEN ET PRODUCTEUR

Armand Boye, le Pape du son

Pape Armand Boye s’est confortablement installé à la chaire premier groupe folk sénégalais.
de l’ingénierie du son en Afrique. Ce capital expérience et cette « Nous avions emprunté le dis-
compétence notoire ont été acquis de haute lutte contre péré- cours de fracture et de patri-
grinations, sacrifices et éducation en Occident. Un panier à crabes moine de ce courant révolution-
duquel l’artiste ingénieur du son ne sort pas sans piqûres, mais naire. Nous faisons beaucoup
référence à la lutte des classes
survit avec vaillance et gagne plusieurs ressources qui illuminent
sociales, les conflits sociaux, l’en-
son nom et son adresse dans l’univers musical. vironnement, à des figures poli-
Par Mamadou Oumar KAMARA tiques tels que Lamine Senghor,
etc. Je garde ce discours, mais
On pourrait parler de destin. voit ses yeux s’enflammer. Nor- c’est devenu moins tranchant et
Pape Armand Boye naît sept ans mal, il s’agit de sa passion. Ingé- plus spirituel avec l’âge. (…)
après l’indépendance du Sénégal, nieur du son, chanteur, instru- Tama de Rufisque a eu une gloire
en 1967 à Rufisque. Un ancien mentiste, « guitariste béni » (un éphémère, c’était une petite
comptoir portugais, une ville sobriquet qu’il a gagné dans la flamme qui a brillé quelques mi-
dont l’histoire remonte au presse allemande), producteur, nutes dans les ténèbres. Mais
16ème siècle (les Lumières). Pape Armand Boye s’est lui- c’était utile, car il a créé de l’es-
Érigé en commune mixte franco- même chargé de l’acoustique du poir et est resté dans beaucoup
sénégalaise en 1880 (avant studio. Un couteau-suisse de la de cœurs », se résigne Pape Ar-
Dakar), Teunguedj (nom wolof musique. mand. Tama de Rufisque, c’est
de Rufisque) a néanmoins tou- donc entre la fin des 1980 à Pape Armand prend ensuite le Theis, Will Martina, Tim Spohn,
jours conservé son fort ancrage 1993. Le duo a toutefois laissé chemin pour Hambourg. Là en- Grunwald, Axel Ruhland, …).
traditionnel lébou et religieux.
SES INFLUENCES, en héritage un opus majeur de core, la rigueur estampillée alle- Le capital expérience et la sé-
C’est dans cet environnement de SES DÉBUTS ET LE FAUX 8 titres, « Woyu Talibé ». Les deux mande et le racisme le ramènent rénité retrouvée engendrent
plusieurs influences culturelles frères Boye étaient accompagnés de plein vol. « J’étais comme une d’abord l’album « Xareba », en
et cette ère néocoloniale, qui ins- CUL-DE-SAC par les instrumentistes du Super greffe logée dans un corps qui 2007. Puis, paraît comme une
pirent des postures autant révo- Etoile de Dakar sur cet album cherchait à la rejeter chaque jour. confirmation en juin 2013, à
lutionnaires que mélancoliques, Il a 16 ans quand le jeune Pape mixé par Habib Faye et produit M’en rendre compte très tôt m’a New York, l’album « Between
que Pape Armand voit le jour et Armand entend Ismaël Lô à la par leur ami, Djibril Sow. sauvé. J’ai su que je devais me Lines » (Entre Les Lignes), à tra-
évolue. Son caractère et sa pro- radio, lunaire avec sa guitare et Avec le recul, Pape Armand ex- concentrer sur mes obligations vers le duo Djustpora qu’il par-
gression en seront quelque peu son harmonica qui l’accompa- plique ce passage éclair par leur et ne pas m’assimiler », dit le Ru- tageait avec la chanteuse séné-
forgés, les notes de sa musique gnent. « Ça a été un effet magné- « personnalité musicale intellec- fisquois et Lébou affirmé qui a galo-canadienne, Ouly Niang.
aussi. tique sur moi. Je me suis dit qu’il tuelle », qui restait pour un public vécu presque dix ans dans cette
Musicien et producteur, Pape fallait que je fasse ça », se remé- restreint. C’était l’époque où le ville portuaire allemande. Il se
Armand Boye est un ingénieur more-t-il, 40 ans plus tard. À par- marché de la distribution était produisait dans les culture-house
UN NOM QUI COMPTE
du son de génie et de renom, tir de ce coup de foudre et durant accaparé par le mbalax et Talla (maisons de culture) où ils
aussi. C’est aussi un globe-trotter 4 ans, il taquine la guitare à l’insu Diagne qui disait que « cette mu- étaient « parqués intellectuelle- C’est un peu l’aboutissement,
qui est rentré au Sénégal « par de son grand frère, en reprenant sique ne se danse pas ». « Les Sé- ment » et culturellement, ses en 10 titres, du parcours et des
devoir » d’abord, et surtout pour des notes de Ismaël Lô, Bob négalais sont très ouverts en mu- compères et lui. « Ça m’a quand sensibilités de Pape Armand du-
aider à relever la qualité dans le Dylan, etc. « Mon autre frère, sique et ont toujours tout écouté. même permis d’être plus sage rant toutes ces années. Les cri-
domaine de l’ingénierie du son Touré Boye, qui était étudiant Je trouve qu’on nous avait bien dans ma compréhension artis- tiques saluaient à l’époque « un
et la musique. Dans ce projet, il philosophe, écoutait aussi beau- accueillis d’ailleurs. Mais nous tique », relativise le musicien. mix rare et équilibré de divers
sert le Studio LaBoutique coup de musiques qui m’influen- restions victimes d’une industrie Mais il n’entendait pas exclusi- genres musicaux, de mélodies et
comme une planche de salut çaient », renchérit Pape Armand. de Baol-Baol pas prêt pour le folk vement égayer des clubbers. de rythmes traditionnels
(voire l’article ci-contre). Quand Son attrait pour le son s’est ré- ou la country d’ici. Le reggae a En 2000, il débarque à Paris. d’Afrique de l’Ouest au folk, à
il nous reçoit chez lui ce matin vélé à la même période, en 1988. d’ailleurs décliné à cette époque En ce temps, le jazz est au centre la soul et la pop ». Le producteur
de vendredi, dans son studio à « Cheikh Gueye, un bassiste qui », analyse l’un des pères du folk de mes recherches et il trouve Blair Clark en disait ceci : « D’ha-
Dakar, Pape Armand se révèle enseignait les Sciences naturelles sénégalais. un niveau académique dans les bitude, je n’aime pas trop la mu-
dans toute son affabilité. Resté au Lycée Abdoulaye Sadji, jam-sessions. « Là, je vis l’angoisse sique occidentale avec des chan-
racé malgré la mise décontractée, m’avait offert une Fostex 4 Pistes existentielle. J’ai senti avoir vécu sons dans d’autres langues. C’est
le sourire bienveillant qui ne qui a réveillé ma passion du son
LA VADROUILLE SALUTAIRE dans des illusions toute ma vie presque toujours mauvais, mais
voile pas tout à fait son allure », énonce la voix reconnaissante ET LA RENAISSANCE et je me demandais si j’étais vrai- pas cette fois-ci ».
grave, Pape Armand Boye garde de Pape Armand. Il a ensuite fait ment musicien. J’ai vu que, tech- Il avait aussi retrouvé entre-
en tout sa mesure. Il confirme beaucoup de recherches et de Après la décroissance de Tama niquement et musicalement, temps, à Paris, son binôme du «
l’impression plus tard dans l’en- pratique, avant d’apprendre aca- de Rufisque, les frères Boye se nous étions encore très en retard Tama de Rufisque » et grand frère
tretien : « J’ai toujours eu de la démiquement le son plus tard. Il rendent en Casamance puis en », se souvient-il de ce sentiment Badu Boye, qu’il produit pour
retenue, je n’ai jamais été dis- a été à l’Université de Berkeley Gambie où ils restent 6 mois, « qui le pousse en partie à capaci- son album « We Can Win » en
persé. Ça m’a notamment permis (2ème université du monde pour se faire de l’argent, pour ter la jeune génération. Selon lui, 2012. Les périples de Pape Ar-
de ne pas m’être perdu, bien que après Harvard) pour se former des raisons personnelles ». La on qualifie ici trop facilement les mand Boye ont façonné, au-delà
je sois resté longtemps loin de au scoring pour la musique de Gambie aurait bouleversé leur gens de génies pendant qu’ils de son identité artistique, son ca-
mon pays », confesse l’artiste. film, l’analyse de la production conscience, avec le pragmatisme sont trop loin du but. Il atterrit ractère d’homme. « L’évolution
Sa grande taille et sa gestuelle et la postproduction. proprement anglophone. La pre- ensuite à New Haven, vivant de l’humain est intimement liée
tempérée prononcent sa civilité, Seulement, il s’est réellement mière baffe intervient dans un deux années à l’Université de à ses joies et ses souffrances. Il
et la canitie clairsemée suggère découvert musicien à travers son club où ils font un monologue Yale où logeait sa femme. s’agit de ses aventures et ses ex-
sa sagesse. Il a fallu bousculer l’ar- grand frère Badu Boye. Ce der- pour vendre leur art. « Le patron Aux États-Unis, il se ravit de périences. À la fin, il en sera à ne
tiste pour qu’il ose le « je ». Dans nier militait et jouait de la mu- nous regarde bizarrement et nous la générosité des Américains qui plus distinguer l’artiste du jour-
son travail, il dit éviter l’exécu- sique dans les lycées avec le Front signale que nous sommes ba- ont foi au talent et s’intéresse naliste, l’architecte du maçon.
tion systématique. Il écoute l’au- culturel sénégalais, plus connu vards. Il nous dit que si nous beaucoup au musicien dans son Ce que tu fais dans tes activités
tre, fait attention aux mots et aux sous le nom de « Mouvement sommes sûrs de pouvoir, nous humanité, au-delà de la musique est le prolongement de ton iden-
gestes, car « il apprend de chacun Caada Gui ». C’était un mouve- n’avons qu’à prendre les instru- qu’il joue. Il est à noter que du- tité », raisonne le disciple mou-
et essaie de comprendre pour ment révolutionnaire de gauche ments. J’ai su que l’espace-temps rant tous ses séjours, il ne cessait ride qui a lu. « Ainsi parlait Za-
donner le meilleur service ». Pape promu par les étudiants et jeunes qui nous séparait est énorme », de se mouvoir et promener son rathushtra » de Nietzsche à
Armand confirme l’attitude du- intellectuels au Sénégal, dans les se choque 30 ans après Pape Ar- baluchon spirituel et musical. Il 14 ans. C’est ce cœur d’homme
rant l’interview, en gardant une années 1970. Ce parcours va être mand, qui s’offusque qu’au Sé- a également travaillé aux côtés (presque) abouti qui s’est décidé
courtoise concentration et le déterminant dans le duo que les négal, il suffit de beaucoup s’en- de plusieurs grands noms de l’in- à rentrer à 2018 après avoir ri-
souci de la justesse. C’est seule- deux frères vont former plus censer ou de faire juste une génierie du son et de la musique chement chargé son âme et son
ment quand il parle de ses ma- tard, avec le groupe Tama de Ru- bonne interview pour bien se rat- en général (Clifton Hyde, Mojo esprit, pour venir implanter
tériels, dit leurs histoires, leur ap- fisque. Beaucoup continuent en- traper même après un show mi- The Cinematic de Dujeous, Idan comme une fleur bénie le Studio
plication et leurs fonctions qu’on core de considérer que c’est le nable. Raichel, Henry Hirsch, Chris LaBoutique à Dakar.
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Actualités... INSTABILITÉ POLITIQUE

Les inquiétudes des professionnels du cinéma et de l’audiovisuel
Le monde du cinéma et de l’audiovisuel sénégalais n’est pas
insensible à la crise politique que traverse le pays. Dans une
tribune publiée le 15 février, plusieurs professionnels font part
de leurs inquiétudes et appellent à la fin de la violence.

Alors que le secteur de la cul- sée" prenne le pouvoir au cas où

ture a fini de se relever face aux le dialogue ne serait pas possible
contraintes liées à la Covid-19, les avec l’opposition, sème le trouble
professionnels du cinéma et de dans les esprits et plonge le pays
l’audiovisuel estiment faire face dans un climat d’incertitude », ont
aujourd’hui au « climat d’instabi- souligné ces professionnels, qui re-
lité et de violence politique récur- grettent que « toutes ces décisions
rent qui a des conséquences dé- enclenchent une marche en arrière
vastatrices sur l’industrie historique, politique, économique,
cinématographique et audiovi- sociale, morale et culturelle… ».
suelle ». Dans une tribune com- Alain Gomis (réalisateur), Maty
mune, publiée le 15 février, ils sont Diop (réalisatrice- productrice),
des dizaines à faire part de leur Hubert Laba Ndao (réalisateur),
tristesse au regard de la crise que Souleymane Kébé (Producteur), Le monde du septième art est préoccupé par le climat d'incertitude qui traverse le Sénégal.
traverse le Sénégal, un pays pour- Moussa Sène Absa (réalisateur), se remet à peine des impacts de laises, ce sont des milliers de per- pures de l’internet mobile et la
tant toujours considéré comme Ndèye Astou Wade (directrice de la crise de la Covid-19, ce climat sonnes et familles qui reçoivent surveillance de l’expression des
un « phare » de la démocratie. production)… déplorent les pertes d’instabilité et de violence poli- un revenu, un salaire ». opinions sur les réseaux sociaux
La situation est si « alarmante » en vies humaines, les brutalités po- tique récurrent a des conséquences Ces professionnels de l’audio- ». Enfin, ils appellent au respect
qu’ils ont jugé opportun de réagir licières et la paralysie socio-éco- dévastatrices sur l’industrie ciné- visuel et du cinéma dénoncent du calendrier électoral et à la li-
en tant que citoyens-nes pour exi- nomique qui menacent les fonde- matographique et audiovisuelle », aussi « les arrestations arbitraires, bération « immédiate des per-
ger la « garantie absolue de la li- ments de notre nation et l’avenir ont-ils avancé. les emprisonnements à caractère sonnes (y compris mineures) ar-
berté d’expression, la fin immé- de notre peuple. « Notre cinéma, À leur avis, « ne pas maintenir politique, le non-respect du droit rêtées pour avoir exercé leur droit
diate des violences ». « Le peuple précurseur en Afrique, a toujours un climat serein et propice aux de manifester ou de se réunir, la de manifester ou d’exprimer leur
sénégalais, ses filles et ses fils vivant défendu les valeurs démocratiques, investissements dans ce secteur censure par le biais de la suspen- opinion ».
dans le pays et dans les diasporas, le vivre ensemble et le respect de revient à nous asphyxier écono- sion abusive de médias, les cou- Ibrahima BA
est profondément attaché à la Li- l’autre. Ce que nous observons au- miquement et à maintenir les ac-
berté et à la justice. Par ailleurs, jourd’hui piétine tout ce que nous teurs du cinéma dans une certaine ROMAN : « L’ENFANT IPHONE »
l’hypothèse émise par le Président portons et défendons à travers nos précarité ». Cela, en ce sens
Macky Sall qu’une "force organi- films. Alors que notre économie qu’avec « les productions sénéga- Une alerte sur les dangers
RÉPRESSIONS POLICIÈRES SUR DES PROFESSIONNELS DES MÉDIAS du téléphone portable
La Cap dénonce les actes de violence
sur des journalistes
Le Ministre de l’Intérieur, Me Sidiki Kaba, a reçu, le 15 février, à « faire preuve de raison et de
la Coordination des associations de presse. À l’occasion, cette modération ».
structure a dénoncé les violences dont certains professionnels À l’issue de la rencontre, le Mi-
des médias ont récemment fait l’objet dans l’exercice de leur nistre de l’Intérieur, Me Sidiki
métier. Kaba, a salué la volonté de conci-
liation de la Cap, rappelé les mis-
sions des forces de l’ordre et re-
connu la légitimité de la colère
des membres de la presse. Il a
réaffirmé l’engagement de son
département et a promis de pren-
dre toutes les mesures nécessaires
pour éviter que de telles situa- APS - Le roman de l’écrivain révélateur de ce que je veux
tions ne se reproduisent. Le Di- bakélois, Moussa Badji, intitulé dire. C’est le monde que nous
recteur général de la Police na- « L’enfant iPhone », se veut une vivons, le monde du paraître.
tionale (Dgpn), l’Inspecteur « alerte », une « conscientisation Chez les jeunes quand tu n’as
général Seydou Bocar Yague a » et une « sensibilisation » sur le pas d’iPhone, tu n’existes pas
aussi rassuré les membres de la monde « du paraître » constaté », a déclaré Moussa Badji, dans
Cap. Il a attribué « certains abus chez de nombreux adolescents un entretien avec l’Aps. « Yas-
et bavures à la jeunesse des élé- dont la possession d’un télé- sine était envoûtée par le nu-
ments de la police opérant sur le phone, notamment la marque mérique (…). Pour elle, sortir
terrain, tout en dénonçant, ce- iPhone, reste un objectif à avoir avec un homme revient pour
Le Ministre de l’Intérieur, Me Sidiki Kaba (à droite), recevant une dé- pendant, certains manquements
légation de la Cap. à tout prix, a confié à l’Aps, son ce dernier de lui acheter un té-
des journalistes et techniciens des auteur. léphone iPhone. Son petit ami
Reçue par le Ministre de l’In- continuent de violenter des pro- médias », a-t-on précisé dans le Le livre de 181 pages, paru Issa va servir de ce vice pour
térieur, Me Sidiki Kaba, le jeudi fessionnels des médias, notam- communiqué. en fin janvier aux éditions « bafouer sa dignité », raconte
15 février 2024, la Coordination ment des femmes, déployés sur La rencontre s’est conclue par Souade Niang Author » basées l’auteur.
des associations de presse (Cap) le terrain pour juste exercer leur la remise officielle de la lettre de à Dakar, retrace l’histoire d’une Selon lui, le téléphone a fini
a déploré, la violence infligée sou- métier », lit-on dans le document. protestation de la Cap. D’autres lycéenne âgée de dix-sept ans d’imposer sa puissance sur la
vent aux professionnels des mé- Elle a aussi rappelé qu’au cours rencontres sont prévues avec les qui a toujours rêvé de posséder société sénégalaise, mais égale-
dias par les forces de défense et des quatre dernières années, les responsables de la Police natio- un iPhone pour être « heureuse ment de nous « coloniser ».
de sécurité dans l’exercice de leur relations se sont détériorées et nale afin de discuter de la mise » dans sa vie. Issue d’une famille Le roman, écrit en quatre
métier, nous apprend un com- les professionnels des médias sont en place d’un cadre de concerta- relativement aisée, Yassine, hé- parties, veut alerter, conscien-
muniqué de presse. Au cours de désormais pris pour cibles par tion, en vue de définir un proto- roïne principale, veut vaille que tiser et sensibiliser, mais aussi
cette rencontre, « la Cap a vigou- ceux-là mêmes qui sont chargés cole d’accord pour une cohabi- vaille obtenir un iPhone, qui a attirer l’attention des parents
reusement dénoncé les bavures de les protéger. tation pacifique entre la presse toujours été son objectif pre- sur le temps que les enfants res-
des forces de défense et de sécu- La Cap a fermement protesté et les forces de l’ordre sur le ter- mier durant toute sa période tent scotcher sur leur télé-
rité, en particulier de la Police contre cette situation anormale rain. d’adolescente. « Le titre est déjà phone, d’après l’auteur.
nationale, dont certains éléments et a appelé les forces de l’ordre Maguette Guèye DIÉDHIOU