Le Problème Final Author Arthur Conan Doyle
Le Problème Final Author Arthur Conan Doyle
Le Problème Final Author Arthur Conan Doyle
LE PROBLÈME FINAL
Les Mémoires de Sherlock Holmes
(décembre 1893)
Table des matières
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Je dois tout d’abord rappeler qu’après mon mariage, comme
je m’étais décidé à me consacrer sérieusement à mes malades,
mes relations avec Sherlock Holmes, jusqu’alors très intimes, se
trouvèrent sensiblement modifiées. Il faisait encore appel à moi
de temps en temps, lorsqu’il désirait que quelqu’un l’assistât dans
ses enquêtes, mais la chose devenait de plus en plus rare et je
constate qu’en 1890 je n’ai pris de notes que sur trois affaires
seulement. Durant l’hiver de cette même année et dans les
premiers jours du printemps de 1891, je vis dans les journaux
français que le gouvernement français avait confié à mon ami une
mission de toute première importance et je reçus de Holmes deux
courts billets, datés l’un de Narbonne et l’autre de Nîmes, qui me
donnaient à entendre que son séjour en France risquait de se
prolonger longtemps. C’est donc avec quelque surprise que, le 24
avril au soir, je le vis entrer dans mon cabinet. J’eus l’impression
qu’il était plus pâle et plus maigre que jamais.
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– Oui, me dit-il, répondant à ma question muette, je me suis
un peu surmené ces temps-ci. J’ai eu passablement à faire. Vous
ne voyez pas d’objection à ce que je ferme vos volets ?
– Exactement.
– Et de quoi en particulier ?
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– Il ne s’agit pas d’un pur esprit, comme vous pouvez le
constater, mais d’un être assez solide pour qu’on puisse se briser
les os sur lui. Mme Watson est à la maison ?
– Rigoureusement.
– Où, exactement ?
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s’en aperçut, s’assit dans un fauteuil et, les doigts entrecroisés et
les coudes sur les genoux, entreprit de m’exposer la situation.
– Jamais ! dis-je.
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par une intelligence exceptionnelle. Des bruits fâcheux coururent
bientôt sur lui dans l’Université, qui l’obligèrent à se démettre. Il
vint à Londres où il se mit à donner des cours destinés aux
officiers de l’armée. Cela, c’est ce que tout le monde sait. Ce que je
vais vous dire maintenant, c’est ce que j’ai découvert, moi.
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permettait d’affirmer qu’elle existait : j’entrepris de la combattre
de toute mon énergie, résolu à la démasquer et à la détruire.
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« J’ai les nerfs solides, Watson, mais je dois avouer que j’ai
reçu un choc quand j’ai aperçu, debout sur mon seuil, cet homme
qui si souvent a occupé ma pensée. Son apparence m’était déjà
familière. Il est très grand, mince, avec un vaste front bombé et
des yeux profondément enfoncés dans les orbites. Rasé, pâle, il a
une figure d’ascète et ses traits ont gardé quelque chose du
professeur qu’il a été. Il se tient légèrement voûté et ne cesse de se
balancer doucement de droite à gauche et de gauche à droite, un
peu – cette curieuse comparaison m’est venue à l’esprit – à la
manière des lézards. Les paupières plissées, il me dévisagea
longuement, avec une attention soutenue.
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« En le voyant entrer, j’avais immédiatement compris que la
situation présentait pour moi de graves dangers et, d’un geste
rapide, j’avais pris une arme dans mon tiroir, pour la glisser dans
ma poche, le canon pressé contre le drap et tourné vers mon
visiteur. Sa remarque me décida à poser mon revolver, tout armé,
sur la table. Il sourit. D’un air si inquiétant que je me félicitai
d’avoir une arme à portée de la main.
« – Tout ce que j’ai à vous dire vous est déjà passé par l’esprit
!
« – Absolument.
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« – Avez-vous une suggestion à faire ? demandai-je.
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C’est un duel entre vous et moi et vous vous figurez que vous
réussirez à m’amener dans le box des accusés. Permettez-moi de
vous dire que vous ne m’y verrez jamais ! Vous espérez me battre,
mais il n’en sera rien. Et, si vous êtes assez fort pour provoquer
ma ruine, tenez pour certain que je serai assez fort, moi, pour
vous écraser dans ma chute !
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avec la sobre précision d’un homme qui pense ce qu’il dit. Il ne
bluffait pas, c’était incontestable. Naturellement, vous me direz : “
Mais pourquoi ne le signalez-vous pas à la police ? ” Réponse :
parce que j’ai la conviction que ce n’est pas lui qui frappera, mais
un de ses agents. J’ai les meilleures raisons du monde d’en être
sûr.
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J’avais souvent admiré le courage de mon ami, mais jamais
plus qu’en cet instant où, calmement assis dans son fauteuil, il
récapitulait cette série d’incidents qui avaient fait de sa journée
quelque chose de terrible.
– Si c’est nécessaire.
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Cette adresse, vous la ferez connaître au cocher sur un morceau
de papier, que vous aurez soin de récupérer. Vous tiendrez tout
prêt le prix de la course et, dès que votre cab se sera arrêté, vous
vous engouffrerez sous l’Arcade, vous arrangeant pour arriver de
l’autre côté à 8 h 45 précises. Là, vous trouverez, vous attendant
au bord du trottoir, un petit coupé, conduit par un homme qui
portera un manteau noir à collet rouge. Vous grimperez dedans et
vous arriverez à Victoria à temps pour vous installer dans le
Continental Express.
– Où vous retrouverai-je ?
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Jusque-là, tout avait bien marché. Mes bagages m’attendaient
et je trouvai sans difficulté le compartiment que Holmes m’avait
indiqué et qui était d’ailleurs, dans tout le train, le seul sur les
vitres duquel on eut apposé une affichette portant le mot «
Réservé ». Mon seul souci était de ne point voir Holmes
apparaître. Sept minutes seulement nous séparaient de l’heure
fixée pour le départ et c’était vainement que je scrutais les
groupes, dans l’espoir de découvrir, parmi les voyageurs et ceux
qui étaient venus leur dire adieu, la mince silhouette de mon ami.
Je passai quelques instants à venir au secours d’un vénérable
prêtre italien qui, en très mauvais anglais, s’efforçait de faire
comprendre à un porteur que ses malles devaient être
enregistrées pour Paris. Après quoi, ayant encore une fois
inspecté le quai d’un coup d’oeil, je regagnai mon compartiment
pour m’apercevoir que le porteur, malgré l’affichette, nous avait
donné pour compagnon de voyage le vieil ecclésiastique
transalpin. Mon italien étant encore plus pauvre que son anglais,
il était inutile d’essayer de lui expliquer qu’il occupait une place
réservée. Je me résignai et m’approchai de la fenêtre, cherchant
des yeux mon ami. Je commençais à me sentir inquiet : son
absence ne signifiait-elle pas que quelque chose lui était arrivé
durant la nuit ? On fermait les portières et la locomotive sifflait.
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– Mon cher Watson, dit une voix derrière moi, vous n’avez
même pas daigné me dire bonjour !
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chemin dans la foule, tout en faisant de grands signes, comme s’il
avait eu l’espoir de faire arrêter la machine. Mais il était trop tard
: nous prenions déjà de la vitesse et, peu après, nous avions quitté
la gare.
– Pas encore.
– À Baker Street ?
– Il m’attendait.
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– Vous avez reconnu le cocher ?
– Non.
– Ce que je ferais.
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– Ce serait détruire le travail de trois mois. Nous tiendrions la
grosse pièce, mais les petits poissons se glisseraient à travers les
mailles du filet et nous échapperaient. Or, lundi, nous devrions
les coffrer tous. Non, l’arrestation est impossible.
– Alors ?
– Et après ?
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On apercevait au loin un filet de fumée, qui semblait s’élever
des bois déjà verdoyants du Kent. Une minute plus tard, une
locomotive attelée d’un unique wagon abordait à toute vitesse la
large courbe qui précède la gare. Nous eûmes tout juste le temps
de nous dissimuler derrière une pile de bagages quand elle passa
devant nous, dans un vacarme assourdissant. Holmes, souriant,
regardait le wagon tressauter sur tes aiguillages.
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déjeunons ici, encore qu’il soit un peu tôt, ou si nous risquons de
mourir de faim avant d’atteindre le buffet de Newhaven.
– Moriarty ?
– Ils ont bouclé toute la bande, lui excepté. Il s’est joué d’eux
comme il a voulu. Évidemment, moi parti, il ne restait personne
en Angleterre pour lutter contre lui avec des chances de succès.
Seulement, je me figurais leur avoir mâché la besogne. Je crois,
Watson, que vous feriez bien de rentrer à Londres.
– Mais pourquoi ?
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la neige, pour gagner Interlaken, d’où nous nous mîmes en route
pour Meiringen. Le paysage était adorable. Nous avions à nos
pieds tout le vert du printemps et, au-dessus de nous, l’éclatante
blancheur des neiges éternelles. Holmes, pourtant, n’oubliait pas
l’ombre qui planait sur lui. Aussi bien dans les aimables petits
villages des Alpes que dans les passes solitaires de la montagne, je
me rendais compte, aux regards furtifs qu’il jetait de droite et de
gauche, à la façon dont il scrutait les visages, qu’il restait
convaincu que, si loin que nous portassent nos pas, ils ne
pouvaient nous emmener assez loin pour qu’il nous fût possible
de nous dire hors de danger.
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plate-forme élevée, inspecta l’horizon du regard dans toutes les
directions. Notre guide nous assura qu’au printemps les chutes de
pierres n’étaient pas rares en cet endroit. Il perdait son temps.
Holmes, sans répondre, souriait, de l’air de quelqu’un qui voit ses
prévisions confirmées.
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montagne et aller passer la nuit au hameau de Rosenlaui. Il nous
avait bien recommandé de ne point passer à proximité des chutes
de Reichenbach, qui sont à mi-chemin du sommet, sans faire un
petit détour pour les voir.
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compatriotes agonisant en pays étranger. Pourtant, j’avais
scrupule à abandonner Holmes. Nous décidâmes finalement que
le jeune messager suisse resterait avec lui, pour lui tenir
compagnie et lui servir de guide, tandis que je regagnerais
Meiringen. Holmes me dit qu’il s’attarderait un instant encore
auprès des chutes et s’en irait ensuite tout doucement vers
Rosenlaui, où je le rejoindrais dans la soirée. Je m’éloignai. Me
retournant, j’aperçus Holmes, adossé, les bras croisés, à la paroi
rocheuse et regardant en bas, vers le gouffre. Je ne devais plus le
revoir en ce monde.
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mentalement qu’il était bien pressé, puis, songeant à la malade
qui m’attendait, pensai à autre chose.
– Ce n’est pas vous qui avez écrit ça ? Il n’y a pas ici une
Anglaise qui est malade ?
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Ce qui me glaçait de terreur, c’était cet alpenstock, qui me
prouvait que mon ami n’était pas allé à Rosenlaui. Holmes avait
dû rester là, sur cet étroit sentier, bordé d’un côté par une paroi
abrupte et de l’autre par un précipice, et c’était là que son ennemi
l’avait surpris. Aucune trace du jeune Suisse, bien entendu,
Moriarty l’avait payé, le gamin était parti, laissant les deux
hommes face à face. Que s’était-il passé ensuite ? Qui pourrait
jamais nous le dire ?
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Il était écrit, pourtant, que mon vieil ami m’adresserait un
dernier adieu. Revenant près de son alpenstock, je remarquai,
posé sur une saillie du roc, un objet qui brillait. J’avançai la main
: c’était l’étui à cigarettes en argent que Holmes avait l’habitude
de porter sur lui. Comme je le prenais, un petit papier carré
tomba par terre. Je le ramassai et, le dépliant, je constatai qu’il
s’agissait de trois pages arrachées à un carnet et à moi destinées.
Remarque caractéristique et qui peint l’homme, le texte était
aussi clair et l’écriture aussi nette que si, ce message, Holmes
l’avait rédigé dans le calme de son cabinet de travail. Ce billet, le
voici :
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final à notre différend. Il m’a exposé de façon sommaire les
procédés qu’il a mis en oeuvre pour échapper à la police
britannique et être, d’autre part, informé de nos mouvements. Ce
qu’il m’a dit m’a confirmé dans la très haute opinion que j’avais
de ses dons et de ses possibilités. Je suis heureux de penser que je
suis désormais en mesure de débarrasser la société de sa néfaste
présence, malheureusement, je le crains, à un prix qui
chagrinera mes amis, et vous tout spécialement, mon cher
Watson. Cependant, je vous ai déjà fait remarquer que, de toute
façon, ma carrière a atteint son apogée et que je ne pouvais
mieux la terminer que je ne vais le faire. Je vous avouerai, et ma
confession sera complète, que je n ‘ai pas douté un instant que la
lettre qui vous a été apportée de Meiringen était une
mystification et que je vous ai laissé partir très sûr de ce qui
allait se produire. Dites à l’inspecteur Patterson que les papiers
dont il a besoin pour faire condamner la bande se trouvent dans
le casier « M », enfermés dans une enveloppe bleue, marquée «
Moriarty ». J’ai pris, avant de quitter Londres, toutes mes
dispositions quant à ce que doivent devenir mes biens, que je
laisse à mon frère Mycroft. Présentez, je vous prie, mes
respectueux hommages à Mme Watson et croyez-moi, mon cher
vieux,
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que les preuves accumulées par Holmes firent toute la lumière
sur ses méfaits et que la main du mort s’appesantit lourdement
sur les complices de Moriarty. Du chef lui-même, il fut peu parlé
au cours des débats et, si je me suis trouvé dans l’obligation
d’écrire une relation exacte de ce que fut sa carrière, c’est
uniquement parce que des champions fâcheusement inspirés se
sont trouvés pour essayer de réhabiliter sa mémoire en attaquant
un homme que je regarderai toujours comme le meilleur et le plus
sage que j’aie connu.
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Toutes les aventures de Sherlock Holmes
Liste des quatre romans et cinquante-six nouvelles qui
constituent les aventures de Sherlock Holmes, publiées par Sir
Arthur Conan Doyle entre 1887 et 1927.
Romans
* Une Étude en Rouge (novembre 1887)
* Le Signe des Quatre (février 1890)
* Le Chien des Baskerville (août 1901 à mai 1902)
* La Vallée de la Peur (sept 1914 à mai 1915)
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* Le Tordu (juillet 1893)
* Le Pensionnaire en Traitement (août 1893)
* L’Interprète Grec (septembre 1893)
* Le Traité Naval (octobre / novembre 1893)
* Le Dernier Problème (décembre 1893)
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* Le Vampire du Sussex (janvier 1924)
* Les Trois Garrideb (25 octobre 1924)
* L’Illustre Client (8 novembre 1924)
* Les Trois-Pignons (18 septembre 1926)
* Le Soldat Blanchi (16 octobre 1926)
* La Crinière du Lion (27 novembre 1926)
* Le Marchand de Couleurs Retiré des Affaires (18 décembre.
1926)
* La Pensionnaire Voilée (22 janvier 1927)
* L’Aventure de Shoscombe Old Place (5 mars 1927)
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À propos de cette édition électronique
Texte libre de droits
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- Source :
http://www.bakerstreet221b.de/main.htm pour les images
http ://www.sherlock-holmes.org/
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– Qualité :
Les textes sont livrés tels quels sans garantie de leur intégrité
parfaite par rapport à l’original. Nous rappelons que c’est un
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travail d’amateurs non rétribués et nous essayons de promouvoir
la culture littéraire avec de maigres moyens.
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