S. Droit Des Obligations Vol. I MULENDA

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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

AVERTISSEMENT
Le cours de droit civil des obligations impressionne. Tant par
son abondance que par sa complexité. Celle-ci étant déduite de son aspect très
technique. En effet, l’enseignement de droit civil des obligations est truffé de
nombreuses notions subtiles dont la maitrise implique un inlassable effort de lecture et
de relecture. Aussi, l’étudiant devra –t- il régulièrement mettre ses notes à jour afin
d’en faciliter la lecture, l’analyse et l’assimilation. Il s’agit là d’un travail méthodique,
assidu et permanent qui ne peut se réaliser dans une tour d’ivoire personnelle.

Car, s’il peut être recommandé à chaque étudiant de se livrer


préalablement à un travail personnel et singulier d’assimilation des notions apprises,
celui-ci ne peut se suffire à lui-même. L’apport des autres condisciples et surtout du
groupe est capital. Grâce au travail en groupe, en effet, l’étudiant peut être en mesure
de jauger ses connaissances en les confrontant à celles des autres. Ce qui lui permettra
d’en apprécier les mérites, d’en déceler les déficiences et insuffisances afin de rectifier
éventuellement le tir. C’est autant dire que le travail en groupe rassure l’étudiant de ce
qu’il connaît déjà et favorise en même temps son émulation. Obligé qu’il est, de
fournir des efforts nécessaires pour atteindre le niveau des autres et de se mettre à leur
diapason, surtout lorsqu’il constitue « le maillon faible » du groupe.

Cependant, le mérite du travail collectif ne peut être poussé à


l’excès d’autant qu’il peut, si l’on ne prend garde, se transformer en un véritable
cauchemar et ne pas produire les résultats escomptés. C’est le cas notamment lorsque
le groupe d’étude constitué est trop large, moins organisé et moins discipliné qu’il finit
par prendre la forme d’une confrérie ou d’un club d’amis où les causeries et les
bavardages prennent les pas sur le travail scientifique proprement-dit. Un groupe
restreint composé de trois, quatre voire cinq étudiants s’avère utile, efficient et plus
performant qu’un ensemble de dix, quinze ou vingt personnes.

Par ailleurs, face à un enseignement aussi volumineux que


tentaculaire qu’est le droit des obligations, l’étudiant désireux de maximiser ses
chances de réussite à la fin de l’année devra, autant que faire se peut, avoir la maitrise
d’autres disciplines car le droit des obligations constitue la base de beaucoup d’autres
enseignements (droit des affaires et droit économique par exemple) en même temps
qu’il s’est, au fil du temps, enrichi des apports d’autres matières qui en modifient
passablement la physionomie (droit du travail, les libertés publiques et
particulièrement les droits de l’homme). Dans le même sens, il est recommandé à
chaque étudiant d’intégrer dans son « langage parlé » certains concepts obligationels
de façon à ne pas les oublier et surtout pour gagner du temps en périodes d’épreuves
en concentrant ses efforts sur des notions non ou moins assimilées. Les concepts
fréquemment utilisés étant définitivement gravés dans la mémoire.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi, au lieu de se contenter des termes ordinaires tels que :


« héritiers, débiteur ou créancier », l’étudiant parlera volontiers d’ « ayants cause à
titre universel, de solvens ou de l’accipiens ». Ces concepts évocateurs de beaucoup
d’autres notions obligationnelles (autonomie de la volonté, paiement, remise de dette,
subrogation, relativité des contrats) devront lui permettre de garder également frais
dans la mémoire les notions subséquentes susvisées sans qu’il soit obligé d’y revenir
de temps en temps, surtout en période de blocus.

Enfin, l’usage du Code civil congolais livre III s’avère


nécessaire à la vérification des prescrits des dispositions légales étudiées.

Un homme avertis en vaut deux ! Il m’était, dès l’abord,


impossible de passer sous silence ces quelques conseils qui, je l’espère, devront aider
les étudiants à mieux affronter l’enseignement de droit civil des obligations afin de
garantir leur chance de réussite à la fin de l’année académique.

A bon entendeur salut !

Prof. Associé MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL


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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

DROIT CIVIL DES OBLIGATIONS

INTRODUCTION GENERALE
Le mot « obligation » n’est pas, pour les étudiants de deuxième
année de graduat en droit, un concept nouveau. Il a déjà été rencontré dans l’étude des
principales branches du droit privé1, particulièrement dans la distinction entre le droit
personnel ou droit de créance et le droit réel. Le premier, on le sait, permet d’établir un
rapport entre deux personnes liées par un engagement quelconque (obligation, dette),
tandis que le second (droit réel) crée un rapport direct et immédiat entre une personne
et une chose.

Il ne sera donc pas question, dans cette introduction générale,


d’étudier « l’obligation » en tant que face passive du droit de créance 2. Ce concept sera
ici envisagé dans sa nature c’est-à-dire, dans ce qu’est en réalité la notion de
l’obligation (section I) et dans ses principales classifications (section II). Car, au cœur
de cet enseignement réside le terme obligation dont il importe, en vertu de sa
polysémie, d’en préciser exactement le sens.

Section I : La notion d’obligation


L’étude de la notion d’obligation impose de passer en revue
plusieurs questions liées notamment à son importance, à son siège ou à sa place dans le
Code civil, à ses liens avec d’autres branches du droit, à sa définition ainsi qu’aux
parties en cause.

§1 : Importance du droit des obligations


Le droit civil des obligations3 est une branche du droit privé dont
l’importance n’est plus à démontrer tant du point de vue théorique que pratique.

Sur le plan théorique, le droit des obligations revêt d’abord un


intérêt tout particulier par la diversité des questions qu’il aborde. Il traite
successivement des contrats et des autres sources des obligations (délits, quasi-délits et
quasi-contrats) ; des modalités des obligations et obligations complexes, des modes de
transmission et d’extinction des obligations à quoi s’ajoutent la preuve des obligations

1
Voir, a cet effet, PINDI MBENSA KIFU, cours polycopié d’Introduction générale à l’étude du droit privé,
UNIKIN, 2003-2004. p.47.
2
JEAN CARBONNIER, « Droit civil : les obligations », T.IV, PUF, 1994, p.17.
3
Voy M. PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, t, II, Paris, Librairie Cotillon,1900, p.55 et s. H. DE PAGE
Traité élémentaire de droit civil belge, t. II, 3éd, Bruxelles, BRUYLANT,1964, p.389 et s. ; J. FLOUR, J.L
AUBERT et E. SAVAUX, Droit civil. Les obligations, vol I, L’acte juridique, 9 éd, Paris, ; A. COLIN, 2000, p.1
et s ; A. BENABENT, droit civil les obligations, 3e éd. Montchrestien, Paris, 1991, p. 1 et s, A. SERIAUX,
Manuel de droit des obligations, 1éd, PUF, 2006, p.11 et s. P WERY, Droit des obligations, vol 1, Théorie
générale du contrat, éd Larcier, 2010 p. 9 et s.
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et les garanties générales du droit de créance. Autant des questions qui donnent à cet
enseignement « des vertus formatives », du reste, reconnues par la doctrine.

Ainsi, Marcel PLANIOL, le grand civiliste Français, a-t-il pu


écrire dans son Traité élémentaire de droit civil que « la matière des obligations a
un caractère qui lui est propre : elle est la plus théorique de toutes les parties du droit.
C’est elle qui forme le domaine principal de la logique juridique et, c’est pourquoi,
elle plait à ceux qui aiment à raisonner à la façon des mathématiciens ; pour elle
surtout, le « mos geometricum » dont parlait Leibniz peut se donner carrière »4. Mais
l’auteur s’empressait d’ajouter : « sans doute, il y faut du raisonnement, mais non pas
d’une manière exclusive ni même prépondérante, l’interprète du droit a surtout besoin
d’esprit d’observation et d’équité »5.

Outre son caractère scientifique accentué, le droit des obligations


permet de développer chez les étudiants l’esprit de rigueur et de précision. Car, ses
principes de base revêtant souvent un caractère international sont élaborés suivant une
logique et une symétrie rigoureuses6. Par ailleurs, perméables aux évolutions
philosophiques, sociales, économiques et politiques du monde, le droit des obligations
met en exergue le caractère dialectique de la pensée juridique et consacre par là la
relativité du phénomène juridique.

Le droit, note P. WERY, est par essence, traversé de courants


d’idées et de valeurs qui sont souvent difficilement conciliables. Ainsi, la sécurité
juridique statique de la convention-loi doit-elle en droit des obligations composer avec
la sécurité dynamique des transactions de façon à ne pas compromettre les échanges
considérées à l’heure actuelle comme l’âme du mouvement économique7.

De même, le principe de la liberté contractuelle connait de plus


en plus des limitations au regard des impératifs liés à la protection de l’ordre public,
des bonnes mœurs et même de la partie contractuellement la plus faible.

Si l’importance théorique du droit des obligations n’est donc pas


sujette à caution, il ne peut en être autrement de son intérêt pratique. Le droit des
obligations est au cœur de la vie juridique de tous les citoyens et de toutes les
personnes juridiques. En effet, chaque jour les gens concluent des contrats (louer une
maison, prêter ou emprunter de l’argent, acheter un pain, prendre un transport en
commun, etc.) tandis que d’autres risquent de voir engager leur responsabilité civile
4
M. PLANIOL, op cit, préface, p. VIII. Ce propos a été repris par G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité
élémentaire de droit civil de Marcel PLANIOL, revu et complété, t .II, 3e éd, Paris, LGDJ, 1949, pp. 2 et 3.
5
ibidem.
6
Ceci justifie le fait notamment que ce droit ait pu faire l’objet d’une codification internationale sur certains
points (vente internationale, par exemple.) Plus que tout autre domaine du droit, le droit des obligations est
soustrait à l’emprise des particularismes nationaux. Cosmopolite, il s’intéresse aux rapports entre particuliers
quant à leurs biens privés indépendamment de leur qualité de citoyens de tel ou tel Etat.
7
A. BENABENT, op cit, p.203.
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suite aux dommages causés à leurs semblables. La théorie des obligations fournit sur
toutes ces questions des principes de solution dont l’assimilation devra permettre à
chaque étudiant comme, du reste, à toute personne, de mieux assurer la défense de ses
intérêts en justice en tant que demandeur ou défendeur. C’est dire combien cette
discipline du droit positif congolais revêt une importance considérable et que
l’étudiant doit pouvoir l’apprendre non pas pour l’école mais pour la vie (non scolae
sed vitae discumus).

§2 : Origine et place du droit des obligations en droit civil et dans le Code


civil

1. Origine du Droit Congolais des obligations


Le droit congolais des obligations est issu du droit étranger,
particulièrement du droit franco-belge. C’est à la suite de la colonisation de la
Belgique par la France que les règles du droit français ( celles du Code Napoléon de
1804) firent leur entrée en Belgique avant d’être transposées au Congo belge, actuelle
République Démocratique du Congo( RDC).

On se souviendra en effet que depuis l’acte de Berlin de févier


1885 où les grandes puissances se sont partagées les zones d’influence en Afrique,
l’’actuelle R.D Congo fut, pour des raisons de commerce, érigée en Etat Indépendant
du Congo (EIC) dont l’administration fut confiée à Léopold II, roi des Belges. Ce
dernier, contraint de se soumettre aux exigences des grandes puissances relatives
notamment à la reconnaissance de la souveraineté du jeune Etat (E.I.C), fut obligé de
transposer au Congo les règles du droit belge, elles-mêmes, inspirées du droit
Français8.

Ainsi, par le décret du 30 juillet 1888, Léopold II promulgua le


livre des obligations intitulé : « Des contrats ou des obligations conventionnelles en
général »9. Ce livre comprenant 660 articles est un calque du droit belge. Il reproduit
exactement le livre III du Code civil belge à l’exception des matières relatives aux
testaments, aux régimes matrimoniaux, successions et libéralités 10, sans oublier la
preuve des obligations (article 217) et la législation relative à la lésion (article 131bis).

En tant que première législation introduite au Congo bien avant


celle relative aux personnes11 et aux biens12, le livre des obligations devrait
8
Sur le contenu de ces exigences, Voy notamment A. SOHIER, Droit civil du Congo, T.II, Brux, Lauier, 1956.
9
B.0.1888, p. 109 et Code Piron, 8è éd., 1960, I, pp 98 et s.
10
Ces matières sont actuellement régies par le Code de famille dans le livre trois : « De la Famille»et dans le
livre quatre : « Des successions et des libéralités ».
11
Décret du 4 mai 1895, Code Piron, 1960 pp.50 et s. Le décret du 04 mai 1895 a été modifié par la loi n°87/010
du 1/08/1987 portant Code de la famille.
12
Le livre des biens date de 1912 (décret du 31 juillet 1912, B.0, 1912 p.799). Ce livre ainsi que les textes
législatifs relatifs au droit foncier pris pendant la période coloniale ont été abrogés par la loi n°73/021 du 20
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normalement être classé en première position dans le Code civil Congolais n’eut été la
volonté de Monsieur Octave LOUWERS, premier auteur des Codes auquel a succédé
Monsieur P. Piron, de suivre la présentation du Code Napoléon. C’est pourquoi ce
livre est aujourd’hui placé en troisième position (Livre III) après le livre des personnes
(Code civil congolais Livre I, aujourd’hui Code de la famille) et celui des biens (Code
civil Congolais Livre II, aujourd’hui loi foncière).13

2. Place du Droit des obligations en Droit civil et dans le Code civil


a) En Droit civil

Pour déterminer la place du droit des obligations en droit civil, il


est important de se référer à la subdivision des droits subjectifs établie par la doctrine.
Cette dernière classe ces droits en droits extra- patrimoniaux ou moraux d’une part
et, les droits patrimoniaux ou pécuniaires d’autre part. Les premiers ne sont pas
évaluables en argent en raison de leur attachement à leur auteur (droit au nom, droit à
la vie, droit de paternité, etc.). Les derniers ont une valeur monétaire parce qu’ils font
partie d’une entité plus large appelée « patrimoine » (ensemble des biens et dettes
d’une personne).

Les obligations appelées aussi droits de créance ou droits


personnels font partie des droits patrimoniaux14 parce qu’elles ont pour but de
satisfaire les besoins économiques du créancier au moyen de la prestation que doit lui
fournir le débiteur. Cette prestation consiste généralement à donner, à faire ou à ne pas
faire quelque chose.

Le droit de créance (obligation ou droit personnel) est donc un


droit subjectif patrimonial parce qu’il constitue une valeur (un bien) dans le patrimoine
de son titulaire (élément de l’actif). Et c’est la raison pour laquelle il peut faire l’objet
des transactions les plus diverses (vente, donation) et même se transmettre par
succession. En effet, ceux qui recueillent le patrimoine d’une personne profitent de ses
créances et sont tenues de ses dettes.

Mais, bien que constituant un bien, une valeur économique, le


droit de créance ou obligation ne peut être confondu au droit réel. Ce dernier se
caractérise par certains attributs qui lui sont propres : un droit de suite et un droit de

juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régimes des suretés telle que
modifiées par la loi n° 80/008 du 18 juillet 1980.
13
A cet égard, on pourra lire dans le Code Piron ce qui suit : « le décret du 30 juillet 1888 est précédé d’un
préambule conçu comme suit (…) 1. Formeront le livre premier du Code civil : des contrats ou des obligations
conventionnelles, les Titres I à XII dont le texte est annexé au présent décret comprenant 660 articles ». Mais les
rédacteurs du Code s’empresseront d’ajouter : « on le voit, nous n’avons pas respecté l’ordre indiqué par le
législateur, cet ordre n’étant plus logique depuis l’adjonction au Code civil des autres livres » (Code Piron, op.
cit, p.83).
14
Au même tire que les droits réels et les droits intellectuels.
7
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préférence. Par ailleurs, au contraire du droit de créance qui est un droit relatif parce
que le créancier ne peut réclamer sa prestation qu’au débiteur et à lui seul (sauf
opposabilité aux tiers des obligations en tant que faits sociaux) 15, le droit réel est un
droit absolu opposable erga omnes.

Toutefois, on ne peut exagérer l’opposition entre le droit de


créance (obligation) et le droit réel parce qu’il existe de nombreuses passerelles entre
les deux notions.16

b) Dans le Code civil

Les dispositions du Code Civil Congolais relatives au Droit des


obligations sont reprises au livre III du Code civil intitulé : « Des contrats ou des
obligations conventionnelles en général »17. Le législateur y a consacré deux titres à la
matière des obligations (TITRE I : Des contrats ou des obligations conventionnelles en
général « articles 1-245 » et TITRE II : Des engagements qui se forment sans
convention « articles 246-262 »). Le TITRE XII relatif à la prescription (articles
613-659) se rapporte également à notre propos ainsi que les articles 352 à 358 ayant
trait à la cession de créance et qui se trouvent exposés dans un chapitre du contrat de
vente (Chap. VII).

Les autres titres sont quant à eux consacrés à l’étude des


contrats spéciaux ou principaux contrats usuels dont l’enseignement, en droit civil,
vient généralement à un autre moment. C'est-à-dire, après celui du droit commun des
obligations (article 1 à 262 du CCC LIII) 18. Les principaux contrats usuels régis par le
Code sont respectivement la vente (Titre III), l’échange (Titre IV), le louage (Titre V),
le prêt (Titre VI), le dépôt et le séquestre (Titre VII), le mandat (Titre VIII), le
cautionnement (Titre IX), les transactions (Titre X) et le gage (Titre XI).

L’importance de la volonté humaine dans la création des


obligations a poussé le législateur à consacrer plus de dispositions aux obligations
conventionnelles en réduisant à une infirme portion les articles se rapportant aux autres
sources d’obligations. Ainsi plus de 200 articles ont été consacrés aux obligations
contractuelles et moins d’une vingtaine aux secondes (articles 246 à 262 du CCCLIII).
Néanmoins, on ne saurait soutenir, au risque d’être contredit, que toutes les

15
Ch. LARROUMET, Les obligations. Le contrat, t III, 2003,5éd. Paris, Ed. Economica, pp. 17-19.
16
Les droits réels accessoires( gage, hypothèque, privilège) servent de garantie à la bonne exécution d’une
obligation et celle-ci peut en tant que bien faire l’objet d’une appropriation (Voy V. SAGAERT, « Les
interférences entre le droit des biens et le droit des obligations : une analyse de l’évolution depuis le code civil »,
in Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du code civil, ouvrage collectif sous la direction de P.
WERY, Bruxelles, la charte,2004 pp.353-396. D’où on peut parler du « propriétaire ou titulaire » de la créance.
17
Cet intitulé est différent de celui du livre III du Code civil Belge ainsi libellé : « Des différentes manières dont
on acquière la propriété ».
18
Depuis la dernière réforme du programme d’enseignement en Droit, les contrats usuels font désormais partie
du cours de droit des obligations.
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dispositions ayant trait aux obligations conventionnelles demeurent spécifiques à


celles-ci. Nombreuses sont celles qui s’appliquent à tous les engagements quelle qu’en
soit l’origine. Il en est ainsi des dispositions relatives au terme et à la condition, à la
preuve des obligations (à l’exception de celles relatives à la preuve écrite
préconstituée, lesquelles s’appliquent aux actes juridiques) et aux modes d’extinction
des obligations.

§3. Liens avec d’autres branches du Droit


Sans préjudice de ce qui a été dit précédemment au sujet de son
importance pratique, la théorie des obligations fournit des principes de solution aux
autres branches de droit. De même, elle a, au fil du temps, été enrichie de nombreux
apports qui en modifient passablement la physionomie19.

On ne peut, en effet, négliger les incidences de la théorie des


obligations sur le droit des affaires, le droit économique, le droit de la famille,
(notamment en ce qui concerne l’obligation alimentaire et les obligations entre époux),
le droit des biens (obligation de voisinage, par exemple), le droit commercial (dans ses
diverses branches : droit des sociétés, droit maritime, droit des assurances, etc.). et le
droit public. A tel enseigne que, comme l’affirmaient tout récemment W. Van Gerven
et S. Covemaeker, le droit des obligations est souvent considéré comme la matière
reine du Droit privé)20

Par ailleurs, les liens entre le droit des obligations et les libertés
publiques au premier rang desquelles figurent les droits de l’homme ne peuvent être
occultés. Ces droits doivent être respectés tant par les pouvoirs publics (Etat) que par
les parties contractantes sous peine de voire invalider les engagements fondés sur leur
méconnaissance21.

Enfin, de nombreuses coutumes et usages apportent


d’importantes dérogations au droit commun des obligations. L’illustration peut en être
fournit en matière commerciale où la solidarité passive est présumée entre deux
débiteurs contractuels tenus en la même chose.

§ 4. Définition de l’obligation civile


Le Code civil congolais comme du reste ceux qui l’ont inspiré 22,
ne définit pas la notion de l’obligation civile. C’est la doctrine qui a eu le mérite d’en
19
P. WERY, op cit. p.12 Les dispositions spéciales qui régissent ces branches imprégnées par le droit des
obligations sont considérées comme des dérogations au droit commun dont la vocation consiste à régenter tous
ce qui n’est pas pris en charge par des lois spéciales.
20
W. Van Gerven et S. Govermaeker, cités par P. WERY, op cit, p.10.
21
A. VANDEBURIE, coupures d’eaux, de gaz et d’électricité : ca suffit ! L’article 23 de la Constitution à la
rescousse des besoins énergétiques fondamentaux, note sous J.P Monsron- Comines- warneton, 24 mai 2004,
R.G.D.C, 2008, p.274 et S.
22
A savoir, les Codes français et belge.
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préciser les contours en se référant à la définition contenue dans les Institutes de


Justinien : « obligatio est iuris vinculum quo, necessitate adstringimur alicuius
solvendae rei secundum nostrae civitatis iura »23.

Avant d’examiner cette définition qui nous intéresse dans le


cadre de cet enseignement, il est important de noter que le terme « obligation » est
parmi ceux qui revêtent plusieurs sens ou acceptions (caractère polysémique). Une
vue d’ensemble de ces différentes acceptions s’impose afin de permettre un
approfondissement de la notion étudiée.

En effet, en dehors du droit civil, le terme « obligation » se


retrouve dans le langage courant, en droit commercial et même dans la pratique
notariale.

Dans le langage courant où il est considéré dans son acception


la plus générale, le mot « obligation » désigne de manière générale tout devoir
incombant, en vertu de la loi, de la morale ou des règles les plus diverses, à un
individu sans que celui-ci soit tenu à l’égard d’une personne déterminée qui serait son
créancier. Ainsi en est-il du devoir de payer l’impôt (obligation fiscale), de respecter
les aînés (obligation morale), de se rendre au culte le dimanche (obligation religieuse),
d’arriver à temps au travail (obligation professionnelle), de surveiller les enfants
mineurs habitant chez soi (obligation juridique), de rouler à droite pour l’automobiliste
(obligation imposée par le code de la route), de ne pas pénétrer dans la propriété
d’autrui (obligation juridique), etc.24.

On observe là une hypertrophie du concept obligation qui tend à


ramener dans son giron une multitude de devoirs (juridiques, religieux et moraux)
dépourvus de tout rapport de créancier à débiteur.

Par ailleurs, le juriste-civiliste français J. CARBONNIER signale


l’existence des devoirs spéciaux créateurs d’obligation lato sensu dans
l’accomplissement des actes et formalités obligatoires. La loi, écrit-il, impose souvent
d’accomplir un acte ou une formalité, ou de l’accomplir dans un certain délai, sous
peine de ne pas acquérir un droit, ou d’encourir une déchéance. De là, semble résulter
une obligation lato sensu à la charge de la personne intéressée25.
23
P. PICHONNAZ, Les fondements romains du Droit privé, Genève-Zurich-Bâle, Schulthess Médias juridiques,
Paris, L.G.D.J, 2008, p.333 et S. l’obligation est un lien de droit par lequel nous sommes tenus par la nessecité
de payer une certaine chose.
24
Les trois derniers devoirs sont qualifiés par le juriste civiliste français J. CARBONNIER « d’absolus » parce
qu’ils sont établis dans l’intérêt de tous, ou du moins, dans un intérêt déterminé. Ils sont la traduction, observe-t
–il, des devoirs que la loi impose à chaque homme envers tous ses semblables (Voy J. CARBONNIER, Droit
civil, t IV, les obligations, 22éd, Paris, PUF, 2000, p. 28.
25
Exemple, obligation pour le maitre de l’ouvrage d’intenter son action contre l’entrepreneur, du chef des vices
rédhibitoires, dans un délai de 10 ans. Passé ce délai, l’action sera déclarée irrecevable et le maitre de l’ouvrage
déchu de son droit à cette action. (Voy J. CARBONNIER, op. cit, p.28). D’autres exemples sont à rechercher
dans le domaine des assurances. Ainsi l’Assuré a l’obligation de déclarer le sinistre à l’assureur dans un certain
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La particularité de ces obligations lato sensu est qu’elles ne


peuvent faire l’objet d’une condamnation à l’exécution en nature laquelle serait suivie
d’une exécution forcée en nature. En cas de défaillance dans l’accomplissement des
dites obligations la sanction est le plus souvent la déchéance d’un droit ou
l’irrecevabilité de l’action en justice26.

Faute d’un terme approprié, la doctrine (française et belge) a pu,


sous l’influence de M. FONTAINE27, qualifier ces devoirs spéciaux :
d’ « incombances ». Il s’agit d’un concept emprunté au droit suisse 28 et que le
vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant définit comme « une charge, un
devoir dont l’inobservation expose son auteur non à une condamnation, mais à la
perte des avantages attachés à l’accomplissement du devoir ».

Tout récemment un auteur français, F. Luxembourg, a cru voire


dans l’incombance « L’exigence de diligence ou de probité imposée pour conserver
le bénéfice d’un droit, dont le seul non respect, bien que ne pouvant faire l’objet
d’une exécution forcée ni d’une action en réparation, est toutefois, juridiquement
sanctionné ». L’incombance se distingue ainsi de l’obligation civile en ce que sa
méconnaissance ne peut justifier une action en exécution forcée et ne donne pas lieu,
en principe, à réparation29. Le défaut d’exécution forcée rapproche par ailleurs,
l’incombance de l’obligation naturelle quand bien même l’inexécution de cette
dernière obligation n’entraîne pas des sanctions juridiques alors que la violation d’une
incombance emporte la déchéance d’un droit. Faut-il noter enfin que la notion
d’incombance dont le régime juridique n’est pas encore suffisamment construit se
rapproche du concept juridique de déchéance. D’où certains auteurs en contestent, la
pertinence30.

D’autres sens du mot « obligation » visés par le droit sont plus


étroits et précis.

En droit commercial, ce terme désigne : « un titre négociable


(nominatif ou au porteur) qui représente la part de créance qu’a son titulaire dans un
emprunt fait sous cette forme par une société commerciale (C.A.A, B.C.D.C) ou par
une collectivité publique (Etat)31. Autrement-dit, l’obligation est un titre qui constate
délai. Ce dernier ne peut l’y contraindre en cas de défaillance.
26
Voir les exemples ci- haut cités.
27
M. FONTAINE, « le droit du contrat à l’écoute du droit comparé », in Liber Amicorum Michel Coipel,
Waterloo, Kluwer, 2004, pp.305-307.
28
Outre le système juridique suisse, la notion d’incombance est aussi consacrée en droit allemand. Elle est ici
traduite par le concept « obliegenhirtem ».
29
F. LUXEMBOURG, La déchéance des droits. Contribution à l’étude des sanctions civiles, préface A. GHOZI,
Paris, éd. Paris Assas, 2007, N°1168. Dans une échelle décroissante quant au caractère contraignant,
l’incombance se situe entre l’obligation civile et l’obligation naturelle
30
B. LABBE : « L’incombance : un faux concept, R.R.J, 2005, p.183 et s.
31
JULLIOT de la MORANDIERE, Précis de Droit civil, T.II., 3è éd. DALLOZ, Paris, 1964, n°257. Ainsi en est-
il des emprunts obligatoires émis par une société par Action à responsabilité limitée (SARL).
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un prêt consenti à une société par une personne moyennant un intérêt qui doit être
versé quels ques soient les résultats, bénéficiaires ou non, de l’emtreprise. Il est
d’ailleurs fréquent de voir l’Etat ou les entreprises lancer des emprunts obligataires
dans le public. On dira alors que l’on a en portefeuille des bons de trésor ou des
obligations, SNL, ONATRA, REGIDESO, ou autres.

Dans la pratique notariale, le mot obligation désigne « une


reconnaissance de dette constatée par un acte notarié32 ».

Revenant maintenant au sens qui nous intéresse, à savoir, le sens


civil, on peut définir l’obligation civile comme étant « un lien de droit (vinculum juris)
entre deux personnes (au moins) en vertu duquel l’une d’elles, le créancier, peut
exiger de l’autre, le débiteur, une certaine prestation »33.

Créancier Lien de droitDébiteur


Vinculum jurisaw
A B B

Cette définition assez technique appelle quelques commentaires


que l’on peut résumer en quatre points :

a) L’obligation civile est un lien de droit ;


b) L’obligation civile donne lieu à des prestations qui peuvent avoir plusieurs
objets ;
c) L’obligation civile fait du débiteur une personne obligée dont la situation tire sa
source soit de la loi, soit de la jurisprudence ;
d) L’obligation civile se distingue par son caractère contraignant.

Examinons successivement ces différents points.

a) L’obligation civile est un lien de droit (vinculum juris).


Cela veut dire que l’obligation civile désigne un rapport
juridique reconnu par l’appareil étatique et protégé par lui. Il s’agit d’une sorte de
chaine (vinculum juris) liant les parties et sanctionnée par les tribunaux de l’Etat.
Ainsi, lorsqu’un locataire s’abstient de payer les loyers convenus ou lorsqu’un
32
P. WERY, op cit. p.17. cela permet de mieux comprendre pourquoi le législateur congolais soumet à une
courte prescription, les dettes non constatées par écrit (art 654). Celles-ci sont fondées sur la présomption de
paiement.
33
P. WERY, op cit, p.13.
12
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

dépositaire refuse de restituer la chose due, il peut être attrait en justice et être obligé
de s’exécuter.

Le rapport juridique entre créancier et débiteur caractérise donc


l’obligation civile qui, selon la conception classique ou moniste, n’est définie qu’au
regard du seul élément (la dette). Alors que la conception dualiste développée surtout
en Allemagne voit, dans l’obligation civile, un lien de droit envisagé sous ses deux
faces : un droit de créance, lorsque l’obligation est abordée du côté du créancier et, une
dette (debitum) lorsqu’ elle l’est du côté du débiteur.

En pratique cependant et même dans la littérature juridique, le


terme « obligation » est souvent considéré comme synonyme de dette (côté passif de
l’obligation). C’est pourquoi, parlant des obligations de l’acheteur, par exemple, le
Code civil dit « qu’il a l’obligation d’acquitter le prix (de la chose vendue) aux jour et
au lieu réglés par la vente »34. Le législateur, lui-même, entend d’ailleurs souvent le
concept obligation dans le sens de la dette. Exemples, obligations du vendeur ;
obligations de l’acheteur.

b) L’obligation civile donne lieu à des prestations qui peuvent avoir plusieurs
objets ;

Comme nous le verrons plus tard à propos de la notion du


contrat, le législateur du Code civil a dans sa formulation crée une certaine confusion
entre ce concept (contrat) et celui de l’obligation. Car, la définition contenue dans
l’article 1er du livre III du Code civil se rapporte plus à l’obligation qu’au contrat. Or,
comme l’a si bien souligné H. DE PAGE 35, les deux notions ne peuvent être
confondues parce qu’elles se situent sur des plans différents : le contrat a pour effet de
créer des obligations (c’est l’une des sources des obligations) tandis que l’obligation
donne lieu à des prestations (ce que l’on doit accomplir en vertu d’une obligation) 36.
Ce sont donc ces prestations qui ont chacune un objet.

La doctrine a, de nos jours, tendance à regrouper en trois


catégories, les prestations auxquelles peut donner naissance une obligation. Les
obligations, dit-elle, peuvent consister dans le fait, soit de donner (obligation de dare),
soit de faire (obligation de facere), soit de ne pas faire (obligation de non facere)
quelque chose. Nous y reviendrons en détail plus tard. Mais, retenons des à présent,
que le législateur lui-même confirme cette distinction lorsqu’à l’article 1 er du livre III
du Code civil, il stipule que : « le contrat est une convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à
ne pas faire quelque chose ».
34
Article 327 du C.C.C LIII.
35
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit Civil Belge, t II, 3e éd., Bruxelles, Bruyant, 1964, p.389 et s.
36
L’obligation est donc l’effet du contrat qui en est sa cause (mais pas la seule).
13
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

c) L’obligation civile fait du débiteur une personne obligée dont la situation


tire sa source soit de la loi, soit de la jurisprudence ;

L’état d’obligé qui contraint le débiteur à exécuter une prestation


au profit du créancier n’est pas le fruit du hasard. Il tire sa source soit de la loi (article
246 du CCCLIII), soit de la jurisprudence (engagement par déclaration unilatérale de
volonté, enrichissement sans cause, théorie de l’apparence, etc.), soit, enfin, de certains
contrats qui, sans être générateurs d’obligations, produisent néanmoins des effets
juridiques (par exemples, les conventions modificatives et extinctives de droit).

Si le demandeur ne peut faire reposer sa prétention sur l’une de


ces sources, il doit en être débouté.

d) L’obligation civile se distingue par son caractère contraignant.

C’est le caractère contraignant qui fait de l’obligation civile un


véritable lien de droit (vinculum juris). Autrement dit, le lien obligationel est un lien
reconnu et sanctionné par l’Etat (pouvoirs publics). Il oblige le débiteur à exécuter
sa prestation en faveur du créancier et donne droit à ce dernier à la protection de
l’appareil étatique (les tribunaux de l’Etat et la force publique) en cas de défaillance du
premier. En effet, lorsqu’un acheteur s’abstient de payer le prix de la chose vendue, le
vendeur peut recourir à l’autorité publique pour faire valoir ses droits. Il en est de
même du locataire privé de la jouissance des lieux loués par le bailleur ou de la
victime d’un accident de circulation dont l’auteur ne peut ou ne veut pas du tout
bouger, c'est-à-dire, prendre en charge la réparation du dommage causé. Dans tous ces
cas, les créanciers des obligations peuvent mobiliser l’appareil étatique pour réaliser
leurs droits.

Du coup apparait la distinction entre, d’une part l’obligation


civile et d’autres types d’obligations (obligations morales, religieuses et mondaines)
et, d’autre part, l’obligation civile autrement appelée « juridique parfaite » et
l’obligation naturelle dite « juridique imparfaite ».

Le caractère juridiquement contraignant de l’obligation civile, à


savoir, l’existence de la sanction étatique et l’application effective de celle-ci,
constitue l’élément fondamental de cette distinction. Face à l’obligation civile qui
constitue un devoir juridique protégé par le droit et sanctionné par les tribunaux de
l’Etat, les autres obligations, particulièrement, morales, religieuses et mondaines ne
sont que des simples devoirs (moraux, religieux et mondains) dépourvus de la sanction
et dont l’existence est ignorée par le droit37.
37
On doit, cependant, se garder des affirmations trop péremptoires. Car, pour ces autres obligations, la sanction
existe. Mais, d’un autre genre : remords, sanctions dans le for intérieur, condamnation en enfer et privation du
14
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Tel est le cas de l’obligation pour un chrétien catholique de


confesser ses péchés le dimanche (obligation religieuse). On peut dans le même ordre
d’idées citer le cas de l’obligation de suivre le soir, au clair de la lune, un récit des
contes africains (obligation mondaine) ou de l’obligation de tenir une réunion de la
mutuelle des anciens de Kimbilangundu (obligation sociale).

La méconnaissance de ces obligations ne crée aucun droit pour


les bénéficiaires, de faire appel à la justice des tribunaux, ni de faire condamner les
débiteurs à l’exécution forcée.

Quant à la distinction entre obligation civile et naturelle, elle


repose encore et toujours sur la sanction. Tandis que les obligations civiles ou
juridiques parfaites en sont pourvues, les obligations naturelles ou juridiques
imparfaites en sont actuellement dépourvues.

Connaissant déjà la notion de l’obligation civile, il est important


de s’attarder un peu sur celle de l’obligation naturelle afin d’en appréhender
entièrement le sens. Ce faisant, il faudra d’abord en retracer l’origine, en préciser
ensuite la notion et, enfin, déterminer les catégories actuelles des obligations
naturelles.

- Origine et définition de l’obligation naturelle

L’obligation naturelle (naturalis obligatio) tire sa source du droit


romain où elle était appliquée surtout aux esclaves. Ces derniers ne pouvant être
obligés par des voix de droit, faute de personnalité juridique, se trouvaient engagés en
fonction du droit naturel. Leurs obligations étaient, après recouvrement de la liberté,
considérées comme des obligations naturelles insusceptibles d’exécution forcée.
Toutefois, le paiement de ces obligations fait de manière spontanée était valable et ne
constituait nullement une donation38.

Le Code civil congolais livre III comme le Code Napoléon qui


l’a inspiré n’a pas dressé une liste exhaustive des obligations naturelles qu’il n’ose
d’ailleurs pas définir. Une allusion à l’article 133 al2 du CCC LIII permet simplement
de retenir que : « la répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles
qui ont été volontairement acquittées ».

Ainsi donc, le Code civil congolais livre III attache des effets à
certaines obligations non garanties par l’Etat et par ses tribunaux.

Mais qu’entendre par « obligations naturelles » ?


bonheur céleste, réprobation sociale et perte de confiance des autres membres du groupe etc. Par ailleurs,
certains devoirs moraux sont présents dans le droit. C’est notamment l’obligation de réparer le dommage que
l’on a causé par son fait (article 258 du CCCLIII Voy J.CARBONNIER, op cit, p.26.
38
J. CARBONNIER, op cit, p.23.
15
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Sous réserve d’une série de nuances introduites par la


jurisprudence et qui ont permis à la doctrine d’élaborer une théorie moderne de
l’obligation naturelle, on peut définir cette obligation comme « celle que le débiteur ne
peut être contraint d’exécuter par des voies légales, mais qui est susceptible d’une
reconnaissance ou d’une exécution volontaire valable »39.

C’est là une définition extensive de l’obligation naturelle


opposée à celle de la doctrine traditionnelle considérée comme superficielle et
restrictive. En effet, les auteurs classiques dont les travaux se sont inspirés de
l’enseignement de POTHIER sur l’obligation naturelle avaient donné à cette obligation
une acception limitée qui réduisait celle-ci aux seules obligations dégénérées et
manquées. Ainsi, ont-ils, défini l’obligation naturelle, comme « une véritable
obligation, un véritable lien de Droit qui par suite des causes particulières, est privée
de la force coercitive »40.

Il fallut attendre l’intervention de la jurisprudence pour que la


doctrine moderne put admettre qu’un devoir moral précis et impérieux peut être
transformé en une obligation naturelle41. L’acceptation et l’accomplissement
volontaires de ce devoir suffisent, dès lors, pour changer sa nature, c'est-à-dire, le
faire passer du statut de simple devoir moral à celui de l’obligation naturelle.
Avec cette double conséquence que : « le créancier ne peut exiger du débiteur
l’exécution de cette obligation par voie d’action en justice car le droit du créancier de
l’obligation naturelle est un droit sans action ». Mais si l’obligation est volontairement
exécutée (paiement volontaire), le paiement devra juridiquement rester valable et le
créancier ne pourra en demander la répétition en tant que paiement indu (article 133,
al2 du CCC LIII)42.

On notera par ailleurs que l’exécution volontaire d’une


obligation naturelle équivaut au paiement d’une dette préexistante (laquelle est éteinte
par le paiement) et ne constitue nullement une donation (libéralité) faute d’intention
libérale (animus donandi) dans le chef du débiteur.

En sus, la mis en œuvre spontanée d’une obligation naturelle de même que sa


reconnaissance par écrit (sous réserve des restrictions contenues dans les articles 223

39
Voy. Vocabulaire juridique de l’association Henri Capitant.
40
La conception extensive est également qualifiée de moralisante parce qu’elle tend à placer certains devoirs
moraux sous la protection de l’article 133 al2 du CCCLIII.
41
Ceci est très important au regard des enseignements de POTHIER selon lesquels les obligations naturelles qui
sont des liens de droit actuellement dépourvus de la sanction ne sont pas à confondre avec des simples devoirs
moraux non juridiquement sanctionnés. Quant à leur place, on notera que les obligations naturelles sont à cheval
entre les obligations civiles et les devoirs moraux (J CARBONNIER, op cit, p. 18).
42
D’autres conséquences sont attachées à l’obligation naturelle. Elle ne peut faire l’objet de compensation par le
débiteur contre son créancier. Elle ne peut donner lieu à un cautionnement valable étant donné que la caution ne
peut être autrement tenue que le débiteur principal.
16
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

à 224) permettent de transformer celle-ci en obligation civile susceptible d’exécution


forcée.

Ainsi, lorsqu’un préjudice est causé à autrui en dehors des


conditions imposées par l’article 258 du CCC LIII, son auteur n’est pas, en principe,
tenu à réparation. Son obligation n’est alors qu’une simple obligation naturelle
dépourvue d’action en justice. Mais l’exécution volontaire de celle-ci ou le ferme
engagement de la mettre à exécution suffit pour la transformer en obligation civile et
donner ainsi le droit à la victime de contraindre le débiteur à l’acquitter.

La transformation en obligation civile de l’obligation naturelle


trouve donc sa source dans une sorte de contrat unilatéral né de l’exécution
volontaire de celle-ci ou de la promesse tacite ou explicite de l’exécuter. Il a été
jugé à cet effet que « le père qui n’as pas reconnu son enfant naturel, mais subvient à
ces besoins, par devoir de conscience, et charge un tiers d’en prendre soin à ses frais,
promet l’exécution d’une obligation naturelle. Cette promesse d’exécution transforme
l’obligation naturelle en obligation civile »43.

- Catégories d’obligations naturelles

Autrefois, la doctrine ne distinguait que deux catégories


d’obligations naturelles à savoir : les obligations civiles dégénérées ou avortées et les
obligations civiles manquées. L’évolution a permis de retenir d’autres types
d’obligations naturelles telles que les obligations issues des devoirs de conscience ou
d’honneur.

Nous allons tour à tour parcourir ces différentes obligations naturelles.

Selon la doctrine classique :

- Obligations civiles dégénérées ou avortées :

Ce sont des obligations éteintes juridiquement parceque le


créancier ne peut contraindre le débiteur à les acquitter. C’est le cas notamment d’une
dette éteinte par prescription (extinctive)44. Le créancier n’est plus en droit d’en exiger
le paiement par des voies de droit. Néanmoins, le débiteur reste libre de ne pas tirer
profit de la prescription et de l’acquitter volontairement. C’est également le cas d’une
obligation civile paralysée par un serment litisdécisoire ou supplétoire prêté par le
débiteur et qui se révèle faux. Sans oublier que toute obligation rendue impuissante à
produire ses effets du fait de l’autorité de la chose jugée fait aussi parties des
obligations civiles dégénérées.

43
Elis, 12 juin 1948, R.J.C.B, 1948, p.137.
44
La Cour de cassation Belge estime à cet égard, que l’obligation prescrite subsiste comme obligation naturelle
(Cass., 14 mai 1992, Pas., 1992, I, p.798 ; Cass., 6 mars 2006, R.G.D.C, 2008, p. 343).
17
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Obligations civiles manquées :

Il s’agit des obligations contractées en toute connaissance de


cause par le débiteur et qui ne peuvent produire leur plein effet juridique en raison de
la méconnaissance d’une règle légale ou des formalités légales requises. L’illustration
la plus marquante est celle de la donation faite en dehors des formes légales. Il en est
de même d’un contrat passé par un mineur proche de la majorité. Le défaut de capacité
de ce mineur ne laisse subsister à sa charge qu’une obligation naturelle. Toutefois, un
contrat annulé pour vice de consentement ne peut, selon la jurisprudence belge, donner
lieu à aucune obligation naturelle. Ainsi jugée que « l’obligation civile, nulle pour vice
de consentement, ne donne pas naissance à une obligation naturelle, puisque la
volonté du débiteur, élément indispensable pour l’existence de toute obligation, fait
également défaut dans ce cas »45.

Selon la doctrine moderne :

- Obligations de conscience :

Ce sont des devoirs moraux ou de conscience acceptés comme


tels et suffisamment impérieux pour être exécutés et se transformer en obligation
civile. On cite, parmi ces obligations, les obligations alimentaires non expressément
reconnues par la loi46 et les obligations de réparer un préjudice hors les conditions
imposées par l’article 258 du CCC LIII.

- Obligations d’honneur ou dettes d’honneur :

Les obligations d’honneur résultent, par exemple, du contrat de


jeu ou pari. Dans ce type de contrat la morale n’est pas de mise, mais seulement,
l’honneur mondain. Ainsi, préfère- t- on parler ici des obligations de convenance et
non de conscience, quoique cette analyse soit encore controversée. En effet, la doctrine
estime que le jeu ne peut donner naissance à des obligations naturelles en raison de
l’immoralité et de l’illicéité de la cause. Cette considération empêche ainsi le créancier
(gagnant) de réclamer en justice l’exécution de sa créance. L’interdiction repose sur
l’article 1967 du Code civil napoléon47 aux termes duquel « il n’y a pas d’action pour
le créancier dans les contrats de jeu et de pari ». Mais, le paiement volontaire effectué
par le perdant demeure valable et ne peut donner lieu à aucune action en restitution.
On est ainsi proche des obligations naturelles dont la répétition est interdite en cas de
paiement volontaire (article 133 al2 du CCC LIII). Toutefois, la privation d’action en
45
Cass., 16 juin 1950, pas., 1950, I, p.741.
46
Cas de devoir de conscience et d’honneur transformés en obligation naturelle avant de devenir juridique du fait
de l’exécution volontaire (tel est le cas de l’obligation alimentaire entre gendre et beau-père ou entre brue et
belle-mère).
47
Cette disposition n’a pas d’équivalent en Droit congolais.
18
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

justice (pour le gagnant) de même que l’interdiction de restitution (pour le débiteur qui
a payé de lui-même) semblent être davantage justifiées par le fait que personne ne peut
faire valoir en justice un argument fondé sur l’action illicite. C’est en raison des
brocards : Nemo auditur…….et In pari causa turpitudinis cessat repetitio.

§5 : Les parties à l’obligation.


En principe l’obligation civile établit un rapport entre un
créancier et un débiteur. Mais, le cas des obligations à pluralité de sujets n’est pas à
exclure. C’est ainsi qu’un créancier peut avoir plusieurs débiteurs. Et un débiteur peut
être tenu envers plusieurs créanciers. Il s’agit dans l’un ou l’autre cas des obligations
dites complexes à sujets multiples48 que l’on oppose aux obligations complexes à
objets multiples.

Le cadre particulièrement restreint de cette introduction ne


permet pas l’analyse desdites obligations. Nous y reviendrons dans la deuxième partie
de cet enseignement consacrée à l’étude du régime général des obligations.

Section II : Classification des obligations


Les obligations sont d’une diversité infinie (obligations légales,
contractuelles, délictuelles, quasi contractuelles, etc.). Le besoin de systématisation a
conduit la doctrine à les classer soit d’après leur objet, soit d’après leurs sources49.

§1 : Classification des obligations d’après leur objet.


La classification des obligations d’après leur objet remonte au
50
droit romain . Elle distingue les obligations en tenant compte de la nature de la
prestation à laquelle est astreint le débiteur. A cet égard, s’inspirant des prescrits de
l’article 25 du CCC LIII aux termes duquel « tout contrat a pour objet une chose
qu’une partie s’oblige à donner ou qu’une partie s’oblige à faire ou à ne pas faire »,
la doctrine distingue les obligations de donner, de faire et de ne pas faire quelque
chose51.
48
Dans les situations les plus complexes plusieurs créanciers peuvent se trouver aux prises avec plusieurs
débiteurs.
49
Certains auteurs classent les obligations en fonction de leur objet, de leur source et de leur force (j.
CARBONNIER, op cit, p.2).
50
P. PICHONNAZ, op cit, 2008, p.342 et s. en droit Romain, on distinguait le dare, le facere et le praestare.
51
Les auteurs du Code civil accordaient une grande importance à cette distinction qui demeure d’application à ce
jour. Mais, une autre distinction des obligations fondée sur leur objet tend à se développer de plus en plus. Elle
oppose « les obligations pécuniaires » ou de « sommes d’argent » aux « obligations en nature » ou « obligations
non pécuniaires ». Le nombre des règles particulières régissant les obligations ayant pour objet le paiement par le
débiteur des sommes d’argent semble être à la base de cette distinction. On notera, par exemple, que quelque soit
la dépréciation monétaire, un débiteur ne peut acquitter que la somme numérique énoncée au contrat (article 468
du CCC LIII). De même, le débiteur d’une somme d’argent ne peut alléguer d’une cause étrangère pour se
libérer de son obligation (la cause étrangère peut seulement l’aider à ne pas payer ces intérêts moratoires). Enfin,
dans certains pays (Belgique), les obligations des sommes d’argent ne peuvent être assorties d’astreinte. Tel n’est
pas le cas des obligations en nature considérées comme insensibles aux fluctuations du cours de la monnaie et
19
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Nous allons examiner ces différentes obligations en nous


appesantissant surtout sur leurs notion et contenu.

I. Obligation de donner
1. Définition
L’obligation de donner (ou de dare) est celle par laquelle le
débiteur s’engage à transférer, gratuitement ou moyennant une contrepartie, la
propriété d’un bien au créancier ou à constituer à son profit un droit réel sur ce bien52.

On retiendra de cette définition que le verbe « donner » se


trouvant au cœur de cette notion correspond au terme « dare » qui signifie « transférer
la propriété » et non à celui de « donare » qui se traduit par « donation ».

Bien plus, entendu dans son sens le plus large, l’obligation de


donner (dare) consiste à transférer un droit de propriété ou un de ses démembrements
pourvu qu’il soit cessible (cas de la cession d’usufruit, par exemple). Le transfert de
propriété résultant de l’obligation de donner peut également concerner un droit
incorporel, tel que le droit de créance ou le droit intellectuel.

Enfin, les contrats constitutifs de droit réel (constitution d’une


hypothèque ou d’une servitude) comportent également une obligation de donner.

Bref, les obligations de dare sont innombrables non seulement


en raison du fait qu’elles s’appliquent au contrat de vente considéré comme un contrat
usuel translatif de propriété, mais aussi parce qu’elles visent les opérations pécuniaires
dans lesquelles le débiteur doit normalement transférer la propriété d’une somme
d’argent à son créancier.

2. Contenu de l’obligation de Dare

Aux termes de l’article 35 du CCC LIII « l’obligation de donner


emporte celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison, à peine de
dommages-intérêts envers le créancier ».

Il résulte de cette disposition légale que considérée dans son


contenu, l’obligation de donner est une obligation complexe comprenant en réalité
trois petites obligations :

- Obligation de transférer la propriété d’un bien ou de constituer un droit réel sur


celui-ci ;

pouvant par ailleurs faire l’objet d’une condamnation sous astreinte. Cependant, le particularisme des obligations
monétaires ne doit pas être poussé à l’extrême, car il suffit de faire fi des règles particulières pour que ces
obligations soient soumises aux principes de droit commun des obligations.
52
P. WERY, op cit, p.25.
20
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Obligation de livrer ce bien ;


- Obligation de le conserver jusqu’à la livraison.

Analysons ces différentes obligations.

a) Le transfert de propriété et des risques


1. Le transfert de propriété.
 Principe :

L’article 37 al1 du CCC LIII pose pour principe que :


« l’obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties
contractantes ». Ce faisant, le transfert de propriété, en matière mobilière se réalise
immédiatement dès l’échange des consentements des parties, même si la chose n’est
pas encore livrée. On dit alors qu’il est fait solo consensu.

En matière immobilière, on notera que contrairement au


soutènement d’une certaine doctrine, le transfert de propriété ne se réalise pas par
l’établissement du certificat d’enregistrement mais par le seul contrat d’aliénation
(dans le même sens, voyez KALAMBAY LUPUNGU, Droit civil : régime foncier et
immobilier, volume 2, 2eme édition augmentée, pp. 212-214). En effet, la vente
immobilière est un contrat consensuel entrainant le transfert de propriété du vendeur à
l’acheteur par le seul échange des consentements sans aucune formalité (sauf cas de
réserve de propriété). L’établissement du certificat d’enregistrement ou plus
précisément le nouveau certificat d’enregistrement prévu à l’article 220 de la loi
foncière n’est qu’une formalité d’opposabilité ou de publicité permettant de rendre
opposable aux tiers le droit de propriété immobilière déjà acquis à partir du contrat
d’aliénation, en l’occurrence, le contrat de vente53. Car, l’art 49 de la loi foncière

53
Ainsi, pour montrer que le certificat d’enregistrement ne crée pas le droit de propriété, mais le consacre ou le
constate en vue de le rendre opposable aux tiers, il a été décidé notamment :

 Qu’en cas de vente d’un immeuble non encore enregistré, le transfert de propriété à l’acheteur s’opère
dès le paiement par ce dernier du prix intégral convenu (C.S.J RPA 210, 2 février 1998, RAJC, 1998, 1 er
fascicule pp. 32-34, note DIBUNDA ; Voy, aussi, ville de Lubumbashi, 24 février 1967, RJC 1970, p.
197, G. KALAMBAY LUMPUNGU « vente d’une maison non enregistrée » ; ville Lubumbashi, 2é
dégré, 15 septembre 1967, RJC 1970, p. 91, note G. KALAMBAY LUMPUNGU. Lub, 12 nove. 1973,
RJC, 1974, p.91 et note DIBUNDA KABUNJI ; ILUNGA KALENGA, note sur la vente publique des
biens immobiliers non enregistrés, RJZ, 1985, p.16) ;
 Que les ventes successives d’immeubles non suivies de mutation ne sont pas opposables aux tiers, mais
sont parfaites entre parties par le seul accord de leur volonté sur la chose et sur le prix. La vente de
l’immeuble de l’acquéreur est licite, encore que l’immeuble reste inscrit au nom de premier vendeur
(Léo, 8 octobre 1946, RJCB, 1947, pp. 236-237) ;
 Que l’enregistrement ne confère pas le droit de propriété, mais il le constate officiellement de façon à le
rendre inattaquable ; l’acte translatif du droit de propriété est le pacte de la vente, lequel renferme la
volonté des parties et fait la loi de celles-ci (Kin, RCA 788, 25 Août 1977, in KENGO wa DONDO,
Mercuriale, op. cit, p.36) ;
21
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

stipule que la propriété des biens s’acquiert et se transmet par donation entre vifs, par
testament, par succession et par convention.

 Mise en garde :

On doit cependant se garder de confondre l’obligation de


transférer la propriété soumise au principe du consensualisme (solus consensus
obligat) et l’obligation de livrer matériellement la chose qui consiste à mettre
physiquement celle-ci à la disposition du créancier. Ainsi, en parlant de « l’obligation
de livrer la chose», l’article 37 al 1 vise l’obligation de donner, c'est-à-dire de
transférer la propriété de la chose et non pas celle de mettre cette chose à la disposition
du créancier (acheteur dans le cas du contrat de vente).

Par ailleurs, le principe du transfert de propriété solo consensu


connait quelques tempéraments qui en réduisent la portée. Ces tempéraments résultent
soit de la volonté des parties, soit de la nature de la chose cédée, soit enfin de la nature
du contrat.

En effet, les articles 37 al.1 et 264 du Code civil livre III n’étant
pas d’ordre public, les parties peuvent y déroger en décidant de différer la
transmission de la propriété. C’est le cas notamment lorsque les parties
subordonnent le transfert de propriété au paiement intégral du prix ou lorsque le
transfert de propriété de l’immeuble vendu est reporté jusqu’au moment de la
passation de l’acte authentique de vente.

Pareilles clauses de réserve de propriété, du reste, très


fréquentes dans la vie pratique, permettent au créancier (vendeur) soit de revendiquer
la chose dont il demeure toujours propriétaire si l’acheteur ne paie pas le prix (cas de
la première clause), soit de ne pas laisser la propriété se transférer par le seul
compromis de vente (cas de la seconde clause). Toutefois, les clauses de réserve de
propriété comportent un inconvénient majeur : le vendeur demeure toujours
propriétaire de la chose vendue et en assume également les risques en cas de
survenance (res perit domino). De la sorte, si les risques résultent d’un cas fortuit ou
 Que lorsque les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix, la vente de l’immeuble se trouve
parfaite entre elles, indépendamment de l’acte authentique destiné à le constater (Kin, RCA 8063/8071,
sept. 1977, ibidem) ;
 Que le droit de propriété sur un immeuble est régulièrement transféré à la suite d’une vente parfaite
advenue entre parties dès lors que l’acte de vente a été authentifié et qu’en plus le livret de logeur a été
remis au nouvel acquéreur en vue de sa conversion au certificat d’enregistrement (TGI
Kinshasa/KALAMU, RC 10709/10720, 10 fév. 1999, in Rev. deDr. Afrc., Brux, N° 16/2000, pp 559-
562 et note KANGULUMBA MBAMBI ; CSJ RC 747, 16 Déc, Bull.Au, 1985-1989, Année 2012,
p.230 ; CSJ, RPA 121, 23 déc. 1986 idem, p. 239 ; CSJ, R.C. 440, 25 mars 1987, idem, p. 296 ; CSJ,
RC-994, 29 juillet 1987, idem, p.357).
22
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

d’une cause étrangère libératoire, il ne pourra pas réclamer le paiement du prix de


vente faute d’objet dont la propriété peut être transférée (cfr. notion de cause).

Outre la volonté des parties, la nature de la chose peut


s’opposer à son transfert solo consensu. Ainsi, pour les choses de genre, le transfert
de propriété ne peut se réaliser qu’au moment de l’individualisation ou de la
spécification des choses vendues. De même, le transfert de propriété des choses
futures vendues, n’a lieu que le jour où ces choses viennent à l’existence.

Enfin, dans les obligations alternatives (art 1584, al2, et art


1189 etss) le transfert est subordonné à la réalisation du choix par le débiteur. Ces
hypothèses sont donc à distinguer des cas où la nature du contrat s’oppose
également au transfert de propriété par le seul consentement : vente à l’essai, vente à la
dégustation, promesses de la vente etc.).

2. Transfert des risques


 Principe :

Le dictionnaire « le petit Larousse illustré » définit le risque


comme « un danger plus au moins probable auquel on (un homme ou une chose) est
exposé54. Une obligation ou plus précisément une prestation résultant d’une obligation
peut donc être exposée au danger de ne pas être accomplie par le débiteur alors que le
créancier en attend impatiemment l’exécution. Ainsi, par exemple, le vendeur d’une
voiture peut être mis dans l’impossibilité de la livrer à l’acheteur en raison de sa perte
(destruction) par la foudre. De même, en cas de contrat d’entreprise portant sur la
construction d’une maison, l’entrepreneur peut être empêché de livrer l’immeuble à
son client (le maitre de l’ouvrage) à la suite de sa destruction par bombardement.

Dans toutes ces hypothèses, il y a un risque encouru par la


prestation faisant l’objet du contrat et la question que l’on se pose, dès lors, est celle de
savoir « qui doit juridiquement supporter ce risque ? ». Autrement dit, qui doit
donc prendre en charge les pertes survenues, par cas fortuit, des prestations
incombant au débiteur ? ».

L’article 37 al2 du CCC LIII énonce, à cet égard, que : « elle


(l’obligation de livrer la chose) rend le créancier propriétaire, et met la chose à ses
risques dès l’instant où elle a du être livrée, encore que la tradition n’en ait point été
faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas, la chose
reste aux risques de ce dernier ».

Du libellé de cette disposition, il ressort que les risques sont, en principe, transférés
au même moment que la propriété suivant l’adage « Res perit domino » que les
54
Voy. Le petit Larousse illustré, 2001, p.895.
23
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

auteurs traduisent comme suit : « la chose périt à la charge (aux risques) de son
propriétaire».

 Exceptions

Mais, cette règle connait, selon le législateur lui-même, deux


limitations : l’une énoncée à l’article 37 al2 in fine (concerne la mise en demeure), et
l’autre, à l’article 194 (se rapporte à la perte d’un corps certain).

- La mise en demeure :

La mise en demeure joue un rôle très important, en cas


d’inexécution de l’obligation, parce qu’elle permet, d’après l’article 37 al 2 in fine du
CCC LIII, de déplacer la charge des risques. Ceux-ci passent, grâce à la mise en
demeure, de la tête du créancier (propriétaire) à celle du débiteur de l’obligation. Du
coup la formule « Res perit domino » se transforme en « Res perit debitori ». Le
débiteur est alors obligé de supporter seul les risques survenus à la chose objet de la
prestation et ne peut plus se prévaloir de l’effet libératoire qui s’attache à la force
majeure.

La mise en demeure fait donc basculer le débiteur dans un état de


« demeure », c'est-à-dire, de « retard » ou d’inexécution (fautive). Elle est une
interpellation en termes énergétiques par laquelle le créancier rappelle
clairement dans les formes légales au débiteur qu’il souffre du retard constaté et
l’invite à l’exécution en nature de son obligation55. D’où l’application de la règle
« Res perit debitori » : la chose périt à la charge du débiteur.

Ainsi si le débiteur de l’obligation de livrer ou de restituer la


chose a été mis en demeure, et que la perte est postérieure à cette mise en demeure, les
risques passent à sa charge. Tel est le cas, dans un contrat d’entreprise, de
l’entrepreneur qui ne livre pas à son client (propriétaire) la maison construite à la date
convenue. Si après avoir été mis en demeure de la livrer, cette maison venait à périr
par cas fortuit, l’entrepreneur devra en supporter seul les risques, c'est-à-dire, il ne
pourra plus réclamer à son client (propriétaire) la contrepartie prévue (le prix). C’est
l’application du principe de la connexité des obligations réciproques face à la théorie
des risques.

55
La mise en demeure s’oppose à la réclamation amiable d’une dette en ce qu’elle traduit la volonté du créancier
d’attacher les conséquences juridiques à l’inexécution de son obligation par le cocontractant. Si l’inexécution
continue le créancier peut saisir la justice.
24
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Nous aurons l’occasion de revenir sur cette règle qui est fondée
sur l’idée de cause entendue comme contrepartie. En effet, l’une des parties ne
s’étant engagée que pour obtenir la prestation de l’autre, elle sera libérée si cette
prestation n’est plus en mesure d’être fournie à la suite par exemple, du cas fortuit ou
de la force majeure. On dit alors que son obligation est dépourvue de cause et elle en
est libérée.

Quant à la forme de la mise en demeure, on notera que le droit


congolais de la mise en demeure se caractérise par une grande souplesse. En effet, la
mise en demeure n’est soumise à aucune forme particulière dans notre droit. Ce qui
importe aux yeux de la loi et de la jurisprudence 56 c’est que le débiteur soit clairement
informé de l’intention du créancier de le voir exécuter son obligation. Aussi, l’article
38 déclare-t-il que « le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation, ou
par un autre acte équivalent, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que,
sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en
demeure ».

- Cas de la perte d’un corps certain :

La perte d’un corps certain est prévue à l’article 194 du CCC


LIII. Cette disposition permet la libération du débiteur en cas de perte de ce corps
survenue sans sa faute. Parce qu’il s’agit ici de l’obligation de « livrer la chose »
entendue comme obligation de « dare », c'est-à-dire de transférer la propriété d’un
bien, on suppose que ce transfert qui a déjà eu lieu par l’échange des
consentements des parties (principe du consensualisme) a rendu le créancier
propriétaire si aucune clause de réserve de propriété n’a été prévue.

Dès lors la perte survenue de la chose due libère le débiteur au


cas où elle n’est pas imputable à lui. Cependant, le créancier de l’obligation de
livrer devenue « propriétaire »restera redevable de la contrepartie convenue
(par exemple, paiement du prix).

b) La livraison de la chose :

C’est la seconde obligation du débiteur contenue dans


l’obligation générale de « dare ». Elle consiste à mettre « physiquement » le bien à la
disposition du créancier. Le Code qualifie cette opération de « tradition », mot
emprunté au verbe latin « Trahere » qui signifie « livrer ». Comme on l’a souligné
précédemment, l’obligation de livrer la chose ne doit pas être confondue avec celle de
transférer la propriété d’un bien (obligation de dare). Celle-ci est soumise au principe

56
Elis, 2 février 1917, RJCB, 1932, p.56 ; Leo, 04 octobre 1928, jur. Col., 1929, p. 210 avec note ; Léo, 29 juin
1943, RJCB, 1944, p.22.
25
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

du consensualisme. Ce qui n’est pas le cas de l’obligation de livraison, laquelle


intervient généralement après celle de dare.

Toutefois, l’obligation de dare peut coïncider avec celle de


livraison lorsque la vente porte sur des choses de genre (fongibles) qui n’ont pas été
spécifiées lors de la conclusion du contrat. Le transfert de propriété s’opère alors avec
la spécification de ces choses ou au moment de la livraison. Exemple, la vente de 10
kilos de céréales ou de 5 bouteilles de bière. La marchandise n’étant pas
individualisée, l’acheteur ne deviendra propriétaire qu’au moment de la spécification
ou de la livraison.

c) La conservation de la chose

Si le débiteur ne peut livrer la chose convenue, il doit la


conserver en bon père de famille. C’est ce qu’énonce l’article 36 al 1 in
fine : « l’obligation de veuiller à la conservation de la chose (…) soumet celui qui en
est chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille ».

La méconnaissance de cette obligation dont le but est d’éviter la


négligence du débiteur engage la responsabilité de ce dernier. En cas de détérioration
ou d’avarie de la chose due, il devra rendre soit une autre chose, si l’exécution en
nature est possible, soit en payer l’équivalent dans le cas contraire. La faute du
débiteur est ici appreciée comme incluse dans l’inexécution de l’obligation de
conservation en bonus pater familias de la chose lui incombant. Généralement, elle
consiste en une culpa levis in abstrato, c'est-à-dire, la faute légère abstraite considérée
en rapport avec le comportement d’un bon père de famille (B.P.F). Le bon père de
famille est un homme diligent, prudent, avisé. Bref, un homme moyen ayant le sens de
ses responsabilités.

Le bon père de famille, écrit P. WERY, n’est pas un parangon de


vertus, un homme d’une méticulosité extrême ; il ne s’agit que d’un homme standard
57
(C'est-à-dire ni ange, ni bête) qui accompli ses tâches comme il se doit.

La faute que n’aurait pas commise ce modèle abstrait d’homme


placé dans les mêmes circonstances des faits, engage certainement la responsabilité
contractuelle du débiteur. Ainsi en serait-il du vendeur des Chikwangues qui garderait
celles-ci dans un congélateur sous prétexte de les conserver au frais avant la livraison.
De même, un médecin qui prescrirait à son patient atteint de paludisme 10 comprimés
d’aspirine à la place de 10 comprimés de quinine, commettrait une culpa levis in
abstrato.

57
P. WERY, op cit., p.474.
26
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

C’est autant dire que la négligence infime ou la faute sans


gravité que cet homme moyen peut également commettre ne sera pas sanctionnée. Dès
lors, apparait la différence entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle. La seconde tient compte de la faute même la plus légère (culpa levissima)
pour engager la responsabilité du débiteur alors que pour la responsabilité
contractuelle c’est la culpa levis in abstrato qui est exigée.

Le juge doit donc apprécier le comportement du débiteur in


abstrato sans se préoccuper de ses caractéristiques personnelles : âge, sexe, émotivité,
etc.…58

- Hiérarchie des fautes :

En matière contractuelle, le degré de gravité de la faute n’est pas


toujours le même. On distingue ordinairement par ordre décroissant de gravité :

1. La faute dolosive (dol) ou la faute intentionnelle qui est l’imprudence ou la


négligence grossière. C’est la faute lourde que l’on désigne par l’expression
latine « culpa lata aequiparatur dolo ». elle engageait toujours la responsabilité
de son auteur.
2. La faute légère concrète (culpa levis in concreto). Il s’agit de la faute légère,
c'est-à-dire, d’une négligence que l’on apprécie par rapport au comportement du
débiteur dans ses propres affaires.

Le débiteur ne répondait pas de cette faute si le contrat était conclu dans


l’intérêt du créancier. Car, disait-on : « on ne peut être plus diligent que dans
ses propres affaires ».

3. La faute légère abstraite (culpa levis in abstracto) : C’est la négligence du


débiteur appréciée en rapport avec le comportement d’un bon père de famille,
homme soigneux et diligent placé dans les mêmes circonstances des faits
externes.

Le débiteur devrait répondre de cette faute si le contrat était conclut dans


l’intérêt de deux parties.

4. La faute la plus légère (culpa levissima). Le débiteur en était tenu si le contrat


était conclu dans son propre intérêt.

- Observation

58
Pour déterminer les soins que le créancier peut attendre de son débiteur, le juge doit aussi tenir compte du
caractère bénévole ou non de l’engagement de ce dernier. Il sera alors plus exigeant envers un débiteur qui
fournit ses services à titre onéreux qu’à celui qui est engagé dans un contrat à titre gratuit.
27
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Le Code civil a en principe abandonné cette échelle des fautes de


l’ancien droit. Aussi, ne revêt-elle, à l’heure actuelle, qu’une importance limitée. Car
quelque soit la gravité de la faute (manquement à une obligation), le créancier victime
a le droit d’en obtenir réparation si les conditions légales exigées sont remplies.

Cependant, la hiérarchie des fautes n’est pas totalement négligée


puisque l’article 36 al2 du CCC LIII énonce que : « cette obligation (obligation de
veuiller à la conservation de la chose) est plus au moins étendue relativement à
certains contrats, dont les effets, à cet égard, sont expliqués sous les titres qui les
concernent ».

Ces prescrits légaux font donc indirectement penser à l’échelle


des fautes et incitent, du reste, le juge à tenir quelque fois compte de la gravité de la
faute pour apprécier la responsabilité du débiteur. Voyez, par exemple, les articles 493
et 494 du CCC LIII relatifs à la responsabilité du dépositaire. Celui-ci est en principe
tenu de la culpa levis in concreto.

II. Obligation de faire (facere) et de ne pas faire (non facere) articles 40


à 43 du CCC LIII
A. Notion

1. Obligation de faire

Elle oblige le débiteur à accomplir, au profit du créancier, une


prestation positive. C'est-à-dire, à poser en sa faveur un acte ou une série d’actes
positifs. Exemples, effectuer un travail intellectuel ou manuel, transporter un client ou
des marchandises, restituer un bien remis en dépôt, etc.

2. Obligation de ne pas faire :

C’est le contraire de l’obligation de faire. Le débiteur s’engage


ici à ne pas adopter un certain comportement. Il promet une prestation négative. Il
s’agit donc en fait d’une obligation d’abstention. Exemples, ne pas livrer le secret
professionnel, ne pas réclamer les dommages-intérêts pour trouble de voisinage, ne pas
installer son négoce à côté de celui de l’ancien patron, ne pas vendre le bien à une
personne autre que le bénéficiaire d’un droit de préférence59.

B. Contenu des obligations de faire et de ne pas faire.

A l’instar des codes qui l’ont inspirés, le Code civil congolais


livre III, n’as pas, en ces articles 40 à 43, précisé le contenu des obligations de faire et
de ne pas faire. C’est la doctrine, plus précisément l’auteur Français R. DEMOGUE,
59
Cass., 24 janvier 2003, Pas, 2003, I, p.186, R.W. 2005-2006, p.706, note A. VAN OEVELEN, RGDC, 2008,
pp.501-506, avec note J. DEWEZ, pp. 429-438.
28
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

qui l’a déterminé en asseyant de faire le rapprochement entre les articles 1137 et 1147
du Code civil français (36 et 45 du Code civil Congolais livre III) pourtant situés en
des sections différentes60.

Aux termes de l’article 36 al1, « l’obligation de veuiller à la


conservation de la chose (…) soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins
d’un bon père de famille ». Ce texte oblige donc le conservateur d’une chose à y
apporter tous les soins d’un bonus pater familias (obligation de moyen). Il est à
l’opposé de l’article 45 qui semble conférer aux obligations contractuelles le caractère
d’obligation de résultat. : « Le débiteur est condamné, s’il ya lieu, au paiement des
dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du
retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient
d’une cause étrangère… ».

De là, découlent les différentes catégories des obligations de


faire et de ne pas faire à savoir : les obligations de résultat et de moyen, d’une part et,
d’autre part61, les obligations de garantie, de sécurité et les autres obligations
accessoires.

- Obligation de résultat

C’est l’obligation dans laquelle le débiteur s’engage à procurer


au créancier un certain résultat qu’il lui garantit. Ainsi il sera redevable des
dommages-intérêts à son égard toutes les fois qu’il ne saura justifier que
« l’inexécution ou le retard d’exécution résulte d’une cause étrangère qui ne peut lui
être imputée (article 45). Tel est le cas du peintre qui n’arrive pas à réaliser un portrait
de son client ou du sculpteur qui présente un buste mal façonné.

La non obtention du résultat promis crée une présomption de faute dans le chef du
débiteur à moins pour ce dernier d’apporter la preuve d’une cause étrangère élisive de
responsabilité.

- Obligation de moyens62

Elle impose au débiteur d’apporter à la réalisation de son


obligation «tous les soins d’un bon père de famille » sans garantir le résultat (article

60
B. DUBUISSON, « questions choisies en droit de la responsabilité contractuelle », in La théorie générale des
obligations, Liège, formation permanente CUP, vol 27, 1998, p.99 et s ; R.DEMOGUE, Traité des obligations en
général, t. V, Paris, 1925, p.536 et s.
61
Certains auteurs parlent parfois des « obligations déterminées »pour désigner celles de résultat et des
« obligations générales de diligence et de prudence « qui correspondent aux obligations de moyen.
62
Une certaine doctrine se contente d’utiliser le terme « moyen » au singulier. Mais le pluriel nous semble plus
indiqué, car il s’agit de tous les moyens dont un père de famille peut s’engager à mettre en œuvre dans
l’accomplissement de son obligation.
29
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

36). En témoigne l’obligation du médecin envers son patient ou de l’avocat envers son
client63.

La faute du débiteur est ici appréciée en fonction de la diligence, de la prudence que


l’on aurait normalement été en droit d’attendre du bon père de famille et non pas du
résultat qui n’a pas été garanti.

 Intérêt de la distinction entre obligation de résultât et obligation de


moyens.

Cet intérêt réside surtout au niveau de la preuve de la faute en


cas d’inexécution de l’obligation par le débiteur.

S’agit-il de l’obligation de résultat et le créancier devra prouver que le résultat promis


n’est pas atteint pour que la faute du débiteur soit irréfragablement présumé, sauf à
établir l’existence du cas fortuit ou de la force majeure.

Par contre lorsqu’il s’agit de l’obligation de moyens, le créancier aura la charge de


démontrer que le débiteur n’a pas eu le comportement d’un homme soigneux et
prudent (B.P.F placé dans les mêmes circonstances objectives des faits) pour que soit
établie sa responsabilité. Il s’agit ici d’une présomption de faute réfragable que le
débiteur pourra renverser en apportant la preuve d’une bonne conduite, c'est-à-dire,
celle qui est exemptée de toute imprudence ou de toute négligence.

Outre les obligations de résultat et de moyens, on distingue également parmi les


obligations de faire, les obligations de garantie ou de sécurité et les autres obligations
dites accessoires.

- Obligations de garantie ou de sécurité.

Certaines dispositions du Code civil imposant au debiteur une


obligation de résultat aggrave le sort de ce dernier en mettant également à sa charge
une obligation dite de « garantie » ou de « sécurité ».

Ainsi, le vendeur doit garantir à l’acheteur non seulement la jouissance paisible de la


chose vendue, mais aussi l’absence de tous les vices rédhibitoires (article 280 et 302
63
Il s’agit là des exemples généraux car en réalité chaque obligation doit être analysée isolement pour déterminer
sa nature. Ainsi, si l’obligation de l’avocat, entant que conseil ou défenseur de son client, est une obligation de
moyen, certaines tâches précises de l’avocat constituent des obligations de résultat et non de moyens. C’est le cas
de l’obligation pour l’avocat d’interjeter appel dans les délais légaux. De même, la jurisprudence a pu admettre
l’existence de certaines obligations de résultat à charge du médecin. Exemple, le fait pour un médecin de
s’engager à rendre une femme stérile est une obligation de résultat et non de moyens. A cet égard, la Cour
d’appel de Liège a dans son arrêt du 17 avril 2008 décidé que : » il peut arriver qu’un médecin contracte une
obligation de résultat notamment lorsque la volonté implicite des parties d’atteindre un résultat peut se déduire
de la presque absence de caractère aléatoire du résultat de l’opération ». Et la Cour d’ajouter : « un résultat
certain à 100% n’est pas exigé pour reconnaitre l’existence d’une obligation de résultat. Il suffit que le résultat
recherché puisse être atteint raisonnablement par l’utilisation normale des moyens (Liège, 17 avril 2008, R.R.D,
2008, p.34 note Q. VAN ENIS.)
30
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

du CCC LIII). De même le transporteur doit garantir au transporté la sécurité en le


faisant arriver sain et sauf à destination.

- Obligations accessoires

Les parties peuvent aussi stipuler à charge du débiteur des


obligations accessoires, telles que l’obligation de renseignement ou d’information.

§2 : Classification des obligations d’après leurs sources

A. Deux principales classifications


1. Classification du Code civil

Les obligations tirent généralement leurs sources du contrat ou


64
d’un délit .

Mais, ces cas ne sont pas les seuls à créer des obligations. On
peut également être obligé envers autrui en raison d’un quasi-délit (faute d’imprudence
ou de négligence) ou d’un quasi-contrat (par exemple, un paiement indu).

Cette considération a poussé les auteurs du Code civil à


distinguer par combinaison des articles 1 et 247 d’une part, les obligations qui naissent
des contrats (titre I : Des contrats ou des obligations conventionnelles en général) et,
d’autre part, celles qui tirent leurs origines des quasi-contrats, des délits, ou des quasi-
délits (Titre II : Des engagements qui se forment sans convention). L’article 246 cite
également la loi comme source autonome et spécifique des obligations, abstraction
faite de ce qu’elle constitue le support de toutes les autres obligations.

De là, résulte la classification traditionnelle ou classique des


obligations (dite du Code civil)65 qui donne une vue d’ensemble de leurs sources
(particulièrement à l’article 246) quand bien même plusieurs faits et actes juridiques
n’y seraient pas reprises comme causes efficientes des obligations.

2. Classification doctrinale des obligations

Elle distingue les obligations en se référant à des notions plus


larges d’actes et de faits juridiques66. Les actes juridiques stricto sensu sont des
64
Le contrat est un concours de volontés entre deux ou plusieurs personnes en vu de faire naitre des obligations.
Le délit, quant à lui, est une faute intentionnelle, un fait illicite qui cause dommage à autrui et qui oblige son
auteur à réparation.
65
La classification traditionnelle des obligations a été empruntée à POTHIER (voy. J. CARBONNIER, op cit,
p.28.
66
Notamment G. MARTY et P. RAYNAUD, Les obligations. Régime général, t. II, Paris, Sirey, 1988, p. 19 ; J.
CARBONNIER, droit civil, t IV, les obligations, 22e éd., Paris, PUF, 2000, pp. 38-39.
31
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

actes accomplis volontairement par l’homme en vue de faire naître des effets
juridiques (créer un droit, modifier un droit, transférer un droit ou étendre un droit). Il
s’agit généralement des contrats ou des actes juridiques unilatéraux. Les faits
juridiques a contrario sont de deux sortes : certains émanent de la volonté de
l’homme sans que ce dernier ait manifesté son intention de produire des conséquences
sur le plan juridique (exemple, les quasi-délits) tandis que d’autres entraînent des
conséquences juridiques en dehors de toute volonté humaine (la mort, la naissance, la
prescription, etc.)

B. Critiques de ces deux classifications


Toutes ces deux classifications ont fait l’objet de nombreuses
critiques. Il a été reproché à la classification ancienne le fait notamment de prendre en
compte la notion de quasi-contrats qui est une notion vague et indéterminée sans
oublier que la référence à la loi comme source autonome est aussi critiquable car
toutes les sources non contractuelles ne créent des obligations que par l’effet de la loi.
Ce qui a amené certains auteurs à ne plus considérer que deux sources des obligations
à savoir : le contrat et la loi.

Enfin, on reproche à la théorie classique de ne pas considérer les


engagements par déclaration unilatérale de volonté comme constituant une source
d’obligations (exemple, possibilité pour un homme de se lier envers autrui par sa seule
déclaration).

Quant à la classification doctrinale, on l’accuse surtout de laisser


dans l’ombre les obligations résultant de la seule autorité de la loi. On cite
fréquemment comme obligations légales, les obligations de voisinage, de mitoyenneté,
ou d’écoulement des eaux que la loi impose aux propriétaires voisins. Les obligations
alimentaires entre parents font également partie de ses obligations.

C. Observation
En pratique, la classification des obligations d’après leurs
sources se fonde généralement sur la distinction entre obligations conventionnelles
(contractuelles) et obligations non conventionnelles (délictuelles, quasi-délictuelles et
quasi-contractuelles nommés). Mais, il existe d’autres sources des obligations telles
que l’enrichissement sans cause, la théorie de l’apparence ou de la confiance légitime,
l’engagement par déclaration unilatérale de volonté, etc.… Autant de sources que la
doctrine et la jurisprudence (particulièrement française), considèrent aujourd’hui
comme causes des obligations.

A cet égard, se fondant sur l’article 1371 du Code civil français


(247 du CCC LIII), la Cour de cassation française a, aujourd’hui, admis la notion de
32
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

quasi-contrat innommés. Ainsi, dans son arrêt du 6 septembre 2002, la chambre mixte
de cette Cour a décidé sur pied de cette disposition (art.1371) que : « l’organisateur
d’une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence
l’existence d’un alea s’oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer »67.

Il s’agit là d’un quasi-contrat innomé résultant de


l’interprétation plus large de la notion de « fait purement volontaire de l’homme ».
Interprétation qui a donné lieu à beaucoup d’autres quasi-contrats en dehors de la
gestion d’affaires et du paiement indu considérés comme des quasi-contrats nommés.
Un autre arrêt de la même Cour rendu par sa première chambre civile va dans le même
sens68et on ne cesse de plaider aujourd’hui en faveur d’un quasi-contrat
d’assistance pour permettre l’indemnisation du sauveteur qui se blesse en voulant
porter secours à une personne en détresse69.

Cette évolution qui n’a pas encore atteint la Belgique et la RDC


70
suscite bien de débats . En effet, bien qu’on puisse admettre que l’article 246 du CCC
LIII établit une liste « limitative » des quasi- contrats, il serait délicat de se fier à
l’expression « fait purement volontaire de l’homme » pour admettre la notion de quasi
contrat innomé et condamner ainsi sur base de l’article 247 des sociétés organisant des
loteries publicitaires fallacieuses. On risquerait alors de faire du quasi contrat, une
notion ou un concept « fourre tout ».

L’essentiel est de retenir qu’il existe au delà des sources


conventionnelles et non conventionnelles des obligations consacrées par l’article 246,
d’autres causes d’obligations, spécialement en regard de l’article 247 du CCC LIII.

Dans cet enseignement, nous opterons surtout pour la


classification du Code civil et cela pour des raisons purement pédagogiques. Aussi, les
obligations seront-elles examinées selon qu’elles naissent des contrats, des délits ou
quasi-délits ou encore des quasi-contrats.

Section III : Evolution du Droit congolais des obligations.

§1. Une apparente stabilité

Le droit congolais des obligations se caractérise par une certaine


stabilité. En effet, depuis le décret du 30 juillet 1888 formant le livre III de notre Code

67
Bull, 2003, I, p. 64, GAZ. Pal. 2002,jur., p. 1725 avec les conclusions du premier av. gén. R. DE GOUTTES,
D., 2002, p. 2963, note D. MAZEAUD, D, 2002, jur.; Actualité jurisp, obs. E. SAVAUX, J.C.P., éd, G., 2002,
II,101173, p. 2020, note S. REIFERGESTRE.
68
Bull, Cass, 2003, I, p. 64, n°85.
69
F. GLANSDORFF et P. LEGROS, « La réparation du préjudice subi par l’auteur d’un acte de sauvetage »,
note sous Civ. Bruxelles, 20 févier 1970, R.C.J.B, 1974, p. 79.
70
P. WERY, op cit, p.35.s
33
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

civil, très peu de dispositions de ce livre relatives aux obligations ont été abrogées 71à
tel enseigne qu’en ce début du 21è siècle, notre droit des obligations ressemble plus ou
moins à ce qu’il était à l’époque du Code Napoléon (1804)72.

Cependant, en dépit de cette relative stabilité, et comme nous


l’avons souligné précédemment, le droit congolais des obligations a, au fil du temps,
été enrichi de nombreux apports qui en modifient passablement la physionomie.
L’évolution intervenue n’a pas toujours été cohérente, mais elle a souvent eu une
incidence directe sur le jeu normal des règles du droit des obligations. La loi du 05
janvier 1973 sur l’assurance automobile obligatoire, par exemple, porte atteinte au
principe de la liberté des conventions et marque, en même temps, une évolution
importante dans le domaine de la responsabilité aquilienne en ce qu’elle fonde cette
responsabilité en dehors de l’idée classique de faute. Par ailleurs, l’interventionnisme
étatique en matière économique, sociale ou du maintien de l’ordre public place dans
une autre perspective les règles du droit des obligations. Ainsi, la réglementation
relative au maintien de la paix et de la sécurité publique met en cause la liberté des
contrats conclus au mépris des règles y relatives. Il en est de même des contrats
réputés contraires à l’hygiène et à la santé publique73sans oublier tous les efforts des
pouvoirs publics tendant à sortir la femme mariée de la liste des incapables ou à lui
assurer une grande protection en tant que partie faible au contrat.

Pour sa part, l’adhésion à l’OHADA (Organisation pour


l’harmonisation du droit des affaires en Afrique créée par le traité du 17 octobre 1993)
de la RDC autorisée par la loi N° 10/002 du 11 févier 2010 aura, quant à elle, un grand
impact sur notre droit des obligations au regard des matières régies par cette
institution : arbitrage, droit commercial, droit des sociétés commerciales et du G.I.E,
droit des suretés, procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution,
contrats de transport des marchandises etc.74

Toutes ces actions des pouvoirs publics qui se traduisent


généralement par la multiplication des réglementations impératives ont une incidence
remarquable et indéniable sur l’application des règles du droit des obligations.

71
Il s’agit en réalité d’un euphémisme commandée par la prudence, car à notre connaissance, aucune disposition
du livre III du Code civil n’a à ce jour été abrogée. Néanmoins, certaines modifications sont à signaler
notamment, à l’article 260 où un alinéa 6a été introduit par la loi du 05 janvier 1973 sur l’assurance automobile
obligatoire.
72
En Belgique, par exemple une vingtaine de modifications ont été enregistrées à ce jour. Elle concerne les
articles 1124, 1125, 1152, 1153,1244, 1308,1309, 1312, 1319, 1331, 1341 à 1345, 1351, 1384 et 1386 bis.
73
Article 38 de l’ordonnance du 15 mars 1933 relative aux substances toxiques et vénéneuses. Code Piron, III,
p.680 et article 151 du décret du 28 juillet 1938 relatif à la police sanitaire des animaux domestiques, Code
Piron, III, p.294.
74
On notera, qu’à ce jour, la RDC n’a pas encore déposé au secrétariat de l’OHADA, les instruments de
ratification du dit Traité.
34
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§2. Des possibilités de réforme.


Des réformes pourraient intervenir dans les années à venir sous
l’égide de la « Commission de Réforme et d’Unification du droit civil » devenue
depuis 1976 « Commission Permanente de Reforme du Droit Congolais »75. Elles
pourraient contribuer à l’élaboration d’un droit congolais des obligations qui tienne
compte, non seulement de nos mentalités mais aussi des acquis profitables de droit
comparé. Toutefois, en raison du caractère cosmopolite du droit des obligations (il
s’intéresse aux apports entre particuliers indépendamment de leur qualité de citoyens
de tel ou tel Etat), on peut penser que ces réformes ne seront pas vraiment profondes.

Faut-il simplement signaler que sur le plan international, plusieurs


initiatives sont en cours en vue d’harmoniser les règles relevant du droit des
obligations. Le jeu en vaut la chandelle au regard du caractère technique et
international des obligations. Sans relever de nombreux projets et réalisations
substantielles accomplies dans ce sens, on peut mentionner les travaux de l’Institut
international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT, Rome) qui a publié en
1994 un document intitulé « des Principes Harmonisés relatifs aux contrats
commerciaux internationaux ». Par ailleurs, le groupe présidé par le professeur danois
OLE LANDO a rendu public ses travaux sur « les principes européens du droit du
contrat ». Tous les contrats, quel qu’en soit l’objet sont visés : contrats entre
professionnels, entre particuliers ou, encore, contrats mixtes. Bien plus, en 1998 a vu
le jour une autre initiative d’envergure sous la direction du Professeur Chr. Von Bar.
Elle se propose d’élaborer un « Code civil Européen » qui traiterait notamment des
obligations, des droits réels, des contrats spéciaux et des garanties du crédit 76. Il s’agit
du « Study Group on a European Civil Code ».

Enfin, le 22 septembre 2005 a été présenté au garde des seaux


français, « un avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la
présomption « élaboré par divers groupes de travail sous la direction de P. CATALA77.

L’ensemble de ces réalisations témoignent du souci


d’harmoniser les règles du droit des obligations et exercent aussi une grande influence
sur la doctrine de différents pays où sont accomplis des travaux portant sur
l’unification de ce droit.

75
Cette commission fut créée le 12 juin 1971 par le Parlement (Conseil législatif) de l’époque mobutienne. Et
plus, particulièrement par la loi n°71/002 du 12 juin 1971 relative à la création d’une « Commission de Réforme
et d’Unification du Droit Civil Zaïrois », M.C, 1971, Ed. prov., 8. Depuis la loi n°76/017 du 15 juin 1976, la
commission s’appelle « Commission permanente de Réforme du Droit Congolais », J.O, 1976, 791.
76
M. FABRE-MAGNAN, droits des obligations, Paris, PUF, 2008, p. 126 et s.
77
P. CATALA, « Bref aperçu sur l’avant-projet de réforme du droit des obligations », D, 2006, chr. 535.
35
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Section IV : Plan sommaire, programme du cours et éléments de


bibliographie.

§1. Plan sommaire


En suivant la progression même du Livre III de notre Code civil
qui, dans un titre premier, traite des obligations contractuelles avant l’étude des
engagements qui se forment sans convention et, ne perdant pas de vue qu’en dehors
des sources, le droit des obligations s’intéresse aussi au régime des obligations
considérées indépendamment de leurs origines, le plan de cet enseignement peut
s’articuler autour de deux grandes parties :

- la première s’appesantira sur les sources des obligations, c'est-à-dire, la manière


dont naissent les différentes obligations qu’une personne peut contracter envers
une autre. Elle comprendra trois titres à savoir : les contrats (TITRE I) ; les
délits et quasi-délits (TITRE II) et les quasi-contrats (TITRE III) ;
- la deuxième sera quant à elle consacrée à l’étude du régime général des
obligations, autrement-dit, les règles applicables à toutes les obligations quelles
que soient leurs origines. Ces règles concernent la transmission des obligations
(TITRE I) ; l’extinction des obligations (TITRE II) ; les modalités des
obligations et obligations complexes (TITRE III) ; la preuve des obligations
(TITRE IV) et les garanties générales du droit de créance (TITREVI).

§2. Programme du Cours


Etant donné que le programme officiel de cet enseignement
prévoit également l’étude du droit coutumier des obligations, des allusions à ce droit
seront, faute de temps, souvent faites sur certaines questions contrastées (transfert solo
consensu de propriété, prescription, théorie des risques, etc.) dans le cadre du droit
comparé.

Par ailleurs, l’étude des principaux contrats usuels intégrée dans


le droit commun des obligations ne sera envisagée que pour autant qu’il ne soit pas
possible d’en faire un enseignement autonome selon les disponibilités propres à
chaque établissement d’enseignement universitaire.

§3. Eléments de bibliographie


La matière des obligations se caractérise par de nombreuses
publications. La littérature française relative à cette matière est, à ce jour, de loin la
plus abondante. Mais, la part des auteurs belges, congolais et autres n’est pas
négligeable.
36
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Face à l’explosion de la littérature obligationnelle, les risques de


confusion et d’égarements sont nombreux. Car, comme le disait Portalis : « il est des
temps où l’on est condamné à l’ignorance, parce qu’on manque de livres ; il en est
d’autres où il est difficile de s’instruire, parce qu’on en a trop »78. Des lors, l’étudiant
devra limiter son choix à un seul ouvrage qui sera son guide permanent.

Par ailleurs, on ne peut, à l’heure actuelle, mener une recherche


sérieuse sans prendre en compte les travaux préparatoires du Code civil, les
monographies consacrées à des questions particulières du droit des obligations et la
jurisprudence (surtout nationale). L’étudiant devra aussi consulter régulièrement ces
travaux afin d’en tirer le meilleur parti. Enfin, les cours de droit des obligations
élaborés par les auteurs nationaux ne sont pas à minimiser.

Pour terminer cette introduction, il ne nous reste plus qu’à


fournir à l’étudiant une liste indicative d’ouvrages à compléter toutes les fois que le
besoin en sera ressenti.

a) Ouvrages congolais

- KALONGO MBIKAYI, Droit civil, tome I, les obligations, CRDJ-


KINSHASA, 2010.
- A. SOHIER, Droit civil du Congo belge, t. II, Bruxelles, Larcier 1956.
- KALONGO MBIKAYI, Responsabilité civile et socialisation des risques,
Kinshasa, P.U.Z, 1977.

b) Ouvrages belges (doctrine francophone)

- H. De PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Bruxelles, Bruylant (t. I.


1962 ; t. II ; 1964, t. III, 1967).

Sur un certain nombre de questions fondamentales ces traités sont encore d’actualités.

- P. WERY, Droit des obligations, vol. 1, Théorie générale du contrat, éd.


Larcier, 2010.
c) Ouvrages français.
- A. BENABENT, Droit civil, les obligations, 3è éd. Mont chrétien, Paris, 1991.
- J. CARBONNIER, Droit civil, T.4, les obligations, 18è éd. ; Paris, P.U.F, 1994.
- A. SERIAUX, Manuel de droit des obligations, 1ere éd, Paris, PUF, 2006.

78
P. –A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du code Civil, Osnabrück, ottozelle, 1968
(réimpression de l’éd. De 1827).
37
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ière PARTIE : LES SOURCES DES OBLIGATIONS

Trois sources des obligations ont été adoptées dans cette étude
(contrats, délits et quasi-délits et quasi-contrats). Nous commencerons par l’étude du
contrat en tant que phénomène omniprésent dans la vie quotidienne.
38
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

TITRE I : LE CONTRAT

La théorie générale des obligations contractuelles, autrement-dit,


les règles communes applicables à tous les contrats est exposée dans le livre III de
notre Code civil particulièrement aux articles 1 à 245. Elle fera l’objet du présent titre.
D’autres enseignements seront consacrés à la réglementation conçue pour chaque type
de contrats : vente (article 263-351), Echange (365-369), louage des choses et
d’ouvrages (370- 446), prêt (447-481), dépôt et séquestre (482- 525), mandat (526-
551), cautionnement (552-582), transactions (583-597) et gage (598-612). Il s’agit de
l’étude des contrats spéciaux dont l’enseignement sera fonction des disponibilités
offertes étant donné que le droit commun des obligations est en lui-même un cours très
vaste.

Nous examinerons donc le présent titre en suivant le plan ci-après :

- Notions générales et classifications des contrats (Chapitre I),


- Conditions de formation et de validité des contrats (chapitre II)
- Nullité des contrats et prescription de l’action en nullité (Chapitre III) ;
- Effets des contrats entre parties (Chapitre IV) ;
- Effets des contrats à l’égard des tiers (Chapitre V),
- Extinction et résolution des contrats (Chapitre VI).
39
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE I : NOTIONS GENERALES ET CLASSIFICATIONS DES


CONTRATS.

Section I : Notions générales


§1 Définition du Contrat
Aux termes de l’article 1 du Code civil congolais livre III : « le
contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers
une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

Cette définition appelle des commentaires assez nombreux au


regard des rapports entre contrat et obligation d’une part et, contrat et convention
d’autre part. Nous aurons également un mot à dire au sujet de la nature bilatérale de
l’engagement contractuel.

a) Contrat et obligation
Tel que repris à l’article 1er précité et, comme nous l’avons
souligné précédemment, le Code civil livre III ne définit pas la notion du Contrat. On
dirait même qu’une certaine confusion est malheureusement créée par le Code entre la
notion du contrat et celle de l’obligation parce que c’est l’obligation qui a pour objet
de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose. Le contrat, quant à lui, n’est
qu’une source des obligations parmi bien d’autres 79 . Il se définit comme un accord de
volontés en vue de créer, de modifier, de transférer ou d’éteindre des obligations.
On voit donc que la définition du contrat donné à l’article I du Code se rapporte plutôt
à la notion de l’obligation qu’à celle du contrat. Le texte de la loi confond à cet égard
contrat et obligation et cette confusion se prolonge dans tout le titre I (Des contrats ou
des obligations conventionnelles en général) qui met ensemble les règles générales
applicables aux contrats et celles applicables aux obligations.

b) Contrat et convention.
Un autre problème que suscite l’article I du Livre III du Code
civil est celui de la distinction entre contrat et Convention. Car, en pratique, on a
souvent tendance à confondre les deux notions.

Les profanes croient, en effet, établir une synonymie entre


contrat et convention qu’ils approchent d’ailleurs d’autres appellations moins
courantes comme « accord », « entente », « protocole », etc.

Si le terme « convention » entendu comme un accord de volontés


entre deux ou plusieurs personnes en vue de faire quelque chose peut aisément
79
L’obligation est un effet du contrat.
40
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

englober ces différentes notions, il n’en est pas de même du contrat qui est un type
particulier des conventions en ce qu’il a pour but de produire des effets
juridiques (créer, modifier, transférer ou éteindre des obligations).

Ainsi, ne serait pas un contrat, un engagement amical entre deux


étudiants pour préparer ensemble la session ou pour jouer au football après le cours.
Une promesse de cadeau faite par un père à son fils en cas de réussite ne constitue pas
non plus un contrat, parce que les parties n’envisagent pas de situer leur accord sur le
plan juridique.

Bref, le Code distingue le contrat de la convention par son


aspect spécifique qui est la production des effets juridiques.

Et c’est ici l’occasion de préciser que contrairement aux


affirmations contenues dans certains supports matériels du droit des obligations, le
contrat n’est pas plus large qu’une convention ordinaire. C’est tout le contraire qui
devrait être soutenu au regard de la spécificité, mieux, de la finalité propre à tout
contrat, à savoir : la création des effets juridiques. En effet, comme le soutient si
judicieusement P.WERY, la convention est le genre dont le contrat est l’une de ses
espèces. Autrement dit, « tout contrat est une convention, mais toute convention n’est
pas contrat »80.

Il serait donc inexact de donner au contrat une portée plus large à


celle de la convention.

D’où le schéma

CONVENTION

80
Car la convention qui est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes en vue de faire quelque
chose peut être mondaine, amicale ou porter sur n’importe quoi alors que le contrat ne vise que la convention
créatrice d’obligations (que l’on qualifie de convention obligationnelle) Voy. dans le même sens, A.
CONTRAT
BENABENT, Droit civil. Les obligations, 3e éd. Montchrestien, Paris, 1991, P. 7.
41
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Cette distinction empruntée à DOMAT et POTHIER 81 jouit


encore d’un crédit certain parmi les auteurs modernes 82et il appartient à chaque
individu de vérifier selon le cas, si les conditions de fond du contrat sont réunies ou
pas, avant de donner à tout accord de volontés, la qualification juridique qu’il
convient.

Enfin, l’on ne doit pas confondre, dans un contrat, l’acte


juridique lui-même que l’on appelle « negotium » et le document qui lui sert de preuve
dénommé « instrumentum ».

c) Le contrat considéré comme un acte juridique bilatéral


Le contrat est, aux termes, de l’article 1er du Code civil, une
convention, mieux « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes… ». Il
en résulte donc que la volonté des individus ne peut engendrer des obligations que si
elle prend la forme d’un lien de droit entre au moins deux personnes : le débiteur (qui
s’oblige) et le créancier (envers qui on est obligé). On dit alors que le contrat est un
acte juridique bilatéral car il faut au moins deux personnes pour contracter.

Vu sous cet angle, les actes juridiques unilatéraux émanant


d’une seule volonté ne pourraient pas, en principe, faire naître des obligations. Mais, le
droit moderne a imposé certaines limitations au principe de la « réciprocité de
volontés ». Ainsi, certains actes unilatéraux (expression de volonté d’une seule
personne ou de quelques personnes) appelés aussi des actes- règles peuvent produire
des effets à l’égard des tiers (personnes non parties). C’est le cas du testament, de la
reconnaissance d’un enfant naturel, de la mise en demeure adressée par un créancier à
son débiteur, de l’engagement par déclaration unilatérale de volonté ou encore du

81
POTHIER, « Traité des obligations », in Œuvre de R.-J POTHIER, t.I, 1829, p.2, n°3, DOMAT, Les lois
civiles dans leur ordre naturel ; le droit public, et legum delectus, t.I, nouvelle édition, Paris, Theodore de Mansy,
1745.
82
Voy not . J. CARBONNIER, Droit civil, t. IV, les obligations, 2000, p. 50 ; J. GHESTIN, La formation du
contrat, op cit, 1993, p. J-L. AUBERT et E. SAVAUX, op cit, t. I, 2000, P. 53.
42
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

contrat collectif (conclu, en vue de certains intérêts, par certains individus mais qui
s’imposent à toutes les personnes englobées dans lesdits intérêts collectifs).

d) Contrat et engagements d’honneur.


Comme souligné précédemment, le contrat se caractérise par sa
finalité qui consiste à produire les effets juridiques (animus contrahendi). Des lors,
tout manquement aux obligations contractuelles peut fonder la victime à assigner,
devant les tribunaux de l’Etat, la partie adverse défaillante. C’est donc par la volonté
de situer leur accord dans « la Zone du droit » que les parties donnent au contrat une
finalité qui permet de le distinguer de tous autres engagements mondains, de
courtoisie, d’honneur ou de pure complaisance : promesse de récompense d’un grand
père à son petit-fils s’il travaille bien à l’école, accord avec un ami pour qu’il vienne
dîner à la maison, chauffeur qui accepte de prendre un auto- stoppeur pour le conduire
en ville, etc.

Les effets juridiques que produit le contrat sont donc voulus par
les parties en vertu du principe de la liberté contractuelle que nous étudierons au
second paragraphe de cette section. C’est également en vertu du même principe que les
parties peuvent refuser de donner à leur accord un but purement juridique. La
méconnaissance d’un tel accord ne peut alors être invoquée en justice que ce soit
devant les cours et tribunaux ou devant l’arbitre.

Dans le monde des affaires, des accords à finalité non juridique


sont courants surtout au niveau des pourparlers contractuels. Les entreprises
qualifient parfois ces accords de : « gentlemen’s agreements» (engagements
d’honneur). C'est-à-dire, des accords dans lesquels elles renoncent à toute
possibilité de recourir à la justice en cas d’inexécution. Ces accords qui sont
valables entre parties ont pour but d’éviter tout recours à la justice qui peut avoir
pour conséquence d’entamer la publicité d’une firme ou d’une entreprise. On
préfère ici recourir à la seule contrainte de l’honneur. Ainsi, en cas de défaillance, la
partie fautive devra-t-elle perdre à l’avenir le bénéfice de ses relations d’affaires avec
son ex partenaire et éventuellement avec les autres entreprises du milieu.

Ces sanctions sont, pour les entreprises, jugées de loin plus


graves qu’une simple condamnation aux dommages-intérêts.

La jurisprudence congolaise est muette au sujet de « gentlemen’s


agreements ». Mais la jurisprudence belge, reconnait le caractère non juridique desdits
accords qui ne peuvent cependant aller à l’encontre d’une loi impérative ou des
prescriptions d’ordre public.
43
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§2. Le principe de l’autonomie de la volonté ou de la liberté contractuelle.

A. Notion
L’autonomie de la volonté est le principe selon lequel, en
matière contractuelle, la volonté des contractants est toute puissante. On est lié dans
un contrat par ce qu’on a voulu et parce qu’on l’a voulu. Ce principe conforme à
l’idéologie individualiste de 1804 est celui qui a inspiré les rédacteurs du Code civil. Il
est exprimé chez nous à l’article 33 alinéa premier selon lequel « Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Autrement dit,
lorsque les parties ont conclu leur engagement conformément à la loi, elles sont liées
par cet engagement qui devient, pour ainsi dire leur propre loi.

La volonté humaine est donc l’élément fondamental du contrat.


Elle crée le contrat et ses effets. Pour tout dire, l’autonomie de la volonté implique :

- 1. La liberté de contracter ou de ne pas contracter. En effet, les parties


conviennent de ce que bon leur semble. Elles sont libres de régler comme elles
entendent leurs intérêts en donnant à leur convention la forme et le contenu
qu’elles veulent.
- 2. Le respect scrupuleux de ce qui a été convenu (accord devenu loi des
parties). Ainsi, un débiteur ne peut refuser d’exécuter son obligation sous peine
d’y être contraint. De même une convention ne peut être modifiée que de
commun accord des parties (art. 33 al 2). La volonté des parties est de ce fait
autonome. Si je veux céder ma maison à mon frère, je peux, selon ma volonté,
la lui vendre (cession à titre onéreux), la lui louer (location), ou imaginer un
contrat « sui generis » (vente à réméré).

Les rédacteurs du Code napoléon étaient convaincus des


bienfaits d’une telle liberté qu’ils mettaient en rapport avec le système économique
libéral du « laisser faire, laisser passer, laisser-contracter ». Car le bien être
commun, disaient-ils, devrait résulter de la libre confrontation des volontés
individuelles.

Cependant, la liberté contractuelle absolue n’existe pas. Diverses


atténuations au principe ont même été prévues par le Code civil lui-même dès 1804.

B. Atténuations au principe.
44
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Le principe de l’autonomie de la volonté connaît deux ordres de


limitations : limitations classiques (lois impératives, ordre public et bonnes mœurs) et
limitations dites modernes (conséquences de l’évolution du monde moderne).

1. Limitations classiques

Les deux limitations classiques fondamentales sont énoncées aux


articles 27 et 32 du Livre III du Code civil. On ne peut, en effet, déroger, par des
conventions particulières, aux lois intéressant l’ordre public et les bonnes mœurs. Ces
limites ont à leur tour trouvé un prolongement dans de nombreuses lois impératives
qui apportent un coup de frein à l’application absolue du principe de l’autonomie de la
volonté.

Nous étudierons d’abord les lois impératives avant d’aborder la


question relative à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

a) Les lois impératives.

Les dispositions du Code civil relatives aux contrats usuels étant


en général supplétives, les parties peuvent y déroger et organiser différemment leurs
relations. Par contre, les réglementations impératives ne peuvent faire l’objet de
dérogations conventionnelles. Elles doivent être respectées à peine de nullité du
contrat.

Les lois impératives poursuivent des buts variés83. Mais le plus


souvent, elles tendent à protéger le cocontractant juridiquement ou économiquement le
plus faible (consommateurs, emprunteurs, locataires, etc.).

N.B. le caractère impératif d’une loi apparait souvent à sa formulation (manière dont
elle est libellée). Par exemple, nul ne peut…, sont nuls et de nul effet…

b) L’ordre public et les bonnes mœurs

On l’a déjà dit, l’autonomie de la volonté ne peut engendrer un


contrat contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs (art 27 et 32 du CCC LIII).
Ainsi sont interdites, les conventions portant sur la vente des armes à feu, des explosifs
ou des substances toxiques ou vénéneuses. Sont aussi prohibées, les conventions
portant atteinte à la liberté de travail et de commerce.

Quant à la notion même de l’ordre public, elle est de celles qui se


comprennent mieux qu’elles ne se définissent. Néanmoins on peut en esquisser une
définition et soutenir avec KALONGO MBIKAYI que par « ordre public » on entend
83
Dans certains cas le législateur intervient pour interdire de contracter selon certaines modalités. Dans d’autres,
il ya l’obligation de contracter. Par exemple, le propriétaire d’un véhicule automoteur doit souscrire une
assurance de responsabilité civile (contrat imposé ou forcé).
45
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’ensemble de valeurs considérées comme essentielles et bonnes pour le


développement d’une communauté donnée84.

Le concept d’ordre public conçu par les rédacteurs du Code civil


concernait particulièrement la politique (organisation fondamentale de la société) et la
morale (valeurs morales jugées essentielles dans l’intérêt général et entourées d’une
protection spéciale).

A l’heure actuelle, le droit moderne a développé à coté de


l’ordre public politique et moral, un ordre public social et économique. Il s’agit en
réalité de deux ordres intimement liés (le second se situant dans la même veine que le
premier) et visant non seulement la justice, l’égalité et l’harmonie sociale, mais aussi
et surtout le développement économique de la communauté85.

En somme, l’ordre public est une notion relative et différente


d’un pays à un autre, d’une époque à une autre. Par exemple, l’ordre public Kabilien
est différent de celui de l’époque coloniale. S’agissant des bonnes mœurs, le moins
que l’on puisse dire est qu’elles font partie de l’ordre public. Elles sont comme cette
dernière notion, variables dans les temps et l’espace et regroupent l’ensemble de
valeurs morales considérées comme essentielles au développement et à
l’épanouissement des citoyens d’une communauté86.

Outre les limitations jugées classiques, le principe de


l’autonomie de la volonté reste également soumis aux limitations modernes.

2. Limitations modernes.

L’autonomie de la volonté et la liberté contractuelle ont été, au


fil du temps, sérieusement écornées par les idées sociales qui subordonnent l’individu
et ses intérêts aux intérêts de la communauté. Le libéralisme contractuel 87 ayant dans la
réalité conduit à l’égalité illusoire et à l’exploitation de l’homme par l’homme 88, le
rôle de la volonté des parties dans le phénomène contractuel s’est alors amenuisé.
D’où le déclin de l’autonomie de la volonté manifesté par les éléments ci-après qui en
constituent de nouvelles limitations :

1. La socialisation du droit. Le volontarisme contractuel n’est plus un dogme.


L’Etat, mieux, les pouvoirs publics, doivent, sous la pression de facteurs
politiques, économiques et sociaux, intervenir pour assurer un contrôle afin de
84
Kalongo Mbikayi, Droit civil des obligations, vol 1. CRAF, Kinshasa, 2010.
85
Sur la notion d’ordre public en général, voy. A. BENABENT, op cit, p. 75-77.
86
Kalongo Mbikayi, ibidem.
87
Kalongo Mbikayi, ibidem.
88
On estimait au XIXe siècle (époque de la rédaction du Code civil) que seul le contrat devrait réaliser le juste
équilibre entre divers contractants cherchant à assurer au mieux la défense de leurs intérêts. D’où
l’expression, « qui dit contractuel, dit juste ». L’Etat n’avait pas à se substituer aux parties dans l’appréciation
qu’elles faisaient de ce qui leur était juste.
46
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compenser l’inégalité des parties. Ils agissent souvent au moyen des


dispositions impératives qui restreignent la liberté des parties (les articles 33 et
63 n’ont plus alors qu’une portée limitée). Ce qui entraîne la multiplication des
contrats dirigés ou imposés dont les clauses sont au préalable impérativement
imposées aux parties (contrat d’assurance automobile).
2. La protection de la partie faible. Parfois ces dispositions visent à protéger
simplement la partie la plus faible au contrat (salarié, consommateur).
L’évolution de la jurisprudence va dans le même sens. Celle-ci peut lorsque les
nécessités sociales l’exigent porter atteinte aux effets du contrat antérieurement
conclu (cas de contrat administratif en application de la théorie de
l’imprévision) ou faire produire au contrat des effets que les parties n’avaient
pas envisagés au moment de la conclusion parce qu’ils sont jugés plus justes
(cas de l’obligation de sécurité dans un contrat de transport).
3. L’extention aux tiers des effets internes d’un contrat. La jurisprudence peut, en
application de la loi et en interprétation de celle-ci, étendre aux tiers les effets
internes d’un contrat auquel ils n’ont pas pris part à l’élaboration (voy. supra,
contrat collectif et convention collective de travail).

Grosso modo, le recul ou le déclin du principe de l’autonomie de


la volonté se manifeste autant par l’atteinte portée à la liberté contractuelle 89 et à la
force obligataire du contrat90 que par la nécessité d’assurer la protection de la
partie faible au contrat. Si ce déclin, n’est plus à l’heure actuelle, sujette à caution,
on ne peut cependant conclure à la mort de ce principe. Car, comme l’écrit J. F.
ROMAIN : « le principe de l’autonomie de la volonté n’est pas un principe mort. Il a
été simplement libéré de certains de ses excès91.

Le contrat étant ainsi appréhendé de façon générale, examinons à


présent les différents types de contrats.

Section II : Typologie ou classifications des Contrats.


En vertu du principe de l’autonomie de la volonté, les parties
peuvent, sous réserve de l’ordre public et des lois impératives, conclure n’importe quel
contrat. C’est dire que les contrats sont d’une variété infinie. Certains sont organisés
par le Code civil qui leur a donné chacun un nom (articles 2-6 du CCC LIII). D’autres
n’ont reçu de la loi aucune dénomination. Mais, il est possible de transcender cette
89
La conclusion de certains contrats est obligatoire (assurance automobile). Dans certaines hypothèses, la
conclusion du contrat est facultative, mais elle est soumise au respect du droit de préemption (exemple si le
bailleur décide de vendre le bien loué, le locataire a le droit de l’acheter en priorité). Enfin, une personne est
parfois tenue de contracter sans pouvoir choisir son cocontractant. Ainsi, un commerçant ne peut refuser à un
consommateur la vente d’un produit, sauf motif légitime.
90
Réduction, même d’office, de la clause pénale manifestement excessive. Il en est de meme de la protection du
débiteur (article 142 al2 du CCCLIII).
91
J.F ROMAIN, « De principe de la convention-loi (portée et limite) : réflexions au sujet d’un nouveau
paradigme contractuel », in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Ed Jeune Bancan, 2000, p.162.
47
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division parce que la doctrine présente encore d’autres distinctions parmi les contrats
(contrats principaux et contrats accessoires ; contrats-cadres et contrats d’application ;
contrats nationaux et contrats internationaux ; contrats de gré à gré et contrats
d’adhésion, etc.).

Nous étudierons d’abord la classification générale (contrats


nommés-contrats innomés), ensuite la classification ancienne ou du Code civil, enfin,
la classification doctrinale dite moderne des contrats.

§1. Contrats nommés et contrats innomés.

A. Notions
Aux termes de l’article 7 alinéa 1 er du Code civil congolais livre
III, les contrats, soit qu’ils aient une dénomination propre, soit qu’ils n’en aient
pas, sont soumis à des règles générales, qui sont l’objet du présent titre.

De cette disposition légale découle la distinction entre les


contrats nommés et les contrats innomés.

Un contrat est dit nommé lorsqu’il a reçu un nom, une


dénomination propre par le Code civil qui l’organise (ex : vente, mandat, prêt, dépôt).
Toutefois, le Code civil n’est pas le seul lieu d’organisation des contrats nommés. Des
lois particulières prévoient également des contrats nommés. C’est notamment le cas
de la loi n°….. régissant le contrat de travail et du Code de la famille qui organise le
contrat de mariage.

Quant au contrat innommé, autrement appelé sui generis, il est


un contrat non prévu et non réglementé par le Code. Il s’agit, en fait, de tous les autres
contrats que la loi laisse aux parties le soin d’organiser en application du principe de
l’autonomie de la volonté même si la pratique finit toujours par leur donner un nom 92
(exemples, contrat de management par lequel une personne confie la gestion totale ou
partielle de son entreprise à une autre qui l’accepte moyennant rémunération, contrat
d’édition, contrat de représentation théâtrale, contrat de likelemba, contrat d’hôtellerie,
contrat de parking, de location de coffre-fort, etc.93.

B. Intérêt de la distinction.
L’intérêt de cette distinction générale des contrats réside dans le
choix de la règle applicable en cas de litige. Pour les contrats nommés, on appliquera
92
Avec les temps certains contrats innommés peuvent retenir l’attention du législateur et basculer ainsi dans la
catégorie des contrats nommés lorsqu’ils sont réglementés par lui.
93
Il faut toutefois se garder de la tentation de ranger les autres contrats parmi les « contrats innommés ». Car
certains contrats qualifiés comme tels peuvent facilement être considérés comme des contrats nommés. Ainsi le
contrat de parking peut être ramené selon le cas à un contrat de location portant sur un espace (emplacement
donné) ou à un contrat de dépôt à titre onéreux. Le contrat informatique peut être regardé comme un contrat
d’entreprise ou un contrat de bail.
48
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principalement, à défaut des stipulations contraires des parties, les règles propres à
chaque contrat (lesquelles ont un caractère propre supplétif). Le droit commun des
contrats que d’aucuns qualifient de « théorie générale des contrats » ne peut ici être
invoqué qu’à titre subsidiaire.

A noter que le juge n’est pas tenu par la qualification donnée au


contrat par les parties. Si elle s’avère erronée, il peut la rectifier en adoptant une
qualification qui s’impose au regard des faits.

Quant à ce qui concerne les contrats innommés, le juge devra


trancher le litige en se référant d’abord à la volonté des parties. A défaut de celle-ci, il
appliquera uniquement les règles générales des contrats et non celles du regime
général des obligations (voy. Dans ce sens l’article 7 du CCC LIII).

Ceci étant dit, revenons à la classification proprement-dite des


contrats.

§2. Classification ancienne des contrats (celle dite du Code civil).


La classification ancienne est celle qui distingue les contrats soit
d’après leur contenu et leurs effets, soit d’après leur mode de formation.

I. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux


Cette distinction se rapporte au contenu des contrats.

a) Notions
Les contrats synallagmatiques et unilatéraux sont respectivement
définis par le Code civil aux articles 2et 3.

D’après l’article 2, « le contrat est synallagmatique ou bilatéral


lorsque les contractants s’obligent réciproquement les uns envers les autres ». Quant à
l’article 3, il porte que « le contrat est unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes
sont obligées envers une ou plusieurs autres sans que de la part de ces dernières il y
ait d’engagement ».

Il en résulte que le législateur distingue ces deux types de


contrats en fonction du « contenu des engagements contractés par les parties ». Si ces
engagements sont réciproques, autrement dit, si les parties s’obligent respectivement
les unes envers les autres en sorte que chaque partie doit effectuer pour l’autre une
certaine prestation, on dit alors que le contrat est synallagmatique ou bilatéral »94.

94
Bien que l’article 2 consacre également le terme « bilatéral » pour designer le contrat synallagmatique, on doit
remarquer que la plupart d’auteurs lui préfèrent le dernier. Même si pour Henry DE PAGE, l’expression contrat
synallagmatique constitue une tautologie (H. DE PAGE, traité, t. II, 1964, p.415).
49
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Ainsi en est –il de la vente dans laquelle le vendeur s’oblige à


transférer à l’acheteur la propriété d’une chose et à mettre celle-ci à sa disposition
(obligation de livraison) alors que l’acheteur doit en acquitter le prix. De même, dans
le bail, le bailleur doit mettre la maison louée à la disposition du propriétaire qui, à son
tour, doit payer régulièrement le loyer convenu et jouir de la chose en bon père de
famille.

Les engagements réciproques se retrouvent dans tous les contrats


synallagmatiques qui, du reste, sont les plus nombreux (vente, bail, mandat salarié,
entreprise, travail, société, édition, échange, etc.).

A l’opposé des contrats synallagmatiques, les contrats


unilatéraux ne créent des obligations que dans le chef d’une ou de certaines parties
seulement sans réciprocité. Exemple : la donation n’oblige que le donateur. Ce
dernier doit transférer au donataire la propriété de la chose donnée et en assurer la
délivrance. Le donataire quant à lui n’est tenu à aucune obligation envers le donateur.
Même chose pour le prêt à usage (commodat) qui n’engendre d’obligations qu’à
charge de l’emprunteur, lequel est tenu de restituer, au prêteur, la chose lui remise en
vertu du contrat. Le dépôt, le mandat et le cautionnement gratuits obéissent également
aux mêmes règles en tant que contrats unilatéraux95.

On doit cependant se garder de confondre un contrat unilatéral


avec un acte unilatéral. Ce dernier est l’œuvre d’une seule volonté ou, plus
précisément, l’expression de volonté d’une seule personne (cas du testament dans
lequel le testateur agit seul et de sa propre initiative). Dans un contrat unilatéral, par
contre, il y a au moins deux volontés qui coïncident. C'est-à-dire, deux personnes au
moins manifestent leur volonté de conclure un contrat avec cette particularité que les
obligations ne pèseront que dans le chef de l’une d’elles. La donation en est une
parfaite illustration. Ici, seul est obligé, le donateur. Mais, le contrat lui-même ne peut
être conclu qu’avec l’accord du donataire qui doit accepter l’offre.

b) Intérêt de la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats


unilatéraux.
La distinction contrats synallagmatiques-contrats unilatéraux
présente un grand intérêt pratique :

- D’abord en matière de preuve. Les contrats synallagmatiques doivent être


établis en autant d’exemplaires qu’il ya des parties (plus un exemplaire pour
l’enregistrement au cas où l’acte est soumis à enregistrement). C’est la
formalité dite « du double originale » (art 207 du CCC LIII).

95
Il en va autrement du dépôt et du mandat rémunérés qui sont des contrats synallagmatiques.
50
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En revanche, les contrats unilatéraux peuvent n’être constatés


que par un seul exemplaire remis au créancier (art 208 du CCC LIII). Toutefois,
lorsque l’engagement porte sur le paiement d’une somme d’argent ou sur la livraison
d’une chose fongible (promesse unilatéral de sommes d’argent ou des choses
appréciables en argent), le titre doit être écrit en entier de la main de celui qui le
souscrit. Faute de quoi, il doit porter la mention « bon pour » ou « approuvé pour »
avec le montant de la somme en toutes lettres, en plus de la signature (art 208 al 1).

Faut-il noter que la formalité du « bon pour » ne concerne que


les contrats unilatéraux portant sur une somme d’argent ou une chose appréciable en
argent.

- L’autre intérêt que présente cette distinction réside dans la notion de cause des
obligations. Dans les contrats synallagmatiques, l’interdépendance des obligations
naissant à charge de chacune des parties implique qu’elles se servent réciproquement
de cause. Si l’une des parties n’exécute pas ses prestations, l’autre peut en faire autant
en invoquant « l’ exceptio non adimpleti contractus ».

Bref, la structure des contrats synallagmatiques entraine


l’application à ces contrats des règles particulières inconnues des contrats unilatéraux :
résolution judiciaire, dissolution du contrat par application de la théorie des risques,
etc. mais on rencontre parfois, en doctrine, une catégorie particulière des contrats
synallagmatiques dite « contrats synallagmatiques imparfaits ». Elle fera l’objet des
développements suivants.

c) Contrats synallagmatiques imparfaits

On désigne par contrats synallagmatiques imparfaits, les contrats


qui, au moment de leur conclusion étaient unilatéraux (n’imposent d’obligations qu’à
charge d’une seule des parties) mais qui sont devenus synallagmatiques parce qu’une
obligation est née à la charge du créancier suite à certains éléments qui se sont produits
au cours de leur exécution. Exemple, le gage est au départ, un contrat unilatéral qui
ne crée d’obligations que dans le chef du créancier gagiste, lequel est tenu de restituer
la chose remise en gage au titre de garantie de paiement d’une créance. Si au court de
l’exécution du contrat, le créancier gagiste effectue des dépenses pour assurer la
conservation de la chose objet de gage, le débiteur devra, le moment venu, rembourser
ces impenses pour éviter l’enrichissement sans cause dans son chef. Dès lors, nait dans
la personne du débiteur l’obligation de remboursement inexistante au départ du
contrat. Et, la convention qui était, à l’origine, unilatérale devient « synallagmatique
imparfaite ». Le prêt à usage (art 448 et s), le mandat gratuit (art 526 et s) et le dépôt
gratuit (art 484 et s) qui sont des contrats unilatéraux peuvent devenir
synallagmatiques imparfaits.
51
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La doctrine classique conteste l’existence des contrats


synallagmatiques imparfaits qui, selon elle, demeurent simplement unilatéraux
puisqu’au moment de leur formation, seule une des parties se trouve engagée envers
l’autre96. Mais cette conception est aujourd’hui dépassée. Les auteurs modernes sont
plutôt favorables à l’existence des contrats synallagmatiques imparfaits qu’ils
soumettent au régime particulier des contrats synallagmatiques (résolution, exception
d’inexécution et théorie des risques97. On prend en compte ici l’exécution plutôt que la
formation du contrat.

II. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit.


A. Notions
Un contrat est, selon l’article 6 du Code civil livre III, conclu à
titre onéreux, lorsqu’il assujetti chacune des parties à donner, à faire ou à ne pas faire
quelque chose. Tandis qu’un contrat est conclu à titre gratuit (on parle également de
« contrat de bienfaisance ») lorsque l’une des parties procure à l’autre un avantage
purement gratuit, (article 5 du Code civil congolais livre III).

Il en résulte que le Code civil définit moins correctement le


98
contrat à titre gratuit . Par ailleurs, la définition du contrat à titre onéreux n’est guère
heureuse parce qu’elle renvoi à celle du contrat synallagmatique déjà examinée 99. Et,
l’erreur du législateur est ici tolérable étant donné que la plupart des contrats
synallagmatiques sont à titre onéreux tandis que les contrats unilatéraux sont
généralement à titre gratuit. Toutefois, cette similitude ne peut être poussée à l’extrême
car, on rencontre des contrats synallagmatiques à titre gratuit (cas de la donation avec
charge) et des contrats unilatéraux à titre onéreux (le prêt à intérêt, par exemple).

En effet, si la donation et le prêt à titre gratuit sont parmi les


contrats unilatéraux, tel n’est pas le cas du prêt à intérêt. On sait, en effet, comme on
vient de le remarquer, que le prêt à intérêt est de par son origine un contrat unilatéral
puisque les obligations de rembourser le prêt et de payer les intérêts ne pèsent que
dans le chef de l’emprunteur. Mais, le prêteur n’a pas agi dans une intention libérale. Il
a voulut surtout retenir un intérêt de l’argent prêté. Donc, les deux parties ont
recherché un avantage dans leur engagement. Et cet avantage se situe sur le plan

96
H. DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p. 419.
97
J. – FLOUR, J. L. AUBERT et E. SAVAUX, Droit civil. Les obligations, vol. I, l’acte juridique, 9e éd., Paris,
A. Colin, 2000, p. 66.
98
Nous disons moins correctement. Car, tel qu’il est rédigé, le texte de l’article 5 comporte une tautologie
consistant à dire qu’ « est à titre gratuit (de bienfaisance) ce qui est à titre gratuit ». (Voir dans ce sens J.
CHAMPEAUX, Etude sur la notion juridique de l’acte à titre gratuit en droit civil français, thèse de doctorat,
Strasbourg, Macon, 1931, p.1.
99
En effet, les termes « assujettit chacune des parties à donner ou à faire quelque chose » caractérise, en réalité,
le contrat synallagmatique (voy. L. JOS SERAND, cours de droit civil positif français, t. II ; 26e éd., Paris, Sirey,
1933, p. 16.)
52
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économique et subjectif : l’emprunteur s’engage en vue de jouir de la somme prêtée ;


le prêteur s’engage pour retirer un intérêt de cette somme.

Ainsi, comme l’énoncent les articles 1 et 4 du Code civil qui


renseignent sur l’élément commun de tous les contrats à titre onéreux (ce que reçoit
l’une des parties est l’équivalent de ce que lui procure à l’autre), le contrat unilatéral
de prêt devient alors à titre onéreux (absence d’intention libérale).

La même réflexion peut être appliquée à la promesse


unilatérale de vente. Ici, seul le propriétaire désireux de vendre s’engage. Mais, il ne
s’engage pas dans une intention libérale. Il poursuit un avantage économique : l’achat
du bien mis en vente. C’est donc également là un contrat unilatéral à titre onéreux.

Bref, la distinction des contrats à titre onéreux d’avec les


contrats à titre gratuit repose sur le but poursuivi par les contractants. Ce but est
généralement économique (avantages réciproques et non obligations reciproques) et
subjectif (l’absence d’intention libérale).

De ce qui précède, on peut définir un contrat à titre onéreux


comme celui qui se fait donnant-donnant. C'est-à-dire, un contrat dans lequel celui qui
s’oblige le fait parce qu’il attend de son cocontractant un avantage correspondant à
celui qu’il lui procure. Exemple la vente. Le vendeur espère bénéficier du prix de la
chose tandis que l’acquéreur, lui, compte exercer tous les droits de propriété sur la
chose à acquérir100.

Quant au contrat à titre gratuit, autrement appelé contrat de


bienfaisance, il se définit, selon le Code civil, comme un contrat dans lequel l’une des
parties procure à l’autre un avantage purement gratuit (article 5 du CCC LIII).

Ici la personne qui s’oblige ne reçoit pas de l’autre l’équivalent


de ce qu’il donne. Elle est animée, comme l’on dit, d’une intention libérale (animus
donandi) qui l’oblige à s’engager sans attendre en retour aucun avantage de son
cocontractant. C’est par cette absence d’équivalent (avantage réciproque) que le
contrat à titre gratuit ou de bienfaisance se distingue de celui qui est conclu à titre
onéreux101.
100
Dans son arrêt du 31 mai 1989, la Cour de cassation française a dégagé la présomption d’onérosité des
conventions, en décidant qu’ « il appartient à celui qui se prévaut d’un contrat à titre gratuit de démontrer
l’intention libérale (Cass. Fr. cir. ,31 mai 1989, Rev. Trin dr. Civ. 1990, p. 69, obs. critiques de J. MESRE. Voy.
Aussi Cass. Fr. civ. 17 décembre 1997, J.C.P, 1998, IV, n°1707 : « le contrat d’entreprise est présumé conclu à
titre onéreux ». La majorité de la doctrine admet, par exemple, l’existence d’une stipulation tacite de salaire en
faveur de tout mandataire professionnel, surtout en matière commerciale. Il en va de même pour le dépositaire
professionnel.
101
Mais, la distinction entre contrats à titre gratuit et contrats à titre onéreux peut parfois s’avérer difficile à
opérer en pratique. Il faut alors tenir compte de l’ensemble des relations existant entre parties, plus
particulièrement, des avantages qui seront conférés dans l’avenir ou qui le sont. Exemple, le Parking gratuit
qu’un commerçant offre à ses clients pendant le temps de leurs emplettes ne peut être considéré comme résultant
53
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

A noter que la gratuité d’un contrat ne s’oppose pas à


l’indemnisation du prestataire de service par son cocontractant. Car indemniser
quelqu’un ne signifie pas le rémunérer. C’est plutôt lui permettre de revenir dans ses
frais. Ainsi, un dépositaire à titre gratuit doit non seulement être remboursé des
dépenses engagées pour la conservation de la chose, mais aussi être indemnisé de
toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées (art 510 du Code civil).

Enfin, on distingue parmi les contrats à titre gratuit deux types


principaux. D’une part, les libéralités qui se caractérise par le transfert de valeur d’un
patrimoine à l’autre sans contrepartie (exemple : la donation). D’autre part, les contrats
de services gratuits102appelés parfois, de manière moins précise, « contrats
désintéressés »103 ou « contrat de bienfaisance »104.

Les contrats de services gratuits obligent seulement certaines


parties à fournir des services non rémunérés et n’opèrent pas de transfert de valeur
d’un patrimoine à un autre. Tel est le cas du dépôt ou du mandat gratuit, du commodat
(prêt à usage), du prêt sans intérêt, de l’hébergement, de l’assistance, de l’engagement
de faire donner des soins à un animal…

B. Intérêt pratique de la distinction.

La distinction entre contrats à titre onéreux et contrats à titre


gratuit ne présente pas un grand intérêt pratique. Néanmoins, on peut retenir que si la
morale glorifie les actes désintéressés (à titre gratuit), le droit s’en méfie (par
exemple : s’appauvrir en fraude des droits de ses créanciers).

Par ailleurs, les contrats à titre gratuit sont généralement conclus


« intuitu personae » et restent soumis aux particularités qui s’attachent à cette
catégorie. Bien plus, la responsabilité d’un cocontractant est souvent appréciée moins
sévèrement lorsqu’il agit à titre gratuit qu’à titre onéreux (art. 493 et 494, « dépôt » et
art. 533 alinéa 2 « mandat »)105 et la faute prise en compte ici est généralement la
« culpa levis in concreto » et non la « culpa levis in abstracto ».

Enfin, le donateur n’est pas soumis à l’obligation de garantie qui


incombe au vendeur (art. 280 du CCC LIII).

d’un contrat à titre gratuit. Il trouve sa contrepartie dans les achats qui serons effectués par les clients. De même
l’agence immobilière qui offre un voyage gratuit à KANANGA à l’acquéreur d’un terrain à « MPASA » conclu
avec celui-ci non pas un contrat à titre gratuit mais plutôt à titre onéreux.
102
J.CHAMPEAU, op cit, 1931 ; M. BOITARD, les contrats de services gratuits, préface de P. ESMEIN, Paris,
Sirey, 1941 ; J.-J. DUPEYROUX ; contribution à la théorie générale de l’acte à titre gratuit, Paris, LGDJ, 1955 ;
J-F. OVERSTAKE, op cit, 1969, p. 205 et s.
103
A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, t. II, 7e éd, Paris, Dalloz, t. II, 1932,
p.13 ; H.L. AUBERT et E. SAVAUX, op cit, 2000, P. 58.
104
J. CHAMPEAUX, op cit, 1931, p.6
105
Ainsi jugé que « Quand les services sont rendus gratuitement, le juge peut, par application de l’article 533,
être moins rigoureux (Ière Inst. Elis, 11 février, 1926, Jur. KAT, II, p. 146).
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III. Contrats commutatifs et contrats aléatoires


A. Notions
Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires sont une
catégorie des contrats à titre onéreux (art 4 du CCC LIII)106.

 Contrat commutatif.

Un contrat commutatif est un contrat à titre onéreux où les


avantages réciproques sont susceptibles d’être évalués par les parties dès la conclusion
du contrat.

Exemple :

- Vente d’un bien déterminé à un prix déterminé ;


- Echange de tel bien déterminé contre tel autre bien déterminé.
- Construction à un prix déterminé de tel type de maison, etc.

N.B la plupart des contrats à titre onéreux sont commutatifs.

 Contrat aléatoire

Un contrat aléatoire est par contre celui dans lequel l’avantage


escompté consiste en une chance de gain ou de perte après la réalisation d’un
événement incertain107.

Exemple :

- Le contrat de jeu (payer tel montant à quelqu’un s’il gagne) ;


- Le contrat de pari (parions que Vita club ne gagnera pas, s’il gagne je te devrai
autant) ;
- le contrat d’assurance (payer une prime d’assurance pour garantir tel risque. S’il
se réalise, l’assureur doit le prendre en charge à concurrence du montant
convenu.
- Le contrat de vente dont le prix est une rente viagère. Dans ce contrat, les
prestations des parties sont réciproques. Le vendeur doit transférer la propriété
du bien vendu tandis que l’acheteur doit payer les arrérages. L’incertitude
porte sur la quotité de ceux-ci. Car leur montant dépend de la durée de vie de
la personne bénéficiaire de la rente, en l’occurrence le vendeur.

106
B. DUBUISSON, « Les contrats aléatoires », J.T. Bicentenaire du Code civil 1804 -2004, 2004 p. 327 et s.
107
L’article 1964 (du Code civil belge qui n’a pas d’équivalent chez nous) définit le contrat aléatoire comme une
convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une
ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain ».
55
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Donc l’aléa est de la nature même du contrat. Il n’est pas une


simple modalité. Ainsi, contrairement à la réalisation d’une condition résolutoire, la
survenance de l’alea ne met pas ici fin au contrat. Elle détermine seulement la
prestation de l’une des parties (ou de deux parties). De même contrairement à la
réalisation de la condition suspensive, la survenance de l’aléa ne conditionne pas
l’entrée en vigueur du contrat qui est né bien avant. Exemple, le contrat de pari. Je
vous dis que Vita club ne gagnera pas le match. S’il gagne, je vous donnerai 100$
(dollars Américains). La réalisation de la condition ou de l’aléa (la victoire de Vita
club) n’entraîne pas la naissance du contrat et ne crée pas le contrat. Elle permet
simplement de déterminer la ou les prestations incombant aux parties ou à l’une d’elle.

B. Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction entre contrats commutatifs et aléatoires


réside d’abord dans le fait que la lésion n’est pas en principe concevable dans les
contrats purement aléatoires108. Il ne peut, en effet, y avoir un déséquilibre des
prestations là où le rapport de ces prestations est, par hypothèse, incertain. Par ailleurs,
certains contrats aléatoires sont considérés comme illicites, même si cela n’est pas
toujours le cas (Exemple, le contrat de jeu)109.

IV. Contrats consensuels, solennels et réels


Cette distinction qui se réfère aux conditions de formation des
contrats n’est pas reprise dans le Code civil. Elle est seulement sous entendue. En
effet, plusieurs distinctions parmi les contrats n’ont pas été extrêmement évoquées par
le Code. Elles sont déduites de la combinaison de nombreuses dispositions relatives
aux contrats spéciaux. Tel est le cas de la distinction entre contrats consensuels,
solennels et réels. Mais aussi entre contrats nommés et innommés déjà examinés ainsi
que la distinction entre contrats civils et commerciaux dont l’étude est renvoyée à
d’autres enseignements.

A. Notions

- Contrats consensuels
Le contrat consensuel est celui qui se forme « solo consensu »,
c'est-à-dire, par le seul accord des volontés des parties sans que ces dernières ne soient
obligées de respecter la moindre formalité. Leur seul échange des consentements suffit
à donner naissance à la convention. Ce principe se déduit non seulement de la règle

108
En vertu du principe selon le quel : « l’aléa chasse la lésion ». Mais, cette affirmation peut être aujourd’hui
remise en cause par la « science des probabilités». En effet, grâce au calcul des probabilités, on peut évaluer les
chances de survenance de l’événement aléatoire et calculer la contrepartie due de façon à équilibrer les
prestations (exemple, en matière d’assurance, la prime est souvent calculée en fonction du taux de probabilité de
réalisation du risque assuré).
109
SOHIER, Nov. dr. Col. T.IV, n°43.
56
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

générale de l’article 33 du Code civil, mais aussi et surtout de l’article 8 de ce Code


qui, en énumérant les conditions requises pour la validité des contrats, ne cite pas le
respect d’une quelconque formalité.

Exemple, le contrat de vente. Dès que les parties se sont mises d’accord sur la chose,
objet de la vente et sur le prix, le contrat est conclu au même moment 110. C’est le
principe du consensualisme (solus consensus obligat).

Le contrat dit électronique ou conclu par voie électronique est


aussi un contrat consensuel en dépit de l’automatisation de son processus de
conclusion. En effet, les parties expriment ici leur volonté de manière quelque peu
originale en faisant un simple ou un double clic sur une icône ou sur la touche
« envoi » du logiciel de messagerie électronique 111. Mais, cela ne porte nullement
atteinte à la nature consensuelle de ce contrat.

Faut-il noter que le principe du consensualisme n’est ni


impératif, ni d’ordre public et que les parties peuvent, de commun accord, subordonner
la naissance du contrat à l’accomplissement d’une formalité. C’est le cas notamment
lorsqu’elles décident que le contrat ne verra le jour qu’après l’établissement d’un écrit
(contrats solennels) ou après la remise d’une chose de l’une d’elles à l’autre (contrats
réels)112.

- Contrats solennels
Le contrat solennel est celui dont la conclusion est subordonnée,
par la loi, à l’accomplissement de certaines formalités. En effet, le consensualisme
étant le principe de base en matière contractuelle, seul un texte légal peut imposer aux
parties une exigence de forme. Ainsi donc, le formalisme solennel consiste le plus
souvent en l’établissement d’un écrit pour la validité du contrat. Sans écrit, Pas de
contrat113. Les parties sont ici obligées, à peine de nullité de leur accord, de couler
celui-ci sous une forme obligatoire alors que dans un contrat consensuel, aucune forme
ne leur est imposée. Car, le consensualisme ne veut pas dire absence d’écrit. Il signifie
simplement que les parties sont libres d’établir un écrit ou pas. Ce qui n’est pas le cas
du contrat solennel dans lequel le Code civil pousse parfois l’exigence jusqu’à
imposer la rédaction d’un acte notarié.

110
Article 264 du CCC LIII.
111
E. MONTERO et M. DEMOULIN, « La formation du contrat depuis le Code civil de 1804 : un régime en
mouvement sous une lettre figée », in le droit des obligations contractuelles et le Bicentenaire du Code civil (éd.
P. WERY), Bruxelles, la charte 2004, p. 107 et s.
112
H.DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p. 423 et s.)
113
C’est ici la différence avec le contrat consensuel pour lequel l’existence d’un écrit est facultative. Dans un
contrat solennel, l’écrit est obligatoire pour qu’un contrat soit valable. Bien plus, on doit se garder de la
confusion pouvant exister entre le formalisme solennel dont dépend l’existence du contrat et d’autres types de
formalisme comme le formalisme probatoire (servant de preuve) et le formalisme d’opposabilité ou de
publicité. Dans ces derniers cas, le contrat reste « consensuel »en dépit d’autres formalités jugées non
solennelles.
57
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

On peut citer à titre d’illustrations des contrats solennels


exigeant un acte notarié, le contrat d’hypothèque (art 256 de la loi du 20 juillet 1973
telle que modifiée et complétée à ce jour) et la subrogation consentie par le débiteur
(art 148, 2e du Code civil). Quant au contrat de mariage civil, la loi exige non pas un
acte notarié, mais plutôt un acte de mariage établi par l’officier de l’Etat civil.

A noter que contrairement au soutènement de H. DE PAGE,


selon lequel le consensualisme est devenu un principe de droit moderne : « de nos
jours, le principe du consensualisme a définitivement triomphé », on assiste, à l’heure
actuelle, à un regain ou une renaissance du formalisme solennel suite au « déclin du
consensualisme »114.

Ce déclin est surtout favorisé par le fait que le consensualisme


n’étant pas un principe d’ordre public, les parties peuvent elles-mêmes, désormais,
décider que leur contrat ne peut voir le jour qu’à partir du moment où un écrit est
rédigé ou celui où une chose est effectivement remise à l’acquéreur. Par ailleurs, la loi
impose de plus en plus un formalisme solennel pour protéger la partie la plus faible en
sorte que cette partie ne peut plus s’engager à la légère (voir la formule « lu et
approuvé »). Enfin, le contrat de vente mobilière dans ses multiples variantes (vente
aux consommateurs115, vente à tempérament) devient selon le cas soit un contrat
solennel, soit un contrat réel alors qu’il constitue l’archétype des contrats consensuels
dans le Code civil.

Quant au contrat de vente d’immeuble, on notera comme nous


l’avons dit qu’il demeure un contrat consensuel en droit congolais en dépit de
l’exigence de l’établissement du certificat d’enregistrement prévu par la loi foncière.
En effet, loin de constituer un formalisme solennel dont dépend l’existence du contrat,
l’établissement du certificat d’enregistrement n’est qu’une formalité à finalité
probatoire et d’opposabilité (ou de publicité) d’un contrat consensuel jugé valable en
soi. Non seulement, il fait preuve des droits réels immobiliers transmis à l’acquéreur,
mais aussi il permet de rendre opposable aux tiers les droits précités. C’est ce
qu’affirme le législateur en énonçant que le droit de jouissance d’un fonds n’est
légalement établi que par un certificat d’enregistrement du titre concédé par l’Etat
(art. 219 de la loi foncière).

On ne peut, en effet, jouir d’un fonds que si on le possède déjà.


Et c’est le contrat consensuel d’aliénation (vente immobilière), qui permet de
transférer à l’acquéreur la propriété du fonds dont il devra, par la suite, tirer profit.
114
Voy. En ce sens A. PUTTEMANS, « le contrat de vente à l’épreuve de la protection du consommateur » in
les aspects récents du droit des contrats, ouvrage collectif sous la direction de P.A. FORIES, Brux, éd. Du jeune
barreau, p. 9 et s, spéc, pp. 38-39
115
Exemple les ventes aux consommateurs en droit belge. Aux termes de l’article 88 de la loi du 14 juillet 1991
relative aux pratiques de commerce, ces ventes « doivent, sous peine de nullité, faire l’objet d’un écrit, rédigé en
autant d’exemplaires qu’il ya des parties contractantes ayant un intérêt distinct ».
58
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

-Contrats réels.
Le contrat réel est celui qui exige pour sa formation, outre
l’échange des consentements, la remise par l’une des parties à l’autre de la chose, objet
du contrat. Exemple, le prêt, qu’il soit à usage ou de consommation (art 448 et s)
n’existe que par la remise, à l’emprunteur, de la chose empruntée. Il en va de même
pour le dépôt (article. 482 et s), le gage (art 519 et s) et la vente à tempérament (à
crédit). Cette dernière, est, en droit belge, devenue aux termes de l’art 45, §2 de la loi
du 12 juin 1991relative au crédit à la consommation, un contrat réel puisque celle-ci ne
peut avoir lieu, par dérogation à l’article 1583 (264 du CCC LIII), que par le paiement
d’un acompte d’au moins 15%( remise de la chose).

Comme on peut le constater, la mise en possession de la chose


(res) est de l’essence même du contrat réel.

Une partie de la doctrine conteste cependant l’existence des


contrats réels (prêt, dépôt, gage) qu’elle assimile aux contrats synallagmatiques. Car
opine-t-elle la remise de la chose n’est qu’une exécution de l’obligation contractuelle
au même titre que celle du bailleur (mettre la chose louée à la disposition du preneur)
et non une condition de validité du contrat.

Bien qu’elle soit défendable, cette opinion ne peut emporter


notre intime conviction étant entendu qu’elle va à l’encontre des prescrits légaux qui
font de la remise de la chose la condition d’existence des contrats réels116.

B. Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction entre contrats consensuels, solennels et


réels est de savoir qu’il existe pour chaque type de contrats, des conditions de
formation et de validité différentes.

V. Les contrats à exécution instantanée (contrats instantanés) et les


contrats successifs (à exécution successive).
Cette distinction se rapporte aux obligations découlant du contrat
qu’au contrat lui-même.

A. Notions
Un contrat instantané ou à exécution instantanée est celui qui
donne naissance à des obligations qui peuvent être exécutées en une seule fois. Par
exemple, la livraison de la chose dans la vente : j’achette des bananes ; la vendeuse me
les livre, le contrat prend fin. On dit alors que ce contrat est instantané. Il en va de
même pour l’échange et le mandat lorsqu’ils portent sur une seule opération.

116
Dans le même sens, P.WERY, op cit, p. 78.
59
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

A l’opposé du contrat instantané, le contrat successif ou à


exécution successive (ou encore contrat continu) est celui dont les obligations
s’exécutent dans la durée » soit de manière continue (par exemple, l’obligation de faire
jouir le locataire des lieux loués), soit par des prestations échelonnées (par exemple,
l’obligation de payer le loyer chaque mois).

Outre le bail déjà cité, le contrat de travail, de société,


d’assurance et de vente à rente viagère sont des contrats successifs.

B. Intérêt de la distinction.

L’intérêt de la distinction réside dans le fait qu’en cas de


résolution (dissolution) d’un contrat instantané, cette résolution produit
immédiatement un effet rétroactif qui permet aux parties de remettre les choses dans
leur état antérieur. On dit alors que la résolution opère ex tunc (à partir du passé).
Exemple, en cas de résolution d’un contrat de vente des bananes, le vendeur doit
restituer le prix reçu et l’acheteur les bananes livrées. Il y a donc destruction
rétroactive, telle que les prestations étant réciproquement répétées, les parties
reviennent à la situation antérieure. Il est donc mis fin au contrat pour le passé et
pour l’avenir.

Par contre, s’agissant du contrat continu ou successif, la


résiliation (terme utilisé ici à la place de la résolution) n’a pas d’effet rétroactif parce
qu’il est difficile pour les parties de se répéter les prestations déjà exécutées. Dès lors,
le contrat ne peut être anéanti que pour le présent et l’avenir. Ce qui veut dire qu’à
la différence de la résolution, la résiliation opère ex nunc (à partir du moment présent).

§3 Classifications moderne des contrats.

Ces classifications qui ne sont pas expressément évoquées dans


le Code civil résultent de l’évolution de la notion du contrat et surtout du déclin de la
liberté contractuelle. Les unes sont relatives à la formation du contrat, les autres à ses
effets.

Ainsi, on distingue :

- Les contrats de libre discussion, les contrats d’adhésion, les contrats types et les
conditions générales d’affaires d’une part, et.
- Les contrats individuels et les contrats collectifs d’autre part.
60
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

I. Les contrats de libre discussion, les contrats d’adhésion, les contrats


types et les conditions générales d’affaires.
a) Les contrats de libre discussion

Ce sont des contrats dans lesquels les différentes clauses sont


discutées librement et d’égal à égal par les parties. On les appelle également
« contrats de gré à gré » en raison du pouvoir qu’ont les parties de « marchander » et
de conclure leur engagement après parfois d’âpres négociations. Par exemple, un
particulier qui cherche à obtenir le meilleur prix d’une voiture d’occasion ou un
pousse- pousseur qui discute avec son client du prix d’une course en pousse-pousse.

Mais, la réalité n’offre toujours pas des contrats où tout est


prévu ; tout est débattu. L’une des parties peut seulement être invitée à adhérer à un
contrat où les clauses ont été unilatéralement préétablies par le cocontractant souvent
en position de force. On parle alors du contrat d’adhésion.

b) Les contrats d’adhésion


La doctrine a proposé du contrat d’adhésion plusieurs
définitions. Parmi celles-ci, on peut retenir celle d’après laquelle le contrat d’adhésion
est un contrat dont les conditions ont été déterminées à l’avance et unilatéralement par
la partie économiquement forte et qui les propose à l’autre, sans possibilité pour cette
dernière de les discuter et, à fortiori, de les faire modifier117.

C’est un auteur français SALEILLES qui, pour désigner de


manière imagée les « contrats non négociables » a pour la première fois, utilisé cette
expression qui n’a pas tardé de s’imposer en doctrine118.

Comme le remarque si judicieusement J. CARBONNIER, le


contrat d’adhésion ne peut être défini de manière rigoureuse 119. Tout au plus peut-on
dégager les éléments principaux qui accompagnent généralement ce type de contrat à
savoir :

- La supériorité économique de l’une des parties qui la met en position de dicter


ses conditions à l’autre dans son intérêt exclusif ;
- L’absence de débats préalables entre parties. Les clauses du contrat étant
d’avance et unilatéralement déterminées par la partie en position de force ;

117
Dans le même sens PINDI MBENSA KIFU, Réglementation juridique des clauses abusives dans les
conditions générales de vente en droit congolais. Etude de droit comparé, Thèse de Doctorat, Kul, 1979.
118
R. SALEILLES, De la déclaration de volonté : contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil
Allemand (art. 116 à 144), Paris, Pichen, 1901, p.129.
119
J. CARBONNIER, op cit, p. 64.
61
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- La rédaction unilatérale des conditions générales standardisées caractérisées le


plus souvent par leur invariabilité.120

Mais, le problème de l’adhésion peut être différemment modulé.


Il peut aller de l’hypothèse où aucune possibilité de négociation n’est ouverte pour
quelque clause que ce soit à la situation où la partie la plus forte accepte de discussions
pour quelques articles.

Enfin, en dépit de critiques dont il a fait l’objet en doctrine, le


contrat d’adhésion (transport maritime, ferroviaire et aérien, transport en commun,
contrat de crédit en banque, contrat d’assurance, contrat de travail dans les grandes
sociétés) présente un grand intérêt pratique.

Dans le monde des affaires et surtout dans une économie de


masse où la rapidité est souvent de mise (il faut conclure vite et à moindre frais), on
ne peut s’accommoder des discussions contractuelles interminables qui auraient pour
conséquence de retarder la conclusion de certains contrats. Avec leur cortège des files
interminables des clients devant les gares et les guichets.

c) Les contrats types ou standards

On parle des contrats types ou standards lorsque les clauses du


contrat ne sont l’œuvre d’aucune des parties. Par définition, les contrats types sont des
modèles des contrats rédigés soit par l’Etat, soit par un organisme professionnel
(assurance) et destinés à servir de base aux futurs contrats que les particuliers auront à
conclure éventuellement plus tard121.

N.B. les contrats types sont parfois qualifiés « d’actes - condition » ou « actes
réglementaires ». Car, la formule préconstituée ne pourra entrer en application
effective qu’à condition d’être reprise par des consentements individuels.

Mais, il arrive parfois que les clauses du contrat soient rédigées


par un groupe des parties se trouvant dans la même situation et qui les impose à
l’autre. Il s’agit dans ce cas des conditions générales d’affaires.

d) Les conditions générales d’affaires

120
J. CARBONNIER, op cit, p. 67. A noter que le contrat d’adhésion ne peut être confondu avec le contrat forcé
ou imposé où il existe une obligation de contracter, c'est-à-dire, de conclure le contrat (ex. le contrat d’assurance-
responsabilité civile imposé à tout propriétaire du véhicule automoteur. Le contrat d’adhésion par contre, même
s’il porte atteinte à la liberté contractuelle reste un contrat comme les autres. La partie est libre d’adhérer ou pas.
Car, c’est à prendre ou à laisser.
121
J. LEAUTE, Les contrats types, in Rev. Trim. De civ, 1953, p. 430 N°1.
62
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. Notions
Les conditions générales d’affaires visent en général les clauses
rédigées d’avance et unilatéralement (dans les formules très étudiées) par des grandes
entreprises (assurances, banques, transports maritimes, etc.) et qui devraient,
ultérieurement s’appliquer de plano à tous les contrats individuels passés avec la
clientèle122.

Elles sont d’une grande diversité et peuvent être soit incorporées


dans le texte du contrat, soit former une partie séparée à celui-ci. Exemple, les
conditions générales élaborées par un groupe des vendeurs ou des bailleurs pour la
protection de leurs intérêts.

En pratique cependant les conditions générales se rapprochent


des contrats d’adhésion et des contrats types. Aussi, doit-on se garder de la confusion
pouvant exister entre ces notions assez voisines.

2. Différence d’avec les contrats d’adhésion et les contrats types

1. Conditions générales et contrats d’adhésion

Comme indiqué précédemment, les conditions générales


ressemblent aux contrats d’adhésion ou sont des variétés des contrats d’adhésion
lorsqu’elles sont imposées par la partie en position de force sur le marché (cas du
vendeur professionnel présentant un bon de commande ou une facture à son client au
titre de contrat).

Toutefois, en dépit de cette ressemblance, les conditions


générales ne peuvent être totalement assimilées aux contrats d’adhésion. Tandis que
ces derniers, ne peuvent, en principe, faire l’objet de discussions, il est admis que les
conditions générales soient parfois marchandées lorsqu’il s’agit des marchés
importants. Mais la distinction n’est pas facile à établir.

2. Conditions générales et contrats types.

Les contrats types peuvent être discutés sur des clauses


spécifiques en vue de les adapter à des situations particulières. En revanche, les
conditions générales rédigées par un organisme professionnel ou par un groupe des
parties se trouvant dans la même situation ne sont pas négociables.

Ceci ne peut cependant être érigé en dogme absolu.

122
J. CARBONNIER, op cit, p.66. Les conditions générales ne sont pas l’apanage de grandes entreprises. Elles
peuvent également être élaborées par des organismes publics chargés d’assurer la protection des parties faibles
ou qui ne représentent aucune des parties.
63
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

3. Les contrats individuels et les contrats collectifs.


Cette classification concerne surtout les effets du contrat. En
effet, un contrat individuel est celui qui ne produit ses effets qu’entre parties
contractantes. Exemple : vente d’une chèvre. Elle ne concerne que le vendeur et
l’acheteur.
Par contre, un contrat collectif est celui qui est conclu par deux
ou plusieurs personnes mais dont les effets s’étendent à plusieurs autres personnes
intéressées qui n’ont pas participé à son élaboration.
Exemple : convention collective du travail.
64
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE II : CONDITIONS DE FORMATION ET DE VALIDITE


DES CONTRATS
Introduction.

Sans plonger dans un anthropomorphisme excessif et bien que


« comparaison n’est pas raison », on peut affirmer que la vie d’un contrat est
comparable à celle d’un être vivant. Pour venir au monde, ce dernier doit disposer de
tous ses organes vitaux. L’absence de l’un de ses organes empêche un organisme
vivant de venir au monde ou l’y introduit avec des défauts qui font de lui un être avec
handicap.

Le contrat obéit quasiment au même schéma. L’article 8 du Code


civil congolais livre III énumère les conditions sans lesquelles un contrat ne peut
valablement voir le jour. Il s’agit :

1. Du consentement des parties


2. De la capacité de contracter
3. De l’objet certain et licite
4. D’une cause licite.

Si une partie invoque un contrat auquel manque un de ces


éléments essentiels, ce contrat ne « peut sortir valablement ses effets » parce qu’il n’a
pas été « légalement formé ».123

L’importance pratique de cette énumération est considérable.


Elle permet de vérifier comment et par quelles parties se réalise l’accord, le
contenu de celui-ci ainsi que le but poursuivi par les parties en contractant.

La validité du contrat repose donc sur cette quadruple


conditionnalité et c’est la raison pour laquelle il est important de soumettre à l’analyse
chacune d’elle afin d’en appréhender véritablement le sens et la portée.

SECTION I : LE CONSENTEMENT.
Le législateur n’a pas pris soin de définir le consentement.
Cependant, ce mot peut être considéré dans deux sens différents. Le premier
correspond à son étymologie latine « cum-sentire » qui désigne la rencontre des
volontés des parties au contrat, c'est-à-dire, leur accord des volontés. Dans le
second sens, le consentement signifie la volonté de contracter d’une partie. C’est
123
Cela ne veut pas dire que le contrat qui ne remplit pas les conditions exigées par l’article 8 soit inexistant.
L’absence de l’une des conditions légales sus énumérées rend seulement le contrat annulable. Autrement-dit, le
contrat existe, mais il a une infirmité qui doit normalement entraîner sa nullité (absolue ou relative). Donc, les
quatre conditions susdites sont plutôt des conditions de validité et non d’existence du contrat.
65
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

dans ce dernier sens que le mot est utilisé par le Code civil à l’article 8 lorsqu’il parle
du consentement de la partie qui s’oblige124.

De ce qui précède, le consentement peut être défini comme


l’accord, l’expression de la volonté de chacune des parties à s’engager dans un
rapport contractuel. Il est, en vertu du principe de l’autonomie de la volonté, le
fondement de tout contrat étant donné qu’on est premièrement lié que parce qu’on
l’a voulu.

Parlant du consentement, le Code civil congolais livre III ne


l’envisage qu’en termes de ses vices (article 9 à 18), passant ainsi sous silence son
existence. Aussi, s’impose-t-il de parler d’abord du consentement en lui-même à
travers ses quelques points saillants avant l’étude des vices qui peuvent l’affecter et
lui enlever, de ce fait, toute valeur juridique.

§1. Le consentement en lui-même.


Sans consentement, pas de contrat valable dirait-on. Le
consentement est nécessaire à la formation du contrat (point I) et à la détermination de
son contenu (point II)125. Mais, cela ne peut suffire parce que si le contrat n’est pas
conclu immédiatement (d’un seul trait) et doit passer par un long processus
impliquant une offre et une acceptation de celle-ci, il est nécessaire de savoir à quel
moment précis devra se rencontrer la volonté de l’offrant et celle de l’acceptant pour
que le contrat soit formé. C’est la question cruciale de la réalisation du concours des
volontés que nous analyserons au quatrième point (point IV) de cette section après
l’étude de la forme du consentement (point III).

Ceci dit, passons en revue ces différentes étapes de l’expression


de la volonté dans l’acte juridique.

I. Nécessité du consentement pour la formation du Contrat


a) Contracte qui le veut

Le contrat étant un acte juridique bilatéral, ne peut être formé


que de l’accord de volontés de deux parties au moins. Chacune d’elle doit pouvoir
manifester sa volonté de contribuer à sa naissance et d’en accepter les effets. Car,
d’après le principe du droit civil caractérisé par l’esprit libéral et individualiste : « ne
peut passer contrat que celui qui le veut ».

Ainsi, sauf les cas où la loi rend la conclusion d’un contrat


obligatoire (assurance responsabilité civile par exemple), l’homme est libre de
124
H. DE PAGE, Traité, t. I, 1962, pp. 35-36.
125
Il y a lieu d’atténuer un peu l’exigence du consentement en ce qui concerne les contrats d’adhésion dont le
contenu est déterminé à l’avance par la partie économiquement (ou de facto) la plus faible.
66
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

contracter ou pas. C’est dire combien le consentement doit émaner de toutes les
parties au contrat pour donner à celui –ci la valeur juridique qu’il requiert.

Dès lors, on ne peut se méprendre en pensant, comme pourrait le


faire croire le libellé de l’article 8, que seul est exigé, dans une convention, le
consentement du débiteur en tant que partie qui s’oblige 126. L’accord de toutes les
parties (créancières et débitrices) est indispensable parce que le contrat n’est pas un
acte unilatéral.

b) Représentation autorisée

Cependant, si le consentement est nécessaire à la conclusion du


contrat, il n’est pas exigé qu’il soit personnellement exprimé par les parties. La
représentation est légalement autorisée dans la formation du contrat.

En effet, l’institution de représentation est très utile en droit


particulièrement dans la conclusion des contrats. Elle permet à une personne (le
représentant) d’accomplir un acte juridique au nom et pour le compte d’une
autre personne (le représenté) de manière telle que tous les effets de cet acte se
produisent immédiatement dans le chef du représenté 127. Exemple au lieu de
négocier personnellement avec B, A peut envoyer son représentant C. Ce dernier va
conclure le contrat avec B, au nom et pour le compte de A. Le contrat liera désormais
A et B et non Cet B.

La représentation peut être soit légale (cfr. Le régime des


mineurs d’âge. Ils sont représentés par les parents), soit judiciaire (lorsqu’elle relève
d’une décision de justice : cas du sequestre judiciaire), soit, enfin, conventionnelle (cfr.
Contrat de mandat qui permet d’investir le représentant).

Toutes ces notions seront étudiées dans d’autres chapitres du


Cours. Bornons-nous, à ce stade, à relever que le phénomène de représentation
suppose donc l’existence des pouvoirs dans le chef du représentant.

Dès lors, surgit la question de savoir si une personne investie de


la qualité de représenter autrui dans la conclusion du contrat peut conclure ce contrat,
non pas au nom et pour le compte de la personne qu’elle représente, mais à titre
personnel. C’est la fameuse question du contrat avec soi- même c'est-à-dire du
représentant considéré comme contrepartie de l’acte juridique pour lequel il est investi
d’un pouvoir de représentation.

126
Article 8 : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : 1er le consentement de la
partie qui s’oblige (…) ».
127
P. WERY, Le mandat, Rép. not., 2000, p. 61 et s.
67
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. Notion et sort du contrat avec soi-même


Notion à première vue équivoque parce qu’elle comporte une
contradiction in terminis (on ne peut concevoir qu’un contrat qui est un acte bilatéral
par essence soit conclu par une seule et même personne), le contrat avec soi-même
est possible en droit mais il n’est pas licite dans tous les cas. En effet, une personne
qui passe contrat avec elle-même agit en des qualités différentes et pour des groupes
d’intérêts différents dont l’un la concerne particulièrement.

La loi n’admet pas un tel contrat lorsqu’il ya lieu de craindre que


l’individu qui doit gérer les deux groupes d’intérêts ne le fera pas de façon égale. Il
aura tendance à privilégier son groupe d’intérêt au détriment de l’autre. Bref, le contrat
avec soi-même place le représentant en situation de conflit d’intérêts. C’est pourquoi la
loi interdit ce type de contrat ou le soumet à un contrôle rigoureux. En droit belge, par
exemple, la Cour de cassation se référant aux articles 411 et 1596 du Code civil
interdit le contrat avec soi-même. Mais cette interdiction n’est pas d’ordre public128.

2. Hypothèses du contrat avec soi-même.

Deux hypothèses permettent de mieux appréhender cette


situation.

 Hypothèse de représentation

- Cas du mandataire chargé de vendre le bien d’autrui et qui l’achète pour son
compte personnel.
- Cas du même gérant qui contracte au nom de deux sociétés qu’il représente :
MASHAKO, ministre de l’ESU et MASHAKO, Administrateur de la clinique
EMERAUDE.

Tous ces individus traitent avec eux-mêmes.

Cependant, en droit, ils agissent en des qualités différentes.


Prenons le cas du vendeur du bien d’autrui qui l’achète pour son compte personnel. Si
en tant qu’acheteur, il traite personnellement, en tant que vendeur, il n’est que le
représentant du donneur d’ordre ; et c’est avec ce dernier que le contrat est conclu. Il
s’agit donc bien, en droit, d’un véritable contrat. Mais on constate immédiatement
la situation malsaine dans laquelle se trouve le représentant obligé de gérer son
propre intérêt dans l’affaire et celui du mandant qu’il est sensé représenter. D’où la
loi soumet le contrat avec soi-même à certaines restrictions afin de protéger la
personne absente en l’occurrence le mandant.

128
Cass., 7 déc. 1978, Pas, 1979, I, p. 408 ; Cass., 18 mars 2004, Pas., 2004, I, p. 458, R. W, 2004-2005, p. 303,
note SMETS.
68
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 Hypothèse de non représentation

- Cas d’une personne titulaire de deux patrimoines ou de deux masses de biens


différentes et qui entend établir entre elles une certaine relation. Exemple, un héritier
qui accepte une succession sous bénéfice d’inventaire, peut se porter acquéreur des
biens de la succession qu’en qualité d’héritier bénéficiaire et administrateur, il met en
vente. Cet héritier passe également un contrat avec lui-même.

 Autres considérations sur le contrat avec soi-même

En dehors des cas où il est frappé d’interdiction parce qu’il est


considéré comme un acte unilatéral, le contrat avec soi-même est valable en vertu de la
liberté contractuelle. Ainsi, un mandant peut donc autoriser son mandataire à se
constituer contrepartie129.

c) Quelques exceptions à la liberté de contracter.

Comme souligné précédemment, le consentement est nécessaire


à la formation du contrat. Cependant, il est de situation où la libre discussion n’est pas
toujours de mise. On peut citer les cas des contrats d’adhésion et des contrats types.
Mais aussi celui de nombreuses autres atteintes à la liberté contractuelle conçues
dans l’intérêt social tels que :

- Les avant-contrats ou les promesses de contracter130 ;


- Les refus de contracter jugés licites ;
- Les interdictions légales du refus de contracter ;
- Les contrats imposés.

Examinons successivement ces différents cas.

1. Les avant-contrats ou les promesses de contracter.

- Généralités
Le Code civil congolais livre III ne contient pas une
réglementation d’ensemble des promesses de contracter. Une seule allusion y est faite
à l’article 270 d’après lequel « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a
consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ».

En réalité l’expression « promesses de contrat » couvre une série


de conventions dont les objets ne sont pas toujours identiques et les confusions qui en

129
P. WERY, Le mandat, Rép. not., 2000, pp . 157 -158.
130
A. BENABENT, op cit., pp. 32-33.
69
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

résultent lorsqu’on les considère parfois toutes comme des contrats préparatoires sont
nombreuses131.

- Typologie des promesses de contracter

On range parmi les promesses de contracter :

- L’offre ou la pollicitation
- La promesse unilatérale de contrat
- La promesse bilatérale de contrat
- Le pacte de préférence.

 L’offre ou la pollicitation

L’offre ou la pollicitation est une promesse unilatérale de


contracter. De la sorte, elle constitue un acte unilatéral parce qu’elle résulte d’une
manifestation de volonté unilatérale de l’offrant de passer contrat si son offre est
accepté. Nous y reviendrons avec plus de détails dans les développements ultérieurs.

 La promesse unilatérale de contrat


La promesse unilatérale de contrat constitue une étape
importante dans la conclusion de certains contrats. H. DE PAGE la définit comme
« une convention en vertu de laquelle l’une des parties s’engage définitivement envers
l’autre à conclure avec elle, dans l’avenir, et au gré de celle-ci, un contrat déterminé
dont la teneur, tout au moins essentielle, est dès à pressent précisé »132.

Partant de cette définition, il ressort que la promesse unilatérale


de contrat est un contrat unilatéral. En effet, par cette promesse, une partie s’engage
à conclure le contrat définitif si le bénéficiaire de la promesse décide de lever l’option.
Dès lors, la conclusion de contrat ne dépend plus que de la seule volonté du
bénéficiaire susdit. On peut à titre d’illustration citer le cas de la vente à la
dégustation (vente ad gustum), c'est-à-dire, la vente des choses qui doivent
préalablement être goûtées et appréciées par l’acheteur : vin de palme, l’huile de
palme, aghene (alcool indigène) etc.

131
Les promesses de contrat sont à distinguer des pourparlers qui constituent une phase préliminaire et
facultative à la conclusion du contrat. Ici, il n’y a ni contrat, ni engagement à contracter. Les parties négocient
encore sur les conditions du contrat. Pour cela, elles font des propositions et des contre-propositions destinées à
jeter les bases du futur accord.
132
H. DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p. 494. Voy. Aussi sur la sujet : H. DE PAGE, Traité, t. IV, 4e éd. Par A.
MEINERTZHAGEN – LIMPENS, 1997, p. 368 et s. L. BARNICH, « La vente immobilière : difficultés de la
promesse de vente d’immeuble », in X, La vente, sous la direct. de B. TILEMAN et P.A FORIERS, Série
« Droit et Entreprise », N°4, Bruges, Die Revue, 2002, p. 197 et s ; L. COLLIN, « Les dangers de l’offre d’achat
ou de la promesse de vente », in Le compromis de vente. Aspects civils et fiscaux, Série « Patrimoines et
Fiscalités », L.L.N Anthémis, 2006, p. 7 et s.
70
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ici le vendeur qui s’engage à conclure le contrat avec l’autre


partie ne peut le faire que si la chose objet de la vente est essayée (goûtée) et appréciée
par celle-ci. Toutefois, il ne peut y avoir promesse unilatérale de contrat si tous les
éléments essentiels du contrat n’y sont pas repris. Il s’agit dans le cas du contrat de
vente, par exemple, de la chose et du prix133.

Précisons, enfin, que la promesse unilatérale de contrat qui


résulte de l’offre et de l’acceptation ne peut être confondue avec une simple offre.
Tandis que celle-ci constitue un engagement par déclaration unilatérale de volonté,
c'est-à-dire, un acte unilatéral, la promesse unilatérale de contrat, comme on l’a déjà
dit, est un contrat unilatéral134. Mais, les deux ont ceci de commun qu’elles préparent
un contrat définitif à venir ; contrat dont la naissance ne dépend que de la seule
volonté du bénéficiaire de la promesse et de l’offre.

 La promesse bilatérale de contracter

C’est une promesse dans laquelle chacune des parties s’engage


vis-à-vis de l’autre à conclure un contrat définitif et à accomplir toutes les obligations
qui en découlent à condition que soit levée l’option qui a été consentie à chacune
d’elles. Si personne ne se manifeste, le contrat ne verra pas le jour.

La promesse bilatérale de contrat oblige donc les deux parties à


contracter. Compte tenu du principe du consensualisme, elle équivaut donc à un
contrat bilatéral ou synallagmatique (cfr. Art. 270 du CCC LIII).

Exemple, une promesse bilatérale de vente vaut vente, une promesse bilatérale de bail,
vaut bail, etc.

 Le pacte de préférence

1. Notion
Prélude aux conventions les plus diverses (bail, prêt, gage)
même si, en pratique, il se rapporte généralement à la vente d’immeuble, le pacte de
préférence peut être défini comme un contrat par lequel une personne s’engage à
conférer à l’autre partie un droit de préférence pour la conclusion d’une autre
convention, à prix égal et à des conditions identiques à ceux proposés par des tiers
éventuellement intéressés. Exemple, le propriétaire d’immeuble peut s’engager à le
vendre en priorité au bénéficiaire du droit de préférence (en l’occurrence le preneur) à
condition que ce dernier puisse formuler, à cet égard, une offre identique à celle du

133
Brux, 17 octobre 2003, Res iur. Imm, 2004, p. 212.
134
A noter que la promesse unilatérale de contracter étant un contrat unilatéral est donc soumise au délai de
prescription de trente ans à moins que les parties en décident autrement. Par ailleurs, elles sont soumises au
principe de consensualisme si aucun écrit n’a été exigé par les parties.
71
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

tiers intéressé. Il en est de même d’un associé qui peut promettre de ne céder, par
priorité, ses parts qu’à l’un de ses coassociés.

A l’instar d’une promesse unilatérale de contrat, le pacte de


préférence prépare les parties à la conclusion d’un autre contrat. Aussi, est-il
considéré comme un avant-contrat, particulièrement un contrat unilatéral.

Cependant, à l’opposé de la promesse unilatérale de contrat qui


oblige irrévocablement le promettant à passer contrat si le cocontractant ou le
créancier de la promesse lève l’option, le pacte de préférence n’entraine aucune
obligation pour le débiteur d’un droit de préférence de conclure le contrat. Il engage
seulement ce dernier à traiter en priorité avec le créancier du droit de préférence
(locataire par exemple) au cas où il se décidait, à l’avenir, de passer contrat135.

Cette considération a amené la doctrine à affirmer que le pacte


de préférence est une promesse unilatérale de contrat assortie d’une condition
suspensive purement potestative. Or, l’article 1174 du Code civil (72 du CCC LIII)
frappe de nullité un contrat conclu sous condition suspensive purement potestative.
D’où une frange importante de la doctrine moderne préfère voir dans le pacte de
préférence une convention innomée136.

Quant à la jurisprudence belge, elle considère le pacte de


préférence comme un contrat innommé soumis à un régime distinct de celui de la
promesse unilatérale de contrat137.

Faut-il noter par ailleurs que le droit de préférence résultant du


pacte de préférence est un droit d’origine contractuelle. Il se démarque ainsi du droit
de préemption prévu par le législateur dans la conclusion de certains contrats (cas du
droit de préemption reconnu en droit belge au fermier en cas de vente du bien loué
« article 47 et s. de la loi sur les baux à ferme ». En R.D.C, certaines sociétés
accordent un droit préemption aux locataires en cas de vente de leurs immeubles à
destination résidentielles) exemple art 12 al1 de la loi n°15/025 du 31 Décembre 2015
relatif aux beaux à loyer.

Enfin, le droit de préférence qui n’est pas du tout réglementé par


138
le Code civil ne revêt pas un caractère intuitus personae. Il est cessible tant à cause
de mort (art 22 du CCC LIII) qu’entre vifs (sous respect de l’art. 353 du Code civil).
135
M. VANWIJCK- ALEXENDRE et S. BAR, « Le droit de préférence ou le droit de conclure par priorité », in
Le processus de formation du contrat, volume 72 de la commission Université-Palais, éd-Larcier, Brux, 2004,
pp. 141- 142.
136
M. VANWISCK-ALEXENDRE et S. BAR, op cit, pp. 144 – 145.
137
Cass., 24 janvier 2003, Pas., 2003, I, p. 186, RGDC, 2008, p. 501.
138
La doctrine n’est pas non plus abondante en la matière. Voy. à cet égard, M. VANWIJCK-ALENDRE et S.
BAR, op cit, 2004, pp. 137 – 187 et J. BEWEZ, « Le régime juridique du pacte de préférence et les sanctions de
sa violation : nouvelles perspectives » in R.G.D.C., 2008, pp. 429-438.
72
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2. Sanction de la violation du pacte de préférence.


Autre chose est la question de la sanction applicable en cas de
violation du pacte de préférence. Autrement-dit, que se passerait-il si le débiteur du
pacte de préférence vendait le bien à un tiers au mépris du droit de priorité reconnu à
son cocontractant ?

La violation du pacte de préférence peut donner lieu soit à une


responsabilité contractuelle si les conditions de l’article 45 sont réunies, soit à une
responsabilité délictuelle si le tiers qui s’est rendu coupable de la violation par le
débiteur de ce pacte a agi de mauvaise foi, c'est-à-dire, en pleine connaissance de
l’existence du droit de priorité reconnu au cocontractant. Le débiteur de l’obligation
contractuelle et le tiers complice seront alors condamnés in solidum au paiement des
dommages-intérêts envers bénéficiaire du pacte.

En droit comparé, la jurisprudence admet également que le


bénéficiaire du pacte de préférence puisse tenir en échec l’aliénation conclue en
violation de son droit. Pour cela, elle autorise la « réparation en nature » en
prononçant la nullité de l’acte litigieux avec pour conséquence le retour du bien
dans le patrimoine du débiteur du pacte de préférence.

Ainsi, dans son arrêt du 27 avril 2006, la Cour de cassation


belge a décidé qu’ « en principe, l’inobservation par le vendeur du droit de
préférence n’entraine pas la nullité de la vente. Mais, lorsque l’acquéreur se révèle
responsable de la rupture du contrat, car tiers-complice de cette rupture, et que le
vendeur est également à la cause, le juge peut prononcer la nullité de la vente à titre
de réparation du dommage subi par le bénéficiaire du droit de préférence (…) 139»

La jurisprudence récente de la Cour de cassation française


semble plus radicale à cet égard en autorisant que le bien soit attribué au bénéficiaire
du pacte de préférence après annulation du contrat conclu avec le tiers complice. Ainsi
jugé que « si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger
l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et
d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu
connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de
l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir »140.

Cette jurisprudence française qui renforce l’efficacité du pacte de


préférence peut être recommandée dans notre pays et même étendue dans certains
contrats tels que le contrat d’exclusivité.

139
Cass., 27 avril 2006, R.G.D.C., 2008, p. 507 en droite ligne de Cass., 30 janvier 1965, R.C.J.B, 1966, p. 77,
note J. DABIN.
140
Cass., fr, ch., mixte, 26 mai 2006, Rev. trim. dr civ., 2006, p. 550, ob. J. MESTRE et B. FAGES ; Cass., fr.
Civ. (3e ch.), 14 fevrier 2007, Rev. trim. dr. Civ., 2007, p. 768, obs. B. FAGES.
73
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

La libre discussion n’est pas seulement limitée dans les avant-


contrats (la liberté est bien théorique ici et la conclusion du contrat n’apparait pas
comme une décision murement réfléchie), elle l’est également, avons-nous dit, dans
les refus de contracter jugés licites.

2. Les refus légaux de contracter.

Si chacun est libre de contracter ou pas, le refus de passer contrat


ne devrait pas en principe être considéré comme une atteinte à la liberté contractuelle
d’autant que celle-ci implique que chacun soit en mesure d’accepter ou de refuser en
toute souveraineté aussi bien le contenu d’un contrat que la personne du cocontractant.

Cependant, il est de cas où le refus de contracter (promesse de ne


pas contracter) quoique jugé licite, constitue à n’en point douter une limitation à
l’autonomie de la volonté. En témoigne le contrat d’exclusivité par le quel une partie
s’abstient (promesse de ne pas contracter) de contracter avec toute personne autre que
le bénéficiaire du droit d’exclusivité.

3. Les interdictions légales du refus de contracter

Elles résultent soit de la loi, soit des règles de police


administrative et frappent certaines professions considérées comme étant au
service du public. Ainsi, dans certains pays, un pharmacien ne peut refuser de vendre
un produit à son client (sauf motif légitime à prouver). De même, il ne peut être fait
interdiction au vendeur de satisfaire aux demandes de ses clients, particulièrement en
ce qui concerne la vente de ses produits ou la prestation de ses services.

Notons par ailleurs, qu’à l’heure actuelle, un grand nombre des


refus de contracter sont non seulement considérés comme des abus de droit, mais
surtout comme des délits pénaux en raison de leur caractère discriminatoire. Il s’agit
notamment des refus d’embaucher, de vendre ou de louer fondés sur la race, le sexe, la
religion ou l’état de santé (VIH/Sida).

Toutes ces interdictions qui se rattachent soit à l’idée d’égalité de


tous devant la loi soit à celle de la protection des consommateurs ou des non-
professionnels dans leurs rapports avec les professionnels n’en demeurent pas moins
des atteintes au principe de la libre discussion.

4. Les contrats imposés.

Il est, en principe, difficile de contraindre quelqu’un à entrer


dans un contrat. La liberté contractuelle précédemment évoquée l’atteste à suffisance.
Pourtant, des exemples modernes des contrats imposés existent. Allusion est faite au
renouvellement du bail par la loi ou au contrat d’assurance obligatoire de
74
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

responsabilité civile en matière des véhicules automoteurs (loi n°73/013 du 5 janvier


1973).

Ici prend fin l’étude du consentement dans la formation du


contrat. Poursuivant notre analyse examinons maintenant au second point, la nécessité
du consentement dans la détermination du contenu contractuel.

II. Nécessité du consentement pour la détermination du contenu du


contrat.
De même que l’échange des consentements des parties est requis
pour la formation du contrat, de même les parties doivent, de commun accord
déterminer le contenu de leur engagement. Ce faisant, elles doivent librement discuter
de tous les éléments du contrat, particulièrement de toutes les obligations à naître afin
de permettre à chacune d’elles de s‘engager en pleine connaissance des causes. Dans le
même ordre d’idées, toute modification, toute prorogation, toute suspension ou toute
cause d’extinction (outre le cas fortuit ou la force majeure) pouvant affecter le contenu
du contrat doit être discutée et acceptée par les parties.

Si donc tel est le principe également applicable dans la


détermination des obligations contractuelles, quel serait alors le sort d’un contrat dont
le contenu n’aurait été précédé d’aucun marchandage ?

a) Validité du consentement donné sans débat.

Le système du libre débat précontractuel, avons-nous dit, n’est


pas toujours de mise. En effet, tout contrat n’est pas précédé des discussions ou des
pourparlers. Parfois, la discussion s’estompe ou ne concerne que quelques aspects
de la convention. Songeons, en droit administratif, aux marchés qui se concluent par
adjudication. Ici, les soumissionnaires ne discutent pas en principe des conditions
d’exécution des travaux ou des fournitures contenues dans le cahier des charges.la
discussion porte plutôt sur le prix parce que ne peut être sélectionné que le
soumissionnaire qui propose un meilleur marché (prix). Situation, en fait, opposée à
celle de la vente d’un bien au magasin où généralement le prix ne fait pas l’objet des
marchandages.

Dans le monde actuel dominé par les affaires, il n’y a plus assez
de places pour les tractations. Beaucoup de contrats se concluent donc sans débat et
n’en demeurent pas moins valables. On ne peut, en effet, discuter du prix de voyage
avant de prendre place dans un train ou dans un avion de même qu’on ne peut débattre
avec une banque du règlement général des conditions du crédit dans le sens plus
favorable au client.
75
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Par ailleurs, le commerce électronique en ligne où le


consommateur se voit imposer une procédure de validation de sa commande n’offre
aucune possibilité des discussions à ce dernier.

Tous ces contrats considérés comme « non négociables ou non


discutables » trouvent aujourd’hui leur parfaite illustration dans les contrats
d’adhésion. En effet, dans une économie de masse dominée surtout par la rapidité et
l’efficacité dans les affaires, les contrats d’adhésion semblent plus indiqués et
personne ne peut songer à remettre en cause ce type de contrats qui permettent ainsi
de réduire la période précontractuelle à sa plus simple expression en laissant peu de
places aux discussions et aux longues palabres contractuelles.

b) Validité du consentement visant le contrat en bloc.

C’est la conséquence même de l’absence de débat décrit


précédemment. Puisqu’il devient parfois difficile de discuter de tout et sur tout, on
admet alors qu’un consentement émis librement et avec un minimum de précision
sur le principe même du contrat à conclure puisse concerner tout le contrat. C’est
le principe de l’acceptation du contrat dans son ensemble ou en bloc. Acceptation sur
laquelle viendront se greffer toutes les autres obligations imposées par la loi, la
coutume ou l’équité.

En effet, aux termes de l’article 34 du Code civil livre III « les


conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les
suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».

Ainsi, si en tant que taximan j’accepte de prendre un client, le


contrat de transport est formé dans l’ensemble (en bloc) à partir de mon « oui » émis
en réponse à la demande de transport du client. Mes obligations se résument dès lors
non seulement au fait d’amener le client à destination conformément au contrat de
transport (partie du contrat sur laquelle a été exprimé mon accord), mais aussi à celui
de l’y amener sein et sauf (suite que le juge donne à l’obligation de transport).

De ce qui précède, on peut affirmer qu’il n’y a parfois qu’une


partie du contrat qui peut être soumise à discussion et que le contrat étant un bloc ou
un ensemble peut être voulu ou accepté dans l’ensemble (cas des contrats d’adhésion
sus énumérés).

III. Forme du consentement


1) Principe.
En vertu du principe du consensualisme (solus consensus
obligat), le contrat se forme par le seul échange des consentements des parties sans
76
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

qu’il soit besoin (sauf pour les contrats solennels et réels) de respecter la moindre
formalité.

Ainsi, pour les contrats consensuels, le consentement peut être


valablement exprimé dans une parole, un geste ou un écrit. Le consensualisme
implique donc l’absence de formes imposées141 pour la conclusion du contrat.

En Afrique où règne encore l’ignorance et l’analphabétisme, le


consensualisme semble un principe adapté à la mentalité de nombreux analphabètes
quand bien même il expose ces derniers au danger d’absence des preuves. Aussi, pour
mettre fin à ce danger et conserver en même temps les avantages du consensualisme
(rapidité et simplicité des engagements), il serait souhaitable d’opter, de lege ferenda,
pour un formalisme limité où certaines formes seront exigées non pas pour la validité
du contrat, mais plutôt pour sa publicité et son opposabilité aux tiers.

2) Eléments du consentement
Il important de signaler en outre que le consentement exigé pour
la formation du contrat comporte deux éléments :

- Un élément interne (volonté réelle) et


- Un élément externe (volonté déclarée)

En cas de discordance entre ces deux éléments, la question sera


de savoir lequel d’entre eux pourra guider le juge : élément interne ou élément
externe ?142

S’inspirant de la conception classique franco-belge, la


jurisprudence congolaise estime que « le juge doit accorder priorité à l’élément
interne en recherchant d’abord la volonté réelle des parties ». La jurisprudence se
réfère ainsi à l’article 54 du Code civil selon lequel : « On doit dans les conventions,
rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de
s’arrêter au sens littéral des termes (volonté déclarée) ».

Toutefois, une grande liberté devrait être laissée au juge dans


l’interprétation du contrat en tenant compte non seulement des règles de la
responsabilité civile extracontractuelle, mais aussi celles de la théorie de l’apparence
qui opèrent comme des correctifs au principe de la primauté de la volonté réelle,
lequel n’est pas un principe absolu.

Exemple : lorsqu’à la suite de la méconnaissance du prix réel


d’un bien sur le marché, le propriétaire accepte de le vendre à vil prix, il y a
141
P. WERY, op cit, p.119.
142
La discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée peut résulter soit de l’ignorance ou de
l’inexpérience de l’une des parties au contrat (vendre un bien en dessous de sa valeur sur le marché), soit de
l’intention commune des parties (cas de la simulation).
77
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

contradiction entre volonté réelle (intention de vendre le bien à son vrai prix) et la
volonté déclarée (prix inferieur donné) qui se traduit par l’absence de volonté dans le
chef du propriétaire. Cette absence de volonté devra l’amener à solliciter la nullité du
contrat devant le juge alors que le cocontractant (acheteur) voudra lui, absolument
conserver le bien acquis au prix déclaré.

Mis à part le cas de la lésion où la disproportion flagrante des


avantages pécuniaires peut entrainer la réduction des prestations excessives, on peut se
demander comment peut être résolu le cas d’espèce ?

En l’absence de l’intention réelle commune des parties, tout


dépendra des circonstances de la cause et plus spécialement du point de savoir si
l’acheteur a pu raisonnablement croire (faire confiance) à un tel prix. Dans
l’affirmative, sa confiance légitime sera protégée et le juge dira le contrat valable
sur base de la volonté déclarée. Par contre, si l’acheteur n’a pas pu se méprendre
(se tromper) sur l’erreur du vendeur ou son inexpérience, autrement-dit, s’il a été de
mauvaise foi, la volonté interne du vendeur devra prévaloir et le contrat ne sera pas
valable.

3) Du silence comme valant consentement


Puisqu’il existe un adage: « Qui ne dit mot consent », peut-on en
déduire d’un point de vue juridique que le silence gardé par une personne vaut
manifestation de volonté et engage cette dernière ?

Assurément non. Le silence en droit ne vaut pas consentement


sauf dans certains cas :

- Tacite reconduction du bail autorisée par la loi ;


- Silence gardé par le destinataire de l’offre considéré par la jurisprudence
française comme valant acceptation.
-

4) Formes autres que les formes solennelles.


On doit se garder de confondre le formalisme solennel avec
d’autres types de formalisme dans lesquels figurent le formalisme d’habilitation, le
formalisme probatoire et le formalisme publicitaire ou d’opposabilité.

- Formalisme d’habilitation ou formes d’habilitation : ce


sont des autorisations préalables exigées pour qu’un incapable ou son représentant
puisse valablement conclure un contrat. On peut, à cet égard, citer le cas du conseil de
famille qui ne peut se réunir qu’avec l’autorisation du juge. Le non respect de ce
formalisme entraîne la nullité relative du contrat.
78
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Formalisme probatoire ou formes probantes : il s’agit


des formalités que les parties doivent accomplir pour se ménager la preuve de certains
actes. En ce cas, le negotium ou le contrat reste consensuel. L’absence de la
formalité expose seulement les parties à des difficultés de preuve. Exemple l’article
217 du Code civil congolais livre III exige un écrit pour toute convention portant sur
une somme supérieure à 2000 FC143. En dehors de l’écrit aucune preuve par témoins et
par présomption n’est recevable.
- Formalisme publicitaire ou d’opposabilité : ce sont des
formalités requises pour que le contrat soit opposable aux tiers ou à certains tiers.
Exemple la vente immobilière. Celle-ci n’est opposable aux tiers qu’à compter de
l’établissement du certificat d’enregistrement (art. 219 de la loi foncière). Mais, le
contrat lui-même qui est consensuel n’en reste pas moins valable entre parties.

IV. Réalisation du concours des volontés.


a) Généralités
Le contrat, on ne le dira jamais assez, ne se forme que lorsqu’il y
a accord des volontés des parties. C’est le schéma habituel du processus dynamique de
la conclusion de « tout » contrat144. En effet, pour qu’un contrat puisse voir le jour, une
partie doit prendre l’initiative de formuler une l’offre que l’autre partie devra agréer ou
rejeter. Il peut arriver même que le destinataire de l’offre formule à son tour une
« contre-proposition » ou une « contre-offre » qu’il appartiendra au pollicitant
d’accepter ou pas. Mais, le contrat, lui, ne se formera que par la rencontre des deux
volontés (offrant-acceptant). La question que l’on se posera, dès lors, sera
certainement celle de savoir à quel moment pourra se réaliser cette rencontre des
volontés.
Deux hypothèses peuvent être envisagées :

1. Lorsque les parties concluent le contrat immédiatement


l’une en présence de l’autre, l’auteur de l’offre est directement informée de son
acceptation par l’autre partie. La rencontre de volontés se réalisant au même moment,
la détermination du moment et du lieu où la convention est conclue ne fait l’objet
d’aucune discussion.
2. A défaut d’une telle simultanéité, la situation change. Car,
si le contrat est conclu par correspondance, par exemple, un intervalle de temps assez
long peut s’écouler entre le moment où le destinataire de l’offre rédige sa lettre
143
375 euros en droit belge. Voy. à cet égard D. MOUGENOT, la preuve, Rép. not. , Bruxelles, LARCIER, 2002,
p. 107 et s.
144
H. DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p. 507. C’est l’auteur qui met en évidence le mot « tout ». Mais, dans
plusieurs instruments internationaux, notamment dans l’article 2.1 des principes UNIDROIT relatif aux contrats
du commerce international, il est dit que : « le contrat se conclut soit par l’acceptation d’une offre soit par un
comportement des parties qui implique suffisamment leur accord ».
79
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

d’acceptation et celui où l’offrant prend connaissance de son courrier (cas d’une


relation d’affaires entre deux commerçants dont l’un est situé à Lagos (offrant) et
l’autre à Kinshasa (acceptant).

Plusieurs questions peuvent, dès lors, se poser. Elles ont trait


notamment à la loi applicable à cette relation (les parties n’étant pas soumises à la
même législation), aux tribunaux territorialement compétents en cas de conflit, au
point de départ assigné au délai de prescription d’une éventuelle action en nullité ainsi
qu’au sort du contrat si l’une des parties venait à être frappée d’incapacité.

Ces interrogations qui peuvent donc se ramener à deux questions


principales : à quel moment et dans quel lieu se forme un contrat conclu entre
personnes éloignées concernent un type particulier des contrats connus de longue
date sous le nom de « contrats entre absents » que d’aucuns qualifient de « contrats
entre personnes non présentes » ou « contrats par correspondance » voire « contrat
conclus à distance »145. Elles s’appliquent également aux contrats passés à l’aide
d’un messager et on peut ajouter qu’à l’heure actuelle, ces interrogations ont connu
un regain d’intérêt suite au développement des entreprises de vente par
correspondance et, plus encore, avec l’expansion des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, nous citons, l’informatique (cas des contrats
conclus par voie électronique).

Cependant, il faut tout de suite préciser que si les problématiques


du moment et du lieu de la formation du contrat ont toujours été examinées par les
auteurs de façon cumulative, il est des situations où ces deux éléments sont séparés.
Ainsi, un contrat négocié par téléphone est considéré comme conclu « entre absents »
pour ce qui concerne le lieu de sa formation, mais il s’agit bien d’un contrat passé
« entre des personnes présentes » quant au moment de sa conclusion. Il en est de
même de contrat conclu par voie électronique. En effet, si l’informatique a
considérablement réduit les distances au point de permettre un échange simultané des
consentements entre parties, lesquelles négocient comme si elles étaient en face l’une
de l’autre, on doit se rendre à l’évidence qu’il ne s’agit là que d’un aspect qui a trait au
moment de la formation du contrat. Autre chose est la question du lieu de sa
conclusion car les parties se trouvent malgré tout éloignées.

Cette réflexion peut être aussi faite pour les contrats conclus par
téléconférence ou par valise satellitaire.

145
Voy. J. HEENEN, « l’acceptation de l’offre de contracter faite par correspondance », note sous Cass., 16 juin
1960, RCJB, 1962, p. 303 et s. H. DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p. 524 et s., J. GHESIN, La formation du
contrat, Traité de droit civil, sous la direction de J. GHESTIN, op-cit, 1993, p. 319 et s. ; C. DELFORGE, op-cit,
« L’offre de contracter et la formation du contrat (2 e partie) », RGDS, 2005, p. 18 et s. ; E. MONTERO, op cit.,
Obligations, Traité théorique et pratique, Waterloo, KLUWER, suppl. 11 (mars 2007), p. II. 1. 4.
80
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Mais, revenons à nos deux interrogations fondamentales


consistant à savoir à quel moment et dans quel lieu se forme un contrat négocié entre
deux personnes distantes ? Autrement-dit, Quant et où peut-ont considérer qu’il y a
rencontre des volontés entre deux personnes distantes en vue de la formation du
contrat ?

Puisque nous avons dit que pour qu’un contrat puisse voir le
jour, une partie doit prendre l’initiative de formuler une offre que l’autre partie devra
agréer ou pas, il va de soi que la rencontre de leurs volontés se réalisera au moment de
l’acceptation de cette offre.

Il importe donc d’examiner ces deux phases importantes de la


formation du contrat en commençant d’abord par l’offre en tant qu’elle constitue la
préfiguration de la situation contractuelle à venir.

b) L’offre ou la pollicitation
1. Définition.
La notion de l’offre a fait l’objet de nombreuses définitions. Du
lot de celles-ci, on peut retenir celle de C. DELFORGE jugée plus concise et précise.
D’après ce doctrinaire, « l’offre ou la pollicitation est une déclaration unilatérale de
volonté par laquelle une personne s’engage à conclure un contrat aux conditions
qu’elle précise »146.

De cette définition, il ressort que l’offre se présente comme une


proposition de contracter, une promesse de contrat telle qu’il suffit au destinataire de
l’accepter pour que le contrat qui est en germe ou en attente soit formé.

L’offre peut ainsi être adressée à une personne déterminée (offre


individuelle) ou à des personnes indéterminées (cas de l’offre faite au public au moyen
d’annonces ou d’affiches). Il s’agit dans toutes ces situations des offres dites expresses
qu’on ne peut confondre avec des offres tacites (cas du magasinier qui expose à la
devanture des articles à vendre ou du taximan en quête des clients avec insigne « taxi »
au dessus de sa voiture voire un stationnement du taxi à un emplacement réservé à
l’embarquement des passagers).

Cependant, pour qu’une offre puisse être considérée comme


une promesse de contrat différente d’une proposition d’entrée en pourparlers ou de
conclure un « gentleman’s agreement », son auteur doit être animé de la volonté de se
lier juridiquement. Ceci implique que l’offre puisse revêtir certaines caractéristiques
qui vont être passées en revue dans le point suivant.
146
Une définition inspirée de l’enseignement d’Henri DE PAGE a été confirmée par la Cour de cassation belge
dans son arrêt du 23 Sept 1969. Elle définit l’offre ou la pollicitation comme un engagement unilatéral de
contracter, définitif et complet et auquel il ne manque plus que l’acceptation de son destinataire pour que le
contrat se forme.
81
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2. Caractères de l’offre.
Qu’elle soit immédiate ou qu’elle constitue le fruit d’un
cheminement plus long de son auteur, la proposition unilatérale de contrat est
subordonnée à trois caractères (conditions) cumulatifs ci-après :

- Fermeté ;
- Précision ;
- Exteriorisation.

 L’exigence de fermeté de l’offre

L’offre doit être ferme en ce sens qu’elle doit manifester la


volonté définitive du pollicitant de conclure le contrat si son offre est acceptée. Ce
caractère est le plus souvent déduit de la précision de la proposition. Il permet ainsi
de distinguer l’offre de simples pourparlers147où il n’y a en principe aucun
engagement quelconque, les parties étant simplement appelées à négocier de bonne foi.

La fermeté de l’offre permet également de distinguer celle-ci de


demandes de devis ou de soumission (appels d’offres) et des ventes aux enchères,
lesquelles ne comportent pas suffisamment de précisions pour justifier la qualité de
l’offre148. Ces propositions sont des formes plus avancées que des simples invitations
d’entrer en pourparlers, mais, elles n’ont pas la perfection de l’offre. Car même si, le
contrat est ici déjà déterminé en son genre, son contenu reste cependant encore à
préciser. Exemple, dans une vente publique aux enchères, le prix du bien vendu n’est
pas connu à l’avance. C’est au cours de l’opération même de vente qu’il finit par être
précisé. Or, l’offre ou la pollicitation exige que le prix de la chose objet de la promesse
soit déterminé et précisé d’avance de façon à ce que l’acceptant agisse en connaissance
de cause149.

En cas de contestation sur la fermeté de l’offre, c’est au juge de


fond qu’il appartient d’apprécier souverainement dans chaque cas d’espèce,

147
En effet, la proposition d’entrer en pourparlers ne précise pas les éléments essentiels du contrat et n’exprime
pas une ferme volonté du proposant de conclure le contrat. Elle se limite à informer le destinataire que celui qui
l’a émise est disposé à discuter les termes du contrat. L’exemple classique que l’on donne est celui des affiches
apposées sur la façade d’un bâtiment et indiquant que celui-ci est « à louer » ou « à vendre ».
148
Voy. Notamment Fr. t’ KINT, « négociation et conclusion du contrat », les obligations contractuelles,
conférence du Jeune Barreau, Brux, 1984, p. 33 ; Y. SCHOENTJES-MERCHIERS, « propositions, pourparlers
et offres de vente », note sans Cass., 23 sept. 1969, RCJB, 1971, p. 229, n°10. Voy. aussi Brux (9e ch), 25 oct.
2001, R.N.B, 2002, pp. 233 et s ; M. VANWIJCK-ALEXENDRE et A. MAHY – LECLERCQ « le processus de
formation du contrat : aspects juridiques », in La négociation immobilière : l’apport du notariat, Bruxelles,
Bruylant, 1998, p. 150, n°29 ; J. FLOUR et J. AUBERT, Les obligations, I, l’acte juridique, Armand COLIN,
Paris, 5eme éd, 1991, p. 101 ; T. STAROSSELETS, « Offre et acceptation : principes et quelques questions
spéciales », in Le processus de formation au contrat, C.U.P, sept. 2004, vol. 72, p.14, n°5.
149
La fermeté est considérée comme un élément subjectif de l’offre. Elle est distincte de la précision, laquelle
constitue l’élément objectif de la pollicitation.
82
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l’existence et la portée des manifestations de volonté, sous la seule limite de ne pas


violer la foi due aux actes résultant d’une telle manifestation150.

 La précision de l’offre

Par précision de l’offre, on entend le fait qu’elle doit être


complète. Une offre complète est celle qui contient tous les éléments jugés essentiels
pour la naissance du contrat. Ils ont pour but d’aider le destinataire à se prononcer en
toute connaissance de cause.

La doctrine traditionnelle établi une distinction entre éléments


essentiels et substantiels de l’offre. Sont considérés comme essentiels, les éléments
nécessaires à la réalisation de l’objet du contrat tels qu’il a été envisagé par les parties.
Il s’agit en fait des prestations engendrées par les obligations résultant du contrat. Pour
les contrats nommés, ces prestations sont déterminées par le législateur ou peuvent se
déduire d’autres textes légaux applicables. Exemple, en cas d’offre de vente, le
pollicitant doit déterminer de façon précise la chose, objet de la vente, et le prix (art
264 du CCC LIII). Pour les contrats innommés, par contre, elles seront fixées par le
juge au regard des usages ou du but économique poursuivi par les parties.

Quant aux éléments substantiels, ce sont des éléments


« essentialisés », c'est-à-dire des éléments accessoires rendus essentiels par les usages
ou par la volonté des parties ou de l’une d’elles à condition que leur importance ait été
connue de l’autre partie (autonomie de la volonté). C’est le cas lorsque l’une des
parties conditionne son accord aux modalités de paiement ou de livraison de la
marchandise. Ces éléments doivent alors figurer dans l’offre où ils sont désormais
considérés comme des éléments substantiels, c'est-à-dire essentialisés151.

N.B : les éléments essentiels ou essentialisés de l’offre ne peuvent être confondus avec
les éléments accessoires, qui d’après la doctrine traditionnelle, ne doivent pas
nécessairement figurer dans l’offre et faire l’objet d’accord par les deux parties.

150
L’exigence de fermeté pose également la question de savoir si on peut qualifier d’offre « une proposition de
contrat faite avec réserve ». La doctrine classique enseigne que le fait pour l’offrant d’émettre des réserves à son
offre ne prive pas l’offre de sa qualification juridique. L’offrant reste ici lié dans les limites de son engagement.
Sauf si la réserve est formulée de façon très générale et touche l’objet du contrat ou une condition qui lui est
essentielle ou substantielle à telle enseigne que la fermeté exigée par l’offre vient à faire défaut. Il en est de
même du proposant qui soumet la conclusion du contrat à sa seule volonté ou discrétion (réserve subjective).
Alors que l’offre a pour effet notamment de conférer au destinataire « un droit » de former le contrat par sa
seule acceptation.
N.B : si le proposant a soumis la conclusion du contrat à des conditions objectives qui peuvent être vérifiées
(réserves objectives) et qui ne dépendent pas de sa seule volonté, on peut aisément parler d’une offre. Exemple,
le vendeur qui subordonne la conclusion du contrat à la preuve de solvabilité du destinataire (cas du contrat
conclu via internet) ou du pollicitant qui fait une offre publique de vente sous réserve de la disponibilité du
stock.
151
J. DE GAVRE, P. A. FORIERS, et L. SIMONT, « Examen de jurisprudence (1981-1991) », Les contrats
spéciaux, R.C.J.B, 1995, p. 113, n°2.
83
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 L’extériorisation de l’offre.

L’extériorisation constitue une condition à part entière de l’offre.


La doctrine traditionnelle enseigne que pour exister, l’offre doit être parvenue à son
destinataire si celui-ci est déterminé152 ou être simplement extériorisée si elle est faite
au public153.

Dès lors, il en résulte que l’offre faite à une personne déterminée


est un acte unilatéral « réceptice », c'est-à-dire, un acte dont l’existence juridique est
subordonnée à une notification.

3. Forme de l’offre.
En vertu du principe du consensualisme, l’offre n’est, sauf
dérogation légale, soumise à aucune forme particulière. C’est dire que la qualité de
l’offre ne dépend nullement de son mode d’expression. L’offre peut ainsi être expresse
(écrite, verbale) ou tacite (utilisation d’un procédé mécanique comme un distributeur
automatique, exposition des marchandises avec indication du prix, stationnement d’un
taxi à un lieu réservé à l’embarquement des passagers, etc.).

4. Effets de l’offre avant son acceptation ou la question de la force obligatoire


de l’offre.
1. Principe.
En principe l’offre ne lie juridiquement le pollicitant que si
elle parvient à son destinataire. Aussi l’offre non portée à la connaissance de ce
dernier ne constitue-t-elle qu’un simple acte unilatéral pouvant être retiré par le
pollicitant sans griefs.

Cependant, l’obligation imposée à l’offrant demeure distincte


des obligations découlant du contrat à venir parce que la simple reconnaissance de
l’existence de l’offre impose à celui-ci (offrant) de maintenir son engagement dans
le délai qu’il fixe ou pendant une durée jugée raisonnable pour permettre au
destinataire de réfléchir et de donner la suite.

Dès lors, l’offre produit deux effets principaux : elle est


obligatoire pour le pollicitant154, d’une part et elle confère à son destinataire le
droit de former le contrat par son acceptation, d’autre part.
152
M. VANWIJCK-ALEXANDRE et MAHY- LECLERCQ, « Le processus de formation du contrat : aspects
juridiques », La négociation immobilière : l’apport du notariat, Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 166, n°42.
153
L. SIMONT, « L’engagement unilatéral », les obligations en droit français et en droit belge : convergences et
divergences (actes des journées d’étude organisées les 11 et 12 déc. 1992 par la faculté de droit de Paris SAINT-
MAUR. Et la Faculté de droit de l’ULB), L.G.D.J.- Bruylant, Paris- Bruxelles, 1994, p. 25.
154
Ainsi, l’offre publique produit son effet obligatoire dès son extériorisation et l’offre individuelle acquiert force
obligatoire au moment où elle atteint son destinataire et que celui-ci est en mesure d’en prendre connaissance
(théorie de la réception). Seul ce moment est déterminant et il importe peu que ce dernier n’en ait pas
effectivement pris connaissance (Fr. t’KINT, op cit, p. 34 ; voy aussi note sous Cass., 25 mai 1990, Arr. Cass.,
1989-1990, 1218 et Pas., 1990, I ; 1087 ; Bruxelles, 14 octobre 1987, R.G. 82/1945.
84
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Le caractère obligatoire de l’offre résulte en droit comparé des


sources différentes. En droit allemand, il est tiré de l’art. 145 du Code civil selon
lequel l’offrant se trouve toujours lié par le seul effet de son offre et doit la maintenir
pendant un certain délai (c’est une application de la théorie de la volonté déclarée). En
droits français et belge, les législateurs ne disent rien à cet égard. Mais leurs doctrine
et jurisprudence qui ont toujours influencé notre droit, estiment que le pollicitant doit,
en effet, maintenir son offre pendant un certain délai appelé « délai raisonnable ou
délai moral »155. Et cela, même si le pollicitant n’a fixé aucun délai précis.

L’irrévocabilité de l’offre est encore ici fondée sur la théorie de


l’engagement par déclaration unilatérale de volonté. Il s’agit surtout de concilier les
intérêts en présence à savoir : la liberté de l’offrant et la sécurité du destinataire. Ce
dernier doit, en effet, disposer du temps de réflexion nécessaire lui permettant de
prendre position et d’accepter. La durée du délai raisonnable peut être fixée soit par les
usages, soit par le juge du fond. Elle doit dans tous les cas, être suffisante pour
permettre au destinataire de l’offre d’en prendre connaissance, de disposer d’un temps
de réflexion et d’être en mesure d’y répondre.

Mais qu’arriverait-il si le pollicitant retirait ou révoquait son


offre prématurément sans avoir respecté le délai raisonnable ?

2. Sanctions du retrait prématuré de l’offre.


Les solutions demeurent ici controversées tant sur nature de la
sanction elle-même que sur la responsabilité encourue par le pollicitant fautif.

- Quant à la nature de la sanction.

Trois pistes de solution sont envisagées :

 Certains auteurs estiment que le destinataire a droit dans ce cas à des


dommages-intérêts ;
 D’autres pensent que l’offre doit toujours être considérée comme maintenue de
telle sorte que si le destinataire l’accepte, le contrat doit se former156 ;

155
Ce delai concerne tant l’offre individuelle que l’offre adressée au publique (Voy. A. BENABENT, op cit,
p.33 ; C. DELFORGE, op cit, R.G.D.C., 2005, pp. 6-7, T. STAROSSELETS, op cit., in Le processus de
formation du contrat, 2004, p. 29 et s. Dans le même sens, Civ. 3 e, 28 novembre 1968, J.C.P., 69. II. 15797 ;12
févier 1975,Bull. Civ., III, n°60 ; Cass., 3 Sep. 1981, Entr. Et dr. 1982, p. 131, note L. CORNELIS ; Cass. 9 mai
1980, Pas., 1980, I, p. 1120 et p. 1127, J. T. , 1981, p. 206, R.W., 1982 – 1983, Col. 319 ; Cass., 16 mars 1989,
Pas. , 1989, I, p. 727, R.W., 1989-1990, p. 1217, Cass ; 27 mai 2002, http:/ WWW. Cass.be ; Cass., 19 janvier
2004, http:/ WWW. Cass.be.
156
Mais l’objection ici consiste à dire que dans ce cas on porte atteinte au principe du « volontarisme
contractuel » puisqu’à aucun moment un véritable échange des consentements n’a été observé. Le contrat serait
alors conclu « contre» et « sans » la volonté de l’offrant. Par ailleurs, cette opinion se heurterait à un autre
obstacle important lorsque l’offrant a alors traité avec une tierce personne de bonne foi.
85
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 D’autres enfin estiment qu’il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une offre à delai
fixe ou d’une offre soumise au « délai raisonnable ». En cas du délai fixe, la sanction
serait la conclusion du contrat tandis que les dommages-intérêts seraient dûs lorsqu’il
s’agit d’une offre soumise au délai raisonnable157.

Quant à nous, nous pensons que la conclusion « forcée » du


contrat peut en principe se justifier dès lors qu’il s’agit d’une révocation
manifestement illicite et que l’offrant a traité avec un tiers de mauvaise foi. Car le
retrait illicite de l’offre est inefficace et ne produit aucun effet. Les dommages-
intérêts seraient admis dans la situation contraire. Particulièrement lorsqu’il devient
difficile de passer contrat et que cela constitue un abus de droit dans le chef du
pollicitant158.

Quoi qu’il en soi, le débat théorique reste ouvert d’autant que la


jurisprudence, en droit comparé, préfère accorder les dommages-intérêts plutôt que de
forcer la conclusion du contrat.

- Quant à la nature de la responsabilité de l’offrant.

Comme pour la situation précédente, la doctrine et la


jurisprudence ne s’accordent pas sur la nature de la responsabilité du pollicitant en cas
de révocation illicite de l’offre.

S’agit-il d’une responsabilité contractuelle ou


extracontractuelle ? La question est d’autant plus pertinente que l’offre qui est une
déclaration de volonté unilatérale ne relève ni du délit, ni du quasi-délit. Par ailleurs, la
responsabilité contractuelle ne peut être retenue parce qu’aucune convention n’existe
entre le pollicitant et l’acceptant au niveau de l’offre. D’où la nécessité de déterminer
exactement la nature de la responsabilité en cas de retrait fautif de la pollicitation. Sous
réserve de nombreuses nuances introduites en droit classique, il nous semble correct de
soutenir qu’en cas de révocation fautive de l’offre :

- La responsabilité extracontractuelle se justifie lorsque le retrait est fait


pendant le délai de validité de l’offre et avant que l’acceptation ne parvienne
au pollicitant. Car, en ce moment, aucun contrat n’existe entre parties ;
- La responsabilité est contractuelle si la révocation intervient après que le
pollicitant a réceptionné l’acceptation du destinataire. En ce moment, en effet, il
y a déjà un contrat formé.

157
A. BENABENT, op. cit., pp. 33-34.
158
Dans le même sens, Voy. M. VANWIJCK-ALEXENDRE et A. MAHY- LECLERCQ, « Le processus de
formation du contrat : aspects juridiques », La négociation immobilière : l’apport du notariat, Bruxelles,
Bruylant, 1998, pp. 172 et s, n°51 et s.
86
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3. Caducité de l’offre.
L’offre est-elle caduque, autrement-dit, cesse-t-elle de produire
ses effets en cas de décès, incapacité ou faillite du pollicitant ?

La question est fort controversée en doctrine. Certains auteurs


au rang desquels figurent Henri DE PAGE estiment que puisque l’offre tire sa force
obligatoire dans la déclaration unilatérale de volonté, le décès, l’incapacité ou la
faillite de l’offrant devrait avoir pour conséquence de la rendre caduque159. D’autres
défendent un point de vue contraire et soutiennent que l’offre doit être maintenue en
dépit du décès, de l’incapacité ou de la faillite de l’offrant à moins que le contrat soit
un contrat intuitus personae dans le chef du pollicitant160.

Quant à la jurisprudence, elle a d’abord décidé en France, que


« l’offre de vente ne pouvait être considérée comme caduque, ou inopposable à ses
héritiers, du seul fait de son décès »161. Mais, un revirement semble avoir eu lieu parce
que la jurisprudence récente est revenue à la solution classique162.

Il serait, à notre avis, important de distinguer selon que la


personnalité de l’offrant est jugée déterminante ou non. Dans l’affirmative, c'est-à-
dire, si le contrat est considéré comme conclu intuitus personae dans le chef de
l’offrant, le décès de celui-ci rendra l’offre caduque. A contrario, le contrat pourra être
conclu avec les héritiers du défunt (personne physique) ou les repreneurs, s’il s’agit
d’une entreprise, et la caducité ne pourra alors vraiment se justifier.

A noter que la caducité peut aussi résulter de l’écoulement d’un


certain temps même si l’offre n’a pas été expressément révoquée. En effet, une offre
demeurée longtemps sans réponse perd son actualité (érosion du prix par exemple)163.

c) L’acceptation.

1. Notion.
L’acceptation est l’adhésion sans réserves du destinataire à
l’offre lui adressée par le pollicitant. C’est comme l’affirme A. BENABENT, le « oui
donné à l’offre qui réalise une conjonction des consentements caractéristique du
contrat »164.
159
H. DE PAGE, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome II, p.515 ; R.P.D.B, Ve contrat et convention en
général, p. 7, n° 49.
160
J. VAN RYN et HEENEN, Principes de droit commercial, Bruylant, Bruxelles, Tome III, 1981, p. 16,n°10.
161
Civ. 3e, 9 nov. 1983, Bull. Civ., III,n° 222, R.T.D.C.1985. 154, Obs. MESTRE.
162
Civ. 3e, 10 mai 1989, D, 1990. 365 note VIRASSAMY, 27 oct. 1990, bull. civ., III, n°255, sol. Implicit.
163
Civ. 3e , 3 février 1982, Bull. civ., III, n°37.
164
A. BENABENT, op cit, pp. 34-35. La doctrine précise qu’il doit s’agir d’une adhésion sans réserves parce que
si celles-ci portent sur les éléments essentiels ou essentialisés de l’offre (et non pas sur les éléments accessoires),
le contrat ne sera pas formé faute des volontés véritablement concordantes. L’absence des réserves permet ainsi
de distinguer une acceptation pure et simple d’une contre-proposition (modification d’un ou de certains éléments
de l’offre), d’un accord de principe (« oui, mais ») ou d’un accord partiel (acceptation de certains éléments de
l’offre). Toutes ces réserves empêchent la formation du contrat lorsqu’elles portent sur des éléments essentiels
87
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi donc, lorsque le destinataire d’une offre réagit


positivement à celle-ci, il ya acceptation entrainant une rencontre de volontés
nécessaire à la formation du contrat. Tant qu’il n’y pas acceptation de l’offre on ne
peut donc parler de la conclusion définitive du contrat. De là, résulte la question
fondamentale de savoir à quel moment précis l’acceptation du destinataire va-t-elle
rencontrer l’offre en vue de la formation du contrat ?

Ceci est très important quant on sait que de la réponse à cette


question dépendra la suite à donner à notre interrogation originaire : à quel moment
et dans quel lieu se forme un contrat négocié entre les personnes distantes l’une de
l’autre ?

En principe, faut-il le remarquer, le destinataire d’une offre est,


en vertu de la liberté contractuelle et de la liberté du commerce, libre d’accepter, de
refuser ou d’émettre une contre-proposition à l’offre qui lui est adressée165.

Mais, les solutions proposées à la question du moment précis de


la rencontre entre son acceptation et l’offre lui proposée n’ont jamais fait l’unanimité
tant en doctrine qu’en jurisprudence.

Deux grandes théories sont généralement défendues, à cet égard,


en doctrine. A quoi s’ajoute une troisième mettant surtout l’accent sur l’intention des
parties.

2. La rencontre des volontés des parties


Lorsque le contrat est conclu par correspondance ou par un mode
analogue, on parle, comme on l’a vu, du contrat entre absents étant donné que les
parties ne sont pas en présence l’une de l’autre. La détermination du lieu et du moment
de sa conclusion devient alors une difficulté pratique qu’il importe de résoudre.

En effet, où et quand précisément l’acceptation rencontre-t-elle


l’offre dans un contrat entre absents ? Deux grandes théories suivies d’une troisième,
ont été, avons-nous dit, développées à cet égard.

La première met l’accent sur le fait que le contrat existe dès


lors qu’il y a accord des volontés des parties, même si l’offrant ignore encore
l’existence de l’acceptation. Dès que le destinataire de l’offre décide d’accepter, le
contrat est formé. C’est la théorie de l’émission qui met l’accent sur la coexistence
des volontés plutôt qu’à leur rencontre. Elle a été critiquée en fait comme en droit.

ou substantiels de l’offre.
165
Cass. 13 sept 1991, R.G. 7015, Pas. 1992, I, p.33 ; J.F ROMAIN, La liberté de commerce et le refus de
contracter, R.G.D.C, 1994, p.440; L. VANDENHOUTEN, Délai de réflexion, droit de repentir, in Le processus
de formation du contrat, op cit, 2002, p.544 et s.
88
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En fait, parce qu’elle soulève une difficulté de preuve.


Comment établir une acceptation ignorée du pollicitant ?

En droit, parce qu’elle privilégie la coexistence de volonté à leur


rencontre. Alors que c’est de la rencontre des volontés dont il s’agit.

La deuxième théorie quant à elle estime que le contrat n’est


formé que lorsqu’il y a concours ou rencontre de volontés de l’acceptant et du
pollicitant. Et cette rencontre de volontés a lieu au moment où l’offrant prend
connaissance de l’acceptation. Car, c’est en ce moment que les consentements sont
connus de part et d’autre. C’est la théorie dite de l’information. Elle essaye de
répondre à l’objection portant sur l’information du pollicitant, mais soulève également
une difficulté quant au moment précis de cette information (comment prouver que
l’offrant a bien été informé de l’acceptation ?).

Pour résoudre les problèmes de preuve soulevés par les deux


théories classiques, la doctrine et la jurisprudence ont dégagé encore deux variantes
qui se sont substituées, en pratique, aux théories fondamentales précitées. Il s’agit de la
théorie de l’expédition et de la théorie de la réception.

La théorie de l’expédition qui est une variante de celle de


l’émission enseigne que l’émission de la volonté n’acquiert une valeur juridique que
lorsque l’acceptant s’est dessaisi de son acceptation pour la transmettre à l’offrant
(exemple, remise de la lettre à la poste).

Quant à la théorie de la réception considérée comme variante


de celle de l’information, elle affirme que le contrat est conclu lorsque l’acceptation
parvient au domicile de l’offrant ou à l’endroit où elle (acceptation) doit normalement
lui parvenir. Peu importe en ce moment que l’offrant en ait pris ou non connaissance.
Le contrat est alors formé.

Cette théorie a l’avantage d’écarter certaines difficultés de


preuve pouvant résulter de l’attitude du pollicitant. Ainsi, ce dernier ne peut reporter la
conclusion du contrat en maintenant, par exemple, la lettre d’acceptation non ouverte
pour bénéficier de délais d’exécution prolongés. La réception du courriel d’acceptation
dans la boite à e-mails de l’offrant, par exemple, suffit à elle-même pour former le
contrat, même si l’offrant ne la consulte pas sur-le-champ. De même, la distribution du
courrier dans la boite aux lettres de l’offrant opère la conclusion du contrat quand bien
même la lettre ne serait pas ouverte immédiatement.

D’où le schéma :

Théories fondamentales variantes


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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. Emission Expédition
2. Information Réception.

Mais en dépit de l’avantage qu’elle présente, la théorie de la


réception soulève tout de même quelques difficultés. Il suffit pour s’en convaincre de
songer au contrat qui serait conclu par courrier électronique entre deux ressortissants
congolais à propos d’un immeuble situé au Congo, dont l’un d’eux, le destinataire du
courrier électronique d’acceptation, consulterait son ordinateur portable lors d’un
séjour en France. Peut-on en déduire que le contrat est formé au lieu et au moment où
le destinataire du courriel d’acceptation reçoit cette acceptation, c'est-à-dire en
France ? Que, dès lors, les tribunaux français restent les seuls compétents dans cette
affaire ? On se rend évidemment compte des incertitudes pouvant résulter de
l’application pure et simple de la théorie de réception. Aussi parait-il indiqué, dans la
recherche d’une meilleure solution, de passer à une troisième théorie. Celle-ci estime
qu’il faut se référer à la volonté des parties, aux circonstances ou à la nature du contrat.
C’est la tendance à laquelle nous nous rallions au regard de la liberté laissée aux
contractants d’aménager librement leurs relations contractuelles. Ceux-ci peuvent, en
effet, fixer à un moment différent de la réception de l’acceptation la naissance de leurs
engagements. Exemple, dans les conditions générales de vente, il est souvent indiqué
que la commande n’est définitive qu’après sa confirmation par le vendeur. Il en est de
même des commandes ou ordre de livrer qui n’exigent aucune acceptation.

Enfin, pour terminer, notons que sur le plan jurisprudentiel, les


positions observées à ce jour se présentent comme suit:

- La théorie de la réception semble s’être imposée en jurisprudences belge et


congolais166.
- En dépit de quelque hésitation du début, la jurisprudence française récente
parait s’orienter vers le système de la réception167.

166
Jurisprudence belge : Cass. 25 mai 1990, I, p. 1086. (En ce qui concerne les contrats conclus entre absents, est
applicable la règle de droit supplétif suivant la quelle le contrat est parfait au moment où le pollicitant a eu
connaissance ou a raisonnablement pu avoir connaissance de l’acceptation ; (…) ce moment détermine
également le lieu où le contrat est présumé avoir été conclu) ; Cass. 19 juin 1990, Pas., 1990, I, p. 1182.
Jurisprudence congolaise : Léo, 14 mai 1929, Jur. Col. 1930-1931, p. 146 (dès le moment où dans une
convention conclue par correspondance, l’acceptation sans réserve parvient au pollicitant, l’accord est conclu
définitivement et la notification ultérieure à celui-ci que la convention ne peut être conclue est inopérante) ; Voy.
Aussi sentence arbitrale, 22 janv. 1932, jur. Col. 1932-1935, p. 23 ; L’shi, 18 janvier, 1974, R.J.Z., 1974, p. 246.
167
P. DUPONT et DELESTRAINT, Droit civil obligations, Paris, DALLOZ, p. 11.
90
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V. Quelques particularités relatives aux contrats conclus par voie


électronique.
A. Introduction
Les contrats conclus par voie électronique, avons-nous dit,
restent dans l’ensemble soumis au droit commun des contrats entre absents.
L’éloignement physique des parties propre à tout contrat à distance pose naturellement
ici le fameux problème de la réalisation du concours des volontés en vue de la
détermination du lieu et du moment de la formation du contrat. Et les solutions
envisagées pour les contrats conclus par correspondance restent en principe
applicables à ce type de contrat.

Cependant, les risques encourus par les internautes dans la


formation du contrat par voie électronique ainsi que les réticences de certains usagers
de l’informatique à recourir à ce nouveau mode de contracter, ont conduit plusieurs
législateurs à adopter les règles supplémentaires inconnues jusque là et qui viennent
s’ajouter au régime de droit commun des contrats négociés à distance168.

Ces règles visent à prévenir, autant que faire se peut, les risques
particuliers liés à l’utilisation des voies électroniques pour la conclusion des contrats et
s’appliquent aux contrats dits « dématérialisés », c'est-à-dire, les contrats dans
lesquels l’échange des consentements ne se concrétise pas sous la forme d’un écrit
papier, mais résulte « d’un échange de flux immatériels et évanescents de données,
transmises par ondes électromagnétiques, fibres optiques ou diffusion hertzième »169.

Comment administrer la preuve de tels contrats ? Comment, par


ailleurs, satisfaire au formalisme contractuel dans un environnement numérique, là où
le législateur du Code civil a raisonné exclusivement dans un contexte d’écrit papier ?

Telles sont les principales questions que suscitent la conclusion


du contrat par voie électronique.

168
Voy. à cet égard not. A. SERIAUX, Manuel de droit des obligations, PUF, Paris, 2006, pp. 30-31 ; J.- A.
ALBERTINI, « Les mots qui vous engagent, D, 2004, 203 et s ; J.- M MOUSSERON et P. MOUSSERON, « La
langue du contrat », Mél. M. Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 219 et s. ; M. DEMOULIN et E. MONTERO, « La
conclusion des contrats par voie électronique, in Le processus de formation du contrat, op-cit, 2002, p. 693 et s ;
CHR. BIQUET- MATHIEU et J. DECHARNEUX, « Aspects de la conclusion du contrat par voie
électronique », in Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter ? Liège, Ed. Jeune Barreau, 2001,
p. 192 et s ; P. LECOCQ et CHR. BIQUET- MATHIEU, « Le commerce électronique : conclusion et preuve du
contrat. Rapport du droit belge », Rapport belge au congrès de l’académie internationale de droit comparé à
Brisbane, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 1105 et s., CHR. BIQUET- MATHIEU et J.DECHARNEUX, « Contrats
par voie électronique et protection des consommateurs », in Contrats à distance et protection des consommateurs,
Liège, Formation permanente CUP, Vol 64, Bruxelles, Larcier, 2003, p. 7 et s ; Y. POULET, « Contrats
électroniques et théorie générale des contrats », in Liber amicorum Lucien Simon, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.
467 et s. ; E. MONTERO, M. DE MOULIN et C. LAZARO, « La loi du 11 mars sur les services de la société de
l’information », J.T., 2004, p.81 et s.
169
E. MONTERO et M. DEMOULIN, op-cit, in Le droit des obligations contractuelles…2004, p.110.
91
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B. Législations en vigueur.

1. En Belgique
Plutôt que de faire table rase des notions classiques contenues
dans le Code civil, la Belgique a, dans la loi du 11 mars 2003 sur certains aspects
juridiques des services de la société de l’information (L.S.S.I), privilégié la voie des
« équivalents fonctionnels ». Le procédé consiste à identifier les fonctions qui sont
assignées aux notions classiques dans un environnement papier et à rechercher si elles
sont transposables dans un contexte dématérialisé170.

Ainsi, au regard du principe des « équivalents fonctionnels »


l’exigence d’un écrit dans un contrat conclu par voie électronique, est satisfaite par une
suite de signes intelligibles et accessibles pour être consultés ultérieurement, quelques
soient leur support et leurs modalités de transmission. De même, le formalisme
contractuel est réputé satisfait à l’égard d’un contrat informatique lorsque les qualités
fonctionnelles de cette exigence sont préservées.

Enfin, l’exigence d’une mention écrite de la main de celui qui


s’oblige peut être satisfaite par tout procédé garantissant que la mention émane de ce
dernier171.

En somme, le procédé des « équivalents fonctionnels »


impliquent que face à une exigence de forme prévue dans un environnement papier qui
pourrait faire obstacle à la conclusion du contrat par voie électronique, qu’il soit
recherché les finalités poursuivies par le législateur et voir s’il est possible de les
satisfaire sous une forme électronique. Si cela est possible, la formalité est réputée
accomplie.

2. En France
Quant à la France, c’est par la loi du 21 juin 2004 sur la
confiance dans l’économie numérique et l’ordonnance du 16 juin 2005, qu’elle
réglemente désormais les contrats conclus par voie électronique 172. Ces textes ont
introduit dans le Code civil (art 1369- 1 et s) un régime propre aux contrats
informatiques applicables aux personnes qui, à titre professionnel, proposent par voie
électronique la fourniture de biens ou prestations de services.

De l’économie générale de ces textes, il ressort, qu’à l’instar de


la loi belge du 11 mars 2003, dès que le destinataire de service a accepté l’usage de la

170
E. MONTERO et M. DEMOULIN, ibidem, p. 111 et s.
171
En France, depuis la loi du 13 mars 2003, la signature électronique fait l’objet d’une réglementation spéciale.
Elle est définie comme « un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle
s’attache ». voy. A. SERIAUX, op-cit, p. 30.
172
A. SERIAUX, op-cit, p. 30.
92
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

voie électronique pour la formation du contrat, le prestataire doit lui communiquer, au


moins, les informations suivantes :

1. La ou les langue(s) proposée (s) pour la conclusion du contrat ;


2. Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat ;
3. Les moyens techniques pour identifier et corriger des erreurs commises dans la
saisie des données avant que la commande ne soit passée ;
4. Si le contrat une fois conclu est archivé ou non par le prestataire de services et
s’il est accessible ou non.

Ces informations doivent être formulées de manière claire,


compréhensible et non équivoque afin de prévenir toute mauvaise surprise pour le
destinataire.

Pour ce qui est de la RDC, aucune loi particulière ne


réglemente, à ce jour, le contrat conclu par voie électronique. De lege ferenda, il serait
souhaitable de voire le législateur congolais s’inscrire dans le schéma de ses
homologues français et belge afin de donner au contrat informatique des règles
particulières commandées par sa nature de contrat dématérialisé.

§2. Les vices de consentement.


Aux termes de l’article 9 du Code civil congolais LIII, « il n’y a
point de consentement valable, si le consentement n’a été donné que par erreur, ou s’il
a été extorqué par violence ou surpris par dol ».

L’erreur, la violence et le dol sont donc les trois vices de


consentement auxquels s’ajoute quelques fois la lésion prévue par le décret du 26 Août
1959. Leur existence empêche le consentement de produire normalement ses effets et
rend le contrat annulable173 soit parce que l’un des contractants se trompe ou est
trompé, soit parce que il est simplement forcé de s’engager. Mais le contrat n’est pas
nul de plein droit. Il peut être annulé par une action en nullité relative conformément
aux articles 18 et 196 du Code civil. Et une décision de justice est, à cet égard,
nécessaire pour faire tomber l’apparence de validité qui s’attache, prima facie, à tout
accord de volontés.

En raison des liens existants entre les vices du consentement, la


partie qui souhaite obtenir l’annulation d’un contrat peut donc la réclamer sur un,
deux, voire plusieurs fondements.

Ainsi, la victime d’une erreur substantielle peut solliciter la


nullité de la convention sur pied de l’article 10 du Code civil congolais LIII ou de
173
Sauf pour la lésion qui est un déséquilibre des prestations n’impliquant pas nécessairement une erreur, une
violence ou un dol.
93
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’article 16 lorsque l’erreur dans laquelle elle a versé a été provoquée par des
manœuvres dolosives. La mise en œuvre de ces artifices a pour conséquence d’élargir
les possibilités d’annulation quitte à la victime de choisir celle qui lui parait le mieux
indiqué pour réaliser son objectif. Par ailleurs, la victime pourra, en sus de l’annulation
de l’acte, obtenir les dommages-intérêts pour préjudice qui ne peut être effacé par la
seule nullité.

Les développements qui suivent seront consacrés à l’examen de


divers vices du consentement tels qu’ils résultent de l’article 9 et 131 bis.

I. L’ERREUR
Commettre une erreur c’est avoir une représentation inexacte de
la réalité. C’est prendre le faux pour vrai ou le vrai pour faux. C'est-à-dire, se
tromper. Ici, le consentement d’une partie repose, tel que l’a si bien souligné la Cour
de cassation française, sur une « conviction erronée »174.

En parlant de l’erreur, le Code civil ne vise que la catégorie


d’erreurs vices du consentement (particulièrement l’erreur sur la substance et l’erreur
sur la personne (art 10). Or, la doctrine et la jurisprudence ont découvert d’autres
catégories d’erreurs. Ce sont les erreurs-obstacles et les erreurs indifférentes. Les
premiers correspondent à une absence totale du consentement ; les seconds n’ont
aucune incidence sur celui-ci. Nous allons analyser chacune de ces catégories d’erreurs
en commençant d’abord par les erreurs-obstacles.

A. Les erreurs-obstacles

Ce sont des erreurs qui détruisent complètement le consentement


(erreurs destructrices du consentement) et l’empêchent de se former. La méprise
commise par les parties est ici tellement grave qu’elle fait obstacle à la formation du
contrat et la sanction est, en principe, la nullité absolue parce que les volontés des
parties n’ont pas pu se rencontrer 175. Il n’y a eu ni consentement, ni contrat, mais
seulement un malentendu.

La doctrine distingue trois hypothèses d’erreurs-obstacles ou


destructrices du consentement. Il s’agit de :

1. L’erreur sur la nature du contrat (error in negotio).

C’est un malentendu à la suite duquel les deux parties n’ont pas


en vue le même type de contrat. Par exemple, l’une des parties pense à la vente alors
que l’autre croit obtenir le bien gratuitement (donation). Les applications

174
Cass. fr. 2 juin 1981, Bull. Cass. 1981, I, p. 154; Cass. Fr. 24 Janvier 1979, Bull. Cass., 1979, I, p.29.
175
C. PARMENTIER, op-cit, in Les obligations contractuelles, 1984, p. 57.
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jurisprudentielles de ce type d’erreurs sont rares aussi bien en droit comparé que chez
nous en R.D. Congo176.

2. L’erreur sur l’identité de l’objet (error in corpore) du contrat.

C’est un malentendu (quiproquo) portant sur l’objet même du


contrat conclu. Exemple, une partie croit acquérir tel objet (une voiture neuve) tandis
que l’autre a en vue tel autre objet (une voiture d’occasion)177.

3. L’erreur sur la cause du contrat (error in causa)

La cause du contrat est le mobile (raison) déterminant qui a


amené les parties à contracter. Elle se distingue des motifs qui sont des raisons
multiples, variables et plus ou moins lointaines de l’engagement des parties. Exemples,
assurer une voiture alors qu’elle est déjà assurée constitue une erreur sur la cause.
S’engager à réparer un préjudice dont on n’est pas responsable en vertu de l’art 258 est
aussi une erreur sur la cause.

Aux termes de l’article 30 du Code civil congolais LIII :


« l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur cause illicite, ne peut avoir
aucun effet ». La sanction est donc la nullité absolue.

Ainsi, selon le Code civil et la doctrine ancienne, lorsque les


parties ont en vue des causes différentes dans un contrat, la sanction est la nullité
absolue car la méprise est telle qu’elle fait purement et simplement obstacle à la
formation du contrat. Celui-ci est donc en réalité inexistant.

Toutefois, à l’heure actuelle, l’erreur sur la cause comme les


autres erreurs-obstacles sont, à l’instar des erreurs-vices du consentement,
sanctionnées de nullité relative178. Il s’agit surtout d’assurer la protection des victimes
de l’erreur en leur permettant, le cas échéant, de confirmer celle-ci à toutes fins utiles.
Aussi la qualification d’ « erreurs-obstacles » que l’on conserve par habitude est-elle
devenue sujette à caution (discutable). Elle semble donc très proche de l’erreur sur la
substance.
176
Voy. Néanmoins Civ. Liège, 21 mai 1979, J.-L, 1978-1979, p. 433 (erreur-obstacle portant sur le type de
police d’assurance).
177
Civ. Termonde, 10 nov. 1969 et 18 sept. 1970, R.W. 1971-1972, Col. 630, note R. KRUITHOF ; Civ.
TOURNAI, 27 février 1980, R.R.D, 1980, p. 223, note M. COIPEL ; Civ. CHARLEROI, 26 oct. 1995, J.T
1996, p. 343 (l’acheteur croyait acquérir une maison d’habitation avec garage et jardin, alors que le vendeur
n’entendait aliéner que la maison).
178
C. PARMENTIER, op-cit, in Les obligations contractuelles, 1984, p. 58.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

B. Les erreurs-vices du consentement

L’article 10 du Code civil énonce que : « l’erreur n’est une


cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la
chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que
sur la personne avec la quelle on a l’intention de contracter, à moins que la
considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention ».

Le Code distingue donc deux sortes d’erreurs-vices de


consentement à savoir : l’erreur sur la substance (error in substantia) et l’erreur sur la
personne (error in persona) lorsqu’il s’agit du contrat conclu intuitus personae. A ces
deux catégories s’ajoute l’erreur sur le droit.

Les erreurs-vices du consentement sont sanctionnées de nullité


relative. Celle-ci ne peut être invoquée que par la partie qui a versé dans l’erreur
(errans) quand bien même elle peut renoncer à cette nullité en procédant à la
confirmation expresse ou tacite de l’acte.

Il convient maintenant de passer en revue chacune des erreurs


précitées.

1. L’erreur sur la substance.

C’est celle qui est prévue par l’article 10 du Code civil. Mais la
compréhension de cette erreur exige que soit définit au préalable le terme
« substance », lequel a évolué d’une conception objective à la conception subjective.

A l’origine, l’erreur sur la substance était celle qui se rapporterait


à la matière même de la chose avec ses caractéristiques physiques et chimiques. On a
dit qu’elle concernerait uniquement l’ensemble des éléments qui entrerait dans la
composition physique d’une chose. Cette définition plus restrictive de l’erreur sur la
substance était consacrée par les tenants de la thèse dite objective et matérielle179.
Ainsi, commettait une erreur sur la substance, une personne qui croyait acheter une
montre en or, alors qu’elle n’était que dorée.

A la suite d’un glissement sémantique, la jurisprudence est


passée de la conception objective à la conception subjective et psychologique faisant
de l’erreur sur la substance « une erreur déterminante portant sur les qualités
substantielles de la chose ». C’est-à-dire, toute erreur sur un élément qui a déterminé
une partie à contracter, de telle sorte que, sans cet élément, le contrat ne peut exister 180.

179
Voy. G. RIPERT et J. BOULANGER, Traité de droit civil d’après le traité de PLANIOL, t. II, 1949, p. 73 ; E.
MONTERO et M. DEMOULIN, « La formation du contrat depuis le Code civil de 1804 : un régime en
mouvement sous une lettre figée », in Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du Code civil, op
cit, 2004, p. 72.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Notamment, le lieu de fabrication d’une chose, l’époque de fabrication, la personne du


fabricant, etc.

C’est là une conception extensive de l’erreur où les qualités


substantielles ne sont plus liées exclusivement à la composition physique et chimique
de la chose, mais à l’intention des parties. Ainsi, l’appréciation du caractère
déterminant de l’erreur se fait in concreto en tenant compte des intentions personnelles
de l’errans.

De la sorte une personne qui achète une voiture croyant qu’elle


provient de la France, alors qu’elle a été fabriquée en Chine, commet une erreur sur la
substance. Il en est de même de cette autre qui se trompe sur l’époque de fabrication
du mobilier qu’il acquiert ( je pense qu’il date de l’époque ancienne alors qu’il est de
l’époque récente) ou de celle qui se méprend sur l’identité d’un artiste musicien
(j’achète telle œuvre musicale croyant qu’elle est de Papa Wemba alors qu’il s’agit
d’un vulgaire morceau piraté par les ténors de l’orchestre Kossa- Kossa.

Dans tous ces cas l’erreur doit être déterminante pour qu’elle soit
constitutive de vice de consentement181 et le cocontractant doit être informé du
caractère substantiel que l’autre partie donne à cette qualité. Il doit, en effet, avoir
connu ou dû connaitre l’importance que revêt tel élément aux yeux de l’autre partie.

L’erreur sur la substance entraîne la nullité relative du contrat.


Celle-ci ne peut être invoquée que par la partie qui a versé dans l’erreur. Toutefois,
l’errans peut renoncer à son droit de demander la nullité et procéder à la confirmation
tacite ou expresse de l’acte.

L’action en nullité se prescrit par 10 ans. Le délai commence à


courir à compter de la découverte de l’erreur (art 196).

La preuve de l’erreur s’administre par toutes voies de droit, y


compris par présomption182. Le fardeau probatoire pèse sur la partie qui prétend s’être
trompée183.

2. L’erreur sur la personne (error in persona).

L’erreur sur la personne est présentée négativement par l’article


10. Car cette disposition pose pour principe que : « elle (l’erreur sur la personne)
n’est point cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe pas sur la personne avec la quelle on

180
Cass., 3 mars 1967, Pas., 1967, I, p. 811, R.W, 1966- 1967, Col. 1907 ; Cass., 27 octobre 1995, I, p. 950,
R.W., 1996-1997, p. 298, J.T, 1996, p. 61 ; Cass., 24 sept. 1966, R.W. 1967-1968, Col. 1117.
181
Cass., 10 Avril 1975, R.C.J.B, 1978, p. 198, note M. COIPEL.
182
Cass., 8 mai 1905, Pas., 1905, I, p. 214 ; cass., 11 mars 1960, Pas, 1960, I, p. 811.
183
Cass., 6 Avril 1916, Pas., 1917, I, p.77.
97
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

a l’intention de contracter à moins que les considérations de cette personne ne soit la


cause principale de la convention ».

Cela signifie que l’erreur sur la personne n’est pas admise si


l’identité ou les qualités du cocontractant ne sont pas considérées comme les éléments
déterminants dans la conclusion du contrat. Ce qui revient à dire que l’erreur sur la
personne n’entraîne la nullité du contrat que si celui-ci est conclu intuitu personae. Ici
la considération de la personne est un élément déterminant de l’engagement.

Ainsi, lorsqu’à la suite d’une confusion de noms, je fais une


donation à une autre personne à la place du véritable gratifié, je peux demander
l’annulation du contrat sous prétexte d’une erreur sur la personne. C’est aussi le cas
lorsque je passe contrat avec un simple musicien de la cité qui a trompé ma vigilance à
la place de Koffi- Olomide (musicien aux talents exceptionnels). Le contrat de travail
passé avec un non diplômé peut aussi être annulé lorsqu’on a visé un diplômé.

Il s’agit là des hypothèses qui appellent la dissolution du contrat


pour cause d’erreur sur la personne. Car la considération de la personne est chaque fois
déterminante pour s’engager. Il appartient donc au juge de fond d’apprécier
souverainement dans chaque cas l’importance attachée à l’élément personne par la
partie qui se prévaut de l’erreur avant de prononcer la nullité du contrat.

Enfin, notons que les régimes de l’erreur sur la substance et de


l’erreur sur la personne convergent très largement.

3. L’erreur sur le Droit

La volonté d’une partie au contrat peut être viciée non pas


seulement en raison d’une erreur de fait (erreur sur la substance de la chose et erreur
sur la personne prévue à l’article 10), mais aussi par l’opinion erronée qu’elle se fait
sur un point de droit. C’est l’erreur de droit consacrée par la doctrine comme troisième
erreur- vice de consentement. Celle-ci faut-il le souligner peut être commise de
différentes manières. Elle peut consister dans le fait d’ignorer une disposition légale
ou son contenu ou simplement dans une interprétation ou une application erronée
de celle-ci184.

Exemples :

- Un Héritier qui cède à vil prix ses droits successifs parce qu’il se trompe sur
l’étendue de la part héréditaire que la loi lui attribue (ex. il croyait à tort que ses
droits successifs n’étaient que des droits en nue-propriété)185.

184
C. PARMENTIER, op-cit, Les obligations contractuelles, 1984, pp. 59-60 ; voir aussi comm. Verviers, 21
décembre 1976, J.T. 1977, p. 345.
185
P. WERY, op-cit, pp. 214-222.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Acheter un terrain à construire dans l’ignorance d’un arrêté ministériel grevant


les lieux d’une servitude non aedificandi.

Mais, ce n’est pas tout. L’erreur de droit peut également porter


sur une règle de droit ayant constitué le motif déterminant de l’engagement de
l’errans. En témoigne, l’engagement d’une personne à réparer un préjudice alors
qu’elle n’est pas responsable au regard de l’article 258. Il peut encore s’agir d’un
individu qui s’oblige à exécuter une obligation naturelle en la croyant civile.

Ainsi donc, l’erreur de droit est, à l’instar de l’erreur de fait, une


cause de nullité de contrat lorsqu’elle porte sur l’élément déterminant qui a poussé
l’une des parties à contracter186. L’adage « nul n’est censé ignorer la loi » n’est
d’application rigoureuse qu’en droit pénal en raison de la mission de protection de
l’ordre public attachée à cette discipline. On ne peut, en effet, échapper ici à la
répression en prétextant l’ignorance de la loi. Ce qui n’est pas le cas en droit civil où,
comme on vient de le voir, la méconnaissance d’un texte légal peut être admise.
D’ailleurs, le Code civil lui-même prévoit des cas qui ne peuvent être attaqués pour
cause d’erreur de droit.

Il s’agit :

- de l’aveu judicaire prévu à l’article 232 et


- des transactions reprises à l’article 591.

 Conditions d’annulation du contrat pour cause d’erreur de droit

La nullité pour cause d’erreur de droit est soumise à une double


conditionnalité :

a) L’erreur qui peut être unilatérale, doit porter sur un élément principal et
déterminant de l’obligation.

Cette condition impose au juge de vérifier si le cocontractant


connaissait ou, à tout le moins, devrait connaître l’importance déterminante que
revêtait aux yeux de l’errans, la présence de cet élément.

Ainsi, il ne peut y avoir nullité du contrat pour erreur de droit si


le pharmacien qui a acheté un appartement pour y installer une officine, pensait à tort
exercer une profession libérale alors qu’il s’agit d’une activité commerciale. Qu’il n’a,
de surcroit, rien dit au vendeur sur la destination qu’il comptait attribuer à l’immeuble
et que les circonstances de l’achat ne révélaient nullement son intention.

186
P. WERY, ibidem, pp. 217-218.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

b) L’erreur doit être excusable. Autrement-dit, celle que peut commettre un


homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances 187. Le fardeau de la preuve
incombe à l’errans (celui qui s’est trompé). Mais le cocontractant qui sollicite le
maintient du contrat doit prouver l’inexcusabilité de l’erreur, et donc la faute de
l’errans.

C. Les erreurs indifférentes.

Ce sont des erreurs qui n’exercent aucune influence sur la


validité du contrat. La catégorie d’erreurs indifférentes est assez hétéroclite. On y
trouve des « erreurs vénielles » suivantes :

1. L’erreur sur la qualité non substantielle de la prestation ;


2. L’erreur sur la personne lorsque le contrat n’est pas conclu intuitu personae ;
3. L’erreur sur l’évaluation de l’objet du contrat en dehors du cas de la lésion.
Exemple, j’achète un terrain à 5000 dollars américains, alors que sa valeur est
de 6000. Cette erreur est sans effets, et le vendeur en supporte les
conséquences. Mais, l’erreur sur la valeur, lorsqu’elle est suffisamment grave,
rejoint le problème de la lésion.
4. L’erreur sur la solvabilité du cocontractant ;
5. L’erreur sur les motifs en tant qu’elle porte sur les raisons personnelles et
variées de l’engagement contrairement à l’erreur sur la cause ;
6. L’erreur inexcusable (impardonnable). C’est celle que ne peut commettre un
homme raisonnable188. Une telle erreur ne peut au sens de la loi vicier le
consentement et entrainer la nullité du contrat. Exemple, la jurisprudence a
refusé d’annuler l’indemnisation faite à tort par une compagnie d’assurance qui
s’était trompé sur l’applicabilité en l’espèce de la législation sur la réparation
des accidents de travail. Dans le chef d’une entreprise spécialisée en la matière,
une telle erreur de droit a été jugée inexcusable (impardonnable)189.

II. LE DOL (art 16 et 17)

Introduction

L’analyse du Code civil montre que le terme dol est utilisé par le
législateur dans deux acceptions fort différentes. D’abord, au sens de l’article 16 pour
designer les manœuvres frauduleuses utilisées dans la phase précontractuelle par l’une
des parties afin d’inciter l’autre à contracter. Ensuite, au sens des articles 48 et 49 se
rapportant à la faute contractuelle dolosive ou intentionnelle en cas d’inexécution de
187
DEMOGUE, Droit civil, I, n° 245, RIPERT et BOULANGER, T. II, n° 172 ; P. WERY, op cit, p. 218
reprenant Cass., 6 janvier 1944, I, p. 133, note R.H. avec les références jurisprudentielles de toutes les décisions
intervenues depuis lors.
188
Cass., 20 avril 1978, Pas., 1978, I, p.950. Voy. aussi COIPEL, op-cit., 1999, p. 51 et s.
189
M. COIPEL, « l’erreur de droit inexcusable », note sous Cass., 10 Avril 1975, R.C.J.B, 1978 et s.
100
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’obligation contractuelle. Cette faute, faut-il le rappeler entraîne non pas la nullité du
contrat, mais la mise en cause de la responsabilité contractuelle du débiteur ou, à tout
le moins, la résolution judiciaire du contrat.

Le dol des articles 48 et 49 étant lié à l’inexécution du contrat,


seul le dol constitué des manœuvres ayant entraîné l’engagement de l’autre partie nous
intéresse dans ce point. Ce dol peut en raison de son caractère intentionnel provoquer
non seulement l’annulation du contrat, mais aussi l’octroi à la victime des dommages-
intérêts sur pied de l’article 258.

1. Notion du dol
Aux termes de l’article 16 du Code civil congolais livre III : « le
dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par
l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manœuvres, l’autre partie
n’aurait pas contracté ».

Il résulte de cette disposition légale que le dol, à l’instar de


l’erreur, est une cause de nullité du contrat.

Mais, qu’entend-t-on par dol ?

Au sens qu’en donne DOMAT, le dol désigne « toute surprise,


fraude, finesse, feintise utilisée pour tromper quelqu’un ».190

Le dol vise donc « toutes les espèces d’artifices, des manœuvres


frauduleuses, des tromperies, des mensonges, des réticences qu’une partie emploie
pour induire en erreur la personne avec qui elle contracte et il est difficile de dresser
une liste exhaustive des procédés insidieux, le dol pouvant revêtir plusieurs formes191.

2. Eléments constitutifs du dol

Le dol dit l’article 16 n’est cause de nullité que lorsqu’il est


constitué de « manœuvres frauduleuses ». En tant que telle, cette disposition ne vise
que le dol criminel fait des machinations et autres précédés constitutifs du délit pénal
(comme l’usage de fausses pièces ou de faux témoins)192

Le dol civil est au contraire une fraude plus large. Il peut


comprendre :

 Les manœuvres frauduleuses (dol pénal) telles que : escroquerie ; usage de faux
noms, de faux documents ou de faux bilans pour amener l’autre partie à
contracter ;

190
DOMMAT, Les lois civiles ….t1, 1745, p. 144, article 1.
191
BIGOT - PREAMENUE, LOGRE, op.cit, t. IV, 1836, p.10.
192
Art.124 à 132 du Code pénal.
101
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 Les mensonges ou allégations mensongères présentant une certaine gravité 193


hormis la simple réclame publicitaire ;
 Les artifices de tout genre. Ainsi une partie peut recourir à des complices pour
faire croire à l’existence des qualités imaginaires. De même, le propriétaire
d’une voiture peut, avant de vendre celle-ci, trafiquer le compteur kilométrique
ou dissimuler les coups occasionnés au véhicule lors d’un accident de
circulation.
 La mise au point d’un stratagème, d’une machination pour persuader l’autre
partie de contracter. On cite, à cet effet, l’exemple rapporté par Cicéron du riche
chevalier CANIUS qui a été grugé par PITHIUS, banquier à Syracuse. Pour
amener CANIUS à acheter la villa où il l’avait invité, PITHIUS lui avait donné
le spectacle d’une pêche abondante, grâce à la complicité des pêcheurs.194
 Le fait pour une partie d’observer le silence en taisant ce qu’elle sait, alors
qu’elle devrait le faire savoir à son contractant (réticence dolosive ou dol par
omission) qu’il faut distinguer du simple silence.

En effet, le lien entre réticence dolosive et l’obligation de renseignement est évident.


Pour qu’un silence puisse constituer une réticence dolosive, il faut que la partie qui l’a
observé ait transgressé un devoir de renseignement 195. Exemple : ne pas signaler un
vice ou omettre sciemment dans un contrat d’assurance de faire les déclarations
prescrites par la police.

En jurisprudence, une évolution a pu être observée dans ce


domaine car, après avoir confiné le dol à des « manœuvres » faites d’actes positif, la
Cour de cassation belge à estimé que le dol, peut également être constitué d’actes
négatifs (dol négatif ou dol par omission). Ainsi jugé que « la réticence lors de la
conclusion d’une convention peut, dans certaines circonstances, être constitutive d’un
dol au sens de l’article 1116 (16 du CCCLIII), lorsque la partie ignorante du fait
omis n’aurait pas conclu le contrat si elle avait eu connaissance de ce fait ».196

Cependant, on ne peut reprocher de dol à la partie qui ne révèle


pas ce qu’elle ne sait pas, et ce, quand bien même cette ignorance serait fautive. Toute
fois au regard des droits fondamentaux et particulièrement du respect de la vie privée,
un silence peut être légitime. C’est le cas par exemple, de la personne candidate à un
emploi qui ne révèle pas sa grossesse à son future employeur.197
193
Il s’agit des mensonges, même verbaux (comm. Anvers, 2 avril 1971, J.C.B, 1971, p. 360).
194
G.RIPERT et J. BOULANGER, op.cit, t.2, 1949, p.81 J.C.B, 1971, p.360.
195
P.A. FORIERS, op cit, in Liber Amicorum Michel Coipel, 2004, p.321: « la réticence dolosive est (…) à la
mesure précise d’un devoir d’information qui trouve finalement sa limite dans le devoir de l’autre partie de
s’informer ». Voir aussi Cass., 8 juin 1978, Pas, 1978, I, 1156.
196
Cass. , 30 juin 2005 Pas 2005, I, p. 1488.
197
N. VAN LEUVEN : « les contrats et les droits de l’homme : une interaction mutuelle », in Droit des
contrats : Questions choisies, Brux LARCIER 2008, p. 117. Voir aussi l’article 11 de la convention collective de
travail belge n° 38 aux termes duquel: « La vie privée des candidats doit être respectée lors de la procédure de
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En somme, le dol implique une intention de tromper en vue


d’amener l’autre partie à contracter. Il n’y a donc pas de dol par imprudence ni de dol
par négligence. Mais l’imprudence ou la négligence ayant entrainé un dol peut donner
lieu à des dommages-intérêts lorsqu’elle a causé au contractant un préjudice (culpa in
contrahendo). Elle ne peut être sanctionnée par la nullité du contrat.

Seul le mauvais dol (malus dolus) peut occasionner la nullité du


contrat. Le bon dol (bonus dolus) n’est pas répréhensible. La différence entre le bon
dol fait des boniments inoffensifs ou des exagérations vénielles et le mauvais dol est
parfois difficile à établir en pratique. Il appartient donc au juge du fond d’apprécier
souverainement les domaines du bon et du mauvais dol.

3. Rapports entre Dol et Erreur.

Vices du consentement consacrés par l’article 9 du Code civil, le


dol et l’erreur ne peuvent être assimilés quand bien même celle-ci pourrait résulter de
celle-là :

 Le dol ne se présume pas. La partie qui se prétend victime des manœuvres


dolosives doit administrer la preuve du celles-ci (article 17). S’agissant d’un fait
juridique, le dol peut être prouvé par toutes voies de droit, et donc par
témoignages et présomptions de l’homme198.
 Toute erreur n’est pas sanctionnée par la nullité du contrat (exemple : l’erreur
sur la solvabilité du débiteur) alors que toute erreur résultant d’un dol entraîne
toujours une nullité.
 Le dol civil est constitutif du délit (faute intentionnelle). La victime peut
demander outre la nullité du contrat, les dommages-intérêts sur base de l’article
258. La réparation peut être due également en cas de dol incident. Celui-ci
recouvre les manœuvres intentionnelles qui ont conduit une partie à consentir à
des conditions plus défavorables, et moins intéressantes que si elle n’avait été
induite en erreur. Le dol incident ne donne pas lieu à l’annulation du contrat.

4. Conditions d’annulation du contrat pour cause de dol.

Le dol dit l’article 16 du Code civil « est une cause de nullité de


la convention, lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il
est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté… »

Il résulte de cette disposition que deux conditions doivent être


remplies pour que le contrat soit annulé pour cause du dol : l’une est liée à l’origine
du dol, l’autre à sa gravité.

recrutement et de sélection des travailleurs ».


198
Cass. ; 28 Décembre 1882, Pas., 1883, I, p.12 ; Cass. 25/02/2000, R.W, 2002-2003, p.37.
103
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a. Origine du dol.
En parlant des manœuvres frauduleuses l’article 16 énonce
clairement qu’elles doivent être pratiquées par l’une des parties pour entraîner la
nullité du contrat. Cela veut dire que le dol doit être l’œuvre d’une partie au contrat
pour provoquer l’anéantissement de la convention. Les manœuvres provenant d’un
tiers ne peuvent donc pas invalider le contrat. Celles-ci ne donnent lieu qu’à des D.I
conformément à l’article 258, bien qu’il y ait à ce sujet une évolution doctrinale 199. On
voit là apparaître la différence avec la violence qui peut occasionner l’annulation du
contrat même si elle provient d’un tiers. On estime, en effet, qu’on peut facilement se
défendre contre un dol que contre une violence. Toutefois, un contrat peut être annulé
du chef de dol, si le cocontractant est complice du dol commis par un tiers au contrat
ou si celui-ci a agi au su du premier. Enfin, le dol commis par le représentant d’une
des parties est cause de nullité de la convention200.

b. Gravité du dol
Seul le dol déterminant, c'est-à-dire, celui qui a provoqué une
erreur déterminante du consentement peut entraîner la nullité du contrat. Pour
reprendre les termes de l’article 16 du Code, « les manœuvres, doivent être telles, qu’il
est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ».
L’appréciation du caractère déterminant du dol se fait in concreto par le juge. Celui-ci
doit tenir compte des caractéristiques personnelles de la victime du dol, telles que son
âge, son (in) expérience ; sa naïveté, son éducation etc.201.

Le dol déterminant appelé aussi dol principal est généralement


distingué par la doctrine et la jurisprudence du dol incident. Celui-ci, avons-nous dit,
est constitué des manœuvres intentionnelles qui ont conduit une partie à contracter à
des conditions plus défavorables, moins intéressantes que si elle n’avait pas été induite
en erreur. Le dol incident ne peut occasionner la nullité du contrat. Il donne lieu
seulement à des dommages-intérêts sur base de l’article 258.202

c. Sanction du dol
Le dol, faut-il le rappeler, entraîne la nullité relative du contrat.
Seule la victime du dol peut solliciter cette nullité. Mais, elle peut renoncer à
l’annulation du contrat et procéder à la confirmation tacite ou expresse de celui-ci.

199
Certains auteurs pensent que le consentement de la partie qui est victime des manœuvres dolosives émanant
d’un tiers est tout aussi altéré que celui de la partie qui a fait l’objet des menaces proférés par une tierce personne
( Voy. G. RIPERT et J. BOULANGER, op. cit, t. II, 1949, p. 83.)
200
J. BOULANNGER, op cit, t. II, 1949, p. 83.
201
C. GOUX, op. cit, in La théorie générale des Obligations, 1998, p. 34.
202
Certains auteurs pensent que la victime d’un dol incident peut aussi obtenir l’annulation du contrat au titre de
réparation en nature du dommage causé par une culpa in contrahendo. Ce point de vue ne semble pas tenir
compte de la nécessité d’un lien de causalité entre cette faute et le dommage (Voy. B. DE CONINCK , les
sanctions de manquements précontractuelles à la lumière de quelques législations récentes en droit des
contrats », RGDC, 1998, p.200 ; C. GOUX, op cit., in La théorie générale des obligations, 1998, p.34.
104
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

L’action en nullité se prescrit par dix ans. Le jour initial (dies a quo) est celui du
moment où le dol a été découvert (art 196 Code civil).

III. LA VIOLENCE (l’article 11 à 15 du Code civil)


Introduction

Lorsque le consentement d’une partie au contrat n’est pas libre,


lorsque pour contracter, une partie se trouve sous l’empire de la menace ou de la
contrainte, il y a violence. Le vice de violence entraîne, en tant que tel, la nullité du
contrat. Mais la sécurité juridique commande que le contrat ne puisse disparaître pour
la moindre pression exercée sur une personne. Nous allons dans ce point étudier la
violence en tant qu’un autre vice de consentement prévu par le Code civil et dont la
notion, telle qu’appréhendée par le législateur, renvoie plus à la crainte d’un mal
qu’au mal lui-même. Car seule la crainte qu’inspire le mal est souvent présente en cas
de violence. Le mal étant lui-même généralement de réalisation future.

1. Notion de violence
La violence est, d’après les articles 12 et 13 du Code civil, le fait
d’inspirer à une personne la crainte d’un mal pour elle ou pour un de ses proches,
en vue de lui arracher un consentement qu’elle ne veut pas donner. Il ressort de
cette définition que la violence est une notion ambiguë. Elle peut être physique, morale
ou pécuniaire.

Dans le premier cas (violence physique), la partie contractante


n’exprime aucune volonté. Et cela n’appelle aucun commentaire particulier parce qu’il
s’agit des voies de fait ou des menaces exercées sur cette partie. C’est le cas, par
exemple, lorsqu’on s’empare de la main d’une personne pour lui faire signer une
reconnaissance de dette. Cette forme de violence est donc destructrice de la volonté.
Elle ne peut être réduite au rang de simple vice de consentement. C’est une violence
qui équivaut à une absence totale de consentement, sanctionnée jadis par la nullité
absolue, voire l’inexistence de l’acte. A l’heure actuelle, elle donne lieu à la nullité
relative de l’acte203 .

La violence morale, quant à elle, est celle que le législateur avait


visée en promulguant les articles 11 à 15. Elle consiste en une menace d’un mal qui
pousse une personne à contracter. Cette menace peut être dirigée contre la personne du
cocontractant elle-même (enfermée dans un dilemme, elle préfère conclure un mauvais
contrat pour écarter le spectre d’un mal plus grave) ou contre un de ses proches
(fiancé, oncle, tante, frère, sœur, cousin, neveu, femme, mari, etc. Article 13). Menacer
le contractant de porter atteinte à ces êtres qui lui sont chers, c’est faire pression
indirectement et efficacement sur lui.
203
. H. DE PAGE, traité, t.I, n°58.
105
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Rappelons qu’en réalité, ce qui est qualifiée de violence c’est la


crainte qu’inspire la menace d’un mal204. Comme l’observent si bien G.RIPERT et
J.BOULANGER : « la victime de la violence a la pleine conscience des raisons de ne
pas contracter. Mais, à ces raisons, la crainte en substitue d’autres qui déterminent la
volonté205 ».

Le mal dont on menace le proche peut être physique (menaces,


sévices, tortures…) moral (atteinte à la réputation ou à l’honneur) ou pécuniaire
(chantage : payez telle rançon, faute de quoi votre frère ou enfant sera tué).

Enfin, la violence matérielle est celle qui porte atteinte à ses


intérêts d’ordre matériel (destruction des ses habits ou de ses récoltes). Elle peut, à
l’instar de toutes les autres, être présente ou future. Bref, la violence exerce toujours
un effet psychologique sur la personne victime des menaces.

2. Rapports entre violences et dol


Quoi qu’ils constituent des vices du consentement, le dol et la
violence ne peuvent être confondus. Comme souligné précédemment, le dol ne peut
entraîner la nullité du contrat que s’il provient d’une partie au contrat. Ce qui n’est pas
le cas de la violence qui peut occasionner la destruction du contrat même si elle émane
d’un tiers. Le caractère dangereux pour la société des troubles causés par la violence
justifie cette sévérité.

3. Conditions d’annulation du contrat pour cause de violence


Deux conditions doivent être remplies pour que la violence
puisse être considérée comme une cause de nullité du contrat : elle doit revêtir une
certaine gravité d’une part, et d’autre part, elle doit être injuste et illicite.

a) La violence doit revêtir une certaine gravité


Tout comme le dol, la violence doit être déterminante ou
principale pour entraîner la nullité du contrat. Aux termes de l’article 12 alinéa I
du Code civil : « il y a violence, lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une
personne raisonnable… ». Autrement-dit, une violence qui est de nature à infecter le
consentement doit revêtir une certaine gravité. On vise ici l’efficacité de la menace
telle que peut l’apprécier « une personne raisonnable » et non la capacité de résistance
de l’homme raisonnable.

Pour apprécier la gravité de la menace, on devrait en principe


procéder à une évaluation in abstracto du danger et se demander si une « personne

204
H. DE PAGE, traité, t.I, 1962, p73.
205
G.RIPERT et J.BOULANGER, op.cit, t.II, 1949, pp.84-85. Voy. Aussi C.RENARD, E. VIEU. JEAN et y.
HANNEQUART, op.cit, 1957, p.187. La violence tombe parfois sous le coup d’une incrimination pénale :
l’extorsion.
106
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

raisonnable » aurait résisté à celui-ci tel qu’il s’est présenté206. Mais l’alinéa 2de
l’article 12 invite plutôt le juge à se livrer à une appréciation in concreto (ou objective)
qui, moins rigoureuse, prend en considération les caractéristiques propres de la victime
de la violence. On a égard, en cette matière, dit l’alinéa précité, à l’âge, au sexe et à la
condition des personnes.

La majorité de la doctrine et de la jurisprudence estiment que le


second point doit prévaloir207. Ainsi s’exprimant sur la question L. JOSSERAND disait
« le dosage de la violence sera différent pour l’homme ou la femme, pour l’adolescent,
l’homme dans la force de l’âge et le vieillard, pour l’homme instruit, appartenant aux
classes dirigeantes, et, pour l’ignorant qui occupe dans la société, une situation
subordonnée : l’instruction , la volonté, la force physique, l’habitude des affaires sont
autant de données qui sont à utiliser pour résoudre le problème d’ordre quantitatif
208
».

Par ailleurs, l’article 12 qualifie le mal dont une partie est


menacée de « considérable » et « présent ». Cela ne veut pas dire que le mal futur ou
conditionnel n’est pas susceptible de violence. On veut ici surtout mettre l’accent sur
le caractère déterminant de la violence. Si elle revêt un caractère simplement
incident, c’est à dire, si la menace n’a fait que pousser la victime à conclure le contrat
à des conditions moins avantageuses que celles auxquelles il aurait traité en l’absence
de celle-ci, la convention ne sera pas entachée d’une cause de nullité et la victime
n’aura droit qu’à des dommages-intérêts sur pied de l’article 258 du Code civil.

 Violence résultant des circonstances extérieures


Cette forme de violence est généralement connue sous le nom
de « l’état de nécessité » il s’agit du cas où un individu profite des circonstances
extérieures qui lui sont favorables pour conclure avec un autre un contrat
(exemple, une personne conditionne le sauvetage de l’autre qui se noie à la remise en
sa faveur d’une somme de 1000 dollars Américains. Il en est de même en cas
d’incendie ou d’inondation). Comme on peut s’en rendre compte, la violence ne
provient pas ici d’une partie au contrat. Elle est l’œuvre des circonstances extérieures
manifestement périlleuses en sorte qu’on ne peut à premièrement vue parler comme
l’exige l’article 9 d’un contrat ou consentement « extorqué » par violence. La formule
de l’article 9 suppose que la violence soit pratiquée par la personne qui obtient le

206
Le droit Romain exigeait que la violence soit atroce et de nature à faire impression sur une personne tres
courageuse. En cela elle se révélait plus exigeante à l’égard de la résistance à la violence (Voy. à cet effet E.
MONTERO et M. DEMOULIN, op cit, le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du Code
civil, 2004, p.73).
207
J. GHESTIN, op- cit, pp. 570-571; J. FLOUR, J.-L AUBERT et E. SAVEAU, op. cit, t. II ; 2000, p. 152, Voy.
Par ex. Civ. Liège, 22 juin 1994, J.L.M.B., 1994, p. 1108 (reconnaissance de dette signée par des personnes
âgées et d’origine modeste).
208
L. JOSSERAND, Cours de droit civil positif français, t. II, Paris, SIREY, 1993, p. 44.
107
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

contrat. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Celle-ci ne fait, en effet, que tirer profit du
danger qui menace l’autre pour l’amener à contracter.

 Solutions juridiques
A l’origine, le profit qu’une partie au contrat tirait des
circonstances qui lui étaient favorables (noyade, incendie, maladie…) ne pouvait être
qualifié de violences. Des lois sont, toutefois, venues combler cette lacune au
vingtième siècle dans les cas les plus choquants. Ainsi les législateurs belge et
français ont-ils introduits dans leurs législations les termes de la convention
internationale du 23 septembre 1910 sur l’assistance et le sauvetage maritime,
dont l’article 7 stipule : « toute convention d’assistance et de sauvetage passée au
moment et sous l’influence du danger peut, à la requête de l’une des parties, être
annulée ou modifiée par le juge, s’il estime que les conditions ne sont pas
équitables »209.

Cette convention admise également dans notre pays reste


d’application et sert également de solution à tous les autres cas de violence provenant
des circonstances extérieures210.

Par ailleurs, même si les applications jurisprudentielles en la


matière ne sont pas nombreuses, la jurisprudence prend en compte la violence
provenant des circonstances extérieures lorsque le cocontractant a profité de la crainte
provoquée par les événements pour obtenir de l’autre des avantages excessifs ou
indus211. La rareté de la jurisprudence s’expliquerait donc par l’interprétation extensive
dont fait l’objet le dol et la lésion.

b) La violence doit être injuste et illicite.


Toute menace n’est pas de nature à entraîner la nullité du contrat.
L’article 14 du Code civil lui-même renforce cette idée en énonçant que « la seule
crainte révérencielle envers le père, la mère ou autre ascendant, sans qu’il y ait eu
violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat ».

Ainsi donc pour provoquer l’annulation du contrat, la


violence doit être injuste ou illicite. La seule crainte révérencielle ne suffit pas.
Celle-ci ne fait que traduire l’influence légitime des parents, des employeurs ou
des autres autorités hiérarchiques sur leurs enfants, travailleurs ou subordonnés.

209
Voir en droit belge l’article 262 du livre II du Code de commerce introduit par une loi du 12 Août 1911
concernant l’assistance et le sauvetage maritimes. En droit français, l’article 7 de la loi du 29 avril 1916 sur
l’assistance en mer qui permet de réduire l’indemnité exigée par le navire sauveteur.
210
O.L 67/174 du 6 avril 1967 in M.C. 1967, p. 193.
211
Burx, 7mars 1964, Pas., 1965, II, p.70 (en l’espèce, les pompiers avaient demandé de la propriétaire d’un
bâtiment en feu une indemnité de déplacement indue).
108
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Si ces derniers concluent le contrat sous l’effet de cette crainte, celui-ci ne peut être
annulé car, il n’y a en l’espèce, aucune menace jugée injuste et excessive.

Ainsi, il n’y a pas de violence injuste à reprocher à celui qui pour


obtenir ce qui lui est dû, menace de faire usage de voies de droit et des moyens de
contrainte que la loi lui reconnait. Tel est cas de l’employeur victime d’un
détournement de fonds commis par l’un de ses travailleurs qui menace ce dernier d’un
dépôt de plainte au parquet ou d’un licenciement pour obtenir une reconnaissance de
dette de celui-ci. La situation serait toute autre si l’employeur proférait ces menaces
pour obtenir des avantages excessifs. Par exemple, se faire délivrer une reconnaissance
de dette d’un montant dépassant le préjudice subi (légitimité des moyens mais
illégitime de l’objectif)212. Ou encore des menaces proférées ou les violences exercées
pour obtenir ce à quoi on n’a pas droit (enrichissement sans cause) ou simplement pour
bénéficier d’un engagement dont la cause est illicite (cas du mari qui trouve sa femme
en flagrant délit d’adultère et qui exige une forte somme à son complice pour lui éviter
des poursuites judicaires). Une telle violence peut donner lieu à la nullité de la
donation qui s’en est suivie parce qu’elle est injuste et fondée sur une cause immorale.

4. Sanction du contrat entaché de violence


Le contrat conclu sous l’empire de la violence est frappé de
nullité relative. L’action en nullité se prescrit par dix ans. Mais, le contrat peut faire
l’objet de confirmation tacite ou expresse. A l’instar du dol incident, une violence
simplement incidente ne peut entraîner l’annulation de l’engagement. Elle ne donne
lieu qu’à des dommages-intérêts fondés sur l’article 258.

IV. LA LESION

1. Introduction
Après l’erreur, le dol et la violence, la lésion est le quatrième
vice qui peut affecter le consentement. Il s’agit bien d’un vice d’un genre particulier
parce que non seulement que la lésion ne s’applique pas à tous les contrats (contrats de
bienfaisance et contrats aléatoires par exemple) mais aussi contrairement aux vices
précités, elle n’entraîne pas en droit congolais, la nullité du contrat. Celui-ci doit
simplement être ramené à l’équilibre par la réduction des prestations excessives. En
effet, la lésion n’est rien d’autre qu’une erreur sur le prix ou sur la valeur 213. La
sécurité dynamique des transactions interdit de remettre en cause une convention
fondée sur une telle erreur car dit-on « les affaires sont les affaires ».

En droit congolais, la lésion n’a pas été réglementée directement


par le Code civil livre III. C’est le décret du 26 août 1959 qui a introduit au titre 1 er de
212
Cass., 12 mai 1980, Pas., 1980, I, p.103.
213
P. WERRY, op cit, p. 238.
109
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

ce Code, un chapitre IX bis institué « De la lésion et dont la disposition consacrée à


la matière est l’article 131 bis ».

2. Notion
D’après le Code Napoléon « la lésion ne vicie les conventions
que dans certains contrats ou à l’égard de certaines personnes (article 1118 du Code).

Mais, qu’entendre par la lésion ?

La lésion dans un contrat peut être définie comme étant une


disproportion économique entre les avantages réciproques consécutifs à sa
conclusion214. C’est un préjudice pécuniaire subit par l’une des parties suite à un
déséquilibre entre l’avantage qu’elle a obtenu et celui qu’elle a conféré à son
cocontractant. Le déséquilibre économique résultant de la lésion existe donc dès la
conclusion du contrat (ab initio). Ceci permet de distinguer la lésion d’une notion
voisine : la théorie de l’imprévision où le déséquilibre contractuel surgit au moment de
l’exécution de la convention.

Ainsi il ne peut y avoir lésion lorsqu’un bien vendu à sa valeur


réelle au moment de la conclusion du contrat parvient à acquérir plus tard une plus
value.

La sécurité juridique des transactions, avons-nous dit, interdit de


remettre en cause une convention lésionnaire. Mais, le législateur s’est parfois montré
favorable à l’annulation du contrat pour cause de lésion afin de lutter contre certains
déséquilibres contractuels et privilégier, ipso facto, les exigences d’une justice
commutative. C’est la rescision pour lésion ainsi qu’elle en existe en droits belge et
français.

3. La lésion en droits belge et français

a) Situation dans le Code Napoléon.

Le législateur du Code Napoléon ne s’est pas toujours montré


réticent à l’annulation du contrat pour cause de lésion. Dans certaines hypothèses, sans
doute, peu nombreuses, il a été autorisé de demander la rescision (terme utilisé pour
désigner la nullité en cas de lésion) pour lutter contre les conventions déséquilibrées.
Ainsi, la lésion est- elle sanctionnée :

 En matière de vente d’immeuble, lorsque le vendeur a été lésé de plus de sept


douzième dans le prix de l’immeuble (article 1674-1685 du Code Napoléon). Ces
dispositions du Code civil sont de stricte application. Aussi ne peut-on demander la
rescision pour lésion en matière mobilière. De même qu’un contrat n’est pas
214
P. WERRY, op cit, p. 238.
110
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

rescindable au profit de l’acheteur d’un immeuble (art.1683 du code civil) en cas


d’échange (art 1706 c.civ) et d’apport en société.
 En matière de partage, (art.887 à 892 du Code civil). Le législateur déclare
qu’ « il peut aussi y avoir lieu à rescision, lorsqu’un des cohéritiers (copartageants)
établit à son préjudice, une lésion de plus du quart »215.
 En matière de prêt à intérêts, (art.1907 ter, introduit dans le Code civil belge
par un arrêté royal n° 148 du 18 mars 1935)216;
 En faveur du mineur, (art.1305 et s. du code civil)217. L’acte est nulle de plein
droit si le mineur doué de discernement l’a passé seul alors que son tuteur devrait
d’abord se faire habiliter ou accomplir certaines formalités. A contrario, la rescision ne
sera accordée par le juge que si l’acte accompli par le mineur seul se révèle lésionnaire
pour lui.
 Fondement juridique de la rescision pour lésion.
Le fondement juridique de la rescision en cas de lésion reste, à
ce jour, discutable. Certains auteurs pensent que le contrat lésionnaire ou déséquilibré
repose sur une cause illicite au motif qu’il est contraire aux bonnes mœurs.

En effet, opinent-ils, il est immoral d’abuser de sa position de


supériorité pour conclure une telle convention. Et la sanction de cet engagement serait
sans doute la nullité absolue218.

D’autres, par contre (et c’est l’opinion dominante à laquelle nous


nous rallions), estiment que le contrat entaché de lésion constitue un manquement à
l’impératif de bonne foi et demeure une faute au regard de l’art 1389 du Code civil
(pas d’équivalent en droit congolais). Car profiter de la position d’infériorité de l’autre
partie c’est commettre une faute aquiliènne dont la réparation peut intervenir de
diverses manières et notamment en nature (rééquilibrage de la convention ou sa
disparition rétroactive)219.

b) La lésion en droit congolais

215
H. DE PAGE, traité, t.IV, n°329 et s ; T IX, n° 461 et s, 1933, I, 87.
216
Art. 1907 ter : « sans préjudice des dispositions protectrices des incapables ou relatives à la validité des
conventions, si abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance de l’emprunteur, le prêteur
s’est fait promettre, pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d’autres avantages excédents manifestement
l’intérêt normal et la couverture des risques du prêt, le juge, sur la demande de l’emprunteur, réduit ses
obligations au remboursement du capital prêté et au paiement de l’intérêt légal » (al 1er ). En droit français, voir
loi française N° 66 – 1010 du 28 décembre 1966. S’agissant des lois françaises récentes, voir B. STARCK, op-
cit, N°1593à 1599.
217
Art. 1305 du Code civil : « la lésion donne lieu à la rescision en faveur du mineur émancipé, contre toutes
conventions qui excédent les bornes de sa capacité (…) ».
218
Gand, 19 mars 1999, R.G.D.C, 2000, p. 315.
219
C. GOUX, op cit, in La théorie générale des obligations, 1998, pp. 52-58, avec la note 221 pour des références
à la doctrine. Voy. aussi J.- F Romains, op cit, 2000, p. 369.
111
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Situation avant le décret du 26 août 1959.

Le législateur du Code civil congolais livre III avait omis de


légiférer en matière de lésion. Ceci devrait obliger le juge à trancher les litiges portant
sur les contrats lésionnaires en se référant soit à l’erreur, soit au dol, soit à la violence
voire à l’illicéité de la cause 220. Par ailleurs, considérée comme une faute contractuelle
(une culpa in contrahendo), fondée sur l’exploitation de l’un des contractants par
l’autre, la lésion pouvait donner lieu à une action en responsabilité civile sur pied de
l’article 258.

Il s’agit là des solutions palliatives auxquelles les tribunaux


congolais pouvaient avoir recours en cette période de lacune législative, même si à en
croire KALONGO MBIKAYI, aucune juridiction congolaise ne donna jamais gain de
cause aux plaideurs en invoquant ce vice exceptionnel 221. Encore que ces solutions
demeurent, à ce jour, les seuls moyens de sanctionner les contrats lésionnaires sortant
du champ d’explication du décret du 26 août 1959.

- Le décret du 26 août 1959222.

Ce décret porte introduction dans le Code civil livre III d’un


article 131 bis relatif à la lésion. Le législateur y consacre ce vice en des termes proche
de l’article 1907 ter du Code civil belge, mais avec une portée sensiblement large. En
témoigne sa formulation ainsi reprise « sans préjudice de l’application des
dispositions protectrices des incapables ou relatives à la validité des conventions, si
par une opération de crédit, d’un contrat de prêt ou de tout autre contrat indiquant
une remise de valeur mobilière, quelle que soit la forme apparente du contrat, le
créancier abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de l’ignorance du
débiteur, s’est fait promettre pour lui-même ou pour autrui un intérêt ou d’autres
avantages excédant manifestement l’intérêt normal, le juge peut, sur la demande,
réduire ses obligations à l’intérêt normal. La réduction s’applique aux paiements
effectués par le débiteur, à condition que la demande soit intentée, dans les trois ans à
dater du jour du paiement »

Ainsi donc, la sanction retenue en cas de lésion, par l’article 131bis, n’est pas la
rescision, mais la réduction des prestations excessives (à l’intérêt normal).

a. Champ d’application de l’article 131 bis


Il convient avant d’indiquer le champ d’application de l’article
131 bis, de noter que la lésion telle qu’instituée par cette disposition légale, constitue
une infraction pénale. Notre Code pénal en son article 96 autorise le juge, une fois
220
I ere Inst. U.S.U. 11 mai 1950, RJCB 1950, p.30.
221
KALONGO MBIKAYI, op cit, p.74.
222
R. VIGNERON, La lésion en droit civil Zaïrois, essai d’interprétation du décret du 26 aout 1959, in R.J.C,
1965, cité par KALONGO MBIKAYI, op cit, p.74.
112
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’infraction établie, à faire application de l’article 131 bis à la demande de la partie


lésée.

Quant à la portée de cette disposition force est de noter que


l’article 131 bis reste applicable à tous les justiciables des tribunaux de la
République ainsi qu’aux conventions permettant la comparaison des avantages
réciproques, particulièrement, les contrats à titre onéreux et les contrats
commutatifs.

- Contrats soumis à l’article 131 bis

 Les opérations de crédit223;


 Les contrats réels à titre onéreux (prêt, dépôt, gage) ;
 Toutes ventes, qu’il s’agisse de la vente des biens incorporels (cession de
créance) ou des meubles corporels, voire des immeubles224;
 Le contrat d’échange lorsque l’un des termes de l’échange porte sur une valeur
mobilière ;
 Le contrat de partage si la masse à partager comprend une valeur mobilière 225;
 Le contrat de société ;
 Tous les contrats innomés générateurs d’un double transfert réciproques et dont
l’un deux a pour objet des valeurs mobilières.

- Contrats non soumis à l’article 131 bis

 Les contrats à titre gratuit et les contrats aléatoires (soumis au principe selon
lequel : « l’aléa chasse la lésion ») ;
 Les contrats générateurs d’obligations de faire ou de ne pas faire comme le
contrat de bail (louage de chose), les contrats d’entreprise et de travail, le
mandat ;
 Le contrat de transaction sauf en ce qui concerne sa sanction laquelle n’est pas
soumisse à l’article 131 bis, mais à l’article 591, alinéa 2 ;
 Les contrats de cautionnement et d’hypothèque qui par leur nature des contrats
unilatéraux échappent à l’article 131 bis.

b. Conditions d’application de la lésion (art. 131 bis)

Pour que la lésion de l’article 131 bis soit appliquée, trois


conditions doivent être cumulativement remplies : une condition objective, une
condition subjective et un lien de causalité. Ces conditions faut-il le souligner sont
223
Il s’agit des actes juridiques qui aboutissent au même résultat économique que les prêts de capitaux
(escompte, ouverture de crédit, rapport, compte courant, vente à tempérament).
224
Le paiement du prix qui se fait en argent, constitue ici une remise de valeur mobilière requise par l’article 131
bis.
225
Le partage portant sur des immeubles ou des meubles corporels demeurent soumis au principe : « l’égalité est
l’âme du partage » (voy. H. DE PAGE, Le problème de la lésion dans les contrats, p.9, note 2 et p.35) ;
113
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

déduites de l’article 1907 ter du Code civil belge duquel est tirée la théorie de la lésion
qualifiée226. En effet, la liste des dispositions légales sanctionnant des contrats
lésionnaires en droit belge étant limitative, la doctrine a élaboré ici la théorie de la
lésion qualifiée pour sanctionner les conventions manifestement déséquilibrées, à
condition que ce déséquilibre provienne d’un abus par une partie de la position
d’infériorité de son cocontractant (exemple abus de l’ignorance, des passions, des
besoins ou des faiblesses de l’autre partie)227

Ceci étant dit, le législateur congolais autorise la lésion aux


conditions ci-après :

1. Condition objective.
D’après le législateur, pour que l’article 131 bis puisse
s’appliquer, il faut que le créancier se fasse « promettre, pour lui-même ou pour
autrui, un intérêt ou d’autres avantages excédant manifestement l’intérêt normal ».

Cette condition exige donc une disproportion manifeste des


prestations réciproques. En effet, pour qu’il y ait une lésion au sens de l’article 131
bis les avantages conférés au cocontractant ou à un tiers au profit duquel on a stipulé
doivent excéder « l’intérêt normal ». Cette disproportion doit ensuite être manifeste,
c'est-à-dire, choquante au regard de l’exploitation abusive dont une partie a été victime
au moment de la conclusion du contrat. Il appartient au juge d’apprécier
souverainement, au regard des circonstances de l’espèce, ce qui constitue un
déséquilibre des prestations excédant l’intérêt normal et par conséquent contraire aux
bonnes mœurs (choquant).

A noter que l’intérêt normal s’apprécie par rapport au prix du


bien sur le marché et non de façon subjective.

2. Condition subjective.
Il faut pour que l’article 131 bis puisse jouer, que les avantages
aient été soutirés en « abusant des besoins, des faiblesses, des passions ou de
l’ignorance du débiteur ». La disproportion d’intérêts marquant la lésion ne peut être
le fait du hasard. Elle doit procéder d’un abus par l’une des parties de la position de
faiblesse de son cocontractant. Le mot faiblesse auquel est associé également le terme
« passion » désigne l’état d’une personne qui manque la force morale nécessaire pour
résister à un désir ou à une influence préjudiciable quelconque interne ou externe228.

226
VOY. À ce sujet, A. DEBERSAQUES, l’œuvre prétorienne de la jurisprudence en matière de lésion, in
Mélanges.
227
La théorie de la lésion qualifiée est très largement admise en doctrine belge et a reçu également un écho
favorable auprès des juges de fond. La Cour de cassation n’a pas encore eu l’occasion de ses prononcer
franchement sur la question (voy. Cass ; 9 juillet 1936, Pas., 1936, I, p.346 et Cass., 21 sept 1961, Pas, 1962, I,
p.91).
228
KALONGO MBIKAYI, op cit, p.81.
114
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Quant à l’ignorance, elle englobe toutes les défaillances


intellectuelles propres à la victime de la lésion, qu’il s’agisse du défaut d’instruction,
de l’inexpérience ou de son analphabétisme qui ont pour effet de la rendre inapte à
comprendre la portée exacte de la convention à laquelle elle va adhérer229.

Enfin, l’abus suppose la mauvaise foi dans le chef de son auteur.


Il est, dès lors, important de prouver que ce dernier avait connaissance de la situation
d’infériorité de son cocontractant qu’il a exploitée dès la conclusion du contrat.
Cependant, l’abus n’implique pas nécessairement l’usage des manœuvres
frauduleuses. La situation d’infériorité qu’exploite abusivement une partie peut
résulter des caractéristiques propres à la victime (ignorance, inexpérience, besoin
passion etc.)

En cela, la lésion se distingue du dol qui suppose généralement


une attitude active du créancier. En effet, par ses manœuvres l’auteur du dol provoque
en principe une erreur dans le chef du cocontractant. Ce qui n’est pas le cas de la
lésion où les créancier ne fait que tirer profit des faiblesses de son contractant. Par
ailleurs, l’abus des besoins et des passions permet de distinguer la lésion de l’article
131 bis des autres vices du consentement tels que l’erreur 230et la violence231. C’est ce
qu’exprime au début l’article 131 bis lorsqu’il déclare « sans préjudice de l’application
des dispositions(…) relatives à la validité des conventions ».

3. Le lien de causalité
Enfin, la dernière condition de mise en œuvre de l’article 131 bis
est l’existence d’un lien de causalité entre l’abus et la disproportion manifeste. Il faut
qu’il soit prouvé que le déséquilibre des prestations réciproques résulte directement de
l’abus par une partie des besoins, des passions, de l’ignorance ou de l’inexpérience de
son cocontractant. Car, en l’absence de cet abus, la convention n’aurait pas été conclue
ou, à tout le moins, ne l’aurait été qu’à des conditions moins désavantageuses pour la
victime de la lésion.

c. Sanction de la lésion
Lorsque les trois conditions précitées sont réunies, le juge doit
appliquer la sanction, c'est-à-dire, réduire les prestations excessives à l’intérêt
normal. Celui-ci, avons-nous dit, s’apprécie (outre le contrat de prêt et les opérations
de crédit) par rapport à la valeur du bien sur le marché. La demande en réduction
peut être introduite par toute partie lésée232. Mais, n’étant pas une action attachée à la
personne, elle peut également, en application des principes généraux, être exercée par

229
KALONGO MBIKAYI, op cit, p.81, Voy. aussi DEL MARMOL, op cit, n° 268 et 269.
230
L’erreur dans ce cas ne porte que sur la valeur, donc elle est inopérante.
231
H. DE PAGE et DEKKERS, T.V., N° 158, D.C., DEL MARMOL, op cit. , n°381.
232
Contrairement à l’article 1907 ter belge qui n’accorde l’action qu’àl’emprunteur. La demande peut être
introduite par voie d’action ou par voie d’exception.
115
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

les héritiers de la victime233 et même par ses créanciers agissant par voie d’action
oblique234.

Le législateur déclare que la réduction des prestations ne peut


avoir lieu que sur « la demande du débiteur ». Ainsi, le juge ne peut d’office,
accorder à la victime le bénéfice de l’article 131 bis. Néanmoins, lorsque les
conditions exigées (objective, subjective et lien de causalité) sont réunies, la doctrine
pense qu’il est alors obligé d’appliquer la réduction des prestations en dépit de la
faculté que le législateur semble établir en sa faveur par l’usage des termes « peut
réduire »235.

L’action en réduction se prescrit par trois ans à dater du


236
paiement . La demande est relative et ne peut être formulée que par la partie lésée qui
peut renoncer à celle-ci en confirmant le contrat lésionnaire.

N.B : le contrat lésionnaire qui constitue une infraction en vertu de l’article 96 al2 du
Code pénal (en ce qu’il est illicite et contraire aux bonnes mœurs) devrait, en principe
être frappé de nullité absolue à l’instar de toute convention illicite.

Etant simplement sujet à réduction, il faut en conclure que le législateur de 1959 a


ici implicitement dérogé au régime de droit commun des conventions illicites.

SECTION II: LA CAPACITE DES PARTIES


Introduction

La capacité des parties est la deuxième condition requise par


l’article 8 du Code civil pour pouvoir contracter valablement 237. La matière relève elle-
même du droit civil des personnes et du droit international privé surtout quant à ce qui
concerne la capacité des étrangers. Ceux-ci sont en principe régis par leurs lois
nationales parce que l’article 24 dispose à cet égard que l’état et la capacité des
personnes, ainsi que leurs rapports de famille sont régis par la loi de la nation à
laquelle elles appartiennent.

En réalité, le Code civil livre III ne dit pas grand-chose de la


capacité et ne consacre que deux dispositions de portée générale à cette matière. Il

233
Art. 118 et 121 du Code civil congolais livre III.
234
Art 64 du Code civil congolais livre III.
235
Cette faculté doit être écartée au regard de l’article 96 al2 du Code pénal qui dit : « …réduit ses obligations
(VIGNERON, op cit, n°37).
236
Il s’agit du délai préfix et non de prescription.
237
Il est surtout ici question de la capacité contractuelle car, la capacité délictuelle dite aquilienne répond à
d’autres règles. Elle est acquise dès l’âge du discernement.
116
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

s’agit des articles 23 et 24 de la deuxième section du chapitre II relatifs aux conditions


de validité des conventions.

Vu que c’est à titre de rappel que la matière est étudiée en droit


des contrats, les développements qui suivent seront donc limités à l’examen des
notions nécessaires à la capacité contractuelle afin de préciser chaque fois en droit
des obligations, les actes ou actions par lesquels une personne est susceptible de
s’engager ou engager autrui.

§1. Notions générales sur la capacité contractuelle des personnes physiques.


La capacité est définie comme l’aptitude qu’a une personne à
jouir des droits (capacité de jouissance) et à les exercer par elle-même (capacité
d’exercice) sans le secours d’une autre personne238.

La capacité contractuelle, aptitude à conclure personnellement


un contrat, se rapporte à la capacité d’exercice.

Faut-il souligner qu’en matière contractuelle, le principe est la


capacité et l’exception, l’incapacité. C’est ce qu’énonce l’article 23 du Code civil
lorsqu’il déclare que «toute personne peut contracter, si elle n’en est pas déclarée
incapable par la loi». C’est la traduction de l’idéal de liberté selon lequel les hommes
sont libres de passer n’importe quel engagement sous reverse du respect de l’ordre
public, des lois impératives et des bonnes mœurs.

Mais, les parties peuvent êtres inaptes soit à être titulaires de


droits, soit à les faire valoir elles-mêmes. On parle alors de l’incapacité de jouissance
et de l’incapacité d’exercice. Une disposition légale expresse est toujours nécessaire
pour restreindre une capacité (de jouissance ou d’exercice). Le texte qui institue
l’incapacité doit être interprété de manière restrictive.

Pour les étrangers, on se réfère comme souligné précédemment,


à leur loi nationale (art. 24 du CCCL III).

§2. Espèces d’incapacités


Le droit congolais avons-nous dit, connait, à l’instar des
systèmes juridiques qui l’ont inspiré, deux espèces de capacités : la capacité de
jouissance et la capacité d’exercice. Toute personne à qui la loi ne reconnait pas ces
aptitudes est un incapable. L’incapacité est aussi de jouissance et d’exercice239.

238
Y.-H.LEHEU « la capacité juridique. Notions générales », Rép not., tI, livre V/1, Bruxelles, LARCIER 2004.
239
H.DE PAGE, op.cit, p.9.H et MAZEAUD, op.cit, pp.1234-1234. A Noter que le but de l’incapacité est soit
d’assurer la protection de l’incapable lui-même, soit celle de l’intérêt général, soit encore à préserver les
incapables de la malhonnêteté et de la convoitise des autres.
117
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

a) L’incapacité de jouissance, est la plus profonde et la plus radicale. Elle


empêche l’individu d’être titulaire d’un droit ou des droits envisagés et de les
compter parmi les éléments de son patrimoine.

L’incapacité de jouissance peut être générale et priver un


individu du bénéfice de tous ces droits. Elle est assez rare actuellement en raison de
l’abolition de l’esclavage240. Il n’existe cependant qu’un certain nombre d’incapacités
de jouissances spéciales parce qu’elles ne visent que certains droits seulement.
Exemple : les étrangers ne jouissent pas des tous les droits reconnus aux nationaux.
De même les personnes morales ont une capacité de jouissance limitée à leurs activités
(principe de la spécialité). Enfin, l’incapacité partielle de jouissance peut résulter d’une
décision de justice (cas de la déchéance de l’autorité parentale).

b) L’incapacité d’exercice, est l’inaptitude à exercer soi-même les droits que l’on
a. Elle ne prive pas la personne du droit lui-même, mais seulement de la
possibilité de mettre en œuvre, par elle-même, le droit dont elle est titulaire.
Comme l’incapacité de jouissance, l’incapacité d’exercice peut aussi être
générale ou spéciale.

Elle est générale lorsqu’elle concerne tous les actes juridiques


(cas du mineur d’âge par exemple). Tandis qu’elle est spéciale lorsqu’elle ne vise que
certains actes juridiques déterminés. L’incapacité d’exercice est beaucoup plus
fréquente et commande la mise en place des mécanismes destinés à assurer la
protection des personnes incapables. Ces mécanismes sont la représentation,
l’assistance et l’autorisation.

Nous allons consacrer les développements qui suivent à l’étude


de ces mécanismes. Mais signalons en passant que contrairement au droit belge (article
1124), le droit congolais n’énumère pas expressis verbis les personnes considérées
comme incapables de contracter241. Ici on se réfère aux articles tirés du droit civil des
personnes.

§3. Régimes d’incapacités d’exercice


Les mécanismes de protection des incapables ne sont pas les
mêmes. Ils varient selon le type d’incapacité et selon les actes à accomplir. Les
incapables ne peuvent parfois agir que par l’intermédiaire de leurs représentants. Dans
d’autres cas, ils peuvent agir personnellement, mais avec une assistance ou une

240
L’esclave n’avait aucun droit, aucun patrimoine. Il ne pouvait être ni créancier, ni débiteur et n’était qu’un
instrument au service de son maitre, c'est-à-dire, une chose.
241
Article 1124 du code civil Belge « les incapables de contracter sont : les mineurs, les interdits et généralement
tous ceux à qui la loi interdit certains contrats ».
118
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

autorisation. Il y a donc trois régimes juridiques de protection des incapables : le


régime de la représentation, le régime de l’assistance et le régime de l’autorisation242.

Parcourons à présent ces différents types de régimes.

a) Le régime de la représentation.
C’est un régime plus radical car il efface l’incapable de la scène
juridique. Celui-ci n’agit pas seul. Il est remplacé par une personne capable qui pose
des actes en ses lieux et place de sorte que les actes accomplis produisent directement
leurs effets sur la tête de l’incapable représenté comme si celui-ci avait lui-même passé
l’acte. Ainsi, le lien de droit résultant du contrat se forme entre l’incapable représenté
et le tiers. C’est lui (l’incapable) qui sera débiteur au créancier des obligations issues
du contrat passé avec le tiers.

Sont placés sous le régime de la représentation :

1. le mineur d’âge représenté par ses parents ou par son tuteur ;


2. le majeur aliéné dépourvu de discernement ;
3. l’interdit (tout majeur ou tout mineur émancipé qui est dans un état habituel
d’imbécilité, de démence ou de fureur même si cet état présente des intervalles
lucites) article 300 du Code de la famille.

Toutes ces catégories d’incapables sont représentées par un


tuteur. A noter que la représentation peut être volontaire (conventionnelle) ou
légale :

- Volontaire : lorsqu’elle résulte d’un mandat ;


- Légale : Lorsqu’elle est prévue par la loi.

Par ailleurs, pour pouvoir être considérée comme un interdit, la


personne vulnérable doit avoir été préalablement placée par le juge sous le régime
d’interdiction. En l’absence d’une telle décision de justice, elle est sensée conserver sa
pleine capacité d’exercice243. C’est dire qu’on n’est pas interdit de façon automatique.
La demande d’interdiction peut être adressée par un parent, un époux, le ministère
public ou toute personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire (art. 300 à 308 du
Code de la famille).

242
L’incapacité d’exercice des personnes physiques tient donc à l’âge (mineur) aux facultés mentales ou
corporelles (aliénés, faibles d’esprit, prodigues, les affaiblis par l’âge et certains handicapés physiques « art 310
du Code de la famille ») et au sexe (femme mariée).
243
L’acte juridique accompli par une personne atteinte de la démence, mais non placée sous le régime
d’interdiction par la décision de justice, ne peut chez nous, être attaqué par celle-ci pour incapacité.
119
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

b) Le régime de l’assistance
C’est un régime de protection plus souple. Pour participer au
commerce juridique, l’incapable se fait ici assister d’une personne capable qui a un
pouvoir de veto. Autrement dit, l’incapable agit seul, mais il a, à ses cotés, une autre
personne (assistant) qui contrôle ses actes et, par son concours, l’habilite à agir244.

L’assistance concerne :

- les mineurs émancipés ;


- les personnes placées sous curatelle. Il s’agit des prodigues, des faibles d’esprit,
des personnes dont les facultés corporelles sont altérées par maladie ou l’âge et
de toute autre personne qui le demande (art 310 du Code de la famille).

Le faible d’esprit est celui dont les facultés mentales sont


affaiblies sans qu’il y ait perte absolue et habituelle de la raison 245. Tandis que le
prodigue est celui qui, par dérèglement d’esprit ou de mœurs, dissipe sa fortune en
folles dépenses. La prodigalité souligne BOMPAKA NKEYI exige la dissipation du
capital et la répétition246.

Aux termes des articles 311 du Code de la famille, la mise sous


curatelle peut être demandée par les parents, le conjoint, le ministère public ou toute
personne qui exerce l’autorité parentale ou tutélaire. Le curateur assiste la personne à
protéger (art. 312 du Code de la famille). Celle-ci ne peut ni plaider, ni transiger, ni
emprunter, ni recevoir un capital mobilier et en donner décharge, ni aliéner ou grever
ses biens d’hypothèque, ni faire le commerce, sans l’assistance du curateur (art 313).
Le tribunal ne peut placer la personne sous l’assistance du curateur que pour certains
des actes repris ci-dessus (art 313 alinéa2 du Code de la famille)

Bref : comme l’interdiction, la mise sous curatelle requiert une


décision du tribunal prononcée au terme d’une procédure appropriée. La
condamnation à une peine n’entraîne donc pas automatiquement l’interdiction légale
ou la mise sous curatelle247.

c) Le régime de l’autorisation
Elle concerne la femme mariée (art 448 du Code de la famille)
pour des actes juridiques importants248. L’autorisation peut être écrite ou verbale. Mais,
la femme mariée dispose d’un mandat domestique pour des actes accomplis dans
l’intérêt du ménage. L’autorisation maritale n’est donc pas nécessaire pour ce type
d’actes (exemple : acheter un frigo ou un sac de riz pour son ménage).
244
H. DE PAGE, op.cit, p3
245
BOMPAKA NKEYI : « cours polycopie de droit civil des personnes, UNIKN, 2004, p.64.
246
BOMPAKA NKEYI, ibidem, p.65.
247
On notera qu’en droit congolais le prisonnier n’est pas un interdit comme c’est le cas du droit belge.
248
La femme mariée est émancipée en Belgique depuis 1958.
120
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

SECTION III : L’OBJET DU CONTRAT (art. 25 a 29 du CCCLIII)


§1. Notion
Le Code civil congolais livre III qui règle la question de la
« matière des contrats » ne définit pas l’objet dans un seul sens. Il se contente
d’envisager ce terme tantôt comme « l’objet du contrat » (art. 25 à 27) tantôt comme
« l’objet de l’obligation (articles 28 et 29)249.

En dépit de ces emplois indifférenciés et sachant qu’un contrat a


pour effet de créer des obligations lesquelles engendrent des prestations 250, on peut
soutenir que l’objet du contrat n’est pas tant la chose matérielle, la matière (res) à
propos de laquelle le contrat a été conclu, mais plutôt la prestation née de
l’obligation. Celle-ci peut consister, selon l’article 26, dans le fait de donner
(transférer la propriété et livrer la chose à l’acquéreur) de faire ou de ne pas faire
(renvoient plutôt à des services matériels ou immatériels pouvant même se ramener à
une pure abstention) quelque chose.

§2. Rôle
L’objet qui est une condition de validité et non d’existence du
contrat remplit un double rôle : celui de protection individuelle et de préservation
de l’intérêt général. En effet, l’objet remplit une fonction de protection individuelle
lorsqu’il permet au juge de considérer comme nul un contrat fondé sur un objet
impossible ou indéterminé. Ainsi par exemple, on ne peut imaginer un contrat de bail
valable si le bien donné en location n’est pas déterminé ; de même il est difficile de
concevoir une vente normale si l’objet vendu est une chose difficile ou impossible à
livrer.

Quant au rôle de protection de l’intérêt général, il est satisfait


lorsque les tribunaux frappent de nullité un contrat dont l’objet est illicite et immoral.

§3. Caractères ou conditions de l’objet


Quelle que soit sa nature, toute obligation doit avoir un objet
déterminé ou déterminable, possible, licite et moral. L’absence de l’un de ces
caractères entraîne la nullité relative ou absolue du contrat.

249
Ainsi l’objet de l’obligation devient un concept polysémique qui peut être compris de différentes manières.
Au sens abstrait qui peut désigner une prestation consistant à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose et au
sens concret où il peut se rapporter à un bien ou à une chose constituant la matière du contrat.
250
La prestation est l’objet de l’obligation. En parlant de l’objet du contrat, le code civil ne fait qu’attacher au
contrat, l’effet de l’obligation (VOY.J CARBONNIER, op.cit, pp.103-104). Pour rappel, le terme prestation
vient du droit romain (prestare) et recouvre les trois types d’obligations (dare, facere et non facere). Pour plus
de détails voir J. CARBONNIER op.cit., p.26 N°9
121
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

I. Objet déterminé ou déterminable


Le Code civil congolais livre III pose pour principe qu’ « il faut
que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. La
quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être déterminée » (art.
28).

Il résulte de cette disposition légale que les parties doivent, à


peine de nullité de leur engagement, en préciser exactement l’objet. C'est-à-dire,
déterminer les éléments objectifs qui permettent de le définir quant à son contenu et à
sa nature. En effet, la prestation faisant l’objet de l’obligation doit être identifiée avec
précision par les parties de façon à ce que chacune d’elles puisse agir en toute
connaissance de cause. Cela parait d’autant plus justifié qu’en l’absence de cette
exigence, le créancier ne peut rien demander de concret à son débiteur, ni ce dernier
connaitre l’étendue réelle de ses engagements.

Ainsi, on ne peut vendre un animal ou un immeuble non


251
autrement identifié . S’il s’agit d’une « chose de genre » il faut en spécifier le genre
et la quantité (art.28 al2). Il n’est pas nécessaire que la qualité soit déterminée. Si elle
ne l’est pas, le débiteur devra livrer une chose de qualité moyenne (art 144).

D’après la jurisprudence, l’objet est déterminé lorsque la nature


ou l’analyse du contrat permet de définir la nature et l’étendue des prestations 252. Par
ailleurs, il a été décidé qu’une obligation n’est nulle pour manque d’objet certain
formant la matière de l’engagement que s’il y a incertitude absolue ne permettant pas
d’établir à quoi les parties se sont engagées253. Et la sanction résultant de
l’indétermination de l’objet ou de son impossibilité est la nullité relative, laquelle ne
peut être appliquée d’office par le juge254.

Cependant, un contrat dont l’objet n’est pas immédiatement


déterminé n’est pas moins valable. Pourvu qu’il soit déterminable, c'est-à-dire,
susceptible de détermination au jour de l’exécution selon les indications fournies par
le contrat même. Tel est le cas de la vente de biens se trouvant dans un magasin, même
s’ils ne sont pas décrits. Au jour de l’exécution du contrat, on pourra les préciser.

Par contre, n’est pas valable et, partant annulable, un contrat qui
exige, pour la détermination de son objet, un nouvel accord de négociations ultérieures
entre parties (cas d’un engagement tendant à accorder une récompense)255.

251
S’agissant du « corps certain », sa détermination ne pose pas un problème. Il suffit de le désigner.
252
P.VAN, OMMESLAGHE, op.cit, 2005, p.296.
253
Elis, 22 janvier 1956, jun.col, 1926, p.296.
254
LEO, 16 octobre 1956, RJCB, 1957, P.89
255
P.VAN OMMESLAGHE, op.cit., 2005, p.42. VOY. Aussi com.28 février 1983, Bull.IV, n°86 ; cas ; 21
février 1991, Pas.,1991, I, p.604 ; Cass ; 13 juin 2005, LARCIER Cass ; somm, n°946.
122
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 Détermination de l’objet par un tiers


Peut- on laisser à une tierce personne le soin de déterminer l’objet du contrat ?

L’article 273 du Code civil congolais livre III règle en effet cette
question lorsqu’il déclare s’agissant du contrat de vente que « le prix peut (…) être
laissé à l’estimation d’un tiers. Si le tiers ne veut ou ne peut faire l’estimation, il n’ya
point de vente »

Les parties peuvent donc s’accorder pour confier à un tiers le


soin de déterminer l’objet de la prestation. Ce tiers qui n’est pas, à proprement parler,
un arbitre, est un mandataire désigné par les deux parties et agissant en leur nom.

Bien que l’article 273 se rapporte au contrat de vente, la


doctrine admet cependant son application à d’autres types de contrats et rien ne
s’oppose à ce que les parties puissent recouvrir à une tierce personne dans un contrat
pour déterminer l’objet de leur prestation 256. La décision du tiers ainsi rendue porte le
nom de « tierce décision obligatoire »257.

 Détermination de l’objet par l’une des parties.

Partant également de l’idée que le contrat est l’œuvre de deux


parties, peut-on, par ailleurs, laisser le soin d’en préciser l’objet à l’une des parties
sans porter atteinte au principe de l’autonomie de la volonté ? La question n’est
nullement dépourvue d’intérêt d’autant qu’au regard de l’article 272 du Code : « le
prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties ». Ce qui laisse penser
que le législateur serait opposé à toute détermination unilatérale de l’objet en matière
contractuelle.

A la vérité, l’approche consistant à confier à l’une des parties de


soin de préciser l’objet du contrat n’est pas, en dépit de la formule de l’article 272,
ignorée en droit positif congolais. Il suffit pour s’en convaincre de se référer à la
pratique de certains contrats tels que le contrat d’entreprise portant sur les menus
ouvrages (chaises, lits, armoires). Ici, c’est le débiteur prestataire de services qui
détermine les contours de sa mission et fixe le prix des tâches à accomplir. Il en est de
même des produits vendus dans un magasin où les prix sont fixés par le magasinier.

Les usages peuvent aussi conférer le pouvoir de fixer l’objet de


la prestation à l’une des parties (cas des courtiers et commissionnaires commerciaux
qui établissent unilatéralement le montant de leur commission) sans oublier que le
256
L.SIMONT, « Contribution à l’étude de l’article 1592 du code civil », in mélanges offert à PIERE VAN
OMMESLAGHE, Brux ; Burylant, 2000, p.263.
257
VOY.O. CAPRASSE, « De la tierce décision obligatoire », J.T. 1999, p.566 ets. A noter que les parties
doivent préalablement préciser les critères sur lesquels le tiers devra se fonder pour accomplir sa mission
(exemple fixer le prix de la vente).
123
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

principe de l’autonomie de la volonté elle-même ne s’oppose pas à ce que les parties


abandonnent à l’une d’elles la charge de préciser l’objet du contrat.

Cependant, la détermination unilatérale de l’objet, lorsqu’elle est


autorisée, ne peut être laissée à l’arbitraire de la partie. Elle doit se faire de bonne foi.
Car, le juge peut, dans le cadre d’un contrôle a posteriori éventuel, sanctionner une
détermination abusive.

II. Objet possible


La possibilité de l’objet signifie non seulement que la chose,
objet du contrat doit exister au moment de la conclusion du contrat, mais aussi que la
prestation née de l’obligation doit être en mesure d’être réalisée car « à l’impossible
nul n’est tenu ».

En effet, si au moment de la conclusion du contrat l’objet


n’existe pas, le contrat est susceptible d’annulation258. Il en va ainsi de la personne qui
vend une chose complètement détruite au moment de l’échange des consentements ou
de celle qui assure contre l’incendie une chose anéantie par les flammes. Il s’agit, dans
tous les cas, des engagements portant sur les prestations impossibles.

La notion d’impossibilité est difficile à circonscrire. Mais dans


tous le cas pour que le contrat soit annulable, il doit s’agir d’une impossibilité absolue
(celle qui s’exerce à l’égard de tout le monde dans les mêmes circonstances de temps
et de lieu.) et non d’une impossibilité relative (celle qui n’est envisagée qu’à l’égard de
certains personnes).

Ainsi, s’engager à soulever et placer sur ses épaules un camion


de dix tonnes relève d’une impossibilité absolue tandis que traverser à la nage une
rivière constitue un cas d’impossibilité relative259.

Par ailleurs, l’impossibilité est une notion qui peut varier avec
les circonstances et le progrès technique (cas du voyage sur la lune rendu possible aux
Etats-Unis d’Amérique et considéré comme impossible en RDC du moins à l’état
actuel de son développement technique). Elle peut être matérielle, mais aussi juridique.
C’est notamment le cas d’une personne qui vend, en RDC, des produits étrangers
frappés d’interdiction d’importation. La vente est dans ce cas entachée d’une cause de
nullité.
258
L’article 356 du CCCL III fait application de ce principe en matière de cession de créance lorsqu’il porte que :
« celui qui vend une créance ou autre droit incorporel doit en garantir l’existence au temps de transport, quoi
qu’il soit sans garantie » l’article 278 alinéa 1 du Code va également dans le même sens en énonçant que : «si,
au moment de la vente, la chose vendue était périe en totalité, la vente serait nulle » donc c’est au moment de la
formation du contrat qu’il faut apprécier l’impossibilité de l’objet.
259
On notera aussi que l’impossibilité subjective n’est pas prise en considération. Si quelqu’un s’engage
inconsidérablement à faire des travaux qui sont au dessus de ses forces et de ses moyens, le contrat sera valable
et il engage sa responsabilité contractuelle en cas d’inexécution.
124
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Impossibilité initiale empêche la formation du contrat et si un


objet réalisable au départ dévient impossible par la suite (cas fortuit ou faute de
débiteur), il ne s’agit plus là d’un problème de validité du contrat, mais d’un problème
d’inexécution qui peut, selon le cas, soit dégager le débiteur de toute responsabilité
(cas fortuit), soit entraîner la responsabilité contractuelle de ce dernier (faute du
débiteur) avec possibilité d’une résolution judiciaire du contrat.

Enfin, l’objet du contrat peut être une chose future 260. Ici
l’objet n’existe pas encore au moment de la formation du contrat, mais, il va exister.
On cite, par exemples, les cas à des futures mangues d’une plantation, d’une voiture à
fabriquer ou d’une maison à construire. De telles choses futures peuvent sous réserves
des exceptions prévues à l’article 29 al2 Code civil, faire l’objet des prestations
contractuelles.

III. Objet licite et moral


C’est le troisième caractère de l’objet. En effet, les prestations
nées de l’obligation peuvent être de différentes sortes pourvu qu’elles soient licites et
morales. La licéité et la moralité sont des notions voisines qui ne peuvent, cependant,
être confondues. La licéité se réfère à la légalité (loi, règles de conduite, et ordre
public) alors que la moralité renvoit aux règles de conduite reposant sur les us et
coutumes communs à une société, un peuple ou une époque261.

La réglementation de l’objet du contrat quant à son caractère


licite et moral est donc relative et très variable car il s’agit là des notions très souples et
différentes d’un pays à un autre, d’une époque à une autre voire d’une branche de droit
à une autre.

Mais, en règle générale, tout contrat dont l’objet est contraire


à l’ordre public ou aux bonnes mœurs est frappé de nullité. Il s’agit là, comme
nous l’avons déjà souligné, d’une limitation au principe de l’autonomie de la volonté
en matière contractuelle. Encore qu’il n’est nullement question ici d’une simple clause
de style parce que le principe trouve ses applications les plus saillantes aux articles 27
et 29 alinéa 2 du Code civil, lesquels interdisent tout engagement portant sur une chose
hors commerce (article 27) et sur une succession future (art 29 al2).

a) Les choses et les droits hors commerce.


Aux termes de l’article 27 du Code civil congolais livre III : « Il
n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des
conventions ».

260
Art. 29 al1 Code civil congolais livre III.
261
Le petit LAROUSSE illustré, Ier siècle, 2001, p.661.
125
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il en résulte que certaines « choses » matérielles ou non, sont


« hors commerce» et ne peuvent servir de matière aux contrats 262. Autrement dit,
certains biens dont la loi interdit le commerce ne peuvent faire l’objet d’opérations
contractuelles.

L’extracommercialité peut être naturelle (cas des choses


impossibles par nature : astres, étoiles, choses ……), mais aussi légale (disposition de
la loi déclarant une chose hors du commerce). D’ailleurs, à dire vrai, l’exigence de
commercialité juridique n’est qu’une manifestation particulière d’une condition plus
large : la conformité du contrat à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Un contrat dont la prestation est mise hors commerce par une


disposition légale expresse n’est pas valable parce que son objet est illicite, c'est-à-dire
contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. C’est notamment le cas :

- des biens du domaine public de l’Etat considérés comme étant inaliénables


(routes, ponts, chaussés, monuments classés, certaines œuvres d’arts) ;
- des droits de la personnalité (état et capacité des personnes) ;
- des fonctions à caractère public (ex : charge notariale. Mais, en Belgique
l’étude d’un notaire peut être vendue),
- de la liberté de travail (art 428) et du commerce ;
- du corps humain (vente d’esclaves, mais de nombreuses limitations sont à
apporter, par exemple, à propos de l’engagement des sportifs « vente des
joueurs de football, sans oublier la vente d’organe à greffer ») ;
- des produits toxiques ou vénéneux (art 38 de l’ordonnance du 15 mars 1933
relatif aux substances toxiques et vénéneuses)263.
- des animaux atteints ou soupçonnés d’être atteints de maladies contagieuses264.
- des armes de guerre et explosifs ;
- des engagements de tuer ou de se prostituer ou de tout engagement portant
atteinte à certains droits essentiels, à certaines libertés fondamentales ou à
certaines institutions de base de la société.

b) Les successions futures


Les pactes sur les successions futurs sont prohibés par l’article
29 al2 dont l’article 277 constitue une sorte de rappel. Aux termes de la première
disposition en effet : « on ne peut renoncer à une succession non encore ouverte,
ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le
consentement de celui de la succession duquel il s’agit ». Tandis que l’article 277

262
M PLANIOL, Traité, t.II, 1900, p.315.
263
Code Piron, III, p. 680.
264
Article 151 du décret du 28 juillet 1938 relatif à la police sanitaire des animaux domestiques, Code Piron, III,
p. 294.
126
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

qui fait l’écho de cette disposition légale énonce « qu’on ne peut vendre la succession
d’une personne vivante, même de son consentement ».

Ces dispositions dont l’origine remonte au droit romain et à


l’ancien droit français ont, faut-il le remarquer, un caractère rigoureux au regard de la
liberté laissée en droit romain au futur de cujus de consentir à sa succession avant sa
mort. Bien plus elles s’appliquent aussi bien aux pactes sur sa propre succession
qu’aux pactes sur la succession d’autrui.

Diverses raisons expliquent la prohibition de tels pactes.

- s’agissant des pactes sur sa propre succession

Le futur de cujus ne peut s’engager sur sa succession avant son décès parce que cela le
priverait de la liberté dont il doit jouir jusqu’à sa mort de régler la dévolution de son
patrimoine. Il s’agit surtout ici de protéger la liberté testimoniale265.

De la sorte, les héritiers présomptifs ne peuvent disposer de la


future succession. Aucun engagement n’est possible à propos d’une succession non
encore ouverte266.

- s’agissant des pactes sur la succession d’autrui

Ils sont prohibés parce qu’ils sont jugés dangereux et immoraux.


En outre, ils impliquent la spéculation sur la mort d’une personne encore en vie
(exemple, un parent)267. Enfin, de tels pactes peuvent encourager la prodigalité dans le
chef de l’héritier présomptif et l’exploitation voire l’usure dans le chef du
cocontractant.

SECTION IV : LA CAUSE DU CONTRAT

§1. Introduction
Quatrième et dernière condition essentielle de validité du contrat,
la cause est énoncée à l’article 8 du Code civil. Mais, la notion de la cause et sa portée
sont précisées aux articles 30,31et 32 de la section 4 du second chapitre relatif aux
conditions essentielles pour la validité des conventions.

265
Tout testament est donc révocable du vivant de son auteur.
266
L’interdiction de renonciation anticipée à une succession future a pour but d’assurer l’égalité des partages. En
outre, elle s’oppose à la pratique de l’ancien droit français qui obligeait les filles et les puînés à renoncer (dans
leur contrat de mariage) aux droits et biens de la succession au profit des ainés.
267
L’interdiction des pactes sur les successions futures ne fait cependant pas obstacle à la validité de certains
contrats dont l’exécution peut coïncider ou se référer à une succession future. Exemple, un débiteur peut fixer
l’exécution de son contrat à la date où il recueillera sa succession. L’exécution est affectée par le décès d’une
personne. Mais il ne s’agit pas d’un pacte sur la succession future.
127
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Le peu de dispositions légales consacrées à cette notion par le


législateur contraste non seulement avec ses multiples applications
jurisprudentielles268, mais aussi avec des controverses doctrinales toujours nombreuses
et variées enregistrées en la matière.

En effet, alors que la doctrine classique inspirées des écrits de


DOMAT et de POTHIER269 voyait en la cause un élément objectif et autonome de
validité du contrat distinct du consentement, de l’objet et de la capacité, (théorie
causaliste), d’autres auteurs contestant l’existence de la cause, avaient plutôt défendu
son inutilité en matière contractuelle. Ces auteurs qualifiés d’ « anti-causalistes » et
dont le représentant le plus célèbre en France fut le civiliste MARCEL PLANIOL,
affirmaient que la théorie de la cause telle que la doctrine française de l’époque l’avait
conçue était fausse et inutile car la cause n’ajoute absolument rien aux autres
conditions de validité du contrat270. Celui-ci, disaient-ils, était valable dès qu’il y avait
consentement, objet et capacité. Ce qui ne contribuait pas à faire de la cause un
élément de formation du contrat271.

En dépit de leurs critiques acerbes à l’égard de la cause, les anti-


causalistes n’ont pas réussi à ébranler la notion de cause et les auteurs modernes ne
remettent plus en question la nécessité de cet élément comme condition de validité
autonome des actes juridiques272. Du moins en droits français, belge et congolais jugés
causalistes car d’autres systèmes juridiques tels que les droits allemand, suisse et
canadien sont restés non causalistes273.

268
La jurisprudence n’a cessé d’annuler les contrats pour absence de cause, fausse cause ou cause illicite.
269
DOMAT, Les lois civiles…t II, 1754, p. 20, art. V et VI ; POTHIER, op cit, t.I, 1829, p.13.
270
Les anti-causalistes estiment en effet que la cause se confond soit avec le consentement, soit avec l’objet du
contrat. Ainsi, dans un contrat synallagmatique, la cause de l’obligation d’une partie est la prestation du
cocontractant, c'est-à-dire l’objet du contrat. Tandis que dans un contrat à titre gratuit, tel que la donation, la
cause n’est rien d’autre que le consentement, autrement-dit, l’intention libérale. Enfin, les anti-causalistes
pensent que la remise antérieure de la chose qui est considérée comme cause dans les contrats réels unilatéraux
n’est qu’un fait jugé nécessaire pour la formation et la validité du contrat. Rappelons que c’est depuis 1826 que
la cause a fait l’objet des critiques de la part des anti-causalistes pilotés par feu le Professeur ERNEST de Liège.
271
D’autres auteurs anti-causalistes cités en Belgique sont le professeur liégeois ERNEST, auteur d’une
brochure critique sur la cause éditée en 1826 et intitulée : « la cause est elle une condition essentielle pour la
validité des conventions ? » in Bibliothèque du jurisconsulte et du publiciste, 1826, t. I, pp. 250-264, cité par
M. PLANIOL, traité, t. II, 1900, p. 322, note 3 ; François LAURENT, Principes de droit civil, t. XVI, 1878, p.
150 et s ; J. DABIN, La théorie de la cause, thèse liège, 1919, p. 329. Il ya lieu d’ajouter également en France :
Baudry la Cantineriez et Barde, T.I, n° 321 et s. ces auteurs anti-causalistes s’opposent à ceux qu’on appelle : «
les causalistes » (assurant la défense de la cause) et surtout les « néo-causalistes » représenté en France par H.
CAPITANT, « De la cause des obligations, 2e éd, Paris, DALLOZ, 1924. L. JOSSERAND, Les mobiles dans
les actes juridiques du droit privé, paris, DALLOZ, 1928 ; RIPERT et JONASCO (in RTDC, 1931, p. 29 et s) et
en Belgique par P. VAN OMMESLACHE, « observations sur la théorie de la cause dans la jurisprudence et
dans la doctrine moderne », note sans Cass., 1969, R.C.J.B, 1970, p. 328 et s.
272
Les anti-causalistes ont tout au plus aidé, par leurs critiques, à faire préciser la notion de la cause.
273
Le droit Allemand, par exemple, ne fait pas de la cause un élément de la formation de contrat, car seule
prévaut ici la volonté déclarée et non la volonté interne (psychologique). Le but et les motifs non déclarés n’ont
ici aucune incidence sur le contrat.
128
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Dans ces derniers systèmes, en effet, la fonction de la cause est


remplie par d’autres procédés tels que la théorie de l’enrichissement sans cause qui
permet souvent de rétablir l’équité dans les rapports contractuels des individus.

En fait, la théorie de la cause repose, en droits causalistes, sur


une interrogation fondamentale : le « cur debetur ? » c'est-à-dire, le « ce pourquoi on
s’engage » qui est le « pourquoi » de l’engagement. Il s’agit surtout ici de savoir
pourquoi le contrat a été conclu ? Mieux : « quel est le but recherché par les parties
en contractant ? »

La réponse à cette interrogation fondamentale sera différente


selon que l’on vise les obligations de chaque partie ou la convention dans son
ensemble. Elle a donné lieu en doctrine, à deux conceptions différentes de la cause : la
conception objective et celle dite subjective de la cause.

Avant de passer en revue ces différentes conceptions, attardons-


nous un peu sur la notion même de la cause et son intérêt en matière contractuelle.

§2. Notion et intérêt de la cause

I. Notion
Comme l’a fait judicieusement remarquer P .A.FORIERS, la
cause est un concept ambigu qui se rapporte soit à l’obligation, soit à la convention.
Ainsi, on parle tantôt de la cause de l’obligation pour désigner sa source, c'est-à-dire,
l’événement qui engendre une obligation (contrat, faute aquilienne, quasi-contrat, etc.
art. 30), tantôt de la cause de la convention pour qualifier les contrats et les distinguer
entre eux (art 31du CCL LIII)274.

Toutefois, ces acceptions ne correspondent pas à l’idée de « cur


debetur ? ». Ainsi, allons- nous les abandonner au profit de la cause signifiant le
« pourquoi » de l’obligation ou de l’acte juridique car c’est dans ce sens qu’il sera
possible de distinguer, comme l’a fait la doctrine classique (dite causaliste), la cause
d’avec les notions voisines telles que le consentement, l’objet et les motifs275.

1. Cause et consentement

Bien qu’ils soient considérés comme des notions très proches


dans un contrat, la cause et le consentement ne doivent pas être confondus. Le
consentement, avons-nous dit, est la volonté de s’engager. D’un point de vue
philosophique, il apparait comme la cause première de l’obligation (je me suis engagé
274
Voy à ce sujet G. MARTY et P. RAYNAUD, op cit, t. I, 1988, pp. 206-208 ; J. ROCHFELD, cause et type de
contrat, paris, LGDJ, 1999, 632p.
275
A noter que les distinctions proposées précédemment ne présentent pas qu’un intérêt théorique. Elles ont une
raison d’être lorsque l’illicéité affecte le mobile de l’un des associés dans une société à responsabilité limitée.
129
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

d’abord parce que je l’ai voulu), la source de celle-ci, c'est-à-dire, la cause efficiente 276.
Alors que la cause juridique envisagée est la cause finale, c'est-à-dire, le but
poursuivi par la volonté de s’engager.

Ceci signifie qu’on ne peut s’engager dans le vide. Si on


contracte, c’est parce qu’on poursuit un but déterminé que soutend généralement une
volonté consciente, capable et libre. A noter que la théorie classique envisageait la
cause (but immédiat) séparément par rapport à chaque contractant tandis que, la
doctrine moderne la considère globalement au regard du but poursuivi par les deux
parties en contractant.

2. Cause et objet
D’après la doctrine classique dite causaliste, la cause et l’objet
sont des notions différentes. La cause est le « pourquoi » de l’obligation. C’est le « cur
debetur ? ». C’est-à-dire, le « ce pourquoi on s’engage » qui exprime le but immédiat
et déterminant en vue duquel le débiteur s’engage envers le créancier.

Quant à l’objet, il est exprimé par les termes « quid debetur ? »


que les causalistes traduisent par le « ce à quoi on s’engage ». L’objet représente donc
la prestation que le débiteur doit accomplir en vertu de son obligation alors que la
cause est le but recherché par chaque contractant dans un rapport d’obligation.

3. Cause et motifs
Cette distinction est considérée comme la plus importante. En
effet, tandis que la cause est la raison principale, déterminante et immédiate de
l’engagement, les motifs sont des raisons (des mobiles) multiples, variables et plus ou
moins lointaines qui ont poussé une partie à contracter277.

La cause est toujours identique (la même) dans les contrats de


même nature alors que les motifs sont variables selon les circonstances et les
contractants. Exemple, dans un contrat synallagmatique qui fait naître des obligations
réciproques, la cause de l’obligation d’une partie est l’obligation ou la contrepartie due
par le cocontractant, c'est-à-dire, l’avantage qu’elle espère obtenir de l’autre partie. Si
j’achète une maison (cause de l’obligation de payer), c’est surtout pour qu’on puisse
me transférer la propriété de celle-ci et qu’on puisse me la livrer. Cette cause
immédiate est différente des motifs : j’achète pour utiliser l’objet, parce que cet objet
me plaît ou parce que je veux l’offrir à un ami.

Cette cause ainsi distinguée des notions voisines présente-elle un


intérêt dans un contrat ?

276
MARTY et P. RAYNAUD, op cit, n°370.
277
JULLIOT, n° 370.
130
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

II. Intérêt de la cause dans un contrat


La cause remplit dans un contrat un double rôle.

Elle assure d’abord une fonction de protection individuelle des


parties en permettant de libérer une partie qui s’est engagée sans cause ou sur une
fausse cause (art.30). Ensuite, elle confère aux tribunaux une mission de sauvegarde
de l’intérêt générale en autorisant les juges de frapper de nullité tout acte contraire à
l’ordre public ou aux bonnes mœurs (interdiction de la cause illicite : art.30 et 32)278.

Ceci dit, revenons maintenant aux deux conceptions de la cause


telles qu’envisagées par la théorie causaliste.

§3. Conception objective et subjective de la cause


La théorie de la cause, avons-nous dit, prend son point de départ
dans la question « cur debetur ? ». Celle-ci s’interroge sur le « pourquoi » du contrat
« qui peut se situer à différents niveaux : objectif et subjectif.

Deux grands courants que nous nous proposons d’examiner


présentement, sans entrer dans toutes les nuances que mériterait la question, reposent
donc sur cette double conception déjà évoquée.

I. La conception objective de la cause.


Elle est l’œuvre de la théorie classique (causaliste) élaborée par
DOMAT. La conception objective met l’accent sur la cause « immédiate » de
l’obligation279. Cette cause immédiate est préférée à d’autres causes lointaines ou
médiates qui varient selon les circonstances et les contractants. Elle est recherchée
dans la proximité immédiate de l’obligation parce qu’elle exprime le but immédiat
et déterminant en vue duquel le débiteur s’engage envers le créancier280.

Ainsi, dans un contrat synallagmatique de vente, la cause de


l’obligation de chaque partie est la contrepartie de l’autre (l’obligation de l’acheteur
de payer le prix a sa cause dans l’obligation du vendeur de lui transférer la propriété de

278
Certains causalistes assignent d’autres fonctions à la cause. Ainsi, pour H. CAPITANT, la résolution des
contrats synallagmatiques, l’exception d’inexécution ainsi que la dissolution du contrat synallagmatique par
application de la théorie des risques sont justifiées par l’idée de cause. La doctrine dominante critique, à juste
titre, une telle justification car c’est l’interdépendance des obligations réciproques propres aux contrats
synallagmatiques qui est à l’origine de ces diverses institutions et non l’idée de cause (P. VAN
OMMESLAGHE, op cit, 2005, pp. 58-59). Pour d’autres, la cause permettrait de mesurer l’équivalence
économique les prestations des parties (GAUDEMET). Cela n’est pas aussi vrai car on risquerait là d’établir une
confusion avec la lésion ou avec la théorie de l’imprévision (P. VAN OMMESLAGHE, op cit, 2005, pp.59-60).
279
Pour rappel, la théorie classique dite causaliste préférait parler de la cause de l’obligation parce qu’ici le but
immédiat (cause) était envisagé séparément par rapport à chaque contractant. Tandis que la théorie moderne met
l’accent sur la cause du contrat, autrement dit, la raison déterminante qui a poussé les deux parties à passer
contrat (leur but commun).
280
MARTY et RAYNAUD, op.cit n°….
131
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

la chose vendue et de la lui livrer tandis que celle du vendeur a sa cause dans le
paiement du prix par l’acheteur).

Cette cause immédiate est donc une et unique dans chaque


contrat de même nature.

Dans un contrat réel unilatéral, l’obligation de restituer a sa


cause dans la remise antérieure de la chose.

Enfin, dans un contrat à titre gratuit, la théorie causaliste


trouve la cause de l’obligation dans l’intention libérale de celui qui s’oblige.

Mais, la conception objective de la cause a fait l’objet de


nombreuses critiques en raison de son caractère abstrait. Aussi, ne présente-elle pas
assez d’intérêt pratique. Tout au plus a-t-elle donné lieu à un mouvement anti-
causaliste qui a soutenue l’idée de l’inutilité de la cause (en tant qu’elle se confond
avec le consentement, l’objet et les motifs du contrat) et dont les critiques ont servi à
faire mieux connaitre la notion de cause.

II. La conception subjective de la cause.


A l’opposé de la conception objective, la conception subjective
de la cause a surtout été développée par les spécialistes du droit canon (canonistes).
Ceux-ci estiment que tout engagement devrait avoir une cause licite qui doit
normalement être recherchée au niveau des motifs (cause médiate) et non pas au
niveau de la cause immédiate située au premier degré. Il s’agit donc ici de prendre en
considération ce que la théorie classique refusait jusque là. Car, disent-ils, lorsqu’une
personne achète une maison c’est pour en acquérir la propriété et la possession (cause
immédiate) mais, aussi parce qu’elle lui plait et qu’elle veut y habiter ou y installer un
commerce (cause médiate ou subjective). Tout cela doit être pris en considération.

L’intérêt de cette conception également qualifié de la « doctrine


des mobiles » ou de « la cause mobile-but » ou encore de « la cause impulsive ou
déterminante » se situe à deux niveau : au niveau de la recherche du caractère illicite
de l’engagement et au niveau de la possibilité d’annulation du contrat dans certains cas
d’erreur sur les motifs281.

1. Quant à la recherche du caractère illicite de la cause


Les mobiles, avons-nous dit, n’ont aucune influence sur la
validité du contrat. Mais, ils peuvent se révéler utiles dans la recherche du caractère
illicite de l’engagement des parties ou de l’une d’elle. Car, l’objet ne révèle pas
toujours l’illicéité de la convention. Celle-ci se trouve souvent dans la cause médiate
281
H. DE PAGE, Traité, t. II, 194, p.468.
132
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

de l’engagement et il faut scruter les intentions des parties pour la trouver (illicéité).
La prise en compte de la cause médiate permettra ainsi de considérer le contrat
comme nul282.

Exemple : si j’achète une maison pour y exploiter la débauche


des jeunes filles (en faire une maison de tolérance), l’acquisition de cette maison
donne à mes obligations d’acheteurs une cause objective neutre sur le plan de la licéité.
Mais, la cause subjective c'est-à-dire le motif d’acquisition de cet immeuble, à savoir,
l’exploitation de la débauche des jeunes filles révèle l’illicéité qui permet de
considérer le contrat comme nul.

Quid alors si le mobile n’est illicite que dans le chef de l’une des
parties ? L’annulation peut-elle être prononcée en pareille occurrence ou faudra t-il
que l’illicéité soit partagée ou, à tout le moins, connue de l’autre partie ?

La jurisprudence estime qu’il suffit que l’une des parties ait


contracté à des fins illicites pour que le contrat soit annulé. Il n’est pas nécessaire que
ces fins soient connues du cocontractant 283. Par ailleurs, il importe peu que l’action en
nullité soit intentée par l’une des parties au contrat ou par un tiers intéressé (par
exemple le fisc).

On constate là que la jurisprudence tend à sacrifier les intérêts


du cocontractant de bonne foi au profit de l’intérêt général même si certains correctifs
peuvent être invoqués à l’appui de la bonne foi du cocontractant284.

2. Quant à la possibilité d’annuler le contrat dans certains cas d’erreur sur


les motifs (mobiles)
On ne le dira jamais assez, l’erreur sur les motifs ne peut en
principe, entraîner la nullité du contrat. Cependant, elle peut être tellement
importante au point de justifier l’annulation de l’acte juridique parce que les parties
en ont fait un élément déterminant.

Exemple, un petit-fils avait renoncé à un legs que lui avait fait sa


grand-mère, en croyant que cette renonciation allait profiter à son père qu’il estimait
injustement défavorisé. Mais, celle-ci profita en fait à un autre héritier. La Cour de
cassation belge estima que la cause de la renonciation était faussée et que l’acte
(renonciation) devait être annulé285.
282
P.WERRY « Le mobile illicite unilatéral, comme cause de nullité des actes juridiques », note sous cass,
12octobre 2000, RCJB, 2003, pp.74-115.
283 )
Cass, 12 octobre 2000, R.G.D.C, 2001, p. 459 RNB, 2001, p.209, obs.
284
Surtout l’invocation de l’adage « in pari causa turpitudinis cessat repetitio » ici la jurisprudence tient parfois
compte du degré respectif de turpitude de chaque contractant pour accorder la restitution au contractant le moins
coupable (Voy, cass, 12 oct 2000, R.G.D.C., 2001, p.549, R.N.B, 2001, p.109, obs ; M.COIPEL, Eléments de
théorie ..., 1999, p.65)
285
Cass, 13 novembre 1996, R.C.J.B, 1970, p.326, note p. VAN OMMESLAGHE.
133
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi, l’erreur sur les motifs ne peut donner lieu à la nullité du


contrat que si les motifs ont pénétré dans le champ contractuel et qu’ils sont considérés
comme substantiels par les parties286.

III. La conception moderne de la cause


La conception moderne de la cause est la plus dominante. Elle
inclut dans la cause aussi bien les éléments objectifs que subjectifs 287. Aussi, est- elle
qualifiée de « conception dualiste de la cause ». Cette cause permet donc de protéger
soit l’équilibre voulue entre parties288, soit l’ordre et la morale publics289.

Ainsi, dans un contrat synallagmatique, voire, à titre onéreux, la


cause est considérée objectivement parce qu’elle sert à maintenir l’équilibre entre
parties au regard du caractère simultané de leurs obligations. L’obligation de l’une des
parties a ici pour cause celle de l’autre.

Dans d’autres hypothèses, la cause sera recherchée


subjectivement dans les motifs (mobiles déterminants) qui ont poussés les deux parties
à contracter ou même dans les mobiles individuels poursuivis par une partie, à
condition qu’ils aient été déterminants pour elle.

§4. Effets juridiques de la cause.


L’étude des effets juridiques de la cause suppose une
reconnaissance préalable de celle-ci en tant qu’élément autonome et distinct de validité
des conventions. Car, on ne peut examiner les conséquences d’une notion qui
demeure, elle-même, fondamentalement inconnue.

A cet égard, il convient de rappeler que les droits français, belge


et Congolais sont des droits causalistes en ce qu’ils admettent la cause comme
condition autonome de validité des actes juridiques. Ces droits ignorent les actes
dissociés de leurs opérations que l’on appelle : les « actes abstraits», quand bien
même le droit commercial qui en compte un grand nombre reconnait leur validité290.

Les actes abstraits (obligations abstraites) ne sont pas des actes


sans cause. Ce sont plutôt des actes détachés de leur cause (qui existe bel et bien)
286
Exemple, je vous donne un livre croyant que mon frère va en profiter. Si ce dernier est mis à l’écart et ne tire
aucun profit de cette donation, elle peut être révoquée
287
JULLIOT, op.cit, n°392 bis.
288
Dans cette hypothèse, la cause joue souvent un rôle de protection individuelle des parties en permettant de
libérer la partie qui s’est engagé sans cause ou sur une fausse cause ou encore sur une cause illicite. (art.30).
289
Les juges pourront frapper de nullité un contrat contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs (l’interdiction
de la cause illicite : art. 30 et 32).
290
Mais, le principe demeure absolu qu’en droit civil français, belge et congolais, les actes abstraits ne sont pas
valables.
134
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

et dont l’existence et la validité sont indépendantes de cette cause 291. Celle-ci est
abstraite, c'est-à-dire, détachée de l’acte afin de favoriser la rapidité et la sécurité des
opérations commerciales. La protection du créancier peut être également à la base de
cette abstraction qui ne se traduit donc pas par la nécessité de respecter une obligation
sans cause ou fondée sur une fausse cause ou encore sur une cause erronée.

Quant à la source des actes abstraits, ceux-ci résultent


généralement de la volonté du législateur. Mais, les parties peuvent également se faire
autoriser à prévoir une telle abstraction.

On cite parmi les actes abstraits :

- La lettre de change, le billet à ordre ou le chèque. Ces titres négociables sont


séparés des opérations commerciales ou autres à propos desquelles on les a
créés et sont transmis indépendamment de ces opérations de telle sorte que le
dernier titulaire peut en réclamer paiement à l’échéance sans que le tiré puisse
invoquer une quelconque exception résultant de l’opération de base pour refuser
le paiement. Il devra ainsi payer parce que l’engagement a une cause
(fournitures des marchandises achetées, par exemple), mais elle est détachée ou
séparée de l’opération qui la soutend. La jurisprudence limite toutefois
l’abstraction aux rapports entre tiré et endossataire. Ceci veut dire qu’il n’y a
pas d’abstraction entre tiré et vendeur porteur de la lettre de change292.

- La délégation en ce que le délégué est tenu de remplir son obligation envers le


délégataire (par exemple payer le prix ordonné) sans devoir opposer à ce
dernier les exceptions tirées de ses rapports avec le délégant ni celles qui sont
déduites des rapports entre le délégant et le délégataire. Dans cette mesure
seulement, l’obligation du délégué peut être considérée comme abstraite, c'est-
à-dire, détachée de sa cause293.

A noter que la délégation n’est pas considérée en droit civil


comme un acte abstrait. Elle est une modalité volontaire d’extinction des obligations.
Cependant, l’analyse minutieuse de cette opération tripartite révèle une certaine
abstraction de l’obligation du délégué envers le délégataire.

- Les garanties bancaires dites « à première demande » appliquées en droit du


commerce international. ici, un entrepreneur est invité à obtenir de sa banque
une telle garantie pour la bonne exécution des travaux. En cas de problème, le
291
MARTY et RAYNAUD, op.cit, n° 185, p.168.
292
P. VAN OMMESLAGHE, op cit, p.81.
293
P. VAN OMMESLAGHE, op.cit, R.C.J.B, 1970, pp.358-359. L’auteur cite aussi dans le contrat de
cautionnement, l’obligation de la caution qui ne peut se libérer vis-à-vis du créancier en invoquant les exceptions
tirées de ses rapports avec le débiteur principal. Dans cette mesure, son obligation et donc abstraite.
135
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

maitre de l’ouvrage pourra faire appel à cette garantie sans que la banque ne
puisse lui refuser le paiement.

- En matière d’assurance automobile, l’action directe de la victime contre


l’assureur peut être considérée comme ayant un certain caractère abstrait étant
donné que ce dernier est obligé de réparer le dommage causé à la victime sans
toutefois opposer à celle-ci les exceptions résultant de ses rapports avec
l’assuré. L’assureur devra indemniser la victime quitte à se retourner (le cas
échéant) contre son assuré pour essayer d’obtenir le remboursement de ce qu’il
aura payé à celle-ci.

Les actes abstraits ainsi décrits se distinguent des billets non


causés qui sont des écrits mentionnant des obligations sans en indiquer la cause.
Celle-ci existe et peut être invoquée, mais elle n’est pas exprimée (article 31 du Code
civil LIII)294.

Exemple : je m’engage par écrit à payer à mon ami 100$ à la fin du mois. La cause de
cet engagement n’est pas mentionnée dans l’écrit (pourquoi dois-je lui payer cette
somme ?) qui reste muet à ce sujet.

Le billet non causé fait présumer l’existence et la licéité de la


cause dans l’écrit. Il appartient donc à celui qui la conteste de prouver la cause illicite
ou l’absence de cause. En l’occurrence, le débiteur dans ses rapports avec le creancier
et creancier lui-même dans ses rapports avec les tiers (en vertu du principe, « Actori
incumbit probatio »).

Après ce tour d’horizon des actes abstraits et des billets non


causés, revenons maintenant sur les effets juridiques de la cause. Ceux-ci peuvent être
examinés à deux niveaux :
- En cas d’absence de cause ou de fausse cause,
- En cas de cause illicite et immorale.

I. Cas d’absence de cause ou de fausse cause


Aux termes de l’article 30 du Code civil livre III, l’obligation
sans cause, ou sur une fausse cause (…) ne peut avoir aucun effet.

294 )
Certains auteurs, se fondant sur cette disposition (art. 31), ont cru devoir justifier la validité des actes
abstraits qu’ils ont alors confondus aux billets non causé. Cet article est ainsi libellé : « la convention n’est pas
moins valable, quoique la cause n’en soit pas exprimée ».
136
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. L’absence de cause
La cause, en droits causalistes, est considérée comme un élément
nécessaire à la formation et la validité des conventions parce qu’on ne peut pas
s’engager dans le vide. Chaque obligation doit avoir une cause, c'est-à-dire, sa raison
d’être. Cette cause faut-il encore le rappeler, c’est la contrepartie du cocontractant dans
un contrat synallagmatique295, la remise antérieure de la chose dans les contrats réels
unilatéraux et l’intention libérale dans le contrat de bienfaisance. Lorsque cette cause
vient à manquer au moment de la formation du contrat ou même en cours du contrat,
l’obligation sera nulle selon les prescrits de l’article 30 du Code civil. Il s’agit donc ici
en principe de la nullité absolue.

Ainsi, en est- il du vendeur d’une maison brulée et


complètement détruite. Le vendeur ne saura pas transférer la propriété de cette maison
et la livrer à l’acheteur. Or, l’obligation de ce dernier de payer le prix de vente
correspond à l’obligation du vendeur d’accomplir les prestations précitées. Mais, elles
ne peuvent être réalisées faute d’objet. De ce fait, l’obligation de l’acheteur manque de
cause et équivaut à un acte abstrait frappé de nullité absolue en droit positif congolais.

2. La fausse cause
La fausse cause est assimilée au cas d’erreur sur la cause qu’on
a examiné auparavent. A cette occasion, il a été dit qu’en cas d’erreur sur la cause, les
parties n’ont pas en vue la même cause. L’une d’elle croit en l’existence d’une cause
qui en réalité n’existe pas. C’est pourquoi, on parle de fausse cause.

En réalité, la fausse cause, c’est l’absence de cause envisagée à


travers la psychologie d’un contractant.

C’est notamment le cas d’une partie qui s’engage à rembourser


une dette en croyant qu’elle doit de l’argent à l’autre. C’est aussi le fait pour quelqu’un
d’assurer une voiture contre l’incendie alors qu’elle est déjà incendiée.

Dans toutes ces hypothèses, il ya donc erreur sur la cause


punissable en principe de nullité absolue car l’erreur sur la cause est une erreur
obstacle. Cependant, la jurisprudence moderne en France comme en Belgique assimile
cette erreur à l’erreur sur la substance sanctionnée par la nullité relative laquelle est
susceptible de confirmation296.

295
Il faut ici préciser que c’est l’absence de contrepartie ou de contre-prestation qui équivaut à une absence de
cause. Une contrepartie dérisoire équivaut également à une absence de cause. Mais, si les prestations sont
inégales la cause existe. Sauf si le déséquilibre est profond auquel cas on cherchera à réduire les prestations d’un
contractant pour absence partielle de cause.
296
Ainsi, on dit que la nullité relative protège mieux les intérêts des parties.
137
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En somme, la fausse cause se ramène soit au cas d’erreur sur la


cause (cause erronée) soit à celui de la cause simulée.

L’erreur sur la cause ayant été suffisamment développée, il ne


reste plus qu’à examiner le cas de la cause simulée. Celle-ci existe lorsque les parties
donnent à leur contrat une cause autre (cause apparente ou cause simulée) que la
vraie cause (cause dissimulée qui n’est connue que des parties elles-mêmes).

Exemple : Une vente déguisée en donation. Les parties donnent


ici à leur obligation une fausse cause (l’intention libérale) alors qu’en réalité les
obligations sont réciproques (l’acheteur paie le prix et le vendeur transfère la propriété
de la chose qu’il livre à l’acheteur). La simulation est autorisée par la loi (Art. 203 du
Code civil LIII). Elle n’entraîne la nullité du contrat que lorsque la vraie cause (cause
cachée ou dissimulée) n’existe pas (elle est absente) ou lorsqu’elle revêt un caractère
illicite. Nous y reviendront avec force détails dans nos développements ultérieurs.

II. Cas de la cause illicite et immorale


Aux termes de l’article 32 du Code civil LIII, la cause est illicite
quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à
l’ordre public. Il résulte de cette disposition légale que le législateur assimile la cause
illicite à la cause immorale quand bien même il demeure constant que la cause illicite
est celle qui est contraire à la loi alors que la cause immorale est celle qui va à
l’encontre des bonnes mœurs.

La sanction de l’illégalité ou de l’immoralité de la cause est


édictée à l’article 30 du Code. C’est la nullité absolue du contrat. L’illégalité ou
l’immoralité de la cause peut d’après la conception moderne ou dualiste de la cause
s’attacher soit à l’élément objectif, soit l’élément subjectif de la cause. Lorsqu’elle
s’attache à l’élément objectif de la cause, elle (illégalité ou immoralité) est recherchée
dans la proximité immédiate de l’obligation en tant que but poursuivi par une partie en
s’engageant.

Exemple : vente des explosifs. L’obligation du vendeur est nulle


pour objet illicite tandis que celle de l’acheteur l’est aussi pour cause illicite. Il veut, en
effet, acquérir un objet prohibé par la loi (contre-prestation illicite qui est donc la cause
de son engagement envers le vendeur).

Par contre, lorsque l’illégalité ou l’immoralité s’attache à


l’élément subjectif de la cause, elle sera donc recherchée dans le motif de
l’engagement. Car, l’examen de l’élément objectif apparait dans ce cas licite. C’est
donc le but médiat (les motifs) poursuivi par les parties ou par l’une d’elle qui est
contraire à la loi ou aux bonnes mœurs. Et, comme nous l’avons déjà signalé
138
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

auparavant, il suffit que l’illégalité ou l’immoralité soit retrouvée dans le chef de l’une
des parties (dans le motif poursuivi par elle) pour que le contrat soit annulé pour cause
illicite ou immorale. Peu importe que cette illégalité ou immoralité soit connue de
l’autre partie parce qu’il s’agit surtout ici de protéger l’intérêt général (voire l’ordre
public). Exemple, achat d’une maison pour exploiter la débauche des jeunes filles.
L’acquisition de la maison est un acte objectivement licite. C’est le motif provisoire
(cause subjective, à savoir l’exploitation de la débauche) qui donne au contrat un
caractère illicite et immorale, à savoir, l’exploitation de la débauche.

Enfin, la nullité du contrat peut également se justifier par le souci


de protéger le contractant de bonne foi297.

Tempérament apportés à la nullité par les adages : « nemo


auditur… » et « in pari causa… »

En principe, lorsque la cause est illicite ou immorale, le contrat


et frappé de nullité absolue. Cette nullité, on le sait, produit toujours un effet rétroactif
qui oblige les parties à se répéter les prestations réciproques (sauf, dans le cas du
contrat à exécution successive où la nullité opère ex nunc et non ex tunc) de façon à
rétablir le statuo quo ante.

Cependant, l’invocation des adages précités, qui ne sont du reste


consacrés par le législateur, peut constituer un obstacle à la mise en œuvre de cette
nullité298en ce qu’il sera parfois difficile au juge d’ordonner la restitution pour revenir
au prestin état. C’est ce que nous allons examiner dans le point ci-après.

- Nemo auditur turpitudinem suam (propriam) allegans.


Cet adage veut tout simplement dire que « personne ne peut
être écoutée lorsqu’elle invoque sa propre turpitude (faute) ». En rapport avec la
cause illicite ou immorale, il permet, selon certains auteurs, de priver de toute action
une partie qui s’est engagée dans un contrat illicite ou immorale. Et ce refus
d’action vise tant l’action en exécution ou en résolution que l’action en nullité d’un
contrat. L’adage donnerait aussi au juge le pouvoir de priver les parties ou une partie
de son droit à la répétition de ce qu’elle aurait effectué en exécution d’un contrat
illicite ou immorale. On estime donc ici que la partie qui a sciemment participé à un tel
contrat est indigne à en demander la nullité parce que ça serait pour elle une occasion

297 )
Celui qui a agit sans intention de porter atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. KALONGO
MBIKAYI, Droit civil, Tome I des obligations, C.R.D.J-KINSHASA, 2010, p.100.
298
La jurisprudence Congolaise applique également ces adages aux titres de principes généraux de droit (Voy
notamment KALONGO MBIKAYI, op.cit, p.101 avec les références jurisprudentielles reprises à l’appui de son
soutènement).
139
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

de se prévaloir de son immoralité (turpitude) en mettant ainsi au grand jour les mobiles
vicieux qui l’avaient animée299.

D’autres par contre (et les plus nombreux), pensent que l’adage
tend à interdire à une partie à un contrat illicite d’en réclamer l’exécution (en
nature ou par équivalent) ou d’agir en résolution300. C’est dans cette mesure que
l’accès au prétoire peut lui être refusé. Cette tendance à laquelle nous appartenons a été
confirmée par la Cour de cassation belge qui a décidé que : « Lorsque la simulation
concertée entre parties a eu pour objet une fraude à une disposition légale d’ordre
public, aucune des parties ne peut en vertu des articles 1131 et 1133 du Code civil,
poursuivre l’exécution de la convention simulée…il s’en suit qu’en pareil cas chacun
des contractants peut s’opposer à l’exécution poursuivie contre lui par son
cocontractant et est, partant, recevable à prouver la fraude à la loi. L’adage nemo
auditur ne saurait faire échec à pareille demande de preuve »301.

- In pari causa turpitudinis cessat repetitio

Le principe de cet adage est qu’ « il n’y a pas lieu à répétition ou à


restitution lorsque les deux parties sont dans une même situation de turpitude ».
Ainsi, plutôt que d’interdire l’action en nullité, cet adage permet au juge de ne pas
imposer les restitutions en cas d’annulation d’un contrat illicite ou immoral. Car,
son objectif est justement de priver d’effet la turpitude.

Cependant, l’application rigoureuse de cette maxime peut conduire à une


certaine injustice étant donné que la partie qui a reçu la contre-prestation sans exécuter
la sienne devra garder celle-ci, ce qui aurait pour conséquence de ne pas revenir au
prestin état302. En dépit donc de cette faiblesse, l’adage inciterait les parties à ne pas
conclure, mieux, ne pas exécuter les contrats illicites ou immoraux en raison du
pouvoir reconnu au juge de ne pas imposer la restitution après annulation.

Par ailleurs, bien qu’il ne fasse allusion qu’à la turpitude et donc à


l’immoralité de l’acte, l’adage sanctionnerait aussi, soutient-on, les violations de
l’ordre public303. Ainsi, tenant compte du degré respectif de turpitude de chaque
contractant, le contractant le moins coupable pourra obtenir restitution.

299
J CARBONNIER, op.cit, t-4, 1996, p.124 « Indignité du demandeur qui a participé à l’illicéité de
l’opération. L’action en nullité lui sera parfois refusée en vertu de la maxime : Nemo auditur… (quand il s’agit
de la cause immorale plutôt que de la cause illicite stricto sensu)
300
P. VAN OMMESLACHE, « Examen », R.C.J.B, 1986, p. 103, n°40bis ; J.-F. ROMAINS, op cit, 1995,
p.35 ; A. VANOEVELEN, op cit, R.W., 2002-2003, p. 418.
301
Cass, 19 mai 1961, Pas., 1961, I, p.1008.
302
Exemple, le vendeur d’une maison de tolérance n’est pas tenu de rembourser le prix en cas d’annulation de la
vente. Il en est de même de celui qui a acheté au marché noir un bien interdit par la loi. Il n’a pas droit au
remboursement du prix.
303
Cass, 19 mai 1961, Pas., 1961, I, p.1008.
140
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En droit belge, l’adage n’est pas d’application systématique. Il est


simplement réduit au pouvoir d’appréciation du juge qui peut faire bénéficier à la
partie innocente la restitution lorsque le contrat est annulé pour mobile illicite
unilatéral sans préjudice de dommages-intérêts en cas de bonne foi. Cette tendance de
la jurisprudence belge a influencé la jurisprudence Congolaise qui reconnait aux juges
des larges pouvoirs d’appréciations quant à la possibilité d’ordonner la restitution ou
pas304. Et le juge devra s’inspirer, à cet égard, non point de l’intérêt particulier des
parties, mais uniquement de l’intérêt général. Il devra examiner dans chaque cas si la
nullité absolue sera plus efficace en rejetant la restitution qu’en l’admettant.

Bref : l’application des adages peut servir de correctifs aux effets


antisociaux de la répétition et il appartient au juge de décider de la restitution en ayant
toujours pour guide la protection de l’intérêt général. Sauf obligation pour lui
d’appliquer la loi (art. 32 du Code civil) lorsque celle-ci est invoquée par l’une des
parties.

304
KALONGO MBIKAYI, op.cit, p.104. Cass, 19 mai 1961, Pas., 1961, I , p.1008.
141
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE III : LA NULLITE DES CONTRATS


Introduction
Lorsqu’un contrat est affecté d’un défaut dans sa formation,
autrement-dit, lorsqu’au moment de sa conclusion, un contrat ne respecte pas « les
conditions essentielles pour la validité des conventions » prescrites par l’article 8
(consentement, capacité, objet, cause), il est entaché d’une cause de nullité. Celle-ci
peut, par ailleurs, engager la responsabilité aquilienne d’une partie en cas de faute
précontractuelle préjudiciable au contractant et entraîner ainsi la réparation sur base de
l’article 258 du Code civil. Les deux sanctions peuvent alors se cumuler.

La théorie des nullités des actes juridiques est l’une des plus
complexes du droit des obligations305. Cette complexité repose notamment sur le
caractère parfois ambigu des termes utilisés par le législateur pour désigner la nullité.
Ainsi, n’est-il pas rare de rencontrer tant dans le Code civil que dans des lois
particulières des expressions telles que : nullité de plein droit, nullité absolue, nullité
relative, rescision, résolution, convention n’a aucun effet, caducité, résiliation et bien
d’autres concepts (comme : « réputé non écrit » et « ne lient pas ») considérés
aujourd’hui par la majorité de la doctrine belge et française comme synonymes de la
nullité prononcée par la voie judiciaire306.

Par ailleurs, la matière est très riche et l’on y constate beaucoup


de nuances, de variantes et des situations intermédiaires entre les régimes-clés.

Sans entrer dans toutes les nuances que mériterait la question et


avant d’aborder les points saillants formant l’essentiel de cette matière, il est important
de retenir que :

1. La nullité ne peut être prononcée que par le juge (tribunal) et lui seul. Elle n’est
donc pas automatique sauf lorsqu’elle opère de plein droit (dans ce cas le texte
doit le dire).
2. Cette nullité doit être préalablement prévue par un texte légal en vertu de l’état
actuel de notre droit tourné vers la nullité dite « textuelle »307.
305
H. DE PAGE, Traité, t. II, 1964, p.742 ; R.JAPIOT, Des nullités en nature d’actes juridiques. Essai d’une
théorie nouvelle, Thèse de doctorat, Paris, A. Rousseau, 1909, 940 p ; C.RENARD et E.VIEUJEAN, « Nullité,
inexistence et annulabilité en droit civil belge », Ann. Dr. Liège, 1962, p.243 ; et S ; COIPEL, Eléments de
théorie générale des contrats ; op.cit, 1999, p.70 et S.
306
V.BASTIAEN, et G. THOREAU, « les nullités en droit civil. Rappel des principes généraux, aperçu des
causes dans la jurisprudence récente, régime juridique de l’action, étendue de l’annulation et restitution », in
Les nullités,… 1991, p.98.
307
Certains auteurs pensent cependant que la nullité des actes juridiques ne doit pas nécessairement être prévue
par un texte légal. C’est la théorie dite de « nullité virtuelle » (voy notamment C.RENARD et E.VIEUJEAN,
« Nullité, inexistence et annulabilité en droit Belge » Ann. Dr. Liège, 1962, p.267 et s ; H.JACQEMIN, op.cit, in
La nullité des contrats, 2006, p.116.
142
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

3. La nullité qu’elle soit relative ou absolue peut être soulevée soit par voie
d’action (initiative du demandeur qui agit de façon positive au moyen d’une
action principale), soit par voie d’exception (de façon passive par le défendeur
poursuivi qui refuse l’exécution).
4. Les types classiques de nullités sont la nullité absolue et la nullité relative.
5. Avant que le juge ne prononce la nullité, l’acte juridique est seulement
annulable (c'est-à-dire, il existe avec son défaut en attendant que la justice ne
mette fin à l’apparence de validité qui s’attache à lui).
6. Toutes les nullités (absolue et relative) produisent les mêmes effets :
l’anéantissement rétroactif de l’acte juridique (le contrat est sensé alors n’avoir
jamais existé) sauf en ce qui concerne les contrats successifs dont les effets se
produisent ex nunc et non ex tunc.

Cela étant dit, ce chapitre sera principalement consacré à l’étude


des notions générales sur la nullité des contrats (section I), les différents types de
nullités (section II) et les effets juridiques de la nullité (section III).

Section I : Considérations générales sur la nullité


Seront successivement examinées dans cette section la définition
de la nullité (§1) et la distinction de la nullité d’avec les notions voisines (§2).

§1. Définition
La nullité est la sanction juridique qui frappe un acte
juridique entaché d’un défaut à sa formation308. L’ article 8 ayant prévu quatre
conditions essentielles pour la formation et la validité des conventions, un acte
juridique dont la conclusion ne serait pas conforme à cette disposition pourrait être
sanctionné par la nullité. Celle-ci a donc pour effet de ramener les parties à la situation
antérieure à la formation du contrat (prestin état), lequel sera présumé n’avoir jamais
existé. C’est l’anéantissement rétroactif de ce qui a été fait.

Toutefois, l’appréhension de la nullité en tant que cause de


dissolution concomitante à la formation du contrat n’est possible qu’en distinguant
cette sanction aussi bien d’autres causes d’extinction contemporaines de l’acte
juridique que des causes de dissolution postérieures à la formation du contrat, sans
oublier des notions voisines telles que l’opposabilité, l’inopposabilité et la suspension.

308
C.RENARD et E.VIEUJEAN « nullité, inexistence et annulabilité en droit civil Belge» Annale de droit de
Liège, 1962, 243 et s.
143
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§2. Distinction de la nullité d’avec les notions voisines


I. Nullité et causes de dissolution concomitante à la formation du
contrat309.
Il s’agit de la rescision et de l’inexistence. La nullité ayant été
déjà définie, passons directement aux autres notions voisines précitées à savoir : la
rescision et l’inexistence.

- La rescision : est la sanction de la lésion en droit belge et français. Elle


équivaut ici à la nullité relative d’un contrat lésionnaire. La rescision
n’est pas appliquée en droit congolais où le législateur a choisi de
sanctionner le contrat lésionnaire par la « la réduction des prestations
excessives » (Article 131bis du Code civil Congolais livre III introduit
par le décret du 26 août 1959 relatif à la lésion).
- L’inexistence : est l’état d’un acte juridique qui est privé de l’un des ses
éléments essentiels de validité et qui par la force des choses n’a pu
accéder à la vie juridique310. Comme tel, le concept se rapproche de la
nullité en tant qu’il entraîne l’anéantissement de l’acte juridique qui
prend ainsi fin prématurément sans avoir pu déployer tous ses effets 311.
Mais, l’inexistence se distingue de la nullité par le fait que celle-ci ne
peut, en principe, être prononcée que lorsqu’elle est prévue par un texte
légal.

La théorie de l’inexistence a été développée au 19è siècle par les


auteurs qui soutiennent l’idée de la « nullité textuelle ». Pour ces auteurs, toute nullité
doit être prévue par un texte légal. En dehors de celui-ci, le juge ne peut se permettre
de sanctionner le défaut d’un acte par la nullité. A moins qu’elle n’opère de « plein
droit ». Encore que même dans ce cas, elle doit toujours être autorisée par le texte lui-
même. Si donc un contrat manque un élément essentiel à sa validité, et que la nullité
n’est pas en tant que sanction comminée expressément par un texte légal, le juge doit
constater son inexistence312. Exemple : celui qui vend sans convenir du prix avec
l’acheteur, ne peut parler de la vente qui est dès lors, inexistante.
309
La dissolution implique l’anéantissement de l’acte juridique. Certaines causes de dissolution nécessitent, en
principe, l’intervention préalable du juge (cas de la résolution et de l’annulation). D’autres n’exigent pas
d’intervention parce qu’elles opèrent de plein droit (cas de la cause étrangère libératoire et de la caducité) ou
parce qu’elles sont l’œuvre de la volonté de l’une des parties ou des deux parties (résiliation et révocation par
mutuus dissensus). Enfin, il y a des causes opérant ex nunc (résiliation, par exemple) tandis que d’autres ont, en
principe, un effet rétroactif (annulation et résolution).
310
J.KULLMAN, op.cit, 1993, p.59; R.BAILLOD, op.cit, 1996, p.22.
311
J.HANSENNE, Introduction au droit privé, 4ème ed, Brux Kluwer, 2000, p.332. On estime qu’en l’absence du
consentement, de cause ou de l’objet, le contrat ne peut voir le jour. Il est mort-né, c'est-à-dire inexistant.
312
Donc il n’appartient pas au juge d’annuler le néant. Ce serait un non sens. Tout au plus peut-il être amené, si
une partie invoque un contrat auquel manque un de ses éléments essentiels, à constater son inexistence.
144
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

A l’opposé de la « nullité textuelle » il y a la « nullité


virtuelle ». Ses partisans estiment que la théorie de l’inexistence n’a pas de raison
d’être car la nullité d’un acte juridique ne doit pas nécessairement être prévue
expressis verbis par un texte (par le législateur)313. L’inobservation de toute condition
légale a pour sanction la nullité de l’acte, quand bien même cette nullité ne serait pas
expressément comminée par un texte légal314.

Bref : la théorie de l’inexistence qui tend à se confondre avec


celle de la nullité absolue a connu son apogée surtout au 19è siècle. A l’heure actuelle,
elle est rejetée comme catégorie autonome.

Après l’étude de ces premières notions voisines de la nullité, il


est important de focaliser maintenant notre attention sur les causes de dissolution
postérieures à la formation du contrat.

II. Nullité et causes de dissolution postérieures à la formation du


contrat.
Elles sont d’une grande diversité315 mais, nous n’examinerons ici
que les cas de la résolution, de la révocation, de la résiliation et de la caducité.

Ces causes qui constituent en même temps des faits juridiques


supposent, contrairement aux premières,316 que le contrat était valablement formé,
qu’il était né valable, mais que par la suite, un événement survenu en cours
d’exécution a entraîné son anéantissement. Par ailleurs, il se peut que le demandeur
dans son exploit introductif d’instance, ait mal libellé sa demande en confondant par
exemple, nullité et résolution. Le juge devra dans ce cas, comme le souligne
judicieusement H.DE PAGE : « rectifier les expressions vicieuses employées par les
plaideurs » car il ne faut pas « subordonner le gain ou la perte d’un procès à
l’emploi d’un mot inexact »317.
313
Voy C.RENARD et E.VIEUJEAN, op.cit, p.267 et s ; M.VON KUEGELGEN, « Réflexions sur les régimes,
des nullités et des impossibilités » in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Ed. du Jeunes barreau, 2000,
p.577 ; H. DE PAGE, Traité, t.II, 1964, p.758, n°785.
314
MAZEAUD (H., L et J), Leçons de droit civil, t. II, 3e éd., Paris, 1966, n°296, p. 242.
315
On cite également, la faillite, l’incapacité, la déconfiture, la théorie des risques etc.
316
Dans les premières causes de dissolution étudiées, le contrat portait lui-même le germe de sa destruction. Il
était soit annulable, soit inexistant, soit rescindable (en droits belge et français).
317
H. DE PAGE, traité, t-2, 1964, p.723. Les rédacteurs des clauses contractuelles doivent, aussi être attentifs
aux termes qu’ils emploient en cette matière pour éviter les délicats problèmes d’interprétation. Il ne donc pas
rare de trouver dans certains écrits, des termes comme « annulation de la commande », « résilier le contrat » ou
encore « rompre le contrat ». Le juge peut donc substituer à une qualification erronée de la prétention
(résolution du contrat) la qualification adéquate de nullité (G.DE LEVAL, droit judiciaire privé, t-3, procédure,
Ed. Collection scientifique de la faculté de droit, 2000-2001, p.20 et la note 56. Par ailleurs, une réouverture des
débats peut être ordonnée lorsque le juge ne perçoit pas clairement si le demandeur agit en nullité ou en
résolution du contrat (voy. J.P.Grâce-Hollogne, 11 juillet et 10 octobre. 2000, J.L .M.B, 2001, p.1263 et s, N.B).
145
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Enfin, chaque cause de dissolution obéit, en principe, à des


conditions qui lui sont propres et produit souvent des effets qui lui sont particulier (cfr
supra).
Cela étant, notons que :

 La résolution est une variation terminologique de la nullité à laquelle elle


emprunte les conséquences juridiques. Cependant, à la différence de la nullité,
la résolution d’un contrat désigne sa destruction rétroactive par le juge pour
inexécution par l’une des parties de ses obligations. La résolution affecte en
principe un contrat synallagmatique valablement formé (article 82 du Code civil
livre III). Mais, elle ne s’applique pas à tous les contrats synallagmatiques (voir
le cas de l’art 1978 du Code civil français relatif au contrat de vente viagère qui
n’a pas d’équivalent chez nous).
 La révocation est la dissolution du contrat par la volonté commune des parties
(mutuus dissensus). L’article 33 al2 déclare, à cet effet, que les parties peuvent
révoquer leur contrat d’un consentement mutuel. La révocation peut avoir lieu
avant l’arrivée du terme ou avant l’exécution normale d’un contrat.
 La résiliation est l’acte par lequel les parties mettent volontairement fin au
contrat qu’elles ont conclu. Ainsi comprise, la résiliation se rapproche de la révocation
dont elle est une variante. Toutefois, le terme résiliation n’est utilisée qu’en cas de
contrat successif ou à exécution successive. Le législateur permet souvent ici à l’une
des parties de mettre un terme à l’acte juridique (cas du mandant qui peut révoquer
unilatéralement son mandataire « article 545 du Code civil livre III » ; mais aussi du
mandataire qui peut à tout moment renoncer à sa mission « art 548 » et du déposant
qui a le droit de résiliation unilatérale du dépôt « article 508 » sans oublier le maitre de
l’ouvrage, qui peut par sa seule volonté, résilier le marché à forfait, quoique l’ouvrage
soit déjà commencé à condition de dédommager l’entrepreneur de toutes ses dépenses,
de tous ses travaux, et de tout ce qu’il aurait pu gagner dans cette entreprise « article
441 »). Les parties peuvent aussi, en vertu de la liberté contractuelle, reconnaitre un
pouvoir de résiliation à l’une d’elle. On dit alors qu’il y a résiliation unilatéralement du
contrat318. Par ailleurs, dans tous les contrats à durée indéterminée, chacune des parties
peut, en raison du principe de la liberté individuelle, mettre fin à tout moment à la
convention (cas du contrat de travail à durée indéterminée ou du bail à durée
indéterminée). Car, l’ordre public s’oppose aux engagements perpétuels. Toutefois, le
droit de résiliation unilatérale peut être assorti de certaines modalités (respect d’un
délai de préavis déterminé, obligation de motiver la réalisation etc.).

318
Dérogatoire au droit commun, le droit de résiliation unilatérale est de stricte interprétation.
146
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 La caducité quant à elle, désigne la dissolution du contrat par la disparition


d’un élément essentiel à sa validité 319. Ici, le contrat a été valablement formé,
mais un de ses éléments présents à la formation vient disparaitre en cours
d’exécution (consentement, capacité, cause ou objet).
Exemple : le décès de l’une des parties ou la survenance d’une cause d’incapacité dans
un contrat intuitu personnae320. On peut également citer le cas de la perte matérielle
totale voire juridique du bien donné à bail par cas fortuit (foudre par exemple). Le
contrat de bail devient caduc c'est-à-dire dissout parce qu’il devient impossible dans ce
cas au bailleur de fournir la jouissance du bien loué.

La caducité peut affecter, selon le cas, une obligation, une clause


ou le contrat tout entier. Elle peut se combiner avec la résolution, la théorie de risques
ou la responsabilité contractuelle. Mais, ce n’est que lorsque la disparition a pour
conséquence l’impossibilité d’exécution que la caducité peut s’appliquer.

Enfin, la caducité peut n’être que partielle (lorsqu’une faute peut


être mise à charge du cocontractant) et donner lieu à une action en responsabilité
contractuelle.

III. Notions voisines de la nullité non destructrices du contrat

Il s’agit de l’opposabilité, de l’inopposabilité et de la suspension.


Comme le titre l’indique, ces notions s’appliquent à un contrat
valablement formé alors que la nullité concerne un contrat irrégulier du point de vu des
éléments requis pour sa validité.

- L’opposabilité est la possibilité reconnue à un contrat de produire ses effets à


l’égard de certaines personnes (parties au contrat ou tiers). Elle est un
complément nécessaire de la force obligatoire du contrat 321. La mise en œuvre
de l’opposabilité est soumise à une triple conditionnalité : il faut d’abord que le
contrat soit formé, ensuite en faire la preuve. Enfin, il faut que ce contrat soit en
cours d’exécution.
Exemple : opposabilité de la session de créance aux tiers, particulièrement au tiers-
cédé. Si ce dernier déclare nier cette cession, celle-ci ne pourra produire l’effet

319
P.A.F ORIERS, La caducité des obligations contractuelle par disparition d’un élément essentiel à leur
formation, Bruxelles, Bruyant, 1998, p.147 et S.
320
P.A.F ORIERS, op.cit, 1998, pp.32-33, pp 115-118, pp.189-193.
321
J.GHESIN et M.BILLIAU, Droit civil. Les obligations, (les effets du contrat), L.G.D.J., Paris 1992, p.579.
L’auteur souligne que l’opposabilité est un phénomène général qui tend à faire reconnaitre l’existence du contrat
par les tiers car si ces derniers étaient autorisés à le méconnaitre, il ne pourrait pratiquement pas prétendre à
l’efficacité, même entre parties.
147
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

translatif recherché dans le patrimoine du cessionnaire parce que le cédé continuera à


considérer le cédant comme titulaire de la créance.

- L’inopposabilité : est le contraire de l’opposabilité. Elle prive l’acte juridique


de ses effets à l’égard des tiers en raison notamment du défaut
d’accomplissement des formalités requises,

Exemple : cession de créance opérée au mépris des prescrits de l’article 353. On peut
également citer le cas de la conclusion du contrat fait en fraude des droits des tiers.

- La suspension est un temps d’arrêt pendant lequel le contrat (valable) cesse


d’être exécuté. L’une des parties ou les deux sont ici autorisées à ne pas
accomplir leurs obligations sans que l’on puisse recourir à l’exécution forcée ou
à la résolution judiciaire du contrat. La suspension qui est une notion
juridiquement éloignée de la nullité, (mais que l’opinion publique confond
souvent à celle-ci) peut être due à plusieurs causes : cas fortuit ou force
majeure, inexécution fautive de l’obligation par l’une des parties (par exemple,
non-paiement des primes en matière d’assurance), exercice d’un droit
incompatible avec l’exécution du contrat etc.

En cas de suspension d’un contrat à durée déterminée, la durée


d’exécution initialement prévue par les parties est modifiée et prolongée d’une durée
égale à celle de la suspension. C'est dire que les choses se déroulent ici comme en
matière de suspension de la prescription. Par contre, lorsqu’un contrat à durée
indéterminée est suspendu, par exemple, par un sinistre (bail interrompu par un
bombardement) ce contrat reprendra cours (si l’une des parties n’en demande pas la
caducité) à la date à laquelle la réinstallation sera possible (reconstruction de
l’immeuble, par exemple)322.

A noter que certains défauts dans la formation du contrat


n’affectent pas la convention dans son ensemble, mais seulement quelques clauses
contractuelles violant les dispositions légales impératives ou l’ordre public. Le
législateur précise souvent les sanctions encourues par ces clauses qui sont
généralement expurgées de l’ensemble du contrat afin d’éviter l’anéantissement total
de celui-ci.

Des formules telles que : « ces clauses sont déclarées nulles » ou


« réputées nulles de plein droit » ou sont « de nul effet » voire « réputées non écrites »
ou « réputées inexistantes » ou « ne lient pas » sont souvent rencontrées. Et, il est
322
J. GHESTIN et M.BILLIAU, op.cit., p.394.
148
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

permis de se demander si ces diverses expressions peuvent avoir des rapports avec la
nullité, particulièrement en ce qui concerne le « réputé non écrit », le « réputé
inexistant » et le « ne lient pas ».

IV. Nullité et sanctions des clauses contractuelles illicites


- Le « réputé non écrit » : est une expression qui selon la doctrine dominante en
France et en Belgique, a le même sens que la nullité 323. Ainsi, une clause
contractuelle « réputée non écrite » est celle dont l’existence n’est pas reconnue
par le législateur qui la considère comme rayée, c'est-à-dire, exclue de la
convention.

Pour R.BAILLOD, « le réputé non écrit » permet de restaurer


la légalité par amputation ou retranchement. C’est une sorte de « Bombe propre »
qui permet d’éviter des dégâts collatéraux qui seraient provoqués par l’annulation de
tout le contrat324.
Par le jeu de la fiction légale, la clause « réputée non écrite » est
censée éliminée du contrat et le juge, en cas de contestation, n’a qu’à constater cette
élimination (au lieu de la réputer encore non écrite). Son jugement sera donc déclaratif
de droit et non constitutif de droit comme en cas de nullité. Le « réputé non écrit »
produit à l’instar de la nullité, un effet rétroactif. Le contrat est sensé amputé de la
clause ab initio et la partie protégée peut solliciter une indemnisation s’il peut être
prouvé qu’il a obtempéré à la clause325. Exemple, l’article 91 al3 de l’AUS relatif au
transfert fiduciaire d’une somme d’argent à titre de garantie. Cette disposition énonce
que toute clause contraire au présent article est « réputée non écrite ».
- Le « réputé inexistant » : est un concept également considéré par la majorité
de la doctrine comme étant synonyme de la nullité judiciaire326.

- Le « ne lient pas » : est une expression signifiant que la clause concernée ou à


laquelle s’applique l’expression est nulle avec effet rétroactif.
Exemple : l’article 6 de la directive européenne 93/13 du 05 avril 1993 relative aux
clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs énonce que « les

323
V.BASTIAEN et THOREAU « les nullités en droit civil. Rappel des principes généraux aperçu, des causes
dans la jurisprudence récente, régime juridique de l’action, étendue de l’annulation et restitution » in Les
nullités …, 1991, p.98.
324
R.BAILLOD, A propos des clauses réputées non écrites » in Mélanges dédiés à Louis Boyer, Toulouse,
Presse de l’université des sciences sociales, 1996, pp.15-38. L’auteur cite par exemple l’article 900 du Code civil
français aux termes duquel : « dans toute disposition entre vifs ou testamentaires, les conditions impossibles,
celles qui sont contraires aux lois ou aux bonnes mœurs, seront réputés non écrites ».
325
V.COTTEREAU, « la clause réputée non écrite » J.C, 1993, I, n°3961, pp. 315-321 ; S.GAUDEMET, la
clause réputée non écrite, préface y. LEquette, Paris, Economica, 2006, 380p.
326
V.RENIER, P.RENIER, B.DEMANET et B.CLERIN, « le bail à ferme » Rép.not., t. VIII, les baux, I.II,
Bruxelles LARCIER, 1992, p.115.
149
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un


professionnel ne lient pas les consommateurs ».
Ainsi, le consommateur peut refuser l’application de la clause
sans qu’il soit besoin de contester au préalable son caractère abusif devant le juge du
reste autorisé à soulever même d’office ce caractère.

Section II : Typologies des nullités


 Critères de distinction
La théorie des nullités n’est pas l’œuvre du législateur. Elle a été
élaborée progressivement grâce aux réflexions de la doctrine et de la jurisprudence. La
matière est, comme on l’a déjà souligné, l’une des plus denses et complexes du droit
des obligations. Cependant, sur le plan de la classification, la doctrine soucieuse de
systématiser une matière aussi abondante, distingue généralement deux types
classiques des nullités, à savoir, la nullité absolue et la nullité relative327.

La nullité absolue sert en principe à protéger l’intérêt général


(surtout en cas de violation de l’ordre public ou des bonnes mœurs) tandis que la
nullité relative sanctionne les atteintes aux intérêts particuliers. Mais cette règle ne
peut être érigée en un dogme absolu parce qu’il est des cas où la nullité absolue n’est
envisagée que pour assurer la protection d’un intérêt privé328.
Cette différence de deux nullités reposant sur leur fondement
n’est donc pas considérée par la majorité de la doctrine comme une caractéristique
essentielle de leur distinction. Aussi, pense-t-on que les régimes juridiques de ces deux
types de nullités diffèrent sur quatre points de vue : les bénéficiaires du droit
d’invoquer la nullité ou titulaires de l’action en nullité, la possibilité d’une
confirmation des actes entachés de nullité, le délai de prescription de l’action en
nullité et l’application des adages « nemo auditur… et in pari causa
turpitudinis … ».

Parcourons successivement ces différents critères.

§1. Les titulaires de l’action en nullité


C’est ici que la différence entre les nullités absolue et relative
est la plus remarquable. La nullité absolue est en effet, celle qui peut être invoquée ou
327
Il n’est pas rare de voir certains auteurs parler de « Nullité textuelle et virtuelle », de « nullité obligatoire et
facultative », de « nullité absolue et relative »et de « Nullité totale et partielle ».
328
En effet, il est des cas surtout en matière de vices de consentement où l’absence total de consentement est
sanctionnée par la nullité absolue plutôt que la nullité relative, alors que l’intérêt protégé est privé (cas d’un fou
ou d’un homme ivre (voy KALONGO MBIKAYI, op.cit p.107) de même (absence de cause ou l’erreur sur la
cause entraîne la nullité absolue alors que l’intérêt général n’est pas nécessairement en jeu (KALONGO
MBIKAYI, Ibidem, p.107).
150
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sollicitée par toute personne intéressée : les parties, leurs ayants-cause à titre
universel et à titre particulier, les créanciers, le tribunal d’office ou à la demande
de l’une des parties329, les tiers même penitus extranei ainsi que le ministère public
lorsqu’il intervient en tant que partie jointe dans un procès civil (surtout lorsqu’il
donne son avis dans un procès civil)330.
Par contre, l’action en nullité relative ne peut en principe être
intentée que par la ou les personnes que la loi a voulu protéger en établissant la
nullité. Il s’agit par exemple, en cas d’erreur, de celui qui s’est trompé et en cas
d’incapacité, de l’incapable devenu majeur331. Cependant, d’autres personnes peuvent
exercer l’action en nullité relative en lieu et place de la personne protégée. Ce sont
donc : le représentant légal de l’intéressé principal (tuteur du mineur, par
exemple), les héritiers de celui-ci, ses créanciers agissant par voie d’action oblique
(art 64) et même ses ayants-cause à titre particulier (ceux qui succèdent au droit
faisant l’objet du contrat annulable)
De la sorte, il est fréquent de voir un contrat entaché d’une cause
de nullité relative continuer à exister alors qu’un contrat affecté par une cause de
nullité absolue survit difficilement en raison des nombreuses possibilités offertes pour
l’attaquer.
Enfin, la nullité relative doit être soulevée au premier degré faute
de quoi le titulaire de l’action sera sensé y avoir renoncé.

§2. La possibilité de confirmation


La confirmation est la renonciation par le titulaire de
l’action à son droit de demander la nullité. Elle n’est convenable qu’en cas de
nullité relative et non absolue parce qu’on ne peut pas confirmer une atteinte à
l’ordre public ou à l’intérêt général 332. Dans ce dernier cas, les parties n’ont qu’à
refaire (une fois la cause de la nullité disparue) un autre acte aux conditions différentes
de la première. On dit alors qu’il y a réfection de l’acte. La réfection entraîne
l’anéantissement de l’acte originaire au profit du second lequel existe désormais sans
aucun effet rétroactif. Nous y reviendrons le moment venu en parlant des effets de la
confirmation.

329
Le juge peut soulever la nullité absolue en tout état de la procédure, même pour la première fois en appel ou en
cassation.
330
Toutefois, le ministère public ne peut agir lui-même par une action principale en nullité absolue d’un contrat
sauf lorsque la loi lui reconnait formellement ce droit ou quand l’ordre public est spécialement et directement
intéressé.
331
Ainsi le contractant avec lequel la victime a traité n’a pas d’action en nullité relative. Il en est de même de
celui qui a traité avec un incapable. Dans les règlementations des clauses abusives contenues dans un contrat
passé avec un consommateur par un professionnel, l’action en nullité relative appartient au seul consommateur.
Cas de la directive européenne 93/13 du 5 avril 1993.
332
JULLIOT de la MONRANDIERE, Précis de droit pénal, 3è éd DALLOZ, 1964, n°403.
151
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Ce qui importe de retenir maintenant est que la confirmation est


réglementée en R.D. Congo à l’article 216 du Code qui introduit malheureusement une
confusion entre cette notion et celle de la ratification. Aux termes de cette disposition
légale : « l’acte de confirmation ou de ratification d’une obligation contre laquelle
la loi admet l’action en nullité ou en rescision, n’est recevable que lorsque… ». On
voit donc que par l’usage de la conjonction ou, le législateur assimile la confirmation à
la ratification alors qu’il s’agit de deux concepts différents. La confirmation avons-
nous dit, est l’acte par lequel une personne renonce à son droit de se prévaloir de la
nullité d’un acte tandis que la ratification est l’acceptation par une personne de l’acte
accompli dans son intérêt par un gérant sans mandat.
On constate donc que les deux notions ne sont pas du tout
identiques et la confusion faite à cet égard par le Code est donc bien regrettable.

Quant aux conditions de la confirmation, on retiendra que


celle-ci obéit à une triple conditionnalité :

1. La confirmation doit être faite par le titulaire de l’action en nullité ;


2. Elle doit intervenir lorsque le vice qui affectait l’acte a été découvert et a
disparu ; sinon la confirmation sera entachée du même vice ou de la même
imperfection (exemple en cas d’erreur, la confirmation ne peut avoir lieu
qu’après la découverte de la réalité. Il en est de même de la violence qui
d’après l’article 15 du Code civil ne peut être confirmée que lorsqu’elle a pris
fin.
3. L’auteur de la confirmation doit agir avec la volonté de confirmer un acte nul,
c’est-à-dire, avec l’intention de couvrir le vice qui infectait l’acte (article 216, al
1è)
Il est à noter que la confirmation n’est soumise à aucune forme
particulière. Elle peut être faite de manière expresse (c'est-à-dire en des termes
exprimant clairement la volonté de confirmer l’acte nul) ou tacite (lorsqu’elle résulte
de l’exécution volontaire de l’acte ; art 216 al2). Des termes de l’article 216 du Code
civil, il résulte que lorsqu’un écrit est établi au titre de confirmation d’un acte, celui-ci
doit contenir, pour sa validité, les mentions suivantes :

- La substance de l’obligation à confirmer ;


- La mention du motif de la nullité et,
- L’intention de réparer le vice.

L’exigence de ces mentions tient d’avantage à la valeur


probatoire de l’acte qu’à sa validité.
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Enfin, pour ce qui est de ses effets, la confirmation rend l’acte


valable dès son origine (ab initio). Autrement-dit, l’acte confirmé produit ses effets
pour le passé et pour l’avenir sans toutefois porter préjudice aux droits acquis à des
tiers. La confirmation est donc une institution juridique opérant de manière rétroactive.
Cette caractéristique permet de la distinguer de la réfection dont nous avons déjà parlé
et qui constitue un acte bilatéral dépourvu d’effet rétroactif (alors que la confirmation
est un acte unilatéral à effet rétroactif). Pour rappel, la réfection est l’acte par lequel
les parties font un nouvel acte dans des conditions différentes de la première. Ce
qui implique une autre opération parce que le nouvel acte (refait) ne peut produire ses
effets que pour le présent et l’avenir (ex nunc).

§3. La prescription de l’action en nullité


La prescription est l’extinction d’une action en nullité en
raison de son non-exercice pendant un certain temps. Car, il n’est pas souhaitable
que les possibilités de procès puissent s’éterniser333.
Pour les nullités absolues, le délai de prescription est celui de
droit commun, c'est-à-dire, trente (30) ans, aux termes de l’article 647 selon lequel
toutes les actions tant réelles que personnelles se prescrivent par trente ans334.
La jurisprudence Congolaise et étrangère font généralement
application de ce délai quand bien même la doctrine dominante estime que les nullités
absolues sont imprescriptibles en raison de leur finalité tendant à assurer la protection
de l’ordre public.
Quoi qu’il en soit, la prescription trentenaire à laquelle sont
soumises les actions en nullité absolue n’est pas à l’abri de limitations. Le principe
souffre diverses exceptions dont la plus connue est consacrée par la maxime
latine : « quoe temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiedum »
signifiant que « si l’action en nullité est temporaire, l’exception est perpétuelle ».

Ainsi, les nullités absolues peuvent être invoquées même après


trente ans par voie d’exception.

Les actions en nullité relative quant à elles, se prescrivent par


dix ans (10 ans) ; C’est ce qu’exprime l’article 196 du Code civil aux termes duquel :
« Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas
limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure dix ans ».

333
Voy.C.EYBEN, «La prescription des actions en nullité et exercice de nullité », in La nullité des contrats,
Bruxelles, Larcier, 2006, p.189 et s.
334
En droit Belge, la loi du 10 juin 1998 a réduit ce délai à 10 ans (art 2262bis nouveau §1 al1 du Code civil).
Ainsi dans ce droit, la différence de régime est réduite entre les nullités absolue et relative.
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Etant une dérogation au droit commun de la prescription (30


ans). Cette disposition doit être interprétée de façon restrictive. Aussi, ne sont pas
soumises au régime de la prescription décennale de l’article 196 :
- L’action en résolution ;
- L’action en révocation d’une donation ou d’un testament ;
- L’action paulienne ;
- L’action en déclaration de simulation ;
- L’action en répétition de l’indu;
- L’action en nullité dirigée contre les actes non patrimoniaux (mariage, adoption
etc.)
A noter qu’en raison de la formulation de l’article 196 qui limite
l’application de cette disposition aux seules actions en nullité relative des conventions,
les actes unilatéraux tels que la renonciation ou le testament devront être considérés
comme se situant en dehors du champ d’application de celle-ci.
Le délai de 10 ans commence à courir le jour où la
confirmation devient possible335. Le législateur estime donc que lorsqu’ une personne
qui a le droit de faire annuler le contrat reste dix ans sans intenter l’action, elle est
censée y avoir renoncé. C’est pourquoi la doctrine dominante pense que la prescription
de l’article 196 est fondée sur l’idée de confirmation tacite (article 15 du Code civil
livre III).

§4. Les adages « Nemo auditur… » et « in pari causa turpitudinis… »


Ces deux adages que nous avons précédemment examinés ne
s’appliquent qu’aux cas de nullité absolue et ne concernent pas les nullités relatives
(Voy supra, nos développements à cet effet).

Section III : Les effets de la nullité


§1. Principe et étendue de la nullité.
La nullité qu’elle soit relative ou absolue produit les mêmes
effets : l‘acte nul est censé n’avoir jamais existé (tant pour le passé que pour
l’avenir). La nullité entraîne donc l’anéantissement rétroactif de l’acte qui implique
que tout ce qui a été fait ou accompli en vertu de cet acte (nul) soit restitué afin de
revenir au prestin état336.
En cas de litige, la nullité est prononcée par le tribunal (art 18)
et le juge n’a pas, en principe, un pouvoir d’appréciation lorsqu’il constate que les
conditions de la nullité sont réunies. Il doit en tout cas prononcer la sanction (nullité).
Cependant, la loi accorde parfois au juge un certain pouvoir d’appréciation. Car,
comme l’écrit J. Hansenne : « la loi ne portant généralement pas la sanction de nullité
335
Ce délai est un délai de prescription et non un délai préfix.
336
La situation qui aurait été celle des parties en l’absence du contrat. Ainsi si une vente est annulée après son
exécution, l’acheteur doit restituer la chose vendue et le vendeur doit lui rembourser le prix.
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de façon expresse (cas de nullité virtuelle), le juge a un pouvoir assez large pour
apprécier si l’importance de la règle, eu égard notamment à l’esprit de la loi, mérite
la sanction de la nullité »337. Tel est le cas lorsque les parties ont négligé
l’accomplissement des formalités substantielles ou indispensables à la réalisation des
fins que le législateur s’est proposé d’atteindre. Le juge apprécie alors la gravité de
l’atteinte que subissent les intérêts des parties avant de prononcer la nullité, surtout
lorsqu’ elle n’a pas été prévue expressément par un texte légal338.
Par ailleurs, la loi permet parfois à l’une des parties d’opter pour
une solution moins radicale (ne pas solliciter la nullité totale) si une partie seulement
de l’obligation peut être exécutée (art 278 al2). De même, les juges sont appelés à
octroyer seulement des dommages-intérêts en cas de dol incident.
Enfin, la nullité peut être totale (concerner l’acte tout entier) ou
partielle (viser seulement l’une de ses clauses). La nullité d’une clause n’entraîne
pas nécessairement celle du contrat. Il faut chaque fois examiner l’intention des
parties pour connaitre le sort du contrat face à une clause irrégulière. Si, d’après cette
intention, le contrat ne peut subsister sans la clause irrégulière, la nullité de cette
clause emportera celle du contrat tout entier. Dans le cas contraire, le contrat devra
survivre en étant expurgé de la clause litigieuse.
Telle n’est cependant pas la solution adoptée par le législateur en
ce qui concerne la condition d’une chose impossible immorale ou illicite (art.70). La
nullité de cette condition, dit le législateur, emporte celle de la convention qui en
dépend (art 70).
Bref, la nullité entraîne la dissolution rétroactive de l’acte
juridique. Mais cette rétroactivité peut parfois s’avérer préjudiciable au point qu’il faut
y apporter des tempéraments pour préserver les intérêts de certaines parties ou ceux
des tiers.

I. Entre les parties contractantes


1. La nullité d’un contrat successif ne peut opérer que pour le présent et l’avenir
car, il est difficile de répéter les prestations déjà accomplies. C’est notamment
le cas d’un contrat de bail qui a donné satisfaction pendant plusieurs années
avant que le preneur ne commette des manquements graves qui ébranlent la
confiance du bailleur. On ne peut alors faire rétroagir la nullité à la date de la
conclusion du contrat en raison de l’impossibilité qu’il y aurait à restituer les
prestations déjà accomplies.

337
Sur le pouvoir d’appréciation du juge en matière de nullité, Voy. J. Hansenne, op.cit., p.2000, pp.341-342.
338
En l’espèce, les formalités prévues par la loi n’avaient pas été respectées dans le contrat d’intermédiaire de
voyage, et la nullité n’avait pas été expressément prévue comme sanction par le législateur la Cour de cassation
Belge retient néanmoins la nullité en insistant sur l’absence de l’automatisme dans l’application de cette sanction
(cass, 26 mai 2006, R.G.D.C, 2007, p.476 avec note. P.WERY).
155
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2. La nullité invoquée contre un contractant de bonne foi (qui ignorait le vice qui a
donné lieu à la nullité) permet à ce dernier de conserver les fruits du bien acquit
en vertu d’un contrat nul.
3. En cas de nullité d’un contrat passé par une personne incapable, ce dernier ne
restitue que ce qu’elle a conservé au moment de l’action et non ce qu’elle a déjà
dépensé.
4. La nullité d’un contrat pour cause immorale peut se heurter à l’invocation de
l’adage « nemo auditur » et permettre à un contractant de conserver le bénéfice
d’un contrat immoral en raison de l’interdiction ou du refus d’action en nullité
ou en restitution dû à son indignité.
5. En matière immobilière, la nullité du contrat d’aliénation n’entraîne pas
automatiquement celle du certificat d’enregistrement.

II. A l’égard des tiers


La nullité d’un contrat peut avoir des conséquences
préjudiciables pour les tiers étant donné qu’on ne peut transférer plus des droits
qu’on en a (Nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet ». Ainsi,
lorsqu’une vente est annulée alors que l’acquéreur avait déjà vendu le bien, le droit du
sous acquéreur disparait en conséquence de la disparition du droit de l’acquéreur.
Aussi, divers mécanismes « correcteurs » viennent-ils à l’appui de droits du tiers de
bonne foi :
- En matière mobilière, le sous-acquéreur de bonne foi peut invoquer l’adage « en
fait de meubles possession vaut titre » (art. 658 du CCCLIII)
- En matière immobilière, le sous-acquéreur peut invoquer la prescription
acquisitive au bout de 10 à 20 ans (s’il est de bonne foi) au bout de 30 ans (s’il
est de mauvaise foi).
- Le tiers de bonne foi peut invoquer la théorie de l’apparence pour conserver le
droit acquis à la suite d’une erreur légitime (error communis facit jus).

§2. Responsabilité civile


Lorsque la nullité a causé un dommage à l’une des parties, celle-
ci peut en plus de l’annulation du contrat, demander réparation sur base de l’article 258
du Code civil Congolais livre III. En cas de faute respective des parties, il y a partage
de responsabilités339.

339
STRACK, n°S 1683 et s, p.508.
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CHAPITRE IV : EFFETS DU CONTRAT ENTRE PARTIES

INTRODUCTION
Dans ce chapitre et celui qui suit (chapitre V), nous entrons, par
anthropomorphisme, dans la vie d’un contrat. Celui-ci doit manifester son existence en
produisant des effets tant vis-à-vis des parties (effets internes) qu’à l’égard des tiers
(effets externes, Chapitre V)340. Concrètement donc, le contrat oblige les parties au
respect de ce qu’elles ont convenu, tandis que les tiers ne doivent pas ignorer son
existence en tant que fait ou réalité sociale parce que le contrat est appelé à s’intégrer
dans le commerce juridique.

A ce stade de l’analyse, nous allons surtout nous intéresser aux


effets internes d’un contrat, c’est-à-dire, aux droits et obligations qui, d’ordinaire,
résultent du contrat et qui, de ce fait s’imposent dans les relations de chaque partie
avec l’autre.

Bien entendu, ces effets sont généralement nombreux et variés et


ne peuvent être véritablement cernés qu’à partir d’une interprétation du contrat ou de
ses clauses341. Cependant la lecture de l’article 33 du Code civil livre III qui pose le
340
Il est important de noter que l’expression « effets du contrat » n’est pas une expression heureuse. Car,
logiquement, il aurait été préférable de parler des « effets de l’obligation » en sachant que le contrat fait naître
des obligations. Cependant, les obligations n’étant pas issues que de la seule source contractuelle (cfr. d’autres
sources comme les délits et quasi-délits) il est intéressant, lorsqu’on veut parler des effets des obligations
contractuelles d’utiliser l’expression « effets du contrat ». Pour distinguer les effets des obligations résultant du
contrat de ceux qui sont issus d’autres sources. Par ailleurs, on ne peut perdre de vue que quand on dit que c’est
en produisant ses effets qu’un contrat manifeste son existence, celui-ci s’éteint également par la production des
effets, en s’exécutant.
341
L’examen des effets internes d’un contrat laisse donc apparaitre plusieurs effets. Certains consistent en une
obligation de donner, d’autres créent des obligations de faire ou de ne pas faire. D’autres encore ont pour finalité
de modifier une convention, préexistante. Il s’agit alors des modifications conventionnelles appelées avenants à
157
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principe de la « convention-loi » permet de distinguer généralement trois effets d’un


contrat : la force obligatoire du contrat, son irrévocabilité et son exécution de bonne
foi.342

C’est à l’examen de ces effets que nous allons nous livrer dans
ce chapitre en précisant que celui-ci sera subdivisé en deux sections dont la première
sera consacrée à l’étude de la force obligatoire du contrat et la seconde à celle de
l’inexécution du contrat et ses sanctions.

Section I: Le principe de la force obligatoire du contrat.


Le principe de la force obligatoire du contrat résulte de l’article
33 du Code civil livre III selon lequel : « les conventions légalement formées tiennent
lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Il s’agit ici d’un effort du législateur tendant à
rapprocher la loi étatique (expression de la volonté générale) à la loi contractuelle qui
n’est qu’une manifestation de volontés de deux ou plusieurs parties imposant un
règlement particulier et limité au petit nombre de personnes qui l’ont conclu. Le
principe de la force obligatoire du contrat qui reçoit un fondement différent selon que
l’on défend une conception libérale (protection de la liberté individuelle manifestée à
travers la volonté individuelle) ou sociale du droit (droit considéré comme un
instrument de la politique économique ou sociale) signifie donc que lorsque les
parties ont conclu leur engagement en se conformant à la loi (générale), cet
engagement doit, ipso facto, être considéré et regardé comme étant leur loi à la
quelle personne ne peut se soustraire343. Ce qui veut dire que les parties doivent
respecter le contrat (leur loi particulière) de la même manière qu’elles respectent la loi
étatique.

De la force obligatoire du contrat ainsi décrite, on peut tirer trois


conséquences : le contrat s’impose aux parties qui ne peuvent le révoquer que de leur
consentement mutuel, le contrat s’impose également au juge qui ne peut le modifier,
enfin, le contrat à une force supérieure à la loi.

§1. Le contrat s’impose aux parties


Cela veut dire que lorsqu’un contrat est formé, il a une force
obligatoire qui contraint les parties au respect strict de leur engagement. Celui-ci
devient leur loi et ne peut donc plus être défait de n’importe quelle manière. De là, on
un contrat. Enfin, certains effets tendent à suspendre un contrat, le reconduire ou le prolonger.
342
L’article 33 du Code civil livre III : « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes qui l’autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi ».
343
Le Code civil livre III, imprégné des idées libérales, traduit une conception individuelle du droit fondée sur la
protection de la liberté individuelle à travers la volonté exprimée de l’individu.
158
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en déduit que le contrat est irrévocable entre parties contractantes obligées de


respecter le contenu réel de leur accord, lequel doit en principe être exécuté de
bonne foi.

I. L’irrévocabilité du contrat entre parties.

C’est l’article 33 alinéa 2 qui pose, en ces termes, le principe de


l’irrévocabilité du contrat entre parties contractantes : « elles (conventions) en peuvent
être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi
autorise ». C’est donc clair, les conventions légalement formées ne peuvent être
dissoutes que de la volonté commune des parties (mutuus dissensus) parce que la
volonté individuelle une fois exprimée et jointe à une autre pour former le contrat de
vient inefficace et n’a plus le pouvoir de se retirer. En d’autre termes, une seule partie
ne peut à elle seule mettre fin à un contrat conclu par deux personnes à moins
qu’un nouvel accord qui n’a pas d’effets rétroactif (mutuus dissensus) vienne détruire
le premier. C’est le principe de l’irrévocabilité du contrat consacré par le
législateur.

Ce principe, faut-il le remarquer, n’est pas d’application


rigoureuse. Il peut y être dérogé soit par les parties elles mêmes, soit par le législateur.

Ainsi, dans les contrats à exécution successive, les parties


peuvent accorder à l’une d’elles un droit de résolution unilatérale. De même, certains
contrats peuvent comporter une clause de dédit permettant aux contractants ou à l’un
d’eux de sortir de l’engagement en payant à l’autre un dédit, c’est-à-dire, une somme
d’argent fixée forfaitairement à titre d’indemnité 344. Bien plus, dans les promesses de
vente faites avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir. Celui
qui les a données peut les perdre et celui qui les a reçues peut en restituer le double
(article 271 du CCCL III)345.

Enfin, dans les contrats successifs à durée indéterminée, le


législateur permet à l’une des parties de résilier unilatéralement le contrat (cas du
mandat qui finit par la seule volonté du mandataire. Article 544 du C.C.C.L. III).

344
Le dédit peut être fixé et même versé par avance.
345
Les arrhes sont une somme d’argent que l’une des parties, généralement l’acheteur, remet à l’autre dans la
conclusion du contrat. Les arrhes peuvent jouer un triple rôle :
- elles peuvent constituer un acompte sur le prix
- elles peuvent servir de moyen de preuve
- elles peuvent jouer le rôle de dédit. Alors les parties se réservent la faculté de sortir du contrat (de se
dédire). Elles peuvent ainsi décider que l’une d’elles versera des arrhes. Celle qui les a versé peut se
délier (de dédire) en les perdant. Celle qui les a reçues peut en restituer le double (cfr. KUMBU
KINGIMBI, Cours polycopié des principaux contrats usuels, UNIVERSITE KONGO 2008-2009, p.22.
D’après la jurisprudence, le paiement d’une indemnité de dédit est incompatible avec l’exécution directe du
contrat (Elis, 3 avril 1948, RJCB, p.101).
159
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Si donc la volonté unilatérale est, en principe, impuissante à


défaire un contrat fait ensemble et que les parties doivent, pour se faire, agir de concert
en réunissant leurs volontés ; la force obligatoire du contrat consacrée à l’article 33 les
contraints également de respecter scrupuleusement le contenu de leur accord parce
qu’elles ne peuvent, en tout cas, se dérober à leurs obligations.

II. Le respect du contenu réel de l’accord


Ceci se passe de tout commentaire. Les parties qui sont liées
l’une à l’autre par ce qu’elles ont convenu doivent donc respecter le contenu réel de
leur accord. Mais, ce contenu peut, à leur choix et de façon concertée (il s’agit d’un
boniment concerté) se cacher dernière un acte simulé qui ne sera qu’un accord de
volontés mensonger et apparent. Dès lors, les parties seront liées par le contrat caché
ou dissimulé appelé « contre-lettre » et contenant leur volonté réelle.

C’est là l’hypothèse de la simulation dont nous avons parlé à


propos de la notion de la fausse cause en promettant de l’examiner en profondeur dans
le présent chapitre.

A cet égard, on se souviendra que le législateur admet la validité


de ce procédé juridique qu’il consacre à l’article 203 en ces termes : « les contre-
lettres ne peuvent avoir leur effets qu’entre les parties contractantes : elles n’ont point
d’effet contre les tiers ». Cette disposition exige, pour sa compréhension, que soit
préalablement définie la notion de simulation (1), déterminées ses conditions (2),
dégagés ses effets (3), et fixés ses modes de preuve (4).

1. Définition de la simulation.
Le Code civil ne contient pas un régime d’ensemble de la
simulation. Tout au plus, y fait-il allusion à l’article 203 précité, situé dans la section
consacrée à la preuve littérale. Ainsi, l’avarice du législateur en matière de la
simulation contraste avec l’importance pratique de cette notion, qui selon P.VAN
OMMESLAGHE, se situe à l’intersection de diverses théories fondamentales du droit
des obligations. En effet, la notion de la simulation se retrouve notamment dans :

- la théorie des volontés ;


- les effets du contrat envers les tiers ;
- la théorie générale de l’apparence ;
- la fraude dans certains contrats ;
- la notion de la cause et
- le régime de la preuve.346

346
P.VAN OMMESLAGHE, op.cit, Les obligations contractuelles 2000, p.148. La simulation se trouve dans
le régime de la preuve dès lors que l’unique disposition qui l’organise (art.203) se trouve placé dans les
textes relatifs à la preuve écrite.
160
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Considérée donc comme un mensonge concerté, la simulation


peut être définie comme un procédé juridique par lequel les parties contractantes,
soucieuses de cacher leur volonté réelle, rédigent deux conventions
contemporaines (d’une part, l’accord apparent ou acte ostensible, et d’autre part,
l’accord secret ou contre-lettre) dont le second a pour effet, selon la volonté des
parties, de détruire ou de modifier la nature ou certains effets de la première.347

De la sorte, la simulation entraîne une divergence voulue par les


parties entre la volonté déclarée et la volonté réelle. Elle ne constitue nullement un
vice du consentement (dol ou erreur, par exemple), et demeure le fruit de la volonté
concertée des contractants348.

La simulation peut porter soit sur l’objet du contrat (cas de la


dissimulation concertée du prix de la vente afin de payer les droits d’enregistrement
réduits), soit sur sa cause (c’est l’hypothèse du déguisement qui consiste, par exemple,
à changer la nature du contrat. Telle une vente déguisée en donation alors qu’il n’y a
aucune intention libérale caractérisant ce contrat), soit enfin sur la personne de l’un
des contractants (cas d’interposition de la personne. On prétend avoir vendu à Alain,
alors que c’est Patrick le vrai acquéreur. Alain figure donc à l’acte comme prête-nom
car les effets de celui-ci sont pour Patrick).

2. Conditions de la simulation

La simulation suppose la réunion de trois conditions :

 Il faut qu’il y ait entre les mêmes parties, l’existence de deux conventions
(l’acte apparent et la contre-lettre) dont la seconde (contre-lettre) qui contient la
volonté réelle des parties a pour effet de détruire ou de modifier la première.
 Les deux conventions doivent être contemporaines, c’est-à-dire, elles doivent
avoir été conclues en la même période ou dans des intervalles de temps voisins
de façon à ce qu’elles puissent s’appliquer simultanément.
 La seconde convention modifiant la première doit demeurer secrète.
Autrement-dit, son existence ne doit pas être révélée par la convention
ostensible, car la simulation suppose un élément intentionnel : la volonté de
cacher la vérité par le recours à l’acte ostensible.

347
P.VAN OMMESLAGHE ibidem, p.152.
348
Ainsi, la simulation entant que boniment concerté se distingue du dol qui est un mensonge d’une partie à
l’égard de l’autre partie. Elle se distingue également d’une qualification « erronée d’un acte juridique qui est en
elle-même le fruit d’une erreur, d’une méprise alors que dans la simulation il n’y a ni erreur, ni représentation
inexacte de la réalité. Enfin, la simulation se distingue de l’apparence par l’intention concertée de deux parties de
cacher délibérément la vérité alors que dans la théorie de l’apparence le titulaire apparent croit « sincèrement »
agir dans la vérité.
161
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Faut-il noter que la convention secrète appelée contre-lettre reste


soumise au principe du consensualisme en dépit du terme servant à le designer (contre-
lettre). Ainsi, une contre-lettre peut être verbale. L’écrit n’est pas une condition de
validité de celle-ci. Il sert tout simplement de moyen de preuve.

3. Effets de la simulation.
On s’accorde à reconnaître que la simulation n’a pas de
conséquences propres. Elle est donc neutre dans ce sens que si les parties ne font pas
recours à la simulation pour, par exemple, échapper à l’application des règles de droit,
elle est valable en soi. Et, on dit dans ce cas qu’elle ne nuit ni ne profite. Toutefois, la
simulation peut, dans des cas exceptionnels donner lieu à la nullité soit de la contre-
lettre seule, soit de la contre-lettre et de l’acte apparent.

 Nullité de la contre-lettre : lorsque celle-ci contient une cause de nullité. Par


exemple, un prix illicite dissimulé dans une vente d’immeuble ou d’un fonds de
commerce. La contre-lettre est nulle pour illicéité du prix tandis que la vente au
prix ostensible est valable. Le vendeur ne peut plus se dégager du prix contenu
dans l’acte apparent et se trouvé lié par celui-ci. Ce qui permet de sanctionner
plus efficacement la fraude fiscale.
 Nullité de la contre-lettre et de l’acte apparent : lorsque toute l’opération est
annulée parce qu’elle comporte en elle-même une cause de nullité. Les parties
ayant eu l’intention de dissimiler leur volonté réelle pour contourner
l’application des règles de droit. Exemples, le fait de recourir à la simulation
pour cacher soit une donation faite à un individu incapable de recevoir (art.911
du Code civil français), soit une donation entre époux (art.1099 al2 du Code
civil français). Dans toutes ces hypothèses, rien ne peut échapper à la nullité :
l’acte secret en raison de son caractère illicite (il viole une loi d’ordre public) et
l’acte apparent parce qu’il est contraire à la volonté des parties349.

4. Preuve de la simulation
La simulation cache souvent une fraude, mais cela n’est pas
toujours le cas. Ainsi, lorsque les deux conventions circulent en même temps,
l’application de modes des preuves sera fonction de la nature des relations envisagées.

Si l’on tient compte des rapports entre parties, on se rendra


compte qu’entre celles-ci ne prévaut que la contre-lettre entant qu’elle constitue
l’expression de leur volonté véritable. Dès lors, sauf si la simulation dont-il faut
prouver l’existence constitue une fraude à la loi, lorsqu’il s’agit de prouver une

349
J.CARBONNIER, op.cit., pp.149-155.
162
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contre-lettre dont l’acte ostensible est un écrit, les parties ou l’une d’elle devra
produire un écrit puisqu’il est question de prouver contre un écrit.

Par contre, si l’on s’en tient aux rapports entre les parties et
les tiers, ces derniers demeurant en principe ignorant de la contre-lettre, peuvent donc
méconnaitre celle-ci et n’exiger que l’acte apparent. Toutefois, en cas de nécessité ou
lorsque l’intérêt se fait sentir, les tiers peuvent se prévaloir de la contre-lettre au moyen
d’une action en déclaration de simulation. La preuve de la convention dissimilée
peut alors être faite par tous les moyens (écrit ou commencement de preuve par écrit)
parce que pour le tiers, la simulation n’est qu’un fait juridique350.

Par ailleurs, si un conflit oppose les tiers dont certains se


prévalent de l’acte ostensible et d’autres la contre-lettre, la jurisprudence privilégie
l’acte apparent car les tiers ne peuvent invoquer la contre-lettre qu’à la condition
qu’elle ne nuise pas aux autres (art 203).

A noter que la contre-lettre est une convention secrète


contenant la volonté réelle des parties et dont le but est de détruire ou de modifier
certains effets de l’acte apparent. Sans nous appesantir outre mesure sur la question de
la sincérité en matière contractuelle, rappelons seulement qu’elle est liée à la
problématique du respect de la volonté réelle des parties contractantes, laquelle
volonté peut, à leur choix, être exprimée soit dans la seule convention régissant leur
accord, soit dans l’acte secret (contre-lettre) en cas de simulation. Et parce que
connaissant leur volonté véritable, les contractants sont invités à traduire celle-ci en
acte selon l’esprit de l’accord, il est, dès lors, intéressant d’examiner, après
l’irrévocabilité de l’accord et le respect de son contenu, la manière dont il doit être
exécuté par les parties.

III. Exécution de bonne foi.


C’est le troisième élément de la force obligatoire du contrat entre
parties. L’exécution de bonne foi implique que les parties adoptent un certain nombre
de comportements objectifs dans la mise en œuvre de ce dont elles ont convenu. Ainsi,
les parties doivent exécuter en toute loyauté leurs obligations. Elles ne doivent rien
entreprendre qui puisse entraver le bon déroulement de leurs engagements. Ce faisant,
elles doivent s’informer mutuellement, c’est-à-dire, coopérer et collaborer à la bonne
exécution du contrat. La bonne foi peut faire naître à charge d’une partie une
obligation de renseignement ou de non-concurrence351. Elle joue à la fois un rôle
complétif et modérateur. La fonction complétive de la bonne foi tient à ce que le juge

350
Sont considérés comme tiers au sens de l’article 203 régissant la contre-lettre, les ayants cause à titre
particulier, les créanciers chirographaires et les héritiers réservateurs.
351
B. STARCK, op.cit., N°1 1899 à 1902, voy. aussi J.T, 2002, p.467. Exemple, les professionnels (assureurs,
transporteurs et autres) doivent régulièrement informer, assister, avertir et conseiller leurs clients.
163
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pourra, par le biais de l’article 33 al3 imposer aux parties une série de normes de
comportements objectives. Ainsi, l’obligation de loyauté impose au créancier le devoir
de ne pas gêner le débiteur dans l’exécution de son obligation.

Quant à la fonction modératrice, elle permet aux cours et


tribunaux, lorsque les circonstances l’exigent, de tempérer la rigueur contractuelle.
Exemple, en cas d’abus de droit, le juge ne peut déchoir le créancier de son droit. Il
doit sanctionner l’abus par la réparation du dommage qui en résulte352.

§2. Le contrat s’impose au juge.


De même que le contrat s’impose aux parties appelées à exécuter
loyalement les obligations nées de leur accord, de même la convention a une force
obligatoire à l’égard du juge. Ce dernier ne peut sous aucun prétexte modifier le
contrat et doit, en toutes circonstances, s’en tenir à la volonté des parties dont il reste
en principe soumis à moins qu’il y ait de doute sur leur intention véritable. On dit alors
que le contrat s’impose au juge dont les pouvoirs s’avèrent réduits à la portion congrue
d’octroi de délais de grâce et de comblement des lacunes conformément à la l’article
34 du Code civil livre III. Cette disposition stipule, en effet, que les conventions
obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que
l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature.

Ainsi donc, dire que le contrat s’impose au juge signifie tout


simplement qu’il ne peut le modifier d’une part et, d’autre part, il doit l’interpréter
fidèlement.

I. L’interdiction de modifier le contrat.


Sans préjudice des développements ci-haut repris signalons tout
simplement ici que la jurisprudence congolaise ne tarit pas de décisions portant sur
l’interdiction faite au juge de modifier le contenu du contrat. Ainsi, par exemple il a
été juge que « lorsque les marchandises ont été entreposés, les frais doivent être
calculés au prix convenu entre parties et le juge ne pourrait, pour des motifs d’équité,
limiter la condamnation à la valeur de la marchandise »353.

II. L’interprétation fidèle du contrat354.


Lorsqu’en raison d’un différend entre parties, un contrat est
soumis au juge, celui-ci peut se trouver dans l’impossibilité de déterminer avec
352
P.WERRY, « La sanction de l’abus de droit dans la mise en œuvre des clauses relatives à l’inexécution d’une
obligation contractuelle », in Mélanges Philippe Gérard, Bruxelles, 2002, p.126 et s.
353
Kin, 29 décembre 1966, R.J.C, 1967, p.123.
354
L’interprétation est une opération qui a pour l’objet de déterminer le sens précis d’un texte ambigu ou obscur.
Par conséquent, le juge doit se l’interdire lorsque le sens, tel qu’il résulte de la rédaction, n’est ni obscur ni
ambigu et doit être tenu pour certain. VOY.V.Y.PACLOT ; Recherches sur l’interprétation juridique, th, Paris,
dacty. , 1988, p.244 et s.
164
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exactitude le sens et la portée des clauses contractuelles. Face à cette difficulté, le


législateur lui fournit, en vue de trancher le litige, des règles d’interprétation prévues
aussi bien par les articles 54 et suivants de la section 5 relative à l’interprétation des
conventions que par des dispositions particulières se rapportant aux contrats spéciaux
(articles 279, 530 et 531 par exemples).

Ces dispositions qui étaient jadis considérées comme des simples


conseils donnés aux juges du fond355 ont, à l’heure actuelle, valeur des véritables
règles des droits supplétives auxquelles les juges doivent se conformer sous peine de
voir leur décision ouvrir la voie au pourvoi en cassation surtout lorsqu’elles sont
rendues en dernier ressort356.

Ainsi, en cas de doute irréductible sur la portée et le sens de la


convention, la démarche à suivre par le juge est la suivante :

1. Il doit d’abord rechercher l’intention commune des parties contractantes,


plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes (article 54) 357

De la sorte, le juge ne peut s’en tenir à l’intention de l’une des


parties seulement. Il doit en toute circonstance s’enquérir de la commune intention des
parties. Celle-ci peut résulter soit de la volonté des parties exprimée au moment de la
conclusion du contrat, soit de leur comportement ultérieur en cours d’exécution de
l’acte juridique (c.-à-d., la manière dont ils ont exécuté jusque là le contrat).

Par ailleurs, l’article 54 consacre la supériorité de la volonté


réelle sur la lettre de l’accord (le sens littéral de termes). Particulièrement, en cas de
contradiction entre les clauses manuscrites et les clauses imprimées (clauses de style
utilisées dans tous les contras du même genre). Les premières doivent l’emporter sur
les secondes en tant qu’expression de la volonté réelle des parties.

2. Lorsqu’une clause à deux sens, on doit l’interpréter dans le sens qui lui permet
de produire des effets que dans celui qui les lui en prive (article 54)

3. De deux sens qu’un terme peut avoir, on doit opter pour celui qui convient le
plus à la matière du contrat, car il est plus conforme à l’intention commune des
parties (article 56).

4. Les clauses ambiguës s’interprètent en regard des usages applicables dans le


milieu où le contrat a été conclu (article 57).
355
Cass., 7 août 1925, Pas. , I, 386.
356
Pas. , 1988, I, 894, J.T 1889, 144, R.W, 1988-1989, 1126, note ; Pas. , 1994, I, 12 ; Voy. Aussi P.VAN
OMMESLAGHE, « examen », R.C.J.B, 1986, 168, ou encore, cass., 22 mars 1979, Pas, 1979, I, 863, Entr.
ERR., 1982, 296, note, MANDOUX, R.C.J.B, 1981, 189, note L. Cornelis, R .G.A.R 1980 N°10 222 R.W 1979-
1980, 22, note
357
La jurisprudence Congolaise défend aussi ce point de vue lorsqu’elle décide qu’on ne peut, dans les
conventions s’arrêter seulement au sens littéral des termes utilisés par les parties. Voy. L’SHI, 1 er……..
165
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5. Les clauses ne doivent pas être interprétées isolement, on doit tenir compte de
leur rapport avec l’ensemble du contrat (article 59).

6. Lorsque le doute subsiste sur le sens et la portée de la convention, autrement-


dit, lorsqu’il est impossible au juge de déterminer exactement le sens ou la
portée de la convention à partir des éléments intrinsèques ou extrinsèques à
celle-ci, elle doit conformément à l’article 60, s’interpréter contre celui qui a
stipulé (le créancier) en faveur de celui qui a contracté l’obligation (le
débiteur).

L’expression (celui qui a stipulé) peut toutefois être comprise au


sens moderne de « celui qui a rédigé l’acte (créancier ou débiteur) ou qui doit le
subir » au détriment de son bénéficiaire. Ainsi, une clause exonératoire de
responsabilité s’interprète, en cas de doute, en faveur du créancier contre le débiteur
qui doit la subir. 358 De même une clause qui tend à réduire l’engagement de l’une des
parties s’interprète dans un sens défavorable à cette partie 359. Enfin, les contrats
d’adhésion ainsi que les contrats standards doivent s’entendre dans un sens
défavorable à leurs rédacteurs. Ici, il est de principe qu’une clause équivoque
s’interprète contre le professionnel qui a proposé le contrat au profane (cas des contrats
d’assurance, de transport, de travail, de bail, de consommation ou autres proposés par
un professionnel360).

Bref, de l’économie des principes sus-évoqués, il résulte que le


juge doit dans son œuvre interprétative des contrats, être guidés par quatre idées
forces :

- La recherche de l’intention commune des parties au contrat (art. 54) ;

- La préférence donnée à l’efficacité de la clause (art. 55) ;

- La référence à l’usage (art. 57 et 58) ;

- La prévalence de l’intérêt du débiteur (art. 60).

§3. Le contrat a une force supérieure à la loi.

358
Anvers, 6 janvier 1986, R.W., 1986-1987, 675, note T. VAN WEET VELT, Bruxelles, 20 février. 1886,
R.G.A.R, 1987, n°1126, obs .J .LIBOUTON.
359
Cass., 23 juin 1983, précité.
360
R.G.A.R, 1994, n°12260. En ce sens aussi, Liège, déc. 1995, R.R.D., 1996, note P.WERY ; Anvers, 6 janvier
RW., 1987, 675, note .T. VANSWEEVELT ; J.T, 1988, 140 avec concl. AV. gém .J.F.LECLERCQ, J.L.N.B
1987, 1339 et sur pourvoi (rejeté) Cass. 17 oct. 1988, Pas., 1989, I, 158. Voyez aussi P.WERY, « l’interprétation
des contrats d’adhésion en cas d’ambiguïté ou d’obscurité de leurs clauses » note sous Liège, 25 avril 1996,
J.L.M.B, 1996, p.1374 et s.
166
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Dans le paragraphe précédent nous avons vu que le contrat


s’impose également au juge qui ne peut prendre prétexte de sa propre volonté pour le
modifier. La force obligatoire du contrat interdit donc à celui-ci de faire valoir son
intention au détriment de celle qui a été communément arrêtée par les parties. Cette
même force obligatoire, faut-il ajouter, donne également à la convention une
autorité supérieure à la loi. Encore qu’il faut ici faire la distinction entre la loi
impérative de celle dite supplétive.

a) La loi impérative est celle à laquelle, on ne peut déroger.


Ainsi comprise, elle a une prééminence sur la volonté des parties et la convention ne
peut avoir autorité sur elle car elle intéresse l’ordre public.
b) Quand à la loi supplétive ou interprétative de volonté, elle
n’est applicable qu’à défaut de volonté contraire des parties. Ce qui veut dire que la loi
supplétive vise à remplacer ou à combler les lacunes créées par l’absence de volonté
des parties. En tant que telle, elle est inférieure à l’intention commune des parties et ne
peut donc avoir une force supérieure au contrat.
Ainsi, quand on dit que le contrat a une force supérieure à loi, on
vise la loi supplétive et non impérative.

Enfin, il est de principe que la loi nouvelle ne peut remettre en


cause les conventions légalement conclues sous l’empire de la législation antérieure. A
moins qu’il ne s’agisse d’une loi intéressant l’ordre public ou que le législateur lui-
même ait décidé de la rétroactivité de celle-ci. Par ailleurs, on doit noter que la
convention et la loi n’ont pas la même valeur. Car :

- Le contrat est dans l’ensemble soumis à la loi générale (c’est la convention qui
doit se conformer à la loi et non le contraire).

- En cas de différend, les parties doivent apporter la preuve de leur contrat et non
pas celle de la loi générale.

- En cas de pourvoi en cassation, celui-ci doit être fondé sur la violation de la loi
et non sur la violation du contrat qui est une question de fait laissée à
l’appréciation du juge du fond. Pour rappel, le pourvoi en cassation est une voie
de recours extraordinaire destinée à sanctionner la violation de la loi (du droit)
par le juge statuant au second degré.

Section II : L’inexécution du contrat et ses sanctions

§1. La notion d’inexécution

I. Généralités
Le plus souvent le débiteur manque à ses obligations. Au lieu de
les mettre en œuvre conformément à la volonté des parties, il peut soit ne pas les
exécuter totalement, soit les accomplir en retard, soit encore les exécuter partiellement
167
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

et de manière défectueuse. Il en est ainsi du locataire qui s’acquitte de son loyer en


retard, du fournisseur qui livre une partie seulement de la marchandise vendue ou de
l’entrepreneur qui s’abstient de construire une maison pour son client (le maître de
l’ouvrage).

Toutes ces hypothèses rentrent dans le cadre plus large de


l’inexécution parce que le débiteur n’a pas accompli ce que la commune intention des
parties lui demandait de faire. En effet, il est d’usage de ranger aussi bien le retard
d’exécution que l’exécution partielle ou la mauvaise exécution sous la rubrique
générale de l’inexécution. Et les sanctions qui s’appliquent à ces manquements sont à
quelques nuances prêtes les mêmes. Car, faute d’un arrangement à l’amiable, le
créancier devra porter l’affaire en justice afin de permettre au juge de se prononcer sur
le bien fondé de sa demande. Souvent, il s’agit d’obtenir du tribunal que le débiteur
soit condamné à l’exécution forcée en nature de son obligation ou de ses obligations.
A contrario, le créancier devra solliciter l’exécution par équivalent ou en
dommages-intérêts. Mais s’agissant des contrats synallagmatiques, le législateur
privilégie un type particulier de sanctions à savoir : la résolution judiciaire (article 82
du code civil livre III).

Par ailleurs, le droit congolais, à l’instar de ceux qui l’ont


toujours inspiré (les droits belge et français), organise certaines sanctions qui se
rapprochent de la justice privée. Ces sanctions ont un caractère tantôt défensif (cas de
l’exceptio non adimpleti contractus et du droit de rétention), tantôt offensif
(Résolution et faculté de remplacement unilatéral).

Enfin, certaines clauses élaborées par les parties sont destinées à


régler les problèmes d’inexécution ou du retard d’exécution et jouent comme telles, le
rôle de sanction de l’inexécution contractuelle avec cette particularité que certaines
sont favorables au créancier (clauses pénales et clauses résolutoires expresses) alors
que d’autres lui sont défavorables (clauses limitatives et exonératoires de
responsabilité).

C’est à l’examen de ces sanctions que nous allons nous consacrer


dans les lignes qui suivent. Mais il importe, avant d’entrer dans le vif du sujet, de
s’attarder sur les préalables nécessaires à la mise en œuvre de l’exécution forcée, c'est-
à-dire, les conditions requises pour recourir à l’exécution forcée.

II. Les conditions de l’exécution forcée.


Quatre conditions doivent être remplies avant tout recours à
l’exécution forcée à savoir :

1. L’exigibilité de la dette ou son arrivée à terme ;


168
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2. La mise en demeure préalable du débiteur par le créancier ;

3. L’absence de cause d’exonération profitable au débiteur (force majeure, cas


fortuit) ;

4. L’existence d’un titre exécutoire condamnant le débiteur récalcitrant à


s’exécuter (grosse d’un acte notarié contenant la formule exécutoire ou d’un
jugement).

L’exigibilité de la dette et l’existence d’un titre exécutoire étant


des notions connues, nous allons nous appesantir sur les deux autres conditions, c'est-
à-dire, la mise en demeure et les causes d’exonération.

A. La mise en demeure.

1. Nécessité
Nous avons déjà parlé de la mise en demeure à propos du
transfert des risques dans les obligations ayant pour objet le transfert de
propriété (cfr. Supra, définition, forme et effets de la mise en demeure). Ce qu’il faut
retenir ici est que la mise en demeure est nécessaire avant tout recours à
l’exécution forcée et l’application des sanctions de l’inexécution contractuelle.
Car, sans la mise en demeure, le créancier est censé ne pas souffrir de l’inexécution ou
du retard d’exécution par le débiteur de son obligation et ne peut, dès lors, solliciter le
dommages-intérêts compensatoires ou moratoires (article 44 du Code civil).

La mise en demeure est, par ailleurs, nécessaire même si la dette


est à terme car l’arrivée du terme ne dispense pas le créancier de mettre le débiteur en
demeure (article 38 à contrario) quand bien même cette formalité pourrait se révéler
superfétatoire, le débiteur ayant, en effet, promis d’exécuter son obligation à une
échéance précise.

Faut-il noter que la mise en demeure nécessaire en matière


contractuelle n’est pas requise en matière délictuelle. Ainsi, la victime d’un accident
de circulation n’est-elle pas obligée de mettre préalablement l’auteur de l’accident en
demeure pour obtenir réparation. Celui-ci doit se sentir obligé envers la victime
lorsque se trouve réunies les trois conditions de la responsabilité civile : dommage,
faute, lien causal.

Toutefois, le créancier d’une indemnité délictuelle ne peut


bénéficier des intérêts moratoires qu’après mise en demeure.

Bref, pour obtenir la condamnation de son débiteur à l’exécution


forcée en nature ou en équivalent (que ce soit sous la forme des dommages-intérêts
169
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

compensatoires ou moratoire), le créancier doit au préalable recourir à la formalité de


mise en demeure361.

Cependant, on admet, à l’heure actuelle, que la mise en demeure


n’est pas requise de manière absolue. Le créancier peut en être dispensé dans certains
cas.

2. Cas où la mise en demeure n’est pas nécessaire

1. Lorsque l’objet ou la nature de l’obligation rend la mise en demeure inutile.


C’est le cas de l’obligation de ne pas faire (exemple : un médecin qui s’abstient
de garder le secret professionnel ne peut être mise en demeure de le respecter).
L’article 43 énonce, à cet égard, que « si l’obligation est de ne pas faire, celui
qui y contrevient doit les dommages-intérêts par le seul fait de la
contravention ». c’est aussi le cas lorsque l’exécution en nature ne revêt plus
d’utilité pour le créancier parce que le débiteur a fait passer le délai de rigueur
fixé pour l’exécution de l’obligation. Exemple, une personne s’engage à livrer
le vin de palme à son cocontractant à 14 heures à l’occasion de la réception
organisée pour ses invitées. Dépassée cette heure, la livraison de ce vin de
même que la mise en demeure deviennent inutiles. Le cocontractant devra
seulement des dommages-intérêts. Enfin, l’avocat qui a laissé passer le délai
pour faire appel ou opposition doit des dommages-intérêts à son client. Le
mettre en demeure serait inutile.362

2. Lorsque la convention indique clairement que l’arrivée du terme vaut mise en


demeure (article 38 CCCLIII)363.

3. Lorsque la loi fait courir les intérêts de retard de plein droit dans certains cas
(article 542 du Code civil).

4. Lorsque le débiteur a manifesté son intention de ne pas s’exécuter.

B. Les causes d’exonération.

Introduction

Aux termes de l’article 45 du Code civil livre III, le débiteur est


déchargé de ses obligations, s’il démontre l’existence d’une cause étrangère
libératoire. Et donnant des plus amples précisions sur cette cause étrangère, l’article 46
dit qu’il s’agit du cas fortuit ou de la force majeure. Sauf clause contraire

361
H DE PAGE, Traité, III, 1967, n°73, pp. 69-98.
362
Cass, 14 mars, Pas., 651, R.W., 1993, p.1276.
363
Elis, 2 février 1971, R.J.C.B, 1932, p.56 ; Léo, 4 oct. 1928, Jur.col.1929, p.210 avec note ; Léo 29 juin 1943,
R.J.C.B. 1994, p.22.
170
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

valable364entre parties le débiteur n’est alors dans ce cas redevable d’aucuns


dommages-intérêts envers son cocontractant.365

Ainsi donc, la cause étrangère libère le débiteur de toutes les


responsabilités si elle rend l’exécution de l’obligation impossible et si elle est exempte
de toute faute du débiteur. Mais, contrairement à ce qu’on puisse imaginer, la cause
étrangère n’est nullement constituée que du cas fortuit ou de la force majeure. D’autres
éléments, mieux, d’autres événements peuvent jouer le rôle de cause étrangère
libératoire lorsqu’ils sont à la base de l’inexécution. Il s’agit de la faute exclusive du
créancier de l’obligation et de la faute exclusive d’un tiers. Par ailleurs, lorsqu’elle
affecte une des obligations fondamentales du contrat, la cause étrangère provoque, par
le jeu d’une réaction en chaîne la disparition non seulement d’autres obligations du
débiteur (obligations accessoires et celle qui dépendait de l’exécution de obligation
essentielle), mais aussi celle des obligations corrélatives de l’autre partie (dans les
contrats synallagmatique) et justifie la dissolution du contrat. C’est la question de la
cause étrangère et de la théorie de risques.366

Enfin, des circonstances extraordinaires et imprévisibles au


moment de la formation du contrat pourraient sans pour autant constituer des cas de
force majeure, autoriser, selon une certaine doctrine, le juge à dissoudre le contrat ou
en permettre la révision afin d’en rétablir l’économie. Il s’agit du cas de l’imprévision
qui a fait couler beaucoup d’encres en doctrine bien que la jurisprudence se montrer
très réservé à cet égard.

Ces différentes notions seront donc examinées sous la rubrique


de la cause étrangère que nous subdivisons en quatre points :

I. Le cas fortuit ou la force majeure ;

II. Les autres causes d’exonération ;

III. La cause étrangère et la théorie des risques ;

IV. La théorie de l’imprévision.

1. Le cas fortuit ou la force majeure.

Seront successivement analysés ici la notion du cas fortuit ou de


la force majeure, les conditions de sa mise en œuvre ainsi que ses effets.

364
M.FONTAINE, « les clauses de force majeure dans les contrats internationaux », D.P.C.I., 1979, 469 et s ;
P.VAN OMMESLAGHE, « les clauses de force majeure et d’imprécision hardship) dans les contrats
internationaux R.D.I.C, 1980, 7 et s.
365
J.CARBONNIER, droit civil, IV ? 269 ; Brux, 13 janvier 1988 R.W.1990-1991, 783 ; Brux, 14 avril J.T.,
1989, 356.
366
P.H. ANTONMATTEL, Contribution à l’étude de la force majeure, L.G.D.J., 1992 ? P.160.
171
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

a. Notion du cas fortuit ou de la force majeure


En dépit des thèses développées par certains auteurs tendant à
établir une distinction entre le cas fortuit (événement interne au débiteur l’empêchant
de remplir ses obligations comme la maladie…) et la force majeure (événement
externe au débiteur qui le met dans l’impossibilité de s’exécuter. Exemple, le
bombardement de la maison donnée à bail)367, le législateur congolais considère ces
deux notions comme des synonymes et les utilise même de façon indifférenciée368.

Aussi, allons-nous, tout au long de cet enseignement, regarder ces notions comme
équivalentes d’autant que le cas fortuit et la force majeure sont d’après le dictionnaire
de droit, des événements imprévisibles qui empêchent le débiteur d’exécuter ses
obligations369.

b. Conditions du cas fortuit ou de la force majeure


Pour qu’un événement soit considéré comme un cas fortuit
susceptible de libérer le débiteur de l’exécution de ses obligations, trois conditions
doivent être réunies :

- Il faut qu’il s’agisse d’un événement extérieur ou étranger au débiteur. Cette


condition controversée implique que l’événement ne soit pas imputable au
débiteur ni même aux personnes dont il doit répondre (cas de la responsabilité
pour autrui). Ainsi, lorsque tenu de restituer le véhicule qui lui a été confié pour
entretien, le garagiste ne peut s’exécuter suite au vol commis dans son atelier
livré à l’insécurité (manque de toutes les précautions nécessaires pour se
prémunir contre tout risque) le garagiste ne peut invoquer le vol comme un
événement libératoire car il est dû à sa faute. De même la faillite résulte de la
faute du débiteur. Elle ne peut, dès lors, servir des preuves de libération en cas
d’inexécution par ce dernier de ses obligations.

- Il faut que l’événement soit imprévisible. En effet, l’imprévisibilité suppose


que le débiteur n’a pu ni prévoir, ni conjurer l’événement. Elle s’apprécie par
rapport à la prévoyance d’un homme raisonnable. C'est-à-dire, par rapport à ce
qu’un débiteur clairvoyant peut prévoir. Aussi, la jurisprudence parle-t-elle
d’événement « normalement imprévisible ».

Par ailleurs, avec l’évolution de la science, on peut à l’heure


actuelle prévoir un grand nombre d’événements. Mais, un événement, quoique
prévisible, peut constituer un cas de force majeure pour autant qu’on n’a pas pu

367
Voy. A ce sujet COLIN et CAPITAIN, t. II, n°126 et 127 MAZEAUD et TUNC, t.II, n°1151 et s.
368
Voy, par exemple, les articles 46, 194, 379,390, 420, 455 et 500 du CCCLIII.
369
Dictionnaire de droit, Dalloz, verbo force majeure
172
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’empêcher ni avoir une idée sur son amplitude (exemples, tempête, séisme
pouvant atteindre plusieurs degrés sur l’échelle de Richter).

- Il faut, enfin, que l’événement soit irrésistible, c'est-à-dire insurmontable.


C’est la condition dite essentielle du cas fortuit ou de la force majeure. Elle
suppose l’existence d’un obstacle insurmontable qui empêche « absolument »
le débiteur d’honorer ses engagements (article 46). La jurisprudence se montre
très sévère à cet égard et refuse, chez nous comme ailleurs, de prendre en
compte des événements qui, sans rendre l’exécution impossible, la présente
comme simplement difficile ou plus onéreuse.370 Ainsi, il a été décidé que :
« s’agissant d’une obligation de donner une chose de genre, il ne peut y avoir
impossibilité d’exécution, une chose de même qualité et de même quantité
pouvant toujours être trouvée par le débiteur (genera non pereunt) » 371.

D’autres événements rendant l’exécution plus difficile ou plus


onéreuse ne peuvent être considérés comme des cas de force majeure. C’est le cas
notamment de l’état de guerre (sauf bombardement, destruction ou réquisition) de
l’ordre de l’autorité ou de fait du prince (qu’on ne peut suivre s’il est manifestement
illégal) et de la grève (qui est généralement annoncée à l’avance).

Toutefois, la doctrine apporte un bémol à l’exigence


d’insurmontabilité en précisant que l’impossibilité doit s’apprécier de manière
raisonnable et humaine372. Il s’agit d’une question de fait essentiellement tributaire de
circonstances. Et, l’étalon de mesure reste ici le comportement d’un bon père de
famille placée dans les mêmes circonstances de temps et de lieu.

c. Effets du cas fortuit ou de la force majeure


L’effet principal du cas fortuit ou de la force majeure est la
libération du débiteur. L’obligation s’éteint du moins en présence d’un obstacle
définitif (et non temporaire) et le débiteur ne peut, dès lors, être condamné à des
dommages-intérêts (article 46 et 194) car à l’impossible nul n’est tenu (ad impossibile
nemo tenetur).

Cependant, le débiteur ne sera pas exonéré :

- Lorsqu’il a stipulé prendre en charge le cas fortuit (article 423 et 424).

- Lorsqu’il a été mise en demeure de s’exécuter (article 37 alinéa 2).

370
Elis, 13 juin 1914, Jur.col.1925, p.Elis, 28 janvier 1964, R.C.J., 1964, p.82 ; Liège, 16 nov 1987, J.I.M.B.,
1988,obs P.-H. ; MONS, 10 avril 1989, Rev.not.b., 1989, 539, obs.D-S., Liège 27 juin 1995, J.L.M.B., 1996,
100, obs.P.WERY.
371
Liège, 27 juin 1997, J.L.M.B., 1996, 100, obs. P. WERY ; aussi Cass., 13 mars 1947, Pas., 1947, I, 108 concl.
Proc.Gén.HAYOIT de TERMICOURT.
372
H.DE PAGE, Traité, II, n°602 ; J.LIMPENS, « Examen », R.C.J.B, 1969, 237.
173
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

N.B : En cas de concours des circonstances, particulièrement lorsque le cas fortuit se


combinent avec la faute du débiteur, il y a libération partielle. De même, on parlera de
la suspension du contrat et non pas de la libération du débiteur lorsque l’impossibilité
d’exécution ne sera pas absolu mais simplement momentané ou temporaire373.

d. Preuve de la libération.

Selon les prescrits des articles 45 et 194 du Code civil livre III, le
débiteur qui ne s’est pas exécuté doit pour ne pas engager sa responsabilité, prouver
le fait qui a entrainé sa libération. Il doit, pour se faire, soit brandir la preuve du
paiement, soit démontrer l’existence d’une cause étrangère libératoire faute de quoi il
sera présumé en faute. Le créancier entant que personne réclamant l’exécution d’une
obligation ne sera amené qu’à prouver l’existence du contrat et de son contenu. La
preuve de la libération incombe donc au débiteur ainsi que le souligne l’article 197
alinéa 2 qui pose un principe général en cette matière.

Cette considération introduit une distinction entre la


responsabilité contractuelle dans laquelle le débiteur est invité à produire la preuve de
sa libération parce qu’il est présumé en faute et la responsabilité délictuelle ou c’est la
victime (entendez le créancier de la réparation) qui doit démontrer la faute de l’auteur
du dommage.

Cependant, la présomption de faute qui pèse dans le chef du


débiteur défaillant n’est pas absolue. Elle peut être renversée par ce dernier en
apportant comme nous l’avons dit, la preuve d’une cause étrangère libératoire.

D’ailleurs, cette preuve de la libération sera différente selon qu’il


s’agit de l’obligation de moyens (qui fait partie de l’obligation de faire) et de
l’obligation de livrer un corps certain.

- S’agissant de l’obligation de livrer un corps certain, l’article 194 dit que le


débiteur peut en être exonéré soit en apportant la preuve du cas fortuit ou de la
force majeure (article 194 alinéa 3, article 197 al 2 et 390 en cas d’incendie de
l’immeuble loué) soit en démontrant que la perte ou la détérioration de la chose
est arrivée sans sa faute (article 194 al1) en dehors de toute mise en demeure.
Ce qui suppose qu’il a bien conservé la chose en y apportant les soins d’un bon
père de famille (article 36 al1).

- Quand aux obligations de moyens, la faute présumée du débiteur est


considérée comme comprise dans l’obligation de conservation en bon père de
famille de la chose lui incombant. Dès lors, il ne peut se libérer de cette
présomption de faute qu’en apportant la preuve de bons soins ou de bons
373
Cass., 13 janvier 1956, Pas., 1956, I, p.460.
174
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

services rendus, s’il n’allègue pas le cas fortuit ou la force majeure. Et il


appartiendra au créancier de l’obligation de prouver que le soin ou le service
rendu n’ont pas été ceux d’un bon père de famille pour engager la responsabilité
du débiteur. Cas du malade dans le contrat médical et de l’élève dans le contrat
d’enseignement.

2. Les autres causes d’exonération.

Il s’agit de la faute du créancier lui-même et de la faute d’un


tiers.

a. Faute du créancier lui-même

Elle doit être la cause principale et exclusive de l’inexécution


pour exonérer le débiteur. Exemple, accident de circulation (mortelle) due à la faute
exclusive du passager.

b. Faute d’un tiers

Pour être libératoire elle doit :

- Revêtir le caractère d’une véritable force majeure. Autrement-dit, elle ne doit


pas avoir été prévue par le débiteur qui ne pouvait, du reste, l’empêcher.

- Etre commise par le tiers, agissant par lui-même. Ce qui veut dire que ce tiers
ne peut être ni le représentant légal ou conventionnel du débiteur ni son
préposé.

3. La cause étrangère, la théorie des risques et les règles particulières à


l’exécution des contrats synallagmatiques.

0. Position du problème.
La force majeure frappe de mort le contrat d’où procèdent les
obligations des parties. C’est l’évidence même. Mais, ces obligations peuvent
s’éteindre aussi pour un autre motif. En effet, les contrats surtout synallagmatiques se
caractérisent par l’interdépendance des obligations réciproques. Chacune des
parties ne s’engage qu’en vertu de la prestation promise par l’autre. Ainsi, dans un
contrat de vente, le vendeur ne peut s’obliger à exécuter la prestation promise qu’à
condition que l’acheteur se soit engagé à en payer le prix, et réciproquement. C’est
l’application même de la théorie de la cause qui interdit qu’on puisse s’engager dans le
vide sans raison fondamental justificative.

L’interdépendance des obligations dans un contrat synallagmatique entraîne donc trois


conséquences particulières en cas d’inexécution par un contractant de sa prestation :
175
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Soit que l’autre partie peut suspendre l’exécution de sa propre obligation en


invoquant l’exception d’inexécution (exception non adimpleti contractus) ;
- Soit qu’elle peut demander en justice la résolution du contrat pour l’inexécution
par l’autre partie
- Soit constater sa libération si l’exécution par l’autre partie devient impossible
en raison d’une force majeure.

Examinons ces différentes situations.

a. L’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus)

Cette exception sera étudiée dans sa notion, son domaine ou


champ d’application et ses effets.

- Notion
L’exception d’inexécution considérée comme une sorte de
justice privée est un principe général de droit375 qui reconnait à chaque contractant
374

le droit de refuser d’exécuter son obligation tant que l’autre partie n’aura pas
accompli la sienne376.

Elle tire son origine du droit romain et se fonde sur l’idée de


cause dans le contrat synallagmatique, lequel doit être exécuté simultanément ou
« trait pour trait ». L’exception d’inexécution est donc un moyen de pression exercé
sur le débiteur afin de l’amener au respect des engagements contractés. Elle constitue
une garantie pour le créancier qui peut ainsi provisoirement suspendre l’exécution de
sa propre obligation du reste non éteinte, en attendant que le débiteur ne mette en
œuvre la sienne. Sauf refus d’exécution par ce dernier auquel cas le créancier pourra
solliciter du juge, soit l’exécution forcée, soit la résolution judiciaire assortie des
dommages-intérêts.

- Domaine ou champ d’application de l’exception

L’exception (exceptio non adimpleti contractus) n’est pas, en


dépit de ses liens avec le contrat synallagmatique, organisée dans la partie générale
réservée aux obligations conventionnelles. Elle est consacrée dans plusieurs

374
Voy J..H.HERBOTS, « l’exception d’inexécution et la mesure à garder dans le contrat de bail », note sous
cass, 65 mars 1986, R.C.J.B, p.563 et s ; JM.TRIGAUX, « l’exception de l’inexécution en droit Belge » in Des
sanctions… 2001, p.57 et s.

375
La jurisprudence moderne a élèvé ce moyen de défense au rand de principe général de droit (voy. not Cass.,2
novembre 1995, Pas, I, p. 977 ; 15 juin 2000, I, p. 372 ; Cass., 22 avril, 2002, RGDC, 2004, p.399.
376
. M. T KENGE NGOMBA TSHILOMBAYI, Cours polycopie de Droit civil. Les obligations, année
académique 2008-2009, pp. 72-73.
176
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

dispositions éparses relatives particulièrement aux contrats spéciaux : articles 289 (sur
la vente : le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose si l’acheteur n’en paye pas le
prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement), 290, 328, 330
et 367 sans oublier l’article 511 sur le dépôt (le dépositaire peut retenir le dépôt
jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à raison du dépôt ».

- Conditions de mise en œuvre.

La doctrine et la jurisprudence ont fini par dégager les


conditions d’application de l’exception d’inexécution. Elles sont au nombre de quatre :

1. Il doit s’agir d’une créance certaine et exigible. Elle n’a pas besoin d’être
liquidée.

2. Les obligations doivent être exécutées simultanément, c'est-à-dire, « trait pour


trait ». ainsi, dans une vente au comptant, l’acheteur doit acquitter le prix du
bien vendu au moment où il en obtient livraison. Faute de quoi le vendeur peut
suspendre la livraison.

3. La défaillance ou l’inexécution du contractant doit être consommée et


imputable à lui.

4. Il faut une certaine proportion entre la riposte du créancier qui soulève


l’exception (l’excipiens) et l’exécution de l’obligation. C'est-à-dire que
l’excipiens ne peut soulever l’exception dans des conditions contraires à la
bonne foi. Et il appartient au juge d’apprécier, a posteriori si la gravité du
manquement du débiteur justifiait bien, dans le chef de l’excipiens,
l’inexécution de ses propres obligations377. De la sorte, si le défaut d’exécution
n’est pas de grande importance ou s’il porte sur des obligations accessoires,
l’inexécution de l’autre partie (excipiens) ne peut se justifier.

Faut-il noter que la doctrine et la jurisprudence dominante


n’imposent pas à excipiens de mettre préalablement en demeure le cocontractant
défaillant avant tout recours à l’exception. Cela parait d’autant plus surprenant que
l’exception d’inexécution est une sanction d’un manquement aux obligations
contractuelles.

Par ailleurs, les parties ne peuvent recourir à l’exception si


l’exécution simultanée a été écartée par la volonté des parties. C’est le cas notamment
lorsqu’un délai a été accordé à l’acheteur pour le paiement du prix. Le vendeur est
alors tenu de délivrer la chose sans attendre l’arrivée du terme. De même, il n’y aura
pas d’application de l’exception si la nature du contrat s’oppose à l’exécution « trait

377
Cass., 14 mars 1991, Pas., 1991, I, p.652, J.T.1992, p.77, RW.1993-1994, p1276.
177
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

pour trait » (cas du contrat successif). Cependant, si le bailleur ne procure plus la


jouissance promise au locataire, ce dernier peut soulever l’exception.

-Effets de l’exception d’inexécution


L’exception d’inexécution entraîne la suspension par l’excipiens
de l’exécution de son obligation. Cette suspension doit être immédiatement levée dès
que le cocontractant a accompli la sienne. C'est-à-dire que les effets de l’exception de
l’inexécution sont temporaires. Mais, la jurisprudence et une partie de la doctrine
admettent que l’exception d’inexécution peut se transformer en un moyen de défense
permanent. Dans ce cas, elle joue le rôle de garantie. Ainsi, dans son arrêt du 13
septembre 1973 la Cour de Cassation Belge a décidé que : « la circonstance que la
défaillance du cocontractant est devenue définitive en raison de la faillite ne prive pas
l’autre partie du bénéfice de l’exception »378.

Enfin, une frange importante de la doctrine soutient que


l’exception peut être soulevée lorsque la défaillance du débiteur n’est pas encore
consommée, mais simplement prévisible379. C’est ce que prescrit le Code civil à
l’article 330 lorsqu’il parle de la garantie d’éviction dans le contrat de vente. La
convention de Vienne sur la vente internationale des marchandises fait également
application de ce mécanisme à l’article 71.

b. La résolution judicaire.

Nous avons déjà vu que cette sanction n’est d’application qu’en


cas d’inexécution par l’une des parties de ses obligations et que sa mise en œuvre
requiert l’intervention du juge. Nous y reviendrons avec plus d’à propos dans nos
développements relatifs à l’extinction et la résolution des contrats (chapitre VI).

c. Les incidences de la force majeure sur la théorie des risques.

Lorsque survient un cas fortuit ou de force majeure libératoire,


l’obligation du débiteur s’éteint parce que la force majeure et de manière générale la
cause étrangère entraîne l’anéantissement de plein droit de l’obligation sans
l’intervention du juge380. En cela elle se distingue de la résolution judicaire prévue à
378
R.J.C.B, 19774, p.352, note M-L.STENGERS ; B.DUBRUISSON et J.-M.TRIGAUX, l’exception
d’inexécution en droit belge » in Les sanctions…, 2001, p.57 et s.
379
B.DUBUISSON et J.-M.TRIGAUX, op.cit., p.109.
380
A noter que la force majeure peut être créatrice d’obligation même si cela parait à première vue
incompatible. Car les deux expressions (force majeure et créatrice d’obligation) hurlent d’être accouplées. En
effet, prima facie, la force majeure ne crée rien. Mais, cette vue est réductrice parce que si la force majeure
éteint le contrat, il crée cependant une obligation d’information consistant à aviser le créancier de la survenance
du cas fortuit afin de lui éviter d’engager des frais justifiés initialement par l’exécution attendue de la prestation
et d’envisager une solution de substitution (art 33 al3). Il en est de même de l’art 79 de la convention de Vienne
sur les contrats de vente internationale des marchandises dont l’alinéa 4 porte que : « la partie qui n’a pas
178
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’article 82 du Code civil livre III même si la jurisprudence estime que la dissolution
du contrat résultant de la force majeure doit aussi requérir l’intervention du juge parce
que l’article 82 ne fait pas de distinction entre les causes d’inexécution. Ainsi, le juge
doit intervenir même dans ce cas pour vérifier si l’inexécution provient d’une cause
étrangère. Quoi qu’il en soit, la force majeure constitue un risque libératoire indéniable
et lorsqu’elle est arrivée sans l’intervention du débiteur, le tribunal saisi de la
contestation ne se bornera qu’à constater la libération de l’obligation qui a donc eut
lieu antérieurement. Aucune partie ne sera condamnée à des dommages et intérêts
parce que personne n’a commis de faute.

La théorie des risques qui nous fait parler de la force majeure


n’est pas consacrée en termes généraux par notre Code civil contrairement à plusieurs
Codes étrangers. Le législateur ne s’est limité qu’à faire quelques applications de cette
théorie dans plusieurs dispositions éparses telles qu’aux articles 379, 397, 435, 436 et
437.

a. Ainsi dans les contrats unilatéraux où les obligations ne pèsent que dans le
chef d’une seule partie (uno latere) si la chose périt par cas fortuit sans la faute du
débiteur, ce dernier est libéré et le contrat est dissous de plein droit. Comme l’écrit H.
DE PAGE, tout s’arrête là. Et c’est le créancier qui doit supporter seul les risques (cas
d’une voiture remise en dépôt qui périt sans la faute du dépositaire. Les risques sont
pour le créancier déposant parce que le débiteur qui est le dépositaire, est
automatiquement libéré par la survenance du cas fortuit et ne peut rien restituer). C’est
ce qui est exprimé par l’adage latin « Res perit creditori »381.

b. Dans les contrats synallagmatiques, le principe est, on le sait,


l’interdépendance des obligations réciproques. Si l’une d’elles venait à disparaitre à la
suite d’une force majeure, l’autre ne pourra plus subsister parce que l’équilibre du
contrat se trouve ébranlé et rompu. L’autre obligation devra donc disparaitre et avec
elle, le contrat tout entier. De la sorte, en application de la théorie de la cause, c’est le
débiteur de l’obligation qui devra supporter les risques en raison de la libération du
cocontractant due à l’absence de cause de l’obligation lui incombant. D’où
contrairement aux contrats unilatéraux, la règle ici est que les risques sont pour le
débiteur « res perit debitori », selon la formule du vieil adage latin. Il en est ainsi du
bailleur qui doit donner en jouissance la maison louée. S’il ne s’exécute pas et que la
maison venait à disparaitre sous l’effet de la foudre par exemple, c’est lui, le débiteur

exécuté doit avertir l’autre partie de l’empêchement et de ses effets sur sa capacité d’exécuter ».
Bien plus, sauf si la force majeure les prive d’effets, certaines obligations « survivant » au contrat demeurent
même en cas de force majeure. Il s’agit par exemple des obligations de confidentialité, de destruction et de non
concurrence.

381
H DE PAGE, Traité, t.2, 1964, p.811.
179
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

de l’obligation de livraison qui devra en supporter les risques. Avec cette conséquence
que la force majeure ayant libéré simultanément et de plein droit l’autre partie (le
cocontractant), il ne pourra plus exiger la prestation qui lui a été promise en retour, en
l’occurrence, le paiement du loyer382.

Si l’impossibilité d’exécuter n’est que partielle, l’obligation du


créancier ne sera pas totalement dissoute et donnera lieu à la réduction des
engagements réciproques. Encore faudra-t-il que la convention soit divisible et que le
« reliquat contractuel » revête encore une certaine utilité383. C’est ce qu’exprime
l’article 379 du CCCL LIII aux termes duquel : « si pendant la durée du bail, la chose
louée est détruite en totalité pour cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle
n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances demander une
diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu
à aucun dédommagement ».

De la sorte, toute impossibilité partielle d’exécution ne se solde


pas nécessairement par la réduction des engagements réciproques. Elle peut donner
lieu à la dissolution totale du contrat si l’intention des parties était qu’il ne fût pas
exécuté en partie. C’est tout ou rien.

Par ailleurs, lorsque l’impossibilité d’exécuter due à la force


majeure n’est pas définitive, le contrat sera simplement suspendu et non dissout. Ainsi,
un débiteur dont l’obligation ne peut être momentanément exécutée n’est pas libéré
puisqu’il devra accomplir sa prestation dès la disparition de l’obstacle suspensif. Pour
sa part, le créancier pourra sursoir à l’exécution de sa propre obligation en invoquant
l’exceptio non adimpleti contractus.

Comme l’a révélé le professeur FONTAINE384, la suspension


présente un grand intérêt dans les contrats internationaux en ce que la pratique de ces
contrats révèle que dans un premier temps tout ou moins la force majeure n’a qu’un
effet suspensif, alors que la théorie classique construite a propos de contrats simples, à
exécution instantanée, met l’accent sur l’effet extinctif de la force majeure
(l’obligation est dissoute).

Cependant, cette suspension peut être souverainement organisée


par les parties et J.-M. MOUSSERON y voit « une approche bien moderne de gérer
les perturbations du contrat » 385 car bien conçue la clause de suspension ne laissera
aucune difficulté dans l’ombre (origine, gestion et dénouement de la suspension).
382
H DE PAGE, ibidem, p.811.
383
En ce sens voy. Notamment R.DEMOGUE, op.cit.t.6 1931, p.681 : « si l’intention des parties était que le
contrat fût exécuté pour le tout, l’impossibilité partielle résoudrait tout le contrat. »
384
M FONTAINE, Droit des contrats internationaux. Analyse et rédaction de clauses. FEDUCI, 1979, p.225.
385
J.-M.MOUSSERON, technique contractuelle, éd. Francis le Febvre, 1999, p.503 et s.
180
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

c. Dans les contrats translatifs de propriété, tel que le contrat de vente, une
autre règle est applicable. Elle se traduit par la formule « res perit domino ». En effet,
comme nous l’avons déjà signalé à propos de la perte d’un corps certain (art.194 du
CCCLIII), les contrats translatifs de propriété se caractérisent par le transfert
automatique de propriété du vendeur à l’acheteur. Ce dernier devient ainsi par la force
des choses propriétaire du bien vendu (dominus), même si le bien n’est pas encore
livré, ni le prix payé. Dès lors, en cas des risques survenus à ce bien, le vendeur est
alors libéré, mais l’acheteur sera tenu en tant que propriétaire d’acquitter le pris d’un
bien dont il ne pourra plus obtenir livraison. C’est donc là une parfaite application du
principe de la connexité des obligations dans les contrats synallagmatiques.

Toutefois, la règle « res perit domino. » ne peut être de mise :

- En cas de réserve de propriété. L’acheteur ne devenant propriétaire qu’au


moment de la livraison.
- En cas de vente des choses de genre dont l’individualisation ne se fait qu’au
moment de la livraison (vente de 10 bouteilles de bière, sans autre précision).
Les risques sont pour le vendeur en cas de force majeure survenue avant la
livraison.
- En cas de mise en demeure (art.37 al2).
- En cas de vente sous condition résolutoire. Les risques sont pour l’acheteur
devenu propriétaire avant la réalisation de la condition. Le point de vue de la
doctrine contraire soutenant que les risques incombent au vendeur nous
semblent moins pertinent386.
- En cas de vente sous condition suspensive (art 80 al1).

4. La théorie de l'imprévision

a. Notion.
On s'est posé la question de savoir si le débiteur peut invoquer
des circonstances extraordinaires et imprévisibles survenant en cours d'exécution du
contrat et rendant le respect de ses engagements plus difficiles ou plus onéreuses pour
obtenir la dissolution ou la révision du contrat afin d'en rétablir l'équilibre.

La théorie de l'imprévision née en occident depuis la deuxième


guerre mondiale tend à faire admettre ce point de vue en toute matière. Elle enseigne
que lorsque les circonstances extraordinaires échappant à toute prévision au
moment de la conclusion du contrat en ont bouleversé l’économie au point que
l'une des parties n'aurait pas accepté l'aggravation des charges qui en a résulté,
elle peut se délier de ses engagements387.
386
JULLIOT DE LA MONRANDIERE, op cit, n° 474, p. 253.
387
Cass. B. 30 octobre 1924, I, 565.
181
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Les défenseurs de cette théorie la justifient pour des raisons


suivantes:

- Elle est conforme à la volonté de parties qui n'ont contracté qu'à des conditions
normales (rebus sic standibus) en excluant tous les événements extraordinaires.
Sécurité juridique oblige.
- Elle repose sur l'article 33 qui exige que le contrat soit exécuté de bonne foi par
les parties. Or, la bonne foi suppose la loyauté impliquant la prise en compte
d'événements imprévus.

b. Point de vue de la jurisprudence.

Les jurisprudences française388, belge389 et congolaise390 rejettent


la théorie de l'imprévision pour des raisons de sécurité juridique. La volonté des parties
affirme-t- on doit se maintenir quelles qu'en soient les circonstances et elle constitue,
en vertu de la liberté contractuelle, une valeur qu'il faut protéger pour la stabilité des
contrats.

La Cour d'appel de Liège l'a rappelé en des termes un peu plus


clairs dans son arrêt du 27 Juin 1995 dont la maxime solennelle déclarait :"admettre
l'imprévision serait, au nom de l'équité compromettre la sécurité que le droit a voulu
assurer par le principe de la convention-loi ».

Ainsi, en dehors d'une disposition légale expresse introduisant le


principe dans notre droit positif, son application nous semble inopportune au regard
des prescrits de l'art 33 du Code civil livre III.

A noter que la théorie de l'imprévision a été admise dans certains


pays en matière administrative391 et certaines lois particulières l'appliquent en matière
civile392.

c. Les clauses de hardships (d'imprévision) dans les contrats.

Dans les contrats internationaux, les parties peuvent en vertu de


l'autonomie de la volonté, prévoir une clause de renégociation leur permettant de
réviser le contrat lorsque les événements nouveaux, imprévisibles au moment de
la conclusion viennent perturber gravement son équilibre. C’est la clause de
hardship.
388
Civ. 6 mars 1876, D. 76, I, 193 (affaire canal de Craponne où la Cour de Cassation française s’est opposée au
relèvement d’une redevance fixée par contrat pour l’entretien d’un canal d’arrosage.
389
Cass. , 15 octobre 1987, Pas., 1988, I, 177, Rev. Not. B., 1988, 48, note. J. Em ; 30 nov. 1989, Pas., 1990, I,
392 ; Cass., 21 juin 1991, Pas., 1991, I, 926, T. not, 1992, 257, note. A. VERBEKE, J.T., 1992, 75.
390
Elis,17 décembre 1932, RJCB, 1933, p.20, Ière inst. Elis, 25 octobre 1933, RJCB 103, contra Ière inst. Elis ,
30 septembre 1932 ; Jur col. 1932. P. 139.
391
JULLIOT, op cit, n° 465. Dans le même sens, C. d’Etat, 30 mars 1916, S. 16, 3, 17.
392
KALONGO MBIKAYI, op cit, p.131.
182
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

De telles clauses se rencontrent surtout dans les contrats


successifs ainsi que dans les contrats à prestation différée dans les temps393.

A moins que la clause n'ait réservé à l'une des parties un droit de


révision unilatérale, ce qui est recherché ici est de permettre à chacune des parties de
revenir à la table des négociations, en cas des circonstances nouvelles, pour formuler
des propositions nouvelles qui soient en rapport avec le contrat passé, les circonstances
actuelles et l'économie du contrat394.

Les discussions peuvent porter soit sur la totalité de la


convention initiale, soit sur tel ou tel élément de celle-ci.

Compte tenu des réserves émises dans l’application de la théorie


de l’imprévision dans notre droit et dans les systèmes qui l’ont toujours inspirés, nous
pensons que les parties désireuses de régler les incidences des événements imprévus
sur le déroulement de leur convention peuvent toujours recourir à ce genre de clause et
leur liberté est très grande à cet égard.

§2 : Les sanctions judiciaires de l’inexécution ou du retard d’exécution


contractuelle.
Lorsqu’un débiteur n’exécute pas volontairement ses obligations,
plusieurs possibilités peuvent se présenter en justice pour le créancier. Ce dernier peut
solliciter du juge soit l’exécution forcée en nature, c’est-à-dire, l’accomplissement de
la prestation telle qu’elle a été promise par le débiteur (exemple, livraison à l’acheteur
du vélo acheté), soit l’exécution par équivalent ou en dommages et intérêts si
l’exécution directe en nature n’est plus possible suite, par exemple, à la survenance
d’un cas fortuit qui fait périr le bien après que le débiteur (vendeur) soit mis en
demeure.

Dans les contrats synallagmatiques, le créancier a le plus souvent


à sa disposition la possibilité de demander la résolution judiciaire avec, s’il échet, des
dommages et intérêts complémentaires.

Comme nous l’avons dit, nous ne traiterons pas de la résolution


judiciaire dans ce chapitre consacré à la vie du contrat et renvoyons, pour des raisons
pédagogiques, l’analyse de cette question au chapitre VI destiné à l’extinction ou plus
précisément aux modes d’extinction des contrats. En entendant, nous ne parlerons ici
393
M. FONTAINE, « Les clauses de hardships, aménagement conventionnel dans les contrats
internationaux à long terme », DPCI, 1970, pp. 7 et s., P. VAN OMMESLAGHE, Les clauses de force
majeure et l’imprévision (hardship) dans les contrats internationaux », RDIDC, 1980, pp. 7 et s ; P. WERY, Le
temps et le Droit, 1996, p. 279.
394
R. FABRE, op.cit, Rev. Trim. dr.civ, 1983, p.19.
183
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

que d’autres conséquences judiciaires de l’inexécution ou du retard d’exécution à


savoir : l’exécution forcée en nature ou l’exécution directe (I) et l’exécution par
équivalent ou en dommages et intérêts (II).

I. L’exécution forcée en nature des obligations contractuelles ou


l’exécution directe.
L’exécution forcée en nature constitue une sanction judiciaire de
premier rang en cas d’inexécution par le débiteur de ses obligations parce que le
créancier conserve en premier lieu le droit d’obtenir cette exécution. En effet,
l’exécution en nature est la seule manière pour l’obligation de se réaliser pleinement
telle que les parties l’ont voulu dans la convention-loi. C’est pourquoi en cas de
défaillance le créancier se tournera vers le juge pour obtenir cette exécution. Elle ne
peut être écartée que lorsqu’elle est devenue impossible à réaliser (impossibilité
matérielle ou juridique).

Cependant, une chose est de se tourner vers le juge pour obtenir


l’exécution forcée, une autre est de savoir si toutes les obligations sont exécutables par
la force. Car, à première vue, l’exécution directe n’est possible que pour certaines
obligations (obligations de dare par exemple) et non pas pour les autres (obligations de
faire et de ne pas faire).

Ainsi, allons-nous étudier ces différentes obligations afin


d’examiner les possibilités de leur mise en œuvre par la force.

A. Obligation de donner
C’est celle qui consiste pour le débiteur à transférer au créancier
la propriété d’une chose ou à constituer à son profit un droit réel sur cette chose.

L’analyse de cette obligation a montré qu’elle comporte trois


sous-obligations, à savoir, l’obligation de transférer la propriété d’une chose, celle de
la livrer et enfin celle de conserver la chose jusqu’à la livraison.

De ces trois petites obligations, on se rend compte que seule


l’obligation de livraison est facilement exécutable par la force parce que le créancier
peut, en cas de défaillance, recourir à l’appui de la force publique. Tel est le cas du
vendeur d’un vélo qui ne veut pas le livrer à l’acheteur. Ce dernier peut demander
l’intervention de la force publique pour se le faire livrer. S’il s’agit des choses
fongibles, c'est-à-dire, interchangeables, le créancier peut être autorisé par le juge à les
acheter d’une autre personne aux frais du débiteur. Le succès de l’exécution forcée en
nature est donc rendu possible grâce à l’intervention de divers mécanismes comme les
saisies (moyens de contrainte proprement dits), la contrainte par corps, le
remplacement judiciaire, les clauses contractuelles organisant des mesures d’office en
184
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

cas de défaillance du débiteur et surtout l’astreinte (non encore organisée dans notre
pays, mais appliquée par certains tribunaux au titre de principe général de droit).

On se rend donc à l’évidence que dans l’obligation générale de


donner, la sous obligation de livraison se prête facilement à l’exécution forcée alors
que tel n’est pas le cas pour les deux autres : obligation de transférer la propriété et de
conserver la chose.

Le transfert de propriété, pour commencer par là, se réalise dans


une obligation de donner, de façon automatique par le seul échange des consentements
des parties. On dit qu’elle se fait solo consensu sans l’intervention des contractants.
Dès lors, la nature de cette obligation s’oppose à son exécution forcée tant pour les
choses mobilières que pour les choses immobilières parce que nous avons dit que le
contrat de vente d’immeuble est, avant tout, un contrat consensuel et que la formalité
d’établissement du certificat d’enregistrement n’est qu’un formalisme de publicité
destiné à rendre ce contrat opposable aux tiers.

Quant à l’obligation de conservation, sa nature ne s’accommode


pas à l’exécution forcée et tout manquement à cette obligation ne peut donner lieu de
la part du débiteur, qu’au paiement des dommages et intérêts.

B. Obligations de faire et de ne pas faire.

L’idée est encore rependue en pratique, mais aussi chez certains


auteurs que l’exécution forcée en nature n’est pas possible en ce qui concerne les
obligations de faire et de ne pas faire 395. Tout manquement constaté de pareilles
obligations ne peut se résoudre qu’au paiement des dommages et intérêts.
L’affirmation est d’autant plus soutenue que l’article 40 du Code dispose que : « toute
obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas
d’inexécution de la part du débiteur ». Par ailleurs, une certaine frange de la
doctrine (surtout en doctrine française) continue à enseigner que l’exécution forcée en
nature n’est concevable que dans les obligations de donner à l’exclusion des
obligations de faire et de ne pas faire parce que l’adage : « Nemo potest praecise cogi
ad factum » (Nul ne peut être contraint dans sa personne à faire ou ne pas faire quelque
chose) s’oppose à la contrainte comme mode d’exécution normal du contrat396.

Il s’agit là des erreurs de perspective. En réalité, on doit


reconnaitre de manière très large au créancier, le droit d’obtenir la condamnation de

395
P.WERY, l’exécution forcée en nature des obligations contractuelles non pécuniaires. Une relecture des
articles 1142 à 1144 du Code civil, préface, I.MOREAU, KLUWER éd, jurid Belgique, 1993, pp7b et s.

396
Voy notamment J.FLOUR et J-L. AUBERT, Droit civil. Les obligations, vol .I, Paris, P.COLIN, 6èd, 1994,
p.28.
185
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

son débiteur à s’exécuter en nature que l’obligation soit de donner, de faire ou de ne


pas faire.

Pour mieux comprendre cela, il faut faire la distinction entre la


condamnation elle-même et les suites à donner à l’inexécution de cette
condamnation au rang desquelles se trouve l’exécution forcée en nature.

L’article 40 ne s’oppose pas, en effet, à ce que le juge condamne


le débiteur à l’exécution de son obligation principale telle que convenue entre parties.
Car, il n’y a aucune contrainte dans le fait pour un juge de rappeler le débiteur à ses
devoirs, en le condamnant à s’exécuter en nature. Ce n’est qu’en cas de
désobéissance à l’injonction du juge que l’article 40 peut intervenir voir l’adage
« Nemo potest praecise cogi ad factum ». Et là, nous sommes au stade des voies
d’exécution à mettre en œuvre pour vaincre la réticence du débiteur plutôt qu’à celui
de la condamnation elle-même.

Dès lors, à la lumière des écrits du jurisconsulte


397
POTHIER auxquels on s’est inspiré pour rédiger les articles 40 à 42 (1142 à 1144
des Codes civils français et belge), l’article 40 doit se lire comme suit : « le débiteur
est condamné à exécuter en nature son obligation contractuelle de faire ou de ne pas
faire dans un certain délai, passé ce délai, il sera condamné, si l’inexécution est due à
sa faute, au paiement de dommages et intérêts.

On voit donc que les dommages et intérêts ne sont dus qu’à titre
subsidiaire lorsque l’obligation principale n’a pas été accomplie 398 du fait par exemple
que la chose à livrer a péri ou qu’elle n’a pas été livrée en temps utile pour le
créancier.

C’est au regard de cette relecture de l’article 40, pensons-nous,


qu’il convient d’aborder la problématique de l’exécution forcée en nature des
obligations contractuelles et non pas, comme le fait encore une certaine doctrine, en se
fondant sur la distinction entre les obligations de donner d’une part et celles de faire
d’autre part.

D’ailleurs, les articles 41 et 42 offrent au créancier d’autres


moyens d’exécution en nature des obligations lorsque l’exécution directe est devenue
impossible. Ils consistent pour le créancier à obtenir autrement satisfaction en se
passant de l’activité de son débiteur. C’est ce qu’on appelle « la contrainte par
substitution ». Celle-ci consiste au remplacement du débiteur soit par le créancier lui-
même, soit encore par une personne tierce qui exécutera l’obligation aux frais du
397
POTHIER, « Traité des obligations » in Œuvres de R.-J. POTHIER, contenant les traités du droit français,
416.
398
P.WERY, L’exécution forcée…op.cit, 1993, p.211
186
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

débiteur à moins qu’il s’agisse d’une obligation ayant un caractère purement


personnel. Cette technique prévue aux articles 41 et 42 de notre Code civil livre III est
aussi connue en droits belge et français. Mais, elle aboutit en pratique à une exécution
forcée en nature somme toute indirecte parce que le créancier est ici autorisé par la
justice à faire exécuter lui-même ou par un tiers l’obligation aux dépend du débiteur
(art 41 et 42). D’aucuns qualifient ce procédé de « remplacement judiciaire » entant
qu’il constitue une des multiples formes de la contrainte par substitution399.

Enfin, pour terminer ce point consacré à l’exécution forcée en


nature ou l’exécution directe, revenons un peu sur les voies d’exécution de la
condamnation elle-même ou les moyens de contrainte à exercer sur un débiteur
défaillant.

C. Les voies d’exécution de la condamnation ou moyens de contrainte.

Quelles solutions offre le droit congolais à un créancier victime


des manquements contractuels et qui souhaite obtenir une exécution forcée en nature ?

En se situant en aval de la décision judiciaire, on peut trouver


plusieurs solutions. Car, il y a des moyens de contrainte directs et des moyens de
contrainte indirects sans oublier que certains manquements contractuels constituent
des infractions pénales passibles de peines d’emprisonnement (par exemples : le délit
de grivèlerie, l’abus de confiance commis par un dépositaire indélicat).

Ainsi, font partie de moyens de contrainte directs, les saisies


(conservatoires et exécutoires du droit OHADA)400 ; l’injonction de payer401,
l’injonction de délivrer ou de restituer402, le recours à la force publique (grâce au titre
exécutoire), la faillite (insolvabilité d’un commerçant dont le crédit est ébranlé) et la
déconfiture (état d’insolvabilité d’un non commerçant). Tandis que les moyens de
contrainte indirects auxquels le créancier peut avoir à recourir sont notamment la
contrainte par corps( interdite en matière civile en fonction de l’article 61 al 6 de la
constitution), la menace d’action en résolution, l’exceptio non adimpleti contractus et
l’astreinte.

399
Les autres formes étant l’exécution manu militari de l’obligation et le jugement tenant lieu d’acte à
accomplir (art. 142 et 614 al3 du Code de la famille).
400
Font parties des saisies conservatoires en droit OHADA : la saisie conservatoires des biens meubles corporels.
La saisie conservatoire des créances ; la saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilieres ainsi
que la saisie –revendication. Les saisies exécutoires quant à elles comprennent : la saisie-vente ; la saisie-
attribution des creances ; la saisie appréhension et la saisie immobilière.
401
Art. 1er et SS de l’AUPSRVE.
402
Art. 19 et SS de l’AUPSRVE.
187
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Les autres procédés de contrainte (directs et indirects) étant


connus, arrêtons-nous un peu sur l’astreinte entant que pratique jurisprudentielle non
encore appréhendée par le législateur dans notre pays403.

 L’astreinte
Pour des plus amples détails sur cette question, on pourra se
référer à notre article intitulé : « L’astreinte, un procédé moderne de contrainte
méconnu en droit congolais. Contribution à l’étude d’un mécanisme susceptible
d’influer positivement sur le cours de la justice en République Démocratique du
Congo »404.

Nous nous limiterons simplement ici à l’analyse de quelques


notions sur ce procédé, à savoir, la définition de l’astreinte, ses principaux caractères,
son champ d’application ainsi que ses conditions de débition.

1) Définition de l’astreinte.
Selon la définition qu’en donne J.VAN COMPERNOLLE
« l’astreinte est une condamnation accessoire et éventuelle à payer une somme
d’argent selon les modalités fixées par le juge et indépendamment de la réparation du
préjudice causé par l’inexécution de l’obligation, afin d’exercer une pression sur le
débiteur au cas où celui-ci n’exécuterait pas volontairement la condamnation
principale prononcée contre lui 405».

Cette définition jugée plus complète et plus précise contient


toutes les caractéristiques de l’astreinte qu’il importe d’examiner.

2) Caractères de l’astreinte.
L’astreinte est une condamnation accessoire à la condamnation
principale ; elle consiste au paiement d’une somme d’argent au créancier par le
débiteur défaillant ; elle est fixée par le juge ; elle remplit une fonction à la fois
comminatoire et punitive ; enfin, elle est différente des dommages-intérêts.

403
L’astreinte judiciaire parce que c’est d’elle qu’il s’agit reste encore une pratique jurisprudentielle dans notre
pays quand bien même la jurisprudence demeure elle-même divisée sur cette question. A l’exception de Ière
Inst.leo 12 juillet 1935, R.J.C.B, 1940, p 105 avec note E.F.Y…toutes les autres décisions sont contre la pratique
de l’astreinte (voy. KALONGO MBIKAYI, op.cit, p140). D’où notre plaidoyer pour la consécration de
l’astreinte en RDC. Toutefois, notons que l’astreinte judiciaire est consacrée en Belgique par la loi du 31 janvier
1980 et l’astreinte administrative par celle du 17 octobre 1990 modifiant l’article 36 des lois cordonnées sur le
conseil de l’Etat. Quant à la France, c’et la loi N°91-650 du 09 juillet 1991 qui organise l’astreinte judiciaire.
Tandis que la loi N°80-539 du 16 juillet 1980 consacre l’astreinte administrative. Elle a été complétée par la loi
N°95-125 du 8 février 1995 ouvrant la possibilité aux juges administratifs saisis de l’action principale d’assortir
leurs décisions d’injonction et d’astreinte.
404
MULENDA KIPOKE J-M. « L’astreinte… », in Cahiers Africains des droits de l’homme et de la démocratie,
16è année N°035 VOL.I Avril-juin 2012, pp 297-325.
405
J. VAN COMPERNOLLE, « L’ astreinte », in Rep. not. T. XIII, livre IV, Titre 6, 2006, p.36.
188
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- L’astreinte est une condamnation accessoire.


Le caractère accessoire de l’astreinte résulte de ce qu’elle est
conçue pour renforcer une condamnation principale prononcée par le juge sous
forme d’injonction et à laquelle le débiteur ne veut ou n’offre pas de se soumettre. Par
exemple, l’entrepreneur a été condamné par le juge à achever les travaux qu’il avait
interrompus et, malgré cette injonction, rien ne se fait. Le créancier sollicitera alors du
juge le prononcé d’une astreinte qui permettra le plus souvent de venir à bout de la
résistance du débiteur défaillant (en l’occurrence l’entrepreneur).

Comme on peut donc le remarquer, l’astreinte ne peut


accompagner qu’une « condamnation principale exprimée sous forme d’injonction et
non par une condamnation constituant une reconnaissance d’état (exemple un
jugement prononçant le divorce) ».

- L’astreinte est une condamnation à payer une somme d’argent.


C’est ici que l’astreinte revêt le caractère de « peine privée »
puisque le procédé consiste à condamner le débiteur à payer une somme d’argent dont
le montant devra varier selon son degré de résistance. Les hommes étant très sensibles
à ce qui touche à leurs avoirs, il suffit pense-t-on de frapper leurs portefeuilles pour
accélérer leur réaction c'est-à-dire, obtenir leur obéissance à l’exécution de l’obligation
principale.

- L’astreinte est fixée par le juge.


Etant une condamnation accessoire destinée à renforcer la
condamnation principale, l’astreinte ne peut être fixée que par le juge parce qu’elle
relève du pouvoir souverain de ce dernier. C’est ce qui ressort de l’article 1385 bis de
la loi belge du 31 janvier 1980 relative à l’astreinte et de l’article 33 de la loi française
du 09 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution.

- L’astreinte est un moyen de pression (une menace).


C’est la nature même de l’astreinte. En effet, contrairement aux
procédures d’exécution forcée proprement dites que constituent les saisies, l’astreinte
est un moyen de pression parce qu’elle agit sur la psychologie du débiteur sur qui pèse
la menace de payer un montant exorbitant au cas où il n’exécuterait pas volontairement
la condamnation principale prononcée contre lui.

Cette considération implique que l’astreinte soit différente des


dommages-intérêts. Car, ces derniers sont fixés à l’aune du préjudice subi alors que le
montant de l’astreinte dépend du degré de résistance du débiteur. Aussi, le juge peut-il
augmenter, réduire ou même supprimer la somme fixée suivant l’effet que produit
l’astreinte sur le comportement du débiteur (sauf en cas d’astreinte définitive dont le
montant est pratiquement incompressible).
189
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

La nature comminatoire de l’astreinte n’ayant donc rien de


commun avec les dommages et intérêts, l’astreinte peut ainsi se combiner avec ces
derniers406 lorsqu’il y a lieu de réparer également le préjudice causé au créancier du fait
de l’inexécution de l’obligation principale.

Et c’est ici l’occasion de noter qu’en tant que moyen de pression,


l’astreinte ne viole pas l’autorité de la chose jugée de la décision principale qu’elle
vient, du reste, renforcer en augmentant ses possibilités d’exécution. En effet,
l’astreinte ne permet pas de revenir sur la décision principale dont le verdict demeure
acquis. Elle accompagne seulement la condamnation principale exprimée sous forme
d’injonction et elle peut être fixée soit anticipativement à une exécution conjecturée,
soit à la suite de cette inexécution 407. Bref, l’astreinte est une sanction de l’injonction
du juge. Elle n’a rien à voir avec l’autorité de la chose jugée attachée à cette injection.

-L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.


Voir ce qui est dit ci-haut à propos de la nature comminatoire de
l’astreinte.

3) Champ d’application de l’astreinte.

Longtemps confiné aux obligations de faire et de ne pas faire, le


champ d’application de l’astreinte est aujourd’hui devenu particulièrement vaste.
Le procédé a connu un essor considérable au point qu’il peut être utilisé pour assurer
l’exécution de toute obligation quelle qu’en soit l’objet. Ainsi, l’astreinte peut être
utilisée aussi bien pour les obligations de faire (achever un travail), de ne pas faire
(interdiction de vendre tel objet), que pour les obligations de donner (livrer un
document). Bref, toutes les fois qu’il s’agit d’amener le débiteur à respecter
l’injonction lui adressée par le juge.

Un bémol cependant. L’astreinte ne peut, en droit belge, être


utilisée pour conforter une condamnation ayant pour objet le paiement d’une somme
d’argent, ni contre une obligation se rapportant à l’exécution d’un contrat de travail
(art. 1385 bis du Code Judiciaire belge).

Quid alors des conditions de débition de l’astreinte ?

4) Conditions de débition de l’astreinte.

Trois conditions doivent être remplies pour qu’un débiteur soit


condamné à une astreinte.

406
Art. 1385 bis du Code judiciaire belge et 34 de la loi française du 9 juillet 1991.
407
I.MOREAU-MARGREVE, « l’astreinte », annales de liège 1982, pp 43 et s.
190
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il faut d’abord qu’il y ait une décision de justice formant une


condamnation principale, ensuite, cette condamnation principale ne doit pas être
volontairement exécutée par le débiteur, enfin, il faut une intervention du juge
prononçant une condamnation accessoire devant renforcer la condamnation
principale.

A noter que le montant de l’astreinte judiciaire revient en


droits belge et français au bénéficiaire de la condamnation principale, en
l’occurrence, le créancier de cette condamnation. Ce qui suscite des critiques de la
part d’une certaine doctrine qui pense que l’astreinte aboutit à l’enrichissement
injustifié du créancier qui a ainsi la chance d’avoir un débiteur récalcitrant 408. Pour
pallier cette insuffisance, la solution souvent proposée est la mise en place d’un
nouveau système où le produit de l’astreinte pourrait être versé à l’Etat ou à un
organisme public.

Nous pensons qu’un tel système rendrait inefficace voire


inutile le procédé même de l’astreinte parce qu’il aboutirait à rembourser à l’Etat
ce qu’il aura déjà payé. Surtout lorsque la personne condamnée est une personne
publique. Aussi, sommes-nous favorables à un système mitigé où le produit de
l’astreinte serait partagé entre l’Etat et le créancier afin d’éviter de créer une
autre injustice et empêcher que l’Etat ne puisse récupérer par la main gauche ce
qu’il aura payé par la main droite.

II. L’exécution par équivalent ou en Dommages-intérêts (Art 44 à 45 du


CCCLIII).
Nous venions de voir qu’en cas d’inexécution par le débiteur de
son obligation, le créancier ne peut demander en premier lieu que l’exécution forcée en
nature, et ce n’est que lorsque cette exécution est vraiment impossible à réaliser, qu’il
peut se contenter des dommages-intérêts parce que ce qu’il a d’abord recherché en
concluant le contrat c’est l’accomplissement en nature de la prestation.
Dès lors, le débiteur engage sa responsabilité contractuelle en cas
d’inexécution préjudiciable au créancier. Comme on le verra plus tard, cette
responsabilité contractuelle n’est qu’un aspect de la responsabilité civile générale et
ses conditions de mise en œuvre ne sont pas totalement éloignées de celles de la
responsabilité aquilienne à savoir :

1. L’inexécution de l’obligation préjudiciable au créancier. Ce dernier en a la


charge de la preuve ;
2. Cette inexécution doit être provoquée par la faute du débiteur. Autrement-dit,
elle ne peut résulter d’un cas fortuit ou de force majeure ;

408
A. BENABENT, op.cit. p.365.
191
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

3. Le débiteur doit avoir été préalablement mis en demeure ;


4. L’inexécution ne doit pas avoir été couverte par une clause d’irresponsabilité.

Ces quatre conditions doivent être cumulativement remplies pour


que soit engagée la responsabilité contractuelle du débiteur. Sans doute, certaines de
ces conditions ont-elles déjà été examinées, tandis que d’autres ne le sont pas encore.
Nous nous proposons de revenir avec plus de détails sur les conditions non encore
examinées dans nos développements ultérieurs, particulièrement dans le titre consacré
à la responsabilité civile ou aquilienne. Contentons-nous simplement ici de parler des
dommages-intérêts (1), leur nature (2), les procédés de leur fixation par le juge (3), par
la loi, spécialement dans les obligations ayant pour objet une somme d’argent (4), et
enfin, des clauses contractuelles relatives à l’inexécution et aux dommages-intérêts (5).

1. Notion de dommages-intérêts.

Les dommages-intérêts représentent une somme d’argent que le


débiteur doit payer au créancier au titre de réparation du préjudice lui causé soit par
l’inexécution de l’obligation soit par le retard d’exécution de celle-ci. On dit alors
qu’il y a exécution par équivalent. Il s’agit donc pour le juge de placer, autant que
faire se peut, le créancier dans la situation où il se fût trouvé si son débiteur s’était bien
exécuté. Car tout comme en matière de responsabilité aquilienne, la réparation du
dommage doit être intégrale.

2. Nature des dommages-intérêts.

On distingue généralement deux sortes de dommages-intérêts à


savoir, les dommages et intérêts compensatoires et les dommages et intérêts dits
moratoires. Les premiers sont dus à la suite de l’inexécution de l’obligation par le
débiteur et ont pour but de remplacer, mieux de compenser l’inexécution ou le
manque d’exécution. (Impossibilité d’exécution ou dépassement du temps nécessaire
à l’exécution). De la sorte, ils ne peuvent être sollicités cumulativement avec
l’exécution en nature. C’est soit cette exécution, soit les dommages-intérêts et non les
deux à la fois.

Quant aux dommages- intérêts moratoires, ils sont payés en


raison du retard mis par le débiteur à s’exécuter et spécialement à partir du
moment où il a été mis en demeure par le créancier. Ces dommages-intérêts sont
donc redevables quand bien même le débiteur aurait exécuté son obligation. Car ce qui
est sanctionné ici c’est bien le retard d’exécution et non l’inexécution. Dès lors, les
dommages-intérêts moratoires peuvent être prononcés ensemble avec les dommages-
intérêts compensatoires et permettre ainsi au créancier de toucher une indemnité
calculée à double titre.
192
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Cependant, tout comme dans l’ordre de la responsabilité


aquilienne, la réparation en nature du dommage demeure la règle et l’allocation des
dommages intérêts (surtout compensatoires) l’exception.

Ainsi, une société fut déboutée de son action en dommages-


intérêts introduite à charge d’une firme venue installer une enseigne lumineuse sur le
toit de son immeuble. Alors qu’à la suite de la chute de cette enseigne pour mauvais
emplacement, la firme avait repris l’enseigne pour réparation en vue d’un replacement,
la société fit placer une autre enseigne par la firme concurrente et assigna la première
firme en dommages-intérêts représentatifs entre autre du coût de l’enseigne. Le
tribunal débouta la société demanderesse de son action au motif que la réparation de
l’enseigne était possible au dire de l’expert de même que son replacement. Que dès
lors, cette réparation et ce replacement devaient l’emporter sur les dommages-
intérêts409.

3. Procédés de fixation des dommages-intérêts par le juge.

a) Principe
La réparation du dommage doit en principe être intégrale. Ainsi,
le juge doit établir souverainement et avec précision, le montant des dommages
intérêts auxquels le créancier peut prétendre. Il s’agit là d’une question de fait qui
échappe au contrôle de la Cour de cassation.

b) Procédé
Bien entendu, il arrive au juge de procéder souvent à une
évaluation ex aequo et bono du préjudice lorsque le demandeur ne fournit pas des
éléments de base certains pouvant aider au calcul des dommages-intérêts. Mais, en
général il incombe au juge de tenir compte des éléments ci-après pour la fixation de
l’indemnité de réparation :

- Le préjudice moral et matériel comprenant le manque à gagner (lucrum


cessans) et les pertes subies (Damnum emargens) article 47 du CCCL III.
- Le préjudice actuel et futur à condition que ce dernier soit certain au jour du
jugement.

Il faut souligner que le préjudice purement éventuel c'est-à-dire,


celui dont la réalisation n’est pas certaine dans le futur ne peut être pris en compte, de
même que le préjudice indirect (ou préjudice par ricochet « art. 49 CCCL III ») et le
préjudice impossible à prévoir (celui qui n’a pas été prévue de bonne foi par les parties

409
Tribunal de commerce de Liège 10 mars 1993, RDC-, 1994, p.462.
193
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

art. 48 CCCL III410). Le caractère prévisible du dommage concerne sa qualité et non


son existence. Enfin, les dommages-intérêts sont évalués au jour du prononcé du
jugement.

4. Régime spécial des obligations de somme d’argent (Art. 51 du CCCL


III)
On doit avant tout signaler ici que lorsque l’obligation non
exécutée est une obligation de somme d’argent, l’exécution en nature est toujours
possible en vertu du principe : genera non pereunt. Mais, les dommages-intérêts visés
dans ce point concernent surtout les dommages-intérêts moratoires (et non
compensatoires) qui sanctionnent le retard d’exécution.

a) Solutions de l’article 51 du Code civil.


Contrairement à la solution proposée pour la fixation des
dommages-intérêts moratoires par le Code Napoléon, lequel propose que ces
dommages soient calculés suivant un taux fixé par la loi (taux légal, fixe et invariable),
l’article 51 énonce que dans les obligations ayant pour objet le paiement d’une somme
d’argent, les dommages-intérêts résultant d’un retard d’exécution sont fixés suivant un
taux fixé par le juge en fonction du taux moyen courant de l’argent. La fixation de
ce taux par le juge implique qu’en R.D.C, ce taux constitue un forfait fixe et invariable
déterminé par la justice (D’où on parle chez nous des intérêts judiciaires fixés à 6% en
matière civil et 8% en matière commerciale) alors qu’en France et en Belgique, il est
légal (ainsi parle-t-on ici des intérêts légaux).

L’article 51 énonce que ces intérêts sont dus au jour de la


demande sauf exception. (Voir aussi dans le même ordre, les articles 329 alinéa 4, 502
et 537). Enfin, les dommages-intérêts judiciaires ne peuvent être alloués d’office par le
juge en dépit de la mise en demeure faite par le créancier. Il faut une demande
expresse de ce dernier formulée soit dans son exploit introductif d’instance
(assignation par exemple), soit dans ses conclusions. Le créancier n’a donc pas à
prouver le dommage subi (art. 51 al2), mais plutôt le retard d’exécution.

b) Dommages-intérêts conventionnels.
L’article 51 n’est pas d’ordre public. Aussi, les parties peuvent-
elles y déroger en supprimant l’exigence de la mise en demeure préalable tout comme
elles ont la liberté de stipuler un taux d’intérêt distinct du taux judiciaire. C’est ce
qu’on appelle l’intérêt conventionnel (art. 480 CCCL III).

Pour protéger le débiteur contre l’usure de certains créanciers,


beaucoup de pays ont tendance à réglementer même le taux d’intérêts conventionnel.
410
Exemple d’un préjudice indirect : une personne s’absente de son travail et se trouve révoquée par son
employeur. Si quelques jours après, il tombe malade et meurt, sa famille ne peut interpréter cette mort comme
étant imputable à son employeur ni solliciter réparation de la part de celui-ci.
194
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

c) L’anatocisme ou la capitalisation des intérêts (art. 52)


Le législateur Congolais n’interdit pas de payer les intérêts sur
les intérêts dus (capitalisation des intérêts échus). Néanmoins, il soumet cette
opération à une stricte réglementation. L’article 52 du Code énonce à cet effet que : «
les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts ou par une demande
judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit
dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».

La capitalisation des intérêts échus est donc autorisée soit en


vertu d’une convention, soit en vertu d’une demande en justice (acte invitant le
débiteur à payer les intérêts sur les intérêts dus) à condition qu’il s’agisse des intérêts
dus et échus au moins pour une année entière (art. 2 CCCL III). Dès lors, la
capitalisation mensuelle, bimensuelle, trimestrielle, quadrimestrielle et semestrielle des
intérêts échus est interdite.

Cependant, l’article 53 ajoute que les revenus échus comme les


fermages et les loyers produisent des intérêts non pas pour une année, mais au jour de
la demande ou de la convention.

Il s’agit là bien entendu, d’une exception au principe ci-haut


énoncé. En effet, les loyers et les fermages constituent des créances périodes et ne sont
pas des intérêts d’un capital susceptibles de s’ajouter à celui-ci. De la sorte, ils peuvent
produire des intérêts au jour de la demande ou de la convention d’autant que leur
capitalisation ne présente pas des dangers similaires à ceux des intérêts.

Depuis l’arrêt de la Cour de Cassation belge du 27 février 1930,


la jurisprudence admet également l’inapplicabilité de l’article 52 du Code civil à la
capitalisation des intérêts en compte courant 411. Il s’agit là d’une simple coutume
commerciale. Mais, l’article 52 reprend son application à la clôture du compte412.

5. Les clauses contractuelles relatives à l’inexécution.

Les dommages-intérêts dus par le débiteur en cas d’un


manquement contractuel (l’inexécution ou le retard d’exécution) ne sont jamais fixés
que par le juge. Les parties peuvent à l’avance les déterminer soit dans un article du
contrat (raison pour laquelle la doctrine qualifie cela de « clause »), soit dans une
convention distincte, destinée à être intégrée dans le contrat de base.

Le procédé permet, comme le souligne H. DE PAGE, de


« supprimer l’examen de quantité des questions souvent complexes et très délicates413,

411
Pas. 1930, I, 129, Procedé des concl. AV. gén. Sartini vandin KERCKHOVE.
412
Bruxelles 8 mai 1990, J.T, 1990, 675, J.L.M.B, 1990, 1255 ; MONS, 1er déc. 1994, J.T ; 1995, 650 ; Civ.liège,
16 sept 1987, JLMB, 1989, 406, obs.C. PARMENTIER.
413
H. DE PAGE, Traité, t.3, 1967, p.154.
195
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

particulièrement, des contestations sur l’indemnisation éventuelle à laquelle le


créancier peut prétendre en cas de défaillance du débiteur.

Les clauses contractuelles relatives à l’inexécution du débiteur


sont nombreuses. Certaines sont destinées à protéger le créancier (clauses pénales,
clauses résolutoires expresses, clauses de remplacement unilatéral, clauses relatives à
l’exception d’inexécution) ; d’autres assurent la protection du débiteur (clauses
limitatives de responsabilité, clauses exonératoires ou élusives de responsabilité, etc.).

Nous nous limiterons à n’examiner ici que trois de ces clauses :


les clauses pénales, les clauses limitatives de responsabilité et les clauses de non
responsabilité.

A. La clause pénale (art. 50 et 124 à 131 du CCCL III).

1. Définition
La clause pénale est celle par laquelle les parties fixent à
l’avance le montant forfaitaire des dommages -intérêts à payer par le débiteur en cas
d’inexécution.

Le vocable « pénale » est une expression du droit pénale utilisée


malencontreusement ici en droit civil non pas pour designer « une amende ou une
privation de liberté » mais une « indemnité » due par le débiteur en raison d’un
manquement au contrat.

2. Caractères de la clause pénale.

D’ordinaire la clause pénale présente quatre caractères : elle est


nécessairement conventionnelle, elle a un caractère accessoire, elle tient lieu de
dommages-intérêts et, enfin, la clause pénale constitue un forfait.

-
Le caractère conventionnel de la clause pénale.
Qu’elle se présente sous la forme d’un article du contrat ou celle
de la convention additionnelle au contrat de base, la clause pénale doit résulter d’une
convention, c'est-à-dire, d’un accord de volontés entre parties à savoir, le créancier et
le débiteur. Les Cours et Tribunaux sont ainsi appelés chaque fois à veiller à ce
caractère conventionnel qui implique également que la clause fasse partie du champ
contractuel414.

Ainsi, les clauses qui ne figurent que sur les factures établies
postérieurement et unilatéralement par le créancier sont inopposables au débiteur415.

414
M. COLTEL, éléments…, 1999, pp.45-49.
415
Liège 21 nov. 2000, RRD., 2000, pp 483.
196
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

-Le caractère accessoire de la clause pénale.


La clause pénale est appelée à réparer l’inexécution d’une
obligation incombant au débiteur. Dès lors, elle constitue une convention accessoire de
cette obligation qui est qualifiée de principale 416. Le sort de la clause pénale dépendra
donc de la validité de cette obligation principale. Si elle est déclarée nulle, la clause
pénale sera également marquée du sceau de la nullité en vertu du principe selon lequel
« l’accessoire suit le principal ». Par contre, la nullité de la clause pénale n’entraînera
pas celle du contrat de base (l’obligation principale). Voyez donc pour cela l’art 125
du CCCL III. Enfin, la clause pénale devient inefficace si l’obligation principale est
anéantie.

-Le caractère indemnitaire de la clause pénale.


La clause pénale tient lieu de dommages-intérêts. Cela veut dire
que le débiteur ne sera condamné au paiement de la clause que dans le cas où il devait
être condamné à des dommages intérêts au profit du créancier. Et les conditions de
débition des dommages intérêts devront, dès lors être accomplies à savoir :

- L’inexécution ou le retard d’exécution imputable au débiteur (hormis le cas de


force majeure) ;
- La mise en demeure préalable du débiteur (art 128).

Le préjudice ayant été présumé et évalué à l’avance, le créancier


ne peut ici être contraint de le prouver. En d’autres termes, la clause pénale dispense
le créancier de faire la preuve du préjudice et de son montant qui se trouvent déjà
présumés.

L’article 126 porte que le créancier a toujours le droit de


poursuivre l’exécution en nature lorsqu’elle est encore possible. Et c’est ne que dans le
cas où cette exécution ne peut avoir lieu que le créancier pourra se contenter des
dommages intérêts. Cette précision légale signifie que le créancier n’est pas autorisé de
poursuivre en même temps l’exécution directe de l’obligation ainsi que le paiement
des dommages-intérêts sauf si ces derniers se rapportent au retard d’exécution (art. 127
al2 du CCL III).

On s’est demandé si en plus de sa nature indemnitaire la clause


pénale ne peut pas poursuivre également une fonction comminatoire.

Les avis sont partagés en Belgique entre la jurisprudence qui


confère à la clause pénale un caractère purement indemnitaire 417 et la doctrine qui
considère ce point de vue comme trop restrictif 418 étant entendu qu’en vertu de la

416
H DE PAGE, Traité, t, 3, 1987, p.152, n°117
417
Cass., 17 avril 1970, I, p.545. ,J .T, 1970, p.545, RJCB, 1972, p.545, note I. MOREAU-MARGREYE. Pour
la Cour de cassation belge, la clause ne peut remplir qu’une fonction indemnitaire.
197
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

liberté contractuelle, les parties peuvent donner à la clause pénale une nature
coercitive.

Quoi qu’il en soit, la loi belge du 23 novembre 1998 est venue


confirmer le point de vue de la jurisprudence en reconnaissant à la clause pénale une
nature essentiellement indemnitaire. Le nouvel article 1266 du Code civil introduit
sous l’impulsion de cette loi définit la clause pénale comme « celle par laquelle une
personne s’engage à payer, en cas d’inexécution de la convention, une
compensation forfaitaire pour le dommage éventuellement subi par suite de la dite
inexécution ». C’est la reconnaissance explicite du caractère indemnitaire de la clause
pénale.

Quant à la France, la doctrine et la jurisprudence s’accordent


pour admettre que la clause pénale peut avoir une nature coercitive au-delà de sa
fonction indemnitaire. Une maxime solennelle de l’arrêt de la Cour de Cassation
française l’a affirmé en des termes on ne peut plus clairs : « la clause pénale n’a pas
pour objet exclusif de réparer les conséquences d’un manquement à la convention
mais aussi de contraindre le débiteur à exécution »419.

Personnellement, je suis d’avis que la clause pénale peut


jouer selon le cas, une fonction indemnitaire ou comminatoire : indemnitaire
lorsqu’il s’agit de réparer le préjudice causé au créancier du fait de
l’inexécution ; comminatoire, lorsqu’il est question d’inciter le débiteur à
l’exécution de son obligation, surtout quand le montant de la clause pénale est
élevé. Le débiteur devra dans ce cas préférer d’exécuter l’obligation que subir la
« peine »

Ce point de vu semble d’ailleurs être partagé par KALONGO


MBIKAYI qui soutient que « A première vue, la clause pénale apparaît comme un
moyen de contrainte sur le débiteur. En réalité tel n’est pas l’effet essentiel de la
clause pénale ». Ceci laisse donc penser que pour cet auteur, la clause pénale peut
produire tantôt un effet essentiel qui est indemnitaire ; tantôt, un effet subsidiaire qui
est coercitif.

-
Le caractère forfaitaire de la clause pénale.
La clause pénale étant généralement définie comme une
convention sur les dommages-intérêts à devoir par le débiteur en cas d’inexécution ou
d’exécution tardive de l’obligation lui incombant, point n’est besoin d’affirmer qu’elle
repose sur le paiement d’une indemnité compensatoire. Cette indemnité fixée à

418
I.MOREAU-MARGREVE, « Une institution en crise : la clause pénale » RCJB., 1972, p.549 et s ;
VANRYN « nature et fonctions de la clause pénale selon le Code civil », J.T., 1980, p.557 et s ; P.VAN
OMMESGHE, « Examen », R.C.J.K, 1975, pp.543 et R.C.J.B, 1986, pp.229-230.
419
Cass. Com, 24 janvier 1991, Bull, IV, n°43. Voy. aussi dans le même sens A. BENABENT, op. cit, p. 171.
198
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’avance et de façon définitive est un forfait, c'est-à-dire, un montant invariable


que le juge ne peut, en principe, modifier (augmenter ou diminuer) quand bien
même il trouverait le chiffre insuffisant ou excessif (article 50 du Code civil livre
III). Sauf :

- Lorsque l’obligation a été exécutée en partie (art 129 du CCCL III)


- Lorsqu’il y a dol ou faute lourde du débiteur. La jurisprudence admet dans ce
cas qu’il soit alloué une indemnité dépassant le montant du forfait420.
- Lorsque le montant de l’indemnité est tellement insignifiant au point de
ressembler à une clause de non responsabilité. Le juge peut être admis dans ce
cas à augmenter le montant voire l’annuler.

1. Variétés de clauses pénales


La rédaction des clauses pénales étant, en vertu de la liberté
contractuelle, abandonnée à la volonté des parties, la gamme de clauses pénales
enregistrées à ce jour est très large421.

- Certaines se bornent à fixer le montant des dommages-intérêts à payer par le


débiteur en cas d’inexécution totale ou partielle de l’obligation. Exemple, la
clause pénale relative à la renonciation unilatérale fautive à la convention
comme la clause pénale ayant trait à l’annulation de la commande par le client.
- D’autres établissent les intérêts moratoires payables en cas de retard
d’exécution.
- D’autres encore prévoient une majoration forfaitaire de tant de pour-cent du
montant de la facture en cas de non-paiement.
- Enfin, certaines clauses pénales peuvent avoir une portée générale. Elles visent
dans ce cas à sanctionner le manquement à l’obligation contractuelle par le
débiteur.

Quant aux modalités de détermination du forfait conventionnel,


elles peuvent se faire de manières très différentes.

- La plupart de fois, les clauses se limitent à indiquer le montant dû par le


débiteur en cas de défaillance ou de faute (exemple 50.000Fc, 100.000Fc, etc.)
- D’autres font recours à la technique des pourcentages.
- Enfin, certaines clauses prévoient que lorsque le vendeur décide de résoudre le
contrat à la suite de l’inexécution par l’acheteur de ses obligations « les
acomptes versés pourront être conservés (à titre de dommages-intérêts ».

420
P.WERRY « Chronique » RCJB, 1998, p.228.
421
Dans son intéressant ouvrage intitulé Technique contractuelles J.M MOUSSERON donne des enseignements
très importants sur la rédaction des clauses pénales sous le titre très évocateur « La construction de la clause
pénale », (voy.J-M -MOUSERON, Techniques contractuelles, 2èd, Ed. Francis le Febvre, 1999, p.539 et s)
199
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il faut signaler qu’en ce qui concerne la clause de dédit, la


jurisprudence congolaise estime qu’elle fait partie des clauses pénales 422 alors que pour
la jurisprudence et la doctrine belge, la clause de dédit est différente de la clause
pénale en ce qu’elle représente une somme d’argent que le débiteur accepte de payer
en contrepartie du droit que lui est reconnu de se retirer, quand il veut, du
contrat. La clause de dédit n’est donc pas, pour ainsi dire, une sanction d’un
manquement contractuel. Elle est le prix ou la contrepartie du droit reconnu au
débiteur de mettre un terme anticipativement au contrat.

La Cour de cassation belge a confirmé cette différence dans son


arrêt du 22 octobre 1999 ainsi libellé : la clause pénale est la compensation des
dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation
principale (…) que ne saurait dès lors, être une clause pénale au sens de l’article 1229,
la stipulation conventionnelle d’une somme d’argent qui ne constitue pas la réparation
d’un dommage subi, mais une contrepartie d’une faculté de résiliation unilatérale
prévue par le contrat423.

Et la Cour ajoute qu’il n’appartient pas au juge dans une clause


de dédit, d’apprécier le rapport entre le montant convenu (indemnité de dédit) et le
dommage susceptible d’être causé par cette résiliation unilatérale 424. Cette
considération implique donc que le juge ne puisse réduire une clause d’indemnité de
dédit au motif que son montant excède manifestement le dommage potentiel de
résiliation unilatérale.

B. La clause limitative de responsabilité.

La clause limitative de responsabilité est celle par laquelle les


parties prévoient un plafond maximal des dommages-intérêts payables par le débiteur
en cas d’inexécution ou de retard d’exécution. Contrairement à la clause pénale qui
constitue un forfait, la clause limitative de responsabilité peut donc être réduite par le
juge à un montant inférieur au plafond en cas de préjudice estimé moins grave.

La validité de clauses limitatives de responsabilité n’est pas


sujette à caution. Toutefois, ces clauses peuvent être interdites dans les trois cas
suivants :

- Lorsque le dommage est causé à la personne physique ;


- Lorsqu’il y a dol ou faute lourde du débiteur parce qu’il est interdit au débiteur
de s’affranchir des conséquences dommageables de sa faute dolosive ;

422
Elis, 25 septembre 1915 et 6 nov. 1915, jur.col 1926
423
Css., 22 octobre1999, RCJB, 2001, p.103 note I.MOREAU MARGREVE, JLMB 2000, p476, Bull, Cass.,
1999, p.1373, RDC 2000, p.181
424
Alors que dans une clause pénale, le juge doit toujours apprécier le rapport entre le montant de la clause
pénale et le préjudice causé au créancier par l’inexécution de l’obligation (voir l’arrêt du 22 oct. 1999 précisé).
200
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Lorsque le montant du plafond fixé est tellement réduit.

C. La clause exonératoire de responsabilité.

1. Vue d’ensemble

Peut-on admettre qu’en vertu du principe de la liberté


contractuelle, les parties puissent exonérer antérieurement le débiteur de sa
responsabilité contractuelle en cas d’inexécution ou de retard d’exécution de son
obligation ?

Les lois étrangères ont tenté de régler cette situation dans


certains cas et la jurisprudence admet la validité des clauses exonératoires de
responsabilité moyennant quelques exceptions.

En RDC, la question n’a pas de solution bien tranchée. Le


législateur a pris soin de régler cette question en interdisant de s’exonérer totalement
ou partiellement par contrat de sa responsabilité (voir l’article 2 et 3 du décret du 30-3-
1931 relatif à la responsabilité des transporteurs). Mais, pour la jurisprudence, la
validité des clauses exonératoires de responsabilité contractuelle soufre diverses
exceptions :

- Il est interdit au débiteur de s’exonérer en cas de dol et de faute lourde425 ;


- Lorsque l’existence d’une telle clause risque d’anéantir l’essentiel de
l’obligation contractée par le débiteur en le vidant de son contenu (ce dernier ne
peut être exonéré). Exemple, l’obligation de l’architecte.
- En cas de dommage causé à l’intégrité physique.

3. Appréciation personnelle.

Les développements précédents relatifs à la clause élisive de


responsabilité contractuelle démontrent la difficulté du problème. A la vérité, les
clauses de non-responsabilité favorisent la négligence du débiteur qui risque de
ne pas accomplir ses obligations comme il se doit. Mais, le juge ne doit pas rejeter
en bloc ces clauses et devra vérifier dans chaque cas si elles affectent l’obligation
ou les obligations essentielles du débiteur (accomplir un travail quelconque, livrer
une chose etc.). Dès lors, lorsque la clause affectera l’une d’elles au point
d’amener le débiteur à ne pas prendre au sérieux son engagement, elle ne pourra
être considérée comme étant valable. Dans le cas contraire, particulièrement

425
Sur l’assimilation dol-faute lourde, voy. KALONGO MBIKAYI, op.cit, p. 149 et toutes les références
jurisprudentielles reprises à cet effet.
201
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

lorsque la clause de non-responsabilité se rapportera à une obligation non


essentielle sa validité ne sera donc pas remise en cause.

4. Confusion à éviter.

On évitera de confondre la clause de non-responsabilité et


l’assurance de responsabilité. La première fait disparaitre l’obligation du débiteur, la
seconde a pour effet de déplacer l’obligation (qui ne disparaitra pas) de la tête du
débiteur (assuré) à celle de l’assureur moyennant paiement d’une prime (par l’assuré).
202
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE V : EFFETS DU CONTRAT A L’EGARD DES TIERS


Introduction
Poursuivant notre étude sur la vie du contrat, nous allons
présentement examiner les effets produits par celui-ci à l’égard des tiers, c’est-à-dire,
des personnes qui n’en sont pas parties. L’énoncé parait à première vue paradoxal
d’autant que, dans nos développements précédents, nous n’avons cessé d’insister sur le
fait qu’un contrat ne produit ses effets qu’entre ceux qui l’ont voulu, mieux, entre ceux
qui, usant de leur liberté contractuelle, ont manifestement exprimé leur volonté de
s’engager. De la sorte, les tiers ou les personnes étrangères au contrat ne peuvent, en
principe, se prévaloir des effets (surtout internes) de celui-ci.

Mais, avons-nous dit, les tiers ne doivent pas totalement ignorer


l’existence du contrat qui, soit dit en passant, est appelé à s’intégrer dans le commerce
juridique et constitue à ce titre, une réalité sociale qui s’impose aussi à eux.

C’est la problématique des effets du contrat vis-à-vis des tiers


que nous allons aborder dans les développements suivants, lesquels seront pour des
raisons de commodité, subdivisés en deux sections correspondant au plan de ce
chapitre à savoir :

- Le principe de la relativité des conventions (section I)


- Les exceptions au principe de la relativité des conventions (section II).

Section I : Le principe de la relativité des conventions.

§1. Explication du principe.


Il ne suffit pas de connaitre les effets juridiques qu’un contrat
doit normalement produire (transférer la propriété d’un bien, donner lieu à une
indemnité de réparation du préjudice en cas d’inexécution ou de retard d’exécution,
etc.). Encore faut-il en déterminer la portée et le champ d’application, autrement-dit,
les personnes auxquelles ses effets seront appliqués.

D’ordinaire, le contrat ne produit ses effets qu’entre les parties


contractantes. C’est le principe de la « Relativité des conventions » énoncé à l’article
63 du Code civil livre III en ces termes : « les conventions n’ont d’effets qu’entre les
parties contractantes ; elles ne nuisent pas au tiers et elles ne lui profitent que dans les
cas prévus par l’article 21 ».

Il s’agit là, en réalité de la traduction du vieil adage latin : « Res


inter alios acta aliis nec (ou neque) prodesse, nec nocere potest » que l’on peut
203
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

traduire littéralement comme suit : « une chose faite entre d’autres ne peut ni profiter,
ni nuire à d’autres que ceux qui l’ont faite.»

C’est donc normal. Les tiers ne peuvent pas, en principe, se voir


opposer les effets internes d’un contrat qu’ils n’ont pas voulus. Ça serait là un coup
porté contre le principe de l’autonomie de la volonté ou de la liberté contractuelle.

Mais, les parties entendent tout de même opposer aux tiers les
effets qu’un contrat a produit entre elles afin qu’ils puissent aussi les respecter car le
contrat demeure, après tout, un fait social, une réalité sociologique426.

C’est pourquoi tenant compte de tous ces éléments, la doctrine


moderne a distingué s’agissant des effets du contrat, deux notions : la notion de la
relativité et celle de l’opposabilité.

La relativité s’attache aux effets internes de la convention et


l’opposabilité aux effets externes.

Ainsi, quand on parle de la relativité des conventions on vise les


effets internes de ces conventions qui ne peuvent être opposés aux tiers entant que
personnes étrangères à celles-ci. Tandis qu’en ce qui concerne les effets externes, on
parlera plutôt de l’opposabilité (des effets externes) du contrat pour signifier que les
tiers ne peuvent ignorer l’existence du contrat, lequel participe au commerce juridique
entant que réalité sociale créant une situation juridique opposable à tous427.

Cette précision nous conduit à la question de savoir qui est


réellement partie au contrat et qui peut être considéré comme tiers à celui-ci ?

§2. Les parties et les tiers au contrat.


On ne peut s’étonner de nous voir rechercher l’intelligence de
l’expression « parties au contrat » dans ce chapitre alors qu’il en aurait été plutôt
question au chapitre précédent (effets du contrat entre parties). Cette approche est
justifiée par la nécessité de mettre côte à côte les notions de « parties » et de « tiers »
au contrat afin de les étudier ensemble car l’impact pédagogique en est, à n’en point
douter, indéniable. Les étudiants appréhendent facilement les notions traitées
ensemble qu’éloignées. Par ailleurs, ces deux notions sont intimement liées au point
qu’on ne peut en concevoir une étude séparée. En effet, une personne peut être à la fois
partie à un contrat et tiers à un autre. En témoigne, le contrat de sous-traitance dans
lequel le sous-traitant est partie au contrat de sous-traitance conclu avec
l’entrepreneur principal et tiers par rapport au contrat conclu entre le maitre de

426
Cass, fr, civ. comm.19 oct.1954, D.S.1956, 78.
427
Ainsi engage sa responsabilité délictuelle et non contractuelle, un tiers qui se rend coupable de la violation par
une partie de ses obligations contractuelles (Voy. civ. 1927, D.P.1929, I, 131 ; 7 oct, D.1958, 763.)
204
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’ouvrage et l’entrepreneur principal. Cette situation se retrouve dans les autres


groupes et ensembles contractuels.

Cela étant, examinons donc ces diverses catégories de personnes en commençant par
les parties.

I. Les parties au contrat.


Le législateur n’a pas défini la notion de « parties », se limitant
chaque fois à ne parler que de « parties contractantes ». Peut être pensait-il qu’il
s’agit là d’une réalité qui tombe sous le sens et qui, de ce fait, n’appelle pas de
développements particuliers.

Pour la doctrine, le mot « partie » vient du verbe « partir »


entendu au sens de « partager ». Ainsi, la partie est la personne qui « prend part » au
contrat et à l’opération qu’il organise428.

En fait, la notion de partie est comme le souligne P. WERY, à la


fois relative et évolutive429. Relative, parce que, on l’a dit, une personne peut être en
même temps partie à un contrat et tiers à un autre, surtout dans les groupes et
ensembles de contrats. Mais la notion de partie est également évolutive dans ce sens
que les parties à la formation d’un contrat ne sont pas nécessairement celles qui
devront l’exécuter. Exemple, une personne qui contracte une dette n’est pas
nécessairement celle qui devra la payer. Elle peut mourir et ses héritiers seront obligés
de l’honorer après sa mort en leur qualité de continuateur de la personne du de cujus
(défunt). Par ailleurs, d’autres personnes non parties au moment de la conclusion du
contrat peuvent se rallier aux parties originaires et acquérir, par la suite, la qualité de
« parties » par un acte d’adhésion. Enfin, à la suite d’un acte de cession du contrat
(cession de créance, par exemple) une personne peut perdre sa qualité de « partie » au
contrat au profit d’une autre.

Il importe d’étudier ces différentes situations dans lesquelles


peuvent effectivement se trouver les parties afin de mieux appréhender la notion de
« parties contractantes ».

Ainsi, sont parties au contrat :

1) Les personnes qui ont pris part personnellement à la conclusion du contrat


ou qui y ont été représentées.

428
J.FLOUR, J-L. AUBERT-SAVAUX, op.cit., 2000, p.308.
429
P. WERY, op.cit, p.203.
205
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Les personnes qui ont personnellement participé à la conclusion


du contrat sont des parties au contrat parce que c’est de part leur accord de volontés
que celui-ci a pu voir le jour. Mais, la conclusion d’un contrat peut être marqué par la
présence de plusieurs autres personnes qui ont, soit authentifié l’acte (notaire par
exemple), soit aider les parties en leur prodiguant des conseils sur la manière de
rédiger l’acte (avocat ou conseiller juridique). Quand bien même leur apport serait
important dans la détermination de la structure contractuelle, ces diverses personnes
demeurent des tiers au contrat430.

Outre les personnes ayant pris part personnellement à la


conclusion du contrat, celles qui ont été représentées par autrui au moment de sa
conclusion, ont également la qualité de « parties contractantes ».

La représentation peut être légale (tuteur), conventionnelle


(mandat) ou judiciaire (séquestre judiciaire, curateur à une succession vacante).
Cependant, on distingue aussi en doctrine, la représentation parfaite et la
représentation imparfaite431.

Nous y reviendrons. Mais retenons, dès à présent, que dans la


première représentation qualifiée également d’immédiate, une personne agit au nom et
pour le compte d’une autre à qui incombent les effets juridiques de l’acte accompli
(cas du mandataire qui doit ainsi faire connaitre aux tiers avec qui il traite, sa qualité
de représentant). Tandis que dans la représentation imparfaite ou médiate appelée aussi
mandat non représentatif, une personne agit pour le compte d’autrui, mais en son
nom propre. Elle cache ainsi aux tiers qui ont conclu des actes avec lui, soit sa qualité
d’intermédiaire (cas du prête-nom), soit le nom de la personne pour qui elle agit (cas
du commissionnaire de droit commercial). Dans ce dernier cas, on parle d’une
représentation en deux temps, c’est-à-dire, après coup.432 Le représentant qui agit en
son nom personnel fait croire aux tiers contractants qu’il est titulaire des droits et
obligations envers eux. C’est en deuxième temps qu’il va transférer à la personne pour
le compte de qui il agit, la charge et les avantages de cette opération.

Enfin, les personnes morales de droit public ou de droit privé


agissent par l’intermédiaire de leurs organes (conseil d’administration ou
administrateur délégué). Ces organes ne sont pas des parties au contrat. Ce sont plutôt
des personnes morales pour le compte desquelles ils ont agi qui ont la qualité de
« parties contractantes ».

430
J.FLOUR J-L. AUBERT-SAVAUX, op.cit., 2000, p.308.
431
CH.LARROUMET, op.cit., t.III, 1990, pp.150 et s ; J. GHESTIN, avec le concours du M.BILLIAU, op.cit.
1992, pp.784 et s ; J. CARBONNIER op.cit, t .IV, 1994, pp.203-204.
432
J.FLOUR J-L. AUBERT-SAVAUX, op.cit., 2000, p.322.
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Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2) Les personnes devenues parties postérieurement à la conclusion du


contrat : parties substituées ou subséquentes433.

Nous avons dit que la notion de partie n’est pas statique. Elle
peut évoluer et permettre que certaines personnes qui étaient des « tiers au moment de
la formation du contrat deviennent des parties ». C’est le cas de :

- Ayants cause universel et à titre universel ;


- Personnes qui adhèrent à un contrat préexistant ;
- Cessionnaires d’un contrat.

- Les ayants cause universel et à titre universel.

Ce sont des héritiers ou des légataires qui continuent la personne


du défunt (de cujus). Les ayans cause universel et à titre universel reçoivent soit la
totalité (pour les premiers), soit une partie importante du patrimoine du défunt (pour
les seconds).

Le contrat conclu par le de cujus les intéresse car à sa mort ce


sont eux qui vont recueillir la succession de celui-ci en héritant du passif et de l’actif
de son patrimoine. De la sorte, ils ne sont pas des tiers au sens de l’article 63 au motif
que des tiers qu’ils étaient au moment de la formation du contrat ils deviennent des
parties en acceptant la succession de leur auteur.

Il faut signaler que même en acceptant la succession d’une


personne, les ayants cause universel et à titre universel ne deviennent parties au
contrat que pour l’avenir et non à partir du passé. Dès lors, les conditions de
validité du contrat ne s’apprécient que par rapport à la personne du de cujus au
moment où il a contracté434.

Quid alors des ayants cause à titre particulier ?

Tenant compte des prescrits de l’article 22 du Code civil selon


lesquels « on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à
moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention »,
certains auteurs ont cru voir là une façon pour le législateur d’inclure les ayants cause
à titre particulier parmi les parties au contrat. La raison en serait le transfert de
patrimoine qui, aux termes de la disposition précitée, devrait aussi se réaliser de plein
droit en leur faveur soit à la suite de la transmission entre vifs d’un bien (donation,
vente), soit pour cause de mort.

Cette interprétation est malheureusement combattue par la


majorité de la doctrine qui considère les ayants cause à titre particulier comme étant
433
Ces termes sont tirés de J.FLOUR, J-L AUBERT et SAVAUX, op.cit., 2000, p.317.
434
J.FLOUR, J-L AUBERT et SAVAUX, op.cit., 2000, p.317.
207
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des tiers au regard de l’article 63 du Code civil, mais des tiers d’un genre particulier
(sui generis).435

En effet, les ayants cause à titre particulier sont des personnes


qui acquièrent un bien ou un droit d’une des parties contractantes. (Exemples,
l’acheteur d’un immeuble, le cessionnaire d’une créance). Ils ne sont concernés par le
contrat passé par leur auteur que dans la mesure où ce contrat conclu antérieurement à
l’acquisition de leur droit ou bien a pour effet de modifier ou d’éteindre ce droit voire
de créer un autre droit sur le bien acquit.

De la sorte, si une personne vend un immeuble alors qu’elle a


auparavant conclu un contrat avec son voisin qui crée ou modifie les droits réels sur
cet immeuble, (exemple, une servitude de passage), l’acquéreur de cet immeuble peut
se voir opposer le contrat de son auteur.

De même, le cessionnaire d’une créance peut se voir opposer le


contrat antérieur dans lequel l’ancien titulaire (cédant) a modifié l’étendue ou les effets
de cette créance (par exemple, le taux d’intérêts).

Cependant, l’ayant cause à titre particulier, n’est pas tenue par


les effets des obligations personnelles ou propres à l’auteur du contrat et qui n’ont
aucune influence profonde sur la nature du droit acquis ou à acquérir. Ainsi,
l’acquéreur d’un immeuble n’est pas obligé de respecter le contrat de son auteur par
lequel il avait contracté une obligation purement personnelle de fourniture d’eau à un
voisin car il s’agit là d’un arrangement personnel qui n’engageait que l’auteur du
contrat.

Mais, la loi elle-même admet dans certains cas, que l’ayant


cause à titre particulier soit lié par le contrat de son auteur, même si celui-ci ne porte
pas atteinte à la nature du droit transmis ultérieurement (cas de l’article 399 du Code
civil où l’acquéreur d’un immeuble ne peut expulser avant l’expiration de son bail, le
locataire ayant, avant la vente, un bail à durée déterminée).

- L’adhésion à un contrat préexistant.

Une personne tierce au contrat peut devenir « partie » à celui-ci


par son adhésion libre et volontaire à la suite de sa conclusion. L’adhésion est donc un
acte unilatéral exprimant la volonté de son auteur de faire partie d’une convention à
la conclusion de laquelle il n’a pas participé. Le mécanisme existe dans beaucoup de

435
S.STIJNS, op.cit, in Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du Code civil, 2004, p, R.W,
1983, col 357.
208
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conventions ouvertes à de nouveaux venus (voir en cela le droit international public où


beaucoup de conventions sont ouvertes à l’adhésion de nouveaux Etats).

-Le cessionnaire d’un contrat.


En cas d’une cession contractuelle, si le cédant est déchargé
complètement par le cédé, le cessionnaire devient « partie » à ce contrat au détriment
du cédant. Il y a dès lors, transmission en bloc des droits et obligations découlant du
contrat initial du cédant au cessionnaire436.

3) Les personnes devenues parties au contrat en application de la théorie de


l’apparence
La personne qui est tenue par la confiance légitime qu’elle a
créée chez autrui peut être partie à un contrat 437 . Exemple, dans le contrat de mandat,
le pseudo-mandant qui, par son comportement, a laissé se développer l’apparence est
lié envers le tiers qui a traité avec le mandataire apparent (intermédiaire). Le contrat
naitra alors entre le pseudo-mandant et le tiers abusé.

II. Les tiers au contrat.


1. Définition.
Comme la notion de « partie au contrat », la notion « de tiers »
est également une notion relative et évolutive (voir à cet égard nos développements
antérieurs sur les termes « parties contractantes »). Cependant, elle peut se définir de
manière négative et on dira qu’est tiers : « toute personne qui n’est pas partie au
contrat et qui n’est même pas assimilée à celle-ci »438.

2. Catégories de tiers
On classe parmi les tiers :

- Les ayants cause à titre particulier ;


- Les créanciers chirographaires et tous les créanciers en général ;
- Les penitus extranei
- Les agents d’exécution
- Les préposés
- Les organes ou les mandataires du débiteur.

a. Les ayants cause à titre particulier.

Nous l’avons déjà dit, les ayants cause à titre particulier ne sont
pas considérés comme des parties au contrat parce qu’ils ne sont pas les continuateurs
de la personne de leur auteur. Ne devant pas recueillir la totalité ou une partie
436
P.A.FORIERS, op cit, 2006, p.27.
437
S.STIJNS, op.cit, in Le droit des obligations contractuelles et le bicentensire du Code civil, 2004, pp.199-200.
438
E.DIRIX, op.cit, 1984, 1186.
209
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

importante de la totalité du patrimoine du défunt, ils sont des tiers au sens de l’article
63 en dépit de la formulation générale de l’article 22 selon laquelle : « on est sensé
avoir stipulé pour soi ou pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne
soit exprimé on ne résulte de la nature de la convention ».

b. Les créanciers chirographaires et tous les créanciers en général.

On a pendant longtemps défendu l’idée selon laquelle les


créanciers des parties contractantes n’avaient pas la qualité des tiers en vertu du droit
de gage général qu’ils ont sur leurs biens (l’article 245 de la loi foncière).

Cette thèse est inexacte car les contrats passés par le débiteur
n’imposent aucune obligation au créancier qui voit seulement son droit de gage
général diminuer.

Ainsi donc, les créanciers d’un débiteur sont des tiers au contrat
passé par ce dernier et l’effet de ce contrat sur le droit de gage général n’est qu’un effet
indirect, mais important. Aussi, la loi accorde-t-elle aux créanciers soit l’action oblique
pour leur permettre de tirer profit des contrats passés par leur débiteur (art 64), soit
l’action paulienne pour rendre inopposables à eux, les contrats conclus par le débiteur
en fraude de leur droit (article 65). Quelque fois la loi accorde aux créanciers l’action
directe (cas de l’action du bailleur contre le sous-locataire).

c. Les pénitus extranei


Ce sont des personnes complètement étrangères à la convention.
Elles n’ont aucun rapport direct ou indirect avec celle-ci. C’est particulièrement cette
catégorie des tiers qui est visée par l’article 63.

d. Les agents d’exécution, les préposés, les organes et les mandataires du


débiteur.
C’est une catégorie particulière des tiers composée des personnes
qui sont chargées d’exécuter le contrat principal passé entre le créancier et le débiteur
principal. (Par exemple, le contrat d’entreprise conclu entre le maître de l’ouvrage et
l’entrepreneur).439 Ces agents d’exécution au sens large sont donc des tiers en rapport
avec la conclusion du contrat à laquelle ils n’ont pas participé. Mais en ce qui concerne
l’exécution, ils sont des parties à l’exécution de la convention. Ainsi, dans ce contrat,
ce sont les règles de la responsabilité contractuelle qui devront s’appliquer. Leur
responsabilité aquilienne ne pourra être engagée qu’en cas de faute et de dommage ne
relevant pas de l’exécution du contrat visé.

Section II : Les exceptions au principe de la relativité des conventions.


Vue d’ensemble
439
S.STIJNS, op.cit, in Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du Code civil, 2004, p.205.
210
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Dans cette section, nous allons étudier les dérogations au


principe de la relativité des conventions. Par dérogation au principe, on entend les cas
où un contrat, bien que ne produisant ses effets internes qu’entre parties contractantes,
peut créer un droit de créance au profit d’un tiers étranger. Il s’agit là des dérogations
qualifiées de positive, (cas de la stipulation pour autrui, « article 21 » et de l’action
directe instituée par le législateur en faveur de certains tiers pour les protéger, de la
simulation, de la représentation et des contrats collectifs). D’autres dérogations
sont qualifiées plutôt de négatives au principe de relativité des conventions parce
qu’elles tendent à examiner ou à se demander s’il est convenable qu’un tiers puisse se
trouver obligé contre son gré par un contrat auquel il n’a pas participé (cas de la
promesse pour autrui et de la promesse de porte fort). Mise à part l’action directe
qui sera examinée dans le cadre des garanties générales du droit de créance, nous
allons étudier ici toutes les autres dérogations précitées en précisant que parmi celles-
ci, certaines sont prévues par la loi (cas de la stipulation pour autrui, de la promesse
pour autrui, de la promesse de porte fort et de la simulation) tandis que d’autres
relèvent de la volonté des parties (cas de la représentation et des contrats collectifs).
Nous commencerons par examiner les dérogations positives pour terminer avec les
dérogations négatives.

§1. Les dérogations positives au principe de la relativité des conventions.440


Pour rappel, il s’agit des dérogations légales et conventionnelles
suivantes qui tendent à créer un droit au profit d’un tiers étranger à la convention :

- La stipulation pour autrui (art 21) ;


- La simulation (art 203) ;
- La représentation (dérog.conv) ;
- Les contrats collectifs (dérog.conv).

I. La stipulation pour autrui (art 21 du C.C. C.LIII)


Schéma
2

3 1

440
Les dérogations positives sont considérées comme des vraies dérogations par principe de la relativité des
conventions.
211
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1. Définition

La stipulation pour autrui est une opération triangulaire 441 dans


laquelle une personne (le stipulant) obtient de l'autre (le promettant) à faire où à
donner quelque chose au profit d'un tiers étranger (le tiers bénéficiaire). Ce dernier
devient ainsi créancier du promettant sans avoir été partie au contrat.

Ainsi, la stipulation pour autrui constitue une véritable exception


au principe de la relativité des conventions étant donné qu’à travers elle, le tiers
devient bénéficiaire d'un contrat auquel il n'a pas participé.

Le mécanisme est en lui-même une atténuation à l'interdiction


faite par le législateur d'engager passivement autrui (voir promesse pour autrui que
nous verrons en tant que dérogation passive au principe de la relativité des
conventions). En effet, après avoir déclaré à l'article 19 "qu’on ne peut, en général,
s'engager ni stipuler en son propre nom que pour soi-même", le législateur a vite fait
d'atténuer son propos en disant « qu'on peut pareillement stipuler au profit d'un tiers,
lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une
donation que l'on fait à un autre. Celui qui fait cette stipulation ne peut plus la
révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter » (article 21 du Code civil livre III).

Par ailleurs, la stipulation pour autrui n'est organisée, tant par le


Code Napoléon que par le Code civil lui-même que, dans des cas exceptionnels:
- lorsqu'elle est la condition d'une stipulation que l’on fait pour soi-même
(exemple: le vendeur d'un bien peut stipuler de lui verser une partie du prix de
la vente et une autre à un tiers).
- lorsque telle est la condition de la donation que l'on fait à une personne (cas de
la donation avec charge "donatio sub modo").
Mais, au fil du temps, surtout à partir du 19è siècle, la stipulation
pour autrui a connu une grande expansion et la jurisprudence postérieure au Code a
généralisé ses applications dans des hypothèses où le stipulant peut avoir même un
intérêt moral à la naissance d'un droit en faveur d'un tiers.

2. Illustrations pratiques 442


Le succès de la stipulation pour autrui étant, à l'heure actuelle,
très remarquable, ces applications sont devenues nombreuses. Parmi celles-ci, on peut
citer :

441
Opération triangulaire ne veut pas dire contrat tripartite
442
S. BAR, op.cit, commentaire pratique. Obligations, suppl. août 2002, II, 1.7-55 et 56.
212
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- l'assurance sur la vie en faveur d'un tiers bénéficiaire;


- l'assurance conclue par l'entreprise au profit de ses dirigeants ou de ses
successeurs universels;
- l’assurance pour le compte de qui il (un bien) appartiendra443
- la clause figurant dans un contrat de transfert conclu entre deux clubs de
football, qui prévoit le versement d'une indemnité de transfert au joueur
concerné444.

3. Les conditions de validité de la stipulation pour autrui.

La stipulation pour autrui doit à peine de nullité répondre à deux


types conditions cumulatives445.

- Les conditions requises pour tout contrat


- Les conditions propres à la stipulation

 Les conditions requises pour tout contrat.

Ce sont celles énumérées à l’article 8 du Code civil à savoir : le


consentement, la capacité, l’objet et la cause.

Ainsi, la stipulation pour autrui doit avoir un objet déterminé ou,


tout au moins déterminable car, la créance à naître au profit du tiers bénéficiaire doit
être précisée. Une stipulation consistant à un engagement de « faire un geste » en
faveur du tiers bénéficiaire sera donc simplement nulle.

De même, la cause de la stipulation ne peut être illicite ou


immorale car toute personne pourrait dans ce cas soulever la nullité de l’engagement
envers le tiers bénéficiaire et plus particulièrement le promettant.

 Les conditions de validité propres à la stipulation pour autrui.

On en énumère généralement quatre :

- La volonté du stipulant de faire naitre un droit de créance en faveur du tiers


bénéficiaire (élément intentionnel.) cette volonté doit, selon la doctrine, être
connue du promettant qui doit à son tour y adhérer car la stipulation pour autrui
est un contrat. Elle doit procéder d’une intention commune des parties, laquelle
doit être certaine446.

443
Elis, 7 février 1956, R.J.C.B, p.193
444
Liège, 26 juin 1996,, F.J.F, 1996, p.482.
445
Il convient de noter que la nullité de la stipulation pour autrui n’emporte pas celle du contrat de base, la
stipulation pour autrui étant un contrat accessoire à celui-ci.
446
H.DE PAGE, Traité, t-2, 1964, N°654 ; S.BAR, op.cit., Commentaire pratique. Obligations, suppl, sept.2005,
II. 1-7-57.
213
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il faut signaler que la stipulation pour autrui n’est pas à confondre avec, le fait
que le contrat est avantageux pour un tiers.
- La détermination du tiers bénéficiaire. Celui-ci peut être une personne présente
ou future (née ou à naitre). Par exemple, une assurance-vie au profit des enfants
nés ou à naitre du stipulant.447 La détermination du tiers bénéficiaire doit avoir
lieu au plus tard au moment où le droit de créance doit être mis en œuvre 448.
Sinon, la stipulation sera entachée d'une cause de nullité.

A noter que la stipulation pour autrui étant faite au profit du


tiers bénéficiaire, celui-ci ne doit pas être capable d'exercice pour bénéficier du droit
crée en sa faveur. Sauf lorsqu’il faut accepter ce droit.

- Le caractère accessoire de la stipulation pour autrui par rapport au contrat de


base (contrat stipulant-promettant). Ainsi, il n'ya pas de stipulation pour autrui
qui soit autonome ou indépendante.
- Le droit né de la stipulation doit être postérieur et non antérieur à celle-ci.

4. Effets de la stipulation pour autrui et les rapports entre les


différentes parties.

L’article 21 in fine déclare que « celui qui a fait cette stipulation


ne peut la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter ».

Il résulte de ces prescrits légaux que, pour le législateur, la


stipulation pour autrui ne produit que deux effets :

1. Le tiers a le loisir d’accepter ou de ne pas accepter la stipulation faite en sa


faveur.
2. Avant l’acceptation du tiers, le stipulant peut révoquer sa stipulation et la
destiner, par exemple à une autre personne.
Ce sont là, les deux effets légaux de la stipulation pour autrui qui
résulte de la lecture de l’article 21 du Code civil Congolais livre III. Toutefois, en tant
qu’une opération triangulaire donnant lieu à trois types de relation, la jurisprudence a
tenté de mieux expliciter ces relations en vue d’une meilleure compréhension de
l’institution.

Ainsi, nous examinons ces rapports dans l’ordre suivant :

- Rapports entre promettant et tiers bénéficiaire ;

447
S.BAR, op.cit, commentaire pratique. Obligation, suppl. Sept 2005, II.1.7-59
448
Le tiers bénéficiaires ne peut être ni mandant, ni maitre de l’affaire, ni ayant cause universelle ou à titre
universel du stipulant (S.BAR, Ibidem, 20005, II.1.7-58).
214
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Rapports entre promettant et stipulant ;


- Enfin, rapports entre stipulant et le tiers bénéficiaire.

a) Rapports entre promettant et le tiers bénéficiaire

C’est dans ce rapport que se manifeste l’originalité de la


stipulation pour autrui. En effet, l’élément essentiel de ce rapport est que dès qu’il ya
contrat entre stipulant et promettant, il se crée au profit du tiers bénéficiaire un doit de
créance propre, direct et immédiat et le promettant ne peut plus se dégager de ce
lien par sa seule volonté. Toutefois, ce droit n’a qu’un caractère précaire tant que le
tiers n’a pas déclaré vouloir en profiter puisque dans ce cas le stipulant peut toujours
révoquer la stipulation et la destiner à une autre personne.

Le droit de créance du tiers bénéficiaire est qualifié de propre et


direct parce que si celui-ci déclare tirer profit de la stipulation alors ce droit lui
appartiendra exclusivement et faira naître même à son profit une action directe contre
le promettant449. Le caractère exclusif de ce droit implique que les créanciers du
stipulant n’ont aucun droit sur la créance du tiers bénéficiaire, laquelle ne transite pas
par le patrimoine du stipulant (cas des créanciers du preneur d’assurance qui n’ont
aucun droit sur les prestations d’assurance dues au bénéficiaire)450 Il en est de même
des héritiers du stipulant qui ne peuvent avoir aucune prétention sur le droit du tiers
bénéficiaire au décès de leur auteur.

Enfin, le droit de créance du tiers bénéficiaire est un droit


immédiat parce qu’il prend naissance non pas au moment de l’acceptation du tiers
bénéficiaire, mais antérieurement à celui-ci, c’est-à dire, au moment de la conclusion
du contrat passé entre le stipulant et le promettant. L’acceptation ne vient que
consolider un droit déjà acquis, autrement-dit, elle vient augmenter l’efficacité de la
stipulation pour autrui en privant le stipulant de sa faculté de révoquer la stipulation451 .
A noter que la stipulation pour autrui sert de palliatif à l’absence
de cession de dette dans notre droit et dans les droits qui nous ont toujours inspiré
parce qu’elle peut être faite solvendi causa (si le stipulant est débiteur du tiers
bénéficiaire et qu’il veut payer sa dette envers ce dernier, alors il va demander au
promettant de s’obliger envers le tiers bénéficiaire ce qui correspond à une certaine
cession de dette). Toutefois, bien qu’elle soit autorisée par la loi (art 21 du CCCLIII),

449
Léo, 14 mai 1957, RJCB, p.365 ; Elis 7 février 1956, RJC. B, P 193, 1ere Institution. L’shi, 17 mai 1967,
RJCB, 1969, p.217. Cette action lui permettra en cas de défaillance d’agir en justice contre le promettant pour
obtenir sa condamnation, soit à l’exécution en nature, soit à l’exécution par équivalent si l’exécution en nature
est devenue impossible. Mais étant étranger à la convention de base, le tiers bénéficiaire n’a pas d’action en
résolution contre le promettant.
450
J.FLOUR, J-L.AUBERT et E.SAVAUX, op.cit., t-1, 2000, p.3421. Cette action lui permettra en cas de
défaillance.
451
Cass, 16 janvier, 2006, www.cass.bes c.64-302 F
215
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

la stipulation pour autrui ne peut aboutir à la création au profit du tiers d’un droit de
créance avec charge452.

b) Rapports entre promettant et stipulant.

Il s’agit ici des rapports normaux d’un contrat de base (stipulant-


promettant). Cependant, trois choses vont nous intéresser dans ce point à savoir les
droits et obligations des parties découlant du contrat de base, le droit pour le stipulant
de contraindre à l’exécution le promettant entant qu’initiateur de la stipulation et les
incidences réciproques des nullités éventuelles du contrat de base et de la stipulation
pour autrui.

1. Droits et obligations des parties (découlant du contrat de base).

Chaque partie est donc obligée ici d’exécuter son obligation.


Ainsi, si le promettant n’accomplit pas son engagement envers le tiers, le stipulant
peut demander en justice soit l’exécution en nature de l’obligation si elle est encore
possible, soit l’exécution par équivalent.

La stipulation pour autrui étant l’accessoire, c’est-à-dire, un


élément du contrat de base, le stipulant peut même demander la résolution judicaire du
contrat pour inexécution par le promettant de ses obligations, voire la révocation de la
donation (en cas de stipulation faite donandi causa) pour inexécution de la charge.

2.Le droit pour la stipulant de contraindre à l’exécution le promettant.


Le tiers bénéficiaire étant devenu juridiquement créancier du
promettant par la naissance à son profit d’un droit de créance, peut-on admettre que le
stipulant qui est juridiquement étranger à la stipulation pour autrui puisse contraindre
le promettant à s’exécuter vis-à-vis de lui (tiers bénéficiaires) ?

D’un point de vue juridique, seul le tiers bénéficiaire devenu


créancier du promettant par l’acceptation de la stipulation pour autrui peut contraindre
ce dernier à exécuter son obligation à son profit conformément à la stipulation.
Cependant, la doctrine et la jurisprudence s’accordent pour admettre que le stipulant
peut contraindre à l’exécution le promettant à partir du moment où il a ne fût-ce qu’un
intérêt moral à voir son ordre être exécuté par le promettant. 453. Le droit du stipulant
de contraindre le promettant se justifie également au regard de l’article 33 du Code
civil lequel recommande aux parties le respect du contenu de leur accord et l’exécution
de bonne foi de celui-ci. Or l’engagement du promettant envers le tiers bénéficiaire
n’est qu’une des ses obligations nées du contrat de base (stipulant-promettant).

452
SBAR.Obli, II, 1.7-99 et 100.
453
Mauty et RAYNAUD, op-cit., N°257 p.234 et N°262, p.237.
216
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

3. Incidences réciproques des nullités éventuelles.


On se demande si la nullité de la stipulation pour autrui peut
entraîner celle du contrat de base ou c’est plutôt le contraire qui doit se réaliser ?

A la vérité, la stipulation pour autrui étant un élément, c’est-à-


dire, un accessoire du contrat de base, sa nullité ne peut affecter le contrat principal qui
peut ainsi comporter une stipulation pour soi-même. En revanche, la nullité de contrat
de base (stipulant-promettant) entraîne celle de la stipulation pour autrui en vertu du
principe selon lequel :« l’accessoire suit le principal ».

c) Rapports entre stipulant et le tiers bénéficiaire.

On peut, dans ce rapport, affirmer d’emblée que ces deux


protagonistes (stipulant-tiers bénéficiaire) n’ont pas de compte à se rendre. Le tiers
bénéficiaire ne peut rien exiger du stipulant 454. Tout au plus le stipulant peut-il
révoquer la stipulation tant que le tiers n’a pas déclaré en profiter.

D’ordinaire les rapports entre le stipulant et le tiers bénéficiaire


permettent de mieux déceler la cause ou la raison d’être de la stipulation pour
autrui. Autrement-dit, la raison pour laquelle le stipulant entend créer un droit au
profit du tiers bénéficiaire. En effet, on sait que le stipulant fait un contrat pour autrui
soit pour payer une dette (solvendi causa), soit pour faire naître un droit de créance au
profit d’un tiers (credendi causa), soit pour faire une libéralité à quelqu’un (donandi
causa). Si cette cause s’avère contraire à la loi ou aux bonnes mœurs, la stipulation
pour autrui sera donc affectée d’une cause de nullité du chef de l’illicéité ou de
l’immoralité de la cause455.

Enfin, trois questions méritent quand même de retenir notre


attention dans ce rapport :

- La faculté de révocation du stipulant ;


- L’acceptation du tiers bénéficiaire ;
- Le cas où le tiers bénéficiaire est une personne future ou indéterminée.

1. La faculté de révocation du stipulant.

Le droit de révocation de la stipulation pour autrui est, faut-il le


souligner, un droit personnel au stipulant qui trouve sa justification dans le droit direct
né en faveur du tiers bénéficiaire. Ce droit direct ayant été crée à l’initiative du
stipulant, on comprend aisément que ce dernier ait pu se réserver le pouvoir de le

454
S.STIJNS, opp.cit., 2006-2007, p.46. Citant Comm. COUURTRAI, 7 décembre 2001, R.W., 2004-2005,
p.903 ; Bruxelles, 26 mai 1995, R. G.A.R, 1997, N°12 807.
455
S.STIJNS, op.cit., 2006-2007, p46.
217
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

retirer à sa guise tant que le bénéficiaire n’a pas émis son acceptation 456. Le caractère
personnel de ce droit implique, du reste, que les créanciers du stipulant ne puissent
l’exercer par une action oblique (l’action subrogatoire).

Mais, la question que l’on s’est posée était celle de savoir si le


droit de révocation pouvait être transmis aux successeurs universels ou à titre universel
du stipulant ?

Bien que les solutions proposées soient restées controversées


entre les partisans de la cession et les adversaires de celle-ci, la loi française sur
l’assurance déclare en son article 64, ce droit transmissible aux héritiers, mais ces
derniers ne peuvent l’exercer qu’après avoir mis le tiers en demeure d’accepter la
stipulation dans les trois mois457

En RDC, le législateur reste encore muet sur la question. Mais de


lege ferenda, la solution française serait donc recommandable (voy art 64 de la loi
française sur l’assurance)458.

2. L’acceptation du tiers bénéficiaire.


Elle permet de consolider le droit direct du tiers bénéficiaire en
ôtant toute possibilité de révocation au stipulant. Pour rappel, le droit direct du tiers
naît au moment du contrat de base (stipulant-promettant) et non au moment de
l’acceptation de la stipulation par ce dernier (tiers).

3. Le tiers bénéficiaire est une personne future ou indéterminée.

A la base de ce point réside une question lancinante : peut-on


stipuler au profit d’une personne future ou indéterminée ? Nous avons s’agissant de la
détermination du tiers bénéficiaire effleuré la réponse à cette interrogation lorsque
nous avons parlé des conditions de la stipulation pour autrui. A cette occasion, nous
avons dit que le tiers bénéficiaire de la stipulation pour autrui doit être déterminé pour
que la stipulation pour autrui ne soit pas marquée du sceau de la nullité.

Pour être complet, nous allons ajouter maintenant que si le tiers


n’est pas déterminé, il doit être tout au moins déterminable, c'est-à-dire, précisé au
moment où la stipulation doit produire ses effets afin de mieux situer le bénéficiaire
du droit direct contre le promettant. Cela a pour conséquence qu’une stipulation faite à
une personne indéterminée n’est pas valable. Bien entendu, la détermination de la
personne bénéficiaire de la stipulation n’implique nullement sa désignation

456
Pour être effective, la révocation doit être portée à la connaissance du tiers bénéficiaire. C’est un acte
unilatéral réceptice qui ne produit ses effets qu’après notification.
457
A noter que les successeurs universels du tiers bénéficiaire peuvent accepter la stipulation pour autrui
(S.BAR, op.cit., commentaire suppll. Août 2002, II.1.7-66.)
458
En ce sens voy. KALONGO MBIKAYI, op.cit, p. 164.
218
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

personnelle. Il suffit seulement qu’elle soit bien identifiée au moment de la mise en


œuvre de la stipulation.

Ainsi sont valables :

- L’assurance « indélicatesse » souscrite par l’ordre des avocats du Barreau de


Kinshasa au profit des avocats de cette ville et non pas au profit de tous les
avocats en général.
- L’assurance pour le compte de qui il appartiendra. Le propriétaire en sera
déterminé à un moment donné bien que cela ne soit pas possible au moment de
la conclusion du contrat.
- L’assurance (accidents voyage) qu’une personne souscrit au profit de ses
héritiers sans inscrire leurs noms dans la police.

Quant à la stipulation faite au profit des personnes futures, la


question se pose surtout pour les personnes à naître, c’est-à-dire, celles qui ne sont pas
encore nées au moment de la stipulation. Pour S.BAR 459 et certains doctrinaires qui se
sont inspirées de la loi française sur l’assurance, la stipulation pour autrui, peut être
consentie aussi bien à une personne présente qu’à une personne future, que celle-ci soit
ou non déjà conçue. D’autres auteurs par contre se réfèrent à l’article 906 du Code
civil français relatif à la donation pour refuser ce genre de stipulation au motif qu’une
personne non encore née ne peut être capable ni de recevoir ni d’accepter une
donation. Quoi qu’il en soit, les solutions à cette question restent encore controversées.
Et, pour notre pays qui ne s’est pas encore prononcé définitivement sur cette question,
la solution française tendant à valider les stipulations faites au profit des personnes
futures nées ou à naître serait recommandable (voir article 63 de la loi française sur
l’assurance).

II. La simulation
Nous avons déjà étudié les effets de la contre-lettre entre parties
contractantes. Nous allons simplement continuer notre raisonnement en examinant
maintenant les effets de la contre-lettre envers les tiers et surtout voir dans quelle
mesure elle peut constituer une exception au principe de la relativité des conventions.
1.
Tiers concernés
L’article 203 in fine du Code civil dispose, en effet, que la
contre-lettre n’a point d’effet contre les tiers. Il faut d’abord préciser que les tiers
dont il est question ici ne sont pas « des tiers pénitus extranei » car ces tiers n’ont
aucune relation avec le contrat passé par d’autres (article 63). Il s’agit surtout des
ayants cause à titre particulier et des créanciers chirographaires parce que les
contrats conclus par leur auteur ou débiteur ont généralement un effet direct ou indirect

459
S.BAR, op.cit, Commentaire pratique. Obligations, suppl. sept.2005 II.1.7-59.
219
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

sur eux. Dès lors, on peut se demander lequel de l’acte apparent ou de l’acte caché
(contre-lettre) peut leur être appliqué ?
Tenant compte du libellé de l’article 203 in fine (la contre-lettre
n’a point d’effet contre les tiers), on peut conclure que lorsqu’une contre-lettre porte
atteinte aux intérêts des tiers précités lesquels en ignorent du reste, l’existence, elle ne
peut leur être opposée. Ainsi, l’on sait par exempte que l’acquéreur d’un immeuble
(ayant cause à titre particulier) peut se voir opposer le contrat de bail à date certaine
conclu par l’ancien vendeur avec un tiers locataire (art 399) sur l’immeuble acquis. Si
une contre-lettre avait pour effet de diminuer le loyer dû par le locataire, elle ne sera
pas opposable à l’ayant cause à titre particulier parce que dans ce cas elle serait
contraire aux intérêts de ce dernier.
2. Situations visées
De ce qui précède, on peut dire que lorsque la contre-lettre porte
atteinte aux intérêts des tiers précités, elle leur est inopposable. Ceci suppose que les
tiers n’aient pas eu connaissance de l’existence de cette contre-lettre puisque si dans
leur relation avec les parties, ils ont pu être informés de la présence d’une contre-lettre,
celle-ci leur sera opposable.
Reste maintenant alors à revenir à notre interrogation
fondamentale pour dire dans quel cas, la contre-lettre peut constituer une dérogation au
principe de la relativité des conventions ?
Poursuivant notre raisonnement en rapport avec le libellé de
l’article 203 du Code civil, nous sommes arrivés à la conclusion que c’est lorsque la
contre-lettre nuit aux intérêts des tiers que son application envers ces derniers n’est pas
autorisée.
Quid alors si elle profite aux tiers ?
Assurément elle leur sera, dans ce cas, opposable. Et les parties
tout comme les ayants cause universels peuvent alors l’invoquer. Ils ont ainsi à leur
disposition l’action en déclaration de simulation pour écarter l’acte apparent qui ne
leur est pas profitable. La preuve de la simulation peut être faite par les tiers par toutes
voies de droit.
Ainsi, donc, c’est par un raisonnement à contrario de l’article
203 460 que la contre-lettre est considérée comme une exception au principe de la
relativité des conventions dans ce sens que les tiers ne peuvent l’invoquer que
lorsqu’elle leur profite et pas lorsqu’elle porte atteinte à leurs intérêts.
3. Conflit d’intérêts entre tiers.
Il peut arriver que les tiers invoquent l’article 203 pour des
raisons divers : certains pour se voir opposer la contre-lettre et écarter l’acte apparent,
d’autres pour bénéficier de l’acte apparent au détriment de la contre-lettre. Que faire
alors ?

460
KALONGO MBIKAYI, op.cit………………..
220
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

La tendance dominante est de privilégier l’acte apparent 461


Parce qu’on doit préférer les situations apparentes aux situations non apparentes
(cachées). Histoire de protéger ceux qui ont eu confiance en une apparence
suffisamment trompeuse.

III. La représentation
Schéma
Représentant
Contractant
A Mandataire B
Mandat
Représentation

A
1. Définition
Représenté
Mandant

1.
Définition
La représentation est une technique juridique par laquelle une
personne (le représentant) accomplit un acte juridique au nom et pour le compte d’une

461
MARTY ET RAYMOND, op.cit, N°281 et JULLIOT, op.cit., n°522
221
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autre (le représenté) de manière telle que tous les effets de l’acte accomplit se
produisent immédiatement dans le chef du représenté comme si ce dernier avait lui-
même passé l’acte.
L’institution est vraiment utile dans la vie pratique parce qu’elle
permet, par exemple, à une personne empêchée de recourir au service d’un
représentant. Et pour les incapables sensés êtres effacés de la vie juridique (commerce
juridique), c’est par le mécanisme de la représentation qu’ils peuvent agir tant pour
faire valoir leurs prétentions que pour se défendre.
2. Sources de la représentation
La représentation peut résulter soit de la loi (représentation
légale), soit de la convention (représentation conventionnelle), soit, enfin, d’une
décision judiciaire (représentation judiciaire).
3. Conditions de la représentation
La représentation implique que le représentant soit doté des
pouvoirs nécessaires à l’accomplissement de sa mission. L’étendue de ses pouvoirs est
généralement déterminée dans l’acte constituant la source de la représentation parce
que cet acte précise en principe les opérations sur lesquelles devront s’appliquer les
effets de la représentation.
En droit, toute représentation doit répondre aux trois conditions
suivantes :
a) Une volonté de représentation
En effet, le représentant doit avoir la volonté de représenter une
personne et d’agir en son nom et pour son compte. C’est cette volonté qui devra
d’ailleurs le pousser à faire connaître sa qualité de représentant aux cocontractants ou
aux tiers afin que ceux-ci soient informés de ce qu’ils passent le contrat avec le
représentant. L’intérêt de cette démarche est bien évident. Elle permet que les actes
juridiques passés par le représentant puissent alors reposer sur la tête du représenté.
Cette considération permet de distinguer ce cas de représentation parfaite ou
immédiate à l’hypothèse de représentation indirecte ou médiate. Dans ce dernier
cas, en effet, le représentant agit en son nom, mais pour le compte d’autrui. Il traite
avec les tiers en occultant sa qualité de mandataire en sorte que ceux-ci n’ont pas des
liens juridiques avec le « représenté » dont ils ignorent l’existence. Ainsi, le
représentant est personnellement engagé envers les cocontractants ou les tiers. Il est
partie au contrat dont le bénéfice reviendra en définitive au représenté à partir
d’un règlement de comptes ultérieur entre lui (le représentant) et le représenté.
Sont considérés comme des représentants indirect et donc pas
vraiment des représentants parce que n’agissant pas au nom et pour le compte d’autrui,
le commissionnaire commercial et le prête-nom ou personne intermédiaire.
b) Un pouvoir de représentation
Comme nous l’avons dit plus haut, la représentation suppose
l’existence d’un pouvoir dans le chef du représentant. Autrement-dit, le représentant
222
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

doit avoir le pouvoir de représenter le « représenté ». Et ce pouvoir, le représentant


peut le tirer soit de la loi, soit de la convention, soit encore d’une décision judiciaire.
c) Une certaine liberté d’action
Le représentant n’est pas un robot fonctionnant sur base des
mouvements lui imprimés à partir d’un bouton. Il bénéficie d’une certaine liberté
d’actions dans l’exercice de sa mission. Ainsi, peut-il prendre certaines initiatives
(exemple se servir d’un traducteur dans ses contacts avec le tiers) à condition de ne pas
dépasser ses pouvoirs.
4. Effets juridiques de la représentation.
 Le représenté est partie au contrat. Il devient ainsi créancier ou débiteur à
l’égard du tiers ou du cocontractant des obligations issues du contrat. Et c’est ici que la
représentation constitue une exception au principe de la relativité des conventions
parce qu’une personne qui n’a pas été partie au contrat au moment de sa formation se
voit opposer les effets internes de celui-ci comme dans le contrat collectif.
 Le représentant est tiers. Sauf en cas de faute commise dans l’exercice de sa
mission, le représentant disparaît en principe du lien contractuel dès que le contrat est
conclu. S’il se présente comme caution, il sera poursuivi in solidum avec le représenté.

 Un lien juridique unit le représentant au représenté.

En vertu de ce lien :
1. Le représentant doit accomplir sa mission en bon père de famille. Le représenté
dispose à cet effet d’une action en reddition des comptes à son encontre.
2. Le représenté doit rembourser les dépenses effectuées par le représentant dans
l’accomplissement de son mandat et payer le représentant si le mandant était
payant.
IV. Les contrats collectifs.
S’agissant de ces contrats, nous avons dit que ce sont des
contrats conclus entre deux au plusieurs personnes, mais qui produisent leurs effets à
l’égard d’autres personnes n’ayant pas participé à sa conclusion et ayant un intérêt
avec la matière traité dans le contrat.
Comme pour la représentation, les contrats collectifs permettent
aux personnes qui n’ont pas pris part à la conclusion du contrat d’être liées par celui-ci
lorsqu’elles sont englobées dans les intérêts visés par le contrat collectif soit pour des
raisons professionnelles, soit pour d’autres raisons.
Exemple, convention collective de travail ou contrat collectif du travail.
Après ce tour d’horizon de dérogations positives au principe de
la relativité des conventions, il est temps de passer maintenant aux dérogations
passives à ce principe. Autrement-dit, aux mécanismes qui ne constituent pas des
exceptions véritables au principe de la relativité des conventions.
223
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En effet, alors que dans les dérogations positives, il s’est agi de


voir dans quels cas les tiers au contrat peuvent être liés par celui-ci même si le principe
de la relativité voudrait que les conventions ne puissent engager que ceux qui l’ont
voulu, dans le paragraphe qui suit, nous allons nous demander s’il peut être admis
qu’un tiers soit obligé contre son gré par un contrat auquel il est étranger ?
La réponse à cette interrogation parait facile au regard du
principe même de la relativité des conventions qui exige qu’un contrat ne sorte ses
effets qu’entre parties contractantes. Ce qui, en d’autres termes, signifie que les parties
sont impuissantes à faire naître des obligations à charge d’un tiers 462. Mais, cette
interdiction peut-elle s’étendre au cas où une personne peut s’engager elle-même à
obtenir le fait d’autrui ?
Les développements suivants devront éclairer notre lanterne à ce
sujet.
§2. Les dérogations passives au principe de la relativité des conventions.
On parlera surtout ici de la promesse pour autrui (ou à charge
d’autrui) et de la promesse de porte-fort. Mais, il faut signaler qu’une servitude
constitue aussi, en tant que droit réel, une exception passive au principe de la relativité
des conventions car, une fois conclue entre parties, elle devra s’imposer aux titulaires
successifs du fonds dominant (entendez les acquéreurs successifs du fonds dominant
qui, par définition, n’ont pas participé au contrat originaire). Le cours de droit de biens
devra être consulté a cet égard.
I. La promesse pour autrui
La promesse pour autrui (ou à charge d’autrui) par laquelle les
parties s’entendent pour faire naître une obligation à charge d’un tiers sans que ce
dernier ait consenti, est nulle. C’est l’article 19 du Code civil qui l’exprime en ces
termes : « on ne peut en général, s’engager ni stipuler en son propre nom que pour
soi-même ».
Cette disposition qui à y regarder de près, comporte une
interdiction tant de la promesse pour autrui que de la stipulation pour autrui 463, n’est en
soi qu’une application du principe de la relativité des conventions. Car, une personne,
ne peut contracter une dette envers une autre en promettant, par exemple, que son frère
qui n’est ni son représentant ou mandataire, ni son gérant d’affaires, viendra la payer.
Le principe de la personnalité des obligations s’oppose comme
en droit pénal (principe de la personnalité des infractions) à une telle promesse.

462
Le législateur peut cependant, de manière exceptionnelle, imposer certaines obligations à des tiers issues des
contrats auxquels ils n’ont pas participé. Exemples, obligations pour l’acquéreur d’un immeuble de respecter le
contrat de bail conclu antérieurement par le vendeur du dit immeuble avec un locataire et ayant date certaine (art.
399 du C.C.C.LIII) ; en cas de cession d’entreprise, le cessionnaire est tenu des dettes nées des contrats de travail
passés par le cédant avec son personnel salarié.
463
Mais, la stipulation pour autrui est déjà sortie de cette interdiction par le législateur lui-même qui l’autorise
dans, les hypothèses bien déterminées (art 21 du Code civil livre III).
224
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Aussi, la promesse pour autrui ne constitue-t-elle pas une véritable exception au


principe de la relativité des conventions464.
II. La Promesse de porte-fort.
1. Définition
La promesse de porte-fort est une promesse par laquelle une
personne s’engage à obtenir le consentement d’autrui (d’un tiers) à un acte
juridique. Elle vise le cas où une personne s’engage elle-même envers son
cocontractant à obtenir qu’un tiers fasse quelque chose ou s’abstienne de faire quelque
chose pour ce dernier. Exemple, dans un contrat de fourniture de marchandises entre A
et B, B peut s’engager en plus envers A à lui trouver un camionneur C pour l’aider à
expédier sa marchandise vers une autre destination. En fait, B n’engage pas C, le
camionneur. Il promet seulement son fait, c’est-à-dire, le consentement de C à
rencontrer A en vue d’une discussion entre eux sur les conditions et les modalités de
transport. Si C accepte de rencontrer A, B est alors libéré et le contrat de transport sera
conclu entre A et C. Une telle promesse est donc permise en droit car B n’engage pas
C. C’est la promesse de porte-fort régit par l’article 20 du Code civil congolaise livre
3 en ces termes : « Néanmoins on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le
fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de
faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement ».
Ainsi donc, contrairement à la promesse pour autrui interdite en
droit au motif qu’elle tend à engager un tiers sans son consentement, la promesse de
porte-fort destiné à obtenir le consentement d’un tiers à un engagement est quant à elle
permise.
2.Hypothèses
Elle peut porter soit sur un acte matériel (exemple : en cas de
blocus routier contre C, B peut promettre à C l’ouverture de la route par A), soit sur un
acte juridique positif (exemple, C est à la recherche d’une maison ; B trouve une
maison qui peut intéresser son ami C et B promet au propriétaire de cette maison (A)
que son ami C l’achètera. B se porte donc fort auprès du propriétaire pour son ami C
dans l’achat par ce dernier de la maison. Ici, faut-il le préciser, aucune vente n’est
encore conclue, il existe seulement une convention de porte-fort entre B et le
propriétaire de la maison (A) au terme de laquelle C devra acheter la maison. Mais, B
peut aussi aller plus loin en achetant cette maison pour son ami C tout en promettant
que ce dernier ratifiera la vente. Le contrat de vente contiendra alors une clause de
porte-fort. Enfin, la promesse de porte-fort peut porter sur un acte juridique négatif
Exemple A a subi un préjudice du fait de C, A menace d’exercer une action de
réparation du préjudice contre C ; B se porte fort pour C auprès de A en promettant
que ce dernier n’exercera pas cette action.

464
Peut-être pourrait-on y voir une exception au principe dans le cadre des obligations légales imposées par la loi
qui, comme on l’a souligné, lient parfois les tiers dans certains contrats auxquels ils n’ont pas participés
(servitude de passage et le cas de l’acquéreur d’un immeuble vis-à-vis d’un locataire ayant un bail à date
certaine). Voy. S. BAR, op cit, Obli. Suppl. 2 Aout 2002, II, 1.7.98 et 99.
225
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En somme, se porter fort pour un tiers c’est promettre que ce


tiers consentira à donner ou à faire quelque chose ou s’abstiendra de poser tel ou
tel acte465. Et si le porte-fort n’obtient pas cet engagement de la tierce personne, il
manquera alors à son obligation qui est une obligation de résultat.
A noter que la promesse de porte-fort est utilisée le plus souvent
en cas d’éloignement parce qu’il est difficile d’obtenir l’engagement d’un tiers dans
cette hypothèse ou en raison de l’incapacité, pour éviter de faire jouer les règles sur la
capacité des personnes466.
3. Conditions de fond et de forme.

La promesse de porte-fort est soumise aux conditions de validité


467
de tout acte juridique . Quant à sa forme, le législateur n’attache aucune importance à
la forme de la promesse du porte-fort, laquelle est régie par le principe du
consensualisme. Ainsi, le tiers peut-il donner son consentement de manière expresse
ou tacite sans revêtir une forme particulière.
5. Effets juridiques de la promesse de porte-fort

Nous l’avons souligné, la promesse de porte-fort se distingue de


la promesse pour autrui en ce qu’elle n’engage pas le tiers. Dans cette promesse, c’est
le porte-fort lui-même qui s’engage à obtenir que le tiers donne ou fasse quelque chose
ou qu’il s’abstienne de poser tel ou tel acte. Et il compte le plus souvent sur ses
relations avec le tiers pour décrocher de ce dernier la ratification formant l’objet de son
engagement. Ainsi son engagement envers son cocontractant peut produire les effets
suivants :
- Si le tiers ne ratifie pas l’engagement
C’est-a-dire, ne réalise pas le fait promis, alors le porte-fort devra payer des
dommages-intérêts au cocontractant (article 20 in fine). Car, son obligation est celle de
résultat.
Cette considération permet de distinguer la promesse de porte-
fort de la promesse de bons offices. La première fait naître, comme on l’a vu, une
obligation de résultat ; la seconde donne lieu à une obligation de moyens.
En effet, dans la promesse de bons offices, le débiteur offre sa
médiation en vue d’un contrat à conclure ou d’un fait à exécuter par le tiers. Ce qui
n’est pas le cas dans la promesse de porte-fort.
Par ailleurs, la promesse de porte-fort se distingue de la
gestion d’affaires où le gérant d’affaires engage déjà le tiers en cas de gestion utile.
Ceci implique qu’on ne peut parler de porte-fort en cas de gestion d’affaires.

465
Le plus souvent le porte-fort est considéré comme un porteur de consentement « voy à cet égard J.MESTRE
et B FAGES, Rév.trim.Dr.civ, 2000, p0832.
466
Un représentant d’un mineur (tuteur, par exemple) peut conclure un contrat sans respecter les formalités
requises par la loi, tout en se portant fort auprès du cocontractant que le mineur ratifiera le contrat à la majorité.
467
J.FLOUR, J-L.AUBERT et E.SAVAUX, op. Lit. t.1., 2000, p. 339.
226
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Enfin, certains auteurs présentent la promesse de porte-fort et


les stipulations en chaîne comme des hypothèses différentes alors que ces derniers
mécanismes juridiques ne sont que des applications du premier 468. En effet, par
stipulation en chaîne on désigne la clause par laquelle une partie s’engage envers son
cocontractant à faire respecter à la tierce personne avec laquelle elle viendrait à traiter
le respect d’une obligation que lui-même a contractée 469. Exemple, un orchestre qui a
conclu avec une maison d’édition un contrat d’exclusivité peut imposer
contractuellement à cette dernière de faire respecter cette exclusivité à tout éventuel
futur acquéreur de cette maison470. Il en est de même du vendeur d’un fonds de
commerce qui a conclu avec l’acquéreur une obligation de non-concurrence. Il peut
imposer à cet acquéreur de faire respecter cette obligation à tout autre éventuel sous-
acquéreur du fonds. Et ce, au moyen d’une clause insérée dans la convention de vente
du fonds passé avec l’acquéreur et stipulant qu’en cas de revente du fonds l’acquéreur
veillera à prévoir cette obligation (de non-concurrence) à charge de sous-acquéreur.
Il s’agit dans toutes ces hypothèses, des conventions de porte-
fort et non des promesses pour autrui car aucune obligation n’est imposée aux tiers
acquéreurs qui ne sont pas directement engagés par les contrats de base. Ceux-ci se
limitent simplement à imposer aux cocontractants de faire respecter par les tierces
personnes avec lesquelles ils viendraient à traiter, certaines obligations.
Ainsi, dans le premier exemple, si la maison d’édition venait à
être vendue sans prévoir cette clause d’exclusivité à charge de l’acquéreur, l’orchestre
pourra mettre en cause la responsabilité de la maison d’édition (responsabilité
contractuelle) sans préjudice de dommages-intérêts dus par l’acquéreur lorsque les
conditions de la tierce complicité sont réunies471.
Il faut enfin rappeler que l’obligation du porte-fort consiste à
décrocher un consentement, c’est-à-dire, le fait du tiers (son consentement à
l’engagement).
Si les parties, en vertu de l’autonomie de la volonté, décident
d’alourdir les obligations du porte-fort en lui imposant, non seulement l’obtention de
l’engagement du tiers, mais aussi la bonne exécution de celui. Le porte-fort de
ratification sera alors doublé d’un porte-fort d’exécution (dans ce dernier cas, le porte-
fort devient caution du tiers dans l’exécution, par ce dernier, de son obligation)472.
-Si le tiers s’engage.
Le porte-fort est libéré et l’engagement lie désormais le tiers.
Mais, ici il faut distinguer selon que l’acceptation ou la ratification du tiers porte sur
un contrat à conclure ou sur un acte accompli en son nom et pour son compte par le
porte-fort.
468
I.SAMOY, op cit, 2005, pp.449-450
469
I.SAMOY, op cit, 2005, pp.449-450
470
Lass. Fr. civ., 14 janvier1980, Bull liv, 1980, IV, n°16.
471
V.SAGAERT, op.cit, in Le droit des obligations contractuelles et le bicentenaire du Code civil, 2004, Par
ailleurs, on notera que le porte-fort ne peut échapper aux dommages-intérêts en offrant d’assumer lui-même
l’engagement du tiers (H. DE PAGE, Traité, t.2, 1964, p.715).
472
H. DE PAGE, Traité, t.2, 1964, pp.714-715.
227
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

a) Ratification portant sur un contrat à conclure avec le bénéficiaire de la


promesse
Dans ce cas, l’accord du tiers s’analyse comme étant une
acceptation par lui d’une offre de contrat émanant du bénéficiaire de la promesse. Et le
contrat qui sera ainsi conclu entre lui (le tiers) et le bénéficiaire de la promesse n’aura
pas d’effet rétroactif. Il sera considéré comme né pour le présent (acceptation du tiers)
et pour l’avenir473
b) Ratification d’un acte accompli par le porte-fort au nom et pour le compte du
tiers.
Puisque, dans ce cas le tiers ne fait que donner son accord à un
contrat déjà conclu en son nom et pour son compte par le porte-fort, la ratification aura
alors un effet rétroactif. Le tiers sera considéré comme partie non pas au moment de
l’acceptation, mais ab initio, à compter du jour où le porte-fort avait promis d’obtenir
son engagement.

473
I. SAMOY, op. Cit, 2005, p.480. On notera que la ratification est ici soumise au principe du consentement et
demeure libre de tout formalisme. Elle peut être expresse ou tacite (H. DE PAGE, Traité, t.2, 1964, p.719). Par
ailleurs, la ratification n’est pas une novation (LEO, 2 mai 1939, R.J.C.B, 1939, p.187).
228
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE VI : EXTINCTION ET RESOLUTION DES CONTRATS


Le Code civil n’a pas élaboré une théorie générale d’extinction
ou de dissolution des contrats. Tout au plus s’est-il permis de réglementer la fin des
contrats dans des dispositions particulières relatives aux contrats spéciaux.
Par souci de systématisation, on peut dire qu’il y a, d’une part,
les causes de dissolution qui nécessitent l’intervention du juge (nullité, résolution) et,
d’autre part, celles qui ne requièrent pas cette intervention (cas fortuit, caducité,
résiliation et mutuus dissensus).
On peut, par ailleurs, observer que certaines causes opèrent ex
nunc (résiliation et mutuus dissensus) tandis que d’autres ont, en principe, un effet
rétroactif (nullité, résolution, par exemples).
Toutefois, d’après L. JOSSERAND, les causes de dissolution
des contrats peuvent être classées selon qu’elles accompagnent la formation du contrat
(nullité)474 ou qu’elles sont postérieures à celui-ci (résolution, révocation, résiliation,
par exemples)475.
Quoi qu’il en soit, et sans contester le bien fondé des arguments
ci-haut évoqués, on peut retenir, que l’intérêt de ces différentes classifications ou plus
particulièrement de cette systématisation est de savoir que chaque cause de dissolution
demeure soumise à des conditions particulières et produit aussi des effets particuliers.
Mais, un contrat s’éteint normalement lorsqu’il a atteint son but, autrement-dit,
lorsqu’il est arrivé à l’échéance ou que toutes les obligations ont été exécutées à la
satisfaction des parties.
Nous parlerons, dans ce chapitre, des causes générales
d’extinction des contrats (Section I), ensuite, de la résolution judiciaire des contrats
synallagmatiques (Section II).
Section I. Les causes générales d’extinction des contrats.
On peut en dénombrer cinq :
1. L’exécution par les parties de leurs obligations.
2. Le mutuus dissensus ou le désaccord entre les parties (article 33 alinéa 2). Cette
cause d’extinction opère de façon rétroactive pour les contrats instantanés et
sans rétroactivité pour les contrats successifs, lesquels produisent leurs effets ex
nunc (contrat de travail, par exemple).
3. L’arrivée du terme convenue pour les contrats successifs à durée déterminée
(Exemple contrat de travail de 2 ans).
4. La volonté de l’une des parties dans les contrats successifs à durée indéterminée
(cas de la résiliation unilatérale d’un contrat de bail).

474
Dans ce cas, la convention porte en elle-même les germes de sa destruction ; elle est annulable et dans certains
cas rescindable en droits belge et français. (L. JOSSERAND, op. cit, t.2, 1930, p.158).
475
Dans cette hypothèse, le contrat est né valablement, mais un événement ultérieur vient en provoquer
l’anéantissement (L. JOSSERAND, op. cit, t.2, 1990, p.158).
229
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

5. La mort de l’une des parties dans un contrat conclu intuitu personnae (cas du
contrat d’entreprise).
6. La volonté de l’une des parties dans les contrats successifs à durée déterminée
(art. 508 du CCCLIII).
Section II : La résolution du contrat ou la sanction judiciaire de
l’inexécution des contrats synallagmatiques
I. Introduction

L’interdépendance des obligations dans un contrat


synallagmatique, avons-nous dit, implique que lorsque l’une des parties n’exécute pas
ses obligations, l’autre puisse soulever l’exception d’inexécution afin de ne pas
exécuter les siennes propres (cas de la vente, du bail ou encore du mandat salarié).

Seulement cette solution peut ne pas être satisfactoire en raison


soit de l’insolvabilité définitive du débiteur, soit de la gravité du manquement
contractuel de ce dernier qui oblige le créancier à ne plus continuer avec lui. (Cas du
locataire qui a accumulé d’importants retards de loyers ou qui a endommagé le bien
loué et dont le bailleur voudrait obtenir l’expulsion).

Le législateur permet, dans ces conditions, au créancier de se


délier de son cocontractant défaillant en sollicitant au juge la résolution du contrat.
Celle-ci est, contrairement à l’exception d’inexécution, une cause de dissolution aux
conséquences plus graves parce qu’elle aboutit à l’anéantissement total de la
convention conclue entre parties.

Concrètement, c’est l’article 82 du Code civil Congolais livre III,


qui règle la question de la sanction de l’inexécution par l’une des parties de ses
obligations dans un contrat synallagmatique. Cette disposition dont l’expression ou le
libellé tiré du droit romain s’explique par une raison historique 476énonce que : « La
condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques
pour le cas où l’une des deux parties ne satisfaira point à son engagement. Dans ce
cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement
n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention
lorsqu’elle est possible ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts. La
résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai
selon les circonstances »477.
476
A Rome, les parties avaient l’habitude d’insérer dans certains contrats une clause de résolution en cas
d’inexécution. Cette clause est devenue, au fil du temps, une clause de style et les rédacteurs du Code civil l’ont
alors considérée comme étant toujours sous-entendue.
477
Le Code civil contient plusieurs textes portant sur des cas d’application particulière de la résolution. Il s’agit
par exemples, des articles 287, 321 (sous réserve de quelques nuances, l’action rédhibitoire du chef de vices
cachés est généralement une action en résolution), 331, 332, 397 in fine et 414. A noter que tout contrat
synallagmatique qu’il soit à exécution instantanée ou successive est soumis à l’article 82. A cet égard, certains
auteurs soutiennent l’idée que s’agissant de contrats à exécution instantanée, on parlera de résolution pour mettre
230
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Nous étudierons successivement dans cette section la question du


droit d’option du créancier institué par l’article 82 et son fondement (§1), le domaine
ou le champ d’action de l’article 82(§2), les conditions d’application de cette
disposition (§3) et, enfin, ses effets (§4).

§1. Le droit d’option du créancier et son fondement

I. Le droit d’option du créancier


Lorsqu’un débiteur manque à son obligation, l’alinéa2 de
l’article 82 offre au créancier une option. Ce dernier peut suivant cette disposition :

- Soit demander l’exécution forcée en nature (ou à défaut l’exécution par


équivalent) lorsqu’elle est encore possible ;
- Soit solliciter au juge la résolution du contrat avec des dommages-intérêts s’il
ya lieu.

La résolution est donc une sanction judiciaire d’un


manquement contractuel. Tout contrat synallagmatique qu’il soit à exécution
instantanée ou successive, est soumis à l’article 82 et on s’accorde à ne réserver
l’application de cette disposition qu’aux hypothèses d’inexécution fautive imputable
au débiteur. Si l’inexécution résulte d’une autre cause (par exemple, un cas fortuit ou
de force majeure), le contrat sera dissout en application d’autres règles, plus
particulièrement, celles de la théorie de risque478.

Cependant, le manquement contractuel ne peut justifier une


sanction aussi grave que lorsqu’il revêt une certaine gravité. Aussi le juge devra-t-il
écarter la demande de résolution en cas de défaillance bénigne du débiteur et qu’il soit
encore possible de sauver le contrat.

II. Fondement
Le droit de demander la résolution découle non seulement du
principe de l’exécution de bonne foi des contrats (art.33), mais aussi et surtout de la
notion de cause dans les contrats synallagmatiques. En effet, d’après cette notion,
la cause de l’obligation d’une partie dans un contrat synallagmatique est la
contreprestation de l’autre. Lorsqu’une partie n’exécute donc pas son obligation,

en exergue l’effet rétroactif de la résolution tandis que pour le contrat à exécution successive, on utilisera le
terme résiliation pour insister sur l’aspect non rétroactif de la résolution (effet ex nunc). Ainsi on dira qu’un bail
est résilié et qu’une vente est résolue mais, une bonne partie de la doctrine récente (H. DE PAGE et M. COIPEL)
estime que la résolution de l’article 82 concerne aussi bien les contrats successifs qu’instantanés et que le terme
résiliation n’est réservée qu’aux cas où l’une des parties ou les deux mettent prématurément fin au contrat en
dehors de toute idée de faute. C’est bien là une querelle des mots qui demande soit une intervention législative
de précision, soit qu’on se mettent d’accord sur un terme.
478
Le contrat sera dissout de plein droit, le débiteur ne peut demander un délai, il ne peut être tenu à des
dommages-intérêts et la dissolution devra opérer sans effet rétroactif.
231
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

l’obligation du cocontractant manque alors de cause et cette dernière est en droit de ne


pas exécuter la sienne.

En droit commun, la partie victime de l’inexécution, en


l’occurrence le créancier, peut donc demander en justice, soit l’exécution forcée en
nature lorsqu’elle est encore possible, soit l’exécution par équivalent au cas où
l’exécution en nature devient impossible. Mais, ces deux solutions peuvent ne pas
satisfaire le créancier parce qu’elles laissent subsister le contrat entre le débiteur
défaillant et lui-même. Or, il peut avoir intérêt à ne plus continuer l’engagement soit
en raison du manque de confiance envers son débiteur, soit encore en raison de la
gravité du manquement contractuel imputable à ce dernier. La solution pour lui (le
créancier) sera alors le recours à l’article 82 qui devra par le biais de la demande de
résolution judiciaire, lui permettre de se délier définitivement de son contractant.

La résolution est donc judiciaire. Et l’article 82 fait écho à


l’interdiction de la justice privée parce que la résolution pour inexécution fautive ne
peut être prononcée que par le juge (Art. 82 al3). Elle n’est, du reste, pas soumise aux
caprices du créancier victime de l’inexécution étant donné que le juge devra vérifier
chaque fois le rapport entre la gravité du manquement et l’intérêt de la demande en
résolution pour se rendre compte si l’inexécution supposée établie est assez importante
pour entraîner la résolution demandée. C’est autant dire que le juge ne peut prononcer
la résolution que si le manquement est suffisamment grave pour mériter une telle
sanction.

§2. Domaine ou champ d’application de la résolution.


En principe, la résolution pour inexécution fautive ne s’applique
qu’aux contrats synallagmatiques. Mais, ce principe a été étendu à d’autres contrats de
même qu’il connaît quelques limitations.

I. Extension du principe
On s’accorde pour admettre, à l’heure actuelle, que la résolution
de certains contrats unilatéraux est possible. C’est le cas du prêt à intérêts par exemple.
Si l’emprunteur ne paie pas les intérêts, le prêteur peut exiger le remboursement
immédiat du capital.

A la base de cette extension réside encore et toujours la notion de


cause. En effet, en ayant procédé à la remise du capital à l’emprunteur au moment de
la formation du contrat, le prêteur a exécuté son obligation dont la cause réside dans
l’obligation correspondante de l’emprunteur de payer les intérêts et plus tard de
rembourser le capital.
232
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Si l’emprunteur n’exécute pas son obligation de payer les


intérêts, l’obligation du prêteur manque ainsi de cause et le prêteur peut donc exiger la
restitution immédiate du capital.

Il en est de même du contrat de gage. Si le créancier gagiste


abuse du bien remis en gage, le débiteur peut en exiger la restitution (art.325 de la loi
du 20 juillet 1973).

II. Limitations du principe


L’article 82 n’est pas applicable à certains contrats. Ainsi, en
France, on estime que la résolution pour inexécution ne peut concerner les contrats
aléatoires et le contrat de partage. La cession d’office ministériel rentre également dans
cette catégorie.

§3. Conditions d’application de la résolution.

Le recours à l’article 82 ne peut être abusif. Il est soumis à


certaines conditions à savoir :

- L’inexécution par le débiteur de son obligation ;


- La mise en demeure par le créancier victime ;
- L’intervention judiciaire.

I. L’inexécution de l’obligation par le débiteur


Pour que le créancier soit en mesure d’invoquer l’article 82, il
faut préalablement que le débiteur puisse manquer à son engagement. Autrement-dit, il
faut qu’il y ait inexécution par le débiteur de son obligation. L’inexécution peut donc
être totale ou même partielle sans oublier l’exécution tardive. Elle doit être fautive et
imputable au débiteur. Ce qui signifie que si elle procède d’un cas fortuit ou d’une
force majeure, le contrat ne sera pas dissout en application de l’article 82, mais plutôt
sur base de la théorie du risque puisque dans ce cas le débiteur sera tout simplement
libéré.

Ainsi, jugé que les événements qui ont suivi l’indépendance de


la RDC ne constituent pas inéluctablement un cas de force majeure entraînant la
résiliation d’un bail en application de l’article 379 du Code civil479.

Par ailleurs, si le débiteur offre de s’exécuter même en cours


d’instance, le créancier ne peut l’en empêcher de même qu’il ne peut être fondé à
réclamer l’exécution par équivalent ni même des dommage-intérêts compensatoires
résultant de l’inexécution directe de l’obligation480.

479
Léo, 22 sept 1964, RJCB, 1965, Page 189.
480
Ière instit. elis, 8 sept 1938, RJCB, 1939, page 145.
233
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

II. La mise en demeure du débiteur par le créancier.


Elle est nécessaire parce que, comme on l’a vu, toute
responsabilité contractuelle du débiteur implique une mise en demeure préalable de ce
dernier par le créancier. Le droit congolais reste très large à cet égard en tant qu’elle ne
soumet la mise en demeure au respect d’aucune formalité. Une simple assignation
voire une lettre recommandée suffit pour qu’elle constitue une interpellation faite au
débiteur de remplir son engagement481.

III. L’intervention judiciaire.


a. Principe
Aux termes de l’article 82 alinéa 3, la résolution doit être
demandée en justice. Cela veut dire que la résolution ne peut être prononcée que
par le tribunal et le juge dispose d’un pouvoir souverain d’application quant à ce. Ce
recours au juge est nécessaire pour une double raison :

 La résolution entraîne des conséquences plus graves que l’exception


d’inexécution en tant qu’elle met fin au contrat ;
 Le juge doit toujours vérifier si toutes les conditions de la résolution sont
réunies avant de la prononcer.

Grâce donc à son large pouvoir d’appréciation, le juge peut se


prononcer sur l’opportunité même de prononcer la sanction, voire d’adapter celle-ci à
la gravité du manquement en portant son choix sur l’une de quatre solutions reprises
ci-dessous :

- Soit prononcer la résolution avec ou sans dommages-intérêts (art 82, al 2 in


fine) ;
- Soit prononcer la résolution aux torts de deux parties si des manquements
réciproques d’une gravité suffisante sont décelés dans le chef de deux
parties482 ;
- Soit accorder au débiteur un délai de grâce pour s’exécuter (l’art 82 Al3 in fine).
- Soit rejeter la demande de résolution et accorder au demandeur de dommages-
intérêts si ce dernier a subit un préjudice.

En principe, le juge ne peut prononcer une résolution partielle de


la convention. Quand les obligations du contrat ont reçu un commencement
d’exécution, le tribunal peut à la fois, refuser de déclarer le contrat résolu, et accorder
des dommages et intérêts pour manquement au surplus des obligations du contrat483.
481
A noter que lorsque le temps prévu pour l’exécution d’un contrat synallagmatique est écoulé, la mise en
demeure préalable n’est plus nécessaire (Elis, 20 avril 1955, RJCB, 1955, P123). Surtout lorsque l’obligation
devait être exécutée dans un espace de temps précis que le débiteur a laissé passer.
482
Cass, 9 mai 1986, Pas, 1986, I, p.1100, Cass, 5 mars 1993, Pas, 1993, I, P251.
483
Ier inst. Elis, 7 juillet 1938, RJCB, 1946, p190
234
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Toutefois, ce principe n’est pas aussi absolu qu’on le croit


puisqu’il est d’abord limité dans le cas de la résolution ex nunc. Ici le contrat n’est
résolu que partiellement, car seule une partie de ses effets est vouée à la disparition en
gardant intacte l’autre (effets passés).484

Bien plus, la résolution partielle d’un contrat complexe peut être


admise. Dans ce ca, elle n’affectera qu’un groupe d’obligations interdépendantes si
celui-ci est divisible du reste de la convention485.

b. Résolution n’impliquant pas l’intervention du juge.

La résolution n’est pas toujours judiciaire. D’autres situations


peuvent en effet conduire à la résolution du contrat en dehors de toute intervention
préalable de la justice. C’est le cas notamment de la résolution dite unilatérale.
Celle-ci a lieu :

1) Dans certaines hypothèses autorisées par la loi et particulièrement :


 Dans les contrats à durée indéterminée

Diverses dispositions légales reconnaissent à une partie le droit


de mettre fin de manière unilatérale et anticipée au contrat. Question d’éviter qu’un
engagement ne devienne perpétuel. Cependant, le droit de résiliation unilatérale ne
peut être exercé de manière abusive et intempestive. Dans certains cas, la partie qui
use de ce droit doit adresser à l’autre un préavis. En outre, dans certains contrats, la loi
impose des conditions spécifiques destinées à protéger l’autre partie (cas du
licenciement dans un contrat de travail ou du préavis donné à un locataire dans un
contrat du bail).

A noter que la résiliation (résolution) unilatérale est un acte


juridique unilatéral réceptice. Elle ne produit ses effets que lorsqu’elle a été adressée à
l’autre partie et que celle-ci l’a reçue ou à tout le moins a pu en prendre connaissance.

 Dans les contrats conclus en considération de la personne. La considération de


la personne étant déterminante dans ce genre de contrat, il est normal qu’une
personne puisse mettre fin unilatéralement à un engagement dès que la
confiance placée en l’autre a disparue. Il en est ainsi du mandant et du
déposant.
Le premier peut démettre son mandataire ad nutum sans s’en
justifier (qu’il s’agisse du mandat à titre gratuit ou à titre onéreux, art 545). Le second
peut mettre fin au dépôt par sa seule volonté dès l’instant où il exige la restitution de la
chose remise en dépôt, même si la convention a fixé un délai quant à ce (article 508 du
CCCL III).
484
S.STINS, op.cit., 1994, pp.294-295.
485
S.STIJNS, op.cit., 1994, pp-294-295.
235
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2) En cas de clause résolutoire convenue par les parties dès la conclusion du


contrat.

La résolution du contrat est, en principe, judiciaire avons-nous


vu. Toutefois, ce principe n’est pas d’ordre public. Les parties peuvent insérer dans
leur contrat une clause expresse de résolution appelée aussi un pacte commissoire
exprès486 . Par dérogation à l’article 82, le pacte commissoire exprès peut être simple
ou étendu.

- Pacte commissoire exprès simple.

Il s’agit d’une clause résolutoire expresse dans laquelle les


parties stipulent qu’en cas d’inexécution par l’une parties de ses obligations, le
contrat est résolu de plein droit.

La doctrine moderne y voit une simple reproduction de l’article


82, a tel enseigne que le recours à la justice n’est pas supprimé. Le juge doit intervenir
pour constater s’il y a inexécution du contrat et si cette inexécution est imputable au
débiteur (et non au cas fortuit). Bien entendu, le pouvoir du juge se limite au constat
de l’inexécution. Dès que celle-ci est établie, il doit prononcer la résolution. Il n’a pas
le pouvoir d’apprécier la gravité du manquement commis, ni d’accorder des délais de
grâce. Néanmoins, il a l’obligation de vérifier si le débiteur fautif a été préalablement
mis en demeure par le créancier avant de solliciter la résolution du contrat car le pacte
commissoire exprès simple ne supprime pas l’obligation de mise en demeure. (Voy.
Par exemple l’article 333 du CCCL III). Par ailleurs, ce pacte qui est fait à l’avantage
du créancier n’empêche pas ce dernier de solliciter l’exécution en nature de
l’obligation par le débiteur chaque fois qu’elle est possible. Ce qui est interdit c’est de
voir le débiteur invoquer sa propre inexécution pour obtenir, sur base de ce pacte, la
résolution judiciaire du contrat. Ce serait une façon pour lui de se soustraire facilement
de ses obligations.

La jurisprudence congolaise n’est pas avare de décisions


judiciaires rendues en matière de pacte commissoire. Ainsi, il a été, par exemple, jugé
que le pacte commissoire prive le juge du pouvoir d’apprécier la gravité du
manquement imputé au débiteur de l’obligation. La mission du juge se borne à
constater si le manquement prévu contractuellement existe.487

486
En principe, les clauses résolutoires sont valables. Mais, pour protéger certaines catégories des contractants la
loi a limité leur application dans certains cas. Ainsi, dans les bails à ferme, ces clauses ne peuvent prévoir la
résolution que pour des cas qui correspondent aux conditions de l’art.82. Dans le bail d’immeuble à usage
d’habitation, ces clauses ne sont autorisées qu’en cas de non paiement de loyer ou des charges. Dans ces
conditions, elles ne produisent leur effet qu’un mois après commandement de payer, sans préjudice d’un délai de
grâce à accorder au débiteur (voy.J CARBONNIER, op.cit, p.304, N°188). Le même régime est applicable dans
la vente d’immeuble à construire.
487
Ier Inst, 27. Léo 27 mai 1958, RJCB, 1960, p.51, Appel R.H, 22nov, RJCB, 1956, p.129.
236
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Pacte commissoire exprès étendu

Dan ce pacte, les parties facilitent d’avantage les conditions


d’application de la résolution en stipulant qu’en cas d’inexécution par le débiteur de
son obligation, le contrat sera résolu de plein droit, sans sommation ni autre
formalité.

En conséquence :

 Le créancier est dispensé de l’obligation de mise de demeure.


 L’intervention du juge se limite à constater la résolution qui a eu lieu de plein
droit (et non de la prononcer) et à prononcer les condamnations qui s’en
suivent.

§4. Effets de la résolution.


La résolution produit un effet rétroactif. Le contrat est sensé
n’avoir jamais existé et chaque partie restitue à l’autre les prestations déjà accomplies
de façon à revenir au statu quo ante (c’est la résolution ex tunc).

Cependant, dans les contrats à exécution successives, il est


difficile de répéter les prestations exécutées (bail, contrat de travail). D’où, on
s’accorde à reconnaitre ici que la résiliation (terme utilisé à la place de la résolution)
produit ses effets ex nunc, c’est-à-dire, à partir du moment présent et pour l’avenir 488.
Le moment présent pouvant se situer soit au jour de la demande en justice, soit à celui
du jugement prononçant la résolution489.

Ainsi se termine l’étude des contrats ou des obligations


conventionnelles en général pour reprendre l’expression même du Code. Elle a été
surtout consacrée à l’examen des actes juridiques bilatéraux, c’est-à-dire, des
manifestations de volontés d’au moins deux parties (et non une seule) destinées à
produire des effets sur le plan de droit, à savoir, créer un droit, transmettre un droit,
modifier un droit ou éteindre un droit.

Fidèles à notre plan d’étude, et poursuivant la progression même


du Code civil, nous allons maintenant aborder la question des engagements qui se
forment sans convention. Il s’agit des événements ou des agissements que la doctrine
moderne considère comme des faits juridiques et qui finalement produisent certaines
conséquences en droit parce qu’ils font naître dans les chefs des personnes obligées
des obligations que celles-ci n’ont pas recherchées.
488
Contre ce principe, Voy Elis, 7 juin 1955, (RJCB, P.276) qui a décidé que même lorsqu’il s’agit de la
résolution d’un contrat successif tel que le bail, la résolution en principe, opère « ex tunc » encore qu’elle doit
être prononcée par le juge »
489
M.FONTAINE, « la rétroactivité de la résolution des contrats pour exécution fautive, note sous cass, 8 oct
1987, RJCB, 1990, p.380 et s.
237
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Le législateur classe ces événements en deux catégories : les


quasi-contrats ou les faits purement volontaires de l’homme d’où résulte un
engagement quelconque envers un tiers (art.247 et s du Code civil) et les délits et
quasi-délits, c’est-à-dire, les dommages causés à autrui comme source d’obligations
(art.258 et s). Les premiers sont des faits licites ; les seconds ne le sont pas.

Nous allons commencer par l’étude des délits et des quasi-délits


(titre II) pour terminer avec celle des quasi-contrats (titre III).
238
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

TITRE II : LES DELITS ET LES QUASI-DELITS

INTRODUCTION

Les délits et les quasi-délits auxquels le législateur n’a consacré


que cinq articles dans notre droit (art 258 à 262 du CCCL III) constituent, suivant
notre plan d’étude, la deuxième source des obligations après les contrats ( 490). Il s’agit
comme nous venions de le signaler plus haut, d’une source non conventionnelle
d’obligations qui a connu, chez nous comme ailleurs, des nombreuses applications
jurisprudentielles.

Le délit est un comportement illicite, c'est-à-dire, une faute


volontaire et intentionnelle qui cause dommage à autrui et qui oblige son auteur à le
réparer (article 258 du Code Civil Congolais livre III ou 1382 du Code Civil belge).

Alors que le quasi-délit est une faute non intentionnelle


génératrice d’un préjudice causé par imprudence ou négligence (art 259).

Les délits et quasi-délits donnent lieu en cas de dommage à une


responsabilité civile. Celle-ci entraîne l’obligation pour l’auteur fautif de réparer le
préjudice causé à autrui. S’agit-il du dommage résultant de l’inexécution d’une
obligation légale et générale de prudence (ne pas causer du mal à autrui) et la
responsabilité sera délictuelle ou quasi-délictuelle. Par contre lorsque le préjudice subi
consiste en une inexécution d’une obligation que les parties ont acceptée dans un
contrat, la responsabilité sera qualifiée de contractuelle.

 Une matière en constante évolution

La matière de responsabilité civile appelée aussi responsabilité


de droit commun, responsabilité délictuelle ou responsabilité acquilienne (en
hommage à monsieur Acquilius, auteur de la lex acquilia) est depuis 1804, en
évolution permanente. Celle-ci est la conséquence de changement et de transformation
du mode de vie et des relations au sein de la société. L’industrialisation entraîne une
multiplication des risques dans la vie moderne. Le besoin de sécurité et de protection
des victimes a conduit non seulement à une prise en compte de la nécessité de
minimiser les accidents, mais aussi d’organiser une meilleure réparation des
dommages.

Faut-il rappeler que la responsabilité civile dont le principe est


énoncé à l’article 258 du Code civil livre III aux termes duquel « tout fait quelconque
de l’homme, qui cause dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé
490
On notera qu’en droit belge, du fait de l’introduction dans le Code civil de l’article 1386 bis, la matière des
délits et quasi-délits est désormais régie par 6 articles. L’article 1386 bis prescrit un régime particulier pour les
dommages causés par les fous ou dements.
239
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

à le réparer » vise la réparation des préjudices causés dans les rapports entre
individus et s’oppose pour cela à :
1. La responsabilité pénale dont le but est la répression des infractions et
l’infliction à leurs auteurs des peines prévues par la loi ;
2. La vengeance privée, liée à l’idée de vengeance et non de réparation selon la
fameuse loi de talion (œil pour l’œil, dent pour dent) qui fut un mélange de la
responsabilité civile et de la responsabilité pénale.
3. La composition volontaire et la composition forcée liée également à l’idée de
vengeance.
 Fondement de la responsabilité civile ou de droit commun

Reposant sur une vision humaniste de l’individu vivant en


société et sur le principe du libre arbitre selon lequel chaque individu est libre de ces
actes et ne peut répondre de ceux-ci qu’en cas de dommage lui reproché, la
responsabilité civile ou de droit commun est fondée sur l’idée de faute. C’est, en effet,
parce que l’individu a causé à autrui un dommage par sa faute qu’il doit le réparer.
Sans faute, un dommage aussi grave fut-il ne peut donner lieu à réparation.

On dit alors que la responsabilité de droit écrit a un caractère


individualiste et subjectiviste. Elle est individualiste parce que la charge de
l’obligation de réparation ne pèse, en principe, que sur le seul individu, auteur du
dommage. Quant au caractère subjectiviste, il signifie tout simplement qu’en matière
de responsabilité c’est le comportement fautif de l’agent qui est, comme souligné
précédemment, sanctionné.

Dès lors, la faute, fondement par excellence de la responsabilité


civile du droit écrit permet de distinguer cette dernière de la responsabilité civile
coutumière.

En effet, la responsabilité civile coutumière est une


responsabilité objective et collective. Car ce n’est plus la faute qui est à la base de
celle-ci, mais bien le dommage et la nécessité de réparer celui-ci par le groupe social
grâce à la solidarité familiale. Dans nos coutumes, faut-il le rappeler, la mise en œuvre
de la responsabilité civile est indépendante de l’existence de la faute et la réparation du
préjudice n’est jamais que l’affaire du seul individu, auteur de celui-ci. Ainsi, lorsqu’à
la suite d’une rixe, un enfant du voisin blesse gravement un autre, c’est le groupe
familial dans lequel vit l’enfant auteur de la blessure qui se mobilise pour réparer le
préjudice causé à la victime sans qu’il soit besoin de se demander préalablement s’il y
a eu ou non faute dans le chef de l’auteur de ce dommage. La faute n’intervient ici que
comme mesure de la réparation.
240
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Bref, l’idée de faute est étrangère au système de responsabilité


civile coutumière dite objective, mais les exigences de protection des victimes vont
même pousser les systèmes de responsabilité civile de droit écrit à s’orienter vers un
système de responsabilité objective traditionnel.

 Annonce du plan

Dans ce titre, nous examinerons successivement les conditions de la responsabilité


civile du droit commun (Chap. I), les exceptions au principe de la responsabilité
personnelle constituées de la responsabilité pour autrui (Chap. II) et de la
responsabilité du fait des choses (chap. III), les rapports entre responsabilité délictuelle
et responsabilité contractuelle (Chap. IV) et, enfin les Critiques de la responsabilité
civile et son évolution moderne (Chap. V).
241
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE I CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE DU FAIT


PERSONNEL
Aux termes de l’article 258 du Code civil congolais livre III, tout
fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à le réparer. Le libellé de cette disposition prouve en elle-même
que la responsabilité civile de droit commun ou du fait personnel ne peut être établie
que lorsque sont réunies certaines conditions que l’on groupe au nombre de trois : le
dommage, la faute et le lien de cause à effet entre le dommage et la faute.

L’on ne peut s’étonner que l’énumération de ces conditions


requises commence d’abord par le dommage alors que logiquement on aurait la faute
en premier lieu en tant que fondement ou élément sur lequel repose la responsabilité
aquiliènne.

A la vérité, la doctrine s’accorde pour dire que le dommage reste


la première condition de la responsabilité civile car même si la faute et la causalité sont
établies, le juge ne condamnera l’auteur du fait dommageable que si la victime a
démontré qu’elle a subi un préjudice réparable.

Aussi, le dommage constitue-t-il la première condition de la


responsabilité aquilienne car les règles de cette responsabilité n’entrent en jeu qu’en
cas de préjudice causé à autrui. En témoigne, le fait par exemple qu’un chauffeur de
taxi peut rouler à tombeau ouvert (excès de vitesse constitutif d’une infraction au Code
de la route) sur la chaussée et aucune responsabilité civile ne sera retenue dans son
chef tant qu’il n’aura pas causé un accident portant préjudice à autrui.

Le dommage est donc l’élément déclencheur de la responsabilité


civile, qui, réuni avec les autres (faute et lien de causalité) fait naître au profit de la
victime une créance en réparation contre l’auteur fautif.

Nous allons étudier chacune de ces conditions dans les trois


chapitres qui suivent en précisant que pour faire valoir la créance en indemnité née
ainsi dans son chef, la victime dispose d’une action en responsabilité civile devant le
juge compétent. Cette action fera l’objet de notre quatrième section.
242
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Section I : Le dommage

§1. Définition et Preuve du dommage

1. Définition
Sans dommage, pas de responsabilité civile dirait-on. Le
dommage autrement appelé préjudice est, comme nous l’avons déjà dit, l’élément
déclencheur de la responsabilité acquilienne parce que le juge ne peut accorder
aucune réparation à la victime si elle ne parvient pas à prouver qu’elle a subi un
dommage réparable.

Mais qu’entendre par dommage vu que le législateur ne définit


pas cette notion aux articles 258 et 259 qui constituent le siège de la responsabilité
acquilienne ?

Pour Bernard Dubuisson à qui nous empruntons la définition du


491
dommage , celui-ci est un concept extrêmement vaste. Le dommage écrit-il
représente toute perte totale ou partielle d’un bien, d’un avantage ou d’un intérêt
que l’on avait ou sur lequel on pouvait compter. Abondant dans le même sens Mme
HEBRARD ajoute que le dommage est l’amoindrissement infligé à la victime
dans sa personne physique, morale ou dans ses biens492.

Il s’agit en réalité d’une atteinte à un bien, un droit, un avantage


ou un intérêt de quelqu’un.

Ainsi compris, tout dommage appelle réparation en principe,


lorsque sont réunies les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité civile.
Cependant, contrairement au droit coutumier, le droit écrit ne répare pas tous les
dommages. Ne peuvent donner lieu à l’indemnisation que les dommages répondant
aux critères suivants : certitude, liaison directe avec la faute, caractère personnel et la
lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

Avant de passer à l’examen de ces différents critères, il est


d’abord important de nous arrêter un moment sur la question de la preuve du
dommage.

2. Preuve du dommage
La charge de la preuve incombe selon l’adage latin «actori
imcumbit probatio », à celui qui allège un fait. Il appartient donc à la victime
d’apporter la preuve du préjudice causé à son bien ou à son intérêt quelconque pour
bénéficier de la réparation. En dehors de cette preuve, le juge ne peut lui accorder
aucune indemnisation.
491
B. DUBUISSON, Cours polycopié de droit des Obligations, UCLLN, fac de droit, 2004-2005, p.190.
492
Mme HEBRARD, Cours polycopié de théorie générale des obligations, 2eme année, ENDA, 1967-1968.
243
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ceci constitue un des éléments de différence avec la


responsabilité contractuelle parce qu’en cette matière c’est au créancier de l’obligation
qui réclame des dommages-intérêts pour inexécution du contrat par le débiteur
qu’incombe la charge d’apporter la preuve du contrat : la faute du débiteur étant
présumée du seul fait de l’inexécution dudit contrat (art 45 CCCL III).

§2. Hypothèses des dommages réparables


Les dommages donnant lieu à réparation peuvent être soit
matériels, soit corporels ou physique, soit enfin moraux.

1. Dommages matériels
Les dommages matériels sont des atteintes portées aux intérêts
d’ordre matériel ou économique de quelqu’un. Ainsi en est-il du fait de bruler ses
habits ou sa voiture sans oublier que, pour la jurisprudence congolaise, les frais
d’expertise contradictoires exposés font partie du préjudice matériel 493 de même que
l’immobilisation d’un véhicule même non utilitaire494.

2. Dommages corporels
Ils sont considérés comme une catégorie particulière des
dommages matériels et sont constitués essentiellement des atteintes portées à
l’intégrité physique de quelqu’un. Exemples, lésion corporelle, blesser quelqu’un ou
crever son œil.

Les dommages corporels peuvent avoir pour conséquence la


réduction de la capacité de travail d’une personne (quelqu’un qui se voit amputer les
deux jambes à la suite d’un accident de circulation) et partant de ses revenus. Ils
peuvent se cumuler avec le dommage moral.

3. Dommages moraux
Les dommages moraux sont constitués des atteintes aux intérêts
moraux d’une personne. Ils se rapportent généralement à trois situations. Il peut s’agir
d’abord des atteintes portées à l’honneur ou à la réputation d’une personne au moyen
des écrits, des injures, des paroles diffamatoires etc.… ensuite, les dommages moraux
peuvent résulter des douleurs que causent à la victime les souffrances physiques ou
morales à la suite d’un accident de circulation par exemple, (dommage esthétiques) ou
de la conscience de la diminution de ses capacités physiques ou mentales voire du
raccourcissement de la durée de sa vie (cas du cancer ou du VIH SIDA). Enfin, il peut
s’agir des douleurs que l’on ressent à la suite du décès ou de la perte d’un être cher ou
d’un animal. C’est le cas du dommage dit affectif constitué par une atteinte à la
sensibilité ou à l’affection. Ainsi, la douleur ressentie par une épouse à la vue de la

493
Léo 11 juin 1957, R.J.C.B, 1958, p.16
494
Léo 15 mai 1956, J.T.O. 1957, KIn, 16 févr 1971 ; R.J/Z., 1972 p.55
244
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

souffrance de son mari fauché par une voiture constitue un dommage moral donnant
droit à réparation495.

La notion du dommage affectif a fait l’objet de nombreuses


controverses dans la mesure où il n’a pas été déterminé avec exactitude les proches ou
les êtres chers qui peuvent bénéficier de l’action en réparation (parents, conjoints,
fiancés, amis, camarades…). Faute d’opinion déterminante, la question est restée
controversée496.

 Discussion quant à la réparation du dommage moral


La réparation du dommage moral a été beaucoup discutée en
raison des difficultés de son évaluation en argent497.

Plusieurs systèmes juridiques ne l’ont jamais admise et certains


sont encore restés réticents à ce jour. Cependant, la jurisprudence belge, comme du
reste, la jurisprudence congolaise (cfr. supra), admet aujourd’hui la réparation de ce
type de dommage. On estime, en effet, que même si la réparation en argent n’est pas
efficace dans ce genre de préjudice, parce qu’une somme d’argent ne peut jamais
réparer la douleur ressentie par une personne à la suite de la perte d’un être cher, on
peut néanmoins, dans certains cas, envisager d’autres types de réparation.

Ainsi, en cas d’atteinte à l’honneur ou à la considération par


exemple, la réparation adéquate peut consister en une rétractation publique.

Par ailleurs, quand bien même l’argent ne saurait efficacement


remplacer un être cher, il peut dans d’autres hypothèses intervenir comme « une forme
d’alternative au bonheur » une consolation. Car il peut permettre à la victime de
s’offrir un bien ou un plaisir en vue d’atténuer sa douleur.

Ainsi, cette forme de réparation repose beaucoup plus sur des


idées liées à l’équité qu’au droit. L’argent dit-on ici sert à penser les plaies et à alléger
la douleur ressentie par la victime. C’est donc le prix de la douleur ou la pretium
doloris.

 Nature juridique de l’indemnité perçue par la victime d’un dommage


moral
L’indemnité perçue par la victime d’un dommage moral se
distingue des dommages-intérêts, car elle ne vient pas à l’instar de ceux-ci, en
495
LShi, 1er décembre 1970, R.J.C, 1971, p.35.
496
Voy KALONGO MBIKAYI, op.cit 187
497
L’intérêt moral n’as pas de prix et ne peut être réparé par le versement d’une somme d’argent dirait-on.
245
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

compensation du préjudice matériel subi par cette dernière lequel obéit au principe de
la réparation intégrale. Elle est plutôt une peine civile infligée à celui qui a commis
une faute.

A noter qu’un même dommage peut avoir à la fois un aspect


matériel et moral (voire corporel et moral). L’appréciation en est faite par le juge qui,
en vertu de son pouvoir souverain, peut décider que la victime recevra une double
indemnité représentant les dommages-intérêts pour préjudice matériel d’une part et,
d’autre part, l’indemnité à titre de peine civile pour préjudice moral.

Ainsi en cas d’accident de circulation causant la mort d’un


travailleur par exemple, la perte de salaire constitue le dommage matériel parce que
l’intéressé ne peut plus jamais travailler, tandis que la douleur ressentie par les enfants
à la suite de la mort de leur père représente le dommage moral (surtout s’ils ont vécu
eux-mêmes l’effroyable spectacle).

 De la réparation du dommage moral en droit congolais

Comme signalé plus haut, la jurisprudence congolaise admet la


réparation du dommage moral. Toutefois, les principes de base de cette réparation ne
sont pas encore établies, particulièrement en ce qui concerne les bénéficiaires de
l’action en réparation et la nature du dommage moral à prendre en compte (dommage
affectif, dommage esthétique, perte d’un animal etc.).

D’ores et déjà, on peut suggérer que la liste des bénéficiaires de


l’action en réparation du dommage moral soit établie de la manière limitative.

§3.Caractères des dommages réparables


Pour qu’un dommage soit réparé en droit écrit, il faut qu’il
réponde à certaines conditions. Cela veut dire qu’en droit écrit, tous les dommages ne
sont pas réparables comme ils le sont en droit coutumier. Ne sont pris en compte dans
la législation écrite que les dommages réputés certains, directs, personnels et ceux
constituant une atteinte ou une violation d’un intérêt légitime juridiquement
protégé.

Passons en revue chacun de ces caractères

1. Un dommage certain
Le dommage certain est celui dont l’existence peut être prouvée
au moment où la victime l’invoque. Exemples, blessures, pertes infligées à la victime
dans ses biens, etc. On oppose le dommage certain au dommage éventuel ou
246
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

hypothétique dont la réalisation n’est pas certaine et partant ne peut donner lieu à
aucune réparation. Il s’agit en réalité d’un préjudice reposant sur les simples
suppositions ou conjectures. Tel est le cas d’un fonctionnaire de l’Etat qui fonde sa
demande d’indemnisation pour révocation, sur le fait qu’il espérait l’amélioration de sa
situation matérielle dans l’avenir. C’est là un préjudice hypothétique qui ne peut être
réparé en raison de son caractère aléatoire.

Cependant, le caractère certain d’un dommage ne peut signifier


nullement qu’il doit être né et actuel. Un préjudice même futur peut faire l’objet de
la réparation lorsqu’étant déjà né au moment où le juge statue sur son évaluation, ses
répercussions peuvent être en mesure de se prolonger dans le temps.

Ce dommage est un dommage futur et certain différent du


dommage hypothétique. On peut citer à titre d’illustration, le cas d’un accident de
circulation entraînant une incapacité permanente de travail et par voie de conséquence
une diminution des revenus d’un fonctionnaire. Cette diminution des revenus sera
constatée pendant le jugement, et même après le jugement jusqu’à la fin de la vie de
l’intéressé.

Qu’en est-il alors de la perte d’une chance ?

 La perte d’une chance

La perte d’une chance peut constituer un préjudice réparable si


cette perte se présente sous la forme d’un dommage certain et actuel. C’est
généralement le cas lorsque la victime peut compter sur la réalisation de cette chance.

Ainsi, lorsqu’un avocat omet d’introduire une voie de recours


pour son client, ce dernier peut obtenir réparation du dommage subi sur base de la
perte d’une chance, particulièrement, la perte à gagner le procès. Mais, il n’est pas
certain que la juridiction de recours aurait nécessairement fait droit aux prétentions de
la victime. C’est là une question laissée à l’appréciation souveraine du juge.

2. Un dommage direct
Le dommage réparable doit être la conséquence directe et non
lointaine du fait générateur. Ce caractère est lié à celui du lien de causalité entre la
faute et le dommage (troisième condition de la responsabilité de droit commun). Ainsi,
un dommage qui n’aurait pas été provoqué par la faute de l’auteur de ce dommage ne
peut être réparé parce qu’il s’agit dans ce cas d’un dommage indirect ou par
ricochet.

C’est le cas par exemple d’une personne qui s’absente sans motif
valable à son travail et qui est révoqué par son patron pour faute lourde. Si à la suite de
247
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

cette révocation, il est rongé par le chagrin jusqu’à en mourir, ses héritiers ne peuvent
tenir son ancien patron pour responsable de cette mort. Il n’y a pas en effet, un lien
direct et immédiat entre cette mort et la révocation dont a été l’objet le de cujus. C’est
donc là un dommage simplement indirect.

Toutefois, on ne peut soutenir que tout dommage indirect ne peut


pas être réparé parce qu’il existe des dommages qui ont des répercussions sur d’autres
personnes quand bien même ils ne seraient subis que par des personnes considérées
comme des victimes directes. C’est le cas notamment du dommage causé à un père de
famille (sa mort par exemple) qui atteint, par répercussion tous ceux qui, d’une
manière ou d’une autre, dépendaient de lui (ses enfants en particulier)498.

Une fois encore, il s’agit ici d’une question de fait laissée à


l’appréciation souveraine du juge de fond, lequel doit déterminer les personnes
atteintes en raison du dommage causé à un autre.

3. Un dommage personnel
Le dommage personnel est celui qui est subi par la victime elle-
même. Cette dernière bénéficie d’une action en réparation du fait de l’atteinte portée à
ses droits499. Constitue également un préjudice personnel, celui qui est subi par une
personne à la suite du dommage causé à une autre dont elle dépend (cas du dommage
subi par les enfants en raison de la mort de leur père).

4. Une atteinte à un intérêt légitime juridiquement protégé


Un intérêt légitime est celui qui se rapporte à un droit protégé par
la loi. Aussi, la violation de cet intérêt confère-t-elle à la victime une action en
réparation pour préjudice subi. En l’absence de lésion d’un droit consacré par la loi et
protégé par une action en justice, il n’y a pas d’obligation de réparer. Dès lors, le
propriétaire d’un bien endommagé a droit à la réparation alors qu’un voleur dont le
bien est saccagé ne peut prétendre à aucune indemnisation, son intérêt n’étant pas
juridiquement protégé. Il en est de même d’un prisonnier qui ne peut agir en paiement
des D.I contre un magistrat pour privation de liberté entraînant la perte de ses revenus.

Toutefois, on considère aujourd’hui dans certains pays


(notamment en France) que la question n’est plus de savoir si la victime est lésée dans

498
Ceux-ci peuvent alléguer en même temps un dommage matériel (perte du soutient économique et financièr) et
un dommage moral (perte d’un être cher).
499
En effet, personne ne peut agir en justice s’il n’a pas subi un préjudice propre (Pas d’action sans intérêt).
L’action populaire (l’actio popularis) est interdite car personne (à part le ministère public) ne peut agir pour
assurer la protection des intérêts de toute la société. L’action populaire est à distinguer de l’action de classe
comme en droit américain. Ici une personne agit pour elle-même et pour toute personne se retrouvant dans la
même situation (cas du dommage en série causé par un produit défectueux). Cette action n’est pas autorisée en
droit congolais.
248
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

son intérêt juridiquement protégé pour qu’il y ait indemnisation mais bien de savoir si
l’acte dommageable a porté atteinte à un intérêt socialement protégé500. De la sorte,
une concubine peut agir en D.I contre le meurtrier de son concubin pour autant que
leur relation n’ait pas pu revêtir un caractère délictueux 501 et le juge à un large pouvoir
d’appréciation quant à ce.

Section II : La Faute
La faute, avons-nous dit, est la deuxième condition de la
responsabilité civile et cela, faut-il encore le rappeler, en nous situant en dehors de la
pure logique parce qu’en tant que source de la responsabilité acquilienne, elle
devrait être citée en premier lieu. Cependant, étant donné qu’aucune responsabilité
civile ne peut avoir lieu en absence d’un dommage quand bien même il serait possible
de détecter une faute dans le comportement de l’agent (cas de la personne qui grille un
feu rouge ou qui utilise une arme prohibée), il devient alors facile de comprendre
pourquoi nous avons choisi de commencer par le dommage avant la faute.

Ce sont les articles 258 et 259 du Code civil congolais livre III
qui parlent de la faute dans notre droit. Le premier ainsi libellé « tout fait quelconque
de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer » vise la faute intentionnelle ou le délit proprement dit, tandis que
le second formulé comme suit : « chacun est responsable du dommage qu’il a causé
non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence » se
rapporte à la faute non intentionnelle ou le quasi-délit (imprudence et négligence).

Mais, ces articles, comme on peut le constater ne définissant pas


la faute bien qu’ils prévoient expressis verbis la responsabilité de l’auteur de tout fait
dommageable résultant d’une faute intentionnelle (délit) ou non intentionnelle (quasi-
délit) 502. Aussi s’indique-t-il de rechercher la définition de la faute à partir de ces deux
éléments internes qui sont : la culpabilité (élément objectif) et l’imputabilité
(élément subjectif)

§1. La culpabilité
La culpabilité issue du mot latin « culpa » est l’élément objectif
de la faute, c'est-à-dire, la faute elle-même (mea culpa). Celle-ci désigne tout
comportement anti-social (volontaire ou involontaire, par action ou par omission).

500
Voir la note 12 ci-dessous. Voy aussi B. DUBUISSON, op cit, p.193.
501
Voir Arrêt de la Chambre mixte de la Cour de cassation française du 27 février 1970 citée par Nooman
GOMAA, in La réparation du dommage et l’exigence d’un intérêt légitime juridiquement protégé, D.1970,
Chron XXXI, p. 145. Dans le même sens, KALONGO MBIKAYI, op.cit p.189.
502
En principe, les fautes intentionnelle et non intentionnelle donnent lieu à une réparation intégrale. Car
théoriquement le juge doit fixer les dommages-intérêts en tenant compte de l’étendue du dommage et non de la
gravité de la faute. Mais, en pratique, il est fait souvent référence à la nature de la faute pour évaluer le préjudice.
249
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ce comportement anti-social ou ce fait illicite peut d’après la


jurisprudence et la doctrine, consister soit dans le fait de violer un texte légal ou
réglementaire impératif, soit dans l’adoption d’un comportement contraire à celui d’un
bon père de famille, soit, enfin, dans un abus de droit.

Essayons d’examiner ces différents cas.

I. Faute, violation d’un texte


Commet une faute, toute personne qui transgresse
volontairement ou involontairement une disposition légale ou réglementaire à caractère
impératif. Il peut, en effet s’agir d’un texte pénal, civil ou administratif ordonnant ou
prohibant tel ou tel comportement, telle ou telle attitude (ne pas s’absenter au travail,
ne pas voler ou ne pas tuer, ne pas construire à tel lieu, ne pas récoler la clientèle, faire
enregistrer une naissance dans le délai prescrit etc.).

 Rapport entre la faute pénale et la faute civile

En règle générale, la faute pénale se distingue de la faute civile


par sa nature.

La faute pénale est celle qui viole à la fois un intérêt privé


(individuel) et un intérêt social (public en général). Exemple, un accident de
circulation qui cause la mort d’une personne porte atteinte à la fois à la vie d’une
personne privée (la victime) et à celle de la société tout entière (ordre public est
troublé). D’où l’action appartient au ministère public en tant que représentant de la
société.

Par contre, la faute civile ne viole que les intérêts privés d’une
personne. Exemple : en cas de non respect d’une clause contractuelle par le locataire
(loyers non payés à temps), il appartient au bailleur, victime de cette violation
d’exercer contre le locataire une action en recouvrement des loyers échus plus
éventuellement les dommages-intérêts moratoires.

De cette différence de nature, il faut observer que :

1. Toute faute pénale entraîne une faute civile, mais le contraire n’est pas toujours
vrai. Car il n’ya que certaines fautes civiles qui constituent en même temps des fautes
pénales. Exemple : le dol et la violence sont à la fois des fautes civiles mais aussi des
infractions au regard de notre Code pénal. Le principe nullum crimen, sine lege,
s’oppose à l’établissement des fautes sans loi.
2. Toute faute pénale ne donne pas lieu à des dommages-intérêts car ceux-ci ne
sont dus que lorsqu’il y a préjudice. Ainsi certaines infractions du Code pénal telle que
la mendicité, le port d’arme prohibée et la tentative punissable ne peuvent aboutir au
paiement des dommages-intérêts parce qu’elles n’entraînent pas nécessairement un
250
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

dommage. En effet, le principe applicable en droit civil et qu’il n’y a pas de réparation
sans dommage.
3. Lorsqu’une faute pénale constitue à la fois une faute civile, la victime a alors
droit à une action pénale et à une action civile en réparation du préjudice subi (cas des
coups et blessures volontaires). Dans ce cas, l’action civile subit à plusieurs égards
l’influence de l’action pénale. Et cela, à trois points de vue : prescription, compétence
du tribunal et l’influence de l’action pénale sur l’action civile.
a) Au point de vue de la prescription de l’action : la prescription de l’action
pénale entraîne celle de l’action civile503 dès lors, il serait prudent pour la victime de
saisir le tribunal pénal et de se constituer « partie civile » pour obtenir devant le
tribunal la réparation du préjudice lui causé.
b) Au point de vue du tribunal compétent : lorsqu’un même fait constitue à la
fois une faute civile et une faute pénale, la victime a le choix entre le tribunal civil et le
tribunal pénal. Cela veut dire qu’elle peut opter uniquement soit pour le tribunal civil
en vue d’obtenir réparation du préjudice, soit devant le tribunal pénal et lier son action
civile à l’action pénale en exerçant devant cette juridiction son action en réparation.
Cependant, en application du principe electa una via, la victime ne peut changer
d’option en cours d’instance lorsque la voie choisie par elle risque de ne pas se solder
par un résultat positif (voire également à cet effet l’art 104 du COCJ).
c) Au point de vue du principe : « le criminel tient le civil en état » : lorsque
faisant fi de son droit d’option, la victime saisit en même temps le tribunal pénal (la
chambre répressive en RDC) et le tribunal civil (chambre civile), la juridiction civile
doit sursoir à statuer (suspendre l’instruction de l’affaire en entendant l’issue de la
cause au pénal. Et cela, en vertu du principe « le criminelle tient le civil en état »

Ainsi, toute condamnation au pénal entraînera automatiquement


une faute civile et lorsque cette faute a causé un préjudice, il peut y avoir
condamnation aux dommages-intérêts. Car la décision du juge pénal « oblige le juge
civil »504

Cependant tout acquittement au pénal ne peut être suivi d’un


acquittement au civil pour des raisons suivantes :

 L’acquittement au pénal peut résulter de la mort du prévenu (laquelle met fin à


l’action publique) alors qu’au civil, l’action subsiste contre les héritiers de l’auteur du
dommage.

503
L’action civile se prescrit en principe par trente ans (art 647 du CCCLIII). Mais, lorsque l’action en réparation
du préjudice est la conséquence d’une faute pénale (délit pénal), elle est soumise au délai de prescription de
l’action publique (soit 10 ans, 3 ans ou 1 an) selon que l’infraction est un crime, un délit ou une contravention.
504
Cass. Fr., civ 24 janvier 1940, D.H., 1940 ; 21 novembre 1956, D. 1957,52.
251
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 L’acquittement au pénal peut s’expliquer par le fait que le comportement


déploré ne constitue pas une infraction au pénal alors que sur le plan civil, il équivaut à
un acte d’imprudence constitutif de faute civile

II. Faute en l’absence de la violation d’un texte

On peut aussi commettre une faute en l’absence de toute


méconnaissance d’un texte légal ou réglementaire. En effet, les hommes étant de
nature libres d’action et de mouvement, le législateur ne peut se permettre de régler à
coups des textes l’ensemble de leurs faits et gestes. Pareille situation ne pouvant
logiquement être conçue en pratique, il faut donc en plus des règles, demander à
chaque être humain, à chaque homme d’adopter, dans la jouissance de sa liberté (voir à
cet effet la Déclaration universelle des droits de l’homme selon laquelle tous les
hommes naissent égaux en droit et en liberté), un comportement normalement
prudent et diligent.

De la sorte, la faute résulterait d’un comportement contraire à


l’obligation générale de prudence s’imposant à tous, c'est-à-dire, un
comportement que n’aurait pas eu un homme prudent, circonspect et diligent
placé dans les mêmes circonstances extérieures des faits (à savoir un bon père de
famille). Ce critère de l’homme normalement prudent et soucieux de ses devoirs
sociaux (le bon père de famille), est donc devenu un critère courant et très important
dans l’appréciation de la faute.

Ainsi, lorsqu’un médecin administre 20 comprimés d’aspirine à


un patient souffrant du paludisme sa responsabilité, c'est-à-dire, sa faute sera appréciée
par rapport au comportement d’un médecin normalement prudent et conscient de ses
devoirs envers les malades. Si ce modèle abstrait de médecin devait se comporter de la
même manière, notre médecin ne sera pas en faute. Dans le cas contraire, autrement
dit, si le médecin moyen devait administrer la quinine à la place de 20 comprimés
d’aspirine, le médecin traitant sera réputé fautif.

Faut-il rappeler que la faute de comportement ou la faute civile


peut être intentionnelle (délit proprement dit, art 258) ou non intentionnelle (quasi-
délit, art 259). L’une comme l’autre produit les mêmes conséquences car lorsqu’elle
est établie, elle oblige l’auteur à réparer le dommage causé à autrui.

Mais, la différence entre les deux apparait surtout en pratique


étant donné que comme nous l’avons déjà dit, les juges apprécient sévèrement la
responsabilité de l’auteur en cas de faute intentionnelle que non intentionnelle.
252
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Par ailleurs, en matière d’assurance, il est permis de s’assurer


contre les fautes non intentionnelle alors que l’assurance contre les conséquences des
fautes intentionnelles est prohibée.

Enfin, la faute civile qui peut être positive ou négative (omission


ou attitude négative voire l’abstention entraînant un dommage) ne peut être confondue
avec la faute morale.

Cette dernière, on l’a vu, n’est pas sanctionnée alors que la faute
civile, même négative appelle toujours la réparation par son auteur en cas de
dommage. L’illicéité du fait sera, en effet, appréciée par rapport au comportement d’un
bon père de famille placé dans les mêmes circonstances des faits identiques.

III. Faute dans l’exercice d’un droit

L’exercice d’un droit est la mise en œuvre de ce droit par son


titulaire. Le droit étant entendu ici au sens d’une prérogative, un pouvoir reconnu à une
personne par la loi. Ainsi le droit qu’à un individu sur une chose lui appartenant (droit
de propriété) permet à celui-ci d’user et de jouir de sa chose comme bon lui semble. Il
peut même en disposer, c'est-à-dire, transférer la propriété de cette chose à une autre
personne. On dira alors, dans toutes ces hypothèses que la personne exerce son droit de
propriété.

En principe, l’exercice d’un droit n’entraîne aucune


responsabilité dans le chef de son tutélaire. Cependant cette règle connait une
exception en cas d’abus de droit. Il y a abus de droit lorsque le titulaire du droit
exerce son droit, mais avec une intention de nuire. Tel est le cas du propriétaire
d’un terrain qui construit un étage sur son terrain en vue de faire perdre à son voisin le
bénéficie de la belle vue sur le fleuve ou d’un employeur qui licencie abusivement son
employé. Il en est de même du médecin gynécologue qui profite de ses consultations
médicales pour assouvir ses intérêts sexuels.

§2. L’imputabilité
L’imputabilité est l’élément moral ou subjectif de la faute. En
effet, il ne suffit pas de violer une norme de conduite ou de poser un acte
objectivement fautif pour qu’on soit obligé de répondre d’une faute. Sauf le cas de
responsabilité objective, aucune faute ne peut être imputée à son auteur si ce dernier
n’a pas agi librement. C’est autant dire que lorsque l’auteur d’une faute est incapable
d’apprécier les conséquences dommageables de son acte fautif, aucune responsabilité
ne peut lui être reprochée. La conscience, la capacité et la liberté de la volonté sont les
trois éléments de l’imputabilité que nous allons examiner dans les lignes qui suivent.
253
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

I. Volonté consciente
Au sens de l’article 258 du Code civil livre III, seule une
personne consciente, c'est-à-dire, celle qui agit en toute lucidité peut commettre une
faute. L’inconscient, l’animal, le fou, l’idiot et l’enfant qui n’ont pas de conscience ne
peuvent donc pas, à proprement parler, être considérés comme responsables de leurs
actes et en répondre. Toutefois, l’irresponsabilité des déments et des animaux est
battue en brèche dans certains systèmes juridiques préoccupés d’assurer aux victimes
de leurs actes une plus grande protection. Ainsi, l’article 1386 bis du Code civil belge
issu de la loi du 16 avril 1935 permet au juge de condamner un dément à réparer un
dommage quand bien même la condition d’imputabilité ferait défaut (dérogation à la
conception subjective de la faute). Il en est de même du droit français (art 4892 du
Code civil français loi du 3 janvier 1968).

A noter que l’état d’inconscience n’est pas à confondre avec la


perte momentanée de conscience. Lorsque cette perte est imputable à la faute
personnelle de l’agent (ivresse, par exemple), ce dernier reste responsable de ses actes.

Enfin, s’agissant des personnes morales, la faute des organes


engage celle de la personne morale.

II. Volonté capable


Il s’agit précisément ici de la capacité délictuelle et non
contractuelle. En effet, pour qu’un acte soit imputé à l’auteur d’un délit ou d’un quasi-
délit. Ce dernier doit être capable délictuellement. La capacité délictuelle est
l’aptitude d’un individu à commettre un délit ou un quasi-délit. A cet égard, il faut
noter que contrairement à la capacité contractuelle, la capacité délictuelle arrive trop
tôt. Elle est généralement comprise pour la jurisprudence, entre 5 à 8 ans (l’âge de la
raison ou de discernement) alors que la capacité contractuelle est de 18 ans505. Pour les
aliénés, certaines lois les ont rendus capables délictuellement506.

III. Volonté libre


Pour que la faute commise soit imputée à son acteur un troisième
élément est requis. Il s’agit de la volonté libre. Comme le souligne d’aucuns, en effet,
les seules volontés consciente et capable ne suffisent pas pour rendre le défendeur
responsable de son acte. On doit aussi prouver, mieux la victime doit aussi prouver que
le défendeur a agi en toute liberté.
Dès lors, en cas de dommage résultant d’un cas fortuit ou de la force
majeure, le défendeur ne sera nullement responsable. Il en sera de même du préjudice

505
Il s’agit de protéger davantage les intérêts de ceux qui n’ont pas choisi leur situation, par contre un enfant par
exemple peut mesurer les conséquences dommageables de son acte avant d’avoir atteint ses 18 ans.
506
Voir ce qui a été dit plus haut à propos des aliénés en France et en Belgique.
254
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

né de l’état de nécessité, de la faute exclusive d’un tiers ou de la faute exclusive de la


victime elle-même.

A noter que s’agissant de la faute d’un tiers, il y a responsabilité


collective en cas du dommage causé par une personne indéterminée dans un groupe
déterminé de personne. Quant à la faute de la victime, elle doit être exclusivement
imputable à cette dernière pour exonérer le défendeur de sa responsabilité. ,
Autrement, il y a aura partage de responsabilité si la faute de la victime se combine
avec celle du défendeur (cas de la victime qui se jette elle-même sur la chaussée et se
fait écraser alors que le chauffeur du véhicule roulait à une allure interdite par les
signaux routiers).

Enfin, en ce qui concerne les conventions de non-responsabilité, on


retiendra que contrairement au domaine contractuelle où elles sont valables, ces
conventions sont frappées de nullité absolue en matière délictuelle parce qu’elles sont
contraires à l’ordre public. En effet, comme l’affirment Josserand, Ripert et Savatier :
« il existerait une obligation générale de ne pas nuire à autrui »507. Aussi ne peut-on
accepter que l’on puisse se comporter de manière à causer préjudice à autrui même
avec le consentement de ce dernier. Car ça serait favoriser l’imprudence dans la
conduite à l’égard des autres. Ainsi, en cas d’acceptation de risque (assistance ou
participation à une compétition sportive on court le risque d’être blessé) la victime
peut toujours agir en dommages-intérêts contre l’auteur fautif sur base de l’article
258 du Code civil livre III en prouvant que celui-ci n’a pas respecté les règles du jeu.

SECTION III : LE LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE ET LE


DOMMAGE.

§1. Introduction
Le lien de causalité est le rapport direct et immédiat qui doit
exister entre la faute et le dommage pour que celle-là puisse entraîner la responsabilité
de son auteur. D’après l’article 258, en effet, seule la faute qui cause à autrui un
dommage oblige son auteur de réparer. C’est autant dire que l’obligation de réparation
n’existe pas en dehors de tout lien de causalité entre la faute et le dommage.

Seulement, il faut souligner s’agissant de cette troisième


condition de la responsabilité civile du fait personnel, qu’elle n’est pas admise dans
tous les systèmes juridiques.

Les systèmes attachés à l’idée de la responsabilité objective


n’accordent pas de l’importance à cette condition car ici c’est le seule avènement du

507
JOSSERAND, RIPERT et SAVATIER, cité par B. BUBUISSON, les Obligations, tome III, UCL, 2004-2005,
Brux, p.8.
255
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

dommage qui entraîne la responsabilité et non la faute de son auteur. Il suffit


d’imputer le dommage à un fait ou à une activité de l’homme.

Par ailleurs, dans la plupart des systèmes africains et même dans


la mentalité de certaines populations occidentales (surtout paysannes), on attribue le
dommage non pas à sa faute, ni à celle du tiers, mais plutôt au hasard ou à des causes
métaphysiques et en tout cas « irrationnelles »508. Ainsi, certaines épidémies sont-elles
attribuées en Afrique non pas aux mauvaises conditions hygiéniques, mais à la colère
des sorciers. De même, on croit avoir perdu la bataille, par exemple dans la Grèce
Antique, parce qu’on n’a pas observé les consignes de l’Oracle, etc.

On remarque donc que ces systèmes ignorent l’existence de la


causalité ou du moins demeurent trop large à cet égard.

Toutefois, il faut se garder de confondre le lien de causalité tel


qu’il est conçu dans les sciences humaines, de la causalité généralement retenue en
sciences exactes.
exactes Les sciences exactes dominées par l’esprit cartésien se fondent
globalement sur l’expérimentation ou l’expérience. Elles partent de l’idée que si l’on
reproduit exactement les conditions d’une expérience, celle-ci peut être répétée
plusieurs fois avec toujours le même résultat. Exemple, tout corps plongé dans un
fluide subit une poussée verticale dirigée de bas en haut égale au poids du fluide
déplacé (loi l’Archimède).

Dans les sciences humaines, par contre, il est difficile voire


impossible de vérifier par expérimentation que tel fait reproduit dans les mêmes
conditions entraînera le même résultat en raison de l’intervention de la liberté de
l’homme. Celui-ci est toujours en mesure de modifier par sa volonté, le cours des
événements (causalité subjectivité.)

Alors quand peut-on dire que telle faute d’un individu est la
cause du dommage parce que le Code civil congolais livre III influencé par l’esprit
cartésien ne conçoit le lien de causalité que dans le sens expérimental où l’on peut
vérifier que tel fait est donc la base de tel dommage?509

C’est la fameuse question de la recherche de la causalité à


laquelle la doctrine et la jurisprudence ont en effet dégagé une réponse.

Pour qu’une faute soit considérée comme la cause du


dommage, affirment-elles, il faut qu’elle constitue la condition nécessaire, directe

508
KALONGO MBIKAYI, op cit, p.200.
509
C’est la critique fondamentale faite à la conception occidentale de la causalité expérimentale transposée en
sciences humaines où la causalité est beaucoup plus subjective et dépendante de divers éléments prévisibles et
imprévisibles.
256
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

et immédiate du dommage. Autrement dit, il faut que cette faute soit de nature à
entraîner le dommage tel qu’il s’est produit.

C’est donc là, la question du rapport certain, direct et


immédiat entre la faute et le dommage. Et il appartient à la victime de fournir la
preuve de ce rapport pour bénéficier d’une action en responsabilité civile. Quant au
défendeur (l’acteur de la faute), il peut toujours se tirer d’affaire en invoquant une
cause d’exonération ou élusive de responsabilité telle que le cas fortuit ou la force
majeure. La faute exclusive d’un tiers et la faute exclusive de la victime peuvent
également jouer le même rôle (de cause exonératoire).

Bref, la question de la recherche de la causalité ne semble pas se


poser avec acuité lorsqu’un seul fait est la cause du dommage. Exemple, coups et
blessures ayant entraîné la mort d’une personne.

Cependant, lorsque plusieurs faits, plusieurs événements sont à


la base d’un même préjudice, il devient difficile de déterminer avec exactitude la cause
de ce préjudice. Et c’est là que le problème se pose car il faut déterminer parmi les
multiples causes la causalité qui sans elle, le dommage ne serait pas produit tel qu’il
s’est produit510.

A cet égard, la doctrine a proposé plusieurs théories alors que


la jurisprudence semble décider de manière empirique.

C’est à l’examen de ces différentes théories que nous allons nous


atteler dans le second paragraphe.

§2. Théories de la causalité


Le problème de la causalité est d’autant plus difficile à résoudre
que bien souvent, en pratique, plusieurs causes engendrent un même dommage.
Soucieux de déterminer si une faute est ou non la cause du dommage, la doctrine à mis
en place trois théories même si aucune d’elles ne semble s’imposer en pratique. Il
s’agit de la théorie de l’équivalence des conditions, de la théorie de la proximité de la
cause et de la théorie de la causalité adéquate.

A. Théorie de l’équivalence des conditions

1. Principe

Cette théorie qui a été développée au XIXe/s (1885) par le


criminaliste allemand VON BURI enseigne que si plusieurs événements, plusieurs
510
On ne peut perdre de vue également qu’un même fait, une même faute peut entraîner plusieurs dommages. On
parle alors, dans ce cas, des « dommages en cascade ». Par ailleurs, il y a « causalité en amont » lorsqu’on
considère le rapport existant entre le dommage et la faute de l’auteur alors que la causalité en aval est envisagée
du rapport de vue entre la faute et le dommage.
257
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

fautes (proches ou lointaines) ont contribué à produire le même dommage, ils sont
considérés pareillement comme la cause de ce dommage et leurs auteurs doivent
chacun être tenu à la réparation intégrale 511 de celui-ci peu importe le degré de gravité
de leurs fautes.

Ainsi, d’après cette théorie, si sept (7) personnes ont


sérieusement passés à tabac une huitième qui succombe à la suite des coups reçus,
chacune d’elles sera tenue de réparer le dommage causé à la victime dès lors qu’il sera
établi que « sans sa propre faute, sans la faute d’un chacun, le dommage ne se serait
pas produit tel qu’il s’est réalisé in concerto ».

Chaque auteur sera donc tenu in solidum envers la victime qui


pourra demander la réparation intégrale de son dommage d’après son choix, à l’un ou
l’autre de ses agresseurs.

De même dans l’espèce suivante :

Enumération des causes

 Un automobiliste gare sa voiture sur la voie publique


 Il oublie les clés de la voiture sur le tableau de bord
 Le propriétaire de la voiture de passage sur lieu constate cette négligence et ne
dit rien
 Un voleur s’empare du véhicule
 Et cause un accident dont un tiers est victime
 celui-ci emmené immédiatement à l’hôpital, succombe sur la table d’opération
Tous ces événements sont donc à considérer à égal titre comme
la cause de la mort du tiers.
2. Appréciation critique

La théorie de l’équivalence des conditions a fait l’objet de


nombreuses critiques dont la principale consiste à dire qu’ elle rend trop large, la
notion de la responsabilité civile(512).

Appliquée dans toute sa rigueur, elle permet de remonter sans


limite dans la chaine des causes.

511
La théorie a servi surtout à expliquer pourquoi le complice peut être rendu responsable de l’infraction commis
par l’auteur principal.
512
Une autre critique de cette théorie est qu’elle apprécie la causalité à posteriori après la réalisation du
dommage en sorte que les éléments qui ont contribué à la réaliser apparaissent come liés par une même chaine
alors que c’est au moment où le dommage se produit qu’il faut se placer pour voir si telle faute peut entraîner
pareil dommage.
258
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi, en Afrique, on dira, par exemple, que l’accident n’est pas


dû au fait du voleur du véhicule, mais plutôt au fait de l’oncle ou des parents de la
victime qui l’ont maudit, voire les ancêtres qui ne l’ont pas protégé etc.…

B. Théorie de la proximité de la cause (causa proxima)


1) Principe

Cette théorie a été défendue par PIRSON et De Villé ( 513). Elle


soutient l’idée que de tous les événements qui ont entraîné le dommage, seul
l’événement qui se rapproche dans le temps (qui est chronologiquement le dernier)
du dommage peut être retenu comme la cause de ce dommage. La faute antérieure
étant exonérée par la faute postérieure qui n’est pas la conséquence nécessaire de la
première.

De la sorte, dans l’exemple de sept personnes qui frappent


mortellement une huitième, la cause de la mort de la huitième personne, sera, d’après
cette théorie, les coups donnés par la dernière personne tandis qu’en ce qui concerne
l’automobiliste qui a garé sa voiture sur la voie publique, la cause du décès du tiers
sera donc l’intervention chirurgicale du médecin.

2) Appréciation critique

La théorie de la proximité de la cause rend très simpliste la


notion de la responsabilité civile. Souvent, en pratique, la cause efficiente (celle qui est
de nature à causer seule le dommage) est bien antérieure dans le temps.

C. Théorie de la causalité adéquate

1. Principe

Développée par le philosophe allemand VON Kries, la théorie de


la causalité adéquate tend à faire un choix entre les différentes causes qui ont contribué
à produire le dommage, car chaque cause peut avoir un pouvoir causal différent. En
effet, d’après cette théorie, seul l’événement qui normalement, raisonnablement,
peut entraîner le dommage, tel qu’il s’est produit sans interventions des
circonstances extraordinaires peut être considéré comme la cause de ce dommage514.

Ainsi, la théorie de la causalité adéquate introduit le critère de


« raisonnabilité » dans la recherche de la causalité et écarte donc dans cette recherche
toutes les causes qui raisonnablement ne peuvent pas produire le dommage du genre
de celui qui a été causé.

513
B. DUBUISON, op.cit, p.152.
514
Il s’agit ici de la possibilité objective ou naturelle de produire un dommage.
259
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Dans l’hypothèse de l’automobiliste précité, on peut ainsi écarter


du décès du tiers, des causes telles que l’oubli des clés de la voiture sur le tableau de
bord, l’indifférence du propriétaire de la voiture et l’intervention chirurgicale du
médecin.

2. Appréciation critique

Considérée comme plus correcte dans ses fondements, la théorie


de la causalité adéquate présente toutefois un risque d’arbitraire dans ses applications.
Car, elle passe sous silence et jette dans l’ombre le principe de la prévisibilité du
dommage cher à la démarche pénale. Dans l’exemple du décès du tiers précité, il
faut se demander si un automobiliste qui abandonne les clés de la voiture sur le tableau
de bord ne peut pas prévoir qu’un voleur peut s’emparer de ces clés, démarrer la
voiture et causer un accident mortel.

Toutes ces théories rendent compte des difficultés de définir


correctement le lien de causalité sur le plan théorique. Les critiques adressées à
chacune d’elles n’ont donc pas permis à l’une ou l’autre de s’imposer de manière
décisive ni en doctrine, ni en jurisprudence aussi le juge dispose-t-il à cet égard d’un
large pourvoir d’appréciation.

Section IV : L’action en responsabilité délictuelle

Lorsque les trois conditions de la responsabilité civile, à savoir :


le dommage, la faute et le lien de causalité sont réunies dans le chef de la victime, il
naît dans son patrimoine une créance en réparation lui donnant droit à une action en
responsabilité civile ou délictuelle. Celle-ci a pour but de lui faire bénéficier d’une
indemnité en réparation du préjudice subi.

La mise en œuvre de l’action en réparation soulève, sur le plan


pratique, un certain nombre des questions qu’il importe d’examiner à travers ces
lignes. Il s’agit précisément des caractères de l’action en responsabilité civile, de la
compétence du tribunal appelé à statuer sur cette action, du titulaire de l’action, de
l’extinction de l’action en responsabilité civile, de la charge de la preuve en cas
d’exercice de cette action ainsi que de la nature du jugement statuant sur la
responsabilité.
260
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§1. Caractères de l’action en responsabilité civile


L’action en responsabilité civile a deux caractères : elle est
d’ordre public et elle n’est pas attachée à la personne de la victime.

a. Elle est d’ordre public

Cela veut dire que la victime ne peut y renoncer d’avance (soit,


avant toute réalisation du dommage). Cette idée est d’autant plus renforcée que les
conventions de non responsabilité sont comme nous l’avons déjà souligné, nulles en
matière délictuelle étant donné qu’on ne peut par convention, exonérer complètement
anticipativement sa responsabilité en cas de préjudice. Ça serait contraire à l’ordre
public.

b. Elle n’est pas attachée à la personne de la victime

Hormis les actions ayant un caractère strictement personnel


(exemple l’action en réparation du préjudice moral) l’action en responsabilité civile
n’est pas attachée à la personne de la victime et peut être librement cédée parce qu’elle
fait partie du patrimoine de celle-ci.

§2. Tribunal compétent


L’action en responsabilité est portée devant le tribunal dont la
compétence est déterminée soit en raison du lieu, soit en raison de la matière par le
Code de l’organisation et de la compétence judiciaire.

En principe, le tribunal compétent est celui du lieu où le fait


dommageable s’est accompli. S’agit-il d’un fait purement civil et l’action sera portée
devant la chambre civile du tribunal compétent. Par contre, si le fait dommageable est
une infraction la victime pourra à son choix :

Soit saisir uniquement le tribunal civil en réparation du préjudice subi ;


Soit saisir le tribunal pénal en se constituant partie civile devant cette juridiction
(pour ses intérêts civils)

§3. Titulaires de l’action en responsabilité


L’action en responsabilité civile est, en principe, intentée par la
victime elle-même. Mais étant donné qu’elle n’est pas attachée à la personne de la
victime, certaines autres personnes peuvent l’exercer à la place de cette dernière
(hormis le cas où l’action tend à obtenir réparation d’un dommage moral). Ainsi en
est-il de:

 Son représentant légal en cas d’incapacité de la victime à ester en justice ;


 Ses héritiers ;
 Ses créanciers agissant par voie d’action oblique ;
261
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 Son assureur agissant par voie de subrogation.

§4. Extinction de l’action

Outre la réparation effective du préjudice, l’action en responsabilité civile s’éteint :

 Par prescription
 Trentenaire, si le fait dommageable est purement civil (art 647 du CCCL III,
sauf délais plus courts).
 Selon le délai de l’action publique (art. 24 à 34 du Code pénal livre III), si le
fait dommageable est une infraction.
 Par renonciation de la victime.
Celle-ci ne peut avoir lieu avant la réalisation du dommage en
raison de l’interdiction faite à la victime de renoncer anticipativement à cette action
qui a un caractère d’ordre public. C’est dire que cette renonciation ne peut être admise
qu’une fois le dommage accompli.

§5. De la charge de la preuve


C’est à la victime (demandeur) qu’il appartient de prouver
l’existence des conditions de la responsabilité civile pour bénéficier d’une action en
responsabilité délictuelle tendant à faire entrer dans son patrimoine une créance en
indemnité.

Cette preuve se fait par tous les moyens et le défendeur (l’auteur


fautif) peut s’exonérer en apportant la preuve d’une cause libératoire.

§6. Du jugement statuant sur la responsabilité

Il s’agit d’un jugement déclaratif et non attributif de droit. Car,


dès que sont réunies dans le chef de la victime les trois conditions de la responsabilité,
il se crée pour elle un droit à la réparation du préjudice que le juge vient constater.

Le jugement devra se prononcer tant sur le mode de réparation


que sur le montant de celle-ci sans oublier le principe de la réparation lui-même.

a. Le mode de la réparation

La réparation peut se faire en nature ou par équivalent. La


réparation en nature consiste, par exemple, à faire réparer une voiture endommagée
dans un accident de circulation. Tandis la réparation par équivalent implique que soit
versée à la victime des dommages-intérêts pour préjudice subi (cette forme de
réparation est la plus fréquente en pratique).
262
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

A noter que l’indemnité réparatrice peut être payée soit en une


seule fois, soit par versement échelonné (dans ce dernier cas, elle prend généralement
la forme d’une rente viagère).

B. Le montant de la réparation

Pour déterminer le montant de la réparation (en cas de réparation


par équivalence) le juge doit s’en tenir a certains principes

1. le dommage doit être intégralement réparé et son évaluation se fait par le juge
au jour du prononcée du jugement et non celui de sa réalisation. Les éléments
d’évaluation à prendre en compte sont les éléments objectifs pour le dommage
matériel (manque à gagner, pertes subies etc.) tandis que pour le dommage moral le
juge statuera en toute équité (ex aequo et bono)

Lorsque le préjudice tant à s’aggraver ou a s’amenuiser, il peut y


avoir révision de l’indemnité. En cas d’atténuation, la réduction de dommage intérêts
ne peut avoir lieu que sur autorisation du tribunal. Si non, il y aura autorité de la
chose jugée.

Par contre, l’aggravation du préjudice peut fonder la victime à


introduire une nouvelle action pour obtenir les dommages-intérêts complémentaires,
pourvu que la cause soit la même. La réparation consistant au versement d’une rente
viagère n’est jamais soumise à des fluctuations monétaires.

2. le juge ne doit pas tenir compte de la gravité de la faute

Dans la fixation du montant de l’indemnité réparatrice, le juge


doit, en principe, tenir compte de l’importance du dommage et ne pas se préoccuper
de la gravite de la faute. Mais, ce principe n’est pas absolue étant donné qu’en cas de
dommage moral le juge a souvent tendance à faire correspondre la somme allouée à la
gravité de la faute.

Par ailleurs, lorsque le dommage est la résultante de plusieurs


fautes, leurs auteurs sont généralement condamnés soit « in solidum ». Dans ces
hypothèses, le juge proportionne la part de responsabilité à la grandeur de sa faute.

Ainsi jugé qu’en vertu de l’article 258, chaque coparticipant d’une infraction a causé
le dommage pour le tout et est tenu de tout réparer quelle que soit l’importance de la
faute d’un chacun515.
515
C.S.J, 2 Juin 1971, RJC, 1971, p.121
263
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Section V : Fondement de la responsabilité civile de droit commun

La responsabilité civile de droit commun ou la responsabilité du


fait personnel est fondée sur la faute de l’auteur de dommage. C’est son
comportement fautif qui est sanctionnée, car selon la philosophie libérale, chacun doit
répondre personnellement de ses fautes. Il s’agit là de la responsabilité subjective qui,
du fait parfois de l’absence de faute et surtout de la nécessité de protéger les victimes
devra évoluer vers une responsabilité sans faute (responsabilité objective).

CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE POUR AUTRUI OU DU FAIT


D’UN TIERS

INTRODUCTION

La responsabilité pour fait personnel des articles 258 et 259 nous


a conduit à déterminer les conditions de cette responsabilité laquelle est fondée,
comme nous l’avons signalé, sur la faute personnelle de l ‘auteur du dommage. Dans
le présent chapitre, nous allons examiner la matière de la responsabilité pour autrui qui
est considérée comme une exception au principe de la responsabilité du fait
personnel.

Il s’agit bien d’une exception parce que, contrairement à la


responsabilité personnelle, l’article 260 rend certaines personnes responsables des
dommages causés par d’autres personnes dont elles doivent répondre ou par des
animaux et des choses qui sont sous leur garde. Ce sont des « civilement
responsables ».
264
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

En réalité, la responsabilité pour autrui est une « responsabilité


complexe ou indirecte » étant donné qu’elle est fondée sur une double faute : celle de
la personne dont on répond (enfant, élève, domestique ou préposée) qui doit
toujours être prouvée et celle du civilement responsable (père ou Mère, instituteur
et artisan, maître et commettant) qui est, quant à elle, présumée.

C’est autant dire que la responsabilité visée par l’article 260 est
une responsabilité fondée non pas sur une faute personnelle du civilement responsable,
mais sur une présomption de faute (défaut d’éducation, de surveillance ou de
contrôle) de celui-ci. Et il appartient à la victime de prouver les différents éléments
requis pour que la présomption puisse jouer.

Il faut noter qu’en dehors des cas classiques de responsabilité


pour autrui énumérés à l’article 260 (Père ou mère, instituteurs et artisans, maîtres et
commettants), la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973 portant obligation de l’assurance de
responsabilité civile en matière d’utilisation des véhicules automoteurs a ajouté un
sixième alinéa à l’article 260 du Code Civil. Aux termes de cet alinéa : « L’assurance
doit couvrir la responsabilité civile du propriétaire du véhicule et de toute
personne ayant avec son assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite du
véhicule »516.

Il s’agit là d’une nouvelle forme de responsabilité civile


introduite dans l’arsenal juridique congolais dénommée « responsabilité objective ».
Cette dernière responsabilité est fondée sur une présomption de la responsabilité et
non pas sur une présomption de faute dont elle tend à éviter les difficultés de preuve
dans le but d’une grande protection de la victime.

Dès lors, se dessine déjà le tableau de l’évolution de la


responsabilité civile qui quoique fondée jadis sur l’idée de la faute, se détache de plus
en plus de celle-ci dans le but d’assurer une plus grande protection des victimes. Ainsi,
de la présomption de faute réfragable des parents et des instituteurs et artisans, on
aboutit à la présomption de responsabilité du propriétaire d’un véhicule automoteur
en passant par la présomption de faute irréfragable des maîtres et commettants.

1. Liste des personnes civilement responsables

De la combinaison de l’article 260 du Code Civil Congolais livre


III et de l’article 4 de la loi n° 73-013 du 5 janvier 1973, il résulte que la liste des
personnes considérées comme civilement responsables du fait d’autrui se présente
limitativement comme suit :

a. Le père, et la mère après le décès du mari, (art. 260 al 2 et 5) ;

516
. Article 4 de la loi précitée. VOY. Revue NGABU n° 2, septembre 1973 (Loi n° 73-013 du 5 janvier 1973)
265
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

b. Les instituteurs et artisans (art. 260 al 4),


c. Les maîtres et commettants (art. 260 al 3) ;
d. Le propriétaire d’un véhicule automoteur (art. 260 al 6) ;

2. Fondement de la responsabilité des civilement responsables

La responsabilité pour autrui se fonde soit :

a. Sur la présomption de faute


- défaut de surveillance ou d’éducation (enfant, élève)
- mauvais choix (domestique et préposé)
b. Sur la nécessité d’offrir à la victime un garant normalement plus solvable que
celui qui a commis la faute (assureur ou propriétaire du véhicule automoteur)517.

Cependant, la victime est libre de choisir la personne qui pourra


l’indemniser. Elle peut diriger son action soit contre le civilement responsable sur base
de l’article 260 en démontrant que les conditions de cette responsabilité sont réunies ;
soit agir directement contre l’auteur du dommage sous réserve de l’accomplissement
des conditions de l’article 258 (dommage, faute, lien de causalité). Mais, dans ce
dernier cas, la victime peut se buter aux difficultés d’apporter la preuve de la faute
de l’auteur du dommage surtout lorsque cet auteur est un enfant dépourvu de
discernement. Aussi pour éviter cette difficulté et en vue de protéger la victime, l’on
prend généralement en considération, s’agissant du dommage causé par cet enfant, un
fait objectivement illicite et non pas un fait subjectivement illicite.

Cela étant dit, passons maintenant à l’analyse de chacune des


responsabilités prévues par l’article 260 en précisant qu’il sera examiné pour chaque
type de responsabilité : le principe, les conditions, le fondement de la responsabilité et
la force de la présomption.

Section I : Responsabilité du père ou de la mère (Art. 260 al 2 et 5)

§1. Principe
La responsabilité présumée du père fut énoncée pour la première
fois par la coutume de Bretagne avant de s’étendre à toute la France et d’être repris
par le Code Civil de 1804 à l’article 1384 al 2, correspondant à l’article 260 al 2 de
notre Code Civil.

Cette disposition énonce que : « Le père, et la mère après le


décès du mari, sont responsables des dommages causé par leurs enfants habitant

517
Ce fondement nous semble primordial
266
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

avec eux518. Cette responsabilité a lieu, ajoute l’alinéa 5 du même article (à moins que
le père et mère ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette
responsabilité ».

Ainsi donc, le responsable légal en cas de dommage causé par un


enfant c’est le Père. La mère n’est responsable que subsidiairement en cas du décès du
père ou lorsque celui-ci perd l’autorité parentale ou en est déchu (art. 318 et 319 du
Code de la famille). Cette solution qui a l’avantage de fournir à la victime un
débiteur plus solvable que l’enfant et d’inciter les parents à assurer avec vigilance
l’éducation et la surveillance de leur enfant ne met cependant pas les deux parents
sur un pied d’égalité quant à leur responsabilité en cas de dommage dû au fait de
l’enfant.

C’est donc le père ou la mère (en cas du décès du père) qui est
responsable et non les deux parents à la fois comme c’est le cas aujourd’hui en
Belgique où l’alinéa 2 de l’article 1384 stipule que : «le père et la mère sont
responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs » 519.

D’ailleurs, l’article 713 du Code de la famille corrobore cette


position lorsque, s’agissant de l’enfant mineur, il énonce que : « le chef de famille est
responsable du dommage causé par les mineurs et interdits ou les personnes atteintes
de maladie mentale ou d’aliénation mentale placés sous son autorité… »

Ce chef de famille n’est rien d’autre que le mari c'est-à-dire le


Père, aux termes de l’article 444 du Code de la famille selon lequel le mari est le chef
du ménage. Ainsi, les oncles, cousins, ascendants, collatéraux et descendants
considérés traditionnellement et collectivement comme responsables sont-ils écartés de
cette responsabilité520.

Il faut seulement regretter qu’en dépit de l’institution par le Code


de la famille de l’autorité parentale (article 317 du Code de la famille)
reconnaissant conjointement aux père et mère un ensemble des droits sur la
personne et les biens de leur enfant mineur, l’article 713 du même Code ait pris le

518
Mais, le droit romain prévoyait déjà l’obligation pour le pater familias de réparer les dommages causés par
ses enfants sur base du principe de la solidarité familiale (A.E GIFFART, Droit romain et ancien droit français,
Paris DALLOZ, 2è éd., 1967, n° 383 etc.).
519
Il faut noter que l’article 1384 al2 a fait l’objet d’une double modification en Belgique. La première qui date
du 1er juillet 1974 a supprimé la condition de cohabitation de l’enfant avec ses parents, alors qu’elle subsiste
encore dans le Code Civil Français où elle fait d’ailleurs l’objet d’une interprétation de plus en plus extensive en
jurisprudence (Cass. Fr., 1er civ. 20 janvier 200 , R.F.D.A. 2000, p. 916 ; R.T.D. Civ, 2000, p. 340). La seconde
modification quant à elle résulte de la loi du 6 juillet 1977 qui a instauré le principe de la responsabilité in
solidum des père et mère.
Ainsi donc, en Belgique, les deux parents sont aujourd’hui placés sur un pied d’égalité au regard de la
présomption alors qu’auparavant, la mère n’était responsable qu’en cas du décès du père ou lorsque celui-ci était
déchu de l’autorité parentale (Voy M.B du 2 Aout 1977, p. 6772).
520
KALONGO MBIKAY, op.cit, P. 212.
267
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

contrepied de l’article 317 en se rapprochant davantage de l’article 260 al 2 du Code


Civil Congolais Livre III lorsqu’il n’institue la responsabilité, en cas de dommage
causé par un enfant mineur, qu’à la seule charge du chef du ménage, c'est-à-dire le
père. Or, selon l’esprit et la logique de l’article 317 du Code de la famille c’est aux
père et mère qu’incomberait à la fois la responsabilité du préjudice résultant du fait de
leur enfant mineur comme c’est le cas actuellement en Belgique. Il appartient donc au
législateur congolais de mettre de l’harmonie entre ces différentes dispositions de notre
droit positif.

§2. Conditions d’application de cette responsabilité


Trois conditions doivent être remplies pour que soit engagée la
responsabilité des père ou mère. A défaut, l’action en réparation ne peut être fondée
que sur les articles 258 et 259 du Code Civil Livre III.

Ainsi, la responsabilité des père ou mère suppose :

a) Que le dommage soit causé par un enfant.

Il est intéressant de s’interroger d’abord sur la signification du


concept « enfant » étant donné que c’est sur la faute de celui-ci que devra reposer la
présomption de faute de ses parents.

A cet égard, il faut signaler qu’il existe une opposition entre


l’article 260 alinéa 2 du Code Civil Congolais livre III et la disposition correspondante
du Code Civil Belge (art. 1384) qui parle du dommage causé par un enfant mineur.
En effet, contrairement à l’article 1384 du Code Civil Belge, l’article 260 al 2 du Code
Congolais des obligations n’engage la responsabilité des parents que lorsque le
dommage a été causé par un enfant tout court.

Alors, qui doit être considéré comme « enfant » en droit positif


congolais ?

Deux conceptions s’opposent à cet égard parce que l’article 2 de


la loi du 10 janvier 2009 relative à la protection de l’enfant définit celui-ci comme
« toute personne âgée de moins de 18 ans521 alors que le Code de la famille voit en
l’enfant : « la personne liée par un lien de filiation au père ou à la mère » (art. 699 al
2) quel que soit son âge.

521
Cette conception rejoint celle de la convention internationale sur les droits de l’enfant du 20 novembre 1989
qui définit ce dernier comme tout etre humain agé de moin de dix huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tot
en vertu de la législation qui lui est applicable. Mais la doctrine estime que la definition de l’enfant dépend de
son état d’origine. L’age de la minorité est fixé dans certains Etats à moin de 18ans (art. 219 Code de la famille
de la RDC), voire moin de 20, 21 ou meme 22ans dans d’autres. Ce qui revient à dire que cet age n’est pas fixé
de la meme facon dans tous les Etats.
268
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il s’agit donc là de deux conceptions de l’enfant dont l’une est


restrictive (art. 2 de la loi du 10 janvier 2009) et l’autre extensive (art. 699 al 2 du
Code de la famille).

De ces deux conceptions, la dernière nous semble préférable (en


matière de responsabilité civile) non seulement en raison du fait qu’elle n’établit
aucune distinction entre enfant mineur et enfant majeur, mais aussi et surtout parce
qu’elle permet aux parents de prendre également en charge le dommage de leurs
enfants majeurs répondant ainsi à l’objectif de la responsabilité civile qui consiste à
trouver pour la victime un débiteur solvable (cas des grands enfants de l’université
ayant causé dommage).

Cette conception large de l’enfant correspond, comme l’a si bien


souligné KALONGO MBIKAYI522 à la version traditionnelle et coutumière de la
responsabilité civile, laquelle n’opère aucune distinction de minorité ni de majorité
parmi les auteurs des dommages dont la famille étendue est rendue responsable grâce à
la solidarité clanique.

Ainsi, le père ou la mère sera présumée responsable des faits de


son enfant mineur ou majeur habitant avec lui sauf possibilité de se dégager de sa
responsabilité en démontrant qu’aucune faute de surveillance ou d’éducation n’a été
commise ou lorsque la victime préfère agir directement contre l’enfant majeur sur base
de l’article 258 si ce dernier est solvable.

b. Que l’enfant habite avec ses parents (art. 260, al 2)523

Aux termes de l’article 260 alinéa 2, la responsabilité du père ou


de la mère ne peut être engagée en cas de dommage causé par un enfant que si ce
dernier habite avec ses parents. Cela se justifie d’autant plus que la responsabilité des
parents se fonde, selon le législateur, sur la faute présumée de surveillance ou
d’éducation. On suppose, en effet, que si l’enfant a causé dommage à autrui, c’est
surtout parce qu’il n’a pas été bien surveillé ou qu’il a reçu une mauvaise éducation de
leur part. Aussi est-il normal et logique que l’enfant habite avec ses parents pour que
ces deniers puissent exercer un pouvoir de surveillance sur lui, faute de quoi, ils ne
seront pas responsables. Il s’agit là d’une question de fait laissée à la libre appréciation
du juge de fond.

Ainsi si l’enfant cause un dommage en dehors de la maison alors


qu’il continue encore d’habiter chez se parents, ces derniers seront responsables.

522
KALONGO MBIKAYI, op. cit. p. 212
523
La loi Belge du 1er juillet 1974, a supprimé la condition de cohabitation de l’enfant avec ses parents (loi
du 1er juillet 1974 qui a introduit les principes de la co puissance paternelle alternative).
269
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Par contre, si l’enfant a été confié aux oncles ou à un tiers


(Internat), les parents ne seront plus responsables parce qu’ils ne peuvent donc plus le
surveiller. Ceux qui habitent avec l’enfant seront, d’après leur faute prouvée,
responsables sur base de l’article 258 ou 259 du Code civil Livre III.

A noter que si l’enfant a été abandonné par ses parents, ces


derniers demeurent responsables sur base de l’article 260, alinéa 2 car c’est de leur
faute qu’ils ne peuvent exercer une surveillance effective sur leur enfant. Enfin, le père
ou la mère peut être poursuivi sur base de l’article 258 du fait du dommage causé par
un enfant n’habitant pas avec eux, s’il est prouvé que ce dommage résulte de la
mauvaise éducation ,des mauvais exemples ou des mauvais conseils reçus de l’un ou
de l’autre.

c. Que le dommage soit causé par le fait personnel de l’enfant

La responsabilité des père ou mère implique que le dommage


soit causé par la faute de l’enfant lui-même. Ce qui suppose que la faute soit rattachée
ou imputable à l’enfant. Car, s’il n’y a pas de faute dans le chef de l’enfant, les parents
ne peuvent être tenus à la réparation. Cependant s’agissant de petits enfants, il suffit
que l’acte posé soit objectivement illicite ou qualifié de faute pour que la
responsabilité des parents soit engagée. Peu importe que cette faute leur soit
imputable.

En effet, la théorie de « l’acte objectivement illicite », permet,


en l’absence de discernement, de mettre en œuvre la présomption à l’égard du
civilement responsable. Mais, la possibilité d’invoquer cette théorie dans le cadre de la
responsabilité du commettant reste toutefois discutée.

L’acte objectivement illicite est un acte considéré comme une


faute en soi, qu’il soit l’œuvre d’une personne dotée de discernement ou pas
(Exemple, violation d’une norme du comportement).

§3. Fondement et force de la présomption


La responsabilité des parents de l’art. 260 al 2 est fondée sur la
présomption de faute. On suppose, en effet, que ces derniers sont en faute pour n’avoir
pas bien surveillé ou éduqué leur enfant. Ainsi, l’article 260 alinéa 2 crée une
présomption de faute dans le chef du civilement responsable laquelle présomption doit
être en lien causal ave le dommage524.

Aux termes de l’article 260 alinéa 5, cette présomption est


réfragable. Cela veut dire que les parents peuvent écarter la présomption en

524
Tout comme la faute de l’enfant dont on répond doit être également en lieu causal avec le dommage.
270
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

démontrant que la faute de l’enfant provient soit d’un cas fortuit ou de force majeure,
soit d’une faute d’un tiers revêtant les caractères d’une force majeure.

Les parents peuvent également se délier de cette responsabilité en prouvant qu’ils


n’ont nullement manqué à leur devoir d’éducation et de surveillance. Mais, en
pratique, cette présomption est difficilement renversable car, quelque soit l’endroit ou
l’enfant se trouve, celui-ci témoigne, par sa conduite de la bonne et surtout de la
mauvaise éducation qu’il a reçue525.

Section II : Responsabilité des Instituteurs et Artisans (art. 260 alinéa 4).

§1. Principe
Aux termes de l’article 260 alinéa 4 : « les instituteurs et artisans
sont responsables du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant les temps
qu’ils sont sous leur surveillance ».

De cette disposition légale, il résulte que le législateur présume


une faute de l’instituteur ou de l’artisan lorsque l’élève ou l’apprenti dont ils
assument la formation commet une faute qui cause dommage à un tiers, pendant le
temps qu’il est sous leur surveillance.

La présomption de faute de l’article 260 alinéa 4 trouve donc son


fondement dans l’obligation qu’à tout instituteur ou tout enseignant (intellectuel ou
manuel) d’assurer la surveillance de la personne enseignée (élève ou apprenti) en tant
qu’il exerce sur elle une autorité naturelle et un ascendant moral qui lui permet de
diriger son comportement et d’exercer sur elle une surveillance directe et indirecte
propres à prévenir ses actes illicites526.

Il convient de noter que les dommages visés par le législateur


dans cet alinéa sont ceux causés par les élèves ou apprentis à des tierces personnes
ou à d’autres élèves ou apprentis du groupe. Dans les cas contraires, les instituteurs
et artisans ne seront poursuivis que sur base de l’article 258.

On entend par instituteur toute personne chargée non seulement


d’un devoir d’enseignement, mais également d’un devoir de surveillance dans un
établissement d’instruction (Directeurs, préfets de discipline, enseignants, professeurs
sauf les directeurs de Colonies de vacances). L’artisan est celui qui fournit une
formation professionnelle (manuelle) à un apprenti.

§2. Conditions de la responsabilité


Trois conditions doivent être remplies pour que cette
responsabilité soit établie à savoir :
525
Cass. 23 février 1989, J.T, 1989, p. 235 ; Cass., 21 décembre 1989, Pas. 1990, I, p. 501.
526
Cass. 23 février 1989, J.T., 1989, p. 235 ; Cass, décembre 1989, Pas. 1990, I, p. 501.
271
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. La condition temporelle

Pour que la responsabilité de l’instituteur ou de l’artisan soit


établie, le dommage doit être causé par l’élève ou l’apprenti pendant le temps qu’il est
sous sa surveillance. (C’est la condition dite importante). Peu importe que ce soit à
l’intérieur où à l’extérieur de l’école. L’essentiel est que l’instituteur soit
officiellement chargé de surveiller les élèves mêmes en dehors de l’école.

2. La faute de l’élève ou de l’apprenti (527)

Le dommage doit résulter d’une faute de l’élève ou de l’apprenti.


Autrement-dit, il doit s’agir d’un fait illicite imputable à l’élève ou à l’apprenti. La loi
ne dit pas que celui-ci doit être mineur. Donc même les grands élèves de l’université
peuvent engager la responsabilité de l’instituteur ou de l’artisan.

3. Le dommage causé à un tiers

Comme nous l’avons souligné précédemment, le dommage doit


être causé à une tierce personne ou à un autre élève ou apprenti du groupe pour que la
responsabilité de l’instituteur ou de l’artisan soit engagée.

§3. Fondement et force de la présomption


La responsabilité de l’instituteur ou de l’artisan est à l’instar de
celle des parents fondée sur la présomption de faute (défaut de surveillance ou
d’éducation) ; mais, il s’agit d’une présomption renversable parce qu’aux termes de
l’alinéa 5, on peut écarter celle-ci (présomption) en démontrant qu’il n’y a eu aucune
faute de surveillance ou d’éducation dans le chef des instituteurs ou artisans.

De même, ces derniers peuvent invoquer le cas fortuit, la faute


exclusive de la victime ou la faute d’un tiers pour se dégager de toute responsabilité.

Section 3 : Responsabilité des maîtres et commettants (art. 260 alinéa 3)

§1. Principe et justification


Les maîtres et commettants dit l’article 260 alinéa 3 sont
responsables des dommages causés par leurs domestiques et préposés dans les
fonctions auxquelles ils les ont employés.

Ainsi donc, en cas de dommage causé par un domestique ou un


préposé, dans les fonctions auxquelles il a été employé, le législateur retient la
responsabilité du maître ou du commettant. Ces deux expressions sont
indistinctement utilisées par la jurisprudence de même que les domestiques sont
d’après elle considérés comme étant une catégorie des préposés.
527
En France, une loi de 1937 a supprimé la responsabilité de l’instituteur de l’enseignement public. Un décret
du 22 avril 1960……
272
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Plusieurs fondements ont été avancés pour justifier la


responsabilité des maîtres et commettants. D’aucuns pensaient que cette responsabilité
était fondée sur une présomption de faute dans le choix du préposé. Ainsi, le
commettant était présumé en faute pour avoir mal choisi son subordonné. Cet
argument a été balayé pour que la preuve de l’absence de faute ne soit pas admise
dans le chef du commettant et que ce dernier demeure responsable même s’il n’a pas
personnellement choisi son préposé (cas de la personne morale).

D’autres encore invoquaient l’idée de l’autorité que le


commettant exerce sur son préposé pour asseoir cette responsabilité, mais cette idée
n’a pas suffit à justifier les caractères irréfragables de la présomption.

Enfin, les derniers ont semblé trouver dans la théorie du risque-


profit, le fondement de la responsabilité des maîtres et commettants. Il s’est agi
d’imputer à l’entreprise la charge des risques qu’elle a crée par son activité (celui qui
tire profit de l’activité d’autrui doit en supporter les risques, même s’il n’a aucune
faute à se reprocher).

Mais, l’idée de garantie semble la meilleure pour justifier cette


responsabilité. Car la victime se trouve ici devant une personne solvable, en même
de prendre en charge le préjudice lui causé. Il s’agit du commettant qui est un garant
ou un débiteur plus solvable que le préposé. La théorie de la garantie, faut-il le
souligner, repose sur la responsabilité objective.

§2. Conditions de cette responsabilité


Quatre conditions doivent être remplies pour que soit établie
selon l’article 260 al.3, la responsabilité des maîtres et commettants.

I. L’existence d’un lien de subordination ou de préposition entre le


commettant et le préposé

a. Notion de subordination

Le lien de subordination qui est un fait juridique est le rapport


qui existe entre le maître ou le commettant et le domestique ou préposé. Il existe
lorsqu’une personne exerce, en fait, son autorité sur une autre qui est son
subordonné et qui agit selon les ordres et instructions, reçues de la première528.

Le lien de subordination ou de préposition implique donc un


pouvoir de donner des ordres ou des instructions (sur la manière de travailler) à une
autre personne qui est, en principe, tenue de s’y conformer529.
528
. JULIOT de la MORANDIERE, précis de droit civil, T.II, 3è éd., DALLOZ, Paris, 1964, n° 257
529
.Sont considérés comme préposés : les domestiques, les jardiniers, les employés d’une société, les chauffeurs,
les gardes du corps etc.
273
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il ne se déduit pas nécessairement d’un contrat même si le


contrat de Travail est l’instrument par excellence de l’établissement de ce lien 530, ni de
la rémunération (les médecins d’hôpitaux sont rémunérés, mais ils demeurent libres
dans la manière d’administrer les soins). En effet, ce lien peut naître d’une situation de
fait occasionnelle et temporaire indépendamment de tout salaire pourvu qu’il y ait un
véritable droit de direction, de surveillance et de contrôle dans le chef du commettant.
Car la notion de subordination est en droit de la responsabilité plus large qu’en droit
du travail.

Ainsi, il peut y avoir un lien de subordination dans le cas de


relations entre amis lorsque les éléments de la subordination sont vérifiés (cas d’une
personne ne connaissant pas la ville «Bruxelles » et qui prête sa voiture à une autre,
lui demandant de le véhiculer dans la capitale. La Cour d’Appel de Bruxelles dans son
arrêt du 3 février 1961 a retenu l’existence du lien de subordination entre le
propriétaire du véhicule et le conducteur occasionnel en se basant surtout sur le fait
qu’une mission précise avait été confiée à l’un (ami), lequel devait se conformer aux
instructions de l’autre531.

A noter que le commettant est la personne qui donne des ordres


ou des instructions à une autre (le préposé) pour son propre compte. Vu sous cet angle,
le contremaître n’est pas un commettant puisqu’il exerce son autorité au nom de la
société qui l’emploie. Il en est de même du travailleur commis à la surveillance
d’autres travailleurs.

b. Le transfert d’autorité (prêt de préposé)

La détermination du lien de subordination peut susciter des


difficultés lorsqu’il y a transfert d’autorité. Particulièrement lorsqu’un travailleur ou
un ouvrier est mis à la disposition d’un autre employeur. La question se posera
alors de savoir qui de l’employeur originaire ou de l’employeur utilisateur temporaire
sera considéré comme le commettant devant répondre des fautes dudit travailleur ?

A la vérité, il n’ya pas de réponse toute faite à cette question car


tout dépend des circonstances de fait. Il faudra, dans chaque cas d’espèce, vérifier quel
est l’employeur qui exerçait les pouvoirs de direction au moment de la survenance du
fait dommageable.

Ainsi, si un commettant « prête » un de ses préposés à un tiers,


ce tiers peut momentanément être considéré comme commettant, si c’est lui qui exerce
le pouvoir d’autorité envers le préposé « prêté ».

530
Exemples, le contrat de mandat et le contrat d’entreprise n’entrainent pas en principe un lien de subordination.
Il en est de même du contrat d’agence commercial.
531
Bruxelles, 3 février 1961, Pas., I, 1961, p. 116.
274
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

C. Pluralité de commettants

Il est possible qu’un préposé puisse avoir à la fois plusieurs


commettants lorsqu’il est soumis à la fois à l’autorité de son commettant originaire et à
celle d’un tiers auquel il est prêté. Dans ce cas les commettants seront responsables in
solidum.

Ainsi, un agent de sécurité a pu être considéré comme préposé à


la fois de la société de gardiennage et de l’entreprise qu’il était chargé de protéger.

II. Le dommage doit être causé par la faute du préposé


La responsabilité du maître ou commettant du fait de son préposé
ne peut être engagée que si le dommage a été causé par la faute de ce dernier. Ceci
implique qu’en cas de fait étranger au préposé, le maître ou commettant est libéré de
toute condamnation sur base de l’article 260 alinéa 3.

La preuve de la faute du préposé peut être rapportée par toute


voie de droit. En cas de faute concomitante du commettant et du préposé, l’un et
l’autre seront tenus à la réparation intégrale du préjudice surtout lorsqu’il est difficile
de déterminer la part de la faute d’un chacun dans la réalisation du préjudice532.

III. Le dommage doit être causé à un tiers

Par tiers, il faut entendre toute personne autre que le commettant


ou le préposé lui-même. Si le dommage est causé par le préposé au commettant, le
préposé devra en répondre sur base de l’article 258 ou 259 du Code Civil Livre III. Il
en sera de même lorsque le préposé se causera dommage à lui-même. Rien à faire, il
devra en supporter lui-même les conséquences.

IV. Le dommage doit être causé par le domestique ou le préposé dans


l’exercice des fonctions auxquelles ils ont été employés.

Aux termes de l’article 260 al 3 du Code Civil Congolais Livre


III, le maître ou le commettant ne peut être tenu responsable des dommages causés par
son préposé que si ces dommages sont étroitement liés à la mission lui confiée.
Autrement-dit, le commettant n’est responsable des actes dommageables de son
préposé que si ces actes ont été commis dans l’exercice des fonctions auxquels il a été
employé. C’est dire que si les actes dommageables sont accomplis en dehors des
fonctions, c’est-à-dire, en dehors du temps et du lieu de l’exercice des fonctions, le
commettant ne peut en répondre.

532
Léo, 31 octobre 1946,R.J.C., p. 24
275
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Les choses sont moins claires lorsque le dommage est causé


pendant la durée de l’exercice des fonctions mais sans rapport certaine avec les
fonctions (cas du chauffeur transportant des biens volés ou cambriolant des maisons).

Les principes de solution sont différents selon qu’on tient


compte de la jurisprudence belge et congolaise d’une part et de la jurisprudence
française de l’autre.

En R.D.C. comme en Belgique, la jurisprudence se contente


d’un lien de connexité assez large entre l’acte et les fonctions pour que le
commettant soit rendu responsable. Autrement dit, le concept « dans les fonctions »
prévu par l’article 260 alinéa 3 du Code Civil Congolais Lire III est interprétée de
manière large par la jurisprudence. Il suffit donc que l’acte ait été commis
pendant la durée du service et soit en relation fut ce occasionnelle et indirecte
avec les fonctions auxquelles le préposé est employé. On parle même d’un simple
rapport de circonstance.

Ainsi, le travailleur est considéré comme ayant agi dans le cadre


de ses fonctions lorsque la faute a été commise au cours du service et est en relation
avec ses fonctions. Il n’est pas nécessaire que la faute fasse partie de la fonction elle-
même du préposé. En France, la chambre civile de la Cour de Cassation a pris une
option plus restrictive en exigeant « un lien nécessaire entre la fonction et le fait
dommageable ».

 Quid alors en cas d’abus de fonction ?


L’abus des fonctions vise l’hypothèse, où le préposé profite de
ses fonctions ou de la mission lui confiée pour se procurer un avantage personnel en
causant ainsi un dommage à un tiers (cas du préposé d’une société de nettoyage qui
profite de ses fonctions pour commettre un vol).

La Cour de cassation belge empruntant la définition de la Cour


de Cassation française avait, dans son arrêt du 26 octobre 1989 décidé que « Si l’acte
illicite accompli par le préposé résulte d’un abus de fonctions, le commettant n’est
exonéré de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles
il était employé sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions »533

Ainsi donc, l’abus des fonctions, à lui seul, ne peut exonérer le


commettant de sa responsabilité. Ce dernier ne peut être libéré que dans les cas
suivants :

 Si le préposé a agi sans autorisation, il appartient alors au commettant


d’apporter la preuve de l’absence d’autorisation.
533
18 .Cass. 26 octobre 1989, J.L.M.B, 1990, p. 75 ; Cass., 4 nov. 1993, J.T., 1994, p. 231
276
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 Si le préposé a agi à des fins étrangères à ses attributions. Il en est ainsi lorsque
le préposé n’agissait pas dans l’intérêt du commettant.
 Si le préposé a agi en dehors des fonctions auxquelles il était employé. Le juge
devra déterminer in concreto les limites des fonctions attribuées au préposé.

Généralement les deux premières conditions sont remplies en cas


d’abus de fonctions et la question demeure toujours posée au regard de la troisième : Y
a – t – il une quelconque relation même occasionnelle ou indirecte entre l’acte du
préposé et ses fonctions ?

Tenant comte de l’orientation de notre jurisprudence qui


interprète largement la notion de fonctions, la responsabilité du commettant demeure
donc établie en cas d’abus des fonctions lorsqu’aux yeux des tiers l’acte accompli par
le préposé a quelques rapports avec ses fonctions et que les tiers (victimes) ne sont pas
informés de cet abus de fonctions.

Il en est ainsi du préposé d’une banque qui accompli des


détournements de fonds à son profit ou qui se livre à des opérations financières
risquées. Ce préposé agi dans le cadre de ses fonctions, même si c’est sans autorisation
et à des fins étrangères à ses attributions.

Cependant, un domestique qui s’empare de la voiture


personnelle de son commettant à l’insu de ce dernier et cause un accident, n’a pas agi
dans « l’exercice de ses fonctions ».

o De la connaissance par la victime de l’abus de fonctions et son


incident sur la présomption établie par l’article 260 al 3

La jurisprudence française534 appuyée par une certaine


jurisprudence belge535 affirme que la présomption de l’article 1384 al3 (260 al 3 du
CCCL III), n’est pas établie en faveur de celui (victime) qui a traité avec le préposé
en sachant que ce dernier agissait en dehors de sa fonction et pour son compte
personnel.

C’est autant dire que la connaissance par la victime de l’abus de


fonction permet au commettant d’être exonéré complètement de sa responsabilité (536)

534
Cass. Fr. civ., 2è, 7 juillet 1993, Bull. civ, II, n° 249 ; 21 mai 1997
535
Cass. 4 novembre 1993, Pas., 1993, p. 224 ; R.C.J.B., 1997, p. 299, avec note L. CORNELIS.
536
Une certaine jurisprudence belge conclut au partage de responsabilité si la faute de la victime (connaissance
de l’abus de fonctions) ne peut être considérée comme la cause exclusive du dommage. Cette solution parait
conforme à la théorie de l’équivalence des conditions et à l’effet que l’on attache souvent à la faute de la victime
(VOY. Cass. 11 mars 1994, J.T., 1994, P. 613 et R.C.J.B, 1997, PP. 303 à 360 et note L. CORNELIS).
277
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§3. Fondement et force de la présomption


En droit traditionnel, la responsabilité du maître ou commettant
est fondée sur une présomption de faute. Mais, celle-ci est plus rigoureuse, car elle
ne peut être renversée. Il s’agit d’une présomption dite irréfragable. Le commettant
ne peut donc s’exonérer ici de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a commis aucune
faute ou que le comportement du préposé était, à son égard, imprévisible et irrésistible.

La seule cause d’exonération admissible pour le commettant est


le cas fortuit ou la force majeur qui le libère totalement en même temps que le préposé.

En cas de faute de la victime, il y a partage de responsabilité


surtout lorsque cette faute n’est pas exclusivement imputable à cette dernière.

A l’heure actuelle comme nous l’avons déjà signalé, cette


responsabilité n’est fondée ni sur l’idée de faute dans le chef du préposé ni sur l’idée
de représentation, ni sur celle de l’autorité légale et de risque-profit ;

Il parait que l’idée de garantie soit la mieux placée pour


justifier la responsabilité du commettant en ce qu’elle permet à la victime de trouver
un débiteur plus solvable que le préposé à savoir : son commettant.

Toutefois, le commettant dispose d’une action récursoire


contre son préposé en cas de faute pénale intentionnelle ou lorsque ce dernier a agi en
dehors de la mission lui confiée. Mais, ce recours s’avère souvent inefficace, en
pratique, en raison de l’insolvabilité du préposé.

 Question cruciale : le cumul des présomptions


On se pose souvent la question de savoir si la victime peut en
face d’un dommage, invoquer les présomptions de responsabilité ainsi analysées de
manière alternative ou cumulative ?

D’entrée de jeu, il importe de préciser que l’invocation


alternative des présomptions implique que soit mise en œuvre l’une d’elles parmi tant
d’autres valables alors que le cumul suppose la majoration de toutes les présomptions
nées d’un ou des plusieurs faits dommageables.

D’ailleurs, en cas de cumul des présomptions, deux types sont


généralement admis : le cumul vertical et le cumul horizontal des présomptions.

- Le cumul vertical des présomptions

Il y a cumul vertical des présomptions lorsque deux


présomptions s’enchaînent verticalement. La faute de celui dont on répond est alors
présumée sur la base d’une autre présomption. C’est le cas généralement de la faute
278
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

commise par un instituteur préposé d’un établissement d’enseignement. En


l’occurrence, un dommage est causé par un élève à son condisciple pendant qu’il est
sous la surveillance de cet instituteur.

La victime peut agir contre l’instituteur sur base de l’article 260


alinéa 4 et contre son commettant sur pied de l’article 260 al 3. La faute du préposé qui
est la condition sine qua non de l’établissement de la responsabilité du commettant
doit alors être présumée pour que soit établie la responsabilité du commettant (537)

- Le cumul horizontal des présomptions

Le cumul horizontal des présomptions permet d’invoquer


cumulativement, c'est-à-dire, conjointement plusieurs présomptions contre un ou
plusieurs civilement responsables différents. Ainsi, le cumul des alinéas 2, 3 et 4 de
l’article 260 est admis par la doctrine ( 538) et la jurisprudence (539) et la victime agira
in solidum contre les différents civilement responsable en fonction de leurs qualités
respectives.

Dès lors, lorsqu’un enfant cause un dommage alors qu’il se


trouve sous la surveillance de l’institution, le cumul des présomptions qui n’est exclue
par aucun texte légal peut être admis car, comme l’a si bien décidé la Cour de
cassation belge « le devoir d’éducation étendant ses effets au delà de la cohabitation,
il n’y a pas lieu d’exonérer les parents de ce devoir découlant de l’exercice de la
puissance parentale, lorsque l’enfant est sous la surveillance d’un instituteur, car
quelque soit l’endroit où l’enfant se trouve, celui-ci témoigne, par sa conduite, de la
bonne ou de la mauvaise éducation qu’il a reçue.

Cette solution semble logique au regard de l’esprit du législateur


qui fait reposer la responsabilité des parents (père où Mère) sur la présomption de
faute d’éducation alors que celles des institutions se fonde sur le défaut de
surveillance.

Section IV : Responsabilité des propriétaires de véhicules automoteurs

§1. Principe
L’article 4 de la loi n° 73/013 du 5 janvier 1973 portant
assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs

537
Cass. 28 octobre 1994, R.C.J.B., 1997, p. 38. Cette solution a toutefois été critiquée car elle fait reposer la
responsabilité du commettant non pas sur la faute prouvée du préposé mais sur une faute présumé de ce dernier.
Ce qui aboutit à l’aggravation de la responsabilité du commettant.
538
B. DUBUISSON, op.cit., p. 252.
539
Cass., 23 févr. 1989, J.T., 1989, p. 235 ; R.W. 1989-1990, p. 645. R.G.A.R. 1990, 11620 ; Cass. 28 sept.
1989, Pas. 1990, I, p. 117, J.T 1990, p. 22 ; J.L.M.B., 1990, 1226 ; Cass. 21 décembre 1989, Pas. 1990, I, p. 501
contre cass. 9 juillet 1934, Pas. 1934, I, p. 352 qui avait décidé que les présomptions de responsabilité des
instituteurs et des parents devaient jouer de façon alternative et non cumulative.
279
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

(540) rend le propriétaire du véhicule automoteur qui a causé un accident civilement


responsable de l’auteur de ce dommage.

Cet article ajoute ainsi un alinéa 6 à l’article 260 du Code Civil


et allonge, ipso facto, la liste des personnes susceptibles d’être responsables pour fait
d’autrui.

Le propriétaire d’un véhicule automoteur est donc aux


termes de la loi du 05/01/1973 responsable du dommage causé par « toute
personne ayant avec son assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite du
véhicule ». Le gardien ou le simple conducteur du véhicule devront donc appeler en
garantie le propriétaire chaque fois qu’ils seront actionnés (cumul vertical des
présomptions).

L’invocation alternative des responsabilités donne aussi le choix


à la victime de poursuivre son indemnisation soit sur la base de l’article 258 (contre
l’auteur du dommage), soit sur la base de l’article 260 alinéa 1 (contre le gardien de la
chose), soit enfin sur la base de l’article 260 alinéa 6 (contre le propriétaire du véhicule
automoteur).

§2. Conditions de cette responsabilité


Aux termes de l’article 4 de la loi du 5 janvier 1973, trois
conditions sont exigées pour que soit établie la responsabilité du propriétaire du
véhicule automoteur :

I. Le dommage doit être causé par un véhicule automoteur


Par véhicule automoteur, le législateur entend tout engin destiné
au transport ou à un travail quelconque, doté d’un moteur et qui se meut uniquement
sur le sol à savoir : automobile, cyclomoteur, balayeuse, tracteurs, moissonneuse
batteuse, véhicule sur chenilles etc. les dommages causés par une remorque ou semi
remorque sont compris également dans cette catégorie si au moment de l’accident, ces
engins étaient attelés à un véhicule terrestre à moteur.

II. Le dommage doit être causé par une personne qui a, avec
l’assentiment exprès ou tacite du propriétaire, la garde ou la
conduite du véhicule

L’accident du latin accidens (ce qui arrive fortuitement) est un


événement soudain, fortuit et imprévu dont la réaliation n’a pas été recherchée par le
conducteur mais qui cause dommage à autrui. Pour que cet accident causant dommage
puisse entraîner la responsabilité du propriétaire du véhicule, il doit avoir été provoqué

540
VOY. Note 49 ci-dessus.
280
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

par une personne qui a, avec l’autorisation expresse ou tacite du propriétaire, la garde
ou la conduite du véhicule.

III. La responsabilité dans le chef du conducteur


Il faut que soit établie une relation de cause à effet entre le
dommage et le fait du conducteur du véhicule entraînant une présomption de
responsabilité dans le chef de ce dernier.

L’élargissement de cette relation permettra de répercuter sur la


tête du propriétaire du véhicule, la présomption de responsabilité du gardien du
véhicule (on parlera alors d’un cumul vertical des présomptions).

§ 3. Fondement et force de la présomption


En cas de dommage causé par toute personne ayant avec son
assentiment exprès ou tacite, la garde ou la conduite d’un véhicule automoteur, le
propriétaire dudit véhicule est, d’après la loi du 5 janvier 1973, présumé responsable
en dehors de toute faute de sa part. Il s’agit d’une responsabilité objective541 qui n’est
pas fondée sur une présomption irréfragable de faute. Comme nous l’avons dit
précédemment, c’est l’idée de garantie qui justifie cette solution parce qu’elle permet
de mettre à la disposition de la victime un débiteur plus valable qui est le
commettant. Ceci est d’autant plus vrai que l’assurance de responsabilité civile à été
chez nous rendue obligatoire en matière de véhicules automoteurs.

En Belgique, c’est la présomption irréfragable de faute qui


prévaut dans ce domaine alors qu’en France où le législateur congolais semble avoir
puisé ses idées en la matière, c’est l’idée de garantie ou de risque qui est à la base de
cette responsabilité.

Le gardien ne peut se libérer de sa responsabilité de plein droit qu’en démontant :

- La force majeure (on exclut les vices internes de la chose comme élément de
la force majeure) ;
- La faute exclusive de la victime ;
- La faute exclusive d’un tiers ayant le caractère d’une force majeure.

541
Cette solution est en harmonie avec la mentalité traditionnelle ou le seul avènement du dommage suffit pour
engager la responsabilité de son auteur, sans que l’on ne puisse se préoccuper de l’existence de la faute.
281
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL
282
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE III. : RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT DES CHOSES


Dans ce chapitre seront étudiées successivement, la
responsabilité civile du fait des animaux (Section I) 542, la responsabilité civile du fait
de la ruine des bâtiments (Section II) et la responsabilité civile du fait des choses
inanimées ((Section III)543;

Section I : Responsabilité du fait des animaux

§1. Principe
L’article 261 du CCCLIII énonce que : « le propriétaire d’un
animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du
dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré
ou échappé ».

Il en résulte qu’en cas de dommage causé par un animal, le


responsable légal est soit le propriétaire de l’animal, soit le gardien de celui-ci
(c’est-à-dire, celui qui s’en sert pendant le temps qu’il est à son usage).

§2. Conditions de cette responsabilité


Les conditions de cette responsabilité se rapportent à l’animal et
au responsable.

a) Quant à l’animal

La notion d’animal s’entend au sens du droit commun. Il s’agit


de tous les animaux quelle que soit leur nature zoologique à condition qu’ils soient
apprivoisés ou domestiqués (pigeons, bœufs, chevaux, abeilles élevées en ruches,
lapins de garenne, chèvres, moutons, volailles, etc.…).

Ainsi, ne sont pas visés par l’article 261, les animaux sauvages vivant à l’état libre (par
exemple, le gibier), les animaux vivant dans une chasse gardée (car on ne peut assurer
sur eux un certain contrôle) (544) et les animaux considérés comme des res nullius.
542
Juridiquement, les animaux sont considérés comme des choses (chose animées ayant une action autonome),
ce qui explique l’étude de cette question dans le présent chapitre.
543
Le cumul horizontal des présomptions de la responsabilité du fait des choses n’est pas admis au motif que les
champs d’application des différentes présomptions du fait des choses ne se recouvrent pas. La victime ne peut à
la fois invoquer les articles 260 al 1,261 et 262 et demander la condamnation in solidum des responsables. Elle
doit choisir entre ces trois bases légales, celle qui correspond mieux au cas d’espèce. Car chaque type de
responsabilité est soumis à des règles particulières. Toutefois, un cumul vertical des présomptions peut être
admis dans certains cas (Exemple entre les articles 261 et 260 al 3, permettant de retenir la responsabilité du
commettant surtout lorsque le préposé est considéré comme gardien de l’animal au sens de l’article 261 ou 1385
du Code civil belge et que son commettant doit répondre du dommage sur base de l’article 260 al.3). C’est là une
question de fait laissée à l’appréciation du juge de fond. (VOY). Cass., 5 nov. 1981, Pas. 1982, IP. 316).
544
. On notera à ce égard que le propriétaire d’une chasse gardée n’est pas responsable des dommages causés par
les animaux de sa chasse gardée sur base de l’article 261 mais plutôt au regard de l’article 258 (Tout fait
quelconque de l’homme…). Cependant, il sera responsable des dommages causés par les animaux se trouvant
283
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Par ailleurs, l’animal doit intervenir positivement dans la


réalisation du dommage. Autrement-dit, il suffit que le fait de l’animal soit à
l’origine du dommage pour que la responsabilité du propriétaire de l’animal ou du
gardien soit établie, peu importe que l’animal fût égaré ou échappé.

Ainsi, est causée par le fait d’un animal, la chute d’une personne
qui se précipite pour chasser des vaches qui pénètrent dan son potager. Il en est de
même d’un accident de circulation provoqué par une manœuvre d’évitement ou le
freinage brusque d’un automobiliste tentant d’éviter un chien divaguant sur la voie
publique. Tous ces dommages sont la conséquence du comportement actif et autonome
des animaux. Mais ces derniers ne doivent pas, par exemple, être effrayés ou rendus en
état de nervosité provoquant la réalisation du fait dommageable (Exemple, un coup de
sabot d’un cheval dû à son état de nervosité suite à l’apparition brusque d’un
automobiliste sur la chaussée).

b) Quant au responsable

Le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert (…) dit


l’article 261 du Code Civil Congolais livre III, est responsable du dommage que
l’animal a causé…

C’est donc soit le propriétaire, soit celui qui se sert de l’animal


qui est visé par le législateur en tant que personne devant répondre du dommage causé
par l’animal. Il s’agit en réalité d’une responsabilité alternative (et non cumulative)
reconnue même par la jurisprudence545.

Quant à la doctrine, elle se réfère plutôt à la notion du gardien


pour déterminer le responsable. Celui-ci est, d’après elle, la personne qui exerce sur
l’animal un pouvoir de contrôle et de direction546.

Généralement, le propriétaire est le gardien de l’animal, mais il


peut transférer la garde et prouver par tous les moyens qu’au moment de la
survenance du dommage, il n’avait plus la direction de l’animal. Ainsi, le locataire
d’un animal, l’usufruitier et l’emprunteur à usage d’un animal sont des gardiens.

Il est à noter que la jurisprudence547 apporte davantage des


précisions sur la notion de la garde en considérant comme gardien ou utilisateur de
l’animal :
dans un terrain aménagé (garenne) pour leur reproduction par ce qu’il s’agit des immeubles par destination.
(Lapin de garenne, pigeons du pigeonnier, abeilles domestiques, etc.…). Quant aux bactéries et virus certains
auteurs estiment qu’il faut les distinguer selon qu’ils ont une nature animale ou végétale. Aux premiers, on
appliquera l’art. 261 et aux seconds, l’article 260 alinéa 1. Mais, la question reste encore discutée, car elle pose
aussi un problème au regard de l’attribution de la garde.
545
Appel R.U., 19 octobre 1954, R.J.C., 1955, p. 124.
546
. J. de la Morandière (I), op.cit., n° 657 ; CARBONNIER (J), op.cit, n° 104, p. 369.
547
Léo, 10 OCTOBRE 1944, RJCB 1945 ? P ; 187.
284
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Celui qui se sert de l’animal à titre indépendant y compris le voleur, à


l’exception du domestique et du préposé du propriétaire.
- Celui qui se sert de l’animal à titre professionnel (cas du maréchal Ferrant, du
vétérinaire qui soigne les bêtes ou de l’entraineur d’un animal).

§3. Fondement et force de la présomption


- D’après le législateur, la responsabilité de l’article 261 est fondée sur une
présomption de faute : négligence dans la surveillance de l’animal ou
imprudence dans son utilisation ;
- Mais la jurisprudence actuelle (en France et en Belgique retient plutôt une
responsabilité de plein droit du gardien. Celui-ci ne peut s’exonérer de sa
responsabilité en prouvant l’absence de faute dans son chef. Seule est admise la
cause étrangère élisive de toute responsabilité (cas fortuit ou force majeure,
faute exclusive de la victime, faute exclusive d’un tiers).
- Quant à la doctrine, elle se fonde surtout sur l’idée de risque-profit pour établir
la responsabilité du gardien. C’est donc la notion de la garantie qui est retenue
ici et qui ne peut être renversée qu’en apportant la preuve du cas fortuit, de la
faute exclusive de la victime ou de la faute exclusive d’un tiers.

Section II : Responsabilité du fait de la ruine des bâtiments


Pour prémunir les victimes contre les accidents causés par les
constructions mal entretenues ou mal bâties, le législateur congolais a, à l’instar de ses
homologues français et belge, institué une responsabilité spéciale de la ruine des
bâtiments (article 262) distincte de la responsabilité générale pour fait des autres
choses que la doctrine et la jurisprudence ont déduit de l’article 260 al 1

C’est cette responsabilité qui fera l’objet de notre analyse dans la


présente section à travers les trois points suivants : principe de la responsabilité,
conditions de cette responsabilité et, enfin, le fondement et la force de la présomption.

§1. Principe
Aux termes de l’article 262 du Code Civil Livre III, « le
propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine,
lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa
construction ».

De la lecture de cette disposition légale, il résulte que seul le


propriétaire du bâtiment est responsable du dommage causé pour sa ruine et non une
autre personne. Néanmoins, le propriétaire dispose d’une action récursoire contre
l’auteur de la faute (locataire ou usufruitière pour défaut d’entretien en vertu du contrat
de bail).
285
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Il peut aussi avoir une action récursoire contre l’architecte ou


l’entrepreneur en cas de vice de construction. Cette action se prescrit par dix ans à
compter de la réception des travaux (art. 439 du C.C.C.L. III). Bref, cette
responsabilité pèse donc entièrement sur celui qui, au moment du dommage, possédait
un titre de propriété sur le bâtiment même s’il n’en avait pas la garde en ce moment et
même si le défaut d’entretien ou le vice de construction ne lui est pas imputable.

§2. Conditions de cette responsabilité


L’établissement de la responsabilité instituée par l’article 262
exige la réunion de trois conditions :

1. Il doit s’agir d’un bâtiment

Le législateur n’a pas défini la notion de bâtiment laquelle ne


doit pas être prise ici dans son sens usuel rattaché au droit des biens à savoir un
immeuble. La jurisprudence moderne entend par « bâtiment » toutes les constructions
faites avec des matériaux assemblés de façon durable, qu’elles soient en surface ou
dans le sous-sol ainsi que tous les éléments incorporés à ces constructions
(canalisation, ascenseurs, balcons, ponts, quai…). Par ailleurs, l’article 5 du règlement
annexe à l’Ordonnance n°74-148 du 02 juillet 1974 portant mesure d’exécution de la
loi foncière dit que « sont considérés comme construits en matériaux durables, les
bâtiments érigés en briques, crépis au mortier de ciment, avec fondation en pierres ou
briques cimentées au même mortier et couvert de tuiles, tôles ou éternit ».

Bref, le bâtiment désigne tout ouvrage fait des mains d’homme


à l’aide des matériaux ayant un caractère immobilier et ancré au sol de façon
durable. De la sorte, ne sont pas considérés comme des bâtiments parce que ne
répondant pas aux critères ou à l’un des critères ci-dessus énumérés : les immeubles
par destination (et non les immeubles par incorporation), les caravanes, les baraques
des chantiers, les baraques foraines, les échafaudages, les rochers, les grottes, les
arbres, les terrains, les huttes africaines faites en matériaux non durables et les
éboulements du sol.

2. Le dommage doit être causé par la ruine d’un bâtiment

Par ruine du bâtiment on entend la chute ou l’effondrement


total ou partiel, soit de la construction toute entière, soit de ses parties significatives
résultant d’un état de délabrement avancé ou de dégradation grave (exemples, la chute
d’un balcon, d’une corniche, d’un plancher etc.) 548. L’on exclut ainsi le dommage
causé par les restes d’un bâtiment déjà en ruine et le cas de la ruine provenant d’une
autre cause (par exemple, un incendie ou une explosion).

548
1ère inst. Kasaï, 16 janvier 1951, R.J.C.B., 1951, p. 193.
286
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

3. La ruine doit résulter d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction

Pour que le propriétaire soit tenu à la réparation du préjudice


causé par la ruine d’un bâtiment, la victime doit enfin produire une double preuve :
celle du lien entre la ruine et le défaut d’entretien ou le vice de construction en premier
lieu et, ensuite, la preuve du lien ou de la relation de cause à effet, entre la ruine et le
dommage subi549.

§3. Fondement et force de la présomption


Traditionnellement, on faisait reposer cette responsabilité sur la
présomption de faute (défaut d’entretien ou de surveillance). Actuellement, la doctrine
estime qu’il s’agit d’une responsabilité de plein droit entraînant l’obligation de
réparation dans le chef du propriétaire dès que les trois conditions précitées sont
réunies. C’est que l’idée de faute n’intervient plus et quand bien même elle
interviendrait, elle est maintenant considérée de façon irréfutable.

Le propriétaire ne peut être exonéré de sa responsabilisé en


prouvant, par exemple, qu’il n’a commis aucune faute. Les seuls moyens de défense
pour lui sont :

- Le cas fortuit ou la force majeure non accompagnée d’un défaut d’entretien ou


d’un vice de construction. Exemple, un vent exceptionnel qui a arraché le toit
ou démoli le bâtiment ; l’occupation militaire qui a empêché le propriétaire
d’entretenir le bâtiment, etc.
- La faute, exclusive de la victime qui connaissant l’état de délabrement du
bâtiment s’y introduit malgré tout (cas des amoureux à la recherche d’un lieu à
l’abri des curieux). La connaissance de l’état de délabrement de bâtiment peut
être prouvé par un écriteau y apposé et indiquant bien cet état (par exemple,
Attention ! Immeuble menaçant ruine).
En somme, la faute de la victime doit revêtir le caractère de la force majeure
pour exonérer le propriétaire de toute responsabilité. Sinon, il y aura partage
de responsabilité.
- La faute exclusive d’un tiers. Lorsqu’elle est la cause exclusive du dommage,
elle libère totalement le propriétaire. Autrement, il y a partage de
responsabilité.

Recours du propriétaire
Comme souligné précédemment, le propriétaire qui a indemnisé
la victime dispose d’un recours :
549
. 1ère inst. Kin, 6 mars 1954 ; Léo, 9 déc. 1952, R.J.C.B., 1953, p. 28
287
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

- Contre l’architecte ou l’entrepreneur en cas de vice de construction. Aux


termes de l’article 439 du Code Civil livre III, cette action se prescrit par 10 ans
à compter de la date de la réception de l’ouvrage550.

La prescription dont il est question dans cette disposition concerne surtout la


responsabilité contractuelle des architectes et entrepreneurs dans leurs rapports
avec le maître de l’ouvrage. L’analyse du contrat d’entreprise permet d’en
fournir des plus amples détails.

- Contre le locataire ou l’usufruitier s’il prouve que la ruine est due à un défaut
d’entretien qui leur incombait en vertu du contrat (bail, par exemple).

Section III : Responsabilité du fait des choses inanimées.

Introduction

La responsabilité du fait des choses inanimées est régie dans


notre droit par l’article 260 alinéa 1 er qui est l’équivalent de l’article 1384 alinéa 1 er du
Code Civil belge. Selon les rédacteurs du Code Civil, cette alinéa était considérée
comme servant d’introduction aux autres cas de la responsabilité pour autrui prévus
aux alinéas 2, 3, et 4 de ce même article. Mais, suite à la multiplication des dommages
causés par le développement du machinisme, on s’est trouvé en difficulté d’assurer la
réparation des préjudices y afférents d’autant que le législateur n’avait prévu dans le
Code Civil que deux cas particuliers dans lesquels certaines personnes ayant un lien
avec une chose pouvaient répondre des dommages causés par celle-ci à savoir, les
animaux (art. 261 du C.C.C.L. III ou 1385 du Code Civil belge) et les bâtiments en
ruine (art. 262 du C.C.C.L. III ou 1386 du Code Civil belge) 551. Aussi, la jurisprudence
n’a-t-elle pas hésité pour assurer une protection plus efficace des victimes, face aux
nouvelles techniques de production, à considérer l’alinéa 1er de l’article 260 comme
énonçant un principe général de la responsabilité du fait des choses que l’on a
sous sa garde552.

Cet alinéa dispose en effet qu’« on est responsable non


seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de celui qui est
causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa
garde ».

550
. Le recours peut également être accordé à tout acquéreur d’un immeuble déjà construit et comportant un vice.
Il est alors dirigé contre le vendeur lequel devra appeler l’entrepreneur en garantie (art. 318 du CCC L. II).
551
. Le législateur n’ayant prévu que les deux cas particuliers des dommages causés par les choses, la réparation
des dommages causés par les autres choses inanimées devenait ainsi problématique (par exemple éboulement du
sol), dommage causé par la machine ou les choses produites par elle).
552
Cass, 26 mai 1904, Pas ., 1904, I-246.
288
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§1. Principe
Ainsi donc, en cas de dommage causé par une chose inanimée
(chute d’un arbre, effondrement d’un échafaudage, par exemple), c’est le gardien de
cette chose qui est appelé à le réparer.

Mais, les principes de solution diffèrent selon qu’on est en droit


belge, (voire en droit congolais) et en droit français.

En fait, les deux systèmes juridiques retiennent la responsabilité


du gardien de la chose inanimée qui est intervenue dans la réalisation du dommage.
Cependant le droit français prône une présomption de responsabilité à charge du
gardien de la chose inanimée (ce qui correspond à une responsabilité objective 553 alors
que le droit belge demeure attaché à la présomption de faute du gardien, mais une
présomption irréfragable de faute. (Le gardien ne peut s’exonérer en apportant la
preuve qu’il n’a commis aucune faute).

Par ailleurs, le droit belge exige encore que la victime puisse


apporter la preuve du vice de la chose qui a causé le dommage. Ainsi, en droit belge,
la responsabilité du gardien de la chose ne peut être établie que si la victime apporte
une double preuve : celle du dommage (en 1er lieu) et celle du vice de la chose dont
le défendeur avait la garde, (en 2ème lieu). Car, ce qui est surtout visé ici c’est l’usage
par le gardien de la chose vicieuse554.

A noter qu’en matière de véhicule automoteur, la loi du 5 janvier


1973 a introduit chez nous (en République démocratique du Congo) une
responsabilité objective pour les dommages causés par l’utilisateur de ce véhicule.

§2. Conditions de cette responsabilité


Ces conditions sont à considérer à trois niveaux : au niveau de la
chose, du fait de la chose et de la garde.

a. Quant à la chose

A l’exception des animaux (art. 261) et de la ruine des bâtiments


(art. 262), l’article 260 alinéa1er s’applique à toutes les autres choses : mobilières ou
immobilières555, inertes ou mobiles, dangereuses ou non, naturelles ou artificielles. Il
appartient donc à la victime de désigner la chose affectée d’un vice qui, selon elle, est
à la base du dommage (voiture, ascenseur, arbre, aiguille, échelle, légumes, fruits,
cailloux, bloc de béton, fumée, bicyclette, fil électrique, lames de rasoir, madriers etc.)
553
Voir Arrêt Jand’heur du 13 février 1930 (S. 1930, I, cass. Ch. Réunies, 13 février 1930 ; D. 1930,I,57).
554
Cass, 3 mai 1974, Pass. 1974, I, p. 914 : « Du moment qu’il existe un vice de la chose, la victime ne doit
établir aucune faute dans le chef du gardien ». Alors que la condition du vice de la chose n’est pas retenue par la
jurisprudence française
555
KALONGO MBIKAYI, op.cit, p. 230 et surtout, note infrapaginale n° 530 avec les référencés
jurisprudentielles y reprises.
289
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Cependant, ne sont pas considérés comme des choses au sens de


er
l’article 260 alinéas 1 :

- Le corps humain (voir sa pensée et sa parole)


- Les res nullius (non susceptibles d’appropriation)
- Les choses incorporelles (titres, actions, créances).

b. Quant au fait de la chose

Pour engager la responsabilité du gardien, la chose doit jouer un


rôle actif dans la réalisation du dommage. C’est-à-dire, elle doit être la cause
génératrice du préjudice. Et en droits belge et congolais, elle doit, en plus, comporter
un vice (sauf pour les véhicules automoteurs en droit Congolais où la responsabilité
est objective).

Le vice est depuis l’arrêt de la Cour de Cassation belge du 23


septembre 1971, défini comme : « une caractéristique anormale de la chose
susceptible d’occasionner un dommage à des tiers, quelle qu’en soit l’origine »556.

Mais, selon la Haute Cour belge, la victime n’est pas tenue de


préciser la nature du vice, il suffit qu’elle établisse l’impossibilité de l’accident si
la chose n’avait été affectée d’un vice ( 557). Autrement-dit, il faut un lien de cause à
effet entre le fait de la chose vicieuse et le dommage, même si ce lien peut soulever
quelques problèmes.

Ainsi ;

 Le fait de la chose ne suppose pas qu’il y ait nécessairement un contact


physique entre la chose et la personne ou le bien endommagé. (cas du caillou,
projeté par une voiture contre une vitre et qui la casse ou du chauffeur qui
voulant éviter un autre véhicule roulant à vive allure écrase quelqu’un).
 Le fait de la chose suppose aussi que la chose joue un rôle actif dans la
réalisation du dommage. La charge de la preuve incombe ici à la victime.
 Le fait de la chose peut encore coexister avec le fait d’une autre chose en sens
contraire (cas de la collision de véhicules). Chacun devra à tour de rôle, payer à
l’autre l’entier dommage lui causé par le fait de sa chose (position française)558.

c. Quant à la garde
556
Il s’agit de la définition empruntée à A. VAN RYN « La responsabilité du fait des choses », J.T., 1946, pp.
164 et S.
557
Cass. B. 25 mars 1943, Pas, 1943, I, 110 ; Cas. b. 18 janvier 1945, Pas, 1945, I. 88 ; 31 janvier 1952, I, 308.
Dans ce même sens, 1er Inst. Cost., 3 déc. 1948, R.J.C.B. 1949, p. 113, Léo, 29 octobre 1957, R.J.C.B. 1958, p.
146.
558
KALONGO MBIKAYI, op.cit, p. 232
290
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

L’alinéa premier de l’article 260 déclare in fine que le


responsable en cas de dommage causé par une chose inanimée est celui qui a la chose
sous sa garde.

Autrement-dit, celui qui exerce sur la chose un pouvoir de


contrôle, de direction et de surveillance. Comme la garde est liée à un pouvoir de
direction, les qualités de gardien et de préposé sont en principe incompatibles. Car seul
le commettant (employeur) est gardien. Pour que le préposé soit gardien, il doit user de
la chose pour son propre compte et exercer sur la chose, un pouvoir de direction, de
contrôle et de surveillance. Or, le préposé use, en principe de la chose pour le compte
de son commettant sauf abus de pouvoir.

Généralement, la qualité de gardien revient au propriétaire de la


chose. Mais ce dernier peut transférer la garde (au locataire de la chose ou à
l’emprunteur à usage de la chose) ou la perdre (cas de la chose volée, par exemple).

D’où il en résulte qu’il existe deux sortes de transfert de la


garde : le transfert volontaire et le transfert involontaire.

1. Transfert volontaire

Il y a transfert volontaire de la garde lorsque le propriétaire de la


chose se dessaisit volontairement et temporellement de la direction, du contrôle et de
la surveillance de celle-ci au profit d’une autre personne qui en devient le détenteur
précaire. En principe, ce transfert a lieu au moyen d’un contrat (prêt, location,
transport, entreprise) conclut entre le propriétaire, gardien originaire de la chose, et le
détenteur précaire devenu, ipso facto, gardien de celle-ci559. Ainsi, la notion de garde
ne se confond pas avec celle de la propriété ( 560), ni avec une simple détention
matérielle de la chose. Elle suppose donc un véritable pouvoir de direction, de
contrôle et de surveillance sur la chose. C’est là une question de fait laissée à
l’appréciation souveraine du juge de fond.

Il faut signaler qu’il n’y a pas de garde si cette garde se fait à


561
titre gratuit . Telle n’est cependant pas l’avis de la jurisprudence congolaise qui a
jugé que le propriétaire du camion qui met celui-ci gracieusement à l’entière
559
Le gardien est, selon la jurisprudence de la Cour de cassation belge, celui qui pour son propre compte, use de
la chose, en jouit ou la conserve, avec un pouvoir de surveillance, de direction et de contrôle » (cass, 25 mars
1943, Pas., 1943, I, p. 110 ; Cass., 29 oct. 1987, Pas., 1988, I, p. 251 ; cass, 4 avril 1986, Pas., 1986, I, p. 948 ;
cass., 24 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 500).
560
Car, si le propriétaire d’une chose peut en être le gardien, tout gardien n’est pas nécessairement propriétaire.
Par ailleurs, le seul fait qu’une personne ait un usage limité de la chose n’exclut pas que le propriétaire en est
conservé la garde (cas du contrat de travail lorsque le préposé se sert de la chose dans l’exercice de ses fonctions
sauf s’il a abusé de celles-ci en utilisant la chose pour son profit personnel. Le préposé a l’usage de la chose,
mais c’est le commettant qui a le pouvoir intellectuel de commandement quant à l’utilisation de la chose). On
arrive ainsi à établir la différence entre la garde juridique et la garde matérielle de la chose.
561
CARBONNIER (J), op.cit, n° 108, p. 383
291
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

disposition d’un tiers pour effectuer un voyage déterminé cesse d’avoir la garde du
camion et d’être le maître du chauffeur au point de vue de l’application de l’article 260
du Code Civil livre III. Il ne répond pas de l’accident survenu par suite du non-
fonctionnement des freins dont il connaissait le mauvais état, si le tiers, après avoir
constaté les vices du camion, a continué sa route sans y remédier, alors qu’il pouvait
renoncer au voyage ou faire effectuer la réparation. Il a, en effet, assumé les risques de
l’accident en pleine connaissance de cause562.

2. Transfert involontaire

Dans ce cas une personne s’empare de la chose à l’insu de celui


qui en avait la garde. Ainsi en est-il du voleur de la chose qui est rendu responsable,
c’est-à-dire, gardien de la chose, en vertu de la jurisprudence française et
particulièrement de l’arrêt Cannot du 2 décembre 1941563. C’est aussi le cas du
préposé qui détourne la chose dont le commettant avait jusque là la garde (voir le cas
du contrat de travail lorsque le préposé détourne à son propre profit l’usage de la chose
dont il se servait en vertu de ce contrat).

3. Caractère alternatif de la garde

En principe, la doctrine considère que la garde est alternative (et


non cumulative), une seule personne étant reconnue comme gardienne (cas de transfert
de la garde)564. Mais, aucune règle générale ne permet de résoudre définitivement la
question car la garde peut être collective ou conjointe dans certains cas et dans
d’autres, elle peut être simultanément exercée par deux personnes sur des
éléments différents (c’est la théorie française de la dissociation entre la garde de la
structure et la garde du comportement).

Examinons successivement ces exceptions au caractère alternatif


de la garde.

- Garde collective ou conjointe

Il y a garde collective ou conjointe lorsque plusieurs personnes


exercent ensemble (c’est-à-dire en commun) et au même moment les pouvoirs de
surveillance, de direction et de contrôle non subordonnés sur une même chose 565. C’est
le cas notamment des parties communes d’un immeuble où tous les copropriétaires
sont considérés comme co-gardiens de la chose.

562
. Léo, 9 février 1954, R.J.C.B, 1954, p. 193. VOY aussi KALONGO MBIKAY, op..cit ;p.233.
563
S.41,1.217 et D.C. 42.25, et KALONGO MBIKAYI, op.cit.,p.233
564
B. DUBUISSON, op.cit, p. 304.
565
Cass., 29 octobre 1978, Pas., 1988, I, 288 ; Cass., 15 septembre 1983, Pas. 1984, I, 36 ; R.G.J.B, 1985, p. 577,
note KRUITAOF ; Bruxelles, 22 avril 1983, J.I., 1983, p. 505.
292
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Dans cette hypothèse, chacun des gardiens est responsable de la


réparation intégrale du dommage causé à la victime qui, devrait, à l’occasion solliciter
au juge la condamnation in solidum de tous les gardiens, sauf contribution entre
eux566.

- Garde de la structure et garde du comportement

La jurisprudence a introduit en France cette distinction pour


certaines choses. Ainsi la garde de la structure serait reconnue à la personne qui est
à l’origine du vice (interne de la chose) et qui est en mesure d’en déterminer la
structure. Dans cette hypothèse, le fabricant serait le gardien d’un produit qu’il a mis
en circulation car il en conserve le contrôle de la structure même s’il ne possède
plus le contrôle sur le comportement. La garde du comportement par contre aboutit
à attribuer la garde à la personne qui utilise la chose, qui la manipule lors de la
survenance du dommage.

La théorie française de la distinction entre la garde de la


structure et la garde du comportement permet à la victime de solliciter la
condamnation alternative de ces deux gardiens de la chose. Car elle conduit d’abord à
s’interroger sur l’origine du vice avant de déterminer le gardien responsable.

Elle semble difficilement applicable en Belgique (et par


ricochet en République démocratique du Congo), où la responsabilité du gardien
est subordonnée à l’existence du vice de la chose (souvent compris au sens large
de deux vices : défaut d’entreposage, défaut de conservation, défaut d’utilisation,
voire défaut de fabrication). Dès que le vice est établi, autrement-dit, lorsque la
victime prouve que le gardien a fait usage de la chose vicieuse (qu’il s’agisse d’un
vice interne lié à la structure de la chose, ou d’un vice du comportement), c’est sa
responsabilité qui sera engagée et non celle du fabricant.

C’est donc la mise en œuvre du principe selon lequel il ne peut


être question d’attribuer la garde à une personne qui s’est définitivement dessaisie de
la chose et qui a perdu toute possibilité d’exercer sur elle un quelconque contrôle.

Il faut signaler enfin que cette distinction difficilement


applicable n’a été conçue en France que pour des choses dotées d’un dynamisme
propre et jugées dangereuses (produits pharmaceutiques, explosifs etc.).

§3. Fondement et force de la présomption


Le fondement de la responsabilité instituée par l’alinéa premier
de l’article 260 est une présomption de faute irréfragable (solution applicable

566
Mons, 9 avril 1992, R.G.A.R., 1995, n° 12537. Lorsque la victime est aussi co-gardienne de la chose ayant
causé dommage
293
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

également en droit belge ; article 1384 alinéa 1er). Mais, en République démocratique
du Congo comme en Belgique, la victime doit apporter la preuve du vice de la chose
qui a entraîné le dommage.

Ce fondement n’est pas applicable en ce qui concerne les


véhicules automoteurs. Ici, le droit congolais inspiré du droit français s’est plutôt
orienté vers une responsabilité de plein droit du gardien du véhicule. C’est en somme
une responsabilité objective.

CHAPITRE IV : RAPPORTS ENTRE LA RESPONSABILITE


DELICTUELLE ET LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
Introduction

On se pose souvent la question de savoir s’il existe des rapports


entre la responsabilité contractuelle (résultant de la violation par le débiteur des
obligations contractuelles) et la responsabilité délictuelle issue du préjudice causé à
autrui (art. 258 du Code civil congolais livre III).

Concrètement, il s’agit de savoir lorsque « un même fait est


constitutif à la fois d’une faute contractuelle et d’une faute délictuelle (bâtiment qui
s’écroule sur un locataire suite à la négligence du bailleur d’effectuer les réparations,
294
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

lui incombant) » si la victime peut, solliciter la réparation du préjudice lui causé sur
base de l’article 45 du Code civil ou de l’article 258 ou même cumuler les deux ?

Il s’agit là d’une interrogation fondamentale qui appelle d’autres


questions liées notamment à l’intérêt pratique de la distinction entre les deux
responsabilités, aux domaines respectifs de deux responsabilités ainsi qu’au concours
de deux responsabilités.

Section I : Intérêt de la distinction


Il faut noter d’emblée que les deux responsabilités sont
considérées comme nettement distinctes chez la majorité d’auteurs français, belges et
même congolais567. Et que la différence entre les deux apparaît pratiquement au niveau
des règles de fond et des règles de forme.

§1. Quant aux règles de fond


Les deux responsabilités s’opposent à plusieurs égards :

1. D’abord les conditions de deux responsabilités ne sont pas les mêmes. Pour
qu’il y ait responsabilité civile, la victime doit prouver l’existence du dommage,
de la faute et du lien de causalité entre le dommage et la faute du débiteur.
Tandis que la responsabilité contractuelle n’existe, en principe, que dans les
hypothèses suivantes : mauvaise exécution, retard d’exécution ou défaut
d’exécution (c’est-à-dire inexécution) du contrat568.
 En matière contractuelle seul le dommage prévisible est réparable (du
moins en principe art. 48 du Code Civil). Ce qui n’est pas le cas en
matière délictuelle ou l’accord préalable des parties n’est pas possible.
 La mise en demeure préalable est nécessaire en matière contractuelle.
Il n’en est pas de même en matière délictuelle où les obligations ont leur
source dans la loi et sont fondées sur l’ordre public. Ici, la victime n’a
pas à mettre préalablement l’auteur fautif en demeure avant d’obtenir
réparation569.
 La capacité délictuelle est précoce (arrive trop tôt) par rapport à la
capacité contractuelle jugée tardive (18 ans ou moins pour passer un
contrat).

567
KALONGO MBIKAYI, op.cit, p. 235. D’autres auteurs estiment par contre que la responsabilité délictuelle
doit primer sur la responsabilité contractuelle car celle-ci n’est qu’une forme de celle-là.
568
On notera que dans certains cas, les obligations contractuelles peuvent déborder le cadre purement
contractuelle et donner lieu à l’application des règles relatives à la responsabilité contractuelle et non délictuelle.
On n’est pas dans l’une des trois hypothèses ci-dessus énumérées, mais la responsabilité contractuelle restera
applicable en vertu des suites des obligations résultant de la nature du contrat (art. 34 du Code Civil). Exemple,
obligation de sécurité dans le contrat de transport.
569
Cependant, le créancier d’une indemnité délictuelle n’obtiendra des intérêts moratoires qu’après mise en
demeure.
295
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

 En matière contractuelle, l’étalon de mesure de la faute du débiteur est


en principe la culpa levis in abstracto alors qu’en matière délictuelle
c’est la culpa levissima (faute d’imprudence ou de négligence, art. 259).

2. Les conventions élisives de responsabilité sont valables en matière


contractuelle ; Tandis qu’en matière délictuelle, elles sont en règle générale,
considérées comme nulles au motif qu’elles sont contraires à l’ordre public.
3. Le délai de prescription en matière délictuelle est en principe de trente ans (art.
647 CCC). En matière contractuelle, il est encore pareil quand bien même on
retrouve de nombreux cas des prescriptions abrégées (plus courtes).
4. L’étendue de la réparation paraît limitée en matière contractuelle (art. 48 du
CCCLIII) qu’en matière délictuelle. Par ailleurs, les coauteurs d’un préjudice
sont tenus in solidum de la réparation envers la victime alors qu’en matière
contractuelle la solidarité entre les codébiteurs en vertu du même contrat n’a
lieu que si la loi l’a prévue570.

§2. Quant aux règles de forme (preuve).


La différence entre les deux types de responsabilité est encore ici
plus remarquable.

En matière délictuelle, la charge de la preuve incombe à la


victime du dommage. Cette dernière doit rapporter la preuve de l’existence de trois
conditions requises (préjudice, faute, lien causal) pour se faire indemniser « art. 258».
La solution est toute différente en matière contractuelle où il est demandé au créancier
de produire la preuve de l’existence du contrat pour établir la responsabilité du
débiteur. Une fois cette preuve produite, il sera facile pour lui de démontrer qu’il y a
eu inexécution, mauvaise exécution ou exécution tardive par le débiteur du contrat
visé. D’ailleurs, la faute du débiteur est présumée du seul fait de l’inexécution du
contrat (art. 45 du C.C.C. L.III). Il ne peut s’exonérer de cette présomption qu’en
rapportant la preuve d’une cause étrangère élusive de toute responsabilité (cas fortuit
ou force majeure, faute exclusive du créancier lui-même ou faute exclusive d’un tiers).

Cependant, l’opposition entre la responsabilité délictuelle et la


responsabilité contractuelle appelle quelques limites :

1. Lorsque l’obligation du débiteur est une obligation de moyens (en matière


contractuelle) le créancier devra établir la faute du débiteur en démontrant qu’il
n’a pas fourni les moyens exigés par les circonstances (c’est-à-dire qu’il n’a pas
agi en B.P.F.).

570
Ceci concerne l’exécution de l’obligation. Car en cas d’inexécution imputable à plusieurs débiteurs, la
jurisprudence a tendance à condamner in solidum tous les débiteurs fautifs à la réparation intégrale du préjudice.
296
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2. Ensuite, en matière délictuelle, il existe de nombreux cas de présomption de


faute pris en compte par le législateur (At. 260 al 1, 2, 3,4 et 6 du C.C. L. III).
La charge de la preuve incombe ici au défendeur à qui appartient la lourde tâche
de renverser la présomption de faute ainsi mise à sa charge par la loi. Un peu à
l’instar du débiteur d’une obligation contractuelle de résultat.

Section III : Domaines respectifs des deux responsabilités


La responsabilité contractuelle étant bien distincte de la
responsabilité délictuelle, l’on admet donc que ces deux responsabilités concernent des
domaines différents même si la responsabilité contractuelle est en principe regardée
comme une exception par rapport à la responsabilité délictuelle. En effet, comme nous
l’avons déjà dit, la responsabilité contractuelle ne concerne que le cas de violation
d’une obligation contractuelle. Plus particulièrement, elle s’applique au cas
d’inexécution, de mauvaise exécution ou d’exécution tardive d’une obligation
contractuelle. Toutes les autres défaillances constatées même à l’occasion d’un contrat
ne peuvent donner lieu qu’à la responsabilité délictuelle. C’est autant dire que la
responsabilité délictuelle couvre un champ d’action plus vaste et a une portée plus
large que celle de la responsabilité contractuelle. Tout ce qui n’est pas contractuel,
pourrait-on dire, est délictuel. Et cela se remarque aisément dans les cas suivants :

I. Faute délictuelle d’un tiers étranger à l’égard d’une partie au


contrat.
C’est le cas d’un tiers qui aide un des contractants à violer ses
obligations contractuelles. On parle alors de la tierce complicité. Exemple, dans un
contrat de fourniture des marchandises, un tiers, intervient et pousse le fournisseur
(contractuel) à violer son obligation de ne livrer la marchandise qu’à son
cocontractant. Vis-à-vis de son cocontractant préjudicié, le fournisseur (contractant) a
commis une faute contractuelle (at. 45 et 33 du C.C.C.L. III) tandis qu’à l’égard du
bénéficiaire de la marchandise (cocontractant du fournisseur), le tiers a commis une
faute délictuelle (at. 258 du Code Civil Livre III).

II. Faute délictuelle d’une partie au contrat à l’égard d’un tiers


étranger
C’est l’hypothèse d’un taximan qui cause un accident de
circulation occasionnant la mort de son client. A l’égard du défunt (client), le taximan
a commis une faute contractuelle due à la violation de l’obligation de sécurité lui
incombant. Alors que pour les parents ou épouse du client, le taximan a commis une
faute délictuelle (dommage morale et même matériel).
297
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

III. Faute délictuelle d’une partie au contrat à l’égard de son


cocontractant
Il s’agit ici d’une faute commise à l’occasion du contrat et qui
vise une obligation antérieure voire extérieure au contrat (celle qui ne consiste pas en
une inexécution, un retard ou une mauvaise exécution du contrat). Exemple, un
taximan qui viole sa cliente (violation d’une obligation extérieure au contrat), un
pollicitant (offrant) qui retire prématurément son offre (violation d’une obligation
antérieure ou contrat) ou un hôtelier qui assassine son client.

Section III. : Concours des deux responsabilités

§1. Question
Lorsqu’un même fait cause dommage à autrui (ruine du
bâtiment, par exemple), la victime peut-elle solliciter l’indemnisation à la fois sur base
de l’article 45 du Code Civil (responsabilité contractuelle) et de l’article 258,
(responsabilité délictuelle) ou va-t-elle opter pour l’une ou l’autre de deux
responsabilités571.

§2. Principe de solution


Le principe de solution à cette interrogation varie selon qu’on se
trouve en droit français ou en droit belge.

Dans le système juridique français, on écarte toute idée


d’opposition, voire de cumul entre les deux types des responsabilités. Dans chaque
situation on devra vérifier les conditions qui soutendent la responsabilité. S’il s’agit de
la violation d’une obligation contractuelle, la jurisprudence estime qu’il faudra ne
retenir que la responsabilité contractuelle parce que l’article 258 ne peut être invoqué
en cas de violation d’une pareille obligation, du reste, soumise à la mise en demeure
préalable avant toute exécution forcée.

Quant au droit belge, il admet plutôt le principe d’une option


entre les deux responsabilités et la victime peut ici choisir l’action qui lui est
particulièrement avantageuse. Le droit congolais pour sa part, n’a pas de position
tranchée en la matière comme le soutient KALONGO MBIKAYI, il devra au besoin
s’orienter vers la solution française qui n’admet ni le cumul, ni l’option entre les deux
responsabilités572 ce qui revient à dire que seule la responsabilité contractuelle devra
prévaloir lorsque se trouvent réunies les conditions d’une telle responsabilité.

571
Il va de soi qu’on ne peut se faire indemniser deux fois pour un même fait. Aussi est-il préférable de parler de
concours et non du cumul des deux responsabilités. Par ailleurs, lorsque la faute est purement contractuelle, on
se demande si on peut aussi invoquer l’article 258 qui est un texte à caractère général. Exemple, inexécution
d’une obligation contractuelle qui cause dommage à autrui.
572
KALONGO MBIKAY, op.cit, p. 239
298
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Chapitre V : CRITIQUE DU SYSTEME ANCIEN DE LA


RESPONSABILITE CIVILE ET EVOLUTION ACTUELLE DE LA
THEORIE DE LA RESPONSABILITE.

Section I : Critiques
Le système ancien de la responsabilité civile a fait l’objet de
nombreuses critiques en raison de son fondement axé sur la faute : pas de faute disait-
on, pas de responsabilité et par conséquence, pas de réparation.

La révolution industrielle et le développement qu’elle a


entraîné du machinisme ont vite démontré les insuffisances de ce système
subjectiviste et individualiste de la responsabilité civile avec l’accroissement enregistré
des dommages sans faute ainsi que les difficultés de réparation qui s’en sont suivies. Il
était par exemple difficile de démontrer la faute dommageable dans le fonctionnement
299
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

rythmé d’une machine suivant son mouvement normal alors qu’un préjudice corporel
ou physique de l’agent mis au contact de celle-ci (machine) en est résulté573.

Section 2 : Evolution
Aussi, soucieux d’assurer l’indemnisation des victimes en dehors
de l’idée de faute, a-t-on enregistré un effort doctrinal et jurisprudentiel tendant à
justifier un système de responsabilité sans faute connu généralement sous le nom de
responsabilité objective 574. Ici ce n’est plus la faute, mais bien le dommage et la
nécessité de sa réparation qui guident la réflexion.

La théorie de la responsabilité objective est donc celle dont la


mise en œuvre de la responsabilité est indépendante de l’existence d’une faute dans le
chef du débiteur de la réparation ( 575). Elle fut défendue en France par Saleilles et
Fosserand576.

Par ailleurs, les conséquences économiques de la responsabilité


sans faute ayant rendu plus difficile la réparation par un seul individu des dommages
nés des activités à risque, un développement des mécanismes de mutualisation des
risques a vu le jour pour accréditer l’idée que tout dommage appelle réparation. D’où
la naissance des assurances de responsabilité civile qui permettent la couverture des
responsabilités aggravées pesant sur les exploiteurs des activités à risque
(propriétaire de véhicule automoteur, compagnie d’aviation, etc. ( 577) et des organismes
publics alimentés par des fonds publics (par exemple, la sécurité sociale) pour prendre
en charge la réparation de certains dommages sans oublier la prolifération à leur coté
de nombreux fonds de garantie (fonds de garantie des victimes d’accidents médicaux,
des victimes, etc.) pour l’indemnisation de certaines catégories des victimes. D’où il
en résulte une socialisation de la responsabilité civile étant donné que la réparation du
dommage devient l’affaire de la collectivité nationale.

573
. Préjudice dû souvent à une erreur de manipulation de la machine par la victime elle-même ou de sa propre
distraction.
574
. KALONGO MBIKAYI, op.cit., pp 241-243
575
. Toute activité capable de créer un risque pour autrui (exploitation d’une machine par exemple), engage la
responsabilité de son auteur en cas du préjudice lié à l’exercice de cette activité sans qu’il soit besoin de
démontrer l’existence de la faute dans le chef de cet auteur.
576
. D’autres facteurs politiques, sociologiques et économiques ont également contribué à la mise en œuvre de ce
système.
577
. D’autres mécanismes contribuent aux mêmes fins (sécurité sociale par exemple).
300
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

TITRE III. : LES QUASI-CONTRATS


I. INTRODUCTION

Les quasi-contrats font partie des sources non contractuelles des


obligations au même titre que les délits et quasi – délits, sans oublier, selon les
prescrits même de l’article 246 du Code civil congolais livre III, la loi. Ils regroupent
un ensemble de situations où une personne a reçu un avantage de quelqu’un qui n’était
nullement obligé envers elle, c’est –a- dire, de quelqu’un qui n’avait aucune obligation
préexistante envers elle. En réalité, les quasi-contrats sont des comportements
bénéfiques à autrui (Exemples, un bien remis, un service rendu), mais générateurs
d’engagements.

L’expression « quasi-contrat » elle-même est empruntée à


JUSTINIEN qui, dans sa classification des obligations, utilisa le premier ce concept
pour désigner les obligations nées « comme si elles étaient nées d’un contrat »578
Cependant la définition de « quasi-contrats » telle qu’elle a été reprise dans le Code
578
MONIER, op.cit, n°53 et 57 ; GOMA n° 158 in fine p. 157
301
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Napoléon en son article 1371 (article 247 du Code civil congolais Livre III) revient à
POTHIER. Cette définition qui n’est pas plus précise ainsi que l’on remarqué certains
auteurs579, a néanmoins le mérite de mettre en évidence la double spécificité des
quasi-contrats. Nous y reviendrons plus tard à l’occasion des commentaires
consacrées à ce terme. Toutefois, signalons dès à présent que la notion de quasi-
contrats a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la Doctrine. Ainsi, H. DE
PAGE soutient, par exemple, l’idée que la notion de quasi-contrats est historiquement
fausse et inutile580. Fausse, parce qu’elle ne releve d’aucune catégorie en droit romain
où elle désignait les obligations naissant comme d’un contrat, et inutile puisque
d’après lui, la notion de quasi-contrats ne devrait suivre que le régime des contrats. Ce
qui n’est pas toujours le cas parce que certaines règles de quasi-contrats échappent au
régime contractuel (cas de règles quasi-contractuelles de capacité et de preuve qui
reposent sur celles des délits plutôt que des contrats). Nonobstant ces critiques
extrêmement vives, la notion de quasi-contrats a encore de beaux jours devant elle et
une partie de la doctrine se sert de ce concept pour admettre que d’autres « faits
purement volontaires de l’homme puissent engendrer des obligations.581

2. Définition légale du quasi-contrat

L’article 247 du Code civil congolais Livre III définit les quasi-
contrats comme des faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un
engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des
deux parties ».

De cette définition, il résulte que deux éléments permettent de


spécifier les quasi-contrats :

- Ce sont des faits volontaires auxquels la loi attache des conséquences juridiques
pour des raisons d’équité sans tenir compte de la volonté des parties582.

- Ce sont des fait licites à l’opposé des délits et des quasi-délits qui constituent des
faits illicites, c’est-à-dire, des fautes au regard de la loi.

A noter que l’expression « quasi-contrat » n’est pas partagée par


tous les auteurs. Aussi, certains d’entre-deux préfèrent-ils utiliser à la place d’autres

579
A. SERIAUX, Manuel de droit des obligations, PUF, Paris 2006, p. 98
580
H. DE PAGE, cité par P.WERY, Droit des obligations, diffusion universitaire CIACO, 2008-2009, p. 313.
581
.J. CARBONNIER, Droit civil, tome IV, Les Obligations, PUF, 1994, p. 467
582
.Ainsi les quasi-contrats se distinguent des contrats par le fait que les contrats naissent de l’’accord de
volontés de deux parties (convention) alors que les quasi-contrats ne résultent que de la volonté d’une seule
partie (donc différence quant à leur origine). Mais la ressemblance entre ces deux institutions se trouve à la fois
au niveau de la même volonté et des effets juridiques qui leur sont attachés. Quant à la volonté, le quasi-contrat
tout comme le contrat font tous les deux appels à la volonté tandis qu’au niveau des effets juridiques les
obligations qui naissent des quasi-contrats sont semblables aux obligations contractuelles. Elles ont le plus
souvent pour sujet d’indemniser, de compenser ou de restituer un avantage reçu.
302
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

termes jugés plus concrets tels que « l’avantage reçu d’autrui comme source
d’obligations583.

Nous n’allons pas nous attarder sur cette question de


terminologie qui nous semble dénouée de toute incidence pratique et nous proposons
de passer immédiatement à l’analyse des faits juridiques qui constituent véritablement
des quasi-contrats.

A cet égard, il importe de noter que les quasi-contrats


actuellement reconnus et sur lesquels porteront nos développements sont la gestion
d’affaires (art. 248 à 251 du CCC.L.III), Le paiement de l’indu (art. 252 à 257),
l’enrichissement sans cause et la théorie de l’apparence. Les deux premiers également
qualifiés de quasi-contrats nommés sont d’origine légale alors que les deux derniers
que l’on appelle aussi des quasi-contrats innommés sont d’essence jurisprudentielle.

CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES (art. 248 et s du CCCL III)

Section I : Définition et Hypothèses

§ 1. Définition
L’expression gestion d’affaires ne doit pas être comprise ici dans
son sens courant où l’on parle souvent de gérer ses propres affaires ou celles d’autrui,
c’est-à-dire, administrer au mieux ses affaires ou celles d’une autre personne584.

En effet, la gestion d’affaires revêt, en droit, tout un autre sens.

Elle désigne le fait pour une personne (le gérant d’affaires)


d’accomplir un acte dans l’intérêt et pour le compte d’une autre personne (le géré
ou le maître de l’affaire) sans avoir reçu mandat de ce dernier585

Il s’agit donc d’un acte de charité, d’une opération altruiste à


laquelle le législateur attache des conséquences juridiques, c’est-à-dire, d’un côté, le
gérant improvisé doit agir en bon père de famille et, de l’autre, le géré ou le maître de
l’affaire doit rembourser les dépenses engagées par le gérant lorsque sa gestion a été
utile.

583
J. CARBONNIER, op.cit, p. 465 n° 297.
584 En effet, dans le langage courant celui qui gère la fortune d’autrui s’appelle le gérant des biens ou agent d’affaires (Voy. A. BENABENT, op cit, p. 180)
585 J. CARBONIER, op cit, p. 468
303
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

C’est dire donc que l’opération ressemble au mandat (contrat de


mandat) avec cette différence-ci que le gérant d’affaires agit unilatéralement, sans
avoir reçu mandat, sans avoir été chargé par le maître de l’affaire alors que le
mandataire tient son pouvoir du contrat586.

Par ailleurs, le mandat implique nécessairement


l’accomplissement d’actes juridiques tandis que la gestion d’affaires peut porter aussi
bien sur des actes juridiques que sur des actes exclusivement matériels ainsi que nous
allons le constater dans le point suivant.

§2. Hypothèses de la gestion d’affaires


On l’a dit, la gestion d’affaires peut porter aussi bien sur les
actes juridiques que matériels.

a. Actes juridiques

- Mon voisin passe un contrat avec un architecte pour la réparation de mon


toit emporté par le vent.
- Mon frère paie la dette d’une personne menacée de saisie

b. Actes matériels

- Mon voisin répare (lui-même) mon toit détruit par une forte tempête.
- Un brave garçon arrête mon chien enragé et me le ramène au risque d’être
mordu.

Il faut noter que la gestion purement fortuite, non recherchée des


affaires d’autrui n’est pas à proprement parler, une Gestion d’affaires. Ainsi, une
personne qui se met spontanément à la poursuite de malfaiteurs et qui n’agit ainsi
qu’en vue de prêter sa collaboration bénévole aux forces de police, ne peut pas être
considérée comme le gérant des affaires de la victime587.

Section II : Conditions de la gestion d’affaires


Puisque la gestion d’affaires crée des obligations à charge du
géré, elle ne peut se faire n’importe comment. La loi soumet donc la gestion d’affaires
à des conditions très strictes que l’on envisage tant du côté des parties que celui de
l’acte de gestion lui-même, c’est-à-dire, l’affaire

§1. Conditions relatives aux parties


A. Le gérant d’affaires

586 Il faut signaler que la Gestion d’affaires et le paiement de l’indu ne sont que des applications particulières de l’enrichissement sans cause.
587
A. SERIAUX, op. cit, pp. 101-105.
304
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

1. Il doit être capable de s’engager par contrat, autrement dit, il doit disposer,
de la capacité contractuelle et avoir au moins 18 ans révolus.

2. Son intervention doit être volontaire et spontanée. Car, la gestion


d’affaires ne concerne pas le cas où quelqu’un s’occupe des affaires
d’autrui en raison d’une obligation légale (p.ex. la représentation d’un
incapable), contractuelle (cas du mandat)588 ou d’une décision de justice
(cas d’un conjoint habilité judiciairement à représenter l’autre).

3. Il doit agir dans l’intérêt et pour le compte d’autrui. En effet, une bonne
gestion d’affaires suppose que le gérant puisse agir de manière désintéressé
sans chercher son propre intérêt alors qu’il procure involontairement un
avantage à un tiers. Ainsi il n’ y aura pas gestion d’affaires en cas d’un
locataire qui apporte à son goût des améliorations dans la maison qu’il
occupe. Il ne peut pas invoquer la gestion d’affaires pour prétendre faire
couvrir ses frais par le bailleur. Car le contrat de bail organise le sort de ces
améliorations d’après ses propres règles. Mais il y avoir plutôt un
enrichissement sans cause. Et le gérant pourra exercer contre le tiers enrichi,
non pas une action fondée sur la gestion d’affaires (negotiorum gestorum),
mais bien l’action de in rem verso. La gestion d’affaires suppose donc un
acte altruiste accompli volontairement dans l’intérêt d’une autre personne.

Cependant, en cas de copropriété, le gérant peut avoir conscience


d’agir pour lui-même et pour les autres copropriétaires. Les règles de la gestion
d’affaires peuvent, dès lors, être appliquées quoique la gestion ne soit pas entièrement
désintéressée589.

B. Le Maître de l’affaire (le géré)

1. Aucune condition de capacité n’est exigée pour le maître de l’affaire, car


l’incapacité ne protège le maître que vis-à-vis de ses propres actes et non contre les
obligations qui naissent à sa charge indépendamment de sa volonté.

2. La gestion d’affaires se fait à l’insu du géré. Autrement dit, ce dernier ne doit


pas avoir donné son accord si non on parlera d’un mandat tacite590

3. Il ne peut pas y avoir d’opposition de la part du géré. En effet, celui qui


s’engagerait à gérer les affaires d’autrui, malgré son opposition, commettrait un délit

588
VOY SOC-11 octobre 1984, Bull.civ.V n° 369 ; T.G.I.Alès, 9 nov. 1966, D, 1968,328, n°J.C
On notera cependant que le mandataire peut se trouver quelque fois dans la situation d’un gérant d’affaires en
cas de dépassement de son mandat.
589
KALONGO MBIKAYI, op- cit, p. 249.
590
. Ainsi, l’article 248 peut être révisé en ce qu’il ne requiert pas que le géré ignore la gestion. Voici le libellé
de la loi à cet égard : Lorsque volontairement on gère l’affaire d’autrui, que le propriétaire connaisse la gestion,
soit qu’il l’ignore, celui qui gère contracte l’engagement… »
305
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

civil engageant sa responsabilité sur pied de l’article 258 du CCCL. III et ne pourrait
se prévaloir des règles de la gestion d’affaires..

§2. Conditions relatives à l’acte de gestion (l’affaire)


A. Nature d’actes de gestion

La gestion d’affaires peut porter sur :

- Un acte matériel (réparation du toit du voisin par le gérant lui-même) ou un acte


juridique (contrat passé par le gérant avec l’entrepreneur pour une telle réparation).

- Un acte d’administration (toute opération de gestion normale ou visant la


conservation d’un bien) ou d’un acte de disposition (vente de denrées périssables).

- Un acte isolé ou un ensemble d’actes.

B. Caractère utile de l’acte

On ne peut intervenir dans les affaires d’autrui en son absence et


sans son accord que si cette intervention procure un avantage à ce dernier. C’est la
condition essentielle de la gestion d’affaires : l’utilité de l’acte pour le géré.

Il en est ainsi de la vente des denrées périssables d’un voisin


dont on vient de parler.

Section III : Effets de la gestion d’affaires


La gestion d’affaires produit ses effets entre les parties (gérant-
géré) et à l’égard des tiers.

§1. Entre parties (gérant-géré)

A. Obligations du gérant
Elles sont les mêmes que celles qui résultent d’un contrat de
mandat (art. 248 al2)

1. Le gérant doit agir en bon père de famille (art. 250 al 1). En conséquence, il
engage sa responsabilité pour toute faute commise dans l’exercice de sa gestion (faute
d’imprudence ou de négligence). Il s’agit là d’une responsabilité étendue destinée à
décourager des immixtions trop faciles dans les affaires d’autrui. Le législateur place
donc cette responsabilité au même titre que celle d’un mandataire qui doit répondre
non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion (art. 533
al1 du C.C.C.L. III).
306
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Mais, cette rigueur peut être tempérée par le juge au regard de la


gratuité du service rendu ainsi qu’il en est le cas pour le mandataire lorsqu’il agit en
vertu d’un mandat gratuit (art. 533 al 2).

2. Il doit rendre compte de sa gestion au maître de l’affaire. Autrement-dit, le


gérant doit justifier les actes qu’il a accompli, à l’instar d’un mandataire (art. 248 al 2).
Il a droit au remboursement des impenses en cas de gestion utile et dispose d’un droit
de rétention de la chose gérée jusqu’au parfait paiement.

3. Il doit continuer la gestion jusqu’à son terme, c’est-à-dire jusqu’à ce que le


maître de l’affaire ou ses héritiers soient en état d’y pourvoir. Ainsi, le décès
prématuré du maître de l’affaire ne peut mettre un terme aux obligations du gérant qui
est obligé de continuer sa gestion jusqu’à ce que l’héritier soit en mesure de s’en
occuper (art. 249 du C.C.CL. III).

Cette précision distingue la gestion d’affaires du mandat qui


prend fin à la mort du mandant (art. 544 du C.C.CL.L. III). Par ailleurs, l’obligation
rigoureuse faite au gérant de continuer sa gestion jusqu’à son terme permet aussi de
distinguer les devoirs de celui-ci d’avec ceux du mandataire. Ce dernier peut à tout
moment renoncer à son mandat (art. 544 et 548 du C.C.C.L.III) alors que le gérant
d’affaires est toujours obligé de continuer sa gestion jusqu’au bout (art. 248 al 1).

Toutefois, comme dans le cas du mandat où le décès du


mandataire met fin au contrat591, la mort du gérant entraîne la fin de la gestion
d’affaires, à charge cependant pour les héritiers d’avertir le géré et de rendre compte.

B. Obligation du maitre de l’affaire (géré)


1. Le géré doit indemniser le gérant des frais qu’il a engagés dans sa gestion (art.
251 du C.C.C.L. III). Bien entendu, il s’agit ici des frais utiles et nécessaires au
moment où elles ont été engagées 592 . Peu importe que l’utilité ait ultérieurement
disparu. Ainsi, le gérant devra-t-il obtenir indemnisation des frais engagés par lui pour
la réparation du toit quand bien même celui-ci viendrait à être emporté par la suite à
l’occasion d’une autre tempête violente.

Il est à noter que la bonne administration ne signifie pas la


garantie du résultat. Dès lors, le droit à l’indemnisation du gérant demeure intact
quand bien même le résultat ne serait pas atteint ; pourvu que l’affaire ait été bien
administrée. En effet , si une personne gérant n’arrive pas à éteindre l’incendie qui se
déclenche dans la parcelle voisine alors qu’elle a mis tous les moyens pour y parvenir
(intervention du service incendie due au contrat passé avec elle), le géré restera tenu

591
Art 544 du C.C.CL. III
592
Ici apparait également la différence avec le mandat car le mandant doit rembourser toutes les dépenses sans
limitation alors que le géré ne rembourse que les dépenses utiles.
307
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

d’indemniser ce gérant à condition que la gestion ait été utile, c’est-à-dire bien
administrée.

4. Le géré doit payer les intérêts des sommes avancées à dater du jour des
avances constatées (art. 452 CCCL. III) et ratifier les engagements conclus en son
nom par le gérant.

Dans cette dernière hypothèse, la gestion d’affaires se


transformera rétroactivement en mandat et le gérant pourra être indemnisé en
application des règles du mandat même si la gestion n’a pas été utile.

§2. Effets à l’égard des tiers


1. Si le gérant a agi au nom et pour le compte du géré (cas de la gestion avec
représentation ou cas de la représentation parfaite), le géré sera seul engagé envers les
tiers et aucune ratification ne sera nécessaire.

2. Si le gérant s’est personnellement obligé envers les tiers (cas de gestion sans
représentation), il sera seul tenu envers eux. Mais, la représentation étant imparfaite, le
gérant pourra se faire indemniser, par le géré en cas de gestion utile. Car, les tiers sont
censés ignorer le maître de l’affaire.

Chapitre II : LE PAIEMENT DE L’INDU ET L’ACTION EN REPETITION


(Article 252-257 CCC LIII)

Section I : Définition, domaine et distinction d’avec les notions voisines

§1. Définition
Il y a paiement de l’indu, écrit KALONGO MBIKAYI 593,
lorsqu’une personne (l’accipiens) reçoit à titre de paiement d’une autre personne (le
solvens) ce qui ne lui est pas dû. Celui qui a effectué un paiement dans ces conditions
bénéficie de part la loi, d’un droit à la répétition, ou à la restitution de ce qu’il a
indûment payé. Et ce, au moyen d’une action dénommée : « l’action en répétition »
(art. 252).

§2. Domaine du paiement indu


Le domaine du paiement indu est assez vaste même si le
législateur n’a visé que deux hypothèses reprises aux articles 252 et 253 du Code Civil
Congolais Livre III à savoir : l’indu objectif (art. 252) et l’indu subjectif (art. 253)594
593
.KALONGO MBIKAYI, op.cit, P. 253
594
Les cas du paiement indu sont multiformes. On peut citer outre les hypothèses de l’indu objectif et subjectif
le cas de l’acquittement d’une dette dépassant le montant requis ; le cas où la dette existe bien lors du paiement,
mais par la suite elle est considérée comme effacée parce que son paiement est déclaré rétroactivement indu (cas
d’une décision de justice réformée et annulant ultérieurement une condamnation au paiement d’une somme
308
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

a. L’indu objectif
L’article 252 du Code Civil Congolais Livre III stipule que
« celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le
restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

Ainsi donc, l’indu objectif est celui qui est perçu par le
créancier (accipiens) alors qu’on ne lui doit rien. C’est-à-dire, on n’est nullement tenu
envers lui et on n’a même pas l’intention de payer une dette d’autrui. (Exemple, je paie
une deuxième fois une dette déjà éteinte).

On se place ici du côté du créancier (accipiens) et on constate en


principe qu’il n’a droit à rien du tout. S’il perçoit quelque chose à titre de paiement, il
ne le fait à aucun titre. L’indu est alors objectif et sa restitution s’impose alors
même que l’accipiens est de bonne ou de mauvaise foi. Car aux termes de l’article 133
du Code civil congolais Livre III : « Tout paiement suppose une dette ; ce qui été payé
sans être dû est sujet à répétition ».

Par ailleurs, la répétition a lieu parce qu’il faut considérer ici que
le paiement a été fait sans cause légitime et sans dette qui le justifie.

b. L’indu subjectif (art. 253)


Il y a indu subjectif lorsqu’une personne se croyant, par erreur
débitrice, acquitte une dette à laquelle elle n’est pas tenue (art. 253 al.1). Dans cette
hypothèse on se place du côté du débiteur et on constate qu’il y a bel et bien une dette
envers le créancier. Mais, celui qui la paie n’est pas la personne obligée, c’est-à-dire,
le vrai débiteur. C’est une autre personne qui, se croyant par erreur débitrice, acquitte
cette dette595. C’est ça l’indu subjectif596.

L’action en répétition est alors ouverte au profit du faux débiteur


à la double condition pour lui de prouver qu’il n’était pas le vrai débiteur d’une part et
que, d’autre part, il a payé par erreur.

§3. Distinction d’avec les notions voisines


On doit se garder de confondre le paiement de l’indu avec
d’autres mécanismes juridiques exigeant la restitution de ce qui a été payé indûment
ou le remboursement des dépenses engagées dans l’accomplissement d’un certain acte.

d’argent) ; enfin, le cas d’un contrat ultérieurement anéanti suite à la réalisation d’une condition résolutoire.
595
C’est le cas, par exemple, d’un héritier apparent que paie les dettes d’une succession dévolue à un autre
personne.
596
A noter que l’indu subjectif peut aussi avoir lieu en cas d’erreur sur la personne du créancier (le débiteur paie
à un non-créancier (je paie à mon créancier et, par erreur, la banque vire cet argent au compte d’une tierce
personne et non à celui de mon créancier)
309
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi, le paiement de l’indu se distingue du contrat de prêt, de


l’enrichissement sans cause, de la gestion d’affaires, du vol et d’un bien acquis à
la suite d’un dol.

a. Vis-à-vis du contrat de prêt, on sait que l’obligation de l’emprunteur est de


restituer ce qu’il a reçu. Mais, cette obligation naît du contrat alors que l’obligation de
répétition incombant à l’accipiens en cas de paiement indu naît de la loi.

b. Le paiement de l’indu se distingue en outre de l’enrichissement sans cause. En


effet, on s’accorde pour admettre que le paiement de l’indu est une application de la
théorie de l’enrichissement sans cause.. Cependant , celui-ci jouit d’une portée plus
large en ce qu’il ne se limite pas seulement au seul cas de paiement et s’étend à toutes
les autres situations où il y a enrichissement d’un patrimoine (par exemples, un
accroissement direct du patrimoine du défendeur par somme d’argent, plus value du
bien etc. ; un ensemble des dispositions prises pour éviter la diminution de la valeur du
patrimoine du défendeur ; un accroissement de la valeur intellectuelle ou morale de
quelqu’un par l’enseignement ou l’instruction).

c. S’agissant de la gestion d’affaires, on retiendra grosso modo que ce qui


différencie cette institution du paiement indu est surtout le fait que le paiement de
l’indu est fondé sur l’erreur du solvens alors que la gestion d’affaires repose sur des
actes conscients et volontaires du gérant d’affaires.

d. Enfin, le paiement de l’indu ne peut se confondre avec d’autres situations dans


lesquelles il y a restitution du bien comme le vol et le dol. En effet, le vol oblige le
voleur à restituer la chose volée même si elle ne lui a pas été remise par la victime elle-
même parce que le vol suppose une soustraction frauduleuse d’un bien matériel
appartenant à autrui.

Par contre, en cas de paiement indu, l’accipiens bénéficie d’une


chose lui remise personnellement par la victime (ici le débiteur) à titre de paiement
alors qu’il n’y a pas de dette entre eux. Le paiement a été fait alors par erreur.

e. Quant au dol, il repose sur l’utilisation consciente et volontaire des manœuvres


frauduleuses alors que le paiement indu est fondé sur l’erreur du solvens.

Section II : Conditions du paiement indu


La doctrine retient trois conditions pour qu’il y ait un paiement
indu, à savoir :

1. L’existence d’un paiement. Le solvens doit payer, c’est-à-dire, il doit agir avec
l’intention d’éteindre une dette soit en versant une somme d’argent (cas le plus
courant), soit en exécutant une autre prestation.
310
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

2. Le paiement doit être indu. Autrement-dit, le paiement ne doit pas être justifié
parce qu’il y a absence de dette entre le solvens et l’accipiens. A tel enseigne qu’on ne
peut pas parler d’un vrai paiement. Matériellement cela ressemble à un paiement, mais
juridiquement, il n’y a rien car le prétendu paiement n’éteint pas une dette. C’est tout
simplement un événement semblable à un paiement.

Pour rappel, l’indu peut se présenter de deux manières d’après la


loi

- L’indu objectif : Lorsque la dette n’existe pas ou n’existe plus (indu absolu) ou
lorsque le solvens a payé plus qu’il ne doit ‘(indu relatif).

- L’indu subjectif : lorsque la dette existe bel et bien, mais il ya erreur soit sur la
personne du créancier (on paie à un non créancier), soit sur la personne du débiteur (un
non-débiteur paie). Donc la dette n’existe pas dans les rapports entre le créancier et le
débiteur.

N.B. : Le paiement prématurée d’une dette non encore exigible


et le paiement volontaire d’une obligation naturelle ne donnent pas lieu à restitution
parce que dans ces hypothèses la dette existe bel et bien. Il en est de même du
paiement fait en vue d’une libéralité laquelle est marquée par une intention libérale
(animus donandi).

3. Le solvens doit avoir payé par erreur. Cette condition permet de distinguer le
paiement de l’indu du paiement fait par un tiers en vertu de l’article 134 alinéa 2 du
Code Civil Livre III. En effet, pour que le solvens ait droit à la répétition, il faut qu’il
ait payé par erreur. Autrement, on parlera soit d’une libéralité du solvens fait à
l’accipiens, (lorsque le solvens a agit en pleine connaissance qu’il n’avait aucune dette
envers le créancier), soit d’une libéralité du solvens adressée au véritable du
débiteur (cas d’une tierce personne qui paie la dette du véritable débiteur selon
l’article 134 al2), soit de la gestion d’affaires faite au profit du véritable débiteur par
le tiers solvens.

Dans les hypothèses précitées, le solvens a donné une cause à


son paiement et la restitution ne peut avoir lieu car il a agi non pas par erreur, mais en
sachant bien qu’il n’avait aucune obligation envers l’accipiens (créancier). Or, un
paiement indu suppose l’absence de cause de l’obligation du solvens. C’est pourquoi le
solvens doit prouver son erreur ou son paiement erroné pour qu’il puisse avoir droit à
la restitution ou à la répétition de l’indu étant donné que cette restitution est fondée sur
l’absence de cause de l’obligation du solvens.

Cependant, s’il a été admis pendant longtemps que le solvens


doit prouver son erreur pour obtenir la répétition de l’indu, la jurisprudence récente
311
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

partant de la distinction entre l’indu objectif et l’indu subjectif, distingue deux


situations à ce sujet :

 En cas d’indu objectif, autrement-dit, lorsqu’il n’existe pas de dette dans le


chef de l’accipiens et que ce dernier a reçu un paiement sachant qu’on ne lui doit
absolument rien, ce paiement (injustifié) suffit pour qu’il soit condamné à la
restitution. Aussi le solvens ne doit –il pas prouver son erreur pour que naisse à son
profit une action en répétition de l’indu597. L’obligation de restituer est alors fondée sur
les articles 133 al. 1 et 252 du Code Civil congolais Livre III.

 En cas d’indu subjectif par contre, la dette existe, mais le solvens qui paie
n’est pas le véritable débiteur. Il se croyait simplement obligé vis-à-vis du
créancier alors que le véritable débiteur est autre personne (cas d’un héritier apparent
qui paie les dettes de la succession croyant qu’il est le vrai héritier).

Il est donc normal, dans ces conditions, que le solvens prouve


son erreur pour se faire rembourser parce qu’il a involontairement payé la dette
d’autrui598 ;

A noter que l’erreur du solvens peut être une erreur de fait (cas
de l’héritier apparent dont on a parlé plus haut) ou une erreur de droit (cas du
paiement d’une personne majeur auteur d’un dommage qui indemnise la victime en
croyant à tort qu’il est responsable.

A l’erreur, on assimile la violence qui contraint un individu à


payer ce qu’il ne doit pas de même que le dol.

Section III : Effets du paiement indu


Aux termes des articles 252 et 253 alinéa 1 er du Code Civil
Congolais livre III celui qui reçoit par erreur ou sciemment un indu, s’oblige à le
restituer et celui qui, par erreur, se croyant débiteur, a payé un indu a le devoir de
répéter cet indu contre le créancier.

Il résulte de ces dispositions légales et de l’article 133 qui du


reste, pose le principe de la restitution de l’indu, que le paiement de l’indu produit ses
effets tant à l’égard de l’accipiens qu’à l’égard du solvens.

597
.Civ. Ier, 17 juillet 1984, D. 1985. 298, note CHAVEL. . Voy aussi, A BENABENT, op-cit , p. 190
598
.Le paiement pour autrui étant dans certains cas valable (134 al2) pour des raisons diverses (libéralités, souci
d’éviter une procédure judiciaire à l’encontre d’une proche), l’erreur du solvens permet alors de justifier la
répétition de ce qui a été payé involontairement. Car son intention d’agir pour autrui et de le libérer manque.
L’action en répétition n’est pas accordée à celui qui a payé sciemment (com. 24 février 1987, D. 1987.242 et la
note). De même, il n’ ya pas répétition lorsque le créancier qui a reçu paiement a détruit le document qui lui
servait de titre. Car, il est dépourvu de tout moyen pour poursuivre le vrai débiteur. Le solvens dispose alors d’un
recours contre le véritable débiteur parce qu’il a payé à sa place. Mais, il risque de se buter à des difficultés de
preuve.
312
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

§1. Obligations de l’accipiens


Les obligations de l’accipiens sont les mêmes que celle de
l’emprunteur qui est tenu de restituer la chose empruntée 599 . C’est la répétition de
l’indu. Cette restitution porte, soit sur le capital, soit sur les fruits selon que
l’accipiens est de bonne ou de mauvaise foi600

a. Si l’accipiens est de bonne foi, il ne restitue que le capital et non les fruits et les
intérêts produits par la chose et qu’il a consommés de bonne foi en se croyant
propriétaire.

Il ne devra les intérêts et les fruits qu’à compter du jour où il a


été mis en demeure de les restituer conformément au droit commun. Bien entendu, il
s’agit des intérêts sur la somme ou le capital réclamé.

b. Si l’accipiens est de mauvaise foi, sa situation sera plus sévèrement considérée ou


traitée que celle de l’accipiens de bonne foi. Il devra donc restituer non seulement le
capital, mais aussi tous les fruits et intérêts perçus depuis le jour du versement indu
(art. 254 du CCCL. III). A noter que l’accipiens de mauvaise foi est celui qui reçoit un
paiement tout en sachant qu’on ne lui doit rien.

N.B. A l’instar du prêteur, le solvens doit rembourser à l’accipiens les dépenses


engagées pour la conservation de la chose ; surtout lorsqu’elles ont procuré à la chose
une valeur ajoutée. Cette solution s’impose quelle que soit la qualité du créancier
(accipiens de bonne ou de mauvaise foi). Autrement, ça serait le solvens qui
s’enrichirait sans cause au détriment de l’accipiens (art. 257 du CCCL III).

599
.Il va de soit que la restitution doit se faire soit en nature, soit par équivalent. Si l’indu porte sur une somme
d’argent, c’est celle-ci qui doit être restituée. Par contre, s’il s’agit d’un bien corporel dont la restitution en nature
n’est plus possible parce que la chose a été perdue ou détériorée ou que l’accipiens l’a vendue, la restitution
disons-nous se fera, dans le premier cas, en payant la contre-valeur de l’objet perdue ou détérioré si la perte ou
la détérioration n’est pas le résultat d’un cas fortuit. Dans le second cas, l’accipiens va restituer le prix de la
vente en cas de mauvaise foi, il devra restituer le prix de la vente et la plus value acquis par la chose.
600
.L’obligation de restitution est écartée lorsque l’accipiens a supprimé son titre) à la suite du paiement indu-
reçu. Le solvens n’aura plus alors le droit d’exiger la répétition de l’indu (art. 253 al2). Cependant il a droit au
recours contre le véritable débiteur, s’il a payé de bonne foi (indu subjectif) encore que même dans ce cas, il va
se buter à l’absence de preuve.
313
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CHAPITRE III : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE

Section I : Définition
Il y a enrichissement sans cause lorsqu’une personne a, par
un sacrifice ou un fait personnel procuré à un autre un avantage qui n’est fondé
sur aucune cause légale, contractuelle ou judiciaire601.

Cette notion n’a pas été réglementée par le Code Civil. Elle a été
tirée par la jurisprudence d’un principe général d’équité selon lequel « personne ne
peut s’enrichir sans juste cause au détriment de l’autre ».

Dans cette hypothèse, la personne qui s’est appauvrie peut


réclamer une compensation à celui qui s’est enrichi en vue de rétablir l’équilibre
préexistant. Et cela, au moyen de l’action d’enrichissement sans cause, autrement
appelée action de in rem verso.

C’est dans son célèbre arrêt Boudier du 15 juin 1892602 que la


Cour de cassation française avait admis le principe de cette action dont on trouve, à
l’heure actuelle, de nombreuses applications notamment en matières du paiement indu
(art 252-257), dans les articles 23,24 et 25 de la loi dite foncière ainsi que les article
311, 312, 349, 510 et 609 du Code Civil Congolais livre III. En dehors de ces
dispositions légales d’autres cas d’enrichissement sans cause peuvent donner lieu à
l’action de in rem verso. Aussi, la jurisprudence a-t-elle soumis ce mécanisme à des
conditions très strictes pour éviter toute extension de la théorie.

601
J. CARBONNIER, Op cit, p. 481
602
.J. CARBONNIER, op.cit, p. 481 ; A. SERIAUX, op.cit. p.111 ; Req 15 juin 1892, S.93,I,281,D. 92,1,596.
314
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Section II : Conditions de l’enrichissement sans cause


L’enrichissement sans cause requiert l’accomplissement d’un
certain nombre de conditions établies par la jurisprudence en l’absence de la loi. Il
s’agit de :

§1. L’enrichissement d’un patrimoine et l’appauvrissement corrélatif de l’autre.

En cas d’enrichissement injustifié, il est important qu’un


patrimoine s’enrichisse pendant que l’autre s’appauvri. Il s’agit en quelque sorte d’un
déplacement de valeur entre deux patrimoines sans qu’il y ait nécessairement
équivalence entre le montant de l’enrichissement et celui de l’appauvrissement.

En effet l’enrichissement est ici considéré dans son sens le plus


large consistant soit dans la réalisation d’un gain positif quelconque (acquisition d’un
bien, de l’argent, une plus value procurée à une chose), soit dans le fait d’éviter une
perte ou d’épargner à quelqu’un une dépense (une personne construit par erreur sur
un terrain d’autrui, l’acquéreur d’un bien profite des travaux faits sur le bien par un
tiers contracté par le vendeur, qui ne l’a pas payé), soit enfin dans un gain purement
moral ou un enrichissement moral (accroitre la valeur intellectuelle ou morale de
quelqu’un : cas des enseignants).

Quant à l’appauvrissement, il suppose toute perte qui peut


être appréciée en argent et qui est la source d’enrichissement d’une autre personne
(dépenses réalisées sans contre partie, manque à gagner, travail ou service non
rémunéré, dépense d’activité ou de temps etc.).

A noter que le rapport entre le patrimoine enrichi et le


patrimoine appauvri peut être directe ou indirecte mais dans tous les cas, il donnera
lieu à une action de in rem verso.

a) Cas de rapport direct : ici l’avantage apporté au patrimoine enrichi vient


directement du patrimoine appauvri. Ainsi, une épouse qui, au lieu d’exécuter
une activité professionnelle rémunérée, consacre son temps à aider
bénévolement son mari dans l’exercice de sa profession enrichit le patrimoine
de ce dernier. De même, une concubine enrichit son concubin, par ses services
ménagers pendant la vie commune. Il peut y avoir encore enrichissements sans
cause même s’il n’y a pas appauvrissement.

Ainsi en est-il du débiteur dont un tiers paie la dette. Ce débiteur


s’enrichit en ne s’appauvrissant pas alors qu’il aurait dû payer lui-même cette dette.

b) Cas du rapport indirect : Ici, le déplacement de valeur s’opère par le


truchement du patrimoine d’une autre personne (un tiers). Autrement-dit,
l’avantage procuré arrive par le canal du patrimoine d’un tiers.
315
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

C’est le cas repris dans l’arrêt Boudier. En l’espèce, un


marchand avait fourni des engrains à un fermier qui avait été, par la suite, chassé de la
ferme sans avoir payé le prix des engrains. Ce marchand a été indemnisé par le
propriétaire de la ferme au motif que ses engrains avaient donné une plus-value à sa
propriété.

§2. L’absence de cause

La cause doit être comprise ici dans le sens de tout titre


juridique pouvant justifier l’enrichissement. Elle peut être objective ou subjective.

a) La cause objective est celle qui peut résulter d’un contrat (convention), d’une loi
ou d’une décision de justice. Les avantages procurés sur base de ces éléments ne
peuvent donc pas donner lieu à l’action de in rem verso puisque l’enrichi peut
invoquer dans ces cas un titre juridique justifiant son enrichissement603 .

Ainsi, l’acheteur qui achète, à un prix élevé, un livre d’occasion


ne peut invoquer l’enrichissement sans cause, puisqu’il y a à la base un contrat de
vente. Tout au plus peut-il invoquer la lésion lorsqu’il a procuré à son cocontractant
(vendeur) un avantage qui dépasse l’intérêt normal.

De même, lorsqu’il a été convenu entre bailleur et locataire que


les constructions faites par le locataire resteront, à la fin du bail, acquises au bailleur
sans contrepartie ni indemnité, le locataire ne peut se raviser par la suite en invoquant
l’enrichissement sans cause parce que l’enrichissement du bailleur trouve sa cause
dans les stipulations du contrat de bail.

Enfin, il ne peut y avoir enrichissement sans cause lorsque


l’avantage procuré à autrui résulte d’une obligation légale, naturelle ou d’un devoir
prescrit par une décision judiciaire (cas d’une grand-mère qui ne peut agir contre son
fils en restitution des dépenses engagées à la place de ce dernier pour ses petits-fils
lorsqu’il existe une obligation alimentaire légale envers ses petits – enfants).

*Toutefois, l’enrichissement sans cause peut être invoqué lorsque l’appauvri a fourni à
l’enrichi des prestations qui excèdent les exigences légales, contractuelles, judiciaires
ou celles qui résultent d’un devoir purement moral (cas de l’époux qui fournit des
prestations au-delà de sa contribution aux charges du ménage ou de la fiancée qui
apporte à son futur beau-père une aide dépassant les exigences de ses obligations
coutumières envers ses beaux-parents).

b. La cause subjective pour sa part, résulte d’un comportement de l’appauvri pouvant


justifier son acte, c’est-à-dire, l’enrichissement procuré à une autre personne
(l’enrichi).
603
.A. SERIAUX, op.cit. p. 113
316
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Ainsi, toutes les fois que l’appauvri aura agi volontairement ou


aura consciemment accepté son appauvrissement, il n’y aura pas d’enrichissement sans
cause donnant lieu à l’action de in rem verso.

La même action ne peut être ouverte en faveur d’une personne


(l’appauvri) qui a effectué des travaux à ses risques et périls dans le but d’obtenir un
avantage personnel604, ni en faveur de l’appauvri qui a volontairement agi dans l’intérêt
de l’enrichi par amitié ou par bienveillance (l’intention libérale est prise en compte ici
en tant que mobile).

Enfin, il n’y a pas enrichissement sans cause lorsque l’appauvri a


lui-même commis une faute d’une certaine gravité (cas du mécanicien qui fait des
travaux qu’on ne lui avait pas demandés). Sauf quand il s’agit d’une négligence ou
d’une imprudence. La preuve de l’absence de cause incombe à l’appauvri.

§3. Caractère subsidiaire de l’action de in rem verso

L’action de in rem verso est strictement subsidiaire et ne peut


s’appliquer qu’en l’absence de toute autre règle de droit applicable (celle qui est née
d’un contrat, d’un délit, d’un quasi-contrat, de la loi ou d’un obstacle juridique). D’où
sa rareté en pratique.

En effet, l’action de in rem verso est irrecevable dans les


hypothèses suivantes :

a. Lorsque l’appauvri dispose d’une autre action résultant d’un contrat, d’un
quasi-contrat, d’un délit ou d’un quasi-délit pour obtenir ce qui lui est dû.

b. Lorsque la loi fournit à l’appauvri une action spécifique que celui-ci n’a pas pu
intenter par suite d’une prescription, déchéance, forclusion, par l’effet de l’autorité
de la chose jugée, de l’absence de preuves ou tout autre obstacle de droit.

C’est autant dire que l’action de in rem verso ne doit pas servir
de moyen pour contourner les règles normalement applicables aux situations
concernées.

604
Civ., 28 mars, 1939, D.C. 1942. 119, n.F.G. Par risques et périls, il faut entendre le fait qu’on n’est pas certain
de récupérer le coût ; On n’est pas certain de rentrer dans ses frais (cas du propriétaire d’un terrain qui achète un
câble électrique pour tirer du courant chez lui et qui de ce fait permet à ses voisins de se brancher sur le réseau.
Son action d’enrichissement sans cause contre ses voisins ne peut aboutir parce qu’il a agi dans son intérêt
personnel, les travaux effectués ayant été accomplis dans le but d’assurer l’électrification de son immeuble et
pour son unique avantage.
317
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

c. Si l’enrichissement procuré passe par le patrimoine d’un tiers, l’appauvri devra


d’abord exercer son action contre la personne titulaire du tiers patrimoine avant de
viser, en raison de l’insolvabilité de cette dernière, la personne enrichie.

Section III : Effets de l’action d’enrichissement sans cause (action de in rem


verso)
En cas d’enrichissement sans cause, avions-nous dit, la personne
appauvrie a droit a une action de in rem verso, tendant à obtenir une indemnité lui
permettant de rétablir l’équilibre entre deux patrimoines (enrichi et appauvri). Nous
allons examiner ici quel peut être le montant de cette indemnité et à quel moment doit-
on l’apprécier.

§1. Montant de l’indemnisation


L’enrichissement sans cause ayant procuré à l’enrichi un
avantage injustifié, ce dernier se doit de rétablir l’équilibre entre les patrimoines (de
l’appauvri et le sien propre), en versant à l’appauvri une indemnité.

Le versement de cette indemnité doit, en effet, répondre à


certains principes de base que voici :

- L’appauvri ne peut recevoir plus que ce dont il s’est appauvri (autrement,


c’est lui qui s’enrichirait à son tour) ;

- L’enrichi ne peut restituer un montant supérieur à celui de son


enrichissement (sinon c’est lui qui s’appauvrirait).

Au finish, l’appauvri ne peut au mieux espérer que la restitution


du montant de son appauvrissement605.

Par ailleurs, lorsque le montant de l’enrichissement est différent


de celui de l’appauvrissement, l’indemnité due à l’appauvri devra correspondre à la
moins élevée de deux sommes représentatives606

§2. Moment de l’indemnisation


C’est au jour où l’action d’enrichissement sans cause est
intentée qu’il faut se placer pour déterminer le montant de l’indemnisation 607.
Cependant, la jurisprudence admet que le juge puisse prendre en compte les

605
A. SERIAUX, op.cit, p. 117.
606
Civ., 1èr ,15 févr. 1973, D. 1975.509, n. R.SAVATIER.
607
Civ, 1ère, 18 janvier 1960, D., 196O.753, n. P Esmun
318
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

circonstances exceptionnelles pour fixer l’indemnité à la date des faits d’où découle
l’enrichissement et non celle de la demande en justice608

Ainsi, si après s’être enrichi d’un bien dont la valeur initiale est
de 1000000 de FC, l’enrichi néglige totalement de l’entretenir à tel point que le
manque d’entretien entraîne la perte de la valeur du dit bien qui ne vaut plous que
100.000 FC au jour de la demande en justice. Le juge devra tenir compte de cette
circonstance exceptionnelle (faute de l’enrichi) pour fixer le montant de
l’indemnisation non pas du jour de la demande en justice où le bien ne vaut plus que
100.000 FC, mais anticipativement au jour de l’enrichissement où le bien valait
1000.000 FC parce que c’est par la négligence de l’enrichi que le bien a perdu sa
valeur initiale.

A noter enfin, que si l’enrichissement a disparu au jour de la


demande en dehors de la faute de l’enrichi, la demande d’indemnisation sera rejetée
(voyez la différence d’avec la gestion d’affaires).

608
Il s’agit de sanctionner la négligence de l’enrichissement dans l’entretien de la chose dont il s’est enrichi.
319
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

CHAPITRE IV : LA THEORIE DE L’APPARENCE OU DE LA


CONFIANCE LEGITIME609
I. Introduction

A l’instar de l’enrichissement sans cause, la théorie de


l’apparence ou de la confiance légitime est un quasi-contrat de création
jurisprudentielle. Elle est fondée sur un principe général de droit tiré de l’adage latin
Error communis facit jus610 et a pour but de transformer une apparence trompeuse en
un véritable droit. La théorie de l’apparence érige donc l’apparence en une source
autonome de droit et d’obligations. elle enseigne que Lorsqu’une personne a
présenté à un tiers ayant traité avec elle toutes les apparences d’un titulaire des
droits, la sécurité juridique exige donc que ce tiers soit protégé vis-à-vis du
titulaire réel si ces apparences ont été suffisamment fortes pour égarer le tiers.

L’illustration la plus marquante de cette théorie est le mandat


apparent. Ici une personne qui se croit héritière vend certains biens de la succession
aux tiers avant l’ouverture de la succession et présente, pour cela, toutes les apparences
d’un véritable titulaire des droits à ces tiers qui lui font ainsi confiance.

Si après ouverture du testament on se rend compte qu’aucun bien


ne lui a été légué, et que son nom ne figure pas sur la liste des héritiers, les tiers qui ont
conclu avec elle divers contrats de vente ne seront pas préjudiciés et devront donc être
protégés en application de la théorie de l’apparence.

Cette protection consistera en ce que les contrats passés de bonne


foi avec l’héritier apparent ne seront pas annulés et seront juridiquement opposables
aux vrais héritiers.

Ici apparaît l’aspect tempérament reconnu à la théorie de


l’apparence au regard de l’adage « nul ne peut transférer à autrui les droit qu’il
609
Pour l’élaboration des notes relatives à cette théorie, nous nous sommes largement inspirés des écrits d’A.
BENABENT à ce sujet (VOY.A. BENABENT, Droit Civil, les obligations, 3éd., Montchrestien, Paris 1991, pp.
101 et s.
610
L’erreur de toutes les parties crée le droit. C’est pour un besoin de sécurité juridique (surtout du tiers abusé)
qu’est appliqué ce principe car comme on le sait « nul ne peut transférer à autrui des droits qu’il n’a pas ». La
théorie de l’apparence tend aussi à tempérer la rigueur de ce principe en rendant opposable au titulaire réel, les
droits transmis par un titulaire apparent.
320
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

n’a pas ». Car, s’il faut appliquer de manière rigoureuse cet adage, on dira que
l’héritier apparent qui a vendu les biens de la succession sans être reconnu lui-même
comme un vrai héritier, n’a pu valablement transférer à autrui des droits dont il n’est
pas titulaire. Que tout transfert des droits fait par lui en cette qualité ne peut
juridiquement produire des effets ; qu’en conséquence le tiers qui a traité avec lui en
cette qualité (d’héritier apparent) n’a pu obtenir aucun droit véritable.

La théorie de l’apparence prend le contrepied de cette


position en reconnaissant comme valable le contrat passé entre l’héritier
apparent et le tiers de bonne foi lequel est juridiquement protégé vis-à-vis du
titulaire réel des droits. Ce dernier se voit, en effet, opposé un engagement auquel il
n’a pas juridiquement pris part et devra, désormais, être lié par celui-ci comme en cas
de contrat611. Bref, tout se passe comme si on était dans la situation d’un quasi-
contrat et particulièrement d’une gestion d’affaires où le gérant (titulaire apparent)
accompli un acte dans l’intérêt et pour le compte du géré (titulaire réel) sans en avoir
été autorisé. En sorte que la gestion ayant été utile au géré, il se crée entre lui et les
tiers, un lien juridique en vertu duquel il reste tenu des engagements passés dans son
intérêt par le gérant d’affaires, en l’occurrence, le titulaire apparent.

D’où le schéma ci-après :

Titulaire apparent, Tiers contractant (tiers abusé)


qui agit de bonne foi Qui garde le droit acquis du titulaire
apparent en vertu de la sécurité
dynamique des transactions
A Contrat de vente C

Quasi-contrat

611
.Ce faisant, la théorie de l’apparence cherche à établir un équilibre entre la sécurité juridique statique (on ne
peut être lié par un engagement auquel on n’a pas pris part) et la sécurité dynamique des transactions (peut
permettre et faciliter les transactions ou doit se fier aux apparences). Et, c’est ça l’intérêt de la théorie de
l’apparence qui veut qu’on puisse faire confiance aux apparences pour faciliter les transactions, âme de la vie
économique. Sans confiance aux apparences, pas des transactions et en conséquence, pas de développement
économique parce qu’avant d’acheter du pain, par exemple, il faut vérifier les titres de la maman vendeuse. Ce
qui serait souvent ennuyeux. La théorie de l’apparence ou de la confiance légitime nous permet de passer des
contrats avec des personnes qui nous présentent des fortes apparences des titulaires réels des droits comme dans
le cas des mères vendeuses du pain quitte à faire application des règles de droit en cas de problème.
321
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

B
Titulaire réel, qui en vertu de la sécurité juridique
ne devrait pas être tenu par l’engagement passé en dehors
de lui mais qui doit toutefois le respecter en vertu
de la sécurité dynamique des transactions.

Section II : Conditions de la théorie de l’apparence


Fondée sur la recherche de l’équilibre entre la sécurité juridique
statistique et la sécurité dynamique des transactions, la mise en œuvre de la théorie de
l’apparence requiert l’accomplissement de deux conditions cumulatives : Une
condition objective et une condition subjective

§1. Condition objective


La condition objective de la théorie soumise à l’étude est
l’apparence qui doit être suffisamment forte, pour induire n’importe qui, et
particulièrement le tiers contractant, en erreur.

La jurisprudence traditionnelle a d’abord pensé qu’il doit s’agir


d’une erreur invincible612. Celle que peut commettre toute personne placée dans
les mêmes circonstances des faits objectives. On a beau chercher la vérité, mais on
ne peut y parvenir en dépit des renseignements pris parce que tout le monde croit à une
situation fausse.

Le cas de l’héritier apparent dont on a déjà parlé est plus


révélateur de cette situation, surtout lorsqu’il s’agit d’une personne chargée par un
parent de la gestion de ses biens. A la mort de ce dernier, tout le monde peut penser
avant l’ouverture du testament, que l’héritier apparent est devenu un vrai héritier sans
qu’il soit besoin de prendre d’autres renseignements le concernant. Et quand bien
même on chercherait à les avoir, il serait difficile de connaître la vérité tant que le
testament n’aura pas désigné un autre vrai héritier.

L’erreur invincible a donc été longtemps considérée comme la


condition objective de la théorie de l’apparence. Cependant, cette conception a évolué
et la jurisprudence moderne estime que la théorie peut s’appliquer même en cas
d’erreur légitime613. Celle-ci est une erreur que l’on commet même quant on a
pris toutes les précautions d’usage.

Et ces précautions diffèrent d’une matière à une autre, d’un


contrat à un autre.

612
.A. BENABENT, op.cit, p. 203.
613
.A. BENABENT, ibidem
322
Professeur MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL

Celui qui achète un immeuble, par exemple, doit en principe


prendre tous les renseignements possibles sur le bien vendu et ne peut invoquer la
théorie de l’apparence qu’en prouvant qu’il a pris toutes les précautions d’usage (visite
au service du Cadastre, information auprès des voisins, vérification des documents
parcellaires etc..) et même supplémentaires sans parvenir à la vérité c’est-à-dire, sans
savoir par exemple, que le bien fut à autrui.

L’appréciation de la croyance légitime, base de l’erreur légitime


du tiers contractant incombe au Cours et Tribunaux et se fait par référence à l’homme
moyen, prudent et diligent614.

Enfin, la théorie de l’apparence reste d’application en dehors de


toute faute ou négligence du titulaire réel. L’origine de l’apparence est donc en
principe indifférente.

§2. Condition subjective


La deuxième condition cumulative de la théorie de l’apparence
est la condition subjective. Celle-ci implique la bonne foi du tiers contractant
trompé par l’apparence.

Autrement-dit, pour que la théorie de l’apparence puisse profiter


au tiers abusé (contractant), celui-ci doit prouver qu’il a agi par erreur au regard de
l’apparence suffisamment forte ou trompeuse lui présentée. C’est dire que cette
théorie ne peut être invoquée par une personne qui connaissait la situation réelle
en dépit d’une apparence suffisante. Car celui qui connait la vérité ne peut faire
semblant de s’en tenir à l’apparence.

La preuve de la mauvaise foi du tiers contractant incombe au


titulaire réel du droit. Mais, il faut souligner qu’en pratique cette preuve est difficile à
administrer. Aussi, considère-t-on comme signes de mauvaise foi, l’existence d’indices
ou d’anomalies qui auraient pu éveiller l’attention du tiers et créer le doute dan son
chef.

Section III : Effets de la théorie de l’apparence

La théorie de l’apparence est une opération triangulaire qui met


en jeu trois personnes : le titulaire apparent, le titulaire réel et le tiers contractant
(abusé).

Nous allons étudier les effets de cette théorie sous un triple angle
des rapports titulaire réel-tiers abusé ; Titulaire apparent-tiers abusé et, enfin, titulaire
réel et titulaire apparent.
614
.SAURIAUX, La croyance légitime, J.C.P. 1982. I. 3058, cité par A. BENABENT, op ;cit, p. 204 ; 3è, 4 mai
1982, Bull. civ. III, n° 111, p. 78 ; 11 mars 1986, BULU., I., n° 67.
323
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§1. Rapport entre le titulaire réel et le tiers abusé

Le rapport entre le titulaire réel et le tiers abusé constitue le siège


du quasi-contrat dans la théorie de l’apparence. Car, le tiers contractant se voit créer
un droit opposable au titulaire réel du droit en dépit, du fait que le contrat n’a été
passé qu’avec un titulaire apparent.

Le droit de créance du tiers contractant trouve son fondement


dans la loi, mais les droits et les obligations des parties (titulaire réel et tiers) restent
régis par le contrat (sans valeur) passé entre le titulaire apparent et le tiers.

A noter que le tiers contractant n’est pas obligé d’opposer son


droit acquis au titulaire réel. Il s’agit simplement d’une faculté à laquelle elle peut
renoncer. Ainsi, si le contrat s’avère désavantageux à son égard, il peut s’en délier en
se fondant sur le défaut de qualité de son cocontractant (le titulaire apparent).

§2. Rapport entre le titulaire apparent et le tiers abusé


Le titulaire apparent étant une personne qui a traité sans qualité
avec un tiers, le contrat passé avec ce dernier est en principe sans valeur sous réserve
de l’opposabilité du droit du tiers au titulaire réel du droit. Cependant, lorsque le tiers
contractant ne fait pas usage de sa faculté d’option, le titulaire apparent peut être tenu
envers lui selon que le contrat a porté sur un acte d’administration ou un acte de
disposition.

*En cas d’acte d’administration, le titulaire apparent sera tenu de l’exécuter en dépit
de son défaut de qualité (Ainsi, l’héritier apparent qui a commandé des travaux auprès
d’un architecte est tenu de les payer) 615.

*En cas d’acte de disposition, (tel qu’une vente), le titulaire apparent ne pourra
prétendre transférer un droit de propriété qu’il n’a pas. Le contrat sera nul et la
responsabilité civile du titulaire apparent, pourra être engagée en cas de faute de sa
part, sur base de l’article 258 du C.C.C.L.III (cas des vices cachés de la chose ayant
causé dommage au tiers contractant).

§3. Rapport entre le titulaire réel et le titulaire apparent


Devant subir les effets d’un contrat auquel il n’a pas participé, le
titulaire réel dispose d’un recours contre le titulaire apparent.

Ce recours comporte deux volets : un volet restitution et un volet


indemnité.

*Volet restitution : la théorie de l’apparence est destinée à protéger le tiers contractant


et ne crée aucun droit en faveur du titulaire apparent même de bonne foi. Dès lors, elle
615
.T.G.I. Paris, 22 mars 1969, Rev. Trim.dr.civ. 1970.382
324
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oblige le titulaire apparent à restituer au vrai titulaire tout ce qu’il a reçu en vertu du
contrat sans valeur passé avec le tiers (prix de la vente, loyers déjà perçus etc.)

Cette restitution a lieu même si le titulaire apparent n’a commis


aucune faute.

*Volet indemnitaire : Si le contrat passé avec le tiers a causé préjudice au titulaire


réel (cas de l’insuffisance du prix du bien donné à bail), le titulaire apparent devra
indemniser le titulaire réel de cette perte.

Cette responsabilité qui a une nature délictuelle devra être


fondée sur la faute du titulaire apparent en l’occurrence l’absence du défaut de qualité
dans son chef.
325
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TABLE DES MATIERES

AVERTISSEMENT............................................................................................................................................ 1
PROF. ASSOCIÉ MULENDA KIPOKE JEAN-MARCEL......................................................................................... 2
DROIT CIVIL DES OBLIGATIONS...................................................................................................................... 3
INTRODUCTION GENERALE............................................................................................................................ 3
SECTION I : LA NOTION D’OBLIGATION............................................................................................................... 3
§1 : Importance du droit des obligations......................................................................................................3
§2 : Origine et place du droit des obligations en droit civil et dans le Code civil...........................................5
1. Origine du Droit Congolais des obligations.....................................................................................................5
2. Place du Droit des obligations en Droit civil et dans le Code civil..................................................................6
a) En Droit civil.............................................................................................................................................6
b) Dans le Code civil.....................................................................................................................................7
§3. Liens avec d’autres branches du Droit....................................................................................................8
§ 4. Définition de l’obligation civile..............................................................................................................9
a) L’obligation civile est un lien de droit (vinculum juris)................................................................................12
- Origine et définition de l’obligation naturelle........................................................................................14
- Catégories d’obligations naturelles........................................................................................................16
Selon la doctrine classique :........................................................................................................................17
Selon la doctrine moderne :........................................................................................................................17
§5 : Les parties à l’obligation......................................................................................................................18
SECTION II : CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS................................................................................................... 19
§1 : Classification des obligations d’après leur objet..................................................................................19
I. Obligation de donner......................................................................................................................................19
1. Définition...............................................................................................................................................19
2. Contenu de l’obligation de Dare............................................................................................................20
a) Le transfert de propriété et des risques...........................................................................................20
b) La livraison de la chose :...................................................................................................................25
c) La conservation de la chose.............................................................................................................25
II. Obligation de faire (facere) et de ne pas faire (non facere) articles 40 à 43 du CCC LIII.............................28
A. Notion....................................................................................................................................................28
1. Obligation de faire...........................................................................................................................28
2. Obligation de ne pas faire :.............................................................................................................28
B. Contenu des obligations de faire et de ne pas faire...............................................................................28
- Obligation de résultat......................................................................................................................29
- Obligation de moyens......................................................................................................................29
 Intérêt de la distinction entre obligation de résultât et obligation de moyens......................................30
- Obligations de garantie ou de sécurité.............................................................................................30
- Obligations accessoires....................................................................................................................30
§2 : Classification des obligations d’après leurs sources.............................................................................31
A. Deux principales classifications.....................................................................................................................31
1. Classification du Code civil.....................................................................................................................31
2. Classification doctrinale des obligations................................................................................................31
B. Critiques de ces deux classifications..............................................................................................................32
C. Observation....................................................................................................................................................32
SECTION III : EVOLUTION DU DROIT CONGOLAIS DES OBLIGATIONS..........................................................................33
§1. Une apparente stabilité........................................................................................................................33
§2. Des possibilités de réforme...................................................................................................................35
SECTION IV : PLAN SOMMAIRE, PROGRAMME DU COURS ET ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE............................................36
§1. Plan sommaire.....................................................................................................................................36
326
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§2. Programme du Cours............................................................................................................................36


§3. Eléments de bibliographie....................................................................................................................36
IÈRE PARTIE : LES SOURCES DES OBLIGATIONS.............................................................................................38
TITRE I : LE CONTRAT................................................................................................................................... 39
CHAPITRE I : NOTIONS GENERALES ET CLASSIFICATIONS DES CONTRATS......................................................40
SECTION I : NOTIONS GÉNÉRALES.................................................................................................................... 40
§1 Définition du Contrat.............................................................................................................................40
a) Contrat et obligation.......................................................................................................................................40
b) Contrat et convention.....................................................................................................................................40
c) Le contrat considéré comme un acte juridique bilatéral.................................................................................42
d) Contrat et engagements d’honneur.................................................................................................................43
§2. Le principe de l’autonomie de la volonté ou de la liberté contractuelle................................................44
A. Notion.............................................................................................................................................................44
B. Atténuations au principe.................................................................................................................................45
1. Limitations classiques............................................................................................................................45
a) Les lois impératives..........................................................................................................................45
b) L’ordre public et les bonnes mœurs........................................................................................................45
2. Limitations modernes............................................................................................................................46
SECTION II : TYPOLOGIE OU CLASSIFICATIONS DES CONTRATS.................................................................................48
§1. Contrats nommés et contrats innomés.................................................................................................48
A. Notions...........................................................................................................................................................48
B. Intérêt de la distinction...................................................................................................................................49
§2. Classification ancienne des contrats (celle dite du Code civil)...............................................................49
I. Contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux.........................................................................................49
a) Notions..................................................................................................................................................49
b) Intérêt de la distinction entre contrats synallagmatiques et contrats unilatéraux.................................51
c) Contrats synallagmatiques imparfaits....................................................................................................51
II. Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit...........................................................................................52
A. Notions..................................................................................................................................................52
B. Intérêt pratique de la distinction...........................................................................................................55
III. Contrats commutatifs et contrats aléatoires....................................................................................................55
A. Notions..................................................................................................................................................55
B. Intérêt de la distinction..........................................................................................................................56
IV. Contrats consensuels, solennels et réels.........................................................................................................57
A. Notions..................................................................................................................................................57
- Contrats consensuels.......................................................................................................................57
- Contrats solennels............................................................................................................................58
- Contrats réels...................................................................................................................................59
B. Intérêt de la distinction..........................................................................................................................60
V. Les contrats à exécution instantanée (contrats instantanés) et les contrats successifs (à exécution
successive).................................................................................................................................................................60
A. Notions..................................................................................................................................................60
B. Intérêt de la distinction..........................................................................................................................60
§3 Classifications moderne des contrats....................................................................................................61
I. Les contrats de libre discussion, les contrats d’adhésion, les contrats types et les conditions générales
d’affaires....................................................................................................................................................................61
a) Les contrats de libre discussion.............................................................................................................61
b) Les contrats d’adhésion.........................................................................................................................62
c) Les contrats types ou standards............................................................................................................63
d) Les conditions générales d’affaires........................................................................................................63
1. Notions.............................................................................................................................................63
2. Différence d’avec les contrats d’adhésion et les contrats types.......................................................64
1. Conditions générales et contrats d’adhésion.............................................................................64
327
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2. Conditions générales et contrats types......................................................................................64


3. Les contrats individuels et les contrats collectifs........................................................................64
CHAPITRE II : CONDITIONS DE FORMATION ET DE VALIDITE DES CONTRATS.................................................65
INTRODUCTION........................................................................................................................................... 65
SECTION I : LE CONSENTEMENT....................................................................................................................... 65
§1. Le consentement en lui-même..............................................................................................................66
I. Nécessité du consentement pour la formation du Contrat..............................................................................66
a) Contracte qui le veut.............................................................................................................................66
b) Représentation autorisée......................................................................................................................67
1. Notion et sort du contrat avec soi-même........................................................................................68
2. Hypothèses du contrat avec soi-même............................................................................................68
 Hypothèse de représentation.....................................................................................................68
 Hypothèse de non représentation..............................................................................................69
 Autres considérations sur le contrat avec soi-même..................................................................69
c) Quelques exceptions à la liberté de contracter.....................................................................................69
1. Les avant-contrats ou les promesses de contracter.........................................................................69
- Généralités.................................................................................................................................69
- Typologie des promesses de contracter.....................................................................................70
 L’offre ou la pollicitation.............................................................................................................70
 La promesse unilatérale de contrat............................................................................................70
 La promesse bilatérale de contracter.........................................................................................71
 Le pacte de préférence...............................................................................................................71
1. Notion......................................................................................................................................71
2. Sanction de la violation du pacte de préférence.....................................................................73
2. Les refus légaux de contracter.........................................................................................................74
3. Les interdictions légales du refus de contracter...............................................................................74
4. Les contrats imposés........................................................................................................................75
II. Nécessité du consentement pour la détermination du contenu du contrat......................................................75
a) Validité du consentement donné sans débat.........................................................................................75
b) Validité du consentement visant le contrat en bloc...............................................................................76
III. Forme du consentement..................................................................................................................................77
1) Principe..................................................................................................................................................77
2) Eléments du consentement...................................................................................................................77
3) Du silence comme valant consentement...............................................................................................78
4) Formes autres que les formes solennelles.............................................................................................79
IV. Réalisation du concours des volontés.............................................................................................................79
a) Généralités............................................................................................................................................79
b) L’offre ou la pollicitation........................................................................................................................81
1. Définition.........................................................................................................................................81
2. Caractères de l’offre.........................................................................................................................82
3. Forme de l’offre...............................................................................................................................84
4. Effets de l’offre avant son acceptation ou la question de la force obligatoire de l’offre..................85
1. Principe......................................................................................................................................85
2. Sanctions du retrait prématuré de l’offre...................................................................................86
3. Caducité de l’offre......................................................................................................................87
c) L’acceptation.........................................................................................................................................88
1. Notion..............................................................................................................................................88
2. Contrat entre absents et rencontre des volontés des parties..........................................................89
V. Quelques particularités relatives aux contrats conclus par voie électronique................................................91
A. Introduction...........................................................................................................................................91
B. Législations en vigueur..........................................................................................................................92
§2. Les vices de consentement...................................................................................................................94
I. L’ERREUR....................................................................................................................................................95
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A. Les erreurs-obstacles.............................................................................................................................95
1.L’erreur sur la nature du contrat (error in negotio)..........................................................................95
2.L’erreur sur l’identité de l’objet (error in corpore) du contrat.........................................................96
3.L’erreur sur la cause du contrat (error in causa)..............................................................................96
B. Les erreurs-vices du consentement.......................................................................................................96
1. L’erreur sur la substance..................................................................................................................97
2. L’erreur sur la personne (error in persona)......................................................................................98
3. L’erreur sur le Droit..........................................................................................................................99
C. Les erreurs indifférentes......................................................................................................................101
II. LE DOL (art 16 et 17)..................................................................................................................................101
INTRODUCTION......................................................................................................................................... 101
1. Notion du dol......................................................................................................................................102
2. Eléments constitutifs du dol................................................................................................................102
3. Rapports entre Dol et Erreur...............................................................................................................104
4. Conditions d’annulation du contrat pour cause de dol.......................................................................104
a. Origine du dol................................................................................................................................105
b. Gravité du dol................................................................................................................................105
c. Sanction du dol..............................................................................................................................105
III. LA VIOLENCE (l’article 11 à 15 du Code civil)........................................................................................106
INTRODUCTION......................................................................................................................................... 106
1. Notion de violence...............................................................................................................................106
2. Rapports entre violences et dol...........................................................................................................107
3. Conditions d’annulation du contrat pour cause de violence................................................................107
a) La violence doit revêtir une certaine gravité..................................................................................107
 Violence résultant des circonstances extérieures.....................................................................108
 Solutions juridiques..................................................................................................................109
b) La violence doit être injuste et illicite.............................................................................................109
4. Sanction du contrat entaché de violence...................................................................................................110
IV. LA LESION.................................................................................................................................................110
1. Introduction.........................................................................................................................................110
2. Notion..................................................................................................................................................111
3. La lésion en droits belge et français.....................................................................................................111
a) Situation dans le Code Napoléon...................................................................................................111
b) La lésion en droit congolais............................................................................................................113
- Situation avant le décret du 26 août 1959................................................................................113
- Le décret du 26 août 1959........................................................................................................113
a. Champ d’application de l’article 131 bis.................................................................................114
b. Conditions d’application de la lésion (art. 131 bis).................................................................115
c. Sanction de la lésion...............................................................................................................117
SECTION II: LA CAPACITÉ DES PARTIES............................................................................................................ 118
INTRODUCTION......................................................................................................................................... 118
§1. Notions générales sur la capacité contractuelle des personnes physiques.........................................118
§2. Espèces d’incapacités.........................................................................................................................119
§3. Régimes d’incapacités d’exercice.......................................................................................................120
a) Le régime de la représentation.....................................................................................................................120
b) Le régime de l’assistance.............................................................................................................................121
c) Le régime de l’autorisation...........................................................................................................................122
SECTION III : L’OBJET DU CONTRAT ......................................................................... (ART. 25 A 29 DU CCCLIII)
............................................................................................................................................................. 122
§1. Notion................................................................................................................................................ 122
§2. Rôle....................................................................................................................................................123
§3. Caractères ou conditions de l’objet....................................................................................................123
I. Objet déterminé ou déterminable.................................................................................................................123
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 Détermination de l’objet par un tiers..................................................................................................124


PEUT- ON LAISSER À UNE TIERCE PERSONNE LE SOIN DE DÉTERMINER L’OBJET DU CONTRAT ?...................124
 Détermination de l’objet par l’une des parties....................................................................................125
II. Objet possible...............................................................................................................................................125
III. Objet licite et moral......................................................................................................................................127
a) Les choses et les droits hors commerce...............................................................................................127
b) Les successions futures........................................................................................................................128
SECTION IV : LA CAUSE DU CONTRAT............................................................................................................. 129
§1. Introduction........................................................................................................................................129
§2. Notion et intérêt de la cause..............................................................................................................131
I. Notion...........................................................................................................................................................131
1. Cause et consentement.......................................................................................................................131
2. Cause et objet......................................................................................................................................132
3. Cause et motifs....................................................................................................................................132
II. Intérêt de la cause dans un contrat................................................................................................................132
§3. Conception objective et subjective de la cause...................................................................................133
I. La conception objective de la cause.............................................................................................................133
II. La conception subjective de la cause...........................................................................................................134
1. Quant à la recherche du caractère illicite de la cause.........................................................................134
2. Quant à la possibilité d’annuler le contrat dans certains cas d’erreur sur les motifs (mobiles)...........135
III. La conception moderne de la cause..............................................................................................................136
§4. Effets juridiques de la cause...............................................................................................................136
I. Cas d’absence de cause ou de fausse cause..................................................................................................138
1. L’absence de cause..............................................................................................................................138
2. La fausse cause....................................................................................................................................139
II. Cas de la cause illicite et immorale..............................................................................................................140
- Nemo auditur turpitudinem suam (propriam) allegans.......................................................................141
- In pari causa turpitudinis cessat repetitio............................................................................................142
CHAPITRE III : LA NULLITE DES CONTRATS................................................................................................... 144
INTRODUCTION......................................................................................................................................... 144
SECTION I : CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA NULLITÉ...................................................................................145
§1. Définition............................................................................................................................................145
§2. Distinction de la nullité d’avec les notions voisines.............................................................................146
I. Nullité et causes de dissolution concomitante à la formation du contrat.....................................................146
II. Nullité et causes de dissolution postérieures à la formation du contrat.......................................................147
III. Notions voisines de la nullité non destructrices du contrat..........................................................................149
IL S’AGIT DE L’OPPOSABILITÉ, DE L’INOPPOSABILITÉ ET DE LA SUSPENSION................................................149
IV. Nullité et sanctions des clauses contractuelles illicites................................................................................151
SECTION II : TYPOLOGIES DES NULLITÉS........................................................................................................... 152
 Critères de distinction....................................................................................................................152
PARCOURONS SUCCESSIVEMENT CES DIFFÉRENTS CRITÈRES......................................................................153
§1. Les titulaires de l’action en nullité......................................................................................................153
§2. La possibilité de confirmation............................................................................................................154
§3. La prescription de l’action en nullité...................................................................................................155
§4. Les adages « Nemo auditur… » et « in pari causa turpitudinis… »......................................................157
SECTION III : LES EFFETS DE LA NULLITÉ........................................................................................................... 157
§1. Principe et étendue de la nullité.........................................................................................................157
I. Entre les parties contractantes......................................................................................................................158
II. A l’égard des tiers.........................................................................................................................................158
§2. Responsabilité civile...........................................................................................................................159
CHAPITRE IV : EFFETS DU CONTRAT ENTRE PARTIES....................................................................................160
INTRODUCTION..................................................................................................................................... 160
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SECTION I: LE PRINCIPE DE LA FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT...........................................................................161


§1. Le contrat s’impose aux parties..........................................................................................................161
I. L’irrévocabilité du contrat entre parties.......................................................................................................161
II. Le respect du contenu réel de l’accord........................................................................................................162
1. Définition de la simulation...................................................................................................................163
2. Conditions de la simulation..................................................................................................................164
3. Effets de la simulation..........................................................................................................................164
4. Preuve de la simulation.......................................................................................................................165
III. Exécution de bonne foi.................................................................................................................................166
§2. Le contrat s’impose au juge................................................................................................................167
I. L’interdiction de modifier le contrat............................................................................................................167
II. L’interprétation fidèle du contrat.................................................................................................................167
§3. Le contrat a une force supérieure à la loi...........................................................................................169
SECTION II : L’INEXÉCUTION DU CONTRAT ET SES SANCTIONS................................................................................170
§1. La notion d’inexécution......................................................................................................................170
I. Généralités....................................................................................................................................................170
II. Les conditions de l’exécution forcée............................................................................................................171
A. La mise en demeure.............................................................................................................................172
1. Nécessité........................................................................................................................................172
2. Cas où la mise en demeure n’est pas nécessaire............................................................................173
B. Les causes d’exonération.....................................................................................................................173
1. Le cas fortuit ou la force majeure..................................................................................................174
a. Notion du cas fortuit ou de la force majeure............................................................................174
b. Conditions du cas fortuit ou de la force majeure......................................................................175
c. Effets du cas fortuit ou de la force majeure..............................................................................176
d. Preuve de la libération.....................................................................................................................177
2. Les autres causes d’exonération....................................................................................................178
a. Faute du créancier lui-même....................................................................................................178
b. Faute d’un tiers........................................................................................................................178
3. La cause étrangère, la théorie des risques et les règles particulières à l’exécution des contrats
synallagmatiques.......................................................................................................................................178
0. Position du problème...............................................................................................................178
a. L’exception d’inexécution (exceptio non adimpleti contractus)...............................................179
- Notion......................................................................................................................................179
- Domaine ou champ d’application de l’exception.....................................................................179
- Conditions de mise en œuvre...................................................................................................180
- Effets de l’exception d’inexécution..........................................................................................181
b. La résolution judicaire..............................................................................................................181
c. Les incidences de la force majeure sur la théorie des risques..................................................181
4. La théorie de l'imprévision....................................................................................................................184
a. Notion......................................................................................................................................184
b. Point de vue de la jurisprudence..............................................................................................185
c. Les clauses de hardships (d'imprévision) dans les contrats......................................................186
§2 : Les sanctions judiciaires de l’inexécution ou du retard d’exécution contractuelle.............................186
I. L’exécution forcée en nature des obligations contractuelles ou l’exécution directe....................................187
A. Obligation de donner...........................................................................................................................187
B. Obligations de faire et de ne pas faire.................................................................................................188
C. Les voies d’exécution de la condamnation ou moyens de contrainte..................................................190
 L’astreinte......................................................................................................................................191
1) Définition de l’astreinte............................................................................................................191
2) Caractères de l’astreinte...........................................................................................................191
- L’astreinte est une condamnation accessoire..........................................................................192
- L’astreinte est une condamnation à payer une somme d’argent.............................................192
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-L’astreinte est fixée par le juge................................................................................................192


-L’astreinte est un moyen de pression (une menace)................................................................192
-L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.............................................................193
3) Champ d’application de l’astreinte...........................................................................................193
4) Conditions de débition de l’astreinte.......................................................................................194
II. L’exécution par équivalent ou en Dommages-intérêts (Art 44 à 45 du CCCLIII).......................................194
1. Notion de dommages-intérêts.............................................................................................................195
2. Nature des dommages-intérêts...........................................................................................................195
3. Procédés de fixation des dommages-intérêts par le juge....................................................................196
a) Principe..........................................................................................................................................196
b) Procédé..........................................................................................................................................196
4. Régime spécial des obligations de somme d’argent (Art. 51 du CCCL III).............................................197
a) Solutions de l’article 51 du Code civil.............................................................................................197
b) Dommages-intérêts conventionnels..............................................................................................197
c) L’anatocisme ou la capitalisation des intérêts (art. 52)..................................................................198
5. Les clauses contractuelles relatives à l’inexécution.............................................................................198
A. La clause pénale (art. 50 et 124 à 131 du CCCL III).........................................................................199
1. Définition..................................................................................................................................199
2. Caractères de la clause pénale.................................................................................................199
- Le caractère conventionnel de la clause pénale.......................................................................199
- Le caractère accessoire de la clause pénale.............................................................................200
- Le caractère indemnitaire de la clause pénale.........................................................................200
- Le caractère forfaitaire de la clause pénale..............................................................................202
B. La clause limitative de responsabilité.............................................................................................203
C. La clause exonératoire de responsabilité.......................................................................................204
1. Vue d’ensemble........................................................................................................................204
3. Appréciation personnelle.........................................................................................................204
4. Confusion à éviter....................................................................................................................205
CHAPITRE V : EFFETS DU CONTRAT A L’EGARD DES TIERS............................................................................206
SECTION I : LE PRINCIPE DE LA RELATIVITÉ DES CONVENTIONS...............................................................................206
§1. Explication du principe.......................................................................................................................206
§2. Les parties et les tiers au contrat........................................................................................................207
I. Les parties au contrat....................................................................................................................................208
1) Les personnes qui ont pris part personnellement à la conclusion du contrat ou qui y ont été
représentées...................................................................................................................................................209
2) Les personnes devenues parties postérieurement à la conclusion du contrat : parties substituées ou
subséquentes..................................................................................................................................................210
- Les ayants cause universel et à titre universel...............................................................................210
- L’adhésion à un contrat préexistant...............................................................................................212
- Le cessionnaire d’un contrat..........................................................................................................212
3) Les personnes devenues parties au contrat en application de la théorie de l’apparence....................212
II. Les tiers au contrat.......................................................................................................................................212
1. Définition....................................................................................................................................................212
2. Catégories de tiers......................................................................................................................................212
a. Les ayants cause à titre particulier.................................................................................................213
b. Les créanciers chirographaires et tous les créanciers en général...................................................213
c. Les pénitus extranei.......................................................................................................................213
d. Les agents d’exécution, les préposés, les organes et les mandataires du débiteur........................213
SECTION II : LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE LA RELATIVITÉ DES CONVENTIONS........................................................214
§1. Les dérogations positives au principe de la relativité des conventions...............................................214
I. La stipulation pour autrui (art 21 du C.C. C.LIII)........................................................................................214
1. Définition.............................................................................................................................................215
2. Illustrations pratiques .........................................................................................................................216
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3. Les conditions de validité de la stipulation pour autrui.......................................................................216


 Les conditions requises pour tout contrat......................................................................................216
 Les conditions de validité propres à la stipulation pour autrui.......................................................217
4. Effets de la stipulation pour autrui et les rapports entre les différentes parties..................................217
a) Rapports entre promettant et le tiers bénéficiaire.........................................................................218
b) Rapports entre promettant et stipulant.........................................................................................219
1. Droits et obligations des parties (découlant du contrat de base).............................................219
2. Le droit pour la stipulant de contraindre à l’exécution le promettant......................................220
3. Incidences réciproques des nullités éventuelles.......................................................................220
c) Rapports entre stipulant et le tiers bénéficiaire.............................................................................220
1. La faculté de révocation du stipulant.......................................................................................221
2. L’acceptation du tiers bénéficiaire............................................................................................222
3. Le tiers bénéficiaire est une personne future ou indéterminée................................................222
II. La simulation................................................................................................................................................223
1. Tiers concernés....................................................................................................................................223
2. Situations visées..................................................................................................................................223
3. Conflit d’intérêts entre tiers................................................................................................................224
III. La représentation..........................................................................................................................................225
1. Définition.............................................................................................................................................225
2. Sources de la représentation...............................................................................................................225
3. Conditions de la représentation...........................................................................................................225
a) Une volonté de représentation......................................................................................................226
b) Un pouvoir de représentation........................................................................................................226
c) Une certaine liberté d’action.........................................................................................................226
4. Effets juridiques de la représentation..................................................................................................226
IV. Les contrats collectifs...................................................................................................................................227
§2. Les dérogations passives au principe de la relativité des conventions................................................228
I. La promesse pour autrui...............................................................................................................................228
II. La Promesse de porte-fort............................................................................................................................228
1. Définition.............................................................................................................................................228
2. Hypothèses..........................................................................................................................................229
3. Conditions de fond et de forme...........................................................................................................229
5. Effets juridiques de la promesse de porte-fort....................................................................................230
- Si le tiers ne ratifie pas l’engagement............................................................................................230
- Si le tiers s’engage..........................................................................................................................231
a) Ratification portant sur un contrat à conclure avec le bénéficiaire de la promesse.................231
b) Ratification d’un acte accompli par le porte-fort au nom et pour le compte du tiers...............231
CHAPITRE VI : EXTINCTION ET RESOLUTION DES CONTRATS........................................................................233
SECTION I. LES CAUSES GÉNÉRALES D’EXTINCTION DES CONTRATS..........................................................................233
SECTION II : LA RÉSOLUTION DU CONTRAT OU LA SANCTION JUDICIAIRE DE L’INEXÉCUTION DES CONTRATS SYNALLAGMATIQUES
............................................................................................................................................................. 234
§1. Le droit d’option du créancier et son fondement................................................................................235
I. Le droit d’option du créancier......................................................................................................................235
II. Fondement....................................................................................................................................................235
§2. Domaine ou champ d’application de la résolution.............................................................................236
I. Extension du principe...................................................................................................................................236
II. Limitations du principe................................................................................................................................237
§3. Conditions d’application de la résolution............................................................................................237
I. L’inexécution de l’obligation par le débiteur...............................................................................................237
II. La mise en demeure du débiteur par le créancier.........................................................................................238
III. L’intervention judiciaire...............................................................................................................................238
a. Principe................................................................................................................................................238
b. Résolution n’impliquant pas l’intervention du juge.............................................................................239
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§4. Effets de la résolution.........................................................................................................................241


TITRE II : LES DELITS ET LES QUASI-DELITS................................................................................................... 243
CHAPITRE I CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE DU FAIT PERSONNEL.......................................................246
SECTION I : LE DOMMAGE........................................................................................................................... 247
§1. Définition et Preuve du dommage......................................................................................................247
1. Définition......................................................................................................................................................247
2. Preuve du dommage.....................................................................................................................................247
§2. Hypothèses des dommages réparables..............................................................................................248
1. Dommages matériels....................................................................................................................................248
2. Dommages corporels....................................................................................................................................248
3. Dommages moraux.......................................................................................................................................248
§3.Caractères des dommages réparables................................................................................................250
SECTION II : LA FAUTE................................................................................................................................ 253
§1. La culpabilité......................................................................................................................................254
I. Faute, violation d’un texte............................................................................................................................254
II. Faute en l’absence de la violation d’un texte...............................................................................................256
III. Faute dans l’exercice d’un droit...................................................................................................................257
§2. L’imputabilité.....................................................................................................................................258
I. Volonté consciente.......................................................................................................................................258
II. Volonté capable............................................................................................................................................258
III. Volonté libre.................................................................................................................................................259
SECTION III : LE LIEN DE CAUSALITE ENTRE LA FAUTE ET LE DOMMAGE..................................................260
§1. Introduction........................................................................................................................................260
§2. Théories de la causalité......................................................................................................................262
A. Théorie de l’équivalence des conditions......................................................................................................262
B. Théorie de la proximité de la cause (causa proxima)...................................................................................263
C. Théorie de la causalité adéquate...................................................................................................................264
SECTION IV. L’ACTION EN RESPONSABILITE DELICTUELLE.......................................................................265
§1. Caractères de l’action en responsabilité civile....................................................................................265
§2. Tribunal compétent............................................................................................................................265
§3. Titulaires de l’action en responsabilité...............................................................................................266
§4. Extinction de l’action..........................................................................................................................266
§5. De la charge de la preuve...................................................................................................................266
§6. Du jugement statuant sur la responsabilité........................................................................................267
SECTION V : FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE CIVILE DE DROIT COMMUN.........................................268
CHAPITRE II : LA RESPONSABILITE POUR AUTRUI OU DU FAIT D’UN TIERS...................................................269
SECTION I : RESPONSABILITÉ DU PÈRE OU DE LA MÈRE (ART. 260 AL 2 ET 5)...........................................................271
§1. Principe...............................................................................................................................................271
§2. Conditions d’application de cette responsabilité................................................................................272
§3. Fondement et force de la présomption...............................................................................................275
SECTION II : RESPONSABILITÉ DES INSTITUTEURS ET ARTISANS (ART. 260 ALINÉA 4)..................................................275
§1. Principe...............................................................................................................................................275
§2. Conditions de la responsabilité...........................................................................................................276
§3. Fondement et force de la présomption..............................................................................................277
SECTION 3 : RESPONSABILITÉ DES MAÎTRES ET COMMETTANTS (ART. 260 ALINÉA 3).................................................277
§1. Principe et justification.......................................................................................................................277
§2. Conditions de cette responsabilité......................................................................................................278
§3. Fondement et force de la présomption...............................................................................................282
SECTION IV : RESPONSABILITÉ DES PROPRIÉTAIRES DE VÉHICULES AUTOMOTEURS.....................................................284
§1. Principe...............................................................................................................................................284
§2. Conditions de cette responsabilité......................................................................................................285
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I. Le dommage doit être causé par un véhicule automoteur............................................................................285


II. Le dommage doit être causé par une personne qui a, avec l’assentiment exprès ou tacite du propriétaire, la
garde ou la conduite du véhicule.............................................................................................................................285
III. La responsabilité dans le chef du conducteur...............................................................................................285
§ 3. Fondement et force de la présomption..............................................................................................285
CHAPITRE III. : RESPONSABILITE CIVILE DU FAIT DES CHOSES......................................................................287
SECTION I : RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ANIMAUX........................................................................................... 287
§1. Principe...............................................................................................................................................287
§2. Conditions de cette responsabilité......................................................................................................287
§3. Fondement et force de la présomption...............................................................................................289
SECTION II : RESPONSABILITÉ DU FAIT DE LA RUINE DES BÂTIMENTS.......................................................................289
§1. Principe...............................................................................................................................................290
§2. Conditions de cette responsabilité......................................................................................................290
§3. Fondement et force de la présomption...............................................................................................291
SECTION III : RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES INANIMÉES............................................................................292
§1. Principe...............................................................................................................................................293
§2. Conditions de cette responsabilité......................................................................................................293
§3. Fondement et force de la présomption...............................................................................................298
CHAPITRE IV : RAPPORTS ENTRE LA RESPONSABILITE DELICTUELLE ET LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
.................................................................................................................................................................. 300
SECTION I : INTÉRÊT DE LA DISTINCTION.......................................................................................................... 300
§1. Quant aux règles de fond...................................................................................................................300
§2. Quant aux règles de forme (preuve)...................................................................................................301
SECTION III : DOMAINES RESPECTIFS DES DEUX RESPONSABILITÉS..........................................................................302
I. Faute délictuelle d’un tiers étranger à l’égard d’une partie au contrat.........................................................302
II. Faute délictuelle d’une partie au contrat à l’égard d’un tiers étranger.........................................................303
III. Faute délictuelle d’une partie au contrat à l’égard de son cocontractant.....................................................303
SECTION III. : CONCOURS DES DEUX RESPONSABILITÉS........................................................................................303
§1. Question.............................................................................................................................................303
§2. Principe de solution............................................................................................................................303
CHAPITRE V : CRITIQUE DU SYSTEME ANCIEN DE LA RESPONSABILITE CIVILE ET EVOLUTION ACTUELLE DE LA
THEORIE DE LA RESPONSABILITE................................................................................................................ 305
SECTION I : CRITIQUES................................................................................................................................ 305
SECTION 2 : EVOLUTION.............................................................................................................................. 305
TITRE III. : LES QUASI-CONTRATS................................................................................................................ 307
CHAPITRE I : LA GESTION D’AFFAIRES (ART. 248 ET SS DU CCCL III)..............................................................309
SECTION I : DÉFINITION ET HYPOTHÈSES......................................................................................................... 309
§ 1. Définition...........................................................................................................................................309
§2. Hypothèses de la gestion d’affaires....................................................................................................309
SECTION II : CONDITIONS DE LA GESTION D’AFFAIRES.........................................................................................310
§1. Conditions relatives aux parties..........................................................................................................310
§2. Conditions relatives à l’acte de gestion (l’affaire)...............................................................................311
SECTION III : EFFETS DE LA GESTION D’AFFAIRES............................................................................................... 312
§1. Entre parties (gérant-géré).................................................................................................................312
A. L’Obligations du gérant................................................................................................................................312
B. Obligation du maitre de l’affaire (géré)..............................................................................................................313
§2. Effets à l’égard des tiers.....................................................................................................................313
CHAPITRE II : LE PAIEMENT DE L’INDU ET L’ACTION EN REPETITION (ARTICLE 252-257 CCC LIII)...................315
SECTION I : DÉFINITION, DOMAINE ET DISTINCTION D’AVEC LES NOTIONS VOISINES....................................................315
§1. Définition............................................................................................................................................315
§2. Domaine du paiement indu................................................................................................................315
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a. L’indu objectif......................................................................................................................................................315
b. L’indu subjectif (art. 253)....................................................................................................................................316
§3. Distinction d’avec les notions voisines................................................................................................316
SECTION II : CONDITIONS DU PAIEMENT INDU.................................................................................................. 317
SECTION III : EFFETS DU PAIEMENT INDU......................................................................................................... 319
§1. Obligations de l’accipiens...................................................................................................................319
CHAPITRE III : L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE.......................................................................................... 321
SECTION I : DÉFINITION.............................................................................................................................. 321
SECTION II : CONDITIONS DE L’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE...............................................................................321
SECTION III : EFFETS DE L’ACTION D’ENRICHISSEMENT SANS CAUSE (ACTION DE IN REM VERSO)....................................325
§1. Montant de l’indemnisation...............................................................................................................325
§2. MOMENT DE L’INDEMNISATION............................................................................................................... 325
CHAPITRE IV : LA THEORIE DE L’APPARENCE OU DE LA CONFIANCE LEGITIME.............................................327
SECTION II : CONDITIONS DE LA THÉORIE DE L’APPARENCE...................................................................................329
§1. Condition objective.............................................................................................................................329
§2. Condition subjective...........................................................................................................................330
SECTION III : EFFETS DE LA THÉORIE DE L’APPARENCE......................................................................................... 330
§1. Rapport entre le titulaire réel et le tiers abusé...................................................................................330
§2. Rapport entre le titulaire apparent et le tiers abusé...........................................................................331
§3. Rapport entre le titulaire réel et le titulaire apparent........................................................................331
TABLE DES MATIERES................................................................................................................................. 332

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