Cardiopathie Et Grossesse
Cardiopathie Et Grossesse
Cardiopathie Et Grossesse
I. Généralités
Cinq à dix grossesses sur 1000 surviennent chez les cardiaques : 9 fois sur 10, cette
grossesse se déroule bien avec un risque très modéré.
Les cardiopathies valvulaires, rhumatismales qui constituent le problème essentiel il
y’a 20 ans, sont aujourd’hui plus rares, sauf chez les cardiopathies congénitales qui
sont plus fréquemment rencontrées.
II. Grossesse et débit cardiaque
Durant la grossesse, l’élévation des taux plasmatiques de progestérone et de la
prostaglandine E2 entraîne une vasodilatation avec augmentation de la capacité des
systèmes vasculaires périphériques.
La stase veineuse est favorisée par la compression cave qu’exerce l’utérus gravide.
L’élévation de la sécrétion de l’aldostérone qui résulte de deux éléments précédents
entraîne dès la 10ème semaine de grossesse une augmentation de la volémie
qu’atteint son maximum à la 34ème semaine. Cette augmentation de la masse
sanguine persiste après l’accouchement pour se normaliser que deux mois plus tard.
L’augmentation des différents métabolismes accroît la consommation d’oxygène.
L’élévation du débit cardiaque (30% à 34 semaines et 80% pendant le travail) est
possible grâce à une augmentation de la fréquence et du travail cardiaque qui est de
50% à la fin de la grossesse et de 80% pendant le travail.
III. Pronostic
1. Pronostic maternel
Cet excès de travail cardiaque, bien assuré par un cœur sain, peut être à l’origine de
décompensation sur un cœur pathologique.
Le pronostic est fonction de la gravité de la cardiopathie, que l’on classe en quatre
groupes selon le New York Heart Association :
Stade I Pas de limitation d’activité physique Bon pronostic
Stade II Activité physique légèrement diminuée, signes Bon pronostic
fonctionnels apparaissent par des efforts violents
Stade III Activité physique diminuée signes fonctionnels Pronostic réservé
apparaissent par des efforts légers
Stade IV Signes fonctionnels apparaissent au moindre effort Pronostic réservé
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2. Pronostic fœtal
Il ne peut être compromis que tardivement et uniquement en cas de cardiopathie
décompensée ou cyanogène.
Il s’agit d’une souffrance fœtale par hypoxie avec augmentation de risque de
prématurité (24%) et de RCIU (10%).
IV. Clinique
1. Circonstances de découverte
- La cardiopathie est connue, déjà opérée parfois (9 cas sur 10) ; elle est bien
tolérée, elle le restera,
- La cardiopathie est découverte fortuitement lors de l’auscultation systématique de
la première consultation obstétricale : anomalie du rythme cardiaque (souffle)
dyspnée d’effort ou même de décubitus,
- La cardiopathie se manifeste au cours de la grossesse ou à son décours (cardio –
myopathies). Elle peut apparaître lors d’un traitement par les βmimétiques (ischémie
myocardique ou œdème aigu du poumon),
- Enfin la grossesse peut être découverte chez une cardiaque grave sous
contraception ou ayant un échec de contraception ou encore dans les circonstances
particulières après transplantation cardiaque.
Dans tous les cas on demande une consultation cardiaque pour établir le pronostic,
les modalités de surveillance et le traitement au cours de la grossesse.
2. Surveillance au cours de la grossesse
Elle sera effectuée par le cardiologue et l’obstétricien.
a) Surveillance cardio – vasculaire
Elle porte sur la tolérance de la cardiopathie qui est appréciée par la clinique (signes
prémonitoires d’un OAP, d’une insuffisance cardiaque) recherchant l’apparition
récente d’une dyspnée, une gêne accrue en décubitus nécessitant la position demi
assise, une tachycardie lors d’une surveillance électrocardiographique (ECG), et
éventuellement échocardiographie, toutes ces anomalies nécessitant l’hospitalisation
de la patiente avec un bilan non invasif par échographie-doppler cardiaque.
La décompensation est rare (12% des cas).
b) Surveillance Obstétricale
Elle sera celle d’une grossesse à risque, on cherchera en particulier les signes
faisant craindre :
- Une menace d’accouchement prématuré,
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- Un retard de croissance Intra-utérin,
- L’anémie sera dépistée systématiquement et prévenue par un traitement
de fer et d’acide folique,
- Les infections urinaires et vaginales seront dépistées et traitées ceci
d’autant plus que peut exister une greffe Oslérienne,
- Une malformation fœtale sera recherchée par échographie ceci d’autant
plus que la mère à une cardiopathie congénitale.
Le risque de transmission est faible, mais la mère souhaite le plus souvent
être rassurée.
V.Traitement
Si la malade est en classe I ou II de la classification fonctionnelle, on se
contentera de surveiller étroitement la malade en faisant un bilan cardiaque
conjointement à l’examen obstétrical,
Si la femme est classée en classe III et IV en début de grossesse ou y passe
au cours de la grossesse, il faut mettre en route le traitement médical.
1) Traitement médical
Le repos s’impose dès le premier trimestre, car dès cette période l’augmentation du
travail cardiaque peut être cause d’accidents paroxystiques dans les rétrécissements
mitraux serrés.
Celles qui passent le cape sans complication, une hospitalisation systématique doit
être prévue à 32 semaines d’aménorrhées ou si les conseils d’hygiène ne sont pas
parfaitement suivis ou s’il existe une grossesse gémellaire et dans les autres cas
l’hospitalisation se fera à 36 SA.
-Le régime sans sels et les diurétiques gardent leur unique indication chez les
cardiaques et ils sont prescrits dès qu’apparaissent des signes fonctionnels
d’intolérance (dyspnée, toux, tachycardie…),
-Les anticoagulants peuvent être indiqués chez les cardiaques décompensés ou
porteurs d’une prothèse,
-Les anti vitamines K, s’ils étaient présents avant la grossesse, doivent être arrêtés
et ils sont remplacés par un traitement à l’héparinate de calcium qui est poursuivi
pendant toute la durée de la grossesse.
- Les digitaliques peuvent être prescrits s’ils sont nécessaires : la digoxine sera
préférée.
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-Les anti arythmiques (Dihydan, cordarone, xyclocoine), sont par contre formellement
contre-indiqués à raison du risque qu’ils entraînent chez le fœtus. Le rythmodan,
cardiorythmine, l’isoptine, quinidine peuvent être prescrits,
-Les βbloquants peuvent être utilisés surtout en cas de cardiomyopathie
hypertrophique primitive,
-Les anti hypertenseurs : aldomet (méthyldopa), catapressan (dihydralozine) trandate
(labétalol) sont utilisés sans problème.
Seuls les inhibiteurs calciques tel que adalate* (nifidipine) ; tildien* (diltiazen) et les
inhibiteurs de l’enzyme de conversion : lopril* (captopril) renitec* (enalopril) sont
contre indiqués.
-Les vasodilatateurs : le divadilan (isoxuprine) peut être prescrit
2) Traitement obstétrical
-Le problème de l’avortement thérapeutique peut se poser en début de grossesse
chez les patientes décompensées (stade III et IV). Il sera discuter avec la femme et
le cardiologue et réalisé près d’une unité cardio-vasculaire.
La proposition d’une interruption de grossesse est le fait d’un échec de surveillance
et de contraception.
- D’autres cardiopathies contre-indiquent la grossesse de façon transitoire ou
définitive selon les possibilités chirurgicales : ce sont les rétrécissements valvulaires
sérés, les cardiopathies fortement cyanogènes et cœur largement dilaté.
- En cas de menace d’accouchement prématuré, les β mimétiques ne peuvent pas
être utilisés s’il ya des troubles du rythme et de tachycardie. La tocolyse pourra être
faite par l’indométacine (indocid) : 4 gélules à 15mg pendant la journée ou un
suppositoire à 100mg le soir. Ce traitement doit être arrêté au moins une semaine
avant l’accouchement et en tout cas dès la 36ème semaine en raison du risque
d’absence de fermeture du canal artériel et de la persistance de la circulation de type
fœtal.
3) Accouchement des cardiaques
Contrairement à une opinion largement répandue, l’accouchement par voie naturelle
est toujours souhaitable chez la cardiaque du fait des risques maternels lié à la
laparotomie et à des suites d’anesthésie.
Le taux de césarienne n’est que de 28% selon l’expérience de Taurelle.
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Le risque de décompensation brutale pendant le travail n’est pas exclu, mais
l’accouchement doit avoir lieu dans un centre spécialisé où l’anesthésiste,
cardiologue, obstétricien et pédiatre peuvent intervenir en collaboration.
Le travail se déclenche en principe chez une femme hospitalisée.
- La surveillance maternelle et fœtale sera monitorisée,
- Pendant la période de dilatation, on conseillera le décubitus latéral gauche
et l’oxygénation par inhalation,
- La correction des troubles dynamiques par le syntocinon est possible : on
utilisera un mélange de 10UI dans 500cc de sérum physiologique pour
éviter les surcharges volumétriques,
- L’expulsion sera aidée par un forceps ou la ventouse,
- L’anesthésie péridurale est contre indiquée si la patiente est sous
anticoagulants,
- Une césarienne peut être nécessaire : il vaut mieux la prévoir que de la
faire au cours de travail, car les modifications hémodynamiques liées à
l’accouchement sont accrues par l’anesthésie,
- Une consultation anesthésique est indispensable.
4) Les suites de couches
-Les modifications hémodynamiques persistent encore pendant la période des suites
de couches. La patiente est exposée aux risques infectieux et thrombo –emboliques
-Les infections bactériennes au cours des situations obstétricales sont rares ;
néanmoins une antibioprophylaxie lors de césarienne ou de l’épisiotomie est
conseillée par ceftriaxone (2g après clampage du cordon ombilical).
- Les endométrites infectieuses après accouchement sont rares (0,03 à 0,14%),
-Les anticoagulants sont également systématiques (calciparine),
-L’allaitement n’est pas contre indiqué si la cardiopathie n’est pas décompensée
(sauf en cas d’utilisation des anti vitamines K).
5) Contraception et stérilisation
-Les oestroprogestatifs sont contre indiquées dans les cardiopathies emboligènes,
-Les micros progestatifs en continu sont souvent préférables aux contraceptions
locales, orales ou stérilets,
-La stérilisation doit se discuter dans deux cas :
Si la grossesse a aggravé la cardiopathie,
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Si la cardiopathie est sévère, non améliorable par un traitement médical
et chirurgical et qu’elle représente une contre-indication à toute autre
nouvelle grossesse (Stade III et IV).
La stérilisation (ligature des trompes) sera discutée avec le couple et le cardiologue.
6) Conseils pour une grossesse ultérieure
- On conseille à la patiente de programmer ses grossesses rapidement et en nombre
limité,
- Une nouvelle grossesse est déconseillée si un accident gravido-cardiaque est
survenu et si aucune cure chirurgicale n’est possible. Dans tous les autres cas la
planification d’une éventuelle grossesse ultérieure est impérative.