C. Cerda-Guzman, Qui Écrit La Constitution
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Carolina Cerda-Guzman
Dans Pouvoirs 2023/4 (N° 187), pages 19 à 30
Éditions Le Seuil
ISSN 0152-0768
ISBN 9782021526271
DOI 10.3917/pouv.187.0019
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raisonnement logique implacable, comme l’aiment les juristes. Dans la
mesure où « une constitution normative est l’œuvre d’un peuple libre[, elle]
devrait donc être élaborée directement par le peuple lui-même1 ».
Pourtant, à l’examen, cette question se révèle bien plus complexe.
Tout d’abord, soyons précis sur les termes. Lorsque l’on affirme que
le peuple doit élaborer la constitution, s’agit-il de l’écrire ? Le verbe
« élaborer » est suffisamment vague pour pouvoir englober une série
d’étapes pourtant distinctes. Habituellement, l’exercice du pouvoir
constituant se matérialise en trois phases : initier, écrire et adopter. Si
l’on considère que le peuple élabore la constitution, il doit donc être
maître de chacune d’entre elles. Or, bien souvent, son rôle se cantonne
à la dernière phase, celle de l’adoption par la voie du référendum. En
cas de majorité de votes positifs, le peuple est alors considéré comme
l’auteur de la constitution. Mais peut-on pour autant considérer qu’il
l’a écrite ? Non, ou alors de manière très indirecte. On constate en effet
que les constitutions ratifiées par référendum contiennent généralement
une liste plus longue de droits fondamentaux que les autres2. Toutefois,
d’un point de vue strictement formel, difficile de pouvoir en tirer la
conclusion que le peuple en est le véritable rédacteur.
Il convient donc de s’en tenir à une définition stricte de l’écriture d’une
constitution, à savoir la mise sur le papier des différents articles de la
1. Élisabeth Zoller et Wanda Mastor, Droit constitutionnel, 3e éd., Paris, puf, 2021, p. 70.
2. Tom Ginsburg, Zachary Elkins et Justin Blount, « Does the Process of Constitution-
Making Matter? », Annual Review of Law and Social Science, vol. 5, n° 5, 2009, p. 217.
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donner toute sa légitimité4. Plus encore, cette participation augmen-
terait l’adhésion, et donc l’attachement des citoyens au texte, voire
renforcerait la confiance mutuelle entre eux et les acteurs politiques5.
Bref, l’écriture de la constitution par les citoyens eux-mêmes serait non
seulement possible mais aussi incontournable.
Toutefois, la doctrine ne semble pas entièrement acquise à cette
évolution. D’une part, il est difficile de démontrer le lien entre écriture
et légitimité d’une constitution. Le monde regorge d’exemples de consti-
tutions n’ayant pas associé le peuple à leur rédaction et qui bénéficient
pourtant d’une grande légitimité, comme en Allemagne ou au Japon.
En outre, les échecs de certaines tentatives d’écriture citoyenne de la
constitution renforcent ce scepticisme. Le cas emblématique du Chili
peut ici servir d’illustration. Après un mouvement de révolte sociale en
octobre 2019, ce pays a connu un « moment constituant » particulièrement
unique. Lors d’un référendum, en octobre 2020, le peuple chilien a été
consulté une première fois sur sa volonté de changement de constitution
et sur les modalités d’écriture du texte. Les votants se sont exprimés à
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l’écriture constitutionnelle aux citoyens, afin d’en évaluer la faisabilité
aussi bien juridique que politique.
Confier l’écriture
de la constitution aux citoyens
6. Guillermo Larraín, Gabriel Negretto et Stefan Voigt, « How Not to Write a Constitution:
Lessons from Chile », Public Choice, vol. 194, n° 3‑4, 2023, p. 233‑247. Pour une analyse dif-
férente des raisons de l’échec du référendum, cf. Carolina Cerda-Guzman, « Autopsie d’un
échec. Retour sur le rejet du projet de constitution pour le Chili », Jus Politicum, n° 29, 2023,
p. 111‑147.
7. Jon Elster, « Forces and Mechanisms in the Constitution-Making Process », Duke Law
Journal, vol. 45, n° 2, 1995, p. 368.
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sentativité. La première fut celle qui visait à faciliter l’établissement de
listes d’indépendants pour l’élection des constituants. Une fois ôté aux
partis politiques le monopole de l’établissement de ces listes, la compo-
sition de l’assemblée s’est révélée bien plus hétérogène que ne l’étaient les
chambres du Parlement jusqu’ici. Composée de « monsieur et madame
Tout-le-monde », cette assemblée renvoyait une image sociologiquement
plus proche de la société que nulle autre institution politique chilienne.
La seconde règle consistait à imposer une parité parfaite entre femmes
et hommes dans la composition de l’assemblée. Ce choix unique dans
l’histoire mondiale des assemblées constituantes repose sur l’idée que la
présence des femmes peut avoir un impact sur le texte final, et notamment
l’inclusion d’un plus grand nombre de droits les concernant. Le contenu
féministe du projet a permis de confirmer cette idée et, au-delà même du
contenu, le processus chilien illustre le rôle croissant des femmes dans
l’élaboration des constitutions, déjà perçu dans les processus ougandais
de 1995, bolivien de 2005 ou népalais de 20088.
À cette transformation des assemblées constituantes s’ajoute une
autre évolution, bien plus puissante encore : la participation directe des
citoyens, à travers des consultations ou des initiatives citoyennes en
matière de normes constitutionnelles. Le recours à la consultation a des
racines anciennes mais il a pris un élan nouveau au Nicaragua. En 1986,
le peuple avait été invité à commenter le projet de nouvelle constitution.
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d’assemblée se distingue des précédents en ce qu’il n’est pas composé de
personnes élues, mais de personnes tirées au sort. Ce critère de sélection
est crucial. Les participants n’étant pas a priori volontaires (puisqu’ils
n’ont pas fait acte de candidature), ils ne sont pas perçus comme les repré-
sentants du peuple (en l’absence d’un mandat explicite), mais davantage
comme son émanation. Si cette modalité d’écriture de constitution reste
encore largement exceptionnelle, elle illustre le tournant délibératif des
processus constituants contemporains.
douze mois, seuls deux ont été laissés au dépôt d’initiatives citoyennes
en matière de normes constitutionnelles.
Une autre question se pose : qui exactement participe à ces consul-
tations et soumet des propositions de norme constitutionnelle ? Ces
mécanismes de démocratie participative ne sont-ils pas réservés à « ceux-
qui-ont-le-temps »9 ? En effet participent à ces consultations bien souvent
des personnes ayant les moyens financiers et culturels de le faire. Cette
barrière d’entrée est encore plus cruelle dans les sociétés fondées sur une
forte inégalité économique et sociale, comme c’est le cas pour la vaste
majorité des pays qui justement se lancent dans une telle aventure. Ce
problème central, pour le moment non résolu, constitue une des grandes
limites de la participation citoyenne.
En outre, l’écriture participative présente en elle-même des incon-
24 vénients non négligeables. L’un d’entre eux serait son inefficience :
elle ne serait pas un moyen idoine pour parvenir à un texte constitu-
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tionnel de qualité. Elle aboutirait à des textes inutilement longs et peu
cohérents. Toutefois, cet argument est peu convaincant puisque des
processus non participatifs ont pu, eux aussi, produire des textes longs
et de faible qualité. Un autre inconvénient serait l’affaiblissement du
rôle des partis politiques que ces procédés engendrent, soit du fait de la
forte présence d’indépendants dans les assemblées constituantes, comme
au Chili, soit du fait du tirage au sort dans les assemblées citoyennes,
comme en Islande ou en Irlande. Or les partis sont perçus comme les
meilleurs leviers pour parvenir à des positions communes et consensuelles.
Cependant, arguer de la nécessité de donner aux partis politiques un rôle
éminent dans l’écriture de la constitution est une erreur sur le plan non
seulement historique mais aussi politique. Historique, car un certain
nombre de constitutions, toujours en vigueur, ont été rédigées sans que
les partis politiques en aient été les principaux rédacteurs, comme aux
États-Unis, ou d’une certaine façon en France avec la Constitution de la
Ve République – pensons également au cas des constitutions internatio-
nalisées10. L’erreur est aussi politique car c’est oublier que ces procédés
ont été créés précisément pour répondre au discrédit dont font l’objet
les partis dans certains pays. Ainsi, appeler à un renforcement de la
politique partisane, dans des contextes où elle n’est plus audible, ne
paraît pas être une solution adaptée.
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discussions plénières). Or une telle combinaison est incompatible avec
l’idée même d’écriture participative.
Ainsi, confier l’écriture de la constitution aux citoyens induit des défis
majeurs pour le constitutionnalisme. Mais, imaginons que l’on parvienne
à relever chacun de ces défis, une telle écriture serait-elle pour autant
en mesure d’aboutir ?
Confisquer l’écriture
de la constitution aux citoyens
citoyennes avaient été déposées, mais seules 2 496 ont été considérées
comme admissibles par le secrétariat technique créé au sein de l’assemblée
constituante. Une fois ce filtre passé, les propositions devaient chacune
recueillir au moins quinze mille signatures citoyennes. Finalement, seules
77 initiatives ont atteint ce seuil. Est-ce à dire que 77 articles du projet
de constitution chilienne de 2022 ont été écrits par les citoyens ? Non,
puisque même une fois le seuil atteint, l’assemblée était libre de décider
d’intégrer ou non les propositions. Or, bien souvent, elle a considéré
que ces propositions faisaient déjà partie, d’une façon ou d’une autre,
du projet de constitution ou qu’il n’y avait pas lieu de les intégrer. Dans
les faits, ce mécanisme n’a eu qu’un impact dérisoire. La tendance à
écarter les propositions issues des consultations citoyennes est récur-
rente, et on remarque que, plus le processus est long et chaotique, plus
26 la participation populaire perd de son importance. Ainsi, en Tunisie, au
moment d’élaborer la troisième version du projet de constitution, les
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suggestions formulées par les citoyens n’ont été que rarement reprises
par l’assemblée constituante.
Cette captation de l’écriture participative peut aussi s’opérer plus en
amont ou plus en aval. En amont, elle se fait à travers l’adoption de règles
préconstituantes. Quand sont établis des principes minimums à intégrer
dans le futur projet de constitution, les rédacteurs voient déjà leur champ
du possible réduit. Si ces règles peuvent trouver un sens particulier dans
le cadre d’une rédaction autoritaire, elles soulèvent des questions dans le
cadre d’une rédaction démocratique et, a fortiori, participative. Qui pose
ces règles ? Au mieux, c’est le peuple qui le fait de manière indirecte via
le Parlement ou d’autres instances élues. Au pire, elles lui sont imposées
par un pouvoir non démocratique. Ces limites préconstituantes sont en
réalité très fréquentes. On les retrouve notamment en Afrique du Sud,
en Égypte, aux Fidji et au Chili.
Lorsqu’elle est opérée en aval, la confiscation prend alors une tournure
plus frustrante encore, comme ce fut le cas en Islande. Le projet de consti-
tution élaboré en 2011 par l’assemblée citoyenne n’a pas rencontré un
accueil très chaleureux au Parlement, seule autorité habilitée à le valider.
Pour tenter de le modifier, le Parlement a organisé un référendum consul-
tatif. En posant six questions précises sur le texte, il espérait pouvoir
l’amender. Le résultat du référendum du 20 octobre 2012 a, au contraire,
conforté la version initiale du projet. Pour autant, la volonté de l’amender
a persisté. Mais, incapables de trouver un accord sur l’ampleur des
modifications à opérer, les parlementaires ont préféré jouer la montre
en refusant de voter le texte. Alors que ce projet constituait le document
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aux procédures participatives pourrait être alors assimilé à une forme
de populisme.
Cette méfiance est renforcée par l’idée que l’élaboration d’une consti-
tution, en tant que texte juridique, nécessite une certaine expertise.
Même lorsque des assemblées citoyennes sont mises en place, les débats
et les échanges sont toujours pilotés par des commissions composées de
juristes et d’experts. Il existe ainsi en matière d’écriture constitution-
nelle une forme d’épistocratie, parfois particulièrement poussée. Les
« pèlerins constitutionnels » ou les « marchands de constitutions » sont
des figures connues du droit constitutionnel. Qu’il s’agisse de profes-
seurs à titre individuel ou d’instituts de recherche (telle la fondation
Max-Planck pour la paix internationale et l’État de droit, pourvue d’une
capacité déroutante à fabriquer des constitutions sur demande dans le
monde entier), ces experts ne bénéficient d’aucune légitimité démocra-
tique et, pour autant, leur action n’est que rarement questionnée. Bien
au contraire, l’échec de certaines tentatives génère un appel à davantage
d’expertise. Après celui du référendum sur le premier projet de consti-
tution au Chili, la solution proposée par les institutions politiques (et
adoubée par la doctrine15) consistait à remettre les experts au centre du
jeu. Ainsi, la rédaction du second projet de constitution a été confiée en
mars 2023 à une commission composée de vingt-quatre experts désignés
par les deux chambres du Congrès. Elle est chargée de rédiger un avant-
projet qui doit ensuite être transmis pour discussion et amendements
à un « Conseil constitutionnel » aux cinquante et un membres élus au
suffrage universel direct. Ce changement de procédure donne l’étrange
impression que, le temps ayant été laissé au peuple de balbutier un texte,
la rédaction est remise entre les mains des gens de raison.
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mais aussi, et avant tout, par des contraintes. Lorsque la demande de
changement de constitution émane de la rue, la participation du peuple
à l’écriture apparaît incontournable.
En outre, la valorisation à l’extrême du rôle des experts a ceci de
gênant qu’elle repose bien souvent sur des arguments élitistes diffici-
lement audibles. Le ton parfois condescendant utilisé pour décrire les
échanges au sein des assemblées citoyennes et des assemblées consti-
tuantes composées d’indépendants, ou pour décrédibiliser les proposi-
tions faites par les citoyens, conduit à fragiliser la position des opposants
à une écriture participative de la constitution, car derrière ce discours se
cache fréquemment la peur viscérale d’une « plébocratie » (mobocracy)
fantasmée.
Dès lors, quelle position adopter face aux velléités d’écrire de manière
plus participative la constitution ? S’y opposer frontalement apparaît,
dans certains contextes, tout aussi vain que croire à la possibilité d’une
écriture intégrale et exclusive par le peuple. De notre point de vue, la
participation effective des citoyens à l’écriture de la constitution est
possible, et même souhaitable, mais à la condition que soient éclaircis
au préalable deux points. Le premier tient à la nature de ce « peuple ».
Depuis le début de cet article, le terme « peuple » a été utilisé – disons les
choses franchement – de manière très flottante. Non pas par manque de
rigueur scientifique mais parce que ce terme reste largement indéterminé.
Il est employé, aussi bien par la doctrine que par les acteurs politiques,
de manière très aléatoire sans qu’on puisse le saisir totalement. Lorsque
l’on parle d’une participation du peuple à l’écriture de la constitution,
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de son adoption finale, ou à parvenir à un texte idoine, reflétant les
aspirations des citoyens ? L’objectif est-il d’élaborer un texte rassem-
bleur, fonctionnel, transformateur ou acceptable ? C’est souvent à partir
de ces non-dits que naissent les dissensions et les désillusions. Une fois
l’objectif clairement fixé, il sera possible de concevoir les mécanismes
les plus adaptés pour l’atteindre.
Jusqu’à présent, les pays qui se sont lancés dans un processus consti-
tuant participatif n’ont jamais pris le temps de répondre à de telles
questions. Ceux qui sont attachés à leur actuelle constitution, et qui la
pensent éternelle, ne se sentent pas spécialement concernés. Pourtant,
la durée de vie des constitutions est relativement courte : entre dix-neuf
et vingt et un ans en moyenne16. Avec ses 65 ans, la Constitution de la
Ve République fait de la résistance. Il adviendra nécessairement un jour
où il sera question de la changer. Quelles seront alors les modalités appli-
quées ? Impossible de le savoir mais, quoi qu’il en soit, on ne peut que
conseiller aux générations à venir d’examiner, sans mépris ni générali-
sation, l’expérience de ces pays encore trop peu souvent étudiés par la
doctrine, afin d’écrire, à leur tour, leur propre histoire constitutionnelle.
16. Zachary Elkins, Tom Ginsburg et James Melton, The Endurance of National Consti-
tutions, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 131 et 137.
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