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Le sort des créanciers d’un débiteur en difficultés en

droit OHADA à la lumière du droit français : l’égalité en


question
Dominique Owona-Atangana

To cite this version:


Dominique Owona-Atangana. Le sort des créanciers d’un débiteur en difficultés en droit OHADA à la
lumière du droit français : l’égalité en question. Droit. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2021.
Français. �NNT : 2021PA01D015�. �tel-03626521�

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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
UNIVERSITÉ PARIS 1 – PANTHÉON SORBONNE
École doctorale de droit privé
Année 2020-2021

LE SORT DES CRÉANCIERS D’UN DÉBITEUR EN DIFFICULTÉS EN DROIT OHADA À LA


LUMIÈRE DU DROIT FRANÇAIS :
L’ÉGALITÉ EN QUESTION

Thèse en vue de l’obtention du grade de Docteur en droit privé,


présentée et soutenue publiquement à Paris par :

Dominique OWONA-ATANGANA

Le 22 juin 2021

Directeur de thèse :
Monsieur Grégoire LOISEAU
Professeur à l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne

JURY

Monsieur Cyril Grimaldi

Professeur à l'Université Sorbonne Paris Nord, rapporteur

Monsieur Benoît Lecourt

Professeur à l'Université de Paris-Nanterre, rapporteur

Monsieur François-Xavier Lucas

Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

1
2
L’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leurs auteurs.

3
4
A mon cher frère Gérard-Philippe OWONA-ABENA

5
6
Je tiens à remercier Monsieur le Professeur Grégoire Loiseau pour son soutien,
ses conseils et sa patience. Vous aviez dit « on sent que c’est une thèse qui sera
soutenue », je n’y croyais pas, et j’en ai fait un défi.

Mes remerciements vont également à mes parents. A ma mère Thérèse-Régine


N’Dengué Owona,je veux dire merci pour sa détermination à nous voir réussir.
Je salue la mémoire de mon père, François OWONA, et mon frère Gérard-
Philippe Owona-Abena qui là où ils sont veillent sur moi. Je veux remercier aussi
mes enfants Bahia et Charles, ainsi que Paul, mon mari, pour leur soutien
indéfectible toutes ces années. Je remercie mes amis bien évidemment, et
particulièrement Yannis John.

7
8
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS

AUPCAP : Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du


passif

AUS : Acte uniforme portant organisation des sûretés

AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement


et des voies d’exécution

AUSGIE : Acte uniforme portant organisation des sociétés commerciales et groupement


d’intérêt économique

AUDCG : Acte uniforme portant organisation du droit commercial général

AUM : Acte uniforme relatif à la médiation

AUCTMR : Acte uniforme relatif aux contrats de transport et marchandises sur route

Bull. : Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation

Bull. Joly : Bulletin mensuel d’information des société

CA : Cour d’appel

Cass. Civ : Cour de cassation, chambre civile

Cass. Com. Cour de cassation, chambre commerciale

C.civ : Code civil

CCJA : Cour commune de justice et d’arbitrage

C. com. : Code de commerce

Coll. : Collection

C. proc. Civ. ex. : Code des procédures civiles d’exécution

C. proc. Civ. : Code de procédure civile

D. : Recueil Dalloz-Sirey

D. Aff. : Recueil Dalloz, cahiers de droit des affaires

Déc. : Décret

Doct. : Doctrine

Ed. Edition

9
Esp. : espèce

Fasc. : Fascicule

Gaz. Pal. : Gazette du palais

Ibid. : ibidem

Infra : plus bas

J-Cl. : Jurisclasseur

JCP, éd. G : Jurisclasseur périodique (Semaine juridique), édition générale

JCP, éd. E : Jurisclasseur périodique (Semaine juridique), édition entreprise

JCP, éd. N : Jurisclasseur périodique (Semaine juridique), édition notariale

JO : Journal officiel

L. : Loi

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

Obs. : Observations

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

Op. cit. : précité

PUA : Presse Universitaire d’Afrique

PUF : Presse Universitaire de France

Rev. Jur. Com. : Revue de jurisprudence commerciale

Rev. Pro.coll. : Revue des procédures collectives

RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires

RTD. Civ. : Revue trimestrielle de droit civil

RTD. Com. : Revue trimestrielle de droit commercial

TGI : tribunal de grande instante


THC : Tribunal hors classe

TI : Tribunal d’instance

10
11
Sommaire
SOMMAIRE..................................................................................................................................................12
INTRODUCTION .........................................................................................................................................13
PREMIÈRE PARTIE : L’ÉGALITÉ DU PAIEMENT EN CAS DE CONCOURS ENTRE CRÉANCIERS
CHIROGRAPHAIRES .................................................................................................................................26
CHAPITRE PREMIER : QUELQUES CRÉANCIERS DU DÉBITEUR EN DIFFICULTÉS TENUS À L’ÉGALITÉ EN CAS DE
CONCOURS ..................................................................................................................................................27
I- L’égalité résistible ..............................................................................................................................27
II- L'égalité réversible ............................................................................................................................63
CONCLUSION CHAPITRE PREMIER ............................................................................................................... 123 Deleted
CHAPITRE DEUXIÈME : QUELQUES BIENS DU DÉBITEUR EN DIFFICULTÉS SOUMIS À L’ÉGALITÉ EN CAS DE
CONCOURS ................................................................................................................................................ 124 Deleted
I- L’égalité relative ......................................................................................................................... 132
Deleted
II- L’égalité relativisée ......................................................................................................................... 206
CONCLUSION CHAPITRE DEUXIÈME............................................................................................................. 281 Deleted

CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE ....................................................................................................... 282 Deleted


Deleted:
DEUXIÈME PARTIE : L’ÉGALITÉ DE PRINCIPE DES CRÉANCIERS CHIROGRAPHAIRES À LA
PROCÉDURE DE LIQUIDATION ............................................................................................................ 283 Deleted:
CHAPITRE PREMIER : TOUS LES BIENS D’UN DÉBITEUR EN PROCÉDURE DE LIQUIDATION ............................... 286 Deleted
I- L’actif appréhendé ...................................................................................................................... 286
Deleted
II-Le passif apuré ................................................................................................................................. 308
CONCLUSION CHAPITRE PREMIER ............................................................................................................... 319 Deleted
CHAPITRE DEUXIÈME : TOUS LES CRÉANCIERS DU DÉBITEUR EN LIQUIDATION ÉGAUX .................................. 321 Deleted
I- L’égalité a priori ......................................................................................................................... 322
II—L’égalité a posteriori ...................................................................................................................... 353 Deleted
CONCLUSION CHAPITRE DEUXIÈME............................................................................................................. 376 Deleted
CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE....................................................................................................... 377 Deleted

CONCLUSION GÉNÉRALE ..................................................................................................................... 379 Deleted


Deleted:
INDEX ......................................................................................................................................................... 383
Deleted:
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 385
Deleted:
TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................................... 394
Deleted:
RÉSUMÉ ..................................................................................................................................................... 397
Deleted:
Deleted:

12
INTRODUCTION

"All animals are equal, but some animals are more equal than others"1.

1. Cette maxime caractérise bien la situation des créanciers d'un débiteur en difficultés
dans l’acte uniforme révisé portant organisation des procédures collectives d’apurement
du passif (AUPCAP) adopté le 10 septembre 2015 à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire)2; et dans
la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 dite « loi de sauvegarde des entreprises » et ses
évolutions postérieures, en France.

2. En effet, dans les Etats parties au Traité OHADA comme en France, tous les créanciers
sont égaux, notamment parce qu’ils bénéficient tous d’un droit de gage général (1). Mais
il y des créanciers plus égaux que d'autres : les créanciers chirographaires (2).

3. 1)- L'égalité des créanciers devant l’OHADA. L’OHADA est une illustration de ce qu’est
le principe de l’égalité devant la loi pour les créanciers évoluant dans un des Etats parties
au traité qui l’ont institué. En effet, adopté le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice)
et révisé le 17 octobre 2008 à Québec (Canada)3, le traité OHADA a pour ambition de
rassurer les investisseurs présents dans la région et d’en attirer de nouveaux en
harmonisant le droit des affaires4 dans les États Parties5. Concrètement, cette

1
«“Tous les animaux sont égaux, mais certains animaux sont plus égaux que les autres », in « The animal
farm” de Georges Orwell,17 août 1945.
2
entré en vigueur le 24 décembre 2015. Il révise l’acte uniforme du même nom adopté le 10 avril 1998 à
Libreville (GABON) et entré en vigueur le 1er janvier 1999.
3
Art. 1er du Traité révisé : Les articles 3, 4, 7, 9, 12, 14, 17, 27, 31, 39, 40, 41, 42, 43, 45, 49, 57, 59, 61 et 63
du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, signé à Port-Louis (Ile Maurice), le 17
Octobre 1993, sont modifiés et complétés.
4
Pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires l'ensemble des règles
relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux
sûretés et aux voies d'exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire,
au droit de l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports, et
toute autre matière que le Conseil des Ministres4 déciderait, à l'unanimité, d'y inclure, conformément à
l'objet du présent traité et aux dispositions de l'article 8 (art. 2 du Traité).
5
La République du BENIN ; le BURKINA FASO ; la République du CAMEROUN ; la République
CENTRAFRICAINE ; l'Union des COMORES ; la République du CONGO ; la République de COTE D'IVOIRE ; la
République du GABON ; la République de GUINEE ; la République de GUINEE BISSAU ; la République de

13
harmonisation passe notamment par l’élaboration et l’adoption de règles communes
simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies : les actes uniformes.

4. Les actes uniformes peuvent être classés en 3 catégories6 :

- Les activités commerciales : Cette catégorie regroupe l’acte uniforme portant sur le
droit commercial général (AUDCG)7, l’acte uniforme portant organisation des
sûretés (l’AUS)8 et, enfin, l’acte uniforme relatif aux contrats de transport de
marchandises par route (AUCTMR)9 .

- L’immatriculation et la comptabilité des entreprises commerciales : Cette catégorie


regroupe l’acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique (L’AUSCGIE)10, l’acte uniforme relatif au droit
des sociétés coopératives (AUSC)11 et l’acte uniforme relatif au droit comptable et
à l’information financière (AUCIF)12.

- Le règlement des litiges commerciaux et le recouvrement des créances


commerciales : Cette catégorie regroupe l’acte uniforme relatif à la médiation
(AUM)13, l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA)14, l’acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies
d’exécution (AUPSRVE)15 et, enfin, l’acte uniforme portant organisation des
procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP).

GUINEE EQUATORIALE ; la République du MALI ; la République du NIGER ; la République du SENEGAL ; la


République du TCHAD ; la République du TOGO.
6
Cette catégorisation est proposée le site www.OHADA.com.
7
Adopté le 17 avril 1997 a été révisé par un Acte uniforme du même nom, adopté le 15 décembre 2010 à
Lomé (TOGO) et entré en vigueur en date du 16 mai 2011
8
Adopté le 17 avril1997 a été révisé le 15 décembre 2010 à Lomé (TOGO)
9
Adopté le 22 mars 2003
10
Adopté le 30/01/2014 à Ouagadougou (BURKINA FASO)
11
Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé (TOGO)
12
Adopté le 26 janvier 2017 à Brazzaville (CONGO), entré en vigueur le 1er janvier 2018
13
Adopté le 23 novembre 2017 à Conakry (GUINEE).
14
Adopté le 11 mars 1999 a été révisé le 23 novembre à Conakry (GUINEE).
15
Adopté le 10 avril 1998 à Libreville (GABON).

14
Le contentieux relatif à l'application des actes uniformes est réglé en première instance et
en appel par les juridictions des Etats Parties (art. 13 Traité révisé). La Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage (CCJA) assure l'interprétation et l'application communes du Traité
ainsi que des règlements pris pour son application, des actes uniformes et des décisions
(art. 14 al. 1er du Traité révisé). La Cour peut être consultée par tout Etat Partie ou par le
Conseil des ministres sur toute question relative à l'interprétation et l'application
communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application, des actes
uniformes et des décisions.

La même faculté de solliciter l'avis consultatif de la Cour est reconnue aux juridictions
nationales 16 (art. 14 al. 2 du Traité révisé). Saisie par la voie du recours en cassation17, la
Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'Appel des Etats Parties
dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des actes
uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions
appliquant des sanctions pénales (art. 14 al. 3 du Traité révisé). Elle se prononce dans les
mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction
des Etats Parties dans les mêmes contentieux (art. 14 al. 4 du Traité révisé). En cas de
cassation, elle évoque et statue sur le fond (art. 14 al. 5 du Traité révisé).

Les arrêts de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage ont l'autorité de la chose jugée et
la force exécutoire. Ils reçoivent sur le territoire de chacun des Etats Parties une exécution
forcée dans les mêmes conditions que les décisions des juridictions nationales. Dans une
même affaire, aucune décision contraire à un arrêt de la Cour Commune de Justice et

16
Elles sont saisies en application de l'article 13 du Traité.
17
Les pourvois en cassation prévus à l'article 14 ci-dessus sont portés devant la Cour Commune de Justice
et d'Arbitrage, soit directement par l'une des parties à l'instance, soit sur renvoi d'une juridiction nationale
statuant en cassation saisie d'une affaire soulevant des questions relatives à l'application des actes
uniformes (Article 15 du Traité). La saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage suspend toute
procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois
cette règle n'affecte pas les procédures d'exécution. Une telle procédure ne peut reprendre qu'après arrêt
de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage se déclarant incompétente pour connaître de l'affaire (Article
16 du Traité).

15
d'Arbitrage ne peut faire l'objet d'une exécution forcée sur le territoire d'un Etat Partie
(article 20 du Traité).

Le Règlement n° 01/2014/CM/OHADA modifiant et complétant le Règlement de


procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage du 18 avril 199618 prévoit un
nouvel article 28 bis qui restreint les cas de recours en cassation à : la violation de la loi ;
l'incompétence et l'excès de pouvoir ; la violation des formes prescrites par la loi à peine
de nullité ; le défaut, l'insuffisance ou la contrariété des motifs ; l'omission ou le refus de
répondre à des chefs de demandes ; la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de
la procédure ; le manque de base légale ; la perte de fondement juridique ; le fait de
statuer sur une chose non demandée ou d'attribuer une chose au-delà de ce qui a été
demandé.

5. Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires, nonobstant toute


disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure (art. 10 du Traité). Selon
un avis rendu par la CCJA du 30 avril 200119 sur l’effet abrogatoire des actes uniformes,
« l'acte 10 du traité de l'OHADA contient une règle de supranationalité puisqu'il prévoit
l'application directe et obligatoire des Actes uniformes dans les États parties et leur
suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou postérieures. En vertu du
principe de supranationalité, l'article 10 contient une règle relative à l'abrogation du droit
interne par les actes uniformes. Ainsi, sauf dérogation prévue par les actes uniformes eux-
mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10 concerne l'abrogation de tout texte législatif ou
réglementaire de droit interne présent, ou l'interdiction de tout texte législatif ou
réglementaire de droit intérieur à venir. Cette abrogation concerne toute disposition de

18
Selon l’article 1er du Règlement, les articles 1er, 2, 3, 6, 9, 10, 12, 21, 22, 23, 23 bis, 24, 26, 27, 27 bis, 28,
28 bis, 28 ter, 32, 40, 42, 44, 44 bis, 44 ter, 45 bis, 45 ter, 48 et 51 ainsi que les chapitres IV bis, VI, et VII bis
du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage du 18 avril 1996 sont modifiés
et complétés.

19
CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 74).
OHADAta J-02-04.

16
droit interne ayant le même objet que celles des actes uniformes, qu'elle soit contraire ou
identique.

Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa de cet
article ou une phrase de cet article. Les dispositions abrogatives contenues dans les actes
uniformes sont conformes à l'article 10 du Traité de l'OHADA. L'effet abrogatoire du droit
uniforme de l'OHADA découlant du Traité lui-même et les Actes uniformes découlant de
celui-ci, il s'ensuit que les actes uniformes n'ont pas, seuls, compétence pour déterminer
leur effet abrogatoire sur le droit interne. Il se déduit également des dispositions
impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité qui sont superfétatoires des textes
d'abrogation expresse du droit interne que pourraient prendre les États parties pour
l'application des Actes uniformes. Selon les cas d'espèce, une loi contraire peut s'entendre
aussi bien d'un texte de droit interne ayant le même objet qu'un Acte uniforme et dont
toutes les dispositions sont contraires à celles d'un autre Acte uniforme, que d'une loi ou
d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques-unes de celles-ci sont
contraires dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles de
l'Acte uniforme considéré demeurent applicables.

Partant, dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt
économique, les formules "lois contraires" et "dispositions contraires" indifféremment
employées sont équivalentes. Ces dispositions étant d'ordre public et s'appliquant à toutes
les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, régissent des
sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini.
Toutefois, à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme précité laisse
subsister les dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises. Les
"dispositions contraires" s'entendent de tout texte législatif ou réglementaire contredisant
dans la forme, le fond ou l'esprit, les dispositions d'un acte uniforme.

6. Quid du droit de gage général ? La logique d’harmonisation du droit des affaires n’a
cependant pas été menée jusqu’à son terme puisque le droit des obligations commerciales

17
y échappe largement. « De manière générale, chaque pays a conservé le droit des contrats
hérité de la période coloniale. Le droit relève donc de la tradition portugaise en Guinée-
Bissau, espagnole en Guinée équatoriale, belge en République Démocratique du Congo et
française dans tous les autres pays. Le Cameroun offre la particularité de réunir la tradition
française et celle de la common law. Très peu de pays se sont dotés d’une nouvelle
législation sur les contrats ou les obligations. On citera au Sénégal, la loi du 10 juillet 1963
relative à la partie générale du Code des obligations civiles et commerciales, en Guinée-
Conakry, le Code civil de 1983 et au Mali, la loi du 29 août 1987 fixant régime général des
obligations. Ces textes présentent leurs spécificités, mais ils restent fondamentalement
dans la ligne de la tradition française. Ailleurs, ce sont toujours les textes introduits par les
anciennes puissances coloniales qui sont d’application (ou, pour les anglophones du
Cameroun, la common law dans son état au moment de l’indépendance »-20.

7. Ainsi, aucun Acte uniforme n'intègre le minimum légal de garantie d’exécution dont
dispose un créancier camerounais qu’est le droit de gage général21, sauf à l’état de projet.
Un Avant-projet d’Acte uniforme OHADA sur le droit des contrats du 10 mai 2006
prévoyait dans une section 2 intitulée « Droit à l’exécution », à l’article 7/8 relatif à
l’exécution de l’obligation de somme d’argent, qu’« à défaut par le débiteur de payer une
dette de somme d’argent, le créancier peut en exiger le paiement ». Mais il n’a pas eu de
suite.
Dernièrement, un projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans
l’espace OHADA du 15 avril 2015 prévoit dans son article 403 al. 1er que « le débiteur
répond de sa dette sur tous ses biens présents et à venir ». La présentation analytique du
projet : l’intitulé du chapitre 3 « le droit à exécution » est évocateur. « Il traduit le caractère
fondamental du droit à exécution. D’un point de vue des obligations civiles et

20
Note explicative, Avant-projet d’acte uniforme OHADA sur le droit des contrats – III) État actuel du droit
des contrats dans les pays de l’OHADA P7 n°10 al. 2et 3 ; voir aussi sur l’introduction du Code civil dans les
anciennes colonies françaises, cf. K. MBAYE, “Le destin du Code civil en Afrique”, dans Le Code civil 1804-
2004, Livre du bicentenaire (Paris), 2004, 515-537.
21
Bien que les Actes uniformes prévoient quelques dispositions susceptibles de lui porter atteinte, comme
on aura la possibilité de l’observer dans les développements qui suivent.

18
commerciales, le droit à̀ exécution est le droit, pour le créancier, de recourir aux moyens
de droit aptes à̀ remédier à̀ l’inexécution ou à l’exécution défectueuse par le débiteur »22.

Toutefois, l’Acte Uniforme relatif aux Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies


d’Exécution (AUPSRVE) prévoit qu’« à défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut,
quelle que soit la nature de sa créance, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses
obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde
de ses droits (art. 28 AUPSRVE ; art. L111-1 C. pro. civ. ex). Ce faisant, le droit à l’exécution
forcée des débiteurs récalcitrants à l’exécution est prévu.

8. 2)- L’égalité des créanciers chirographaires. Dans un pays tel que le Cameroun, comme
en France, où « quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son
engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir » (art. 2284 du
code civil français), le droit de gage général est le minimum légal de garantie dont jouit un
créancier. Cette prérogative, qui lui est reconnue à titre supplétif de volonté, est un
pouvoir de contrainte du débiteur à l’exécution de ses obligations en poursuivant la saisie
d’un de ses biens pour se payer sur le produit de réalisation. Le créancier qui ne dispose
que de la garantie du droit de gage général est appelé créancier "chirographaire".

9. Problématique. La question se pose de savoir ce que vaut la garantie du droit de gage


général pour le créancier d’un débiteur en difficultés.

10. A priori, on peut répondre d’emblée que le droit de gage général ne vaut pas grand-
chose si ce n’est l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires
(art. 2285 du Code civil français in fine) (a), et la soumission à un vague principe d’égalité
des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation (b).

22
Joseph Issa Sayegh, Paul Gérard Pougoué, Filiga Michel Sawadogo - Projet de texte uniforme portant
droit général des obligations dans l’espace OHADA-OHADA- Fondation pour le droit continental –15 avril
2015, p.21 §1.

19
11. a) L’égalité du paiement en cas de concours entre les créanciers chirographaires.
Le droit de gage général n’est pas une sûreté, contrairement à ce que pouvait laisser
penser le législateur OHADA dans l’Acte uniforme relatif aux sûretés pris dans sa première
mouture. La sûreté était définie comme « les moyens accordés au créancier par la loi de
chaque Etat partie ou la convention des parties pour garantir l'exécution des obligations,
quelle que soit la nature juridique de celles-ci»23. Or, la prérogative du droit de gage général
n’a aucun des attributs traditionnels d’une sûreté. Outre son assiette limitée24, le pouvoir
de contraindre le débiteur à l’exécution forcée est l’apanage de tous puisque « les biens
du débiteur sont le gage commun de ses créanciers » (art. 2285 C. civ.). Par conséquent, le
droit de gage général confère un droit personnel qui s’exerce contre le débiteur d’une
obligation monétaire au moyen d’une saisie, mais n’accorde aucun droit de suite ou de
préférence sur ses biens.

12. Concrètement, les créanciers disposent du même droit de gage général, sans qu’il
puisse être tenu compte de la date de naissance du droit de créance par rapport à l’entrée
du bien dans le patrimoine du débiteur. Il y a donc un principe d’égalité des droit
personnels25 qui explique aussi qu’en cas de concours entre créanciers chirographaires,
c’est-à-dire lorsqu’une pluralité de créanciers saisi un bien en même temps et que sa
valeur est insuffisante pour les désintéresser, « le prix s'en distribue entre eux par
contribution », c’est-à-dire de manière égalitaire (art. 2285 C. civ.). Autrement dit, chacun
ne recevra qu’une partie du prix de réalisation du bien saisi, celle-ci étant proportionnelle
à la part que sa créance représente dans le prix. Ce faisant, la législation OHADA refuse
elle aussi un partage par tête, c’est-à-dire un partage par part viriles, lequel aurait été
fondamentalement injuste.

23
Article 1er AUS ancien.
24
Le droit de gage général ne révèle sa consistance qu’au moment de sa mise en œuvre au moyen d’une
saisie pratiquée sur un bien présent dans le patrimoine du débiteur.
25
Principe relatif au demeurant compte tenu du sort réservé aux créanciers postérieurs « méritants » dans
le cadre d’une procédure collective par rapport à celui des créanciers antérieurs ou postérieurs non
méritants.

20
13. C’est une situation dont un créancier OHADA ou français ne peut se satisfaire,
compte tenu de la valeur des investissements susceptibles d’être effectués. Il faut donc,
dans le cadre de cette étude, évaluer le péril que cette règle représente pour
l’investissement dans les législations soumises à la comparaison. Concrètement, il s’agira
de déterminer si tous les créanciers du débiteur en difficultés sont a priori des créanciers
chirographaires, et si tous les créanciers chirographaires sont a posteriori effectivement
tenus à l’égalité du paiement en cas de concours entre eux ou s’ils peuvent y échapper.
Dans le cas où ils ne pourraient échapper au concours, l’égalité du paiement est-elle d’un
minimum garanti comme le suggère M. Vasseur dans sa thèse26 lorsqu’il écrit qu’
« économiquement (…), l’application de la règle de l’égalité favorise le crédit parce qu’elle
assure au créancier un pouvoir effectif d’action ; elle lui donne la certitude qu’au cas de
défaillance de son débiteur, il recouvrera, sinon l’intégralité de sa créance, au moins la
fraction maximum de celle-ci »27?

14. b)-Le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation. La doctrine commercialiste a identifié dans la démarche collective (tous les
créanciers) et globale (tous les biens) de la procédure de liquidation un principe d’égalité
des créanciers chirographaires ; principe qu’elle fonde sur l’article 2285 du Code civil et sa
réitération présumée dans les objectifs que le législateur assigne à la procédure
collective28. Ce principe postule « l’affectation de l’ensemble des biens du débiteur à la
satisfaction de l’ensemble de ses créanciers »29. Partant, « aucun créancier ne doit être
préféré à d’autres sans cause légitime »30.

26
Michel Vasseur, « Le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires dans la faillite » - Editions
Rousseau, 1949.
27
Michel Vasseur, thèse précitée – p. 17 n°5 sur le fondement économique du principe d’égalité.
28
Les procédures de liquidation instituées dans l’AUPCAP révisé et le Code de commerce prévoient en
substance que le montant de l'actif, distraction faite des frais et dépens de la liquidation judiciaire, des
subsides accordés au débiteur personne physique ou aux dirigeants ou à leur famille et des sommes payées
aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers au marc le franc de leurs créances admises
(art. L643-8 C.com ; art. 165, 166 et 167 in fine AUPCAP révisé).
29
Michel Vasseur, thèse précitée – Introduction n°1 « les conditions de l’égalité entre les créanciers », p.
17§2.
30
Mme Reymond de Gentile, « Le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13 juillet
1967 », thèse – Editions Sirey 1973.

21
15. Consacré dans la jurisprudence africaine31 et française32 et récemment dans le Code
de commerce français33, le principe d’égalité est aussi largement commenté dans la
doctrine française et africaine34 qu’une minorité menée par Monsieur Cabrillac qualifie
cependant d’« ambigü »35. En effet, cet auteur pointe, à juste titre nous semble-t-il,
l’ambiguïté du domaine36, de la nature37 et des applications38 du principe d’égalité. Pour
notre part, le cadre de cette étude sera l’occasion de souligner l’ambigüité du sens du
principe, faute d’incarnation suffisante du créancier chirographaire à la procédure de
liquidation. En effet, quel est le sens d’un principe d’égalité fondé sur un texte qui suggère
la disparité des créanciers alors que les sûretés prolifèrent dans les législations soumises
à la comparaison ? Toutes promeuvent la priorité, l’exclusivité, la préférence et la pluralité
des gages communs pour répartir le risque d’impayé. A priori, le principe d’égalité des
créanciers chirographaires à la procédure de liquidation est une protection des créanciers

31
Voir notamment la décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso),
qui vise directement le principe d’égalité Jugement n° 141 du 15 mai 2002, SNTB c/ SOPAGRI-SA OHADAta
J-09-59.
32
Voir notamment M. Philippe Delmotte, « L’égalité des créanciers dans les procédures collectives » -
Rapport de la Cour de Cassation 2003 p106 à 128.
33
Code de commerce français à l’article L643-7-1 selon lequel « Le créancier qui a reçu un paiement en
violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des
privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ».
34
Robert Nemedeu -« Le principe d'égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle » - Etude
à la lumière du droit français et OHADA des entreprises en difficulté -, - RTDCom. 2008 p. 241 à 274 ;
Alassane Kante -« Réflexions sur le principe d’égalité entre les créanciers dans le droit des procédures
collectives d’apurement du passif (OHADA) » -, EDJA n°56 – OHADATA D-06-47 ; Dr. Sara Nandjip Moneyang
- « Réflexion sur l’égalité des créanciers dans les procédures collectives OHADA » - Revue des procédures
collectives n°4, juillet 2010, étude 22.// Collection Horizons Juridiques Africains, Volume 1, Université́ Paul
Cézanne Aix-Marseille III, Faculté́ de droit et de science politique, Centre de Droit Économique. Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, p.455.
35
Michel Cabrillac, « Les ambiguïtés de l’égalité entre les créanciers » in « Mélanges en hommage à André
Breton et Fernand Derrida » - Dalloz juin 1991 – p. 31 à 39.
36
M. Cabrillac, article précité, P. 32 n°3 §1 l’auteur pose la question de savoir si l’égalité concerne ou devrait
concerner les rapports entre les seuls créanciers chirographaires ou les rapports entre tous les créanciers.
37
M. Cabrillac, article précité, p.34 n°9 §1, l’auteur s’interroge sur le point de savoir si le principe d’égalité
est « un principe général directement applicable en tant que tel, principe dont l’émergence dans plusieurs
règles écrites n’épuiserait pas toutes les applications ? Ou bien n’est-elle que le trait commun à quelques
règles sporadiques, qui ne saurait être étendu au-delà des limites de ces critères ? ».
38
Michel Cabrillac – article précité- p. 38 n°17. Selon cet auteur, l’égalité serait « le fruit d’un amalgame
entre les règles qu’engendre naturellement l’idée d’égalité et les règles qui se traduisent aussi par un
traitement uniforme des créanciers mais qui peuvent découler d’autres idées ». Or, selon lui, « les
applications de l’idée d’égalité à l’état pur sont rares et on ne peut guère classer comme telles avec certitude
que la loi du concours et que la règles des délais identiques imposés par le plan de continuation. D’autres
règles communément rattachées à l’idée d’égalité procèdent de fondements différents, qui se conjuguent
plus ou moins avec elle de sorte qu’il est difficile de démêler ce qui revient à chacun. »

22
qui plaide contre le créancier habile en affaires et qui a su tisser sur la durée une bonne
relation avec son débiteur puisqu’en cas de difficultés de ce dernier, il ne devrait pas
pouvoir profiter de sa relation privilégiée. Selon M. Vasseur, le principe d’égalité serait la
garantie « qu’aucun autre créancier, grâce à sa plus grande diligence ou à sa proximité du
débiteur, ne pourra se faire payer à son détriment, voire rendre son droit inefficace en
absorbant l’actif »39.

Ainsi, le créancier chirographaire que vise le principe d’égalité parait moins désincarné. Il
s’agirait d’un parangon de la vertu faite créancier, désintéressé et peu adroit en affaires,
qui se laisserait porter par les vicissitudes de la procédure collective en refusant d’espérer
d’avantage que le paiement égalitaire en cas de concours avec ses pairs. Mais quid du
créancier chirographaire qui, par l’obtention d’un contrat de sûreté, recherche l’inégalité
du paiement en cas de concours ? Un tel créancier adopte-t-il un comportement contraire
au principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation qu’il
convient de sanctionner en ramenant son auteur dans le giron du paiement égalitaire en
cas de concours entre créanciers chirographaire ? M. Vasseur comme Mme Reymond de
Gentile insistent dans les développements de leurs thèses respectives sur la propension
qu’ont certains créanciers à « tenter » d’échapper à l’égalité dans le cadre de la procédure
collective, notamment en se revendiquant d’une qualité qui le permet, ou en combattant
le caractère suspect d’un acte accompli dans un temps proche de la décision d’ouverture
de la procédure de liquidation.

16. Parce que le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation présente une coloration comminatoire qui ne peut laisser indifférent les
investisseurs potentiels, il faut pouvoir en évaluer le périmètre pour en appréhender le
sens. L’étude sera donc l’occasion d’identifier le créancier chirographaire à la procédure
de liquidation. De cette identification dépend beaucoup. On pourra voir quels arbitrages
les législateurs OHADA et français ont opérés entre l’individualisme naturel et parfois
souhaitable du créancier et ce principe susceptible de freiner l’investissement. Cette

39
Michel Vasseur, thèse précitée – p. 17 n°5 sur le fondement économique du principe d’égalité.

23
identification permettra encore d’élucider le sens, la valeur et la portée du principe pour
déterminer son influence sur la prise en compte des intérêts des créanciers dans le
périmètre de l’étude. Enfin, elle permettra d’apprécier le lien qu’entretient le principe
d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation avec la règle du
paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires ; étant entendu
que ce lien, s’il existe et aboutit trop souvent à l’application de la règle du paiement
égalitaire, sera considéré comme attentatoire à l’intérêt que peut avoir un créancier
OHADA ou français à investir.

17. Plan. Paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires ;


principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation… La
question du sort des créanciers d’un débiteur en difficultés revient finalement à poser
celle du périmètre de l’égalité dans les législations soumises à la comparaison pour
déterminer laquelle est la plus égalitariste des deux. Aussi, il sera considéré pour l’occasion
que, plus l’égalité s’imposera aux créanciers, moins un créancier aura intérêt à s’engager
dans une relation d’affaires en France ou dans la zone couverte par le Traité OHADA.

Il convient de préciser ici que le critère de l’« égalité » n'est pas l'occasion de donner une
vue exhaustive de ce qui attend les créanciers OHADA et français d'un débiteur en
difficultés. Il sert d'étalon de mesure du risque qu'encourt le créancier désireux d'investir
dans un Etat membre de l'OHADA ou en France40, pour en comparer l’impact sur le
créancier « normalement » impliqué dans la vie des affaires d’un débiteur pareillement
impliqué (entrepreneur individuel, société civile ou commerciale de droit commun)
présentant des difficultés41.

40
Lorsque ce créancier évolue déjà dans un Etat partie au Traité.
41
Certes, l’entreprise n’est pas une donnée juridique mais économique. Cependant, le législateur OHADA
définit dans le préambule de l’AUPCAP révisé, ce qu’est une entreprise au sens de ce texte comme toute
personne physique ou morale soumise aux dispositions du présent Acte uniforme conformément à l'article
1-1 AUPCAP révisé suivant lequel « Le présent Acte uniforme est applicable à toute personne physique
exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute
personne morale de droit privé ainsi qu'à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale
de droit privé. Les procédures de conciliation, de règlement préventif, de redressement judiciaire et de
liquidation des biens sont applicables aux personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise
à un régime particulier lorsqu'il n'en est pas disposé autrement dans la réglementation spécifique régissant
ladite activité. Les activités soumises à un régime particulier au sens du présent Acte uniforme et des textes

24
18. Dans une première partie, nous évaluerons la réalité du péril que représente la règle
de l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires pour les
créanciers d’un débiteur en difficultés évoluant en France ou dans l’OHADA. Dans une
deuxième partie, nous évaluerons le péril que représente le principe d’égalité des
créanciers chirographaires à la procédure de liquidation, et notamment quant à sa
capacité à refuser les différences entre créanciers, quand un créancier s’efforce
d’échapper au lot commun, spécialement au moyen d’une sûreté.

19. L’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires (Première


partie) ; l’égalité de principe des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation
(Deuxième partie).

les régissant sont, notamment, celles des établissements de crédit au sens de la loi bancaire, des
établissements de micro finance et des acteurs des marchés financiers ainsi que celles des sociétés
d'assurance et de réassurance des États parties au Traité de l'OHADA ». Ce faisant, l’AUPCAP en profite pour
définir la « petite entreprise » comme « toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de
droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont le chiffre d'affaires
n'excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze (12) mois
précédant la saisine de la juridiction compétente conformément au présent Acte uniforme ».

25
Première partie : L’égalité du paiement en cas de concours entre
créanciers chirographaires

20. Tous les créanciers d’un débiteur en difficultés sont titulaires d’un droit de gage
général (art. 2284 C. civ. ), puisque « les biens du débiteur sont le gage commun de ses
créanciers » (art. 2285 C. civ. ). Aussi, en cas de concours entre créanciers chirographaires
« le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers
des causes légitimes de préférence » (art. 2285 C. civ. ).

21. Il faut dans ces conditions prendre la mesure du principe d’égalité du paiement en
cas de concours entre les créanciers chirographaires pour les créanciers du débiteur en
difficultés dans les législations OHADA et française.

22. Plan. A priori, l’égalité est la moindre des menaces qui pèse sur les créanciers d’un
débiteur en difficultés. D’abord parce que le droit de gage général est loin d’être la seule
garantie d’exécution dont jouit un créancier dans ces législations. Le fait est qu’on ne
dénombre que quelques créanciers chirographaires pour un débiteur en difficultés
(chapitre premier). Ensuite, parce que dans ce qui tient lieu aujourd’hui de droit des
entreprises en difficultés, les législations en comparaison ne soumettent plus que
quelques biens du débiteur en difficultés à l’égalité du paiement en cas de concours entre
créanciers chirographaires (chapitre deuxième).

26
Chapitre premier : Quelques créanciers du débiteur en difficultés tenus à l’égalité en cas
de concours

23. Est un créancier chirographaire le créancier qui ne dispose que du droit de gage
général pour garantir l’exécution du débiteur (art. 2284 in fine C. civ. ). Cependant, tous
les créanciers sont titulaires d’un droit de gage général puisque les biens du débiteur sont
leur gage commun (art. 2285 C. civ. ). Ce faisant, faut-il en déduire que tous les créanciers,
parce qu’ils sont titulaires du droit de gage général, sont des créanciers chirographaires ?

24. Force est de constater qu’une réponse négative doit être apportée à cette question.
De prime abord, peu de créanciers du débiteur en difficultés sont susceptibles de se voir
appliquer la règle du paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers
chirographaires. D’abord parce que l’égalité ainsi promise en cas de concours est résistible
(I) pour une bonne partie des créanciers du débiteur en difficultés (I), ensuite parce qu’elle
est réversible pour tous les autres notamment au moyen d’une sûreté (II).

I- L’égalité résistible

25. Si tous les créanciers sont titulaires d’un droit de gage général, tous les créanciers
sont-ils tenus au paiement égalitaire en cas de concours entre les créanciers
chirographaires ? Rien n’est moins certain a priori.

26. Les législations OHADA et française prévoient un niveau de protection relativement


élevé en dehors du droit de gage général, sans manifestation de volonté. Il y a, d’un côté,
la pluralité de créanciers munis d'une cause légitime de préférence légale ou judiciaire,
laquelle permet de faire exception à l'égalité du paiement en cas de concours (1§) ; de
l'autre, il y a ceux qui peuvent déroger à la loi du concours parce qu’ils disposent d’une
priorité de paiement, d’une situation d’exclusivité sur un bien, ou parce qu’un tiers est
tenu au paiement de la dette d’autrui par une modalité liée au régime de l’obligation
souscrite (2§).

27
1§- Les exceptions à l'égalité

27. « Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en
distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes
légitimes de préférence » (art. 2285 C. civ. ). Ces causes sont les privilèges (A) et les
hypothèques (art. 2323 C. civ. ) auxquelles il convient d’ajouter le nantissement (B). Elles
ont une source légale ou judiciaire.

A- Les privilèges

28. Le privilège est un droit appartenant à un créancier d’être payé sur le prix de vente
d’un ou plusieurs biens du débiteur par préférence à d’autres créanciers42. Il procède d’un
texte. On distingue les privilèges généraux (1) des privilèges spéciaux (2).

1- Les privilèges généraux

29. Généralités. Le législateur OHADA comme le législateur français (articles 2331 à


2376 C.civ.) , institue des privilèges généraux qui s’exercent sur l’ensemble des biens
meubles et immeubles du débiteur. Comme l’explique M. Joseph Issa Sayegh43 en
substance, la liste des privilèges généraux légués par le Code civil était devenue archaïque,
abondante et désordonnée. Par ailleurs, leur assiette (mobilière et immobilière) ainsi que
leur classement étaient déterminés de façon confuse. Il s’avérait donc nécessaire de
réduire cette liste en éliminant les privilèges qui ne correspondaient plus à l’Afrique ni à
l’époque actuelle, et de déterminer de façon aussi précise que possible leur assiette et
leur rang. Les privilèges généraux étaient en principe occultes. Pourtant, certains d’entre
eux garantissaient des sommes très importantes dont la découverte surprenait
fâcheusement les créanciers qui avaient accordé du crédit au débiteur dans l’ignorance
totale de ce passif privilégié qui absorbait souvent la quasi-totalité de l’actif. Il a donc paru

42
Gérard Cornu, « Vocabulaire juridique » - Association Henri Capitant, Puf.
43
Joseph Issa Sayegh –-« Acte Uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés – JO OHADA
n°22, 15/0211» OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés – Ed. Juriscope 2014 - note sous
la section 1 « privilèges généraux » p. 941.

28
opportun d’assurer la publicité de ces privilèges pour les rendre opposables à travers un
registre du commerce et du crédit mobilier, lequel est règlementé par l’Acte uniforme sur
le droit commercial général44.

30. Domaine. Selon l’article 179 AUS révisé, les privilèges généraux confèrent un droit
de préférence à certaines créances. Ainsi, il résulte de l’article 180 AUS révisé que sont
privilégiés, sans publicité et dans l'ordre qui suit : 1°) les frais d'inhumation, les frais de la
dernière maladie du débiteur ayant précédé la saisie des biens ; 2°) les fournitures de
subsistance faites au débiteur pendant la dernière année ayant précédé son décès, la
saisie des biens ou la décision judiciaire d'ouverture d'une procédure collective ; 3°) les
sommes dues aux travailleurs et apprentis pour exécution et résiliation de leur contrat
durant la dernière année ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la
décision judiciaire d'ouverture d'une procédure collective ; 4°) les sommes dues aux
auteurs d'œuvres intellectuelles, littéraires et artistiques pour les trois dernières années
ayant précédé le décès du débiteur, la saisie des biens ou la décision judiciaire d'ouverture
d'une procédure collective ; 5°) dans la limite de la somme fixée légalement pour
l'exécution provisoire des décisions judiciaires, les sommes dues aux organismes de
sécurité et de prévoyance sociales ; 6°) dans la limite de la somme fixée légalement pour
l'exécution provisoire des décisions judiciaires, les sommes dont le débiteur est redevable
au titre des créances fiscales et douanières.

Les créances fiscales, douanières et des organismes de sécurité et de prévoyance sociales


sont privilégiées au-delà du montant fixé par l'article 180 5°) et 6°) du présent Acte
uniforme, selon l’article 181 al. 1er AUS révisé. Ces privilèges n'ont d'effet que s'ils sont
inscrits, dans les six mois de l'exigibilité de ces créances, au Registre du Commerce et du
Crédit Mobilier. Toutefois, s'il y a eu infraction à la législation fiscale, douanière ou sociale,
le délai ne commence à courir qu'à compter de la notification de la contrainte ou du titre

44
Voir aussi Crocq Pierre, « Une controverse au sujet du rang du privilège accordé aux créances des
organismes de sécurité sociale », Revue de droit uniforme africain, n°5, 2ème trimestre 2011, Dossier spécial
Révision de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés, p. 17 ; War Djibril, « Harmonisation
du droit des affaires : ouragan sur le superprivilège des travailleurs », Revue EDJA, octobre-décembre 1995,
n°27, p. 47, OHADAta D-06-39.

29
de perception ou de tout autre titre de mise en recouvrement (art. 181 al. 2). L'inscription
conserve le privilège du Trésor public, de l'Administration des douanes et des organismes
de sécurité et de prévoyance sociales pendant trois ans à compter du jour où elle a été
prise ; son effet cesse sauf renouvellement demandé avant l'expiration de ce délai (art.
181 al. 3).

31. Classement. Les privilèges généraux sont exercés par leurs titulaires dans les
conditions que fixe l’AUS révisé aux articles 225 et 226 AUS révisé (art. 180 al. 1er). Ainsi,
s’agissant des deniers provenant de la réalisation des immeubles, ils sont distribués dans
l'ordre établi par l’article 225 AUS révisé : 1°) aux créanciers des frais de justice engagés
pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même du prix ; 2°) aux
créanciers de salaires superprivilégiés ; 3°) aux créanciers titulaires d'une hypothèque
conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun
selon le rang de son inscription au registre de la publicité immobilière ; 4°) aux créanciers
munis d'un privilège général soumis à publicité chacun selon le rang de son inscription au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ; 5°) aux créanciers munis d'un privilège
général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 180 du présent Acte
uniforme ; 6°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont
intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la procédure. Toutefois, en cas
d'insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 5°) et 6°)
du présent article venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la
proportion de leurs créances totales, au marc le franc.

Quant aux deniers provenant de la réalisation des meubles, ils sont distribués dans l'ordre
établi à l’article 226 AUS révisé : 1°) aux créanciers des frais de justice engagés pour
parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même du prix ; 2°) aux
créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du débiteur dans l'intérêt des
créanciers dont le titre est antérieur en date ; 3°) aux créanciers de salaires
superprivilégiés ; 4°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à publicité, un
gage, ou un nantissement, chacun à la date de son opposabilité aux tiers ; 5°) aux

30
créanciers munis d'un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte le
privilège ; en cas de conflit entre créances assorties d'un privilège spécial sur le même
meuble, la préférence est donnée au premier saisissant ; 6°) aux créanciers munis d'un
privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 180 du présent
Acte uniforme ; 7°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils
sont intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la procédure de distribution. En cas
d'insuffisance de deniers pour désintéresser les créanciers désignés aux 1°), 2°), 3°), 6°) et
7°) venant à rang égal, ceux-ci concourent à la distribution dans la proportion de leurs
créances totales, au marc le franc.

32. Conclusion 1. De prime abord, on peut dire que l’objectif est atteint quant à la
détermination claire de l’assiette et du rang entre les privilèges généraux et parmi les
autres sûretés. En revanche, on ne peut pas dire que l’AUS révisé rompt totalement avec
l’occultisme décrié puisque coexistent des créances nanties d’un privilège général dont la
publicité n’est pas exigée et d’autres45 pour lesquelles l’inscription est requise. Aussi faut-
il remarquer que l’énumération des privilèges généraux dans l’AUS n’est pas exhaustive
puisque l’article 179 AUS révisé précise que les textes spéciaux créant des privilèges
généraux doivent préciser le rang de ceux-ci en le déterminant par rapport aux
dispositions de l'article 180 AUS révisé (al. 2). À défaut, le rang de ces privilèges est le
dernier de celui établi par ledit article 180 (al. 3). Ce faisant, il n’est pas si évident que leur
volume soit effectivement moins important sous prétexte qu’une partie d’entre eux soit
harmonisée. La liste des privilèges généraux établie dans le Code civil français renseigne
sur l’inflation potentielle des privilèges généraux qui, par des textes spéciaux, sont
susceptibles d’être institués dans la législation nationale d’un Etat partie au Traité OHADA,
et l’obligation pour chaque créancier de se renseigner sur le bénéfice d’un privilège pour
sa créance. Il faut donc observer qu’une dissonance dans l’harmonie souhaitée est notable
puisque chaque Etat partie reste souverain quant à l’établissement d’un nouveau privilège
général et à la fixation de son rang, laquelle est toutefois contrainte par le classement
harmonisé dans l’AUS révisé puisque les privilèges généraux sont exercés par leurs

45
Probablement celles dont le montant peut être élevé.

31
titulaires dans les conditions que fixe l’AUS révisé aux articles 225 et 226 AUS révisé 46 (art.
180 al. 1er).

2- Les privilèges spéciaux

33. Le législateur OHADA, comme le législateur français (art. 2332 à 2374 C. civ. ), prévoit
qu’un certain nombre de créances bénéficient d’un privilège sur un bien spécifique, c’est-
à-dire d’un privilège spécial. Comme l’explique M. Joseph Issa Sayegh47, les privilèges
spéciaux n’existent plus qu’en matière mobilière depuis que les décrets fonciers de
l’époque coloniale ont transformé les privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques
forcées légales. La liste des privilèges mobiliers spéciaux (art. 182 à 189 AUS révisé)
méritait également un toilettage pour évincer ceux qui ne correspondaient plus à rien dans
la vie économique moderne ou réduire l’importance de ceux qui étaient excessifs. Un
autre point délicat était à régler : le conflit des privilèges mobiliers spéciaux portant sur
les mêmes meubles. Une seule règle de solution a été retenue : la préférence est accordée
au premier saisissant et, après lui, aux saisissants et opposants ultérieurs par application
de l’article 226,5° de l’AUS révisé48.

34. Selon l’article 182 AUS révisé, les créanciers titulaires de privilèges spéciaux ont, sur
les meubles qui leur sont affectés comme assiette par la loi, un droit de préférence qu'ils
exercent, après saisie49. Le droit de préférence s'exerce aussi, par subrogation, sur
l'indemnité d'assurance du meuble qui a péri ou disparu, tant qu'elle n'est pas payée.
L’AUS révisé identifie un certain nombre de privilèges spéciaux.

Ainsi, le vendeur a, sur le meuble vendu, un privilège pour garantie du paiement du prix
non payé, si le bien est encore en la possession du débiteur, ou sur le prix encore dû par
le sous-acquéreur (art. 183 AUS révisé)50.

46
Voir infra.
47
Joseph Issa Sayegh –-« Acte Uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés – JO OHADA
n°22, 15/0211» OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés – Ed. Juriscope 2014 - note sous
la section 2 « privilèges spéciaux » p. 944.
48
Cet objectif est manifestement atteint, voir supra « les privilèges généraux » n°30 § 2.
49
Selon les dispositions prévues par l'article 226 du présent Acte uniforme.
50
Sur le privilège du vendeur de fonds de commerce (voir art. 166 à 173 AUS révisé).

32
Le bailleur d’immeuble aussi bénéficie d’un privilège sur les meubles garnissant les lieux
loués. Selon l’article 184 AUS révisé, ce privilège garantit, outre les dommages-intérêts qui
pourraient lui être alloués, les créances du bailleur contre le preneur pour les douze mois
échus précédant la saisie et pour les douze mois à échoir après celle-ci. Le preneur ou
toute personne qui, par des manœuvres frauduleuses, prive le bailleur de son privilège
totalement ou partiellement, commet une infraction pénale réprimée par la loi nationale
de chaque État Partie. Il est précisé qu’en cas de déplacement des meubles sans son
consentement, le bailleur peut procéder à leur saisie et conserve son privilège sur eux s'il
en a fait la déclaration de revendication dans l'acte de saisie.

De même encore, le transporteur terrestre a un privilège sur la chose transportée, pour


tout ce qui lui est dû à condition qu'il y ait un lien de connexité entre la chose transportée
et la créance (art. 185 AUS). Le travailleur d'un exécutant d'ouvrage à domicile a un
privilège sur les sommes dues par le donneur d'ouvrage pour garantir les créances nées
du contrat de travail si celles-ci sont nées de l'exécution de l'ouvrage (art. 186 AUS révisé).

Pareillement, les travailleurs et fournisseurs des entreprises de travaux ont un privilège


sur les sommes restant dues à celles-ci pour les travaux exécutés, en garantie des créances
nées à leur profit à l'occasion de l'exécution de ces travaux. Les salaires dus aux
travailleurs sont payés par préférence aux sommes dues aux fournisseurs (art. 187 AUS
révisé).

Enfin, le commissionnaire a sur les marchandises qu'il détient pour le compte du


commettant un privilège pour garantir ses créances nées du contrat de commission
(article 188 AUS). Enfin, celui qui a exposé des frais ou fourni des prestations pour éviter
la disparition d'une chose ou sauvegarder l'usage auquel elle est destinée à un privilège
sur ce meuble (article 189 AUS).

35. Conclusion 2. Si la liste des privilèges spéciaux instituée par le législateur OHADA est
moins étendue dans l'AUS révisé que dans le Code civil français, cette liste n’est pas

33
exhaustive dès lors l’article 182 AUS révisé prévoit que les créanciers titulaires de
privilèges spéciaux sont affectés comme assiette par la loi51. En effet, s'il appartient à la loi
de déterminer les biens qui sont affectés par la loi d’un droit de préférence, c'est dire qu'il
s'agit d'une prérogative des législations nationales, et donc d'une rupture dans l'harmonie
que promeut l'OHADA. Aussi, comme pour les privilèges généraux, une inflation des
privilèges spéciaux dans un Etat partie au Traité OHADA est à redouter comme en
témoigne la capacité du législateur français à en produire de nombreux. Enfin, force est
de constater que ces privilèges institués par la loi ne sont pas a priori tenus au respect du
rang établi par le législateur OHADA. En effet, contrairement aux privilèges généraux, il
n’est pas prévu que la législation nationale fixe le rang du privilège par référence au
classement harmonisé.

36. Conclusion A. Ainsi, dans les législations OHADA et française, la naissance


chirographaire des créances est rare, tant les privilèges prolifèrent et couvrent une bonne
partie de l’activité économique. Il suffit au créancier de s’informer pour identifier si la
créance qu’il détient sur son débiteur est chirographaire ou privilégiée. Bien entendu, il
conviendra de respecter les règles qui président à son efficacité, notamment en terme de
publicité, pour qu’en cas de concours avec des créances chirographaires, le créancier
titulaire d’une cause légitime de préférence puisse l’opposer valablement et, ce faisant,
échapper à la règle du paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers
chirographaires.

B- Les autres sûretés

37. En marge des privilèges, le créancier OHADA comme le créancier français peut se
voir octroyer une hypothèque légale et judiciaire (1) ou un nantissement judiciaire (2).

1- L’hypothèque légale et judiciaire

51
Selon les dispositions prévues par l'article 226 du présent Acte uniforme.

34
38. Généralités. L’hypothèque est une sûreté réelle immobilière constituée sans
dépossession du débiteur et en vertu de laquelle le créancier bénéficiaire qui a procédé à
l’inscription hypothécaire a la faculté de faire vendre l’immeuble grevé en quelques mains
qu’il se trouve, et d’être payé par préférence sur le prix. Dans l’OHADA, l’hypothèque se
définie comme « L'affectation d'un immeuble déterminé ou déterminable appartenant au
constituant en garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition
qu'elles soient déterminées ou déterminables » (art. 190 AUS révisé). L’hypothèque peut
notamment être légale ou judiciaire selon l’article 190 al. 2 AUS révisé.

L’énumération des hypothèques n’est pas exhaustive dans l’AUS révisé. Aussi est-il précisé
que les hypothèques forcées autres que celles prévues dans l’OHADA sont régies par les
dispositions particulières de la loi nationale de chaque Etat Partie, ce qui ne milite pas en
faveur de l’harmonie à laquelle prétend le traité OHADA. A cet égard, les développement
sur ce point quant aux privilèges peuvent s’appliquer à l’hypothèque forcée. Enfin, l’article
191 AUS révisé précise que , « sauf disposition contraire, les règles applicables aux
hypothèques conventionnelles s'appliquent également aux hypothèques forcées ».

39. L’hypothèque légale. L’hypothèque est légale lorsqu’elle est attachée par la force de
la loi à certaine créances déterminées. Selon l’article209 AUS révisé, l’hypothèque peut
être forcée, c’est le cas lorsqu’elle est conférée, sans le consentement du débiteur, par la
loi. Comme le précise M. Issa Sayegh52, ces hypothèques remplacent (depuis les textes
fonciers coloniaux 53 les privilèges immobiliers spéciaux du droit français. Il a paru judicieux
de les maintenir. Toutefois, seule les hypothèques pouvant avoir trait au droit des affaires
ont été réglées par l’Acte uniforme, notamment celles du vendeur, de l’échangiste et du
copartageant d’une part, et celles de l’architecte et des entrepreneurs, d’autre part. Les

52
Joseph Issa Sayegh –-« Acte Uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés – JO OHADA
n°22, 15/0211» OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés – Ed. Juriscope 2014 - note sous
le Titre 3 « hypothèques » p. 949 § 3.
53
Décret du 28 mars 1899, modifié par le décret du 12 décembre 1920, applicable au Congo, au Gabon, au
Tchad et en Centrafrique ; le décret du 24 juillet 1906 applicable au Togo ; le décret du 26 juillet 1932
applicable au Sénégal, en Mauritanie, au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger, au Bénin et en Côte
d’Ivoire ; le décret du 21 juillet 1932 applicable au Cameroun.

35
autres hypothèques forcées relevant du droit de la famille ou de la comptabilité publique
ont été laissées à la souveraineté de chaque Etat (art. 211 à 212 AUS révisé).

En droit français, il ressort de l’article 2400 du Code civil qu’indépendamment des


hypothèques légales résultant d'autres codes ou de lois particulières, les droits et créances
auxquels l'hypothèque légale est attribuée sont : 1° Ceux d'un époux, sur les biens de
l'autre ; 2° Ceux des mineurs ou majeurs en tutelle, sur les biens du tuteur ou de
l'administrateur légal ; 3° Ceux de l'État, des départements, des communes et des
établissements publics, sur les biens des receveurs et administrateurs comptables ; 4°
Ceux du légataire, sur les biens de la succession, en vertu de l'article 1017 ; 5° Ceux
énoncés en l'article 2331, 2°, 3°, 5°, 6°, 7° et 8°.

Ainsi, les hypothèques légales instituées dans l'AUS révisé sont plus nombreuses que celles
listées dans le Code civil français. Cette liste n'est d'ailleurs pas exhaustive puisque le texte,
rappelons-le, prévoit que les hypothèques forcées légales autres que celles prévues par l’
Acte uniforme sont régies par les dispositions particulières de la loi nationale de chaque
État Partie (art. 209 AUS révisé). M. Issa-Sayegh explique que la loi nationale de chaque
Etat partie peut effectivement établir ses propres hypothèques forcées légales, celles
propres au droit de la famille ou au droit public puisque l’Acte Uniforme n’en avait pas la
compétence ratione materiae. Selon cet auteur, « c’est là un nouveau renvoi au droit
national qui ne pose pas de problème dans la mesure où le rang de toute hypothèque est
déterminé par sa date d’inscription »54. Cette position ne convainc qu’à moitié dans la
mesure où les problèmes familiaux du débiteur sont susceptibles de nuire au crédit de ce
dernier. Or l’objectif de l’OHADA résidait quand même dans la volonté d’instaurer un
climat sûr pour les affaires ; le cloisonnement n’est donc pas maximal.

40. L’hypothèque judiciaire. L’hypothèque est judiciaire lorsqu’elle est attachée de


plein droit aux jugements de condamnation ou sentences arbitrales rendus exécutoires et

54
Joseph Issa Sayegh –-« Acte Uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés – JO OHADA
n°22, 15/0211» OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés – Ed. Juriscope 2014 - note sous
la section 1 « hypothèque légale » « hypothèques » p. 960 § 3.

36
à certaines contraintes administratives. Pour le législateur OHADA, l’hypothèque forcée
judiciaire est celle qui est conférée, sans le consentement du débiteur par une décision de
justice. Ainsi, pour sûreté de sa créance55, le créancier peut être autorisé à prendre une
inscription provisoire d'hypothèque sur les immeubles de son débiteur en vertu d'une
décision de la juridiction compétente du domicile du débiteur ou du ressort dans lequel
sont situés les immeubles à saisir (art. 213 AUS révisé). Les articles 213 al. 2 à 3, à 221 AUS
révisé établissent le régime propre aux hypothèques forcées judiciaires.

En France, l'hypothèque judiciaire résulte des jugements, soit contradictoires, soit par
défaut, définitifs ou provisoires, en faveur de celui qui les a obtenus. Elle résulte également
des décisions arbitrales revêtues de l'ordonnance judiciaire d'exécution ainsi que des
décisions judiciaires rendues en pays étrangers et déclarées exécutoires par un tribunal
français (art. 2412 al. 1erC. civ. ).

41. Conclusion 1. Dans les législations OHADA et française, la loi ou le juge peuvent
conférer une situation d'inégalité à un créancier sur le prix d'un immeuble. Ces sûretés
sont octroyées par le législateur, indépendamment de volonté du débiteur, au créancier
qui en fait la demande parce qu’un texte l’y autorise, ou qu’un juge, sur le fondement d’un
texte, apprécie l’opportunité de l’octroyer.

2- Le nantissement judiciaire

42. Traditionnellement, le nantissement est une sûreté réelle par laquelle un débiteur
remet à un créancier, pour sûreté de la dette, la possession effective d’un bien et concède
sur ce dernier notamment un droit de préférence. Le législateur OHADA, comme le
législateur français (art. 2355 C. civ. ), retient désormais une autre définition. En effet, le
nantissement se conçoit maintenant comme « l'affectation d'un bien meuble incorporel
ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en garantie d'une ou

55
En dehors des cas prévus par les articles 210 à 212 du présent Acte uniforme, lesquels sont applicables
aux créanciers bénéficiant d’une hypothèque forcée légale.

37
plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou
déterminables » (art. 125 AUS révisé). Le nantissement est judiciaire (art. 125) lorsqu’il
émane d’une décision de justice pour en garantir l’exécution à titre conservatoire.

43. Tous les biens incorporels ne peuvent cependant pas être l’objet d’un nantissement
judiciaire. Pour le législateur OHADA, seuls les droits d'associés, les valeurs mobilières et
le compte de titres financiers56, le fonds de commerce57 et les droits de propriété
intellectuelle sont concernés58 (art. 126 AUS révisé).

Un Tribunal de Commerce de Pointe-Noire au Congo a jugé dans une ordonnance de référé́


rendue au visa des articles 71, 140, 142, 144 AUS ancien59 que, à peine de nullité́, la
décision judiciaire autorisant le nantissement du fonds de commerce doit comporter
toutes les mentions prévues à l’article 70 AUS. En l’espèce, la mention concernant la
débitrice ne figurait pas dans la décision, de même que les éléments du fonds nanti ainsi
que les conditions d’exigibilité́ de la dette principale et des intérêts. En outre, selon l’article
140 AUS ancien, « le créancier doit notifier la décision ordonnant l’hypothèque judiciaire
en délivrant l’assignation en vue de l’instance en validation ou de l’instance au fond. Il doit
également notifier l’inscription dans la quinzaine de cette formalité́... ». Après avoir
obtenu l’autorisation d’inscrire le nantissement, aucune formalité́ n’a été́ accomplie par
la créancière pour donner suite à̀ cette mesure de sûreté de sorte qu’il n’y a eu aucune

56
La juridiction compétente peut autoriser le créancier à prendre une inscription de nantissement sur les
droits d'associés et valeurs mobilières. Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions relatives à la
saisie conservatoire des titres sociaux réglementée par les dispositions de l'Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. La décision de justice
doit comporter les mentions prévues par l'article précédent. (art. 142 AUS révisé).
57
La juridiction compétente peut autoriser le créancier à prendre une inscription de nantissement sur le
fonds de commerce de son débiteur. Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions relatives à la
saisie conservatoire des titres sociaux réglementée par les dispositions de l'Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. La décision judiciaire
doit comporter toutes les mentions prévues par l'article précédent.
58
La juridiction compétente peut autoriser le créancier à prendre une inscription de nantissement sur les
droits de propriété intellectuelle. Le nantissement judiciaire est régi par les dispositions relatives à la saisie
conservatoire des titres sociaux réglementée par les dispositions de l'Acte uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. La décision de justice doit
comporter les mentions prévues par l'article précédent (art. 158 AUS révisé).
59
Ordonnance n° 030 du 19 mars 2008, Société́ Sac c/ Société́ SDV-Congo. OHADAta J-13-118.

38
procédure au fond qui aurait pu aboutir à une décision autorisant l’inscription définitive
du nantissement. Dès lors, le juge des référés, constatant la péremption d’instance et
l’abandon du nantissement sur le fonds de commerce, a ordonné la mainlevée et la
radiation du nantissement conformément à̀ l’article 142 AUS.

44. En France, le gage judiciaire avait fait son apparition avec la loi du 5 juillet 1972 qui
lui assignait un domaine limité aux « sommes, effets ou valeurs » (art. 2075-1 C. civ.
ancien). La loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures d’exécution (art. 77 et
suivant) étend ce domaine. Ainsi, la sûreté judiciaire peut être constituée à titre
conservatoire sur les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières
(art. L531-1 du code des procédures civiles d’exécution). Le mécanisme repose sur une
publicité provisoire et une publicité définitive identique à celui de l’hypothèque
conservatoire.

45. Conclusion 2. Ainsi, dans les législations OHADA et française, le juge peut conférer
une situation d'inégalité sur le prix d'un bien meuble incorporel par le biais d’un
nantissement judiciaire à un créancier qui en fait la demande à l’occasion d’un procès,
indépendamment de la volonté du débiteur. Pourtant, le nantissement n’est pas cité par
le Code civil à l’article 2323 au titre des causes légitimes de préférence susceptibles de
faire échec à l’application de la loi de l’égalité du paiement en cas de concours entre
créanciers chirographaires. Il n’en reste pas moins que demander au juge un nantissement
judiciaire, c’est lui demander d’empêcher que la règle de l’égalité en cas de concours lui
soit applicable. Faire droit à cette demande, c’est hisser le créancier au rang de créancier
privilégié, et donc lui reconnaitre une cause légitime de préférence.

46. Conclusion B. Pour le créancier normalement informé, qui connait son droit à
bénéficier d’une hypothèque légale et la demande à son débiteur, ou sait qu’il peut
demander au juge une sûreté judiciaire à titre conservatoire (hypothèque ou
nantissement judiciaire) à l’occasion d’un litige porté en justice, le principe de l’égalité du
paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires ne s’applique pas. Le

39
législateur et le juge hissent sa créance au rang de « créance privilégiée » en affectant la
créance garantie d’une cause légitime de préférence. Ce faisant, il sera fait exception à
l’application de la loi de l’égalité en cas de concours.

47. Résumé 1§). Le bénéfice du droit de gage général ne fait pas le créancier
chirographaire. La preuve en est que les législateurs OHADA et français, via le juge le cas
échéant, octroient à certains créanciers une sécurité renforcée : les causes légitimes de
préférence (art. 2323 c. civ) que sont les privilèges, les hypothèques légales ou judiciaires,
auxquels vient s’ajouter le nantissement judiciaire. Les créanciers dotés de causes
légitimes de préférence peuvent faire exception à la règle de l’égalité du paiement en cas
de concours entre créanciers chirographaires (art. 2285 C. civ. ).

2§- Les dérogations au concours

48. « La sûreté n’est pas une notion, ce n’est qu’une étiquette qui s’accommode du
disparate »60. En effet, en l’absence d’une cause légitime de préférence légale ou
judiciaire, un créancier non muni d’une cause légitime de préférence peut échapper au
concours, et ce faisant, à l’égalité du paiement qui lui est promise en cas de concours.

49. Outre les priorités de paiement61, les situations d’exclusivité sur un bien (A) et les cas
où un tiers est tenu au paiement de la dette du débiteur par un mécanisme lié au régime
de l’obligation (B) sont pléthore.

A- L’exclusivité sur un bien

50. L’article 167 AUPCAP révisé62 prévoit les modalités de distribution des deniers
provenant de la réalisation des biens meubles. Il est notamment prévu que la distribution
s’effectue « sans préjudice de l'exercice d'un éventuel droit de rétention (a) ou d'un droit

60
Maurice Cabrillac, Christian Mouly, Séverine Cabrillac, Philippe Pétel –« Droit des sûretés » – Manuel, 8ème
édition –Lexis Nexis – Litec - n°2§2 p. 2.
61
Lesquelles nuisent au paiement des créances privilégiées ;voir infra n°489 à 494.
62
Voir l’ancien AUPCAP dont la rédaction omettait d’y faire allusion. Cependant, la doctrine faisait déjà
application de ces réserves pour les droits exclusifs.

40
exclusif au paiement ». Parmi ces droits : le droit de rétention (1), la compensation (2), le
droit de propriété (3).

1-Le droit de rétention

51. Généralités. Selon le dictionnaire de vocabulaire juridique63, la rétention est le fait


de retenir une chose que l’on doit remettre à autrui. En droit, le fait de retenir la chose
d’autrui est source de droit. Ainsi, le droit de rétention est le droit reconnu à un créancier
(le rétenteur) de retenir entre ses mains l’objet qu’il doit restituer à son débiteur tant que
celui-ci ne l’a pas lui-même payé. « Il s’agit d’un moyen de pression purement défensif, non
seulement contre le débiteur pour l’inciter à s’exécuter, mais aussi contre les autre
créanciers qui ne peuvent appréhender, pour le faire vendre, le bien détenu par le
rétenteur. Ces créanciers peuvent, en effet, en effet, avoir intérêt à payer la dette du
débiteur entre les mains du rétenteur, lorsque la valeur du bien retenu excède nettement
le montant de la dette garantie par le droit de rétention. Ce faisant, ils pourront saisir la
chose restituée par le rétenteur recouvrer leur propre créance 64».

52. Le législateur OHADA et le législateur français ont fait le choix d’insérer le droit de
rétention respectivement dans l’AUS révisé et le Livre IV intitulé « Des sûretés » dans le
Code civil français depuis une ordonnance du 23 mars 200665. Ce qui peut poser la
question de savoir si, en la matière, on peut se fier aux apparences. Le droit de rétention
est-il une sûreté réelle et, dans l’affirmative, a-t-il sa place au côté des autres sûretés ?

La jurisprudence de la Cour de Cassation française conduisait à en douter, le droit de


rétention ne conférant ni droit de suite ni droit de préférence66. En revanche, il était
permis d’hésiter s’agissant du droit de rétention institué dans l’OHADA pris dans sa

63
Gérard Cornu – « Vocabulaire juridique » - Association Henri Capitant – Quadrige / Puf p. 774.
64
Manuella Bourassin, Vincent Brémond, Marie-Noëlle Jobard-Bachellier, « Droit des sûretés », Sirey 3ème
édition, 2012, .p.369 à 375.
65
Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés.
66
Voir par exemple Com. 20 mai 1997, Bull. civ. IV, n°141 ; RTD civ. 1997. 707, obs. P. Crocq ; Defrénois
1997. 1427, obs. L. Aynès ; JCP 1998. I, n°103, obs. Ph. Delebecque ; D. 1998. Somm. 102, obs. S. Piedelièvre,
et 115, obs. R. Libchaber ; D. 1998. 409, note F. Kenderian ; Com. 9 juin 1998, Bull. civ. IV, n° 181.

41
première mouture aux articles 41 à 4367. L’article 41 AUS ancien prévoyait alors que « le
créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu'à complet
paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté ». Ce droit de
rétention ne pouvait s'exercer qu’en observant certaines conditions strictes. Ainsi fallait-il
l’exercer : « - avant toute saisie ; - si la créance est certaine, liquide et exigible ; - s'il existe
un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue » (art. 42 AUS
ancien). La connexité était alors réputée établie, « si la détention de la chose et la créance
sont la conséquence de relations d'affaires entre le créancier et le débiteur (art. 42 AUS
ancien al. 2). Aussi, le créancier devait renoncer au droit de rétention lorsque le débiteur
lui fournissait une sûreté réelle équivalente (art. 42 al. 3 AUS ancien). Enfin, dans le cas où
le créancier ne recevait ni paiement ni sûreté, ce dernier pouvait exercer ses droits de
suite et de préférence comme en matière de gage, sous réserve toutefois qu’il ait pris la
peine de le signifier en préalable au débiteur et au propriétaire de la chose (art. 43 AUS
ancien).

53. La révision de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés a été l’occasion
d’opérer un choix entre deux approches possibles du droit de rétention Dans sa version
initiale, l’AUS s’inspirait du droit sénégalais qui avait fait le choix d’un droit de rétention
au large domaine d’application puisque son existence était la simple conséquence des
relations d’affaires entre les parties. En revanche, ses effets étaient limités puisque le
droit de rétention ne conférait pas à son auteur une meilleure situation que celle procurée
par un contrat de gage établi au profit du créancier. Le droit de rétention issu de la révision

67
Pour des applications du droit de rétention sous l’empire de l’ancien AUS voir Joseph ISSA-SAYEGH -
Répertoire OHADA 2006-2010 p. 231 à 235 -, voir aussi Ddjita Akrawati Shamsidine, « le droit de rétention
comme sûreté en droit uniforme OHADA », Penant, n°844, juillet-septembre 2003, p. 279 ; Brou Kouakou
Mathurin, « Le droit de rétention en droit ivoirien : conditions d’exercice et prérogatives du rétenteur a
propos de l’affaire société SATA Mali c/ Société Incart Fiat », Etudes offertes au professeur Issa-Sayegh,
AIDD, 2006, p. 90 ; Issa-Sayegh Joseph, « Le droit de rétention en droit sénégalais, in Mélanges Charles
Freyria, p. 69 ; Penant, n°810, octobre-décembre 1992, p.261 ; James Jean-Claude, « Le droit de rétention
en droit uniforme africain, Afrique juridique et politique », La revue du CERDIP, Libreville, Volume 1, numéro
2, juillet-décembre 2002, p. 3 ; Outoumou Jean-Calry, « Le droit de rétention en droit OHADA », Penant
n°838, p. 75 ; Zerbo Zakeye, « Le droit de rétention dans l’Acte uniforme portant organisation des sûretés
de l’OHADA : étude comparative », Penant n°836, mai-août 2001.

42
de l’AUS se situe à rebours pour mieux protéger les créanciers susceptibles d’en
bénéficier68, en tant qu’il en précise certains aspects et apporte des modifications
profondes pour certains autres69.

Désormais, le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le
retenir jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre
sûreté70. Toutefois, le droit de rétention ne peut s'exercer que : - si la créance du rétenteur
est certaine, liquide et exigible ;- s'il existe un lien de connexité entre la naissance de la
créance et la détention de la chose retenue ;- et si le bien n'a pas été saisi avant d'être
détenu par le rétenteur (art. 68 AUS révisé). La connexité est réputée établie : 1°) lorsque
la chose retenue a été remise jusqu'au complet paiement de la créance du rétenteur ; 2°)
lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la chose
retenue ; 3°) lorsque la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose
retenue (Article 69 AUS révisé). Enfin, le créancier a l'obligation de conserver le bien
retenu en bon état.

L’acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route adopté le
22/03/2003 et entré en vigueur le 01/01/2004 prévoit à l'article 13 alinéa 3 qu’avant de
prendre livraison de la marchandise, le destinataire est tenu de payer le montant des
créances résultant de la lettre de voiture71. A défaut, l’article 15 du même acte uniforme
prévoit que le transporteur a le droit de retenir la marchandise transportée jusqu'au
paiement des créances résultant de la lettre de voiture. Si, selon la lettre de voiture, ces
sommes sont dues par le destinataire, le transporteur qui n'en exige pas l'exécution avant
la livraison perd son droit de les réclamer au donneur d'ordre. En cas de refus de paiement

68
Linonel Black Yondo, Michel Brizoua-Bi, Olivier Fille-Lambie, Louis-Jérôme Laisney, Ariane Marceau-Cotte
- Sous la direction de P. Crocq - « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés »- La réforme
du droit des sûretés de l’OHADA – 2012- Coll. Lamy Axe droit – n°186 à 187.
69
Linonel Black Yondo, Michel Brizoua-Bi, Olivier Fille-Lambie, Louis-Jérôme Laisney, Ariane Marceau-Cotte
- Sous la direction de P. Crocq - « Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés »- La réforme
du droit des sûretés de l’OHADA – 2012- Coll. Lamy Axe droit – n°189 à 199.
70
Sous réserve de l'application de l'article 107 alinéa 2, du présent Acte uniforme.
71
En cas de contestation à ce sujet, le transporteur n'est obligé de livrer la marchandise que si une caution
lui est fournie par le destinataire.

43
par le destinataire, le transporteur doit en aviser le donneur d'ordre et lui demander des
instructions.

54. France. En droit français, depuis Ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative
aux sûretés, le droit de rétention est désormais classé parmi les sûretés. L’article 2286 du
Code civil prévoit notamment que « peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose :
1° Celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ; 2° Celui dont la
créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ; 3° Celui dont la créance impayée
72
est née à l'occasion de la détention de la chose . Le droit de rétention se perd par le
dessaisissement volontaire ». La Cour de cassation considère le droit de rétention d'une
chose comme un droit réel opposable à tous73.

Cependant, le droit de rétention suppose la réunion de conditions pour être valablement


mis en œuvre. En effet, il faut qu’il s’exerce à raison d’une créance certaine74, liquide et
exigible75. Quant à la chose pouvant être retenue, elle doit également satisfaire à des
conditions, et notamment être dans le commerce76. Il a toutefois été jugé que
l'opposabilité du droit de rétention sur un immeuble n'est pas subordonnée à la publicité
foncière77.

Lorsque les conditions du droit de rétention sont réunies, celui-ci est opposable aux
tiers78ou au vendeur avec réserve de propriété79. Peuvent être également retenues par le
vendeur les marchandises qui ne sont pas délivrées ou expédiées au débiteur ou à un tiers

72
4° Celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession.
73
Civ. 1re, 7 janv. 1992, no 90-14.545 P; Com. 3 mai 2006, no 04-15.262 P; Civ. 1re, 24 sept. 2009, no 08-
10.152 P.
74
Com. 14 juin 1988, no 86-15.640 P ; Com. 26 mars 2013, no 12-12.204: JCP 2013. 1. 585, no 13.
75
Civ 3e, 23 avr. 1974, no 72-10.971 P: Civ. 3e, 12 mars 1985, no 83-16.548 P. Com. 8 juill. 1997, no 95-
14.518 P.
76
Civ. 1re, 9 oct. 1985, no 84-10245 P ; Com. 26 oct. 1999, no 96-20.488 P.
77
Civ. 3e, 16 déc. 1998, no 97-12.702 P.
78
Com. 3 mai 2006, no 04-15.262 P ; Civ. 1re, 24 sept. 2009, no 08-10.152 P .
79
Com. 3 oct. 1989: Com. 28 nov. 1989, no 87-19.626 P; Com. 14 nov. 1989, no 88-11.790 P.

44
agissant pour son compte (art. L624-15 C. com.). Toutefois, le droit de rétention ne permet
pas l'attribution de la chose retenue en pleine propriété80.

Enfin, pour que le droit de rétention puisse opérer, encore faut-il que le créancier
rétenteur soit en détention de la chose81. Il faut en outre qu’il existe un lien de connexité.
À cet égard, il y connexité conventionnelle lorsqu’une chose est remise jusqu’au paiement
de la créance (art. 2286-3o)82. La connexité est juridique lorsque la créance impayée résulte
du contrat obligeant le détenteur à livrer la chose (art. 2286-2o)83 , et elle est matérielle
lorsque la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose (art. 2286-
3o)84.

55. Conclusion 1. Un créancier sans sûreté légale ou judiciaire peut tout simplement se
trouver en situation de retenir un bien. Cette situation est plus avantageuse que celle du
créancier privilégié puisque, tant qu'il n'obtient pas le paiement intégral de sa créance, il
conserve le bien. La révision de l'AUS a été l'occasion d'accorder une nouvelle prérogative
pour les créanciers rétenteur ; ils peuvent désormais faire procéder, sur autorisation de la
juridiction compétente statuant à bref délai, à la vente de ce bien si l'état ou la nature
périssable de ce dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors de
proportion avec sa valeur. Dans ce cas, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente
qui doit être consigné (art. 70 AUS révisé).

2- La compensation

56. Dans les Etats parties à l’OHADA ayant conservé le Code civil au lendemain de la
décolonisation, comme en France, selon l’article 1347 du Code civil français, la
compensation se définit comme l'extinction simultanée d'obligations réciproques ayant

80
Com. 9 juin 1998 no 96-12.719 P.
81
Com. 26 nov. 2013, no 12-27.390.
82
Com. 19 nov. 2002, no 00-20.516 P; Com. 31 mai 1994, no 91-20.677 P; Cass 22 mars 2005 no 02-12.881;
Com. 23 avr. 2013 no 12-13.690 P.
83
Civ.1re, 27 oct. 1970 no 69-11.660 P.
84
Civ. 3e, 12 mars 1985 no 83-16.548 P.

45
pour objet des choses fongibles entre deux personnes (al. 1er). Elle s'opère, sous réserve
d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies (al. 2).
La jurisprudence de la Cour de cassation fait état de ce que la compensation n'étant pas
d'ordre public, elle ne peut être invoquée pour la première fois devant elle85. Il est possible
de renoncer aux effets de la compensation légale, soit par avance, soit après que celle-ci
a opéré86.

57. Le législateur OHADA n’a pas règlementé les modalités permettant au créancier
d’invoquer le bénéfice de la compensation. Il en résulte qu’il appartient aux juridictions
nationales de les édicter. Ainsi, dans une affaire commerciale opposant le bailleur au
preneur, il a été décidé par la Cour Suprême de Côte d’Ivoire87 que « le locataire qui
prétend avoir fait des travaux dans les lieux, devant le refus du bailleur d’y procéder et
invoquer l’exception d’inexécution, pour s’opposer à la demande d’expulsion initiée par ce
dernier ne peut profiter de cette exception dans la mesure où, outre le fait que l’existence
des travaux allégués n’est pas prouvée, le preneur se devait de se faire autoriser par le
juge, à entreprendre lesdits travaux et les compenser par les loyers.

Un projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA
du 15 avril 2015, consacre un paragraphe à la compensation dans le chapitre IV relatif à
l’extinction de l’obligation, inséré dans une section 2 traitant de l’extinction des
obligations par satisfaction indirecte du créancier. Selon l’article 471 du projet, la
compensation opère lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre.
Alors, les deux dettes s’éteignent par compensation jusqu'à̀ concurrence de la plus
faible88.

85
Civ. 1re, 6 mai 1969.
86
Req. 11 mai 1880: DP 1880. 1. 470.
87
Cour Suprême, Chambre judiciaire, Formation civile – arrêt n° 135 du 04 mars 2004 – Affaire : la société́
RIMA (Conseils : Mes. FOLQUET, DIALLO) c/ PHAM-THI, épouse N’DABIAN (Conseil : SCPA KANGA et
Associés). - Actualités Juridiques n° 49/2005, p. 220-6. OHADAta J- 08-267.
88
Selon les règles que les articles suivants établissent.

46
A titre de dispositions générales, le projet de texte uniforme portant droit général des
obligations dans l’espace OHADA prévoit (art. 472 à 484) que la compensation peut être
légale, judiciaire ou conventionnelle (art. 472). Lorsque la compensation est légale, elle
n’a lieu qu’entre deux dettes réciproques et fongibles89, également liquides et exigibles
(art. 473 al.1er). Le terme de grâce ne fait pas obstacle à la compensation (art. 474).

Toutes les dettes sont compensables, quelles que soient les causes de l’une et de l’autre,
à l’exception de celles qui ont pour cause des aliments ou toute autre créance insaisissable
(art. 475). Le moyen de la compensation légale doit être invoqué par le débiteur poursuivi.
En ce cas, les dettes se trouvent éteintes à concurrence de leurs quotités respectives, à
l’instant où elles ont coexisté avec les qualités requises (Article 476). La caution peut
opposer la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal ; mais le
débiteur principal ne peut opposer la compensation de ce que le créancier doit à la caution
(art. 477 al. 1er). Pareillement, le débiteur solidaire ne peut pas opposer la compensation
de ce que le créancier doit à son codébiteur (art. 477 al.2). Lors de la cession de l’une des
créances compensables à un tiers, le débiteur cèdé peut opposer la compensation au
cessionnaire, à moins qu’il n’y ait expressément renoncé par un acte écrit (art. 478).
Toutefois, la compensation ne peut pas s’opérer entre deux créances si l’une devient
indisponible avant que la créance réciproque soit liquide et exigible (art. 479). Celui qui a
payé́ une dette compensable ne peut plus, en recouvrant la créance dont il n’a point
opposé la compensation, se prévaloir, au préjudice des tiers, des privilèges ou
hypothèques qui y étaient attachés, sauf s’il a eu une juste cause d’ignorer la créance qui
devait compenser sa dette (art. 481).

La compensation peut être opposée en justice par la partie dont la créance n’est pas
encore liquide et exigible, à la condition, dans ce dernier cas, que le juge puisse prononcer
la déchéance du terme (art. 482 al. 1er). Elle produit ses effets à la date de l’introduction
de la demande reconventionnelle (art.482 al. 2). La compensation judiciaire suit pour le

89
Article 473 : « Sont fongibles les dettes qui ont pour objet une somme d’argent ou une certaine quantité́
de choses du même genre. Les dettes ayant pour objet des choses de genre et dont le prix est réglé́ par un
marché́ organisé peuvent se compenser avec des sommes liquides et exigibles (al. 2).

47
surplus les règles de la compensation légale (art. 483). Les parties peuvent convenir
d’éteindre leurs dettes réciproques. Cette compensation n’opère qu’à la date de leur
accord (art. 484). Lorsque deux dettes sont connexes, le juge ne peut écarter la demande
de compensation au motif que l’une d’entre elles ne réunit pas les conditions de liquidité́
et d’exigibilité́ (art.485) La transmission ou la saisie de l’une des créances connexes ne fait
pas obstacle à la compensation (art.486).

58. Toutefois, dans les Etats parties à l’OHADA qui ont conservés l’usage du Code civil
français, la compensation continue d’être un mode d’extinction simultanée des
obligations. Le législateur OHADA, dans le cadre de la procédure collective, fait de la
compensation un mode de paiement « normal » lorsque celui-ci est effectué au cours de
la période suspecte. Ainsi, l’article 68-4°) AUPCAP révisé dispose que « tout paiement de
dettes échues, fait autrement qu'en espèces, effet de commerce, virement, prélèvement,
carte de paiement ou de crédit ou compensation légale, judiciaire ou conventionnelle de
dettes ayant un lien de connexité entre elles ou tout autre mode normal de paiement ou
communément admis dans les relations d'affaires du secteur d'activité du débiteur ».

59. Conclusion. Dans la législation OHADA, comme en France, en l’absence de sûreté


légale ou judiciaire, le créancier peut, outre l’exercice d’un éventuel droit de rétention sur
la chose lorsqu’il est possible, invoquer la compensation. Nonobstant l’absence
d’harmonisation du régime de la compensation par une institution spécifique dans un acte
uniforme relatif au régime de l’obligation, un arrêt rendu par la Cour Commune de Justice
et d’Arbitrage (C.C.J.A.)90 a été l’occasion de caractériser les conditions auxquelles s’opère
la compensation. Ainsi, « Il ressort des pièces du dossier de la procédure, notamment d’une
« reconnaissance de dette », signée le 25 janvier 1999, que Madame SAAD épouse ADEL
EL ALI reconnait avoir reçu de Monsieur ALE AMONSSAN Charles, la somme de 37.500.000
FCFA à titre de prêt, et s’est engagée à̀ rembourser intégralement ladite somme, le 25 avril

90
Arrêt n° 038/2011 du 08 décembre 2011, Audience publique du 08 décembre 2011, Pourvoi n°
095/2007/PC du 29 octobre 2007, Affaire : Madame SAAD épouse ADEL EL ALI (Conseil : Maître Moussa
DIAWARA, Avocat à la Cour) c/ Monsieur ALE AMONSSAN Charles (Conseils : Maîtres Amadou FADIKA &
Associés, Avocats à la Cour). Recueil de Jurisprudence n° 17 (Juillet - Décembre 2011), p. 89 ; Juris OHADA
2012, n° 3, juillet-septembre, p. 18. OHADAta J-13-157.

48
1999 à 18 heures ; par conséquent, au moment où̀ Monsieur ALE AMONSSAN Charles
introduisait la procédure d’injonction de payer, sa créance remplissait les conditions de
certitude, de liquidité́ et d’exigibilité́ prévues à l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé́ ; le
fait que la débitrice, Dame SAAD épouse ADEL EL ALI dispose, selon elle, d’une créance
envers Monsieur ALE AMONSSAN Charles, susceptible de compensation avec celle de ce
dernier, n’enlève en rien les caractères de certitude, de liquidité́ et d’exigibilité́ de la
créance de Monsieur ALE AMONSSAN Charles ; au contraire, pour qu’une compensation
puisse être opérée entre deux dettes, il faut que toutes deux soient liquides et exigibles ; il
s’ensuit qu’en confirmant le Jugement civil n° 1125 en date du 10 mai 2006 du Tribunal de
Première Instance d’Abidjan, lequel a condamné́ Madame SAAD épouse ADEL EL ALI à
payer à Monsieur ALE AMONSSAN Charles, la somme de 37.500.000 FCFA, en principal, la
Cour d’Appel d’Abidjan n’a en rien violé l’article 1er de l’Acte uniforme susvisé́; il y a lieu,
en conséquence, de déclarer le moyen unique de cassation non fondé et de le rejeter ».

3- Le droit de propriété

60. Principe. La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la
plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les
règlements (art. 544 du Code civil). Le droit de gage général des créanciers qui découle
des articles 2284 et 2285 du Code Civil français ne peut donc s’exercer que sur les biens
appartenant au débiteur au moment de la saisie (individuelle ou collective), laquelle met
en œuvre le droit de gage général.

Or, « le créancier peut être trompé par l’apparence que la détention précaire de son
débiteur lui renvoie. D’un point de vue juridique, cela signifie que le débiteur a seulement
la maîtrise matérielle du bien que le créancier compte saisir et qu’il n’en est pas le véritable
propriétaire. Or, sans droit de propriété du débiteur, il n’y a pas de droit de gage général

49
pour le créancier, l’apparence étant en principe insuffisante pour asseoir un quelconque
droit de poursuite91 ».

Concrètement, le propriétaire d’un bien dont le débiteur OHADA ou français n’en a que la
détention précaire, par exemple en vertu d’un contrat de bail ou d’un contrat de dépôt,
est en situation d’exclusivité sur le bien objet de la saisie (individuelle ou collective) du
gage commun. Au lieu d’être tenu au paiement égalitaire en cas de concours entre
créanciers chirographaires, le créancier d’une créance de loyers par exemple n’a qu’à
opposer aux autres sa qualité de propriétaire dans le cadre d’une action en justice
spécifique où il devra établir son droit de propriété dans les conditions de droit commun
ou celles propres au droit des entreprises en difficultés92.

61. Limite. Deux tempéraments sont à apporter à ce qui vient d’être dit. D’une part,
s’agissant des biens immobiliers, le législateur OHADA prévoit à l’article 308 al. 2 AUPSRVE
que « la demande en distraction n'est recevable que si le droit foncier de l'État partie dans
lequel est situé l'immeuble consacre l'action en revendication ou toute autre action
tendant aux mêmes fins ».

D’autre part, comme en France où le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, les
pays membres de l'OHADA qui ont conservé l'usage du Code civil après la décolonisation
continuent de le définir ainsi. Le droit OHADA n'a en conséquence pas compétence ratione
materiae pour harmoniser le droit de propriété dans les Etats partie au Traité. Cette
situation est susceptible de nuire à la sécurité du titre, quand bien même l’OHADA aborde
les modalités selon lesquelles certains biens s’acquièrent lorsqu’il organise le contrat de
vente commerciale par exemple93.

91
Marc Sénéchal, « L’effet réel de la procédure collective : essai sur la saisie collective du gage commun des
créanciers », Bibliothèque droit de l’entreprise – Litec - juillet 2002. P. 33 n°15 § 3.
92
Voir infra n°380 à 400.
93
Art. 234 et s. AUDCG.

50
Toutefois, l’insécurité du titre de propriété doit être relativisée puisque les Etats parties
au Traité OHADA, sont également parties au Traité de l'Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle » (O.A.P.I.) créée par l’Accord de Bangui du 02 Mars 197794.

L'OAPI procède d'une volonté des Etats membres95 de protéger sur leurs territoires les
droits de propriété intellectuelle d’une manière aussi efficace et uniforme que possible.
Ainsi, en matière de propriété industrielle, tel que le stipule l’Accord de Bangui en son
article 2, l’OAPI est chargée entre autres de mettre en œuvre et d’appliquer les procédures
administratives communes découlant d’un régime uniforme de protection de la propriété
industrielle ainsi que des stipulations des conventions internationales auxquelles les Etats
membres sont parties. Ainsi, l’Organisation constitue pour chacun de ses Etats membres,
l’office national en matière de propriété industrielle et, à ce titre, administre et gère, entre
autres titres, la protection des marques de produits ou de services. La délivrance d’un titre
par l’OAPI donne automatiquement naissance à des droits valables dans l’ensemble des
Etats membres.

62. Conclusion 3. Le droit de propriété procure une situation d’exclusivité sur un bien
que les législateurs OHADA et français respectent. Il est remarquable que cette
prérogative n’est pas harmonisée dans l’OHADA.

63. Conclusion A. Ainsi, dans les législations soumises à la comparaison, quand bien
même le législateur et le juge refuseraient une sûreté au créancier chirographaire, celui-
ci peut recevoir du législateur la reconnaissance de droits exclusifs à travers un droit de
rétention, en faisant jouer la compensation, laquelle est perçue comme une sorte de
justice privée ou encore en faisant valoir ses droits de propriétaire.

94
Il révise l’Accord de Libreville du 13 Septembre 1962.

95
Le territoire de l’OAPI comprend, à ce jour, 15 Etats membres, à savoir : Le BENIN ; Le BURKINA FASO ; Le
CAMEROUN ; La CENTRAFRIQUE ; Le CONGO ; La CÔTE D’IVOIRE ; Le GABON ; La GUINEE ; La GUINEE-BISSAU
; Le MALI ; La MAURITANIE ; Le NIGER ; Le SENEGAL ; Le TCHAD ; Le TOGO.

51
Cette situation est alors plus avantageuse que celle d’un créancier privilégié puisque le
créancier n’a pas à concourir aux répartitions, il lui suffit d’opposer la rétention légitime,
la compensation ou la propriété.

B- Le régime de l’obligation

64. Dans les pays membres de l’OHADA qui ont conservé l’usage du Code civil français
comme en France, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les
parties. Du contrat nait des obligations parfois réciproques entre les parties. Chaque
obligation constitue un lien de droit unissant un créancier à son débiteur Ohada ou
français. Le premier attend du second qu’il exécute son obligations selon les modalités
prévues au contrat. En cas d’inexécution de son obligation de payer une somme d’argent,
le créancier peut le contraindre à l’exécution forcée en procédant à la saisie de ses biens
pour les vendre et se faire payer sur le prix de manière égalitaire en cas de concours entre
créanciers chirographaires.

65. Toutes les obligations, cependant ne se valent pas, chacune obéit à un régime
spécifique quant à son exécution notamment. Certaines offrent au créancier une pluralité
de débiteurs tenus au paiement du tout, les coobligés (1) ; d’autres permettent une action
directe en paiement pour éviter au créancier ultime d’un groupe de contrat les
inconvénients du concours (2).

1-La pluralité de débiteurs coobligés

66. Principe. Chaque obligation constitue un lien de droit unissant un créancier à son
débiteur Ohada ou français. Le premier attend du second qu’il exécute son obligations
selon les modalités prévues au contrat. Quid dans le cadre d’une obligation à sujet
multiples ?

67. Il y a pluralité de sujets lorsque l’obligation est souscrite par plusieurs créanciers (co-
créanciers) ou plusieurs débiteurs (codébiteurs). « Le principe est que s’il existe plusieurs

52
créanciers ou plusieurs débiteurs, l’obligation est dite « conjointe », ce qui veut dire qu’elle
se divise entre eux. Chacune de ces obligations a son objet particulier, une existence
distincte et est soumise à ses propres conditions de validité : si l’une est nulle ou éteinte,
les autres ne sont pas affectées. En d’autres termes, le créancier doit poursuivre en
paiement chacun des débiteurs ; chacune des parties a ses propres moyens de défense que
l’on appelle des exceptions ; enfin, l’insolvabilité d’un débiteur est supportée par le
créancier, car les autres débiteurs ne sont pas obligés de payer à sa place »96. C’est dire
que l’obligation conjointe est le droit commun des obligation plurales car la solidarité ne
se présume pas (art. 1202 al. 1er C. civ. .).

68. Cette situation est cependant rare dès l’origine de la dette car cet éclatement en une
pluralité de dettes dues par une pluralité de débiteurs distincts s’efface devant
l’indivisibilité, la solidarité, et l’obligation in solidum. Ces modalités de l’obligation ont
pour effet de répartir le risque d’impayé en multipliant les droits de gage généraux puisque
tous les codébiteurs sont tenus au paiement. Ainsi, l’indivisibilité empêche le
fractionnement de la dette en permettant à chaque créancier d’exiger à chaque débiteur
le paiement de la totalité de la dette. La solidarité passive, lorsqu’il existe plusieurs
débiteurs principaux d’une même dette, permet de prémunir le créancier d’un risque de
division des poursuites et de l’insolvabilité de l’un des débiteurs. Puisque la solidarité ne
se présume pas, la jurisprudence a créé l’obligation in solidum97 lorsque plusieurs
obligations indépendantes sont nées de sources différentes mais tendent à fournir au
créancier la même satisfaction sans pourtant pouvoir les cumuler. La jurisprudence admet
en matière de responsabilité contractuelle pesant sur une pluralité de débiteurs une
obligation in solidum en supposant que, nonobstant des obligations distinctes, la faute de
chacun des débiteurs a concouru à la réalisation du dommage.

96
Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Philippe Stoffel-Munk, « Les obligations » - Droit civil –, 2ème édition –
DEFRENOIS (2005) – p. 703 n°1250.
97
F.Chabas, « L’influence de la pluralité des causes sur le droit à réparation », th. Pris 1967 ; « Remarques
sur l’obligation in solidum », RTD civ., 1967, p. 310-338 ; M. Mignot, « Les obligations solidaires et les
obligations in solidum en droit français », préf. E. Loquinth. Dijon, Dalloz 2002 ; P. Raynaud, « La nature de
l’obligation des coauteurs d’un dommage, obligation in solidum ou solidarité ? » Et. J. Vincent , Dalloz 1981,
p. 317-332.

53
69. Évoquées dans l’OHADA et notamment l’AUPCAP révisé98, les situations dans
lesquelles un tiers se trouve coobligé à la dette ne sont cependant pas encadrées par le
droit harmonisé. S’il les reconnait, (i), force est de constater qu’il ne va pas jusqu’à les
harmoniser, sauf à l’état de projet (ii).

i-Une reconnaissance dans l’Ohada

70. La solidarité. Le législateur OHADA institue des situations de solidarité telle la


solidarité qui joue entre les associés (des commerçants) de la société en nom collectif (art.
270 AUSCGIE révisé). En effet, l’article 271 AUSGIE prévoit que « les créanciers de la société
ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé que soixante (60)
jours au moins après avoir vainement mis en demeure la société. La mise en demeure est
faite par acte d'huissier ou notifiée par tout moyen permettant d'établir sa réception
effective par le destinataire. Ce délai peut être prorogé par décision de la juridiction
compétente statuant à bref délai sans que la prorogation puisse excéder trente (30)
jours ».

Ce faisant, c’est aux législations nationales des États Parties au Traité qu’il revient de
légiférer et aux juridictions nationales de trancher. Ainsi, une décision de la Cour d’Appel
d’Abidjan99 illustre le pouvoir que conservent les législations nationales d’instituer des
situations de solidarité. Dans son arrêt, la cour d’appel a pu se prononcer sur la
présomption de solidarité entre débiteurs au visa de l’article 3 AUDCG ancien et de l’article
1202 du Code civil100. Dans cette affaire, elle a considéré que les opérations de transit, de
transport et de manufacture sont des actes de commerce101 et que l’article 1202 du Code
civil n’est pas applicable en matière commerciale où la solidarité́ se présume et déborde
le cadre des engagements contractuels pour répondre à la nécessité d’assurer le paiement
du créancier. Partant, il ressort des faits de l’espèce que les fautes respectives des

98
Voir infra.
99
Cour d’appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, arrêt civil et contradictoire, du 06 mai 2005,
affaire Société́ GEODIS OVERSEAS COTE D’IVOIRE devenue GEODIS COTE D’IVOIRE, le capitaine
commandant du navire M/V «AGAT», SOCIETE AGAT NAVIGATION c/ SOCIETE FONCIAS TIAD devenue AGAT
BURKINA FASO. OHADAta J-09- 158.
100
Code civil Napoléonien ancienne numérotation.
101
Au sens de l’article 3 de l’Acte Uniforme portant droit commercial général.

54
appelants ayant concouru à la réalisation du dommage tout entier, ils étaient tenus in
solidum à réparation à l’égard du créancier.

Un autre exemple est donné dans un jugement rendu par un Tribunal de Grande Instance
de Ouagadougou (Burkina Faso)102 : « aux termes de l’article 80 AUDCG ancien, le preneur
doit payer le loyer aux termes convenus, entre les mains du bailleur ou de son représentant
légal désigné́ au bail. En outre, selon l’article 81 ancien du même Acte uniforme, il est tenu
d’exploiter les locaux donnés à bail en bon père de famille et conformément à̀ la destination
prévue au bail... En l’espèce, les preneurs accusent plusieurs mois d'arriérés de paiement,
et ont même fini par fermer le local en y laissant leurs marchandises sans mot dire au
bailleur... Ils ont donc manqué à leurs obligations et doivent par conséquent être
condamnés solidairement au paiement ».

71. Ainsi, sauf exception, dans les pays membres de l’OHADA ayant conservé l’usage du
Code civil français, comme en France, la solidarité entre débiteurs (art. 1313 à 1319 du
Code civil 103) oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux libère
les autres envers le créancier (art. 1313 al. 1er). Le créancier peut demander le paiement
au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs
solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres (art.
1313 al. 2). La demande d'intérêts formée contre l'un des débiteurs solidaires fait courir
les intérêts à l'égard de tous (art. 1314).

Le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont
communes à tous les codébiteurs, telles que la nullité ou la résolution, et celles qui lui sont
personnelles. Il ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d'autres
codébiteurs, telle que l'octroi d'un terme. Toutefois, lorsqu'une exception personnelle à
un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci, notamment en cas de compensation

102
Jugement n° 179/08 du 05 novembre 2008, OUEDRAOGO Noaga El Hadji c/ NWAJI Luc & NWALA Chris).
OHADAta J- 09-383.
103
Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3.

55
ou de remise de dette, il peut s'en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette (art.
1315).

Le créancier qui reçoit paiement de l'un des codébiteurs solidaires et lui consent une
remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du
débiteur qu'il a déchargé (art. 1316).

Entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part (art.
1317 al. 1er). Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d'un recours contre les autres à
proportion de leur propre part (art. 1317 al. 2). Si l'un d'eux est insolvable, sa part se
répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le
paiement et celui qui a bénéficié d'une remise de solidarité (art. 1317 al. 3).

Si la dette procède d'une affaire qui ne concerne que l'un des codébiteurs solidaires, celui-
ci est seul tenu de la dette à l'égard des autres. S'il l'a payée, il ne dispose d'aucun recours
contre ses codébiteurs. Si ceux-ci l'ont payée, ils disposent d'un recours contre lui (art.
1318).

Les codébiteurs solidaires répondent solidairement de l'inexécution de l'obligation. La


charge en incombe à titre définitif à ceux auxquels l'inexécution est imputable (art. 1319).

72. L’indivisibilité. L’indivisibilité des obligations n’est pas une modalité de l’obligation
encadrée dans l’OHADA. Il appartient donc aux État parties de légiférer sur le sujet, et aux
juridictions nationales de se prononcer en conséquence en cas de litige. Ainsi, la Cour
Suprême de Côte d’Ivoire, dans un arrêt du 6 juillet 2006104, a décidé que le tribunal faisait
une fausse application de l’article 155 alinéas 2 du Code de Procédure Civile en estimant
qu’il y avait indivisibilité́ pour que l’une des parties profite de l’opposition formée par

104
Chambre Judiciaire, Formation civile.- arrêt n° 383.- Affaire : la Liquidation Sid-Trading c/ - Société́
Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ; - la Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale,
dite BIAO-CI.- Le Juris-OHADA n° 3 – Juillet - Août - Septembre 2008, p. 47. OHADAta J-08-281.

56
l’autre, alors que la seule circonstance d’une condamnation de deux banques par une
même décision n’était pas suffisante pour créer entre elles une situation d’indivisibilité́,
laquelle n’était susceptible de résulter que d’un lien objectif d’interdépendance entre les
obligations respectives de ces banques. L’opposition formée par l’une des parties
condamnées devrait en conséquence être déclarée irrecevable, dès lors qu’il n’y avait pas
d’indivisibilité́ entre sa condamnation et celle prononcée contre l’autre partie.

Partant, sauf exception, dans les pays membres de l’OHADA ayant conservé l’usage du
Code civil français, comme en France, le code civil prévoit à l’article 1320 C. civ. 105 que
chacun des créanciers d'une obligation à prestation indivisible, par nature ou par contrat,
peut en exiger et en recevoir le paiement intégral, sauf à rendre compte aux autres ; mais
il ne peut seul disposer de la créance ni recevoir le prix au lieu de la chose (art. 1320 C. civ.
. al. 1er). Chacun des débiteurs d'une telle obligation en est tenu pour le tout ; mais il a ses
recours en contribution contre les autres (art. 1320 al. 2). Il en va de même pour chacun
des successeurs de ces créanciers et débiteurs (art. 1320 al.3).

ii- Un projet d’harmonisation

73. Généralités. Le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans
l’espace OHADA daté du 15 avril 2015 veut légiférer en la matière. Son exposé permettra
d’exposer les pistes envisagées par le législateur africain. De prime abord, on peut dire
que les pays sous ancienne colonisation française ne seront pas surpris par l’ article 427
du projet relatif au paiement « pur et simple », selon lequel il est prévu qu’une obligation
peut être acquittée par toute personne qui y est intéressée, telle qu’un coobligé́ ou une
caution, et par ceux qui agissent au nom du débiteur (al. 1er). Le tiers peut demander son
remboursement sur le fondement de la subrogation conventionnelle ou en vertu d’un
recours personnel (al. 2). Dans un titre III consacré au régime de l’obligation, une section
est réservée aux obligations solidaires et une autre aux obligations indivisibles et divisibles.

105
Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3.

57
Aussi, des dispositions sont prises relativement à la solidarité entre débiteurs (1) et à
l’indivisibilité (2).

74. La solidarité. Selon l’article 364 du projet de texte uniforme portant droit général
des obligations dans l’espace OHADA, en cas de pluralité́ de sujets, les obligations sont, en
principe, conjointes (art. 364 al. 1er). Elles ne peuvent être solidaires que dans les cas
prévus par la loi, une convention ou les usages du commerce (364 al. 2). La solidarité́ ne
se présume pas ; elle doit être expressément stipulée (art. 364 al. 3).

Il y a solidarité́ de la part des débiteurs lorsque ceux-ci sont obligés à une même chose, de
manière que chacun puisse être contraint pour la totalité́ et que le paiement fait par un
seul libère les autres envers le créancier (art. 367). L’obligation peut être solidaire même
si l’un des débiteurs est obligé différemment de l’autre au paiement de la même chose ; il
en est ainsi, notamment, si l’un n’est obligé que conditionnellement, tandis que
l’engagement de l’autre est pur et simple, ou si l’un bénéficie d’un terme qui n’est point
accordé à l’autre (art. 368). Le créancier d’une obligation solidaire peut s’adresser à̀ celui
des débiteurs qu’il veut choisir sans que celui-ci puisse lui opposer le bénéfice de division
(Article 369 al. 1er). Les poursuites faites contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le
créancier d’en exercer de pareilles contre les autres (art. 369 al.2). Si la chose a péri par la
faute de l’un ou de plusieurs des débiteurs, les autres demeurent obligés pour la valeur de
la chose ; mais ils ne sont point tenus des dommages et intérêts, sauf s’ils étaient en
demeure au moment de la perte (art. 370). Les poursuites faites contre l’un des débiteurs
solidaires interrompent ou suspendent la prescription à l’égard de tous (art. 371 al. 1er).
Les mêmes effets s’attachent à la mise en demeure (art. 371 al. 2). La demande d’intérêts
formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous (art.
372). Le codébiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer toutes les exceptions
qui résultent de la nature de l’obligation et toutes celles qui lui sont personnelles, ainsi
que celles qui sont communes à tous les codébiteurs (art. 373 al. 1er). Il ne peut opposer
les exceptions qui sont purement personnelles aux autres codébiteurs ou l’un d’eux (art.
373 al. 2).

58
Lorsque l’un des débiteurs succède au créancier, ou lorsque le créancier succède à̀ l’un des
débiteurs, la confusion n’éteint l’obligation que pour la part du débiteur confondu (art.
374). Le créancier qui consent à la division de la dette de l’un des codébiteurs conserve
son action solidaire contre les autres, mais sous la déduction de la part du débiteur qu’il a
déchargé́ de la solidarité́ (art. 375). L’obligation solidaire se divise de plein droit entre les
débiteurs, qui n’en sont tenus entre eux que chacun pour sa part (art.376 al. 1Er). Le
débiteur qui a payé́ la dette commune ne peut répéter contre chacun des autres que sa
part (art.376 al. 2). Les codébiteurs sont mutuellement garants de leur solvabilité́ (art. 377
al. 1er). La part de l’insolvable se répartit par contribution entre les autres, y compris celui
qui a fait le paiement ou qui a été́ précédemment déchargé́ de la solidarité́ par le créancier
(art. 377 al. 2). Si l’affaire pour laquelle la dette a été́ contractée solidairement ne concerne
que l’un des codébiteurs, celui-ci est seul tenu de la dette vis-à-vis des autres, de telle
sorte qu’il n’a aucun recours contre eux s’il l’a payée et que ceux-ci, s’ils l’ont payée,
peuvent la recouvrer contre lui (art. 378).

75. L’indivisibilité. Le projet d’acte uniforme du 15 avril 2015 prévoit des dispositions
relatives à l’indivisibilité (art.356 à 363). Dans ce projet, il est prévu que l’obligation est
indivisible lorsqu’elle a pour objet une prestation dont l’exécution n’est pas susceptible de
division matérielle. Elle est également indivisible, même si la chose ou le fait qui en est
l’objet est divisible par sa nature, si le rapport sous lequel elle est considérée dans
l’obligation ne la rend pas susceptible d’exécution partielle (art. 356 al. 1er). Elle est
divisible dans le cas contraire (art. 356 al. 2) La solidarité́ stipulée ne donne point à
l’obligation le caractère d’indivisibilité́ (art. 356 al. 3). L’obligation qui est susceptible de
division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible
(art. 357 al. 1er). La divisibilité́ n’a d’application qu’à l’égard de leurs héritiers, qui ne
peuvent demander la dette ou qui ne sont tenus de la payer que pour les parts dont ils
sont saisis ou dont ils sont tenus comme représentant le créancier ou le débiteur (art. 357
al. 2).

59
Le principe établi à l’article 357 reçoit exception à l’égard des héritiers du débiteur :- dans
le cas où la dette est hypothécaire ;- lorsqu’elle est un corps certain ;- lorsqu’il s’agit de la
dette alternative de choses au choix du créancier, dont l’une est indivisible ; - lorsque l’un
des héritiers est chargé seul, par le titre, de l’exécution de l’obligation; - lorsqu’il résulte,
soit de la nature de l’engagement, soit de la chose qui en fait l’objet, soit de la fin qu’on
s’est proposé́ dans le contrat, que l’intention des contractants est que la dette ne peut
s’acquitter partiellement. Dans les trois premiers cas, l’héritier qui possède la chose due
ou le fonds hypothéqué́ à la dette, peut être poursuivi pour le tout sur la chose due ou le
fonds hypothéqué́, sauf le recours contre ses cohéritiers. Dans le quatrième cas, l’héritier
seul chargé de la dette, et dans le cinquième cas, chaque héritier, peut aussi être poursuivi
pour le tout, sauf son recours contre ses cohéritiers (art. 358).

Chacun des débiteurs d’une obligation indivisible en est tenu pour le tout.
Il en est de même pour chacun des héritiers de celui qui est tenu d’une telle obligation
(art. 359). L’héritier du débiteur, assigné pour la totalité́ de l’obligation, peut demander
un délai pour mettre en cause ses cohéritiers ; toutefois, si la dette est de nature à̀ ne
pouvoir être acquittée que par lui, il peut alors être condamné seul, sauf son recours en
indemnité́ contre ses cohéritiers (art. 360). Chaque héritier du créancier peut exiger en
totalité́ l’exécution de l’obligation indivisible. Il ne peut faire seul la remise de la totalité́
de la dette ni recevoir seul le prix à la place de la chose. Si l’un des héritiers a seul remis la
dette ou reçu le prix de la chose, son cohéritier ne peut demander la chose indivisible
qu’en tenant compte de la portion du cohéritier qui a fait la remise ou qui a reçu le prix
(art. 361). Chacun des débiteurs d’une obligation indivisible en est tenu pour le tout. Il en
est de même pour chacun des héritiers de celui qui est tenu d’une telle obligation (art.
362). Chaque héritier du créancier peut exiger en totalité́ l’exécution de l’obligation
indivisible. Il ne peut seul faire la remise de la totalité́ de la dette ni recevoir seul le prix à
la place de la chose. Si l’un des héritiers a seul remis la dette ou reçu le prix de la chose,
son cohéritier ne peut demander la chose indivisible qu’en tenant compte de la portion
du cohéritier qui a fait la remise ou qui a reçu le prix (art. 363).

60
76. Conclusion 1. Dans les législations en comparaison, il existe une pluralité de créanciers
chirographaires qui jouissent d’une pluralité de droits de gage général. Le risque d’une
paiement égalitaire est opportunément conjuré par la répartition du risque d’impayé entre
plusieurs débiteurs.

2-L’action directe

77. Généralités. Toutes les actions directes ont pour effet de simplifier le paiement, au
prix d’une exception à l’article 1199 du Code civil qui pose en principe l’effet relatif des
conventions. Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. En l’absence d’action
directe, le créancier devrait agir contre son débiteur, qui à son tour agirait contre le sous-
débiteur… L’action directe établit donc un lien d’obligation entre deux tiers
respectivement liés à la même personne, le débiteur principal. L’établissement de ce lien
est possible parce que la créance du demandeur et la dette du défendeur ont le même
objet, une somme d’argent106.

78. D’abord apparue comme un moyen d’obtenir paiement de la dette du débiteur, le


mécanisme de l’action directe a ensuite montré son utilité en matière de responsabilité et
de garantie pour faire supporter par un tiers les conséquences d’un vice ou d’une
mauvaise exécution du contrat. En recourant à la règle de l’accessoire, la jurisprudence107
reconnait la transmission des actions en garantie et en responsabilité dans les chaînes de
contrats, translatives de propriété, autorisant ainsi le créancier à agir directement en
responsabilité ou en garantie contre un débiteur intermédiaire, dans des conditions qui
nourrissent toujours la discussion108.Désormais, l’action directe en paiement est
consacrée dans le Code civil en ces termes : « Dans les cas déterminés par la loi, le
créancier peut agir directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son

106
Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Philippe Stoffel-Munk, « Les obligations » - Droit civil –, 2ème édition –
DEFRENOIS (2005) – p. 637 n°1155.
107
Voir notamment H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, « Les grands arrêts de la jurisprudence civile », Tome
2 « Obligations, contrats spéciaux, sûretés », 11ème édition, Dalloz, 2000, p. 162 à 174; p. 495à 507.
108
Voir le débat organisé par la Revue des contrats : « Vente de l’immeuble et transmission des actions en
justice : ordre ou désordre ? », RDC 2014, p. 765 et s.

61
débiteur. » (art. 1341-3 C. civ. .). Bien que le Code civil définisse le paiement comme
l’exécution d’une obligation (art. 1234), les actions directes en paiement sont réservées à
l’exécution des obligations monétaires.

79. Le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace
OHADA n’envisage pas de compiler les actions existantes dans les pays parties au Traité.
Cependant, il prévoit à l’article 423 que dans les cas prévus par la loi, le créancier peut agir
directement en paiement de sa créance contre un débiteur de son débiteur, dans la limite
de la plus faible des créances. L’action directe est également ouverte lorsqu’elle permet
seule d’éviter l’appauvrissement injuste du créancier, compte tenu du lien de connexité́
qui unit les contrats entre le demandeur à l’action et son débiteur, d’une part, et entre ce
dernier et le défendeur à l’action d’autre part (art. 424). Enfin, les exceptions opposables
au débiteur ne le sont pas au créancier qui bénéficie d’un privilège sur la créance de son
débiteur (art. 425)109.

80. Conclusion 2. Les actions directes donnent au créancier un droit exclusif sur la
créance de son débiteur au moyen d’une saisie simplifiée ; elles l’immobilisent de telle
manière que le sous-débiteur ne peut se libérer valablement qu’entre les mains du
créancier titulaire de l’action directe, que le débiteur principal ne peut pas disposer de
cette créance et que ses autres créanciers n’ont aucun droit sur elle110.

81. Résumé B. Le droit de gage général des créanciers ne confère au créancier


chirographaire qu’une garantie d’exécution. Partant, en cas de concours entre créanciers
chirographaires, l’égalité du paiement est la règle en l’absence d’une cause légitime de
préférence. Mais, force est de constater que tous les créanciers chirographaires ne sont
pas soumis à l’égalité du paiement en cas de concours. Il convient de tenir compte de la
pluralité de créanciers en situation d’exclusivité sur un bien (droit de rétention ;
compensation ; droit de propriété) et de tous ceux que la loi autorise à recouvrer le

109
Ce qui constitue une protection encore plus importante pour un créancier déjà privilégié
110
Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Philippe Stoffel-Munk, « Les obligations » - Droit civil –, 2ème édition –
DEFRENOIS (2005) – p. 638 n°1157 §1

62
paiement contre un tiers tenu à la dette, selon un procédé relevant du régime de
l’obligation (solidarité ; indivisibilité ; action directe en paiement).

82. Conclusion 2§. Quand bien même le législateur ou le juge refuserait une sûreté au
créancier chirographaire, ce dernier, s’il est averti et normalement informé, sait qu’il peut
recevoir du législateur un droit de recouvrer le paiement auprès d’un tiers. Voilà son risque
d’impayé opportunément réparti par le biais d’une modalité de l’obligation souscrite.
Toutefois, cette prérogative lorsqu’elle existe n’est pas toujours le fait de l’OHADA qui, sur
ce point, ne prévoit pas d’acte uniforme propre à garantir l’harmonie.

83. Résumé I. Le droit de gage général est le plus petit dénominateur commun entre les
créanciers. Les disparités entre ces derniers sont cependant nombreuses dans et en
dehors de l’OHADA. Dans les deux législations en comparaison, ces disparités ont une
source légale ou judiciaire et se traduisent par une exception à l’égalité du paiement en
cas de concours (privilèges, hypothèques et nantissement) ou une dérogation au concours
(exclusivité sur un bien, pluralité de débiteur coobligés ou action directe en paiement).

II- L'égalité réversible

84. Généralités. Le droit de gage général promet l’égalité du paiement en cas de


concours entre créanciers chirographaires. Toutefois, nul n’est tenu de s’en contenter.
Une fois le diagnostic de la créance chirographaire posé, libre au créancier chirographaire
OHADA ou français de conclure un contrat pour garantir l’exécution de l’obligation
souscrite par le débiteur. En effet, dans les Etats parties à l’OHADA qui ont gardé l’usage
du Code civil français comme en France, « Chacun est libre de contracter ou de ne pas
contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat
dans les limites fixées par la loi » (art. 1102 du Code civil).

85. Mais la question se pose de savoir si la force des volontés réciproquement exprimées
dans un contrat est toute puissante. Une réponse négative doit être apportée. En effet,
« la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre

63
public » (art. 1102 C. civ.). Ce faisant, il y a deux limites à la liberté : la loi et l’ordre public.
Ainsi, en présence d’un texte spécial, le droit commun des contrats s’efface. C’est dire que
le créancier chirographaire désireux de conclure un contrat de sûreté doit se plier aux
exigences de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés adopté le 15
décembre 2010 à Lomé (Togo)111 et du Code civil français112. Ces textes instituent un
certain nombre de sûretés. Les deux législations retiennent une summa divisio
traditionnelle des sûretés réparties entre sûreté réelles d’une part, et sûretés personnelles
d’autre part.

86. Les sûretés réelles peuvent être constituées par le débiteur lui-même ou un tiers en
garantie de l'obligation sous réserve des dispositions particulières de l’ Acte uniforme (art.
4 al. 3 AUS révisé). Elles consistent, soit dans le droit du créancier de se faire payer par
préférence sur le prix de réalisation d'un bien affecté à la garantie de l'obligation de son
débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition d'un bien dont il est
propriétaire à titre de garantie de cette obligation (art. 4 al. 2). Les sûretés réelles sont a
priori en nombre fini dans les deux législations. En effet, pour le législateur africain, et sauf
disposition contraire113, les seules sûretés réelles valablement constituées sont celles qui
sont régies par cet Acte. En France, un Titre second est consacré aux sûretés réelles (art.
2323 à 2488-5 du Code civil). Selon l’article 2329114, les sûretés sur les meubles sont :1°
Les privilèges mobiliers ; 2° Le gage de meubles corporels ; 3° Le nantissement de meubles
incorporels ; 4° La propriété retenue ou cédée à titre de garantie. Selon l’article
2373115, les sûretés sur les immeubles sont les privilèges, le gage immobilier et les
hypothèques. La propriété de l'immeuble peut également être retenue ou cédée en
garantie.

111
Entré en vigueur dans les États parties à l’OHADA le 16 mai 2011.
112
Toutefois, les sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sûretés légales autres que celles
régies par le présent Acte uniforme, ainsi que les sûretés garantissant l'exécution de contrats conclus
exclusivement entre établissements de financement, peuvent faire l'objet de législations particulières (art.
4 al. 4 AUS révisé).
113
Du présent Acte uniforme.
114
Modifié par Ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 - art. 3.
115
Modifié par LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 10.

64
Les sûretés personnelles consistent en l'engagement d'une personne de répondre de
l'obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci ou à première demande
du bénéficiaire de la garantie (art. 4 al. 1er). Les sûretés personnelles régies par l’Acte
uniforme sont le cautionnement et la garantie autonome (art. 12). Le législateur français
consacre au Livre IV intitulé « Des sûretés », un Titre 1er aux sûretés personnelles (art.
2287-1 à 2322 du Code civil). Selon l’article 2287-1116, les sûretés personnelles sont le
cautionnement, la garantie autonome et la lettre d'intention.

87. Les sûretés ainsi instituées sont d’ordre public semble-t-il puisque, a priori, un
créancier ne peut vouloir conclure d’autres sûretés117. Un premier indice de cet
encadrement des libertés est donné par la définition de la sûreté dans l’OHADA, ce que ne
fait pas le législateur français et qui peut être regretté 118. En effet, de façon plus
pragmatique et moins générale que dans l’ancien AUS119, l’article 1er de l’AUS révisé
prévoit qu’« une sûreté est l'affectation au bénéfice d'un créancier d'un bien, d'un
ensemble de biens ou d'un patrimoine afin de garantir l'exécution d'une obligation ou d'un

116
Créé par Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 4 JORF 24 mars 2006.
117
Toutefois, les sûretés propres au droit fluvial, maritime et aérien, les sûretés légales autres que celles
régies par l’AUS révisé, ainsi que les sûretés garantissant l’exécution de contrats conclu exclusivement
entre établissements de financement, peuvent faire l’objet de législations particulières (art. 4 al. 4 AUS
révisé).
118
Nicolas Borga, « L’ordre public et les sûretés conventionnelles, contribution à l’étude de la diversité des
sûretés »,– Nouvelle bibliothèque de thèses – DALLOZ – 2009 p. 1 et 2 « Si le droit des sûretés
conventionnelles est une belle plante, celle-ci ne peut être complètement sauvage. Les enjeux pour les
parties, les tiers et le crédit, sont trop importants pour être abandonnés aux libres volontés. Il ne s’agit pas
pour autant d’une de ces belles plantes sur lesquelles le jardinier entend exercer une maîtrise absolue, à
l’image d’un bonsaï dont le sort de la moindre pousse est menacé. Matière foisonnante où la créativité
contractuelle s’exprime, le droit des sûretés conventionnelles est une de ces plante qui se contentera d’un
tuteur pour s’épanouir. Instrument classique de la régulation de l’activité contractuelle, l’ordre public a
vocation à jouer un tel rôle. Il apparaît pressant d’en faire usage. En effet, loin de donner à observer un
nombre figé d’institutions, un puissant engrais nourrit le droit des sûretés conventionnelles. Longtemps en
sommeil, le recours aux sûretés est croissant dans le cadre d’une économie mondiale et fondée sur
l’endettement (…). L’heure est bien à l’effervescence des sûretés conventionnelles (…) symbole d’une vitalité
(…) et source d’un certain désordre (…), le contexte paraît propice à une résurgence de l’ordre public,
manifestation de l’intérêt général dans une matière dominée par les intérêts individuels ».
119
L’Article 1 AUS ancien en posant que « les sûretés sont les moyens accordés au créancier par la loi de
chaque Etat partie ou la convention des parties pour garantir l'exécution des obligations, quelle que soit la
nature juridique de celles-ci » aboutissait à ce que même le droit de gage général puisse être considéré
comme une sûreté alors même qu’il ne confère ni droit de suite ni droit de préférence qui sont le trait
caractéristique de la sûreté réelle, pas plus que la possibilité de poursuivre un tiers en paiement de la dette
d’autrui, ce qui est caractéristique de la sûreté personnelle.

65
ensemble d'obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment
qu'elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou
inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant ». C’est dire que, chaque fois
que le contrat aura une telle finalité, le juge n’aura d’autre possibilité que de restaurer au
contrat sa juste qualification de sûreté et d’y appliquer le régime qui en découle. Un
auteur, N. Borga, parle volontiers d’ égalité face à la règle impérative comme facteur
d’efficacité de l’ordre public dans les sûreté conventionnelles120.

88. Toutefois, la liberté laissée aux cocontractant est suffisante de prime abord pour
permettre au créancier chirographaire de combler les lacunes du droit de gage général.
Ainsi, par l’obtention d’un contrat de sûreté, le créancier chirographaire peut réduire les
disparités qui existent avec les autres créanciers, soit en se ménageant une cause légitime
de préférence conventionnelle le plaçant en situation de faire exception à l’égalité du
paiement en cas de concours (1§), soit en situation d’y déroger (2§) ; quoiqu’une large
partie du contenu des contrats proposés est imposée aux parties. Comme l’étude ne vise
pas à déterminer laquelle des législations en comparaison propose les meilleurs contrats
de sûreté, les développements suivants seront axés sur la démonstration de ce que les
parties au contrat de sûreté OHADA, comme les parties au contrat de sûreté français, ne
sont pas totalement libres quant au contenu du contrat projeté. En Afrique, comme en
France les clauses requises à peine de nullité ou supplétives de volontés prolifèrent dans
l’AUS révisé jusqu’à happer la quasi-totalité du principe de liberté contractuelle.

1§- Les exceptions conventionnelles

89. Tous les créanciers d’un débiteur en difficultés sont titulaires d’un droit de gage
général (art. 2284 C. civ.) puisque « les biens du débiteur sont le gage commun de ses
créanciers » (art. 2285 C. civ.). Aussi, en cas de concours entre créanciers chirographaires
« le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers
des causes légitimes de préférence. » (art. 2285 C. civ.). Cependant, les sûretés

120
Nicolas Borga, « L’ordre public et les sûretés conventionnelles, contribution à l’étude de la diversité des
sûretés »,– Nouvelle bibliothèque de thèses – DALLOZ – 2009 p. 415 à 489.

66
conventionnelles instituées dans l’AUS révisé et dans le Code civil permettent au créancier
chirographaire qui le souhaite de se hisser au rang de créancier privilégié en se ménageant
une cause légitime de préférence de nature conventionnelle sur les deniers provenant de
la réalisation des biens meubles (A) ou immeubles (B) appartenant au débiteur ou à un
tiers.

A-La préférence sur le prix d’un bien meuble

90. Dans la législation OHADA, comme dans la législation française, le créancier


chirographaire averti peut se ménager une situation d’inégalité sur le prix d’un bien
meuble corporel dans le cadre d’un contrat instituant un gage (1) ou d’un bien meuble
incorporel dans le cadre d’un contrat instituant un nantissement (2).

1-Le gage

91. Dans la législation OHADA, comme en France (art. 2333 à 2354 du code civil), le gage
est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par
préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels,
présents ou futurs (art. 92 AUS révisé). L’AUS révisé organise un régime de droit commun
aux articles 93 à 117 et des régimes spéciaux de gage aux articles 118 à 178, lesquels
dérogent au droit commun gage (ii).

i- Le gage de droit commun (art. 93 à 117 AUS révisé)

92. Le gage OHADA montre le degré de liberté dont disposent les parties au contrat de
gage. Cette liberté est cependant en pratique relativement bridée.

93. Constitution. Le gage peut être constitué en garantie d'une ou de plusieurs créances
présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables (art.
93 AUS révisé). Les parties peuvent convenir de la subrogation, en cours d'exécution du
contrat, de la chose gagée par une autre chose. Le gage peut également porter sur des
sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les officiers

67
ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être
responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation. (art. 94 AUS
révisé).

Le gage de la chose d’autrui est en principe interdit puisque le constituant d'un gage de
biens présents doit être propriétaire de la chose gagée selon l’article 95 AUS révisé. S'il ne
l'est pas, le créancier gagiste peut toutefois s'opposer à la revendication du propriétaire
dans les conditions prévues pour le possesseur de bonne foi (même article). Le gage est
un contrat solennel puisqu’il est requis à peine de nullité que le contrat de gage soit
constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens
donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature (art. 96 AUS révisé). S’agissant du
gage portant sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s'exerce sur
le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire
(art. 96 AUS révisé).

Le contrat de gage est opposable aux tiers, soit par l'inscription au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste
ou d'un tiers convenu entre les parties. Lorsque le gage a été régulièrement publié, les
ayants cause à titre particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des
possesseurs de bonne foi et le créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur
encontre (art. 97 AUS révisé). Sauf clause contraire prévue au contrat de gage, le
constituant ne peut exiger la radiation de l'inscription ou la restitution du bien gagé
qu'après paiement intégral de la dette garantie en principal, intérêts et autres accessoires
(art. 98 AUS révisé).

94. En résumé, le législateur OHADA pose des conditions de fond qui président à la
validité de la constitution du gage. Des conditions relatives au constituant du gage, d’une
part, qui peut être le débiteur lui-même ou un tiers constituant(art. 92 AUS révisé), lequel
peut gager des choses présentes (art. 95 AUS révisé) ou futures (art. 96 AUS révisé) mais
pas la chose d’autrui (art. 95 AUS révisé). En effet, « il pourra arriver qu’un constituant

68
consente, de bonne ou mauvaise foi, un gage sur un bien qui appartient à un tiers. Dans ce
cas, plutôt que de sanctionner ce défaut de propriété par la nullité du gage (pénalisante
pour le créancier gagiste), l’article 95 de l’AUS révisé protège le créancier gagiste en lui
permettant de s’opposer à la revendication du verus dominus comme le pourrait un
possesseur de bonne foi, ce qui suppose que le gage soit avec dépossession121 ». D’autre
part, le législateur OHADA pose des conditions relatives aux biens offerts en garantie (art.
92 et 94 AUS révisé) . L’objet ainsi que le caractère du gage sont encadrés. Ainsi, le gage
peut être consenti à titre de consignation (art. 94 al . 2 AUS révisé), le gage est
nécessairement indivisible (art. 98 et 114 AUS révisé). Enfin, des conditions de fond sont
relatives aux créances garanties elles-mêmes à l’article 93 AUS révisé.

Quant aux conditions de forme, il est remarquable qu’un écrit soit requis à peine de nullité
(art. 96 AUS révisé), ce dernier devant comporter un certain nombre de mentions
obligatoires telle la désignation des parties, la quantité des biens donnés en gage, leur
espèce ainsi que leur nature (même article).

Enfin, l’opposabilité du gage procède de son inscription au RCCM pour le gage sans
dépossession ou de la remise de la chose pour le gage avec dépossession (art. 97 AUS
révisé).

95. Effets. Le gage peut être constitué avec dépossession ou sans dépossession. Lorsque
le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste peut opposer son droit de
rétention sur le bien gagé, directement ou par l'intermédiaire du tiers convenu, jusqu'au
paiement intégral en principal, intérêts et autres accessoires, de la dette garantie (art. 99
AUS révisé). S'il a été dessaisi contre sa volonté, le créancier peut revendiquer la chose
gagée comme un possesseur de bonne foi (art. 100 AUS révisé).

121
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 200-201 n°263 § 3.

69
Lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit,
sauf clause contraire, les tenir ou les faire tenir séparées des choses de même nature
détenues par lui ou le tiers convenu. A défaut, le constituant peut réclamer la restitution
du bien gagé, sans préjudice de dommages-intérêts. Lorsque la convention dispense le
créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de
restituer la même quantité de choses équivalentes. En cas d'entiercement, la propriété
ainsi acquise par le créancier peut s'exercer sur des biens de même espèce et de même
qualité détenus par le tiers convenu (art. 101 AUS révisé). Lorsque le gage sans
dépossession a pour objet des choses fongibles, le contrat de gage peut permettre au
constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de choses
équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le créancier
à l'exercice de son droit de suite à l'encontre du tiers acquéreur de ces biens (art. 102 AUS
révisé).

A moins qu’il ne soit stipulé autrement dans le contrat de gage, le créancier gagiste ne
peut user de la chose gagée ni en percevoir les fruits. S'il est autorisé à percevoir les fruits,
il doit les imputer sur ce qui lui est dû en intérêts ou, à défaut, sur le capital de la dette
(art. 103 AUS révisé). Faute de paiement à l'échéance, le créancier gagiste muni d'un titre
exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée, huit jours après une
sommation faite au débiteur et, s'il y a lieu, au tiers constituant du gage dans les conditions
prévues par les dispositions organisant les voies d'exécution auxquelles le contrat de gage
ne peut déroger. Dans ce cas, le créancier exerce son droit de préférence sur le prix de la
chose vendue. Il peut aussi faire ordonner par la juridiction compétente que le bien gagé
lui sera attribué en paiement jusqu'à due concurrence du solde de sa créance et après
estimation suivant les cours ou à dire d'expert. Si le bien gagé est une somme d'argent ou
un bien dont la valeur fait l'objet d'une cotation officielle, les parties peuvent convenir que
la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement.
Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette garantie
est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du
transfert par un expert désigné à l'amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant

70
réputée non écrite (art. 104 AUS révisé).

En cas d'attribution judiciaire ou conventionnelle, lorsque la valeur du bien excède le


montant qui lui est dû, le créancier gagiste doit consigner une somme égale à la différence
s'il existe d'autres créanciers bénéficiant d'un gage sur le même bien ou, à défaut, verser
cette somme au constituant. Toute clause contraire est réputée non écrite (art. 105 AUS
révisé). En cas de perte ou de détérioration totale ou partielle de la chose gagée qui ne
serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce son droit de préférence sur l'indemnité
d'assurance, s'il y a lieu, pour le montant de la créance garantie en principal, intérêts et
autres accessoires122 (art. 106 AUS révisé).

Le législateur OHADA envisage par ailleurs l’hypothèse où un même bien fait l'objet de
plusieurs gages successifs sans dépossession. Il est prévu que, dans ce cas, le rang des
créanciers est déterminé par l'ordre de leur inscription. Aussi, lorsqu'un bien donné en
gage sans dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage avec dépossession, le droit
de préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur
lorsqu'il a été régulièrement publié et a nonobstant le droit de rétention de ce dernier.
Quid lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l'objet d'un gage
sans dépossession ? Le législateur OHADA prévoit que, dans ce cas, le droit de rétention
du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra
prétendre exercer ses droits sur le bien tant que le créancier antérieur n'aura pas été
entièrement payé (art. 107 AUS révisé).

Lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste ou le tiers convenu
doit veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit un dépositaire
rémunéré. De même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit
le conserver en bon père de famille et, notamment, l'assurer contre les risques de perte
et de détérioration totale ou partielle (art. 108 AUS révisé). Lorsque le gage est constitué
avec dépossession, le constituant peut réclamer la restitution du bien gagé, sans préjudice

122
Dans le respect des dispositions de l'article 226 AUS révisé

71
de dommages-intérêts, si le créancier ou le tiers convenu ne satisfait pas à son obligation
de conservation du bien gagé. Lorsque le gage est constitué sans dépossession, le
créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un
complément de gage si le constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du
gage (art. 109 AUS révisé).

Si le gage, quelles qu'en soient les modalités, a pour objet un ensemble de biens fongibles,
le créancier peut exiger du constituant, à peine de déchéance du terme, qu'il en
maintienne la valeur. Le créancier peut, à tout moment et aux frais du débiteur, obtenir
du constituant ou du tiers convenu un état de l'ensemble des biens gagés ainsi que la
comptabilité de toutes les opérations le concernant. Si la constitution de la sûreté a donné
lieu à l'émission d'un bordereau de gage de stocks, l'établissement domiciliataire du
bordereau a également ce pouvoir. Est considéré comme établissement domiciliataire
au sens de l’Acte uniforme, tout établissement habilité à recevoir des dépôts du public
(art. 110 AUS révisé). Lorsqu'un bien objet d'un gage avec dépossession menace de périr,
le créancier gagiste ou le tiers convenu peut faire vendre, sous sa responsabilité, le bien
gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction compétente saisie sur simple
requête. Les effets du gage sont alors reportés sur le prix (art. 111 AUS révisé).

Le tiers convenu et, s'il y a lieu, l'acquéreur de mauvaise foi de la chose donnée en gage
répondent, solidairement avec le créancier gagiste, de l'inexécution des obligations
mentionnées aux articles 103, 108 alinéa 1 et 111 AUS révisé (art. 112 AUS révisé). Lorsqu'il
est entièrement payé du capital, des intérêts et autres accessoires, le créancier gagiste
restitue la chose avec tous ses accessoires. Le constituant doit alors rembourser au
créancier gagiste ou au tiers convenu les dépenses utiles ou nécessaires que celui-ci a
faites pour la conservation du gage (art. 113 AUS révisé). Le gage est indivisible nonobstant
la divisibilité de la dette envers les héritiers du débiteur ou ceux du créancier. L'héritier
du débiteur qui a payé sa part de la dette ne peut demander la restitution de sa portion
dans le gage, celui-ci fut-il divisible par nature, tant que la dette n'est pas entièrement
acquittée. L'héritier du créancier qui a reçu sa part de la créance ne peut remettre le

72
gage, celui-ci fut-il divisible, au préjudice des cohéritiers qui ne sont pas payés (art. 114
AUS révisé). La mise en gage de marchandises dont le débiteur peut disposer par
bordereau de gage de stocks, connaissement, récépissé de transport ou de douane, est
constituée suivant les dispositions propres à chacun de ces titres ou documents (art. 115
AUS révisé).

96. En résumé, « si la plupart des règles de droit commun s’appliquent aussi bien au gage
avec dépossession qu’au gage sans dépossession, les dispositions relatives au droit de
rétention et à la revendication de la chose gagée par le créancier ne s’appliquent que
lorsque la chose gagée lui a été remise123 ».

Les dispositions spécifiques au gage avec dépossession intéressent le droit de rétention


(art. 99 AUS révisé), lequel ne peut être exercé que sous réserve de l’application de l’article
107 al. 2 AUS révisé. La revendication de la chose est encadrée par l’article 100 AUS révisé.
En cas de perte de la chose du fait du créancier, alors le gage s’éteint indépendamment
de l’obligation garantie (art. 117 AUS révisé voir infra).

Les dispositions communes au gage avec et sans dépossession concerne notamment les
droits sur la chose gagée, et particulièrement son usage (art. 103 AUS révisé), sa jouissance
(même article). S’agissant des choses fongibles gagées, lorsque le gage est avec
dépossession, il y a une dérogation à l’obligation et « ségrégation » et « péril » du bien
gagé124. Dans les circonstances normales, c’est-à-dire en cas de dérogation à l’obligation
de ségrégation, alors l’article 101 AUS révisé s’applique. En revanche, dans le cadre de
circonstances exceptionnelles, lorsqu’il y a péril du bien gagé, l’article 111 AUS révisé
s’applique. Dans le cadre d’un gage sans dépossession, il faut une autorisation d’aliéner

123
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 200-201 n°263 § 3.
124
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 208.

73
(art. 102 AUS révisé).

L’obligation de conservation de la chose est une autre disposition commune aux gage avec
dépossession et au gage sans dépossession. Ainsi, la détermination du débiteur de
l’obligation en cas de gage avec dépossession doit respecter les articles 108, 109 et 113
AUS révisé. En cas de gage sans dépossession, il y a lieu de respecter les directives de
l’article 108 al. 2, art. 109 AUS révisé. Concernant le maintien de la valeur pour le gage de
chose fongibles, celui-ci est encadré à l’article 110 AUS révisé. Quant à la perte ou la
détérioration de la chose, il y a lieu de respecter les règles posées à l’article 106 AUS révisé.
Lorsque le gage est avec dépossession, il convient de respecter en outre l’article 108 AUS
révisé traitant du droit de préférence, alors que s’il s’agit d’un gage avec dépossession et
que le créancier n’a pas pu faire vendre le bien en péril, le créancier ne peut exercer son
droit de préférence sur l’indemnité d’assurance que si le bien est assuré (art. 108 AUS
révisé).

L’ordre de préférence en cas de gages successif est envisagée à l’article 107 AUS révisé,
lequel recense 4 cas : les gages successifs sans dépossession ; les gages successifs avec
dépossession, le gage sans dépossession suivi d’un gage avec dépossession et, enfin, le
gage avec dépossession suivi d’un gage sans dépossession.

S’agissant enfin de la réalisation du gage, celle-ci est encadrée à l’article 104 AUS révisé
qui prévoit : la vente forcée125 ; l’attribution judiciaire ; l’attribution conventionnelle par
le pacte commissoire.

97. Extinction. Le gage prend fin lorsque l'obligation qu'il garantit est entièrement
éteinte, tant en capital qu'en intérêts et autres accessoires (art. 116 AUS révisé). Le gage
avec dépossession disparaît indépendamment de l'obligation garantie si la chose est
volontairement restituée au constituant, si elle est perdue par le fait du créancier gagiste,

125
Ainsi que les conditions d’exercice du droit de préférence dans les conditions de l’article 226 AUS révisé,
selon l’article 104 al. 1er du même acte uniforme.

74
ou lorsque la juridiction compétente en ordonne la restitution pour faute du créancier
gagiste, sauf désignation d'un séquestre qui aura la mission d'un tiers convenu (art. 117
AUS révisé).

98. En résumé, il convient de distinguer selon que l’extinction du gage est la


conséquence de la dette garantie (art. art. 116 et 113 AUS révisé), de l’extinction
autonome du contrat de gage (art. 117 AUS révisé).

ii- Les régimes spéciaux de gage aux articles 118 à 124 AUS révisé

99. Il existe des règles particulières à certains gages. Il en est ainsi pour le gage du
matériel professionnel et de véhicules automobiles. Il en est de même du gage de stocks.

100. Le gage du matériel professionnel et de véhicules automobiles. L’AUS révisé prévoit


que le matériel professionnel et les véhicules automobiles, assujettis ou non à une
déclaration de mise en circulation et à immatriculation administrative, peuvent faire
l'objet d'un gage en application des dispositions des articles 92 à 117 applicables au droit
commun du gage. Toutefois, des règles spécifiques sont à observer. Le matériel
professionnel faisant partie d'un fonds de commerce peut être nanti en même temps que
les autres éléments du fonds, conformément aux dispositions des articles 162 à 165
applicables au nantissement du fonds de commerce126 (art. 118 AUS révisé).

101. En ce qui concerne les véhicules automobiles assujettis à une déclaration de mise en
circulation et à immatriculation administrative, le gage doit être mentionné sur le titre
administratif portant autorisation de circuler et immatriculation (art. 119 al. 1er AUS
révisé). L'absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou l'opposabilité du
gage dûment inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (art. 119 al. 2 AUS
révisé).

102. Le gage de stocks. « On constatait autrefois l’existence d’une multiplicité de warrants

126
Voir infra.

75
(agricole, industriel, pétrolier etc. ), chacun étant régi par un texte spécial. Cette
hétérogénéité et cette dispersion des textes (qui ne facilitait pas la recherche et la
connaissance de ces sûretés) ont été avantageusement réduites par une réglementation
commune et uniforme de tous ces warrants qui, d’ailleurs, ont perdu à cette occasion leur
appellation anglaise »127.

103. Les matières premières, les produits d'une exploitation agricole ou industrielle, les
marchandises peuvent faire l'objet d'un gage128 (art. 120 AUS révisé). Toutefois, il convient
de respecter certaines règles qui sont propres à ces biens.

Ainsi, la constitution d'un gage de stocks sans dépossession peut donner lieu à l'émission
par le greffier, ou par le responsable de l'organe compétent dans l'État Partie, d'un
bordereau de gage de stocks. Dans ce cas, l'acte constitutif du gage doit comporter, à
peine de nullité129, le nom de l'assureur qui couvre les stocks gagés contre les risques de
vol, d'incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la désignation de
l'établissement domiciliataire du bordereau de gage de stocks (art. 121 AUS révisé).

Ce bordereau remis au débiteur après inscription doit porter, de façon apparente : - la


mention « gage de stocks » ; - la date de sa délivrance qui correspond à celle de
l'inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ; - le numéro d'inscription
au registre chronologique des dépôts ; - la signature du débiteur. Il est remis par le
débiteur au créancier par voie d'endossement signé et daté. Le bordereau peut être
endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu'un billet à ordre avec les mêmes effets
(art. 121 AUS révisé).

A défaut de convention contraire, l’article 122 AUS révisé prévoit que la durée de validité

127
Joseph Issa-Sayegh, « Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés », in
« OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés » – Juriscope 2014 p. 917 § 6 ; voir aussi A.
Feneon, « Le nantissement de stocks de matières premières : une garantie adaptée et efficace de l’Acte
uniforme sur les sûretés », Penant n° spécial 840 « Sûretés et garanties bancaires », p. 274.
128
En application des dispositions des articles 92 à 117 du présent Acte uniforme.
129
Outre les mentions prévues par l'article 96 AUS révisé.

76
du bordereau est de cinq ans à compter de la date de son émission, sauf renouvellement.
L'endossement confère au porteur du bordereau la qualité et les droits d'un créancier
gagiste (art. 123 AUS révisé). Le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks
conserve le droit de vendre les stocks gagés. Cependant, il ne peut livrer les biens vendus
qu'après consignation du prix auprès de l'établissement domiciliataire (art. 124 AUS
révisé).

104. En résumé, le gage de stocks répond aux règles de droit commun (art. 120 AUS
révisé). Cependant, s’il s’accompagne de l’émission d’un bordereau, des règles
supplémentaires qui lui sont propres s’ajoutent (art. 115 AUS révisé). Les conditions de
fond sont applicables à l’émission du bordereau de gage de stocks, quant à l’extension de
l’obligation d’assurance. Mais à l’obligation d’assurer les biens gagés de l’article 108 AUS
révisé s’ajoute celle de l’article 120 AUS révisé. L’émission du bordereau par le greffier est
impérative (art. 121 AUS révisé). S’agissant des conditions de forme, des mentions doivent
figurer sur le contrat de gage de stocks (art. 121 AUS révisé) et sur le bordereau (art. 122
AUS révisé). Le bordereau de gage de stocks produit un certain nombre d’effets : la
transmissibilité par endossement (art. 122 et 123 AUS révisé) ; sa durée de 5 ans (art. 122
AUS révisé) ; la possibilité de vendre les stocks gagés ainsi que la consignation du prix (art.
124 AUS révisé).

105. Conclusion 1. Dans la législation OHADA comme dans la législation française, un


créancier chirographaire qui ne disposerait que du droit de gage général pour garantir
l'exécution de l'obligation de payer, peut se ménager l'inégalité sur le prix d'un bien
meuble corporel dans le cadre d'un contrat de sûreté mettant en place un gage de bien
meuble corporel avec ou sans dépossession du débiteur. Il est remarquable à cet égard
que le législateur OHADA facilite l’emploi d’une telle sûreté en énonçant clairement et
dans un texte unique les conditions de constitution, les effets et les modalités d’extinction
du gage. Aussi, les dispositions relatives au gage de stocks et au gage du matériel
professionnel et de véhicules automobiles sont accessibles immédiatement à la suite du
gage de droit commun, contrairement au législateur français qui contraint les parties à

77
rechercher le cadre légal de ces gages dans le Code civil et le Code de commerce.

2- Le nantissement

106. Dans la législation OHADA, comme en France (art. 2355 à 2366 du Code civil), les
créanciers peuvent aussi constituer un contrat de nantissement, lequel n’est autre qu’un
contrat de gage sur bien incorporel. Le droit n’institue donc que des régimes spéciaux de
nantissement. En effet, selon l’AUS révisé, « le nantissement est l'affectation d'un bien
meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs, en
garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient
déterminées ou déterminables. Il est conventionnel ou judiciaire ». (125 AUS révisé).
Contrairement au législateur français130, le législateur OHADA n’institue pas de droit
commun du nantissement, ce qui a le mérite de la clarté.

107. Le nantissement de créances. A peine de nullité, le nantissement de créance doit


être constaté dans un écrit contenant la désignation des créances garanties et des
créances nanties ou, si elles sont futures, les éléments de nature à permettre leur
individualisation, tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des
créances ou leur évaluation et leur échéance (art. 127 AUS révisé). Lorsque le
nantissement a pour objet une créance future, le créancier nanti acquiert un droit sur la
créance dès la naissance de celle-ci (art. 128 AUS révisé). Le nantissement de créance peut
porter sur une fraction de créance, sauf si elle est indivisible (art. 129 AUS révisé).

Le nantissement s'étend aux accessoires de la créance nantie, à moins que les parties n'en
conviennent autrement (art. 130 AUS révisé.) A la date de sa conclusion, le nantissement
d'une créance, présente ou future, prend effet entre les parties, quelle que soit la date de
naissance, d'échéance ou d'exigibilité de la créance nantie et devient opposable aux tiers

130
Ce que l’on peut déduire de l’article 2355 al. 3,4 et 5 du Code civil lorsqu’il dispose que Le nantissement
judiciaire est régi par les dispositions applicables aux procédures civiles d'exécution. « Le nantissement
conventionnel qui porte sur les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le présent chapitre.
Celui qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de dispositions spéciales, aux règles
prévues pour le gage de meubles corporels ».

78
à compter de son inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, et ce, quelles
que soient la loi applicable à la créance et la loi du pays de résidence de son débiteur (art.
131 AUS révisé). Pour être opposable au débiteur de la créance nantie, le nantissement de
créance doit lui être notifié par écrit ou ce dernier doit intervenir à l'acte. A défaut, seul
le constituant reçoit valablement paiement de la créance, à charge d'en verser le montant
au créancier nanti, sauf stipulation contraire131 (art. 132 AUS révisé). Après notification ou
intervention à l'acte du débiteur de la créance nantie, seul le créancier nanti reçoit
valablement paiement de cette créance tant en capital qu'en intérêts et autres
accessoires, même lorsque le paiement n'a pas été poursuivi par lui (art. 133 AUS révisé).

Si l'échéance de la créance nantie est antérieure à l'échéance de la créance garantie, le


créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d'un
établissement habilité à les recevoir, à charge pour lui de les restituer au constituant si
l'obligation garantie est exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie
et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier nanti affecte les
fonds au remboursement de sa créance, dans la limite des sommes impayées. Si
l'échéance de la créance garantie est antérieure à l'échéance de la créance nantie, le
créancier peut se faire attribuer, par la juridiction compétente ou dans les conditions
prévues par la convention, la créance nantie ainsi que tous les droits qui s'y rattachent.
Le créancier nanti peut également attendre l'échéance de la créance nantie. Sauf
convention contraire, le créancier nanti perçoit en outre les intérêts en les imputant sur
ce qui lui est dû en capital, intérêts et autres accessoires (art. 134 AUS révisé). S'il a été
payé au créancier nanti une somme supérieure à la dette garantie, il répond du surplus
perçu en qualité de mandataire du constituant. Toute clause contraire est réputée non
écrite (art. 135 AUS révisé).

108. En résumé, Le nantissement de créance doit faire l’objet d’un écrit (art. 127). Son
objet est étendu puisque selon l’article 131 in fine AUS révisé, « toutes les créances, quelle
que soit leur nature peuvent être nanties. Elles peuvent être contractuelles ou délictuelles,

131
Sous réserve du respect des dispositions de l'article 134 AUS révisé.

79
civiles ou commerciales et même d’origine étrangère. Il en est de même des créances
garanties. La qualité du créancier ou du débiteur importe peu. La liberté des parties n’est
entravée que par l’ordre public et l’indisponibilité d’origine conventionnelle de la créance
nantie »132. Les créances peuvent être futures (voir notamment les articles 125, 127,128133
et 131 AUS révisé) ou un ensemble de biens meubles incorporels (art. 125 AUS révisé) ; ou
même n’être qu’une fraction de créance, à moins qu’elle ne soit indivisible (art. 129 AUS
révisé).

Les formalité du nantissement de créances président à son opposabilité. Le nantissement


est opposable aux tiers à compter de son inscription au RCCM prévue à l’article 131 AUS
révisé, conformément aux modalités organisées par le droit commun des inscriptions
mobilières à ce registre(art. 134 AUS révisé) 134, alors qu’il est valable et opposable aux tiers
dès sa signature en droit français (art. 2361 C. civ.). Le nantissement est opposable au
débiteur par voie de notification (art. 132 AUS révisé), mais celle-ci n’est pas obligatoire.

Les effets du nantissement de créance procèdent largement de la notification (art. 133


AUS révisé). Il convient alors de distinguer selon que se réalise d’abord l’échéance de la
créance garantie (art. 134 AUS révisé applicable) ou que se réalise d’abord l’échéance de
la créance nantie. Dans ce dernier cas, le créancier nanti peut se faire attribuer la créance
(attribution judiciaire ou pacte commissoire) ou attendre l’échéance de la créance nantie.
Le nantissement de créance procure au créancier bénéficiaire un droit exclusif au
paiement (art. 226 AUS révisé).

132
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 229 n°326 §2.
133
Droit acquis par le créancier sur la créance dès la naissance de celle-ci.
134
Une situation qui peut poser quelques difficultés à l’usage, voir sur ce point quant au nantissement de
solde de compte bancaire et à la localisation de la publicité des sûretés sur créances (art. 52 AUS révisé) :
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 232 et 233 n.329.

80
109. Le nantissement de compte bancaire est un nantissement de créance. Les règles qui
régissent celui-ci lui sont applicables135 (art. 136 AUS révisé). Lorsque le nantissement
porte sur un compte bancaire, la créance nantie s'entend du solde créditeur, provisoire ou
définitif, au jour de la réalisation de la sûreté, sous réserve de la régularisation des
opérations en cours, selon les modalités prévues par l'Acte uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en matière de saisie-
attribution des créances pratiquée entre les mains d'un établissement de crédit. Sous
cette même réserve, en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du
débiteur de la créance garantie, les droits du créancier nanti portent sur le solde créditeur
du compte au jour de cette ouverture (art. 137 AUS révisé). Les parties peuvent convenir
des conditions dans lesquelles le constituant pourra continuer à disposer des sommes
inscrites sur le compte nanti (art. 138 AUS révisé). Même après réalisation, le
nantissement de compte bancaire subsiste tant que le compte n'a pas été clôturé et que
la créance garantie n'a pas été intégralement payée (art. 139 AUS révisé).

110. Le nantissement des droits d'associés et valeurs mobilières. Les droits des associés
et les valeurs mobilières des sociétés commerciales et ceux cessibles de toute autre
personne morale assujettie à l'immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier peuvent faire l'objet d'un nantissement conventionnel (art. 140 AUS révisé). A
peine de nullité, le nantissement des droits d'associés et des valeurs mobilières doit être
constaté dans un écrit contenant certaines mentions : 1°) la désignation du créancier,
du débiteur et du constituant du nantissement si celui-ci n'est pas le débiteur ; 2°) le
siège social et le numéro d'immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
de la personne morale émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières ; 3°) le
nombre ou le moyen de déterminer celui-ci et, le cas échéant, les numéros des titres nantis
; 4°) les éléments permettant l'individualisation de la créance garantie tels que son
montant ou son évaluation, sa durée et son échéance (art. 141 AUS révisé).

Sous réserve des dispositions spéciales relatives au droit des sociétés commerciales et des

135
Sous réserve des dispositions de la présente section.

81
personnes morales concernées, le nantissement conventionnel n'est opposable aux
tiers136 que s'il est inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. L'inscription
provisoire et l'inscription définitive doivent être prises, respectivement, après la décision
autorisant le nantissement et la décision de validation passée en force de chose jugée.
Outre l'inscription, le nantissement conventionnel peut être signifié ou notifié à la société
commerciale ou à la personne morale émettrice des droits d'associés et valeurs mobilières
ou des titres constatant les droits des associés (art. 143 AUS révisé).

Le nantissement des droits d'associés et des valeurs mobilières confère au créancier : -


un droit de suite137 ; - un droit de réalisation138 ; - un droit de préférence139 ; - le droit
de percevoir les fruits des droits sociaux et des valeurs mobilières nanties si les parties en
sont convenues (art. 144 AUS révisé). En dehors des avances sur titres soumises aux règles
du gage, les institutions financières et les établissements de crédit peuvent140 consentir
des prêts à trois mois sur valeurs mobilières cotées que le créancier gagiste peut, à défaut
de remboursement, faire exécuter en bourse, sans formalité, le lendemain de l'échéance
(art. 145 AUS révisé).

111. En résumé, le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières constitue le


droit commun des sûretés sur titres non dématérialisés ou inscrits en compte. Des
conditions de fond président à la validité de sa constitution à l’article 140 AUS révisé, ainsi
que des conditions de forme. En particulier un écrit est exigé comportant des mentions
obligatoires requises à peine de nullité (art. 141 AUS révisé). L’opposabilité aux tiers est
réalisée par l’inscription au RCCM (art. 143) dans la mesure et selon les conditions prévues
par les articles 51 à 66 de l’AUS révisé. La communication (signification ou notification) du
nantissement à la personne morale émettrice est facultative (art. 143 AUS révisé). Les
effets du nantissement sont énergiques puisque, selon l’article 144 AUS révisé, ils

136
Dans la mesure et selon les conditions prévues par les articles 51 à 66 du présent Acte uniforme.
137
Qu'il exerce conformément aux dispositions de l'article 97 alinéa 2 AUS révisé.
138
Qu'il exerce conformément aux dispositions des articles 104 et 105 AUS révisé.
139
Qu'il exerce conformément aux dispositions de l'article 226 AUS révisé.
140
S'ils y sont autorisés par la réglementation applicable.

82
confèrent à son bénéficiaire droit de suite (art. 97 al. 2 AUS révisé) et de réalisation (art.
104 et 105 AUS révisé), ainsi qu’un droit de préférence (art. 226 AUS révisé).

Des dispositions particulières aux comptes de titres financiers sont prévues. le


nantissement d'un compte de titres financiers est la convention par laquelle le constituant
affecte en garantie d'une obligation l'ensemble des valeurs mobilières et autres titres
financiers figurant dans ce compte (art. 146 AUS révisé). « En pratique, les inscriptions en
compte de titre financiers ne concernent qu’un nombre réduit d’entreprises et d’opérations
dans l’espace OHADA l’AUS anticipe leur développement et celui des marché financiers de
la zone et a intégré dans ses articles 146 à 155 les dispositions relatives au nantissement
de comptes titres financiers »141. Il est constitué, tant entre les parties qu'à l'égard de la
personne morale émettrice et des tiers, par une déclaration datée et signée par le titulaire
du compte. La déclaration constitutive du nantissement comporte, à peine de nullité :
1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du nantissement ; 2°) le
nombre et la nature des titres financiers formant l'assiette initiale du nantissement ; 3°)
les éléments permettant l'individualisation de la créance garantie tels que son montant ou
son évaluation, sa durée et son échéance ; 4°) les éléments d'identification du compte
spécial nanti (art. 147 AUS révisé).

112. Le nantissement des droits de propriété intellectuelle est la convention par laquelle
le constituant affecte en garantie d'une obligation tout ou partie de ses droits de propriété
intellectuelle existants ou futurs, tels que des brevets d'invention, des marques de
fabrique et de commerce, des dessins et modèles. Le nantissement des droits de
propriété intellectuelle peut être conventionnel (art. 156 AUS révisé). A peine de nullité,
le nantissement des droits de propriété intellectuelle doit être constaté dans un écrit
contenant : 1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du
nantissement si celui-ci n'est pas le débiteur ; 2°) les éléments identifiant ou permettant

141
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 245 à 251.

83
de déterminer les droits apportés en garantie ; 3°) les éléments permettant
l'individualisation de la créance garantie tels que son montant ou son évaluation, sa durée
et son échéance (Article 157).

Le nantissement de droits de propriété intellectuelle ne s'étend pas, sauf convention


contraire des parties, aux accessoires et aux fruits résultant de l'exploitation du droit de
propriété intellectuelle objet du nantissement (art. 159 AUS révisé). Le nantissement
conventionnel n'est opposable aux tiers142 que s'il est inscrit au Registre du Commerce et
du Crédit Mobilier. Si le nantissement a pour objet un droit inscrit sur l'un des registres
régis par la réglementation applicable en matière de propriété intellectuelle, il doit, en
outre, être satisfait aux règles de publicité prévues par cette règlementation (art. 160 AUS
révisé). Le nantissement des droits de propriété intellectuelle confère au créancier : - un
droit de suite qu'il exerce conformément aux dispositions de l'article 97 alinéa 2 AUS révisé
; - un droit de réalisation qu'il exerce conformément aux dispositions des articles 104 et
105 AUS révisé ; - un droit de préférence qu'il exerce conformément aux dispositions de
l'article 226 AUS révisé (art. 161 AUS révisé).

113. Les conditions du nantissement des droits de propriété intellectuelle, relativement


à l’objet des droit nantis, sont exposées à l’article 159 AUS révisé. Les conditions de validité
exigent notamment un écrit comportant les mentions prescrites à l’article 157 AUS révisé.
Quant à l’opposabilité du nantissement, celle-ci suppose l’inscription au RCCM (art. 51 à
66 AUS révisé) et à un registre spécifique de l’OAPI143. Autrement dit, il convient de se
référer à ce texte pour satisfaire aux exigences d’opposabilité aux tiers. Les effets du
nantissement des droits de propriété intellectuelle sont prévus à l’article 161 AUS révisé.
Ils consistent en un droit de suite, un droit de réalisation et un droit de préférence pour le
bénéficiaire du nantissement.

114. Le nantissement du fonds de commerce est la convention par laquelle le constituant

142
Dans la mesure et selon les conditions prévues par les articles 51 à 66 AUS révisé.
143
Organisation africaine de la propriété intellectuelle constituée par l’Accord de Bangui du 2 mars 1977.

84
affecte en garantie d'une obligation les éléments incorporels constitutifs du fonds de
commerce, à savoir la clientèle et l'enseigne ou le nom commercial. Le nantissement
peut aussi porter sur les autres éléments incorporels du fonds de commerce tels que le
droit au bail commercial, les licences d'exploitation, les brevets d'invention, marques de
fabrique et de commerce, dessins et modèles et autres droits de la propriété intellectuelle.
Il peut également être étendu au matériel professionnel144. Le nantissement ne peut
porter sur les droits réels immobiliers conférés ou constatés par des baux ou des
conventions soumises à inscription au registre de la publicité immobilière. Si le
nantissement porte sur un fonds de commerce et ses succursales, celles-ci doivent être
désignées par l'indication précise de leur siège (art. 162 AUS révisé).

A peine de nullité, le nantissement du fonds de commerce doit être constaté dans un écrit
contenant : 1°) la désignation du créancier, du débiteur et du constituant du
nantissement si celui-ci n'est pas le débiteur ; 2°) la désignation précise et le siège du
fonds et, s'il y a lieu, de ses succursales ; 3°) les éléments du fonds nanti ; 4°) les
éléments permettant l'individualisation de la créance garantie tels que son montant ou
son évaluation, sa durée et son échéance (art. 163 AUS révisé).

Le nantissement n'est opposable aux tiers145 que s'il est inscrit au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier (Article 165). Plusieurs hypothèses sont à envisager. Tout d’abord,
lorsque le nantissement ou le privilège du vendeur du fonds de commerce porte sur des
brevets d'invention, marques de fabrique, de service et de commerce, des dessins et
modèles et autres droits de la propriété intellectuelle ainsi que sur le matériel
professionnel, il doit146 être satisfait aux règles de publicité prévues pour les actes
affectant la propriété des droits de propriété intellectuelle et aux règles de l’AUS révisé
relatives au nantissement du matériel faisant partie d'un fonds de commerce (art. 170 AUS

144
Cette extension du nantissement doit faire l'objet d'une clause spéciale désignant les éléments engagés
et d'une mention particulière au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Toutefois, cette clause n'a
d'effet que si la publicité prévue par l'article 160 AUS réviséa été satisfaite.
145
Dans la mesure et selon les conditions prévues par les articles 51 à 66 AUS révisé.
146
En dehors de l'inscription de la sûreté du créancier au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

85
révisé). Ensuite, autre hypothèse, lorsque le fonds faisant l'objet d'un nantissement ou
d'un privilège comprend une ou des succursales, les inscriptions prévues aux articles 164
à 167 AUS révisé doivent être prises au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier où est
principalement immatriculé le fonds (art. 171 AUS révisé). Le bailleur de l'immeuble dans
lequel est exploité le fonds doit recevoir notification du bordereau d'inscription ou de la
modification de l'inscription initiale. A défaut, le créancier nanti ne peut se prévaloir des
dispositions de l'article 176 AUS révisé147 (art. 172 AUS révisé).

Toute vente amiable ou judiciaire de fonds de commerce ou de l'un de ses éléments ne


peut avoir lieu sans production, par le vendeur ou l'auxiliaire de justice chargé de la vente,
d'un état des inscriptions prises sur le fonds (art. 173 AUS révisé). Ainsi, en cas de vente
ou de réalisation du fonds, les créanciers chirographaires peuvent obtenir en justice la
déchéance du terme de leurs créances pour concourir à la distribution du prix (art. 174
AUS révisé). En cas de déplacement du fonds, le propriétaire doit, quinze jours au moins à
l'avance, notifier aux créanciers inscrits, par acte extrajudiciaire, son intention de déplacer
le fonds en indiquant le nouvel emplacement qu'il entend lui donner. Le déplacement
opéré, sans notification régulière, entraîne déchéance du terme pour le débiteur. Le
créancier inscrit qui refuse de consentir au déplacement peut, dans le délai de quinze jours
suivant la notification, demander la déchéance du terme s'il y a diminution de sa sûreté.
Le créancier inscrit qui a consenti au déplacement conserve sa sûreté s'il fait mentionner
son accord, dans le même délai, en marge de l'inscription initiale. Enfin, si le fonds est
transféré dans un autre État Partie à l’OHADA, l'inscription initiale, à la demande du
créancier inscrit, est reportée sur le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier où est
transféré le fonds (art. 175 AUS révisée).
Quant au bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel
est exploité un fonds de commerce grevé d'inscription, il doit notifier sa demande aux
créanciers inscrits par acte extrajudiciaire. La décision judiciaire de résiliation ne peut
intervenir, ou une clause résolutoire de plein droit ne peut produire effet, qu'après
l'expiration du délai de deux mois suivant la notification (art. 176 AUS révisé). Les

147
Voir infra.

86
créanciers inscrits ont un droit de surenchère qu'ils exercent conformément aux
dispositions prévues pour la vente du fonds de commerce (art. 177 AUS révisé).

Les créanciers inscrits bénéficient : - d'un droit de suite qu'ils exercent conformément
aux dispositions de l'article 97 alinéa 2, AUS révisé ; - d'un droit de réalisation qu'ils
exercent conformément aux dispositions de l'article 104, alinéa 1, AUS révisé ; - d'un
droit de préférence qu'ils exercent conformément aux dispositions de l'article 226 AUS
révisé (art. 178 AUS révisé).

115. Si le nantissement de fonds de commerce doit respecter certaines conditions de fond


quant à sa constitution et notamment son assiette (art. 162 AUS révisé), certains biens en
sont toutefois exclus : les actifs immobiliers (art. 162 al. 4 AUS révisé) ainsi que les stocks
et marchandises. S’agissant des conditions relatives au fonds nanti, celui-ci peut être futur
ou porter sur une succursale (art. 165 al. 2). Quant aux conditions de forme, la validité du
nantissement est assurée par un écrit comportant des mentions obligatoires que l’article
163 AUS révisé énumère. L’opposabilité aux tiers s’effectue par voie d’inscription au RCCM
(art. 165 al. 1er AUS révisé) du lieu dans le ressort duquel est immatriculée la personne
physique ou morale propriétaire du fonds. En outre, des règles spécifique de publicité sont
prévues aux articles 170 à 173 AUS révisé, elles sont communes au nantissement de fonds
de commerce et au privilège du vendeur.

Les effets des sûretés sur le fonds de commerce consistent en l’octroi d’un droit de suite,
de réalisation et de préférence. Des droits spécifiques sont encore attachés à ces sûretés
lorsque le créancier les a régulièrement inscrites. Le créancier dispose d’un droit de
surenchère en cas de revente du fonds et d’un droit à l’information pour garantir
l’effectivité du droit de suite lorsque le fonds est déplacé (art. 175 AUS révisé), en cas de
résiliation du bail (art. 176 AUS révisé), de résolution de la vente (art. 168 AUS révisé) ou
de purge des inscriptions qui permet à l’acquéreur nanti d’échapper aux poursuites des
créanciers nantis en versant le prix de cession pour obtenir d’eux la renonciation à leur
droit de suite.

87
116. Conclusion 2. Contrairement au nantissement en droit français, les biens objet d’un
nantissement dans la législation OHADA sont limitativement énumérés. En effet, selon
l’article 126 AUS révisé, peuvent notamment être nantis : - les créances ; - le compte
bancaire; - les droits d'associés, les valeurs mobilières et le compte de titres financiers ;
- le fonds de commerce ; - les droits de propriété intellectuelle.

Toutefois, le créancier n’a pas à chercher le texte applicable à chacun de ces biens puisque
l’AUS règlemente par le détail les contrats de nantissement. En France, le nantissement
conventionnel fait l’objet de dispositions dispersées, ce qui peut nuire à la pratique ou
requérir des compétences juridiques particulières. En effet, le nantissement qui porte sur
les créances est régi, à défaut de dispositions spéciales, par le Code civil (art. 2355 al.3), et
le nantissement qui porte sur d'autres meubles incorporels est soumis, à défaut de
dispositions spéciales, aux règles prévues pour le gage de meubles corporels (art. 2355
al.4).

117. Résumé A. Un créancier qui ne disposerait que du droit de gage général pour garantir
l'exécution de l'obligation de payer peut se ménager l'inégalité sur le prix d'un bien meuble
corporel ou incorporel, dans le cadre d'un contrat de sûreté mettant en place un gage ou
un nantissement. Muni de telles sûretés conventionnelles, le créancier réduit les disparités
qui existent avec les créanciers munis d’un privilège général, d’un privilège spécial ou d’un
nantissement judiciaire.

B- La préférence sur le prix d’un immeuble

118. Le créancier qui ne dispose que du droit de gage général peut également chercher
une inégalité de paiement en cas de concours en se ménageant la préférence sur le prix
d’un bien immeuble par la conclusion d’une hypothèque conventionnelle. (1). A la
différence cependant, du Code civil, l’AUS révisé refuse aux volontés exprimées dans un
contrat de sûreté de convenir d’un gage immobilier (2).

88
1-L’hypothèque conventionnelle

119. Généralités. Dans la législation OHADA comme en droit français (art. 2393 à 2399 et
art. 2413 à 2424 C. civ.), le créancier peut souscrire une hypothèque pour garantir
l’exécution par le débiteur de son obligation. L'hypothèque OHADA est « l'affectation d'un
immeuble déterminé ou déterminable appartenant au constituant en garantie d'une ou
plusieurs créances, présentes ou futures à condition qu'elles soient déterminées ou
déterminables » (Article 190 AUS révisé). Il est admis que l’hypothèque puisse porter sur
des immeubles à venir (art. 203 AUS révisé). Sauf disposition contraire, seuls les
immeubles présents et immatriculés peuvent faire l'objet d'une hypothèque (art. 192 al.
1er). Elle est accessoire au droit de créance (art. 194 al. 1er AUS révisé), indivisible (art. 193
AUS révisé) et doit respecter des règles quant à sa publicité (art. 196 AUS révisé). « Tant
que l'inscription n'est pas faite, l'acte d'hypothèque est inopposable aux tiers et constitue,
entre les parties, une promesse synallagmatique qui les oblige à procéder à la publicité »
(art. 206 AUS révisé).

Tout acte relatif à une hypothèque et portant transmission, changement de rang,


subrogation, renonciation, extinction, est établi, selon la loi nationale du lieu de situation
de l'immeuble, par acte notarié ou par acte sous seing privé suivant un modèle conforme
aux règles de l'État Partie concerné et publié comme l'acte par lequel cette hypothèque
est consentie ou constituée. L'extinction de l'hypothèque conventionnelle ou judiciaire
résulte : - de l'extinction de l'obligation principale ; - de la renonciation du créancier à
l'hypothèque ; - de la péremption de l'inscription attestée, sous sa responsabilité, par le
conservateur du registre de la publicité immobilière, cette attestation devant mentionner
qu'aucune prorogation ou nouvelle inscription n'affecte la péremption ; - de la purge des
hypothèques résultant du procès-verbal de l'adjudication sur expropriation forcée et du
paiement ou de la consignation de l'indemnité définitive d'expropriation pour cause
d'utilité publique (art. 201 AUS révisé).

L'hypothèque consentie pour sûreté d'une ouverture de crédit à concurrence d'une

89
somme déterminée à fournir prend rang à la date de sa publication sans égard aux dates
successives de l'exécution des engagements pris par le fournisseur du crédit (art. 208 AUS
révisé).

Enfin, dans le cas où l'immeuble hypothéqué devient insuffisant pour garantir sa créance,
par suite de destruction ou de dégradation, le créancier peut poursuivre le paiement de
sa créance avant le terme ou obtenir une autre hypothèque (art. 222 AUS révisé).

120. Constitution. L’hypothèque conventionnelle doit être constituée en respectant des


règles de fond (i) et de forme (ii).

i)- Les règles de fond

121. Le législateur OHADA pose des règles applicables au constituant. En effet, ce dernier
doit être propriétaire du bien hypothéqué (art. 190 AUS révisé)148 et ce bien doit avoir fait
l’objet d’une immatriculation (art. 192 AUS révisé). Si l’hypothèque est consentie sur un
bien indivis, l’article 194 al. 2 prévoit que l'hypothèque conserve son effet quel que soit le
résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. Dans le cas contraire,
elle ne conserve son effet que dans la mesure où l'indivisaire qui l'a consentie est, lors du
partage, alloti de l'immeuble indivis ou, lorsque l'immeuble est licité à un tiers, si cet
indivisaire est alloti du prix de la licitation. S’agissant spécifiquement de l'hypothèque
d'une quote-part dans un ou plusieurs immeubles indivis, celle-ci ne conserve son effet
que dans la mesure où l'indivisaire qui l'a consentie est, lors du partage, alloti du ou de ces
immeubles indivis ; l’hypothèque le conserve alors dans toute la mesure de cet
allotissement, sans être limitée à la quote-part qui appartenait à l'indivisaire qui l'a
consentie ;lorsque l'immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet
indivisaire est alloti du prix de la licitation.

148
Ceux qui n'ont sur l'immeuble qu'un droit soumis à condition, résolution, ou rescision régulièrement
publiées ne peuvent consentir qu'une hypothèque soumise aux mêmes conditions, résolutions ou
rescisions (art. 194 al. 1er AUS révisé).

90
122. D’autres règles sont relatives à l’assiette de l’hypothèque. Selon l’article 192 AUS
révisé, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l'objet d'une
hypothèque149. Ainsi, peuvent faire l'objet d'une hypothèque : 1°) les fonds bâtis ou non
bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à l'exclusion des meubles qui en
constituent l'accessoire ; 2°) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les
règles de l'Etat Partie au Traité OHADA.

A ces biens, il convient désormais d’ajouter la possibilité de constituer une hypothèque


sur des immeubles futurs (art. 203 ; art. 2420 C. civ). En effet, s’il est expressément prévu
que l'hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par celui qui est titulaire du
droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d'en disposer, le législateur OHADA
tempère la rigueur de la règle. Par exception, l'hypothèque peut être consentie sur des
immeubles à venir dans les cas suivant : 1°) celui qui ne possède pas d'immeubles
présents et libres ou qui n'en possède pas en quantité suffisante pour la sûreté de la
créance peut consentir que chacun de ceux qu'il acquerra par la suite sera affecté au
paiement de celle-ci au fur et à mesure de leur acquisition ; 2°) celui dont l'immeuble
présent assujetti à l'hypothèque a péri ou subi des dégradations telles qu'il est devenu
insuffisant pour la sûreté de la créance le peut pareillement, sans préjudice du droit pour
le créancier de poursuivre dès à présent son remboursement ; 3°) celui qui possède un
droit réel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, sur le domaine
public ou sur le domaine national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la
construction est commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci,
l'hypothèque est reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même
emplacement.

123. Il existe en matière d’hypothèque un principe de spécialité de la créance que


l’admission de l’hypothèque en garantie d’une créance seulement déterminable vient
atténuer. En effet le législateur OHADA prévoit que l'hypothèque conventionnelle doit

149
Sauf disposition contraire (même article).

91
être consentie pour une somme déterminée ou au moins déterminable en principal et
portée à la connaissance des tiers par l'inscription de l'acte. Le débiteur aura droit, s'il y a
lieu, par la suite, de requérir la réduction de cette somme en se conformant aux règles de
la publicité foncière prévues à cet effet (art. 204 AUS révisé). Le caractère déterminable
de la créance garantie n’est pas l’unique raison de l’atténuation de la rigueur du principe
de spécialité. Il faut encore tenir compte de la disparition de l’exigence de l’indication de
la cause et de l’origine de la créance qui étaient requis sous l’empire de l’ancien AUS qui
prescrivait l’individualisation de la créance garantie à l’article 127. Toutefois, on fait valoir
en doctrine que, en pratique, il pourrait difficilement en être autrement eu égard aux
exigences de l’article 190150.

ii)-Les règles de forme

124. Le législateur OHADA exige un écrit (art. 205 AUS révisé). En effet, l'hypothèque
conventionnelle est consentie, selon la loi nationale du lieu de situation de l'immeuble :
- par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l'autorité
administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes ; - ou par acte sous seing privé
dressé suivant un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière. La
procuration donnée à un tiers pour constituer une hypothèque en la forme notariée doit
être établie en la même forme.

L’hypothèque exige un écrit, lequel doit en outre être produit afin de procéder à la
publication du contrat pour être opposable aux tiers. L’hypothèque doit donc être inscrite.
Ainsi, selon l’article 195 AUS révisé, tout acte conventionnel constitutif d'hypothèque doit
être inscrit conformément aux règles de publicité édictées par l'État Partie où est situé le
bien grevé et prévues à cet effet (195 al. 1). L'hypothèque régulièrement publiée prend
rang du jour de l'inscription (195 al. 2). L'inscription a une durée déterminée et conserve

150
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010) p. 284 n°433.

92
le droit du créancier jusqu'à une date devant être fixée par la convention ou la décision de
justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition contraire d'une
loi nationale. Son effet cesse si elle n'est pas renouvelée, avant l'expiration de ce délai,
pour une durée déterminée. Il en va de même lorsque l'hypothèque a été constituée pour
une durée indéterminée (art. 196 AUS révisé). Toutefois, la publication de l'hypothèque
conventionnelle garantissant un prêt à court terme peut être différée pendant un délai
maximum de quatre-vingt-dix jours sans que le créancier perde le rang qui lui est acquis.
Pour cela, le créancier devra se conformer aux dispositions spécialement édictées à cet
effet par les règles de publicité concernant les hypothèques garantissant les prêts à court
terme, prévues par la loi nationale du lieu de situation de l'immeuble (art. 207 AUS révisé).

La radiation de l’inscription de l’hypothèque est prévue à l’article 202 AUS révisé. Elle
opère selon les règles de publicité de l'État Partie où est situé le bien grevé. En cas de
refus du créancier d'y consentir ou du conservateur de procéder à la radiation de
l'hypothèque, le débiteur ou l'ayant-droit de celui-ci peut obtenir mainlevée judiciaire de
cette sûreté. La décision judiciaire de mainlevée prononcée contre le créancier ou ses
ayants-droit et passée en force de chose jugée oblige le conservateur à procéder à la
radiation.

125. La notification de l’hypothèque portant sur un droit réel immobilier est exigée à
l’article 195 al. 3 AUS révisé qui dispose que lorsque le droit réel immobilier, objet de
l'hypothèque, consiste en un démembrement du droit de propriété tel que l'usufruit, le
droit de superficie, le bail emphytéotique ou le bail à construction, l'inscription de
l'hypothèque doit également être notifiée, par acte extrajudiciaire, au propriétaire, au
tréfoncier ou au bailleur.

126. Les effets. L’hypothèque conventionnelle produit des effets dans les relations entre
le créancier hypothécaire et le constituant. Le créancier impayé peut saisir le bien objet
de l’hypothèque aux conditions prévues dans l’AUPSRVE (art. 246 à 323 voir infra).
L'hypothèque confère à son titulaire un droit de suite et un droit de préférence (art. 197
al. 1er AUS révisé). Selon l’article 197 AUS révisé, le droit s'exerce conformément aux

93
dispositions de l'article 225 AUS révisé pour garantir le principal, les frais et trois ans
d'intérêts au même rang, sauf à prendre des inscriptions particulières portant
hypothèques à compter de leurs dates pour les intérêts autres que ceux conservés par
l'inscription initiale. Le droit de préférence s'exerce également, par subrogation, sur
l'indemnité d'assurance de l'immeuble sinistré.

Comme en droit français (art. 2458 à 2460 du Code civil), le créancier hypothécaire OHADA
peut demander l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué, ce que la doctrine
qualifie de « mode de réalisation forcée du droit du créanciers151 ». Ainsi, il résulte des
articles 198 à 200 AUS révisé qu’ à moins que le créancier hypothécaire ne poursuive la
vente du bien hypothéqué152 le créancier hypothécaire impayé peut demander en justice
que l'immeuble lui demeure en paiement. Cette faculté lui est toutefois contestée si
l'immeuble constitue la résidence principale du constituant (art. 198 AUS révisé).

Le législateur OHADA prévoit en outre la validité du pacte commissoire (art. 199 AUS
révisé). Ainsi, lorsque le constituant est une personne morale ou une personne physique
dûment immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et que l'immeuble
hypothéqué n’est pas à usage d'habitation, il peut être convenu dans la convention
d'hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l'immeuble hypothéqué.
Concrètement, à l'issue d'un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer
par acte extra-judiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra faire constater le
transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par chaque État Partie
en matière de transfert d'immeuble (art. 199 AUS révisé). L’attribution judiciaire suppose
l’estimation de l'immeuble par expert désigné amiablement ou judiciairement. Si sa
valeur excède le montant de la créance garantie, le créancier doit au constituant une
somme égale à la différence. S'il existe d'autres créanciers hypothécaires, il la consigne.
Toute clause contraire est réputée non écrite.

151
L.Aynès et Pierre Crocq, Les sûretés – Publicité foncière, Defrénois, 5ème édition, 2011, n° 686 et suivants.
152
Selon les modalités prévues par les règles de la saisie immobilière, auxquelles la convention
d'hypothèque ne peut déroger.

94
127. L’hypothèque conventionnelle a des effets dans les rapports entre créanciers
hypothécaires notamment en cas de concours. Dans ce cas, les deniers provenant de la
réalisation des immeubles sont distribués aux créanciers titulaires d'une hypothèque
conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun
selon le rang de son inscription au registre de la publicité immobilière (art. 225 - 3°) AUS
révisé). On ne peut que regretter le manque de clarté sur ce point dans la législation
française à l’article 2425 du Code civil153.

128. Enfin, au titre des effets de l’hypothèque dans les rapports entre le créancier
hypothécaire et le tiers détenteur, le législateur OHADA prévoit le droit de suite du
créancier hypothécaire. Ce droit s'exerce contre tout tiers détenteur de l'immeuble dont
le titre est publié postérieurement à l'hypothèque. Bien que le tiers détenteur ne soit
pas personnellement obligé à la dette, il peut désintéresser le créancier poursuivant du
montant intégral de sa créance, en capital, intérêts et autres accessoires, en se subrogeant
à lui (art. 223 AUS révisé).

129. Conclusion 1. Un créancier chirographaire qui ne disposerait que du droit de gage


général pour garantir l'exécution de l'obligation de payer peut se ménager une inégalité

153
Entre les créanciers, l'hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, n'a rang que du jour
de l'inscription prise par le créancier au fichier immobilier, dans la forme et de la manière prescrites par la
loi (al. 1er). Lorsque plusieurs inscriptions sont requises le même jour relativement au même immeuble,
celle qui est requise en vertu du titre portant la date la plus ancienne est réputée d'un rang antérieur, quel
que soit l'ordre qui résulte du registre prévu à l'article 2453 (al. 2). Toutefois, les inscriptions de séparations
de patrimoine prévues par l'article 2383, dans le cas visé au second alinéa de l'article 2386, ainsi que celles
des hypothèques légales prévues à l'article 2400, 1°, 2° et 3°, sont réputées d'un rang antérieur à celui de
toute inscription d'hypothèque judiciaire ou conventionnelle prise le même jour (al. 3). Si plusieurs
inscriptions sont prises le même jour relativement au même immeuble, soit en vertu de titres prévus au
deuxième alinéa mais portant la même date, soit au profit de requérants titulaires du privilège et des
hypothèques visés par le troisième alinéa, les inscriptions viennent en concurrence quel que soit l'ordre du
registre susvisé (al. 4). L'inscription de l'hypothèque légale du Trésor ou d'une hypothèque judiciaire
conservatoire est réputée d'un rang antérieur à celui conféré à la convention de rechargement lorsque la
publicité de cette convention est postérieure à l'inscription de cette hypothèque (al. 5). Les dispositions du
cinquième alinéa s'appliquent à l'inscription de l'hypothèque légale des organismes gestionnaires d'un
régime obligatoire de protection sociale (al.6). L'ordre de préférence entre les créanciers privilégiés ou
hypothécaires et les porteurs de warrants, dans la mesure où ces derniers sont gagés sur des biens réputés
immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, la publicité des
warrants demeurant soumise aux lois spéciales qui les régissent (al.7).

95
sur le prix d'un bien immeuble, dans le cadre d'un contrat de sûreté mettant en place une
hypothèque.

Toutefois, tous les biens immobiliers ne peuvent être l’objet d’une hypothèque
conventionnelle dans les deux législations. En effet, peuvent faire l'objet d'une
hypothèque : 1°) les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions
survenues, à l'exclusion des meubles qui en constituent l'accessoire ; 2°) les droits réels
immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l'État Partie (art. 192 al. 2 AUS
révisé).

En France, le Code civil prévoit que sont seuls susceptibles d'hypothèques selon l’article
2397 du Code civil : 1° Les biens immobiliers qui sont dans le commerce, et leurs
accessoires réputés immeubles ; 2° L'usufruit des mêmes biens et accessoires pendant le
temps de sa durée. L'hypothèque s'étend aux améliorations qui surviennent à l'immeuble.
Les meubles n'ont pas de suite par hypothèque (art. 2398 C. civ.). Il n'est rien innové par
le présent code aux dispositions des lois maritimes concernant les navires et bâtiments de
mer (art. 2399 C. civ.).

2- Le gage immobilier

130. Le gage immobilier est l'affectation d'un immeuble en garantie d'une obligation ; il
emporte dépossession de celui qui le constitue (art. 2387 C. civ.). Le créancier perçoit les
fruits de l'immeuble affecté en garantie à charge de les imputer sur les intérêts, s'il en est
dû, et subsidiairement sur le capital de la dette. Il est tenu, à peine de déchéance, de
pourvoir à la conservation et à l'entretien de l'immeuble et peut y employer les fruits
perçus avant de les imputer sur la dette. Il peut à tout moment se soustraire à cette
obligation en restituant le bien à son propriétaire (art. 2389 C. civ.). Le créancier peut, sans
en perdre la possession, donner l'immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-
même (art. 2390 C.civ). Le débiteur ne peut réclamer la restitution de l'immeuble avant
l'entier acquittement de sa dette (art. 2391 C. civ.) Les droits du créancier titulaire d'un
droit de gage immobilier s'éteignent notamment : 1° Par l'extinction de l'obligation
principale ; 2° Par la restitution anticipée de l'immeuble à son propriétaire (art. 2392 C.

96
civ.)154.

131. Les créanciers OHADA évoluant dans un pays sous ancienne domination française
ayant conservé le Code civil n’ont pas la possibilité de constituer une telle sûreté. En effet,
l’AUS révisé, dans sa version originale comme dans sa version actuelle, n’a pas retenu le
gage immobilier, connu sous le nom d’antichrèse ; lequel était pourtant en vigueur au
lendemain de la colonisation. De fait, le crédit des entreprises dans la zone couverte par
le Traité est plus réduite qu’en France, mais elle s’est aussi réduite dans les pays qui
connaissaient l’antichrèse puisque « L’article 150 de l’Acte Uniforme portant organisation
du droit des sûretés ayant abrogé les dispositions relatives à l’antichrèse, celle-ci n’existe
plus dans le droit positif ivoirien. Par conséquent, la convention d’antichrèse passée entre
les parties est inexistante » (Tribunal de Première Instance de Bouaflé155).

132. Conclusion 2. Les opportunités offertes aux créanciers chirographaires OHADA de se


ménager une inégalité sur le prix d'un bien immeuble sont moins nombreuses dans
l'OHADA faute de permettre la contractualisation d'un gage immobilier. En effet, l’article
4 alinéa 2 AUS révisé prévoit que « sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les
seules sûretés réelles valablement constituées sont celles qui sont régies par cet Acte. Elles
consistent soit dans le droit du créancier de se faire payer par préférence sur le prix de
réalisation d'un bien affecté à la garantie de l'obligation de son débiteur, soit dans le droit
de recouvrer la libre disposition d'un bien dont il est propriétaire à titre de garantie de cette
obligation ». Partant, le numerus clausus des sûretés réelles empêchent la liberté
contractuelle des parties de conclure en marge de l’OHADA un contrat de gage immobilier.

133. Résumé B. Le créancier chirographaire OHADA ou français peut réduire les disparités
qui existent avec les créanciers privilégiés sur le prix d’un immeuble par la conclusion
d’une hypothèque conventionnelle. Toutefois, le numerus clausus des sûretés OHADA
empêche que la force des volontés exprimées au contrat de sûreté puisse instituer un gage

154
Modifié par LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 10.
155
Jugement N°37 du 02 mars 2006, Affaire: N’Guessan Jacques – N’Guessan Goore Charles c/ La
Coopérative Agricole de Zegata. OHADAta J-08-197.

97
immobilier comme en droit français.

134. Conclusion 1§. Le droit de gage général ne permet d’espérer qu’un paiement
égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires (art. 2285 C. civ). Muni
d’une sûreté instituant une cause légitime de préférence conventionnelle légalement
formée (gage ; nantissement ; hypothèque), la règle du paiement égalitaire en cas de
concours entre créanciers chirographaires ne s’applique pas au créancier qui prend la
peine de conclure un tel contrat. En effet, « Les biens du débiteur sont le gage commun de
ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre
les créanciers des causes légitimes de préférence » (art. 2285 C. civ. ). Ce faisant, muni de
telles sûretés conventionnelles, le créancier réduit les disparités qui existent avec les
créanciers munis d’un privilège général, d’un privilège spécial, d’une hypothèque légale
ou judiciaire, ou encore d’un nantissement judiciaire.

2§- Les dérogations conventionnelles

135. Tous les créanciers d’un débiteur en difficultés sont titulaires d’un droit de gage
général (art. 2284 C. civ. ), puisque « les biens du débiteur sont le gage commun de ses
créanciers » (art. 2285 C. civ. ). Aussi, en cas de concours entre créanciers chirographaires
« le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers
des causes légitimes de préférence. » (art. 2285 C. civ. ). Cependant, par la conclusion d’un
contrat de sûreté, le créanciers chirographaires peuvent échapper à la règle du paiement
égalitaire en cas de concours, précisément en dérogeant au concours.

136. A cet égard, les sûretés instituées dans l’AUS révisé et le Code civil permettent aux
créanciers de se ménager une situation de propriétaire (A) ou, dans le cadre d’un contrat
de sûreté pour autrui, d’obtenir d’un tiers qu’il s’engage à payer en cas d’inexécution du
débiteur (B).

A-La propriété-sûreté

137. Plutôt que de se contenter de son droit de gage général, le créancier chirographaire

98
peut chercher à se ménager une situation de propriétaire. Le législateur OHADA prévoit à
l’article 71 AUS révisé que la propriété d'un bien peut être retenue en garantie d'une
obligation par l'effet d'une clause de réserve de propriété (1). Elle peut-aussi être cédée
en garantie d'une obligation (2).

1- La propriété retenue à titre de garantie

138. Dans la législation OHADA comme en droit français (art. 2367 à 2372 du Code civil),
la propriété d'un bien mobilier peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de
réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement
de l'obligation qui en constitue la contrepartie (art. 72 AUS révisé).

A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit au plus tard au jour de la
livraison du bien. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations
présentes ou à venir entre les parties (art. 73 AUS révisé). La réserve de propriété n'est
opposable aux tiers que si celle-ci a été régulièrement publiée au Registre du Commerce
et du Crédit Mobilier156, (art. 74 AUS révisé). La propriété réservée d'un bien fongible peut
s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de
même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte (art. 75 AUS révisé).
L'incorporation d'un meuble faisant l'objet d'une réserve de propriété à un autre bien ne
fait pas obstacle aux droits du créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir
de dommage. A défaut, le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie
principale, à charge pour lui de payer à l'autre la valeur, estimée à la date du paiement, de
la chose qui y a été unie (art. 76 AUS révisé). A défaut de complet paiement à l'échéance,
le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d'en disposer.
La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance
garantie. Lorsque la valeur du bien repris excède le montant de ce solde, le créancier
doit au débiteur une somme égale à la différence. Toute clause contraire aux alinéas 2
et 3 du présent article est réputée non écrite (art. 77 AUS révisé). Lorsque le bien est vendu

156
Conformément aux dispositions des articles 51 à 66 AUS révisé.

99
ou détruit, le droit de propriété se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à l'égard
du sous-acquéreur ou sur l'indemnité d'assurance subrogée au bien (art. 78 AUS révisé).

139. Conclusion 1. Un créancier chirographaire peut rechercher la sécurité du paiement


au moyen d'un contrat de sûreté permettant de retarder le transfert de la propriété d'un
bien vendu à son complet paiement dans les deux législations. Reste à savoir s’il confère
un droit de préférence dans la législation OHADA. En France, la Cour de Cassation
considère pour sa part qu’en application des dispositions combinées des articles 2329 C.
civ. et L. 624-9 C. com., la clause de réserve de propriété constitue une sûreté réelle, mais
elle ne confère à son bénéficiaire aucun droit de préférence dans les répartitions157.

2-La propriété cédée à titre de garantie

140. Dans la législation OHADA, comme en droit français (art. 2372-1 à 2372-5 du code
civil), la propriété d'un bien, actuel ou futur, ou d'un ensemble de biens, peut être cédée
en garantie du paiement d'une dette, actuelle ou future, ou d'un ensemble de dettes (art.
79 AUS révisé) « aux conditions prévues par la présente section » prévoit le législateur.
Cette section se contente cependant d’instituer la cession de créance à titre de garantie
(art. 80 à 86 AUS révisé) et le transfert fiduciaire d’une somme d’argent (art. 87 à 91 AUS
révisé).

141. La cession de créances à titre de garantie. Une créance détenue sur un tiers peut
être cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par une personne morale nationale
ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations
de banque ou de crédit (art. 80 AUS révisé). L'incessibilité de la créance ne peut être
opposée au cessionnaire par le débiteur cédé lorsqu'elle est de source conventionnelle et
que la créance est née en raison de l'exercice de la profession du débiteur cédé ou se
trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est

157
C. Com. 15 oct. 2013, n°13-10.463

100
pas principale (art. 80 AUS révisé).

La cession de créance à titre de garantie doit être constatée dans un écrit comportant, à
peine de nullité, les énonciations suivantes : 1°) le nom ou la dénomination sociale du
cédant et du cessionnaire ; 2°) la date de la cession ; 3°) et la désignation des créances
garanties et des créances cédées. Si ces créances sont futures, l'acte doit permettre leur
individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du
débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu,
leur échéance (art. 81 AUS révisé).

A la date de sa conclusion, le contrat de cession d'une créance, présente ou future, à titre


de garantie, prend immédiatement effet entre les parties, quelle que soit la date de
naissance, d'échéance ou d'exigibilité de la créance cédée et devient opposable aux tiers
à compter de son inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et ce, quelle
que soit la loi applicable à la créance et la loi du pays de résidence de son débiteur. A
compter de la date de la cession, le cédant ne peut, sans l'accord du cessionnaire, modifier
l'étendue des droits attachés à la créance cédée (art. 82 AUS révisé).
A moins que les parties n'en conviennent autrement, la cession s'étend aux accessoires de
la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers sans autre
formalité que celle énoncée à l'article précédent (art. 83 AUS révisé). Pour être opposable
au débiteur de la créance cédée, la cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier
doit intervenir à l'acte. A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance
(art. 84 AUS révisé).

Lorsque le débiteur de la créance cédée est un débiteur professionnel158, celui-ci peut, à


la demande du cessionnaire, s'engager à le payer directement en acceptant la cession.
Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer au cessionnaire les exceptions fondées sur ses
rapports personnels avec le cédant, à moins que le cessionnaire, en acquérant ou en
recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. A peine de nullité, cet

158
Au sens de l'article 3 AUS révisé.

101
engagement est constaté par un écrit intitulé « Acte d'acceptation d'une cession de
créance à titre de garantie » et reproduisant en caractères suffisamment apparents les
dispositions prévues à l’article 85 AUS révisé (art. 85 AUS révisé) Les sommes payées au
cessionnaire au titre de la créance cédée s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est
échue. Le surplus, s'il y a lieu, est restitué au cédant. Toute clause contraire est réputée
non écrite (Article 86).

142. Le transfert fiduciaire d'une somme d'argent est la convention par laquelle un
constituant cède des fonds en garantie de l'exécution d'une obligation. Ces fonds
doivent être inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier de cette
obligation, dans les livres d'un établissement de crédit habilité à les recevoir (art. 87 AUS
révisé)

A peine de nullité, la convention détermine la ou les créances garanties, ainsi que le


montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué (art. 88 AUS
révisé). Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à
l'établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits sur le compte
bloqué (art. 89 AUS révisé).

Si les fonds cédés produisent intérêts, ces derniers sont portés au crédit du compte, sauf
convention contraire (art. 90 AUS révisé).

A l'échéance et en cas de complet paiement de la créance garantie, les fonds inscrits sur
le compte sont restitués au constituant. En cas de défaillance du débiteur et huit jours
après que le constituant en ait été dûment averti, le créancier peut se faire remettre les
fonds cédés dans la limite du montant des créances garanties demeurant impayées.
Toute clause contraire au présent article est réputée non écrite (art. 91 AUS révisé).

143. Conclusion 2. Dans les deux législations soumises à la comparaison, le créancier peut
choisir de sécuriser le paiement de sa créance au moyen d'un contrat de sûreté instituant

102
la propriété sur un bien appartenant au débiteur. Contrairement à ce qu'annonce l'AUS
révisé lorsqu'il dispose que "la propriété d'un bien, actuel ou futur, ou d'un ensemble de
biens, peut être cédée en garantie du paiement d'une dette, actuelle ou future, ou d'un
ensemble de dettes aux conditions prévues par la présente section" (art. 70 AUS révisé),
cette faculté se cantonne aux sommes d'argent et aux créances est largement, alors
qu’elle est largement admise en droit français (art. 2372-1 à 2488 C. civ. ). En effet, le Code
civil prévoit que la propriété d'un bien mobilier ou d'un droit peut être cédée à titre de
garantie d'une obligation en vertu d'un contrat de fiducie159 (art. 2372-1 C. civ.). Il en va
de même s’agissant des biens immobiliers (art. 2488-1 C. civ. ).

144. Résumé A. Le créancier chirographaire OHADA ou français peut réduire les disparités
qui existent avec les autres créanciers qui disposent d’un droit exclusif au paiement en
raison de leur qualité de propriétaire. En effet, en se ménageant une situation de
propriétaire sur un bien appartenant au débiteur, le créancier évite le concours entre
créanciers chirographaires, lequel conduit à l’application de la règle du paiement
égalitaire. Le numerus clausus des sûretés OHADA empêche que la force des volontés
exprimées au contrat de sûreté puisse hisser les parties au même niveau que le permet le
Code civil pour les créanciers français. Autrement dit, il n’est pas permis dans l’AUS
davantage que la clause réserve de propriété, la cession de créances à titre de garantie et
le transfert fiduciaire d’une somme d’argent.
B- Les sûretés pour autrui

145. Les sûretés pour autrui sont celles qu’une personne consent à une autre, pour
garantir l’exécution d’une obligation à laquelle il n’est pas tenu. L’idée consiste donc pour
le bénéficiaire à répartir le risque d’impayé160. Le cautionnement est le modèle de sûreté
pour autrui le plus ancien (1), il a ses avatars (2).

1- Le cautionnement

159
Conclu en application des articles 2011 à 2030.
160
P. 1 « Droit des sûretés » – Manuel, 8ème édition – Maurice Cabrillac, Christian Mouly, Séverine Cabrillac,
Philippe Pétel – Lexis Nexis – Litec.

103
146. Dans les pays membres de l’OHADA comme en France (2288 à 2320161), les
créanciers peuvent répartir le risque d’impayé sur plusieurs débiteurs, notamment en
souscrivant un contrat de cautionnement. Désormais, le cautionnement défini dans l’AUS
révisé comme le contrat par lequel la caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à
exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y
satisfait pas lui-même. Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur (art.
13 AUS révisé)162. La volonté des parties est particulièrement encadrée dans le
cautionnement OHADA.

147. Formation. Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de


l'obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du
créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en
chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres
accessoires. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en
lettres. La caution qui ne sait ou ne peut écrire doit se faire assister de deux témoins qui
certifient, dans l'acte de cautionnement, son identité et sa présence et attestent, en outre,
que la nature et les effets de l'acte lui ont été précisés (art 14 AUS réservé).

La caution doit présenter des garanties de solvabilité appréciées en tenant compte de tous
les éléments de son patrimoine. Le débiteur qui ne peut trouver une caution pourra la
remplacer par toute sûreté réelle donnant les mêmes garanties au créancier (art. 15 AUS
révisé). Lorsque la caution reçue par le créancier est devenue ensuite insolvable, le
débiteur doit en fournir une autre ou fournir une sûreté réelle donnant les mêmes
garanties au créancier. Cette règle ne reçoit exception que lorsque le créancier a
subordonné son consentement au contrat principal à l'engagement, à son égard, d'une
caution nommément désignée (art. 16 AUS révisé).

161
Modifié par Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 2 JORF 24 mars 2006 Modifié par
Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 4 JORF 24 mars 2006 Modifié par Ordonnance n°2006-346
du 23 mars 2006 - art. 5 JORF 24 mars 2006.
162
L'ancien AUS définissait le cautionnement comme un contrat par lequel la caution s'engage, envers le
créancier qui accepte, à exécuter l'obligation du débiteur si celui-ci n'y satisfait pas lui-même. Il était encore
précisé que cet engagement pouvait être contracté sans ordre du débiteur et même à son insu.

104
Le cautionnement ne peut exister que si l'obligation principale garantie est valablement
constituée. Toutefois, il est possible de cautionner, en parfaite connaissance de cause, les
engagements d'un incapable163. La confirmation, par le débiteur, d'une obligation
entachée de nullité relative ne lie pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution,
à cette nullité. Le défaut de pouvoir du représentant pour engager la personne morale
débitrice principale ne peut être invoqué par la caution de celle-ci que si l'obligation
principale n'est pas valablement constituée, sauf lorsque la personne morale débitrice
principale a confirmé cette obligation et que la caution a expressément renoncé à se
prévaloir de la nullité de ladite obligation. L'engagement de la caution ne peut être
contracté à des conditions plus onéreuses que l'obligation principale, sous peine de
réduction à concurrence de celle-ci, ni excéder ce qui est dû par le débiteur principal au
moment des poursuites. Le débiteur principal ne peut aggraver l'engagement de la
caution par une convention postérieure au cautionnement (art. 17 AUS révisé).

Le législateur OHADA prévoit des conditions qui président à l’étendu du cautionnement.


Ainsi, sauf clause contraire, le cautionnement d'une obligation s'étend, outre le principal,
et dans la limite de la somme maximale garantie, aux accessoires de la dette et aux frais
de recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la dénonciation qui est faite
à la caution. A la demande de la caution, l'acte constitutif de l'obligation principale est
annexé à la convention de cautionnement, ce dernier pouvant également être contracté
pour une partie seulement de la dette et sous des conditions moins onéreuses (art. 18 AUS
révisé). Le cautionnement général des dettes du débiteur principal, sous la forme d'un
cautionnement de tous engagements, du solde débiteur d'un compte courant ou sous
toute autre forme, ne s'entend, sauf clause contraire expresse, que de la garantie des
dettes contractuelles directes. Aussi, le cautionnement doit être conclu, sous peine de
nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre les parties, incluant le
principal, les intérêts et autres accessoires. Mais il peut être renouvelé lorsque la
somme maximale est atteinte. Dans ce cas, le renouvellement ne peut être tacite et

163
Cette circonstance n’est cependant pas encadrée dans le cadre du droit harmonisé.

105
toute clause contraire est réputée non écrite. Le cautionnement peut être révoqué, à
tout moment, par la caution avant que la somme maximale garantie ait été atteinte. Alors,
tous les engagements du débiteur garanti nés avant la révocation restent garantis par la
caution. Sauf clause contraire, le cautionnement général ne garantit pas les dettes du
débiteur principal antérieures à la date du cautionnement (art. 19 AUS révisé).

148. Modalités. Le cautionnement est réputé solidaire. Ce faisant, le cautionnement


simple est l’exception puisqu’il en est ainsi décidé, expressément, par la loi de chaque État
Partie164 ou la convention des parties (art. 20 AUS révisé). La caution peut, elle-même, se
faire cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat. Sauf stipulation
contraire, le ou les certificateurs sont cautions simples de la caution certifiée (art. 21 AUS
révisé).

149. Effets. Comme le droit français (art. 2298 à 2310 C.civ.), l’AUS révisé règlemente les
effets du le contrat de cautionnement . Ainsi est-il prévu que la caution n'est tenue de
payer la dette qu'en cas de non-paiement du débiteur principal. Le créancier ne peut
entreprendre de poursuites contre la caution qu'après une mise en demeure de payer
adressée au débiteur principal et restée sans effet. La prorogation du terme accordée
au débiteur principal par le créancier doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci
est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et de poursuivre le débiteur pour
le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure conservatoire.

150. Nonobstant toute clause contraire, la déchéance du terme accordé au débiteur


principal ne s'étend pas automatiquement à la caution qui ne peut être requise de payer
qu'à l'échéance fixée à l'époque où la caution a été fournie. Toutefois, la caution encourt
la déchéance du terme si, après mise en demeure, elle ne satisfait pas à ses propres
obligations à l'échéance fixée. Dans le mois de la mise en demeure de payer adressée au
débiteur principal et restée sans effet, le créancier doit informer la caution de la
défaillance du débiteur principal en lui indiquant le montant restant dû par ce dernier en

164
Ce qu’il conviendra de vérifier préalablement à la conclusion du cautionnement.

106
principal, intérêts et autres accessoires à la date de cet incident de paiement. A défaut,
la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus
entre la date de cet incident et la date à laquelle elle en a été informée. Toute clause
contraire aux dispositions de cet article est réputée non écrite (art. 23 AUS révisé).

151. Le créancier est tenu par une obligation d’information de la caution. En effet, le
créancier doit, dans le mois qui suit le terme de chaque semestre civil à compter de la
signature du contrat de cautionnement, communiquer à la caution un état des dettes du
débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances et leurs montants en principal,
intérêts, et autres accessoires restant dus à la fin du semestre écoulé, en lui rappelant la
faculté de révocation par reproduction littérale des dispositions de l'article 19 AUS révisé.
A défaut d'accomplissement de ces formalités, le créancier est déchu, vis-à-vis de la
caution, des intérêts contractuels échus depuis la date de la précédente information
jusqu'à la date de communication de la nouvelle information165. Toute clause contraire
aux dispositions du présent article est réputée non écrite (art. 24 AUS révisé).

152. Dans le cadre d’un cautionnement solidaire, la caution est tenue de la même façon
que le débiteur principal. C’est dire que la caution solidaire est tenue de l'exécution de
l'obligation principale dans les mêmes conditions qu'un débiteur solidaire 166. Toutefois,
le créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu'en appelant en cause le
débiteur principal (art. 25 AUS révisé). La caution solidaire ne dispose pas du bénéfice de
discussion. En revanche, la caution simple, à moins qu'elle ait expressément renoncé à
ce bénéfice, peut, sur premières poursuites dirigées contre elle, exiger la discussion du
débiteur principal, en indiquant les biens de ce dernier susceptibles d'être saisis
immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour le
paiement intégral de la dette. La caution simple doit aussi avancer les frais de discussion
ou consigner la somme nécessaire arbitrée par la juridiction compétente à cet effet. Une
fois que la caution a indiqué des biens et fourni les deniers suffisants pour la discussion, le
créancier est, jusqu'à concurrence des biens indiqués, responsable, à l'égard de la caution,

165
sans préjudice des dispositions de l'article 29 AUS révisé
166
sous réserve des dispositions particulières du présent Acte uniforme

107
de l'insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut de poursuites (art. 26 AUS
révisé).

153. Dans cadre d’un cautionnement simple, le bénéfice de discussion et le bénéfice de


division trouvent à s’appliquer. Le bénéfice de discussion est mis en œuvre dans le cadre
de l’article 27 AUS révisé. Ainsi, s'il existe plusieurs cautions pour un même débiteur et
une même dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou renonciation par elles à ce
bénéfice, chacune d'elles peut, sur premières poursuites du créancier, demander la
division de la dette entre les cautions solvables au jour où l'exception est invoquée (art.
27 AUS révisé). En revanche, le bénéfice de division est encadré à l’article 28 AUS révisé.
Ainsi, la caution ne répond pas des insolvabilités des autres cautions survenues après la
division (al. 1er). Le créancier qui divise volontairement son action ne peut revenir sur sa
décision (al. 2). Il supporte alors l'insolvabilité des cautions poursuivies sans pouvoir la
reporter sur les autres cautions (al. 3).

154. Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les
exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à
réduire, éteindre ou différer la dette167. La caution simple ou solidaire est déchargée
quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s'opérer, en sa
faveur, par le fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite. Si le fait
reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est déchargée à
concurrence de l'insuffisance de la garantie conservée (art. 29 AUS révisé). La caution doit
aviser le débiteur principal ou le mettre en cause avant de payer la dette au créancier
poursuivant. Si la caution a payé sans avoir averti ou mis en cause le débiteur principal,
elle perd son recours contre lui si, au moment du paiement par elle ou postérieurement à
ce paiement, le débiteur avait le moyen de faire déclarer la dette éteinte ou s'il avait payé
dans l'ignorance du paiement de la caution. Néanmoins, la caution conserve son action en
répétition contre le créancier (art. 30 AUS révisé)

167
Sous réserve des dispositions des articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 AUS révisé et des dispositions
particulières de l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif
révisé (même article).

108
La caution qui a payé est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier
poursuivant pour tout ce qu'elle a payé à ce dernier. S'il y a plusieurs débiteurs
principaux solidaires d'une même dette, la caution est subrogée contre chacun d'eux pour
tout ce qu'elle a payé, même si elle n'en a cautionné qu'un. Si les débiteurs sont conjoints,
elle doit diviser ses recours (art. 31 AUS révisé). La caution qui a payé a également un
recours personnel contre le débiteur principal pour ce qu'elle a payé en principal, en
intérêts de cette somme et en frais engagés depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal
les poursuites dirigées contre elle. Elle peut, en outre, réclamer des dommages-intérêts
pour réparation du préjudice subi du fait des poursuites du créancier. S'il y a eu
cautionnement partiel, le créancier ne peut, pour le reliquat, être préféré à la caution qui
a payé et agi en vertu de son recours personnel. Toute clause contraire est réputée non
écrite (art. 32 AUS révisé).

Les recours du certificateur de caution contre la caution certifiée sont soumis aux
dispositions des articles 30, 31 et 32 AUS révisé (art. 33 AUS révisé). Lorsqu'il existe
plusieurs cautions simples ou solidaires pour une même dette, si l'une des cautions a
utilement acquitté la dette, elle a un recours contre les autres cautions, chacune pour sa
part et portion (art. 34 AUS révisé). La caution peut agir en paiement contre le débiteur
principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci, avant
même d'avoir payé le créancier : - dès qu'elle est poursuivie ; - lorsque le débiteur est
en état de cessation des paiements ou en déconfiture ; - lorsque le débiteur ne l'a pas
déchargée dans le délai convenu ; - lorsque la dette est devenue exigible par l'échéance
du terme sous lequel elle avait été contractée (art. 35 AUS révisé).

155. Extinction. Comme en France (art. 2311 à 2316 du Code civil) le contrat de
cautionnement institué dans l’AUS révisé n’est pas éternel. Ainsi, l’extinction partielle ou
totale de l'obligation principale entraîne, dans la même mesure, celle de l'engagement de
la caution. La dation en paiement libère définitivement la caution, même si le créancier
est ensuite évincé de la chose acceptée par lui. Toute clause contraire est réputée non

109
écrite.

La novation de l'obligation principale par changement d'objet ou de cause, la modification


des modalités ou sûretés dont elle était assortie libère la caution à moins qu'elle n'accepte
de reporter sa garantie sur la nouvelle dette. Toute clause contraire stipulée avant la
novation est réputée non écrite.

Les engagements de la caution simple ou solidaire passent à ses héritiers uniquement pour
les dettes nées antérieurement au décès de la caution (art. 36 AUS révisé).

L'engagement de la caution disparaît indépendamment de l'obligation principale : -


lorsque, sur poursuites dirigées contre elle, la caution excipe de la compensation pour une
créance personnelle ; - lorsque le créancier a consenti une remise de dette à la seule
caution ; - lorsque la confusion s'opère entre la personne du créancier et de la caution
(art. 37 AUS révisé).

Toutefois, la confusion qui s'opère dans la personne du débiteur principal et de sa caution


lorsque l'une devient héritière de l'autre, n'éteint pas l'action du créancier contre le
certificateur de la caution (art. 38 AUS révisé).

156. Conclusion 1. Le contrat de cautionnement va permettre au créancier


chirographaire de répartir le risque d'impayé en multipliant les droits de gage général. Ce
faisant, en cas de concours, le créancier continue d'apparaitre comme un créancier
chirographaire, mais il pourra poursuivre un tiers qui l'accepte en paiement selon les
règles prévues au contrat, et notamment celles qui sont d'ordre public.

157. Il est notable que le contrat de cautionnement OHADA est d'un contenu plus lisible
que le contrat de cautionnement français, dont les dispositions dans le Code civil ne sont
que partielles. Il est également tenu compte, en droit français, de la qualité des parties au
contrat, consommateur ou professionnel notamment. Le droit français organise une

110
protection accrue de la partie faible au contrat, le consommateur et le tiers, en multipliant
les obligations d'informations préalables dont la violation réduit l'assiette du montant
susceptible d'être recouvré par exemple.

158. Encore faut-il relever l'introduction dans le droit OHADA de la notion de "débiteur
professionnel », laquelle augure d'une perte de clarté dans l'économie générale du
cautionnement. L'article 3 révisé de l'AUS prévoit en effet qu' "est considéré comme
débiteur professionnel au sens du présent Acte uniforme, tout débiteur dont la dette est
née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités
professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale".

2-Les avatars

159. La garantie autonome. La garantie autonome a fait son apparition dans le Code civil
(art. 2321 C. civ. ), après que le législateur OHADA l'a instituée. L'ancien AUS avait institué
la lettre de garantie. Elle était définie comme une convention par laquelle, à la requête ou
sur instructions du donneur d'ordre, le garant s'engage à payer une somme déterminée
au bénéficiaire, sur première demande de la part de ce dernier. En revanche, la lettre de
contregarantie était définie comme une convention par laquelle, à la requête ou sur
instructions du donneur d'ordre ou du garant, le contregarant s'engage à payer une
somme déterminée au garant, sur première demande de la part de ce dernier.

Une section 1 était consacrée à la formation de la lettre de garantie (art. 29 et 30 AUS


ancien). Elle disposait que les lettres de garantie et de contregarantie ne pouvaient être
souscrites sous peine de nullité par les personnes physiques. Elles créaient des
engagements autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d'en
constituer la base.168. Aussi, les conventions de garantie et de contregarantie ne se
présumaient pas. Elles devaient être constatées par un écrit mentionnant, à peine de
nullité :- la dénomination de lettre de garantie ou de contregarantie à première demande

168
Article 29 AUS ancien.

111
;- le nom du donneur d'ordre ; - le nom du bénéficiaire ; - le nom du garant ou du
contregarant ; - la convention de base, l'action ou le fait, cause de l'émission de la garantie
; - le montant maximum de la somme garantie ; - la date d'expiration ou le fait entraînant
l'expiration de la garantie ; - les conditions de la demande de paiement ; - l'impossibilité,
pour le garant ou le contregarant, de bénéficier des exceptions de la caution.169

Quant aux effets de la lettre de garantie, ceux-ci étaient détaillés dans une section 2 aux
article 31 à 38 AUS révisé. Il était prévu notamment que, sauf clause contraire expresse,
le droit à garantie du bénéficiaire n'était pas cessible. Toutefois, l'incessibilité du droit à
garantie n'affectait pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit
en vertu du rapport de base170.

La garantie et la contregarantie prenaient effet à la date où elles sont émises, sauf


stipulation d'une prise d'effet à une date ultérieure.

Aussi, sauf clause contraire expresse, les instructions du donneur d'ordre, la garantie et la
contregarantie étaient irrévocables171. Le garant et le contregarant n’étaient obligés qu'à
concurrence de la somme stipulée dans la lettre de garantie ou de contregarantie sous
déduction des paiements antérieurs faits par le garant ou le donneur d'ordre non
contestés par le bénéficiaire. La lettre de garantie ne pouvait stipuler que la somme
garantie serait réduite d'un montant déterminé ou déterminable à des dates précisées ou
contre présentation au garant ou au contregarant de documents indiqués à cette fin172.

L’article 35 AUS ancien prévoyait que la demande de paiement devait résulter d'un écrit
du bénéficiaire accompagné des documents prévus dans la lettre de garantie. Cette
demande devait préciser que le donneur d'ordre avait manqué à ses obligations envers le
bénéficiaire et en quoi consistait ce manquement. Toute demande de contregarantie

169
Article 30 AUS ancien.
170
Article 32 AUS ancien.
171
Article 33 AUS ancien.
172
Article 34 AUS ancien.

112
devait être accompagnée d'une déclaration écrite du garant selon laquelle ce dernier avait
reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire, conforme aux stipulations des
lettres de garantie et de contregarantie. Toute demande de paiement au titre de la lettre
de garantie ou de contregarantie devait être faite, au plus tard à la date d'expiration de
celle-ci, accompagnée des documents spécifiés, au lieu d'émission de la garantie ou
contregarantie.

Le garant ou le contregarant devait disposer d'un délai raisonnable pour examiner la


conformité des documents produits avec les stipulations de la garantie ou de la
contregarantie (art. 36 al. 1er). Avant tout paiement, le garant devait transmettre, sans
retard, la demande du bénéficiaire et tous documents accompagnant celle-ci au donneur
d'ordre pour information ou, le cas échéant, au contregarant pour transmission au
donneur d'ordre aux mêmes fins. Si le garant décidait de rejeter une demande de
paiement, il devait en aviser le donneur d'ordre et le bénéficiaire dans les meilleurs délais
et tenir à la disposition de celui-ci tous documents présentés (art. 36 al. 2). De même, le
garant devait aviser, sans délai, de toute réduction du montant de la garantie et de tout
acte ou événement mettant fin à celle-ci, le donneur d'ordre ou, le cas échéant, le
contregarant qui en aviserait le donneur d'ordre dans les mêmes conditions (art. 36 al. 3).
Enfin, le donneur d'ordre ne pouvait faire défense de payer au garant ou au contregarant
que si la demande de paiement du bénéficiaire était manifestement abusive ou
frauduleuse. Le garant et le contregarant disposaient de la même faculté dans les mêmes
conditions. Le garant ou le contregarant qui avait fait un paiement utile au bénéficiaire
disposait des mêmes recours que la caution contre le donneur d'ordre (art. 37). Selon
l’article 38, la garantie ou la contregarantie cessait : - soit au jour calendaire spécifié ou à
l'expiration du délai prévu ; - soit à la présentation au garant ou au contregarant des
documents libératoires spécifiés dans la lettre de garantie ou de contregarantie ; - soit sur
déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant et le contregarant de leur obligation.

160. Désormais, la révision de l'AUS institue en lieu et place de la lettre de garantie, la


garantie qu’il définit comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération

113
d'une obligation souscrite par le donneur d'ordre et sur instructions de ce donneur
d'ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la
part de ce dernier, soit selon des modalités convenues173. L’AUS révisé institue et définit
par la même occasion la contre-garantie autonome qui est l'engagement par lequel le
contre-garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par le donneur d'ordre
et sur instructions de ce donneur d'ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit
sur première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues (art.
39 al. 2 AUS révisé).

161. Formation. S’agissant de la formation des garanties.et contre-garanties autonomes,


il est notamment prévu qu’elles ne peuvent être souscrites par les personnes physiques
sous peine de nullité. Elles créent des engagements autonomes, distincts des
conventions, actes et faits susceptibles d'en constituer la base (art. 40 AUS révisé). Les
garanties et contre-garanties autonomes ne se présument pas. Elles doivent être
constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité : - la dénomination de garantie
ou de contre-garantie autonome ; - le nom du donneur d'ordre ; - le nom du
bénéficiaire ; - le nom du garant ou du contre-garant ; - la convention de base, l'acte
ou le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome est émise
; - le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome ; - la date
ou le fait entraînant l'expiration de la garantie ; - les conditions de la demande de
paiement, s'il y a lieu ; - l'impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier
des exceptions de la caution (art. 41 AUS révisé).

162. Effets. Quant aux effets, l’AUS révisé prévoit que, sauf clause ou convention
contraire exprès, le droit à garantie du bénéficiaire n'est pas cessible. Toutefois,
l'incessibilité du droit à garantie n'affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout
montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation d'une demande conforme au
titre de la garantie (art. 42 AUS révisé). Les garantie et contre-garantie autonomes
prennent effet à la date où elles sont émises sauf stipulation d'une prise d'effet à une date

173
Article 39 al. 1er AUS révisé.

114
ultérieure. Les instructions du donneur d'ordre, la garantie et la contre-garantie
autonomes sont irrévocables dans le cas d'une garantie ou d'une contre-garantie
autonome à durée déterminée. Les garanties ou contre-garanties autonomes à durée
indéterminée peuvent en revanche être révoquées par le garant ou le contre-garant
respectivement (art. 43 AUS révisé). Le garant et le contre-garant ne sont obligés qu'à
concurrence de la somme stipulée dans la garantie ou la contre-garantie autonome sous
déduction des paiements antérieurs faits respectivement par le garant ou le contre-garant
conformément aux termes de leur engagement. Les garanties et contre-garantie
autonomes peuvent stipuler que le montant de l'engagement sera réduit d'un montant
déterminé ou déterminable à des dates précisées ou contre présentation au garant ou au
contre-garant de documents indiqués à cette fin dans l'engagement (art. 44 AUS révisé).

La demande de paiement au titre de la garantie autonome doit résulter d'un écrit du


bénéficiaire accompagné de tout autre document prévu dans la garantie. Cette demande
doit indiquer le manquement reproché au donneur d'ordre dans l'exécution de l'obligation
en considération de laquelle la garantie a été souscrite. La demande de paiement au
titre de la contre-garantie autonome doit résulter d'un écrit du garant mentionnant que
le garant a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire et conforme aux
stipulations de la garantie. Aussi, toute demande de paiement doit être conforme aux
termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome au titre de laquelle elle est
effectuée et doit, sauf clause contraire, être présentée au lieu d'émission de la garantie
autonome ou, en cas de contre-garantie, au lieu d'émission de la contre-garantie
autonome (art. 45 AUS révisé). Le garant et le contre-garant disposent chacun de cinq
jours ouvrés pour examiner la conformité de la demande en paiement aux termes de la
garantie ou de la contre-garantie autonome. Ils ne peuvent rejeter la demande qu'à la
condition de notifier au bénéficiaire ou, en cas de contre-garantie, au garant, au plus tard
à l'expiration de ce délai, l'ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet. Le garant
doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et tous document
accompagnant celle-ci au donneur d'ordre ou, en cas de contre-garantie, au contre-garant,
à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d'ordre.

115
Le garant doit aviser le donneur d'ordre ou, en cas de contre-garantie, le contre-garant,
qui en avisera le donneur d'ordre, de toute réduction du montant de la garantie et de tout
acte ou événement mettant fin à celle-ci autre qu'une date de fin de validité (art. 46 AUS
révisé). Le donneur d'ordre ne peut faire défense de payer au garant que si la demande
de paiement du bénéficiaire est manifestement abusive ou frauduleuse. Le contre-garant
dispose à l'encontre du garant de la même faculté dans les mêmes conditions. Le
donneur d'ordre ne peut faire défense de payer au contre-garant que si le garant savait
ou aurait dû savoir que la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère
manifestement abusif ou frauduleux (art 47 AUS révisé). Le garant ou le contre-garant qui
a fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la contre-garantie
autonome dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur d'ordre (art. 48
AUS révisé). La garantie ou la contre-garantie autonome cesse : - soit au jour calendaire
spécifié ou à l'expiration du délai prévu ; - soit à la présentation au garant ou au contre-
garant des documents libératoires spécifiés dans la garantie ou la contre-garantie
autonome ; - soit sur déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son
obligation au titre de la garantie autonome ou déclaration écrite du garant libérant le
contre-garant de son obligation au titre de la contre-garantie autonome (art. 49 AUS
révisé).

163. Ainsi, les législations en comparaison institutionnalisent la pratique de la garantie


autonome. Ce faisant, elles lui donnent un cadre légal. Ce dernier est cependant mieux
défini dans le cadre de l’AUS puisque le Code civil se contente d’en donner la définition,
laissant à la jurisprudence le soin d’en dessiner les contours. Dans le Code civil, la garantie
autonome est définie comme l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération
d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit
suivant des modalités convenues (art. 2321 al. 1er). Le garant n'est pas tenu en cas d'abus
ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur
d'ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf

116
convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie174.

La garantie autonome se distingue du cautionnement par le caractère autonome de la


garantie175 et de la contre-garantie176. Selon la jurisprudence, la stipulation de l’autonomie
est nécessaire177, ainsi que la référence au contrat de base178, et l’engagement de payer la
dette d’autrui179 notamment.

La garantie autonome doit être légalement formée pour produire des effets créateurs de
droits180. S’agissant de l’appel en garantie, celui-ci doit être effectué dans les formes
requises.181. Les exceptions sont alors inopposables182. Il convient cependant de réserver
le cas de l’appel abusif ou frauduleux. En effet, dans ce cas, il a été jugé que seule
l'existence d'une fraude ou d'un abus manifeste est de nature à faire obstacle à l'exécution
d'un engagement de garantie à première demande183.

Quant aux recours consécutifs à l’appel à garantie il convient de distinguer selon la


personne contre laquelle il est dirigé. S’agissant du recours du garant contre le donneur
d'ordre, il a été décidé que le caractère autonome d'une garantie exclut la connexité entre
la créance du garant à l'encontre du débiteur et toute créance de celui-ci à l'encontre du
garant. En conséquence, la banque garante ne peut valablement se rembourser auprès du
débiteur en redressement judiciaire, par débit d'office, en inscrivant sa créance d'après
paiement au compte courant dont ce débiteur était titulaire chez elle et dont la

174
Article 2321 al. 2 et suivants.
175
Com. 20 déc. 1982 (deux arrêts) ; Com. 8 déc. 1987 ; 2 févr. 1988 ; 3 nov. 1992 ; Paris, 1er juill. 1986 ;
Paris, 27 juin 1990 ; Com. 19 avr. 2005.
176
Com. 12 déc. 1984 no 83-15.389 P (2e esp).
177
Com. 15 juin 1999 no 94-13.615 P; Com. 12 juill. 2005 no 03-20.364 P: R., p. 321.
178
Com. 30 janv. 2001 no 98-22.060 P (2e esp.); Com. 18 mai 1999, no 95-21.539 P Com. 30 janv.
2019, no 17-21.279 P.
179
Com. 13 déc. 1994, no 92-12.626 P; Com. 11 mars 1997 no 95-18.356 P; Civ. 1re, 23 févr. 1999 no 97-
10.008 P; Com. 6 mai 2003; 8 oct. 2003; Civ. 1re, 6 juill. 2004 no 01-15.041 P ; Com. 7 oct. 1997.
180
Civ. 1re, 9 janv. 2007 no 05-19.269 P; Com. 22 nov. 1996; Com. 10 janv. 1995 no 93-10.787 P; Com. 30
janv. 2019 no 17-21.279 P.
181
Com. 10 févr. 2015, no 12-26.580 P.
182
Com. 21 mai 1985 no 83-16.925 P; Com. 12 mars 2013 no 11-22.048 P; Com. 30 janv. 2001, no 98-22.060
P.
183
Com. 3 mai 1988, no 87-11.310 P; 5 févr. 1991, no 89-13.877 P; Com. 10 juin 1986 (2e esp) Com. 3 mai
2016, no 14-28.962 P.

117
continuation avait été requise 184. En revanche, le recours du garant contre le bénéficiaire
n’est pas recevable. En effet, l'absence de fraude ou d'abus manifeste dans l'appel d'une
garantie ou contre-garantie autonome fait obstacle à ce que le garant ou contre-garant
demande, sur le fondement de l'inexécution du contrat de base par le bénéficiaire, la
restitution de ce qu'il a versé en exécution de son obligation autonome.

Quid du recours du donneur d’ordre ? En principe, le donneur d'ordre est recevable à


demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour ce donneur d'ordre
d'établir que le bénéficiaire en a reçu indûment le paiement, sans avoir à justifier d'une
fraude ou d'un abus manifeste, comme en cas d'opposition préventive à l'exécution de la
garantie par le garant. Toutefois, le recours du donneur d'ordre pose la question de la
charge de la preuve. En effet, si, après la mise en œuvre d'une garantie à première
demande, le donneur d'ordre réclame au bénéficiaire de celle-ci le montant versé par le
garant qu'il estime ne pas être dû, ce litige, eu égard à l'autonomie de la garantie à
première demande, ne porte que sur l'exécution ou l'inexécution des obligations nées du
contrat de base, de sorte qu'il incombe à chaque partie à ce contrat de prouver cette
exécution ou inexécution conformément aux règles de preuve du droit commun185.

Enfin, la garantie n’est pas a priori transmissible. Sauf convention contraire, la garantie
autonome, qui ne suit pas l'obligation garantie, n'est pas transmise en cas de scission de
la société bénéficiaire de la garantie. 186.

164. La lettre d’intention. La lettre d'intention est l'engagement de faire ou de ne pas


faire ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l'exécution de son obligation
envers son créancier. C’est d’ailleurs la définition retenue par le législateur français qui
consacre à cette sûreté un article unique (art. 2322 C.civ.187). Le législateur s’est abstenu

184
Com. 19 déc. 2006, no 05-13.461 P.
185
Com. 31 mai 2016, no 13-25.509 P.
186
Com. 31 janv. 2017 no 15-19.158 P.
187
Modifié par Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 2 JORF 24 mars 2006 Modifié par
Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 - art. 4 JORF 24 mars 2006 Modifié par Ordonnance n°2006-346
du 23 mars 2006 - art. 7 JORF 24 mars 2006.

118
de donner un cadre légal à la lettre d’intention ; c’est donc à la jurisprudence qu’il convient
de s’en remettre.

L’appréciation du juge est prépondérante en la matière. C’est ainsi qu’une lettre


d'intention peut, selon ses termes, lorsqu'elle a été acceptée par son destinataire et eu
égard à la commune intention des parties, constituer à la charge de celui qui l'a souscrite
un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu'à l'obligation
d'assurer un résultat, si même elle ne constitue pas un cautionnement. Il appartient au
juge de donner ou de restituer son exacte qualification à un pareil acte sans s'arrêter à la
dénomination que les parties en auraient proposée188. Toutefois, une lettre par laquelle
une société offre son concours pour aider sa filiale sans s'engager à se substituer à elle en
cas de carence de celle-ci ne constitue pas un engagement de cautionnement189.

Les lettres d’intentions sont d’intensité diverse. En effet, par un engagement de faire, le
nécessaire, le signataire d'une lettre de patronage souscrit une obligation de
résultat190. Une même qualification (obligation de résultat) peut être retenue pour
l'engagement d'assurer l'intégralité des besoins financiers de la filiale par apport en
compte courant191. En revanche, n'engendre qu'une obligation de moyen la lettre dans
laquelle le signataire s'engage à faire ses meilleurs efforts pour que le débiteur soit en
mesure de faire face à ses obligations192.

Ces lettres d’intention sont soumises au droit des société. Ainsi, il a été jugé que
l’autorisation du conseil d'administration est nécessaire pour qu'une société soit tenue à
raison d'une lettre du président énonçant qu'il ferait le nécessaire pour que sa filiale puisse
honorer ses engagements envers la banque)193.

188
Com. 21 déc. 1987 ; 15 janv. 1991 ; 19 mars 1991 ; 16 juill. 1991; 26 janv. 1999 no 97-10.003 P; 18 avr.
2000, no 97-19.043 P.
189
Com. 9 juill. 2002 no 96-19.953 P.
190
Com. 26 févr. 2002 ; Com. 11 janv. 2005 ; Com. 20 févr. 2007 no 05-18.882 P.
191
Com. 24 oct. 2000; Com. 17 mai 2011 no 09-16.186 P.
192
Com. 17 oct. 1995: Com. 19 mars 1991 no 89-16.464 P.
193
Com. 8 nov. 1994, no 92-18.307 P; Com. 9 juill. 2002 ; Com. 26 févr. 2002 no 99-10.729 P; Com. 26 janv.
1999, no 97-10.003 P.

119
165. Pour le législateur OHADA, la lettre d’intention n’est pas une sûreté instituée dans
le cadre de l’AUS révisé. Cependant, elle n’est pas interdite puisqu’il n’existe pas de
numerus clausus des sûretés personnelles194. Partant, sa contractualisation paraît
possible, au risque d’engendrer des dissonances dans l’harmonie pourtant recherchée par
l’OHADA.

166. La sûreté réelle pour autrui. Dans la législation OHADA comme en droit français, il
est désormais possible de consentir une sûreté réelle pour autrui. En disposant que « les
sûretés réelles peuvent être constituées par le débiteur lui-même ou un tiers en garantie
de l'obligation sous réserve des dispositions particulières du présent Acte uniforme » (art.
4 al. 3 AUS révisé), le législateur OHADA valide la possibilité d’une sûreté réelle pour autrui,
en même temps qu’il lui donne un cadre juridique. De telles sûretés doivent en effet
respecter les dispositions particulières que pose l’AUS révisé, lequel dispose que sauf
disposition contraire195, les seules sûretés réelles valablement constituées sont celles qui
sont régies par cet Acte uniforme (art. 4 al. 3). Autrement dit, le contrat de sûreté réelle
pour autrui consiste, soit dans le droit du créancier de se faire payer par préférence sur le
prix de réalisation d'un bien affecté à la garantie de l'obligation de son débiteur, soit dans
le droit de recouvrer la libre disposition d'un bien dont il est propriétaire à titre de garantie
de cette obligation (art. 4 al. 2).

167. Le législateur OHADA envisage le cas du cautionnement réel à l’article 22 AUS révisé,
qui est applicable au cautionnement. Il est prévu que la caution peut garantir son
engagement en consentant une sûreté réelle sur un ou plusieurs de ses biens. Elle peut
également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des biens sur lesquels
elle a consenti une telle sûreté (art. 22 AUS révisé).

En droit français, le cautionnement réel est consacré en jurisprudence par un arrêt rendu

194
Voir infra.
195
du présent Acte uniforme

120
par la Chambre Mixte de la Cour de cassation le 2 décembre 2005196. Celle-ci a décidé en
effet que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'implique aucun
engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui et n'est pas dès lors un
cautionnement, lequel ne se présume pas.

168. Conclusion 2. L’institution, en marge du cautionnement, de la garantie autonome et


d’une sûreté pour autrui représente des opportunités supplémentaires d’échapper au
concours. On remarquera cependant l’absence de la lettre d’intention à titre de sûreté
dans l’AUS révisé, alors que cet instrument est désormais inscrit dans la panoplie des
sûretés dont peut disposer le créancier français. Cependant, l’absence de numérus clausus
des sûretés personnelles ne devrait probablement pas empêcher un créancier d’avoir
recours à un tel accessoire.

169. Si l’institution de sûretés est appréciable, force est de constater qu’elle implique
pour les créanciers OHADA et français une perte de liberté contractuelle indéniable. Cet
espace de liberté a été happé par le législateur OHADA qui ne permet pas la prolifération
des sûretés conventionnelles en dehors du cadre du droit harmonisé. Le but est d’éviter
les dissonances qui ruineraient l’édifice d’un droit des affaires voulu plus sûr dans les Etats
Parties au traité OHADA.

170. Résumé B. Le créancier chirographaire OHADA comme son homologue français peut
échapper au concours par la conclusion d’un contrat avec un tiers qui engage tout ou
partie de son patrimoine, en cas d’inexécution du débiteur. Les techniques sont
nombreuses, mais toutes consistent dans l’idée d’une répartition du risque d’impayé sur
la tête de plusieurs débiteur. Par la conclusion de telles sûretés, le créancier titulaire réduit
les disparités qui existent avec ceux qui disposent d’un codébiteur coobligé en raison
d’une modalité du régime de l’obligation souscrite.

196
no 03-18.210 P ; Comp., antérieurement: le cautionnement réel est un engagement qui comprend une
véritable obligation personnelle de garantir, dans la limite de la valeur, appréciée au jour de la demande
d'exécution, du ou des biens engagés. Civ. 1re, 15 mai 2002, no 00-15.298 ; Com. 13 nov. 2002, no 95-18.994
P: Mais en sens contraire voir Civ. 1re, 29 févr. 2000 no 98-10.902 P ; Civ. 1re, 1er févr. 2000 no 98-11.390 P ;

121
171. Conclusion 2§. Les évolutions successives des législations OHADA (AUS révisé) et
française (Code civil) vont systématiquement dans le sens d’un accroissement de
l'inégalité entre les créanciers en permettant notamment davantage de sûretés pouvant
être consenties pour garantir le paiement de la dette d’autrui.

172. Contrairement au Code civil, le législateur OHADA se fait force d’offrir des sûreté
d’usage facilité en énumérant dans un même texte, l’AUS révisé, les conditions de
constitution et d’exécution de ces contrats.

173. En résumé, le contrat de sûreté peut permettre au créancier bénéficiaire de déroger


au concours. Il peut en effet se ménager la position de propriétaire sur un bien
appartenant au débiteur ou rechercher la garantie d’un tiers, qui s’engage à titre
personnel ou affecte un ou plusieurs de ses biens en garantie.

Toutefois, l’offre de sûreté n’est pas identique dans les deux législations : un créancier
OHADA ne peut, a priori, ni souscrire une antichrèse (le gage immobilier) ni constituer
une fiducie sûreté avec d’autres biens que les créances ou les sommes d’argent, pas plus
qu’une lettre d’intention.

174. Résumé II. L’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers


chirographaires n'est pas une fatalité. La force des volontés réciproquement exprimées
dans un contrat de sûreté permet d’y remédier. Cependant, ces volontés exprimées ne
peuvent pas tout. Il pèse sur elles un principe d’égalité des créanciers devant la norme
impérative qui dicte le contenu du contrat de sûreté. Au final, l’égalité ne peut être
couverte qu’au moyen d’une sûreté instituée dans l’AUS révisé, consentie au créancier par
le débiteur de l’obligation ou un tiers, permettant de faire exception à la règle du paiement
égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires (gage, nantissement,
hypothèque), ou d’y déroger lorsque la sûreté lui confère l’exclusivité par un mécanisme
de sûreté-propriété cédé ou retenue à titre de garantie, ou un tiers tenu au paiement de
la dette d’autrui (cautionnement, garantie autonome…).

122
Conclusion chapitre premier

175. La prolifération des exceptions à l'égalité du paiement en cas de concours entre


créanciers chirographaires et des dérogations au concours entre créanciers d’origine
légales, judiciaires et conventionnelles réduit le périmètre d’application de la règle du
paiement égalitaire entre créanciers chirographaires en cas de concours entre eux.

176. En effet, l'égalité du paiement promise en cas de concours entre créanciers


chirographaires est désormais circonscrite à une poignée de créanciers chirographaires ;
ceux pour lesquels le législateur et le juge ne consentent pas à garantir la créance
autrement que par un droit de gage général ; ceux qui, nonobstant le diagnostic de leur
créance chirographaire, s’abstiennent de souscrire un contrat de sûreté ; et ceux qui
choisissent un contrat de sûreté conférant un droit de gage général supplémentaire.

177. Autrement dit, la qualité de créancier chirographaire peut relever d’une fatalité
comme d’un choix du créancier, lequel n’est pas nécessairement mauvais si le but du
contrat de sûreté est d’éviter que le paiement soit égalitaire en cas de concours entre les
créanciers chirographaires. En effet, le législateur OHADA, comme le législateur français,
ne soumet que quelques biens du débiteur en difficultés à la réalisation d’un tel risque
(chapitre deuxième).

123
Chapitre deuxième : Quelques biens du débiteur en difficultés soumis à l’égalité en cas
de concours

178. « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur
tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir (art. 2284 C.civ) ». Ainsi, le droit
de gage général est assis sur l’actif du patrimoine du débiteur ; cette universalité au sein
de laquelle l’actif (les biens) répond du passif (les dettes)197. Le créancier chirographaire
est donc particulièrement sensible aux évolutions du patrimoine de son débiteur puisque
tous ses actes de disposition lui sont opposables. En effet, le créancier chirographaire ne
peut poursuivre l’exécution forcée du débiteur qu’en saisissant les biens figurant à l’actif
au jour de la saisie, et non ceux qui y figuraient au jour de la naissance de sa créance, mais
qui l’ont quitté depuis ; pas plus qu’il ne peut empêcher un autre créancier dont les droits
sont postérieurs aux siens de saisir un bien qui est entré dans le patrimoine du débiteur
alors que son droit de créance n’était pas encore né. En effet, les biens du débiteur sont
le gage commun de ses créanciers et, en cas de concours entre eux, le prix s’en distribue
de manière égalitaire (art. 2285 C.civ in fine).

179. Les législateurs OHADA et français, sont attentifs au patrimoine des entreprises et
à l’écoute de leurs difficultés actuelles ou à venir. La tendance actuelle consiste, en amont,
à empêcher que l’entrepreneur individuel n’engage tout son patrimoine pour préserver sa
fortune personnelle. Pour y parvenir, les législations ont procédé à une
instrumentalisation du droit de gage général à coup d’exceptions et de dérogations à celui-
ci. Concrètement, l’entrepreneur individuel peut soustraire aux poursuites de ses
créanciers une quantité non négligeable de ses biens de valeur (affectés en société, rendus
insaisissables…) aux poursuites de ses créanciers. En aval, on recherche la protection des
entreprises en difficultés. Le droit des entreprises en difficultés institué dans l’acte
uniforme révisé portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif
(AUPCAP révisé) adopté le 10 septembre 2015 à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire)198,comme

197
Aubry et Rau, Droit civil français, t. VI, LGDJ, 6e éd., 1951, t. VI, p. 229, 231.
198
Entré en vigueur le 24 décembre 2015. Il révise l’acte uniforme du même nom adopté le 10 avril 1998 à
Libreville (GABON) et entré en vigueur le 1er janvier 1999.

124
la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 dite « loi de sauvegarde des entreprises » et ses
évolutions postérieures, est topique du phénomène. Le législateur des procédures
collectives OHADA, comme le législateur français, « pourrait avoir marqué un arrêt à la
judiciarisation progressive de la procédure collective en replaçant les créanciers au cœur
du dispositif, pour les associer au redressement de l’entreprise et non plus au partage du
produit de la vente de ses biens »199. Concrètement, il s’agit de porter atteinte au droit de
gage général dans sa phase contentieuse, en soustrayant l’entreprise débitrice au droit
commun de l’exécution pour envisager son sauvetage plutôt que sa liquidation.

Dans ce contexte, le créancier chirographaire semble avoir bénéficié d’un arbitrage


défavorable puisque, d’un côté, on acte quasiment de la tangibilité de son droit de gage
général et du gage commun des créanciers ; de l’autre côté, on acte la fin de son droit au
recouvrement individuel de sa créance conformément aux conditions du contrat. C’est
donc un « coup de boutoir » supplémentaire au contrat qui, déjà, ne fait plus totalement
loi entre les parties200. Pour le créancier chirographaire, la question peut se poser de
l’opportunité de conclure un contrat de sûreté dans la perspective des difficultés de son
débiteur et ainsi éviter le concours entre créanciers chirographaires, duquel procède le
paiement égalitaire entre eux. Mais il n’est pas certain qu’il y ait toujours intérêt201.

180. Problématique. Finalement, la situation telle qu’elle se présente soulève deux


interrogations majeures à notre sens, sous l’angle du droit comparé entre l’AUPCAP révisé
et les disposions relatives aux entreprises en difficultés instituées dans le Code de
commerce français. La première est de savoir si, véritablement, les évolutions législatives
dans l’AUPCAP révisé et le Code de commerce actent d’un « droit » pour le débiteur à
engager tout son patrimoine envers ses créanciers lorsqu’il est in bonis, pour finalement
ne s‘engager à rien lorsqu’il est en cessation des paiements ; la seconde est de déterminer

199
Propos de Jean-Luc Vallens au sujet de la réforme de 2005 – « Bicentenaire du Code de commerce : le
droit des faillites de 1807 à aujourd’hui »- Recueil Dalloz p. 669 n°4.
200
Aziber Seïd Algadi, « Contrats et droit OHADA des procédures collectives, étude à la lumière du droit
français », l’Harmattan, Cameroun 2009 p. 29 et s. sur la dégénérescence apparente du lien contractuel ;
M. Armand-Prevost et Richard, « Le contrat déstabilisé : de l’autonomie de la volonté au dirigisme
contractuel » : Doct. Semaine juridique, 1979, II, 2952 ; S. Chaille de Nère, « les difficultés d’exécution du
contrat en droit international privé, Thèse Bordeau IV, 2001, P.U.A.M 2003.
201
Voir infra.

125
la composition de l’actif et du passif de l’entreprise en procédure de liquidation, après
avoir tout tenté pour empêcher l’ouverture d’une telle procédure.

181. De fait, les craintes du créancier chirographaire OHADA ou français paraissent


légitimes. En effet, le système de protection que promeuvent ces législations quant au
traitement des difficultés de l’entreprise débitrice repose sur l’appréhension d’un
patrimoine en cessation des paiements pour déterminer la thérapeutique à appliquer aux
maux de l’entreprise.

182. Les procédures instituées. L’article 2 AUPCAP révisé définit les procédures
instituées dans l’AUPCAP dont l’objet est, comme en droit français, de permettre
l’apurement du passif. A cet égard, la procédure de conciliation est voulue comme une
procédure préventive, consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des
paiements de l'entreprise débitrice afin d'effectuer, en tout ou partie, sa restructuration
financière ou opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration s'effectue par le
biais de négociations privées et de la conclusion d'un accord de conciliation négocié entre
le débiteur et ses créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à l'appui d'un
tiers neutre, impartial et indépendant dit conciliateur. La procédure de règlement
préventif est, quant à elle, une procédure collective préventive destinée à éviter la
cessation des paiements de l'entreprise débitrice et à permettre l'apurement de son passif
au moyen d'un concordat préventif. La procédure de redressement judiciaire est une
procédure collective destinée au sauvetage de l'entreprise débitrice en cessation des
paiements mais dont la situation n'est pas irrémédiablement compromise, et à
l'apurement de son passif au moyen d'un concordat de redressement. Enfin, la procédure
de liquidation des biens est une procédure collective destinée à la réalisation de l'actif de
l'entreprise débitrice en cessation des paiements dont la situation est irrémédiablement
compromise pour apurer son passif.

L’article 1-2 AUPCAP révisé complète cette panoplie de procédures en précisant que toute
entreprise a la faculté de demander, avant la cessation de ses paiements, l'ouverture d'une

126
procédure de médiation selon les dispositions légales de l'État partie concerné202 (art. 1-2
al. 1er AUPCAP révisé), sans préjudice de l'application des autres procédures (même
article). Par ailleurs, les petites entreprises203 peuvent demander à bénéficier d'une
procédure simplifiée de règlement préventif, de redressement judiciaire ou de liquidation
des biens204 (art. 1-2 al. 3 AUPCAP révisé).

183. Les procédures instituées dans l’OHADA et le Code de commerce gardent donc en
ligne de mire l’apurement du passif : soit par le sauvetage de l’entreprise débitrice, soit
par la liquidation des biens des entreprise qui ne peuvent être sauvées. Il est ainsi
remarquable que le législateur OHADA, contrairement au législateur français ne pousse
pas jusqu’à permettre le rétablissement professionnel de l’entrepreneur individuel en
cessation des paiement par l’effacement pur et simple de sa dette (art. L 645-1 à L645-12
C.com). Toutefois, on aura l’occasion d’observer que les législations en comparaison
admettent la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d’actif (art. 173
AUPCAP révisé ; art. L643-9 al. 2 C.com), ce qui est une hypothèse d’extinction des
créances sans satisfaction des créanciers205, ce qui est une innovation de l’AUPCAP révisé.

De ce point de vue, le créancier chirographaire a donc raison. Surtout que le domaine


d’application quant aux personnes est vaste quant aux entreprises pouvant bénéficier de
la protection du droit des entreprises en difficultés. En effet, l’AUPCAP révisé a vocation à
s’appliquer à toute personne physique exerçant une activité professionnelle
indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute personne morale de
droit privé ainsi qu'à toute entreprise publique ayant la forme d'une personne morale de

202
Voir infra.
203
Le législateur OHADA définit la « petite entreprise » comme toute entreprise individuelle, société ou
autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et
dont le chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors taxes, au cours
des douze (12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente conformément aux règles prescrites
par l’AUPCAP (art. 1-3 AUPCAP révisé).
204
Ces procédures ne feront pas l’objet d’une étude spécifique dans le cadre de cette étude.
205
Elle n’est pas la seule puisque les renonciations dans le cadre des procédures instituées sont prévues
pour contraindre avec une plus ou moins grande force les créanciers à consentir des remises de dettes.

127
droit privé (art. 1-1 AUPCAP révisé)206. Toutes ces personnes peuvent bénéficier des
procédures de conciliation, de règlement préventif, de redressement judiciaire et de
liquidation des biens instituées dans l’AUPCAP révisé (art. 1-1 AUPCAP révisé).

184. Périmètre de l’effet réel. Cet angle d’analyse n’est pas satisfaisant. Trop
contemplatif, il ne rend pas compte de la valeur du droit de gage général des créanciers,
notamment quant à la structure du patrimoine à l’actif et au passif, que la procédure de
liquidation a vocation à appréhender. S’agissant du passif, il suffira d’identifier quels
créanciers sont tenus de se plier à la procédure collective. Quant à l’actif, le critère objectif
qui nous paraît le plus pertinent est celui de l’effet réel207, ou effet de saisie du gage
commun des créanciers par ses créanciers qui procède de la décision d’ouverture d’une
procédure collective en cessation des paiements.

L’effet réel est une analyse doctrinale des procédures collectives ouvertes sur le constat
de la cessation des paiements de l’entreprise débitrice qui y est soumise proposée par M.
Sénéchal. Cet auteur qualifie d’« effet réel » la saisie de l’ensemble des biens du débiteur
par l’ensemble de ses créanciers représentés par un mandataire de justice208 (le syndic
OHADA et le liquidateur dans le Code de commerce). L’effet réel procède directement de
la décision d’ouverture d’une procédure collective ; son trait caractéristique est le
dessaisissement du débiteur et la mesures d’arrêt des poursuites individuelles qui
provoquent la « cristallisation » du gage commun des créanciers. Cette analyse a été
consacrée par deux arrêts successifs de la Cour de cassation française209. Dans la

206
Il est également applicable aux personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise à un
régime particulier lorsqu'il n'en est pas disposé autrement dans la réglementation spécifique régissant
ladite activité. Les activités soumises à un régime particulier au sens du présent Acte uniforme et des textes
les régissant sont, notamment, celles des établissements de crédit au sens de la loi bancaire, des
établissements de micro finance et des acteurs des marchés financiers ainsi que celles des sociétés
d'assurance et de réassurance des États parties au Traité de l'OHADA.
207
Marc Sénéchal, « L’effet réel de la procédure collective : Essai sur la saisie collective du gage commun
des créanciers », Litec juil. 2002
208
Marc Sénéchal, « l’effet réel de la procédure collective : essai sur la saisie du gage commun des
créanciers », Bibliothèque droit de l’entreprise, Litec, p. 11 n°5§2.
209
Dans un premier arrêt du 16 mars 2010, elle a jugé que lorsque des époux mariés sous le régime de la
communauté légale ont été, par des décisions successives, placés, chacun, en liquidation judiciaire, la vente
de gré à gré des biens communs, « soumis dès son prononcé à l’effet réel de la procédure collective »
première ouverte, ne peut être autorisée que par le juge- commissaire de cette procédure. Cass. com., 16

128
jurisprudence OHADA, il est quelques arrêts rendus relativement à la saisie des biens du
débiteur au visa des articles 25 et suivants AUCPAP ancien210 relatifs à la déclaration de la
cessation des paiements, sans pour autant parler directement d’un effet réel211.

185. En identifiant dans l’espace et le temps des difficultés de l’entreprise les biens
susceptibles d’être appréhendés par la saisie collective, il devient possible de déterminer,
outre la somme des biens qui tombent dans l’escarcelle des créanciers, la pertinence des
solutions proposées pour le créancier OHADA comparé au créancier chirographaire
français.

mars 2010, n° 08-13.147, Bull. civ. IV, n° 55, D. 2010, Chron. C. cass., p. 112, obs. M. Bélaval, p. 1828, obs.
P.-M. Le Corre, p. 825, obs. A. Lienhard, Actualité proc. coll. 2010, n° 122, obs. J. Vallansan, LEDEN mai 2010,
p. 1, obs. F.-X. Lucas, Gaz. Pal. 2-3 juill. 2010, p. 13, obs. L. Antonini-Cochin, Rev. proc. coll. 2010, n° 248,
obs. G. Berthelot, Dr et procéd. 2010, Cah. dr entr., p. 5, obs. Ph. Roussel Galle. Puis dans un second arrêt
du 13 avril 2010(5), elle a jugé que le liquidateur d’un salarié en liquidation judiciaire est fondé à demander
à l’employeur le versement entre ses mains des salaires du débiteur, qui sont « appréhendés par l’effet réel
de la procédure collective », à l’exclusion de leur fraction insaisissable. Cass. com., 13 avr. 2010, n° 08-
19.074, Bull. civ. IV, n° 78, D. 2010, p. 1072, D. 2011, p. 1509, obs. A. Leborgne, RTD com. 2010, p. 794, obs.
J.-L. Vallens, JCP E 2010, 1534, note Ch. Lebel, 1742, n° 7, obs. Ph. Pétel, Actualité proc. coll. 2010, n° 137,
obs. L. Fin-Langer, LEDEN juin 2010, obs. P. Rubellin, Rev. proc. coll. 2012, n° 33, obs. P. Canet, Gaz. pal. 2-
3 juill. 2010, p. 27, obs. D. Voinot, Procédures 2010, n° 236, obs. B. Rolland.
210
Les décisions ne devraient pas être différentes du fait de la révision de l’AUPACP.
211
Conformément aux art. 25 et suivants AUPCAP, lorsqu'une société́ réunit les conditions d'une cessation
de paiement, c'est-à̀-dire lorsque son actif disponible ne peut faire à son passif exigible, il convient de
prononcer la liquidation des biens et d'ordonner l'apposition des scellés sur ces biens. Tribunal de grande
instance de Ouagadougou (Burkina Faso) Jugement n° 455 du 24 AVRIL 2002, Liquidation des biens de la
Société́ Briqueteries du Faso (SBF). OHADAta J-04-16. Sur la saisie d’une créance, voir : Tribunal de
Commerce de Brazzaville, Jugement n° 036 du 26 avril 2011, La Succession Ebina c/ La Cca Et La Lcb. « Dans
le cas d'espèce, un établissement public à caractère financier est mis en cause pour la contestation d'une
créance commerciale payée en faveur d’une succession sur un compte bancaire. La créance sera par la suite
saisie par la banque sur les instructions du même établissement public financier, cette fois en sa qualité́ de
syndic liquidateur. Au regard des deux opérations accomplies par les deux structures financières, à savoir
l'opération de paiement de la créance commerciale et l'opération de saisie et de débit de la même créance,
on peut dire que le contentieux né de ces opérations n'a aucun caractère administratif, de manière à porter
l'affaire devant le juge administratif. Ces deux opérations constituent bel et bien des opérations de banque,
et conformément à̀ l'article 3 AUDCG, elles ont le caractère d'actes de commerce. En plus, selon l'article 93
de la loi portant organisation du pouvoir judiciaire, les tribunaux de commerce sont juges de droit commun
en première instance pour connaître toutes les contestations relatives aux actes de commerce. Ensuite, la
créance objet de la présente contestation étant une créance commerciale, sa résolution ne peut se faire que
devant le Tribunal de commerce. Enfin, la saisie de la créance ayant été́ faite dans le cadre des opérations
de réalisation de l'actif par un syndic, il est constant et incontestable que toutes les contestations nées des
procédures de faillite sont du ressort du Tribunal de commerce. Il convient donc de dire que la présente
procédure est bel et bien de la compétence du Tribunal de commerce ». OHADAta J-13-78.

129
La problématique posée peut alors se résoudre en déterminant le moment à partir duquel
l’effet réel cesse ou commence à libérer ses effets en amont de la décision d’ouverture de
la procédure collective duquel procède l’effet de saisie du gage commun. Normalement,
l’effet réel se produit à compter de la date de cessation des paiements, laquelle est fixée
dans la décision d’ouverture et à défaut de date dans la décision d’ouverture, à compter
de la date de la décision elle-même (art. 34 AUPCAP révisé ; art. L641IV du Code de
commerce). Il faut donc rechercher si ces procédures sont dotées d’un effet réel ou si
l’effet réel se libère pour chacune d’elle, ce qui finalement permettrait d’étendre
largement les rayons paralysants de ses effets. La problématique ainsi envisagée, on
aboutit à un constat (a) qui révèle un paradoxe (b).

186. a) Un constat qu’appelle notre observation est que le débiteur in bonis, celui qui
justement n’est pas en cessation des paiements, n’a pas à soumettre son patrimoine au
droit spécial ainsi institué pour traiter les difficultés de l’entreprise dans l’AUPCAP révisé
ou le Code de commerce. Dans ce contexte, force est de constater que le gage commun
des créanciers est laissé au bon vouloir du débiteur puisqu’il n’y a pas d’effet de saisie
collective.

Hors du droit des entreprises en difficultés, ce dernier n’est pas toutefois en dehors du
droit commun de l’exécution qu’encadre notamment l’Acte uniforme portant organisation
des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998 212
(AUPSRVE) et le Code des procédures civiles d’exécution en France213 (C.pro. civ. ex). Ainsi,
le créancier chirographaire qui a une bonne connaissance du patrimoine de son débiteur,
qui est normalement diligent et informé de ses droits quant au recouvrement de sa
créance, n’a pas, a priori, à craindre le concours, précisément parce qu’il n’y a pas de
pénurie généralisée dans le gage commun des créanciers.
Toutefois, l’absence de saisie des biens du débiteur est redoutable. Placé en dehors de
l’AUPCAP et du Code de Commerce, le gage commun des créanciers ne bénéficie pas de
l’effet réel traditionnellement attaché à la décision d’ouverture d’une procédure

212
Adopté le 10/04/1998 à Libreville (GABON) Date d'entrée en vigueur : 10/07/1998.
213
Version consolidée au 1er janvier 2020.

130
collective. Il en résulte que le débiteur reste libre de faire ce que les lois permettent
lorsqu’il s’agit de préserver la fortune personnelle de l’entrepreneur individuel, et donc
d’appauvrir le gage des créanciers qui sera appréhendé par la procédure collective.

187. b) Un paradoxe. Lorsque le débiteur en difficultés se place sous la protection du


droit des entreprises en difficultés de l’AUPCAP ou du Code de commerce, force est de
constater que l’effet réel de la procédure voit ses effets modulés pour qu’il ne puisse ni
remettre le gage commun des créanciers en l’état antérieur aux décisions de
l’entrepreneur individuel attentatoires aux droits des créanciers, ni rebuter le débiteur qui
a besoin qu’on lui vienne en aide. Pourtant, le législateur OHADA promettait en préambule
de l’AUPCAP que son objet, désormais, serait notamment de « liquider les entreprises non
viables dans des conditions propres à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour
augmenter les montants recouvrés par les créanciers214 » (art. 1er AUPCAP révisé).

Paradoxalement, cette modulation de l’effet réel de la procédure collective peut, au moins


théoriquement, aboutir à un mieux disant pour le créancier chirographaire lorsque l’on
s’attache à la structure du passif. En effet, au passif exigible de la procédure de liquidation,
force est de constater que normalement, il devrait y avoir normalement moins de créances
impayées du fait des tentatives de sauvetage ou à tout le moins des créances
partiellement éteintes. Quant au passif à apurer, on observe une disparition de ce qu’il
restait des créances chirographaires du fait de la prolifération des sûreté générées par la
décision d’ouverture de la procédure de liquidation215.

188. Ainsi, le constat nous amène à considérer que l’égalité du paiement en cas de
concours est un risque relatif pour le créancier chirographaire d’un débiteur in bonis en
difficultés qui choisit de se placer en dehors du droit des entreprises en difficultés institué
dans l’AUPCAP ou le Code de commerce. Dans le cas d’un débiteur qui se place dans le

214
De ce point de vue, l’objet de l’AUPCAP révisé est donc plus vaste que dans sa première mouture puisqu’il
se cantonnait notamment à l’organisation des procédures collectives de règlement préventif, de
redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur en vue de l'apurement collectif de son passif.
215
Voir infra

131
droit des entreprises en difficultés, l’égalité est un risque à relativiser compte tenu de ce
que l’effet réel de la procédure collective modulé pour le maintien d’un gage commun
anecdotique et permettre le sauvetage de l’entreprise en difficultés n’est pas synonyme
d’un passif excessif à la procédure de liquidation.

I- L’égalité relative

189. La cessation des paiements élimine de droit le débiteur in bonis en difficultés pour
l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens. Le
débiteur in bonis peut en revanche choisir entre affronter les difficultés qu’il éprouve ou
se placer sous la protection du droit des entreprises en difficultés instituées par l’AUPCAP
révisé ou par le Code de commerce français. Lorsqu’il refuse cette possibilité, il est libre
de disposer de ses biens à sa guise. Ce faisant, le débiteur in bonis ne se met pas en dehors
du droit commun. Il se place dans le champs d’application de l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10
avril 1998 (AUPSRVE) ou du Code des procédures civiles d’exécution en France (C.pro. civ.
ex).

190. En principe, le créancier chirographaire « avisé » qui a une bonne connaissance du


patrimoine de son débiteur, qui est normalement diligent et informé de ses droits quant
au recouvrement de sa créance, n’a pas, a priori, à craindre le concours. Il sait que le droit
commun de l’exécution s’applique et que donc, « à défaut d'exécution volontaire, tout
créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, contraindre son débiteur défaillant
à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer
la sauvegarde de ses droits (art. 28 AUPSRVE ; art. L111-1 C. pro. civ. ex).

Le créancier chirographaire profane en revanche peut redouter le refus du débiteur in


bonis de se placer sous la protection du droit institué dans l’AUPCAP révisé ou le Code de
commerce. Le gage commun des créanciers ne bénéficie pas de l’effet réel
traditionnellement attaché à la décision d’ouverture d’une procédure collective. Il en
résulte que le débiteur reste libre de faire ce qu’il veut de ses biens.

132
191. Ainsi, le risque de l’égalité du paiement en cas de conocours entre les créanciers
chirographaires est, en principe, limité en ce qui concerne le créancier chirographaire
« avisé » (1§). Il est en revanche plus important pour le créancier chirographaire
« profane » (2§).

1§-Principe

192. « A défaut d'exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de
sa créance, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou
pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits (art. 28
AUPSRVE ; art. L111-1 C. pro. civ. ex). C’est dire qu’en principe, le créancier chirographaire
avisé, n’est pas particulièrement exposé au concours avec ses pairs. Il a le droit à
l’exécution à l’encontre de son débiteur (A) ainsi qu’à la préservation de ses droits en cas
d’amenuisement de l’actif du patrimoine du débiteur (B).

A- Le droit à l’exécution

193. Pour peu que le créancier chirographaire entretienne une bonne relation avec le
débiteur ou que l’obligation de payer une somme d’argent procède d’un contrat
indispensable au débiteur, ce dernier s’exécutera en procédant au paiement
volontairement (1). Dans le cas contraire, si le créancier chirographaire a une bonne
connaissance du patrimoine de son débiteur et qu’il est diligent, il fera valoir son droit de
gage général en demandant l’exécution forcée de l’obligation de payer souscrite par son
débiteur récalcitrant au paiement, au moyen d’une voie d’exécution civile, c’est-à-dire en
faisant pratiquer une saisie (2).

1-Le paiement volontaire

133
194. Le paiement spontané. Le législateur OHADA adopte des règles sur le paiement et
les conditions dans lesquelles ce paiement peut s’effectuer dans certains contrats216. Ainsi
en est-il de l’exécution du preneur dans le contrat de bail à usage professionnel dans
l’AUDCG révisé. L’article 112 de cet acte uniforme prévoit qu’ « en contrepartie de la
jouissance des lieux loués, le preneur doit payer le loyer aux termes convenus entre les
mains du bailleur ou de son représentant dûment mandaté » (al. 1er). Dans un tel contrat,
le paiement du loyer peut être fait par correspondance ou par voie électronique (al. 2).

Des décisions relatives au paiement du loyer dans le cadre d’un bail à usage professionnel
ont été rendues sous l’empire de l’ancien AUDCG. Ainsi, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire
décidé que, « lorsque les parties sont liées par un contrat de bail et que l’une d’elles
revendique avoir payé́ une somme d’argent déterminée, au titre du « pas-de-porte », si elle
ne rapporte pas la preuve de ses allégations, la somme payée est présumée l’avoir été au
titre des loyers »217.Un Tribunal de Première Instance de COTONOU218 a jugé que « face au
refus délibéré́ et injustifié́ du bailleur de recevoir le paiement des loyers, le preneur est en
droit de recourir à la procédure des offres réelles organisée par les articles 1257 et 1258 du
Code civil. L’acceptation des offres réelles par le tribunal vaut paiement et rend sans objet
la saisie conservatoire des meubles du locataire alors, au surplus, que cette saisie n’a pas
été́ autorisée. Il y a donc lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie sans prononcer
d’astreinte comminatoire, aucune résistance à la mainlevée n’étant établie ». Dans une

216
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage assure l'interprétation et l'application communes du Traité
ainsi que des règlements pris pour son application, des actes uniformes et des décisions (art. 14 al. 1er Traité
OHADA). L’affaire opposant les deux parties porte sur la responsabilité́ (contractuelle) et le paiement
effectué par un tiers. Or, aucun Acte uniforme ne prescrit des dispositions relatives au droit des contrats.
Partant, l’affaire qui oppose les sociétés International Catering SA et CAROIL SA ne soulève pas de questions
d’application d’un Acte uniforme. La cour de céans n’est pas habilitée à̀ examiner le présent pourvoi. Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Arrêt n° 017/2011 du 29 novembre 2011, Audience publique
du 29 novembre 2011, pourvoi n° 026/2008/PC du 05 mai 2008, Affaire : Société́ CAROIL SA CONGO (Conseil
: Maître Dieudonné́ MISSIE, Avocat à la Cour) c/ société́ INTERNATIONAL CATERING SERVICES. Recueil de
Jurisprudence n° 17 (Juillet- Décembre 2011), p. 5 ; Juris OHADA, 2011, n° 4, octobre-décembre, p. 23.
OHADAta J-13-137.
217
Cour Suprême, Chambre judiciaire – Arrêt n° 089 du 1er juillet 2004 – Affaire : DAO Lanciné (Me OBIN
Georges Roger) c/ ADOM KACOU Aimé (ASSAMOI Alain Lucien). - Actualités Juridiques n° 49/2005, p. 216.
OHADAta J-08-264.
218 ère
1 Chambre Civile, Ordonnance de réfèré N°165 / O2 – 1 CCIV du 18 AVRIL 2002, Rôle General N°
142/O2 - KUASSI Francis (Me DJIKUI) c/ Madame MADJIDI Fatima. OHADAta J-10-08.

134
autre affaire, le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (Burkina Faso)219 a jugé que,
« selon l'article 80 AUDCG, le preneur doit payer le loyer aux termes convenus entre les
mains du bailleur ou de son représentant désigné́ au bail. En l'espèce, en n’apportant
aucune preuve, le preneur est mal fondé à soutenir que sa dette de loyers résultant du
premier contrat s'est éteinte par le jeu de la compensation. En outre, il reste tenu des loyers
jusqu'à̀ la rupture du second contrat ».

195. Dans le cadre du contrat de vente commerciale (art. 263 à 268 AUDCG révisé),
l’article 263 AUSCG révisé prévoit que l'acheteur est tenu de payer le prix convenu, lequel
est présumé convenu hors taxes (al. 1er). S'il y a lieu à détermination du prix, les parties
peuvent se référer à la valeur habituellement attribuée au moment de la conclusion du
contrat à des marchandises vendues dans des circonstances comparables au sein de la
même branche d'activité (al. 2). L'acheteur est tenu de prendre toutes mesures
nécessaires à l'accomplissement des formalités préalables au paiement effectif du prix
(art. 264 AUDCG révisé). Lorsque le prix est fixé d'après le poids des marchandises, il est
déterminé, en cas de doute, à partir de leur poids net (art. 265 AUDCG). Le paiement du
prix au vendeur s’effectue soit au siège de son activité, soit au lieu de la livraison si le prix
est payable comptant ou si la livraison est effectuée contre remise de documents (art. 266
AUDCG). Dans le cas où le contrat de vente prévoit la remise des marchandises à un
transporteur, le vendeur peut subordonner leur expédition ou la remise à l'acheteur du
document qui les représente au paiement préalable du prix. Les parties peuvent prévoir
que l'acheteur n'est tenu de payer le prix qu'après avoir été mis en mesure d'examiner les
marchandise (art. 267 AUDCG). Quant à l'acheteur, celui-ci doit payer le prix à la date
convenue et ne peut subordonner son paiement à une démarche du vendeur (art. 268
AUDCG).

219
Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 145/2008 du 09 juillet 2008,
Société́ de Transport import-export Kilimanjaro c/ SOMDA G. Solange. OHADAta J- 09-392.

135
196. Enfin, l’Acte Uniforme relatif aux Contrats de Transport de Marchandises par Route
prévoit des dispositions quant à l’exécution du contrat de transport et encadre le
paiement des créances résultant de la lettre de voiture dans un article 15. Ainsi, « 1°) Les
créances résultant de la lettre de voiture sont payables par le donneur d'ordre avant la
livraison, sauf stipulation contraire sur la lettre de voiture. 2°) Si la marchandise n'est pas
de la même nature que celle décrite au contrat ou si sa valeur est supérieure au montant
déclaré, le transporteur peut réclamer le prix qu'il aurait pu exiger pour ce transport. 3°)
Conformément à l'article 13 alinéa 3 ci-dessus, le transporteur a le droit de retenir la
marchandise transportée jusqu'au paiement des créances résultant de la lettre de voiture.
Si selon la lettre de voiture, ces sommes sont dues par le destinataire, le transporteur qui
n'en exige pas l'exécution avant la livraison perd son droit de les réclamer au donneur
d'ordre. En cas de refus de paiement par le destinataire, le transporteur doit en aviser le
donneur d'ordre et lui demander des instructions. 4°) Le transporteur a un privilège sur la
marchandise transportée pour tout ce qui lui est dû à condition qu'il y ait un lien de
connexité entre la marchandise transportée et la créance ».

197. En dehors de ces cas limitativement énumérés, le législateur OHADA n’entend pas,
pour le moment, légiférer sur la question du paiement. L'absence d'harmonisation des
règles relatives au paiement est un hiatus que le législateur OHADA cherche à combler
puisque le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace
OHADA de 2015, déjà évoqué, prévoyait de s'y atteler, avec notamment des dispositions
sur le paiement dit « pur et simple ».

Dans ce projet, il est dit que le « paiement est l’exécution de l’obligation ; il entraîne son
extinction » (art. 426 al. 1 du projet). Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été payé
sans être dû, est sujet à̀ répétition220 (art. 426 al. 2 du projet). Pour payer valablement, il
faut être capable221 ou régulièrement représenté (art. 428 al. 1er du projet). Le paiement

220
La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées
(art. 426 al. 3 du projet).
221
Néanmoins, le paiement d’une somme d’argent par un incapable ne peut être répété́ contre le créancier
qui l’a consommée de bonne foi (art. 428 al. 2).

136
doit être fait au créancier ou à son représentant222 (art. 429 al. 1er du projet). En cas de
paiement électronique, le créancier garantit au débiteur la sécurité́ du mode de paiement
qu’il lui a proposé́ (art. 431 du projet).

Il est par ailleurs prévu que le créancier ne peut être contraint de recevoir une autre chose
que celle qui lui est due, même si la valeur de la chose offerte est égale ou même plus
grande (art. 432 al. 1er du projet). Toutefois, les parties peuvent s’accorder pour que le
paiement se fasse par l’accomplissement d’une prestation différente (art. 432 al. 2 du
projet). Le créancier ne peut être contraint à̀ recevoir en partie le paiement d’une dette
(art. 433 al. 1er du projet). Même si elle est susceptible de division, la dette doit toujours
être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible (art. 433 al. 2
du projet). Le débiteur d’une obligation monétaire n’est tenu que de la somme numérique
énoncée au contrat223, (art. 434 du projet). Le montant de la somme due peut également
varier en vertu d’une clause d’indexation224. (art. 435 du projet). Le montant de l’obligation
de somme d’argent peut même être fixé autrement qu’en unités monétaires ayant cours
légal, dès lors que la liquidation s’en fait au jour du paiement, le tout conformément à̀ la
règlementation nationale (art. 436 du projet).

Si l’obligation est productive d’intérêts, légaux ou conventionnels, ceux-ci peuvent eux-


mêmes produire des intérêts par une demande judiciaire ou par une convention spéciale,
pourvu qu’il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière (art. 437 du projet)225.
Une dette de somme d’argent peut être payée par tout moyen en usage dans les
conditions normales du commerce, (art. 439 du projet), mais les parties peuvent convenir
que le paiement ne pourra être fait qu’en une monnaie déterminée si la dette est libellée

222
Le paiement non conforme à l’obligation est néanmoins valable si le créancier le ratifie ou s’il en a profité́
(art. 429 al. 2 du projet). Le paiement fait de bonne foi entre les mains d’un créancier apparent est valable
(art. 430 du projet).
223
À moins qu’il ne s’agisse d’une dette de valeur (même article).
224
Celle- ci obéit à la règlementation nationale en matière de monnaie (même article).
225
Néanmoins, les revenus échus tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères,
produisent intérêts du jour de la demande judiciaire ou de la convention spéciale. La même règle s’applique
aux restitutions de fruits et aux intérêts payés par un tiers au créancier en acquit du débiteur (art. 438 du
projet).

137
en monnaie étrangère (art. 440 du projet). Enfin, le paiement doit être exécuté́ dans le
lieu désigné́ par la convention. (art. 441 du projet). Le paiement doit être fait sitôt que la
dette devient exigible (art. 442 du projet).

Le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace OHADA
encadre encore les règles relatives à l’imputation des paiements (art. 448 à 449 du projet);
à la preuve du paiement (art. 450 à 452 du projet) et à la consignation avec offre de
paiement (art. 453 à 459 du projet).

198. Dans ces conditions, le créancier chirographaire OHADA comme son homologue
français, n’a pas à craindre l’égalité du paiement en cas de concours. En effet, le principe
est l’exécution du débiteur conformément au contrat par le paiement spontané de
l’obligation souscrite de payer une somme d’argent. Toutefois, c’est aux législations
nationales qu’il appartient de prendre des dispositions pour règlementer sur le paiement.
Dans les Etats parties au Traité OHADA ayant conservé le Code civil au lendemain de la
décolonisation, il convient donc de se référer au Code civil français (art. 1342 à 1343-5226).
Une telle situation ne milite pas en faveur d’une harmonisation pourtant promue par
l’OHADA.

199. L’injonction de payer. « L’objectif du législateur OHADA était de proposer aux


créanciers des procédures simples et peu coûteuses, qui lui permettraient d’obtenir
rapidement ce qui lui est dû. Cela devrait être le cas mais seulement à condition qu’il
n’existe aucune contestation sérieuse quant à la réalité de la créance ou de l’obligation, et
que le débiteur s’abstienne d’opposer des objections artificielles »227. Le débiteur in bonis,
qui ne prête pas attention aux difficultés qu’il rencontre et s’abstient de les résoudre en
se plaçant sous la protection de l’AUPCAP révisé ou du Code de commerce, peut
cependant ne pas payer à l’échéance. Quid lorsque le débiteur n’exécute pas son

226
Créé par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3.
227
Boris Martor, Nanette Pilkington, David Sellers, Sébastien Thouvenot – « Le droit uniforme africain des
affaires issu de l’OHADA », 2ème édition, Litec 2009, p. 251n°1109 – Voir C. Aquereburu, « La procédure
d’injonction de payer telle qu’elle est organisée est organisée par l’Acte uniforme de l’OHADA constitue-t-
elle un recul par rapport à la loi togolaise du 20 avril 1998 ? Penant, sept.-dec.1999, n°831, p. 287.

138
obligation de payer une somme d’argent dans les délais prévus au contrat ? Dans les Etats
parties au Traité OHADA ayant conservé l’usage du Code civil, comme en France, il est
possible de mettre le débiteur en demeure de payer, soit par une sommation ou un acte
portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de
l'obligation (art. 1344 C.civ.) La mise en demeure de payer une obligation de somme
d'argent fait courir les intérêts moratoires, au taux légal, sans que le créancier soit tenu
de justifier d'un préjudice (art. 1344-1 C. civ).

200. Si le débiteur persiste dans l’inexécution, le législateur OHADA prévoit que le


recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la
procédure d'injonction de payer (art. 1er AUPSRVE)228. Cette procédure peut être
introduite lorsque la créance a une cause contractuelle et que l'engagement résulte de

228
Un arrêt de principe rendu par la CCJA rend compte des conditions valablement remplies par la créance
dont l’injonction de payer est demandée en ces termes : D’une part, il est de principe que tout paiement
suppose une dette ou une obligation et que le paiement éteint celle-ci, libérant ainsi le débiteur. D’autre
part, la créance est liquide lorsqu’elle est déterminée dans sa quantité́, en d’autres termes chiffrée. Enfin,
une créance est exigible lorsque le débiteur ne peut se prévaloir d’aucun délai ou conditions susceptibles
d’en retarder ou d’en empêcher l’exécution. En l’espèce, le requérant reconnait avoir reçu des marchandises
de Monsieur Ramesh KAKA, dont le montant entait déjà̀ chiffré lors de la livraison. De plus, le débiteur
reconnaît dans son mémoire ampliatif, l’existence des dettes réciproques entre les parties et conteste, non
pas le principe de la créance, mais le mode d’extinction de cette créance et son quantum, eu égard à̀ ce que
lui doit le défendeur au pourvoi. Dès lors, la créance étant certaine, liquide et exigible, le moyen tiré de la
er
violation de l’article 1 susvisé́ doit être rejeté́ parce qu’il n’est pas fondé. Cour Commune de Justice et
d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n° 023/2010 du 08 avril 2010, Audience publique du 08 avril 2010, Pourvoi n°
016/2006/PC du 27 mars 2006, Affaire : FOZEU Pierre Marie (Conseil : Maître TOGUE Michel, Avocat à la
Cour) contre Ramesh KAKA (Conseils : La SCPA NKOA et Partners, Avocats à la Cour). Recueil de
Jurisprudence n° 15, Janvier - Juin 2010, p 59. OHADAta J-12-29.

Selon un arrêt rendu au visa de l’article 1er AUPSRVE par la Cour d’Appel du Littoral (Douala, Cameroun), Le
créancier qui poursuit le recouvrement de sa créance par la procédure d’injonction de payer doit soumettre
à la juridiction compétente une requête qui satisfait aux exigences de l’article 1er AUPSRVE. La certitude
de la créance en fait partie. N’est pas certaine la créance fondée exclusivement sur une facture pro forma,
non soutenue par aucune preuve à même de permettre la caractérisation de la certitude de la créance.
Partant, en ordonnant une injonction de payer dans ces conditions, le Tribunal de Première instance a violé́
la loi. Arrêt n° 086/CC du 7 mars 2011, Affaire n°320/RG/09, La SOFINA SA c/ Me TCHENGANG Vincent.
OHADAta J-13-01 Un arrêt rendu au visa des articles 1er et 10 AUPSRVE par une Cour d’Appel du Centre
(Cameroun) précise que le débiteur qui forme une opposition à une ordonnance d’injonction de payer doit
produire l’original de l’assignation devant la juridiction compétente sous quinzaine. Faute pour lui de
satisfaire à ces prescriptions légales, son action sera déclarée irrecevable par la juridiction compétente et à
défaut de rapporter la preuve d’avoir produit l’original de l’assignation en instance, la Cour d’Appel est
fondée à confirmer la décision du premier juge. Cour d’Appel du Centre, Arrêt n° 22/CIV du 14 janvier 2011,
CHO ABAM Pascal c/ dame NGU BAKWERA Florence. OHADAta J-13-22.

139
l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce, ou d'un chèque dont la provision
s'est révélée inexistante ou insuffisante (art. 2 AUPSRVE).

La demande est formée par requête (art. 3 AUPSRVE). Si, au vu des documents produits,
la demande lui paraît fondée en tout ou partie, le président de la juridiction compétente
rend une décision portant injonction de payer pour la somme qu'il fixe. En revanche, si le
président de la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision
est sans recours pour le créancier sauf, à celui-ci à procéder selon les voies de droit
commun (art. 5 AUPSRVE).

Le recours ordinaire contre la décision d'injonction de payer est l'opposition, portée


devant la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d'injonction de
payer. (art. 9 AUPSRVE). L'opposition est formée par acte extra-judiciaire. (art. 10). En
l'absence d'opposition dans les quinze jours de la signification de la décision portant
injonction de payer ou, en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le
créancier peut demander l'apposition de la formule exécutoire sur cette décision. Celle-ci
produit tous les effets d'une décision contradictoire et n'est pas susceptible d'appel (art.
16 AUPSRVE).

201. En droit français, il existe une procédure simplifiée de recouvrement des petites
créances régie par le Code des Procédures civiles d’exécution (art. R125-1 à 8). Elle peut
être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement
d'une créance ayant notamment une cause contractuelle et inférieure à un montant défini
par décret en Conseil d'État. Cette procédure se déroule dans un délai d'un mois à compter
de l'envoi par l'huissier d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception
invitant le débiteur à participer à cette procédure. L'accord du débiteur, constaté par
l'huissier de justice, suspend la prescription. L'huissier de justice qui a reçu l'accord du
créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement délivre, sans autre
formalité, un titre exécutoire. Les frais de toute nature qu'occasionne la procédure sont
à la charge exclusive du créancier. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités

140
d'application de ces dispositions, notamment les règles de prévention des conflits
d'intérêts lors de la délivrance par l'huissier de justice d'un titre exécutoire (art. L125
C.proc. civ. ex).

202. Ainsi, dans la législation OHADA comme en droit français, l'exécution volontaire du
débiteur est une expression de sa liberté. S'agissant d'une obligation de payer une somme
d'argent, le paiement peut être obtenu au moyen d'une procédure d'injonction de payer.
Le législateur OHADA montre que cette procédure est prévue pour encourager les
investissements sécurisés dans les Etats parties puisque cette procédure peut être
"introduite lorsque la créance a une cause contractuelle ; et que l'engagement résulte de
l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce, ou d'un chèque dont la provision
s'est révélée inexistante ou insuffisante" (art. 2 AUPSRVE). Le législateur OHADA instaure
toutefois une condition relative aux modalités de paiement. En effet, toutes les créances
contractuelles ne sont pas admises au titre de la procédure de l'injonction de payer. Seules
celles dont l'engagement "résulte de l'émission ou de l'acceptation de tout effet de
commerce, ou d'un chèque dont la provision s'est révélée inexistante ou insuffisante" (art.
2 AUPSRVE). Autrement dit, le législateur OHADA exclut du dispositif toutes les créances
contractuelles dont le mode de paiement ne s'effectue ni par effet de commerce, ni par
chèque. Il convient à cette occasion de rappeler que de tels modes de paiement ne sont
pas dans le périmètre de l'OHADA.

En droit français, l'intitulé même de la procédure conduit à constater son périmètre


restreint. En effet, elle vise le recouvrement des "petites créances" contractuelles, lequel
ne nécessite que le recours à un huissier de justice. Mais qu'est-ce qu'une petite créance
? Est-elle petite par son montant, ou par la part qu'elle représente dans le chiffre d'affaires
de l'entreprise ? Peut-être est-elle petite chaque fois que son absence de paiement en
temps convenu n'entraine pas de difficultés pour l'entreprise ? Selon le législateur, la
petite créance ne s'apprécie que de manière objective, par son infériorité à un montant
défini par décret du Conseil d'Etat229(art. R125-1). Autrement dit, ce montant peut changer

229
Décret n°2016-285 du 9 mars 2016 -.

141
plus rapidement que s'il revenait à la loi d'y procéder. Cependant, pour l'heure, le montant
fixé est relativement faible puisqu'il n'est que de 4000 euros. C’est, un montant modeste
pour une grande entreprise, mais significatif dans un contexte où les très petites
entreprises prolifèrent.

Partant, on peut en déduire que le législateur français est plus soucieux des intérêts de la
majorité des créanciers en procédant à une discrimination par la nature du fait générateur
(le contrat) et le montant (jusqu'à 4000euros), alors que son homologue africain réserve
l'emploi de l'injonction de payer à un noyau de créanciers commerçants, lesquels
acceptent des paiements par chèque ou effets de commerce. Ce faisant, on peut en
conclure que si le législateur OHADA cherche à faire sortir les économies des Etats parties
de l'économie informelle, pour l'heure, les commerçants qui ne connaissent pas ces modes
de paiements sont exclus du dispositif.

203. Conclusion 1. Le créancier chirographaire d’un débiteur in bonis qui s’en remet au
droit commun pour régler ses difficultés n’est pas plus exposé au concours que n’importe
quel autre créancier muni d’une sûreté légale, judiciaire ou conventionnelle. Le débiteur
doit s’exécuter de son obligation de payer dans les délais convenus. S’il ne le fait pas, il
peut être mis en demeure d’y procéder ou par voie d’injonction de payer le cas échéant.
Si le débiteur s’exécute, le paiement est individuel, il n’est pas question de le répartir de
manière égalitaire entre tous ces créanciers impayé du débiteur.

2-Le paiement forcé

204. « Tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, contraindre son
débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard » au moyen d’une saisie, c’est-
à-dire d’une voie d’exécution (art. 28 AUPSRVE ; art. L111-1 C.pro.civ.ex). Les voies
d’exécution civiles sont le mode normal de réalisation du droit de gage général des
créanciers. Elles sont organisées dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures

142
230
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998 et par le Code
des procédures civiles d’exécution en France231.

205. La priorité de saisie. Le créancier chirographaire OHADA, à la différence du créancier


chirographaire français, est tenu à une priorité de saisie pour exercer son droit de gage
général. En effet, l’article 28 al. 2 AUPSRVE dispose que « sauf s'il s'agit d'une créance
hypothécaire ou privilégiée, l'exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles
et, en cas d'insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ». Autrement dit, le créancier
chirographaire OHADA doit préalablement saisir un bien meuble. Un tribunal de Grande
instance de Moungo au Cameroun a ainsi jugé232 nulle la saisie immobilière engagée par
le créancier chirographaire alors que le débiteur avait de bonne foi dressé un inventaire
de ses biens mobiliers suivant un procès-verbal. On peut se demander si la bonne ou
mauvaise foi du débiteur entre en ligne de compte pour l’application de l’article 28 al. 2,
ainsi que la qualité du document valant inventaire des biens mobilier. Une décision de la
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) qui juge du droit serait opportune pour
clarifier ces points qui, à notre sens, caractérisent l’immixtion du pouvoir d’appréciation
du juge du fond là où l’OHADA ne l’a pas prévu. Cette clarification est d’autant plus
attendue que, selon une décision rendue par un Tribunal de Dakar, il appartient au
créancier chirographaire de rapporter la preuve de ce que les meubles saisis sont
insuffisants pour couvrir sa créance. A défaut, la sanction est la nullité de la saisie
immobilière233.

Ce n’est donc que s’il n’y a pas de bien meuble à saisir que le créancier peut saisir un
immeuble. On peut y voir l’opportunité de limiter le risque de concours avec un créancier
privilégié, lesquels sont plutôt enclins à exercer leurs poursuites sur d’autres biens. Pour
le créancier chirographaire non informé qui est surpris par l’inexécution du débiteur en
difficultés et découvre les conditions d’exercice du droit de gage général, c’est autre

230
Adopté le 10/04/1998 à Libreville (GABON) Date d'entrée en vigueur : 10/07/1998.
231
Version consolidée au 1er janvier 2020.
232
Jugement n°15CIV, 07 décembre 2006, AFF. Maître Lankeuh Senghor, Madame Lankeuh née Kouagang
Marguerite c/ Sieur Ngamou Théophane.
233
Tribunal régional hors classe Dakar, jugement n°800 du 4 mai 1999, Rép. Credila, p. 31.

143
chose. D’une certaine manière, la priorité de saisie fait injure à la généralité de son droit
de gage qui, temporairement, se voit restreint aux biens meubles du débiteur quoi qu’en
dise M. Ndiaw Diouf. Pour cet auteur, « tous les créanciers peuvent, s’ils justifient d’une
créance certaine, liquide et exigible saisir les biens immeubles de leur débiteur. Il n’y a pas
à distinguer selon que la créance dont ils se prévalent est ou non garantie par une sûreté
réelle spéciale. Le caractère chirographaire d’une créance n’enlève pas à son titulaire le
droit de poursuivre l’exécution forcée de l’immeuble de son débiteur, la distinction entre
créances chirographaires et créances assorties de sûretés ne devant intervenir qu’au
moment de la distribution. 234 ».

206. Cependant, le créancier chirographaire n’est pas le seul tenu à une priorité de saisie.
En effet, l’article 28 al. 2 AUPSRVE selon lequel « sauf s'il s'agit d'une créance hypothécaire
ou privilégiée, l'exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas
d'insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles » doit être lu en considération de l’article 251
AUPSRVE qui vise le créancier hypothécaire. Ce dernier ne peut poursuivre la vente des
immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués que dans le cas d'insuffisance des immeubles
qui lui sont hypothéqués, sauf si l'ensemble de ces biens constitue une seule et même
exploitation et si le débiteur le requiert (art. 251 AUPSRVE). Il existe en droit français une
même restriction au droit de gage général du créancier hypothécaire qui ne peut saisir les
immeubles qui ne sont pas hypothéqués en sa faveur que dans le cas où l'hypothèque
dont il bénéficie ne lui permet pas d'être rempli de ses droits (art. L311-5 C. pro. Civ. Ex).

Ainsi, pas plus que le créancier chirographaire ne cherchera l’exécution forcée du débiteur
en poursuivant la vente de l’immeuble hypothéqué, le créancier hypothécaire est obligé
de saisir avant tout autre immeuble celui qui est affecté à sa sûreté avant de saisir un autre
immeuble et, ce faisant, incité à ne pas exercer son droit de gage général en poursuivant
l’exécution du débiteur par la vente de ses biens meubles235.

234
Niaw Diouf, « Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d’exécution » - OHADA Traité et actes uniformes commentés et annotés – 4ème
édition – Juriscope 2014 – p. 1008 §2.
235
Sauf à considérer les coûts de la saisie d’un bien meuble par rapport à la saisie d’un immeuble qui sont
quand même plus important s’agissant de la saisie immobilière.

144
207. Le prix de la course. Selon cette règle, il appartient au créancier impayé muni d'un
titre exécutoire236 constatant une créance liquide et exigible d’initier une saisie de son
choix ou se joindre à celle commencée par un autre, pour prendre part aux répartitions.
C’est dire que le créancier négligeant, pas informé ou dont la créance ne lui permet pas
de participer à la saisie, n’aura droit à rien. Le prix de la course, c’est en fait la prime au
créancier le plus diligent. L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution du 10 avril 1998 et le Code des procédures
civiles d’exécution en France instituent une pluralité de saisies, toutes étant gouvernées
par la règle du paiement au prix de la course.

208. Parmi les saisies instituées, on trouve la saisie-vente (i) et la saisie immobilière (ii),
lesquelles illustrent bien le phénomène induit par la règle du paiement au prix de la
course. L’institution d’une saisie-attribution des créances rend compte d’une volonté des
législateurs OHADA et français d’empêcher le concours entre créanciers (iii).

i)-La saisie-vente

209. Généralités. Les législations OHADA et française instituent une saisie vente (articles
91 à 152 AUPSRVE ; Article L221-1 à 5 C. pro. Ex. civ.). Cette saisie permet, après
signification d'un commandement, de faire procéder à la saisie et à la vente des biens
meubles corporels (véhicule, une machine-outil…) appartenant au débiteur, qu'ils soient
ou non détenus par ce dernier, afin de se payer sur le prix (91 al. 1erAUPSRVE). Ce droit est
pareillement reconnu aux autres créanciers dans les mêmes conditions (art. 91 al. 2
AUPSRVE). Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente les créanciers
saisissants ou opposants qui se sont manifestés avant la vérification des biens saisis

236
Selon l’article 33 AUPSRVE constituent des titres exécutoires : 1°) les décisions juridictionnelles revêtues
de la formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute ; 2°) les actes et décisions juridictionnelles
étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision juridictionnelle, non
susceptibles de recours suspensif d'exécution, de l'État dans lequel ce titre est invoqué ; 3°) les procès
verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;4°) les actes notariés revêtus de la formule
exécutoire ; 5°) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque État partie attache les effets d'une
décision judiciaire.

145
prescrite par l'article 124 AUPSRVE et qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure
conservatoire sur les mêmes biens (art. 138 AUPSRVE).

210. Dans les deux législations, la règle du paiement au prix de la course s’exprime
clairement dans la saisie d’un bien meuble corporel ; et ce dans des termes similaires. En
effet, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des
biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce
dernier, afin de se payer sur le prix. Tout créancier remplissant les mêmes conditions peut
se joindre aux opérations de saisie par voie d'opposition.

Cependant, le droit français comporte une restriction importante que le législateur


OHADA, lui, n’admet pas. En effet, le législateur français prévoit que, lorsque la saisie porte
sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d'habitation de ce dernier,
elle doit être autorisée par le juge de l'exécution. Quant à la saisie-vente dans un local
servant à l'habitation du débiteur, si elle tend au recouvrement d'une créance autre
qu'alimentaire et qu’elle est inférieure à un montant fixé par voie réglementaire237, elle
ne peut être pratiquée, sauf autorisation du juge, que si ce recouvrement n'est pas
possible par voie de saisie d'un compte de dépôt ou des rémunérations du travail (art.
L221-1 C. pro. ex. civ).

211. Le commandement. En droit OHADA comme en droit français, la saisie est précédée
d'un commandement de payer signifié au moins huit jours avant la saisie au débiteur, qui

237
Article R221-2 Créé par Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 - art. Le montant prévu à l'article L. 221-2 est
de 535 € en principal. L'autorisation prévue au même article est donnée par le juge de l'exécution saisi sur
requête. Article R221-3 Créé par Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 - art. Dans le cas prévu à l'article R.
221-2 et sous réserve des dispositions de l'article R. 221-7, le commandement de payer signifié au débiteur
contient à peine de nullité : 1° Mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées
avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ainsi que l'indication
du taux des intérêts ; 2° Commandement d'avoir à payer dans un délai de huit jours les sommes indiquées
avec l'avertissement qu'à défaut de paiement et si aucune saisie sur un compte de dépôt ou sur les
rémunérations n'est possible il peut y être contraint par la vente forcée de ses biens meubles ; 3° Injonction
de communiquer à l'huissier de justice du poursuivant, dans un délai de huit jours, les nom et adresse de
son employeur et les références de ses comptes bancaires ou l'un de ces deux éléments seulement.

146
contient à peine de nullité : 1°) mention du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites
sont exercées avec le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et
intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts ; 2°) commandement d'avoir à
payer la dette dans un délai de huit jours, faute de quoi le débiteur pourra y être contraint
par la vente forcée de ses biens meubles (art. 92 AUPSRVE). Le commandement doit être
signifié à personne ou à domicile. Il ne peut être signifié à domicile élu. Il peut être délivré
dans l'acte de signification du titre exécutoire (art. 94 AUPSRVE).

Ce commandement OHADA reprend les mêmes mentions que celui institué en droit
français (art. R221-1 C. proc. civ ex). Toutefois, l’article 93 AUPSRVE va plus loin puisqu’il
dispose que le commandement contient élection de domicile jusqu'à la fin de la poursuite
sauf nouvelle élection de domicile signifiée au débiteur, dans le ressort territorial
juridictionnel où l'exécution doit être poursuivie si le créancier n'y demeure pas. Il peut
être fait, à ce domicile élu, toute signification ou offre.

212. L’opposition est l’incident de la saisie (art. 129 à 146 AUPSRVE) par lequel un
créancier se joint à la saisie initiée par un autre. A cet égard, l’article 130 AUPSRVE est un
rappel de l’article 91 al. 2 AUPSRVE puisqu’il dispose que « tout créancier réunissant les
conditions238 peut se joindre à une saisie déjà pratiquée sur les biens du débiteur, par le
moyen d'une opposition, en procédant, au besoin, à une saisie complémentaire239 » (art.
130 al. 1er AUPSRVE). Cependant, il précise ce texte en disposant qu’aucune opposition ne
peut être reçue après la vérification des biens (art. 130 al. 2 AUPSRVE).

A peine de nullité, l'acte d'opposition contient l'indication du titre exécutoire en vertu


duquel l’opposition est formée, le décompte distinct des sommes réclamées en capital,
frais et intérêts échus ainsi que l'indication du taux d'intérêts (art. 131 al. 1er AUPSRVE).
L'acte d'opposition est signifié au créancier premier saisissant si ce n'est dans le cas où

238
Ces conditions sont prévues par l'article 91 AUPSRVE.
239
Tout créancier opposant peut étendre la saisie initiale à d'autres biens. Il est dressé un procès-verbal de
saisie complémentaire dans les conditions prescrites aux articles 100 à 102 ci-dessus (art. 132 al. 1er). Ce
procès-verbal est signifié au créancier premier saisissant et au débiteur (art. 132 al. 2). Le droit de faire
procéder à une saisie complémentaire appartient également au créancier premier saisissant (art. 132 al. 3).

147
l'opposition est formée par lui pour ajouter une nouvelle créance ou étendre l'assiette de
la saisie antérieure (art. 131 al. 1er AUPSRVE). Il est également signifié au débiteur (art. 131
al. 2 AUPSRVE). Le créancier premier saisissant poursuit seul la vente (art. 131 al. 3
AUPSRVE).

A défaut par le créancier premier saisissant d'avoir fait procéder aux formalités de la mise
en vente forcée à l'expiration des délais prévus, tout créancier opposant, après sommation
infructueuse d'y procéder dans un délai de huit jours, lui est subrogé de plein droit (art.
135 al. 1er AUPSRVE). Le créancier premier saisissant est déchargé de ses obligations. Il est
tenu de mettre les pièces utiles à la disposition du créancier subrogé. (art. 135 al. 2
AUPSRVE). La mainlevée de la saisie-vente ne peut résulter que d'une décision de la
juridiction compétente ou de l'accord du créancier saisissant et des créanciers opposants
(art. 136 AUPSRVE). La nullité de la première saisie n'entraîne pas la caducité des
oppositions si ce n'est lorsqu'elle résulte d'une irrégularité dans le déroulement des
opérations de saisie. Cette nullité est toujours dépourvue de conséquence sur la saisie
complémentaire (art. 137 AUPSRVE).

213. Ainsi, le législateur OHADA et la règlementation française aux articles R221-41 à 48


du Code des procédures d’exécution, consacrent les mêmes règles à l’acte d’opposition
par lequel un créancier se manifeste à la saisie initiée par un autre. Le cas échéant, cet
acte permet d’étendre la saisie à un autre bien par une saisie complémentaire.

Toutefois, il est remarquable que si, dans la législation OHADA, la nullité de la première
saisie n'entraîne pas la caducité des oppositions, cette nullité est toujours dépourvue de
conséquence sur la saisie complémentaire (art. 137 AUPSRVE), alors qu’elle est
simplement dépourvue de conséquences sur la saisie complémentaire en droit français
(art. R221-48 al. 2 C. proc. civ. ex.). Ce faisant, le législateur OHADA indique aux juges qu’il
n’y a pas matière à interprétation quant aux conséquences attachées à l’annulation de la
première saisie.

148
214. Conclusion i). Le créancier chirographaire doit saisir un bien meuble par voie de
commandement dans les deux législations. S’il est permis à un autre créancier de se
joindre à la saisie, c’est à la condition que celui-ci fasse opposition. C’est l’application de
la règle du paiement au prix de la course. Toutefois, l’absence de publicité autour de la
saisie en cours réduit le risque d’une pluralité de saisies individuelles sur le même bien et
donc de concours entre créanciers.

215. Selon l’article 324 AUPSRVE, s'il n'y a qu'un seul créancier, le produit de la vente est
remis à celui-ci jusqu'à concurrence du montant de sa créance, en principal, intérêts et
frais, dans un délai de quinze jours, au plus tard, à compter du versement du prix de la
vente. Dans le même délai, le solde est remis au débiteur. A l'expiration de celui-ci, les
sommes qui sont dues produisent intérêt au taux légal.

En droit français, il convient de distinguer selon que la distribution procède de la


réalisation d’un bien meuble ou immeuble. Dans le premier cas (meuble) : s'il n'y a qu'un
seul créancier, le produit de la vente d’un bien meuble est remis à celui-ci jusqu'à
concurrence du montant de sa créance, en principal, intérêts et frais, dans un délai d'un
mois au plus tard à compter de la vente forcée ou, en cas de vente amiable, à compter du
jour où le prix a été payé. Dans le même délai, le solde est remis au débiteur (art. R325-1
al. 1er C. pro. Civ. Ex). A l'expiration de ce délai, les sommes qui sont dues portent intérêt
au taux légal (art. R325-1 al. 2 C. pro. Civ. Ex).

Toutefois, force est de constater que les délais imposés dans la législation OHADA sont
plus courts (15 jours) qu’en droit français où, s’agissant du prix d’un bien meuble, il faut
compter un délai d'un mois au plus tard à compter de la vente forcée ou, en cas de vente
amiable, à compter du jour où le prix a été payé ; et deux mois pour un immeuble.

ii)-La saisie immobilière

216. Généralités. Dans la législation OHADA, toute poursuite en vente forcée


d'immeubles doit, à peine de nullité, être précédée d'un commandement aux fins de saisie

149
(art. 254 AUPSRVE). Le commandement doit être publié (art. 259 AUPSRVE ; art. R321-6 C.
pro. Civ. Ex.)240. Les effets du commandement sont énergiques dans les deux
législations241.

En effet, selon l’article 262 AUPSRVE, en cas d’impayé, le commandement vaut saisie à
compter de son inscription (al. 1er). L'immeuble et ses revenus sont immobilisés. Ce
faisant, le débiteur ne peut aliéner l'immeuble, ni le grever d'un droit réel ou de charges
(al. 2).242. Les fruits naturels ou industriels, les loyers et fermages recueillis
postérieurement au dépôt du commandement ou le prix qui en provient sont, sauf l'effet
d'une saisie antérieure, immobilisés pour être distribués avec le prix de l'immeuble243.
Dans le cas où la valeur des immeubles saisis dépasse notablement le montant de la
créance, le débiteur saisi peut obtenir de la juridiction compétente qu'il soit sursis aux
poursuites sur un ou plusieurs des immeubles désignés dans le commandement sans que
cette demande empêche la publication du commandement (264 AUPSRVE)244. Si le

240
Dans les deux législations soumises à la comparaison, le commandement ne vaut saisie qu’à la condition
d’être publié. Contrairement au législateur français, le législateur OHADA prévoit qu’en cas de paiement
dans le délai fixé par l'article 254-3, l'inscription du commandement est radiée par le conservateur ou
l'autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant. A défaut, le débiteur ou tout
intéressé peut provoquer la radiation en justifiant du paiement ; à cet effet, il saisit la juridiction
compétente statuant en matière d'urgence. La décision autorisant ou refusant la radiation doit être rendue
dans les huit jours qui suivent la saisine de la juridiction compétente. Elle est susceptible de recours selon
les voies ordinaires (article 261).
241
Voir les articles L321-2 à L321-6 C. pro. Civ. Ex.
242
Le conservateur ou l'autorité administrative refusera d'opérer toute nouvelle inscription (al.
3)Néanmoins, l'aliénation ou les constitutions de droits réels sont valables si, avant le jour fixé pour
l'adjudication, l'acquéreur ou le créancier consigne une somme suffisante pour acquitter, en principal,
intérêts et frais, ce qui est dû aux créanciers inscrits ainsi qu'au saisissant et s'il leur signifie l'acte de
consignation. La somme ainsi consignée est affectée spécialement aux créanciers inscrits et au saisissant
(al. 4). A défaut de consignation avant l'adjudication, il ne peut être accordé, sous aucun prétexte, de délai
pour l'effectuer (al. 5).
243
Ils sont déposés, soit à la caisse des dépôts et consignations, soit entre les mains d'un séquestre désigné
par le président de la juridiction compétente (article 263 al. 1er). Si les immeubles ne sont pas affermés ou
loués, le saisi reste en possession jusqu'à la vente comme séquestre judiciaire à moins que, sur la demande
d'un ou plusieurs créanciers, il n'en soit autrement ordonné par le président de la juridiction compétente
(article 263 al. 2). Le saisi ne peut faire aucune coupe de bois ou dégradation à peine de dommages intérêts
(article 263 al.3). En cas de difficultés, il en est référé au président de la juridiction compétente de la
situation de l'immeuble qui statue par décision non susceptible d'appel (article 263 al.4).
244
Avant le dépôt du cahier des charges, la demande est formée devant la juridiction compétente par simple
acte d'avocat à avocat ; après le dépôt du cahier des charges, elle est formulée par un dire reçu comme il
est dit à l'article 272 ci-après (al. 2). A l'appui de sa demande le débiteur doit justifier que la valeur des biens
sur lesquels les poursuites seront continuées est suffisante pour désintéresser le créancier saisissant et tous
les créanciers inscrits (al. 3). La demande est jugée à l'audience éventuelle. La décision judiciaire accordant

150
débiteur justifie que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux années suffit
pour le paiement de la dette en capital, frais et intérêts, et s'il en offre la délégation au
créancier, la poursuite peut être suspendue245 ; toutefois, la poursuite peut être reprise
s'il survient quelque opposition ou obstacle au paiement (article 265 AUPSRVE).

217. En droit français, les effets du commandement publié sont tout aussi importants.
Ainsi, l'acte de saisie rend l'immeuble indisponible246 et restreint les droits de jouissance
et d'administration du saisi. Celui-ci ne peut ni aliéner le bien ni le grever de droits réels247.
Toutefois, contrairement au législateur OHADA, il n’est pas fait mention de ce que le
débiteur ne peut aggraver les charges sur l’immeuble (art. 262 AUPSRVE al. 2). Si l'acte de
saisie d'un immeuble emporte saisie de ses fruits248 dans les deux législations, le droit

le sursis indique les immeubles sur lesquels les poursuites seront discontinuées (al. 4). Après l'adjudication
définitive, le créancier peut reprendre les poursuites sur les biens provisoirement exceptés, si le prix des
biens adjugés ne suffit pas pour le désintéresser (al. 5).
245
suivant la procédure prévue à l'article précédent.
246
Des dispositions règlementaires viennent préciser la loi. Ainsi, l'indisponibilité du bien, la saisie de ses
fruits et la restriction aux droits de jouissance et d'administration du débiteur courent à l'égard de celui-ci
à compter de la signification du commandement de payer valant saisie. Ces effets courent à l'égard des
tiers du jour de la publication du commandement. Dans le cas où une convention a été conclue
antérieurement à la publication du commandement par le débiteur saisi en violation des effets attachés à
la signification du commandement, sa nullité est déclarée par le juge à la demande du cocontractant (article
R321-13). Pour rendre opposable une aliénation publiée postérieurement à la publication du
commandement de payer valant saisie, la consignation prévue au deuxième alinéa de l'article L. 321-5 est
signifiée au créancier poursuivant ainsi qu'aux créanciers inscrits avant l'audience d'adjudication sans qu'il
puisse être accordé de délai pour y procéder (article R321-14). A moins que son expulsion soit ordonnée,
le débiteur conserve l'usage de l'immeuble saisi sous réserve de n'accomplir aucun acte matériel
susceptible d'en amoindrir la valeur, à peine de dommages et intérêts et sans préjudice, s'il y a lieu, des
peines prévues par l'article 314-6 du code pénal246 (article R321-15 al. 1er) . Si les circonstances le justifient,
le juge de l'exécution peut, à la demande du créancier poursuivant ou du débiteur, autoriser
l'accomplissement de certains actes sur le bien saisi (article R321-15 al. 2).
247
Sous réserve des dispositions de l'article L. 322-1.
248
Relativement à la saisie des fruits, les dispositions règlementaires précisent que les fruits immobilisés à
compter de la signification du commandement de payer valant saisie sont distribués avec le prix de
l'immeuble selon le même ordre que la distribution de celui-ci (article R321-16). Le créancier poursuivant
peut autoriser le saisi à vendre les fruits à l'amiable ou faire procéder lui-même, sur autorisation du juge de
l'exécution, à la coupe et à la vente des fruits qui seront vendus aux enchères ou par tout autre moyen dans
le délai que le juge aura fixé (article R321-17 al.1er). Le prix est déposé entre les mains du séquestre désigné
par le créancier poursuivant ou consignés à la Caisse des dépôts et consignations (article R321-17 al.2). Le
créancier poursuivant peut, par acte d'huissier de justice, s'opposer à ce que le locataire se libère des loyers
et fermages entre les mains du débiteur et lui faire obligation de les verser entre les mains d'un séquestre
qu'il désigne ou de les consigner à la Caisse des dépôts et consignations (article R321-17 al. 3). A défaut
d'une telle opposition, les paiements faits au débiteur sont valables et celui-ci est séquestre des sommes
reçues (article R321-18).

151
français réserve le cas où la saisie est précédée d’une saisie antérieure (art. L321-3 C. pro.
civ. ex. ).

Le législateur OHADA n’a aucune considération pour le cas où le bien serait loué,
contrairement au législateur français. En effet, en droit français il est prévu qu’ « à moins
que le bien soit loué, le saisi en est constitué séquestre »249 (art. L321-2 C. pro. civ. ex.).
L’AUPSRVE ne s’exprime pas non plus quant aux baux consentis par le débiteur après l'acte
de saisie . Pour le législateur français, ceux-ci sont, quelle que soit leur durée, inopposables
au créancier poursuivant comme à l'acquéreur (art. L321-4 al. 1er C. pro. civ. ex.). La preuve
de l'antériorité du bail peut être faite par tout moyen (art. L321-4 al . 2 C. pro. civ. ex).
Quid des aliénations non publiées ou publiées postérieurement et qui n'ont pas été faites
dans les conditions légales250 ? Pour le législateur français, elles sont inopposables au
créancier poursuivant comme à l'acquéreur251, (article L321-5 al. 2 C. pro. civ. ex)252, ce qui
n’est apparemment pas prévu dans l’article 262 AUPSRVE, pas plus que le cas de saisies
simultanées de plusieurs immeubles. En droit français, le débiteur peut demander au juge
le cantonnement des saisies (article L321-6 al. 1er C. pro. civ. ex) ou encore solliciter du
juge une conversion partielle des saisies en hypothèque sur certains des immeubles qui
prendra rang au jour de la publication de la saisie, sous réserve de l'inscription de la sûreté
dans le mois de la notification de la décision (article L321-6 al.2 C. pro. civ. ex). Enfin, des
dispositions relatives à la péremption du commandement de payer valant saisie sont
prévues à l’article R321-20 C. pro. civ. ex 253, et pas à l’article 262 AUPSRVE.

249
Sauf à ce que les circonstances justifient la désignation d'un tiers ou l'expulsion du débiteur pour cause
grave.
250
Elles sont prévues à l'article L. 322-1.
251
sauf consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations d'une somme suffisante pour acquitter
en principal, intérêts et frais, ce qui est dû aux créanciers inscrits ainsi qu'au créancier poursuivant ; la
somme ainsi consignée leur est affectée spécialement.
252
Sont pareillement inopposables les inscriptions du chef du saisi qui n'ont pas été prises antérieurement
à la publication de la saisie, sous réserve du droit pour le vendeur, le prêteur de deniers pour l'acquisition
et le copartageant d'inscrire, dans les délais prévus par les articles 2379 à 2381 du code civil, le privilège qui
leur est conféré par l'article 2374 du même code (article L321-5 al. 3).
253
Le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de
sa publication, il n'a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du
bien saisi (al. 1er). En cas de refus du dépôt du commandement ou de rejet de la formalité de publication,
le délai de deux ans ne commence à courir qu'à compter de la régularisation de la demande ou de la décision
mentionnée à l'article 26 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière (al.
2). A l'expiration du délai prévu à l'article R. 321-20 et jusqu'à la publication du titre de vente, toute partie

152
218. Le commandement. Selon l’article 254 AUPSRVE, le commandement valant acte de
saisie doit, à peine de nullité254, être signifié au débiteur et le cas échéant au tiers
détenteur de l'immeuble255. Il contient: 1 ) la reproduction ou la copie du titre
exécutoire256 et le montant de la dette, ainsi que les noms, prénoms et adresses du
créancier et du débiteur et, s'il s'agit d'une personne morale, ses forme, dénomination et
siège social ; 2°) la copie du pouvoir spécial257 de saisir donnée à l'huissier ou à l'agent
d'exécution par le créancier poursuivant, à moins que le commandement ne contienne,
sur l'original et la copie, le bon pour pouvoir signé de ce dernier ; 3°) l'avertissement que,

intéressée peut demander au juge de l'exécution de constater la péremption du commandement et


d'ordonner la mention de celle-ci en marge de la copie du commandement publié au fichier immobilier
(article R321-21). Ce délai est suspendu ou prorogé, selon le cas, par la mention en marge de la copie du
commandement publié d'une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d'exécution, le
report de la vente, la prorogation des effets du commandement ou la décision ordonnant la réitération des
enchères (article R321-22).
254
Un arrêt rendu par la chambre civile et commerciale d’Abidjan s’est prononcée sur la validité du
commandement. Il a été décidé que lorsque par ordonnance de référé, un délai de grâce est accordé au
débiteur, des poursuites ne peuvent être engagées contre le débiteur et le commandement ne peut être
validé (Abidjan, ch. civ. et com. Arrêt n°0563 du 27 mai 2005, Bakouka Simon c/ Fegece, Juriscope. Org,
Ohada.com/Ohadata J-07-37.
255
A peine de nullité, le commandement doit être signifié le cas échéant au tiers détenteur avec sommation,
soit de payer l'intégralité de la dette en principal et intérêts, soit de délaisser l'immeuble hypothéqué, soit
enfin de subir la procédure d'expropriation (article 255 AUPSRVE). En France, la saisie immobilière
diligentée par les créanciers titulaires d'un droit de suite est poursuivie contre le tiers détenteur du bien
(art. R321-4). Selon l’article R321-5 le créancier poursuivant fait signifier un commandement de payer au
débiteur principal (al. 1er). L'acte comporte la mention que le commandement de payer valant saisie prévu
à l'alinéa ci-après est délivré au tiers détenteur (al. 2). Le commandement de payer valant saisie est signifié
à la diligence du créancier poursuivant au tiers détenteur. Il comporte les mentions énumérées à l'article R.
321-3. Toutefois, l'avertissement prévu au 4° est remplacé par la sommation d'avoir à satisfaire à l'une des
obligations énoncées à l'article 2463 du code civil dans un délai d'un mois et la mention du débiteur aux 6°,
7°, 8°, 12° et 13° s'entend de celle du tiers détenteur. Le commandement rappelle les dispositions de
l'article 2464 du code civil (al. 3).
256
Sur le titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible voir : CCJA arrêt n°031/2008 du 3 juil.
2008, Oka Kokoré Félix c/ Banque Internationale pour le commerce et l’industrie de Côte d’Ivoire, GD-CCJA,
p. 425, obs. Alex Tjouen. ; CA du Littoral, arrêt n° 109/C du 1er août 2008, La Compagnie Africaine pour le
commerce international au Cameroun dite CACIC SA c/Société Afriland First Bank SA, Ohada.com/Ohadata
J-10-263.
257
Sur le pouvoir spécial voir : CCJA, arrêt n°28 du 15 juillet 2004 Dame Mondagou Jacqueline c/Société
Commerciale de Banque Crédit Lyonnais Cameroun dite SCB-CL, Rec. N°4, juil.-déc. 2004, p. 16 ; Penant
n°853, p. 525, note Bakari Diallo, Juriscope.org, Ohada.com/Ohadata J-05-168, obs. Brou Kouakou
Mathurin ; CCJA, arrêt n°2 du 9 mars 2006, Monsieur L.E., Société Camerounaise de Transformation dite
SOCATRAF c/ Caisse Commune d’Epargne et d’Investissement dite CCEI – Bank SA – Ohada.com/Ohadata J-
07-09. ; CA Bobo Dioulasso, arrêt n° 006/2008 du 21 janv. 2008, Ayants droit de Feu Ouedraogo Ousmane
c/ Derra Brahima, Ohada.com/J-10-118. ; Sur l’absence de pouvoir voir TGI Ouagadougou, jugement n° 031
du 29 janv. 2003, Kafando Kassoum c/ Ouedraogo Rasmané, Ohada.com/Ohadata, J-04-333.

153
faute de payer dans les vingt jours, le commandement pourra être transcrit à la
conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication ; 4°) l'indication de la
juridiction où l'expropriation sera poursuivie ; 5°) le numéro du titre foncier et l'indication
de la situation précise des immeubles faisant l'objet de la poursuite ; s'il s'agit d'un
immeuble non encore immatriculé, le numéro de la réquisition d'immatriculation ; et, s'il
s'agit d'impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n'est pas propriétaire, mais
qui lui a été affecté par une décision d'une autorité administrative, sa désignation précise
ainsi que la référence de la décision d'affectation ; 6°) la constitution de l'avocat chez
lequel le créancier poursuivant élit domicile et où devront être notifiés les actes
d'opposition au commandement, offres réelles et toutes significations relatives à la saisie.

219. Dans les deux législations, la saisie immobilière nécessite notamment le ministère
d’un avocat et prend la forme d’un commandement. Cette formalité n’est valablement
accomplie qu’en respectant les énonciations requises à peine de nullité. Toutefois, précise
le législateur français, cette nullité n'est pas encourue au motif que les sommes réclamées
sont supérieures à celles qui sont dues au créancier (R321-3 al. 3 C. proc. civ. ex.).

Les mentions contenues dans le commandement français sont deux fois plus nombreuses
que dans le commandement institué à l’article 254 AUPSRVE, ce qui est dommage car, en
comparant les deux commandements, force est de constater qu’en voulant faire court, le
législateur OHADA a manqué une occasion de clarifier et donc d’harmoniser l’acte de saisie
immobilière sur des points qui semblent importants à l’usage, nonobstant le ministère
d’un avocat obligatoire. Par exemple, s’agissant de l’assiette de la saisie, il n’est pas fait
mention des fruits de l’immeuble que le commandement français mentionne. Ils sont
saisis en même temps que l’immeuble et le débiteur en est le séquestre (R321-3-7° C. proc.
civ. ex.). Le législateur OHADA en réalité ne facilite pas la saisie immobilière en
n’expliquant pas assez qu’il faut coopérer à la saisie. Ainsi, le commandement OHADA ne
fait pas sommation, lorsque le bien fait l'objet d'un bail, d'avoir à indiquer à l'huissier de
justice les nom, prénom et adresse du preneur ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa
dénomination et son siège social (art. R321-3-9° C. proc. civ. ex.), pas plus qu’il n’indique

154
que l’huissier de justice pourra pénétrer dans les lieux afin de dresser un procès-verbal de
description de l'immeuble (art. R321-3-10° C. proc. civ. ex.). Le commandement OHADA
ne fait pas mention non plus de ce l'immeuble saisi est indisponible258 (art. R321-3-6° C.
proc. civ. ex.). Pareillement, s’il est fait mention du montant de la dette, il eut été plus
judicieux de mentionner un décompte des sommes réclamées à titre principal, frais et
intérêts échus ainsi que l'indication du taux des intérêts moratoires (art. R321-3-3° C. proc.
civ. ex.). Autre absence dans le commandement OHADA, et pas des moindres, la
désignation de chacun des biens ou droits sur lesquels porte la saisie immobilière259 (art.
R321-3-5° C. proc. civ. ex.).

Aussi est-il remarquable que le débiteur français jouit d’une plus grande protection face
aux assauts de ses créanciers puisque le commandement comporte notamment
l'indication que le débiteur qui en fait préalablement la demande peut bénéficier, pour la
procédure de saisie, de l'aide juridictionnelle s'il remplit les conditions de ressources
prévues par la loi260. Il comporte aussi l'indication, pour le débiteur personne physique,
que si celui-ci s'estime en situation de surendettement, il a la faculté de saisir la
commission de surendettement des particuliers instituée par l'article L. 712-1 du Code de
la consommation. De telles précautions n’existent pas dans la saisie immobilière OHADA.
De même, selon l’article R321-3-1-8° C. pro. civ. ex., le commandement doit porter
L'indication que le débiteur garde la possibilité de rechercher un acquéreur de l'immeuble
saisi pour procéder à sa vente amiable ou de donner mandat à cet effet et la mention que
cette vente ne pourra néanmoins être conclue qu'après autorisation du juge de
l'exécution.

Le délai de sommation est en outre plus court dans la législation française (8 jours) que
dans la législation OHADA (20 jours). Toutefois, il est remarquable que ce délai passe à un
mois dans la législation française lorsque le commandement de payer valant saisie est

258
A l'égard du débiteur à compter de la signification et à l'égard des tiers à compter de la publication de
celui-ci au fichier immobilier.
259
Telle qu'exigée par les règles de la publicité foncière précise le texte.
260
loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre
1991 portant application de cette loi.

155
signifié à la personne qui a consenti une hypothèque sur l'un de ses biens pour garantir la
dette d'un tiers (R321-3 al. 2 C. proc. civ. ex.). L’AUPSRVE ne contient pas une telle
précision.

Le législateur OHADA ne fait pas de cas non plus du créancier saisissant qui agit en vertu
d'une cession de créance. L’article R321-3 C. proc. civ. ex. prévoit dans cette hypothèse
que, peu important la raison de la cession, une telle créance doit être contenue dans le
titre exécutoire fondant les poursuites et que le commandement doit viser l'acte de
transmission à moins que le débiteur n'en ait été régulièrement avisé au préalable (al.1er).
L’assiette de la saisie n’est pas renseignée dans le commandement OHADA.

220. La publication du commandement261. Le commandement doit être publié (art. 259


AUPSRVE) pour produire ses effets. Selon l’article 259 AUPSRVE, l’huissier ou l'agent
d'exécution fait viser l'original du commandement par le conservateur de la propriété
foncière à qui copie est remise pour la publication (al. 1er). Lorsque la poursuite s'exerce
sur les impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n'est pas propriétaire mais
qui lui a été affecté par décision d'une autorité administrative, les formalités prévues à
l'alinéa précédent sont accomplies par ladite autorité (al. 2). Si un commandement n'a pas
été déposé au bureau de la conservation foncière ou à l'autorité administrative concernée
dans les trois mois de sa signification, puis effectivement publié, le créancier ne peut
reprendre les poursuites qu'en les réitérant (al. 3). Si le conservateur ou l'autorité
administrative concernée ne peut procéder à l'inscription du commandement à l'instant
où il est présenté, il fait mention sur l'original qui lui est laissé de la date et de l'heure du
dépôt. S'il y a un commandement précédemment transcrit, le conservateur ou l'autorité
administrative mentionne, en marge de la transcription, dans l'ordre de présentation, tout
commandement postérieur présenté avec les noms, prénoms, domicile ou demeure
déclarée du nouveau poursuivant et l'indication de l'avocat constitué. Il constate
également, en marge et à la suite du commandement présenté, son refus de transcription

261
Voir CA du Littoral, arrêt n°019/C du 028 août 2008, La société Nguessi Hôtel SARL c/ BICEC SA,
Ohada.com/Ohadata J-10-266.

156
et il mentionne chacun des commandements entièrement transcrits ou mentionnés avec
les indications qui y sont portées et celle de la juridiction où la saisie est faite. La radiation
de la saisie ne peut être opérée sans le consentement des créanciers saisissants
postérieurs, ainsi révélés (Article 260 AUPSRVE).

En droit français, le commandement de payer valant saisie est publié au fichier immobilier
dans un délai de deux mois à compter de sa signification (art. R321-6). L’article R321-7
précise que les formalités de publicité sont régies par le décret n° 55-22 du 4 janvier
1955 portant réforme de la publicité foncière et le décret n° 55-1350 du 14 octobre
1955 pris pour l'application de ce décret (al. 1er). Lorsque l'exécution de la formalité de
publication a été retardée en raison d'un rejet notifié par le service de la publicité foncière,
le délai de deux mois1 prévu à l'article R. 321-6 est augmenté du nombre de jours écoulés
entre le dépôt du commandement à ce service et l'exécution de la formalité. La date du
dépôt est constatée au registre prévu à l'article 2453 du code civil (al.2). S'il est dans
l'impossibilité d'y procéder à l'instant de la réquisition, le service de la publicité foncière
fait mention, sur le commandement qui lui est déposé, de la date du dépôt (al. 3).

Ainsi, dans les deux législations, le commandement ne vaut saisie qu’à la condition d’être
publié. Contrairement au législateur français, le législateur OHADA prévoit qu’en cas de
paiement dans le délai fixé par l'article 254-3, l'inscription du commandement est radiée
par le conservateur ou l'autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier
poursuivant. A défaut, le débiteur ou tout intéressé peut provoquer la radiation en
justifiant du paiement ; à cet effet, il saisit la juridiction compétente statuant en matière
d'urgence. La décision autorisant ou refusant la radiation doit être rendue dans les huit
jours qui suivent la saisine de la juridiction compétente. Elle est susceptible de recours
selon les voies ordinaires (art. 261 AUPSRVE).

221. Pluralité de saisies immobilières. Si deux ou plusieurs saisissants ont fait publier des
commandements relatifs à des immeubles différents appartenant au même débiteur et
dont la saisie est poursuivie devant la même juridiction, les poursuites sont réunies à la

157
requête de la partie la plus diligente et continuées par le premier saisissant (article 302 al.
1er AUPSRVE). Si les commandements ont été publiés le même jour, la poursuite
appartient au créancier dont le commandement est le premier en date et, si les
commandements sont de même jour, au créancier le plus ancien (article 302 al.2
AUPSRVE). Si un second commandement présenté à la conservation foncière comprend
plus d'immeubles que le premier, il est publié pour les biens non compris dans le premier.
Le second poursuivant dénonce le commandement publié au premier saisissant qui est
tenu de diriger les poursuites pour les deux saisissants si elles sont au même état (article
303 al. 1er). Si elles ne sont pas au même état, le premier saisissant sursoit à la première
poursuite et suit la deuxième jusqu'à ce qu'elle soit au même degré. Elles sont, alors,
portées devant la juridiction de la première saisie (article 303 al. 2 AUPSRVE).

Faute pour le premier saisissant d'avoir poursuivi sur la seconde saisie à lui dénoncée, le
second saisissant peut, par un acte écrit adressé au conservateur de la propriété foncière,
demander la subrogation (article 304 AUPSRVE). La subrogation peut être également
demandée s'il y a collusion, fraude, négligence262 ou autre cause de retard imputable au
saisissant, sans préjudice de dommages-intérêts envers qui il appartiendra (article 305 al.
1er AUPSRVE)263.

262
Il y a négligence lorsque le poursuivant n'a pas rempli une formalité ou n'a pas fait un acte de procédure
dans les délais prescrits (art. 305 al. 2 AUPSRVE).
263
Toutefois, un créancier ne peut demander la subrogation que huit jours après une sommation restée
infructueuse de continuer les poursuites, faite par acte d'avocat à avocat, aux créanciers dont les
commandements ont été antérieurement mentionnés au bureau de la conservation foncière (art. 305 al.
3). Le saisi n'est pas mis en cause (art. 305 al. 4 AUPSRVE). La partie qui succombe sur la contestation relative
à la subrogation est condamnée personnellement aux dépens (art. 306 al. 1er AUPSRVE). En revanche, le
poursuivant contre lequel la subrogation a été prononcée est tenu de remettre, contre récépissé, les pièces
de la poursuite au subrogé qui poursuit la procédure à ses risques et périls. Par la seule remise des pièces,
le poursuivant subrogé se trouve déchargé de toutes ses obligations ; il n'est payé de ses frais de poursuite
qu'après l'adjudication, soit sur le prix, soit par l'adjudicataire (art. 306 al. 2 AUPSRVE). Le demandeur à la
subrogation a la faculté de modifier la mise à prix fixée par le poursuivant. Toutefois, la mise à prix ne peut
être modifiée après la publicité faite ou commencée qu'à la condition que de nouvelles affiches et annonces
de l'adjudication soient faites dans les délais fixés par l'article 276 ci-dessus avec l'indication de la nouvelle
mise à prix (art. 307 AUPSRVE).

158
222. En droit français, si la publication de plusieurs commandements valant saisie du
même immeuble est requise simultanément, seul est publié le commandement qui
mentionne le titre exécutoire portant la date la plus ancienne. Lorsque des titres portent
la même date, seul le commandement le plus ancien est publié. Si les commandements
sont de la même date, seul est publié celui dont la créance en principal est la plus élevée
(art. R321-8 C. pro. civ. ex). Lorsqu'un commandement de payer valant saisie a déjà été
publié, il n'y a pas lieu de publier un nouveau commandement relatif au même bien (art.
R321-9 al. 1er C. pro. civ. ex). Toutefois, si le nouveau commandement présenté au service
de la publicité foncière comprend plus d'immeubles que le précédent, il est publié pour
les biens non compris dans celui-ci. Le nouveau créancier poursuivant est tenu de
dénoncer le commandement publié au précédent créancier qui poursuivra les deux
procédures si elles sont au même état. Dans le cas contraire, ce dernier suspend sa propre
poursuite et suit la nouvelle procédure jusqu'à ce qu'elle soit au même état (art. R321-9
al. 2 C. pro. civ. ex). Faute pour le précédent créancier de poursuivre la nouvelle saisie à
lui dénoncée, le nouveau créancier peut demander la subrogation dans les conditions
fixées à l'article R. 311-9 C. pro. civ. ex 264 (article R321-9 al. 3 C. pro. civ. ex)265.

264
Les créanciers inscrits et les créanciers énumérés au 1° bis de l'article 2374 et à l'article 2375 du code
civil peuvent, à compter de la publication du commandement valant saisie et à tout moment de la
procédure, demander au juge de l'exécution leur subrogation dans les droits du poursuivant, par voie de
demande incidente ou verbalement à l'audience d'adjudication (al. 1er). La subrogation peut être sollicitée
en cas de désistement du créancier poursuivant ou s'il y a négligence, fraude, collusion ou toute autre
cAause de retard imputable au poursuivant (al. 2). La décision qui rejette la demande de subrogation n'est
pas susceptible de recours à moins qu'elle mette fin à la procédure (al.3). La subrogation emporte
substitution dans les poursuites et dans les droits et obligations fixés au cahier des conditions de vente
prévu à l'article R. 322-10 C. pro. civ. ex (al. 4). Le poursuivant contre lequel la subrogation est prononcée
est tenu de remettre les pièces de la poursuite au subrogé qui en accuse réception. Tant que cette remise
n'a pas lieu, le poursuivant n'est pas déchargé de ses obligations (al. 5).
265
Il est prévu à l’article R321-10 C. pro. civ. ex que dans les cas prévus à l'article R. 321-8 et au premier
alinéa de l'article R. 321-9 C. pro. civ. ex, le service de la publicité foncière mentionne le ou les actes qui ne
sont pas publiés en marge de la copie du précédent commandement publié dans l'ordre de leur
présentation, avec les nom, prénom et domicile du ou des nouveaux poursuivants ou, s'il s'agit d'une
personne morale, sa dénomination et son siège social ainsi que l'indication de l'avocat qui le ou les
représente (al. 1er). Il indique également, en marge ou à la suite de la copie du commandement présenté,
son refus de le publier. Il y mentionne, en outre, chacun des commandements antérieurement publiés ou
mentionnés avec les indications énoncées à l'alinéa précédent et celle du juge de l'exécution compétent
pour connaître de la saisie (al. 2). La radiation de la saisie ne peut être opérée sans le consentement des
créanciers poursuivants postérieurs (al. 3).

159
En cas de jonction d'instances, la procédure est continuée par le créancier dont le
commandement a été publié en premier (art. R321-11 al. 1er C. pro. civ. ex). Si les
commandements ont été publiés le même jour, la procédure est poursuivie par le
créancier dont le commandement est le premier en date et, si les commandements sont
du même jour, par celui dont la créance en principal est la plus élevée (art. R321-11 al. 2
C. pro. civ. ex).

223. Ainsi, l’immeuble peut faire l’objet d’une pluralité de saisies puisqu’il n’y a pas de
prime au premier créancier saisissant. La règle du paiement au prix de la course s’applique,
elle prend la forme d’une pluralité de commandements publiés pour le même immeuble.
A cette occasion, la saisie peut être étendue à d’autres immeubles appartenant au
débiteur dans les deux législations. Toutefois, en droit français, le débiteur peut demander
le cantonnement des poursuites. Ainsi, selon l’art. R321-12 C. pro. civ. ex., le juge de
l'exécution fait droit à la demande du débiteur tendant à ce que les effets de la saisie
soient provisoirement cantonnés à un ou plusieurs immeubles lorsque celui-ci établit que
la valeur de ses biens est suffisante pour désintéresser le créancier poursuivant et les
créanciers inscrits. Le jugement rendu indique les immeubles sur lesquels les poursuites
sont provisoirement suspendues. Après la vente définitive, le créancier peut reprendre les
poursuites sur les biens ainsi exceptés si le prix des biens adjugés ne suffit pas à le
désintéresser (al. 1er).

Lorsque, dans les mêmes conditions, le juge ordonne la radiation de la saisie sur les
immeubles initialement saisis qu'il désigne et l'inscription d'une hypothèque judiciaire, le
créancier poursuivant, pour voir l'inscription prendre rang à la date de la publication du
commandement de payer valant saisie, fait procéder à la publication du jugement en
marge de la copie du commandement et à l'inscription de l'hypothèque, dans les
conditions du droit commun (al. 2).

160
224. Conclusion ii). Les législations OHADA et françaises instituent une saisie immobilière
par voie de commandement selon la règle du paiement au prix de la course. Toutefois,
pour être valable, le commandement doit être publié. Cette publication est propice à
susciter une pluralité de saisies immobilières individuelles, et donc le concours entre
créanciers.

225. Contrairement au législateur français (R332-1 C. pro. civ. ex.), le législateur OHADA
envisage pas le cas où il n’y aurait qu’un seul créancier saisissant. Selon l’article 325
AUPSRVE, s'il y a plusieurs créanciers en matière mobilière ou, en matière immobilière,
plusieurs créanciers inscrits ou privilégiés, ceux-ci peuvent s'entendre sur une répartition
consensuelle du prix de la vente (al. 1er). Dans ce cas, ils adressent leur convention sous
seing privé ou sous forme authentique au greffe ou à l'auxiliaire de justice qui détient les
fonds (al. 2). Le règlement des créanciers doit être effectué dans le délai de quinze jours à
compter de la réception de l'accord (al. 3). Dans le même délai, le solde est remis au
débiteur (al. 4).A l'expiration de ce délai, les sommes qui sont dues produisent intérêt au
taux légal (al. 5).
Si, dans le délai d'un mois qui suit le versement du prix de la vente par l'adjudicataire, les
créanciers n'ont pu parvenir à un accord unanime, le plus diligent d'entre eux saisit le
président de la juridiction du lieu de la vente ou le magistrat délégué par lui afin de
l'entendre statuer sur la répartition du prix (art. 326 AUPSRVE).

Cet acte de saisine indique la date de l'audience et fait sommation aux créanciers de
produire, c'est-à-dire d'indiquer ce qui leur est dû, le rang auquel ils entendent être
colloqués et de communiquer toutes pièces justificatives (art. 327 al. 1er). La sommation
reproduit les dispositions de l'article 330 AUPSRVE ( art. 327 al. 2). Le saisi reçoit
également signification de l'acte de saisine (art. 328 AUPSRVE). L'audience ne peut avoir
lieu moins de 40 jours après la dernière signification (art. 329 AUPSRVE). Dans les vingt
jours de la sommation, les créanciers effectuent leur production au greffe de la juridiction
compétente (art. 330 al. 1er AUPSRVE). L'expiration de ce délai emporte de plein droit
déchéance contre les créanciers non produisants (art. 330 al. 2 AUPSRVE).

161
Des dires peuvent être déposés, au plus tard, cinq jours avant l'audience. Ils doivent être
communiqués aux autres parties (art. 331 AUPSRVE). Selon l’article 332 AUPSRVE, au vu
des productions, dires et explications des parties, la juridiction compétente procède à la
répartition du prix de la vente. Elle peut, pour causes graves et dûment justifiées, accorder
une remise de la répartition, et fixer le jour de la nouvelle audience. La décision judiciaire
accordant ou refusant une remise n'est susceptible d'aucun recours. Enfin, il résulte de
l’article 333 AUPSRVE que la décision judiciaire rendue sur le fond est susceptible d'appel
dans les quinze jours de sa signification. L'appel n'est recevable que si le montant de la
somme contestée est supérieure au taux des décisions judiciaires rendues en dernier
ressort. Si l'adjudication ou folle enchère intervient au cours de la procédure ou même
après le règlement définitif, la juridiction compétente modifie l'état de collocation suivant
les résultats de l'adjudication (art. 334 AUPSRVE).

iii)-La saisie-attribution de créances

226. Le législateur OHADA, comme le législateur français (art. L211-1 à 5 et s. C. pro. civ.
ex.), dotent les créanciers d’une saisie-attribution des créances laquelle supprime
quasiment le risque de concours entre créanciers. En effet, il est notamment prévu que
tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut,
pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur
portant sur une somme d'argent266 (art. 153 AUPSRVE). L'acte de saisie emporte267
attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les
mains du tiers (Art. 154 al. 1er AUPSRVE). Les sommes saisies sont rendues indisponibles
par l'acte de saisie (art. 154 al. 2 AUPSRVE). Cet acte rend le tiers personnellement
débiteur des causes de la saisie, dans la limite de son obligation (Art. 154 al. al. 3
AUPSRVE). Toutefois, les actes de saisie signifiés au cours de la même journée entre les
mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne

266
Sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations.
267
Ceci à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée ainsi que tous ses accessoires, mais
pour ce montant seulement précise le texte (même texte).

162
permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers saisissants, ceux-ci viennent en
concours (art. 155 al. 1er AUPSRVE).

La signification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement,


même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause cette attribution, sans
préjudice des dispositions organisant les procédures collectives (art. 155 al. 2 AUPSRVE).

Lorsqu'une saisie de créance se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs
prennent effet à leur date (art. 155 al. 3 AUPSRVE). Le tiers saisi est tenu de déclarer au
créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui
pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies
antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives (art. 156 al. 1er AUPSRVE).
Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent
d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si
l'acte n'est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive
expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice
d'une condamnation au paiement de dommages-intérêts (art. 156 al. 2 AUPSRVE).

227. Dans les deux législations, l’acte de saisie peut être contesté. Cependant, lorsque la
saisie prospère, le paiement par le tiers saisi est encadré. En tout état de cause, s’il n’y a
qu’un seul créancier saisissant, il n’y a pas de concours sur le prix.

228. Conclusion 2. A la lumière de ce qui précède, il faut conclure que la règle du prix de
la course et la priorité de saisie faite aux uns (les créanciers hypothécaires) et aux autres
(les créanciers chirographaires) réduisent considérablement le risque de concours entre
créanciers. Le paiement égalitaire entre créanciers chirographaires n’a pas lieu d’être,
faute de concours. En cas de concours, l’absence de sûreté légale, judiciaire ou
conventionnelle ne condamne pas le créancier chirographaire au paiement égalitaire,
lequel est davantage fonction du prix à distribués que de la pluralité de créanciers
saisissants.

163
229. Autrement dit, peu importe le nombre de créanciers saisissants, le prix qui suffit à
les désintéresser tous évacue le concours et son avatar le paiement égalitaire. Il appartient
donc au créancier chirographaire qui a une bonne connaissance du patrimoine de son
débiteur de choisir la bonne saisie et surtout le bien de valeur suffisante ; le tout en étant
le plus rapide à saisir et de procéder à la vente du bien.

230. Résumé A. Un créancier chirographaire avisé, en droit OHADA ou français, d’un


débiteur en difficultés in bonis qui choisit de les résoudre lui-même, n’est pas condamné
à l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires. Cette
situation est anecdotique en droit puisqu’un tel créancier, comme tout autre, a droit à
l’exécution du débiteur. Si le droit de gage général est une garantie de mauvaise qualité
du fait de la pluralité de ses titulaires et de la limitation de son assiette notamment, elle
peut suffire au créancier chirographaire particulièrement diligent et prompt à faire valoir
ses droits face à un débiteur récalcitrant au paiement, surtout s’il a une bonne
connaissance des outils à sa disposition pour obtenir satisfaction dans les meilleurs délais
sans encourir un risque de concours entre créanciers.

B- L’exécution du débiteur acculé

231. Bien qu’in bonis, le débiteur qui choisit de résoudre ses difficultés par lui-même n’est
pas nécessairement en capacité d’honorer ses engagements. Le recouvrement individuel
des créances est empêché à mesure que les difficultés de l’entreprise croissent. En dehors
du cadre de protection légale institué dans l’AUPCAP et le Code de commerce, créanciers
(1) et débiteur (2) bénéficiant d’une protection de leurs droits pourtant antagonistes.

1-Les droits des créanciers préservés

232. L’amenuisement de l’actif est source de difficultés quant au recouvrement normal


des créances. L’exécution volontaire ou forcée doit être préservée. Il est remarquable à
cet égard que des actions existent dans et en dehors de l’OHADA au moyen de saisies

164
conservatoires (i), ou avec l’action paulienne et l’action oblique (ii) dont disposent les
créanciers chirographaires pour garantir le droit à l’exécution forcée du débiteur.

i)-Les saisies conservatoires

233. Comme en droit français (art. L511-1 et s. C.proc. civ. ex.), les créanciers OHADA dont
la créance paraît fondée en son principe peuvent, par requête, solliciter de la juridiction
compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur l'autorisation de pratiquer une
mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de leur
débiteur, sans commandement préalable, s’ils justifient de circonstances de nature à en
menacer le recouvrement (art. 54 AUPSRVE)268. Une autorisation préalable de la
juridiction compétente n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre
exécutoire (art.55 al.1er). Il en est de même en cas de défaut de paiement, dûment établi,
d'une lettre de change acceptée, d'un billet à ordre, d'un chèque, ou d'un loyer impayé
après commandement dès lors que celui-ci est dû en vertu d'un contrat de bail d'immeuble
écrit (art. 55 al. 2 AUPSRVE).

La saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels
appartenant au débiteur. Elle les rend indisponibles (art. 56 AUPSRVE). Lorsque la saisie
porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend
indisponible à concurrence du montant autorisé par la juridiction compétente ou, lorsque
cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est
pratiquée (art. 57 al. 1er AUPSRVE).

268
S’agissant de la créance menacée, un arrêt rendu par la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, permet d’en
rendre compte. Ainsi, il a été décidé que « la demande de mainlevée de la saisie conservatoire doit être
rejetée, dès lors que la créance paraît fondée en son principe et que le demandeur juste de circonstances de
nature à̀ en menacer le recouvrement. Il en est ainsi lorsque le débiteur organisait son insolvabilité́. En ne
tenant pas compte de cette circonstance, la Cour d’Appel a violé́ l’article 54 de l’AUPSRVE et sa décision
encourt la cassation ». Cour Suprême, Chambre judiciaire, Formation civile et commerciale, arrêt n° 362 du
12 mai 2010, Affaire: Société de Développement des Opérations Agro-Industrielles, en abrégé́ « DOPA »
contre 1. L’Union des Coopératives de Bafine, dite UCAB-CI, 2. La Société́ Ivoirienne d’Opération Maritimes
dite SIVOM. Le Juris-OHADA n° 2 / 2011, Avril - Juin 2011, p. 37. OHADAta J-12-148.

165
La saisie vaut de plein droit consignation des sommes devenues indisponibles et confère
au saisissant un droit de gage (art. 57 al. 2 AUPSRVE). Lorsque la saisie est pratiquée entre
les mains d'un établissement bancaire ou d'un établissement financier assimilé269 (art. 58
AUPSRVE), la décision autorisant la saisie conservatoire doit, à peine de nullité, préciser le
montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et
préciser la nature des biens sur lesquels elle porte (art. 59 AUPSRVE).

Toutefois, l'autorisation de la juridiction compétente est caduque si la saisie conservatoire


n'a pas été pratiquée dans un délai de trois mois à compter de la décision autorisant la
saisie (art. 60 AUPSRVE). Si ce n'est dans le cas où la saisie conservatoire a été pratiquée
avec un titre exécutoire, le créancier doit, dans le mois qui suit ladite saisie, à peine de
caducité, introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l'obtention
d'un titre exécutoire (art. 61 al. 1er AUPSRVE). Si la saisie est pratiquée entre les mains d'un
tiers, les copies des pièces justifiant de ces diligences doivent être adressées au tiers dans
un délai de huit jours à compter de leur date (art. 61 al.2 AUPSRVE).

234. La conversion. Comme en droit français, et dans des conditions similaires, la saisie
conservatoire instituée dans l’AUPSRVE doit être convertie pour prospérer. Lorsqu’elle
porte par exemple sur un bien meuble corporel, la saisie conservatoire doit être convertie
en saisie-vente dans les délais prescrits aux articles 69 à 72 AUPSRVE (art. R522-8 à R522-
10 C.proc. civ. ex.)270. Ainsi, muni d'un titre exécutoire constatant l'existence de sa créance,
le créancier signifie au débiteur un acte de conversion qui contient à peine de nullité : 1°)
les noms, prénoms et domiciles du saisi et du saisissant ou, s'il s'agit de personnes morales,
leur forme, dénomination et siège social ; 2°) la référence au procès-verbal de saisie
conservatoire ; 3°) une copie du titre exécutoire sauf si celui-ci a déjà été communiqué

269
Les dispositions de l'article 161 sont applicables.
270
Sur les difficultés liées à la conversion de la saisie- conservatoire en saisie-vente voir : Daloa, arrêt n°81
du 09 avril 2003, Sanogo Ponon c/ Coulibaly Ousmane, Juriscope.org. ; TPI de Baoufflé, jugement n°2 du 09
janvier 2003, Irie Bi Bali c/ Tape Liby Eugène, Juriscope.org ; Cour d’Appel du Centre, arrêt n°10/Civ. 02 oct.
2002, Undchukwu Sunday c/ La succession Tonou, Ohada.com/Ohadata, J.-04-473 ; Tribunal Régional hors
classe Dakar, jugement du 14 nov. 2000, Sakhir Diagne c/ Mamadou Dioum, Rép. Credila, p. 59.

166
dans le procès-verbal de saisie, auquel cas il est seulement mentionné ; 4°) le décompte
distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l'indication du
taux des intérêts ; 5°) un commandement d'avoir à payer cette somme dans un délai de
huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis. La conversion peut être
signifiée dans l'acte portant signification du titre exécutoire. Si la saisie a été effectuée
entre les mains d'un tiers, une copie de l'acte de conversion est dénoncée à ce dernier
(art. 69 AUPSRVE).

235. A l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la date de l'acte de conversion,
l'huissier ou l'agent d'exécution procède à la vérification des biens saisis. Il est dressé
procès-verbal des biens manquants ou dégradés. Dans ce procès-verbal, il est donné
connaissance au débiteur qu'il dispose d'un délai d'un mois pour vendre à l'amiable les
biens saisis271 (art. 70 AUPSRVE). Si les biens ne se retrouvent plus au lieu où ils avaient
été saisis, l'huissier ou l'agent d'exécution fait injonction au débiteur de l'informer, dans
un délai de huit jours, du lieu où ils se trouvent et, s'ils ont fait l'objet d'une saisie-vente,
de lui communiquer le nom et l'adresse, soit de l'huissier ou de l'agent d'exécution qui y a
procédé, soit du créancier pour le compte de qui elle a été diligentée. A défaut de réponse,
le créancier saisit la juridiction compétente qui peut ordonner la remise de ces
informations sous astreinte, sans préjudice d'une action pénale pour détournement
d'objets saisis (art. 71 AUPSRVE). A défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est
procédé à la vente forcée des biens saisis selon la procédure prévue pour la saisie-vente
(art. 72 AUPSRVE).

236. Conclusion i). La sauvegarde des droits des créanciers est assurée par la saisie
conservatoire. Son intérêt réside dans l’indisponibilité du bien que la saisie conservatoire
appréhende. Cela permet au créancier chirographaire avisé de disposer d’un bien sur
lequel exercer son droit à l’exécution forcée du débiteur sans concours.

ii)-L’action paulienne et l’action oblique

271
Dans les conditions prescrites aux articles 115 à 119 ci-après

167
237. L’action paulienne. Dans les Etats parties au Traité OHADA ayant conservé l’usage
du Code civil français tels que le Cameroun, les créanciers peuvent mettre en œuvre
l’action paulienne (art.1167 du Code civil) comme en France (art. 1341-2 nouveau du Code
civil). Cette action permet au le créancier d’agir en son nom personnel pour faire déclarer
inopposables à son égard les actes faits par son débiteur en fraude de ses droits à charge
d'établir, s'il s'agit d'un acte à titre onéreux, que le tiers cocontractant avait connaissance
de la fraude.

238. Le projet d’Acte uniforme relatif aux obligations commerciales en date du 15 avril
2015, prévoyait dans la section 2 relative aux « rapports entre les créanciers et les tiers »
paragraphe 2 « Les actions pour fraude aux droits du créancier » au A) relatif à l’action
paulienne (art. 419 à 421), que le créancier peut agir en inopposabilité́ des actes
frauduleux accomplis par son débiteur après la naissance de sa créance et qui lui portent
préjudice. (art. 419 al. 1er). La créance doit être liquide, certaine et exigible au moment
où̀ le juge statue. Toutefois, l’action ne peut être exercée que dans les cinq ans qui suivent
la connaissance que les créanciers ont de la fraude. L’action profite en priorité́ aux
créanciers qui l’ont intentée et à ceux qui se sont joints à l’instance (art. 419 al. 2). L’article
420 prévoyait que l’action ne serait recevable contre l’acquéreur à titre onéreux que s’il
était établi qu’il avait connaissance de la fraude du débiteur (al. 1er). Il en aurait été de
même si l’action était dirigée contre un sous-acquéreur à titre onéreux (al. 2). L’acquéreur
pouvait mettre fin aux poursuites du créancier en le payant de sa créance jusqu’à̀
concurrence de la valeur du bien aliéné́ par le débiteur (al. 3). Enfin, l’acte déclaré́
frauduleux était inopposable aux créanciers, de telle sorte que ceux-ci ne devaient souffrir
d’aucun de ses effets. Le cas échéant, le tiers acquéreur était tenu de restituer ce qu’il
avait reçu en fraude (art. 421 du projet).

239. Ce projet d’acte uniforme n’ayant pas été intégré dans l’ordonnancement juridique
harmonisé OHADA, il subsiste à ce titre une dissonance dans l’harmonie recherchée.

168
240. L’action oblique. Dans les Etats parties au Traité OHADA ayant conservé l’usage du
Code civil français tels que le Cameroun, les créanciers peuvent mettre en œuvre l’action
oblique (anc. art. 1166 du Code civil) comme en France (art. 1341- 2 nouveau du Code
civil272), il est prévu que, lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et
actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les
exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement
rattachés à sa personne.

241. Le projet d’Acte uniforme relatif aux obligations commerciales du 15 avril 2015
prévoyait dans une Section 2 intitulée « les rapports entre les créanciers et les tiers », à
l’article 416 que le créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible peut, au nom
de son débiteur, exercer les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice
du créancier, refuse ou néglige de les exercer. La certitude, la liquidité́ et l’exigibilité́ de la
créance devaient s’apprécier au moment où le juge statue (al. 1er). Il ne pouvait, toutefois,
exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la personne du débiteur
(art. 417 al. 2). Le défendeur à l’action oblique pouvait opposer au créancier tous les
moyens de défense qu’il aurait pu opposer à son propre créancier. Surtout, les créanciers
qui exerçaient l’action oblique étaient payés par prélèvement prioritaire sur les sommes
qui, par l’effet de leur recours, rentraient dans le patrimoine de leur débiteur négligent
(art. 418).

242. Ce projet d’acte uniforme n’ayant pas été intégré dans l’ordonnancement juridique
harmonisé OHADA, il subsiste à ce titre une dissonance dans l’harmonie recherchée.

243. Conclusion 1. Dans l’une comme l’autre des législations comparées, le créancier
chirographaire n'est pas démuni face au débiteur récalcitrant au paiement. En effet, il
peut choisir une voie d’exécution où le concours entre créanciers est pratiquement
impossible ou s'assurer l'indisponibilité du bien pour les autres au moyen d'une saisie
conservatoire. Il peut encore avoir recours à l'action paulienne pour contourner la fraude

272

169
du débiteur, ou à l'action oblique pour palier l'inertie du débiteur à son profit des créances
saisies s’agissant spécifiquement des créanciers opérant dans un pays Partie au Traité
OHADA comme le Cameroun ayant conservé l’usage du Code civil napoléonien.

244. Le projet de texte uniforme portant droit général des obligations dans l’espace
OHADA du 15 avril 2015, prévoyait certes des « moyens de droit aptes à remédier à̀
l’inexécution ou à l’exécution défectueuse par le débiteur. Selon la note explicative du
projet, « Les voies de droit visées sont variées : l’action oblique, l’action paulienne, l’action
en déclaration de simulation, les actions directes. Il faut, à cet égard, souligner une
modification notoire s’agissant de l’action oblique. Pour rendre attrayant le recours à cette
action, l’article 418 tranche avec la solution classique et dispose que « les créanciers qui
exercent l’action oblique sont payés par prélèvement prioritaire sur les sommes qui, par
l’effet de leur recours, rentrent dans le patrimoine du débiteur négligent ». S’agissant de
l’action paulienne, puisqu’une fraude est invoquée, il a paru judicieux de contenir l’action
dans un délai raisonnable. Aux termes de l’article 419, l’action ne peut être exercée que
dans les cinq ans qui suivent la connaissance que les créanciers ont de la fraude. Une voie
de contrainte singulière, à savoir l’astreinte, est minutieusement organisée en tenant
compte de l’évolution de la jurisprudence et des idées. L’astreinte peut être prononcée par
tout juge, de droit commun ou d’exception, civil, commercial ou répressif, en formation de
jugement, y compris par la procédure de réfèré, ou dans la phase de mise en état. La
juridiction arbitrale peut mettre en œuvre ce procèdé. La plus grande originalité́ concerne
le bénéficiaire de l’astreinte, classiquement, le créancier. Prenant appui sur la nature
juridique ambivalente de l’astreinte qui est une peine privée infligée par le juge au débiteur
récalcitrant, l’article 415 prévoit que le montant de l’astreinte revient pour moitié́ au
créancier et pour moitié́ au Trésor public ».

245. Conclusion 1. Le risque de l’amenuisement de l’actif n’est pas cantonné aux


débiteurs soumis à un régime de protection spécifique encadré par le droit des entreprises
en difficultés. Faute de saisie du gage commun, il appartient à chaque créancier de
protéger l’assiette de son droit de gage général pour éviter le concours entre créanciers.
Ainsi, dans les législations comparées, les créanciers chirographaire avisés d’un débiteur

170
in bonis sont autorisés à protéger individuellement l’assiette du recouvrement de leurs
créances contre les actes frauduleux du débiteur et contre ceux attestant de sa
négligence. Cette protection n’est cependant pas le fruit de l’harmonisation des
législations dans l’OHADA.

2-Les droits du débiteur acculé

246. Le législateur OHADA prévoit à l’article 39 AUPSRVE que le débiteur ne peut forcer
le créancier à recevoir en partie le paiement d'une dette, même divisible (art. 39 al. 1er
AUPSRVE). Toutefois, compte tenu de la situation du débiteur273 et en considération des
besoins du créancier, la juridiction compétente peut, sauf pour les dettes d'aliments et les
dettes cambiaires, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite
d'une année274. Elle peut également décider que les paiements s'imputeront d'abord sur
le capital275 (art. 39 al. 2 AUPSRVE). Elle peut en outre subordonner ces mesures à

273
Sur la preuve des difficultés voir notamment : Cour d’Appel d’Abidjan 2ème Chambre civile et
commerciale B, arrêt n° 278 du 08 juillet 2011, Affaire: Mr ATTIA Guillaume c/ Mr FOFANA Inza. Juris
OHADA, 2011, n° 4, octobre- décembre, p. 39. OHADAta J-13-15Tel est le cas notamment Dès lors que la
dette du débiteur envers le créancier, dette qui représente le solde débiteur du compte du débiteur dans les
livres du créancier est justifiée, le débiteur doit être condamné au paiement de cette dette. La demande de
délai de grâce présentée par ce débiteur est rejetée dès lors qu’il ne produit aucun élément justificatif de la
morosité́ des affaires qu’il invoque à l’appui du non-paiement de sa dette. Tribunal de Grande Instance de
la MIFI, Jugement n° 17/Civ. du 18 mai 2010, Affaire : Bicec contre Ets Tchio Jean Pierre, Tchio Jean Pierre
OHADAta J-12-10.

274
Sur le renouvellement du délai de grâce : voir Cour d'appel de Bouaké arrêt civil contradictoire n°
85/2000 du 24 mai 2000 AFFAIRE: KONE SOULEYMANE C/ LA SOCIETE PERYSSAC AFRIC-AUTO OHADAta J-
06-129 En l’espèce, un acquéreur de véhicules qui est sous le coup d'une procédure de saisie-vente pour non-
paiement du prix fait grief à l'ordonnance de référé́ du Président du Tribunal d'avoir rejeté́ sa demande de
délai de grâce et ordonné la continuation des poursuites. Pour la Cour d'appel, celui qui a déjà̀ bénéficié́ d'un
délai de grâce de douze mois ne peut valablement prétendre à un autre délai sans violer l'article 39 AUPSRVE
qui limite à une année le report ou l'échelonnement de paiement accordé à un débiteur. Par conséquent
l'ordonnance attaquée mérite confirmation pure et simple.

275
Cour d’appel de Cotonou arrêt n° 209/2001 du 12 juillet 2001, AFFAIRE Sté Générale de Commerce
Industrie et Services « S.G.C.I.S » C/ Banque béninoise de Développement (BBD) OHADAta J-06-74 Dans
cette affaire, Une banque en liquidation obtient du Tribunal de Première Instance la condamnation, au
principal, d'une société́ débitrice lui ayant effectué́ des paiements partiels, à un montant représentant plus
du double de la somme prêtée. Sur recours de la société́ débitrice, la Cour d'appel annule le jugement
querellé au motif que, si en vertu de l'article 1254 du Code civil, il appartient au créancier de décider si les
paiements partiels effectués doivent s'imputer sur le principal ou sur les intérêts, il résulte de l'article 39 al.
2 in fine de l'Acte Uniforme portant procédures simplifiées et voies d'exécution que cette prérogative

171
l'accomplissement, par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de
la dette (art. 39 al. 3 AUPSRVE). La demande doit émaner d’un débiteur de bonne foi276.

Dans un arrêt rendu le 2 juin 2005, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a eu


l’occasion de présenter ce que devrait être une juste application de l’article 39
AUPSRVE277. Elle a jugé que « doit être cassé, pour violation de l'article 39 de l'Acte
uniforme sus énoncé́, l'arrêt de la Cour d'appel qui, pour accorder le délai de grâce à la
Société́ INDUSCHIMIE pour le paiement de sa dette à l'égard de Madame KHOURI Marie,
n'a fait état, ni donné son appréciation des besoins de la créancière, Madame KHOURI, se
bornant à̀ indiquer que c'est pour permettre à̀ celle-ci de percevoir régulièrement sa
créance qu'elle ramène à 1.000.000 F la somme mensuelle à payer par INDUSCHIMIE. Ce
faisant, la Cour d'appel ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article 39 l'Acte
uniforme précité́. De même, en ramenant à un million (1.000.000) de francs CFA le montant
de la somme à verser mensuellement par INDUSCHIMIE à Madame KHOURI dont la
créance totale en principal, intérêts et frais s'enlève à 28.910.515 F CFA, la Cour d'appel a
décidé́ d'échelonner le paiement des sommes dues au-delà̀ de « la limite d'une année »
fixée par ledit article 39. Lorsque la saisie-attribution de créances pratiquée par le créancier

appartient désormais aux juridictions saisies qui peuvent en décider en considération tant de la situation du
débiteur que du créancier ; que s'agissant d'une société́ débitrice qui, en près de vingt ans n'a pas acquitté
le cinquième de sa dette, la sagesse commande que le créancier puisse recouvrer d'abord ses créances en
principal, avant de penser au recouvrement probable d'intérêts. En application de l'article 39 de l'Acte
Uniforme OHADA portant organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement, il appartient aux
juridictions de décider, en considération de la situation tant du débiteur que du créancier, si les paiements
partiels effectués doivent s'imputer sur le principal ou sur les intérêts.

276
Voir : Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Formation civile.- arrêt n° 383 du 06 juillet
2006.- Affaire : la Liquidation Sid-Trading c/ - Société́ Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ; - la
Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale, dite BIAO-CI.- Le Juris-OHADA n° 3 – Juillet - Août -
Septembre 2008, p. 47. OHADAta J-08-281 Telle n’est pas le cas notamment de la dette du débiteur envers
le créancier qui représente le montant d’un chèque impayé́ est ancienne et que le débiteur ne justifie d’aucun
élément à l’appui du non- paiement même partiel de sa dette, ce débiteur doit être considéré́ comme de
mauvaise foi. Par conséquent, la demande de discontinuation des poursuites et de délai de grâce par lui
présentée doit être rejetée. Tribunal de Grande Instance de la MIFI, Jugement n° 34/Civ du 17 Janvier 2006,
Affaire : Mokathe Jean contre Sitio Abraham. OHADAta J-12-09.

277
Arrêt n° 35 du 2 juin 2005, Dame KHOURI Marie c/ 1°/ SOCIETE HYJAZI SAMIH et HASSAN dite
INDUSCHIMIE ; 2°/ SOCIETE GENERALE de BANQUES en COTE D'IVOIRE dite SGBCI, Recueil de jurisprudence
de la COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE, n° 5, janvier-juin 2005, volume 2, p. 52 ; Le Juris-
OHADA, n° 4/2005, juillet-septembre 2005, p. 8. OHADAta J-06-14

172
entre les mains du tiers saisi a fait l’objet de contestations et que ces contestations ont été́
tranchées définitivement par une décision de maintien de la saisie n’ayant pas fait l'objet
de recours dans le délai légal, ces contestations tranchées ne peuvent plus être à̀ nouveau
soulevées sans violer le principe de l'autorité́ de chose jugée et sans violer l'article 154 de
l'Acte uniforme susvisé́; par ailleurs l'effet attributif immédiat de la saisie attribution
entrainant transfert instantané́ de la créance saisie disponible dans le patrimoine du
saisissant, le juge de l'exécution ne peut pas suspendre les effets de ladite saisie-attribution
en accordant des délais de paiement; qu'il suit qu'il faut dire et juger que la saisie-
attribution de créances pratiquée au préjudice du saisi est maintenue et que la mesure de
délai de grâce à̀ lui accordée est annulée ».

247. Conclusion 2. Dans la législation OHADA comme dans la législation française, il n’est
pas question de permettre au débiteur en difficultés de ne pas payer ses dettes au
prétexte qu’il serait acculé. Toutefois, l’humanité commande que des dispositions soient
prises pour lui permettre de faire face à ses engagements en lui accordant un peu de répit.
Le législateur OHADA prévoit que cette pause dans les poursuite n’est pas possible
s’agissant des dettes d'aliments et des dettes cambiaires. La durée du report et de
l’échelonnement des échéances est en outre courte, dans la limite d'une année.

En droit français, le législateur fait preuve d’une plus grande mansuétude. En effet, l’article
1343-5 du Code civil dispose que le juge, tenant compte de la situation du débiteur et en
considération des besoins du créancier, peut reporter ou échelonner, dans la limite de
deux années, le paiement des sommes dues (al. 1er). Par décision spéciale et motivée, il
peut ordonner que les sommes qui correspondent aux échéances reportées porteront
intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront
d'abord sur le capital (al. 2). Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le
débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (al. 3). La décision
du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier.
Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues

173
pendant le délai fixé par le juge (al. 4). Toute stipulation contraire est réputée non écrite
(al. 5). Ces dispositions ne sont cependant pas applicables aux dettes d'aliment (al. 6).

248. Résumé B. Le créancier chirographaire avisé d’un débiteur acculé n’est pas privé de
son droit au recouvrement individuel de ses créances. Pour lui épargner une situation de
concours, le législateur OHADA comme le législateur français le dotent de moyens
d’actions destinés à protéger son droit de gage général. Toutefois, le débiteur est autorisé
à demander un répit, lequel doit être demandé en justice. Alors, les assauts des créanciers
pourront cesser, un temps seulement. Cette situation paraît peu satisfaisante. En effet,
pourquoi permettre au débiteur in bonis qui refuse la protection du droit des entreprises
en difficultés, d’aller en justice demander l’équivalent (l’arrêt des poursuites) sans avoir
de certitude quant à la décision du juge qui a en la matière, un pouvoir d’appréciation
considérable.

249. Conclusion 1§. Le débiteur in bonis qui éprouve quelques difficultés qu’il souhaite
régler par lui-même est libre de refuser le droit applicable aux entreprises en difficultés.
Ce faisant, il n’est pas dans une zone de non droit. Il reste tenu au droit commun de
l’exécution. Ce faisant, le contrat duquel procède l’obligation de payer une somme
d’argent fait loi. Il n’y a pas à tergiverser pour le créancier chirographaire avisé : soit le
débiteur s’exécute volontairement, dans les formes et délais convenus, soit il sera
contraint de le faire. Même lorsque le débiteur est exsangue, les législations dotent le
créancier chirographaire des outils pour préserver leurs droits (saisie conservatoire) et la
consistance de son gage pour les Etats parties à l’OHADA ayant conservé le Code civil
(action oblique ou paulienne), pour éviter les situations de concours.

2§-Limites

250. Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur
tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir » (art. 2284 C.civ.). C’est la
moindre des garanties dont jouissent tous les créanciers du débiteur puisque les biens de

174
celui-ci sont leur gage commun (art. 2285 C. civ. in fine). Cependant, resté libre de placer
son patrimoine sous la protection du droit des entreprises en difficultés institué par
l’AUPCAP et le Code de commerce, le débiteur in bonis qui n’en ressent pas le besoin peut
choisir de limiter la portée de ses engagements envers ses créanciers en limitant leur droit
de gage général tant qu’il n’atteint pas la zone rouge de la cessation des paiements.

251. Généralités. Alors que les rédacteurs du Code civil avaient prévu d’affecter au
recouvrement des créances le patrimoine du débiteur, les évolutions législatives ont
progressivement ramené la théorie du patrimoine d’Aubry et Rau le définissant comme
l'ensemble des biens et obligations d'une personne, appréciables en argent278, au rang de
simple théorie doctrinale. Le droit de gage général des créanciers, comme le patrimoine,
tous deux un et indivisible n’est plus. « En principe, toute personne n'a qu'un patrimoine.
L'attention de la doctrine moderne se porte essentiellement sur cette conséquence
attachée à la théorie classique. D'une part, tous les auteurs se plaisent à souligner que les
atteintes au principe de l'indivisibilité se multiplient, de par la volonté du législateur. Même
si, en dépit de ces exceptions, le principe de l'indivisibilité subsiste, il peut être aisément
contourné par la constitution de personnes morales, notamment unipersonnelles »279.

252. Dans la législation française, ce recul de la théorie du patrimoine est justifié


notamment par le souci de limiter le risque que fait courir l'entreprise sur la fortune
personnelle de l’entrepreneur individuel. Ce mouvement est à l’œuvre dans l’OHADA avec
dernièrement l’institution de « l’entreprenant », lequel est défini dans l’Acte uniforme

278
Voir notamment : Atias, « Droit civil », Les biens, 3e éd., Litec 1993, n° 30. ; Carbonnier, « Droit civil », t.
III, Les biens, PUF, 16e éd., Coll. Thémis 1995, p. 13. - Cornu, « Droit civil. Introduction, les personnes, les
biens », Montchrestien, 8e éd. 1997, n0 860. - Flour et Aubert, Les obligations, t. I, l'acte juridique, A. Colin,
7e éd. 1997, n° 27. - Ghestin, Gou-beaux et Fabre-Magnan, « Traité de droit civil, introduction générale »,
LGDJ 1994, n° 207. - Larroumet, Droit civil, 1.1, « Introduction à l'étude du droit privé », Economica, 2e éd.
1995, n° 411. - Malaurie et Aynès, Cours de droit civil, t. IV, Les biens, la publicité foncière, Cujas, 3e éd.
1994/1995, n° 7. -Terré, Introduction générale au droit, Dalloz, 3e éd. 1996, n° 332. - Terré, Simler, Droit
civil, Les biens, Dalloz, 4e éd. 1996, n° 7. - MM. Maieaud et Chahas, Leçons de droit civil, t. I, 1er vol.,
Montchrestien, IIe éd. 1996, n° 282. - Marty et Raynaud, Droit civil, Introduction générale à l'étude du droit,
Sirey, 2e éd. 1972, n° 287. - Pour un vif plaidoyer en faveur de la théorie d'Aubry et Rau, V. Fr. Cohet-Corday,
La valeur explicative de la théorie du patrimoine en droit positif français : RTD civ. 1996, p. 819 s.
279
Claude Witz, Jurisclasseur-Civil, art. 2092 à 2094, Fasc. 80, Privilèges, Droit de gage général, 1997, §§ 5
à 14.

175
relatif au droit commercial général révisé comme un entrepreneur individuel, personne
physique qui, sur simple déclaration, exerce une activité professionnelle civile,
commerciale, artisanale ou agricole (art. 30 AUSCG révisé280). Selon l’article 30 al. 7 AUDCG
révisé, « Chaque État partie fixe les mesures incitatives pour l'activité de l'entreprenant
notamment en matière d'imposition fiscale et d'assujettissement aux charges sociales »,
mais pas exclusivement. Dans ces pays, le droit de gage général reste une prérogative
souveraine que le droit harmonisé n’a pas abrogé281. Le législateur OHADA a seulement

280
L’arrivée de l’entreprenant est inspirée d’initiatives du même ordre dans plusieurs législations,
notamment de la loi française n° 2008-776 du 4 août 2008, dite « loi de modernisation de l’économie »
(LME, entrée en application le 1er janvier 2009), créant ce que la pratique a appelé́ l’auto-entrepreneur.
Revue Droit & Patrimoine N° 201 – Mars 2011, page 67.

281
Avis CCJA sur l’effet abrogatoire des actes uniformes ici reproduit : « L'acte 10 du traité de l'OHADA
contient une règle de supranationalité puisqu'il prévoit l'application directe et obligatoire des Actes
uniformes dans les États parties et leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou
postérieures. En vertu du principe de supranationalité, l'article 10 contient une règle relative à l'abrogation
du droit interne par les actes uniformes. Sauf dérogation prévue par les actes uniformes eux-mêmes, l'effet
abrogatoire de l'article 10 concerne l'abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne
présent, ou l'interdiction de tout texte législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir. Cette abrogation
concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que celles des actes uniformes, qu'elle soit
contraire ou identique. Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa
de cet article ou une phrase de cet article. Les dispositions abrogatives contenues dans les actes uniformes
sont conformes à l'article 10 du Traité de l'OHADA. L'effet abrogatoire du droit uniforme de l'OHADA
découlant du Traité lui-même et les Actes uniformes découlant de celui-ci, il s'ensuit que les actes uniformes
n'ont pas, seuls, compétence pour déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne. Il se déduit
également des dispositions impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité qui sont superfétatoires
des textes d'abrogation expresse du droit interne que pourraient prendre les États parties pour l'application
des Actes uniformes. Selon les cas d'espèce, une loi contraire peut s'entendre AUS bien d'un texte de droit
interne ayant le même objet qu'un Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles d'
un autre Acte uniforme, que d'une loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques-
unes de celles-ci sont contraires; dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles
de l'Acte uniforme considéré demeurent applicables. Dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et
le groupement d'intérêt économique, les formules "lois contraires" et "dispositions contraires"
indifféremment employées sont équivalentes. Les dispositions de l'Acte uniforme sur les sociétés
commerciales et le GIE étant d'ordre public et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de
leur forme et quel que soit leur objet, régissent des sociétés soumises à un régime particulier entrant dans
le cadre juridique ainsi défini. Toutefois, à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme
précité laisse subsister les dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises. Les
"dispositions contraires" s'entendent de tout texte législatif ou réglementaire contredisant dans la forme, le
fond ou l'esprit, les dispositions d'un acte uniforme. 82COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE La
disposition abrogatoire de l'article 257 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du
passif concerne AUS bien l'abrogation des dispositions antérieures contraires à celles de cet Acte uniforme
que l'interdiction de l'adoption de dispositions contraires postérieures. L'article 35 de l'Acte uniforme sur le
droit de l'arbitrage, selon lequel " le présent Acte uniforme tient lieu de loi à l'arbitrage dans tous les États
parties" doit être interprété comme substituant cet Acte aux lois nationales existantes en la matière, sous
réserve des dispositions non contraires susceptible d'exister en droit interne. Le droit fiscal ne fait pas encore

176
reçu compétence pour harmoniser quelques aspects du droit des affaires portant atteinte
au droit de gage général des créanciers, comme il sera exposé dans les propos qui suivront.
Dès lors, il subsiste (ou est susceptible d’apparaître) en dehors de l’OHADA des atteintes
au droit de gage général qui sont autant de dissonances dans l’harmonie voulue par
l’OHADA282.

253. Plan. Partant, force est de constater que si les biens du débiteur sont toujours le
gage commun des créanciers, les exceptions au droit de gage général (1) et les dérogations
au principe de généralité des poursuites du créanciers chirographaire (2) prolifèrent.

A- Les exceptions au droit de gage général

254. Plan. Le droit de gage général est fortement tempéré par la somme des biens
susceptibles d’y être soustraits par la formule sociétaire (2) ; la technique de la priorité de
saisie (1) ou de l’insaisissabilité (3).

1-La société

255. Notion283. M. Cozian résume bien la situation nouvelle que crée l’exploitation de
l’entreprise par la forme sociétaire. En effet, « On continue de professer religieusement le

partie des matières rentrant dans le domaine du droit des affaires à harmoniser, tel que défini par l'article
2 du Traité. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d'entrée en vigueur de l'Acte concerné
mettent en œuvre des mesures conservatoires ou d'exécution forcée ou des procédures de recouvrement
déterminées par ledit Acte uniforme, ces procédures fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-
ci. (CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 74).
OHADAta J-02-04.
282
Dès lors qu’elles ne sont pas contraires à l’OHADA. Ce point est régulièrement rappelé par la Cour
Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) chargée de veiller à l’application harmonieuse de droit OHADA,
dans son rôle de Cour Suprême. Ainsi, rappelle-t-elle qu’En application de l'article 10 du Traité de l'OHADA,
les dispositions de droit interne, notamment celles du code civil et de l'ordonnance n° 97-002 du 10 janvier
1997, ne peuvent recevoir application qu'en ce qu'elles sont conformes avec celles de l'OHADA en l’espèce,
les parties à une telle société annulée doivent reprendre chacune les biens apportés à la société, en
application de l'article 857 de l'AUSCGIE, qui s'impose aux juridictions nigériennes(Cour d'Appel de Niamey
- Arrêt n° 96 du 18 août 2003, Dame Roufai Fatoumata C/ Frédéric Jean Berthoz). OHADAta J-04-83.
283
Jean-Jacques Daigre, "La société unipersonnelle en droit français", Revue internationale de droit
comparé, 1990 – p. 665. : La deuxième moitié du XIXe siècle en France a été marquée par le combat pour
la reconnaissance de la liberté de réunion des ouvriers dans des syndicats et des citoyens dans des
associations. Cette lutte a quitté le terrain politique pour se traduire, dans le débat juridique, en combat

177
dogme de l’unité et de l’indivisibilité du patrimoine. Rien de plus facile pourtant que de s’y
soustraire. Pour diviser le patrimoine, il suffit de multiplier les personnes. Les biens que l’on
souhaite isoler seront apportés à une société ad hoc »284 . La société est une fiction
juridique, dotée de la personnalité morale et d’un patrimoine social. Autrement dit, la
société par opposition aux personnes physiques est une personne morale dotée d’un
patrimoine autonome.

256. Contrairement aux personnes physiques, la société est un être désincarné, une pure
création intellectuelle. La doctrine classique s’est longtemps interrogée sur la nature de la
société. Le débat achoppait sur la notion de personne morale et plus précisément sur le
point de savoir si la personnalité juridique des personnes morales était une création
artificielle de la loi (théorie de la fiction) ou une réalité incorporelle s'imposant au
législateur comme la personnalité juridique des personnes physiques (théorie de la
réalité).

Le débat sur la nature juridique de la société s’est tari depuis que l’immatriculation de la
société285 suffit à lui conférer la personnalité juridique. Désormais, la personnalité morale

pour le droit naturel dont la teneur était la suivante : la personnalité morale est une réalité de nature, certes
différente, mais AUS certaine que celle des personnes physiques. Partant, elle aurait dû être reconnue de
plein droit. Puis deux lois sont venues autoriser la libre création des syndicats (loi du 2l mars 1884) et des
associations (loi du 1er juillet 1901). Cependant, le débat était toujours d’actualité s’agissant des sociétés
auxquelles aucun texte ne reconnaissait la personnalité juridique. Néanmoins, la jurisprudence de la fin du
XIXe siècle283 a corrigé cette imperfection en leur reconnaissant spontanément la personnalité juridique
qui leur manquait, pour interdire aux associés et aux dirigeants de confondre le patrimoine de la société
avec le leur. Il faudra encore attendre 1954 pour que le débat théorique se concrétise en jurisprudence. Par
un arrêt de la Cour de cassation rendu en 1954, la Haute juridiction consacre la théorie de la réalité, en
décidant que « la personnalité civile n'est pas une création de la loi ; … elle appartient, en principe, à tout
groupement pourvu d'une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts licites, dignes, par
suite, d'être juridiquement reconnus et protégés ; … si le législateur a le pouvoir, dans un but de haute
police, de priver de la personnalité civile telle catégorie déterminée de groupements, il en reconnaît, au
contraire, implicitement mais nécessairement l'existence en faveur d'organismes créés par la loi elle-même
avec mission de gérer certains intérêts collectifs présentant ainsi le caractère de droits susceptibles d'être
déduits en justice ».
284
Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy, « Droit des sociétés », Litec, 19ème éd. n°38 p. 17.
285
L’AUSGIE révisé reconnait expressément aux sociétés la personnalité juridique en ces termes : « à
l'exception de la société en participation, toute société doit être immatriculée au registre du commerce et
du crédit mobilier (art. 97). AUS, toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son
immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, à moins que le présent Acte uniforme en
dispose autrement (art. 98). En France c’est la loi du 24 juillet 1966285, pour les sociétés commerciales, et
loi du 4 janv. 1978285, pour les sociétés civiles qui ont mis fin au débat.

178
de la société est liée à son immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
(le RCCM)286 pour les sociétés de droit OHADA, et son immatriculation au registre du
commerce et des sociétés (le RCS) en France. Cette formalité, permet de distinguer de fait
les sociétés non immatriculées qui sont dépourvues de la personnalité
Juridique des sociétés immatriculées, qui seules accèdent à la vie juridique.

En tant que personne juridique, la société immatriculée est dotée de tous les attributs
d’une personne : elle a des droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux. En revanche,
lorsqu’elles ne sont pas immatriculées et sont en conséquence dépourvues de la
personnalité juridique en dépit d’une reconnaissance légale, les sociétés sont, pour les
législateurs OHADA et français, de purs contrats. Il peut en être ainsi parce que les associés
ont choisi de ne pas immatriculer la société, soit parce que la société est occulte. Selon
l’Acte Uniforme relatif aux Sociétés et Groupement d’intérêt Economique révisé (AUSGIE),
lorsque les associés conviennent que la société n'est pas immatriculée, celle-ci est alors
dénommée « société en participation ». Elle n'a pas la personnalité juridique287 (art. 114
AUSGIE)288. Il en est de même de la société créée de fait (art. 864 à 868 AUSGIE)289.

En France, les sociétés non immatriculées sont pareillement : la société en participation


prévue par l'article 1871 du Code civil qui la présente comme la société que les associés
ont convenu de ne pas immatriculer, mais susceptible, depuis la loi no 78-9 du 4 janvier
1978, d’être occulte ou ostensible (C. civ., art. 1872-1) ; la société créée de fait, consacrée

287
La société en participation est régie par les dispositions des articles 854 et suivants ci-après
288
Si, contrairement aux dispositions du présent Acte uniforme, le contrat de société ou, le cas échéant,
l'acte unilatéral de volonté n'est pas établi par écrit et que, de ce fait, la société ne peut être immatriculée,
une telle société n'a pas la personnalité juridique288 (art. 115).
289
art. 864 Il y a société créée de fait lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales se
comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l'une des sociétés reconnues par le présent
Acte uniforme. art. 865 Lorsque deux ou plusieurs personnes physiques ou morales ont constitué entre
elles une société reconnue par le présent Acte uniforme mais qui comporte un vice de formation non
régularisé ou ont constitué entre elles une société non reconnue par le présent Acte uniforme, il y a société
de fait. art. 866 Tout intéressé peut demander à la juridiction compétente la reconnaissance de la société
créée de fait entre deux ou plusieurs personnes dont il lui appartient d'apporter l'identité ou la
dénomination sociale. art. 867 L'existence d'une société créée de fait ou d'une société de fait est prouvée
par tout moyen. art. 868 Lorsque l'existence d'une société créée de fait ou d'une société de fait est
reconnue par le juge, les règles de la société en nom collectif sont applicables aux associés.

179
par les juges pour stigmatiser l'existence entre des personnes qui se sont, en fait,
comportées comme de véritables associés, et qui est désormais soumise au régime de la
société en participation (C. civ., art. 1873).

257. Sujet de droit à part entière, la société dispose d’un patrimoine distinct de celui des
associés. Au moment de sa création, le patrimoine social correspond au capital social,
composé des dotations des associés par leurs apports en société en numéraire, en nature
ou en industrie.

Comme en droit français290, l’apport en numéraire correspond à une somme


d’argent. Il se réalise par le transfert à la société de la propriété des sommes d'argent que
l'associé s'est engagé à lui apporter (art. 41 AUSGIE ). Cet apport génère des obligations à
la charge de l’associé. En cas de retard dans le versement, les sommes restant dues à la
société portent de plein droit intérêt au taux légal à compter du jour où le versement
devait être effectué, sans préjudice de dommages et intérêt, s'il y a lieu (article 43
AUSGIE ). À moins que les statuts ne l'interdisent, les apports en numéraire réalisés à
l'occasion d'une augmentation de capital de la société peuvent être réalisés par
compensation avec une créance certaine, liquide et exigible sur la société (article 44
AUSGIE ).

L’apport en nature est celui qui s’effectue autrement qu’en versant une somme
d’argent, tel un bien de valeur comme un terrain, un véhicules, des actions…. Pour le
législateur OHADA, comme le législateur français (art. 1843-3 al. 2 à 4 du code civil),
lorsque l'apport est en propriété, l'apporteur est garant envers la société comme un
vendeur envers son acheteur (art. 46 AUSGIE). Lorsque l'apport est en jouissance,
l'apporteur est garant envers la société comme un bailleur envers son preneur. Toutefois,
lorsque l'apport porte sur des choses de genre ou sur tous autres biens normalement
appelés à être renouvelés pendant la durée de la société, le contrat transfère à celle-ci la
propriété des biens apportés, à charge d'en rendre une pareille quantité, qualité et valeur.

290
Article 1843-3 al. 5

180
Dans ce cas, l'apporteur est garant envers la société dans les conditions prévues à l'article
précédent. (art. 47 AUSGIE).

Enfin, comme en France, l’apport en industrie se caractérise notamment par


l’apport de connaissances techniques. Il se réalise par la mise à disposition effective de la
société de connaissances techniques ou professionnelles ou de services. Pour le législateur
OHADA l'apporteur en industrie doit à la société la contribution promise et lui rendre
compte de tous les gains qu'il a réalisés par l'activité faisant l'objet de son apport. Les
statuts décrivent l'apport en industrie et déterminent les modalités de sa libération y
compris la durée des prestations qui sont fournies par l'apporteur, le nombre de titres
sociaux attribués en rémunération de ces prestations et les droits attachés à ces titres
dans le partage des bénéfices et de l'actif net. Les statuts déterminent également les
modalités de liquidation de ces titres en cas de cessation par l'apporteur de l'activité
faisant l'objet de son apport. (art. 50-2 AUSGIE). En droit français, selon l’article 1843-3 al.
6 du Code civil, l'associé qui s'est obligé à apporter son industrie à la société doit lui rendre
compte de tous les gains qu'il a réalisés par l'activité faisant l'objet de son apport.
Toutefois, l’article 1843-2 al. 2 c.civ. dispose que les apports en industrie ne concourent
pas à la formation du capital social mais donnent lieu à l'attribution de parts ouvrant droit
au partage des bénéfices et de l'actif net, à charge de contribuer aux pertes.

258. Le capital social constitue le gage commun des créanciers sociaux au sens de l’article
2093 (2285 nouveau) du Code civil selon lequel « les biens du débiteur son le gage commun
des créanciers ». Parce qu’il constitue leur gage commun, le capital est en principe
intangible (ou fixe291) afin de garantir une certaine stabilité du gage commun des
créanciers. Autrement dit, il est interdit aux associés de toucher au capital.

Mais ce principe d’intangibilité a ses limites. Il doit tout d’abord être tempéré au regard
des possibilités de modifications de la structure du capital si toutefois les associés

291
Le législateur dans la première version de l’AUSGIE de 1997, retenait une conception traditionnelle du
capital social, celui-ci étant fixe (ancien article 67 AUSGIE).

181
respectent le formalisme qu’imposent les textes relativement aux modifications
statutaires. Dans les sociétés de personnes, le rôle du capital social doit être relativisé. En
effet, le capital social n’est pas requis par la loi292. Il faut donc espérer, au moment où le
créancier entend mettre en œuvre son droit de gage général, que l’associé ne sera pas lui-
même insolvable. Tempéré, le principe doit encore excepter la société à capital variable
que la nouvelle version de l’AUSGIE a introduite à l’article 269-1293.
Enfin, la notion de capital social gage commun des créanciers est encore fragilisée par la
disparition de l'obligation d'un capital social minimum dans bon nombre de sociétés
(notamment : les SARL, les sociétés en commandite simple, les sociétés en nom collectif,
les sociétés par actions simplifiées, et plusieurs types de sociétés civiles). En effet, l'article
311 AUSGIE révisé, relatif au capital social de la société à responsabilité limitée (SARL),
énonce désormais que « sauf dispositions nationales contraires, le capital social doit être
d'un million (1 000 000) de francs CFA au moins. Il est divisé en parts sociales égales dont
la valeur nominale ne peut être inférieure à cinq mille (5 000) francs CFA ».

292
Mais les associés peuvent en constituer un s’ils le souhaitent.
293
Art. 269-2-1 Par dérogation aux dispositions du présent Acte uniforme, les statuts des sociétés à capital
variable organisent les modalités de souscription, de libération et de reprise des apports. art. 269-3 Ne sont
pas assujettis aux formalités de dépôt et de publication les actes constatant les augmentations ou les
diminutions du capital social opérées dans les termes de l'article 269-1 ci-dessus, ou les retraits d'associés,
autres que les gérants ou les dirigeants sociaux de la société par actions simplifiée, qui auraient lieu
conformément à l'article 269-6 ci-après. Les dispositions relatives au droit d'opposition des créanciers en
cas de réduction de capital non motivée par des pertes sont inapplicables. art. 269-4 Les statuts peuvent
donner, soit aux dirigeants sociaux soit à l'assemblée générale ou à la collectivité des associés le droit de
s'opposer au transfert des titres sociaux sur les registres de la société. Tout transfert réalisé en violation du
droit d'opposition stipule dans les statuts est nul. art. 269-5 Les statuts déterminent une somme au-dessous
de laquelle le capital ne peut être réduit par les reprises des apports autorisées par l'article 269-1 ci-dessus.
Cette somme ne peut être inférieure ni au dixième du capital social stipulé dans les statuts ni au montant
minimal du capital exigé pour la forme de la société considérée par les dispositions la régissant. Toute
réduction de capital au-delà de la limite prescrite par les statuts est nulle. art. 269-7 La société n'est dissoute
ni par la mort ou par le retrait d'un associé ni par une décision prononçant sa liquidation, ni par une mesure
d'interdiction d'exercer une profession commerciale, ni par une mesure d'incapacité prononcée à l'égard
de l'un des associés. Elle continue de plein droit entre les autres associés. art. 269-6 À moins de conventions
contraires et sauf application du premier alinéa de l'article 269-5 ci-dessus, chaque associé peut se retirer
de la société à tout moment. Il peut être stipulé que l'assemblée générale ou la collectivité des associés
a le droit de décider, à la majorité fixée par les statuts, que l'un ou plusieurs des associés cessent de faire
partie de la société. Toute délibération ou décision prise en violation des règles de majorité fixées par les
statuts est nulle. L'associé qui cesse de faire partie de la société, soit par l'effet de sa volonté, soit par suite
de la décision de l'assemblée générale ou de la collectivité des associés, reste tenu, pendant cinq (5) ans,
envers les associés et envers les tiers, de toutes les obligations existant au moment de son retrait. L'associé,
n'est tenu que dans la limite des sommes qui lui ont été restituées avant son départ.

182
Certains États membres de l'OHADA ont déjà usé de la flexibilité introduite par ces deux
dispositions, relativement au capital minimum de la SARL pour favoriser la création de ses
sociétés. Ainsi, par exemple, le législateur béninois294, par un décret entré en vigueur le 5
mai 2014, prévoit que les associés fixent librement le montant du capital social. Au
Sénégal, la loi du 15 avril 2014295 porte le capital social minimal de la SARL à 100 000 F CFA
(cent mille francs); par voie d’ordonnance du 2 avril 2014296 la Côte d'Ivoire laisse aux
associés la liberté de fixer le montant du capital social. Par un décret du 19 mai 2014297 le
Togo fixe le capital social minimum à 100 000 F CFA (cent mille francs). Au Burkina Faso le
décret du 29 mai 2014298 fixe à 100 000 F CFA (cent mille francs) le capital social minimum
pour cette forme de société.

259. La société unipersonnelle. L’admission en droit positif OHADA et français de la


société unipersonnelle est le fruit d’une mutation conceptuelle de la société en
doctrine299. « Là où la conception classique n'admettait de société que dans la mesure où

294
Décret N° 2014-220 du 26 mars 2014 portant modalités de création des SARL en République du Bénin
(article 6).
295
Loi N° 17/2014 du 15 avril 2014 portant fixation du capital social minimum de la société à responsabilité
limitée (article 1er).
296
- Ordonnance N° 2014-161 du 02 avril 2014 relative à la forme des statuts et au capital social de la société
à responsabilité limitée (article 5).
297
- Décret N° 2014-119/PR du 19 mai 2014 déterminant la forme des statuts et le capital social pour les
sociétés à responsabilité limitée (article 3)
298
Décret N° 2014-462/PRES/PM/MJ/MEF/MICA du 26 mai 2014 portant fixation des dispositions
nationales applicables à la forme des statuts et au capital social pour les sociétés à responsabilité limitée
au Burkina Faso (article 3)
299
La législation des pays membre de l’OHADA, antérieurement à l’entrée en vigueur de l’AUSGIE de 1997,
et la législation française sont très longtemps restées liées à la conception classique de la société. L'ancien
article 1832 du Code civil alors encore en vigueur dans ces pays comme en France, énonçait que « La société
est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun...
». Partant, toute société ne pouvait être constituée qu'avec au moins deux associés et toute société
devenue unipersonnelle en cours de vie sociale était dissoute de plein droit. Puis, vint le temps de la
tolérance : En France, il faudra attendre la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (toujours en
vigueur) qui marque une première évolution en supprimant la sanction de la dissolution automatique. AUS,
en vertu de cette loi, dorénavant, les sociétés devenues unipersonnelles en cours de vie sociale sont
provisoirement viables si toutefois elles redevenaient pluripersonnelles au bout d'un an. Au-delà, seul le
juge pouvait prononcer la dissolution à la demande de tout intéressé. La loi du 4 janvier 1978 relative aux
règles communes à toutes les sociétés, civiles ou commerciales (texte toujours en vigueur) généralise la
solution y compris pour les sociétés civiles. Le législateur OHADA consacre cette évolution à l’article 60
AUSGIE révisé : Dans le cas des sociétés dont la forme unipersonnelle n'est pas autorisée par le présent
Acte uniforme, la détention par un seul associé de tous les titres sociaux n'entraîne pas la dissolution de
plein droit de la société. Tout intéressé peut demander à la juridiction compétente cette dissolution, si la
situation n'a pas été régularisée dans le délai d'un (1) an. La juridiction compétente peut accorder à la

183
elle était composée d'au moins deux associés, la conception moderne s'accommode d'une
société composée d'un seul associé. Pour exprimer cette nouveauté, les juristes français
ont retenu la dénomination de « société unipersonnelle », même s'ils ont conscience que,
au sens linguistique et étymologique, le mot société, d'origine latine, exprime l'association
de deux personnes300 ». En France, dès 1970, des propositions de loi se sont succédés avant
d’aboutir à loi du 11 juillet 1985 sur l’Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée
(EURL)301.

La société unipersonnelle peut désormais être constituée ab initio. Comme dans le Code
civil français, les sociétés nouvellement instituées dans les pays membres de OHADA par
l’AUSGIE révisé répondent à une définition désormais classique de la société, celle-ci
intégrant aux côtés de la société pluripersonnelle (forme traditionnelle de la société, art.
4 AUSGIE), sa forme moderne qu’est la société unipersonnelle (art. 5 AUSGIE )302. « En
recourant ainsi à la formule sociétaire, le législateur n'a nullement dérogé, sur le plan des
principes, à la règle de l'unicité du patrimoine : le patrimoine de l'entreprise cesse d'être
celui de l'entrepreneur individuel pour devenir celui d'un nouveau sujet de droit. Ainsi, le
patrimoine de l'entrepreneur continue de répondre de l'ensemble des dettes du débiteur,
mais se voit vider d'une grande partie de son contenu qui est attribué à un nouveau sujet

société un délai maximal de six (6) mois pour régulariser la situation. Elle ne peut prononcer la dissolution
si, au jour où elle statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu. Une fois le Rubicon franchit, il fallait
permettre la société unipersonnelle ; d’autant qu’une mutation conceptuelle de la société s’est opérée
dans les années 70: la société n’est plus envisagée que de manière abstraite et théorique, elle apparaît sous
un jour « économique », et plus précisément comme un mode d’organisation de l’entreprise. Le Pr Jean
Paillusseau a attaché son nom à cette conception. Sa démonstration doctrinale a fait émerger une notion
d'intérêt social autonome qui se distingue du seul intérêt des associés majoritaires. Dès lors,
inévitablement, cette conception économique de la société, faisant de celle-ci une technique juridique
d'organisation de l'entreprise, devait conduire à l'effacement du fondement classique de la société299.
Partant, c’est d’abord le caractère contractuel de la société est critiqué, on lui préfère la notion d'institution
empruntée au droit public. Puis, c'est le fondement pluraliste de la société qui a été discuté. Si la société
n'est que le vêtement juridique d'une entité économique, l'entreprise, alors peu importe que celle-ci soit
la propriété d'une ou plusieurs personnes.
300
« La société unipersonnelle en droit français » - Jean-Jacques Daigre, "La société unipersonnelle en droit
français", Revue internationale de droit comparé, 1990 – p. 665.
301
L’EARL ; SEU SELARLU etc.
302
voir infra

184
de droit. Les principes sont saufs, au détriment de la conception traditionnelle de la société
qui ne peut plus se définir comme un groupement de personnes »303.

260. Conclusion 1. L’apport de biens en société réduit la consistance du gage commun des
créanciers, notamment lorsqu’il prend la forme d’un apport en nature ou en numéraire.
Certes, l’apport n’est pas sans contrepartie puisqu’il donne lieu à l’attribution de titres
sociaux. Cependant, leur évaluation n’est pas nécessairement objective.

2-L’insaisissabilité

261. Notion. L’insaisissabilité est, selon le dictionnaire juridique304, une protection sociale
découlant de la loi (ou sous les restrictions de la loi d’une convention ou d’un testament)
qui met en tout ou en partie certains biens d’une personne hors d’atteinte de ses
créanciers, en interdisant que ces biens soient l’objet d’une saisie, dans les limites et sous
les exceptions déterminées par la loi. Lorsque l’insaisissabilité procède d’un texte, elle est
de droit. Cependant, l’évolution du droit français montre que celle-ci peut être aussi
permise par le législateur. Autrement dit, sur autorisation du législateur, le débiteur peut
décider que tel bien sera ou non insaisissable.

262. L’insaisissabilité de droit. Dans la législation OHADA, le principe de saisissabilité des


biens du débiteur est limitée par la circonstance qu’ils aient été déclarés insaisissables par
la loi nationale de chaque État partie (art. 50 AUPSRVE). Ainsi « les biens et droits
insaisissables sont définis par chacun des États parties » (art. 51 AUPSRVE). Néanmoins, le
législateur prévoit l’insaisissabilité des créances dont le montant est versé sur un compte
(art. 52). Enfin, lorsqu'un compte même joint, alimenté par les gains et salaires d'un époux
commun en biens, fait l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une saisie
conservatoire pour le paiement ou la garantie d'une créance née du chef du conjoint, il est

303
Fasc. unique DROIT DE GAGE GÉNÉRAL Date de la dernière mise à jour : 24 Mars 2016- Claude Witz -
JurisClasseur Civil Code Art. 2284 et 2285 n°77
304
Cornu – Association Capitant – PUF.

185
laissé immédiatement à la disposition de l'époux commun en bien une somme équivalant,
à son choix, au montant des gains et salaires versés au cours du mois précédant la saisie
ou au montant moyen mensuel des gains et salaires versés dans les douze mois précédant
la saisie (art. 53 AUPSRVE). Cette situation contrarie l’esprit d’harmonie dans le droit que
prône l’OHADA.

263. En France, le principe est également celui de la saisissabilité des biens du débiteur
(art. L112-1. du code des procédures civiles d’exécution305 ). Toutefois, la loi édicte une
liste des biens que la loi déclare insaisissables à l’article L112-2-2° à 7° du même code306.
Partant, sont insaisissables : les biens que la loi déclare insaisissable (1) ; les biens que la
loi rend incessibles à moins qu'il n'en soit disposé autrement (2) ; les provisions, sommes
et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par
le saisissant à la partie saisie (3); les biens disponibles déclarés insaisissables par le
testateur ou le donateur, sauf autorisation du juge, et, pour la portion qu'il détermine, par
les créanciers postérieurs à l'acte de donation ou à l'ouverture du legs (4) ; les biens
mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n'est pour paiement
de leur prix, dans les limites fixées par décret en Conseil d'État et sous réserve des
dispositions du 6°. Ils deviennent cependant saisissables s'ils se trouvent dans un lieu autre
que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s'ils sont des biens de valeur, en
raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté
ou de leur caractère luxueux, s'ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur
quantité ou s'ils constituent des éléments corporels d'un fonds de commerce (5); les
biens mobiliers mentionnés au 5°, même pour paiement de leur prix, lorsqu'ils sont la
propriété des bénéficiaires de prestations d'aide sociale à l'enfance prévues aux articles L.
222-1 à L. 222-7 du code de l'action sociale et des familles (6) ; les objets indispensables
aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades (7).

305
Créé par l’ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 instituant le Code des procédures civiles
d’exécution.
306
Toutefois, selon l’art. R112-3 du code des procédures civiles d’exécution, Les biens énumérés à l'article
R. 112-2 ne sont saisissables pour aucune créance, si ce n'est pour paiement des sommes dues à leur
fabricant ou vendeur ou à celui qui a prêté pour les acheter, fabriquer ou réparer.

186
Enfin, l’article L112-3 prévoit l’insaisissabilité des immeubles par destination
indépendamment de l'immeuble, sauf pour paiement de leur prix, tandis que l’article
L112-4 prévoit l’insaisissabilité des créances dont le montant est versé sur un compte dans
des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

264. L’insaisissabilité permise. Le législateur OHADA ne prévoit pas de possibilité


d’instaurer l’insaisissabilité d’un bien contrairement au législateur français. En effet, selon
l’article R112-1 du Code des procédures civiles d’exécution307, « Tous les biens mobiliers
ou immobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur peuvent faire l'objet
d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire, si ce n'est dans les cas où
la loi prescrit ou permet leur insaisissabilité ». C’est une prérogative qui reste de la
compétence des États parties qui, par une loi nationale, peuvent permettre d’instaurer
l’insaisissabilité d’un bien à l’instar du dispositif initié par la loi dite « Dutreil » en France.

265. En France, la loi Dutreil n° 2003-721 du 1er août 2003 modifiée par la loi de
modernisation de l’économie du 4 août 2008 introduit dans le Code de commerce une
déclaration d’insaisissabilité du patrimoine immobilier non professionnel de
l’entrepreneur individuel. Autrement dit, cette loi instituait la possibilité pour
l’entrepreneur individuel de déclarer insaisissable par ses créanciers professionnels sa
résidence principale. Puis le dispositif a été élargi par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 à
l'ensemble du patrimoine immobilier non professionnel, l’objectif poursuivi par le
législateur français étant de "réduire la prise de risque de l'entrepreneur individuel pour
lequel aucune distinction n'est établie entre le patrimoine professionnel et le patrimoine
privé". Dernièrement, le législateur a extrait du dispositif la résidence principale de
l’entrepreneur individuel, pour en faire une insaisissabilité de droit supplémentaire.
Toutefois, la déclaration d’insaisissabilité survit aujourd’hui pour les biens immobiliers à
usage non professionnel de l’entrepreneur individuel. Ainsi, selon l’article L526-1 du code
de commerce "par dérogation aux articles 2284 et 2285 du Code civil, une personne

307
Créé par Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 - art.

187
physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou
exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables
ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier
bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel", et ce pour une durée
indéterminée. Si les termes "ses droits sur l'immeuble" visent toute forme de droits réels
immobiliers, ils ne sauraient impliquer que la déclaration d'insaisissabilité puisse s'étendre
aux immeubles qui constituent l'actif d'une société civile immobilière de laquelle
l'entrepreneur individuel serait l’associé308.

Il faudra cependant individualiser les biens dans un acte notarié et lors de


l'accomplissement des mesures de publicité. Si postérieurement à la déclaration
d’insaisissabilité l'entrepreneur fait l’acquisition d'un nouvel immeuble, alors celui-ci ne
sera pas couvert par la déclaration d'insaisissabilité, hormis l’hypothèse du remploi309, et
une nouvelle déclaration sera nécessaire. Mais l'entrepreneur individuel peut choisir de
ne déclarer insaisissable qu’un seul de ses biens immobiliers non professionnels. Quel que
soit le choix opéré par celui-ci, déclarer insaisissable l’ensemble de son patrimoine
immobilier non professionnel ou seulement un élément de celui-ci, le remploi est autorisé,
selon les modalités prévues par l'article L. 526-3 du Code de commerce310.

Enfin, l'article L. 526-1, alinéa 2, du Code de commerce, « lorsque le bien foncier n'est pas
utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage
professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état

308
V. RÈp. min. n∞ 52819, 5 avr. 2005 : Defrénois 2005, art. 38214, p. 1275 ; D. 2005, p. 1018
309
Hormis l'hypothèse du remploi que l’art. L526-3 envisage en ces termes : « En cas de cession des droits
immobiliers désignés dans la déclaration initiale, le prix obtenu demeure insaisissable à l'égard des
créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration à l'occasion de
l'activité professionnelle du déclarant, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à
l'acquisition par le déclarant d'un immeuble où est fixée sa résidence principale. Les droits sur la résidence
principale nouvellement acquise restent insaisissables à la hauteur des sommes réemployées à l'égard des
créanciers visés au premier alinéa lorsque l'acte d'acquisition contient une déclaration de remploi des
fonds. La déclaration de remploi des fonds est soumise aux conditions de validité et d'opposabilité prévues
aux articles L. 526-1 et L. 526-2.
310
Witz ; (V. M. Dagot, Le report de l'insaisissabilité initiale : JCP N 2004, n∞ 1028).

188
descriptif de division »311. Le même article envisage le cas, fréquent, de la domiciliation du
déclarant dans son local d'habitation312 comme étant une circonstance qui « ne fait pas
obstacle à ce que le local fasse l'objet de la déclaration, sans qu'un état descriptif de
division soit nécessaire ». Autrement dit, le local d'habitation sera totalement
insaisissable.

Quant au bénéficiaire de la déclaration, selon l’article L526-1 du Code de commerce, le


déclarant ne peut qu’être qu’une personne physique immatriculée à un registre de
publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole
ou indépendante. Autrement dit, seuls les entrepreneurs individuels tels que les
commerçants peuvent prétendre au bénéfice de la mesure313 Néanmoins, la question s’est
posée de savoir si l’auto-entrepreneur314 pouvait bénéficier de la déclaration
d’insaisissabilité de ses biens immobiliers non professionnels puisque son immatriculation
n’est pas requise315.

311
Sous l'empire de la norme telle qu'issue de la loi de 2003, V. Rép. min., JOAN 20 juin 2006 : D. 2006, p.
1885 ; Defrénois 2006, art. 38491, p. 1798).
312
Comme l’y autorise l’article L. 123-10 du code de commerce.
313
Spécificité liée à la situation matrimoniale. L’entrepreneur individuel, même marié peut souscrire une
déclaration d’insaisissabilité. « Lors de sa demande d'immatriculation à un registre de publicité légale à
caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou
conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des
dettes contractées dans l'exercice de sa profession ». (art. L526-4). Les effets de la déclaration subsistent
après la dissolution du régime matrimonial lorsque le déclarant est attributaire du bien. Le décès du
déclarant emporte révocation de la déclaration (art. L. 526-3 al. 5).
314
En effet, l’auto-entreprenariat est l'une des innovations marquantes de la loi du 4 août 2008 de
modernisation de l'économie. L'un des avantages du statut d’auto-entrepreneur est la dispense
d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, une simple déclaration d'activité au Centre de
formalités des entreprises étant suffisante. N'étant pas immatriculé, on doutait de la faculté pour l'auto-
entrepreneur de se prévaloir du bénéfice de la protection instituée par la loi Dutreil puisqu’il ne semblait
pas répondre à la condition d'immatriculation posée par l'article L. 526-1 Code de commerce.
315
En ce sens, L. Nurit-Pontier, Dispense d'immatriculation de l'auto-entrepreneur : une simplification non
dénuée de risques : D. 2009, p. 585). Selon une autre opinion doctrinale, "l'esprit du texte pourrait justifier
une certaine liberté avec sa lettre"(D. Gallois-Cochet, Micro-entreprise, micro-entrepreneur et auto-
entrepreneur après la LME : JCP E 2009, 1407), ce que corrobore le portail officiel dédié ‡ l'auto-
entrepreneur (www.lautoentrepreneur.fr, V. sous "documents utiles").
Droit comparé. La même difficulté pourrait se poser s’agissant de l’entreprenant. En effet, l’article 30
AUDCG énonce en substance que l'entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique qui,
sur simple déclaration, exerce une activité professionnelle civile, commerciale, artisanale ou agricole.
Dispensé d'immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, la situation de l’entreprenant
doit être rapprochée de celle de l’auto-entrepreneur dont il s’inspire. Dans le souci de faire bénéficier à
l’entreprenant des mêmes avantages que les autres entrepreneurs individuels, il serait judicieux de le viser
nommément dans la loi nouvelle.

189
S’agissant des créanciers auxquels la déclaration est opposable-316, la loi Dutreil modifiée
prévoit à l’article L526-1 du Code de commerce que la déclaration, publiée, n'a d'effet qu'à
l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à
l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Autrement dit, la déclaration
d’insaisissabilité est inopposable aux créanciers antérieurs à la déclaration ainsi qu’aux
créanciers postérieurs à la déclaration lorsque celle-ci ne respecte pas les formes
prescrites par la loi317 ou aux créanciers titulaires de créances qui ne sont pas nées à
l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Toutefois, la loi Dutreil crée une
exception s’agissant du créancier fiscal, en cas de fraude ou inobservation des obligations
fiscale318. Une autre exception est prévue en cas de renonciation. Il résulte en effet de
l’article L526-3 du Code de commerce que "la déclaration peut, à tout moment, faire
l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité (al.
4). Cette renonciation "peut porter sur tout ou partie des biens"(art. L. 526-3, al. 4), si bien
qu’en cas d'extinction totale ou partielle de l'insaisissabilité, le ou les biens redeviennent
le gage commun des créanciers, sans qu'il y ait lieu de distinguer, semble-t-il, selon la date
de naissance des créances319. Celle-ci peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs
créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 désignés par l'acte authentique de renonciation.
Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se
prévaloir de celle-ci320.

316
Droit comparé. Le législateur national d’un État partie à l’OHADA a tout intérêt à définir ce qu’il y a lieu
de comprendre par « créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de
l'activité professionnelle du déclarant ». la naissance postérieure à la publication ne pose pas réellement de
difficulté. En revanche le contentieux pourrait être abondant quant à savoir si la créance est née à l’occasion
de l’activité professionnelle du déclarant. Semble-t-il qu’il serait judicieux de se référer à la définition
donnée par l’AUS du débiteur professionnel.
317
L’exigence d’un acte notarié, l’exigence d’une publication.
318
Plus précisément l’article L. 526-1 prévoit la déclaration n'est pas opposable à l'administration fiscale
lorsque celle-ci relève, à l'encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l'inobservation
grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l'article 1729 du code général des impôts.
319
En ce sens, V. S. Piédelièvre, loc. cit., p. 2250).
320
Le régime des renonciations est critiqué en doctrine. En effet, « pareille modulation aboutit à la création
d'une "hiérarchie entre les créanciers professionnels (...), ceux à droit de gage général et ceux à droit de
gage réduit". On peut être réservé à l'égard de cette innovation, qui s'éloigne du fondement initial de la
déclaration d'insaisissabilité320. Néanmoins, le crédit procuré à l’entrepreneur individuel est indéniable. , le
régime des renonciations devrait être repris à l’identique dans la législation nationale désireuse d’importer
la déclaration d’insaisissabilité sous les cieux de l’État partie à l’OHADA.

190
266. Conclusion 2. Ainsi, par le mécanisme de la déclaration d’insaisissabilité, le débiteur
peut instituer une exception au droit de gage général des créanciers, si toutefois, il y est
autorisé par une loi nationale d’un Etat partie au Traité OHADA. Tous les biens seront
saisissables, sauf ceux que la loi autorisera le débiteur à déclarer insaisissables.

3- La priorité de saisie

267. La priorité de saisie de droit. La technique de la priorité de saisie commande de


poursuivre l’exécution sur un certain type de biens par priorité à d’autres. Le législateur
OHADA a instauré dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées
de recouvrement et des voies d’exécution une priorité de saisie des biens mobiliers du
débiteur, laquelle s’impose au créancier chirographaire, et ce quelle que soit la nature de
sa créance. Selon l’article 28 al. 2 AUPSRVE « à défaut d'exécution volontaire, tout
créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le
présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son
égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
Sauf s'il s'agit d'une créance hypothécaire ou privilégiée, l'exécution est poursuivie en
premier lieu sur les biens meubles et, en cas d'insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ».

Toutefois, le créancier hypothécaire est lui-même visé par une priorité de saisie. En effet,
ce créancier ne peut poursuivre la vente des immeubles qui ne lui sont pas hypothéqués
que dans le cas d'insuffisance des immeubles qui lui sont hypothéqués, sauf si l'ensemble
de ces biens constitue une seule et même exploitation et si le débiteur le requiert (art. 251
AUPSRVE).

En France aussi, le créancier hypothécaire se voit imposer une priorité de saisie. En


effet, la saisie immobilière tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur ou, le cas
échéant, du tiers détenteur en vue de la distribution de son prix (art. L311-1 C. pro. Civ.
ex). Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible

191
peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par le présent livre et
par les dispositions qui ne lui sont pas contraires du livre Ier (art. L311-2 C. pro. Civ. ex). Le
créancier qui a procédé à la saisie d'un immeuble de son débiteur ne peut engager une
nouvelle procédure de saisie sur un autre bien immobilier de celui-ci que dans le cas
d'insuffisance du bien déjà saisi. Le créancier ne peut saisir les immeubles qui ne sont pas
hypothéqués en sa faveur que dans le cas où l'hypothèque dont il bénéficie ne lui permet
pas d'être rempli de ses droits (art. L311-5 C. pro. Civ. ex) 321.

268. La priorité de saisie des biens professionnels. La législation française, montre que la
priorité de saisie peut avoir une autre finalité avec la loi n°94-126 dite « Madelin » du 11
février 1994. En effet, elle est une technique permettant de sauvegarder le patrimoine
personnel de l'entrepreneur sans qu'il soit dérogé au droit de gage général des créanciers.
Cette loi prévoyait une priorité de saisie de l’outil de travail de l’entrepreneur individuel
pour protéger le patrimoine privé de ce dernier. Ainsi était-il prévu que « lorsque le
titulaire d'une créance contractuelle ayant sa cause dans l'activité professionnelle d'un
entrepreneur individuel entend poursuivre l'exécution forcée d'un titre exécutoire sur les
biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, s'il établit que les biens nécessaires à l'exploitation
de l'entreprise sont d'une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance,
demander au créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur ces derniers. Si le
créancier établit que cette proposition met en péril le recouvrement de sa créance, il peut
s'opposer à la demande. Sauf s'il y a intention de nuire, la responsabilité du créancier qui
s'oppose à la demande du débiteur ne peut pas être recherchée ».

269. Notons toutefois que la portée pratique de ce dispositif de protection avait diminué
depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 modifiée qui avait permis
à l'entrepreneur individuel de déclarer insaisissables son patrimoine immobilier non
professionnel.

321
Créé par Ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011 - art.

192
270. Conclusion 3. La priorité de saisie constitue donc une exception au droit de gage
général en ce qu’elle permet de contraindre un créancier à poursuivre l’exécution forcée
du débiteur sur certains biens, préalablement à tout autre. Ainsi, tout en maintenant le
principe de l'unicité du patrimoine, la priorité de saisie des créanciers chirographaires dans
la législation OHADA ; alors que, dans la loi française, la priorité de saisie est aussi une
technique permettant de sauvegarder le patrimoine personnel de l’entrepreneur
individuel sans qu’il soit dérogé au droit de gage général de ses créanciers.

271. Cependant, la question de la compatibilité avec l’OHADA d’un dispositif « Madelin »


institué par une loi nationale dans un État partie au Traité, notamment afin de rendre le
statut d’entreprenant incitatif, peut se poser en ce qu’elle aggraverait les conditions
posées par l’article 28 AUPSRVE ; aggravation qu’un avis rendu par la CCJA a déjà eu
l’occasion de condamner322.

Certes, le droit OHADA opère désormais une distinction entre débiteur professionnel et
débiteur non professionnel, depuis la révision de l’Acte Uniforme relatif aux Sûretés en
date du 15 décembre 2010323 et l’introduction d’un nouvel article 3. Selon cet article, « est
considéré comme débiteur professionnel au sens du présent Acte uniforme, tout débiteur
dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec
l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale.

322
CCJA, Avis n° 2/99/EP du 13 octobre 1999, Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p.
71) OHADA J-02-02. L’article 16 du projet de loi malien selon lequel « lors d’une procédure d’exécution
pour un financement à l’habitat, le débiteur ne peut prétendre à un délai de grâce s’il n’a respecté
régulièrement les échéances pour s’être acquitté d’au moins la moitié de la créance en capital et s’il
accuse un retard de plus de trois échéances à la date de la demande » prévoit des conditions
supplémentaires et plus lourdes que l’article 39 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution ; de ce fait, il
restreint les droits du débiteur et les pouvoirs du juge tels que prévus par ce texte. Il s’ensuit que le projet
de loi malien, en édifiant des conditions nouvelles, impératives et restrictives, contrevient à l’article 10 du
Traité OHADA affirmant la force obligatoire des Actes uniformes sur les dispositions de droit interne des
États parties et aux articles 336 et 337 de l’Acte uniforme sur les voies d’exécution excluant toute
possibilité de dérogation aux matières concernées par cet Acte.
323
Selon cet article, « est considéré comme débiteur professionnel au sens du présent Acte uniforme, tout
débiteur dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de
ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale.

193
Mais la priorité de saisie qu’instaure l’article 28 AUPRSVE a une portée générale. Il ne
distingue pas parmi la nature des biens (professionnel ou non professionnel) à saisir en
priorité et les créances à recouvrées. L’article est applicable à n’importe quel débiteur dès
lors que celui-ci ne s’exécute pas de son obligation. L’article ne distingue pas non plus les
créances. Le législateur OHADA soumet à la priorité de saisie des biens meubles, toutes
les créances du créancier chirographaire qu’elles soient civiles ou commerciales,
contractuelles ou extracontractuelles324.
Or sauvegarder le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel par l’introduction
d’une priorité de paiement sur les biens professionnels, c’est précisément obliger à opérer
une distinction, et donc aggraver les conditions posées par l’OHADA quant aux dispositions
relatives à l’exécution forcée, lesquelles sont d’ordre public.

272. Résumé A. En dehors de la technique de la priorité de saisie, toutes les techniques


visant à instituer une exception au droit de gage général sont compatibles avec l’OHADA.
A l’heure actuelle, il est déjà possible pour un débiteur, dans le cadre de l’OHADA, de créer
une société unipersonnelle.

B- Les dérogations à la généralité des poursuites

273. Les dérogations au principe de généralité des poursuites du créancier chirographaire


portent une atteinte plus manifeste au patrimoine. Elles permettent en effet à une
personne de disposer de plusieurs patrimoines sans le truchement de la personnalité
morale. La technique de la fiducie (i) et du patrimoine d’affectation professionnelle (ii)
dérogent au principe de généralité des poursuites du créancier chirographaire en créant
des patrimoines distincts de la personne.

1- La fiducie

324
Voir supra.

194
274. La fiducie325 est l’acte juridique326 par lequel une personne, le fiduciant327, transfère
la propriété d’un bien corporel ou incorporel à une autre personne, le fiduciaire328, soit à
titre de garantie d’une créance329 sous l’obligation de rétrocéder le bien au constituant de
la sûreté lorsque celle-ci n’a plus lieu de jouer330, soit en vue de réaliser une libéralité331
sous l’obligation de re-transférer le bien à un tiers bénéficiaire après l’avoir géré dans
l’intérêt de celui-ci ou d’une autre personne pendant un certain temps, soit afin de gérer
le bien dans l’intérêt du fiduciant sous l’obligation de le rétrocéder à ce dernier, à une
certaine date.332.

275. Dans sa première mouture, l’OHADA n’instituait pas de fiducie333. La révision de


l’Acte uniforme relatif aux sûretés en date du 15 décembre 2010334 a été l’occasion de
combler cette lacune. D’une part, en qualifiant de sûreté le patrimoine affecté à des fins
de garantie d’une créance. En effet, selon l’article 1er AUS révisé, « une sûreté est
l'affectation au bénéfice d'un créancier d'un bien, d'un ensemble de biens ou d'un
patrimoine afin de garantir l'exécution d'une obligation ou d'un ensemble d'obligations,
quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu'elles soient présentes ou
futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur

325
C. Witz Fides, fiducia, fiducie - Le terme "fiducie" est issu du mot latin fides, la confiance, et désigne une
pratique qui a de tout temps existé, sous une forme ou une autre : une personne se voit confier des biens,
en toute propriété, non pour en user et en tirer les fruits dans un intérêt personnel, mais pour qu'elle les
mette au service d'une affectation précise d'ordre privé ou répondant ‡ un but altruiste. …tant pleinement
propriétaire, cette personne risque d'abuser de son droit de propriété et compromettre par la même la
finalité impartie à ces biens. Il faut donc que le remettant ait une confiance particulière en ce propriétaire
qui doit agir pour le compte d'autrui ou au service d'une cauSe d'intérêt général. Plus que toute autre
institution, la fiducie repose sur la confiance.
326
Contrat ou dans certains cas legs.
327
Selon le dictionnaire juridique, le fiduciant est celui qui dans l’aliénation fiduciaire, cède un bien soit à
titre de garantie (il est débiteur ou constituant de la sûreté) soit à des fins de libéralité (il en est l’auteur par
exemple comme testateur), soit en vue de faire gérer le bien par un tiers dans son intérêt.
328
Selon le dictionnaire juridique, est ainsi appelé « fiduciaire » celui qui, dans l’aliénation fiduciaire,
acquiert un bien à charge de le rétrocéder soit au tiers bénéficiaire de la libéralité, soit au fiduciant après
gestion ou jeu de la garantie.
329
Fiducie sûreté.
330
Sauf si le bien acquis (par exemple une créance) a permis de désintéresser le créancier.
331
Fiducie libéralité.
332
Dictionnaire juridique Gérard Cornu Puf - éd. 2001.
333
Il ne paraît d’ailleurs pas plus connaître le patrimoine d’affectation quelle que soit sa finalité.
334
Adopté le 15/12/2010 à Lomé (TOGO) Publié dans le Journal Officiel n° 22 du 15/02/2011.

195
montant soit fixe ou fluctuant » (article 1er AUS révisé). D’autre part, en qualifiant de
patrimoine d’affectation les biens transférés à l’agent des sûretés (autre innovation issue
de la révision de l’AUS) à des fins de gestion.

Avec l’institution de l’agent des sûretés, l’OHADA institue un patrimoine affecté à sa


mission. En effet, depuis la révision de l’AUS « toute sûreté ou autre garantie de l'exécution
d'une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution
financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en
qualité d'agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties
l'ayant désigné à cette fin » (art. 5 AUS révisé). Ainsi, l’article 9 AUS révisé dispose
désormais que « Lorsque la constitution ou la réalisation d'une sûreté entraîne un transfert
de propriété au profit de l'agent des sûretés, le ou les biens transférés forment un
patrimoine affecté à sa mission et doivent être tenus séparés de son patrimoine propre par
l'agent des sûretés. Il en va de même des paiements reçus par l'agent des sûretés à
l'occasion de l'accomplissement de sa mission. Sous réserve de l'exercice éventuel d'un
droit de suite sur ces biens et hors les cas de fraude, ils ne peuvent alors être saisis que par
les titulaires de créances nées de la conservation et de la gestion de ces biens, y compris en
cas d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif à l'encontre de l'agent
des sûretés ».

Enfin, avec l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés, le droit OHADA a fait
sienne une institution jusque-là inconnue des autres actes uniformes335 : la fiducie prévue
au Titre 2 relatif aux « sûretés mobilières », chapitre 3 sur la propriété retenue ou cédée à
titre de garantie, dans une section 2 relative à la « propriété cédée à titre de garantie ». La
finalité de la cession n’est cependant qu’à titre de garantie du paiement d'une dette,
actuelle ou future, ou d'un ensemble de dettes.

335
CROCQ Pierre, Le nouvel Acte uniforme portant organisation des sûretés. Avec la collaboration de Lionel
Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE, Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE et
préfacé́ par le Professeur Dorothé Cossi SOSSA, Secrétaire Permanent de l’OHADA, Editions Lamy, septembre
2012. (SURETES - ACTE UNIFORME REVISE EN 2010.

196
L’introduction d’une fiducie-gestion dans un État partie au Traité OHADA par une loi
nationale paraît donc possible. En effet, la prolifération des patrimoines d’affectation en
dehors de l’OHADA n’est limitée que par l’Acte Uniforme portant organisation des Sûretés,
c’est-à-dire lorsque le patrimoine d’affectation est constitué à des fins de garantie. En
dehors de ce cas, rien n’est interdit : la fiducie-gestion alors instituée dans la loi nationale
d’un État partie pourrait être étendue à l’ensemble des biens visés à l’article 79 AUS révisé
et même au-delà, comme dans la législation française.

Il se posera néanmoins la question de savoir si la fiducie-gestion instituée dans un État


membre de l’OHADA par une disposition nationale se rapprochera du trust anglo-saxon
ou de la fiducie romaine. Le choix pourrait être celui d’une fiducie-gestion telle
qu’instituée par le législateur français dès 2007, conformément aux solutions retenues
dans l'avant-projet de 1992, qui isole les biens fiduciaires des biens personnels du
fiduciaire. Ce choix rapproche la fiducie française du trust et l'éloigne de la fiducie romaine
dans laquelle les biens transférés se mêlaient aux biens du fiduciaire.

276. En France, la loi n°2007-211 du 19 février 2007 a introduit la fiducie dans le Code civil
qu’elle organise dans le Titre XIV « De la fiducie » du Code civil aux articles 2011 à 2030,
et définit comme « l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des
biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents
ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre,
agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires » (art . 2011C.civ.).

Cette implantation n’est cependant pas nouvelle, la loi de 2007 ne faisant que poursuivre
ce que des lois spéciales avaient permis, sans jamais la nommer, pour la réalisation de
diverses opérations. L’illustration la plus célèbre est la cession Dailly instaurée par la loi du
2 janvier 1981 modifiée par la loi du 24 janvier 1984, dont s’inspire le législateur OHADA.

La fiducie-gestion est un patrimoine fiduciaire qui garantit les droits des créanciers des
biens ainsi affectés. En effet, le contrat de fiducie donne naissance à un "patrimoine

197
fiduciaire"(C. civ., art. 2024, 2025, 2031), lequel fût qualifié incidemment de patrimoine
d'affectation par la loi. Selon l'article 12 de la loi, relatif au régime comptable, « les
opérations affectant ce dernier (patrimoine d'affectation) font l'objet d'une comptabilité
autonome chez le fiduciaire ». Celui-ci doit tenir les biens, droits ou sûretés "séparés" de
son "patrimoine propre"(C. civ., art. 2011).

277. Ainsi, selon l'article 2025, alinéa 1er, « le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que
par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine ».
Toutefois, le cloisonnement du patrimoine fiduciaire n'est pas total : les créanciers du
constituant titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au
contrat de fiducie conservent leur droit de poursuite, tout comme ceux victimes d'une
fraude (C. civ, art. 2025). La loi prévoit une responsabilité en cascade et alternative des
patrimoines propres du constituant et du fiduciaire, en cas d'insuffisance du patrimoine
fiduciaire. Le patrimoine du constituant répond des dettes nées de la conservation ou de
la gestion du patrimoine fiduciaire : il « constitue le gage commun de ces créanciers, sauf
stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du
fiduciaire » (C. civ., art. 2025, al. 2).

278. Conclusion 1. Dans les législations en comparaison, la fiducie porte une atteinte
majeure au droit de gage général parce qu’elle permet au débiteur de vider le gage
commun des créanciers d’une quantité importante de biens de valeur, pour en conférer
la propriété temporaire à un tiers. Certes dans la législation OHADA l’introduction de la
fiducie est limitée à une finalité de sûreté mais les biens qui en sont l’objet sont
particulièrement utiles à la satisfaction des créancier et faciles à réaliser: sommes d’argent
et créances.

2- Le patrimoine d’affectation professionnelle

279. Généralités. En France, l’institution de l’ « EIRL » (Entreprise individuelle à


responsabilité limitée) par la loi n°2010-658 du 15 juin 2010 témoigne d’une rupture

198
consommée avec la théorie du patrimoine. Le législateur français a renoncé à l’orthodoxie
de la théorie du patrimoine un et indivisible, en consacrant l’Entrepreneur Individuel à
Responsabilité Limitée (EIRL). Ce dispositif a permis de lever le verrou de l’unicité du
patrimoine.

L’entrepreneur individuel français peut désormais affecter à son activité professionnelle


un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d'une personne
er
morale336, par simple dépôt d’une déclaration d’affectation. Depuis le 1 janv. 2013, ce
même entrepreneur individuel peut constituer plusieurs patrimoines affectés. Pour
l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur
individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi
immédiatement des mots : " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des
initiales : « EIRL ».

Le patrimoine affecté dans le cadre d’une EIRL est composé obligatoirement de l'ensemble
des biens, droits, obligations ou sûretés dont il est titulaire, nécessaires à l'exercice de son
activité professionnelle. Il peut également comprendre les biens, droits, obligations ou
sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité
professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Toutefois, un même bien, droit, obligation ou
sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté337 (art. L526-
6 Modifié par loi n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 178). L’entrepreneur individuel à
responsabilité limitée détermine les revenus qu'il verse dans son patrimoine non
affecté338.

336
Cons. const. 10 juin 2010: JO 16 juin 2010, p. 10988; Dalloz actualité, 17 juin 2010, obs. Astaix; JCP E
2010. Actu 333. – Sur cette décision, V. Mouton, D. 2010. 2553 (constitutionnalisation du droit de propriété
des créanciers). La déclaration d'affectation de patrimoine ne peut pas être modifiée pour prévoir son
opposabilité aux créanciers antérieurs, lorsque l'EIRL n'a pas initialement fait usage de cette option
o
conformément aux art. R. 526-8 et D. 526-9 (Avis CCRCS n 2013-004 du 30 janv. 2013: JCP E 2013. Act. 293;
o
BRDA 2013, n 8, p. 13).
337
Par dérogation à l'alinéa précédent, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens de
l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime peut ne pas affecter les terres utilisées pour l'exercice
de son exploitation à son activité professionnelle. Cette faculté s'applique à la totalité des terres dont
l'exploitant est propriétaire.
338
art. L526-18 Créé par LOI n°2010-658 du 15 juin 2010 - art. 1

199
L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l'objet d'une comptabilité
autonome339, et l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir
dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés
à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté (art. L526-13).

Selon l’article L526-12340, la déclaration d’affectation est opposable de plein droit aux
créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Par dérogation
aux articles 2284 et 2285 du Code civil : 1° Les créanciers auxquels la déclaration
d'affectation est opposable et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité
professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le
patrimoine affecté ; 2° Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont
pour seul gage général le patrimoine non affecté. Toutefois, poursuit l’article,
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses
biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au
deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13. En cas
d'insuffisance du patrimoine non affecté, le droit de gage général des créanciers
mentionnés au 2° peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée lors du dernier exercice clos.

Partant, l’article L161-2 introduit par l’ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011


dans le Code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’en cas de procédure
d'exécution à l'encontre d'un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée,
celle-ci ne peut porter que sur le ou les biens sur lesquels le créancier a un droit de gage
général tel que défini par les dispositions de l'article L. 526-12 du code de commerce.

280. Dans la législation OHADA, l’« ’entreprenant » est un entrepreneur individuel,


personne physique qui, sur simple déclaration, exerce une activité professionnelle civile,
commerciale, artisanale ou agricole (art. 30 AUCG révisé).

339
établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27.
340
Créé par LOI n°2010-658 du 15 juin 2010 - art. 1 Modifié par LOI n°2016-1691 du 9 décembre 2016 - art.
128.

200
Selon l’article 30 al. 7 AUDCG, « chaque État partie fixe les mesures incitatives pour
l'activité de l'entreprenant notamment en matière d'imposition fiscale et
d'assujettissement aux charges sociales », mais pas exclusivement. Dans ces pays, le droit
de gage général reste une prérogative souveraine que le droit harmonisé n’a pas
abrogé341. Le législateur OHADA a seulement reçu compétence pour harmoniser quelques
aspects du droit des affaires portant atteinte au droit de gage général des créanciers,
comme il sera exposé dans les propos qui suivront. Dès lors, il subsiste (ou est susceptible

341
Avis CCJA sur l’effet abrogatoire des actes uniformes ici reproduit : « L'acte 10 du traité de l'OHADA
contient une règle de supranationalité puisqu'il prévoit l'application directe et obligatoire des Actes
uniformes dans les États parties et leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou
postérieures. En vertu du principe de supranationalité, l'article 10 contient une règle relative à l'abrogation
du droit interne par les actes uniformes.
Sauf dérogation prévue par les actes uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10 concerne
l'abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne présent, ou l'interdiction de tout texte
législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir. Cette abrogation concerne toute disposition de droit
interne ayant le même objet que celles des actes uniformes, qu'elle soit contraire ou identique. Selon les cas
d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de cet
article. Les dispositions abrogatives contenues dans les actes uniformes sont conformes à l'article 10 du
Traité de l'OHADA. L'effet abrogatoire du droit uniforme de l'OHADA découlant du Traité lui-même et les
Actes uniformes découlant de celui-ci, il s'ensuit que les actes uniformes n'ont pas seule compétence pour
déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne. Il se déduit également des dispositions impératives et
suffisantes des articles 9 et 10 du Traité qui sont superfétatoires des textes d'abrogation expresse du droit
interne que pourraient prendre les États parties pour l'application des Actes uniformes. Selon les cas
d'espèce, une loi contraire peut s'entendre AUS bien d'un texte de droit interne ayant le même objet qu'un
Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles d' un autre Acte uniforme, que d'une
loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques-unes de celles-ci sont contraires;
dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles de l'Acte uniforme considéré
demeurent applicables. Dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt
économique, les formules "lois contraires" et "dispositions contraires" indifféremment employées sont
équivalentes. Les dispositions de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE étant d'ordre public
et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, régissent
des sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini. Toutefois, à l'égard
de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme précité laisse subsister les dispositions législatives
auxquelles lesdites sociétés sont soumises. Les "dispositions contraires" s'entendent de tout texte législatif
ou réglementaire contredisant dans la forme, le fond ou l'esprit, les dispositions d'un acte uniforme. 82COUR
COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE La disposition abrogatoire de l'article 257 de l'Acte uniforme sur
les procédures collectives d'apurement du passif concerne AUS bien l'abrogation des dispositions antérieures
contraires à celles de cet Acte uniforme que l'interdiction de l'adoption de dispositions contraires
postérieures. L'article 35 de l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage, selon lequel " le présent Acte uniforme
tient lieu de loi à l'arbitrage dans tous les États parties" doit être interprété comme substituant cet Acte aux
lois nationales existantes en la matière, sous réserve des dispositions non contraires susceptible d'exister en
droit interne. Le droit fiscal ne fait pas encore partie des matières rentrant dans le domaine du droit des
affaires à harmoniser, tel que défini par l'article 2 du Traité. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures
à la date d'entrée en vigueur de l'Acte concerné mettent en œuvre des mesures conservatoires ou
d'exécution forcée ou des procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte uniforme, ces procédures
fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-ci. (CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil
de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 74). OHADAta J-02-04.

201
d’apparaître) en dehors de l’OHADA des atteintes au droit de gage général qui sont autant
de dissonances dans l’harmonie voulue par l’OHADA, dès lors qu’elles ne lui sont pas
contraires342 ; mais qui sont autant d’opportunités pour encourager la création
d’entreprise sous le statut d’entreprenant.

La question de la compatibilité avec l’OHADA peut être posée. En effet, le droit de gage
général des créanciers OHADA peut-il se limiter à un patrimoine affecté à l’activité
professionnelle sans pouvoir appréhender les biens privés de l’entrepreneur individuel ?
A priori, une réponse négative devrait s’imposer puisque le droit OHADA n’institue pas de
patrimoine affecté à l’activité. Dans sa première mouture, l’OHADA ne paraît d’ailleurs pas
connaître le patrimoine d’affectation quelle que soit sa finalité. Ce faisant, en dehors de la
société, le droit OHADA, de prime abord au moins, semblait « ignorer » l’idée qu’une
personne puisse disposer de plusieurs patrimoines. Cependant, plusieurs arguments
militent en faveur de la compatibilité d’un dispositif analogue à celui de l’EIRL française
instituée dans une législation nationale avec l’OHADA.

Spécialement, l’article 28 AUPSRVE ne semble pas incompatible avec l’idée d’affectation


d’un patrimoine à l’activité professionnelle. En effet, cet article dispose que « A défaut
d'exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans
les conditions prévues par le présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à
exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer
la sauvegarde de ses droits. Sauf s'il s'agit d'une créance hypothécaire ou privilégiée,
l'exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas d'insuffisance de
ceux-ci, sur les immeubles ». Le lien avec le droit à l’exécution du débiteur est évident,

342
Ce point est régulièrement rappelé par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) chargée de
veiller à l’application harmonieuse de droit OHADA, dans son rôle de Cour Suprême. Ainsi, rappelle-t-elle
qu’En application de l'article 10 du Traité de l'OHADA, les dispositions de droit interne, notamment celles du
code civil et de l'ordonnance n° 97-002 du 10 janvier 1997, ne peuvent recevoir application qu'en ce qu'elles
sont conformes avec celles de l'OHADA en l’espèce, les parties à une telle société annulée doivent reprendre
chacune les biens apportés à la société, en application de l'article 857 de l'AUSCGIE, qui s'impose aux
juridictions nigériennes(Cour d'Appel de Niamey - Arrêt n° 96 du 18 août 2003, Dame Roufai Fatoumata C/
Frédéric Jean Berthoz). OHADAta J-04-83.

202
mais le lien entre la personne du débiteur et le patrimoine au sens orthodoxe du terme
n’est pas établi.

La révision de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés a été l’occasion de clarifier
ce point. Tout d’abord en qualifiant de sûreté le patrimoine affecté à des fins de garantie
d’une créance et en qualifiant de patrimoine d’affectation les biens transférés à l’agent
des sûretés à des fins de gestion. Ce faisant, il est permis d’en déduire que l’existence de
patrimoines d’affectation en dehors de l’OHADA est envisagée, mais limitée par l’AUS.

Enfin, l’institution de l’ « entreprenant » OHADA par la révision de l’Acte uniforme relatif


au droit commercial général paraît encourager l’institution d’un tel dispositif.
L'entreprenant est un entrepreneur individuel, personne physique qui, sur simple
déclaration prévue dans le présent Acte uniforme, exerce une activité professionnelle
civile, commerciale, artisanale ou agricole343. Si « chaque État partie a reçu du législateur
OHADA la faculté de fixer les mesures incitatives pour l'activité de l'entreprenant », reste
à déterminer comment inciter les micro-entrepreneurs à quitter l’économie informelle
pour embrasser le statut d’entreprenant propre à les faire entrer dans l’économie
formelle. Le législateur OHADA donne quelques orientations des mesures incitatives,
lesquelles sont notamment en matière d'imposition fiscale et d'assujettissement aux
charges sociales. Le législateur OHADA paraît ainsi donner de simples directives sans
fermer la porte à l’institution d’un patrimoine affecté à l’activité professionnelle. L’emploi
de l’adverbe « notamment » est particulièrement éloquent à cet égard. Dans le cas

343
L'entreprenant conserve son statut si le chiffre d'affaires annuel généré par son activité pendant deux
exercices successifs n'excède pas les seuils fixés dans l'Acte uniforme portant organisation et harmonisation
des comptabilités des entreprises au titre du système minimal de trésorerie. Ce chiffre d'affaires annuel est
en ce qui concerne les commerçants et les artisans, d'une part, celui de leurs activités de vente de
marchandises, d'objets, de fournitures et denrées ou de fourniture de logement et, d'autre part, celui de
leurs activités de prestations de services, et, en ce qui concerne les agriculteurs, celui de leurs activités de
production. Lorsque, durant deux années consécutives, le chiffre d'affaires de l'entreprenant excède les
limites fixées pour ses activités par l'État partie sur le territoire duquel il les exerce, il est tenu, dès le premier
jour de l'année suivante et avant la fin du premier trimestre de cette année de respecter toutes les charges
et obligations applicables à l'entrepreneur individuel. Dès lors, il perd sa qualité d'entreprenant et ne
bénéficie plus de la législation spéciale applicable à l'entreprenant. Il doit en conséquence se conformer à
la réglementation applicable à ses activités. L'entreprenant, qui est dispensé d'immatriculation au Registre
du Commerce et du Crédit Mobilier, est tenu de déclarer son activité tel qu'il est prévu dans le présent Acte
uniforme.

203
contraire, s’il avait entendu interdire, ou plutôt si les États avaient permis au législateur
OHADA d’entamer un peu plus leur souveraineté sur ce point précis, il aurait été
préférable d’employer l’adverbe « exclusivement ». Cependant, le dispositif institué de
manière unilatérale dans un État partie est source d’une dissonance supplémentaire dans
l’harmonie.

281. Conclusion 2. Ainsi, les arguments en défaveur de la compatibilité de l’EIRL institué


dans une loi nationale avec l’OHADA sont peu nombreux si l’on admet que, déjà, il coexiste
en dehors de l’OHADA des sociétés, notamment civiles, et des patrimoines d’affectations
en marge de l’OHADA344. L'introduction en droit positif d'une EIRL dans une législation
nationale d'un Etat partie à l'OHADA produirait comme en France une division du
patrimoine du débiteur, et avec lui du droit de gage général des créanciers.

282. Résumé B. Les dérogations au principe de généralité des poursuites du créancier


chirographaire permettent à une personne de disposer de plusieurs patrimoines sans le
truchement de la personnalité morale. Les techniques que sont la fiducie et le patrimoine
d’affectation professionnelle sont présentes dans la législation française et l’OHADA.
Toutefois, le législateur africain réduit la portée de leurs applications en n’instituant que
la fiducie-sûreté et le patrimoine d’affectation de l’agent des sûreté. Autrement dit, toute
autre application introduite dans une législation nationale d’un Etat Partie au traité serait
compatible avec l’OHADA a priori.

283. Conclusion 2§. Les rédacteurs du Code civil avaient prévu d’affecter au
recouvrement des créances le patrimoine du débiteur, défini comme l’universalité au sein
de laquelle les biens (l’actif) répond des dettes (le passif) d’une personne. Ainsi, selon la
théorie du patrimoine, l’entrepreneur individuel ou le commerçant, engageait toute sa
fortune envers ses créanciers professionnels ou commerciaux, sans pouvoir soustraire à
leurs poursuites ses biens personnels. Le droit de gage général des créanciers, comme le
patrimoine, étaient donc un et indivisibles.

344
Toutefois, la révision récente de l’AUSGIE peut encore constituer un frein à l’institution d’un patrimoine
affecté à l’activité professionnelle par la définition qu’il donne de la succursale.

204
Cependant, aujourd’hui, dans les législations OHADA et française, on observe un recul de
la théorie du patrimoine, notamment pour limiter le risque de l'entreprise pour leur
fortune personnelle. Cet objectif est clairement affiché par le législateur OHADA avec
l’institution de l’entreprenant lequel est un entrepreneur individuel, personne physique
qui, sur simple déclaration, exerce une activité professionnelle civile, commerciale,
artisanale ou agricole (art. 30 AUSCG révisé345).

284. Comme en France, les atteintes au droit de gage général prennent tantôt la forme
d’exceptions (société, insaisissabilité…) ou de dérogation au principe de généralité des
poursuites du créancier chirographaires (fiducie, patrimoine d’affectation…). La somme
des exceptions et dérogations au droit de gage général du créancier chirographaire
laissent à penser que cette prérogative est plus formelle que substantielle dans les
législations en cause.

285. Résumé I. Le créancier chirographaire d’un débiteur in bonis qui choisit de faire face,
seul, aux difficultés qu’il rencontre, n’est pas en dehors du droit. Il est tenu d’exécuter ses
obligations envers ses créanciers conformément à ce qui est convenu. Si l’obligation porte
sur le paiement d’une somme d’argent, le débiteur doit payer spontanément s’il ne veut
pas y être contraint, y compris par le créancier chirographaire.

286. Lorsque le créancier chirographaire est normalement diligent et informé du


patrimoine de son débiteur, la garantie du droit de gage général, avec la règle du paiement
au prix de la course qui donne la prime au plus rapide, il lui suffit d’être prompt à faire
valoir ses droit pour que sa qualité de créancier chirographaire ne lui nuise. En effet, il ne
suffit pas d’avoir une sûreté, encore faut-il savoir la mettre en œuvre, c’est la même chose
avec le droit de gage général.

345
L’arrivée de l’entreprenant est inspirée d’initiatives du même ordre dans plusieurs législations,
notamment de la loi française n° 2008-776 du 4 août 2008, dite « loi de modernisation de l’économie »
(LME, entrée en application le 1er janvier 2009), créant ce que la pratique a appelé́ l’auto-entrepreneur.
Revue Droit & Patrimoine N° 201 – Mars 2011, page 67.

205
287. Finalement, l’égalité n’est un risque que pour le créancier chirographaire mal
informé, non diligent avec une relation peu privilégiée avec son débiteur in bonis resté en
dehors du droit des entreprises en difficultés, et qui par ailleurs choisit d’appliquer à son
patrimoine toute les libertés que lui offrent les textes pour le réaménager, de telle sorte
que son activité lui fasse courir le moindre risque. Ainsi formulé, le risque est anecdotique,
mais réel pour ce créancier, s’il existe. En effet, privé d’effet réel, le débiteur fait ce qu’il
veut de ses biens, la procédure de liquidation s’ouvre sur le constat du vide.

II- L’égalité relativisée

288. « Quel que soit le nom dont on baptise une procédure de concours (…), le test
essentiel est le dividende qui revient à la piétaille des créanciers rassemblés à l’intérieur de
la masse, sous la bannière de l’égalité »346. Cette réflexion de bon sens invite le créancier
chirographaire avisé à s’interroger sur la consistance du patrimoine appréhendé par la
procédure collective de liquidation des biens OHADA, pour apprécier sereinement, dans
le contexte du droit des entreprises en difficultés, les mérites du droit de gage général à
titre de garantie de la créance de payer une somme d’argent. Pour aboutir dans cette
réflexion, il est opportun d’observer l’effet réel de la procédure collective parce qu’il
emporte saisie du gage commun des créanciers dès le prononcé de la décision
d’ouverture.

289. A priori, partout où la saisie est absente, l’inégalité du paiement est de droit pour le
créancier chirographaire diligent puisqu’il semble que c’est de la saisie que procède le
concours et du concours que surgit l’égalité du paiement entre créanciers chirographaires.
Aussi, c’est en suivant la trace des biens susceptibles de tomber sous l’emprise de l’effet
réel de la procédure collective qu’un tel créancier chirographaire peut apprécier la valeur
du minimum de garantie d’exécution des créances : le droit de gage général. En effet
pourquoi conclure une sûreté si, finalement, l’actif mis en relation avec le passif de
l’entreprise en liquidation laisse apparaitre que, nonobstant la gratuité de la garantie du

346
Gaston Lagarde, Communication in Actualités de droit de l’entreprise 1968 (Travaux de la Faculté de
Droit de Montpellier), p. 81.

206
droit de gage général, celle-ci s’avère au moins aussi efficace que la moindre des sûretés
conventionnelle conférant la préférence sur le prix et un droit de suite ? Selon Marc
Sénéchal, « l’étude de l’effet réel conduit au dévoilement d’une sorte de « méta-égalité »
commune à tous les créanciers chirographaires ou titulaires de sûretés. Elle est
consubstantielle à l’organisation collective de la réalisation et de la distribution du gage
commun. Elle est une caractéristique propre au droit des procédures collectives en ce que
son objet est d’empêcher l’anarchie des poursuites. Elle n’est pas apparue plus clairement
dans le passé parce que son dévoilement progressif résulte en grande partie de
l’effacement (…) des différences de traitement par le droit des procédures collectives des
créanciers chirographaires et des créanciers titulaires de sûreté »347.

290. Le créancier « quelconque ». Toujours selon cet auteur, « le droit de poursuite


collective épouse les contours du droit de gage général d’un créancier quelconque, c’est-à-
dire du créancier dont la situation est ordinaire et qui n’a du patrimoine de son débiteur
que la connaissance que l’on peut attendre du « bon père de famille » lorsqu’il est
créancier. La poursuite collective porte alors sur un gage de principe qui n’est pas réduit à
celui qui est commun à tous, mais qui n’englobe pas non plus les gages réservés par la loi
à certains créanciers »348. Toutefois, « cette globalisation ne permet pas d’englober des
biens qui constitue l’assiette d’un droit de poursuite exclusif au profit de certains
créanciers. Ceux-là conservent leur droit de poursuite individuelle sur le bien qui leur est
réservé. Par exemple, même si l’insaisissabilité qui frappe un bien du débiteur est
inopposable à certains de ses créanciers antérieurs, la procédure collective ne saurait
atteindre ce bien car la collectivisation des poursuites porte sur le gage de principe du
créancier quelconque et non sur les gages réservés »349.

De fait, on peut déjà à ce stade observer qu’il y a des créanciers plus chirographaires que
d’autres : ceux qui disposent du gage d’un créancier « quelconque », et ceux qui disposent

347
Marc Sénéchal, « l’effet réel de la procédure collective : essai sur la saisie du gage commun des
créanciers », Bibliothèque droit de l’entreprise, Litec, p. 18 n°8 §1.
348
Marc Sénéchal, thèse précitée, p. 22 n°11 § 3.
349
Marc Sénéchal, thèse précitée, p. 23 n°12 § 2.

207
d’un gage réservé. Pour ceux-là, le risque de l’égalité du paiement en cas de concours est
réduit à la quantité de créanciers qui, comme lui, disposent du même droit de saisie sur
ces biens. Le raisonnement doit être étendu aux créanciers qui ont des droits que le
débiteur a délibérément placé hors d’atteinte du droit de gage général des créanciers par
voie d’exceptions ou de dérogations au principe de généralité des poursuites du créancier
chirographaire. Il nous faut concéder toutefois qu’il n’y a pas de décisions à ce sujet dans
l’OHADA. C’est donc un parti pris que nous assumons de prendre par anticipation
d’évolutions législatives futures de considérer que l’incitation faite aux Etats Parties pour
adapter le statut d’ « entreprenant » se trouve complétée opportunément, outre les
mesures fiscales auxquelles pense directement le législateur OHADA, par le biais des atteintes
au droit de gage général instituées dans la législation française. Les évolutions consacrées dans
le droit harmonisé mènent tout droit vers ce démantèlement de la théorie du patrimoine étendu
à tous.

291. On se réfèrera donc au modèle du créancier « quelconque » pour répondre à la


question de savoir si le créancier chirographaire d’un débiteur en difficultés soumis une
procédure instituée dans le cadre de l’AUPCAP révisé ou du Code de commerce, un
entrepreneur individuel par exemple, est nécessairement contraint à l’égalité du paiement
en cas de concours. Pour le savoir, il faut déterminer l’actif appréhendé par l’effet réel
pour apprécier ce qui fait l’objet du concours et donc du paiement égalitaire entre
créanciers chirographaires (1§). Il faut ensuite évaluer le passif appréhendé par la
procédure de liquidation, c’est-à-dire la somme des autres créanciers « quelconques » qui,
a priori, sont soumis à la procédure collective et peut-être au paiement égalitaire en cas
de concours entre créanciers chirographaires (2§).

1§-L’actif résiduel

292. Les travaux menés sur l’effet réel de la procédure collective donnent une sensation
d’opulence du gage commun des créanciers qu’il a vocation à saisir. Or c’est l’inverse. Le
législateur OHADA et le législateur français appréhendent dans leurs législations
respectives le patrimoine d’une entreprise débitrice, pour y appliquer les solutions de

208
sauvetage s’il y a lieu ou, au contraire, acter de la nécessité de la liquider. Outre la viabilité
de l’entreprise débitrice, le critère prépondérant est celui de l’état de cessation des
paiements. « C’est donc à la fois une notion juridique et comptable qui est retenue et
qu’avait dégagé la jurisprudence. (…) elle ne suppose pas que l’entreprise se trouve dans
une situation complètement obérée et sans issue. La cessation des paiements peut au
contraire, correspondre à des difficultés passagères mais, tout de même, plus prononcées
qu’une gêne momentanée de trésorerie »350. La jurisprudence dans les Etats parties à
l’OHADA est abondante. Ainsi, un arrêt rendu par une cour d’appel de Ouagadougou au
351
Burkina Faso a décidé qu’« en l’absence de cessation de paiement, l’existence d’une
situation financière difficile mais surmontable du débiteur ne conduit pas nécessairement
à l’ouverture d’une procédure de liquidation des biens, mais à une procédure autre que
celle-ci »352.

293. La cessation des paiements est l'état où le débiteur se trouve dans l'impossibilité de
faire face à son passif exigible avec son actif disponible353 (art. 25 AUPCAP révisé). Il faut
donc s’intéresser à l’affectation qui est faite du patrimoine de l’entreprise en difficultés.
Plus particulièrement, il s’agit de se demander à partir de quel moment intervient
l’affectation de l’actif à la liquidation pour apprécier si, à ce stade, les chances d’obtenir
un paiement substantiel restent réalistes pour le créancier chirographaire « quelconque ».

294. L’actif disponible peut s’entendre de l’actif immédiatement utilisable, mobilisable,


c’est-à-dire de l’ensemble des sommes en caisse mais aussi des effets de commerce à vue,
ou encore du solde créditeur des comptes bancaires. Il n’est cependant pas défini par le
législateur OHADA. En droit français, la jurisprudence permet d’en fixer les contours. Elle

350
Corinne Saint-Alary-Houin, « Droit des entreprises en difficulté », Montchrétien 5ème édition 2006 p. 202
n°378.
351
Chambre civile et commerciale, arr. n°84, 21 novembre 2003, Aff. Société Sahel Compagnie (SOSACO) c/
Syndics liquidateurs de la SOSACO.
352
Cette décision rendue sous les auspices de l’ancien AUPCAP suggère donc que l’entreprise débitrice
devait bénéficier plutôt d’une procédure de règlement préventif, seule procédure ouverte sur l’absence de
cessation des paiements à l’époque.
353
à l'exclusion des situations où les réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie
de la part de ses créanciers lui permettent de faire face à son passif exigible.

209
estime notamment que l’actif disponible ne s’entend pas des immobilisations. La Cour de
cassation française354 a également estimé qu’il fallait refuser de prendre en compte une
garantie à première demande sur laquelle l’entreprise pouvait compter355. La Haute
juridiction française considère en effet qu’il convient de se placer au jour où le juge doit
se prononcer pour apprécier si l’entreprise est en cessation des paiements. Ce faisant, un
crédit futur (ce qu’est in fine la garantie à première demande) ne doit pas être pris en
compte.

295. Dans l’AUPCAP révisé comme en droit français, tant que le débiteur se trouve dans
la possibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (1) le débiteur est
in bonis, il n’y a pas d’effet réel. En revanche, s’il est dans l'impossibilité de faire face à son
passif exigible avec son actif disponible il y a cessation des paiements, et l’effet réel de la
procédure collective se réalise. L’effet réel peut être ainsi retardé pour rechercher le
sauvetage de l’entreprise en difficultés (2).

A- L’actif supérieur au passif exigible

296. Généralités. L’AUPCAP révisé, comme le Code de commerce français, met en place
des moyens en vue de sauver les entreprises in bonis, celles dont le débiteur est dans la
possibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible. Il s’agit des
procédures de médiation (a) ; de conciliation (b) et de règlement préventif (c). Dans ces
procédures, l’effet réel des procédures collectives ne se déploie pas. Toutefois, pour faire
émerger l’esprit de concorde (de bon gré ou malgré les créanciers conviés à la table des
négociations) duquel doit émerger un accord devant mettre un terme aux difficultés de
l’entreprise, les législations OHADA et française empruntent des mécanismes duquel
procède l’effet réel de la procédure collective. On peut, à notre sens, parler d’effet réel
modulé à la convenance du débiteur lorsque le recouvrement des créances est paralysé à
sa demande, comme c’est le cas lorsque le débiteur est en procédure de médiation. On
peut aussi parler d’effet réel modulé lorsque le législateur, constatant des difficultés plus

354
Cass. Com. , 26 juin 1990, RTD com. 1991, p. 452, obs. Ph Merle, D. 1992, somm. p. 2, obs. Derrida.
355
Cass. Com. 11 juillet 1988, sté. Eur. c/BNP, inédit ; 20 nov. 1973, Bull. civ. IV, 1973.IV.400.

210
préoccupantes, prévoit l’arrêt des poursuites individuelles des créanciers et l’interdiction
des paiements par le débiteur non dessaisi pour permettre d’envisager sereinement les
modalités d’un accord entre créanciers et débiteur.

297. Selon que les difficultés éprouvées par le débiteur seront plus ou moins intenses,
l’AUPCAP révisé institue dans l’ordre, une procédure de médiation (1), puis une procédure de
conciliation (2) et enfin, une procédure de règlement préventif (3).

1-La procédure de médiation

298. Toute entreprise a la faculté de demander356, avant la cessation de ses paiements,


l'ouverture d'une procédure de médiation selon les dispositions légales de l'État partie
concerné357 (art. 1-2 al. 1er AUPCAP révisé). Toutefois, l’AUPCAP révisé n’encadre pas les
modalités de cette médiation. L’'introduction d'un acte uniforme relatif à la procédure de
médiation (AUM) le 23 février 2018 a permis de donner un cadre uniforme propice à
trouver des solutions pour le sauvetage de l'entreprise en difficultés que l’on présume
légères mais suffisantes pour qu’il soit nécessaire qu’un médiateur aide à trouver des
solutions opportunes. Selon l’AUM, « le terme « médiation » désigne tout processus,
quelle que soit son appellation, dans lequel les parties demandent à un tiers de les aider à
parvenir à un règlement amiable d'un litige, d'un rapport conflictuel ou d'un désaccord (ci-
après le « différend ») découlant d'un rapport juridique, contractuel ou autre ou lié à un tel
rapport, impliquant des personnes physiques ou morales, y compris des entités publiques
ou des États » (art. 1 al 1-a)-a1er AUM). La médiation peut être mise en œuvre par les
parties (médiation conventionnelle), sur demande ou invitation d'une juridiction étatique
(médiation judiciaire), d'un tribunal arbitral ou d'une entité publique compétente (art. 1
al 2 AUM). La médiation peut être ad hoc ou institutionnelle (art. 1 al. 3 AUM). Le fait de
recourir à une institution de médiation emporte adhésion des parties au Règlement de
médiation de ladite institution (art. 3 AUM).

356
Sans préjudice de l'application des procédures dans l’AUPCAP.
357
l’acte uniforme relatif à la médiation vient de paraître voir deuxième partie.

211
299. L’institution de la procédure de médiation n’est pas sans rappeler celle de la pratique
du mandataire ad hoc358 dans le Code de commerce où « le président du tribunal peut, à
la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le
débiteur peut proposer le nom d'un mandataire ad hoc » (art. L611-3 C.com359). Il est
cependant regrettable que le médiateur ne soit pas spécifique à la médiation dans le cadre
des difficultés de l’entreprise. En France, le recours au mandataire ad'hoc comme
l'encadrement de sa mission sont le fruit d'une construction lente jurisprudentielle née de
la pratique du tribunal de commerce de Paris. On peut espérer que le choix du médiateur
saura présenter un même niveau d’expertise. Ce choix selon l’AUM revient aux parties
(art. 5 al. 1er AUM). Au moment de sa désignation, le médiateur confirme, dans une
déclaration écrite, son indépendance et son impartialité ainsi que sa disponibilité pour
assurer la procédure de médiation (art. 6 al. 1er AUM). Les parties sont libres de convenir,
y compris par référence à un règlement de médiation, de la manière dont la médiation
doit être conduite (art. 7 al. 1er AUM). Le médiateur et toute institution établie dans l'un
des Etats Parties offrant des services de médiation adhèrent aux principes garantissant le
respect de la volonté des parties, l'intégrité morale, l'indépendance et l'impartialité du
médiateur, la confidentialité et l'efficacité du processus de médiation. Le médiateur
s'assure que la solution envisagée reflète réellement la volonté des parties dans le respect
des règles d'ordre public (art. 8 AUM).

La procédure de médiation prend fin selon l’article 12 AUM par : a) la conclusion d'un
accord écrit issu de la médiation signé par les parties et, si celles-ci en font la demande,
par le médiateur ; b) la déclaration écrite du médiateur indiquant, après consultation des
parties, que de nouveaux efforts de médiation ne se justifient plus, à la date de la
déclaration, ou lorsqu'une des parties ne participe plus aux réunions de médiation malgré

358
Art. L611-3 Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 3 Le président du tribunal peut,
à la demande d'un débiteur, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission. Le débiteur peut
proposer le nom d'un mandataire ad hoc. La décision nommant le mandataire ad hoc est communiquée
pour information aux commissaires aux comptes lorsqu'il en a été désigné. Le tribunal compétent est le
tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et le tribunal de grande
instance dans les autres cas.
359
Modifié par LOI n°2016-1547 du 18 novembre 2016 - art. 99 (V).

212
des relances du médiateur ; c) la déclaration écrite des parties adressée au médiateur
indiquant qu'elles mettent fin à la procédure de médiation, à la date de la déclaration ; d)
la déclaration écrite d'une partie adressée à l'autre partie ou aux autres parties et, si un
médiateur a été nommé, au médiateur, indiquant qu'il est mis fin à la procédure de
médiation, à la date de la déclaration ; ou e) l'expiration du délai de médiation sauf si les
parties décident conjointement de prolonger ce délai en accord avec le médiateur. C’est à
la partie qui entend se prévaloir de la fin de la médiation qu’il appartient d'en apporter la
preuve ; elle peut le faire par tout moyen. Lorsque la médiation ordonnée par le juge ou
par l'arbitre prend fin sans que les parties ne parviennent à un accord, la procédure
judiciaire ou arbitrale reprend son cours normal. Lorsqu'une telle procédure de médiation
prend fin par accord amiable des parties, le juge ou l'arbitre constate cet accord, qui peut
faire l'objet d'exécution conformément à l'article 16 de l’Acte uniforme.

300. En cours de procédure de médiation, il devrait être possible pour le débiteur acculé
par les assauts de ses créanciers de demander la protection de l’article 39 AUPSRVE en
vertu duquel il est prévu que, si le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie
le paiement d'une dette, même divisible (art. 39 al. 1er AUPSRVE), le juge peut tenir
compte de sa situation360 et reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans
la limite d'une année361. Il peut également décider que les paiements s'imputeront d'abord

360
Sur la preuve des difficultés voir notamment : Cour d’Appel d’Abidjan 2ème Chambre civile et
commerciale B, arrêt n° 278 du 08 juillet 2011, Affaire: Mr ATTIA Guillaume c/ Mr FOFANA Inza. Juris
OHADA, 2011, n° 4, octobre- décembre, p. 39. OHADAta J-13-15Tel est le cas notamment Dès lors que la
dette du débiteur envers le créancier, dette qui représente le solde débiteur du compte du débiteur dans les
livres du créancier est justifiée, le débiteur doit être condamné au paiement de cette dette. La demande de
délai de grâce présentée par ce débiteur est rejetée dès lors qu’il ne produit aucun élément justificatif de la
morosité́ des affaires qu’il invoque à l’appui du non-paiement de sa dette. Tribunal de Grande Instance de
la MIFI, Jugement n° 17/Civ. du 18 mai 2010, Affaire : Bicec contre Ets Tchio Jean Pierre, Tchio Jean Pierre
OHADAta J-12-10.

361
Sur le renouvellement du délai de grâce : voir Cour d'appel de Bouaké arrêt civil contradictoire n°
85/2000 du 24 mai 2000 AFFAIRE: KONE SOULEYMANE C/ LA SOCIETE PERYSSAC AFRIC-AUTO OHADAta J-
06-129 En l’espèce, un acquéreur de véhicules qui est sous le coup d'une procédure de saisie-vente pour non-
paiement du prix fait grief à l'ordonnance de référé́ du Président du Tribunal d'avoir rejeté́ sa demande de
délai de grâce et ordonné la continuation des poursuites. Pour la Cour d'appel, celui qui a déjà̀ bénéficié́ d'un
délai de grâce de douze mois ne peut valablement prétendre à un autre délai sans violer l'article 39 AUPSRVE

213
sur le capital362 (art. 39 al. 2 AUPSRVE) et subordonner ces mesures à l'accomplissement,
par le débiteur, d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette (art. 39 al.
3 AUPSRVE). Mais, la demande doit émaner d’un débiteur de bonne foi363.

301. Dans un arrêt rendu le 2 juin 2005, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a eu
l’occasion de présenter ce que devrait être une juste application de l’article 39
AUPSRVE364. Ainsi, « doit être cassé, pour violation de l'article 39 de l'Acte uniforme sus
énoncé́, l'arrêt de la Cour d'appel qui, pour accorder le délai de grâce à la Société́
INDUSCHIMIE pour le paiement de sa dette à l'égard de Madame KHOURI Marie, n'a fait
état, ni donné son appréciation des besoins de la créancière, Madame KHOURI, se bornant
à̀ indiquer que c'est pour permettre à̀ celle-ci de percevoir régulièrement sa créance qu'elle

qui limite à une année le report ou l'échelonnement de paiement accordé à un débiteur. Par conséquent
l'ordonnance attaquée mérite confirmation pure et simple.

362
Cour d’appel de Cotonou arrêt n° 209/2001 du 12 juillet 2001, AFFAIRE Sté Générale de Commerce
Industrie et Services « S.G.C.I.S » C/ Banque béninoise de Développement (BBD) OHADAta J-06-74 Dans
cette affaire, Une banque en liquidation obtient du Tribunal de Première Instance la condamnation, au
principal, d'une société́ débitrice lui ayant effectué́ des paiements partiels, à un montant représentant plus
du double de la somme prêtée. Sur recours de la société́ débitrice, la Cour d'appel annule le jugement
querellé au motif que, si en vertu de l'article 1254 du Code civil, il appartient au créancier de décider si les
paiements partiels effectués doivent s'imputer sur le principal ou sur les intérêts, il résulte de l'article 39 al.
2 in fine de l'Acte Uniforme portant procédures simplifiées et voies d'exécution que cette prérogative
appartient désormais aux juridictions saisies qui peuvent en décider en considération tant de la situation du
débiteur que du créancier ; que s'agissant d'une société́ débitrice qui, en près de vingt ans n'a pas acquitté
le cinquième de sa dette, la sagesse commande que le créancier puisse recouvrer d'abord ses créances en
principal, avant de penser au recouvrement probable d'intérêts. En application de l'article 39 de l'Acte
Uniforme OHADA portant organisation des Procédures Simplifiées de recouvrement, il appartient aux
juridictions de décider, en considération de la situation tant du débiteur que du créancier, si les paiements
partiels effectués doivent s'imputer sur le principal ou sur les intérêts.

363
Voir : Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Formation civile.- arrêt n° 383 du 06 juillet
2006.- Affaire : la Liquidation Sid-Trading c/ - Société́ Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ; - la
Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale, dite BIAO-CI.- Le Juris-OHADA n° 3 – Juillet - Août -
Septembre 2008, p. 47. OHADAta J-08-281 Telle n’est pas le cas notamment de la dette du débiteur envers
le créancier qui représente le montant d’un chèque impayé́ est ancienne et que le débiteur ne justifie d’aucun
élément à l’appui du non- paiement même partiel de sa dette, ce débiteur doit être considéré́ comme de
mauvaise foi. Par conséquent, la demande de discontinuation des poursuites et de délai de grâce par lui
présentée doit être rejetée. Tribunal de Grande Instance de la MIFI, Jugement n° 34/Civ du 17 Janvier 2006,
Affaire : Mokathe Jean contre Sitio Abraham. OHADAta J-12-09.

364
CCJA, arrêt n° 35 du 2 juin 2005, Dame KHOURI Marie c/ 1°/ SOCIETE HYJAZI SAMIH et HASSAN dite
INDUSCHIMIE ; 2°/ SOCIETE GENERALE de BANQUES en COTE D'IVOIRE dite SGBCI, Recueil de jurisprudence
de la COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE, n° 5, janvier-juin 2005, volume 2, p. 52 ; Le Juris-
OHADA, n° 4/2005, juillet-septembre 2005, p. 8. OHADAta J-06-14.

214
ramène à 1.000.000 F la somme mensuelle à payer par INDUSCHIMIE. Ce faisant, la Cour
d'appel ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article 39 l'Acte uniforme précité́. De
même, en ramenant à un million (1.000.000) de francs CFA le montant de la somme à
verser mensuellement par INDUSCHIMIE à Madame KHOURI dont la créance totale en
principal, intérêts et frais s'enlève à 28.910.515 F CFA, la Cour d'appel a décidé́
d'échelonner le paiement des sommes dues au-delà̀ de « la limite d'une année » fixée par
ledit article 39. Lorsque la saisie-attribution de créances pratiquée par le créancier entre
les mains du tiers saisi a fait l’objet de contestations et que ces contestations ont été́
tranchées définitivement par une décision de maintien de la saisie n’ayant pas fait l'objet
de recours dans le délai légal, ces contestations tranchées ne peuvent plus être à̀ nouveau
soulevées sans violer le principe de l'autorité́ de chose jugée et sans violer l'article 154 de
l'Acte uniforme susvisé́; par ailleurs l'effet attributif immédiat de la saisie attribution
entrainant transfert instantané́ de la créance saisie disponible dans le patrimoine du
saisissant, le juge de l'exécution ne peut pas suspendre les effets de ladite saisie-attribution
en accordant des délais de paiement; qu'il suit qu'il faut dire et juger que la saisie-
attribution de créances pratiquée au préjudice du saisi est maintenue et que la mesure de
délai de grâce à̀ lui accordée est annulée ».

302. Toutefois, si l’existence d’une telle mesure permettant de donner un répit au


débiteur est louable, on peut douter de son efficacité dans le contexte du droit des
entreprise en difficultés compte tenu des exceptions soulevées devant le juge qui
l’empêchent d’appliquer l’article 39 AUPSRVE. En effet, ce dernier doit prendre en
considération les besoins du créancier uniquement, et il a l’interdiction d’accorder un délai
pour les dettes d’aliments et les dettes cambiaires.

En droit français, l’article 1343-5 du Code civil365 fait montre d’une plus grande
mansuétude puisque le juge doit tenir compte de la situation du débiteur et prendre en
considération les besoins du créancier. Il peut reporter ou échelonner, dans la limite de
deux années, le paiement des sommes dues (al. 1er). Par décision spéciale et motivée, il

365
Créé par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 3

215
peut encore ordonner que les sommes qui correspondent aux échéances reportées
porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements
s'imputeront d'abord sur le capital (al. 2). Le juge peut aussi subordonner ces mesures à
l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de
la dette (al. 3). La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été
engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de
retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge (al. 4). Toute stipulation
contraire est réputée non écrite (al. 5). Ces dispositions ne sont cependant pas applicables
aux dettes d'aliment (al. 6).

303. Lorsque les difficultés deviennent plus sérieuses, il convient d’ouvrir une procédure
de conciliation (1), voire de règlement préventif (2).

1-La conciliation

304. Comme en droit français (art. L611-4 à 16 C.com), la révision de l’AUPCAP a introduit
dans le traitement des difficultés de l’entreprise OHADA une procédure dite de
« conciliation » (art. 5-1 à 5-14 AUPCAP révisé). Il s’agit d’une procédure préventive,
consensuelle et confidentielle, destinée à éviter la cessation des paiements de l'entreprise
débitrice afin d'effectuer, en tout ou partie, sa restructuration financière ou
opérationnelle pour la sauvegarder. Cette restructuration s'effectue par le biais de
négociations privées et de la conclusion d'un accord de conciliation négocié entre le
débiteur et ses créanciers ou, au moins ses principaux créanciers, grâce à l'appui d'un tiers
neutre, impartial et indépendant dit conciliateur (art. 2 al. 1er AUPCAP révisé). La décision
ouvrant la conciliation ou rejetant la demande d'ouverture ne fait l'objet d'aucune
publicité.

Il s'agit donc d’une procédure à la discrétion du débiteur, à laquelle les créanciers ne


peuvent que se soumettre dès lors qu'ils y sont appelé. Placée sous le signe du
consensualisme et de la confidentialité, la procédure de conciliation intervient a priori à

216
un stade de difficultés supérieur à celui qui peut justifier l'ouverture d'une procédure de
médiation ou le recours à un mandataire ad hoc. Aussi est-elle notamment conçue pour
prévenir des difficultés imminentes plus graves. Dans la législation OHADA, la procédure
de conciliation vise à éviter la cessation des paiements alors que, dans le cadre de la
procédure de conciliation française, sur des critères pourtant similaires, elle cherche à
sauver l'entreprise toutes les entreprises, dès lors qu'elles ne sont pas en cessation des
paiements depuis plus de 45 jours (art. L611-4 C.com.). Elle est à l'initiative du débiteur.

305. Selon l’article 5-3 AUPCAP révisé, la procédure de conciliation est ouverte par le
président de la juridiction compétente, statuant à huis clos, pour une durée n'excédant
pas trois mois mais qu'il peut, par une décision spécialement motivée, proroger d'un mois
au plus à la demande du débiteur, après avis écrit du conciliateur. A l'expiration de ces
délais, la conciliation prend fin de plein droit et il ne peut être ouvert une nouvelle
procédure de conciliation avant expiration d'un délai de trois mois (art. 5-3 AUPCAP
révisé).

La durée de la procédure est plus courte dans la législation OHADA (3 mois contre 4 en
France). Mais, dans les deux législations, il n'est pas possible pour le débiteur de demander
à bénéficier d'une nouvelle procédure de conciliation sans respecter un délai de 3 mois.

306. Dans la décision d'ouverture, le président de la juridiction compétente désigne un


conciliateur366 (Article 5-4.al. 1er AUPCAP révisé) qui a pour mission de favoriser la

366
Le conciliateur doit avoir le plein exercice de ses droits civils, justifier de sa compétence professionnelle
et demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties concernées par la conciliation. En particulier, il
ne doit pas avoir perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un
paiement de la part du débiteur intéressé, de tout créancier du débiteur ou d'une personne qui en détient
le contrôle ou est contrôlée par lui, au cours des vingt-quatre (24) mois précédant la décision d'ouverture.
Aucun parent ou allié du débiteur, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ne peut être désigné en qualité
de conciliateur. Il en va de même pour tout magistrat en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis
moins de cinq ans (al. 3 même article). Dès qu'il est informé de sa désignation, le conciliateur atteste qu'il
remplit, à sa connaissance, les conditions énoncées ci-dessus. À tout moment, durant le déroulement de la
conciliation, s'il lui apparaît qu'il ne remplit plus ces conditions, il en informe sans délai le président de la
juridiction compétente qui, s'il y a lieu, peut mettre fin à sa mission et nommer un remplaçant (al. 4 même
article). Les modalités de rémunération du conciliateur sont déterminées par le président de la juridiction
avec l'accord du débiteur au jour de l'ouverture de la conciliation. Les critères sur la base desquels elle est
arrêtée, son montant maximal chiffré et le montant des provisions sont précisés dans un document signé

217
conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses
cocontractants habituels, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de
l'entreprise (art. 5-5 al. 1er AUPCAP révisé)367. En cas d'impossibilité de parvenir à un
accord, le conciliateur présente sans délai un rapport écrit au président, qui met fin à sa
mission et à la conciliation, après avoir entendu le débiteur (art. 5-8 al. 1er AUPCAP révisé).
À tout moment, en l'absence de cessation des paiements, le débiteur peut demander à ce
qu'il soit mis fin à la mission du conciliateur et à la conciliation, auquel cas le président de
la juridiction compétente y met fin sans délai (art. 5-8 al. 2 AUPCAP révisé). La décision
mettant fin à la conciliation et à la mission du conciliateur en l'absence d'accord est
notifiée au débiteur, au conciliateur ainsi qu'aux créanciers et cocontractants appelés à la
conciliation, sans délai. Elle ne fait l'objet d'aucune publicité (art. 5-9 AUPCAP révisé).
Dans le cas où un accord est trouvé, l’article 5-10 AUPCAP révisé prévoit qu’à la requête
de la partie la plus diligente, l'accord signé peut être : déposé au rang des minutes d'un
notaire ; ou homologué ou exéquaturé par la juridiction ou l'autorité compétente statuant
à huis clos368. L’homologation ou l'exequatur est de droit et ne peut être refusé que si
l'accord est contraire à l'ordre public369. La décision homologuant ou exéquaturant
l'accord n'est pas susceptible de recours. Elle met fin à la conciliation. Le cas échéant, la
conciliation prend fin par la signature de l'accord et, en tout état de cause, à l'expiration
des délais de la procédure de conciliation370.

par le débiteur et le conciliateur et annexé à la décision d'ouverture. Si au cours de sa mission, le conciliateur


estime que le montant initialement déterminé est insuffisant, il doit en informer sans délai le président de
la juridiction qui fixe les nouvelles conditions avec l'accord du débiteur. A défaut d'accord, il est mis fin à la
mission du conciliateur. La rémunération du conciliateur est à la charge du débiteur et fait l'objet d'une
ordonnance de taxe (al. 5 même article).
367
Le conciliateur rend compte régulièrement, au président de la juridiction compétente, de l'état
d'avancement de sa mission et formule toutes observations utiles. S'il a connaissance de la survenance de
la cessation des paiements, il en informe sans délai le président de la juridiction compétente (art. 5-6 al. 1er
AUPCAP révisé). En cas de survenance de la cessation des paiements, le débiteur en informe sans délai le
président de la juridiction compétente (art. 5-6 al. 2 AUPCAP révisé). À tout moment, s'il est informé de la
survenance de l'état de cessation des paiements dans les conditions prévues par les deux alinéas
précédents ou par tout autre moyen, le président de la juridiction compétente met fin sans délai à la
conciliation et à la mission du conciliateur, après avoir entendu le débiteur et le conciliateur (art. 5-6 al. 3
AUPCAP révisé).
368
Sans préjudice de l'application de l'article 5-11.
369
Le greffier appose la formule exécutoire ; des copies valant titre exécutoire peuvent être délivrées aux
parties à l'accord ; la décision d'homologation ou d'exequatur ne fait l'objet d'aucune publicité et ne
reprend pas le contenu de l'accord qui reste confidentiel.
370
Prévus par l'alinéa 1er de l'article 5-3 ci-dessus.

218
En droit français, l'accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction
d'émettre des chèques371. Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à
responsabilité limitée, cette interdiction est levée sur les comptes afférents au patrimoine
visé par la procédure. Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle
ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées
au débiteur en application du cinquième alinéa de l'article L. 611-7 ainsi que des
dispositions de l'accord constaté ou homologué (article L611-10-2 1erC.com. )372.

307. Les droits des créanciers sont restreints lorsqu’ils souhaitent recouvrer leurs
créances, nonobstant l’absence d’effet réel de la procédure de conciliation puisque le
conciliateur n’a pas pour vocation d’assurer le fonctionnement de l’entreprise en lieu et
place du débiteur, lequel n’est l’objet d’aucune mesure de dessaisissement. Dans la
législation OHADA, si le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier appelé
à la conciliation pendant la période de recherche de l'accord, l’article 5-7 AUPCAP révisé
prévoit en substance que le président du tribunal peut, à la demande du débiteur, et après
avis du conciliateur, reporter le paiement des sommes dues et ordonner la suspension des
poursuites engagées par un créancier. Ces mesures prennent fin de plein droit lorsque la
conciliation prend fin373. L’article 5-12 AUPCAP révisé prévoit en outre que, pendant la
durée de son exécution, l'accord interrompt ou interdit toute action en justice et arrête
ou interdit toute poursuite individuelle, tant sur les meubles que les immeubles du
débiteur, dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet. L'accord
interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l'accord à
peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par
l'accord (al. 1er). Les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou
cédé un bien en garantie et les coobligés peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord

371
conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l'occasion du rejet
d'un chèque émis avant l'ouverture de la procédure de conciliation.
372
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 9.
373
Le texte précise qu’en tout état de cause, à l'expiration du délai prévu à l'article 5-3, alinéa 1er, ci-dessus.
L'ordonnance du président du tribunal prononçant ces mesures est déposée au greffe et ne fait l'objet
d'aucune publicité. Elle est communiquée au créancier concerné, sans délai, et elle rappelle l'obligation de
confidentialité à laquelle celui-ci est tenu.

219
(al. 2). C’est dire que le créancier muni d’une sûreté n’est pas nécessairement mieux loti
que le créancier chirographaire, de ce point de vue.

En droit français, l’arrêt des poursuites n’est pas automatique, le législateur fait donc
preuve de souplesse, de pragmatisme. En effet, c’est seulement si au cours de la
procédure le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par un créancier qu’il peut être
demandé au juge ayant ouvert la conciliation de faire application de l'article 1343-5 du
code civil. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut
subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l'accord prévu au présent
article374 (art. L611-7 al. 5 C.com.). Ce n’est que pendant la durée de son exécution que
l'accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou
interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur
dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet375, les intérêts échus de
ces créances ne pouvant produire des intérêts. Sont interrompus, pour la même durée, les
délais impartis aux créanciers parties à l'accord à peine de déchéance ou de résolution des
droits afférents aux créances mentionnées par l'accord (art. L611-10-1376 al. 1er). Si, au
cours de cette durée, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l'un des créanciers
appelés à la conciliation dans le but d'obtenir le paiement d'une créance qui n'a pas fait
l'objet de l'accord, le juge qui a ouvert la procédure de conciliation peut, à la demande du
débiteur et après avoir recueilli, le cas échéant, les observations du mandataire à
l'exécution de l'accord, faire application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil
précité, en prenant en compte les conditions d'exécution de l'accord377. Les personnes
coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en
garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du

374
Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en
Conseil d'État.
375
Nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil précité précise le texte.
376
Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 6.
377
Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux créanciers mentionnés au troisième alinéa
de l'article L. 611-7 selon lequel Les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les
institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 5422-1 et suivants du code du
travail et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises
de dettes dans les conditions fixées à l'article L. 626-6 du présent code. Des cessions de rang de privilège
ou d'hypothèque ou l'abandon de ces sûretés peuvent être consenties dans les mêmes conditions.

220
cinquième alinéa de l'article L. 611-7378 ainsi que des dispositions de l'accord constaté ou
homologué (art. L611-10-2 al. 1er379C.com.).

308. Conclusion 2. Dans les deux législations, l'ouverture de la procédure de conciliation


est un frein au recouvrement normal des créances pour les créanciers dont elle réduit le
montant notamment par le gel des intérêts dans le cadre de la législation française. Le
recouvrement des créances s’effectue pour les créanciers conviés à la procédure de
conciliation conformément aux disposition convenues. En cas d’inexécution dans la
législation OHADA, il est prévu que la juridiction ou l'autorité compétente ayant connu de
la conciliation est seule compétente pour connaître de toute inexécution de l'accord et
pour en prononcer la résolution. Elle est saisie par l'une des parties à l'accord (art. 5-13 al.
1erAUPCAP révisé). Si la résolution est prononcée, les créanciers recouvrent l'intégralité de
leurs créances, déduction faite des sommes perçues (al ; 2 même article). Il en va de même
en droit français, lequel ajoute cependant que le tribunal qui décide la résolution de
l'accord peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement accordé en
application du cinquième alinéa de l'article L. 611-7 C.com. ou du second alinéa de l'article
L. 611-10-1 al. 2 C.com (article L611-10-3 C.com. 380).

309. Enfin, l'ouverture d'une procédure de règlement préventif, de redressement


judiciaire ou de liquidation des biens met fin de plein droit à la conciliation et, le cas
échéant, à l'accord. Dans ce cas, les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs créances,
déduction faite des sommes perçues (art. 5-14 AUPCAP révisé). Il en va de même en droit
français qui précise cependant que les créanciers recouvrent l'intégralité de leurs
créances et sûretés (art. L611-12 C.com. 381), ce que ne précise pas le législateur OHADA,
mais il n’est pas à en douter selon nous.

378
Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au
juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l'article 1343-5 du code civil. Le juge statue après avoir
recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la
conclusion de l'accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision
selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
379
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 9.
380
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 10.
381
Telle que définie à l'article 5-3 ci-dessus.

221
2-Le règlement préventif

310. Le débiteur in bonis qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de
difficultés financières ou économiques sérieuses (art. 6 al. 1er AUPCAP révisé) peut
bénéficier d’une procédure de règlement préventif382. Il s’agit d’une procédure collective
préventive destinée à éviter la cessation des paiements de l'entreprise débitrice et à
permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif (art. 2 al. 2
AUPCAP révisé). Aucune requête en ouverture d'un règlement préventif ne peut être
présentée par le débiteur dans les hypothèses suivantes : si un concordat préventif ou de
redressement est encore en cours d'exécution ; avant l'expiration d'un délai de trois ans à
compter de l'homologation d'un précédent concordat préventif383; avant l'expiration d'un
délai de dix-huit mois à compter de la fin d'un règlement préventif n'ayant pas abouti à un
concordat préventif.

Un rapprochement avec la procédure de sauvegarde de droit français (art L620-1 al. 1er
C.com.) peut être tenté mais ces procédures sont quand même assez éloignées,
nonobstant un encadrement plus strict des créanciers dans le cadre du règlement
préventif depuis la révision de l’AUPCAP. La procédure de sauvegarde est ouverte sur
demande du débiteur384 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés

381
Créé par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 1 (V) JORF 27 juillet 2005 en vigueur le 1er janvier 2006
sous réserve art. 190 Créé par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 9 JORF 27 juillet 2005 en vigueur le
1er janvier 2006 sous réserve art. 190.
382
Article 2-1°) ancien : .Le règlement préventif était initialement une procédure destinée à éviter la
cessation des paiements ou la cessation d'activité de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif
au moyen d'un concordat préventif. Il était applicable à toute personne physique ou morale commerçante
et à toute personne morale de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme
d'une personne morale de droit privé qui, quelle que soit la nature de ses dettes, connaît une situation
économique et financière difficile mais non irrémédiablement compromise.
383
La CCJA s’est prononcée dans un avis sous les auspices de l’ancien AUPCAP quant à la sanction applicable
à la requête en règlement préventif, intervenant dans le délai de 5 ans suivant une précédente requête aux
mêmes fins ayant donné lieu à l’ouverture d’une procédure de règlement préventif. La Haute juridiction a
décidé que la présentation d’une nouvelle requête avant l’expiration du délai légal doit être sanctionnée
par son irrecevabilité. CCJA, Avis n°01/2009/EP, 15 avril 2009. La solution devrait être maintenue
nonobstant le délai plus court.

384
Modifié par Ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 - art. 3 La procédure de sauvegarde est
applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute
autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession
libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute
personne morale de droit privé. A moins qu'il ne s'agisse de patrimoines distincts de l'entrepreneur

222
qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la
réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le
maintien de l'emploi et l'apurement du passif (art L620-1 al. 1er C. com.). La procédure de
sauvegarde donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation
et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers385 (art. L620-1 al. 2
C.com.).

Le jugement d’ouverture ne produit pas les mêmes effets que la requête en règlement
préventif. Ainsi, il n’y a pas de période d’observation (art. L621-3 al. 1er 386
C. com.) Les
actions en justice et les procédures d'exécution autres que celles visées à l'article L. 622-
21 sont poursuivies au cours de la période d'observation à l'encontre du débiteur, après
mise en cause du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission
d'assistance ou après une reprise d'instance à leur initiative (art. L622-23 C. com.). A partir
de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement
au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs
créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État (art.
L622-24 al. 1er C. com.). La procédure de sauvegarde est une véritable procédure collective
au sens traditionnel, s’il en est un, à la différence de la procédure de règlement préventif,
quand bien même le traitement égalitaire des créancier dans la poursuite d’un intérêt
collectif apparaît davantage avec la révision de l’AUPCAP. Il y a néanmoins des similitudes
qui seront relevées le cas échéant.

311. La procédure de règlement préventif, déjà présente dans l’ancien AUPCAP, a été
modifiée à la défaveur des créanciers dans leur ensemble et particulièrement des
créanciers munis d’une sûreté pour permettre le sauvetage de l’entreprise. Les restrictions
de leurs droits sont plus importantes et immédiates qu’auparavant puisque le

individuel à responsabilité limitée, il ne peut être ouvert de nouvelle procédure de sauvegarde à l'égard
d'un débiteur déjà soumis à une telle procédure, ou à une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation judiciaire, tant qu'il n'a pas été mis fin aux opérations du plan qui en résulte ou que la procédure
de liquidation n'a pas été clôturée.

385
Conformément aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30.
386
Modifié par LOI n°2016-1547 du 18 novembre 2016 - art. 99 (V).

223
recouvrement normal des créances est dorénavant paralysé pour tous les créanciers,
même titulaires d’une sûreté. Ainsi, alors que sous l’empire de l’ancien AUPCAP, seules les
créances visées dans la requête en règlement préventif étaient concernées par la mesure
de suspension des poursuites individuelles387, désormais, la décision d'ouverture du
règlement préventif suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à
obtenir le paiement des créances nées antérieurement à ladite décision pour une durée
maximale de trois mois, qui peut être prorogée d'un mois388 (art. 9-1 al. 1 AUPCAP
révisé)389. La suspension des poursuites individuelles concerne aussi bien les voies
d'exécution que les mesures conservatoires, y compris toute mesure d'exécution
extrajudiciaire (art. 9-1 al. 2 AUPCAP révisé). Elle s'applique à toutes les créances
chirographaires et à celles garanties par un privilège général, un privilège mobilier spécial,
un gage, un nantissement ou une hypothèque, à l'exception des créances de salaires et
d'aliments (art. 9-1 al. 3 AUPCAP révisé). En revanche, la mesure ne s'applique pas aux
actions tendant à la reconnaissance des droits ou des créances contestées, ni aux actions
cambiaires dirigées contre les signataires d'effets de commerce autres que le bénéficiaire
de la suspension des poursuites individuelles (art. 9-1 al. 4 AUPCAP révisé).

Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant
affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir de la suspension des poursuites

387
CCJA, 2ème ch., Arr. n°014/2015 avr. 2015, Aff. Société Générale des Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI) c/
Société civile immobilière Rue des Pêcheurs. ; voir CA Abidjan Arr. n°1129, 08 nov. 2002, Aff. Jean Mazuet
c/GOMPCI sur la validité de la saisie pratiquée au préjudice d’un débiteur en règlement préventif par un
créancier non désigné.
388
dans les conditions prévues à l'article 13, alinéa 2, sans préjudice de l'application de l'article 14 alinéa 3
AUPCAP révisé.
389
La jurisprudence est fournie quant au domaine des actions visées par l’article 9 ; voir : CCJA, 2ème ch. ,
arr. n°025/2013, 18 avril 2013, Aff. Société civile immobilière de Gandillac, dite SCI de Gandillac c/ Clinique
gynécologique obstétricale où l’application de la suspension des poursuites à une action en expulsion a été
jugée inapplicable ; CCJA, 2ème ch. , Arr. n°061/2013, aff. Société Banque de Côte d’Ivoire, d’ite SGBCI c/ La
compagnie Africaine de Transit sur la non extension de l’application de l’article 9 à l’acceptation d’un traite ;
voir CA Abidjan, Arr. n°92, 31 janv. 2003, Aff. Dame Ghussein Fadiga Malik ND c/ Société Alliance Auto sur
l’exclusion du droit de rétention d’un bien du débiteur en règlement préventif du champs de l’article 9 ;
voir CA d’Abidjan Arr. n°254, 07 mars 2002, Aff. Société Comptoir Ivoirien c/SGBCI sur la suspension des
poursuites avant l’audience d’adjudication ; voir TPI Nkongsamba (Cameroun), Ord. n°10/CE, 31 octobre
2007, Aff. La société Lachanas Frères Transports SA. c/ MM. Mofor John et autres où il est décidé que la
suspension des poursuites est inapplicable en matière de recouvrement des salaires ; voir TPI Libreville
Gabon, Ord. réf. 26 sept. 2003, Aff. Me Yves Ogandagac/ BGFIBANK sur la suspension du commandement
de restituer.

224
individuelles posée à l’article 9-1 AUPCAP révisé (art. 9-1 al. 4 AUPCAP révisé). Les délais
impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou résolution de leurs droits
sont suspendus pendant toute la durée de la procédure en cours (art. 9-1 al. 5 AUPCAP
révisé). Lorsqu'il est mis fin au règlement préventif dans le délai de 3 mois (sauf
prorogation), et en tout état de cause à l'expiration des délais visés au premier alinéa, la
suspension des poursuites individuelles prend fin de droit390 (art. 9-1 al. 6 AUPCAP révisé).

Sauf remise par les créanciers, les intérêts légaux ou conventionnels ainsi que les intérêts
moratoires et les majorations continuent à courir mais ne sont pas exigibles (art. 10
AUPCAP révisé).

Dans la procédure de sauvegarde française, le jugement d'ouverture de la procédure


de sauvegarde arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que le cours de
tous les intérêts de retard et majorations391 (article L622-28 al. 1er C. com 392). Ce jugement
ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé393 (art. L622-29

390
Sans préjudice de l'application de l'article 14 AUPCAP révisé selon lequel Dès le dépôt du rapport de
l'expert, le président de la juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à comparaître à
une audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à cette audience l'expert ainsi que
tout créancier qu'il juge utile d'entendre. Le débiteur peut saisir lui-même la juridiction compétente. Le
débiteur et le ou les créanciers sont convoqués, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, trois (03) jours
au moins avant la tenue de l'audience. La juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus
tard dans un délai de trente (30) jours à compter de sa saisine. Le règlement préventif continue de produire
ses effets, en particulier concernant la suspension des poursuites individuelles des créanciers, jusqu'à ce
que la juridiction statue. Si celle-ci n'est pas saisie dans les conditions de l'alinéa 1er ou si elle ne se
prononce pas dans les trente (30) jours à compter de sa saisine, le règlement préventif prend fin de plein
droit, les créanciers recouvrant l'exercice de tous leurs droits et le débiteur recouvrant la pleine
administration de ses biens.
391
A moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou
supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques
coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent
se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts. Les alinéas suivants de l’article L622-
28prévoient en outre que Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan391 toute
action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté
ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement
dans la limite de deux ans (al. 2). Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures
conservatoires (al. 3).
392
Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 - art. 6.
393
Toute clause contraire est réputée non écrite.

225
al. 1er C. com.)394. Selon l’article L622-71er C. com., sauf les créances alimentaires (même
article I al. 1er), le jugement d’ouverture emporte, de plein droit, interdiction de payer
toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture395. Il emporte également, de
plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture396. Le
jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les
créanciers397398, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier
poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance399. Elles sont alors reprises de plein
droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à
l'exécution du plan400 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des
créances et à la fixation de leur montant (art. L622-22 al. 1er C.com.).

394
Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au
jugement d'ouverture. Il en va de même des actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de
droits réels, à moins que ces actes n'aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues
exécutoires avant le jugement d'ouverture (art. L622-29 al. 2). Toutefois, le Trésor public conserve son
privilège pour les créances qu'il n'était pas tenu d'inscrire à la date du jugement d'ouverture et pour les
créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues
à l'article L. 622-24 (art. L622-29 al. 2). Le vendeur du fonds de commerce394, peut inscrire son privilège (art.
L622-29 al. 3.
395
A l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
396
Les créances non mentionnées au I de l'article L. 622-17. De même, le jugement d’ouverture emporte,
de plein droit, inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l'article 2286 du code civil pendant
la période d'observation et l'exécution du plan, sauf si le bien objet du gage est compris dans une cession
d'activité396 (I al. 2). Il fait enfin obstacle à la conclusion et à la réalisation d'un pacte commissoire (I al. 3). Le
juge-commissaire peut aussi l'autoriser à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage
ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de
garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de
l'activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail,
lorsque cette levée d'option est justifiée par la poursuite de l'activité (II al. 2). Tout acte ou tout paiement
passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du
ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement
de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter dont la créance n'est pas
mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant (art. L622-21-I): 1° A la condamnation du débiteur au
paiement d'une somme d'argent ; 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme
d'argent. Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur
les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet
attributif avant le jugement d'ouverture art. (art. L622-21-II). Les délais impartis à peine de déchéance ou
de résolution des droits sont en conséquence interrompus (L622-21-III) de celle-ci (III).
397
Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3.
398
Selon cet article, Les instances en cours devant la juridiction prud'homale à la date du jugement
d'ouverture sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une
mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés (al. 1er). Le mandataire judiciaire informe dans les dix jours
la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure (al. 2).
399
Article L622-24 Modifié par LOI n°2019-486 du 22 mai 2019 - art. 63 (V).
400
Ce dernier est nommé en application de l'article L. 626-25 C. com.

226
312. Par ailleurs, dans le droit OHADA, si les créanciers ont interdiction d’exiger le
paiement du débiteur, ce dernier a interdiction de payer ses dettes. En effet, l’AUPCAP
révisé prévoit que, sauf autorisation motivée du président de la juridiction compétente, la
décision d'ouverture du règlement préventif interdit au débiteur, à peine de nullité de
droit : de payer, en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la décision
d'ouverture ; de faire un acte de disposition étranger à l'exploitation normale de
l'entreprise ou de consentir une sûreté (art. 11 al. 1er). Il est également interdit au débiteur
de désintéresser les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou
ayant affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu'elles ont acquitté des créances nées
antérieurement à la décision d'ouverture (art. 11 al. 2).

En droit français, la procédure de sauvegarde prévoit que « le jugement ouvrant la


procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement
au jugement d'ouverture. Selon l’article L622-7-III1er du Code de commerce, tout paiement
passé en violation de cette directive générale d’interdiction des paiements de créances
antérieures est annulé401 (art. L622-7 du C.com.).

313. Cela étant, en droit OHADA, si le débiteur est restreint dans sa liberté, il n’est pas
pour autant dessaisi. En effet, selon l’article 12 AUPCAP révisé, l'expert au règlement
préventif n’a pas une fonction d’assistance ou de représentation du débiteur. Son rôle est
de permettre d’aboutir à un concordat préventif. Ce faisant, il apprécie la situation du
débiteur. Il entend le débiteur et les créanciers et leur prête ses bons offices afin de
faciliter les négociations entre eux pour parvenir à la conclusion d'un accord, en se fondant
sur le projet de concordat préventif proposé par le débiteur lors de la demande
d'ouverture. Dans son rapport402, l'expert doit encore indiquer, pour chaque créancier :

401
A la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter
de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court
à compter de celle-ci.
402
Selon l’article 13 AUPCAP révisé, l 'expert établit un rapport contenant l'accord conclu entre le débiteur
et ses créanciers ainsi que le projet de concordat préventif. Ce rapport doit être établi dans les trois (03)
mois de la décision d'ouverture du règlement préventif, ce délai pouvant être prorogé, à titre exceptionnel,
une seule fois pour une durée d'un (01) mois, sur décision spécialement motivée du président de la
juridiction compétente à la demande de l'expert ou du débiteur. L'expert est tenu de respecter les délais

227
s'il a été effectivement contacté et à quelle date ; s'il a consenti une remise ou un délai de
paiement et, le cas échéant, de quel montant ou de quelle durée ; s'il a refusé tout délai
et toute remise, la raison qu'il invoque pour ce faire. Puis, l'expert établit un rapport
contenant l'accord conclu entre le débiteur et ses créanciers ainsi que le projet de
concordat préventif ( art. 13 al. 1er AUPCAP révisé403) Dès le dépôt du rapport de l'expert,
le président de la juridiction compétente saisie convoque sans délai le débiteur à
comparaître à une audience non publique pour y être entendu. Il convoque également à
cette audience l'expert ainsi que tout créancier qu'il juge utile d'entendre. Le débiteur
peut saisir lui-même la juridiction compétente404 (art. 14 al. 1er AUPCAP révisé). La
juridiction saisie doit se prononcer immédiatement ou au plus tard dans un délai de trente
jours à compter de sa saisine (art. 14 al. 2 AUPCAP révisé ). Selon l’article 15 al. 1er AUPCAP
révisé, la juridiction compétente statue en audience non publique. Si elle constate la
cessation des paiements, elle statue d'office sur le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens405 (art. 15-1 AUPCAP révisé).

314. Lorsque la situation du débiteur le justifie, la juridiction compétente homologue le


concordat préventif, en constatant les délais et remises consentis par les créanciers et en
donnant acte au débiteur des mesures proposées pour le redressement de l'entreprise.
Ces délais et remises consentis par les créanciers peuvent être différents (art. 15-2
AUPCAP révisé). La juridiction compétente ne peut homologuer le concordat préventif que
si les conditions de validité de ce dernier sont réunies. Aucun motif tiré de l'intérêt collectif

prévus à l'alinéa précédent, sous peine d'engager sa responsabilité auprès du débiteur ou des créanciers.
Dans le délai précité, l'expert remet un exemplaire de son rapport au débiteur et en dépose deux au greffe
de la juridiction compétente. Un des deux exemplaires déposés est transmis au ministère public par le
greffe.
403
Ce rapport doit être établi dans les trois (03) mois de la décision d'ouverture du règlement préventif, ce
délai pouvant être prorogé, à titre exceptionnel, une seule fois pour une durée d'un mois, sur décision
spécialement motivée du président de la juridiction compétente à la demande de l'expert ou du débiteur.
L'expert est tenu de respecter les délais prévus à l'alinéa précédent, sous peine d'engager sa responsabilité
auprès du débiteur ou des créanciers Dans le délai précité, l'expert remet un exemplaire de son rapport au
débiteur et en dépose deux au greffe de la juridiction compétente. Un des deux exemplaires déposés est
transmis au ministère public par le greffe.
404
Le débiteur et le ou les créanciers sont convoqués, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, trois (03) jours
au moins avant la tenue de l'audience.
405
Sans préjudice des dispositions des articles 29 et 33 ci- dessous.

228
ou de l'ordre public ne doit paraître de nature à empêcher le concordat. Enfin, il ne peut
y avoir homologation que si les délais consentis n’excèdent pas trois ans pour l'ensemble
des créanciers et un an pour les créanciers de salaires (art. 15-2 al. 2 AUPCAP révisé ).
Toutefois, au cas où des créanciers auraient refusé de consentir des délais ou remises au
débiteur, le président de la juridiction compétente fait ses bons offices entre ces
créanciers et le débiteur. Ainsi, il entend ces derniers sur les motifs de leur refus et
provoque une négociation entre les parties en vue de leur permettre de parvenir à un
accord (art. 15-2 al. 3). Autant dire qu’ils seront contraints au sacrifice puisque, si malgré
les bons offices du président, les parties ne parviennent pas à trouver un accord et dans
le cas où le concordat préventif comporte seulement une demande de délai n'excédant
pas deux ans, la juridiction compétente peut rendre ce délai opposable aux créanciers qui
ont refusé tout délai et toute remise, à moins que ce délai ne mette en péril l'entreprise
de ces créanciers (art. 15-2 al. 3 AUPCAP révisé ). Cela étant, et pour une raison bien
compréhensible, il y a une limite au forçage du consentement aux délais et remises pour
les créanciers de salaires et ceux d'aliments qui ne peuvent consentir aucune remise, ni se
voir imposer un délai qu'ils n'ont pas consenti eux-mêmes (art. 15-2 al. 4 AUPCAP révisé ).

En droit français, il est prévu à l’article L626-1 du Code de commerce. dans le cadre
de la procédure de sauvegarde que, lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour
l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la
période d'observation (al. 1er). Le plan de sauvegarde comporte, s'il y a lieu, l'arrêt,
l'adjonction ou la cession d'une ou de plusieurs activités (al. 2). Après avoir entendu ou
dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs ainsi
que les représentants du comité d'entreprise406, le tribunal statue après avoir recueilli
l'avis du ministère public407 (art. L626-91er C. com.408).

406
Ou, à défaut, des délégués du personnel.
407
Lorsque la procédure est ouverte au bénéfice d'un débiteur qui emploie un nombre de salariés ou qui
justifie d'un chiffre d'affaires hors taxes supérieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'État, les débats
doivent avoir lieu en présence du ministère public.
408
Modifié par Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 - art. 57.

229
Le plan désigne les personnes tenues de l'exécuter et mentionne l'ensemble des
engagements qui ont été souscrits par elles et qui sont nécessaires à la sauvegarde de
l'entreprise. Ces engagements portent sur l'avenir de l'activité, les modalités du maintien
et du financement de l'entreprise, le règlement du passif soumis à déclaration ainsi que,
s'il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l'exécution (art. L626-10409 al. 1er
C.com). En outre, le plan expose et justifie le niveau et les perspectives d'emploi ainsi que
les conditions sociales envisagés pour la poursuite d'activité (art. L626-10 al.2 C.com).

En droit français toujours, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions
opposables à tous (art. L626-11 al. 1er C.com). La durée du plan est fixée par le tribunal410.
Elle ne peut excéder dix ans. Lorsque le débiteur est un agriculteur, elle ne peut excéder
quinze ans (art. L626-12 C.com 411). L'arrêt du plan par le tribunal entraîne la levée de plein
droit de toute interdiction d'émettre des chèques412.

Le tribunal donne acte des délais et remises acceptés par les créanciers dans les conditions
prévues par la loi413 (art. L626-18 al. 1er C.com.). Il homologue les accords de conversion
en titres acceptés par les créanciers414, il s'assure de l'approbation des assemblées415 (art.
L626-18 al. 2 C.com). Pour les créanciers416, lorsque les délais de paiement stipulés par les
parties avant l'ouverture de la procédure sont supérieurs à la durée du plan, le tribunal
ordonne le maintien de ces délais (art. L626 al. 31er C. com.). Dans les autres cas, l’article.

409
Modifié par LOI n°2016-1547 du 18 novembre 2016 - art. 99 (V).
410
Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 626-18 voir infra.
411
Modifié par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 1 (V) JORF 27 juillet 2005 en vigueur le 1er janvier
2006 sous réserve art. 190Modifié par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 68 JORF 27 juillet 2005 en
vigueur le 1er janvier 2006 sous réserve art. 190.
412
conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l'occasion du rejet
d'un chèque émis avant le jugement d'ouverture de la procédure. Lorsque le débiteur est un entrepreneur
individuel à responsabilité limitée, cette interdiction est levée sur les comptes afférents au patrimoine visé
par la procédure. art. L626-13 C.com.
413
Au deuxième alinéa de l'article L. 626-5 et à l'article L. 626-6. Ces délais et remises peuvent, le cas
échéant, être réduits par le tribunal.
414
Dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article L. 626-5, sauf s'ils portent atteinte aux intérêts
des autres créanciers.
415
Mentionnées à l'article L. 626-3.
416
Autres que ceux visés aux alinéas 1 et 2 du présent article.

230
L626-18 al. 4417 prévoit la possibilité pour le tribunal d’imposer des délais uniformes de
paiement418 ; le premier paiement ne pouvant intervenir au-delà d'un délai d'un an, et le
montant de chacune des annuités prévues par le plan, à compter de la troisième annuité,
ne pouvant être inférieur à 5 % de chacune des créances admises419. Enfin, le plan peut
prévoir un choix pour les créanciers comportant un paiement dans des délais uniformes
plus brefs mais assorti d'une réduction proportionnelle du montant de la créance. Dans ce
cas, la réduction de créance n'est définitivement acquise qu'après versement, au terme
fixé, de la dernière échéance prévue par le plan pour son paiement (art. L626-19
C.com) 420.

Comme dans le cadre du concordat préventif, certaines créances ne peuvent faire l'objet
de remises ou de délais qui n'auraient pas été acceptés par les créanciers (art. L626-20 C.
com.), globalement pour les mêmes raisons. L’attention doit cependant être attirée sur
une mesure souhaitable en droit OHADA s’agissant de la dérogation prévue à l’article
L626-20 II, laquelle prévoit que, dans la limite de 5 % du passif estimé, les créances les plus
faibles prises dans l'ordre croissant de leur montant et sans que chacune puisse excéder
un montant fixé par décret, sont remboursées sans remise ni délai.421.

417
Les délais de paiement imposés en application des alinéas 4 et 5 ne peuvent excéder la durée du plan
(art. L626-18 al. 6). Le crédit preneur peut, à l'échéance, lever l'option d'achat avant l'expiration des délais
prévus au présent article. Il doit alors payer l'intégralité des sommes dues dans la limite de la réduction
dont elles font l'objet dans le plan sous forme de remises (art. L626-18 al. 7).
418
Sous réserve du cinquième alinéa du présent article Lorsque le principal d'une créance reste à échoir en
totalité au jour du premier paiement prévu par le plan, son remboursement commence à la date de l'annuité
prévue par le plan qui suit l'échéance stipulée par les parties avant l'ouverture de la procédure. À cette date,
le principal est payé à concurrence du montant qui aurait été perçu par le créancier s'il avait été soumis
depuis le début du plan aux délais uniformes de paiement imposés par le tribunal aux autres créanciers. Le
montant versé au titre des annuités suivantes est déterminé conformément aux délais uniformes de
paiement imposés aux autres créanciers. Si aucun créancier n'a été soumis à des délais uniformes de
paiement, le montant versé au titre des annuités suivantes correspond à des fractions annuelles égales du
montant du principal restant dû.
419
Sauf dans le cas d'une exploitation agricole.
420
Modifié par Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 - art. 60.
421
Cette disposition ne s'applique pas lorsque le montant des créances détenues par une même personne
excède un dixième du pourcentage ci-dessus fixé ou lorsqu'une subrogation a été consentie ou un paiement
effectué pour autrui.

231
Contrairement à la procédure de règlement préventif OHADA, le paiement des créances
est conditionné par leur admission au passif, selon l’article L626-21 du Code de commerce
422
. Partant, l'inscription d'une créance au plan et l'acceptation par le créancier de délais,
remises ou conversions en titres donnant ou pouvant donner accès au capital ne préjugent
pas l'admission définitive de la créance au passif (art. L621-21 al. 1er C.com).

315. Pour revenir au droit OHADA, la décision de la juridiction compétente homologuant


le concordat préventif met fin à la mission de l'expert et à la procédure de règlement
préventif (art. 15 al. 5)423. L'homologation rend le concordat préventif obligatoire pour
tous les créanciers antérieurs à la décision d'ouverture du règlement préventif, que leurs
créances soient chirographaires ou garanties par une sûreté dans les conditions de délais
et de remises qu'ils ont consenties au débiteur424. L'homologation du concordat rend celui-
ci également obligatoire pour les personnes coobligées ou qui ont consenti une sûreté
personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie lorsqu'elles ont acquitté des dettes du
débiteur nées antérieurement à cette décision (art. 18 al. 1er AUPCAP révisé). Les
créanciers munis d'un privilège général, d'un privilège mobilier spécial, d'un gage, d'un
nantissement ou d'une hypothèque ne perdent pas leurs garanties. Toutefois, ils ne
peuvent les réaliser qu'en cas d'annulation ou de résolution du concordat préventif auquel
ils ont consenti ou qui leur a été imposé (art. 18 al. 2 AUPCAP révisé). A l'exception des
personnes physiques, les coobligés ou les personnes ayant consenti une sûreté
personnelle ou affecté ou cédé un bien en garantie ne peuvent se prévaloir des délais et
remises du concordat préventif (art. 18 al. 3 AUPCAP révisé). La prescription demeure
suspendue à l'égard de tous les créanciers qui, par l'effet du concordat préventif, ne
peuvent exercer leurs droits ou actions, y compris toute mesure d'exécution

422
Modifié par LOI n°2010-1249 du 22 octobre 2010 - art. 58 (V).
423
Sous réserve des formalités prévues à l'article 17 ci-dessous Toutefois, la juridiction compétente peut
désigner l'expert au règlement préventif en qualité de syndic avec un ou des contrôleurs chargés de
surveiller l'exécution du concordat préventif homologué dans les mêmes conditions que celles prévues pour
le concordat de redressement judiciaire homologué. La juridiction désigne également un juge-commissaire.
Celui-ci contrôle les activités du syndic ou des contrôleurs chargés de surveiller l'exécution du concordat
préventif homologué, s'il en a été nommé, et rédige un rapport à l'intention de la juridiction compétente
tous les trois (03) mois et à tout moment à la demande de cette dernière. art. 16.
424
sans préjudice des dispositions de l'article 15 AUPCAP révisé ci-dessus relatif aux conditions
d’homologation du concordat préventif.

232
extrajudiciaire (art. 18 al. 4 AUPCAP révisé ). Le concordat préventif suspend également,
pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties audit concordat à peine de
déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par ledit
concordat (art. 18 al. 5 AUPCAP révisé). Enfin, dès que la décision homologuant le
concordat préventif est passée en force de chose jugée, le débiteur recouvre la liberté
d'administration et de disposition de ses biens (art. 18 al. 5).

316. La résolution du concordat de règlement préventif peut être prononcée (art. 139
425 426
AUPCAP révisé ) comme l’annulation de celui-ci (art. 140 AUPCAP révisé ). Dans ce
cas, la juridiction compétente prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des
biens si elle constate la cessation des paiements du débiteur (art. 141 al. 1er AUPCAP
révisé). Si, avant la résolution ou l'annulation du concordat de règlement préventif, le
débiteur n'a payé aucun dividende, les remises concordataires sont anéanties et les

425
1°) en cas d'inexécution, par le débiteur, de ses engagements concordataires ou des remises et délais
consentis ; toutefois, la juridiction compétente apprécie, après avis du ministère public et des contrôleurs,
si ces manquements sont suffisamment graves pour compromettre définitivement l'exécution du
concordat et, dans le cas contraire, elle peut accorder des délais de paiement qui ne sauraient excéder de
plus de six (06) mois ceux déjà consentis par les créanciers ; 2°) lorsque le débiteur est frappé, pour quelque
cause que ce soit, de l'interdiction d'exercer une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale,
artisanale ou agricole sauf si la durée et la nature de cette interdiction sont compatibles avec la poursuite
de l'activité de l'entreprise par location-gérance, aux fins, éventuellement, d'une cession d'entreprise dans
des conditions satisfaisantes pour l'intérêt collectif ;3°) lorsque, s'agissant d'une personne morale à qui le
concordat a été accordé, les dirigeants contre lesquels a été prononcée la faillite personnelle assument de
nouveau, en fait ou en droit, la direction de cette personne morale ; si l'interdiction frappe les dirigeants
en cours d'exécution du concordat, celui-ci est résolu à moins que ces dirigeants ne cessent, en fait,
d'exercer les fonctions qu'il leur est interdit de remplir ; toutefois, la juridiction compétente peut accorder
un délai raisonnable, qui ne saurait excéder trois (03) mois, pour procéder au remplacement de ces
dirigeants (al. 1er).La juridiction compétente peut être saisie à la requête d'un créancier ou des contrôleurs
du concordat ; elle peut également se saisir d'office, le débiteur entendu ou dûment appelé (al. 2). La
résolution du concordat ne libère pas les cautions qui sont intervenues pour en garantir l'exécution totale
ou partielle (al. 3).
426
Le concordat est annulé en cas de dol résultant d'une dissimulation d'actif ou d'une exagération du passif
si le dol a été découvert après l'homologation du concordat préventif ou du concordat de redressement
judiciaire (al. 1er). Cette annulation libère de plein droit du concordat les personnes ayant consenti un
cautionnement ou affecté ou cédé un bien en garantie, sauf si celles-ci avaient connaissance du dol lors de
leurs engagements (al. 2). L'action en nullité n'appartient qu'au ministère public et aux contrôleurs qui
apprécient l'opportunité de l'exercer ou non. Elle ne peut être exercée que dans le délai d'un (01) an suivant
la découverte du dol (al. 3). La juridiction compétente apprécie souverainement l'opportunité de prononcer
ou non l'annulation du concordat en fonction de l'intérêt collectif des créanciers et des travailleurs (al. 4).
La décision d'annulation du concordat est susceptible d'appel du débiteur, du ministère public ou des
contrôleurs dans un délai de quinze (15) jours à compter de son prononcé (al. 5).

233
créanciers antérieurs au concordat recouvrent l'intégralité de leurs droits (art. 142 al. 1er
AUPCAP révisé). Si le débiteur a déjà payé une partie du dividende, les créanciers
antérieurs au concordat ne peuvent réclamer, à l’encontre des nouveaux créanciers, que
la part de leurs créances primitives correspondant à la portion du dividende promis qu'ils
n'ont pu toucher (art. 142 al. 2 AUPCAP révisé).

En droit français également, il est remarquable qu’en cas de défaut de paiement des
dividendes par le débiteur, l’article L626-27-I1er C. com. 427 dispose que le commissaire à
l'exécution du plan procède à leur recouvrement428 (al. 1er). Le tribunal qui a arrêté le plan
peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas
ses engagements dans les délais fixés par le plan (al. 2). Lorsque la cessation des paiements
du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce
dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de
redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une
procédure de liquidation judiciaire (al. 3) 429. Le jugement qui prononce la résolution du
plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous
réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19 du Code de commerce,
il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite
des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé (al. 4).
Enfin, après résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure par le même
jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l'état
de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la
première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances
inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues.
Bénéficient également de la dispense de déclaration les créances portées à la

427
Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 42.
428
Conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l'exécution du
plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d'un mandataire ad hoc
chargé de procéder à ce recouvrement.
429
Le II du même article prévoit en outre que dans les cas mentionnés au deuxième et troisième alinéa du
I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public.

234
connaissance de l'une des personnes mentionnées au IV de l'article L. 622-17 du Code de
commerce dans les conditions prévues par ce texte (art. L626-27-III1er C. com.).

317. Conclusion 3. Le législateur OHADA présente la procédure de règlement préventif


comme une procédure collective430 dont l'objet est l'apurement du passif, contrairement
à la procédure de sauvegarde française431 dont l'objet est clairement la survie de
l'entreprise débitrice. Ces deux procédures dépourvues d'effet réel432 poursuivent des
objectifs différents mais cherchent à y parvenir par un même instrument qu’est l'accord
négocié entre créanciers et débiteur, l'état de cessation des paiement étant interdit. Force
est alors de constater que la prise en compte des intérêts des créanciers, et notamment
le paiement des créances, est une condition sine qua non de la viabilité de l'entreprise, et
donc de l'accord. Cependant, les moyens pour y parvenir empruntent aux mécanismes
sensés produire l'égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires.
Il en est ainsi notamment de l'interdiction de recouvrer individuellement le paiement et
de l'interdiction faite au débiteur de payer ses dettes, sauf autorisation, sans pour autant
que le dernier ne soit représenté par un organe spécifique de la procédure.

Paradoxalement, pour parvenir au sauvetage de l’entreprise en procédure de règlement


préventif, le législateur OHADA a dû opérer un arbitrage défavorable aux créanciers
chirographaires ou munis d’une sûreté à l'occasion de la révision de l'acte uniforme
relativement à la procédure de règlement préventif en impliquant davantage de
créanciers dès la décision d'ouverture. Spécialement, les anciens article 8 et 9 ne
prévoyaient pas une suspension générale et automatique des poursuites. Il était prévu
que « Dès le dépôt de la proposition de concordat préventif, celle-ci est transmise, sans
délai, au Président de la juridiction compétente qui rend une décision de suspension des
poursuites individuelles et désigne un expert pour lui faire rapport sur la situation
économique et financière de l'entreprise, les perspectives de redressement compte tenu

430
Bien que la procédure n’a pas les stigmates traditionnels de la procédure collective.
431
Le Code de commerce parle seulement d’une procédure, sans la qualifier de collective, bien qu’elle en
emprunte les codes traditionnels tels l’obligation des créanciers de produire leurs créances au passif qui est
une condition sine qua non de leur paiements.
432
Bien que l’on observe que la décision d’ouverture limites les prérogatives des créanciers et du débiteur
sur ses biens.

235
des délais et remises consentis ou susceptibles de l'être par les créanciers et toutes autres
mesures contenues dans les propositions du concordat préventif » (art. 8 al. 1er.AUPCAP
ancien). « La décision prévue par l'article 8 suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées
antérieurement à ladite décision » (art. 9 al. 1er AUPCAP ancien).

318. Résumé A. Le législateur OHADA comme son homologue français poursuit le


sauvetage de l'entreprise in bonis. A l'évidence, il n'y a pas d'antagonisme entre la pluralité
de créanciers chirographaires demandant en même temps le paiement et le paiement
inégalitaire des créanciers chirographaires. Il suffit juste que le législateur décide que de
cette pluralité ne peut entrainer de concours entre eux. Dans ce contexte, et compte tenu
des efforts demandés aux créanciers munis d’une sûreté, la protection qu’offre le droit de
gage général n’est pas nécessairement inintéressante.

B- L’actif inférieur au passif exigible

319. Généralités. Lorsque le débiteur en difficultés est dans l’impossibilité de faire face à
son passif exigible avec son actif disponible, il est en cessation des paiement. L’effet réel
de la procédure collective se déploie sur l’ensemble de ses biens présents et à venir (1).
Toutefois, l’entreprise en cessation des paiements joue son sort, non pas sur le constat de
la cessation des paiements, mais sur l’existence de bonnes chances de survie de
l’entreprise débitrice. Ainsi, comme en France (art. L631-1 et s. C.com.)433, l’entreprise
viable doit être redressée (2), et dans le cas contraire, elle sera liquidée.

433
En France, il est institué à l’article L631-1433 du Code de commerce une procédure de redressement
judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de
faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit
que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de
faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements (al. 1er). La
procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le
maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une
période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers, conformément
aux dispositions des articles L. 626-29 et L. 626-30 (al. 2). Toutefois433, lorsque la cessation des paiements
du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après
avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de liquidation judiciaire (art. L631-20-1
c.com433).

236
1-La saisie

320. M. Sénéchal fait remarquer que « l’effet réel des procédures civiles d’exécution
pourrait (…) ne porter que sur les biens dont le débiteur est propriétaire ou détenteur au
moment où la poursuite est engagée. Alors que, on le sait, l’effet réel d’une procédure
collective est beaucoup plus étendu434 ». Sous la dépendance du droit commun de
l’exécution forcée quant aux biens du débiteur, l’effet réel n’imprime sa marque propre que
lorsqu’il s’agit de le porter hors des frontières du patrimoine du débiteur pour reconstituer
ou étendre le gage commun. L’effet réel devient alors dérogatoire au droit commun de
l’exécution forcée en raison de son caractère collectif de la procédure qui le produit »435.

321. Concrètement, « le gage commun est constitué d’une part, à titre principal, des
biens dont le débiteur est propriétaire au moment du prononcé du jugement d’ouverture,
et d’autre part, des biens que le déroulement de la procédure collective va permettre
d’intégrer dans la distribution, qu’il s’agisse du produit des actions en reconstitution du
gage commun – à l’instar des actions en nullités de la période suspecte ou même des
actions en responsabilité exercées à l’encontre du dirigeant ou du tiers qui auraient
contribué à l’insuffisance d’actif- ou du produit des actions en extension. »436.

434
Plus concrètement, comme le précise M. Roussel-Galle à compter de l’ouverture de la procédure, celle-
ci appréhende l’ensemble des biens du débiteur ; biens dont il ne peut plus dès lors disposer et que les
créanciers ne peuvent plus saisir. Cette saisie collective se traduit notamment par l’interdiction des voies
d’exécution sur tous les biens du débiteur. La procédure appréhende également, outre les biens personnels
du débiteur, les biens communs lorsqu’il est marié sous le régime de la communauté434 (…). Cet effet réel est
si puissant qu’il peut se traduire par la remise en cause de certains actes passés durant la période suspecte
afin de réintégrer des biens dans l’actif de la procédure ; et il pouvait également, avant la décision du Conseil
constitutionnel qui a déclaré contraire à la Constitution l’article L. 624-6 du Code de commerce, se traduire
par la reprise de biens appartenant au conjoint mais acquis avec des valeurs fournies par le débiteur. De
même, l’effet réel permet d’appréhender les biens légués au débiteur avant la procédure434 (…). En d’autres
termes, l’effet réel de la procédure produit des effets considérables et très étendus, puisque tous les biens
du débiteur sont appréhendés par ladite procédure. En outre, cet effet perdure jusqu’à sa clôture, ce qui, de
prime abord, est tout à fait logique ».
435
Marc Sénéchal, thèse précitée, p24 n°§13 et 14.
436
Marc Sénéchal, thèse précitée p20 n°10 l.

237
322. Comme l’a démontré Marc Sénéchal, la décision d’ouverture d’une procédure
collective ouverte sur le constat de la cessation des paiements emporte saisie du gage
commun des créanciers : les biens présents (i) et à venir (ii).
i)-La saisie des biens présents

323. Le dessaisissement. Selon l’article 52 AUPCAP révisé, la décision qui prononce le


redressement judiciaire emporte, de plein droit, à partir de sa date et jusqu'à
l'homologation du concordat de redressement judiciaire ou la conversion du
redressement judiciaire en liquidation des biens, assistance obligatoire du débiteur pour
tous les actes concernant l'administration et la disposition de ses biens, sous peine
d'inopposabilité de ces actes (al. 1er). Toutefois, le débiteur peut accomplir valablement
seul les actes conservatoires et ceux de gestion courante entrant dans l'activité habituelle
de l'entreprise, conformément aux usages de la profession, à charge d'en rendre compte
au syndic (al. 2). Si le débiteur ou les dirigeants de la personne morale refusent de faire un
acte nécessaire à la sauvegarde du patrimoine, le syndic y procède sans délai. Il en est
ainsi, notamment, lorsqu'il s'agit de prendre des mesures conservatoires ou de procéder
au recouvrement des effets et des créances exigibles (al. 3). Le syndic doit également
procéder sans délai à la vente des objets dispendieux à conserver ou soumis à
dépérissement prochain ou à dépréciation imminente, après avoir obtenu une
autorisation du juge-commissaire. L'autorisation du juge-commissaire lui est également
nécessaire pour mettre en œuvre, tant en demande qu'en défense, toute action mobilière
ou immobilière (al. 4). Si le syndic refuse son assistance pour accomplir des actes
d'administration ou de disposition au débiteur ou aux dirigeants de la personne morale,
ceux-ci ou les contrôleurs peuvent l'y contraindre par décision du juge-commissaire
obtenue dans les conditions prévues par les articles 40 et 42, alinéas 2 et 3 AUPCAP révisé
(al. 5).

324. En cas d’ouverture d’une procédure de liquidation des biens, l’article 53 al. 2 et 3
AUPCAP révisé prévoit expressément le dessaisissement du débiteur en liquidation des
biens. Ainsi, la décision d’ouverture emporte de plein droit à partir de sa date, et jusqu'à

238
la clôture de la procédure, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la
disposition de ses biens présents et de ceux qu'il peut acquérir à quelque titre que ce soit,
sous peine d'inopposabilité de tels actes, sauf s'il s'agit d'actes conservatoires437. Les actes,
droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont accomplis ou exercés,
pendant toute la durée de la liquidation des biens, par le syndic agissant seul en
représentation du débiteur.

Selon la jurisprudence, en matière de procédure collective, à partir du jugement déclaratif


de faillite ou de liquidation judiciaire, aucune compensation légale, conventionnelle ou
judiciaire ne peut s’opérer438. Toutefois, il a été jugé sous l’empire de l’ancien AUPCAP que
l’interdiction de payer après le jugement d’ouverture d’une procédure collective ne faisant
pas obstacle au paiement par compensation de créances connexes, est régulière la
compensation opérée par la SGBCI entre sa créance, qui est connexe à celle de la société́
en liquidation de biens, celle-ci s’opérant de plein droit par la seule force de la loi, même
à̀ l’insu des débiteurs439. De même il a été jugé440 qu’un créancier ne peut recevoir de son
débiteur des immeubles en dation en paiement. En l’espèce, ce dernier s’était engagé à
lui proposer de les racheter, par préférence, s’il venait à les vendre. Plus tard,

437
Selon la jurisprudence, Aux termes de l'article 53 AUPCAP, le principe du dessaisissement connaît une
exception s'agissant d'actes conservatoires. Peut-être assimilé à des actes conservatoires le fait pour le
débiteur d'interjeter appel d'un jugement défavorable à la masse... Concernant les incidents de la saisie-
immobilière, il est constant que l'appelant a soulevé́ dans ses dires et observations le principe de la créance
qui n'est pas fondée, et le problème de la propriété́ des biens saisis toute chose rentrant dans les champs
d'application des articles 300 et 301 AUPSRVE. Par conséquent, les exceptions tenant à la nullité́ de l'acte
d'appel et de la recevabilité́ de l'appel ne peuvent être retenues. Dans le cas de l'espèce, les nombreuses
irrégularités commises au cour de cette procédure de saisie immobilière (omission de statuer sur les
incidents de la saisie, absence d'audience éventuelle, défaut de signification de la sommation et enfin
adjudication de biens non saisis) entachent sérieusement la validité́ du jugement d'adjudication qui ne peut
être porteur d'effet de droit. Cour d'appel de Ouagadougou, Chambre civile et commerciale (BURKINA
FASO), arrêt n° 97 du 07 décembre 2001, Tagui c/ OUEDRAOGO Salif Déré OHADAta J-09-05.
438
Cour suprême, Chambre judiciaire, arrêt n° 402/09 du 12 juin 2009, Affaire : TOURE ALZOUMA
Maïmouna c/ SEKA ANON (Me TANO KOUADIO Emmanuel).
Actualités Juridiques n° 68-69, 2010, p. 40.
439
Rendu au visa de l’article 68 AUPC ancien dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire Cour
Suprême de Côte d’Ivoire,lChambre Judiciaire, Formation civile.- arrêt n° 383 du 06 juillet 2006.- Affaire : la
LIQUIDATION SID-TRADING c/ - Société́ Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ; - la Banque
Internationale pour l’Afrique Occidentale, dite BIAO- CI.- Le Juris-OHADA n° 3 – Juillet - Août - Septembre
2008, p. 47. OHADAta J-08-281.
440
Cour d’appel de Ouagadougou ordonnance de référé́ n° 37/2001 du 31 mai 2001, SOCIETE TAGUI SA C/
BCB) OHADAta J-06-95.

239
conformément à̀ cet accord, le débiteur avait fait une offre de vente au débiteur. Celui-ci
l’avait acceptée en émettant un chèque en paiement du prix des immeubles que le
créancier refuse de recevoir en prétextant qu’une assignation diligentée contre lui avait
ouvert une procédure de liquidation des biens, tout paiement intervenant en période
suspecte encourant la nullité́. Pour la Cour d’appel, la vente est parfaite dès lors que le
bénéficiaire de l’option l’avait levée dans le délai fixé par le vendeur. Par suite, la
consignation du prix, suivie des formalités requises par l’article 1252 du code civil valait
paiement et son effet libératoire devait être constaté à l’égard de l’acheteur.

325. Arrêt des poursuites individuelles. Comme en droit français (art L622-7 du C.com.),
les créanciers ont interdiction de poursuivre le débiteur à compter de la décision
d’ouverture, ce qui constitue une mesure topique de la procédure collective qui était déjà
présente dans l’ancien AUPCAP441. L’AUPCAP révisé modifie le périmètre de l’interdiction.
Désormais, la décision d’ouverture arrête le cours des inscriptions de toute sûreté
mobilière ou immobilière (art. 73 AUPCAP révisé) ; elle emporte au profit de la masse une
hypothèque que le greffier est tenu de faire inscrire sans délai sur les biens immeubles du
débiteur et sur ceux qu'il acquerra par la suite au fur et à mesure des acquisitions (art. 74
al. 1er AUPCAP révisé)442. La décision d'ouverture du redressement judiciaire interrompt
ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers composant la masse,

441
L’ancien AUPCAP disposait que la décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites
individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d'exécution
tendant à en obtenir le paiement, exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et
immeubles du débiteur. La suspension des poursuites individuelles s'applique également aux créanciers
dont les créances sont garanties par un privilège général ou une sûreté réelle spéciale telle que,
notamment, un privilège mobilier spécial, un gage, un nantissement ou une hypothèque sous réserve des
dispositions des articles 134 alinéa 4, 149 et 150 alinéas 3 et 4 ci-dessous. Cependant, la suspension des
poursuites individuelles ne s'applique pas aux actions en nullité et en résolution. Les actions tendant
uniquement à la reconnaissance de droits ou de créances contestés ou à en fixer le montant sont exercées
ou reprises, de plein droit, par les créanciers, après production de leurs créances, si ces droits et créances
ont été rejetées définitivement ou admis provisoirement ou partiellement par le Juge-commissaire. Ces
actions sont exercées ou reprises contre le débiteur et le syndic dans les conditions prévues aux articles 52
et 53 ci-dessus. Les délais impartis aux créanciers à peine de déchéance, prescription ou résolution de leurs
droits sont, en conséquence, suspendus pendant toute la durée de suspension des poursuites elles-mêmes.
Les actions et les voies d'exécution non atteintes par la suspension ne peuvent plus être exercées ou
poursuivies au cours de la procédure collective qu'à l'encontre du débiteur assisté du syndic en cas de
redressement judiciaire ou représenté par le syndic en cas de liquidation des biens.
442
Cette hypothèque est inscrite conformément aux dispositions relatives à la publicité foncière. Elle prend
rang du jour où elle a été inscrite sur chacun des immeubles du débiteur (art. 74 al. 2 AUPCAP révisé). Le
syndic veille au respect de cette formalité et, au besoin, l'accomplit lui-même (art. 74 al.3 AUPCAP révisé)

240
qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la
résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent (art. 75 al. 1er
AUPCAP révisé). La décision d'ouverture arrête ou interdit également toute procédure
d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi
que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant la
décision d'ouverture (art. 75 al. 2 AUPCAP révisé). Les délais impartis aux créanciers à
peine de déchéance, prescription ou résolution de leurs droits sont, en conséquence,
suspendus pendant toute la durée de la suspension des poursuites elles-mêmes (art. 75
al. 3 AUPCAP révisé).

Les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait
produit sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le syndic dûment appelé, mais
tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant (art.
75 al. 4 AUPCAP révisé). Les actions en justice et les procédures d'exécution443 ne peuvent
plus être exercées ou poursuivies au cours de la procédure de redressement judiciaire ou
de liquidation des biens qu'à l'encontre du débiteur, assisté du syndic en cas de
redressement judiciaire ou représenté par le syndic en cas de liquidation des biens.

Désormais, la décision d'ouverture du redressement judiciaire suspend toute action


contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou
ayant affecté ou cédé un bien en garantie à compter dudit jugement et durant l'exécution
du concordat de redressement judiciaire. Toutefois, les créanciers bénéficiant de ces
garanties peuvent prendre des mesures conservatoires (art. 75-1 AUPCAP révisé).

443
Autres que celles visées ci-dessus précise l’article

241
La jurisprudence antérieure à la révision de l’AUPCAP peut se maintenir dans une large
mesure444. Ainsi, il avait été jugé445 qu’« aux termes de l'article 75 ancien AUPCAP, la

444
Au regard de l'article 75 AUPCAP qui dit que la décision d'ouverture d'une procédure collective interdit
ou suspend, selon les cas, toutes les poursuites individuelles tendant à̀ faire reconnaitre des droits et des
créances ainsi que toutes les voies d'exécution tendant à̀ en obtenir le paiement, la requérante à l'injonction
de payer ne peut voir prospérer sa requête et se trouve réduite à produire sa créance à la masse représentée
par le syndic désigné́ par le jugement. Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso),
Jugement n° 326 du 07 novembre 2001, Société́ de Représentation et de Distribution de Produits Chimiques
à usage Agricole c/ Société́ F.S-SA.) OHADAta J-07-212.
Doit être déclarée valable l’opposition contre une ordonnance d’injonction de payer qui a été́ signifiée à
toutes les parties y compris au greffe de la juridiction. L’opposition à ordonnance d’injonction de payer doit
être faite au tribunal du domicile du défendeur en opposition à moins que les parties n’aient dérogé́ à cette
règle de compétence. Par conséquent, le tribunal saisi et qui n’est pas territorialement compétent doit se
déclarer incompétent. Tribunal de Première Instance de Douala – Ndokoti, JUGEMENT N°09/COM DU 12
JUIN 2003, AFFAIRE MUSI GOLFRED NJOH C/KEMGO RICHARD (représentant de NDOMBEU Gabriel)
OHADAta J-07-205.
Étant donné que la décision d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire suspend les poursuites
individuelles conformément à̀ l'article 75 AUPCAP, il échet de rétracter l'ordonnance d'injonction de payer.
Tribunal De Grande Instance De Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Jugement n° 323 du 7 novembre 2001,
Société́ de Représentation et de Distribution de Produits Chimiques à usage agricole (Société́ S.-S.A.) c/
Société́ A Côte-d’Ivoire (ACS-CI)) . Observations Joseph ISSA- SAYEGH, Professeur OHADAta J-07-208.
Aux termes de l'article 75 AUPCAP, la décision d'ouverture du redressement judiciaire et de la liquidation
des biens suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à̀ faire reconnaitre des droits et des
créances ainsi que toutes les voies d'exécution tendant à̀ en obtenir le paiement, exercées par les créanciers
composant la masse sur les meubles et immeubles du débiteur. Il s'ensuit que l'ordonnance de taxation prise
après le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de l’appelante doit être infirmée. Cour d’appel de
Ouagadougou, Chambre civile (BURKINA FASO), arrêt n° 094 du 04 mai 2007, Société́ IFEX c/ SCPA TOU &
SOME) OHADAta J-10-219.
Lorsqu’une exécution forcée est poursuivie alors qu’une procédure collective a été́ ouverte, au-delà̀ de la
simple saisie, il s’agit de confronter des dispositions d’ordre général relatives aux voies d’exécution, à celles
spécifiques à la matière de procédures collectives régies par les dispositions de l’AUPCAP du 10 avril 1998
en privilégiant notamment l’application de ces dernières conformément au principe général de droit que «
le spécial dérogé au général »; Ainsi, il y a lieu de relever qu’ayant été́ admis dans la masse des créanciers,
le créancier ne peut plus exercer aucune poursuite individuelle y compris par voie de saisie- vente, qui reste
et demeure suspendue depuis le jugement d’ouverture « dès lors que celle-ci n’a pas abouti à sa finalisation,
c'est-à̀-dire à l’adjudication » conformément à̀ l’esprit des dispositions de l’article 75 de l’AUPCAP. Cour
d’appel de Zinder, chambre judiciaire, arrêt n° 40/bis du 26 juillet 2007 - Liquidation O. c/ Me D. O. OHADAta
J-09-171.
Aux termes de l'article 75 AUPCAP la décision d'ouverture de la liquidation des biens suspend ou interdit
toutes les poursuites individuelles tendant à̀ faire reconnaitre des droits et des créances ainsi que toutes les
voies d'exécution tendant à̀ en obtenir le paiement, exercées par les créanciers composant la masse sur les
meubles et immeubles du débiteur... Il y a lieu donc, en l'espèce, de suspendre la procédure de paiement en
infirmant l'ordonnance de taxation. Cour d'appel de Ouagadougou, Chambre civile (Burkina Faso), arrêt n°
096 du 04 mai 2007, Syndics liquidateurs du CNEA c/ SCPA TOU & SOME OHADAta J-09-53
- Cour d'appel de Ouagadougou, Chambre Civile (Burkina Faso), arrêt N° 094 Du 04 mai 2007, Société́ IFEX
c/ SCPA TOU & SOME OHADAta J-09-54.
La décision de mise en redressement judiciaire emportant suspension des poursuites individuelles et des
voies d’exécution, le débiteur ne peut faire l’objet d’aucune mesure de saisie de sorte que les biens saisis
doivent être restitués. Cour d'Appel du Littoral, ARRET N° 95/REF DU 15 MAI 2006, AFFAIRE LA SOCIETE
S.D.V CAMEROUN SA C/ SOCIETE SACAM SARL OHADAta J-07-176.

242
décision d'ouverture (de la procédure de liquidation) suspend ou interdit toutes les
poursuites individuelles tendant à̀ faire reconnaître des droits et des créances ainsi que
toutes les voies d'exécution tendant à̀ en obtenir le paiement. En l'espèce, le débiteur ayant

Un conseiller taxateur de la Cour d'Appel a rendu une ordonnance taxant l'état des frais et émoluments d'un
Expert qui avait assuré diverses diligences pour une société́ faisant l'objet d'une procédure collective. Les
demandeurs s'y opposent en arguant que la nomination d'un liquidateur à la suite de la dissolution d'une
société́ fait obstacle à toute poursuite individuelle, sauf production entre les mains du liquidateur. Pour
l'Expert intimé, la nomination d'un liquidateur ne peut, étant postérieure à la taxation, fonder la rétractation
de cette taxation. La Cour d'appel considère que l'essentiel est de savoir comment doit être exécutée
l'ordonnance de taxe autrement que par la production entre les mains du syndic. En effet, si l'ordonnance
de nomination du liquidateur emportait suppression des poursuites, cette règle n'interdit pas à l'expert de
rechercher un titre de créance par la taxation de ses frais et émoluments. Cour d'appel de Dakar, arrêt n°
261 du 27 avril 2001 SCI TERANGA (Me René́ Louis Lopy) Contre ADBOULAYE DRAME (Me Saer Lo Thiam)
OHADAta J-06-114.
Des créanciers d'une compagnie d'assurance en liquidation font pratiquer une saisie- attribution sur le
compte bancaire de la compagnie, compte sur lequel existaient déjà̀ des saisies-arrêts. La saisie n'ayant pas
été́ contestée, le tiers saisi se fait autoriser par le juge des référés du Tribunal Régional de Dakar à consigner
les sommes entre les mains du Receveur de l'Enregistrement pour le compte de qui il appartiendra. Le
liquidateur fait grief à̀ cette ordonnance. Après avoir relevé́ que la règle de l'attribution au premier créancier
est mise en échec par l'ouverture des procédures collectives, la Cour d'appel retient que l'arrêt des poursuites
individuelles, suite à̀ la liquidation de la compagnie, présente comme corollaire que les créanciers doivent
produire leurs titres de créances entre les mains du liquidateur; qu'en l'espèce, les fonds objet de la saisie-
attribution devenant une créance pour la masse des créanciers, il convient d'infirmer l'ordonnance et en
conséquence d'ordonner la restitution des sommes consignées au liquidateur. Cour d'appel de Dakar, arrêt
n° 222 du 12 avril 2001, Abdoulaye DRAME es-qualité́ liquidateur de la Nationale d'Assurance (Maître
Boubacar WADE) C/ CBAO S.A Mamadou NDIAYE et 24 autres (Maître SARR Associés et DIAWARA) OHADAta
J-06-59.
Il résulte des dispositions des articles 53 et 75 AUPCAP que la survenance de la liquidation des biens suspend
ou interdit toutes poursuites individuelles ou toutes voies d'exécution. Par conséquent, la juridiction saisie
doit surseoir à̀ statuer jusqu'à̀ ce qu'après production de leurs créances le juge commissaire ait décidé́ de
leur admission ou de leur rejet, l'exercice des droits et actions des créanciers puisse être repris de plein droit.
Cour d'appel de Ouagadougou (Burkina Faso), Sentence du Conseil d’arbitrage n° 29 du 09 avril 2002,
SOTRAO c/ MP OHADAta J-07-216.
La décision de mise en liquidation des biens de la société́ étant postérieure à la décision de reclassement du
travailleur avec paiement du différentiel de salaire, décision assortie du bénéfice de l'exécution provisoire,
l'article 75 alinéa 1 AUPCAP ne saurait être appliquée. Cour d'appel de Ouagadougou, Chambre sociale
(Burkina Faso), arrêt n° 33 du 16 avril 2002, FASO FANI c/ OUEDRAOGO CHARLES E. VALENTIN OHADAta J-
07-217.
Il résulte des dispositions de l’article 75 de l’AUPCAP, que la décision d’ouverture suspend ou interdit toutes
les poursuites individuelles tendant à̀ faire reconnaitre des droits des créances. Toute personne qui estime
être créancière de la société́ en liquidation doit dès lors produire sa créance auprès du syndic conformément
aux dispositions de l’article 78 de l’AUPCAP .Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Jugement Commercial
N°42 du 11/07/2003. Affaire : La Société́ FROID CLIMATIC c/ Compagnie AIR AFRIQUE. OHADAta J-09-339
Aux termes de l'article 1184 du code civil, « la partie envers laquelle l'engagement n'a point été́ exécuté́ a le
choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la
résolution avec dommages et intérêts ».Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso),
Jugement n° 101/2005 du 02 mars 2005, Michel S. SANOU Syndics liquidateurs de la SOREMIB c/ La société́
OSCAR Industries LTD International (Headquarier Company) OHADAta J-07-232.
445
Tribunal De Grande Instance De Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 374/2005 du 06 juillet 2005,
Société́ Internationale Faso Export - SA (IFEX-SA) c/ Bank Of Africa (BOA) Solution critiquable. Voir
observations Joseph ISSA SAYEGH. OHADAta J-07-229.

243
fait l'objet d'une procédure de liquidation en vertu du jugement n° 20/03 rendu par le
Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 29 janvier 2003, il en résulte que les
poursuites individuelles sont suspendues au regard de la disposition susvisée et le créancier
ne peut faire valoir sa créance qu'en se joignant à la masse des créanciers de sa débitrice ;
il y a donc lieu de déclarer le débiteur bien fondé en son opposition et, par conséquent,
annuler l'ordonnance d'injonction de payer n° 645/2003 du 14 octobre 2003 ».

326. Ainsi, c’est tout le recouvrement des créances qui est interdit à un créancier en
dehors des règles de la procédure de liquidation qui exigent la représentation par un
organe de la procédure. Toutes les poursuites individuelles visant à obtenir le paiement et
les saisies antérieures à la décision d’ouverture qui n’ont pas été achevées au jour de son
prononcé sont arrêtées ou suspendues. La règle du paiement au prix de la course est
proscrite de la procédure de liquidation. La sanction du paiement illégal n’est pas la même
dans les deux législations. En droit OHADA le paiement illicite doit être restitué sans que
le débiteur ne puisse produire sa créance au passif. Le créancier devra attendre l’issue de
la procédure en droit français, l’annulation permettait de vider le contentieux. Qu’il soit
inopposable ou nul, le paiement effectué au mépris de l’interdiction des paiements de
créances antérieures ne produit pas sur la créance l’effet extinctif attendu. Les sommes
doivent être restituées, le droit de créance est maintenu sans permettre de concourir aux
répartitions446.

Toutefois, s’agissant spécifiquement de la saisie-attribution des créances, il est prévu dans


l’AUPSRVE que la signification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de
prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ne remettent pas en cause cette
attribution, sans préjudice des dispositions organisant les procédures collectives (art. 155
al. 2 AUPSRVE). En droit français, la survenance d'un jugement portant ouverture d'une
procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne
remettent pas en cause cette attribution (L221 al. 2 C. pro. Civ. Ex.).

446
Voir infra

244
327. L’apposition des scellés. Commeen droit français, il résulte de l’article 59 AUPCAP
révisé que, dans la décision d'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation
des biens447, la juridiction compétente peut prescrire l'apposition des scellés sur les
caisses, coffres, portefeuilles, livres, documents, meubles, effets, magasins et comptoirs
du débiteur. S'il s'agit d'une personne morale comportant des membres indéfiniment
responsables, la mesure est étendue sur les biens de chacun de ces membres. L'apposition
des scellés peut également être prescrite sur les biens des dirigeants des personnes
morales (art. 59 al. 1er AUPCAP révisé).

Le législateur OHADA montre une volonté de célérité dans une phase importante de la
procédure qui déterminera la thérapeutique à appliquer aux maux de l’entreprise en
cessation des paiements. Ainsi, le greffier doit adresser, sans délai, l’avis de la décision
d’apposition des scellés au juge-commissaire (al. 2). D’ailleurs, avant même cette décision,
mais uniquement dans le cas de disparition du débiteur ou de détournement de tout ou
partie de son actif, le président de la juridiction compétente peut désigner, parmi les
membres de celle-ci448, un juge qui fera apposer les scellés (al. 3). Sans délai, le juge-
commissaire (ou le juge désigné le cas échéant) donne avis de l'apposition des scellés au
président de la juridiction qui l'a ordonnée (al. 4).

Si la mesure d’apposition des scellés est conçue pour être des plus rapides, il est
vrai que le temps est précieux dans le cas où la survie de l’entreprise peut être envisagée.
Mais force est de constater que la mesure est loin de l’encadrement requis dans la
législation française, ce qui est regrettable. En effet, il est prévu dans le Code de commerce
que le juge-commissaire peut ordonner l'apposition des scellés sur tout ou partie des biens
du débiteur selon les règles prévues pour les scellés après décès (art. R-641-15 al. 1er
C.Com.)449 lesquelles sont contenues dans le Code de procédure civile (art. 1307 à 13015
C.pro. civ.).

447
Ou par une décision ultérieure est-il précisé.
448
Soit d'office, soit sur réquisition d'un ou plusieurs créanciers précise le texte.
449
Il est donné avis de l'apposition des scellés au juge-commissaire qui l'a ordonnée. Lorsque le débiteur
exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé,

245
328. Toutefois, le législateur OHADA, par souci d’humanité sans doute, fait une
première entaille à l’engagement pris en préambule lorsqu’il assignait entre autres
missions à l’AUPCAP « de liquider les entreprises non viables dans des conditions propres
à maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter les montants recouvrés par
les créanciers et d'établir un ordre précis de paiement des créances garanties ou non
garanties »450. En effet, l’article 60 AUPCAP révisé prévoit, dans le cas où la juridiction
compétente a ordonné l'apposition des scellés, que le juge-commissaire peut, sur
proposition du syndic, le dispenser de faire placer sous scellés ou l'autoriser à en faire
extraire :1°) les objets mobiliers et effets indispensables au débiteur et à sa famille sur
l'état qui lui est soumis ;2°) les objets soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation
imminente ;3°) les objets nécessaires à l'activité professionnelle du débiteur ou à son
entreprise quand la continuation de l'exploitation est autorisée. Toutefois, précise l’article
60 en son dernier alinéa, ces objets doivent être inventoriés sans délai avec prisée par le
syndic, en présence du juge- commissaire qui signe le procès-verbal.

329. En revanche, de manière à ce que le syndic puisse pleinement exercer sa mission,


l’article 61 AUPCAP révisé prévoit que les livres et documents comptables doivent être
extraits des scellés et lui être remis par le juge- commissaire après que celui-ci les a arrêtés
et constaté sommairement, dans son procès-verbal, l'état dans lequel il les a trouvés (al.
1er). Aussi, les effets en portefeuille à courte échéance ou susceptibles d'acceptation ou
pour lesquels il faut procéder à des actes conservatoires sont extraits des scellés par le
juge-commissaire, décrits et remis au syndic pour en faire le recouvrement (al. 2).

Contrairement au législateur OHADA, la législation française reconnait une marge


d’appréciation au juge-commissaire qui décide des biens451, documents et effets dispensés
ou extraits de scellés. Pour le reste, l’article R 641-16 du Code de commerce prévoit

l'apposition des scellés a lieu en présence d'un représentant de l'ordre professionnel ou de l'autorité dont
il relève. (R641-15 c.com).
450
Mais le commentaire vaut aussi pour l procédure de redressement judiciaire qui, rappelons-le, veut
redresser les entreprises en cessation des paiements, ce qui a priori, suppose de mobiliser toutes les
ressources de l’entreprise, y compris tous ses biens.
451
J.CL. Com., A. Martin Serf, fasc. 23010, (Mesures et actes conservatoires), 2005, n°35.

246
également que ces biens devront être inventoriés sans délai, mais outre la description de
ces biens comme dans l’OHADA, le législateur français, lui, exige une estimation de leur
valeur par la personne chargée de réaliser l'inventaire (R641-16 C.com.).

On peut aussi relever que les législations de l’OHADA et française font montre d’une
volonté d’aboutir rapidement dans une phase cruciale. Pourtant, le législateur OHADA ne
dote pas les organes de la procédure collective de moyens suffisants pour réussir cette
étape. Ainsi, par exemple, l’article 1310 du Code des procédures civiles prévoit la présence
d’un gardien (art. 1310 al. 3 C. pro. Civ.). Il est à redouter, nonobstant la quasi absence de
décisions répertoriées sur le sujet, que le contentieux est important quant à l’application
de la mesure d’apposition des scellés.

Enfin, l’effet réel de la procédure collective ne permet pas d’appréhender les biens que
le législateur déclare insaisissables, on aura l’occasion d’étudier ultérieurement, que les
biens retirés des scellés ne seront pas les seuls452.

330. L’inventaire et la prisée.« L’inventaire est une opération importante, au moins sur
le plan théorique. Il conditionne la suite de la procédure et tout particulièrement
l’apurement du passif. Le syndic dispose dans les faits de peu de prérogatives pour
découvrir les biens que le débiteur ne serait pas disposé à laisser appréhender par des tiers,
si bien que l’inventaire se révèle assez souvent décevant. L’efficacité de l’inventaire
supposerait une moralité « angélique » de la part du débiteur »453. Cependant, le
législateur prévoit que, dans les trois jours de leur apposition, le syndic requiert la levée
des scellés en vue des opérations d'inventaire (art. 62 AUPCAP révisé).

Puisque cette mesure n’est pas obligatoire, il est prévu que, dès l'ouverture du
redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, il est procédé par le syndic à

452
Voir infra Marc Sénéchal, thèse précitée, p. 307 à 415.
453
Filiga Michel Sawadogo, « Acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives
d’apurement du passif », OHADA – Traité et actes uniformes, commentés et annotés, Juriscope 4ème éd.
2014 – p. 1210 §1.

247
l'inventaire des biens du débiteur, ainsi que des sûretés qui les grèvent, lui présent ou
dûment appelé par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec
demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite (art. 63 al. 1er AUPCAP
révisé). Le débiteur remet au syndic la liste de ses créanciers indiquant le montant de leurs
créances, leurs noms et adresses, et la liste des contrats en cours. Il l'informe des
procédures judiciaires en cours auxquelles il est partie (art. 63 al. 3 AUPCAP révisé). En
même temps qu'il est procédé à l'inventaire, il est fait récolement des objets mobiliers
échappant à l'apposition des scellés ou extraits de ceux-ci (art. 63 al. 4 AUPCAP révisé). En
redressement judiciaire, lorsque la cession d'un bien est envisagée, il en est fait prisée
avant de procéder à la cession. En liquidation des biens, tous les biens font l'objet d'une
prisée en même temps que l'inventaire (art. 63 al. 5 AUPCAP révisé).

Le syndic peut, sur autorisation du juge-commissaire, se faire assister par toute personne
qu'il juge utile pour établir l'inventaire et réaliser la prisée des biens (art. 63 al. 6 AUPCAP
révisé). Les marchandises placées sous sujétion douanière font l'objet, si le syndic en a
connaissance, d'une mention spéciale (art. 63 al. 7 AUPCAP révisé).

Le législateur OHADA envisage le cas du décès du débiteur. Dans ce cas, s’il n'a pas été fait
inventaire, l’article 63 al. 8 AUPCAP révisé prévoit qu’il doit en être dressé un en présence
des héritiers connus ou dûment appelés par lettre au porteur contre récépissé ou par
lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite. En dehors de ce cas, l'inventaire est dressé en double exemplaire : l'un est
immédiatement déposé au greffe de la juridiction compétente, l'autre reste entre les
mains du syndic (art. 63 al. 11 AUPCAP révisé). Le ministère public peut assister à
l'inventaire (art. 63 al. 9 AUPCAP révisé).

Une fois l'inventaire terminé, les marchandises, les espèces, les valeurs, les effets de
commerce et les titres de créances, les livres et documents, meubles et effets du débiteur
sont remis au syndic qui en prend charge au bas de l'inventaire (art. 63 al. 12 AUPCAP
révisé). Enfin, l'absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en

248
revendication ou en restitution, preuve s’il en fallait que la saisie du gage commun n’a pas
pour objet de priver définitivement le véritable propriétaire de son droit propriété (art. 63
al. 13 AUPCAP révisé).

331. Ainsi, aussi bien en droit OHADA qu’en droit français, tous les biens du débiteur, y
compris ceux dispensés ou retirés des scellés sont inventoriés avant prisée. Cependant, on
peut regretter que le législateur OHADA, contrairement au législateur français, s'abstienne
de désigner un professionnel pour y procéder. Le texte se contente de dire que « le syndic
peut, sur autorisation du juge-commissaire, se faire assister par toute personne qu'il juge
utile pour établir l'inventaire et réaliser la prisée des biens » (art. 63 al. 7). Il eut été
opportun que le texte précise qui sont ces personnes susceptibles de l'assister, telles un
commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice ou un courtier en marchandises
assermenté par exemple, comme dans la législation française.

En effet, selon l’article L641-4 du Code de commerce, le jugement d’ouverture de la


liquidation emporte pour le tribunal obligation de désigner, aux fins de réaliser l'inventaire
prévu par l'article L. 622-6 et la prisée de l'actif du débiteur, un commissaire-priseur
judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier en marchandises assermenté,
en considération des attributions respectives qui leur sont conférées par les dispositions
qui leur sont applicables.

S’agissant du contenu de l’inventaire, le législateur OHADA prévoit que dès l'ouverture du


redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, il est procédé par le syndic à
l'inventaire des sûretés qui grèvent les biens du débiteur (art. 63 al. 1er AUPCAP). Cette
mention des « sûretés » montre que le législateur OHADA vise exclusivement les sûretés
règlementées dans l’AUS révisé, ce qui est réducteur. En comparaison, le législateur
français prévoit que, dès l'ouverture de la procédure, il est dressé un inventaire du
patrimoine du débiteur ainsi que des garanties qui le grèvent. Selon Mme Saint-Alary-

249
Houin, « le terme de garanties est volontairement plus compréhensif que celui de sûretés
et permet d’englober les droit de rétention, par exemple »454.

332. Conclusion i). Au jour de la décision d’ouverture de la procédure de redressement


judiciaire ou de la procédure de liquidation des biens, l’ensemble des biens en possession
du débiteur sont placés sous main de justice. Cependant, s’agissant de procédures
ouvertes sur le constat de la cessation des paiements, le créancier chirographaire OHADA
ou français ne peut se contenter de fonder ses espoirs sur une aptitude de la saisie
collective à appréhender des biens. Ce n’est qu’au jour de la saisie que le droit de gage
général montre sa véritable consistance.

ii)-Les biens « à venir »

333. Les sommes recouvrées syndic. Le sort des deniers recueillis est prévu à l’article 45
AUPCAP révisé. Selon cet article, et sans préjudice des droits des créanciers revendiquants,
les deniers éventuellement recueillis par le syndic, quelle qu'en soit la provenance, sont
versés immédiatement sous sa responsabilité sur le compte ouvert au nom de la
procédure collective. Le syndic est redevable, à titre personnel, d'un intérêt au taux légal
majoré de huit points sur les sommes non versées au compte, sans préjudice des sanctions
disciplinaires. (al. 1er). Si des fonds dus au débiteur ont été déposés sur un compte distinct
par des tiers, il en est fait transfert sur le compte ouvert par le syndic au nom de la
procédure collective, à charge pour lui d'obtenir mainlevée des oppositions éventuelles
(al. 2). Aucune opposition sur les deniers versés au compte spécial de la procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens n'est recevable. Les fonds ainsi versés
ne peuvent être retirés qu'en vertu d'une décision du juge-commissaire. (al. 3) En tout état
de cause, le syndic doit respecter les exigences en matière comptable455 (al. 4).

454
Corinne Saint-Alary-Houin, « Droit des entreprises en difficulté », Domat droit privé, 5ème éd.,
Montchrétien, 2006 p. 445n°752.
455
Ces règles sont établies à l'article 4-15 AUPCAP révisé

250
334. Le produit de l’action en extension de procédure456. Le législateur OHADA institue
deux extensions de procédure collective. La premier cas d’extension est celui qui concerne
les sociétés à responsabilité illimitée. En effet, la décision d'ouverture d'une procédure de
redressement judiciaire ou de liquidation des biens d'une personne morale produit ses
effets à l'égard de tous les membres indéfiniment et solidairement responsables du passif
de celle-ci et entraine, pour chacun d'entre eux, soit le redressement judiciaire, soit la
liquidation des biens457, en fonction de leur situation (art. 33 al. 4 AUPCAP révisé).

En droit français, la loi de sauvegarde a supprimé cette extension de procédure collective


pour lui substituer une obligation aux dettes sociales instituée à l'article L. 652-1 du Code
de commerce. Il disposait qu'au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal
pouvait décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une
personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu'il était établi,
à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des cinq fautes qu'il énumérait avait contribué à la
cessation des paiements.

Ainsi, de ce point de vue, le gage commun des créanciers OHADA peut paraître plus étendu
mais il n’en est rien dans la mesure où la procédure collective qui s’ouvre suite à la mesure
d’extension automatique, n’est pas la même que celle initialement ouverte.

335. Le second cas d’extension de procédure vise le dirigeant de la société, et plus


particulièrement son comportement. Ainsi, en cas de redressement judiciaire ou de

456
Filiga Michel Sawadogo, « Droit des entreprises en difficulté », Collection droit uniforme africain,
Juriscope, Bruylant Bruxelles, p. 327à 333 ; Corinne Saint-Alary-Houin, « Droit des entreprises en
difficulté », Domat droit privé, 5ème éd., Montchrétien, 2006 p. 206 à219 : L’auteur fait notamment que les
cas incriminés justifiant l’extension de procédure collective, sont les mêmes qui justifiaient n France
l’obligation aux dettes sociales.
457
Voir sur la détermination du choix de la procédure : TGI Ouagadougou décision n°234 du 29 mars 2000
relative à la société SOBUCI ; Tribunal de première instance de Libreville, Répertoire n°01/07-08 du 7
décembre 2007 ; voir sur le caractère sérieux du concordat : TGI de Ouagadougou jugement n°100 bis du
24 juin 2001 ; Cour d’appel de Ouagadougou, arrêt n°32 du 4 mai 2001 (sur la viabilité du concordat) de
redressement judiciaire) ; TGI de Ouagadougou n°224 du 20 mars 2002 (concordat impossible à réaliser) ;
Tribunal régional classe de Dakar, jugement du 14 août 2001 (concordat viable);Tribunal de première
instance de Libreville, Chambre commerciale, Répertoire n°27/2004-2005 (prononcé de la liquidation des
biens) ; Tribunal de première instance de Libreville, chambre commerciale Répertoire 2005-2006
(conversion du redressement judiciaire en liquidation des biens).

251
liquidation des biens d'une personne morale, peut être déclaré personnellement en
redressement judiciaire ou en liquidation des biens tout dirigeant qui a, sans être en
cessation des paiements lui-même : exercé une activité professionnelle indépendante,
civile, commerciale, artisanale ou agricole soit par personne interposée, soit sous le
couvert de la personne morale masquant ses agissements ; disposé du crédit ou des biens
de la personne morale comme des siens propres ; poursuivi abusivement, dans son intérêt
personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des
paiements de la personne morale. La juridiction compétente peut également prononcer
le redressement judiciaire ou la liquidation des biens des dirigeants à la charge desquels a
été mis tout ou partie du passif d'une personne morale et qui n'acquittent pas cette dette
(art. 189 AUPCAP révisé)458.

336. Aucune des extensions de procédure collective ne donne cependant lieu à


l’ouverture d’une procédure unique avec un actif et un passif. Il s’agit de procédures
distinctes ayant une finalité elle-même distincte, le cas échéant. Leur domaine, ne
permettrait pas non plus d’appréhender les biens qu’un entrepreneur individuel à
responsabilité limitée institué dans un Etat partie à l’OHADA aurait affectés dans un
patrimoine professionnel. Tel n’est pas le cas en droit français (art. L621-2 C.com.) qui a
supprimé toutes les extensions de procédure collective automatiques, pour ne retenir que
les « vraies » extensions créées par la jurisprudence. Celle-ci n’admettait qu’avec
parcimonie d’étendre la procédure collective à une ou plusieurs autres personnes en cas

458
Voir, le jugement rendu par un Tribunal Régional hors classe de Dakar, n°28 du 21 janvier 2003, qui
ordonne l’extension de la procédure de liquidation des biens de la Sogeres à Abdoul Khafiz, dirigeant de la
société, en raison de l’accomplissement des actes visés par l’article 189 AUPCAP, et particulièrement, pour
avoir disposé des biens et du crédit de la société.

252
de confusion459 de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité460 de la personne
morale. Aussi, l’ordonnance du 9 décembre 2010 a introduit un nouveau cas d’extension
de procédure collective adapté à l’entreprise individuelle à responsabilité limitée.
Désormais, l’article L621-2 dispose que « A la demande de l'administrateur, du mandataire
judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à un
ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur individuel à responsabilité
limitée afin qu’ils puissent être réunis au patrimoine visé par la procédure461 ». Cependant,
l’extension n’est possible qu’ « en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque
le débiteur a commis un manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de

459
la confusion des patrimoines, elle postuleque plusieurs débiteurs ont entremêlé leurs patrimoines
respectifs au point de ne plus savoir plus à qui attribuer les actifs et les passifs des uns et des autres. Selon
la Cour de cassation, il y a confusion de patrimoines, soit parce que les comptes sont imbriqués, soit parce
qu’il existe des flux financiers anormaux. Elle a rappelé le caractère exceptionnel de ces situation dans
l’arrêt Métal Europ , Cass. com., 19 avr. 2005, n° 05-10.094, Bull. civ. IV, n° 92, D. 2005, p. 1225, obs.
Lienhard A., D. 2005, p. 2013, obs. Lucas F.-X., JCP G 2005, II, n° 10088, note Bouru O. et Menjucq M., JCP E
2005, n° 1274, p. 1421, n° 1, obs. Pétel Ph., Environnement 2005, comm. 50, par Rolland B., Bull. Joly
Sociétés 2005, p. 690, note Saint-Alary-Houin C., Rev. sociétés 2005, p. 897, note Marotte J. et Robine D.,
Gaz. Pal. 4 et 5 nov., numéro spécial « pro- cédures collectives », p. 3, obs. Lebel Ch., RTD com. 2005, p.
541, obs. Champaud Cl. et Danet D., Dr sociétés juill. 2005, comm. 133, obs. Legros J.-P) ; et par un récent
arrêt du 16 décembre 2014 (Com. 16 déc. 2014, n° 13-24.161, à paraître au bulletin), la Cour de cassation
confirme sa conception très exigeante de la preuve de la confusion de patrimoines conduisant à l’extension
d’une procédure collective entre sociétés appartenant à un même groupe. Aussi, la confusion des
patrimoines est davantage un mécanisme correcteur459 que de sanction. En effet, la Cour de cassation a eût
l’occasion de jugé que la fraude n’était pas constitutive de la confusion des patrimoines459, et l’extension
de procédure collective pourrait néanmoins aboutir quand bien même l’entité à laquelle est étendu la
procédure collective n’aurait pas profité de la situation, c’est-à-dire même si le débiteur initial n’a pas été
appauvri. Comme le dit M. Philippe Roussel-Galle, son objet est semble-t-il de faire coïncider la réalité
juridique avec la réalité économique. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause la théorie du patrimoine,
mais de prendre en considération une situation de fait. Si cette confusion est caractérisée, la procédure
ouverte à l’encontre d’un débiteur est étendue à un ou plusieurs autres, indépendamment de leur situation,
et l’ensemble de leurs patrimoines est alors traité globalement dans la même procédure459.
460
La fictivité de la personne morale met en œuvre la théorie générale de la simulation. Les indices de cette
extension de procédure collective seront opportunément trouvés dans l’absence de vie sociale de la
société, qui de ce fait sera considérée comme étant fictive, les associés n’ayant pas d’affection societatis.
C’est encore le cas du maître de l’affaire (personne physique) qui n’a pas d’activité distincte de celle de la
société. Dans cette hypothèse, le débiteur initial est une société de façade derrière laquelle se cache la
véritable société, à laquelle la procédure de la première va être étendue. En pratique, la fictivité de la
personne morale se rencontre peut. Elle est d’ailleurs apparentée à une fraude. Aussi, fréquemment, il
s’agira de sociétés qui ont également confondu leurs patrimoines, au point qu’il avait été avancé en
doctrine l’inutilité de la fictivité comme cause d’extension de procédure collective légale.
461
À cet effet, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens
du défendeur à l'action, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou
d'office.

253
l'article L. 526-6462 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13463 ou encore une fraude
à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la
procédure ». Autrement dit, l’extension de procédure ne se justifie pas par le seul constat
de la scission du patrimoine. Il faut en préalable caractériser la confusion des patrimoines,
puis l’un des trois cas visés par le texte.

337. Le produit des actions contre les actes suspects. Comme en droit français (art.
L632464-1-I et II C.com.), le législateur OHADA prévoit une action contre les actes de la
période suspecte à l’initiative du syndic (art. 70 AUPCAP révisé).

338. La liste des actes suspects paraît plus étendue dans la législation française que dans
la législation OHADA. La suspicion est qualifiée par le juge de plein droit ou
facultativement. La période suspecte commence à compter de la date de la cessation des
paiements et prend fin à la date de la décision d'ouverture du redressement judiciaire ou
de la liquidation des biens (art. 67 AUPCAP révisé). L’acte suspect est sanctionné par son
inopposabilité, laquelle profite à la masse (art. 71 al. 1er AUPCAP révisé). L’AUPCAP
procède à une énumération précise de ses effets :

1 °) La masse est colloquée à la place du créancier dont la sûreté a été déclarée


inopposable.

2°) L'acte à titre gratuit déclaré inopposable est privé d'effet s'il n'a pas été exécuté. Dans
le cas contraire, le bénéficiaire de la libéralité doit rapporter le bien dont la propriété a été

462
Selon cet article, le patrimoine EIRL est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés
dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire,
utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit,
obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.
463
Selon cet article le patrimoine EIRL est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés
dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire,
utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit,
obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté Voir supra
464
Les textes relatifs aux nullités de la période suspecte sont applicables à la procédure de liquidation par
renvoi de l’article L641-14

254
transférée gratuitement. En cas de sous-aliénation à titre gratuit, le sous-acquéreur,
même de bonne foi, est soumis à l'inopposabilité et au rapport du bien ou au paiement de
sa valeur, à moins que le bien ait disparu de son patrimoine par suite d'un cas de force
majeure (al. 1er). En cas de sous-aliénation à titre onéreux, le sous-acquéreur n'est soumis
au rapport ou au paiement de sa valeur que si, au moment de l'acquisition du bien, il avait
connaissance de la cessation des paiements du débiteur (al. 2). En tout état de cause, le
bénéficiaire principal de l’acte à titre gratuit reste tenu du paiement de la valeur du bien
si le sous-acquéreur ne peut ou ne doit pas rapporter le bien (al. 3).

3°) Le paiement déclaré inopposable doit être rapporté par le créancier qui doit produire
au passif du débiteur.

4°) Si le contrat commutatif déséquilibré déclaré inopposable n'a pas été exécuté, il ne
peut plus l'être (al. 1er). S'il a été exécuté, le créancier peut seulement produire au passif
du débiteur pour la juste valeur de la prestation qu'il a fournie (al. 2).

5°) Les actes à titre onéreux déclarés inopposables sont privés d'effets s'ils n'ont pas été
exécutés (al. 1er). S'il s'agit d'une aliénation exécutée, l'acquéreur doit rapporter le bien et
produire sa créance au passif du débiteur ; s'il y a eu sous-aliénation à titre gratuit, le sous-
acquéreur est tenu de restituer le bien sans recours contre la masse ; s'il y a eu sous-
aliénation à titre onéreux, le sous-acquéreur est tenu de rapporter le bien et de produire
sa créance au passif du débiteur si, au moment de l'acquisition du bien par lui, il avait
connaissance du caractère inopposable de l'acte de son auteur (al. 2). Si le débiteur a reçu
tout ou partie de la prestation du cocontractant qui ne peut être restituée en nature, le
créancier doit produire sa créance pour la valeur de la prestation fournie (al. 3).C’est une
différence importante avec le droit français qui attache à la qualification d’acte suspect la
sanction de la nullité de l’acte.

339. En droit français, l'action en nullité des actes suspects de plein droit ou
facultativement a pour effet de reconstituer l’actif du débiteur (art. L632-4 C.com.). Il s’agit
d’empêcher la réduction du gage commun des créanciers en déclarant certains actes

255
suspects lorsqu’ils ont été accomplis dans le délai légal pouvant aller jusqu’à 18 mois
précédant la date de cessation des paiements (art. L632-1-I C.com.). Il en est ainsi
notamment : du transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire (9°)465 ;
lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, de toute
affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des
revenus mentionnés à l'article L. 526-18 C.com., dont il est résulté un appauvrissement du
patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur
(11°) 466; et enfin la déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur467468.

340. Le produit des actions en responsabilité. L’AUPCAP révisé institue deux cas de
responsabilité. L’une est dirigée contre le dirigeant, comme en droit français (art. L651-
2 C.com. ). Selon l’article 183 AUPCAP révisé, lorsque la liquidation des biens d'une
personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut,
en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider, à la
requête du syndic, du ministère public ou de deux contrôleurs469, ou même d'office, que
les dettes de la personne morale sont supportées en tout ou en partie, avec ou sans
solidarité, par tous les dirigeants ou certains d'entre eux (al. 1er). Cette disposition est
également applicable dans le cas où un dirigeant retiré a continué d'intervenir dans la
gestion sociale comme dirigeant de fait, même si le retrait a fait l'objet de publicité, ou
encore lorsque la situation ayant abouti à l'insuffisance d'actif a été créée alors que le

465
à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée.
466
Il y a donc une condition à l’annulation tenant à l’absence de versement du prix et une autre liée à
l’appauvrissement, sans oublier celle de la date à laquelle cette affectation a été opérée. En effet, hors
période suspecte, l’affectation sera opposable.
467
en application de l'article L. 526-1. II. Le tribunal peut, en outre, annuler les actes à titre gratuit visés
au 1° du I et la déclaration visée au 12° faits dans les six mois précédant la date de cessation des
paiements.
468
Toutefois, les dispositions de l’articles L. 632-1 ne portent pas atteinte à la validité du paiement d'une
lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un chèque. Toutefois, l'administrateur ou le mandataire judiciaire
peut exercer une action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour
compte, contre le donneur d'ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d'un chèque et le premier endosseur
d'un billet à ordre, s'il est établi qu'ils avaient connaissance de la cessation des paiements. (art. L632-3 Créé
par Loi 2005-845 2005-07-26 art. 1 I, II, art. 165 III JORF 27 juillet 2005 en vigueur le 1er janvier 2006 sous
réserve art. 190 Créé par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 1 (V) JORF 27 juillet 2005 en vigueur le 1er
janvier 2006 sous réserve art. 190 Créé par Loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 - art. 165 (V) JORF 27 juillet
2005 en vigueur le 1er janvier 2006 sous réserve art. 190.
469
Dans les conditions de l'article 72 alinéa 2 ci-dessus.

256
dirigeant retiré se trouvait encore en fonction (al. 2). L’assignation du syndic470 doit être
signifiée à chaque dirigeant mis en cause huit jours au moins avant l’audience. Lorsque
la juridiction compétente se saisit d’office, le président fait convoquer le dirigeant, par
signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la
réception effective par le destinataire, à la diligence du greffier, dans les mêmes délais
(al. 3). La juridiction compétente statue dans de brefs délais, après avoir entendu le juge-
commissaire en son rapport et les dirigeants en audience non publique (al. 4)471.

341. L’autre action en responsabilité prévue par l’AUPCAP révisé est dirigée contre le tiers
à l’entreprise, comme en droit français (art. L650-1 C.com.). Selon l’article 118 AUPCAP
révisé, les tiers, créanciers ou non, qui, par leurs agissements fautifs, ont contribué à
retarder la cessation des paiements ou à diminuer l'actif ou à aggraver le passif du débiteur
peuvent être condamnés à réparer le préjudice subi par la masse sur l’action du syndic
agissant dans l'intérêt collectif des créanciers (art. L650-1 al. 1er C.com.).

Contrairement au législateur OHADA, le législateur français réserve ce cas de


responsabilité à la procédure de liquidation. Il introduit en outre une restriction s’agissant

470
L’assignation peut encore être à l’initiative des contrôleurs, ou la requête du ministère public.
471
La juridiction compétente est celle qui a prononcé le redressement judiciaire ou la liquidation des biens
de la personne morale (article 184). Aussi peut-elle enjoindre aux dirigeants à la charge desquels a été mis
tout ou partie du passif de la personne morale de céder leurs parts sociales, titres de capital ou valeurs
mobilières donnant accès au capital de celle-ci ou ordonner leur cession forcée par les soins du syndic, au
besoin après expertise. Le produit de la vente est affecté au paiement de la part des dettes art. 186 L'action
en comblement du passif se prescrit par trois (03) ans à compter de l'arrêté définitif de l'état des créances.
En cas de résolution ou d'annulation du concordat de la personne morale, la prescription, suspendue
pendant le temps qu'a duré le concordat, recommence à courir. Toutefois, le syndic dispose à nouveau,
pour exercer l'action, d'un délai qui ne peut, en aucun cas, être inférieur à un (01) an de la personne morale
mise à la charge de ces dirigeants (article 185) art. 187 Lorsqu'un dirigeant d'une personne morale est déjà
soumis à une procédure de redressement /judiciaire ou de liquidation des biens, le montant du passif mis
à la charge de ce dirigeant est / déterminé par la juridiction compétente qui a prononcé le redressement
judiciaire ou la liquidation des biens de la personne morale (al. 1er). Dans ce cas, le syndic de la procédure
collective de la personne morale produit au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens du
dirigeant (al. 2). art. 188 La décision intervenue en application de l'article 183 ci-dessus est soumise aux
dispositions des articles 36 et 37 ci-dessus (al. 1er). La publication de la décision est effectuée à la diligence
et sous la responsabilité du syndic (al. 2).La publication est faite au Registre du commerce et du crédit
mobilier en ce qui concerne les membres responsables du passif social ou les dirigeants d'une personne
morale commerçante, et, s'ils sont commerçants, sous le numéro personnel des dirigeants (al. 3). Le syndic
procède également, dans un délai de trente (30) jours à compter de la décision, à sa publication dans un
journal d'annonces légales de l'État Partie concerné (al. 4).

257
du tiers pourvoyeur de crédit. En ce qui le concerne, le principe est celui de
l’irresponsabilité, l’exception sa responsabilité. Ainsi, lorsqu'une procédure de liquidation
judiciaire est ouverte, les établissements de crédit ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en
contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci (al. 1er)472.

342. C’est dire que l’amenuisement de l’actif peut être source de responsabilité pour le
dirigeant ou un tiers à l’entreprise. Cependant, il n’existe pas de préjudice d’atteinte au
droit de gage général des créanciers imputable à l’un ou à l’autre.

343. Conclusion ii). Postérieurement à la date de la décision d’ouverture, le gage commun


des créanciers sera peut être augmenté des biens que la procédure collective permettra
d’appréhender, sans cependant jamais redonner à ce gage ses contours initiaux. En effet,
outre les biens « à venir » dans le cadre du recouvrement des créances auprès des
débiteurs de la personne soumise à la procédure pouvent s’agréger l’hypothétique produit
des actions en extension du gage commun au patrimoine d’un tiers, l’hypothétique
produit des actions contre les actes suspects et des actions en responsabilité contre les
tiers ou le dirigeant. Ces produits sont tout aussi hypothétiques que la mise en œuvre des
actions elles-mêmes par l’organe de la procédure désigné par les textes. En effet,
l’existence d’une action ne garantit ni sa mise en œuvre ni la validation de la justification
de sa mise en œuvre par le juge, lequel est relativement libre quant aux suites à lui donner.
Ainsi, dans le cadre d’une action en responsabilité contre un tiers créancier, le juge a le
choix entre la condamner au versement de dommages et intérêts pour renflouer le gage
commun ou priver d’effet la sûreté dont il était titulaire.

344. Conclusion 1. Lorsque l’état de cessation des paiements est constaté, l’effet réel de
la procédure collective se libère avec la décision d’ouverture. Alors il place sous son

472
Les termes génériques de « concours consentis » et de « créancier » de l'art. L. 650-1 conduisent à ne
pas limiter son application aux seuls établissements de crédit Voir Com. 16 oct. 2012, no 11-22.993.

258
emprise tous les biens présents et à venir du débiteur473, sans toutefois permettre
d’intégrer ou réintégrer les biens que le débiteur aura volontairement placé hors
d’atteinte de la poursuite collective. Techniquement, l’effet réel de la procédure
collective, et particulièrement les mécanismes dont il procède, se heurte aux décisions
organisationnelles du patrimoine de l’entreprise par le chef d’entreprise lui-même.

2-Le redressement

345. La subsidiarité de la liquidation. Le débiteur en cessation des paiements peut


bénéficier d’une procédure de redressement judiciaire. Cette procédure collective est
destinée au sauvetage de l'entreprise débitrice en cessation des paiements dont la
situation n'est pas cependant irrémédiablement compromise, et à l'apurement de son
passif au moyen d'un concordat de redressement (art. 2 al. 3 AUPCAP révisé). La
déclaration de cessation des paiements doit être faite par le débiteur au plus tard dans les
trente jours qui suivent la cessation des paiements et déposée au greffe de la juridiction
compétente contre récépissé (art. 25 al. 4 AUPCAP révisé). Le débiteur précise dans sa
déclaration s'il demande l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens (art. 25 al. 5 AUPCAP révisé).

Selon l’article 33 AUPCAP révisé, la juridiction compétente qui constate la cessation des
paiements prononce, soit l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, soit
l'ouverture de la liquidation des biens (1er). Elle prononce l'ouverture du redressement
judiciaire : s'il lui apparaît que le débiteur a proposé un concordat sérieux, au sens de
l'article 27 AUPCAP révisé ou qu'un tel concordat a des chances sérieuses d'être obtenu474;
ou si une cession globale est envisageable (article 33al. al. 2 AUPCAP révisé). Il convient

473
Sur la propriété apparente, voir infra.

474
Il a ainsi été jugé sous l’empire de l’ancien AUPCAP que « La proposition de concordat, pour être sérieuse
et gagner la conviction du tribunal, ne doit pas consister en des perspectives bien évaluées mais plutôt en
des mesures concrètes et des propositions réelles tout aussi bien quant au personnel qu'aux ressources et à
des remises des créanciers et délais obtenus en vue de redémarrer l'activité́ et apurer collectivement le
passif ». (Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 100 bis du 24 janvier
2001, Requête des Établissements KORGO et Frères aux fins de redressement judiciaire). OHADAta J-04-
182.

259
encore que le débiteur se plie à la formalité de déclaration de cessation des paiements475.
Dans le cas contraire, si les conditions du redressement ne sont pas satisfaites, la
juridiction compétente prononce la liquidation des biens476 (article 33 al. 3 AUPCAP
révisé).

Le caractère subsidiaire de la procédure de liquidation est scrupuleusement respecté par


les juridictions nationales des États parties au Traité OHADA, comme le montre
notamment un jugement rendu par un tribunal d’instance de Ouagadougou du 25 mai
2004, lequel rappelle qu’ « Il ressort des dispositions de l'article 25 de l'AUPCAP que le
débiteur, qui est dans l'impossibilité́ de faire face à̀ son passif exigible avec son actif
disponible, doit faire une déclaration de cessation des paiements pour bénéficier de la
procédure de liquidation des biens. L'article 33 mentionne que la juridiction compétente
qui constate la cessation des paiements doit prononcer le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens. Partant, , lorsque le débiteur est dans l'impossibilité́ de présenter un

475
Voir notamment Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 192 du 24
février 1999, Requête de la B.C.T.I aux fins de redressement judiciaire). OHADAta J-04-178. Voir aussi
Tribunal de grande instance de Banfora (Burkina Faso), Jugement n° 02 du31 janvier 2003, Les Grands
Moulins du Burkina (G.M.B)). OHADAta J-04-51.

476
Il a ainsi été jugé sous l’empire de l’ancien AUPCAP qu’une proposition de concordat impossible à̀ réaliser
ne saurait être retenue pour envisager un redressement judiciaire. En effet, le refus de nombreux créanciers
d'accepter le plan de concordat proposé et l'absence d'engagement des partenaires importants militent en
faveur d'engagement d'une liquidation de biens. (Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina
Faso), Jugement n° 224 du 20 mars 2002, Requête aux fins de liquidation judiciaire de la SOTRAO). OHADAta
J-04-187.
Voir aussi : Cour d'appel de Ouagadougou (Burkina Faso), Chambre civile et commerciale, arrêt n° 84 du 21
novembre 2003, Société́ Sahel Compagnie, en abrégé́ (SOSACO) c/ Syndics liquidateurs de la SOSACO).
OHADAta J-04-369. Dans cet arrêt d’appel il est décidé sous l’empire de l’ancien droit (mais dont les apports
devraient selon nous continuer de valoir jurisprudence) que « Tout en imposant une certaine diligence au
juge, les dispositions de l'article 32 AUPCAP fixent également des balises afin de sauvegarder les intérêts du
débiteur dans la présentation d'un concordat sérieux et fiable. Ces balises consistent en la fixation d'un délai
impératif de trente jours que la juridiction compétente doit observer avant de rendre sa décision et toute
décision prise avant l'expiration dudit délai doit être annulée. Il est constant que le premier juge, en
ordonnant la liquidation des biens de la société́ en méconnaissance des prescriptions des articles 25, 26 et
32 AUPCAP et 26 des statuts de la société́, a gravement violé la loi et sa décision mérite annulation. Tribunal
régional hors classe de Dakar, Jugement n° 1538 du 08/08/2000, Liquidation des biens des Nouvelles
Brasseries Africaines). OHADAta J-04-342.Doit être déclarée en liquidation des biens, la société́ qui, à la suite
d'une ordonnance de suspension des poursuites individuelles, se trouve en état de cessation des paiements
et ne présente pas de propositions concordataires.

260
concordat sérieux, qu’il n’envisage aucune possibilité́ pour un redressement éventuel ; il y
a lieu de prononcer la liquidation de ses biens avec toutes les conséquences de droit »477.

346. Le projet de concordat de redressement sérieux. Déposé en même temps que la


déclaration de cessation des paiements478 le concordat sérieux479 est celui que le juge
considère qu’il l’est. Un arrêt de la CCJA480 se prononce pour l’appréciation souveraine de
l’offre de concordat par le juge. Elle considère à juste titre que c’est en vertu de son
pouvoir souverain d’appréciation que le juge examine les pièces et éléments qui sont
produits à l’appui de la proposition de concordat pour estimer les mérites de l’offre, et ce
faisant pour qualifier le sérieux de celle-ci. Il n’est donc tenu par aucune disposition le
contraignant à requérir au préalable l’avis d’un expert qualifié sur la situation financière
de la société avant de statuer.

Toutefois, l’article 27 AUPCAP révisé donne des pistes précises de ce que doit être un
projet de concordat de redressement pour qu’il soit pris au sérieux par le juge. Ainsi, le
concordat est sérieux lorsqu’il démontre les perspectives de redressement de l'entreprise
débitrice en fonction des possibilités et des modalités d'activité, de l'état du marché et des
moyens de financement disponibles. Ce projet, le cas échéant, précise les mesures et
conditions envisagées pour le redressement de l’entreprise en tenant compte notamment
: des éléments permettant d'établir la viabilité financière et économique de l'entreprise
débitrice ; des modalités de continuation de l'entreprise, telles que la demande ou l'octroi
de délais et de remises ; la cession partielle d'actif avec indication précise des biens à céder
; la cession ou la location-gérance d'une branche d'activité formant un fonds de commerce
; la cession ou la location-gérance de la totalité ou d'une partie de l'entreprise, sans que
ces modalités soient limitatives et exclusives les unes des autres.

477
Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, jugement du 25 mai 2004, Revue burkinabè́ de droit, n°
45, note Professeur Filiga Michel SAWADOGO). OHADAta J-05-249.
478
Le projet peut encore être déposé jusqu’à les soixante jours qui suivent la décision d'ouverture du
redressement judiciaire (art. 27 AUPCAP révisé).
479
Apprécié souverainement par les juges du fond.
480
CCJA, 2ème ch., Arr. n°032/2011, 08 déc. 2011, Aff. Société Congolaise Arabe Libyenne de bois
(SOCALIB) c/ Collectif des travailleurs de la SOCALIB.

261
Le projet de concordat, toujours selon l’article 27 AUPCAP révisé, identifie de manière
précise les personnes tenues d'exécuter le concordat et l'ensemble des engagements
souscrits par elles et nécessaires au redressement de l'entreprise. Il convient alors de
joindre les noms, prénoms, qualités et adresses de ces personnes.

Aussi, le projet de concordat sérieux doit-il préciser les modalités du maintien et du


financement de l'entreprise, du règlement du passif né antérieurement à la décision
d'ouverture ainsi que, s'il y a lieu, les garanties fournies pour en assurer l'exécution. Ces
engagements et garanties peuvent, selon l’article 27 AUPCAP, consister notamment en la
souscription d'une augmentation du capital social par les anciens associés ou par de
nouveaux, une conversion de créances en capital, l'ouverture de crédits par des
établissements bancaires ou financiers ou par toute autre personne, y compris tout nouvel
apport en trésorerie ou sous forme de nouveau bien ou service481 ainsi que le montant de
l'apport ou la valeur du bien ou du service ; la poursuite de l'exécution de contrats conclus
antérieurement à la décision d'ouverture, et la fourniture de cautions. En outre, le projet
de concordat doit prévoir le niveau et les perspectives d'emploi, ainsi que les
licenciements pour motif économique 482.

481
Dans les conditions de l'article 33-1 AUPCAP qui dispose que En cas de conversion d'une procédure de
redressement judiciaire en liquidation des biens, les personnes qui avaient consenti dans le concordat de
redressement judiciaire un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite de
l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité sont payées au titre du privilège selon les rangs prévus
par les articles 166 et 167 AUPCAP révisé (al. 1er). Les personnes qui fournissent un nouveau bien ou service
en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité bénéficient du même
privilège pour le prix de ce bien ou de ce service (al. 3). Cette disposition ne s'applique pas aux apports
consentis dans le cadre d'une augmentation du capital social du débiteur (al. 4). Les créanciers du débiteur
ne peuvent en aucun cas bénéficier de ce privilège pour des créances nées antérieurement à l'ouverture du
redressement judiciaire (al. 5).
482
Ces licenciements doivent intervenir dans les conditions prévues par les articles 110 et 111 AUPCAP
Lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent et indispensable, le
syndic peut être autorisé à y procéder par le juge-commissaire selon la procédure prévue par le présent
article et le suivant, nonobstant toute disposition contraire mais sans préjudice du droit au préavis et aux
indemnités liées à la résiliation du contrat de travail (art. 110 al. 1er AUPCAP révisé). Avant la saisine du
juge-commissaire, le syndic établit l'ordre des licenciements conformément aux dispositions du droit du
travail applicable (art. 110 al. 2 AUPCAP révisé). Sont proposés, en premier lieu, les licenciements des
travailleurs présentant les moindres aptitudes professionnelles pour les emplois maintenus et, en cas
d'égalité d'aptitudes professionnelles, les travailleurs les moins anciens dans l'entreprise débitrice,
l'ancienneté étant calculée selon les dispositions du droit du travail applicable (art. 110 al. 3 AUPCAP révisé).
En vue de recueillir leur avis et leurs suggestions, le syndic informe, par écrit, les délégués du personnel et
le contrôleur représentant du personnel des mesures qu'il a l'intention de prendre en leur fournissant la

262
Enfin, il résulte de l’article 27 AUPCAP révisé que le concordat de redressement peut
prévoir le remplacement de dirigeants ainsi qu’un traitement différencié entre les
créanciers si les différences de situation le justifient.

347. L’article 127 AUPCAP révisé prévoit que Dans son pouvoir souverain d’appréciation,
la juridiction compétente n'accorde l'homologation du concordat de redressement
judiciaire que si : 1°) les conditions de validité du concordat sont réunies ;2°) aucun motif,
tiré de l'intérêt collectif ou de l'ordre public, ne paraît de nature à empêcher le concordat
; 3°) en cas de redressement judiciaire d'une personne morale, la direction de celle-ci n'est
plus assurée par les dirigeants dont le remplacement a été proposé dans les offres
concordataires ou par le syndic ou contre lesquels a été prononcée la faillite personnelle ;
4°) le concordat offre des possibilités sérieuses de redressement de l'entreprise débitrice,
de règlement de son passif et des garanties suffisantes d'exécution ; 5°) les conditions
prévues par l'article 33-1 AUPCAP révisé sont remplies, si des personnes bénéficient du
privilège prévu par ce texte, et que les montants garantis sont expressément mentionnés.
Aussi, sauf disposition contraire, l'homologation du concordat de redressement judiciaire
ne peut valider les avantages particuliers483.

liste des travailleurs dont il envisage le licenciement et en précisant les critères qu'il a retenus. Les délégués
du personnel et le contrôleur représentant du personnel doivent répondre par écrit, dans un délai de huit
jours à compter de la réception de cette demande (art. 110 al. 4 AUPCAP révisé). Le syndic doit
communiquer à l'inspection du travail ses lettres de consultation des délégués du personnel et du
contrôleur représentant du personnel, ainsi que leur réponse écrite, ou préciser que ceux-ci n'ont pas
répondu dans le délai de huit (08) jours prévu à l'alinéa précédent (art. 110 al. 5 AUPCAP révisé). L'ordre
des licenciements établi par le syndic, l'avis des délégués du personnel et celui du contrôleur représentant
du personnel, s'ils ont été donnés, et la lettre de communication à l'inspection du travail sont remis au juge-
commissaire (art. 111 al. 1er AUPCAP révisé). Le juge-commissaire autorise les licenciements envisagés ou
certains d'entre eux s'ils s'avèrent nécessaires au redressement de l'entreprise débitrice par décision
signifiée aux travailleurs dont le licenciement est autorisé et au contrôleur représentant du personnel s'il
en est nommé (art. 111 al. 2 AUPCAP révisé). La décision autorisant ou refusant les licenciements est
susceptible d'opposition dans les quinze jours de son prononcé devant la juridiction ayant ouvert la
procédure, laquelle doit rendre sa décision sous quinzaine (art. 111 al. 2 AUPCAP révisé).
483
Tels que définis et réprimés par les articles 244 et 245 selon lesquels ne sont pas considérés comme
avantages particuliers les délais et remises particuliers consentis par les créanciers titulaires de sûretés
réelles spéciales ou de privilèges généraux dans les conditions prévues aux articles 120 et 125 ci-dessus. La
nullité de la stipulation d'avantages particuliers n'entraîne pas l'annulation du concordat, sous réserve des
dispositions de l'article 140 ci-dessous

263
348. Lorsque la survie de l'entreprise débitrice le requiert, la juridiction compétente, sur
la demande du syndic ou d'office, peut subordonner l'adoption du concordat de
redressement judiciaire au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants au regard du
numéro 3°) de l'alinéa 1 de l'article 127 1er484. La juridiction compétente peut désigner ou
maintenir en fonction les contrôleurs pour surveiller l'exécution du concordat de
redressement judiciaire ou, à défaut de contrôleurs, le syndic485 (art. 128 AUPCAP révisé).
La décision d'homologation du concordat de redressement judiciaire fait l'objet des
communications et publicités prévues aux articles 36 et 37 AUPCAP révisé 486 (art. 129 al.
1er AUPCAP révisé). Lorsque le concordat de redressement judiciaire comporte des offres
de cession totale ou partielle d'actif, le délai prévu à l'article 122 alinéa 1er AUPCAP révisé
pour la convocation de l'assemblée concordataire est porté à un mois (art. 131 al. 1er
AUPCAP révisé). La cession totale ou partielle d'actif peut concerner tout ou partie des
biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles (art. 131 al.2 AUPCAP révisé)487.

484
A cette fin, la juridiction compétente peut, sur la demande du syndic, prononcer l'incessibilité des parts
sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par un (01) ou plusieurs
dirigeants, de droit ou de fait, rémunérés ou non, et décider que le droit de vote y attaché sera exercé par
le syndic ou par un mandataire ad hoc désigné par la juridiction compétente pour une durée qu'elle fixe. Il
peut encore ordonner la cession de ces parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès
au capital, le prix de cession étant fixé à dire d'expert (même article al. 2). Pour l'application du présent
article, les dirigeants et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les représentants du
personnel ainsi que les créanciers contrôleurs et le contrôleur représentant du personnel sont entendus ou
dûment appelés (même article al. 3). Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque le
débiteur exerce une activité professionnelle libérale soumise à un statut réglementé (même article al.4).
485
Les fonctions de contrôleurs sont gratuites, sauf si elles sont assurées par le syndic La rémunération du
syndic commis à l'effet de surveiller l'exécution du concordat de redressement judiciaire est régie par les
articles 4-19, et 4-20 ci-dessus.
486
L'extrait inséré dans un journal d'annonces légales de l'État Partie concerné mentionne le nom et
l'adresse des contrôleurs du concordat ou du syndic désigné comme tel. Elle ne peut faire l'objet que d'un
appel formé par le syndic, un représentant mandaté par la majorité du personnel, un créancier contrôleur
ou par le ministère public dans les quinze (15) jours à compter de sa publication. La décision de rejet du
concordat de redressement judiciaire fait l'objet des communications et publicités prévues par les articles
36 et 37 ci-dessus. Elle ne peut faire l'objet que d'un appel formé dans les quinze (15) jours de son prononcé,
par le débiteur ou le ministère public. La décision de la juridiction d'appel fait l'objet des communications
et publicités prévues au présent article.
487
La cession d'entreprise ou d'établissement est toute cession de biens susceptibles d'exploitation
autonome permettant d'assurer le maintien d'une activité économique, des emplois qui y sont attachés et
d'apurer le passif (art. 131 al.3 AUPCAP révisé). Lorsque la cession totale ou partielle d'actif ou d'entreprise
ou d'établissement est envisagée dans le concordat de redressement judiciaire, le syndic doit établir un
état descriptif des biens meubles et immeubles dont la cession est envisagée, la liste des emplois qui y sont
attachés, les sûretés réelles dont ils sont affectés et la quote-part de chaque bien dans le prix de cession.
Cet état est joint à la convocation individuelle prévue par l'article 122 AUPCAP révisé (art. 131 al.4 AUPCAP
révisé). Le syndic est chargé de faire connaître ces offres de cession par tous moyens, notamment par la

264
349. Selon l’article 134 AUPCAP révisé, l'homologation du concordat de redressement
judiciaire rend celui-ci obligatoire à l'égard de tous les créanciers antérieurs à la décision
d'ouverture, quelle que soit la nature de leurs créances, sauf disposition législative
particulière interdisant à l'administration de consentir des remises ou des délais (al. 1er).
Toutefois, les créanciers bénéficiant de sûretés réelles spéciales ne sont obligés que par
les délais et remises particuliers consentis par eux ; si le concordat comporte des délais
n'excédant pas deux ans, ceux-ci peuvent leur être opposés si les délais auxquels ils ont
consentis sont inférieurs (al. 2). Les travailleurs ne peuvent se voir imposer aucune remise
ni délais excédant deux ans (al. 3).

Dès que la décision d'homologation est passée en force de chose jugée, le débiteur
recouvre la libre administration et disposition de ses biens à l'exception de ceux qui ont
fait l'objet d'une cession conformément aux articles 131 à 133 AUPCAP révisé (art. 136
AUPCAP révisé). Le syndic rend compte de sa mission d'assistance au juge-commissaire

voie d'annonces légales, dès le moment où elles sont définitivement arrêtées par lui et le débiteur et
approuvées par une décision du juge-commissaire (art. 131 al.5 AUPCAP révisé). Selon l’article 132 AUPCAP
révisé Les offres d'acquisition sont reçues par le débiteur, assisté du syndic, et portées à la connaissance de
l'assemblée concordataire qui décide, aux conditions de majorité prévues par l'article 125 AUPCAP révisé,
de retenir l'offre la plus avantageuse (al. 1er). La juridiction compétente ne peut homologuer la cession
totale ou partielle d'actif que : si le prix est suffisant pour désintéresser les créanciers munis de sûretés
réelles spéciales sur les biens cédés, sauf renonciation par eux à cette condition et acceptation des
dispositions de l'article 168 AUPCAP révisé; si le prix est payable au comptant ou si, dans le cas où des délais
de paiement sont accordés à l'acquéreur, ceux-ci n'excèdent pas deux ans et sont garantis par le
cautionnement solidaire d'un établissement bancaire (al. 2). Le débiteur, assisté du syndic, accomplit toutes
les formalités de la cession (al. 3). Au cas où aucune offre d'acquisition n'est exprimée avant l'assemblée
concordataire ou reconnue satisfaisante par celle-ci, le débiteur peut retirer son offre de cession. S'il la
maintient, la cession est réalisée ultérieurement dans les conditions prévues aux articles 160 et suivants ci-
dessous. Le prix de la cession totale ou partielle d'actif est versé dans l'actif du débiteur (art. 133al. 1er
AUPCAP révisé). Lorsque l'ensemble cédé comporte des biens grevés d'une sûreté réelle spéciale, la cession
n'emporte purge de cette sûreté que si le prix est intégralement payé et le créancier garanti par cette sûreté
désintéressé (art. 133 al. 2 AUPCAP révisé). L'acquéreur ne peut céder, à peine de nullité, les éléments
d'actif qu'il a acquis, sauf en ce qui concerne les marchandises, tant que le prix n'est pas intégralement
payé. L'inaliénabilité de ces éléments doit être publiée au Registre du commerce et du crédit mobilier dans
les mêmes conditions que celles prévues pour le privilège du vendeur de fonds de commerce et au livre
foncier conformément aux dispositions organisant la publicité foncière pour les éléments immobiliers (art.
133 al.3). Le droit de préférence des créanciers munis de sûretés réelles spéciales sur le prix des biens cédés
s'exerce dans l'ordre prévu aux articles 166 et 167 AUPCAP révisé. (art. 133 al.4 AUPCAP révisé) En cas de
non-paiement intégral du prix, le débiteur peut demander au juge-commissaire de prononcer la résolution
de la cession ou la mise en œuvre de la garantie prévue à l'article 132, alinéa 2 AUPCAP révisé. (art. 133 al.5
AUPCAP révisé).

265
488
(art. 137 AUPCAP révisé ). Selon l’article 138, lorsqu'il a été désigné un ou plusieurs
contrôleurs de l'exécution du concordat de redressement judiciaire, conformément à
l'article 128 AUPCAP révisé 489, ceux-ci doivent, sans délai, faire rapport de tout retard ou
autre manquement à l'exécution du concordat au président de la juridiction compétente
qui peut ordonner une enquête par le syndic qui est chargé de lui rendre compte (al. 1er).
Lorsque leur mission comporte le paiement des dividendes aux créanciers, les contrôleurs
de l'exécution du concordat doivent faire ouvrir, dans une banque490, à leur nom et en leur
qualité de contrôleur de l'exécution du concordat, un compte de dépôt spécial pour le
concordat ou pour chaque concordat s'ils sont nommés pour plusieurs procédures
collectives (al. 2)491. Les contrôleurs doivent, en cette qualité, être titulaires d'une police
d'assurance couvrant leur responsabilité civile ; ils doivent en justifier auprès du président
de la juridiction compétente (al. 4).

À tout moment de l'exécution du concordat de redressement judiciaire, le débiteur, le


juge- commissaire sur rapport du syndic ou les créanciers représentant plus de la moitié
de la valeur des créances totales peuvent demander au président de la juridiction
compétente la modification du concordat en vue d'en favoriser l'exécution (art. 138-1 al.
1er AUPCAP révisé). Le président entend le syndic qui présente son rapport, le débiteur et
les créanciers avant de rendre sa décision. Celle-ci ne peut faire l'objet que d'un appel
formé devant la juridiction compétente de l'État partie concerné dans le délai de quinze

488
A cet effet, il établit un rapport écrit sur l'accomplissement de sa mission qu'il remet au juge-
commissaire. Le juge-commissaire vise le rapport ; ses fonctions et celles du syndic cessent à ce moment,
sauf en cas de maintien de la cession d'actif prévue à l'article 132, dernier alinéa, ci-dessus. En cas de
contestation, la juridiction compétente se prononce dans un délai maximum de trente (30) jours à compter
de sa saisine.
489
La juridiction compétente peut désigner ou maintenir en fonction les contrôleurs pour surveiller
l'exécution du concordat de redressement judiciaire ou, à défaut de contrôleurs, le syndic. Les fonctions de
contrôleurs sont gratuites, sauf si elles sont assurées par le syndic. La rémunération du syndic commis à
l'effet de surveiller l'exécution du concordat de redressement judiciaire est régie par les articles 4-19, et 4-
20 ci-dessus.
490
Désignée en application de l'article 4-22 ci-dessus.
491
Les contrôleurs communiquent au président de la juridiction compétente, à la fin de chaque semestre
civil, la situation des soldes créditeurs qu'ils détiennent au titre des concordats qu'ils contrôlent (al. 3).

266
jours suivant le prononcé. La décision de modification du concordat de redressement
judiciaire vaut homologation492 (al. 2).

350. Conclusion 2. La procédure de redressement judiciaire OHADA, comme la procédure


de redressement judiciaire française, sont dotées d'un effet réel. Il y a bien saisie du gage
commun des créanciers, « méta-égalité » des créanciers chirographaires et créanciers
munis d’une sûreté. Toutefois, il n'y a pas d'égalité de paiement entre les créanciers
chirographaires saisissants, à moins que ne soit constaté l’impossibilité du redressement.
Le paiement entre eux doit être inégalitaire à l'issue de la procédure en fonction des
conditions du concordat de redressement judiciaire (OHADA) ou du plan de redressement
(France).

351. Résumé B. Force est encore de constater que les mêmes causes ne produisent pas
le même effet. Dans un cas (redressement) on considère que la pénurie dans le gage
commun ne doit pas aboutir au paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers
chirographaires, nonobstant la pluralité des demandes visant à obtenir le paiement dans
le cadre de la procédure collective ; dans l’autre (liquidation) on décide le concours et le
paiement égalitaire des créanciers chirographaires.

352. Conclusion 1§. Après avoir usé de toutes les solutions qui lui étaient offertes pour
tenter de sauver l’entreprise débitrice, le gage commun des créanciers n’a plus rien à livrer
pour parvenir à apurer le passif chirographaire à la procédure de liquidation. L’effet réel
en dépit de sa puissance n’est pas en mesure de réunir à l’actif de l’entreprise en
liquidation ce qui l’a déjà été dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire.

2§-Le passif résiduel

353. « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent493 ». Le créancier
chirographaire d’un débiteur en difficultés peut donc s’inquiéter des innovations

492
Elle fait l'objet des publications prévues aux articles 36 et 37 AUPCAP révisé.
493
De l'esprit des lois (1748) de Charles de Secondat, baron de Montesquieu.

267
intervenues dans les législations OHADA et française qui donnent la faveur aux intérêts de
l’entreprise débitrice en difficulté par rapport aux siens. Clairement, l’arbitrage opéré
entre les créanciers notamment chirographaires d’une part, et le débiteur d’autre part,
n’a pas été de contraindre ce dernier à honorer ses engagement conformément au contrat
qui les lient, pas plus que de permettre que la totalité de son patrimoine ne puisse être
l’assiette du recouvrement des créances, comme les rédacteurs du Code civil semblaient
l’avoir imaginé. Concrètement la saisie collective ne va porter, « à titre principal »494, sur
les biens qui appartiennent au débiteur au jour de la décision d’ouverture, à l’exception
de ceux que la volonté du débiteur aura légalement placé hors d’atteinte des poursuites
individuelles ou collectives de ses créanciers. Cette situation accroît le caractère potestatif
du droit de gage général, et l'absence de volonté du législateur OHADA et français de
permettre la manifestation d'un paiement substantiel des créanciers chirographaires, en
empêchant le concours entre tous les créanciers sur ces biens à un stade où l’apurement
du passif chirographaire parait compromis.

354. Cependant, la mise en œuvre de l’ensemble de ces protections légales par le


débiteur en difficultés a pour conséquence de réduire le passif, et donc d’augmenter les
chances d’un dividende substantiel au moment des répartitions à l’issue de la procédure
de liquidation, pour le créancier chirographaire. Circonscrit par le sauvetage qui multiplie
les paiements en amont de la décision d’ouverture, le passif à apurer par la procédure de
liquidation s’en trouve amoindri495. Circonscrit par la volonté du débiteur d’un mode
d’exploitation de son entreprise attentatoire au droit de gage général des créanciers, le
passif exigible se restreint au passif de l’entreprise.

355. Le passif de l’entreprise. L’institution de nouveaux modes d’exploitation de


l’entreprise a restreint les poursuites individuelles ou collectives aux seuls créanciers de
l’entreprise. La poursuite d’une activité économique constitue, selon la Cour de cassation
française, le critère de l’entreprise496. Mais elle peut encore se définir comme un ensemble

494
Marc Sénéchal, thèse précitée
495
Voir supra.
496
Cass. 1ère civ., 12 mars 2002 : D. 2002, p. 1199 ; Bull. Joly 2002, p. 1033, note B. Saintourens.

268
cohérent de moyens humains et matériels regroupés en vue de l’exercice d’une activité
régulière participant à la production ou à la circulation des richesses. Ainsi en est-il de
toute activité de production, transformation, distribution de biens de meubles ou
immeubles ainsi que toutes prestations de services en matière industrielle, commerciale,
artisanale, agricole497. Cependant dans l’AUPCAP révisé, il y a les « petites entreprises »,
qui est « toute entreprise individuelle, société ou autre personne morale de droit privé dont
le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont le chiffre d'affaires
n'excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze
(12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente »498 et les autres, les «
entreprises » qui renvoient à « toute personne physique ou morale soumise aux
dispositions du présent Acte uniforme conformément à l'article 1-1 ci-dessus ».

356. L’entreprise au sens de l’AUPCAP révisé est donc une personne physique ou morale.
Mais une telle définition de l’entreprise est insuffisante pour déterminer quels sont les
créanciers soumis à la procédure de liquidation. Aussi l’article 1-1 AUPCAP révisé prévoit
que la procédure de liquidation des biens est applicable à toute personne physique
exerçant une activité professionnelle indépendante, civile, commerciale, artisanale ou
agricole, à toute personne morale de droit privé499 ainsi qu'à toute entreprise publique

497
Rép. Min. Sergheraert, JOAN 17-3-1986, p. 1105.
498
Conformément au présent Acte uniforme.

499
Toutefois, « les dispositions relatives aux procédures collectives d’apurement du passif ne s’appliquent
pas aux liquidations amiables de société́. Les effets suspensifs des décisions d’ouverture de ces procédures
collectives ne peuvent donc leur profiter499. (Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt N° 872 du 9 juillet 2002. WEHBE
Fady et société́ SOTEM Plus (Me Abel KASSI) c/ BELO Afoussata (Me COULIBALY Georges). OHADAta J-03-
30. Aussi, « le fait que dans les statuts d’une société́ anonyme, les actionnaires aient prévu une procédure
amiable de dissolution ou de liquidation en cas de dissolution anticipée ou d’expiration de la durée,
n’empêche pas, au cas où̀ cette société́ est en état de cessation des paiements, d’ouvrir à son encontre une
procédure collective d’apurement du passif. Si cette société́ ne présente aucune offre de concordat, la
liquidation des biens est prononcée. Il en est ainsi, même si la création de ladite société́ est l’œuvre d’un
traité, tel celui de Yaoundé́ portant création de la compagnie aérienne multinationale Air Afrique ». (Cour
d’Appel d’Abidjan. arrêt N° 723 du 7 juin 2002. Monsieur ATTIBA Denis et Autres (M Francis KOUAME Koffi,
KOUASSI Allah et BOHOUSSOU) c/ Compagnie Multinationale Air Afrique (Mes FAYE, AHOUSSOU et
KONAN). OHADAta J-03-29.

269
ayant la forme d'une personne morale de droit privé (al. 1er)500. Elle s’applique également
aux personnes morales de droit privé qui exercent une activité soumise à un régime
particulier501. Ce faisant, le législateur OHADA propose un périmètre assez similaire à celui
que propose le législateur français, exception faite des entreprises publique. En effet, la
procédure de liquidation judiciaire y est applicable à toute personne exerçant une activité
commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant
une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un
statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne
morale de droit privé (art. L640-2 al. 1er. C.com.).

500
Selon la jurisprudence, et les textes, « une entreprise publique constituée sous forme de société́
commerciale qui cesse ses paiements est soumise aux procédures de redressement judiciaire et de
liquidation des biens »,(Tribunal de Grande Instance Ouagadougou, Jugement n° 423 du 25 avril 2001,
Liquidation des biens de la société́ FASO FANI). OHADAta J-03-94. Ce jugement est rendu en application de
l'article 2, alinéa 4 ancien de l'Acte uniforme sur les procédures collectives qui dispose que Le redressement
judiciaire et la liquidation des biens sont applicables à toute personne physique ou morale commerçante, à
toute personne morale de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme d'une
personne morale de droit privé qui cesse ses paiements.
Voir aussi Tribunal de grande instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 423 du 25 avril 2001,
Requête aux fins de liquidation des biens de la Société́ FASO FANI). OHADAta J-04-183.

501
Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement dans la réglementation spécifique régissant ladite activité. Voir
CCJA, arrêt n° 004/2004 du 8 janvier 2004, ATTIBA Denis et autres c/ compagnie Multinationale Air Afrique
et autres). Le Juris OHADA, n° 1/2004, janvier-mars 2004, p. 23, note Brou Kouakou Mathurin.- Recueil de
jurisprudence de la CCJA, n° 3, janvier-juin 2004, p. 44). OHADAta J-04-88. Dans cet arrêt, il est notamment
décidé qu’aucune disposition tant du statut juridique que des statuts de la Compagnie Multinationale Air
Afrique, personne morale de droit privé, ne confèrent à celle-ci un caractère dérogatoire au droit commun
des sociétés commerciales qui est, en la matière, celui du lieu du siège social, lieu du principal établissement,
le Traité de l’OHADA.

Les activités soumises à un régime particulier au sens du présent Acte uniforme et des textes les régissant
sont, notamment, celles des établissements de crédit au sens de la loi bancaire, des établissements de
micro finance et des acteurs des marchés financiers ainsi que celles des sociétés d'assurance et de
réassurance des États parties au Traité de l'OHADA. Toutefois, il a été jugé que « les compétences du
Tribunal et de la COBAC (Commission Bancaire de l’Afrique Centrale) ne sont pas en conflit car il rentre dans
les attributions de cette dernière de contrôler les conditions d’exploitation des établissements de crédit et
de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur bon fonctionnement tandis que le Tribunal assure le
respect de la loi sur les procédures collectives et contrôle la régularité́ et la légalité́ des actes posés par la
COBAC dans la matière spéciale des établissements de crédit. Dès lors, n’a pas violé́ l’article 52 AUPCAP, le
Tribunal qui prend acte de la désignation, par la COBAC, d’un administrateur provisoire substitué au
dirigeant statutaire ». (Tribunal de Première Instance de Libreville - Jugement, Répertoire n° 001/ 2000-
2001 du 5 janvier 2001, Samson NGOMO c/ Jean Géo PASTOURET et B.P.G). Point I. OHADAta J-04-135.
.

270
357. Ainsi, dans les deux législations, la procédure collective intéresse tous les créanciers
de l’entrepreneur individuel, ce n’est pas nouveau, le principe d’unicité du patrimoine le
commande. Mais la procédure collective restreint son périmètre aux créanciers sociaux
lorsque l’entrepreneur individuel choisit d’exploiter son entreprise sous la forme d’une
société, ce n’est plus une nouveauté (A). Enfin, désormais, la poursuite collective pourrait
encore se résumer aux seuls créanciers « professionnels » de l’entrepreneur individuel
usant de sa liberté d’opter pour une exploitation de son entreprise sous la forme d’une
entreprise individuelle à responsabilité limitée comme le permet déjà la législation
française, si toutefois un tel mode d’exploitation venait à être institué dans un Etat partie
à l’OHADA (B).

A-Un passif social

358. Le droit de gage général des créanciers, comme le patrimoine, est un et indivisible.
Cependant, dans les législations OHADA et française, on observe un recul de la théorie du
patrimoine, notamment pour limiter le risque de l'entreprise pour la fortune personnelle
de l’entrepreneur individuel. L’un des moyen retenus pour restreindre les poursuites des
créanciers est l’exploitation de l’entreprise en société502 dont l’opposabilité à la procédure
collective est désormais achevée. La personnalité morale empêche l’appréhension du
patrimoine de la totalité du patrimoine de l’entrepreneur individuel et, par la même
occasion, restreint le risque des poursuites aux seuls créanciers sociaux.

359. La taxinomie des sociétés met à jour une grande variété de sociétés : commerciales,
civiles ou coopératives… L’Acte uniforme relatif aux sociétés et groupement d’intérêt
économique révisé (AUSGIE) ne les épuise cependant pas toutes Les procédures de
liquidation OHADA et française visent essentiellement les créanciers des sociétés à
responsabilité illimitée (1) et les créanciers des sociétés à risque limité (2).

502
Voir supra

271
1-Les créanciers de la société à responsabilité illimité

360. Certaines sociétés font peser sur les associés un risque illimité aux pertes de la
société. La société à risque illimité, civile503 ou commerciale, est une société de personnes
où l’intuitu personae compte plus que le capital. D’ailleurs ce dernier n’est jamais requis
lors de leur constitution. Dans ces sociétés, le principe d’autonomie du patrimoine social
est très relatif, il en est ainsi par exemple de : la société en nom collectif ou SNC (art. 270
AUSGIE révisé ; art. L. 221-1 C. com.) qui se définit par rapport à ses associés qui ont tous
la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales
; la société en commandite simple ou SCS (art. 293 AUSGIE révisé ; art. L. 222-1 C. com.)
qui se définit comme la SNC avec ceci de particulier que les associés commandités ont le
statut des associés en nom collectif et que les associés commanditaires répondent des
dettes sociales seulement à concurrence du montant de leur apport.

Dans toutes ces sociétés, les créanciers sociaux peuvent saisir, outre les biens de la société,
ceux de ses associé et membres indéfiniment et solidairement responsables du passif
social. La décision d'ouverture d'une liquidation des biens d'une personne morale produit
ses effets à l'égard de tous les membres indéfiniment et solidairement responsables du
passif de celle-ci et prononce, contre chacun d'entre eux, soit le redressement judiciaire,
soit la liquidation des biens, en fonction de leur situation (art. 33 al. 4 AUPCAP révisé).

Toutefois, l’extension de procédure automatique ne donne pas lieu à l’ouverture d’une


même procédure collective. La procédure collective née de l’extension de la procédure
collective initiale est distincte, deux passifs et donc deux actifs, cette procédure peut
même être ouverte pour des motifs différents.

2-Les créanciers de la société à risque limité

503
Toutes les sociétés civiles sont des sociétés à risque illimité.

272
361. Les sociétés à risque limité sont des sociétés de capitaux, où le capital tient une place
importante. Contrairement aux sociétés de personnes, l’intuitu personae n’a pas
d’importance. En principe, la loi fixe le montant du capital social minimum. L’apport
effectué en société par un associé sert d’étalon de mesure pour établir sa part de
responsabilité aux dettes de la société, laquelle est en principe limitée au montant de son
apport. Les sociétés à risque limité sont, à quelques détails près, les mêmes dans les deux
législations. Il s’agit de : la société à responsabilité limitée (art. 309 AUSGIE ; art. L. 223-1
C. com] constituée par une504 ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu'à
concurrence de leurs apports ; la société anonyme (art. 385 AUSGIE ; par C. com., art. L.
225-1, qui la présente comme la société dont le capital est divisé en actions et qui est
constituée entre des associés qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs
apports ; la société par actions simplifiée (instituée par la loi no 94-1 du 3 janvier 1994 dans
le souci d'offrir aux sociétés un nouvel instrument juridique de coopération, et ouverte
ensuite par la loi no 99-587 du 12 juillet 1999 à tout actionnaire personne physique ; forme
sociétaire régie par les articles L. 227-1 à L. 227-20 du Code de commerce).

Dans ce contexte, la société unipersonnelle n’est qu’une variété de société à risque limité.
En effet, les législateurs OHADA et français n'ont pas choisi de créer un nouveau type de
société, celle-ci à caractère unipersonnel. Ils ont préféré modifier le régime juridique
applicable à la SARL, la SAS et la SA dans le cas de l’OHADA ; sociétés qui peuvent
fonctionner sous une forme pluripersonnelle ou unipersonnelle. Partant, les règles
traditionnellement applicables à ces sociétés (création, organisation, fonctionnement,
transformation et la dissolution principalement505) ont été aménagées pour tenir compte
des particularités d’une société à associé unique506 : les biens de la société sont le seul
gage des créanciers sociaux.

504
Voir infra.
505
Les contingences fiscales quant à elles sont de la compétence des états parties au Traité OHADA, ce qui
est une source supplémentaire de rupture dans l’harmonie souhaitée.
506
Partant, la société unipersonnelle à responsabilité limitée OHADA, la SARLU, et l’EURL française,
coexistent avec les sociétés unipersonnelles par action que sont la SASU OHADA et française et la SAU de
droit OHADA.

273
362. Conclusion A. Seuls les créanciers sociaux de l’entreprise exploitée en société sont
tenus de se joindre à la procédure de liquidation ouverte contre la société en cessation
des paiements et dans l’impossibilité, avec son actif disponible, de répondre du passif
exigible. Il y a donc ceux qui seront contraints à l’égalité du paiement en cas de concours
à l’issue des répartitions, et les autres qui pourront ignorer la procédure.

B- Un passif « professionnel »

363. « Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur
tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir » (art. 2092 ; 2284 nouveau du
code civil). Pour la doctrine, les rédacteurs du Code civil avaient donc prévu d’affecter au
recouvrement des créances le patrimoine du débiteur, défini comme l’universalité au sein
de laquelle les biens (l’actif) répondent des dettes (le passif) d’une personne. Ainsi, selon
la théorie du patrimoine, l’entrepreneur individuel ou le commerçant engage toute sa
fortune envers ses créanciers professionnels ou commerciaux, sans pouvoir soustraire à
leurs poursuites ses biens personnels. Le droit de gage général des créanciers, comme le
patrimoine, est un et indivisible.

Partant, tous les créanciers de l’entrepreneur individuel sont concernés par la procédure
de liquidation. Tous sont tenus de se plier à l’ordre public qui s’impose aux créanciers
entre eux et dans leurs relations avec le débiteur. Ainsi, par exemple, les créanciers sont
représentés par un syndic, lequel exerce les droits et actions du débiteur dessaisi à
compter de la décision d’ouverture507.

364. Cependant, dans les législations OHADA et française on observe un recul de la


théorie du patrimoine, notamment pour limiter le risque de l'entreprise. En France,
l’institution de l’ « EIRL » (Entreprise individuelle à responsabilité) par la loi n°2010-658 du
15 juin 2010 témoigne d’une rupture consommée avec la théorie du patrimoine un et
indivisible en consacrant l’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL). Son
adaptation au contexte des difficultés de l’entreprise et précisément à la procédure de

507
Voir art. 41 à 45 AUPCAP révisé.

274
liquidation est désormais parfaite depuis une ordonnance du 9 décembre 2010508, de
laquelle il résulte notamment qu’ « à moins qu'il ne s'agisse de patrimoines distincts d'un
entrepreneur individuel à responsabilité limitée, il ne peut être ouvert de nouvelle
procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'un débiteur soumis à une telle procédure
tant que celle-ci n'a pas été clôturée ou à une procédure de sauvegarde ou de redressement
judiciaire, tant qu'il n'a pas été mis fin aux opérations du plan qui en résulte » (art. L640-2
al.2 C.com. 509).

365. Le législateur OHADA n’a pas introduit la possibilité pour l’entrepreneur individuel la
d’instituer un patrimoine d’affectation professionnelle. Cependant, il a été observé que,
juridiquement, il est permis pour un Etat partie au traité d’introduire un tel dispositif dans
sa législation nationale. La question se pose alors de savoir si l’institution d’une entreprise
individuelle à responsabilité limitée dans un État partie au Traité OHADA serait opposable
à la procédure de liquidation, à l’instar de l’EIRL à la procédure de liquidation judiciaire
française ? S’agissant d’une entreprise individuelle, le problème de l’opposabilité à la
procédure collective ne se pose pas. En revanche, le débat se déplace vers celui de
l’imperméabilité du patrimoine affecté à l’activité professionnelle dans le cadre de la
procédure de liquidation. Comme l’écrivait un auteur, « La procédure collective ne sait
qu’appréhender le patrimoine d’une personne et c’est là l’un des problèmes de son
adaptation au statut d’EIRL510 ».

366. A priori, s’il suffit d’une loi nationale pour instituer le patrimoine d’affectation dans
un État partie à l’OHADA, une loi nationale ne peut pas l’adapter à l’Acte uniforme relatif
aux procédures collectives d’apurement du passif. L’institution d’un patrimoine

508
Ord. n° 2010-1512portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de
traitement des situations de surendettement à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
509
La loi prévoit à l’égard de certains organismes un régime spécial adapté à la nature de leur activité. Ainsi,
la cessation des paiements des établissements de crédit fait l’objet d’une définition dérogatoire et plus
sévère que celle de l’article L631-1 du code de commerce, introduite par la loi du 25 juin 1999 relative à
l’épargne et à la sécurité financière et intégrée au code monétaire et financier. Un régime dérogatoire est
également prévu à l’égard des entreprises d’assurance. Enfin, les personnes morales de droit public ne sont
pas soumises aux procédures collectives.
510
Ph. Roussel Galle- « La théorie du patrimoine et le droit des procédures collectives »- Revue Le Lamy Droit
civil, Nº 77, 1er décembre 2010 - § n°26.

275
d’affectation professionnel pose la question de son imperméabilité (1) et celle de la
nécessité d’un texte (2).

1- L’imperméabilité du patrimoine affecté en question

367. Dans une approche libérale, la notion de patrimoine permet de reconsidérer l’adage
« un débiteur, un patrimoine, une procédure collective », lequel devient « un débiteur, un
patrimoine affecté (ou non affecté), une procédure collective ». Pour M. P. Roussel-Galle.
« Au regard du droit des procédures collectives, cette situation peut donc être comparée à
celle dans laquelle l’entrepreneur exerce son activité sous forme d’une société, à ceci près
511
que l’écran de la personne morale n’existe pas. » L’affectation de patrimoines
professionnels multiplie les gages réservés. Aussi, seul le patrimoine en état de cessation
des paiements peut être soumis à une procédure collective et impliquerait le
dessaisissement du débiteur sur ce patrimoine uniquement tandis que le patrimoine non
affecté ou les autres patrimoines affectés continueraient de fonctionner. Ensuite, selon le
même auteur, « il suffit de ne traiter que le patrimoine affecté, sans se soucier du
patrimoine non affecté, un peu comme s’il s’agissait d’une société. Dès lors, selon l’article
L. 526-12 du Code de commerce, les créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de
l’activité professionnelle et auxquels la déclaration d’affectation est opposable, ont pour
seul gage le patrimoine affecté, et, selon toute évidence, ils devraient être les seuls à
participer à la procédure collective. À l’opposé, les « autres créanciers auxquels la
déclaration est opposable », pour reprendre la lettre du texte, ont pour seul gage le
patrimoine non affecté, et ils ne devraient donc ni participer à la procédure collective, ni
être affectés par celle-ci », sous réserve du cas de fraude au droit des créanciers. En effet,
l’article L.526-12 du code de commerce dispose que, « Toutefois, l'entrepreneur individuel
à responsabilité limitée est responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude
ou en cas de manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-
6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13 C. com. ».

511
Ph. Roussel-Galle « La théorie du patrimoine et le droit des procédures collectives » »- Revue Le Lamy
Droit civil, Nº 77, 1er décembre 2010 - § n°26.

276
368. Une approche orthodoxe de la notion de patrimoine aboutit à une interprétation
stricte de l’adage « un débiteur, un patrimoine, une procédure collective ». En effet, selon
l’approche traditionnelle de la notion de patrimoine, il n’y a qu’un patrimoine par
personne et, comme lui, le droit de gage général est un et indivisible. Partant,
l’entrepreneur individuel comme le commerçant ne peuvent limiter le risque de
l’entreprise en créant un patrimoine d'affectation professionnel sur lequel s’exercerait les
poursuites des créanciers professionnels ou commerciaux. En conséquence, en cas
d’inexécution, le droit de poursuite individuel et collectif des créanciers s’exerce sans
limites sur les biens meubles et immeubles présents et à venir du débiteur, l’ensemble de
ses biens constituant leur gage commun. Ce faisant, on ne peut que constater que « la
généralité de l'assiette du droit de gage commun des créanciers, elle-même reflet du
principe d'unicité du patrimoine, éclaire l'impossibilité d'ouvrir deux procédures collectives
contre un seul débiteur, lorsque celui-ci exerce deux activités distinctes ou exploite
plusieurs fonds512 ». Incontestablement, le périmètre de la saisie collective s’étendra à la
totalité des biens dont le débiteur est propriétaire au jour du prononcé de la décision
d’ouverture. Dès lors, peu importe la déclaration d’affectation effectuée dans un autre
pays membre de l’OHADA qui, par une loi nationale, aurait introduit l’EIRL dans son droit
positif.513Il y aurait donc une personne, un patrimoine un et indivisible soumis à une
procédure collective. L’affectation serait alors opportunément requalifiée en succursale
notamment.

2- L’imperméabilité conditionnée par un texte ?

369. Avant la révision de l’Acte uniforme relatif aux sûretés, il était permis de douter de
l’imperméabilité d’un patrimoine affecté à l’activité professionnelle instituée dans un État
partie au traité en cas de procédure collective ouverte dans un autre État, lequel ne
prévoirait pas un tel dispositif dans sa législation. Aussi convenait-il d’envisager

512
Cass. com., 19 févr. 2002 : Bull. civ. 2002, IV, n∞ 39. - V. Zenati-Castaing et Revet, op. cit., p. 35
513
hypothèse selon laquelle la procédure collective est ouverte dans une État partie au traité OHADA qui
considère le patrimoine comme un tout indivisible.

277
distinctement deux situations : la première était celle de l’ouverture d’une procédure
collective dans un État partie à l’OHADA ayant une conception libérale de la théorie du
patrimoine, peu important que cet État ait lui-même institué l’EIRL, la deuxième était celle
de la procédure collective ouverte dans un État partie à l’OHADA ayant conservé une
conception orthodoxe de la théorie du patrimoine.
Ainsi, un texte était nécessaire pour restaurer l’harmonie, assurer la lisibilité et la sécurité
du dispositif en cas de procédure collective. Devant le risque de dissonance , il appartenait
à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, par sa jurisprudence, de façonner les
contours de l’opposabilité d’une EIRL nationale à la procédure collective de droit OHADA.
Or, tous les contentieux qui se nouent n’épuisent pas nécessairement toutes les voies de
recours et, lorsque c’est le cas, le temps écoulé avant qu’une décision de la Cour suprême
n’intervienne peut-être long et sa lecture difficilement accessible.

Depuis la révision de l’Acte uniforme relatif aux sûretés de 2010 et de l’Acte uniforme
relatif aux procédures collectives et d’apurement du passif, l’imperméabilité du
patrimoine affecté à l’activité professionnelle devrait être a priori garantie. En effet,
l’institution d’un patrimoine affecté à la mission de l’agent des sûretés dans l’AUS révisé
et la reconnaissance de l’existence en marge de l’OHADA de patrimoines d’affectation sont
les marques de cette imperméabilité.

Depuis la révision de l’AUS, la notion de patrimoine affecté et opposable existe dans


l’OHADA avec l’institution de l’agent des sûretés. Il s’agit d’une institution financière ou
un établissement de crédit, national ou étranger agissant, en son nom et en qualité
d'agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties qui reçoit
de ce dernier mission de constituer, inscrire, gérer et réaliser des sûretés (art. 5 AUS
révisé).

L’article 9 AUS révisé dispose que « Lorsque la constitution ou la réalisation d'une sûreté
entraîne un transfert de propriété au profit de l'agent des sûretés, le ou les biens transférés
forment un patrimoine affecté à sa mission et doivent être tenus séparés de son patrimoine

278
propre par l'agent des sûretés. Il en va de même des paiements reçus par l'agent des
sûretés à l'occasion de l'accomplissement de sa mission. Sous réserve de l'exercice
éventuel d'un droit de suite sur ces biens et hors les cas de fraude, ils ne peuvent alors être
saisis que par les titulaires de créances nées de la conservation et de la gestion de ces biens,
y compris en cas d'ouverture d'une procédure collective d'apurement du passif à l'encontre
de l'agent des sûretés ».

L’impossibilité d’étendre la procédure collective à soi-même prive d’intérêt le mécanisme,


s’agissant d’un entrepreneur individuel. En revanche, la difficulté peut être soulevée en
cas d’introduction par une loi nationale d’un dispositif semblable à l’EIRL. Alors, en l’état
actuel du droit, les extensions de procédure ne permettent pas d’appréhender même
accidentellement les autres patrimoines affectés ou non affectés de l’entrepreneur
individuel.

370. En droit français, l’ordonnance du 9 décembre 2010 a introduit un nouveau cas


d’extension de procédure collective adapté à l’entreprise individuelle à responsabilité
limitée. Désormais, l’article L621-2 du Code de commerce dispose qu’ « à la demande de
l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure
ouverte peut être étendue à un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur entrepreneur
individuel à responsabilité limitée afin qu’ils puissent être réunis au patrimoine visé par la
procédure514 ». Cependant, l’extension n’est possible qu’« en cas de confusion avec celui-
ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux règles prévues
au deuxième alinéa de l'article L. 526-6515 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13

514
À cet effet, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens
du défendeur à l'action, à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou
d'office.
515
Selon cet alinéa le patrimoine eirl est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés
dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire,
utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit,
obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

279
C.com.516 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général
sur le patrimoine visé par la procédure ». Autrement dit, l’extension de procédure ne se
justifie pas par le seul constat de la scission du patrimoine. Il faut en préalable caractériser
la confusion des patrimoines517, puis l’un des trois cas visés par le texte.

371. Conclusion B . Sans avoir recours au paravent de la personne morale, il deviendrait


possible pour l’entrepreneur OHADA de réduire la procédure collective aux poursuites de
ses seuls créanciers professionnels d’un « entreprenant à responsabilité limitée ».

372. Conclusion 2§. La procédure de liquidation des biens soumet tous les créanciers de
l’entreprise débitrice exploitée par l’entrepreneur individuel qui choisit de respecter le
droit de gage général en ne limitant pas leurs poursuites à ses biens professionnels. En
revanche, si, comme le législateur des procédures collectives l’y autorise, il choisit
d’exploiter son entreprise sous une forme qui limite sa responsabilité à ses biens
professionnels ou sociaux, alors l’ensemble des créanciers non professionnels ou non
sociaux de l’entrepreneur individuel ou de l’entreprise exploitée en société n’est plus
soumis à la procédure de liquidation (sauf extension de procédure dans le cadre de la
procédure française).

516
(L. no 2010-658 du 15 juin 2010, art. 1er) L'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait
l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux articles L. 123-12 à L. 123-23
et L. 123-25 à L. 123-27.
Par dérogation à l'article L. 123-28 et au premier alinéa du présent article, l'activité professionnelle des
personnes bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0, (L. no 2019-486 du 22 mai 2019, art.
7) «64 bis» et 102 ter du code général des impôts fait l'objet d'obligations comptables simplifiées.
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit
un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

517
Selon cet alinéa le patrimoine EIRL est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés
dont l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire,
utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter. Un même bien, droit,
obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté Voir supra.

280
Conclusion chapitre deuxième

373. A la fin de ce chapitre on peut constater que le choix du droit de gage général à titre
de garantie n’est pas nécessairement un mauvais. En effet, la saisie d’où procède le
concours, et le concours d’où surgit l’égalité du paiement entre les créanciers
chirographaires est refusée dans les législations comparées. Autrement dit, l’égalité du
paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires est la moindre des menaces
qui pèse sur le créancier chirographaire « quelconque » d’un débiteur en difficultés, il est
encore plus réduit pour le créancier chirographaire disposant d’un gage réservé.

374. Les raisons d’un tel phénomène sont multiples, elles tiennent largement au fait que
les législateurs OHADA et français ne se préoccupent que des difficultés juridiquement
qualifiées, et laissent le choix au débiteur dont les difficultés sont qualifiées en droit
d’avoir recours à la protection prévues par le droit des entreprises en difficultés. Lorsque
le débiteur refuse la protection du droit des entreprises en difficultés, l’effet réel de la
procédure collective ne se libère pas et les règles de droit commun du recouvrement des
créances s’appliquent. C’est alors de l’aptitude du créancier chirographaire ou non à faire
valoir ses droits au paiement volontaire ou forcé du débiteur récalcitrant, que dépend le
risque d’un paiement égalitaire en cas de concours entre eux. En revanche, lorsque le
débiteur en difficultés opte pour la protection du droit des entreprises en difficultés, l’effet
réel de la procédure collective instrumentalisé pour permettre le sauvetage des
entreprises en difficultés, s’il se libère en cas de cessation des paiements, il maintient les
biens du débiteur délibérément placés hors d’atteinte des poursuites individuelles de ses
créanciers hors d’atteinte de la saisie collective.

375. Finalement, le risque de l’égalité est restreint aux créanciers chirographaires


« quelconques » impayés après de multiples tentatives de sauvetage de l’entreprise
débitrice soumise à la procédure de liquidation, laquelle aura préalablement utilisé toutes
les techniques légales pour soustraire ses biens aux poursuites de ses créanciers.

281
Conclusion première partie

376. L’étude conduit à observer à ce stade que le sort des créanciers d’un débiteur en
difficultés n’est pas nécessairement une gageure pour ses créanciers, comme pour le
créancier chirographaire. En effet, les législations en comparaison ont doté les créanciers
des moyens du choix de leur sort.

377. Pour ceux qui ne disposent que du droit de gage général, soit ils s’en contentent et
le paiement inégalitaire reste la règle tant que le débiteur n’est pas en procédure de
liquidation ; soit ils peuvent décider de conclure un contrat de sûreté avec le débiteur ou
un tiers. Si une telle convention a l’avantage de réduire les disparités entre créanciers en
plus d’échapper à la règle d’un paiement égalitaire en cas de concours ou en contournant
le concours, il faudra néanmoins en évaluer la pertinence par rapport au projet à financer.

378. Mais si l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires est
la moindre des menaces qui pèse sur le créancier d’un débiteur en difficultés, cette
dernière devrait probablement augmenter en cas d’ouverture d’une procédure de
liquidation. En effet, il s’y appliquerait un principe d’égalité des créanciers chirographaires
à tous les biens du débiteur et tous ses créanciers, mais dont le sens, la valeur et la portée
ne sont explicités nulle part (deuxième partie).

282
Deuxième partie : L’égalité de principe des créanciers
chirographaires à la procédure de liquidation

379. La formulation. La doctrine commercialiste a identifié dans la démarche collective


(tous les créanciers) et globale (tous les biens) de la procédure de liquidation un principe
d’égalité des créanciers chirographaires ; principe qu’elle fonde sur l’article 2285 du Code
civil et sa réitération dans les objectifs que le législateur assigne à la procédure de
liquidation (art. L643-8 C.com ; art.166 et 167 in fine AUPCAP révisé). Ce principe postule
que tous les biens du débiteur sont affectés au paiement égalitaire des créanciers
chirographaires ; affectation rendue effective par les aménagements techniques de la
procédure de collective. Selon Mme Reymond de Gentile518, le principe interdit qu’un
créancier soit traité différemment d’un autre sans cause légitime.

M. Vasseur explique dans sa thèse qu’« économiquement, en effet, l’application de la règle


de l’égalité favorise le crédit parce qu’elle assure au créancier un pouvoir effectif d’action :
elle lui donne la certitude qu’au cas de défaillance de son débiteur, il recouvrera sinon
l’intégralité de sa créance, au moins la fraction maximum de celle-ci, qu’aucun créancier,
grâce à sa plus grande diligence ou à sa proximité du débiteur, ne pourra se faire payer à
son détriment, voire rendre son droit inefficace, en absorbant l’actif. La note infamante
attachée à la faillite s’estompe alors, et la faillite prend figure de moyen de commerce 519».

380. L'idée d'égalité entre les créanciers est renforcée par l'effet réel que produit la
décision d'ouverture de la procédure de liquidation. Il s’agit d’une analyse doctrinale des
procédures collectives proposée par M. Sénéchal, auxquelles il attribue un « effet réel ».
Ce dernier peut se définir comme « l’effet de saisie de l’ensemble des biens du débiteur
par la collectivité des créanciers représentée par un mandataire de justice520 ». Selon cet
auteur, « l’étude de l’effet réel conduit au dévoilement d’une sorte de « méta-égalité »

518
Mme Reymond de Gentile, « Le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13
juillet 1967 », thèse – Editions Sirey 1973.
519
M. Vasseur, thèse précitée,page 17 n°5.
520
Marc Sénéchal –thèse précitée, p. 11 n°5§2.

283
commune à tous les créanciers chirographaires ou titulaires de sûretés. Elle est
consubstantielle à l’organisation collective de la réalisation et de la distribution du gage
commun. Elle est une caractéristique propre au droit des procédures collectives en ce que
son objet est d’empêcher l’anarchie des poursuites. Elle n’est pas apparue plus clairement
dans le passé parce que son dévoilement progressif résulte en grande partie de
l’effacement (…) des différences de traitement par le droit des procédures collectives des
créanciers chirographaires et des créanciers titulaires de sûreté ». Concrètement, « l’effet
réel des procédures civiles d’exécution pourrait, sauf en ce qui concerne l’action paulienne,
ne porter que sur les biens dont le débiteur est propriétaire ou détenteur au moment où la
poursuite est engagée ». Alors que, « on le sait, l’effet réel d’une procédure collective est
beaucoup plus étendu521 ».

381. La critique. Consacré dans la jurisprudence et récemment dans le Code de commerce


français522, ce principe reçoit un accueil mitigé dans la doctrine notamment en raison de
523
son « ambigüité » pour reprendre la formule de M. Cabrillac. Selon lui, « l’égalité
appliquée aux créanciers chirographaires n’est qu’une égalité devant le néant, une figure
de rhétorique sans portée pratique ». Cet auteur s’interroge notamment sur le point de
savoir si l’égalité concerne ou devrait concerner les rapports entre les seuls créanciers
chirographaires ou tous les créanciers. Il écrit que « le culte doctrinal qui lui est rendu est
souvent équivoque sur le domaine du « dogme ». On peut par exemple relever cette
attitude dans les développements consacrés à la situation des créanciers chirographaires
dans les procédures collectives. Constatant qu’ils ne reçoivent aucun dividende, les auteurs
concluent à l’unisson au déclin du principe d’égalité, mais ils ne précisent pas s’il s’agit d’un
principe applicable à tous les créanciers et qui péricliterait par l’excès des exceptions qui
lui ont été apportées ou s’il s’agit du déclin d’un principe restreint aux créanciers
chirographaires et qui ne serait qu’indirectement atteint du fait qu’il ne peut plus

521
Marc Sénéchal, thèse précitée n°12 § 7 p24.
522
Code de commerce français à l’article L643-7-1 selon lequel « Le créancier qui a reçu un paiement en
violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par suite d'une erreur sur l'ordre des
privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ».
523
Michel Cabrillac – « Les ambiguïtés de l’égalité entre les créanciers » - in « Mélanges en hommage à
André Breton et Fernand Derrida – Dalloz juin 1991.

284
s’appliquer faute de fonds à répartir ». En effet, « le champ d’influence de l’idée d’égalité
entre les créanciers a été artificiellement dilaté par l’équivoque qu’a entretenue l’inclusion
de règles qui n’ont pas un objectif mais seulement un effet égalitaire. Cette dilatation a
renforcé la conviction selon laquelle l’égalité serait un principe général au large
rayonnement, rôle qui ne saurait s’accommoder du halo d’ambiguïtés qui l’entoure, quelles
soit appréhendée comme idée ou comme norme524 ». Toutefois, M. Cabrillac préconise
qu’« un audit de l’égalité entre les créanciers serait le bienvenu au lendemain de réformes
qui l’ont affectée. Il permettrait sans doute de désacraliser l’idée ; d’apprécier avec plus de
réalisme sa véritable valeur – car malgré ses propos impertinents, elle n’en est pas
dépourvue- à l’aune de la morale et de l’économie ; de mieux préciser la place qu’elle tient
et celle qu’elle devrait tenir, plus modeste que celle qui lui est confusément prêtée »525.

382. Dans le cadre de cette étude, il ne semble pas nécessaire de prendre parti sur
l’existence du principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de
liquidation instituée dans l’AUPCAP révisé et le Code de commerce. Simplement, la
question du sort des créanciers d’un débiteur en difficultés force à interroger le contenu
du principe d’égalité des créanciers chirographaires pour en déterminer l’impact sur les
créanciers OHADA et français, spécialement en ce qu’il implique, ou non, l’application de
la règle du paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires. Aussi
chercherons-nous à élucider le sens, la valeur et la portée du principe en déterminant en
préalable l’étendue de l’affectation pour mesurer le risque d’un paiement égalitaire en cas
de concours. Puis nous examinerons le contenu du principe pour apprécier ce qu’il
implique pour les créanciers. Autrement dit, c’est à la question de savoir si tous les biens
du débiteur sont affectés à la satisfaction des créanciers (chapitre premier) et en quoi tous
les créanciers du débiteur en procédure de liquidation sont égaux (chapitre deuxième)
qu’il convient de répondre.

524
M. Cabrillac, article précité p38 n°21.
525
Michel Cabrillac, article précité p. 39 n°21 .

285
Chapitre premier : Tous les biens d’un débiteur en procédure de liquidation

383. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires postule « l’affectation de


l’ensemble des biens du débiteur à la satisfaction de l’ensemble de ses créanciers » 526 sur
le fondement de l’article 2285 du Code civil. Est-ce à dire que, par la décision d’ouverture
de la procédure de liquidation, le principe d’égalité des créanciers chirographaires rétablit
la consistance du gage des créanciers que le débiteur a pu vider alors qu’il était in bonis
pour l’affecter à la satisfaction exclusive des créanciers par le biais de la procédure de
liquidation ?

384. Malheureusement, le principe d’égalité des créanciers chirographaires subit une


réalité qui est forte : celle d’une situation où il est question de gérer une pénurie, ce que
tente d’organiser les législateurs OHADA et français au moyen de la procédure de
liquidation qui appréhende tout l’actif (I) pour apurer le passif(II).

I- L’actif appréhendé

385. L’affirmation de l’affectation du gage commun à la satisfaction des créanciers doit


être relativisée ne serait-ce que parce que le législateur OHADA, comme le législateur
français, explique que le gage commun des créanciers est affecté à sa réalisation pour
apurer le passif.

386. Une fois que tout aura été tenté pour sauver les entreprises en difficultés qui le
peuvent, les législateurs OHADA et français envisagent l’ouverture d’une procédure de
liquidation. La procédure de liquidation des biens OHADA est « destinée à la réalisation de
l'actif de l'entreprise débitrice en cessation des paiements dont la situation est
irrémédiablement compromise pour apurer son passif » (art. 2-4 AUPCAP révisé in fine). La
procédure de liquidation judiciaire de droit français doit mettre fin à l'activité de
l'entreprise ou permettre de réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou
séparée de ses droits et de ses biens (art. L640-1 C.com). En cas de liquidation, dans les

526
Michel Vasseur, thèse précitée, p. 17§2.

286
deux législations, le paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers
chirographaires redevient la règle (art. L643-8 C.com ; art.166 et 167 in fine AUPCAP
révisé).

387. Ainsi, la procédure de liquidation est perçue comme une voie d’exécution propre au
droit commercial. La décision d’ouverture emporte saisie du gage commun (A) en vue de
sa réalisation (B) pour partager égalitairement le prix entre les créanciers saisissants.

1§-La saisie

388. La décision d’ouverture de la procédure de liquidation emporte saisie du gage


commun par la collectivité des créanciers représentée par un mandataire de justice : le
syndic dans l’AUPCAP révisé et le liquidateur en droit français527. Concrètement, tous les
biens en possession du débiteur au jour de la décision d’ouverture sont placés sous main
de justice. L’apposition des scellés précède l’inventaire et la prisée de ces biens528.
Cependant, il convient de relativiser. L’effet réel n’est que temporaire à l’égard des biens
des tiers en possession du débiteur au jour de la décision d’ouverture. Ces derniers
pourront les revendiquer (A) ou simplement en demander la restitution (B).

A- Les revendications

389. C’est à l’égard des biens appartenant aux tiers, en possession du débiteur au jour de
la décision d’ouverture, que l’effet réel de la procédure de liquidation montre sa puissance
plus que relative puisqu’il n’est jamais question de priver le propriétaire de ses biens. La
saisie collective n’opère donc pas sur les biens immeubles puisque la distraction s’effectue
selon les règles de droit commun529 (1). Seuls les biens meubles sont saisis par la
collectivité (2).

527
Voir supra.
528
Voir supra
529
Marc Sénéchal, thèse précitée, p. 35 et s.

287
1-Les biens immeubles

390. Le tiers qui se prétend propriétaire d'un immeuble saisi et qui n'est tenu, ni
personnellement de la dette, ni réellement sur l'immeuble, peut, pour le soustraire à la
saisie, former une demande en distraction (art. 308 al. 1erAUPSRVE). La demande en
distraction de tout ou partie des biens saisis est formée tant contre le saisissant que contre
la partie saisie (art. 309 AUPSRVE). Selon l’article 310 AUPSRVE, lorsque la demande en
distraction porte sur la totalité des biens, il est sursis à la continuation des poursuites. Si
la distraction demandée n'est que d'une partie des biens saisis, il peut être procédé à
l'adjudication du surplus. Les juridictions compétentes peuvent aussi, à la demande des
parties intéressées, ordonner le sursis pour le tout. En cas de distraction partielle, le
poursuivant est admis à changer la mise à prix portée au cahier des charges.

La demande de distraction doit être faite avant l'adjudication dans le délai prévu par
l'article 299 alinéa 2 AUPSRVE (art. 308 al. 1er AUPSRVE). Ainsi, les demandes fondées sur
un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à cette audience et celles tendant à
faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, ou à faire prononcer la
nullité de tout ou partie de la procédure suivie à l'audience éventuelle ou la radiation de
la saisie peuvent encore être présentées après l'audience éventuelle mais seulement, à
peine de déchéance, jusqu'au huitième jour avant l'adjudication. En droit français, la
demande en distraction de tout ou partie des biens saisis peut être formée jusqu'à la vente
du bien saisi (article R311-8 C. proc. ex. civ530.)

391. Conclusion 1. Dans l’AUPSRVE, la demande en distraction n'est recevable que si le


droit foncier de l'État partie dans lequel est situé l'immeuble consacre l'action en
revendication ou toute autre action tendant aux mêmes fins (art. 308 al. 2). En effet, si le
droit foncier de l'État partie dans lequel est situé l'immeuble ne consacre ni l'action en
revendication ni toute autre action tendant aux mêmes fins, la procédure de liquidation

530
Créé par Décret n°2012-783 du 30 mai 2012 - art.

288
ne lui permet pas d’acquérir un tel droit. Le propriétaire devra alors produire sa créance
au passif.

2-Les biens meubles

392. Désormais531, comme en droit français (art. L624-9 C.com.), il est prévu que la
revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de quatre-vingt-dix jours
suivant la deuxième insertion de la décision d'ouverture de la procédure de liquidation des
biens dans un journal d'annonces légales de l'État partie concerné (article 101 AUPCAP
révisé). La demande en revendication est adressée au syndic dans ce délai par lettre au
porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
ou par tout moyen laissant trace écrite (article 101-1 al. 1er AUPCAP révisé). Le syndic peut
acquiescer à la demande en revendication (article 101-1 al.2 AUPCAP révisé). À défaut de
réponse du syndic dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande
ou en cas de refus, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du revendiquant dans
un délai de trente jours à compter de l'expiration du premier délai ou de ce refus afin qu'il
soit statué, au vu des observations du revendiquant, du débiteur et du syndic, sur les droits
de ce revendiquant et sur le sort du contrat (article 101-1 al.3 AUPCAP révisé).

Le juge-commissaire statue alors par voie d'ordonnance dans un délai de huit jours à
compter de sa saisine et son ordonnance est déposée sans délai au greffe qui la
communique au syndic et la notifie aux parties. Sur sa demande, la décision est
communiquée sans délai au ministère public (article 101-1 al.4 AUPCAP révisé). Dans les
huit jours de sa notification ou de sa communication, l'ordonnance rendue par le juge-
commissaire532 peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction compétente533 (article

531
L’ancien article 101 prévoyait que les actions en revendication ne peuvent être reprises ou exercées que
si le revendiquant a produit et respecté les formes et délais prévus par les articles 78 à 88 ci-dessus (al.
1er).Les revendications admises par le syndic, le Juge-commissaire ou la juridiction compétente devaient
être exercées, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de l'information prévue par
l'article 87 alinéa 3 ci-dessus ou de la décision de justice admettant les revendications (al. 2).
532
En application de l'article 101-1 ci-dessus.
533
Dans les conditions prévues par l'article 40 ci-dessus.

289
101-2 al. 1er AUPCAP révisé). Le ministère public peut également saisir la juridiction
compétente, par une requête motivée, dans les huit jours de la communication qui lui est
faite de l'ordonnance (article 101-2 al. 2 AUPCAP révisé). Si le juge-commissaire n'a pas
statué à l'expiration du délai de huit jours, la juridiction compétente peut être saisie dans
les mêmes conditions, à la demande d'une partie ou du ministère public (article 101-2 al.
3 AUPCAP révisé). L'examen du recours ou de la demande est fixé à la première audience
utile de la juridiction, les intéressés et le syndic étant avisés (article 101-2 al. 4 AUPCAP
révisé).

393. Comme en droit français à l’article L624-12 du Code de commerce, une liste des biens
pouvant être revendiqués est établie dans l’AUPCAP révisé. Désormais534 selon l’article
102 AUPCAP révisé, peuvent être revendiqués sous certaines conditions : les effets de
commerce remis à l'encaissement ou autres titres non payés remis par leur propriétaire
pour être spécialement affectés à des paiements déterminés ; les marchandises
consignées et les objets mobiliers remis au débiteur, soit pour être vendus pour le compte
du propriétaire, soit à titre de dépôt, de prêt, de mandat ou de location ou de tout autre
contrat à charge de restitution (article 103 al. 1 AUPCAP révisé).

394. Les droits du vendeur de meubles. Le vendeur de meubles peut, selon l’article 105
AUPCAP révisé, revendiquer sous condition les marchandises et objets mobiliers expédiés

534
Antérieurement à la révision de l’AUPCAPAP (art. 102 et 103 ancien), seuls pouvaient être revendiqués :
les effets de commerce ou autres titres non payés remis par leur propriétaire pour être spécialement
affectés à des paiements déterminés. Toutefois, ils devaient se trouver encore dans le portefeuille du
débiteur (art. 102). Pareillement, pouvaient être revendiqués les marchandises consignées et les objets
mobiliers remis au débiteur, soit pour être vendus pour le compte du propriétaire, soit à titre de dépôt, de
prêt, de mandat ou de location ou de tout autre contrat à charge de restitution. Il fallait cependant que ces
biens se retrouvent en nature. Enfin, l’article 103 prévoyait la revendication des marchandises et des objets
mobiliers, s'ils se retrouvaient en nature pouvaient être revendiqués, quand bien même ils avaient été
vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette
clause avait été convenue entre les parties dans un écrit et avait été régulièrement publiée au Registre du
commerce et du crédit mobilier (al. 1er). Toutefois, s'agissant de marchandises et d'objets mobiliers
consignés au débiteur pour être vendus ou vendus avec clause de réserve de propriété, il n'y avait pas lieu
à revendication si, avant la restitution des marchandises et objets mobiliers, le prix était payé intégralement
et immédiatement par le syndic assistant ou représentant le débiteur, selon le cas (al. 2). Cependant, en
cas d'aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, , le prix ou la partie du prix dû si celui-ci n'a été ni
payé en valeur ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-acquéreur, pouvait être
revendiqué, contre le sous-acquéreur (al. 3).

290
au débiteur tant que la tradition n'a pas été effectuée dans ses magasins ou dans ceux du
commissionnaire chargé de les vendre pour son compte ou d'un mandataire chargé de les
recevoir. Il peut aussi revendiquer les marchandises et objets mobiliers dont la vente a été
résolue antérieurement à la décision ouvrant la procédure, soit par décision de justice,
soit par le jeu d'une clause ou d'une condition résolutoire acquise (art. 106 al. 1 AUPCAP
révisé). La revendication doit pareillement être admise lorsque l'action en résolution a été
intentée antérieurement à la décision d'ouverture par le vendeur non payé (art. 106 al. 2
AUPCAP révisé).

395. Conclusion 2. Ainsi, une quantité non négligeable de biens est susceptible d'être
distraite de l'assiette de la saisie, sans que l’absence d'inventaire ne puisse faire obstacle
à l'exercice des actions en revendication (art . 57 AUPC révisé ; art. L641-4 C. com par
renvoi à l’article L622-6 avant dernier alinéa). Toutefois, certaines conditions tenant à la
situation du bien en possession du débiteur sont à observer, lesquelles sont propices à ce
que cette prérogative du propriétaire ne puisse trouver à prospérer. Par exemple, la
revendication des marchandises suppose en préalable que celles-ci se retrouvent en
"nature". Un Tribunal de Ouagadougou a jugé à cet égard que n’était pas fondée la
demande de revendication des biens ayant subi de nombreuses transformations et
devenus immeubles par destination par leur attachement à perpétuelle demeure à une
usine avec laquelle ils forment un tout indivisible535.

396. Résumé A. La volonté du débiteur d’exploiter son entreprise exclusivement avec les
biens d’un tiers n’est pas une circonstance susceptible de permettre la saisie définitive des
biens appartenant à ces derniers. Ils pourront revendiquer les immeubles selon les règles
de droit commun, et les meubles selon les règles de la procédure collective.

B- Les restitutions

535
TGI Ouagadougou, jug. N°701, 26 juin 2002, Aff. Société des Ciments d’Abidjan (SCA) C/ Syndics
liquidateurs de la Société des Ciments et Matériaux du Burkina (CIMATS).

291
397. Le propriétaire d’un bien meuble peut en demander la restitution dans les conditions
posées par législateur des procédures collectives (1). Il convient cependant de distinguer
le cas du conjoint de l’entrepreneur individuel (2).

1-Le contrat publié

398. L’ancien AUPC ne prévoyait pas de possibilité de restitution. Le propriétaire devait


nécessairement revendiquer son bien. C’était, pour la masse des créanciers OHADA, un
témoignage de considération aujourd’hui révolu. Comme en droit français (art. L624-10
C.com.), le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété
lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité (art. 101-3 al. 1er AUPCAP
révisé). Il peut réclamer la restitution de son bien par lettre au porteur contre récépissé
ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant
trace écrite adressé au syndic qui peut acquiescer à cette demande (art. 101-3 al. 4
AUPCAP révisé). A défaut d'accord dans le délai de trente jours à compter de la réception
de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence
du propriétaire afin qu'il soit statué sur ses droits. Même en l'absence de demande
préalable en restitution, le juge-commissaire peut également être saisi à cette fin par le
syndic (art. 101-3 al. 5 AUPCAP révisé).

399. En droit français, les restitutions s’effectuent dans les mêmes conditions que
s’agissant des biens du conjoint de l’entrepreneur individuel en procédure de liquidation
judiciaire (art. L. 624-9 ou L. 624-10 C.com.).

400. Conclusion 1. Ainsi, l'effet de saisie est discutable à partir du moment où le


propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le
contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité.

2-Les droits du conjoint.

292
401. Selon l’article 99 AUPCAPAP ancien, la consistance des biens personnels du conjoint
du débiteur déclaré en état de redressement judiciaire ou de liquidation des biens est
établie par lui, conformément aux règles de son régime matrimonial (al. 1er). La masse
pourra, en prouvant par tous moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont
été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient
réunies à l'actif (al. 2). Les reprises faites en application de ces règles ne sont exercées par
l'époux intéressé qu'à charge des dettes et sûretés dont les biens sont grevés (al. 3).
L'époux dont le conjoint était commerçant à l'époque de la célébration du mariage ou qui
l'est devenu dans l'année de cette célébration ne peut exercer dans la procédure collective
aucune action à raison des avantages faits par l'un des époux à l'autre dans le contrat de
mariage ou pendant le mariage. Les créanciers ne peuvent, de leur côté, se prévaloir des
avantages faits par l'un des époux à l'autre (art. 100 AUPCAPAP révisé).

402. Désormais, la consistance des biens personnels du conjoint du débiteur déclaré en


liquidation des biens est établie par lui, conformément aux règles de son régime
matrimonial (art. 99 al. 1er AUPCAP révisé). La masse peut, en prouvant par tous moyens
que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été, en tout ou partie, avec des
valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi faites soient réunies à
l'actif, à proportion de la contribution du débiteur, le cas échéant, en valeur (art. 99 al. 2
AUPCAP révisé). Les reprises faites en application de ces règles ne sont exercées par le
conjoint intéressé qu'à charge des dettes et sûretés dont les biens sont grevés (art. 99 al.
3 AUPCAP révisé).

Enfin, le conjoint du débiteur qui, à l'époque de la célébration du mariage, dans l'année


de cette célébration ou dans l'année suivante, exerçait une activité professionnelle
indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, ne peut exercer dans la
procédure collective aucune action à raison des avantages faits par l'un des époux à l'autre
dans le contrat de mariage ou pendant le mariage. Les créanciers ne peuvent, de leur côté,
se prévaloir des avantages faits par l'un des époux à l'autre (art. 100 AUPCAP révisé). Le
conjoint du débiteur en redressement judiciaire ou en liquidation des biens est entendu

293
ou dûment convoqué par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, avant toute
décision autorisant la vente des biens de la communauté (art. 100-1 AUPCAP révisé).

403. Conclusion 2. Ainsi, l'effet réel de la procédure de liquidation est potentiellement


plus étendu dans la législation OHADA de ce point de vue puisque la masse peut, en
prouvant par tous moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur l'ont été, en
tout ou partie, avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les acquisitions ainsi
faites soient réunies à l'actif, à proportion de la contribution du débiteur, le cas échéant,
en valeur (art. 99 al. 2 AUPCAP révisé).

Une telle disposition avait été déclarée inconstitutionnelle en France par le Conseil
constitutionnel. En effet, ce dernier avait été saisi par la Cour de cassation sur le
fondement des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution d'une question prioritaire
de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article L. 624-6 du Code de commerce. Aux termes cet article, « le mandataire
judiciaire ou l'administrateur peut, en prouvant par tous les moyens que les biens acquis
par le conjoint du débiteur l'ont été avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que
les acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif ». La requérante faisait valoir qu'en
permettant de réunir à l'actif de la procédure collective un bien appartenant au conjoint
du débiteur alors qu'il n'est pas partie à cette procédure, les dispositions contestées
méconnaissaient la protection constitutionnelle du droit de propriété. Et en appliquant
cette possibilité au seul conjoint du débiteur, à l'exclusion de toute autre personne, elles
entraîneraient, en outre, une différence de traitement contraire au principe d'égalité
devant la loi.

404. Le Conseil constitutionnel français, dans une décision du 20 janvier 2012536, après
avoir rappelé qu’aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du

536
Déc. n°2011-212 QPC 20 janv. 2012.

294
citoyen de 1789 « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé,
si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et
sous la condition d'une juste et préalable indemnité » et qu'en l'absence de privation du
droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration
de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt
général et proportionnées à l'objectif poursuivi, a estimé qu'il appartient au législateur,
compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes
fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et
commerciales, de définir les règles relatives à l'acquisition ou la conservation de la
propriété.

Selon lui, les dispositions contestées sont applicables lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une
procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire dans les conditions
fixées par le Code de commerce en ce qu'elles permettent de réintégrer dans le patrimoine
du débiteur des biens acquis par son conjoint au financement desquels le débiteur a
participé. Dans ces circonstances particulières, ces dispositions ont pour effet de désigner
comme le véritable propriétaire du bien, non pas celui que les règles du droit civil
désignent comme tel, mais celui qui a fourni des valeurs permettant l'acquisition. Dès lors,
elles n'entraînent pas une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration
de 1789. Il en a déduit que, lorsqu'un débiteur fait l'objet d'une procédure collective, la
possibilité de réunir à l'actif des biens dont son conjoint est propriétaire mais qui ont été
acquis avec des valeurs qu'il a fournies est destinée à faciliter l'apurement du passif afin
de permettre, selon le cas, la continuation de l'entreprise ou le désintéressement des
créanciers poursuit un but d'intérêt général.

Mais il a ensuite relevé que les dispositions contestées permettent de réunir à l'actif en
nature tous les biens acquis pendant la durée du mariage avec des valeurs fournies par le
conjoint quelle que soit la cause de cet apport, son ancienneté, l'origine des valeurs ou
encore l'activité qu'exerçait le conjoint à la date de l'apport et que ces dispositions ne
prennent pas davantage en compte la proportion de cet apport dans le financement du
bien réuni à l'actif. Aussi, en l'absence de toute disposition retenue par le législateur pour

295
assurer un encadrement des conditions dans lesquelles la réunion à l'actif est possible, il
a considéré que les dispositions de l'article L. 624-6 du Code de commerce aboutissent à
ce qu’il soit porté au droit de propriété du conjoint du débiteur une atteinte
disproportionnée au regard du but poursuivi.

Partant, ces dispositions ont été déclarées contraires à la Constitution, l'abrogation de


l'article L. 624-6 du code de commerce prenant effet à compter de la publication de la
décision et étant applicable à toutes les instances non jugées définitivement à cette date.

405. Conclusion 2. Si l'OHADA a vocation à s'appliquer immédiatement en droit interne,


il n'est pas certain qu'une disposition contenue dans un Acte uniforme qui serait contraire
à la Constitution d'un Etat partie au Traité résisterait en cas de conflit. En effet, le droit de
la propriété et les modalités qui l’établissent relève, a priori, de la compétence des
législations nationales.

La CCJA a d’ailleurs eu l'occasion de se déterminer en ce sens à plusieurs reprises,


notamment dans une espèce où la réunion d'une assemblée plénière était indispensable.
La question se posait de savoir si les juridictions nationales pouvaient résoudre un
problème juridique fondamental tenant à la propriété dont dépend la résolution d'une
question relative à l'application d'un Acte uniforme. La réponse à cette question capitale
est limpide : « Il n’y a pas lieu d’annuler l’arrêt rendu par une juridiction suprême nationale
dès lors que l’arrêt attaqué a tranché un litige relatif à la propriété d’un immeuble
conformément au droit national et que le problème juridique fondamental ayant été ainsi
résolu, il ne se pose plus de question relative à l’application d’un Acte uniforme537 ».

406. Résumé B. En permettant la restitution plutôt qu’en obligeant le tiers à revendiquer


le bien qui aura contribué à faire croire en sa possession par le débiteur au détriment des
créanciers qui ont contracté avec lui, les législations OHADA et française ne recherchent
pas l’égalité. L’absence d'inventaire ne fait pas obstacle à l'exercice des actions en

537
.Arr. n°008/2014, pourvoi n°094/2011/PC du 28/10/2011, La Société Africaine de Promotion Immobilière
dite SAPI SCI c/Société Arno SARL.

296
restitution (art. 57 AUPC révisé ; art. L641-4 C.com par renvoi à l’article L622-6 avant
dernier alinéa). Sur ce dernier point, la consistance potentielle du gage commun des
créanciers OHADA peut être plus importante que celle des créanciers français puisque la
masse peut, en prouvant par tous moyens que les biens acquis par le conjoint du débiteur
l'ont été, en tout ou partie, avec des valeurs fournies par celui-ci, demander que les
acquisitions ainsi faites soient réunies à l'actif, à proportion de la contribution du débiteur,
le cas échéant, en valeur (art. 99 al. 2 AUPCAP révisé).

407. Résumé 1§. La saisie du gage commun des créanciers appréhende tous les biens du
débiteur, excepté ceux que le débiteur décide de placer en dehors de l’exercice du droit
de gage général des créanciers ou que le législateur déclare insaisissables de droit. Il en va
de même de l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise débitrice
appartenant aux tiers. Ces derniers pourront les revendiquer ou simplement en demander
la restitution. C’est donc une quantité non négligeable de biens qui est susceptible
d’échapper à la saisie collective. Ce faisant, ni le législateur OHADA, ni le législateur
français, ne cherchent l’égalité du paiement en cas de concours entre les créanciers
puisque cette règle n’a vocation à s’appliquer qu’aux biens appartenant au débiteur.

408. Conclusion 1§. Puisque l’effet réel est bridé pour maintenir en dehors de la saisie
collective les biens que le débiteur choisit de ne pas affecter à l’exploitation de l’entreprise
en liquidation, il ne peut pas appréhender définitivement les biens que le débiteur aura
affecté à l’exploitation de l’entreprise au prétexte que ces biens appartiennent aux tiers.
Il y a donc une contradiction féroce entre soutenir, d’un côté, l’affectation du gage
commun à la satisfaction des créanciers pour observer ensuite, d’un autre côté, que
l’affectation repose sur du vide. Cette contradiction est parfaitement résumée par M.
Cabrillac qui parle d’« égalité devant le néant ».

297
2§-La réalisation

409. Si la procédure de liquidation est perçue en doctrine comme une voie d’exécution
propre au droit commercial, le principe de l’affectation du gage commun à la satisfaction
des créanciers doit être relativisé en raison du caractère collectif de la procédure de
liquidation. En effet, comme en droit commun de l’exécution forcée, après la saisie du
gage commun vient la réalisation de celui-ci. Dès lors, le législateur OHADA, comme le
législateur français, prévoit dans le cadre d’une procédure de liquidation que la réalisation
de l’actif peut se faire par des cessions partielles (A), lesquelles sont soumises dans une
large mesure aux règles de droit commun. Mais à la différence du droit commun, il est
aussi possible de procéder à une cession globale de l’actif (B) dans le cadre de la procédure
de liquidation.

A-La cession partielle

410. La procédure de liquidation organise la réalisation collective des biens meubles (1)
et immeubles (2) de l’entreprise débitrice.

1-La réalisation des biens meuble

411. Le syndic poursuit seul la vente des marchandises et biens meubles du débiteur, le
recouvrement des créances et le règlement des dettes de celui-ci (art. 147 al. 1er AUPCAP
révisé). Les créances à long terme du débiteur peuvent faire l'objet de cessions afin de ne
pas retarder les opérations de liquidation, dans les conditions prévues par l'article 148
pour les compromis et transactions (art. 147 al. 2 AUPCAP révisé). Les deniers provenant
des ventes et des recouvrements sont, sous la déduction des sommes arbitrées par le juge-
commissaire pour le montant des dépenses et des frais, versés sans délai sur le compte
spécialement ouvert dans les conditions prévues à l'article 45 AUPCAP révisé. Le syndic
doit justifier des versements auprès du juge-commissaire (art. 147 al. 3 AUPCAP révisé).

Le syndic peut par ailleurs, avec l'autorisation du juge-commissaire, compromettre et


transiger sur toutes les contestations qui intéressent la masse, même celles qui sont

298
relatives à des droits et actions immobiliers (art. 148 al. 1er AUPCAP révisé). Si l'objet du
compromis ou de la transaction est d'une valeur indéterminée ou excède la compétence
de la juridiction compétente en dernier ressort, le compromis ou la transaction doit, en
outre, être homologué par décision de la juridiction compétente (art. 148 al. 2 AUPCAP
révisé). Dans tous les cas, le greffier, trois jours avant la décision du juge-commissaire, doit
convoquer le débiteur par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite en précisant
l'étendue du compromis ou de la transaction envisagée ainsi que les conditions et les
motifs juridiques et économiques de cet acte (art. 148 al. 2 AUPCAP révisé).

Toutefois, le débiteur répondant à la définition de la petite entreprise visée à l'article 1-3


AUPCAP révisé, à la condition de ne pas être propriétaire d'un actif immobilier, peut
demander l'application de la procédure de liquidation des biens simplifiée (art. 179-1
538
AUPCAP révisé ). Selon l’article 179-6 AUPCAP révisé539 faisant application de la
liquidation des biens simplifiée, la juridiction compétente détermine les biens du débiteur
pouvant faire l'objet d'une vente de gré à gré. Le syndic y procède dans les quatre-vingt
jours suivant la publication de la décision. A l'issue de cette période, il est procédé à la
vente aux enchères des biens subsistants (alinéa 1er). Les biens non déterminés comme
pouvant faire l'objet d'une vente de gré à gré dans la décision de liquidation des biens
simplifiée sont vendus aux enchères sans délai (alinéa 2).

412. Ainsi, des règles dérogatoires au droit commun président à la réalisation des biens
meubles. Depuis la révision de l’AUPCAP du 10 septembre 2015, le législateur OHADA a
cependant institué une procédure de liquidation simplifiée lorsque la procédure est
ouverte contre un débiteur dont l’actif ne comprend pas de biens immobiliers. Comme en
droit français (art. L644-1 à 6 C.com), son objet est d’accélérer la procédure pour les

538
Voir AUPCAPAP sur les conditions d’obtention de la procédure simplifiée après demande selon les délais
et forme requises.
539
Et par dérogation aux dispositions de l'article 147 ci-dessus.

299
petites entreprises540 et d’en diminuer le coût541. Désormais, la réalisation de l’actif peut
s’effectuer selon un régime normal ou simplifié.

2-La réalisation des immeubles.

413. Dispositions générales. Les ventes d'immeubles ont lieu suivant les formes
prescrites en matière de saisie immobilière, sauf dans le cas où la saisie est soumise à une
clause d'exécution extrajudiciaire conformément à l'Acte uniforme révisé portant
organisation des sûretés. Le juge-commissaire fixe, après avoir recueilli les observations
des contrôleurs s'il en a été nommé, le débiteur et le syndic entendus ou dûment appelés,
la mise à prix et les conditions essentielles de la vente. Il détermine également les
modalités de la publicité (art. 150 al. 1er AUPCAP révisé). Dans les mêmes conditions, le
juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur situation ou les offres reçues sont
de nature à permettre une cession amiable, autoriser la vente, soit par adjudication
amiable sur la mise à prix qu'il fixe, soit de gré à gré aux prix et conditions qu'il détermine
(art. 150 al. 2 AUPCAP révisé).

Selon l’article 151 AUPCAP révisé, à la requête du syndic ou du créancier poursuivant, le


juge-commissaire qui autorise la vente des immeubles542 détermine dans la décision : 1 °)
la mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions de la vente ; lorsque la vente
est poursuivie par un créancier, la mise à prix est déterminée en accord avec le créancier
poursuivant, le syndic dûment entendu ; 2°) le ou les numéros des titres fonciers et la
situation des immeubles faisant l'objet de la vente ou, s'il s'agit d'immeubles non encore
immatriculés, leur désignation précise ainsi que la copie de la décision ou de l'acte

540
Art. 1-3 AUPCAP révisé est une « petite entreprise », toute entreprise individuelle, société ou autre
personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20), et dont le
chiffre d'affaires n'excède pas cinquante millions (50.000.000) de francs CFA, hors taxes, au cours des douze
(12) mois précédant la saisine de la juridiction compétente conformément au présent Acte uniforme ;
541
Tout débiteur répondant à la définition de la petite entreprise visée à l'article 1-3 ci-dessus, à la condition
de ne pas être propriétaire d'un actif immobilier, peut demander l'application de la procédure de liquidation
des biens simplifiée régie par la présente section Article 179-1. La juridiction compétente qui envisage de
prononcer une liquidation des biens simplifiée doit constater dans sa décision : la qualité de « petite
entreprise » du débiteur conformément à la définition de l'article 1-3 ci-dessus et l'absence d'actif
immobilier (Article 179-4).
542
En application de l'article 150 AUPCAP révisé.

300
autorisant le poursuivant à requérir l'immatriculation ; 3°) les modalités de la publicité
compte tenu de la valeur, de la nature et de la situation des biens ; 4°) s'il y a lieu, le notaire
commis (al. 1er). Le juge-commissaire peut préciser que, à défaut d'enchères atteignant la
mise à prix, la vente peut se faire sur une mise à prix inférieur qu'il fixe. Il peut, si la valeur
et la consistance des biens le justifient, faire procéder à leur estimation totale ou partielle
(al. 2).

Il résulte de l’article 152 AUPCAP révisé que la décision du juge-commissaire se substitue


au commandement tendant à saisie réelle (al.1er). Elle est notifiée par signification
d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception
effective par le destinataire, à la diligence du greffier, au conservateur de la propriété
foncière, au débiteur, au syndic et aux créanciers inscrits à domicile élu dont les noms sont
indiqués dans la décision (al. 2). Elle est publiée par le conservateur de la propriété
foncière dans les conditions prévues pour le commandement tendant à saisie réelle (al.
3). Le conservateur de la propriété foncière procède à la formalité de publicité de la
décision même si des commandements ont été antérieurement publiés, lesquels cessent
de produire effet à compter de la publication de cette décision (al. 4). Il délivre un état des
droits réels inscrits sur les titres fonciers concernés au syndic, au créancier poursuivant ou
au notaire s'il y a lieu (al. 5). Le poursuivant ou le notaire commis établit un cahier des
charges qui indique la décision autorisant la vente, désigne les biens à vendre, mentionne
la mise à prix, les conditions de la vente et les modalités de paiement du prix (art. 153
AUPCAP révisé).

414. Vente d’immeuble sur saisie immobilière. Des dispositions particulières à la vente
sur saisie immobilière sont prévues (art. 154 à 154-1 AUPCAP révisé). Selon l’article 154
AUPCAP révisé543, la vente sur saisie immobilière est soumise aux dispositions relatives à
la matière (al. 1er). La décision qui autorise la vente par voie de saisie immobilière
comporte544 : l'indication de la juridiction compétente devant laquelle l'expropriation sera

543
Sauf disposition contraire de l’AUPCAP révisé.
544
Outre les indications mentionnées à l'article 151 AUPCAP révisé.

301
poursuivie ; la constitution de l'avocat chez lequel le domicile du créancier poursuivant est
élu de droit et en l'étude duquel peuvent être notifiés les actes d'opposition au
commandement et offres réelles et toutes significations relatives à la vente (al. 2). Le juge-
commissaire peut autoriser le syndic ou le créancier à poursuivre simultanément la vente
de plusieurs ou de tous les immeubles, même s'ils sont situés dans des ressorts de
juridictions différentes (al. 3). Il décide si la vente des immeubles est poursuivie devant les
juridictions dans le ressort desquelles ils se trouvent ou devant celle dans le ressort de
laquelle est situé le domicile du débiteur ou le siège de l'entreprise (al. 4).

Lorsqu'une procédure de saisie immobilière ou une exécution extrajudiciaire engagée


avant l'ouverture de la procédure de liquidation des biens a été suspendue par l'effet de
cette dernière, l’article 154-1 AUPCAP révisé prévoit que le syndic peut être subrogé dans
les droits du créancier saisissant pour les actes que celui-ci a effectués (al. 1er). Ces actes
sont réputés accomplis pour le compte du syndic qui procède à la vente des immeubles.
La saisie immobilière ou l'exécution extrajudiciaire peut alors reprendre son cours au stade
où la décision d'ouverture de la procédure collective l'avait suspendue (al. 2).

415. Ainsi, l’AUPCAP révisé soumet largement la réalisation collective des immeubles aux
règles de droit commun, comme en droit français. En droit français, outre les dispositions
générales relatives à la réalisation des immeubles (art. L642-18 C.com.), les ventes
d'immeubles ont lieu conformément aux articles L. 322-5 à L. 322-12 du code des
procédures civiles d'exécution, à l'exception des articles L. 322-6 à L. 322-9. Le juge-
commissaire fixe la mise à prix et les conditions essentielles de la vente.

416. Vente d’immeuble par voie d’adjudication amiable. Sauf disposition contraire de
l’Acte uniforme, la vente d'immeuble par voie d'adjudication amiable est soumise aux
dispositions relatives à la matière (art. 155 al. 1er AUPCAP révisé), et ce à la différence de
la législation française qui ne prévoit pas un tel mode de réalisation. La décision qui
autorise la vente par voie d'adjudication amiable désigne le notaire chargé de procéder à
l'adjudication (art. 155 al. 2 AUPCAP révisé). Le notaire informe les créanciers inscrits

302
portés sur l'état des droits réels délivré après publication de la décision d'avoir à prendre
communication du cahier des charges déposé en son étude deux mois au moins avant la
date fixée pour l'adjudication et d'y faire inscrire leurs dires et observations un mois, au
moins, avant cette date. Par la même lettre ou par le même moyen laissant trace écrite,
le notaire convoque les créanciers à la vente (art. 155 al. 3 AUPCAP révisé). Le syndic et le
débiteur sont convoqués à la vente par le notaire un mois, au moins, à l'avance (art. 155
al. 4 AUPCAP révisé).

Les enchères peuvent être faites sans ministère d'avocat (art. 156 al. 1er AUPCAP révisé).
Si aucune enchère n'atteint le montant de la mise à prix, le notaire constate l'offre la plus
élevée et peut adjuger le bien à titre provisoire pour le montant de cette offre. Le juge-
commissaire qui a fixé la mise à prix peut, saisi à la requête du notaire ou de tout intéressé,
soit déclarer l'adjudication définitive et la vente réalisée, soit ordonner qu'une nouvelle
vente aura lieu. Si la nouvelle vente est une vente aux enchères, il fixe le délai de la
nouvelle vente sans que ce délai puisse être inférieur à quinze jours, la mise à prix ainsi
que les modalités de publicité (art. 156 al. 2 AUPCAP révisé).

Dans les dix jours qui suivent l'adjudication, toute personne peut faire surenchère du
dixième par déclaration au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle réside le
notaire qui a procédé à la vente. Le greffier saisit sans délai le juge-commissaire de la
déclaration (art. 157 al. 1er AUPCAP révisé). Le surenchérisseur dénonce cette déclaration
par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir
la réception effective par le destinataire à la personne ou au domicile de l'adjudicataire
dans les dix jours et informe le notaire de cette déclaration (art. 157 al. 2 AUPCAP révisé).
Le juge-commissaire, par décision validant la surenchère, renvoie la nouvelle adjudication
devant le même notaire qui procède selon le cahier des charges précédemment dressé
(art. 157 al. 3 AUPCAP révisé)545. Lorsqu'une seconde adjudication a lieu après surenchère,
aucune autre surenchère ne peut avoir lieu sur les mêmes biens (art. 157 al. 4 AUPCAP
révisé). S'il y a eu folle enchère, la procédure est poursuivie devant la juridiction

545
Voir CA Dakar, n°187 du 3 avril 2003, Syndic de la Société Senematel et autres c/ société Barnabé Sénégal.

303
compétente dans le ressort de laquelle réside le notaire qui a procédé à la vente (art. 158
al. 1er AUPCAP révisé). Le certificat constatant que l'adjudicataire n'a pas exécuté les
clauses et conditions de l'adjudication est délivré par le syndic (art. 158 al. 1er AUPCAP
révisé). Le procès-verbal de l'adjudication est déposé au greffe de la juridiction
compétente (art. 158 al. 2 AUPCAP révisé).

417. Vente de gré à gré d’un bien immeuble. L'autorisation de vente de gré à gré d'un ou
plusieurs immeubles détermine le prix de chaque immeuble et les conditions essentielles
de la vente (art. 159 al. 1er AUPCAP révisé). Elle est notifiée, à la diligence du greffier, par
signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la
réception effective par le destinataire, au débiteur et aux créanciers inscrits, à domicile
élu, dont les noms sont indiqués dans la décision (art. 159 al. 2 AUPCAP révisé). Les
créanciers inscrits, si le prix est insuffisant à les désintéresser tous, ont un délai de trente
jours à compter de la notification de la décision pour faire surenchère du dixième sur le
prix, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite adressé au syndic (art. 159 al.
3 AUPCAP révisé). Passé ce délai, le syndic passe les actes nécessaires à la réalisation de la
vente, soit avec l'acquéreur de son choix en l'absence de surenchère, soit avec le
surenchérisseur le plus disant en cas de surenchère (art. 159 al. 4 AUPCAP révisé).

418. En droit français, l'autorisation de vente de gré à gré d'un ou plusieurs immeubles,
délivrée en application de l'article L. 642-18 du Code de commerce, détermine le prix de
chaque immeuble et les conditions essentielles de la vente (art. R642-36 al. 1er C.com.).
L'ordonnance est notifiée conformément au premier alinéa de l'article R. 642-23 (Art.
R642-36 al. 2 C.com.). Le liquidateur passe les actes nécessaires à la réalisation de la vente.
Il ne peut, en qualité de mandataire, se porter acquéreur des immeubles du débiteur (Art.
R642-36 al. 3 C.com.).

419. Dans les législations OHADA comme française, la vente de gré à gré d’un immeuble
constitue un mode de réalisation normal dans le cadre de la procédure de liquidation, le
meilleur prix étant un objectif à atteindre (voir art. 159 al. 4 AUPCAP). Selon M. F.

304
Sawadogo, dans bien des cas et particulièrement en Afrique, la vente de gré à gré permet
d’aboutir à un prix plus intéressant que la vente aux enchères publiques546.

420. Conclusion 1. Dans les législations OHADA et française, la réalisation du gage


commun des créanciers dans le cadre des cessions partielles d’actifs sont organisées, sauf
exception, selon les règles de droit commun.

B-La cession globale de l’actif

421. Par dérogation, la réalisation de l’actif peut trouver à s’effectuer dans le cadre d’une
cession globale de l’actif. Il est en effet prévu que tout ou partie de l'actif mobilier ou
immobilier comprenant, éventuellement, des unités d'exploitation peut faire l'objet d'une
cession globale (Art. 160 al. 1er AUPCAP révisé) selon une offre précise (1) qui ne peut être
acceptée à n’importe quelles conditions (2).

1-L’offre

422. Le syndic suscite des offres d'acquisition et fixe le délai pendant lequel elles sont
reçues. Toute personne intéressée peut soumettre une offre d'acquisition au syndic, à
l'exclusion des dirigeants de la personne morale en liquidation, des parents ou alliés de
ces dirigeants ou du débiteur personne physique jusqu'au quatrième degré inclusivement
(160 al. 2 AUPCAP révisé). Toute offre d'acquisition doit être écrite et préciser, notamment
: 1°) le prix et ses modalités de paiement ; au cas où des délais de paiement sont sollicités,
ceux-ci ne peuvent excéder douze mois et doivent être garantis par le cautionnement
solidaire d'un établissement bancaire ; 2°) la date de réalisation de la cession (160 al. 2
AUPCAP révisé). L'offre est déposée au greffe de la juridiction compétente où tout

546
F. Sawadogo, « OHADA traité et actes uniformes commentés et annotés », Juriscope 2014, p. 1264 ; voir
sur l’absence de responsabilité du syndic pour défaut d’information au promettant de l’existance d’une
offre supérieure Trib. Rég. Hors classe de Thiès, jugement n°243 du 07/08/2003, Madiop Mbow c/ Djibril
War, Cheikh Diagne

305
intéressé peut en prendre connaissance et est communiquée au syndic, au juge-
commissaire et au ministère public (160 al. 3 AUPCAP révisé).

2-L’acceptation

Le syndic consulte le débiteur et, s'il en a été nommé, les contrôleurs pour recueillir leur
avis sur les offres d'acquisition faites (art. 161 al. 1er AUPCAP révisé). Les offres peuvent
contenir ou ne pas contenir un engagement de maintenir tout ou partie des emplois. Il en
est tenu compte dans le choix de l'offre qui paraît être la plus sérieuse (art. 161 al. 2
AUPCAP révisé). Le syndic analyse la ou les offres reçues et les soumet, ainsi que les avis
du débiteur et des contrôleurs, au juge-commissaire (art. 161 al. 3 AUPCAP révisé). Le juge-
commissaire ordonne la cession en affectant une quote-part du prix de cession à chacun
des biens cédés pour la répartition du prix et l'exercice des droits de préférence (art. 162
al. 1er AUPCAP révisé). Le syndic passe les actes nécessaires à la réalisation de la cession
(art. 162 al. 2 AUPCAP révisé).

En application de ces règles, il a été jugé que, dans le cadre d’une cession globale d’actifs,
la société́ qui a fait l’offre la plus sérieuse compte tenu du prix offert, du mode de
paiement (au comptant) et des chances de préservation de l’activité́ et des emplois doit
être retenue comme repreneuse. Ont été en l’espèce validées, conformément aux
dispositions des articles 160, 161 et 162 de l’AU/PCAP, l’offre de Africa Investissement
Sénégal ainsi que la cession faite à son profit, d’autant qu’il existait un risque de
dépérissement de l’actif et qu’aucun lien de parenté́ ni d’alliance n’existait entre Africa
Investissement Sénégal et la société́ débitrice ou ses dirigeants547.

Les effets de la cession globale sont ceux définis par l'article 133 AUPCAP révisé (art. 163
al. 1er AUPCAP révisé). Selon ce texte, le prix de la cession totale ou partielle d'actif est
versé dans l'actif du débiteur. Le syndic est chargé de procéder aux formalités de radiation
des inscriptions des sûretés (art. 163 al. 2 AUPCAP révisé).

547
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, ordonnance de cession globale d’actifs n° 482/2001 du Juge
commissaire de la liquidation des biens de la société́ Nouvelles Brasseries Africaines (NBA). OHADAta J-05-
53.

306
423. Il est remarquable que le législateur OHADA, à la différence du législateur français,
n’envisage pas la possibilité de conclure un contrat de location gérance comme le prévoit
l’article L. 642-13 à 17 du Code de commerce.

424. Conclusion 2. Il est possible, dans le cadre de la procédure de liquidation, de


procéder à la réalisation globale du patrimoine du débiteur, et ce à la différence d’une
voie d’exécution civile où, pour un même résultat, il faudrait autant de saisies individuelles
qu’il y a de biens dans le gage commun.

425. Résumé B.. Comme dans le cadre d’une voie d’exécution civile, il s’agit de saisir les
biens du débiteur pour les réaliser et appliquer la règle du paiement égalitaire en cas de
concours entre créanciers chirographaires. Mais, contrairement au droit commun de
l’exécution forcée, la procédure de liquidation peut réaliser le gage commun dans le cadre
d’une cession globale des biens de l’entreprise.

426. Résumé I. la saisie du gage commun est relativisée par le caractère temporaire de
l’effet réel de la procédure collective sur les biens des tiers en possession du débiteur au
jour de la décision d’ouverture. Néanmoins, en appréhendant tout l’actif du patrimoine
de l’entreprise débitrice, la procédure de liquidation semble configurée pour parvenir à
l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires puisqu’elle
affecte à l’actif à sa réalisation partielle ou globale par un tiers, le syndic OHADA et le
liquidateur judiciaire en droit français.

427. Conclusion I. Parce qu’on veut voir dans la procédure de liquidation une voie
d’exécution propre au droit commercial, on oublie que la saisie du gage commun et sa
réalisation sont le propre de cette procédure. Pourtant, on a déjà pu observer dans les
développements précédents qu’une instrumentalisation de la procédure collective pour
sauver les entreprises viables permet d’utiliser tous les mécanismes qui, en principe,
participent à la manifestation de l’égalité entre ces créanciers (la saisie collective du gage
commun et sa réalisation) sans que la conséquence ne soit le paiement égalitaire en cas

307
de concours entre créanciers chirographaires.

II-Le passif apuré

428. L’égalité conditionnée. La question qui peut se poser à ce stade de l’étude est celle
de la force du principe d’égalité. Certains, comme M. Vasseur, estiment que,
« économiquement, (…) l’application de la règle de l’égalité favorise le crédit parce qu’elle
assure au créancier un pouvoir effectif d’action : elle lui donne la certitude qu’au cas de
défaillance de son débiteur, il recouvrera sinon l’intégralité de sa créance, au moins la
fraction maximum de celle-ci, qu’aucun créancier548».

429. Pourtant, à la lumière des objectifs fixés par l’AUPCAP et le Code de commerce, il
semble que l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires,
comme le principe d’égalité d’ailleurs, sont des considérations indifférentes au but
poursuivi par la procédure collective. En effet, la procédure de liquidation des biens
OHADA est « destinée à la réalisation de l'actif de l'entreprise débitrice en cessation des
paiements dont la situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif »
(art. 2-4 AUPCAP révisé in fine). La procédure de liquidation judiciaire en droit français doit
mettre fin à l'activité de l'entreprise ou permettre de réaliser le patrimoine du débiteur
par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens (art. L640-1 C.com).

430. Ainsi, c’est l’apurement du passif qui est l’objectif poursuivi par la réalisation de
l’actif dans le cadre de la procédure de liquidation dans les deux législations, et non
l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires. Dès lors,
plusieurs issues sont envisagées à la procédure de liquidation par les législateurs OHADA
et français. Il convient de distinguer selon que l’actif appréhendé par l’entreprise débitrice
est suffisant (1§) ou insuffisant (2§).

1§- L’actif suffisant

548
M. Vasseur, thèse précitée page 17 n°5.

308
431. Les législations OHADA et française envisagent la fin programmée de la procédure
collective (A). Lorsque les délais expirent, la liquidation s’achève (B), peu important que la
règle du paiement égalitaire entre créancier chirographaires ait ou non pu trouver à
s’appliquer.

A- La liquidation dans les délais

432. Comme dans une voie d’exécution civile, la procédure de liquidation prévoit le
paiement des créanciers dans le cadre d’une distribution, celle-ci collective (1) avant
clôture de la procédure collective (2).

1-La distribution du prix

433. L’égalité en cas de concours. A la fin des opérations de liquidation, le juge-


commissaire ordonne, s'il y a lieu, une répartition des deniers entre les créanciers, en fixe
la quotité et veille à ce que tous les créanciers en soient avertis. Dès la répartition
ordonnée, le syndic adresse à chaque créancier admis, en règlement de son dividende, un
chèque à son ordre tiré sur le compte ouvert dans les conditions de l'article 45 AUPCAP
révisé (art. 164 AUPCAP révisé)549. Le montant de l'actif, distraction faite des frais et
dépens de la liquidation des biens, ainsi que des secours qui auraient été accordés au
débiteur ou à sa famille, est réparti entre tous les créanciers dont la créance est admise
(Article 165 al. 1er AUPCAP révisé). Sauf causes légitimes de préférence, le paiement sera
égalitaire entre les créanciers chirographaires en cas de concours entre eux (art. 166 et
167 AUPCAP révisé in fine). La part correspondant aux créances sur l'admission desquelles
il n'aurait pas encore été statué définitivement et, notamment, les rémunérations des

549
Voir Trib. Hors classe Dakar, Ord. N°549/2003, du juge-commissaire Cheikh Tidiane LAM, 9 mai 2003sur
l’homologation d’un accord de répartition des deniers entre le syndic et les créanciers, il a été jugé que le
plan de répartition proposé par le syndic est homologué par le juge commissaire qui ordonne la distribution
consensuelle du prix provenant de la réalisation d’une partie de l’actif ; Voir sur les modalités de répartition
des deniers provenant d’un immeuble, Trib. Hors classe Dakar, jug. 11 mars 2005, Aff. SNR c/Sonadis ; Voir
sur la non-conformité de la répartition des deniers homologués par le syndicTrib. Ors classe Dakar, jug.
Com. n°136, 11 mars 2005 Aff. Société nationale de recouvrement c/la Sonadis ; voir sur la répartition du
prix de cession par le juge-commissaire, Trib. Hors classe Dakar, Ord. (distribution) n°1447/2001, 15 nov.
2001 du juge-commissaire Cheikh Tidiane LAM.

309
dirigeants des personnes morales tant qu'il n'aura pas été statué sur leur cas, est mise en
réserve (Article 165 al.2 AUPCAP révisé). Les frais et dépens de la liquidation des biens,
dont les honoraires du syndic, sont prélevés sur l'actif en proportion de la valeur de chaque
élément d'actif par rapport à l'ensemble (Article 165 al.3 AUPCAP révisé)550.

2-La clôture de la procédure

434. Clôture de l’union. Selon l’article 170 AUPCAP révisé, il y a clôture de l’union lorsque
les opérations de liquidation des biens sont terminées. L'union est dissoute de plein droit
et les créanciers recouvrent l'exercice de leurs droits, uniquement sur les actifs qui n'ont
pas pu être réalisés durant la liquidation des biens (art. 170 al. 3 AUPCAP révisé).

435. Cela signifie que ce n’est pas la recherche du paiement des créanciers qui anime le
législateur OHADA, mais davantage le respect des délais impartis pour parvenir à la
liquidation des biens de l’entreprise. En droit français, ce n’est que lorsque le liquidateur
dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers que la clôture de la
liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal (art. L643-9 C.com.).

436. C’est là une différence d’appréciation de la finalité de la procédure collective. Le


législateur français semble plus soucieux de l’intérêt des créanciers que le législateur
OHADA qui, une fois de plus, paraît trahir l’engagement pris en préambule de l’AUPCAP
révisé lorsqu’il affirme vouloir maximiser la valeur des actifs des débiteurs pour augmenter
les montants recouvrés par les créanciers et établir un ordre précis de paiement des
créances garanties ou non garanties (art. 1er AUPCAP révisé).

437. Conclusion A. le caractère collectif de la procédure de liquidation OHADA comme


française, implique l’application de la règle du paiement égalitaire en cas de concours
entre les créanciers chirographaires, comme le prévoit l’article 2285 du Code civil.

550
Voir sur la non exigence de la taxation des frais et dépens Trib. Hors classe Dakar, jug. N°38, 11 jull. 2003,
Aff Société Sénégalaise des Eaux, Société Fermon Labo, Société Eagle Securité, Compagnie Sucrière
Sénégalaise et Edouard Gakosso c/ Idrissa Niang.

310
Cependant, la consistance de l’actif entre en ligne de compte. Comme en droit français, la
clôture pour extinction du passif est envisagée (art. L643-9 al. 2 C.com). Elle survient, dans
la législation OHADA, lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou lorsque le syndic dispose
de deniers suffisants ou encore lorsque sont consignées les sommes dues en capital,
intérêts et frais (art. 178 al. 1er AUPCAP révisé)551. Après règlement de l'intégralité du passif
exigible, le syndic rend ses comptes dans les conditions prévues à l'article 177 AUPCAP
révisé (art. 178-1 AUPCAP révisé).

B- L’expiration des délais de liquidation

438. Sauf clôture anticipée de la procédure de liquidation pour extinction de passif552, de


la procédure, le temps qui s’écoule joue contre l’égalité des créanciers en tant que principe
ou en tant que règle de paiement des créanciers en concours puisque les opérations de
liquidation doivent être achevées dans les délais impartis. A défaut, la clôture de la
procédure doit être prononcée (1), et la reprise des poursuites individuelles est de droit
passé ce délai (2).

1-La clôture de la procédure

439. Dans la décision prononçant la liquidation des biens, la juridiction compétente fixe
le délai au terme duquel la clôture de la procédure est examinée, sans que ce délai puisse
être supérieur à dix-huit mois après l'ouverture de la procédure. Si la clôture de la
procédure ne peut être prononcée au terme de ce délai, la juridiction compétente peut
proroger le terme de six mois, une seule fois, après avoir entendu les justifications du

551
La juridiction compétente prononce, à toute époque, à la demande du débiteur, d'un créancier
contrôleur ou du syndic, ou même d'office (même article).
Voir Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, Jugement Commercial N° 129 du 21 Janvier 2003. Affaire :
Société́ Sénégalaise – Saoudienne de Voyages et Oumarah SA (SSVO-SA). OHADAta J- 09-337Dans la
procédure de liquidation des biens, lorsqu’il y a extinction du passif, la juridiction prononce la clôture des
opérations de liquidation et ce conformément aux dispositions de l’article 178 de l’Acte Uniforme sur les
procédures collectives d’apurement du passif.
552
Le constat de l’extinction du passif emporte clôture de la procédure collective avant le terme fixé dans
la décision d’ouverture. Elle intervient pour gagner du temps et non pour permettre l’égalité des
créanciers, sauf à considérer que le principe d’égalité des créanciers chirographaires est réductible à une
égalité devant la loi.

311
syndic et par une décision spécialement motivée. À l'expiration de ce délai, la juridiction
compétente prononce la clôture de la liquidation des biens, d'office ou à la demande de
tout intéressé. En droit français, il est prévu que, dans le jugement qui ouvre ou prononce
la liquidation judiciaire, le tribunal fixe le délai au terme duquel la clôture de la procédure
devra être examinée. Si la clôture ne peut être prononcée au terme de ce délai, le tribunal
peut proroger le terme par une décision motivée (art. L643-9 al. 1er C.com).

440. Comme en droit français (art. L644-5 C.com.), en cas de liquidation simplifiée les
délais sont plus courts dans l’AUPCAP révisé. Selon l’article 179-9 de l’AUPCAP révisé, au
plus tard cent vingt jours après l'ouverture ou après la décision prononçant la liquidation
des biens simplifiée, la juridiction compétente prononce la clôture de la liquidation des
biens, le débiteur entendu ou dûment appelé. La juridiction compétente peut, par décision
spécialement motivée, proroger la durée de la procédure de liquidation des biens
simplifiée pour une période qui ne peut excéder soixante jours. En droit français, la durée
est plus longue. En effet, le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire au plus
tard dans le délai de six mois à compter de la décision ayant ordonné ou décidé
l'application de la procédure simplifiée. Ce délai est en outre porté à un an lorsque le
nombre des salariés du débiteur ainsi que son chiffre d'affaires hors taxes sont supérieurs
à des seuils fixés par décret. Le tribunal peut, par un jugement spécialement motivé,
proroger la procédure pour une durée qui ne peut excéder trois mois (art. L644-5 C.com.).

2-La reprise des poursuites individuelles

441. Même si les actifs n'ont pas été entièrement réalisés, le syndic, le débiteur présent
ou dûment appelé par le greffier, rend ses comptes au juge-commissaire qui, par procès-
verbal, constate la fin des opérations de liquidation (art. 170 al.1er AUPCAP révisé). L'union
est dissoute de plein droit et les créanciers recouvrent l'exercice de leurs droits, mais
uniquement sur les actifs qui n'ont pas pu être réalisés durant la liquidation des biens (art.
170 al. 3 AUPCAP révisé).

312
442. Conclusion B. Si la procédure de liquidation prévoit le paiement égalitaire en cas de
concours entre les créanciers chirographaires, il est manifeste que l’application de la règle
n’est pas une priorité. Ce qui prime, c’est l’accomplissement des opérations de liquidation
dans les délais impartis. A défaut, la liberté des poursuites individuelles reprend ses droits.

443. Résumé 1§. A la fin des opérations de liquidation, lorsque l’actif réalisé suffit à
désintéresser tous les créanciers, le caractère collectif de la procédure collective peut
impliquer l’application de la règle d’un paiement égalitaire entre les créanciers
chirographaires, uniquement en cas de concours. Mais si les opérations de liquidation ne
sont pas achevées à la date programmée dans la décision d’ouverture de la procédure
collective, ou après prorogation du délai imparti, alors la liberté des poursuites
individuelles est de droit, et c’est la règle du paiement au prix de la course qui s’applique.

444. Conclusion 1§. Ce que l’on peut à tout le moins constater, c’est que l’égalité du
paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires, comme le principe
d’égalité, semble conditionnée par la consistance de l’actif et les délais de la procédure.
L’actif suffisant peut permettre l’inégalité du paiement entre créanciers chirographaires
faute de concours, et l’expiration des délais de la procédure de liquidation implique la
clôture de celle-ci, ce qui interdit le paiement des créanciers dans le cadre de la procédure
collective.

2§-L’actif insuffisant

445. L’égalité interdite. Le législateur OHADA comme le législateur français, prévoit la


clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d’actif (A). Les poursuites
individuelles peuvent être alors reprises, mais avec parcimonie et pour quelques
créanciers seulement (B).

A- La clôture pour insuffisance d’actif

446. Si le temps joue contre l’égalité, il en va de même de l’opportunité à liquider les biens
d’une entreprise dont l’actif est juridiquement insuffisant (1). Dans ce cas, les législations

313
en comparaison optent pour la clôture de la procédure collective, laquelle emporte
extinction des créances sans satisfaction des créanciers (2).

1-L’insuffisance d’actif a priori

447. Il y a clôture pour insuffisance d’actif si les fonds manquent pour entreprendre ou
terminer les opérations de la liquidation des biens. La juridiction compétente peut, sur le
rapport du juge-commissaire, à quelque époque que ce soit, prononcer à la demande de
tout intéressé ou même d'office la clôture des opérations pour insuffisance d'actif (Art.
173 al. 1er AUPCAP). La décision est publiée dans les conditions prévues aux articles 36 et
37 de l’AUPCAP révisé (al. 2).

448. En droit français, lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est
rendue impossible en raison de l'insuffisance de l'actif, ou encore lorsque l'intérêt de cette
poursuite est disproportionné par rapport aux difficultés de réalisation des actifs résiduels
la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée par le tribunal, le débiteur entendu ou
dûment appelé (art. L643-9 al. 2 C.com).

2-L’insuffisance d’actif a posteriori

449. Force est de constater le peu de décisions disponibles pour caractériser l’insuffisance
d’actif dans l’AUPCAP révisé. Toutefois, un Tribunal de Grande Instance de
Ouagadougou553 a rappelé à ce sujet que la liquidation est une procédure spéciale et que
l'appel aux organes de liquidation est fait pour sauvegarder les intérêts des créanciers. Le
juge doit donc tenir compte de la capacité́ financière de la société́ en liquidation pour
déterminer le montant des honoraires des syndics liquidateurs. Mais il ne dispose pas de
référence légale en la matière.

553
Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou (Burkina Faso), Jugement n° 156/2008 du 03 septembre
2008, Liquidation judiciaire de l'administrateur provisoire de la SOREMIB. OHADAta J-09-391 ; voir Trib. De
Commerce de Bamako, jug. n° 179 du 26 avril 2006 ; Trib. Rég. Hors Classe de Dakar, jugement commercial
n°160 du 26 août 2005 ; CA de l’Ouest, arrêt n°31/civ. Du 11 déc. 2002 Aff. Sté UPS c/ STPC ; Trib. De
Première instance de Lomé, jugement n°1606 du 5 juin 2009 SOTOCOG.

314
450. En droit français, les dispositions règlementaires sont plus explicites. Ainsi,
l'insuffisance d'actif est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du
débiteur et des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des
créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers (art. R643-
16 C.com).

451. Conclusion A. Ainsi, le bon sens commande que la procédure de liquidation cesse s'il
n'y a plus de biens à réaliser ou que le coût de réalisation excède le prix des biens. Sur ce
point, les législateurs OHADA et français sont cohérents.

B- La reprise des poursuites individuelles

452. A priori, la clôture de la procédure collective pour insuffisance d’actif interdit la


reprise des poursuites individuelles (1). A posteriori, les exceptions et les dérogations sont
si nombreuses que l’interdiction de reprendre les poursuites individuelles après clôture
est vidée de sa substance (2).

1-L’interdiction a priori

453. Désormais, la décision de clôture pour insuffisance d'actif ne fait plus recouvrer aux
créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur que si la créance résulte
d'une condamnation pénale du débiteur ou de droits attachés à la personne du créancier.
Le garant de la dette d'autrui ou le coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur
recouvre l'exercice de ses droits de poursuite contre ce dernier (art. 174 al.1er AUPCAP
révisé).

454. En droit français, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance


d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le
débiteur (art. L643-11-I al 1er C.com).

315
455. Ainsi, la clôture pour insuffisance d'actif interdit aux créanciers de reprendre les
poursuites individuelles après clôture. Autrement dit, le créancier, chirographaire ou non,
voit en principe son droit de créance éteint, sans satisfaction, au détriment de l’application
de la règle d’un paiement égalitaire en cas de concours entre eux pourvu que l’apurement
du passif puisse être décrété.

2-L’interdiction relativisée a posteriori

456. Le législateur OHADA prévoit cependant que par exception, tous les créanciers,
admis ou non, recouvrent leurs droits de poursuite individuelle (art. 174 al.2 AUPCAP
révisé) : en cas de prononcé de la faillite personnelle du débiteur ; en cas de condamnation
du débiteur en banqueroute ; si la juridiction compétente constate une fraude du débiteur
à l'égard d'un ou plusieurs créanciers ; si le débiteur ou la personne morale dont il a été le
dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation des biens clôturée pour insuffisance
d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ; si la procédure
est une liquidation des biens prononcée à l'encontre du dirigeant condamné en
comblement de passif ; si la procédure collective a été ouverte par application de l'article
189 ci-dessous. En cas de reprise des poursuites individuelles, il est fait application de
l'article 171 pour les créanciers admis à la procédure collective. Pour les créanciers non
admis ou n'ayant pas produit leurs créances, il est fait application du droit commun (art.
174 al.3 AUPCAP révisé).

457. En droit français, selon l’article L643-11-I à VI, il est fait exception à cette règle : 1°
Pour les actions portant sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la
procédure de liquidation judiciaire ; 2° Lorsque la créance trouve son origine dans une
infraction pour laquelle la culpabilité du débiteur a été établie ou lorsqu'elle porte sur des
droits attachés à la personne du créancier ; 3° Lorsque la créance a pour origine des
manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale
mentionnés à l'article L. 114-12 du Code de la sécurité sociale (art. L643-11-I C.com). Les
coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé

316
un bien en garantie peuvent poursuivre le débiteur s'ils ont payé à la place de celui-ci (art.
L643-11-II C.com).

Les créanciers recouvrent également leur droit de poursuite individuelle dans les cas
suivants : 1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ; 2° Le débiteur a été
reconnu coupable de banqueroute ; 3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses
patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une
procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de
cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au
cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-
11 relatif aux effets de la clôture de la procédure de rétablissement professionnelle554 ; 4°
La procédure a été ouverte en tant que procédure territoriale au sens du paragraphe 2 de
l'article 3 du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux
procédures d'insolvabilité ou au sens du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n°
2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relatif aux procédures
d'insolvabilité (art. L643-11-III même code). En outre, en cas de fraude à l'égard d'un ou
de plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout
créancier à l'encontre du débiteur. Le tribunal statue lors de la clôture de la procédure
après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur et les contrôleurs. Il peut
statuer postérieurement à celle-ci, à la demande de tout intéressé, dans les mêmes
conditions (art. L643-11-IV même code).

Les créanciers qui recouvrent leur droit de poursuite individuelle et dont les créances ont
été admises ne peuvent exercer ce droit sans avoir obtenu un titre exécutoire ou, lorsqu'ils
disposent déjà d'un tel titre, sans avoir fait constater qu'ils remplissent les conditions
légalement prévues. Le président du tribunal, saisi à cette fin, statue par ordonnance (art.

554
La clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne effacement des dettes à l'égard des
créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, a été portée
à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l'objet de l'information prévue à l'article L. 645-
8. Ne peuvent être effacées les dettes correspondant aux créances des salariés, aux créances alimentaires
et aux créances mentionnées aux 1° à 3° du I et au II de l'article L. 643-11. Les dettes effacées sont
mentionnées dans le jugement de clôture.

317
L643-11-V al. 1er C.com). Les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions
et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en œuvre dans les conditions
du droit commun (art. L643-11- V.al. 2 C.com).

Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue
d'une procédure ouverte à raison de l'activité d'un débiteur entrepreneur individuel à
responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal, en cas de fraude à
l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, autorise les actions individuelles de tout créancier
sur les biens compris dans le patrimoine non affecté de cet entrepreneur. Il statue dans
les conditions prévues au IV de l’article L643-11. Les créanciers exercent les droits qui leur
sont conférés dans les conditions prévues au V du même article (art. L643-11-VI C.com).

Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue
d'une procédure ouverte à raison de l'activité d'un débiteur, personne physique, à laquelle
un patrimoine n'avait pas été affecté, le tribunal peut imposer des délais uniformes de
paiement des créances mentionnées au I de l'article L. 641-13 à l'exception de celles des
administrations financières, des organismes de sécurité sociale, des institutions gérant le
régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 5422-1 et suivants du Code du travail
et des institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale. Ces délais ne peuvent
excéder deux ans (art. L643-11-VII C.com).

458. Conclusion B. Force est de constater que le périmètre de l'interdiction de reprise des
poursuite individuelles après clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance
d'actif est relativement limité compte tenu de la somme des créanciers autorisés à
échapper à la règle.

Fort opportunément le législateur français, à l'article L643-13 du Code de commerce, à la


différence du législateur OHADA, réserve le cas où la clôture de la liquidation judiciaire est
prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés
ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours

318
de la procédure. Dans ce cas, la procédure de liquidation peut être reprise, ce qui n'est pas
le cas dans la législation OHADA. Le tribunal est alors saisi par le liquidateur
précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. S'il est saisi
par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds
nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par
priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure. La reprise de
la procédure produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs du débiteur que le
liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire. Si
les actifs du débiteur consistent en une somme d'argent, la procédure simplifiée est de
droit applicable prévue aux articles L. 644-1 à 6 du Code de commerce.

459. Résumé B. Les procédures de liquidation instituées dans l’AUPCAP révisé et le Code
de commerce font preuve de pragmatisme. Il y a lieu de prononcer la clôture pour
insuffisance d’actif lorsque le coût de la réalisation de l’actif serait plus important que
l’avantage à en tirer. Là aussi, le législateur fait peu de cas de l’égalité, laquelle semble
finalement n’être que facultative, ou du moins non indispensable.

460. Conclusion II. Il est manifeste que l’égalité promise en cas de concours entre
créanciers chirographaires n’est qu’un moyen d’apurer le passif et non l’objet de la
procédure collective, l’objectif étant de réaliser l’actif pour apurer le passif. Aussi, la
procédure de liquidation répond des contraintes de célérité et d’opportunité s’agissant de
la réalisation de l’actif du débiteur. Selon les cas, le créancier chirographaire, comme les
autres d’ailleurs, pourra reprendre ses poursuites individuelles après clôture de l’union en
raison de l’expiration des délais pour liquider ou bien verra son droit de créance éteint
sans satisfaction. Dans ce dernier cas, les exceptions et dérogations à la règle de
l’interdiction de la reprise des poursuites individuelles après clôture de la procédure pour
insuffisance d’actifs sont si nombreuses qu’elles vident la règle d’une grande partie de sa
substance.

Conclusion chapitre premier

319
461. Quel que soit l’angle sous lequel on l’envisage, il n’y a pas d’affectation des biens du
débiteur à la satisfaction de ses créanciers dans le cadre de la procédure de liquidation.
Force est de constater d’abord que si les procédures de liquidation OHADA et française
continuent d’être un mode de réalisation du droit de gage général, leur objet n’est pas
d’appliquer la règle d’un paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers ou même
entre créanciers chirographaires. Leur objet n’est autre que d’appréhender le patrimoine
de l’entreprise pour que l’actif réponde du passif. Il ne s’agit que de réaliser rapidement
le gage commun dans les délais programmés au jour de la décision d’ouverture et, s’il le
faut, au prix de l’extinction des créances sans satisfaction.

Force est de constater ensuite, que le postulat de l’affectation des biens du débiteur à la
satisfaction de ses créanciers dépend largement de l’idée que l’on peut s’en faire une fois
constaté que l’effet réel de la procédure de liquidation n’a pas vocation à restituer au gage
commun son lustre d’antan. Le législateur bride la puissance de ses effets, et dans le même
temps, permet la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d’actif.

Il faut donc admettre qu’il n’y a pas un droit garantit à l’application du paiement égalitaire
en cas de concours entre créanciers chirographaires. L’application de cette règle n’est
qu’un instrument parmi d’autres de l’apurement du passif, et non le but poursuivi par la
procédure de liquidation.

462. Partant, si l’objet de la procédure collective n’est pas d’affecter le gage commun à la
satisfaction de tous, et que l’application de la règle d’un paiement égalitaire entre les
créanciers chirographaires n’est pas essentielle, c’est que l’intérêt d’un principe d’égalité
des créanciers chirographaires fondé sur l’article 2285 du Code civil et appliqué à tous les
créanciers du débiteur en procédure de liquidation se trouve ailleurs (chapitre deuxième).

320
Chapitre deuxième : Tous les créanciers du débiteur en liquidation égaux

463. Une fois que tout aura été tenté pour sauver les entreprises en difficultés qui le
peuvent, les législateurs OHADA et français envisagent l’ouverture d’une procédure de
liquidation. La procédure de liquidation des biens est « destinée à la réalisation de l’actif
de l’entreprise débitrice en cessation des paiements ont la situation est irrémédiablement
compromise pour apurer le passif » (art. 2-4 AUPCAP révisé in fine). La procédure de
liquidation judiciaire de droit français doit mettre fin à l’activité de l’entreprise ou
permettre de réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses
droits et de ses biens (art. L.640-1 C.com.). En cas de liquidation, dans les deux législations,
le paiement égalitaire en cas de concours entre créanciers chirographaires redevient la
règle (art. L.643-8 C.com ; art. 166 et 167 in fine AUPCAP révisé).

464. La décision d'ouverture de la procédure de liquidation des biens plonge le créancier


chirographaire dans un ordre public nouveau du tout égalitaire. En effet, cette décision
constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit en son nom
et dans l'intérêt collectif et peut l'engager (art. 72 al. 2 AUPCAP révisé). La masse est
constituée par tous les créanciers dont la créance est antérieure à la décision d'ouverture,
même si l'exigibilité de cette créance était fixée à une date postérieure à cette décision à
condition que cette créance ne soit pas inopposable dans le cadre de la période suspecte
qui commence à compter de la date de la cessation des paiements et prend fin à la date
de la décision d'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens (art.
72 al. 3 AUPCAP révisé ; art. 67 AUPCAP révisé). La décision d'ouverture emporte, au profit
de la masse, hypothèque sur les biens immeubles du débiteur et sur ceux qu'il acquerra
par la suite au fur et à mesure des acquisitions (art. 74 AUPCAP révisé). En droit français
où la masse des créanciers et l’hypothèque qui l’accompagnait ont disparu, c’est la nasse
de la procédure collective qui les étreint d’une même force. L’intérêt collectif des
créanciers est alors porté par le liquidateur.

465. La masse des créanciers apparaît en doctrine comme le véhicule de l’égalité des
créanciers chirographaires à la procédure de liquidation. Il est dit qu’« aucun créancier ne

321
doit être préféré à d’autres sans cause légitime »555. En effet, « c’est par l’égalité que la
procédure peut être collective tout en restant équitable, efficace sans devenir injuste »556.

466. Égalité, équité, justice… Autant de bienveillance peut séduire le créancier


chirographaire non averti. Mais, puisque tous les créanciers d’un débiteur en procédure
de liquidation sont comme tous les créanciers d’un débiteur en difficultés, c’est-à-dire
qu’ils sont différents, le créancier chirographaire averti, lui, se demande si le « dogme de
l’égalité » n’est pas le faux-nez d’un arsenal répressif des libertés, sanctionnant quiconque
tente d’en réchapper. La question se pose de savoir ce qu’il en est précisément. Est-ce que
ce principe empêche le créancier chirographaire d’échapper à l’égalité du paiement en cas
de concours notamment au moyen d’un contrat de sûreté ?

467. En préalable, il faut dire que, s’il avait fallu postuler un principe d’inégalité, l’article
2285 du Code civil aurait tout aussi bien pu en être le fondement. Aujourd’hui, l’égalité
des créanciers trouve davantage à s’exprimer dans la prolifération des disparités entre
créanciers que promeuvent les sûretés conventionnelles que dans l’affectation du gage
commun des créanciers à leur satisfaction. Pour M. Pollaud-Dulian, « l'égalité n'est pas
une égalité niveleuse, qui consisterait à soumettre tout créancier à un régime unique sans
distinction. L'égalité n'a jamais une telle signification en droit... Elle pose, au contraire, qu'à
situation comparable correspond un traitement égal et assure l'égalité des chances »557.
Or, c’est bien par le contrat de sûreté que le créancier peut élever le niveau de sa
protection et se hisser au rang de créancier privilégié.

468. Il semble que le principe d’égalité des créanciers chirographaire ne soit pas aussi
rigide qu’on pourrait le penser a priori (I) étant donné que, a posteriori, peu de créanciers
munis d’une sûreté sont refoulées dans la « piétaille » des chirographaires (II).

I- L’égalité a priori

555
Mme Reymond de Gentile, « Le principe d’égalité entre les créanciers chirographaires et la loi du 13
juillet 1967 », thèse – Editions Sirey 1973.
556
M-J. Reymond de Gentile, thèse précitée, n°203 s. p134.
557
Pollaud-Dulian – « Le principe d’égalité dans les procédures collectives » -La Semaine Juridique Edition
Générale n° 23, 3 Juin 1998, doctr. 138 n°24.

322
469. Aucun des postulats d’égalité qui fondent le principe d’égalité des créanciers
chirographaires à la procédure de liquidation instituée dans l’AUPCAP révisé ou dans le
Code de commerce français ne semble se vérifier : absence d’affectation du gage commun
au paiement des créanciers ; paiement égalitaire dont l’application n’est, ni
spécifiquement recherchée, ni effective devant la prolifération des droits sur le gage
commun que génère parfois la procédure collective elle-même ; créancier chirographaire
fantomatique jusque dans la procédure de liquidation qui semble être son fief… Quel
peut-être le sens, la valeur ou la portée d’un principe d’égalité des créanciers
chirographaires fondé sur un texte dont les enseignements trouvent rarement à
s’exprimer en pratique ? C’est à se demander si le principe d’égalité des créanciers
chirographaires à la procédure de liquidation ne serait qu’une coquille vide. Cependant, il
faut concéder comme M. Cabrillac qu’un tel principe n’est pas neutre précisément « à
l’aune de la morale et de l’économie558 » pour reprendre ses termes. C’est dire que le sens,
la valeur et la portée d'un tel principe se veulent plus subtils, qu’il faut appréhender les
enseignements de l’article 2285 du Code civil avec plus de distance, de subjectivité.

470. Explication proposée. De notre point de vue, le principe d'égalité des créanciers
chirographaires est un instrument de moralisation des rapports entre créanciers, et entre
les créanciers et le débiteur dans le contexte des difficultés de l’entreprise auquel il semble
s’étendre559. Il l’est plus particulièrement dans la procédure de liquidation où risque de
s’exprimer déloyauté de ceux qui refusent l’échec en affaires. Il formalise, in fine,
l’obligation pour tous les créanciers de se soumettre à la procédure collective et à ses
vicissitudes.

471. Comme le suggèrent l’article 2285 du Code civil et le droit de la procédure collective
de liquidation, le principe d'égalité des créanciers chirographaires n'implique pas la
négation définitive des disparités entre créanciers. Chacun recevra ce à quoi il a droit au
moment indiqué par les textes et, en l’occurrence, à l’issue des répartitions pour les

558
Michel Cabrillac, article précité p. 39 n°21.
559
TGI Moungo, Cameroun, Jugement n° 01/CC, La société Lachanas Frères Transport c/ Qui de droit
OHADAta J-07-181.

323
créanciers en concours. En revanche, le principe d’égalité vient sanctionner une éventuelle
déloyauté du créancier par le risque d’un paiement égalitaire en cas de concours entre
créanciers chirographaires notamment, c’est-à-dire introduire de l’incertitude pour celui
qui voulait s’assurer la sécurité au détriment des autres. Il s’agit donc de restaurer de la
confiance dans les relations commerciales au moment où sonne la liquidation des biens
de l’entreprise. La déloyauté se caractérise essentiellement par le refus de mutualiser le
risque de la procédure collective, pour échapper au sort réservé au créancier
chirographaire « modèle », celui qui subit docilement tous les écueils de la procédure
collective in fine. Toutefois, la relégation à la situation du créancier chirographaire
« modèle » et son avatar l’égalité du paiement en cas de concours apparaissent comme la
moindre des peines susceptible d’être prononcée par le juge commercial lorsqu’il veille au
respect du principe d’égalité. Autrement dit, dans son volet comminatoire, le principe
d’égalité des créanciers n’est pas l’appréhension des délits de banqueroute. C’est le sens
de l’égalité. Quant à sa portée, les évolutions législatives témoignent de la plasticité du
principe. Il dépasse les difficultés de l’entreprise pour commander l’exécution d’un
contrat, son contenu560 et jusqu’à l’opportunité de contracter surtout lorsque l’objet de la
convention est d’instituer une sûreté.

472. A la lumière de ce qui vient d’être exposé, il apparaît que le principe d’égalité des
créanciers chirographaires à la procédure de liquidation doit se comprendre comme
l’obligation de mutualiser le risque de la procédure collective en se soumettant aux règles
de la procédure de liquidation (1§), mais aussi en s’exposant au risque d’impayé à l’issue
de la procédure collective (2§).

1§- Le risque de la procédure

560
D’abord, le contenu du contrat de sûreté conclu en amont des difficultés de l’entreprise n’est pas d’un
contenu libre, au nom d’un principe d’égalité devant la norme impérative qui impose des clause et en
interdit d’autres (voir supra n°83 à 177). Ensuite, au moment où s’annoncent les difficultés de l’entreprise
débitrice, notamment sous couvert d’un effet réel de la procédure collective à diffusion progressive ; c’est
la conclusion du contrat de sûreté qui est soit interdite ou sa bonne exécution qui est menacée pour
permettre le sauvetage des entreprises débitrices viables (voir supra n°284 à 347).

324
473. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation,
renvoie à l’obligation pour tous les créanciers de se soumettre à la procédure collective,
et à la discipline collective qui serait le nouveau socle de l’égalité des créanciers pour M.
Nemedeu561. Dans l’AUPCAP révisé comme dans le Code de commerce, on peut
caractériser le sacerdoce des créanciers en isolant deux obligations : une obligation
d’abstention (A) et une obligation d’action (B).

A-Obligation d’abstention

474. Le contrat légalement formé a force de loi entre les parties. Chacun doit exécuter sa
prestation conformément à ce que prévoit le contrat qui les lie. Dans un contrat
synallagmatique où les parties s’engagent réciproquement, l’inexécution d’une partie,
permet à l’autre de demander outre l’exécution forcée l’exception d’inexécution. Le
contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties et les tiers ne peuvent les contraindre à
l’exécuter.

475. À compter de la décision d’ouverture, le contrat cesse d’être la chose des parties, et
c’est un tiers, le syndic OHADA ou le liquidateur en France, qui s’immisce dans la relation
contractuelle jusqu’aux conditions d’exécution du contrat. En règle générale, les
créanciers caporalisés doivent poursuivre l’exécution des contrats en cours au jour de la
décision d’ouverture, et donc s’abstenir d’invoquer l’exception d’inexécution ou d’en
exiger l’exécution.

1-La poursuite des contrats

476. Comme en droit français (art. L641-11-1-I C.com), l’AUPCAP prévoit que tous les
créanciers ont obligation de poursuivre les contrats en cours562. L’ancien AUPCAP disposait
en son article 7 que, hormis pour les contrats conclus en considération de la personne du

561
Robert Nemedeu -« Le principe d'égalité des créanciers : vers une double mutation conceptuelle » - Etude
à la lumière du droit français et OHADA des entreprises en difficulté -, - RTDCom. 2008 p. 241 à 274 ;
562
Les articles 107 à 109 ne s'appliquent pas aux contrats de travail Toutefois, les dispositions de l’article
L641-11-1 ne concernent pas les contrats de travail.

325
débiteur et ceux prévus expressément par la loi de chaque État-partie, la cessation des
paiements déclarée par décision de justice n'était pas une cause de résolution et que toute
clause de résolution pour un tel motif devait être réputée non écrite.

Le syndic conservait seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours à charge de
fournir la prestation promise à l'autre partie. Si le contrat était synallagmatique et si le
syndic n'avait pas fourni la prestation promise, l'autre partie pouvait soulever l'exception
d'inexécution. En revanche, si l'autre partie s'exécutait sans avoir reçu la prestation
promise, elle devenait créancière de la masse.

Puisque seul le syndic avait la faculté de décider de la poursuite d’un contrat, le créancier
titulaire d’un contrat en cours devait, en cas de silence du syndic, le mettre en demeure
d'exercer son option ou de fournir la prestation promise, dans un délai de trente jours,
sous peine de résolution de plein droit du contrat. Faute par le syndic d'user de sa faculté
d'option ou de fournir la prestation promise dans le délai imparti par la mise en demeure,
son inexécution pouvait donner lieu, outre à la résolution, à des dommages-intérêts dont
le montant devait être produit au passif au profit de l'autre partie. Le cocontractant ne
pouvait en revanche compenser les acomptes reçus pour des prestations non encore
fournies par lui avec les dommages-intérêts dus pour la résolution. Toutefois, la juridiction
compétente saisie de son action en résolution contre le syndic, pouvait prononcer la
compensation ou l'autoriser à différer la restitution des acomptes jusqu'à ce qu'il ait été
statué sur les dommages-intérêts.

Désormais563, l’article 107 AUPCAP révisé prévoit que, nonobstant toute disposition légale
ou toute clause contractuelle ou indivisibilité, aucune résiliation ou résolution d'un contrat
en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture du redressement judiciaire ou de la
liquidation des biens. Le syndic continue à avoir seul la faculté d'exiger l'exécution des
contrats en cours. Il peut être mis en demeure, par le cocontractant par lettre au porteur

563
Aziber Seïd Algadi, Contrats et droit OHADA des procédures collectives, étude à la lumière du droit
français, l’Harmathan 2009p. 33 à 48.

326
contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par
tout moyen laissant trace écrite, de prendre parti sur la poursuite des contrats en cours.
Cette mise en demeure fait courir un délai de trente jours à compter de la réception par
le syndic. Lorsque le syndic exige la poursuite d'un contrat en cours, il doit fournir la
prestation promise au cocontractant et ce dernier doit remplir ses obligations malgré le
défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs à la décision d'ouverture de
la procédure collective. Sous cette réserve, le contrat est exécuté aux conditions en
vigueur au jour de l'ouverture de la procédure collective nonobstant toute clause contraire
(art. 108 AUPCAP révisé).

Le législateur français est, semble-t-il, plus attentif à l’intérêt des créanciers dont le contrat
est poursuivi puisque si, selon l’article L. 641-11-1-II du Code de commerce, le liquidateur
a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation
promise au cocontractant du débiteur (al. 1er), lorsque la prestation porte sur le paiement
d'une somme d'argent, celui-ci doit se faire au comptant, sauf pour le liquidateur à obtenir
l'acceptation, par le cocontractant du débiteur, de délais de paiement. Au vu des
documents prévisionnels dont il dispose, le liquidateur s'assure, au moment où il demande
l'exécution, qu'il disposera des fonds nécessaires à cet effet. S'il s'agit d'un contrat à
exécution ou paiement échelonné dans le temps, le liquidateur y met fin s'il lui apparaît
qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant
(al. 2)

477. Comme en droit français (art. L641-11-1-III C.com), des conditions de résiliation
unilatérale du contrat sont instituées à l’article 109 AUPCAP révisé. Le juge-commissaire
constate la résiliation de plein droit du contrat, à la demande du cocontractant : si le syndic
ne répond pas à la mise en demeure prévue à l'article 108 AUPCAP révisé dans le délai
imparti, étant précisé que la fourniture de la prestation promise au cocontractant avant
expiration de ce délai vaut décision de poursuivre le contrat ; si le syndic, après avoir exigé
la poursuite du contrat, ne fournit pas la prestation promise au cocontractant ou en cas

327
de défaut de paiement d'une échéance s'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement
échelonnés dans le temps.

Le juge-commissaire a donc la faculté de prononcer la résiliation du contrat à la demande


du syndic sous certaines conditions. En particulier, la résolution ne doit pas porter une
atteinte excessive aux intérêts du cocontractant lorsque le syndic prend la décision de ne
pas poursuivre le contrat en l'absence de toute mise en demeure ou lorsque, après avoir
exigé l'exécution d'un contrat en cours, il lui apparaît que ce contrat n'est pas ou plus utile
à la poursuite de l'activité ou à la sauvegarde de l'entreprise débitrice. Si, après avoir exigé
l'exécution d'un contrat en cours dans lequel la prestation du débiteur porte sur le
paiement d'une somme d'argent, il apparaît au syndic qu'il ne pourra pas fournir la
prestation promise ou, s'il s'agit d'un contrat à exécution successive ou paiement
échelonnés dans le temps, il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour
remplir les obligations du terme suivant, la résiliation pourra donner lieu à des dommages-
intérêts dont le montant est produit au passif. Le cocontractant dispose alors d'un délai
de trente jours à compter de la réalisation pour procéder à leur production. Ces
dommages-intérêts peuvent se compenser avec les créances résultant de l'inexécution du
contrat, antérieures à la décision d'ouverture de la procédure collective.

478. En droit français, le contrat en cours est résilié de plein droit selon l’article L. 641-11-
1-III du Code de commerce. Si, comme en droit OHADA, l'inexécution peut donner lieu à
des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré
au passif, le cocontractant peut différer la restitution des sommes versées en excédent
par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et
intérêts.

2-Le contrat de bail à usage professionnel.

479. Comme en droit français (art. L641-12 C.com), l’AUPCAP révisé prévoit des règles
dérogatoires à celles qui président à la poursuite des contrats en cours. Il est prévu que,
nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité,
résiliation ou résolution du bail des immeubles affectés à l'activité professionnelle du

328
débiteur, y compris les locaux qui, dépendant de ces immeubles, servent à l'habitation du
débiteur ou de sa famille, ne peut résulter du seul fait de l'ouverture la liquidation des
biens (art. 97 al. 1er AUPCAP révisé). Les articles 108 alinéa 2 et 109 ci ne sont pas
applicables au bail des immeubles affectés à l'activité professionnelle du débiteur, y
compris les locaux qui, dépendant de ces immeubles, servent à l'habitation du débiteur
ou de sa famille (art. 97 al. 2 AUPCAP révisé). Le syndic en cas de liquidation des biens peut
continuer le bail ou le céder aux conditions éventuellement prévues au contrat conclu avec
le bailleur, avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent (art. 97 al. 3 AUPCAP
révisé). Si le syndic décide de ne pas poursuivre le bail, celui-ci est résilié sur simple congé
formulé par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant
d'établir la réception effective par le destinataire. La résiliation prend effet à l'expiration
du délai de préavis notifié dans cet acte, qui ne saurait être inférieur à trente jours (art. 97
al. 4 AUPCAP révisé). Le bailleur qui entend demander ou faire constater la résiliation pour
des causes antérieures à la décision d'ouverture doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa
demande dans un délai de trente jours suivant la deuxième insertion au journal
d'annonces légales de l'État partie concerné (art. 97 al. 5 AUPCAP révisé). Le bailleur qui
entend former une demande en résiliation du bail pour des causes nées postérieurement
à la décision d'ouverture doit l'introduire dans un délai de quinze jours à compter de la
connaissance par lui de la cause de résiliation. Celle-ci est prononcée lorsque les garanties
offertes sont jugées insuffisantes par la juridiction compétente pour garantir le privilège
du bailleur (art. 97 al. 6 AUPCAP révisé).

480. En droit français. l’article L. 641-1 du Code de commerce prévoit que, sans préjudice
de l'application du I et du II de l'article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles
utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes : 1° Au jour
où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail ; 2°
Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein
droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque
ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement
judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà

329
fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation
judiciaire564 ; 3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire
constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges
afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire 565, (al. 1er).
Enfin, le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec
le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent. En ce cas, toute clause
imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite
(al. 2)566.

481. La contrepartie. En contrepartie de la poursuite du contrat de bail, l’article 98


AUPCAP révisé prévoit que le bailleur dispose d’un privilège pour les douze derniers mois
de loyers échus avant la décision d'ouverture de la procédure collective ainsi que pour les
douze mois échus ou à échoir postérieurement à cette décision (Art. 98 al. 1er AUPCAP
révisé). Si le bail est résilié, le bailleur bénéficie également d'un privilège pour les
dommages-intérêts et l'indemnité d'occupation qui peuvent lui être alloués. Il peut en
demander le paiement dès le prononcé de la résiliation. Il est, en outre, créancier de la
masse pour tous les loyers échus et les dommages-intérêts ou indemnités alloués
postérieurement à la décision d'ouverture (98 al. 2 AUPCAP révisé). Si le bail n'est pas
résilié, le bailleur ne peut pas exiger le paiement des loyers à échoir. Il n'est créancier de
la masse pour les loyers échus après l'ouverture de la procédure qu'au fur et à mesure de
leurs échéances, si les sûretés dont il bénéficiait avant la décision d'ouverture sont
maintenues et conservent la même assiette ou si celles qui lui ont été accordées depuis la
décision d'ouverture sont jugées suffisantes (98 al. 3 AUPCAP révisé). Le juge-commissaire
peut, en outre, autoriser le syndic à vendre des meubles garnissant les lieux loués s'ils sont
soumis à dépérissement prochain ou à dépréciation imminente ou s'ils sont dispendieux à
conserver. Il en va de même pour les meubles dont la réalisation ne met en cause ni
l'existence du fonds ni le maintien de garanties suffisantes pour le bailleur (98 al. 4). A

564
Com. 28 mai 2002, no 98-14.259 P; 30 mars 2005.
565
Com. 21 févr. 2012, no 11-11.512 P ; Com. 19 févr. 2013, no 12-13.662 P.
566
Com. 9 mai 2007, no 06-10.064 P; Com. 27 sept. 2011, no 10-23.539 P; Com. 15 nov. 2017, no 16-19.131
P.

330
défaut d'une telle autorisation, si le bail n'est pas résilié et qu'il y a vente ou enlèvement
des meubles garnissant les lieux loués, le privilège du bailleur d'immeuble garantit les
mêmes créances et s'exerce de la même façon qu'en cas de résiliation. Le bailleur peut,
en outre, demander la résiliation du bail qui est de droit (98 al. 5). En cas de conflit entre
le privilège du bailleur d'immeuble et celui du vendeur de fonds de commerce sur certains
éléments mobiliers, le privilège de ce dernier l'emporte (98 al. 6).

482. Il résulte du Code de commerce français que, comme dans l’AUPCAP révisé, le
contrat de bail lorsqu’il est poursuivi est source de garantie supplémentaire. Le privilège
du bailleur est déterminé conformément aux trois premiers alinéas de l'article L. 622-16.
En cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n'a de privilège que pour les deux dernières
années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure (al. 1er). Si le bail est
résilié, le bailleur dispose en outre d’un privilège pour l'année courante, pour tout ce qui
concerne l'exécution du bail et pour les dommages et intérêts qui pourront lui être alloués
par les tribunaux (al. 2). Si le bail n'est pas résilié, le bailleur ne peut exiger le paiement
des loyers à échoir lorsque les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont
maintenues ou lorsque celles qui ont été fournies depuis le jugement d'ouverture sont
jugées suffisantes (al. 3).

483. Conclusion 1. Dans les deux législations, tous les créanciers sont égaux dans
l’obligation de poursuivre le contrat en cours, peu important que le contrat de sûreté exige
le contraire. Autrement dit, la sûreté n’épargne pas son bénéficiaire d’avoir à subir les
immixtions du législateur dans le contrat dont elle est l’accessoire.

B-Obligation d’action

484. Les créanciers doivent faire admettre leurs créances au passif s’ils veulent prendre
part aux répartitions. Concrètement, l’admission au passif est conditionnée par la
production des créances au passif (1) pour vérification (2).

331
1-La production des créances

485. « D’une égalité de droits à collocation des créanciers chirographaires, c’est-à-dire le


concours ou la contribution, on est passé à une égalité d’accès de tous les créanciers à leur
gage commun. L’égalité a aujourd’hui un contenu procédural, elle consiste à assujettir tous
les créanciers à une même procédure de distribution qui donnera à chacun ce qui lui revient
en fonction de son rang. Il ne s’agit plus de l’égalité substantielle se réalisant dans une
contribution mais de l’égalité des droits de faire vérifier le rang des autres567 ».

486. Modalités. Comme en droit français (art. L641-3 al. 4 C.com), à partir de la décision
d'ouverture de la liquidation des biens et jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante jours
suivant la deuxième insertion dans un Journal d'annonces légales de l'État partie concerné,
tous les créanciers composant la masse doivent, sous peine de forclusion, produire leurs
créances auprès du syndic (art. 78 al. 1er AUPCAP révisé). Les créanciers domiciliés hors du
territoire national où la procédure a été ouverte bénéficient d'un délai de quatre-vingt-dix
jours pour produire leurs créances (art. 78 al. 2). La même obligation est faite au créancier
qui a introduit, avant la décision d'ouverture, une procédure en condamnation en vertu
d'un titre ou, à défaut de titre, pour faire reconnaître son droit (art. 78 al. 3 AUPCAP
révisé). La production interrompt la prescription extinctive de la créance (art. 78 al. 4
AUPCAP révisé).

Le délai de production des créances ne commence à courir à l'égard des créanciers


bénéficiant d'une sûreté ayant fait l'objet d'une publicité, ou liés au débiteur par un
contrat publié, qu'à compter de la notification de l'avertissement qui doit leur être
personnellement donné par le syndic d'avoir à produire leur créance par lettre au porteur
contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par
tout moyen laissant trace écrite, adressé, s'il y a lieu, à domicile élu (art. 79 al. 1er AUPCAP
révisé). Les créanciers connus, notamment ceux inscrits au bilan ou figurant sur la liste
prévue à l'article 63 AUPCAP révisé, doivent être avertis sans délai par le syndic s'ils n'ont
pas produit leurs créances dans les quinze jours de la première insertion de la décision

567
Marc Sénéchal thèse précitée p19 n°9 al. 2.

332
d'ouverture dans un journal d'annonces légales de l'État partie concerné. Cet
avertissement prend la forme d'une lettre au porteur contre récépissé ou d'une lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou de tout moyen laissant trace écrite
(art. 79 al. 2 AUPCAP révisé). Le même avertissement est adressé, dans les plus brefs
délais, et dans tous les cas, au contrôleur représentant du personnel s'il en a été nommé
un (art. 79 al.3).

Les créanciers remettent au syndic, par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite,
une déclaration indiquant le montant de la créance due au jour de la décision d'ouverture,
les sommes à échoir et les dates de leurs échéances (art. 80 al. 1er AUPCAP révisé). Elle
précise la nature de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie. Le créancier
doit, en outre, fournir tous les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de
la créance si elle ne résulte pas d'un titre, évaluer la créance si elle n'est pas liquide,
mentionner la juridiction saisie si la créance fait l'objet d'un litige (80 al. 2 AUPCAP révisé).
A cette déclaration sont joints, sous bordereau, les documents justificatifs qui peuvent
être produits en copie. Cette production peut être faite par le créancier ou par tout
préposé ou mandataire de son choix (80 al. 3 AUPCAP révisé). Le syndic donne aux
créanciers récépissé de leur dossier (80 al. 4 AUPCAP révisé)568.

487. Le Code de commerce impose également une déclaration des créances. Les
créanciers doivent déclarer leurs créances qu’elle que soit leur nature commerciale ou
civile et, comme en droit OHADA, cette déclaration produit un effet interruptif du délai de
prescription (art. L622-25-1 C.com). Aussi, la déclaration dispense de toute mise en
demeure et vaut acte de poursuites, ce que le l’AUPCAP révisé ne précise pas. En outre, la
production comme la déclaration permettent de prendre part aux répartitions. La

568
Les productions des créances du Trésor, de l'Administration des Douanes et des Organismes de sécurité
et de prévoyance sociales sont toujours faites sous réserve des créances non encore établies et des
redressements ou rappels individuels (art. 81 al. 1er). Ces créances sont admises par provision si elles
résultent d'une taxation d'office ou d'un redressement, même contestés par le débiteur568 (art. 81 al. 2).

333
déclaration de créance interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure (L622-
25-1er C.com).

488. Sanction du défaut de production. Le créancier qui ne satisfait pas à l’obligation de


produire au passif s’expose à une sanction redoutable : la forclusion. Elle équivaut à une
interdiction de produire faute de s’être exécuté de l’obligation dans les délais légaux et
aux conditions prévues569 . Concrètement, les créanciers dont les créances sont atteintes
par la forclusion ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes. Autrement dit,
ils sont a priori empêchés d’obtenir un paiement à l’issue de la procédure collective. Leurs
créances sont inopposables à la masse et au débiteur (art. 83 al. 1er AUPCAP révisé). De la
même manière, en droit français le défaut de déclaration dans les délais prévus expose les
créanciers à la sanction de la forclusion. Elle a pour conséquence l’inopposabilité de la
créance.

489. Toutefois, tant dans l’AUPCAP révisé que dans le Code de commerce, la forclusion
n’est pas une sanction définitive. C’est dire que les créanciers défaillants peuvent être
relevés de forclusion par une décision motivée du juge-commissaire tant que l'état des
créances n'a pas été arrêté et déposé dans les conditions prévues à l'article 86 AUPCAP
révisé et uniquement s'ils démontrent que leur défaillance n'est pas de leur fait (art. 83 al.
2). La demande en relevé de forclusion doit être formée par voie de requête adressée au
juge-commissaire (art. 83 al. 3)570. En droit français, les créanciers défaillants peuvent être
relevés de forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle
est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue (art. L622-26
C.com.). Il y a là une condition alternative qui n’est pas présente dans l’AUPCAP révisé.

569
Aux articles 78 à 80 AUPCAP
570
« Lorsque le créancier d’une entreprise en liquidation des biens n’a pas pu produire sa créance dans les
délais, il peut solliciter et obtenir du juge commissaire, un relevé́ de forclusion. Cette demande est d’autant
plus fondée qu’il s’agit d’une créance salariale non contestée dont le montant a d’ailleurs fait l’objet d’un
arrangement entre les parties et que l’omission de son inscription n’est pas imputable au créancier ».
.Tribunal de Grande Instance du Noun, ordonnance du 20 février 2009, affaire NJANSEB Dieudonné́ contre
Société́ d’exploitation Forestière du Noun (SEFN)), note Yvette KALIEU, professeur OHADAta J-09-241 ; voir
aussi Trib. Rég. Hors classe de Dakar, n°847 du 8 avril 2005 Projet forestier communautaire et de protection
de l’environnement dit Profocope c/ Aliou Faye et Abdoulaye Dramé.

334
Il a été jugé que les conditions du relèvement de forclusion pour défaut de production de
créance sont remplies dès lors que le débiteur ne conteste pas sa créance et qu’il est établi
que le lieu de situation du domicile du créancier est enclavé et ne lui a pas permis d’être
informé dans un délai raisonnable de l’ouverture de la procédure de liquidation de la
société571. Il s’agit là d’une interprétation assez libre des règles qui se veulent pourtant
strictes. On se demande ce qui fonde véritablement une telle décision. Est-ce la
reconnaissance de la créance par le débiteur ou la difficulté d’être informé de l’ouverture
de la procédure collective, ce qui en soit pouvait suffire ?

490. Si le juge-commissaire relève de la forclusion les créanciers défaillants, mention en


est portée par le greffier sur l'état des créances. Les frais de l'instance en relevé de
forclusion sont supportés intégralement par eux (art. 83 al. 4 AUPCAP révisé). Les
créanciers défaillants relevés de la forclusion ne peuvent concourir que pour les
répartitions et les dividendes postérieurs à la décision de relevé de forclusion (art. 83 al. 5
AUPCAP révisé). En droit français, lorsque le créancier a été relevé de forclusion
conformément à l'article L. 622-26 du Code de commerce, les délais ne courent qu'à
compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié (art. L622-24
C.com).

2-La vérification

491. Une fois la créance et la sureté produites au passif, elles doivent être vérifiées avant
leur admission. Désormais572, selon l’article 84 de l’AUPCAP révisé, la vérification des

571
TGI Noum (Cameroun), Ord. 20 février 2009 Aff. Njanseb Dieudonné c/ Société d’exploitation forestière
de Noum
572
Dans l’ancien AUPCAP art. 84 La vérification des créances et revendications est obligatoire quelle que
soit l'importance de l'actif et du passif (al. 1er). Elle a lieu dans les trois mois suivant la décision d'ouverture
(al. 2). La vérification est faite par le syndic au fur et à mesure des productions, en présence du débiteur et
des contrôleurs s'il en a été nommé ou, en leur absence, s'ils ont été dûment appelés par pli recommandé
ou par tout moyen laissant trace écrite (al. 3). Selon l’art. 85 si la créance ou la sûreté ou la revendication
est discutée ou contestée en tout ou en partie, le syndic en avise, d'une part, le Juge-commissaire et, d'autre
part, le créancier ou le revendiquant concerné par pli recommandé avec accusé de réception ou par tout
moyen laissant trace écrite ; cet avis doit préciser l'objet et le motif de la discussion ou de la contestation,
le montant de la créance dont l'admission est proposée et contenir la reproduction intégrale du présent
article (al. 1er). Le créancier ou le revendiquant a un délai de quinze jours à compter de la réception de cet
avis pour fournir ses explications écrites ou verbales au Juge-commissaire.

335
créances est obligatoire quelle que soit l'importance de l'actif et du passif du débiteur573.
Elle a lieu dans les quatre mois suivant la deuxième insertion de la décision d'ouverture de
la procédure dans un journal d'annonces légales de l'État partie concerné (al. 2). La
vérification est faite par le syndic au fur et à mesure des productions, en présence du
débiteur et des contrôleurs s'il en a été nommé, ou en leur absence s'ils ont été dûment
appelés par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite (al. 3).

Si la créance ou la sûreté est discutée ou contestée574, en tout ou en partie, le syndic en


avise, d'une part, le juge-commissaire et, d'autre part, le créancier concerné par lettre au
porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception
ou par tout moyen laissant trace écrite. Cet avis doit préciser l'objet et le motif de la
discussion ou de la contestation, le montant de la créance dont l'admission est proposée
et contenir la reproduction intégrale de l’article du texte (art. 85 al. 1 AUPCAP). Le
créancier dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de cet avis pour

. Passé ce délai, il ne peut plus contester la proposition du syndic. Ce délai est de trente jours pour les
créanciers domiciliés hors du territoire national où la procédure collective a été ouverte (al. 2). Toutefois,
les créances fiscales, douanières et sociales ne peuvent être contestées que dans les conditions résultant
des textes qui leur sont respectivement applicables (al. 3) art. 86 Immédiatement après l'expiration du délai
prévu par l'article 78 ci-dessus en l'absence de discussion ou de contestation, ou de celui prévu par l'article
85 ci-dessus s'il y a eu discussion ou contestation, le syndic dresse un état des créances contenant ses
propositions d'admission définitive ou provisoire ou de rejet, avec indication de leur nature chirographaire
ou garantie par une sûreté et laquelle (al. 1er). Le créancier dont seule la sûreté est contestée est admis,
provisoirement, à titre chirographaire (al. 2). L'état des créances est déposé au greffe après vérification et
signature par le Juge-commissaire qui mentionne, face à chaque créance : le montant et le caractère
définitif ou provisoire de l'admission ; sa nature chirographaire ou garantie par une sûreté et laquelle ; si
une instance est en cours ou si la contestation ne relève pas de sa compétence (al. 3). Le Juge-commissaire
ne peut rejeter en tout ou en partie une créance ou une revendication ou se déclarer incompétent qu'après
avoir entendu ou dûment appelé le créancier ou le revendiquant, le débiteur et le syndic par lettre
recommandée avec accusé de réception ou par tout moyen laissant trace écrite (al. 4). art. 87 Le greffier
avertit immédiatement les créanciers et revendiquants du dépôt de l'état des créances par une insertion
dans un ou plusieurs journaux d'annonces légales et par une insertion au Journal officiel contenant
indication du numéro du journal d'annonces légales dans lequel a été faite la première insertion (al. 1er). En
outre, il adresse aux créanciers, une copie intégrale de l'état des créances (al. 2). Il adresse également, pour
être reçu quinze jours au moins avant l'expiration du délai prévu par l'article 88 ci-après pour former une
réclamation, aux créanciers et revendiquants dont la créance ou la revendication est rejetée totalement ou
partiellement ou la sûreté refusée, un avis les informant de ce rejet ou de ce refus, par lettre recommandée
avec accusé de réception ou par tout moyen laissant trace écrite (al.3). Cet avis doit contenir la reproduction
intégrale des dispositions de l'article 88 ci-après (al. 4).
573
sous réserve des dispositions des articles 146-1 et 173 ci-dessous (al. 1er)
574
Voir Trib. Hors classe Dakar jug. N°38 du 11 juillet 2003 Aff. Société Sénégalaise des eaux c/ Idrissa Niang.

336
fournir ses explications écrites ou verbales au juge-commissaire. Passé ce délai, il ne peut
plus contester la proposition du syndic. Ce délai est porté à soixante jours pour les
créanciers domiciliés hors du territoire national où la procédure collective a été ouverte
(art. 85 al. 2). Toutefois, les créances fiscales, douanières et sociales ne peuvent être
contestées que dans les conditions résultant des textes qui leur sont respectivement
applicables (art. 85 al. 3).

A l'expiration du délai prévu à l'article 78 AUPCAP révisé en l'absence de discussion ou de


contestation, ou de celui prévu à l'article 85, alinéa 2 s'il y a eu discussion ou contestation,
le syndic dresse, sans délai, un état des créances contenant ses propositions d'admission
définitive ou provisoire ou de rejet, avec indication de leur nature chirographaire ou de
leur garantie par une sûreté en précisant laquelle (art. 86 al. 1 AUPCAP). Le créancier dont
seule la sûreté est contestée est admis, provisoirement, à titre chirographaire (art. 86 al.
2 AUPCAP)575. L'état des créances est déposé au greffe après vérification et signature par
le juge-commissaire qui mentionne, face à chaque créance : le montant et le caractère
définitif ou provisoire de l'admission ; sa nature chirographaire ou garantie par une sûreté
en précisant laquelle ; si une instance est en cours ou si la contestation ne relève pas de

575
Une Cour d’Appel de Doloa rend une décision sur le fondement de ce texte, s’agissant d’un contrat de
nantissement. Elle relève qu’il n’est pas contesté́ que le Tribunal de Sassandra avait pour mission de se
prononcer sur une contestation de la sureté́ consentie au profit de la SOGEFINANCE ; et que cette juridiction
avait donc le devoir de vérifier si la sureté́ qui était contestée devant elle était conforme ou non aux
prescriptions de la loi. En se prononçant sur la validité́ de cette sureté́, le Tribunal de Sassandra n’est donc
pas sorti des limites de sa compétence. Sur le fond, la Cour d’Appel constate qu’il résulte des dispositions de
la loi n° 51-59 du 18 janvier 1951 relative au nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement,
notamment en son article 2 que lorsqu’il est consenti au préteur qui avance les fonds nécessaires au
paiement du vendeur, le nantissement doit être donné dans l’acte de prêt ; l’alinéa 3 de cet article ajoute
que cet acte doit mentionner, à peine de nullité́, que les deniers versés par le préteur ont pour objet d’assurer
le paiement du prix des biens acquis, que les biens acquis doivent être énumérés dans le corps de l’acte et
que chacun d’eux doit être décrit d’une façon précise, afin de l’individualiser par rapport aux autres biens
de même nature appartenant à̀ l’entreprise, etc... Partant, cette Cour d’Appel, décide l’annulation du
nantissement conformément au texte précité́, considérant que non seulement les biens acquis et nantis
n’ont pas été́ énumérés dans l’acte de nantissement, mais aussi que la description de ces biens sur la liste
fournie ultérieurement par la créancière n’est pas précise et ne permet pas de faire une nette distinction
entre eux et les biens de même nature qui appartiendraient à la société́ débitrice. Cour d’Appel de Daloa,
1ère Chambre civile et commerciale, arrêt n° 192/05 du 27 juillet 2005, Affaire : SOGEFINANCE contre MRL.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur. OHADAta J-11-35.

337
sa compétence (art. 86 al. 3 AUPCAP). Le juge-commissaire ne peut rejeter en tout ou
partie une créance ou se déclarer incompétent qu'après avoir entendu ou dûment appelé
le créancier, le débiteur et le syndic par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite
(art. 86 al. 4 AUPCAP).

Le greffier avertit sans délai les créanciers du dépôt de l'état des créances par une insertion
dans un ou plusieurs journaux d'annonces légales de l'État partie concerné (art. 87 al. 1
AUPCAP). Il adresse en outre aux créanciers un extrait de l'état des créances (art. 87 al. 2
AUPCAP) ainsi qu’un avis les informant du rejet, en tout ou partie, de leur créance. Cet
avis doit leur parvenir quinze jours au moins avant l'expiration du délai prévu par l'article
88 pour former une réclamation. Il doit contenir la reproduction intégrale de l'article 88
(art. 87 al. 3 AUPCAP).

Les créances contestées ou admises provisoirement sont renvoyées à la juridiction


compétente en matière de procédures collectives, par les soins du greffier, à la première
audience utile, pour être jugées sur rapport du juge-commissaire si la matière est de la
compétence de cette juridiction (art. 88 al. 1er). Le greffier donne avis de ce renvoi aux
parties par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande
d'avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, huit jours au moins avant
l'audience (art. 88 al. 2 AUPCAP). Si la juridiction compétente ne peut statuer au fond sur
les réclamations avant la clôture de la liquidation des biens, le créancier est admis à titre
provisoire (art. 88 al. 3 AUPCAP). Dans les trois jours à compter de la décision de la
juridiction compétente, le greffier avise les intéressés par lettre au porteur contre
récépissé ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout
moyen laissant trace écrite. En outre, il mentionne la décision sur l'état des créances (al.
4). La décision de la juridiction compétente en matière de contestation de créances peut
faire l'objet d'un appel à la requête du créancier ou du débiteur dans les quinze jours de
son prononcé (al. 5).

338
Si la juridiction compétente en matière de procédures collectives constate que la
réclamation du créancier relève de la compétence d'une autre juridiction, elle se déclare
incompétente et admet provisoirement la créance (art. 89 al. 1 AUPCAP). Le greffier avise
les intéressés de cette décision dans les conditions prévues576 (art. 89 al. 2 AUPCAP). Faute
d'avoir saisi la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la réception de
l'avis du greffe577, le créancier est forclos et la décision du juge-commissaire devient
irrévocable à son égard (art. 89 al. 3 AUPCAP). Nonobstant toute disposition contraire, les
litiges individuels relevant de la compétence des juridictions sociales ne sont pas soumis
aux tentatives de conciliation prévues par la loi de chaque État partie (art. 89 al. 4
AUPCAP).

Des réclamations peuvent cependant être formulées. Désormais578, tout créancier porté
au bilan ou dont la sûreté est régulièrement publiée ou dont la créance a été produite est
recevable, pendant quinze jours à dater de l'insertion dans un journal d'annonces légales

576
Par l'avant-dernier alinéa de l'article 89 AUPCAP.
577
Prévu par l'avant-dernier alinéa de l'article 89 AUPCAP.
578
L’ancien AUPCAP prévoit art. 88 Tout revendiquant ou créancier porté au bilan ou dont la sûreté est
régulièrement publiée ou dont la créance a été produite est recevable, pendant quinze jours à dater de
l'insertion dans un journal d'annonces légales ou de la réception de l'avis prévu par l'article 87 ci-dessus, à
formuler des réclamations par voie d'opposition, formée directement auprès du greffe ou par acte
extrajudiciaire adressé au greffe, contre la décision du Juge-commissaire (al. 1er). Le débiteur ou toute
personne intéressée a le même droit, dans les mêmes conditions (al. 2). La décision du Juge-commissaire
est irrévocable à l'égard des personnes qui n'ont pas formé opposition (al. 3). art. 89 Les revendications et
les créances contestées ou admises provisoirement sont renvoyées à la juridiction compétente en matière
de procédures collectives, par les soins du greffier, à la première audience, pour être jugées sur rapport du
Juge-commissaire, si la matière est de la compétence de cette juridiction (al. 1er). Le greffier donne avis de
ce renvoi aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception ou par tout moyen laissant trace
écrite, huit jours au moins avant l'audience (al. 2). Si la juridiction compétente ne peut statuer, au fond, sur
les réclamations avant la clôture de la procédure collective, le créancier ou le revendiquant est admis à titre
provisoire (al. 3). Dans les trois jours, le greffier avise les intéressés, par lettre recommandée avec accusé
de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, de la décision prise par la juridiction compétente à
leur égard. En outre, il mentionne la décision de la juridiction compétente sur l'état des créances (al. 4). art.
90 Si la juridiction compétente en matière de procédures collectives constate que la réclamation du
créancier ou du revendiquant relève de la compétence d'une autre juridiction, elle se déclare incompétente
et admet provisoirement la créance (al. 1er). Le greffier avise les intéressés de cette décision dans les
conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 89 ci-dessus (al. 2). Faute d'avoir saisi la juridiction
compétente dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis du greffe prévu par le dernier alinéa
de l'article 89 ci-dessus, le créancier est forclos et la décision du Juge-commissaire devient irrévocable à
son égard (al. 3). Nonobstant toute disposition contraire, les litiges individuels relevant de la compétence
des juridictions sociales ne sont pas soumises aux tentatives de conciliation prévues par la loi nationale de
chaque État-partie (al. 4).

339
de l'État partie concerné ou de la réception de l'avis prévu par l'article 87 AUPCAP, à
formuler des réclamations. La réclamation intervient par voie d'opposition, formée
directement auprès du greffe ou par signification d'huissier de justice ou notification par
tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire, adressée au
greffe, contre la décision du juge-commissaire. Cette réclamation est toutefois irrecevable
si elle émane d'un créancier dont la créance ou la sûreté a été discutée ou contestée et
qui n'a pas fourni d'explications au juge-commissaire dans le délai de l'article 85, alinéa 2
(al. 1er). Le débiteur ou toute personne intéressée a le même droit, dans les mêmes
conditions (al. 2). La décision du juge-commissaire est irrévocable à l'égard des personnes
qui n'ont pas formé opposition (al. 3).

492. Conclusion 2. Les créances produites ou déclarées au passif doivent, dans les deux
législations (art. L624-1 et s C.com), être vérifiées pour être admises au passif. Il n’est donc
pas question de permettre le paiement d’une créance fondée, par exemple, sur un contrat
non valable, quand bien même elle serait garantie par une sûreté conventionnelle qui,
elle, serait valable.

493. Résumé B. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation les invite à produire les créances au passif afin qu’elles puissent être vérifiées.
L’objectif est de fixer le passif et de permettre le cas échéant de payer ce qui est dû à qui
de droit, ni plus ni moins.

494. Conclusion 1§. Le principe d’égalité des créanciers permet d’appréhender la


collectivité des créanciers pour tenir compte de l’intérêt collectif. Poursuivre le contrat en
cours permet à l’entreprise de continuer de fonctionner pour, le cas échéant, obtenir un
meilleur prix en cas de cession globale de l’actif de l’entreprise ou des biens meubles dans
le cas où il s’agit de biens en fabrication sur une chaîne de production. Il faut permettre à
chacun d’avoir la chance de faire valoir ses droits sans qu’un créancier ne profite de la
situation en continuant ses poursuites. Finalement, le principe d’égalité aide à ce que la
liquidation de l’entreprise ne soit pas la curée.

340
2§-Le risque d’impayé

495. Le principe d’égalité semble exiger un comportement intègre des créanciers qui
doivent ensemble mutualiser le risque d’impayé. Ce risque est mesurable notamment au
regard de la prolifération des priorités de paiement et des causes légitimes (A). Le principe
d’égalité sanctionne aussi les créanciers qui essayent d’adoucir leur sort, soit en tentant
de justifier un paiement antérieur mais suspect, soit en cherchant à profiter d’une erreur
dans l’ordre des répartitions. Autrement dit, le principe d’égalité sanctionne la déloyauté
des créanciers (B).

A- La prolifération des disparités

496. La décision d’ouverture de la procédure de liquidation des biens instituée dans


l’AUPCAP révisé, comme dans le Code de commerce, accroit l’incertitude qui plane autour
du paiement de chacun des créanciers en concours. Elle génère dans son sillon une
prolifération de priorités de paiements (1) auxquelles vient s’ajouter une pluralité de
causes légitimes de préférence nées de l’effort de sauvetage de l’entreprise (2).

1-La prolifération des priorités de paiements

497. Les créances d’aliments. Les deniers provenant de la réalisation des biens du
débiteur vont prioritairement être affectés au paiement des créances bénéficiant d’une
priorité de paiement. Ces créances prolifèrent sans cadre précis. Ainsi en est-il des
créances d’aliments579. L’article 78 al. 1er AUPCAP révisé, qui dispense ces créances d’une
obligation de production au passif580, laisse penser que cette priorité serait reconduite
dans le cadre de la procédure de liquidation.

579
Dans le cadre de la procédure simplifiée de recouvrement les créances d’aliments Article 213 AUPRSVE
Pour le dernier arrérage échu et les arrérages à échoir, les créanciers d'aliments peuvent, en vertu d'un titre
exécutoire, pratiquer une saisie simplifiée sur la partie saisissable des salaires, rémunérations, traitements
et pensions payés au débiteur d'aliments sur des fonds publics ou particuliers (al. 1er). Leur créance est
préférée à toutes autres quel que soit le privilège dont ces dernières peuvent être assorties (al. 2).
580
A partir de la décision d'ouverture de la liquidation des biens et jusqu'à l'expiration d'un délai de soixante
jours suivant la deuxième insertion dans un Journal d'annonces légales de l'État partie concerné tel que
défini à l'article 1-3 ci-dessus, tous les créanciers composant la masse, à l'exception des créanciers
d'aliments, doivent, sous peine de forclusion, produire leurs créances auprès du syndic.

341
498. L’avance du Trésor. Effectuée pour les besoins de la procédure, l’avance du Trésor
est également gratifiée d’une priorité de paiement. Selon l’article 50 AUPCAP révisé,
lorsque les deniers du débiteur ne peuvent suffire immédiatement aux frais de la décision
de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, de signification, d'affiche et
d'insertions de cette décision dans un journal d'annonces légales, d'apposition, de garde
et de levée des scellés ou d'exercice des actions en déclaration d'inopposabilité, de
comblement du passif, d'extension des procédures collectives et de faillite personnelle des
dirigeants des personnes morales, ces frais sont avancés, sur décision du juge-
commissaire, par le Trésor public qui en est remboursé, par privilège, sur les premiers
recouvrements, nonobstant les dispositions des articles 166 et 167. Cette disposition est
applicable à la procédure d'appel de la décision prononçant le redressement judiciaire ou
la liquidation des biens.

499. La décision d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation


des biens constitue les créanciers en une masse représentée par le syndic qui, seul, agit
en son nom et dans l'intérêt collectif et peut l'engager. Toutefois, en cas de carence du
syndic, tout créancier contrôleur peut agir dans l'intérêt collectif, après une mise en
demeure du syndic restée infructueuse pendant une période de vingt et un jours. Le
contrôleur supporte les frais de l'action mais, si celle-ci aboutit à l'enrichissement de la
masse, il est remboursé de ses frais sur les sommes obtenues (art. 72 al. 2 AUPCAP révisé).

500. Le super-privilège des salariés. C’est l’objet une autre priorité de paiement : les
créances résultant du contrat de travail ou du contrat d'apprentissage581 sont garanties

581
Antérieurement à la révision de l’AUPCAP, il était prévu que Les créances résultant du contrat de travail
ou du contrat d'apprentissage sont garanties, en cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens
par le privilège des salaires établi pour les causes et le montant définis par la législation du Travail et les
dispositions relatives aux sûretés (art. 95 AUPCAP ancien). Cependant, l’article 96 AUPCAP ancien prévoyait
un super-privilège pour les créances de salaires. Ainsi, au plus tard, dans les dix jours qui suivent la décision
d'ouverture et sur simple décision du Juge-commissaire, le syndic paie toutes les créances super privilégiées
des travailleurs sous déduction des acomptes déjà perçus. Au cas où il n'aurait pas les fonds nécessaires,
ces créances doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds avant toute autre créance. Au
cas où lesdites créances sont payées grâce à une avance faite par le syndic ou toute autre personne, le
prêteur est, par la même, subrogé dans les droits des travailleurs et doit être remboursé dès la rentrée des
fonds nécessaires sans qu'aucune autre créance puisse y faire obstacle.

342
par le super privilège des salaires (art. 96 al. 1er AUPCAP révisé). Au plus tard dans les dix
jours qui suivent la décision d'ouverture et sur simple décision du juge-commissaire, le
syndic paie toutes les créances super privilégiées des travailleurs sous déduction des
acomptes déjà perçus (art. 96 al. 2 AUPCAP révisé). Au cas où il n'aurait pas les fonds
nécessaires, ces créances doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds
avant toute autre créance, nonobstant les dispositions des articles 166 et 167 AUPCAP
révisé (art. 96 al. 3 AUPCAP révisé). Le syndic ou toute autre personne ou un organisme
prenant en charge tout ou partie des salaires en cas de redressement judiciaire ou de
liquidation des biens, si un tel organisme existe dans un État partie concerné, qui a fait
une avance permettant de payer les créances résultant du contrat de travail ou du contrat
d'apprentissage, est subrogé dans les droits des travailleurs et doit être remboursé dès la
rentrée des fonds nécessaires sans qu'aucune autre créance puisse y faire obstacle (art.
96 al. 4 AUPCAP révisé).

501. En droit français, les créances résultant d'un contrat de travail sont garanties en cas
d'ouverture d'une procédure de sauvegarde : 1° Par le privilège établi par les articles L.
143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du Code du travail pour les causes et montants
définis auxdits articles ; 2° Par le privilège du 4° de l'article 2331 et du 2° de l'article 2104
du Code civil (Art. L625-7 C.com). Nonobstant l'existence de toute autre créance, les
créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L.143-11, L. 742-6 et L. 751-
15 du Code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les
dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure à l’égard du débiteur ou, en cas
de mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des
fonds nécessaires. Toutefois, avant tout établissement du montant de ces créances, le
débiteur ou l'administrateur s'il a une mission d'assistance doit, avec l'autorisation du
juge-commissaire et dans la mesure des fonds disponibles, verser immédiatement aux
salariés, à titre provisionnel, une somme égale à un mois de salaire impayé, sur la base du
dernier bulletin de salaire, et sans pouvoir dépasser le plafond visé à l'article L. 143-10 du
Code du travail.

343
502. Conclusion 1. Dans les législations OHADA et française, le paiement des créanciers
prioritaires menace non seulement le paiement des créanciers chirographaires, mais aussi
le paiement des créanciers munis d’une sûreté sensée leur garantir un paiement
préférentiel. En effet, une fois le passif prioritaire apuré, s’il ne reste plus rien à distribuer,
créanciers chirographaires et créanciers privilégiés n’auront droit à rien.

2-La prolifération des causes légitimes

503. « L’impératif que constitue le développement du crédit ne peut que tendre à


l’inégalité entre les créanciers puisque l’assurance du paiement ne peut être donnée à
chacun. On peut d’ailleurs remarquer que l’époque contemporaine a connu simultanément
un développement du volume des crédits accordés et une multiplication des sûretés réelles,
ainsi qu’un accroissement de leur importance, simultanéité qui, à l’évidence, n’est pas
fortuite. Par-là, le domaine du classement a largement progressé au détriment de celui de
l’égalité, ceci sous la pression de raisons d’ordre moral (…), mais surtout sus l’aiguillon de
l’économie. C’est ainsi (…) qu’à l’égalité des créanciers de la masse à fait place la hiérarchie
établie entre leurs héritiers par l’article 40 de la loi de 1985, hiérarchie dont le troisième
rang, réservé aux avances faites à l’entreprise après sa cessation des paiements, a été
conçue comme le moyen de financement de la période d’observation582 ».

504. La procédure de conciliation. Dans le cadre d’une procédure de conciliation, un


privilège de new money vient d’être institué. En cas d'ouverture d'une procédure de
liquidation des biens postérieurement à la conclusion d'un accord de conciliation
homologué ou exéquaturé par la juridiction ou l'autorité compétente, les personnes qui
avaient consenti dans l'accord un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer
la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité sont payées au titre du
privilège selon les rangs prévus par les articles 166 et 167. Les personnes qui fournissent
un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise
débitrice et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce

582
Voir M. Cabrillac art. précité § n°15.

344
service. Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis dans le cadre d'une
augmentation du capital social du débiteur. Les créanciers du débiteur ne peuvent
cependant cas bénéficier de ce privilège pour des créances nées antérieurement à
l'ouverture du redressement judiciaire (art. 5-11 AUPCAP révisé).

En droit français, en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, les


personnes qui avaient consenti, dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné
lieu à l'accord homologué mentionné au II de l'article L. 611-8 du Code de commerce, un
nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de
l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège
avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l'article L. 622-17 et au II de
l'article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien
ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité
bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service (al. 1er). Cette
disposition ne s'applique pas aux apports consentis par les actionnaires et associés du
débiteur dans le cadre d'une augmentation de capital. Les créanciers signataires de
l'accord ne peuvent bénéficier directement ou indirectement de cette disposition au titre
de leurs concours antérieurs à l'ouverture de la conciliation (al. 2).

505. La procédure de règlement préventif. En cas d'ouverture d'une procédure de


liquidation des biens postérieurement à l'homologation du concordat préventif par la
juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article 15 AUPCAP révisé, les
personnes qui avaient consenti dans ce concordat un nouvel apport en trésorerie au
débiteur en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité
sont payées au titre du privilège selon les rangs prévus par les articles 166 et 167 AUPCAP
révisé. Les personnes qui fournissent dans les mêmes conditions, un nouveau bien ou
service en vue d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité
bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. Cette disposition
ne s'applique pas aux apports consentis dans le cadre d'une augmentation du capital social
du débiteur. Les créanciers du débiteur ne peuvent en aucun cas bénéficier de ce privilège

345
pour des créances nées antérieurement à l'ouverture du règlement préventif (art. 11-1
AUPCAP révisé).

En droit français, dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, l’article L622-17583 prévoit
notamment que toutes les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture
pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en
contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, lorsqu'elles ne
sont pas payées à l'échéance, sont payées par privilège. Selon l’article L622-7-II, le juge-
commissaire peut autoriser le débiteur à consentir une hypothèque, un gage ou un
nantissement.

506. La procédure de redressement judiciaire. En cas de conversion d'une procédure de


redressement judiciaire en liquidation des biens, les personnes qui avaient consenti dans
le concordat de redressement judiciaire un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue
d'assurer la poursuite de l'activité de l'entreprise débitrice et sa pérennité sont payées au
titre du privilège selon les rangs prévus par les articles 166 et 167. Les personnes qui
fournissent un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite de l'activité de
l'entreprise débitrice et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien
ou de ce service. Cette disposition ne s'applique pas aux apports consentis dans le cadre
d'une augmentation du capital social du débiteur. Les créanciers du débiteur ne peuvent
en aucun cas bénéficier de ce privilège pour des créances nées antérieurement à
l'ouverture du redressement judiciaire (art. 33-1 AUPCAP révisé).

Toutes les dettes nées régulièrement de la continuation de l'activité et de toute activité


régulière du débiteur ou du syndic sont des créances de la masse, sauf celles nées de
l'exploitation du locataire-gérant qui restent exclusivement à sa charge sans solidarité
584
avec le propriétaire du fonds (art. 117 AUPCAP révisé). Dès lors que ces créances

583
II applicable par renvoi de l’article L631-14 selon lequel, le juge-commissaire peut autoriser le débiteur
à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement, lesquels sont des sûretés spéciales
conventionnelles.
584
Sauf celles nées de l'exploitation du locataire-gérant qui restent exclusivement à sa charge sans solidarité
avec le propriétaire du fonds.

346
demeurent impayées à leur échéance, les créanciers ont droit au privilège. En cas
résolution ou d’annulation du concordat de redressement, les titulaires de créances
contre la première masse conservent leur droit de préférence par rapport aux créanciers
composant cette masse (art. 142 al. 3 AUPCAP).

507. Conclusion 2. Quel que soit le mode par lequel il se réalise, le droit de gage général
est impropre à garantir l’effectivité d’un paiement ne serait-ce qu’égalitaire pour les
créanciers chirographaires en concours. Aux causes légitimes de préférence de droit
commun viennent s’ajouter de façon prioritaires les privilèges accordés au titre du
financement des difficultés de l’entreprise viable.

508. Résumé A. Les priorités de paiement et les causes légitimes de préférence dont le
fait générateur est la décision d’ouverture de la procédure de liquidation sont autant de
menaces pour le règlement de chacun des créanciers antérieurs. Elles entament les
chances d’obtenir un dividende substantiel, voire leurs chances d’obtenir ne serait-ce
qu’un paiement égalitaire en cas de concours.
B-Sanction de la déloyauté

509. La déloyauté commence là où il y a volonté manifeste d’échapper au risque d’impayé


que génère la procédure de liquidation. Sont des comportements qui témoignent de la
déloyauté de leur auteur le fait d’avoir recours à un procédé désigné comme suspect par
le législateur (1) ou le fait pour un créancier, au moment des répartitions, de vouloir
obtenir un paiement violant l’ordre des préférences (2).

1-Les paiements suspects

510. Les paiements suspects. Il convient de rappeler que les actes accomplis par le
débiteur entre l'homologation du concordat et sa résolution ou son annulation ne peuvent
être déclarés inopposables qu'en cas de fraude aux droits des créanciers, conformément
aux dispositions relatives à l'action paulienne (art. 143 AUPCAP révisé).

347
511. Est suspect, a priori, le paiement effectué au cours de la période suspecte. Celle-ci
commence à compter de la date de la cessation des paiements et prend fin à la date de la
décision d'ouverture du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens (art. 67
AUPCAP révisé). Selon M. Vasseur, l’application de l’égalité dans le temps implique
l’examen des actes contraires à l’égalité afin qu’ils soient neutralisés585. De son côté, Mme
Reymond de Gentile Campana explique que « le temps qui précède la procédure collective
est extrêmement dangereux pour les créanciers livrés aux agissements d’un débiteur, en
face d’une situation s’obérant au fil des jours, peut se livrer (…) à des actes désespérés,
ruineux, parfois même frauduleux en vue de faire échapper une partie de son actif à la
procédure collective qu’il sent inévitable. Pour que le principe d’égalité ne soit pas un vain
mot, il est nécessaire d’en faire remonter l’application avant le jugement déclaratif (…).
Cette anticipation aura pour effet de rendre inopposable à la masse des créanciers les actes
contraires à l’égalité des créanciers, soit en permettant la reconstitution de l’actif
partageable, soit en faisant revenir à la masse certains créanciers qui avaient tenté d’y
échapper. Elle sera d’autant plus efficace que la durée de la période suspecte sera étendue.
Or tout dépend à cet égard de la date de cessation des paiements586 ».

C’est ce principe d’égalité que vise directement un jugement rendu par un tribunal de
grande instance burkinabè. Celui-ci a jugé qu’une cession de créance qui est intervenue
pendant la période suspecte entre dans le champ d'application des inopposabilités de
droit définies par les articles 67 et 68 AUPCAP. De ce fait, la cession de créance constitue
un mode de paiement non autorisé légalement. En conséquence, pour rétablir l'égalité́
entre les créanciers, il y a lieu de déclarer cette opération inopposable à la masse des
créanciers et de condamner le bénéficiaire des paiements opérés à rapporter entre les
mains du syndic les sommes ainsi perçues587.

Un arrêt rendu par une Cour d’Appel d’Abidjan a décidé que « si, par un jugement rendu
le 27 juillet 2000, le tribunal fixe la date de cessation des paiements, les paiements

585
Thèse M. Vasseur précitée, n°11 al. 1er
586
Thèse Mme Reymond de Gentile n°1 al. 1 et 2.
587
Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso (Burkina Faso), Jugement n° 141 du 15 mai 2002, SNTB
c/ SOPAGRI-SA OHADAta J-09-59.

348
effectués par la société débitrice postérieurement à cette date sont suspects et doivent être
déclarés inopposables à la masse, d’autant plus que l’accipiens était un des
administrateurs de cette société n’ignorant rien des difficultés de celle-ci. Si, durant ces
années, la société débitrice a passé des conventions avec un de ses administrateurs sans
les soumettre au conseil d’administration, elle se rend coupable de collusion frauduleuse
manifeste avec lui. C’est donc à bon droit que le premier juge a fait application de l’article
69, alinéas 3 et 4 et de l’Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif
(AUPCAP)588 ».

Contrairement au législateur français qui sanctionne par la nullité l’acte suspect, le


législateur prévoit l’inopposabilité de celui-ci à la masse des créanciers, laquelle
inopposabilité doit lui profiter (art. 71 AUPCAP révisé). Le paiement déclaré inopposable
doit être rapporté par le créancier qui doit produire au passif du débiteur (art. 71-3°).

512. Cependant, à la procédure de liquidation, comme ailleurs, il y a les créanciers


chirographaires malhonnêtes qui tentent d’échapper à l’égalité du paiement qui est
promise en cas de concours, selon un procédé jugé « suspect » par détermination de la loi
en raison du moment où il est accompli (art. 68 et 69 AUPCAP révisé ; art. L632-1 à L632-
3 C.com.). Mais il y a surtout tous les autres qui respectent la loi, tous les créanciers ayant
reçu des paiements antérieurs opposables à la procédure collective, soit parce qu’ils sont
antérieurs à période suspecte (art. 34 AUPCAP révisé; L641IVC.com), soit parce qu’ils ne
sont pas suspects nonobstant leur accomplissement au cours de la période suspecte.

513. Dans la législation OHADA comme dans la législation française, tous les actes et
particulièrement les paiements ne sont pas suspects (de plein droit ou sur faculté du juge)
sous prétexte qu’ils ont été accomplis au cours de la période suspecte. Le créancier
chirographaire d’un débiteur en liquidation peut échapper à l’égalité promise en cas de
concours s’il identifie, en amont des difficultés de l’entreprise débitrice, le mode de
paiement idoine pour s’épargner le moment venu les affres de la procédure de liquidation.

588
Cour d’Appel d’Abidjan, Première Chambre, arrêt de référé n° 452 du 27 avril 2001, AXA- IARD c/ Alain
Guillemain et Jean-Luc Henri Ruelle). OHADAta J-02-79.

349
514. La suspicion de plein droit. Parmi les actes pour lesquels le juge n’a pas d’autre choix
que de les déclarer suspects (art. 68 AUPCAP révisé), sont inopposables de droit à la masse
des créanciers s'ils sont faits pendant la période suspecte : 1°) tout paiement, quel qu'en
soit le mode, de dettes non échues, sauf s'il s'agit du paiement d'un effet de commerce ;
2°) tout paiement de dettes échues fait autrement qu'en espèces, effet de commerce,
virement, prélèvement, carte de paiement ou de crédit ou compensation légale, judiciaire
ou conventionnelle de dettes ayant un lien de connexité entre elles ou tout autre mode
normal de paiement ou communément admis dans les relations d'affaires du secteur
d'activité du débiteur.

515. La suspicion facultative. Selon l’article 69 AUPCAP révisé, peuvent être déclarés
inopposables à la masse des créanciers, s'ils lui ont causé un préjudice, les paiements
volontaires de dettes échues lorsque ceux qui les ont perçus ont eu connaissance de la
cessation des paiements du débiteur au moment des paiements (art. 69-3°).

516. Toutefois, les dérogations sont nombreuses. Il est possible de contourner la règle en
utilisant le moyen de paiement adapté. Ainsi, le paiement fait au porteur diligent d'une
lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un chèque est opposable à la masse, sauf dans
les cas suivants où une action en rapport est possible contre : 1°) le tireur ou le donneur
d'ordre en cas de tirage pour compte qui a eu connaissance de la cessation des paiements
du tiré soit au moment du tirage, soit au moment du paiement de la lettre de change à lui
fait par le tiré ; 2°) le bénéficiaire du billet à ordre qui a eu connaissance de la cessation
des paiements du souscripteur, soit au moment de l'endossement de l'effet par lui, soit au
moment du paiement à lui fait par le souscripteur ; 3°) le tireur d'un chèque qui a eu
connaissance de la cessation des paiements du tiré au moment de l'émission du chèque ;
4°) le bénéficiaire d'un chèque qui a eu connaissance de la cessation des paiements du
tireur au moment de l'émission du chèque ; 5°) le bénéficiaire d'un chèque qui a eu
connaissance de la cessation des paiements du tiré soit au moment de l'émission, soit au
moment du paiement du chèque.

350
En droit français, l’article L. 632-3 du Code de commerce prévoit que les dispositions
relatives aux actes nuls de plein droit ou sur faculté du juge en raison de leur
accomplissement au cours de la période suspecte (art. 632-1 et L. 632-2 C.com) ne portent
pas atteinte à la validité du paiement d'une lettre de change, d'un billet à ordre ou d'un
chèque (al. 1er). Toutefois, l'administrateur ou le mandataire judiciaire peut exercer une
action en rapport contre le tireur de la lettre de change ou, dans le cas de tirage pour
compte, contre le donneur d'ordre, ainsi que contre le bénéficiaire d'un chèque et le
premier endosseur d'un billet à ordre, s'il est établi qu'ils avaient connaissance de la
cessation des paiements (al. 2).

517. Au jour de la date de la décision d’ouverture, d’autres paiements peuvent encore


avoir lieu, même à l’insu du débiteur dessaisi589. Il a en particulier été jugé, sous l’empire
de l’ancien AUPCAP, que l’interdiction de payer après le jugement d’ouverture d’une
procédure collective ne faisant pas obstacle au paiement par compensation de créances
connexes, est régulière la compensation opérée par une société entre sa créance et celle
connexe de la société́ en liquidation de biens, la compensation s’opérant de plein droit par
la seule force de la loi, même à̀ l’insu des débiteurs.

518. Conclusion 1. Le créancier chirographaire « quelconque » a tout intérêt à anticiper


dans le contrat qui le lie à son débiteur un mode de paiement à l’épreuve des difficultés
de l’entreprise, plutôt qu’une sûreté qui sera quant à elle malmenée pour permettre le
sauvetage ou la liquidation le cas échéant590.

2-Le paiement indu rapporté

519. Le paiement des créanciers en concours doit s’effectuer conformément à la règle


posée par l’article 2285 du Code civil reprise dans le droit des procédures collectives

589
Rendu au visa de l’article 68 AUPC ancien (Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Formation
civile.- arrêt n° 383 du 06 juillet 2006.- Affaire : la LIQUIDATION SID-TRADING c/ - Société́ Générale de
Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI ; - la Banque Internationale pour l’Afrique Occidentale, dite BIAO- CI.-
Le Juris-Ohada n° 3 – Juillet - Août - Septembre 2008, p. 47. ) Ohadata J-08-281.
590
Voir infra.

351
OHADA comme français. Concrètement, le paiement est égalitaire entre les créanciers
chirographaires, sauf causes légitimes de préférences. Ces causes légitimes sont
nombreuses. Aussi est-il établi un classement entre chacune d’elles pour déterminer leur
rang. Dans la législation OHADA, l’AUPCAP révisé fournit un classement très précis et,
normalement, les erreurs devraient être limitées, c’était un engagement pris par le
législateur OHADA en préambule de l’AUPCAP révisé. Il est en effet indiqué que ce texte a
notamment pour objectif « d'établir un ordre précis de paiement des créances garanties
ou non garanties » (art. 1er AUPCAP révisé). Toutefois, le législateur OHADA n’indique pas
la sanction applicable en cas d’erreur dans l’ordre des créanciers.

520. En droit français, la sanction de la déloyauté se fait sous la qualification du paiement


indu. L'article L643-7-1 du Code de commerce prévoit à ce sujet que « le créancier qui a
reçu un paiement en violation de la règle de l'égalité des créanciers chirographaires ou par
suite d'une erreur sur l'ordre des privilèges doit restituer les sommes ainsi versées ». Ce
faisant, le législateur français met un terme à ce qui pouvait faire passer le principe
d’égalité pour une « règle à géométrie variable »591.

En effet, la Chambre commerciale de la Cour de cassation française décidait que le


créancier chirographaire ne pouvait conserver les sommes qui lui avaient été payées en
violation de la règle de l’égalité des créanciers chirographaires, quand bien même ce
paiement avait été fait en connaissance de cette violation592. Mais, dans une situation
voisine s’agissant de créanciers privilégiés, la Haute juridiction retenait une solution
inverse593. Elle décidait donc que le paiement fait par erreur sur l'ordre des privilèges
n'ouvrait pas droit à répétition dès lors que l'accipiens n'avait reçu que ce que lui devait
son débiteur.

Aussi avait-on pu écrire en doctrine que, « selon que vous serez créancier privilégié ou
simple chirographaire, la chambre commerciale vous fera un sort différent au regard des

591
P. Delmotte « L’égalité des créanciers dans les procédures collectives » - RAPPORT DE LA COUR DE
CASSATION 2003 p106 à 128.
592
Com. 17 novembre 1992, n° 90-22-58, Bull. n° 361.
593
Com. 30 octobre 2000, n°98-10-688, Bull. n° 169.

352
règles de la répétition de l’indu et de l’égalité des créanciers.(…) La règle de l’égalité des
créanciers, qui devient un critère de la notion d’indu dans un cas et qui est radicalement
écartée dans l’autre, manifeste ainsi toute son ambivalence ».

521. Résumé B. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation conduit à veiller au respect des droits de chacun, pour que la malice des uns
ne contrevienne pas aux intérêts de la collectivité des créanciers dans son ensemble. Le
paiement contraire à l’égalité appauvrit le gage commun. Pour cette raison, il devra être
rapporté et le créancier devra produire au passif pour prendre part aux répartitions à
l’issue de la procédure collective. Ainsi, sa déloyauté lui sera préjudiciable si les délais de
production au passif ont expiré. Pareillement la déloyauté du créancier est manifeste
lorsqu’il sait avoir reçu un paiement en violation de l’ordre des préférences. La sanction
est l’obligation de restituer le paiement indu.

522. Conclusion 2§. En droit OHADA comme en droit français, le risque d’impayé est une
conséquence induite de l’article 2285 du Code civil. Le paiement égalitaire en cas de
concours porte en germe le risque d’une situation de concours avec un créancier muni
d’une cause légitime de préférence. Il est donc difficile de postuler l’égalité des créanciers
sur la base d’un texte qui véhicule l’idée contraire.

523. Conclusion I. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation est une obligation de mutualiser le risque de l’entreprise entre tous les
protagonistes : le débiteur et ses créanciers en l’occurrence. C’est aussi l’interdiction d’un
comportement témoignant de la déloyauté de son auteur pour échapper au sort qui serait
le sien en droit.

II—L’égalité a posteriori

524. Si le principe d’égalité signifie la mutualisation du risque entre tous les créanciers,
force est de constater que tous les créanciers d’un débiteur en procédure de liquidation
ne sont pas pareillement exposés à cette nuisance. En effet, tous les créanciers peuvent

353
échapper à l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires, sauf
les créanciers chirographaires.

525. Toutefois, puisque le principe d’égalité des créanciers n’est pas un nivellement
définitif par le bas des droits des créanciers pour ne tenir compte que de leur seul droit de
gage général, il faut que les créanciers chirographaires, aidés d’un contrat de sûreté,
puissent se ménager une situation plus confortable que celle que qui leur est faite par le
seul bénéfice du droit de gage général

526. Compte tenu du principe d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de


liquidation, il sera envisagé successivement le sort du créancier chirographaire (A) puis le
sort du créancier muni d’une sûreté (B).

1§-Le sort du créancier chirographaire « modèle »

527. « L'histoire des faillites est marquée par les hésitations de la procédure entre punir et
soigner, par la lente distinction entre l'homme et l'entreprise, par le combat permanent
entre l'égalité des créanciers et la création de nouveaux privilèges, de nouvelles causes de
distinction et de préférence entre eux »594. Le fondement du principe d’égalité des
créanciers dans l’article 2285 du Code civil n’est pas anodin, puisqu’il distingue, parmi les
créanciers, ceux qui sont soumis à la règle du paiement égalitaire en cas de concours de
ceux qui peuvent faire exception à la règle parce qu’ils sont titulaires d’une cause légitime
de préférence. Cette situation a justifié les interrogations quant à l’existence et au
domaine d’un tel principe, et dans ce dernier cas, la question qui se posait était
précisément celle de savoir s’il s’agissait d’un principe d’application générale (tous les
créanciers) ou particulière (les créanciers chirographaires), ce qui n’était pas sans
inconvénients.

594
Christophe Leguevaques, « L'égalité des créanciers dans les procédures collectives : flux et reflux » - - 29
janvier 2002 Gazette du Palais - n°029 - page 18 §n°1.

354
528. Dans un cas (application générale), on est face à une égalité objective, car restreinte
aux créanciers dits « chirographaires » parce qu’ils sont tenus au paiement égalitaire en
cas de concours. Ils n’ont que le droit de gage général pour garantir l’exécution, et l’égalité
du paiement en cas de concours est l’expression d’une juste répartition des deniers
provenant de la réalisation du bien saisi. L’égalité est alors corollaire de justice au sens de
ce qui est positivement juste, de ce à quoi chacun peut légitimement prétendre en vertu
du droit. Partant, il s’agit de rendre à chacun ce qui lui est dû (suum cuique tribuere).
Demander en justice signifie réclamer son dû, son droit. À la procédure collective, il faut
en déduire que, puisque tous les créanciers sont tous titulaires du droit de gage général,
tous sont égaux en cas de concours.

Cette analyse présente l’inconvénient de considérer les créanciers indépendamment des


droits qu’ils seraient par ailleurs susceptibles d’opposer en cours ou à l’issue de la
procédure collective. Ils sont soumis à la procédure collective à un traitement identique
et au paiement égalitaire, ce qui est injuste puisque le législateur a promis de leur accorder
des droits différents, outre le droit de gage général. En revanche, les soumettre à un
traitement égalitaire est la moindre des choses puisque tous bénéficient du droit de gage
général au moment de la décision d’ouverture de la procédure collective. Enfin, cette
analyse est parfaitement incantatoire dès lors qu’il est avéré que la collectivité des
créanciers n’est pas homogène au regard de la disparité de leurs droits.

529. Dans l’autre cas (application particulière), le choix du fondement d’un principe
d’égalité des créanciers qui suggère le contraire, commande de considérer que le principe
d’égalité des créanciers à la procédure de liquidation s’« accommode du disparate ».
L’égalité est l’affaire de tous les créanciers nonobstant leurs disparités. Alors, l’égalité
n’est plus que subjective et la qualité de « chirographaire », une abstraction. Comme le
rappelle M. Pollaud-Dulian « L'égalité n'est pas une égalité niveleuse, qui consisterait à
soumettre tout créancier à un régime unique sans distinction. L'égalité n'a jamais une telle
signification en droit... Elle pose, au contraire, qu'à situation comparable correspond un

355
traitement égal et assure l'égalité des chances »595. Partant, l’égalité que véhicule le
principe trouve un écho dans l’idée de justice entendue cette fois comme ce qui est
idéalement juste, conforme aux exigences de l’équité et de la raison ; en ce sens que la
justice est tout à la fois un sentiment, une vertu, un idéal, un bienfait (comme la paix), une
valeur596. L’égalité n’est alors qu'organisationnelle, elle n'a plus rien à voir avec l’égalité
du paiement en cas de concours, sauf pour les créanciers qui ne disposent que du droit de
gage général.

530. C’est bien la seconde option que retiennent les législations en comparaison. Tous les
créanciers sont traités égalitairement à la procédure collective, mais seuls les créanciers
chirographaires sont tenus au paiement égalitaire en cas de concours. Dans ces conditions,
le paiement égalitaire à l’issue des répartition relève de l’incantation compte tenu de la
profusion des causes légitimes de préférences (A). Au moment des réparations entre
créanciers chirographaires, c’est le désenchantement. Tous les créanciers n’ont pas à cette
occasion vocation à obtenir un paiement égalitaire pour la totalité du montant de leurs
créances (B).

A -L’égalité incantatoire

531. « Le créancier chirographaire a pu être défini comme celui qui est démuni de toute
sûreté particulière. Le recouvrement de son dû se place alors sous le signe de la
vulnérabilité pour fréquemment tomber dans la trappe de l’oubli. Il est alors facile
d’imaginer que les sacrifices imposés pour le redressement de l’entreprise auront ici une
portée particulière. Par ailleurs la situation souvent dégradée des entreprises placées en
procédure ne fait qu’assombrir leur horizon. A l’inverse le créancier privilégié a longtemps
connu une relation moins périlleuse face au risque de défaillance. Cette protection, parfois
considérée comme relative , est fondée sur le renforcement de la créance par un privilège.
Ce dernier confère alors au créancier le droit d’être payé sur le prix de vente d’un ou

595
Pollaud-Dulian – « Le principe d’égalité dans les procédures collectives » -La Semaine Juridique Edition
Générale n° 23, 3 Juin 1998, doctr. 138 n°24.
596
Vocabulaire juridique, Cornu.

356
plusieurs biens du débiteur par préférence à d’autres créanciers 597 ».

532. Toutefois, au moment des répartitions en cas de liquidation, le droit de préférence


n’a rien de relatif même si l’ordre des préférences est modifié par la procédure de
liquidation et que le poids du passif privilégié augmente considérablement. Il continue de
donner un avantage certain au créancier titulaire de sûreté sur le créancier chirographaire
puisque la règle posée par l’article 2285 du Code civil s’applique. Autrement dit, quel que
soit le mode dont il se réalise, le droit de gage général place systématiquement les
créanciers chirographaires en dernier au moment de distribuer le prix provenant de la
réalisation des biens meubles (1) ou immeubles (2).

1-La distribution du prix des meubles

533. Principe. Avant l’AUS révisé, il était prévu que les deniers provenant de la
réalisation des meubles devaient être distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux créanciers
des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution
elle-même du prix ; 2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du
débiteur dans l'intérêt des créanciers dont le titre est antérieur en date ; 3°) aux créanciers
de salaires superprivilégiés ; 4°) aux créanciers garantis par un gage selon la date de
constitution du gage ; 5°) aux créanciers garantis par un nantissement ou un privilège
soumis à publicité, chacun selon le rang de son inscription au Registre du commerce et
du crédit mobilier ; 6°) aux créanciers munis d'un privilège spécial, chacun suivant le
meuble sur lequel porte le privilège ; en cas de conflit entre créances assorties d'un
privilège spécial sur le même meuble, la préférence est donnée au premier saisissant ; 7°)
aux créanciers munis d'un privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par
l'article 107 AUS ancien ; 8°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire
lorsqu'ils sont intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la procédure de distribution.

597
Aldo Rizzi-« La protection des créanciers à travers l’évolution des procédures collectives », L.G.D.J.,
Bibliothèque de droit privé Tome 459, 2007, p. 270 n°276.

357
534. Depuis la révision de l’AUS, l’article 226 al. 1erprévoit, sans préjudice de l'exercice
d'un éventuel droit de rétention ou d'un droit exclusif au paiement, les deniers provenant
de la réalisation des meubles sont distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux créanciers des
frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution
elle-même du prix ; 2°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du
débiteur dans l'intérêt des créanciers dont le titre est antérieur en date ; 3°) aux créanciers
de salaires superprivilégiés ; 4°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à
publicité, un gage, ou un nantissement, chacun à la date de son opposabilité aux tiers ;
5°) aux créanciers munis d'un privilège spécial, chacun suivant le meuble sur lequel porte
le privilège ; en cas de conflit entre créances assorties d'un privilège spécial sur le même
meuble, la préférence est donnée au premier saisissant ; 6°) aux créanciers munis d'un
privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 180 AUS révisé ;
7°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont intervenus
par voie de saisie ou d'opposition à la procédure de distribution.

535. Liquidation. La décision d’ouverture d’une procédure de liquidation modifie le


classement des créanciers sur le prix des meubles. L’ancien article 167 AUPCAP prévoyait
que les deniers provenant de la réalisation des meubles devaient être distribués ainsi : 1°)
aux créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et
à la distribution elle-même du prix ; 2°) aux créanciers de frais engagés pour la
conservation du bien du débiteur dans l'intérêt du créancier dont les titres sont antérieurs
en date ; 3°) aux créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur du
meuble par rapport à l'ensemble de l'actif ; 4°) aux créanciers garantis par un gage selon
la date de constitution du gage ; 5°) aux créanciers garantis par un nantissement ou par
un privilège soumis à publicité, chacun suivant le rang de son inscription au registre du
commerce et du crédit mobilier ; 6°) aux créanciers munis d'un privilège mobilier spécial,
chacun sur le meuble supportant le privilège ; 7°) aux créanciers de la masse tels que
définis par l'article 117 AUPCAP ancien ; 8°) aux créanciers munis d'un privilège général
selon l'ordre établi par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés ; 9°) aux
créanciers chirographaires.

358
Désormais, l’article 167 révisé prévoit que, sans préjudice de l'exercice d'un éventuel droit
de rétention598 ou d'un droit exclusif au paiement, les deniers provenant de la réalisation
des meubles sont distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux créanciers bénéficiant du
privilège prévu par les articles 5-11, 11-1 et 33-1 AUPCAP révisé ; 2°) aux créanciers des
frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution
elle-même du prix ; 3°) aux créanciers de frais engagés pour la conservation du bien du
débiteur dans l'intérêt du créancier dont les titres sont antérieurs en date ; 4°) aux
créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur du meuble par rapport
à l'ensemble de l'actif ; 5°) aux créanciers garantis par un privilège général soumis à
publicité, un gage, ou un nantissement, chacun à la date de son opposabilité aux tiers ;
6°) aux créanciers munis d'un privilège mobilier spécial, chacun sur le meuble supportant
le privilège ; 7°) aux créanciers de la masse tels que définis par l'article 117 AUPCAP révisé
; 8°) aux créanciers munis d'un privilège général selon l'ordre établi par l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés ; 9°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre
exécutoire ; 10°) aux créanciers chirographaires non munis d'un titre exécutoire.

536. Conclusion 1. Quel que soit le mode dont se réalise le droit de gage général, les
créances privilégiées ont la préférence sur les créances chirographaires en cas de concours
sur le prix d’un bien meuble. Cependant, les créanciers munis d’une cause légitime de
préférence née antérieurement aux difficultés de l’entreprise sont lourdement impactés
par les tentatives de sauvetage de l’entreprise débitrice lorsqu’elles donnent lieu à un
paiement par privilège en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation.

2-La distribution du prix des immeubles

537. Principe. De l’article 148 AUS ancien, il résultait que les deniers provenant de la
réalisation des immeubles devaient être distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux

598
L’AUPCAP révisé prévoit à l’article art. 104 que peuvent être retenus par le vendeur les marchandises et
objets mobiliers qui ne sont pas délivrés ou expédiés au débiteur ou à un tiers agissant pour son compte
(al. 1). Cette exception est recevable même si le prix est stipulé payable à crédit et le transfert de propriété
opéré avant la délivrance ou l'expédition (al. 2).

359
créanciers des frais de justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la
distribution elle-même du prix ; 2°) aux créanciers de salaires superprivilégiés ; 3°) aux
créanciers titulaires d'une hypothèque conventionnelle ou forcée et aux créanciers
séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au livre
foncier ; 4°) aux créanciers munis d'un privilège général soumis à publicité chacun selon le
rang de son inscription au Registre du commerce et du crédit mobilier ; 5°) aux créanciers
munis d'un privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 107
AUS ancien ; 6°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont
intervenus par voie de saisie ou d'opposition à la procédure.

Selon l’article 225 al. 1er AUS révisé, les deniers provenant de la réalisation des immeubles
doivent désormais être distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux créanciers des frais de
justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même
du prix ; 2°) aux créanciers de salaires superprivilégiés ; 3°) aux créanciers titulaires d'une
hypothèque conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai
légal, chacun selon le rang de son inscription au registre de la publicité immobilière ; 4°)
aux créanciers munis d'un privilège général soumis à publicité chacun selon le rang de son
inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ; 5°) aux créanciers munis d'un
privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 180 AUS révisé; 6°)
aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire lorsqu'ils sont intervenus par
voie de saisie ou d'opposition à la procédure.

538. Liquidation. L’ancien article 166 AUPCAP prévoyait que les deniers provenant de la
réalisation des immeubles devaient être distribués ainsi : 1°) aux créanciers des frais de
justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution elle-même
du prix ; 2°) aux créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur de
l'immeuble par rapport à l'ensemble de l'actif ; 3°) aux créanciers hypothécaires et
séparatistes inscrits dans le délai légal, chacun selon le rang de son inscription au livre
foncier ; 4°) aux créanciers de la masse tels que définis par l'article 117 AUPCAP ancien ;

360
5°) aux créanciers munis d'un privilège général selon l'ordre établi par l'Acte uniforme
portant organisation des sûretés ; 6°) aux créanciers chirographaires.

Désormais, selon l’article 166 AUPCAP révisé, les deniers provenant de la réalisation des
immeubles sont distribués dans l'ordre suivant : 1°) aux créanciers bénéficiant du privilège
prévu par les articles 5-11,11-1 et 33-1; 2° AUPCAP révisé) aux créanciers des frais de
justice engagés pour parvenir à la réalisation du bien vendu et à la distribution du prix ; 3°)
aux créanciers de salaires super privilégiés en proportion de la valeur de l'immeuble par
rapport à l'ensemble de l'actif ; 4°) aux créanciers titulaires d'une hypothèque
conventionnelle ou forcée et aux créanciers séparatistes inscrits dans le délai légal,
chacun selon le rang de son inscription au livre foncier ; 5°) aux créanciers de la masse tels
que définis par l'article 117 AUPCAP révisé; 6°) aux créanciers munis d'un privilège général
selon l'ordre établi par l'Acte uniforme portant organisation des sûretés, à savoir, aux
créanciers munis d'un privilège général soumis à publicité, chacun selon le rang de son
inscription au Registre du commerce et du crédit mobilier, et aux créanciers munis d'un
privilège général non soumis à publicité selon l'ordre établi par l'article 180 AUPCAP révisé;
7°) aux créanciers chirographaires munis d'un titre exécutoire ; 8°) aux créanciers
chirographaires non munis d'un titre exécutoire.

539. Conclusion 2. Quel que soit le mode dont se réalise le droit de gage général, les
créances privilégiées ont la préférence sur les créances chirographaires en cas de concours
sur le prix d’un bien immeuble. Le privilège de la masse est une protection faible compte
tenu de son classement. Il ploie sous le poids des créances privilégiées de rang supérieur.
Cependant, les créanciers munis d’une cause légitime de préférence née antérieurement
aux difficultés de l’entreprise sont à nouveau lourdement impactés par les tentatives de
sauvetage de l’entreprise débitrice lorsqu’elles ont donnent lieu à un paiement par
privilège en cas d’ouverture d’une procédure de liquidation.

540. Résumé B. La procédure de liquidation des biens instituée dans l’AUPCAP révisé,
comme la procédure de liquidation judiciaire instituée dans le Code de commerce,
respecte la disparité des droits susceptibles d’être opposés à la procédure collective. Ces

361
procédure sont le fait générateur ne disparités nouvelles au jour de la décision
d’ouvertures, et au cours de leur déroulement. A l’issue de la procédure de liquidation, le
créancier chirographaire peut difficilement espérer obtenir quoi que ce soit : ni dividende
substantiel, ni paiement égalitaire en cas de concours.

541. Conclusion 1§. L’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers


chirographaires n’est ni un dû ni un espoir. Cependant, le préjudice est minime puisqu’il
suffit de conclure un contrat de sûreté pour conjurer l’inacceptable.

B- L’égalité désenchantée

542. Nonobstant le poids du passif privilégié, il se peut qu’au moment des répartitions
subsistent quelques deniers à répartir entre les créanciers chirographaires. En cas de
concours, comme le prévoit l’article 2285 du Code civil, la règle est celle du paiement
égalitaire entre eux. La question qui se pose est de savoir si on est créancier chirographaire
à la procédure de liquidation parce que le créancier prend part aux répartitions en cette
qualité ou s’il faut tenir compte de ce que représente l’égalité du paiement pour le
créancier qui perçoit un dividende dans les répartitions chirographaires ? En effet, ce n’est
pas tout à fait la même chose que de concourir aux répartitions chirographaires pour le
reliquat de sa créance non éteinte, et d’y concourir pour la totalité de la créance.

543. Force est de constater qu’à ce stade, et compte tenu du caractère collectif de la
procédure de liquidation, le paiement n’est plus objectivement égalitaire dès lors que
concourent aux répartitions des créanciers plus chirographaires que d’autres. Il y a les
« vrais » créanciers chirographaires qui, a priori, ne peuvent espérer davantage que
l’égalité (1), et les « faux » qui obtiennent d’avantage, l’égalité du paiement n’étant qu’un
complément de ce qui a déjà été perçu ou reste à percevoir (2).

1-Les « vraies » créances chirographaires

362
544. A priori, est une « vraie » créance chirographaire celle que détient le créancier qui
ne dispose que du droit de gage général pour garantir l’exécution. Le droit de gage général
n’est pas une sûreté, contrairement à ce que pouvait laisser penser le législateur Ohada
dans l’Acte uniforme relatif aux sûretés dans sa première mouture. En effet, la sûreté était
alors définie comme « les moyens accordés au créancier par la loi de chaque Etat partie ou
la convention des parties pour garantir l'exécution des obligations, quelle que soit la nature
juridique de celles-ci» (art. 1er AUS ancien). Or, la prérogative du droit de gage général n’a
rien de comparable avec celle d’une sûreté réelle.

Pour M. Pierre Crocq, la notion de sûreté requière une finalité qui consiste en
l’amélioration de la situation juridique du créancier par rapport à celle du créancier
chirographaire. Elle connaît cependant une limite qui est l’interdiction d’un
enrichissement du créancier au-delà de ce qui résulterait d’une exécution régulière de
l’obligation par le débiteur. Aussi, la mise en œuvre d’une sûreté a toujours un effet
satisfaisant le créancier, à savoir l’extinction totale ou partielle, directe ou indirecte, de la
créance. Enfin, la constitution d’une sûreté repose fondamentalement sur la même
technique : la reconnaissance au profit de son bénéficiaire d’un droit accessoire à son droit
de créance599.

545. Le droit de gage n’offre rien de tout cela. Il est impropre à garantir le paiement
précisément en raison de la limitation de son assiette et la pluralité de ses titulaires.

546. Si en principe, le droit de gage général peut s’exercer sur tous les biens « présents et
à venir » du débiteur (art. 2284 C.civ.), en réalité, l’assiette des poursuites est réduite aux
seuls biens saisissables au moment de la saisie. Le créancier chirographaire n’a qu’un droit
personnel contre le débiteur, et non un droit réel sur le contenu de son patrimoine. Dès
lors, il ne peut prétendre se payer sur les biens qui étaient dans le patrimoine au moment
de la naissance de son droit de créance, mais qui l’ont quitté depuis, faute de droit de
suite. Partant, tous les actes de disposition du débiteur sont opposables au créancier

599
P. Crocq, « Propriété et garantie », thèse, LGDJ, 1995 p. 217 à 234.

363
chirographaire, titulaire d’un droit de gage général dont la consistance n’est connue qu’au
moment de sa mise en œuvre.

Certes, le créancier chirographaire n’est pas totalement démuni face aux actes
d’appauvrissement plus ou moins involontaires du débiteur. La lutte contre
l’amenuisement de l’actif peut prendre la forme de saisies conservatoires dont l’effet
principal est de rendre le bien qui en est l’objet indisponible. Ensuite, a posteriori, le
créancier peut attaquer certains actes d’appauvrissement faits par le débiteur en fraude
de ses droits, par l’action paulienne600. C’est la même idée qui inspire l’action en
inopposabilité ou en nullité des actes de la période suspecte, dans le cadre de la procédure
collective. Enfin, le créancier est autorisé à faire entrer ou rentrer des éléments d’actif
dans le patrimoine de son débiteur dans le cadre d’une action oblique601602.

547. Aussi, le droit de gage général n’est pas l’apanage d’un seul puisque « les biens du
débiteur sont le gage commun de ses créanciers » (art. 2285 C.civ). Tous disposent du
même droit personnel, celui de pouvoir contraindre le débiteur à l’exécution forcée sans
qu’il puisse être tenu compte de la date de naissance du droit de créance par rapport à
l’entrée du bien dans le patrimoine du débiteur. Aussi, en vertu du principe d’égalité des
droit personnels, tout créancier peut saisir n’importe quel bien du débiteur603 En cas de
concours, c’est-à-dire lorsqu’une pluralité de créanciers saisit un bien en même temps et
que sa valeur est insuffisante pour les désintéresser, le législateur pose une règle de
conflit : « le prix s'en distribue entre eux par contribution » c’est-à-dire de manière
égalitaire (art. 2285 C.civ)604. Autrement dit, chacun ne recevra qu’une partie du prix de

600
Voir supra.
601
Le projet de réforme 15/04/2015 Section 2 : les rapports entre les créanciers et les tiers §1. L’action
oblique Article 416 Le créancier dont la créance est certaine, liquide et exigible peut, au nom de son
débiteur, exercer les droits et actions de celui-ci, lorsque le débiteur, au préjudice du créancier, refuse ou
néglige de les exercer. La certitude, la liquidité et l’exigibilité de la créance s’apprécient au moment où le
juge statue (al. 1er). Il ne peut, toutefois, exercer les droits et actions qui sont exclusivement attachés à la
personne du débiteur (al. 2). Article 417 Le défendeur à l’action oblique peut opposer au créancier tous les
moyens de défense qu’il aurait pu opposer à son propre créancier. Article 418 Les créanciers qui exercent
l’action oblique sont payés par prélèvement prioritaire sur les sommes qui, par l’effet de leur recours,
rentrent dans le patrimoine de leur débiteur négligent.
602
Art. 1341 C.civ. nouveau.
603
Voir supra.
604
voir infra pour la liquidation.

364
réalisation du bien saisi, celle-ci étant proportionnelle à la part que sa créance représente
dans le prix. De son côté, la législation Ohada refuse elle aussi un partage par tête, c’est-
à-dire un partage par part viriles, lequel aurait été fondamentalement injuste.

548. Limites. L’existence des sûretés conventionnelles rend difficile l’identification d’un
tel créancier qui en bénéficie. A la procédure collective, le créancier chirographaire peut-
être le créancier muni d’une sûreté réelle atteinte par l’interdiction de l’inscription d’une
sûreté tardive. En effet, il résulte de l’article 73 AUPCAP révisé que la décision d'ouverture
du redressement judiciaire et de la liquidation des biens arrête le cours des inscriptions de
toute sûreté mobilière ou immobilière.

549. Le créancier chirographaire à la procédure de liquidation peut encore apparaître


sous le jour d’un créancier muni d’une sûreté ayant pour objet un bien ou un patrimoine
dont la valeur s’est érodée au point qu’il ne subsiste plus qu’un droit de gage général pour
garantir le paiement d’une créance pourtant garantie.

550. Conclusion 1. Dans les législations OHADA comme française, le créancier


chirographaire n’est pas seulement celui qui choisit cette condition. Cette dernière peut
aussi être contrainte. C’est notamment le cas lorsque le créancier qui, normalement,
devait pouvoir échapper à l’égalité du paiement en cas de concours doit s’y résoudre faute
d’avoir accompli une formalité nécessaire à son opposabilité à la procédure collective, ou
parce que la sûreté porte sur un bien ayant perdu toute valeur sur le marché.

2-Les « fausses » créances chirographaires

551. Comme en droit français (L622-31 à L622-33C.com.), le créancier porteur


d'engagements souscrits, endossés ou garantis solidairement par deux ou plusieurs
coobligés qui ont cessé leurs paiements peut produire dans toutes les masses pour le
montant intégral de sa créance et participer aux distributions jusqu'à parfait paiement s'il
n'a reçu aucun paiement partiel avant la décision d'ouverture de la procédure collective
de son ou de ses coobligés (article 91 AUPCAP révisé). Si le créancier porteur

365
d'engagements solidairement souscrits par le débiteur en état de redressement judiciaire
ou de liquidation des biens et d'autres coobligés a reçu un acompte sur sa créance avant
la décision d'ouverture, il n'est compris dans la masse que sous déduction de cet acompte
et conserve, sur ce qui lui reste dû, ses droits contre le coobligé ou la caution (article 92
al. 1er AUPCAP révisé).

552. Le créancier muni d’une cause légitime de préférences non rempli dans ses droits
peut concourir aux répartitions avec les créanciers chirographaires. En effet, si le prix de
vente d'un bien spécialement affecté à une sûreté est insuffisant à payer la créance en
principal et intérêts, le créancier titulaire de cette sûreté est traité, pour le reliquat non
payé de sa créance, comme un créancier chirographaire (art. 168 AUPCAP révisé).

En droit français, il résulte de l’article L643-4 du Code de commerce que si une ou plusieurs
distributions de sommes précèdent la répartition du prix des immeubles, les créanciers
privilégiés et hypothécaires admis concourent aux répartitions dans la proportion de leurs
créances totales (al. 1er). Après la vente des immeubles et le règlement définitif de l'ordre
entre les créanciers hypothécaires et privilégiés, ceux d'entre eux qui viennent en rang
utile sur le prix des immeubles pour la totalité de leur créance ne perçoivent le montant
de leur collocation hypothécaire que sous la déduction des sommes par eux reçues (al. 2).
Les sommes ainsi déduites profitent aux créanciers chirographaires (al. 3). Ces dispositions
s'appliquent aux créanciers bénéficiaires d'une sûreté mobilière spéciale (article L643-7
C.com. )

Il résulte de l’article L643-4 C.com. que si une ou plusieurs distributions de sommes


précèdent la répartition du prix des immeubles, les créanciers privilégiés et hypothécaires
admis concourent aux répartitions dans la proportion de leurs créances totales (al. 1er).
Après la vente des immeubles et le règlement définitif de l'ordre entre les créanciers
hypothécaires et privilégiés, ceux d'entre eux qui viennent en rang utile sur le prix des
immeubles pour la totalité de leur créance ne perçoivent le montant de leur collocation

366
hypothécaire que sous la déduction des sommes par eux reçues (al. 2). Les sommes ainsi
déduites profitent aux créanciers chirographaires (al. 3).

553. Conclusion 2. Dans toutes ces hypothèses, la créance n’a de chirographaire que
l’apparence puisque le dividende perçu à ce titre pourra, soit être complété soit vient
compléter le dividende perçu à un autre titre.

554. Résumé B. Dans les législations OHADA et française, le créancier chirographaire est
celui qui ne dispose que du droit de gage général pour garantir l’exécution de sa créance
à la procédure de liquidation. L’existence de sûretés légales, judiciaires et
conventionnelles rend difficile l’identification d’un tel créancier, surtout que certaines
créances sont plus chirographaires que d’autres : la créance garantie par un tiers ; la
créance garantie par une cause légitime de préférences insuffisante par exemple.

555. Conclusion 2§. En théorie, l’idée d’égalité appliquée aux créanciers chirographaires
est séduisante parce que le droit de gage général est le plus petit dénominateur commun
entre les créanciers. Cependant, il ne suffit pas à assoir l’égalité des droits. Les disparités
entre créanciers sont si nombreuses qu’il est pratiquement difficile de distinguer un
créancier chirographaire d’un autre créancier. En effet, le paiement égalitaire en cas de
concours entre créanciers chirographaires n’a pas vocation à satisfaire la créance dans la
même proportion pour chacune d’elles ; pas plus que l’égalité du paiement en cas de
concours entre les créanciers chirographaires ne préjuge du droit pour le bénéficiaire d’un
droit de recouvrer le paiement auprès d’un tiers.

2§-Le sort du créancier muni d’une sûreté

556. A priori, muni d’une sûreté conventionnelle, le créancier recherche l’inégalité du


paiement en cas de concours. Cependant, la sûreté n’est pas une panacée et le principe
d’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de liquidation impose qu’il en soit tenu
compte dès la formation du contrat pour éviter que le créancier ne soit frappé du sceau de la
déloyauté en cas d’ouverture d’une procédure collective. Parce que le contrat de sûreté
légalement formé peut dégénérer en contrat de sûreté déloyal dans le contexte de la

367
procédure de liquidation (A) Il suit de là que la déloyauté doit pouvoir être appréhendée au
moment de la conclusion du contrat de sûreté ce qui n’est pas sans difficultés (B).

A-La sûreté déloyale

557. Ladéloyautés’entend,danslelangagecourant,decequitrahitlaconfianceouutilise des


procédés perfides, malhonnêtes. D'emblée, on peut donc dire que la sûreté déloyale n’est
donc pas la sûreté que le créancier omet de produire au passif en même temps que sa créance,
pas plus que la sûreté atteinte par la mesure d’interdiction d’inscription de la sûreté en raison
605
de son caractère tardif . Ce n'est pas non plus la sûreté qui procède d’un contrat opposé à
la procédure collective606, mais non légalement formé, après vérification. La déloyauté du
contrat de sûreté, c’est précisément le contrat légalement formé, qui vise à garantir la
certitude d’un risque d’impayé. Opposé à la procédure collective à la masse des créanciers, le
juge va considérer qu’au regard du droit des procédures collectives, le créancier titulaire doit
être ramené dans le giron de l’égalité pour mutualiser le risque d’impayé. La déloyauté de la
sûreté peut être objective lorsqu'elle vise à prévenir la certitude du risque d'impayé (1) ou
subjective quand elle émane d'une partie au contrat de sûreté, du créancier fautif ou du tiers
garant notamment (2).

1-La déloyauté objective de la sûreté

558. Notion. Est loyale la sûreté qui vise à couvrir l’éventualité d’un risque d’impayé.
Inversement, est déloyale la sûreté qui vise à couvrir la certitude du risque d’impayé. La
déloyauté est objective. Il s’agit d’une sûreté légalement formée qui dégénère en
déloyauté parce qu’elle est perçue comme une sûreté « suspecte » à la procédure de
liquidation en raison de la postériorité de sa souscription par rapport à la date de cessation
des paiements, lequel témoigne d’une « collusion frauduleuse manifeste »607 des parties

605
Article 73 AUPCAP La décision d'ouverture du redressement judiciaire et de la liquidation des biens,
arrête le cours des inscriptions de toute sûreté mobilière ou immobilière.
606
Obligation de produire la sûreté avec la créance au passif.
607
Voir par exemple l’arrêt Cour d’Appel d’Abidjan, Première Chambre, arrêt de référé́ n° 452 du 27 avril
2001, AXA- IARD c/ Alain Guillemain et Jean-Luc Henri Ruelle). Ohadata J-02-79. Si, par un jugement rendu
le 27 juillet 2000, le tribunal fixe la date de cessation des paiements, les paiements effectués par la société́
débitrice postérieurement à̀ cette date sont suspects et doivent être déclarés inopposables à la masse,

368
au contrat de sûreté. Sans la décision d’ouverture de la procédure de liquidation, la sûreté
aurait pu prospérer608.

La validité du contrat de sûreté dégénère en déloyauté directe lorsque des faits antérieurs
à la décision d’ouverture de la procédure de liquidation sont appréciés postérieurement à
cette date, comme étant contraires au principe d’égalité des créanciers chirographaires à
la procédure de liquidation. La déloyauté objective du contrat de sûreté est sanctionnée
par sa suspicion légale, laquelle est qualifiée par le juge609. Dès lors, une telle sûreté est
une cause illégitime de préférer un créancier à un autre au sens du principe d’égalité des
créanciers chirographaires.

559. Illustration. L’article 68 AUPCAP révisé dispose que sont inopposables de droit à la
masse des créanciers s'ils sont faits pendant la période suspecte : 5°) toute sûreté réelle
conventionnelle constituée à titre de garantie d'une dette antérieurement contractée, à
moins qu'elle ne remplace une sûreté antérieure d'une nature et d'une étendue au moins
équivalente ou qu'elle soit consentie en exécution d'une convention antérieure à la
cessation des paiements ». Dans la législation française « sont nuls, lorsqu'ils sont
intervenus depuis la date de cessation des paiements, 6° Toute hypothèque
conventionnelle, (…) et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du

d’autant plus que l’accipiens était un des administrateurs de cette société́ n’ignorant rien des difficultés de
celle-ci. Si, durant ces années, la société́ débitrice a passé́ des conventions avec un de ses administrateurs
sans les soumettre au conseil d’administration, elle se rend coupable de collusion frauduleuse manifeste
avec lui. C’est donc à̀ bon droit que le premier juge a fait application de l’article 69, alinéas 3 et 4 et de l’Acte
uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif (AUPCAP).
608
On verra que cette affirmation doit être relativisée par la prolifération des procédures visant à permettre
la survie des entreprises en difficultés notamment.
609
La déloyauté n’est qu’indirecte lorsque le contrat dont la sûreté conventionnelle est l’accessoire est lui-
même douteux. Ainsi, par exemple, selon l’article 68-2) AUPCAP révisé, sont inopposables de droit à la
masse des créanciers s'ils sont faits pendant la période suspecte tout contrat commutatif dans lequel les
obligations du débiteur excédent notablement celles de l'autre partie. L’article 69-2) prévoit quant à lui que
peuvent être déclarés inopposables à la masse des créanciers, s'ils lui ont causé un préjudice les actes à
titre onéreux si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements du
débiteur au moment de leur conclusion En France, l’article L632-I prévoit que sont notamment nuls ,
lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 2° Tout contrat
commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l'autre partie ; art. L632-
2609 les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui
ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements. Dans toutes les hypothèses
précitées, la sûreté conventionnelle légalement formée ne peut permettre de couvrir la suspicion qui pèse
sur la créance.

369
débiteur pour dettes antérieurement contractées ». Dans le cas où la sûreté est suspecte,
la sanction est l’inopposabilité, laquelle profite à la masse (art. 71-1 AUPCAP révisé).

560. En France, selon l’article L632-1-I du Code de commerce, sont nuls lorsqu'ils sont
intervenus depuis la date de cessation des paiements les actes suivants : « 9° Tout
transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne
soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ; 10° Tout
avenant à un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un
patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ».
L'action en nullité est exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le
commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Elle a pour effet de reconstituer
l'actif du débiteur (art. L632-4 c.com).

561. Conclusion 1. Les cas de suspicion de la sûreté ont tendance à évoluer à mesure que
la législation du droit des entreprises en difficultés est modifié. C’est ainsi que la révision
de l’AUPCAP a augmenté le risque de la sûreté par l’ajout de nouveaux cas de suspicion.
Il faut relever que la sûreté conventionnelle n’est pas la seule à pouvoir être suspectée,
c’est dire que le contrat de sûreté permet l’égalité des chance comme l’égalité des risques.

2- La déloyauté subjective de la sûreté

562. La faute du créancier. Le créancier peut voir les effets de sa sûreté neutralisés parce
que sa responsabilité est personnellement engagée en raison de sa participation aux
difficultés de l’entreprise. Selon l’article 118 AUPCAP révisé, les tiers créanciers qui, par
leurs agissements fautifs, ont contribué à retarder la cessation des paiements ou à
diminuer l'actif ou à aggraver le passif du débiteur peuvent être condamnés à réparer le
préjudice subi par la masse sur action du syndic agissant dans l'intérêt collectif des
créanciers (al. 1er). La juridiction compétente choisit, pour la réparation du préjudice, la
solution la plus appropriée, soit le paiement de dommages-intérêts, soit la déchéance de
leurs sûretés pour les créanciers titulaires de telles garanties (al. 2).

370
563. En droit français, selon l’article L650-1 du Code de commerce610, lorsqu'une
procédure de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour
responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude,
d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en
contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci (al. 1er). Pour le cas où la
responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses
concours peuvent être annulées ou réduites par le juge (al. 2).

564. La faute du tiers garant. Lorsque la sûreté est consentie par un tiers, le créancier qui
en bénéficie peut indirectement voir les effets de sa sûretés neutralisés via le mécanisme
de l’extension de procédure collective. Ainsi, la décision d'ouverture d'une liquidation des
biens d'une personne morale produit ses effets à l'égard de tous les membres
indéfiniment et solidairement responsables du passif de celle-ci et entraine, à l’égard de
chacun d’entre eux chacun d'entre eux, soit le redressement judiciaire, soit la liquidation
des biens, en fonction de leur situation (art. 33 al. 4 AUPCAP révisé). En cas de liquidation
des biens d'une personne morale, peut être déclaré personnellement en redressement
judiciaire ou en liquidation des biens tout dirigeant qui a, sans être en cessation des
paiements lui-même : exercé une activité professionnelle indépendante, civile,
commerciale, artisanale ou agricole soit par personne interposée, soit sous le couvert de
la personne morale masquant ses agissements ; disposé du crédit ou des biens de la
personne morale comme des siens propres ; poursuivi abusivement, dans son intérêt
personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des
paiements de la personne morale. La juridiction compétente peut également prononcer
le redressement judiciaire ou la liquidation des biens des dirigeants à la charge desquels a
été mis tout ou partie du passif d'une personne morale et qui n'acquittent pas cette dette
(art. 189 AUPCAP).

En droit français, l’article L621-2 du Code de commerce prévoit qu’à la demande de


l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la

610
Modifié par Ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 - art. 129.

371
procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de
confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale
(al. 2). Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur
entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé
par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a
commis un manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-
6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un
créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure (al.
2).

565. La sûreté consentie par un tiers peut être neutralisée par la mise en jeu de la
responsabilité du dirigeant de la société en liquidation qui l’a consentie. Ainsi, selon
l’article 183 AUPCAP révisé, lorsque la liquidation des biens d'une personne morale fait
apparaître une insuffisance d'actif, la juridiction compétente peut, en cas de faute de
gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider, à la requête du syndic, du
ministère public ou de deux contrôleurs611, ou même d'office, que les dettes de la
personne morale sont supportées en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par tous
les dirigeants ou certains d'entre eux (al. 1er). Cette disposition est également applicable
dans le cas où un dirigeant retiré a continué d'intervenir dans la gestion sociale comme
dirigeant de fait, même si le retrait a fait l'objet de publicité, ou encore lorsque la situation
ayant abouti à l'insuffisance d'actif a été créée alors que le dirigeant retiré se trouvait
encore en fonction (al. 2). L’assignation du syndic ou celle des contrôleurs, ou la requête
du ministère public, doit être signifiée à chaque dirigeant mis en cause huit jours au moins
avant l’audience. Lorsque la juridiction compétente se saisit d’office, le président les fait
convoquer, par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen
permettant d’établir la réception effective par le destinataire, à la diligence du greffier,
dans les mêmes délais (al. 3). La juridiction compétente statue dans de brefs délais, après

611
Dans les conditions de l'article 72 alinéa 2 ci-dessus

372
avoir entendu le juge-commissaire en son rapport et les dirigeants en audience non
publique (al. 4)612.

En droit français, selon l’article L651-2 du Code de commerce 613 lorsque la liquidation
judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut,
en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le
montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les
dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de
gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les
déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant
de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance
d'actif ne peut être engagée (al. 1)614.

612
La juridiction compétente est celle qui a prononcé le redressement judiciaire ou la liquidation des biens
de la personne morale (article 184). Aussi peut-elle enjoindre aux dirigeants à la charge desquels a été mis
tout ou partie du passif de la personne morale de céder leurs parts sociales, titres de capital ou valeurs
mobilières donnant accès au capital de celle-ci ou ordonner leur cession forcée par les soins du syndic, au
besoin après expertise. Le produit de la vente est affecté au paiement de la part des dettes art. 186 L'action
en comblement du passif se prescrit par trois (03) ans à compter de l'arrêté définitif de l'état des créances.
En cas de résolution ou d'annulation du concordat de la personne morale, la prescription, suspendue
pendant le temps qu'a duré le concordat, recommence à courir. Toutefois, le syndic dispose à nouveau,
pour exercer l'action, d'un délai qui ne peut, en aucun cas, être inférieur à un (01) ande la personne morale
mise à la charge de ces dirigeants. (article 185) art. 187 Lorsqu'un dirigeant d'une personne morale est déjà
soumis à une procédure de redressement /judiciaire ou de liquidation des biens, le montant du passif mis
à la charge de ce dirigeant est / déterminé par la juridiction compétente qui a prononcé le redressement
judiciaire ou la liquidation des biens de la personne morale (al. 1er). Dans ce cas, le syndic de la procédure
collective de la personne morale produit au redressement judiciaire ou à la liquidation des biens du
dirigeant (al. 2). art. 188 La décision intervenue en application de l'article 183 ci-dessus est soumise aux
dispositions des articles 36 et 37 ci-dessus (al. 1er). La publication de la décision est effectuée à la diligence
et sous la responsabilité du syndic (al. 2).La publication est faite au Registre du commerce et du crédit
mobilier en ce qui concerne les membres responsables du passif social ou les dirigeants d'une personne
morale commerçante, et, s'ils sont commerçants, sous le numéro personnel des dirigeants (al. 3). Le syndic
procède également, dans un délai de trente (30) jours à compter de la décision, à sa publication dans un
journal d'annonces légales de l'État Partie concerné (al. 4).
613
Modifié par LOI n°2016-1691 du 9 décembre 2016 - art. 146 art. L651-1.
Modifié par Ordonnance n°2010-1512 du 9 décembre 2010 - art. 6.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux dirigeants d'une personne morale de droit privé
soumise à une procédure collective, ainsi qu'aux personnes physiques représentants permanents de ces
dirigeants personnes morales et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée.
614
Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur
individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut, dans les mêmes
conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à
sa charge s'impute sur son patrimoine non affecté (al. 2).

373
566. Conclusion 2. Les cas d’extension de procédure collective comme les cas de
responsabilité pesant sur le tiers à l’entreprise ont tendance à évoluer à mesure que la
législation du droit des entreprises en difficultés est modifié. C’est ainsi que dans la
législation française, les fausses extensions de procédure collective avaient disparues pour
faire place à une obligation aux dettes sociales qui à son tour n’existe plus ; ou encore le
cas de la responsabilité du banquier qui aujourd’hui est un principe de non-responsabilité.
Cette fluctuation n’accroit pas totalement le risque de la sûreté consentie par un tiers car
ce dernier ne bénéficie pas nécessairement de la protection accordée au débiteur principal
en difficultés. Cest dire que le contrat de sûreté s’exécute largement dans l’indifférence
des difficultés du débiteur traitées par le droit.

567. Résumé B. La sûreté objectivement déloyale parce qu’elle couvre la certitude d’un
risque d’impayé doit être déclarée suspecte, et donc ne peut profiter au créancier qui l’oppose
à la masse OHADA ou à la procédure collective française. La sûreté subjectivement déloyale
voit ses effets neutralisés, soit parce qu’elle confère un avantage au créancier fautif, soit parce
que le tiers garant a une part de responsabilité dans les difficultés de l’entreprise en
liquidation.

B-Les difficultés posées par la déloyauté

568. La déloyauté du contrat de sûreté pose deux difficultés majeures. L’une quant au
moment de la formation un contrat de sûreté (1), et plus largement l’atteinte qu’elle porte à
la liberté contractuelle, et l’autre concerne la connaissance des difficultés de l’entreprise (2).

1-La conclusion du contrat de sûreté

569. L’extension du domaine des difficultés de l’entreprise a fait déborder le champ de la


suspicion légale au-delà de la date de cessation des paiements fixée dans la décision
d’ouverture de la procédure de liquidation. Dès lors que les difficultés ont vocation à
s’éterniser dans le temps, il en résulte que la formation du contrat de sûreté pourra être
impactée puisque le débiteur aura potentiellement interdiction de consentir un contrat

374
de sûreté. Il en est ainsi, par exemple, du débiteur en procédure de règlement préventif
de droit OHADA auquel il est expressément interdit de consentir un tel contrat615. S’il le
faisait, alors la sûreté serait inopposable de plein droit. La question peut se poser aussi
lorsque le créancier participe à une procédure de médiation ou de conciliation.
Pareillement, la sûreté pourrait être perçue comme étant déloyale.

2-La connaissance des difficultés

570. L’autre difficulté procède de ce que certaines procédures ouvertes à l’encontre du


débiteur en difficultés exigent la confidentialité616. Il est aussi possible que, pour continuer
de bénéficier du crédit que lui procure le silence sur les difficultés rencontrées, le débiteur
s’abstient tout simplement d’en faire état. Se pose alors la question de la connaissance
des difficultés. Comment le créancier peut-il se renseigner si, justement, la communication
n’est pas faite sur la procédure, et dans l’éventualité où ce dernier décide de passer par
un agent des sûretés, dans quelle mesure le silence gardé sur les difficultés pourrait être
source d’un recours pour le créancier bénéficiaire du contrat de sûreté ?

571. Conclusion 2§. Le contrat de sûreté permet d’espérer plus de sécurité d’exécution
des obligations du débiteur. Cependant, la sûreté si elle élève le niveau de sécurité des
créances, elle peut être complexe. Le droit de gage général, en dépit de ses faiblesses
congénitales n’a pas besoin d’un contrat pour sa constitution. Il nait avec le droit de
créance et s’éteint avec lui. En réalité, les contrats de sûreté proposés dans les législations
sont l’apanage de ceux qui ont dans l’entreprise un service juridique. Autrement dit, il
reste à démocratiser l’emploi des suretés pour qu’elles soient accessibles aux entreprises
de moindre envergure, ou alors à opérer un nivellement en sens inverse, en restaurant le
droit de gage général à titre de garantie fiable. Il faudra nécessairement contraindre le
débiteur à respecter la parole donnée lorsqu’il engage son patrimoine envers ses

615
Voir supra.
616
Voir supra.

375
créanciers qui découvrent au moment des difficultés qu’ il ne s’était en réalité engagé qu’à
moitié.

Conclusion chapitre deuxième

572. Tous les créanciers sont égaux sauf cause légitime, le principe d’égalité des
créanciers chirographaires l’exige. Ce principe, en moralisant les rapports entre créanciers
ainsi que leurs rapports avec le débiteur en liquidation, permet d’aboutir de manière
civilisée à l’apurement du passif. Certes, au moment des répartitions chacun des
créanciers reprend sa place, le créancier chirographaire dans la « piétaille ». Cependant,
l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires n’est pas une
fatalité, puisqu’il suffit au créancier chirographaire « stratège » d’obtenir en amont des
difficultés de l’entreprise débitrice, un contrat de sûretés du débiteur ou d’un tiers pour
conjurer le sort. L’inégalité du paiement en cas de concours entre créanciers promise par
contrat de sûreté est un espoir, à moins que ce contrat, bien que légalement formé, ne
soit jugé déloyal à la procédure collective. Dans ce cas, la sûreté déloyale ne pourrait être
perçue comme une « cause légitime » au sens du principe d’égalité des créanciers. La
créance qu’une telle sûreté vise à garantir sera refoulée dans le giron des créances
chirographaires, aux côtés de celles garanties d’une sûreté insuffisante, inopposables ou
inefficaces.

376
Conclusion deuxième partie

573. Il n’y a pas d’affectation du gage commun à la satisfaction de tous, pas plus qu’une
volonté de ramener tous les créanciers du débiteur en procédure de liquidation à la qualité
de créanciers chirographaires par l’application du principe d’égalité des créanciers à la
procédure de liquidation ; et pas même au créancier chirographaire qui veut y échapper
au moyen d’un contrat de sûreté. Si aucun de ces postulats ne trouve à se vérifier à la
procédure de liquidation, cela ne signifie pas, que le principe d’égalité des créanciers est
neutre pour le créancier chirographaire, comme pour les autres. Le sens, la valeur et la
portée d'un tel principe se veulent donc plus subtils.

De notre point de vue, le principe d'égalité des créanciers chirographaires est un


instrument de moralisation des rapports entre créanciers et des rapports entre créanciers
et débiteur. Il formalise, in fine, l’obligation pour tous les créanciers de se soumettre à la
procédure collective, ses vicissitudes telles l’égalité du paiement en cas de concours ou la
clôture des opérations de liquidation. Partant, la procédure collective de liquidation,
comme le principe d'égalité des créanciers chirographaires, n'implique pas la négation
définitive des disparités entre créanciers, ce qui justifie le fondement du principe dans
l'article 2285 du code civil qui évoque les causes légitimes de préférences.

574. Aux créanciers du débiteur en procédure de liquidation, le principe d’égalité vient


dire qu’aucun ne sera préféré à un autre sans cause légitime. Partant, ils n’ont que ce qu’ils
méritent. S’ils ont choisi la qualité de créancier chirographaire, c’est sans surprise qu’ils
seront condamnés à endurer toutes les difficultés qu’implique la démarche collective de
la procédure de liquidation, y compris le risque d’impayé. Pour les autres créanciers, ceux
qui jouissent d’une situation d’inégalité, le principe d’égalité constitue une véritable
menace par sa tendance à araser vers le bas les situations jugées « contraires » à l’égalité,
notamment à travers la répression des actes de la période suspecte. Ce faisant, le principe
d’égalité dit aux créanciers qui trichent, que « fraus omnia corrumpit». Ils seront donc
ramenés dans le giron de l’égalité des créanciers chirographaires à la procédure de

377
liquidation pour y espérer l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers plus
ou moins chirographaires au moment des répartitions.

378
Conclusion générale

575. Au terme de nos recherches sur le sort des créanciers d'un débiteur en difficultés en
droit OHADA à la lumière du droit français, nous aboutissons à un constat mitigé.
Déterminés à identifier laquelle, de la législation OHADA ou française, est la plus
égalitariste des deux, il nous fallait un modèle de référence pour mesurer l’égalité que
nous avions d’emblée considérée comme néfaste pour l’investissement. Plus on
constaterait l’égalité, moins la législation aurait en ligne de mire l’intérêt des créanciers.
C’était notre postulat de départ. Le choix d’un étalon de mesure de l’égalité s’est
naturellement imposé. Le créancier chirographaire allait être notre guide parce qu’il ne
dispose que de la garantie du droit de gage général et que cette prérogative est le plus
petit dénominateur commun entre tous les créanciers. Le droit de gage général assis sur
les biens du débiteur le condamne à l’égalité du paiement en cas de concours avec ses
pairs, mais également au respect d’un principe d’égalité des créanciers chirographaires à
la procédure de liquidation (I). A l’arrivée, on peut se demander s’il ne faut pas supprimer
le concept de créancier chirographaire devant la quasi disparition de la règle du paiement
égalitaire en cas de concours et la désertion des créanciers de la catégorie lancés dans une
course à la sûreté et leur facette miroitante de sécurité (II).

I-Au départ…

576. L’égalité du paiement en cas de concours. Nous avons tout d’abord cherché à
vérifier si les législations OHADA et française voulaient appliquer la règle du paiement
égalitaire en cas de concours à tous les créanciers d’un débiteur en difficultés. Nous avons
alors découvert qu’il y avait finalement une quantité infinitésimale de créanciers
chirographaires qui étaient susceptibles d’y être exposés puisque, tant dans la législation
OHADA que dans la législation française, le droit de gage général n’est pas la seule garantie
d’exécution dont jouissent les créanciers.

En réalité, l’étude a montré que le niveau de protection des créanciers à titre supplétif de

379
volonté est élevé, prenant la forme tantôt de sûretés légales (privilèges…) ou judiciaire
(hypothèque forcée…) ; tantôt de la prise en compte d’une situation d’exclusivité de fait à
laquelle le législateur attache des effets de droit (droit de rétention…) ; tantôt d’une
modalité du régime de l’obligation (indivisibilité solidarité)… Autant de techniques qui
mettent le créancier qui en est le bénéficiaire à l’abri de la règle de l’égalité du paiement
en cas de concours entre créanciers chirographaires.

Aussi, l’étude a montré que, pour le créancier qui n’est pas satisfait de ce que le législateur
ou le juge, le cas échéant, lui octroient, il est possible dans les deux législations de se
ménager une situation plus confortable que le droit de gage général par le truchement
d’un contrat de sûreté réelle ou personnelle. Ces sûretés qui prolifèrent se sont
construites pour répondre aux carences du droit de gage général que sont : la limitation
de son assiette (pas de droit de suite) et la pluralité de ses titulaires (tous les créanciers).

577. Constatant qu’il existe en marge des créanciers chirographaires de droit des
créanciers chirographaires par choix, nous avons interrogé ce choix que pouvait formuler
un créancier de se contenter d’un droit de gage général. De manière surprenante, l’étude
montre que, non seulement les législations ne recherchent pas le concours entre
créanciers par le refus de soumettre à une procédure collective tous les débiteurs en
difficultés, mais qu’en outre ces législations refusent de soumettre à l’égalité du paiement
en cas de concours les créanciers d’un débiteur en difficultés qui se place sous la
protection du droit des entreprises en difficultés. Le tout, en autorisant ce même débiteur
à redéfinir les contours du droit de gage général des créanciers ainsi que la consistance de
leur gage commun. Ces choix d’organisation du patrimoine exploité par l’entreprise ne
sont pratiquement pas remis en cause même quand s’annonce la procédure de
liquidation. Autrement dit, si hier le débiteur engageait tous ses biens envers ses
créanciers en cas d’inexécution la menace était celle du paiement égalitaire en cas de
concours entre créanciers chirographaires ; aujourd’hui, le débiteur n’engage plus rien (ou
presque) envers eux mais le paiement égalitaire des créanciers chirographaires en cas de
concours est une menace qui se raréfie jusque dans le droit des entreprises en difficultés.

380
578. Il n’y aurait donc pas nécessairement de lien entre absence de sûreté et égalité du
paiement en cas de concours. La situation de créancier chirographaire peut être choisie
précisément parce qu’il y a un recul du concours sur les biens du débiteur. Enfin, de la
pluralité de créanciers impayé et saisissants, il peut aussi jaillir l’inégalité du paiement
pour le créancier chirographaire... Autant de justifications qui nous ont amené à douter
de notre guide.

579. Le principe d’égalité des créanciers chirographaires. L’égalité du paiement en cas


de concours est donc l’apanage du créancier chirographaire à la procédure de liquidation
OHADA ou française, procédure où règne un principe d’égalité des créanciers
chirographaires. Nous avons donc cherché à vérifier le périmètre de l’égalité. Même
étonnement : il n’y a pas d’affectation du gage commun à la satisfaction des créanciers ; il
n’y a pas de relégation de la collectivité des créanciers du débiteur en procédure de
liquidation dans le giron des créanciers chirographaires. Juste une obligation faite aux
créanciers et débiteur de mutualiser le risque de l’entreprise tout en observant un
comportement loyal. Partant, le principe d’égalité ne s’oppose pas au contrat de sûreté
loyal qui hisse la créance au rang de privilégiée. Ainsi, à la différence du créancier
chirographaire « modèle » ou « déloyal », le créancier chirographaire « stratège » peut
prendre part à la procédure collective à la place qui lui est assignée par son contrat de
sûreté jugé loyal après vérification, et donc perçu comme « légitime » au sens du principe
d’égalité.

II-A l’arrivée

580. Le créancier chirographaire est tantôt épouvantail servant à alerter le créancier du


péril auquel il s’expose en l’absence de sûreté, tantôt le parangon du créancier modèle à
la procédure de liquidation… Parce qu’il ne dispose que du droit de gage général pour
garantir l’exécution de sa créance et tombe dans tous ses écueils, la doctrine s’est
longtemps lamentée sur le sort réservé aux créanciers chirographaires, toujours prompte
à constater un recul de l’égalité dans les projets législatifs ou à saluer son retour. Mais le
spectre du créancier chirographaire ne hante plus, ni la sphère des difficultés de

381
l’entreprise, ni la procédure de liquidation qui était pourtant son fief.

581. Pour cause, les législations OHADA et française ont toutes deux acté de la disparition
de la substance du droit de gage général. Dans le même temps, elles se sont fait force de
conjurer le concours entre créanciers, soit pour qu’il n’advienne pas, soit pour que sa
conséquence ne puisse être l’égalité du paiement même pour les créances
chirographaires. Pour les créanciers chirographaires avertis, la prolifération des sûretés
aura été l’occasion de déserter la catégorie. De fait, en dehors du créancier muni d’une
sûreté insuffisante, inopposable ou inefficace, on peine à identifier un créancier
chirographaire à la procédure collective.

582. Il règne donc dans les législations OHADA et française une forte tendance au refus
de l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers chirographaires par une
élévation du niveau de protection de tous, si bien qu’il convient désormais d’élever le
niveau d’analyse ; la prolifération des sûreté conventionnelles apportant plus à l’égalité
des créanciers que l’affectation du gage commun à leur satisfaction. Autrement dit, le sort
des créanciers d’un débiteur en difficultés ne peut plus s’analyser par le bas, c’est-à-dire
sous le prisme du sort des créanciers chirographaires, mais par le haut, c’est-à-dire sous le
prisme des créanciers pouvant échapper à l’égalité du paiement en cas de concours entre
créanciers chirographaires. De ce point de vue, la législation française, par la variété des
sûretés qu’elle propose, semble plus soucieuse des intérêts des créanciers qui peuvent se
l’offrir, que la législation OHADA.

382
INDEX

A G
actes uniformes, 10 gage, 64
action directe, 58 constitution, 65
action oblique, 168 effets, 67
action paulienne, 167 extinction, 72
agent des sûretés, 195 gage de stocks, 73
apport en nature, 180 gage du matériel professionnel et de véhicules
apport en numéraire, 180 automobiles, 72
Arrêt des poursuites individuelles, 242 gage immobilier, 94
garantie autonome
effets, 112
C formation, 112
cautionnement, 101
effets, 104 H
extinction, 107
formation, 101 hypothèque conventionnelle, 86
modalités, 103 constitution, 87
Clôture de l’union, 312 effets, 91
clôture pour insuffisance d’actif, 315 règles de forme, 89
compensation, 42 hypothèque judiciaire, 33
conciliation, 217 hypothèque légale, 32
concordat préventif, 235
contrat de bail à usage professionnel, 329
Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, 11
I
créancier chirographaire, 23 indivisibilité des obligations, 53
insaisissabilité, 185
D 262. L’insaisissabilité de droit, 185
262. L’insaisissabilité permise, 187
débiteurs coobligés, 49 notion, 185
délais de grâce, 170
dessaisissement, 240
distribution du prix des immeubles, 361
L
distribution du prix des meubles, 358 L’égalité des créanciers chirographaires
droit de gage général notions, 15
Absence d'harmonisation, 14 Les privilèges
droit de propriété, 46 les privilèges généraux, 24
droit de rétention, 38 lettre d’intention, 116
généralités, 38
N
E
nantissement
effet réel de la procédure collective généralités, 75
périmètre, 126 nantissement de compte bancaire, 78
entreprenant, 190 nantissement de créance, 76
exécution du débiteur, 132 nantissement de créances, 76
injonction de payer, 137 nantissement des droits d'associés et valeurs
le paiement, 132 mobilières, 79
paiement forcé, 141 nantissement du fonds de commerce, 82
extension de procédure, 255 nantissement judiciaire, 34

F O
fiducie, 194 Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle
fiducie-gestion, 196 O.A.P.I., 47

383
P revendications, 289

paiement indu, 352


patrimoine, 187, 254, 255, 277, 375
S
patrimoine social, 180 saisie conservatoire, 35, 165, 186
poursuite des contrats, 326 saisie immobilière
priorité de saisie, 142 222. Pluralité de saisies immobilières, 157
priorité de saisie des biens professionnels, 192 généralité, 149
privilèges généraux, 25 le commandement, 152
Privilèges généraux publication du commandement, 155
classement, 26 saisie-attribution de créances, 162
Domaine, 25 saisies conservatoires, 164
généralités, 25 conversion, 166
privilèges spéciaux, 28 saisie-vente, 144
prix de la course, 144 l'opposition, 146
procédure de conciliation, 219 le commandement, 146
procédure de redressement judiciaire, 224, 236, 243, société, 177
261 notion, 177
procédure de règlement préventif, 222 société unipersonnelle, 183
procédure de sauvegarde, 223, 246 solidarité, 51
propriété à titre de garantie sûreté pour autrui
cession de créances à titre de garantie, 98 sûreté réelle pour autrui, 118
transfert fiduciaire d'une somme d'argent, 99 sûretés personnelles, 62
propriété cédée à titre de garantie, 97 sûretés pour autrui, 101
propriété retenue à titre de garantie, 96 cautionnement, 101
propriété-sûreté, 96 garantie autonome, 109
sûretés réelles, 61
R
redressement, 261
T
règlement préventif, 223 traitement des difficultés de l'entreprise
reprise des poursuites individuelles, 316 les procédures instituées dans l'OHADA, 124
restitutions, 293

384
Bibliographie

CODES / ENCYCLOPEDIE

- Traité, Actes uniformes et Règlements OHADA annotés et commentés., Juriscope.


4ème édition. 2014.

- Traité – Actes uniformes – Règlements de procédure et d’Arbitrage – Jurisprudence


annotée – 4ème Edition 2016 – Juriafrica.

- POUGOUE Paul Gérard (sous la direction du professeur) Encyclopédie du droit


OHADA. Editions Lamy. 2012. (ENCYCLOPEDIE - DROIT OHADA), LAMY.

- Gérard Cornu- « Vocabulaire juridique » - Association Henri Capitant ; Quadrige /


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- « Code civil » annoté et commenté – DALLOZ.

- Claude Witz , Fasc. unique DROIT DE GAGE GÉNÉRAL, JurisClasseur Civil Code Art.
2284 et 2285

- Joseph ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA 2013 - Jurisprudence et Bibliographie -


UNIDA

- Joseph ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA 2012 - Jurisprudence et Bibliographie –


UNIDA, 2012.

- Joseph ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA 2011 – Jurisprudence - UNIDA.

385
- Joseph ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA 2006 – 2010 - Jurisprudence et
Bibliographie – UNIDA.

- Joseph ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA 2000 – 2005 - Jurisprudence et


Bibliographie – UNIDA.

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portant droit général des obligations dans l’espace OHADA-OHADA- Fondation pour le droit
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OHADA

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du passif. Editions. L’Harmattan. Mai 2012.

- CROCQ Pierre, Lionel Black YONDO, Michel BRIZOUA-BI, Olivier FILLE LAMBIE,
Louis- Jérôme LAISNEY, Ariane MARCEAU-COTTE- Le nouvel Acte uniforme portant
organisation des sûretés -. Editions Lamy, septembre 2012.

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droit des procédures collectives d’apurement du passif (OHADA) » - EDJA n°56 –
OHADATA D-06-47

- « Réflexion sur l’égalité des créanciers dans les procédures collectives OHADA » -
Dr. Sara Nandjip Moneyang - Revue des procédures collectives n°4, juillet 2010,
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// Collection Horizons Juridiques Africains, Volume 1, Université́ Paul Cézanne Aix-
Marseille III, Faculté́ de droit et de science politique, Centre de Droit Économique.
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OHADA : ambiguïtés et ambivalence ».- Revue Penant n° 878, janvier-mars 2012,
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- ALGADI Aziber Seïd - « Le pouvoir de contrôle des créanciers sur les contrats
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ou facticité́ ? » Revue Penant, n° 867.

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- NGOM Mbissane, « La situation du propriétaire dans le droit OHADA des


procédures collectives d’apurement du passif ». Revue Sénégalaise de Droit des
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- BROU KOUAKOU Mathurin, « La protection des vendeurs de biens avec clause de


réserve de propriété́ dans les procédures collectives: rapport du traité O.H.A.D.A. »
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- FENEON Alain, « Le pacte commissoire: une innovation importante du nouvel Acte


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- KENFACK DOUAJNI Gaston, Les nouvelles sûretés introduites dans l’Acte uniforme
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novembre-décembre 2011, p. 81..

- LABITEY Dalé Hélène, Quel droit des sûretés réelles pour l’OHADA ? Revue
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: Propos introductifs autour d’une refonte d’envergure du droit des sûretés ».
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FRANCE

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- - Manuella Bourassin, Vincent Brémond, Marie-Noëlle Jobard-Bachellier « Droit des


sûretés » – coll. Université, SIREY 3ème édition, 2011.

- Corinne Saint-Alary-Houin, « Droit des entreprises en difficulté » - 5ème édition –


MONTCHRETIEN, Domat droit privé

- Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Philippe Stoffel-Munk, « Les obligations » - Droit


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2009
- « Propriété et garantie », Pierre Crocq – Bibliothèque de droit privé Tome 248,
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- Michel Cabrillac - « Les ambiguïtés de l’égalité entre les créanciers » -– in


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- Philippe Roussel-Galle, « Effet réel et effet personnel des procédures judiciaires »


–- Droit et Patrimoine, Nº 223, 1er mars 2013.

- Ph. Roussel Galle « La théorie du patrimoine et le droit des procédures collectives »-


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- « La sauvegarde n'a pas d'effet réel » – Jean-Luc Vallens – RTD com. 2010. 794.

393
Deleted
Dele
Delet
Dele
Dele
Table des matières Delete
Delet
SOMMAIRE..................................................................................................................................................12
Dele
INTRODUCTION .........................................................................................................................................13
Dele
PREMIÈRE PARTIE : L’ÉGALITÉ DU PAIEMENT EN CAS DE CONCOURS ENTRE CRÉANCIERS
CHIROGRAPHAIRES .................................................................................................................................26 Dele
Dele
CHAPITRE PREMIER : QUELQUES CRÉANCIERS DU DÉBITEUR EN DIFFICULTÉS TENUS À L’ÉGALITÉ EN CAS DE
CONCOURS ..................................................................................................................................................27 Deleted
I- L’égalité résistible ..............................................................................................................................27 Delete
1§- Les exceptions à l'égalité ............................................................................................................................. 28
A- Les privilèges ..................................................................................................................................... 28 Delet
1- Les privilèges généraux ....................................................................................................................... 28 Dele
2- Les privilèges spéciaux........................................................................................................................ 32
B- Les autres sûretés ............................................................................................................................... 34 Dele
1- L’hypothèque légale et judiciaire ......................................................................................................... 34
Delet
2- Le nantissement judiciaire ................................................................................................................... 37
2§- Les dérogations au concours ........................................................................................................................ 40 Dele
A- L’exclusivité sur un bien..................................................................................................................... 40
Dele
1-Le droit de rétention ............................................................................................................................. 41
2- La compensation ................................................................................................................................. 45 Delete
3- Le droit de propriété ............................................................................................................................ 49
Delet
B- Le régime de l’obligation .................................................................................................................... 52
1-La pluralité de débiteurs coobligés ........................................................................................................ 52 Dele
2-L’action directe .................................................................................................................................... 61
Dele
II- L'égalité réversible ............................................................................................................................63
1§- Les exceptions conventionnelles .................................................................................................................. 66 Delet
A-La préférence sur le prix d’un bien meuble ................................................................................................ 67
Dele
1-Le gage ................................................................................................................................................ 67
2- Le nantissement................................................................................................................................... 78 Dele
B- La préférence sur le prix d’un immeuble................................................................................................... 88
1-L’hypothèque conventionnelle .............................................................................................................. 89 Deleted
2- Le gage immobilier ............................................................................................................................. 96 Deleted
2§- Les dérogations conventionnelles ................................................................................................................. 98
A-La propriété-sûreté ................................................................................................................................... 98 Deleted
1- La propriété retenue à titre de garantie.................................................................................................. 99 Delete
2-La propriété cédée à titre de garantie ................................................................................................... 100
B- Les sûretés pour autrui ........................................................................................................................... 103 Delet
1- Le cautionnement .............................................................................................................................. 103 Dele
2-Les avatars ......................................................................................................................................... 111
CONCLUSION CHAPITRE PREMIER ............................................................................................................... 123 Dele
CHAPITRE DEUXIÈME : QUELQUES BIENS DU DÉBITEUR EN DIFFICULTÉ SOUMIS À L’ÉGALITÉ EN CAS DE Delet
CONCOURS ................................................................................................................................................ 124
Dele
I- L’égalité relative ......................................................................................................................... 132
1§-Principe...................................................................................................................................................... 133 Dele
A- Le droit à l’exécution........................................................................................................................ 133
Delete
1-Le paiement volontaire ....................................................................................................................... 133
2-Le paiement forcé............................................................................................................................... 142 Delet
B- L’exécution du débiteur acculé ............................................................................................................... 164
1-Les droits des créanciers préservés ...................................................................................................... 164 Dele
2-Les droits du débiteur acculé............................................................................................................... 171 Dele
2§-Limites....................................................................................................................................................... 174
A- Les exceptions au droit de gage général ............................................................................................. 177 Dele
1-La société........................................................................................................................................... 177 Delet
2-L’insaisissabilité...................................................................................... Error! Bookmark not defined.
3- La priorité de saisie ........................................................................................................................... 191 Dele
B- Les dérogations à la généralité des poursuites ......................................................................................... 194 Dele
1- La fiducie.......................................................................................................................................... 194
2- Le patrimoine d’affectation professionnelle ........................................................................................ 198 Deleted
II- L’égalité relativisée ......................................................................................................................... 206 Delete
1§-L’actif résiduel ........................................................................................................................................... 208
A- L’actif supérieur au passif exigible.................................................................................................... 210 Delet
1-La conciliation ................................................................................................................................... 216 Dele
2-Le règlement préventif........................................................................................................................ 222
Dele

394
Delet
Dele
Dele
Delete
B- L’actif inférieur au passif exigible .......................................................................................................... 236 Delet
1-La saisie............................................................................................................................................. 237 Dele
2-Le redressement ................................................................................................................................. 259
2§-Le passif résiduel........................................................................................................................................ 267 Dele
A-Un passif social ...................................................................................................................................... 271 Delet
1-Les créanciers de la société à responsabilité illimité............................................................................. 272
2-Les créanciers de la société à risque limité........................................................................................... 272 Dele
B- Un passif « professionnel » .................................................................................................................... 274
Dele
1- L’imperméabilité du patrimoine affecté en question............................................................................ 276
2- L’imperméabilité conditionnée par un texte ? ..................................................................................... 277 Deleted
CONCLUSION CHAPITRE DEUXIÈME............................................................................................................. 281 Deleted:
CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE ....................................................................................................... 282 Deleted:
DEUXIÈME PARTIE : L’ÉGALITÉ DE PRINCIPE DES CRÉANCIERS CHIROGRAPHAIRES À LA Deleted
PROCÉDURE DE LIQUIDATION. ........................................................................................................... 283
Deleted
CHAPITRE PREMIER : TOUS LES BIENS D’UN DÉBITEUR EN PROCÉDURE DE LIQUIDATION ............................... 286 Delete
I- L’actif appréhendé ...................................................................................................................... 286
1§-La saisie ..................................................................................................................................................... 287 Delet
A- Les revendications ............................................................................................................................ 287 Dele
1-Les biens immeubles .......................................................................................................................... 288
2-Les biens meubles .............................................................................................................................. 289 Dele
B- Les restitutions ...................................................................................................................................... 291 Delet
1-Le contrat publié ................................................................................................................................ 292
2-Les droits du conjoint. ........................................................................................................................ 292 Dele
2§-La réalisation.............................................................................................................................................. 298
Dele
A-La cession partielle ................................................................................................................................. 298
1-La réalisation des biens meuble........................................................................................................... 298 Delete
2-La réalisation des immeubles. ............................................................................................................. 300
Delet
B-La cession globale d’actifs ...................................................................................................................... 305
1-L’offre ............................................................................................................................................... 305 Dele
2-L’acceptation ..................................................................................................................................... 306
Dele
II-Le passif apuré ................................................................................................................................. 308
1§- L’actif suffisant ......................................................................................................................................... 308 Delet
A- La liquidation dans les délais ................................................................................................................. 309
Dele
1-La distribution du prix ........................................................................................................................ 309
2-La clôture de la procédure................................................................................................................... 310 Dele
B- L’expiration des délais de liquidation ................................................................................................ 311
1-La clôture de la procédure................................................................................................................... 311 Deleted
2-La reprise des poursuites individuelles ................................................................................................ 312 Delete
2§-L’actif insuffisant ....................................................................................................................................... 313
A- La clôture pour insuffisance d’actif ................................................................................................... 313 Delet
1-L’insuffisance d’actif a priori.............................................................................................................. 314 Dele
2-L’insuffisance d’actif a posteriori........................................................................................................ 314
B- La reprise des poursuites individuelles .............................................................................................. 315 Dele
CONCLUSION CHAPITRE PREMIER ............................................................................................................... 319 Delet
CHAPITRE DEUXIÈME : TOUS LES CRÉANCIERS DU DÉBITEUR EN LIQUIDATION ÉGAUX .................................. 321
Dele
I- L’égalité a priori ......................................................................................................................... 322
1§- Le risque de la procédure ........................................................................................................................... 324 Dele
A-Obligation d’abstention........................................................................................................................... 325
Delete
1-La poursuite des contrats .................................................................................................................... 325
2-Le contrat de bail à usage professionnel. ............................................................................................. 328 Delet
B-Obligation d’action ................................................................................................................................. 331
Dele
1-La production des créances ................................................................................................................. 332
2-La vérification.................................................................................................................................... 335 Dele
2§-Le risque d’impayé ..................................................................................................................................... 341
A- La prolifération des disparités ........................................................................................................... 341 Delet
1-La prolifération des priorités de paiements .......................................................................................... 341 Deleted
2-La prolifération des causes légitimes ................................................................................................... 344
B-Sanction de la déloyauté.......................................................................................................................... 347 Deleted
1-Les paiements suspects ....................................................................................................................... 347 Deleted
2-Le paiement indu rapporté .................................................................................................................. 351
II—L’égalité a posteriori ...................................................................................................................... 353 Delete
1§-Le sort du créancier chirographaire « modèle »............................................................................................ 354 Delet
A -L’égalité incantatoire ............................................................................................................................. 356
1-La distribution du prix des meubles ..................................................................................................... 357 Dele
Dele
Delet
395 Dele
Dele
Delete
2-La distribution du prix des immeubles ................................................................................................. 359 Dele
B- L’égalité désenchantée...................................................................................................................... 362
1-Les « vraies » créances chirographaires ............................................................................................... 362 Delet
2-Les « fausses » créances chirographaires ............................................................................................. 365 Dele
2§-Le sort du créancier muni d’une sûreté ........................................................................................................ 367
A-La déloyauté objective de la sûreté .......................................................................................................... 368 Dele
1-Notion..................................................................................................... Error! Bookmark not defined. Delete
2-Illustrations ............................................................................................. Error! Bookmark not defined.
B- La déloyauté subjective de la sûreté........................................................................................................ 370 Delet
1-La faute du créancier ............................................................................... Error! Bookmark not defined. Dele
2-La faute du tiers garant ............................................................................ Error! Bookmark not defined.
CONCLUSION CHAPITRE DEUXIÈME............................................................................................................. 376 Dele

CONCLUSION DEUXIÈME PARTIE....................................................................................................... 377 Delet


Dele
CONCLUSION GÉNÉRALE ..................................................................................................................... 379
Dele
INDEX ......................................................................................................................................................... 383
Deleted
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 385
Deleted:
TABLE DES MATIÈRES ........................................................................................................................... 394
Deleted:
RÉSUMÉ ..................................................................................................................................................... 397 Deleted:
Deleted:
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Résumé

Titre : Le sort des créanciers d’un débiteur en difficultés OHADA à la lumière du droit
français : l’égalité en question

583. La thèse veut déterminer le périmètre de l’égalité pour comparer les législations OHADA
et française. Le choix du créancier chirographaire comme modèle s’est imposé parce que le
droit de gage général est sa seule garantie d’exécution des obligations monétaires du débiteur
et le plus petit dénominateur commun entre tous les créanciers. Assis sur les biens du
débiteur, il condamne à l’égalité du paiement en cas de concours entre créanciers
chirographaires et la soumission à un principe d’égalité des créanciers chirographaires. Mais
ce périmètre n’a pas pu être établit. Peu de créanciers sont « chirographaires » et peu de biens
du débiteur sont soumis à la saisie d’où procède le concours duquel surgit l’égalité du
paiement ; même par application d’un principe d’égalité, lequel oblige seulement créanciers
et débiteur à mutualiser le risque de l’entreprise en observant un comportement loyal. Ainsi,
contrairement au créancier chirographaire « modèle » ou « déloyal », le créancier
chirographaire « stratège » peu prendre place à la procédure collective dans la catégorie
assignée par contrat de sûreté loyal pour y subir l’égalité des chances. Autrement dit, la
prolifération des sûretés conventionnelles apporte plus à l’égalité des créanciers que
l’affectation du gage commun à leur satisfaction puisqu’en dehors des créanciers munis d’une
sûreté inefficace, insuffisante ou inopposable, on peine à identifier un créancier
chirographaire la procédure collective. Désormais, il faut élever le débat de l’égalité des
créanciers au niveau de ceux échappant au lot commun. De ce point de vue la législation
française par la variété des sûretés proposées protège plus que la législation OHADA.

Title: The fate of the creditors of an OHADA debtor in difficulty in the light of French law:
equality in question

475. The thesis aims to determine the scope of equality in order to compare OHADA and
French legislation. The choice of the unsecured creditor as a model was imposed because the
general lien is its only guarantee of performance of the debtor's monetary obligations and the

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lowest common denominator among all creditors. Sitting on the debtor's property, he
condemns equal payment in the event of a competition between unsecured creditors and
submission to a principle of equality of unsecured creditors. But this perimeter could not be
established. Few creditors are "unsecured" and few of the debtor's assets are subject to
seizure from which proceeds the competition which results in equality of payment; even by
applying a principle of equality, which only obliges creditors and debtors to mutualize the risk
of the company by observing fair behavior. Thus, unlike the "model" or "disloyal" unsecured
creditor, the "strategic" unsecured creditor can take place in bankruptcy proceedings in the
category assigned by a fair security contract to undergo equal opportunities. In other words,
the proliferation of conventional sureties brings more to the equality of creditors than the
allocation of the common pledge to their satisfaction since, apart from creditors provided with
ineffective, insufficient or unenforceable security, it is difficult to identify an unsecured
creditor. collective proceedings. Now, the debate on the equality of creditors must be raised
to the level of those outside the common lot. From this point of view, French legislation,
through the variety of securities offered, protects more than OHADA legislation.

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