Droit Constitutionnel S1 Transcrit Par Ruddy A

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DROIT CONSTITUTIONNEL U1 S1

PRESENTATION DE LA MATIERE

À la matière, qui s'intitule droit, constitution. Cette matière est traditionnellement divisée en 2
semestres, un premier semestre consacré aux fondements du droit constitutionnel essentiellement.
Ces fondements peuvent être théoriques avec un certain nombre de notions, des notions clés. Qui
correspondent à la définition finalement du droit constitutionnel et des notions que l'on retrouve dans
la quasi-totalité des États du. Hé. La Constitution, la démocratie où parfois l'absence de démocratie.
Mobilier, la séparation ? Parfois, l'absence de séparation des pouvoirs, cette question de la séparation
des pouvoirs d'ailleurs, est aussi l'occasion, traditionnellement, dans les enseignements de droit
constitutionnel, de regarder les applications de cette séparation des pouvoirs. Application à
l'étranger avec l'idée de modèle, un régime présidentiel, le régime parlementaire. Ou les régimes
parlementaires d'ailleurs, et donc de s'intéresser à ce qui se passe dans différents pays du monde,
les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Russie ou d'autres pays, mais. Ces.
Constitutionnel, qui constitué l'essentiel de du premier semestre. Eh bien, elles sont aussi des
fondements historiques, car le régime français contemporain, celui de la 5e République, s'inscrit dans
une continuité qui remonte au moins à 10 789 et qui a vu un certain nombre de régimes se succéder en
France. Monarchiques des régimes républicains, des régimes autoritaires, des régimes libéraux, et on
verra et on vous dira que la France est un peu une sorte de champion. Quant au nombre de
constitutions qui ont pu exister dans l'histoire constitutionnelle française, voilà donc l'objet de ce
premier semestre. Le 2nd semestre sera consacré. Hé compris au régime de la 5e République au
régime français, né en 1950. 2 semestres mais finalement un seul enseignement. Il y a un premier
conseil doit être donné à ceux qui écoutent ces enregistrements, c'est que la matière est en réalité
une matière unique. C'est le droit constitutionnel, ce sont les règles relatives à l'enseignement du
droit dans les facultés de droit ou dans les instituts d'études politiques. Obligé à découper la matière
en 2 semestres, mais il ne faut jamais oublier qu'en réalité, celle-ci forme un tout. Les notions
générales permettent d'expliquer la 5e République et cette 5e République trouve donc ses
fondements dans un certain nombre de notions, comme on l'a dit. Ce qui fait que il ne faut jamais
oublier dans ses enseignements qu'il y a bien 2 semestres et une forme de continuité. Les
enregistrements sont divisés en leçons. Un certain nombre par. Et chacune de ces leçons est elle-
même divisée en piste, c'est à dire qu'ils correspondent à des subdivisions qui correspondraient à des
chapitres ou à des sections ou à des paragraphes dans un. En présence d'étudiants où d'auditeurs où
qui correspondent aussi à ces des subdivisions, des ouvrages de droit constitutionnel qui doivent
accompagner. Ces enregistrer ? En effet. L'enseignement à distance, qui est un enseignement ****
nécessité des des qualités particulières, des qualités des côtes de ces enregistrements, une écoute
qui, bien sûr, ne veut pas se faire de manière continue. Il n'est pas question d'écouter de manière
suivie les 10 leçons. Qui, constitué le premier semestre du cours de droit constitutionnel, ça veut dire
donc une écoute qui peut être fractionnée et une écoute qui nécessité sans doute de revenir en
arrière pour réécouter quelque chose, pour mieux comprendre ce qui a pu être dit parfois un peu
rapidement, ne serait-ce que faute de temps car. Je ne peux pas multiplier le nombre d'heures de de
ces enregistrements, donc une écoute fractionnée, une écoute répétée aussi. Écoute très attentive,
c'est à dire qu'il n'est pas vraiment possible de faire une écoute de ces enseignements en faisant
autre chose. Alors on sait que certains des auditeurs peuvent parfois mettre cette clé USB dans une
voiture et l'écouter ne serait-ce qu'une des embouteillages. Tout cela était éventuellement possible,
mais ce n'est sans doute pas tout à fait suffisant. Et puis, à côté de ces enregistrements, et bien il y
a tout ce qui entouré l'enseignement notamment. Donc on l'a dit, des ouvrages, des ouvrages de droit
constitutionnel. Il en existe un certain nombre sur le marché. Commercial. Et ils ont tous leur qualité
et leurs défauts, donc ce sont au aux lecteurs de faire leur choix du meilleur ouvrage, en tout cas de
celui qui leur paraît le plus approprié qui leur correspond le mieux. Mais ces ouvrages ne suffisent sans
doute pas. Il faut également diversifier les lectures. Et comme la matière est une matière. Qui est
dans l'actualité, il est difficile d'échapper aux questions constitutionnelles en écoutant la radio, en
regardant la télévision ou en prenant un autre. Et donc il faut poursuivre cette lecture des ouvrages
par l'ensemble de ce qui est produit, de ce qui est à la disposition des auditeurs et des lecteurs. Tous
les médias sont sont utiles, tous les médias sont sont possibles. Il n'est pas question de de faire de
privilégier l'un plutôt que l'autre, en tout cas de donner des conseils qui iraient dans le sens. Archie
entre ces médias, même si les journaux papier ont peut-être encore une certaine préférence parce
que ils permettent d'être lus, d'être relu, d'être conservés. Et puis il y a la question des des réseaux
sociaux, qui n'existaient évidemment pas il y a quelques années et qui entourent désormais. Tous les
tous les étudiants, tous les auditeurs, tous ceux qui qui s'intéressent à ces questions et sur ce point,
il faut. Hé sur ces réseaux sociaux, comme on le sait, il y a de tout. Des choses intéressantes. Et puis
il y a ce qu'on appelle depuis quelques années les fake news, c'est à dire des fausses nouvelles qui sont
diffusées et qui sont reproduites parfois dans le monde entier. Traduire ceux qui les lisent, ceux qui
les écoutent en erreur. Donc il faut être très vigilant et faire le tri de ce qui est exact et de ce qui
n'est pas de ce qui est vérifié et de ce qui n'est pas vérifié. La même chose existe aussi avec
Internet. On sait qu'il y a des moteurs de recherche. Qui permettent de trouver des réponses à un
certain nombre de questions, mais un étudiant. Un étudiant intelligent doit être capable de faire le tri
des informations qui sont données et de les hiérarchiser, c'est à dire, c'est pas parce que apparaît en
première ligne. Un site quelconque, que c'est forcément le meilleur, donc il faut toujours faire preuve
de certains recul d'un esprit critique face à la masse des informations qui sont ainsi produites et
diffusées. Et cela est d'autant plus vrai. Bien sûr que c'est une matière vivante, le droit
constitutionnel, c'est une matière qui bouge. Tous les jours, qui a son enracinement dans le temps de
l'histoire, mais qui a aussi à devenir et ce qui est dit en 2019, ne sera peut-être plus en 2020 ou en
2021. Il faut donc être très attentif à ce qui se passe, à ce qui peut évoluer. Et là encore une fois,
exercer un esprit éventuellement critique. Même si ces enregistrements sont actualisés
régulièrement, bien les choses vont parfois tellement vite que il faut être vigilant quant à la véracité
de ce qui est enseigné. Voilà donc ces quelques conseils méthodologiques avant de commencer la
première leçon, qui est donc consacrée à l'État.
I. L’ETAT

1. DEFINITION DE L ETAT

La question de l’Etat est aussi celle du pouvoir politique qui permet de s'interroger sur ce qui peut
distinguer :
• L'Etat,
• Le pouvoir politique,
• D'autres pouvoirs qui existent dans le monde et dans les sociétés qui nous entourent ou la
société française en en premier lieu bien sûr,
• Le pouvoir économique,
• Le pouvoir médiatique,
• Le pouvoir intellectuel si tant est qu'il existe,
• Le pouvoir religieux,
 Qui est sans doute d'ailleurs le plus proche dans l'histoire mais aussi dans le monde
contemporain, du pouvoir politique et dans certains Etats d'ailleurs pouvoir politique et
pouvoir religieux se confondent.
 L'un des exemples tout à fait pertinents, est celui de l'Iran par exemple que l'on peut
ainsi citer.

Notion de pouvoir politique :

Cette notion de pouvoir politique, suscite aussi celle de contre-pouvoir.


• Est-ce qu'il existe des contre-pouvoirs ?
• Et comment se manifestent-t-ils ?
• Est-ce que les manifestations de rue, par exemple, sont une forme de contre-pouvoir,
adressés, dirigés, contre le pouvoir politique ?

Ce pouvoir politique, se concrétise dans beaucoup de sociétés contemporaines, dans l'Etat.


 C'est l'état qui sert de cadre du pouvoir politique.

On peut d'emblée d'ailleurs indiquer que lorsqu'on parle de l'Etat de cette manière, il faut l'écrire
avec un « E » majuscule, pour le distinguer précisément des autres sens du mot état, puisque l'état
lui-même avec un petit « e » désigne un certain nombre d'éléments, présente un certain nombre de
définitions mais qui ne nous intéressent pas directement.

• Une première question peut se poser d'ailleurs qui est celle du nombre d'Etats existants dans
le monde ?

On constate d'ailleurs une inflation de ces Etats, en tout cas du nombre de ces Etats, du fait
d'ailleurs de la décolonisation, et si l'on veut citer 2 chiffres :

 Au moment de la création de l'ONU en 1945, il y avait 51 Etats,


 A l'heure actuelle il y en a plus de 190, le 192ème fut le Monténégro après la
proclamation de son indépendance d'avec la Serbie, tout cela donc dans ce qui était
l'ex-Yougoslavie,
 Et puis le dernier, 193ème en date qui s'intitule le Sud-Soudan, est né à partir d'une
partition, d'une session avec le Soudan à la suite d'ailleurs d'une guerre.
Ces Etats, pour autant, sont un peu moins nombreux que les membres de la fédération internationale
de football que l'on connaît en tout cas en Europe et qui sont 209.

Donc il faut faire attention, il peut y avoir des non-Etats mais qui sont membres quand même de cette
fédération.
Et il y a des Etats qui sont souverains mais qui ne sont pas membres de cette fédération donc il n'y a
pas une identité entre les chiffres.

A l'heure actuelle d'ailleurs, il y a des Etats qui ne sont pas membres de l'ONU mais qui ont un statut
d'observateur ;
 C'est à dire qu'ils peuvent assister aux sessions, aux travaux de l'Assemblée générale
qui ont une mission permanente mais qui ne sont pas membres de l'ONU.

 C'est le cas du Saint-Siège, c'est à dire du Vatican et c'est aussi le cas de la Palestine
que l'on peut appeler aussi parfois les territoires palestiniens ou l'Autorité
palestinienne, qui ont ce statut d'observateur pour des raisons que l'on peut assez bien
deviner.

 Et puis l'admission à l'ONU n'est pas un critère absolu parce que La Confédération
helvétique, celle qu'on appelle parfois la Suisse en tout cas en France, n’est membres de
l'ONU que depuis 2002.

Donc là encore, les chiffres doivent être maniés avec une certaine précaution.

L'Etat est donc une forme :


• Historique,
• Contingente,
• C'est à dire daté,
 Qui correspond à l'heure actuelle à ce que l'on constate du pouvoir politique, mais qui
correspond à un certain degré de civilisation qui s'est développé dans le monde occidental,
c'est-à-dire essentiellement en Europe.

Historique :

Mais il est né dans le monde antique dans le cadre des cités :

• Et notamment les cités grecques, mais qui était limité comme leurs noms l'indiquent à des villes
et à leurs proches territoires,

• Et c'est surtout la Rome antique qui a développé la notion d'Etat moderne, bien sûr existant
sur territoire extrêmement vaste, correspondant une grande partie de l'Europe.

• Cet Etat Romain, d'abord républicain et ensuite impérial, s'est effondré au moment des
grandes invasions et il a fallu CHALEMAGNE, pour essayer de faire une tentative de
restauration de cet Empire, qui aurait succédé à l'Empire Romain, mais l'Empire de
Charlemagne lui-même s'est assez vite effondré.
Donc c'est au moment finalement de ce qu'on appelle la Renaissance, dans l'histoire des arts mais
aussi dans l'histoire politique, c'est à dire à partir du XV/XVIème siècle, pour que l'Etat moderne
apparaisse tel qu'on le connaît plus ou moins à l'heure actuelle.

Et l'Etat n'est pas nécessairement condamné à la permanence ou à la perpétuité si l'on peut dire, car
il y a des théories :

• Philosophiques,
• Politiques,
 Qui cherchent à supprimer l'Etat.

C'est bien sûr le cas des théories anarchistes :


 Qui cherchent à supprimer l'Etat,

Mais c'est aussi le cas des théories marxistes :

 Puisque dans une société sans classe, qui est l'un des objectifs de la théorie marxiste il ne
devrait pas y avoir d'Etat, puisque l'Etat correspond dans cette théorie à l'oppression d'une
classe sur une autre.

 Dans le monde actuel, de la classe bourgeoise sur le prolétariat, en tout cas dans les écrits de
MARX actualisés ensuite par LENINE par exemple.

 Dans une société sans classe, il ne devrait pas y avoir d'Etat.

On voit bien que l'Etat tel qu'on le connaît, correspond à un moment de l'histoire dont on peut dater
bien sûr le début mais dont on ne connaît pas la fin.

Cet Etat moderne d'ailleurs, né encore une fois au moment de la Renaissance, se caractérise par
l'abstraction car il n'y a pas possibilité de rencontrer l'Etat.

Les représentants de l’Etat :

D'où la nécessité de représentants de l'Etat, de personnes chargées d'assurer les tâches de l'Etat.

Alors en représentant de l'Etat on peut le trouver :

 Au niveau local, dans ce que la France désigne sous le nom de préfet par exemple,
 Mais aussi au plus haut niveau.

Seule la monarchie absolue ou les monarchies absolues ont pu en quelque sorte assimiler des individus
et l'Etat, et l'on connaît la fameuse formule de Louis XIV proclamant :

 « L'Etat c'est moi ! »

C’est-à-dire, assimilant la personne physique palpable et le pouvoir politique.

Il n'y a plus notamment en France, depuis la Révolution française, cette consistance physique,
matérielle, de l'Etat et qui n'a plus besoin ou moins besoin d'une incarnation personnelle.
Mais on peut encore trouver ça bien sûr dans les monarchies qui existent dans le monde, dans
lesquelles finalement la personne du Roi, représente l'Etat ou d'une certaine manière est l'Etat.

• Sans aller chercher très loin et bien sûr sans même chercher à faire des comparaisons avec
des monarchies lointaines :
• L'article 88, de la Constitution du Royaume de Belgique, qui ne date que de 1994, prévoit que :

 « Le Roi est inviolable », c'est un peu une formule qui indique une sorte de reste, de cette
conception de la personne sacrée du Roi.

• On trouve la même chose à l'article 42, de la Constitution des Pays-Bas de 1983.

Définition :

Cette recherche de la définition de l'Etat, amène finalement à nous intéresser à des éléments
constitutifs de l'Etat.

Finalement à quoi est-ce que l'on reconnaît un Etat ?

Le droit international, le droit constitutionnel, définissent l'Etat traditionnellement par 3


éléments constitutifs :
 Un territoire,
 Une population,
 Une organisation politique.

Et l'on rencontre une première difficulté terminologique, c'est que le 3ème élément, c'est-à-dire
l'existence d'un pouvoir politique, se confond souvent, ne serait-ce que dans le vocabulaire et le
vocabulaire politique ou le vocabulaire journalistique :
 Avec l'Etat en général.

Donc l'Etat peut avoir un sens très large, désigner la réunion de ces 3 éléments, c'est dans ce sens
qu’on le présente ici, mais il peut désigner l'un de ces éléments, d'où une difficulté terminologique.

Pour éviter ces confusions :

• L'Etat au sens large, prend parfois des dénominations officielles pour les distinguer, ne serait-
ce que dans les documents administratifs, par exemple sur les passeports.

• L'Etat en France, s'appelle la République française,

• L'Etat au Royaume-Uni, s'appelle précisément le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et


d'Irlande du Nord,

• La Russie, s'appelle la Fédération de Russie,

• Ces 3 éléments, ces 3 dénominations, qualifiant l'Etat au sens large.

Voilà donc une première difficulté terminologique, il y en aura malheureusement d'autres ou


heureusement car c'est ce qui permet aussi de réfléchir.
2. LES ELEMENTS GEOGRAPHIQUES ET HUMAINS DE L ETAT

Commençons par les éléments les plus faciles à appréhender, puisqu’ils sont essentiellement des
éléments géographiques et des éléments humains de l'Etat.

Le premier élément donc géographique c'est le territoire :

La taille du territoire importe peu :

• Il y a des territoires très petits qu'on appelle parfois des micro-États,

• Et puis il y a au contraire des Etats extrêmement vastes,

• Il y a des Etats qui sont enclavés c'est à dire compris dans un dans un autre État, c'est bien
sûr le fruit de l'histoire la plupart du temps, parfois douloureuse, c'est le cas :
 De St-Marin,
 Du Vatican,
 Le Royaume du Lesotho en Afrique qui est enclavé au sein de de l'Afrique du Sud,

• Et puis il y a des enclaves qui ne constituent pas des Etats mais qui souhaiteraient être
rattachés à un autre État :

 C’est le cas du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan, donc en Asie Mineure, qui réclame son
rattachement à l’Arménie. Mais ce rattachement n'est pas reconnu ou cette volonté de
rattachement n'est pas reconnue par la quasi-totalité des Etats, à part bien sûr par
l'Arménie.

• Et puis il y a des cas plus complexes comme la région de Kaliningrad, qui était la Prusse
orientale jusqu'en 1945 et qui n'est pas une enclave, mais ce qu'on pourrait s’appeler une
exclave territorial par rapport à la Russie et qui est isolé du territoire russe par la Pologne et
par la Lituanie et qui comprend quand même 1 million d'habitants ce n'est pas rien.

• Et puis y a le problème très contemporain depuis 2014 de la Crimée qui est devenue nouveau
sujet fédéral de la Russie et qui n'est rattaché territorialement pour l'instant à la Russie que
par un pont qui a été inauguré d'ailleurs en en mai 2018.

• Et puis, il y a donc des Etats dont le territoire est parfois éclaté :

 C’est à dire qu’ils ne connaissent pas une continuité territoriale,

 C'est le cas des Etats sous forme d'archipels :

o Comme l'Indonésie qui est extrêmement vaste,


o C’est le cas pour prendre l'exemple de la France et bien des départements, des
régions d'outre-mer ou des collectivités d'outre-mer qui sont plus ou moins
éloignées du territoire métropolitain, c'est à dire du territoire européen de la
France,
o C’est le cas pour les États-Unis de l'Alaska et des îles Hawaï.
 Cette discontinuité on s'en doute, peut parfois être la cause ou la source d'éclatement :

o C’était le cas de ce qu'on appelait les 2 parties du Pakistan, issues elles-mêmes de la


scission de l'Inde avec le Pakistan,
o Mais ce Pakistan était coupé en 2, ce qu'on appelait jusque dans les années 1970 le
Pakistan occidental et le Pakistan orientale, mais séparée par presque 2000 km
o Et puis le Pakistan oriental a fini par faire sécession et à devenir un Etat
parfaitement indépendant du Pakistan et sous le nom de de Bangladesh.

Donc on le voit des Etats qui présentent des configurations territoriales parfois très différentes :

• Avec des petits Etats et des Etats bien sûr très vastes :

 Le plus vaste c'est la Russie qui correspond à peu près à 1/6ème finalement du territoire
immergé au monde et puis il couvre une partie de l'Europe et puis une grande partie de
l'Asie, plus de 9000 km pour une superficie de 17 millions km²,
 Et puis arrive ensuite le Canada,
 Et puis la Chine qui non seulement est un territoire vaste mais est un territoire très peuplé.

Cette question des territoires pose une autre difficulté qui est celle de l'intangibilité des territoires
étatique.

On s'en doute, les territoires, et on le sait par l'histoire, ont toujours fait l'objet de revendications :

 C'est à dire de la volonté pour d'autres Etats de mettre la main sur certaines parties du
territoire ou sur la totalité du territoire d'un autre État.

Donc ces revendications territoriales ont parfois poussé les constitutions à essayer de proclamer
l'intangibilité du territoire :

 C'est-à-dire d'interdire aux pouvoirs publics de consentir à des abandons de territoire.

Il y a quelques Constitutions notamment issues soit de l'ex URSS, soit des pays qui en étaient très
proches jusqu'en 1990 ou 1991, ont essayé de proclamer cette intangibilité :

• C'est le cas par exemple de l'Estonie, ancienne République de l'URSS qui proclame que le
territoire, les eaux territoriales et l'espace aérien de l'Estonie, constituent une entité
inséparable et indivisible.

• Ou c'est le cas également, de la Constitution de la Roumanie qui proclame aussi que le


territoire de la Roumanie est inaliénable.

Ce qui pourrait inciter d'ailleurs à penser qu’un abandon de territoire, pourrait constituer un cas de
trahison de la part des autorités publiques, le cas de haute trahison dirait-on dans ce genre de
contexte, mais bien entendu, encore faudrait-il qu'il y ait des mécanismes de sanctions.

Certains Etats, ont cherché à définir un peu plus géographiquement leur territoire :

• C'est le cas de la Constitution du Portugal de 1976 qui définit ainsi le territoire portugais, en
disant que :
 Le Portugal correspond au territoire historiquement défini sur le continent européen, c'est
à dire le fruit de l'histoire, mais augmenter des archipels des Açores et de Madère.

• Prenons le cas de la France, il n'y a pas ce type de définition géographiquo-historique, au


contraire même l'article 53, alinéa 3 de la Constitution de 1958, prévoit :

 La possibilité de cession, d'adjonction ou d'échange de territoires, mais avec une condition


bien sûr essentielle qui est celle du consentement des populations intéressées.

 Mais ça veut dire que le territoire français peut donc connaître des évolutions, sans que
cela porte atteinte nécessairement à l'indivisibilité juridique et politique de l'Etat, mais
avec une définition géographique, encore une fois qui n'est pas la même.

• Il ne faut se rappeler qu'en 1962, les départements d’Algérie et du Sahara, sont devenus
indépendants sous le nom de République algérienne.

• Et il faut se rappeler que l'archipel des Comores, est situé dans l'océan Indien, à acquis son
indépendance, à l'exclusion de l'île de Mayotte qui est restée française, pour essayer
d'encadrer un petit peu cela et de définir le territoire français, au moins outre-mer.

En métropole la question ne se pose pas vraiment ou plus vraiment, mais outre-mer la révision du 28
mars 2003, a voulu inscrire un article 72-3 et dans son alinéa 2, qui a donc dressé une liste des
collectivités situées outre-mer.

 On se reportera à cette liste qui commence par la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et qui
comprend donc l'ensemble des collectivités situées outre-mer.

Un projet de révision constitutionnelle déposé au mois de mai 2018, mais qui n'est pas adopté au
moment où cet enregistrement est réalisé, prévoit d'ailleurs de consacrer un article spécifique à la
Corse.

 Au-delà de la reconnaissance de la spécificité, cela voudrait dire déjà que la Corse fait partie
du territoire français et qu'elle est ainsi nominalement désignée.

Ce territoire est donc celui de la surface, c'est à dire de la terre d'où vient le mot territoire, mais il
comprend aussi le sous-sol et bien sûr en termes de recherche d'hydrocarbures par exemple, cette
question est tout à fait essentielle.

Mais le territoire n'est pas seulement terrestre, il est aussi maritime puisque les États définissent
une mer territoriale, qui se mesure par 12 miles marins à compter de la ligne de côte (1 mile marin
c'est 1852 m) et puis au-delà de cette mer territoriale, il y a ce qui s'appelle la zone économique
exclusive, qu’on appelle parfois la ZEE et qui englobe le plateau continental sur lequel repose le
territoire.

 Et là cette zone économique exclusive, est beaucoup plus importante puisque c'est 188 miles
marins.

 Si on additionne donc 12 miles et 188 miles, on s'aperçoit que ça fait 200 miles marins à
compter de la ligne de côte.
 Sur cette zone économique exclusive, qui est parfois qualifiée de mer patrimoniale, domine la
question de l'exploitation des richesses maritimes, marines ou d'ailleurs sous-marines, à la fois
pour la pêche pour la recherche de pétrole ou sur d'autres choses.

 Et au-delà de cette ZEE, il y a ce qui s'appelle la haute mer qui elle est libre.

La terre, la mer, mais aussi pourrait-on dire l'espace, puisqu’au-dessus du territoire terrestre et du
territoire d'ailleurs maritime il y a un espace aérien dans lequel la souveraineté peut s'exercer de la
part des Etats qui sont ainsi survoler.

A l'heure actuelle, est exclue l'espace extra-atmosphérique qui reste libre et dans lequel, peuvent
circuler des satellites jusqu'à ce que peut être un jour, il y a une sorte de découpage de cet espace
extra-atmosphérique, mais on n'en est pas là.

La 2nde partie, le peuple ou la population :

A côté de cet élément géographique, il y a donc un élément personnel qui est la population ou le peuple
et on va voir, même sommairement, la distinction qui peut exister entre la population et le peuple.

Cela signifie qu'il ne peut donc pas y avoir d'Etat sans population :

 C'est à dire un groupe humain, en principe sédentaire et qui est rattaché à un Etat, qui est
donc défini territorialement dans le cadre de frontières.

Cela pose éventuellement la question des populations nomades, qui ignorent les frontières étatiques et
notamment dans la bande du Sahara central où il y a des populations nomades qui circulent, sans tenir
compte véritablement des frontières terrestres.

Cette population donne souvent naissance à une Nation et elle est parfois confondue.

Mais la Nation :

 C'est donc un groupement humain, dans lequel les individus se sentent unis, les uns les autres,
par des liens, qui peuvent être des liens matériels, des liens spirituels, et ces individus se
sentent, se perçoivent différents des individus qui composent les autres groupements
nationaux, ce sont des autres Nations, qui sont alors considérées comme des étrangers et
parfois, malheureusement comme des ennemis.

La difficulté c'est que le concept de Nation, qui est donc un concept juridique, politique mais aussi
philosophique, ce concept a revêtu au moins 2 types de définitions, que l'on oppose souvent :

 L'une dite allemande parce qu'elle s'est développée dans la théorie allemande,
 Et l'autre dite française.

Et ces 2 conceptions d'ailleurs, ont souvent servi un peu d'argumentaire, dans les revendications
entre les 2 pays concernés la France et l'Allemagne qui se sont beaucoup combattues au 19ème et au
20ème siècle.

La conception allemande :
Elle correspond dit-on à une conception objective, car la Nation serait selon elle le résultat
d'éléments donc objectifs, comme la géographie physique, avec l'idée de frontières naturelles.

On se rappelle peut-être dans l'histoire, la volonté de certains en France de considérer que la France
devait aller jusqu'à la rive gauche du Rhin, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle sauf dans la région
de Strasbourg, mais il n'y a pas que la géographie, il peut y avoir la langue commune, tous ceux qui
parlent par exemple l'allemand et bien doivent être réunis dans la Nation allemande et donc dans un
Etat allemand.

Et on a vu ce que ça pouvait donner par exemple, sous le 3ème Reich allemand entre 1933 et 1945, les
alsaciens, les sudètes, c'est à dire une région de ce qui est à l'heure actuelle la République tchèque,
ont été intégrés dans le Reich allemand parce qu’ils parlaient allemand.

Géographie, langue commune, religion commune, Israël cherche à être défini comme l'Etat du peuple
juif, ce qui pose la question de ceux qui ne relèvent pas de cette religion.

Le conflit yougoslave à partir de 1991, a un peu restauré d'ailleurs ce concept de purification


ethnique, c'est à dire que là, ce n'est pas la religion, ce serait la race qui définirait en quelque sorte
un Etat avec donc toutes les conséquences que cela peut avoir, quant à l'exclusion de ceux qui ne sont
pas considérés comme faisant partie de cette race.

Les guerres ethniques en Afrique centrale, au Rwanda, au Congo, montrent bien d'ailleurs aussi les
dangers de cette exacerbation des notions de race ou d'ethnie.

La conception française :

A cette conception objective, s'oppose donc une conception dite française, inspirée par des travaux
d'historiens ou de philosophes comme : FUSTEL DE COULANGES (1830/1889, historien français), ou
comme Ernest RENAN (1823/1892, écrivain, philosophe et écrivain français),

Et qui à côté de ces éléments objectifs, a voulu souligner une sorte de volonté subjective, de vivre
ensemble, ce que Renan appelait d'ailleurs : « Un vouloir vivre collectif »,

C'est-à-dire qui correspond à une volonté de se sentir membre de cette Nation, et cette volonté
repose sur quantité d'éléments, qui ne sont pas donc totalement objectifs, mais comme des souvenirs
communs, comme une histoire commune, reposant sur souvent des guerres et si possible sur des
victoires qui peuvent être de manière plus pacifique et peut-être plus contemporaines, du moins dans
la partie de l'Europe dans laquelle se trouve la France.

Ces victoires peuvent être sportives, une victoire à la Coupe du monde de football par exemple est un
élément d'existence de cette Nation, de rassemblement de cette Nation.

Et puis donc il y a le sentiment, d'une sorte de parenté spirituelle qui fait que l'on se sent Suisse,
Américain, Belge ou autre.

Le salut au drapeau dans les écoles américaines tous les matins, est une façon bien sûr d'inculquer ce
sentiment national.

Et dans ce cadre-là, la Nation dépasse les individus vivants et unie les générations passées, mais aussi
les générations à venir et on le voit la Nation est parfois synonyme de Patrie.
Alors il ne faut pas être angélique et ce sentiment subjectif peut être parfois synonyme de conquête
qui vont imposer la Nation, à des territoires qui n'étaient pas au départ si national que cela.

Des générations d'élèves africains par exemple ont récité au cours de la période coloniale française :
« Nos ancêtres les gaulois », ce qui impliquait une conception très extensive de la Nation française.

Et puis pour montrer que nous ne sommes pas les seuls coupables peut-on dire, les États-Unis se sont
construits en s'imposant contre celles qu'on appelait précisément les Nations indiennes.

Donc le sentiment national se construit parfois par rapport à d'autres groupes, à un sentiment de
différence et ce qui peut conduire on l'a dit parfois à l'exclusion.

Mais cette Nation qu'elle soit objective ou subjective, car là on reste dans le domaine de la théorie,
conduit souvent à assimiler l'Etat et la Nation, avec un concept qui s'est beaucoup développé au
19ème siècle en Europe, d'Etats Nations.

Puisque la Nation doit s'incarner dans une réalité juridique, elle doit être le cœur d'un Etat et l'Etat
devient donc alors national.

 Mais cette identification est loin d'être effective, est loin d'être réalisée partout, d'où de
nombreux conflits.

 Ainsi, des Nations ont parfois précédé l'Etat qui a concrétisé la Nation.

o L'Etat italien par exemple, est devenu un Etat unitaire à partir des années 1860,

o L'Etat allemand a été réalisé, notamment face à un ennemi commun qui était la France
et qui s'est concrétisé avec la proclamation de cet Empire le 18 janvier 1871, dans la
galerie des glaces du château de Versailles.

En France, il est fréquent de considérer que c'est l'Etat qui a précédé la Nation, qui a contribué à
forger une Nation française beaucoup plus politique, que géographique et ethnique.

C'est l'Etat qui a petit à petit forgé ce concept de Nation autour du Roi de France, et bien sûr les
Républiques qui ont suivi, ont hérité de cela.

Se pose alors la question de savoir si toute Nation, doit avoir un Etat ?

Cette conception, c'est parfois traduite sous le nom de principe des nationalités, qui s'est développé à
partir de la Révolution française, principe salon lequel :

 Toute Nation a droit à devenir un Etat, mais aussi donc un Etat doit correspondre à une
Nation.

 Ce principe exporté par les armes, sous la Révolution française, par Napoléon BONAPARTE
(1769/1821, militaire, homme d’Etat et 1er empereur français) :

 A été combattu par le traité de Vienne en 1815,


 Et ce principe a en quelque sorte retrouvé une renaissance en 1848, avec les révolutions de
cette époque, pas seulement en France bien sûr, mais qui ont voulu justement défendre ce
principe des nationalités.

 Plus près de nous, le traité de Versailles de 1919, a développé ce thème en Europe centrale et
orientale d'ailleurs beaucoup inspirée par le président américain WILSON (1856/1924, 28ème
président de Etats-Unis),
 Et par exemple le traité de Saint-Germain-en-Laye signé le 10 septembre 1919 qui a établi la
paix entre les alliés et l'Autriche et bien à consacrer l'effondrement de la monarchie austro-
hongroise, car cet Etat austro-hongrois était une sorte de mosaïque de différentes Nations et
au moment de la chute de cet Empire d’Habsbourg, sont apparus un certain nombre d'Etats,
une demi-douzaine d'Etats successeurs, et la carte de l'Europe a été refaite sur cette base.

 Le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920, à consacré d'ailleurs l'indépendance de la Hongrie


mais ce qui eu pour conséquence la perte de 2/3 de l'ancien Royaume de Hongrie, avec donc
l'existence de minorités hongroises dans les États voisins de Slovaquie, de Croatie et de la
Roumanie, ce qui est toujours une cause de grandes difficultés dans cette région du monde.

Ce principe des nationalités, a pris une forme nouvelle cette fois-ci au lendemain de la 2nde guerre
mondiale et ce principe a été inscrit dans la charte de l'ONU qui date de 1945, c'est l'article premier
paragraphe 2 :

 Et on retrouve ce principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dans la constitution


française de 1958 à l'alinéa 2, mais principe seulement réserver peut-on dire, au seul peuple
des territoires d'outre-mer de de l'époque.

Bien sûr ce droit d'autodétermination des peuples, à jouer un très grand rôle dans le mouvement de
décolonisation de l'après 2e guerre mondiale, dans un certain nombre d'Empire pourrait-on dire,
hérités de la colonisation, qu'il s'agisse de la France ou du Royaume-Uni, et notamment en Asie et en
Afrique.

La difficulté bien sûr, c'est que ce droit pour les peuples de disposer d'eux-mêmes, peut connaître
des difficultés contemporaines :

 Pensons à l'Ecosse par rapport au Royaume-Uni et donc là nous ne sommes plus du tout au 20e
siècle mais au 21e siècle,

 Pensons à la question non véritablement réglée de la Catalogne.

Donc la Nation a pu précéder l'Etat, dans certains cas c'est l'Etat qui créé la Nation, mais la Nation
ne correspond pas toujours à l'Etat, et des Nations peuvent être écartelés entre plusieurs Etats, et
cette Nation est découpée par des frontières étatiques mais qui ne sont pas nationales :

 Ce fut le cas de la Nation allemande écartelée jusqu'en 1990 entre 2 états :

o La République démocratique allemande,


o Et la République fédérale allemande,
 C'est encore le cas des 2 Corées,

 Et puis c'est le cas de la Nation kurde qui est éclatée elle, entre 4 Etats :

 La Turquie,
 L'Irak,
 L'Iran,
 Et la Syrie.

 Et l'on voit d'ailleurs à l'heure actuelle 2019, combien cette question kurde est tout à fait
essentielle dans cette région du monde.

 Et puis, il y a aussi l'existence de nombreuses minorités nationales qui sont souvent des
minorités linguistiques.

 On a cité le cas par exemple des Hongrois, répartis dans différents Etats, qui sont des
Etats voisins.

Et puis en sens inverse, il existe des Etats qui regroupent plusieurs Nations et qui sont donc des
Etats binationaux ou même multinationaux.

 On a cité le cas de l'Autriche Hongrie jusqu'en 1918,


 On peut citer le cas de la Yougoslavie jusqu'au début des années 1990,
 On peut citer le cas de la Tchécoslovaquie là aussi à la même période,
 On peut citer aussi le cas de l'URSS qui s'est divisé en de nombreuses Nations ou en tout
cas en de nombreux États.

La cohabitation entre plusieurs Nations au sein d'un même Etat :

 Peut être relativement consensuelle,


 Elle peut être un peu plus conflictuelle dans certains cas :

 Ne citons même pas le cas des tchétchènes par exemple dans la Russie actuelle, non pas
URSS mais la Russie actuelle.
 Mais on peut citer le cas du Québec dans le cadre du Canada,
 On peut citer l'opposition entre la Flandre et la Wallonie dans le Royaume de Belgique,
 Et on a déjà fait référence au cas de l'Espagne et de la Catalogne.

Donc, il peut y avoir des volontés de sécession, de partition, d'Etat pour essayer de régler ces
questions.

Et puis la question de la population, pose la question des étrangers ?

 Car un Etat, est bien sûr responsable de ces nationaux, mais il accueille parfois en nombre
important des étrangers, devant lesquels il est aussi comptable car ces étrangers sont aussi
des administrés, en matière sociale, en matière d'éducation, en matière de santé, et donc
l'Etat ne peut pas se désintéresser de ces étrangers, même s'ils n'ont pas la nationalité de
l'Etat.

Et puis la question de la population est parfois confondue avec la notion de peuple.


 La notion de population est une notion finalement relativement concrète, avec tout ce que l'on
vient d'indiquer malgré tout.

 Le peuple est quelque chose de beaucoup plus abstrait,

o C'est une entité essentiellement politique qui très souvent d'ailleurs est le fondement
d'un Etat et l'on va dire que le la souveraineté appartient au peuple allemand, au peuple
belge ou au peuple français.

• C'est ainsi par exemple que les constitutions françaises, ont pour la quasi-totalité des cas
reconnu l'existence d'un peuple français, et c'est en se fondant sur cette continuité que l'on
trouve dans différents textes qui sont encore de droit positif :

o C'est à dire de droit applicable à l'heure actuelle, que le Conseil constitutionnel a fini
par proclamer que :

 « Il n'existait qu'un seul peuple et qui est le peuple français ».

o Sur quel texte s'est-il fondé ?

 Sur la déclaration des droits de l'homme de 1789,


 Sur le préambule de la Constitution de 1946,
 L'un et l'autre de ces textes étant d'ailleurs applicable en droit français en
2019,
 Mais aussi en se fondant sur le préambule de la Constitution de 1958 dans son
alinéa 1er.

o Et à quelle occasion le Conseil constitutionnel a-t-il pu se prononcer sur l'existence d'un


peuple français ?

 A propos d'une loi qui avait voulu reconnaître l'existence d'un peuple Corse,
même en tant que composante du peuple français,
 Et cette disposition législative qui avait été adoptée en 1991, a été censurée par
le Conseil constitutionnel, au nom du fait qu'il n'existe qu'un seul peuple et qui
est le peuple français.
 C'est la décision du Conseil constitutionnel N° 91-290-DC du 9 mai 1991, à propos
de la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse.

• Donc on le voit, population et peuple ne sont pas tout à fait synonymes, on peut en donner un
exemple, plus récent en 2003, au moment de la révision du 28 mars déjà cité, le constituant a
voulu affirmer que :

o « Il existait, au sein du peuple français des populations d'outre-mer »,

 Qui sont celles qui vivent peut-on dire, dans les collectivités qui sont énumérées
dans l'article 72-3, cette reconnaissance des populations d'outre-mer se trouve
à l'alinéa 1er du même article.
• Pour autant, dans le droit français contemporain, il n'y a pas de reconnaissance de droit
collectif donné à ces populations d'outre-mer :

• C'est à dire que collectivement ces populations ne sont finalement rien, il n'y a que des
individus, il n'y a que des électeurs, qui vivent dans ces collectivités situées outre-mer et le
concept de population n'est pas totalement intégré dans le droit français, en tout cas en tant
que groupe homogène susceptible de revendiquer des droits particuliers.

Voilà une question d'ailleurs tout à fait essentielle.

• Seule la Nouvelle-Calédonie, mais dans un contexte particulier, avec une histoire particulière, a
reconnu l'existence d'un peuple, qui est le peuple kanak :

 C'est à dire d'un peuple qui vit en Nouvelle-Calédonie depuis une durée suffisamment
longue pour faire partie de ce peuple.

 Et à ce peuple kanak est reconnu un certain nombre de droits :

o En matière de préférence locale pour l'emploi,


o En matière électorale, dans le cadre des consultations visant à l'accession ou non à la
pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie.

• On voit bien alors que le concept de peuple français est battu en brèche, mais pour que cela
fût possible il a fallu une révision constitutionnelle du 20juillet 1998 :

o Qui a en quelque sorte consacré ses principes, par l'intermédiaire de la consécration


constitutionnelle et juridique de l'accord de Nouméa signé en 1998,
o Et qui est ainsi intégré dans la constitution française.

Voilà une question extrêmement sensible et qui permet de réfléchir sur les concepts de peuple et de
population
3. L’ELEMENT POLITIQUE DE L ETAT ET LA SOUVERAINETE

Le 3e élément constitutif d'un Etat et donc beaucoup plus abstrait, mais en même temps plus
politique, plus philosophique, donc avec des résonances juridiques, consiste à dire :

 Qu'il y a un Etat s'il y a un pouvoir politique, organisé et qui dispose donc de la réalité
du pouvoir.

Cet élément est souvent confondu avec le concept de souveraineté.

En effet, l'Etat doit pouvoir exercer une autorité dans le territoire concerné, sur la population ainsi
définie et cette autorité politique donc s'appelle souveraineté.

La souveraineté implique la négation de toute limite, de toute entrave, de toute subordination, à


l'égard d'autres et notamment à l'égard d'autres Etats.

Sauf lorsqu'un Etat lui-même accepte une forme de limitation de souveraineté mais librement
consentie.

 C'est le sens, par exemple : du titre 15 de la Constitution française consacrée à l'Union


Européenne qui existe depuis une révision de 1992 et qui a été répétée à plusieurs reprises
jusqu'en 2008, et qui reconnaît finalement que :

o La France participe à l'Union Européenne et donc consent à l'abandon d'un certain


nombre de compétences qui sont confiées à l'Union Européenne.

 De manière plus ancienne, les protectorats étaient une manière aussi de limiter la
souveraineté des Etats puisque l'on considérait (alors c'était une période où la colonisation
fleurissait) que certains Etats avaient besoin d'une sorte de protecteur, c’est-à-dire :

o Un Etat à la fois plus puissant mais surtout plus évolué, pour protéger un Etat qui était
disons moins évolué.

o Si on prend l'exemple de la France :

 Il y a eu un protectorat français au Maroc,


 Il y a eu un protectorat français en Tunisie
 Et puis il y a eu des protectorats anglais et français dans l'ancien Empire Turc
(dans ce qui est le Moyen-Orient à l'heure actuelle).

o La Palestine par exemple a longtemps été un protectorat britannique.

Dans cette conception de la souveraineté l'on considère alors que l'Etat dispose, de ce qu'un
juriste allemand qui s'appelait JELLINEK, a appelé « la compétence de sa compétence ».

 Cela veut donc dire qu’un Etat souverain définit ce qu'il peut faire, au point de définir sa
propre compétence
 Et sa compétence n'est donc pas définie par un autre si l'on veut le voir de manière plus
négative.

Cette souveraineté est malgré tout ambiguë, parce qu'elle s'exerce :

 Au dehors par rapport aux autres États,


 Mais elle s'exerce aussi au-dedans du territoire, elle s'affirme à l'intérieur des limites
territoriales.
 Et l'on définit souvent la souveraineté extérieure et la souveraineté intérieure.

Mais comme l'a très bien dit Jean-Jacques Rousseau dans :

 « Les lettres écrites de la montagne » en 1764,

 « Il est de l'essence de la puissance souveraine de ne pouvoir être limitée. Elle peut tout ou
elle n'est rien. »

Voilà une bonne définition de ce qu'est la souveraineté.

Cette souveraineté n'empêche pas des rapports entre les États, mais des rapports en principe
fondés sur l'égalité :

 C’est-à-dire : le fait que tous les États sont souverains.

 Et des Etats peuvent conclure des accords les uns avec les autres, mais dans le cadre du
droit international.

 Cette souveraineté est donc une puissance absolue.

La notion a été développée plus anciennement dans l'histoire, toujours à l'époque de la Renaissance
et notamment par un penseur philosophe français qui s'appelait Jean BODIN dans un ouvrage paru
en 1576 et qui s'appelle :

 « Les six livres de la République ».

Mais en réalité c'est la traduction de l'expression latine :

 « Res publica », c'est-à-dire de « la chose publique ».

Et la République de Jean Bodin en réalité elle est synonyme d'Etat, puisqu’il écrivait dans une
période où il existait une monarchie. Mais peu importe la forme de ce pouvoir.

 La souveraineté pour Jean Bodin signifie l'indépendance absolue.

Alors comme la plupart des ouvrages de type politique, cet ouvrage visait à défendre l'indépendance
de la couronne française vis-à-vis de 2 adversaires :

 Le Saint-Siège, c’est-à-dire au nom de la défense de l'indépendance de l'église de France par


rapport au Vatican,
 Mais aussi indépendance vis-à-vis du Saint-Empire Romain-Germanique, l'idée était de
défendre la souveraineté de l'Etat affranchi de tout autre pouvoir.

Et donc cette souveraineté elle est absolue, perpétuelle et indivisible.

Cette souveraineté se manifeste, selon Jean BODIN (mais sa pensée sur ce point n'a pas beaucoup
vieilli), par le fait qu'un Etat doit faire la loi, c’est-à-dire de créer le droit.

Cette souveraineté permet aussi à l'Etat :

 De rendre la justice,
 De « battre monnaie » dit-on, c’est-à-dire de créer la monnaie.
 De déclarer la guerre ou de faire la paix
 De lever une armée
 Mais aussi de prélever l'impôt

Toutes ces compétences sont d'ailleurs qualifiées, à l'heure actuelle, de compétences régaliennes car
elles correspondent finalement au pouvoir du roi et expriment bien la souveraineté

 L'adjectif régalien venant du mot latin « regalis » qui signifiait « royal ».

Parmi ces éléments de souveraineté, il y a donc le fait de pouvoir rédiger une éventuelle
Constitution ou de faire les lois.

Cette souveraineté elle peut avoir des titulaires différents :

 Elle peut reposer sur un Roi


 Mais elle peut reposer sur la Nation

C’est toute la conception révolutionnaire de 1789 qui a substitué la souveraineté nationale à la


souveraineté royale, notamment grâce à la pensée de l'Abbé SIEYES.

 Mais elle peut reposer aussi de cette souveraineté sur le peuple

Et il sera alors question parfois d'une distinction entre le peuple et la Nation.

Car la Nation étant un être abstrait, peut être représentée seulement par certains individus, par
exemple sous la Révolution française :

 Il sera développé la distinction entre les citoyens actifs et les citoyens passifs
 La distinction reposant essentiellement sur la richesse, et seuls les citoyens actifs étant
dignes de représenter la Nation, les autres n'ayant pas d'intérêt étant donc passif
n'exprimaient pas la souveraineté nationale
 Alors qu'évidemment les uns et les autres faisaient partie du peuple

On mesure un petit peu la distinction qu’il peut y avoir entre la souveraineté nationale et la
souveraineté populaire

 On pourra comparer 2 textes constitutionnels extrêmement clairs et très proches dans le


temps, mais qui montre l'évolution des idées et de la pensée politique :
 Art. 1er du titre 3 de la Constitution de 1791 :

o « La souveraineté est une, indivisible, inaliénable, imprescriptible et elle appartient


à la Nation »

 Art. 7 de la Constitution du 24 juin 1793, donc 2 ans après, dite de l'an 1 dans le
calendrier révolutionnaire et qui dit la chose suivante :

o « Le peuple souverain est l'universalité des citoyens français. »

On voit donc l’évolution des conceptions dans les 2 ans.

Cette souveraineté se caractérise aussi par son unicité, elle n'est pas divisible, que cette
souveraineté repose sur la Nation ou sur le peuple.

 C'était le cas aussi du temps de la souveraineté monarchique, reposant sur le roi.

 A l'heure actuelle l’art. 3 de la Constitution de 1958, exprime d'ailleurs cela très bien en
disant, dans un alinéa 1er, que :

o « La souveraineté nationale appartient au peuple. »

 Mais dans son alinéa 2 que :

o « Aucune section, aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice. »

Cette souveraineté elle rencontre malgré tous des limites par le droit, alors même qu'elle est
absolue.

C’est-à-dire que (voilà un des paradoxes importants aussi du droit constitutionnel) l'Etat est à la
fois :
 Celui qui créé le droit,

 ET qui dans une société qui se veut démocratique et correspondant aux canons actuels cet Etat
est lui-même soumis au droit

Donc il a fallu parfois des conceptions philosophiques pour essayer d'expliquer ce que veut dire
cette soumission de l'Etat au droit dont il est lui-même l'auteur.

Alors plusieurs conceptions philosophiques ont pu s’exprimer rapidement :

D’abord, la théorie du droit naturel ou du juste naturalisme :

 Qui explique qu’au-dessus du droit positif (c'est-à-dire du droit existant), il y aurait un


droit préexistant qui peut être constaté mais qui n'est pas nécessairement créé, et qui est
fondé :

 Sur la raison
 Sur la nature
D’où le nom de droit naturel, c’est-à-dire un idéal car la nature dont il est question bien sûr ici est
une nature abstraite.

Et ce droit naturel s'impose à l'Etat, où qu'il soit, quel qu'il soit et à n'importe quelle époque.

Cela est très bien exprimé dans un mythe très ancien remontant à la Grèce antique celui
d’ANTIGONE, qui oppose :

 Les lois justes, issues du droit naturel,


 Aux lois injustes, issues d'un pouvoir qui lui-même est injuste

Cette nature correspondant dans une conception métaphysique à un Dieu et il est très facile de
passer en quelque sorte de l'un à l'autre.

Et puis, cette limitation par le droit s'explique par ce que l'on appelle la notion « d'Etat de
droit ».

C’est-à-dire que l'Etat consent à se lier lui-même par les règles qu'il a produites.

 Cette conception correspond à une évolution beaucoup plus récente, elle est fragile d'ailleurs
car on voit bien que l'Etat pourrait décider finalement de ne pas respecter les règles qu'il
a créées.

 Et cette conception est loin d'être universelle.

Cette conception elle est issue de la doctrine juridique et philosophique allemande de la fin du 19e
siècle.

D'ailleurs l'expression d'Etat de droit et la traduction littérale de l'expression allemande qui se


disait :

 « Reichstadt »

L'Etat de droit permet donc la soumission au droit de toutes les autorités publiques y compris le
législateur

Et l’Etat de droit dans cette conception est complète, lorsque la loi elle-même est soumise à des
règles supérieures inconstitutionnelles.

Bien sûr cette affirmation pose les questions de savoir :

 A quoi la constitution est elle-même soumise ?

 A quoi la constitution doit-elle être conforme ?

Cette théorie a été beaucoup développée par un grand juriste autrichien qui s'appelait Hans
KELSEN, pour qui :

 L'Etat de droit est un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle
sorte que sa puissance s'en trouve limitée.
Mais cet Etat peut parfois être limité par une autre notion, plus contemporaine encore, apparue au
lendemain de la 2nde guerre mondiale du fait de ce qui s'est passé au cours de cette période, par la
notion de « droits fondamentaux ».

Il y a une certaine conception qui considère qu’au-dessus des Etats, il y a les droits
fondamentaux :

 Des personnes ou des groupes,


 Des libertés,
 Le principe d'égalité.

Et cela a donné naissance à des textes, pas seulement à des théories, qui se trouvent inscrits dans
des Conventions des droits de l'homme, la plus ancienne étant la Convention Européenne des
Droits de l'Homme qui date de 1950, qui cherche :

 A imposer aux États le respect d'un certain nombre de droits et de libertés

Il se trouve que des conventions identiques sont apparues notamment sur le territoire américain
avec :

 La convention américaine relative aux droits de l'homme

Et pour que ces conventions aient une utilité, une efficacité, ces textes ont créé :

 Des Tribunaux
 Des juridictions spéciales

Si on prend le cas de l'Europe, c'est le cas de la CEDH qui siège à Strasbourg

Puis, illustration plus particulière de ce respect des droits de l'homme qui s'imposent même aux
autorités de l'Etat, c'est la volonté de condamner les auteurs de crimes contre l'humanité de
génocide ou de crime de guerre.

 La 1re tentative qui s'est d'ailleurs réalisé c'est le Tribunal de Nuremberg, à la suite de la
2nde guerre mondiale et on voit bien l'influence des événements de cette guerre sur le
développement de ces droits fondamentaux.

 Mais plus près de nous, un certain nombre de tribunaux ont été créés notamment à propos :

o De l'ex-Yougoslavie
o Mais aussi pour le Rwanda (donc pour certains crimes ciblés géographiquement)
o Et e manière encore plus récente en 1998, un traité a été signé à Rome qui a donné
naissance à la Cour Pénale Internationale qui siège à La Haye, qui a en principe une
compétence universelle

 Cette CPI, peut juger ainsi :

o Les chefs d'État


o Des militaires haut gradés
o Des détenteurs de l'autorité publique
o Qui ont pu commettre ce genre de crime.

Ce qui montre bien sûr qu’au-dessus des Etats il peut y avoir des règles qualifiées où considérées
comme supérieures

4. LA FORME JURIDIQUE DE L ETAT

L’Etat ne se caractérise pas seulement par l'idée de souveraineté qui est à la fois une notion politique
et une notion juridique, mais l'Etat se caractérise alors comme une entité juridique par le biais d'une
notion connue des juristes qui est la notion de personnalité morale.

Donc l'Etat conçu comme une puissance publique possède donc les caractéristiques juridiques d'une
personne et il est doté de la personnalité morale par opposition bien sûr à la personnalité physique.

En tant que telle l'Etat est une collectivité organisée, c'est une entité abstraite mais distincte de la
personne de ceux qui parlent en son nom, et on le sait la personne morale est conçue pour donner une
existence juridique, une capacité juridique, à des groupements d'individus qui poursuivent un but
identique.

C'est la définition générale des personnes publiques qui s'applique d'une certaine manière à l'Etat.

Cette notion qui existe en droit privé, existe aussi en droit public.

En droit privé, on connaît les associations, les sociétés, les fondations, mais il existe aussi des
personnes morales en droit public qui sont :

L'Etat
Et d'autres personnes, comme les collectivités territoriales et les établissements publics.
Ces autres notions seront l'objet d'autres enseignements évidemment.

La personnalité morale est une abstraction, on connaît la fameuse formule de Gaston JEZE (juriste de
la 1re moitié du 20e siècle) :
« Je n'ai jamais dîné avec une personne morale. »
Mais cette notion abstraite, permet d'expliquer certaines caractéristiques de l'Etat qui distinguent
l'Etat de la personne de ses dirigeants, c'est à dire de la personne physique de ces dirigeants.

Puisqu'on en est dans les formules, rappelons-nous la formule de l'ancien régime lorsqu'un roi est
décédé, un officier Royal déclarait haut et fort :
« Le roi est mort ! Vive le roi ! »
Ça veut dire, la personne physique du roi est morte, mais en réalité, le corps politique continue avec
son successeur, avec son héritier.

C'était bien l'idée que l'abstraction l'emportait sur le caractère concret, c’est-à-dire sur la personne
physique des souverains.

Cette abstraction existe, mais elle a des conséquences qui sont extrêmement concrètes.
L'état est engagé par ces décisions, quelles que soient les hommes au pouvoir.

Pour prendre un exemple contemporain tiré de la 5e République, quel que soit le président de la
République en fonction, c'est toujours l'Etat qui agit et quand bien même ce président ne serait pas
réélu, c'est toujours l'Etat qui continue d'exister.

On peut prendre un exemple historique, celui des emprunts russes qui avaient été négocié par
l'Empire tsariste à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, au moment de la Révolution
bolchévique de 1917, le nouveau pouvoir politique, c'est à dire LENINE, n'a pas voulu honorer ses
engagements (les engagements de l'Etat tsariste), considérant que l'Etat révolutionnaire n'avait
aucun rapport avec l'Etat tsariste, il a fallu de très nombreuses négociations et plusieurs décennies
pour que le pouvoir Russe en 1997, donc lorsque la Russie qui a succédé en partie à l'ancienne URSS,
signe un accord pour reconnaître une partie des dettes contractées par l'Empire tsariste.

Cet exemple, bien connu dans l'histoire française et dans les familles françaises, notamment celles qui
avaient prêté de l'argent à la Russie, montre bien la continuité de l'Etat, personne morale, quel que
soient les pouvoirs politiques qui sont en place.

Les gouvernants, dans un système de personnalité morale, n'ont pas la propriété de leurs fonctions, ils
en sont titulaires, ils sont investis pour une durée plus ou moins longue à l'issue d'une élection ou d'un
autre processus de désignation, et l'on parle de manière journalistique :
Du « locataire de la Maison Blanche » aux États-Unis,
Ou du « locataire de l'Élysée »,
Pour bien distinguer le fait que l'Etat, en tant que personne morale, n'est pas une conception
patrimoniale.
C'est à dire que ces « locataires », ne sont pas propriétaires du pouvoir politique.

Cette conception moderne est donc à l'opposé de ce qui existait dans la monarchie d'ancien régime,
dans laquelle les biens publics du roi étaient confondus avec ses biens privés et il a fallu attendre un
édit de MOULINS en 1566, pour que l'on distingue bien le trésor public (les ressources de l'Etat) et
la cassette personnelle du souverain (le trésor public c'était déjà une forme de personnalité morale
de l'état).

5. LES STURUCTURES INTERETATIQUES ET LA CONFEDERATION

Les Etats peuvent prendre des formes particulières, on verra des Etats unitaires et des Etats
fédéraux.

Mais avant de se consacrer à cette question, il faut examiner des relations qui peuvent exister entre
des Etats et qui donnent naissance à des organismes qui sont des organismes interétatiques qui
prennent la forme et le nom de Confédération.

Comme ces Confédérations existent encore au 21e siècle, il n'est pas inutile d'y consacrer quelques
minutes.

La Confédération est donc une association (au sens non juridique du mot) d'Etats souverains qui se
fait par un traité international.
Et les États, qui sont parties au traité, sont donc les États membres de la Confédération.

Le traité, qui institue la Confédération, peut très bien créer un organisme central, qui va exercer des
compétences communes aux différents Etats, celles que les États ont bien voulu confier à cette
Confédération, et des compétences qui sont en principe énumérées dans le traité.

Cet organe est généralement composé de représentants des Etats qui sont nommés par leurs Etats
respectifs.

En principe toujours, les décisions sont prises à l'unanimité, pour respecter l'autonomie des Etats et
faire en sorte que aucun État ne se voit imposer une décision dont il ne voudrait pas.

Parfois pour accélérer certaines décisions, il existe des majorités qualifiées, des majorités
renforcées, c’est-à-dire une majorité plus importante que la moitié plus 1 des voix.

Ces décisions, prises par l'organe central de la Confédération, n'entrent pas en principe directement
en vigueur dans le droit de chacun des Etats et nécessitent donc la ratification par chacun des Etats.

La ratification étant un procédé de droit international.

Donc un certain nombre de règles mises en commun, très souvent c'est le domaine diplomatique, c'est
le domaine militaire et dans certains cas ce peut être des compétences économiques.

Dans une Confédération (en principe toujours), un membre peut se retirer, à la différence de ce que
l'on va rencontrer dans l'Etat fédéral.

On peut rappeler par exemple, que ce que les Américains appellent la guerre civile et que les Français
appellent la guerre de Sécession, à partir de 1861, aux États-Unis, fut une guerre qui a opposé les
fédéralistes et les confédérés.

Les confédérés étaient les États du Sud qui voulaient se retirer, en tout cas avoir une plus grande
autonomie par rapport à la fédération, et donc transformer celle-ci en une simple Confédération.

Il y a donc eu plusieurs Confédérations dans l'histoire :


D'abord aux États-Unis,
Mais antérieurement à cette période, c’est-à-dire entre 1787 et 1878, c’est-à-dire à partir de la
guerre d'indépendance,
Et ce qu'on appelle la Confédération helvétique, avant que celle-ci ne se transforme en Etat fédéral
en 1848,
Plusieurs Confédérations autour de la Prusse au 19e siècle, Confédération germanique, puis
Confédération de l'Allemagne du Nord, jusqu'à ce que l'Allemagne devienne un Empire en 1871,
Le Commonwealth britannique, ressemble un peu à une Confédération et rassemble les liens
historiques entre le Royaume-Uni et ses anciennes possessions (même ces les liens sont très
distendus entre le Royaume-Uni et ses anciennes possessions), c’est-à-dire ses anciennes colonies.

Mais malgré tout, le souverain du Royaume-Uni donc à l'heure actuelle Charles III, le chef du
Commonwealth c'est le monarque de 16 royaumes, parmis les 54 pays qui composent le Commonwealth,
et dans ces royaumes outre le Royaume-Uni il y a des pays aussi importants que :
Le Canada,
L'Australie,
Ou la Nouvelle-Zélande.

Ce mécanisme de Confédération existe aussi, dans un autre cadre et dans une autre partie du monde,
avec la Confédération des Etats indépendants qui s'appelle la Communauté des Etats Indépendants (la
CEI), qui regroupe autour de la Russie plusieurs de ces ex-républiques soviétiques, sauf les États
baltes qui sont parfaitement indépendants et ne font pas partie de cette CEI.
Cette CEI existe depuis 1991.
De cette de cette CEI, ce sont extraites, non sans difficultés, la Géorgie et l'Ukraine.
Et, la Russie a cherché à reconstituer des liens très forts avec les anciennes républiques soviétiques.

En créant une Union Eurasiatique, qu'on appelle aussi Union Economique Eurasienne (UEE), qui est une
union fondée par :
La Biélorussie,
Le Kazakhstan,
Et la Russie,
Auxquels se sont joints l'Arménie,
Et le Kirghizstan.

Donc on le voit, la Russie cherche à reconstituer, autour d'elle-même, une structure interétatique.

Bien sûr ce n'est pas là résurrection de l'URSS mais c'est une volonté de lier des Etats entre eux, au
moins dans le domaine économique.

Puis on ne peut pas, ne pas parler, des Communautés Européennes qui ont été créées à partir de 1951.

On sait qu'il y a eu 3 Communautés :


La Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier,
Puis la Communauté Européenne de l'Energie Atomique,
Et la Communauté Economique Européenne (la CEE).

Ces 3 Communautés, superposées et créés donc par des traités entre 1951 et 1957, ont mis en place
un système un peu hybride qui tient de la Confédération, mais qui avait aussi des velléités de se
transformer en une véritable Fédération, avant même l'existence de l'Union Européenne (UE).

En effet, il y a beaucoup d'éléments de la Confédération, mais il y a un élément qui n'est pas du tout
confédéral, c'est que le droit qu'on appelait communautaire, c'est-à-dire le droit des instances
européennes, prime sur le droit interne, sur le droit de chacun des Etats et notamment sur les lois.

Et ce droit communautaire, devenu le droit européen pour simplifier les choses avec l'UE, n'a pas
besoin d'un processus de ratification, il s'impose et s’applique directement dans le droit de chacun
des États membres.

Il n'y a pas besoin d'un processus de droit international comme celui de la ratification.

Voilà une différence importante entre les CEE, devenues UE, et une Confédération beaucoup plus
classique.

Souvent d'ailleurs dans l'histoire, les Confédérations ont été des étapes :
Soit avant une dislocation pure et simple,
Soit au contraire vers le fédéralisme.
C'est le cas notamment, de ce qui s'appelle la Confédération helvétique, qui est devenu un Etat
fédéral, mais qui a gardé le nom d'ailleurs de Confédération, alors même que c'est bien une
Fédération.

Donc souvent les Confédérations constituent en fait une étape dans l'histoire :
Soit vers le renforcement des liens,
Soit au contraire vers l'éclatement des liens.

6. LES DIFFERENTES FORMES DE L’ETAT : LES ETATS UNITAIRES

Si on met de côté ces structures interétatiques que sont les Confédérations, les États eux-mêmes
peuvent connaître des formes différentes.

On peut opposer les États de différentes manières en distinguant :


Les États démocratiques et les États non démocratiques,
Les grands et les petits, …

Mais ce qu'on pourrait appeler la grande division (la « Summa divisio » pour parler latin), oppose les
États unitaires et les États fédéraux.

Il faut consacrer cette piste aux États unitaires.

L’Etat unitaire se caractérise donc par :


L'existence d'un seul pouvoir politique,
Une unité normative c’est-à-dire :
Une unité du droit,
Une seule catégorie de règles juridiques,
Qui sont adoptées par l'Etat qui est un Etat unique.

L'état unitaire est donc un Etat unique.

Evidemment, il peut y avoir des règles émanant d'autorité locale mais ces règles doivent être
conformes aux droits de l'Etat.

L’Etat unitaire, ça signifie principalement l'indivisibilité du pouvoir, un seul centre de décision


politique.

Cette question d'ailleurs ne doit pas être confondue avec la question de l'intangibilité du territoire,
ici ce n'est pas le territoire qui est en cause, c'est le pouvoir politique.

Il n'y a donc encore une fois qu'un seul État, une seule catégorie de loi.

L'état unitaire est donc indivisible, ce qui signifie simplement que le pouvoir politique lui-même n'est
pas divisible en partie, et c'est ce qu'affirme l'art. 1er de la Constitution française de 1958 disant :

« La France est une République indivisible. »


Cette affirmation, d'ailleurs, n'a rien de nouveau, elle existe dans la quasi-totalité des Constitutions
françaises :
Soit expressément,
Soit la chose était tellement évidente que ça allait de soi et on ne l'écrivait pas.

Et il faut bien comprendre que cette indivisibilité n'est pas liée à la République.

L'indivisibilité dont il est question peut très bien caractériser aussi une monarchie et il est
intéressant de de comparer 2 textes :
La constitution de 1791, qui est la 1re Constitution française, qui est une Constitution monarchique, elle
affirmait :
« Le Royaume est un et indivisible. », c'est l'art. 1er du titre 2 de la Constitution,
Et puis on le sait alors roi Louis XVI a été destitué, la République a été proclamée un an après en
septembre 1792 et un décret de la convention, c’est-à-dire que l'Assemblée qui exerce le pouvoir
politique qui date de ce décret du 25 septembre 1792 proclamait :
« La Convention nationale déclare que la République française est une et indivisible. »

On le voit la question de la forme politique de l'Etat n'a pas d'incidence sur le caractère indivisible.

Cette indivisibilité signifie aussi que tous les citoyens sont soumis au même pouvoir politique, par le
biais :
D’une seule Constitution,
Par le biais d'une seule catégorie de lois qui sont adoptées par une instance étatique.

Et ces citoyens obéissent à un même gouvernement, un seul gouvernement, et à des Tribunaux qui
forment un ensemble homogène et unitaire.

Pour autant, il peut y avoir des gradations dans l'application de la loi, c’est-à-dire qu'il peut y avoir
des régimes juridiques qui font que la loi ne s'applique pas exactement de la même manière partout
sur l'ensemble du territoire, mais à chaque fois, en tout cas en l'état du droit à ce jour, c'est
toujours l'Etat qui décide que la loi ne s'applique pas partout.

Il y a un exemple historique qui est celui de l'Alsace-Moselle, qui est toujours de droit positif, car au
lendemain de la 1re Guerre mondiale, une loi de 1924 a décidé que :
Les 3 départements qui composaient l'Alsace-Moselle, qui avaient été restitués à la France à la suite
de la victoire française de 1918, devaient conserver un certain nombre d'éléments du droit Allemand,
sous lequel ces départements avaient vécu entre 1871 et 1918.
Donc encore à l'heure actuelle, il existe dans ces 3 départements un droit local qui n'est pas le même
que celui qui existe, dans ce que les alsaciens-mosellans appellent la « France de l'intérieur ».
Le régime des associations par exemple, le régime des cultes, n'est pas le même non plus dans ces 3
départements.

Puis l'outre-mer française, qu'il s'agisse des départements et des régions d'outre-mer d'une part ou
les collectivités d'outre-mer, connaissent un régime de différenciation juridique qui fait que les
règles juridiques ne s'appliquent pas de la même manière (pas toutes bien sûr), dans ces différentes
parties des territoires ultra-marin.

Et, autre caractéristique, tout à fait spécifique, l'accord de Nouméa, dont il a été question dans un
piste précédente, qui a été constitutionnalisé par une révision du 20 juillet prévoit que :
Les autorités de Nouvelle-Calédonie, l'Assemblée délibérante de nouvelles Calédonie qui s'appelle le
Congrès, peut adopter des lois du pays de Nouvelle Calédonie et ces lois ont la même force que les lois
nationales, c’est-à-dire adoptées par le Parlement français et d'ailleurs seul le Conseil constitutionnel
est habilité à contrôler ces lois du pays, comme seul il est habilité à contrôler les lois nationales.
Voilà une dérogation tout à fait significative, tout à fait importante, à l'unité de la loi, à l'unité du
droit, mais c'est une dérogation limitée territorialement à la seule Nouvelle-Calédonie, parce que
celle-ci a besoin d'un régime juridique et même constitutionnel différent car il reste posé à l'heure
actuelle encore la question de son accession à la pleine souveraineté ou de son maintien dans la
République française.

Un Etat unitaire peut connaître des formes d'organisation administrative différentes, on pourra se
reporter à des enseignements d'institutions administratives pour plus de développement.

Mais un Etat unitaire peut être un Etat centralisé, c'est-à-dire dans lequel non seulement le pouvoir
politique qui est unifié (un seul pouvoir) mais aussi le pouvoir administratif qui est concentré dans un
seul point du territoire, c’est-à-dire que toutes les décisions administratives sont prises en un point
unique.
Par exemple en France, la capitale politique et administrative est Paris.

Cette concentration administrative quasi-totale peut être nuancée, peut être assouplie, par ce qui
s'appelle la déconcentration administrative, c’est-à-dire un processus administratif qui fait que les
décisions restent prises par l'Etat mais par différentes autorités administratives réparties sur
l'ensemble du territoire :
Les préfets,
Les recteurs.
Ils sont des exemples d'autorité déconcentrés qui chacune dans leurs circonscriptions, leurs
départements, leurs régions ou leurs académies.
Ces autorités prennent des décisions qui sont prises au nom de l'Etat, car ces autorités représentent
bien l'Etat, donc il y a bien unité de la personnalité morale mais il y a une forme de rapprochement des
décisions administratives vers les administrés puisque toutes les décisions administratives ne sont pas
prises à Paris, certaines d'entre elles sont déconcentrées.

Puis un Etat unitaire, sur le plan politique et constitutionnel, peut être décentralisé et dans ce cas il y
a reconnaissance de personnes morales distinctes de l'Etat, et dans ce cas les autorités de ces
personnes morales prennent des décisions au nom de ces personnes morales, donc cela implique
nécessairement une autonomie juridique, patrimoniale et budgétaire.

Par l'existence, par exemple, de collectivités territoriales telle que le titre 12 de la Constitution les
reconnaît.

Cette décentralisation peut être plus ou moins importante et la France a connu depuis les années 1980
un mouvement de décentralisation important, qui n'a peut-être pas achevé aux yeux de certains, c’est-
à-dire que la France n’est peut-être pas allée assez loin vers une décentralisation plus complète des
décisions administratives, pour autant la révision du 28 mars 2003 proclame désormais dans
l'art.1erque :
« Son organisation (il s'agit de l'organisation de la République française) est décentralisée. »
Il s'agissait de montrer, ne serait-ce que de manière symbolique, que la France du 21e siècle n'était
plus La France héritée de Napoléon Bonaparte ou même des périodes plus anciennes.
7. LES DIFFERENTES FORMES DE L’ETAT : LES ETATS FEDERAUX.

A côté des Etats unitaires, il existe des Etats fédéraux, pour reprendre cette grande classification.

Un Etat fédéral regroupe donc des États membres qui sont regroupés pour constituer, cette fois-ci
non pas une simple Confédération, un nouvel Etat qui dispose de compétences plus ou moins étendues.

Le fédéralisme suppose une superposition entre 2 niveaux d'Etat :


Le niveau des Etats fédérés, celui qu'on pourrait appeler le niveau du bas,
Puis le niveau de l'Etat fédéral, qui est une union d'Etats.

Les États fédérés ne disparaissent pas dans l'Etat fédéral, les 2 coexistent et l'image de la
superposition est assez parlante.

Donc dans la Fédération, il y a bien création d'un Etat supplémentaire, ce qui n'est pas le cas dans le
cadre de la Confédération que l'on a présenté.

Ce fédéralisme ou cet Etat fédéral, apparaît grâce à une Constitution et non pas grâce à traité.

D'ailleurs sur le plan du droit international, en principe seuls l'Etat fédéral subsiste, les États
fédérés n'ayant pas d'existence internationale donc seul l'Etat fédéral peut entretenir des relations
internationales.

Les États membres restent malgré tous des Etats, ils gardent les apparences d'un Etat avec :
Un drapeau,
Un hymne.
Mais aussi la réalité d'un Etat, c’est-à-dire avec une Constitution de chaque Etat fédéré, en plus de la
Constitution fédérale.

Les États fédérés édictent des lois qui sont spécifiques à chacun des Etats fédérés.

Les États fédérés ont l'équivalent d'un véritable gouvernement.

Et les États fédérés peuvent avoir des systèmes judiciaires qui peuvent être différents d'un Etat à
l'autre.

Donc il y a bien superposition.

Les États fédérés portent des noms d'ailleurs assez variés dans la langue française et il faut se
méfier de ce qu'on appelle les faux amis quand on apprend une langue étrangère puisque si l'on trouve
des Etats :
Aux États-Unis,
En Australie,
En Inde,
Au Brésil,
La Confédération helvétique (dont on redit bien que ce n'est pas une Confédération mais une vraie
fédération), connaît des cantons et le mot canton en Suisse ne signifie pas du tout la même chose que
les cantons français,
Le Canada, connaît des provinces et ce n'est pas du tout le même sens qu’en français,
La Belgique, connaît des régions et des communautés qui sont donc des sujets de la Fédération belge,
mais les régions belges n'ont rien à voir avec les régions françaises,
Puis l'Allemagne et l'Autriche qui connaissent des Landers (qui est le pluriel du mot « Land »), c’est-à-
dire de véritables Etats fédérés et la traduction du mot « Land » serait en français « Pays » et qui
n'a pas beaucoup de sens en en français.

Donc on le voit, les États fédéraux sont nombreux avec des exemples qu'on vient de prendre.

Les États fédéraux ne sont pas nécessairement des grands Etats, même si c'est parfois une solution
pour régler des problèmes de multi nationalité qu'on a pu rencontrer précédemment.

Mais il y a des Etats fédéraux relativement petits, comme la Suisse et la Belgique que l'on a déjà cité
plusieurs fois.

Puis le fédéralisme connaît des principes d'organisation qui sont :


Le principe d'autonomie :
Puisque chaque Etat fédéré est un véritable Etat avec tout ce que cela comporte.
Chaque Etat fédéré dispose de compétences qui sont inscrites dans la Constitution fédérale.
Ce texte règle la question essentielle de répartir les compétences entre le niveau fédéral et les
niveaux fédérés.
C'est la constitution fédérale qui opère cette répartition selon différents mécanismes :
Le mécanisme le plus simple et que l'on rencontre souvent, est de considérer que toutes les
compétences sont attribuées aux États fédérés, sauf ce qui est attribué à l'Etat fédéral, un peu
comme si les États fédérés avaient décidé de mettre en commun certaines compétences et d'inscrire
celle-ci dans la Constitution fédérale.
Alors ce schéma n'est pas toujours celui qu'on rencontre dans les différents Etats fédéraux, parfois
c'est l'inverse :
C’est-à-dire que la compétence de principe appartient à l'Etat fédéral, sauf ce qui est donné aux
États fédérés, c'est le cas du Canada.
Puis il y a des situations encore différentes dans lesquelles on va rencontrer des compétences
réservées à un niveau, des compétences réservées à l'autre niveau et des compétences concurrentes
dans lesquelles les 2 niveaux peuvent intervenir, c'est le cas par exemple de l'Allemagne fédérale.

Ces Etats fédérés perdent leur reconnaissance internationale, ils n'existent plus au niveau
international, malgré tout il y a quelques exceptions, il y en a une au moins historique que l'on peut
citer du temps de l'URSS et non seulement à l'ONU, la fédération Russe avait un siège, mais il y avait
aussi un siège pour l'Ukraine et la Biélorussie au nom de leur ancienne indépendance.
Mais ça avait un avantage tout à fait important notamment aux yeux de STALINE, lorsque l'ONU a
été créée en 1945, et qui donnait 3 voix, 3 sièges, à ce qui était l'URSS, ce n’était pas totalement
sans importance.
Ces États membres, ces Etats fédérés, gardent un pouvoir d'auto-organisation interne :
Avec un Parlement fédéré qui peut être bicaméral ou monocaméral,
Avec un organe exécutif,
Par exemple les Gouverneurs aux États-Unis qui sont élus sont l'organe exécutif de chacun des Etats
fédérés,
En Allemagne on va trouver un ministre-président comme chef de l'exécutif, un peu une sorte de chef
du gouvernement, parce que dans ce gouvernement de chaque Land, de chaque Etat fédéré, il y a des
ministres de différentes compétences :
La Justice,
L'Intérieur,
Ou l'Education.

Et puis, les lois peuvent être différentes d'un Etat fédéré à l'autre parfois :
La peine de mort existe, par exemple aux États-Unis, la peine de mort peut exister dans certains
Etats et pas dans l'Etat voisin,
Il y a des Etats qui reconnaissent l'avortement, pas d'autres,
Il y a des Etats dans lesquels le mariage est plus facile que dans d'autres, …

Et, ce fédéralisme nécessite un organe régulateur, c’est une juridiction qui est inscrite dans la
Constitution, prévue par elle et qui va s'appeler la Cour constitutionnelle.

L’une de ses fonctions est de régler des conflits de compétences entre le niveau fédéré et le niveau
fédéral.
La Cour suprême des États-Unis, avant d'être connue pour d'autres fonctions, devait servir à ça et
sert toujours à cela d'ailleurs et c’est aussi vrai aussi dans les autres États fédéraux.

Puis ces Etats fédérés ont une autonomie mais ils participent aussi à la gestion de l'Etat fédéral,
c’est-à-dire, ils les parties amenés à gérer l'ensemble ou le tout.

C'est ainsi que dans les Etats fédéraux existe une 2nde Chambre au niveau fédéral où siègent les
représentants des États membres, afin que les États soient représentés, associés, à la gestion de la
fédération.

Donc on va trouver un bicaméralisme dans ces Etats fédéraux avec


Une Chambre censée représenter la population :
Par exemple aux États-Unis, c'est la Chambre des représentants,
Et puis une Chambre chargée de représenter les États :

C'est le cas du Sénat américain, qui a en plus a une particularité qu'on retrouve dans d'autres Etats
fédéraux, qui est de de comprendre 2 sénateurs par État, et comme il y a 50 états à l'heure actuelle
le Sénat est une Assemblée de 100 membres.
Le principe existe à peu près dans les autres États, pas toujours avec une égalité de représentation
entre les États ;
Comme le Vermont, qui est un Etat qui a moins d'un 1 million d'habitants dans le nord-est des États-
Unis à 2 sénateurs,
Comme la Californie est aussi peuplé que la France et aussi vaste que la France.
Mais c'est la loi de l'égalité entre les États membres.

C'est la même chose en Allemagne puisqu'il y a 2 assemblées le Bundestag et le Bundesrat qui


représentent les Landers.

Même chose en Suisse, au Brésil ou en Russie.

Aussi, il peut y avoir aussi le poids des Etats fédérés dans l'élection, dans la désignation de l'exécutif
fédéral.

C'est ainsi que le président des États-Unis d'Amérique n'est pas élu directement par les électeurs
sur l'ensemble du territoire, mais élu par des délégués dont le nombre varie Etat par Etat pour faire
en sorte que chaque Etat fédéré ait quand même un certain poids dans la désignation du Président des
États-Unis.
On retrouvera cette question ultérieurement.

Pour terminer, il faut l'indiquer, entre les États parfaitement unitaires et les États parfaitement
fédéraux, il y a toute une gamme de situations intermédiaires dans lesquelles les États peuvent être
plus ou moins unitaire et donc pour certains d'entre eux qui se rapprochent de ce fait des Etats
fédéraux.
On les appelle des Etats régionaux ou des Etats autonomique.

C'est le cas de l'Italie, Etat régional, dans lequel les régions disposent d'un pouvoir important,
notamment d'un pouvoir législatif,

C'est le cas également de l'Espagne démocratique, c’est-à-dire depuis 1978, dans laquelle les
Communautés autonomes, il y en a 17, disposent d'une autonomie très grande.
Mais ce n'est pas du fédéralisme et on le voit d'ailleurs à propos de la Catalogne qui ne dispose pas du
pouvoir de quitter le système du Royaume d'Espagne, qui n'est pas une fédération, qui se situe dans
un Etat à mi-chemin entre l'Etat unitaire et l'Etat fédéral.

Enfin, on peut citer le cas du Royaume-Uni qui comprend plusieurs Nations :


L'Ecosse,
Le Pays de Galles,
L'Irlande du Nord.
Chacune de ces Nations dispose d'une autonomie par rapport au pouvoir central à Londres qui n'est
pas la même de l'une à l'autre.
Si on prend le cas du de l'Ecosse qui est la Nation la plus autonome, qui a un Parlement écossais avec
un gouvernement écossais, 1 ou une 1re Ministre une à l'heure actuelle, qui est un peu l'équivalent de la
Première ministre actuelle (nous sommes en mars 2019), du Royaume-Uni, mais qui n'administre que la
partie écossaise.
Et seule l'Angleterre ne dispose pas d'une autonomie.
Voilà quelque chose de très compliqué et de très différencié qui fait du système britannique quelque
chose de parfaitement à part entre les États unitaires et les États fédéraux.

II. LA CONSTITUTION ET ENCADREMENT DU POUVOIR POLITIQUE

1. LES DEFINITIONS D’UNE CONSTITUTION : CRITERE MATERIEL ET FORMEL

Ce 2ème enregistrement, est consacré à la notion de constitution, c'est un texte ou d'ailleurs parfois
une absence de texte, mais un ensemble de règles qui vont encadrer le pouvoir politique.

On dit parfois que le premier geste d'un Etat consiste à se doter :


D’un drapeau,
Parfois d'un hymne,
D’une monnaie,
Mais aussi et en même temps d’une Constitution quand ce n'est pas d'ailleurs le 1er acte de création.

Est-ce que ça veut dire que dans tous les pays il existe une constitution ?
Sans doute oui si l'on considère qu'une Constitution n'est pas nécessairement un texte, comme on le
verra.

Mais dans ce cas la Constitution est alors synonyme d'organisation du pouvoir, un peu d'ailleurs comme
l'on dit que la constitution d'un individu décrit la conformation physique de cet individu et
accessoirement son état de santé.

Donc la Constitution a une valeur symbolique, mais aussi une valeur juridique, de règles suprêmes
parce que c'est la Constitution qui justifie aussi la fondation d'un Etat.

Beaucoup de Constitutions sont nées grâce, après une révolution, un coup d'Etat militaire, une volonté
de renversement d'un pouvoir autoritaire, les exemples sont très nombreux.

Le cas de la Tunisie récemment,


Le cas de de l'Égypte,
Plus anciennement le cas du Portugal avec une constitution qui date de 1976,
Le cas de l'Espagne où même s'il n'y a pas eu de révolution il y a eu un changement important de
régime politique,
Aussi la chute du mur de Berlin, a entraîné la création d'Etats nouveaux et donc parfois de
Constitutions nouvelles.

Les indépendances que l'on peut constater à partir de 1960, notamment pour le cas de la France, ont
donné lieu à la création de nouveaux Etats et donc à l'édiction de nouvelles Constitutions qui
n’existaient pas auparavant.

Donc la Constitution est bien une forme d'encadrement du pouvoir politique et juridique.

Cette constitution peut être défini de différentes manières.

La longueur du texte n'est pas un critère tout à fait pertinent, même si on connaît le mot de Napoléon
Bonaparte prétendant :
« Qu'il fallût qu'une Constitution fût courte et obscure. », afin de donner lieu à de multiples
interprétations et donc de donner au pouvoir en place une souplesse pour organiser le pouvoir
politique.

Sur ce point la Constitution française du 4 octobre 1958, qui régit la 5e République, était une
Constitution relativement courte, elle a été passablement augmentée par les 2 dernières révisions
constitutionnelles, celle du 28 mars 2003 et celle 23 juillet 2008, la dernière en date à ce jour.

Pour autant les questions que l'on pourra se poser sont :

Qu'est-ce qu'on doit mettre dans une Constitution ?


Quelle doit être le contenu de cette Constitution ?

Cela permet de distinguer 2 critères de définition, en dehors de la question de la longueur, qui sont :

Le critère matériel,
Le critère formel.

D'abord une définition du critère matériel :


Elle s'attache, comme son nom l'indique au contenu, au fond de la matière constitutionnelle,
avec une incertitude qui est celle qu'on évoquait tout de suite c’est-à-dire :

Quel doit être le contenu d'une Constitution ?


Y-a-t-il un modèle préétabli de Constitution ?

Les révolutionnaires français de 1789, avaient voulu en quelque sorte donner une définition de ce
qu'on pourrait appeler la Constitution parfaite, c'était dans l'art. 16 de la DDHC, disant :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »

Sous-entendu lorsqu'il n'y a ni séparation des pouvoirs, ni garantie des droits, il n'y a pas de vraie
Constitution.

Mais est-ce que cette définition est encore valable aujourd’hui ?

Est-ce que l'on peut concevoir une Constitution qui devrait avoir un autre contenu ?

Par exemple définir la hiérarchie des normes, c'est à dire les rapports de règles de droit les
unes avec les autres, indiquer que les traités sont ou non supérieurs à la loi pour prendre un exemple
bien connu.

Est-ce qu'une Constitution doit également comprendre un certain nombre de principes ?

Par exemple, laïcité ou au contraire religion d'Etat, société capitaliste ou au contraire


appropriation collective des moyens de production.

Est-ce que tout cela doit être dans la Constitution ?

On comprend que dans une Constitution, doivent exister, doivent être énoncés, les règles
fondamentales d'une société, à un moment donné, dans un pays considéré, ce qui permettra de
justifier qu'il peut y avoir autant de Constitutions qu'il y a de régimes et qu'il y a de pays ou d'Etats.

Il y a en revanche, des Constitutions dont la matière est extrêmement réduite et qui se contente de
d'écrire les pouvoirs politiques et d'organiser éventuellement les rapports entre ces pouvoirs
politiques.

L'exemple le plus significatif dans l'histoire constitutionnelle française, c'est celui des 3 lois
constitutionnelles du 24, 25 février 1875 et du 16 juillet 1875, très courtes formant ce qu'on appelle
parfois la Constitution de la 3ème République.

A cette définition matérielle s’oppose une définition formelle.

Il faut d'ailleurs indiquer en passant que ces 2 critères présentés ici peuvent s'appliquer pour
n'importe quelle règle de droit et on pourrait aussi définir la loi avec ce ces 2 types de de critères.

Mais s'agissant de la Constitution, un critère formel c'est donc :


Un critère qui s'arrête ou qui s'intéresse au mode d'édiction de la Constitution et qui va
conduire à s'intéresser à l'organe chargé d'édicter la Constitution et il est aussi un critère
organique.

Cela veut dire aussi qu'il doit exister un texte, un document, qui va s'appeler Constitution et
que le constituant décide d'appeler Constitution et dans lequel il va souhaiter mettre un certain
nombre de règles.

C'est une définition un peu tautologique, c’est-à-dire qui tourne un petit peu en rond, mais une
Constitution c'est ce que le constituant souhaite appeler une Constitution.

Et dans ce cas on ne se pose pas la question de son contenu, c'est finalement sa forme ou son
organe d'édiction, qui sont les plus importants.

Ces Constitutions formelles peuvent se présenter sous l'aspect d'un seul texte ou de plusieurs
textes, c'est le cas déjà cité des lois de 1875.

Ces Constitutions peuvent porter un autre nom, comme le nom de « lois fondamentales », c'est
le cas de l'Allemagne fédérale depuis en 1949, c'est aussi le cas de la loi fondamentale de Hongrie
entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

Donc il y a une grande diversité, par exemple :

Israël connaît des lois fondamentales qui constituent une sorte de Constitution même s'il n'y a
pas un texte qui s'appelle « Constitution de l'Etat d'Israël ».

On peut citer encore, la loi fondamentale de l'Etat, de la cité du Vatican, qui est une forme de
Constitution de l'Etat du Saint-Siège.

Beaucoup de ces textes constitutionnels sont précédés d'un préambule explicatif, justificatif, du
texte qui est ainsi présenté.

Mais critères matériels et critères organiques coexistent, ils sont parfois séparés, mais très souvent
ils sont combinés.

Et ce qui est vrai pour la Constitution est vrais aussi pour d'autres règles de droit.

Ce qui veut dire que l'on va pouvoir trouver une Constitution qui se définie matériellement mais qui se
définit aussi formellement ou organiquement :

Le cas du Royaume-Uni est un peu particulier puisqu'il y a bien une Constitution matérielle, mais il n'y
a pas une Constitution au sens formelle, mais plutôt une addition de textes comme :

« L'habeas corpus », de 1679.

Puis une addition de règles coutumières et par définition non écrites.

Aussi, un autre cas paradoxal ou en tout cas de distinction entre le critère formel et le critère
matériel, c'est le cas de la France, dans laquelle un certain nombre de règles qui sont matériellement
constitutionnelles ne figurent pas dans la Constitution essentiellement pour des raisons politiques et
qui remontent au moins à la 3e République, c'est la question des modes de scrutin.

Les constitutions françaises ont refusé et refuse encore sous la 5e République, d'inscrire un mode de
scrutin dans le texte constitutionnel, indépendamment de l'élection du Président de la République qui
est la seule élection pour laquelle le mode de scrutin est prévu mais là il n'y a pas vraiment de choix.

Mais pour les autres élections, ces règles ne figurent pas dans la Constitution pour une raison très
simple, c'est que les hommes politiques français ne veulent pas geler le mode de scrutin dans un texte
constitutionnel et préfèrent la souplesse de la loi.

Et puis, on peut se poser la question toujours dans le cas français, de savoir si certaines dispositions
qui figurent dans le texte formellement constitutionnel, ont vraiment leur place dans ce texte ?

Ainsi la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 dispose :

« Que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »

C'est l'article 75-1 inscrit en 2008 et certains parlementaires ont fait un peu d'ironie à propos de
cette disposition et en souhaitant qu'on inscrive aussi dans le texte constitutionnel la gastronomie
française.

La tendance du constituant français a été plutôt d'ajouter des dispositions constitutionnelles, parfois
ayant valeur de symbole (peut être comme la question des langues régionales), mais parfois aussi avec
la volonté d'inscrire de véritables règles juridiques, par exemple :

En 1992, a été introduit le fait que : « La langue de la République est le français ».

Cette disposition, qui pourrait n'être que symbolique, est véritablement du droit et les différentes
juridictions françaises en ont tiré toutes les conséquences.

Dernier exemple récent, la devise de la République qui est bien connue :

« Liberté, égalité et fraternité. »

Si les 2 premiers mots ont entraîné des conséquences juridiques, notamment devant les juridictions,
le terme de « fraternité », est resté pendant longtemps un mot, une sorte de slogan politique dans la
Constitution inscrit à Art. 2.

Or le Conseil constitutionnel dans une décision, qui a fait beaucoup de bruit, du 6 juillet 2018 a
considéré que :

« La fraternité était bien un droit et une liberté »,

Que la Constitution garantie et qui permettait finalement de considérer que certaines dispositions
législatives (il s'agissait de l'aide au séjour des étrangers en France), étaient contraires à ce principe
de fraternité auquel il était reconnu une valeur constitutionnelle.

Autre exemple, mais cette fois-ci tirer des États-Unis, que la littérature et le cinéma américain ont
bien illustré, c'est le cas de la Prohibition.
Un amendement à la Constitution américaine de 1918, a interdit la vente et le transport des boissons
enivrantes à l'intérieur des territoires des États-Unis.
Ce qui a entraîné, ce que l’on a appelé : la Prohibition

On sait que cette Prohibition finalement a fait plus de dégâts qu'autre chose, elle a eu un certain
nombre de conséquences négatives et donc un autre amendement le 21e cette fois-ci, en 1933 à
abroger l'amendement de 1918.

Est-ce que ces textes formellement constitutionnels, adoptés selon une procédure constitutionnelle,
étaient bien matériellement constitutionnel ?

Donc souvent le constituant a voulu inscrire dans un texte constitutionnel des règles pour les
protéger, pour éviter qu'elles ne soient trop facilement modifiées ou abroger.

2. LES FORMES D’UNE CONSTITUTION : CONSTITUTION ECRITE ET


COUTUMIERE

La définition de la Constitution, ne règle pas non plus la question de la forme de la Constitution.

En effet, ces Constitutions peuvent être écrites ou seulement coutumière.

On comprend aisément qu’historiquement les Constitutions étaient essentiellement coutumières,


c’est-à-dire formées de principes non-écrits, hérités de l'histoire plus ou moins ancienne.

Et que c'est surtout à partir du 18e siècle que le mouvement qui s'appelle le constitutionnalisme est
allé en faveur de l'écriture des textes constitutionnels, un peu comme si l’écriture protégeait ces
règles et les inscrivait au vu et au su de tout le monde.

On trouve cela dans l'introduction de la DDHC de 1789, qui précédait le texte de la Constitution de
1791.

Donc, cette forme peut être malgré tout diverse.

C’est-à-dire, qu’on va trouver essentiellement des Constitutions écrites, parce que c'est la tendance
contemporaine, mais il peut y avoir encore quelques Constitutions coutumières, ce par quoi on peut
commencer.

Ces constitutions coutumières sont assez peu nombreuses pour les raisons que l’on vient d’invoquer.

On pouvait citer, sous l’ancien régime, l'existence de lois fondamentales du Royaume dont on pensait
qu'elles servaient un peu de Constitution à La France de l'ancien régime et une partie de ces lois
fondamentales du Royaume n'était pas véritablement écrites.

Puis, de manière plus contemporaine, parmi les grands Etats il y a le cas du Royaume-Uni, qui connaît
encore une Constitution coutumière.

Encore, cette affirmation doit-elle être nuancée, c’est-à-dire que le régime constitutionnel du
Royaume-Uni repose sur un certain nombre de règles coutumières.
Mais comme ça a été évoqué précédemment, la Constitution britannique au sens matériel comprend un
certain nombre de textes qui eux sont parfaitement écrits.

N'oublions pas le texte fondateur, « la grande Charte », de 1215,

N'oublions pas la « pétition des droits », de 1628,

N'oublions pas « l’Habeas corpus », déjà citée de 1679,

N'oublions pas « l'acte d'établissement », de 1701, règle les problèmes de succession sur le Trône,

Et n'oublions pas, pour prendre un exemple plus près de nous, « le Fictum parliament act », c'est-à-
dire ; l'acte qui fixe la durée du mandat du Parlement de 2011 et qui encadre le droit de dissolution.

On le voit donc la Constitution peut être coutumière mais il n'est pas interdit que coexiste, avec ces
règles coutumières, des règles parfaitement écrites.

Puis, on a bien compris que la tendance à partir du 18e siècle était l'écriture des Constitutions.

Il y a un exemple, assez anciens, en 1720, en Suède, une Constitution rédigée en articles pour limiter
le pouvoir Royal.

Disons que la 1re Constitution écrite moderne fut celle de l'Etat du New Hampshire, aux États-Unis
qui date du 5 janvier 1776.

Tandis que celle de l'Etat de Virginie, adopté le 29 juin 1776, fut la 1re à être précédée d'une
déclaration des droits garantissant les droits fondamentaux pour tous les hommes.

Et l'un des auteurs de la Constitution de l'Etat de Virginie est bien connu puisqu'il s'agissait de
Thomas JEFFERSON.

Puis, les autres les États américains, colonies américaines en passe de devenir des Etats, ont toutes
rédigé une Constitution.

La Pologne a écrit une Constitution au mois de mai 1791.

Puis la France avec la Constitution du 3 septembre 1791, 1re Constitution écrite française.

Ces constitutions écrites présentent des avantages :


La lisibilité évidente,
L'accessibilité, puisque tout le monde peut les connaître et tout le monde peut revendiquer des droits
inscrits dans le texte constitutionnel.

C'est ainsi, que lui concevait les révolutionnaires 1789.

Et, la difficulté, à propos des Constitutions écrites, est que certaines d'entre elles ont connu des
applications coutumières, la distinction entre l'écrit et la coutume n'est pas aussi absolue et rigide
qu’on vient de le présenter.

Pourquoi ?
Parce que, les Constitutions écrites sont parfois ambiguës, elles sont parfois tellement courtes qu'il
faut les interpréter, certaines Constitutions comportent aussi des lacunes et donc là il faut les
compléter.

Donc la coutume va permettre ces ajouts, va permettre ces compléments.

Il peut naître un décalage, parfois important, entre la Constitution écrite et la Constitution


réellement appliquée, qui correspond à des pratiques, à des usages, c’est-à-dire à des coutumes.

Ainsi, on le sait par les cours d'introduction au droit, pour qu'il y ait coutume, il faut qu'il y ait une
répétition d'un même phénomène sur une durée plus ou moins longue, il faut aussi la croyance dans le
caractère obligatoire de la règle en question.

Il faut ce que l'on appelle parfois ; « l’Opinio juris », c’est-à-dire la croyance dans le fait que cette
règle, cette continuité de pratique, est véritablement du droit.

Il faut la réunion de ces 2 critères.

Alors, la difficulté c'est qu'il peut y avoir des coutumes :

« Praeter legem » ; (du latin) c’est-à-dire des coutumes « à côté du droit », qui sont interprétatives,
supplétives (qui viennent palier des articles obscurs ou des lacunes).

Un exemple des lois Constitutionnelle de 1875, n'avait pas prévu l'existence d'un président du Conseil
(un chef de gouvernement), c'est donc la coutume qui a créé cette fonction, tout à fait nécessaire, qui
existait aussi dans les faits bien avant 1875.
Et, il a fallu attendre une loi de finance, pour que l'existence d'un président du Conseil soit consacrée
dans un texte.
Ensuite, la Constitution de 1946 a inscrit dans le marbre constitutionnel cette coutume palliative,
c’est-à-dire venant compléter un texte qui n'avait pas prévu ceci.

Autre coutume, « Praeter legem », c'est que la Constitution de 1958 a été rédigée avec un Président
de la République élu au suffrage universel indirect.
Or, une révision constitutionnelle de 1962, prévoie désormais que ce Président soit élu au suffrage
universel direct.
Or, le texte de la Constitution, sur les rapports entre le Président de la République et le Premier
ministre, n'ont pas été modifiés.

Mais il est clair que le changement de mode de scrutin du Président de la République, a donné
naissance à des règles nouvelles, mais pas simplement des règles écrites, mais des règles coutumières,
sur la fonction présidentielle et sur les rapports entre le Président de la République et le Premier
ministre.

Puis, il y a des coutumes « Contra legem », c’est-à-dire qu'elles vont s'appliquer directement à
l'encontre du texte constitutionnel tel qu'il était écrit.

On peut supposer que la Constitution ne peut pas être révisée par le biais de la procédure prévue à
l'article 11 de la Constitution de 1958.
Or, une telle pratique a été effective en 1962, à propos du changement du mode d'élection du
Président de la République, certains auteurs avaient estimé que de ce changement de mode d'élection
par le biais d'un référendum de l'art. 11, faisait naître une véritable coutume qui devenait finalement
la vraie Constitution.

Cette lecture faite par certains, comme les partisans du général De Gaulle, de la révision
constitutionnelle de 1962, se heurtaient à ceux qui estimaient que la seule lecture du texte
constitutionnel devrait s'imposer et que la révision de la Constitution pouvait passer par le biais d'un
référendum, mais non pas celui de l'art. 11, plutôt celui de l'art. 89.

Puis, il y a une autre coutume « contra legem » qui a pesé d'un poids très fort dans l'histoire de la 3e
République, qui concerne l'abandon du droit de dissolution par le Président de la République.

En 1879, un nouveau Président de la République républicain qui s'appelait Jules GREVY, a été élu et il a
prononcé un discours adressé au Parlement, indiquant qu'il renonçait à exercer son droit de
dissolution de la Chambre des députés, c'est-à-dire de l'Assemblée élue au suffrage universel direct.

De ce message est né une véritable coutume, contre le texte de la Constitution qui n'avait pas été
modifié, qui prévoyait toujours le droit de dissolution pratiquement libre en faveur du Président de la
République.

Et une telle lecture de la Constitution qui a pris le nom non-écrit de « Constitution Grévy », du nom du
Président de la République pour désigner cet abandon de la compétence présidentielle et qui a perduré
tout au long de la 3e République, c’est-à-dire jusqu'en 1940.

On le voit donc la Constitution peut être écrite, mais peut connaître des coutumes telles que
Constitution qui s'applique n'est pas tout à fait le texte écrit.

3. L’ADOPTION DE LA CONSTITUTION

En dehors des Constitutions coutumières qui ne nécessitent pas un processus d'édiction, puisque c'est
le fruit de pratiques plus ou moins longues, les Constitutions écrites connaissent un processus, une
procédure.

Cette procédure a conduit à l'adoption d'une Constitution avec des modalités qui peuvent être
différentes.

Ces Constitutions donc doivent être rédigées, elles doivent être établies (c'est ce qu’on verra plus
loin), elles peuvent être révisées, modifiées, selon des modalités différentes.

L'établissement des Constitutions ou l'adoption des Constitutions, pose la question du pouvoir


constituant originaire.
C’est-à-dire d'un pouvoir qui est inconditionné, qui est comme la souveraineté dans un Etat, c’est-à-
dire totalement libre et qui peut faire exactement ce qu'il veut.
Donc le pouvoir constituant originaire se situe souvent dans des périodes de rupture, comme après
des révolutions, après une indépendance d'un Etat nouveau.

Mais cette adoption parfaitement libre n'empêche pas qu'il y ait aussi une forme de mimétisme.
C’est-à-dire que le constituant peut être tenté de s'inspirer parfois des régimes précédents, c’est-à-
dire qu'il faut tenir compte d'un certain nombre de règles qui sont devenues intangibles.

Et un mimétisme qui peut être aussi géographique, c’est-à-dire qu’il est parfois tentant de regarder,
de s'inspirer, de ce qui se passe dans d'autres pays et de recopier même en l'adaptant des règles qui
existent dans des pays plus ou moins voisins.

Un exemple de continuité, dans une période qui n'était pas révolutionnaire, c’est le préambule de
1958.
Et pour toute une série de raisons, ce préambule proclame finalement la continuité constitutionnelle,
entre le texte adopté en 1958, le préambule de la Constitution précédente 1946 et la DDHC de 1789.

La nouvelle constitution est adoptée selon la volonté de ceux (ou de celui en cas de pouvoir personnel)
qui exercent réellement le pouvoir au moment de la naissance d'un nouvel Etat.

Par exemple :
Après une indépendance,
Ou celui qui exerce un pouvoir dans un nouveau régime après une révolution.

Dans le cas d'un coup d'Etat militaire ceux qui conquièrent le pouvoir, qu’on appelle parfois une junte
(des militaires qui exercent le pouvoir politique), peuvent décider quel va être le moyen d'écriture de
la Constitution.
Dans ce cas, les auteurs de la Constitution sont relativement libres, sous réserves parfois de
contraintes extérieures ou du poids de règles comme le maintien du suffrage universel sur lequel il
n'est pas possible au 21e siècle de revenir.

Donc sauf à supposer des règles supérieures, métaphysiques ou inspirées du jusnaturalisme, les modes
d'établissement peuvent être très différents et on va opposer les modes d'établissements
autoritaires et les modes d'établissements démocratiques.

On conçoit que les derniers sont les plus fréquents à l'heure actuelle même si parfois la démocratie
est un peu contournée et que les modes d'établissement autoritaire relèvent plutôt de l'histoire.

Quelques exemples de modes d'établissements autoritaires, ce qu'on appelle parfois les


« Constitutions octroyées » :

C'est l'hypothèse dans laquelle un pouvoir en place décide de donner, d'octroyer, un pouvoir à son
peuple, parce que tel est son bon plaisir.

Un exemple tout à fait significatif, se trouve dans la Charte du 4 juin 1814, voulu par Louis VIII qui
revient sur le trône, après la période révolutionnaire et la période de napoléonienne, et qui décide de
donner une Constitution qu'on appelle d'ailleurs une Charte au peuple français.

C'est aussi le cas de la Constitution russe de 1905, octroyée par Nicolas II, après la 1re Révolution
russe qui avait eu lieu précisément en 1905.

L'on trouve aussi ce phénomène dans des Constitutions plus récentes :


La constitution de Sultanat d’Oman,
Ou la Constitution du Royaume d’Arabie-Saoudite en 1992,
Puis la loi fondamentale du 22 février 2001 de l'Etat de la cité du Vatican, et qui promulgue par
l'autorité suprême du Pontife, la loi fondamentale suivante.

Cet octroi peut parfois être négocié, être le fruit d'une sorte de d'accord, avec une autre force
politique que celui qui octroie, et l'autre force politique, la plupart du temps, c'est une Assemblée
issue d'une révolution ou d'autres choses.

C'est le cas de la Constitution française de 1791, qui est le résultat d'un équilibre entre le Roi et
l'Assemblée nationale constituante.

C'est aussi le cas de la Charte 1830, qui va donner naissance à la monarchie de Juillet et dont
l'exergue est très significatif quant à l'accord passé entre le Roi (Louis Philippe Ier) et la Chambre
des députés.

Et puis on peut trouver, le Royaume de Jordanie en 1952.

Donc quelques exemples, plus ou moins anciens, de Constitutions établies, de façon plus ou moins
autoritaire.

Plus nombreux sont les modes établissements démocratiques des Constitutions.

La démocratie c'est quoi ?

C'est la manifestation de l'acceptation des gouvernants par les gouvernés.

Dans ce cas-là, il faut que les gouvernés, qu'on va appeler le peuple, participe à l’édiction de la
Constitution.

Alors, on conçoit bien que dans les pays d'une certaine taille, ce n'est pas le peuple assemblé autour
d'une table qui va pouvoir rédiger le texte de la Constitution.

Alors, on peut citer malgré tout le cas des certains Cantons suisses, dans lesquels la démocratie
directe existe aussi quant à l'établissement de la Constitution.

On peut aussi citer un cas plus moderne, celui de l'Islande, pays dans lequel les citoyens ont contribué
à la rédaction de la Constitution, mais par le biais d'internet.
Maintenant encore faut-il vérifier que tout le monde a pu participer et savoir quel est le rôle réel de
chacun des citoyens qui se sont exprimés.

En dehors de ces cas un peu particuliers, il y a donc quelques cas d'adoption démocratiques de la
Constitution, d'abord l'adoption par un référendum.

Le référendum consiste essentiellement à dire, oui ou non, à un projet de texte qui est rédigé par
quelqu'un d'autre que le peuple et donc rédigé par les détenteurs réels du pouvoir.

Et très souvent d'ailleurs, ce sont ceux qui exercent le pouvoir exécutif qui rédigent ce texte et donc
lors ce cas-là le peuple n'a que le choix de dire, oui ou non, au projet de texte qui lui est soumis.
Alors, c'est une tradition qui remonte assez loin dans l'histoire française, c'est celle des régimes
napoléoniens notamment de la 1re Constitution du Consulat, du 22 frimaire an 8 (13 décembre 1799),
avec Napoléon Bonaparte.

Mais c'est aussi le cas, de la Constitution de 1852 qui va d'abord mettre en place un système
présidentiel pour 10 ans, puis qui va se transformer en 2nd Empire avec Louis Napoléon Bonaparte (le
neveu du précédent).

Assez souvent les Constitutions, adoptées de cette manière-là, sont plutôt des Constitutions
autoritaires qui se présentent sous la forme d'une démocratie, mais qui présente les caractéristiques
du césarisme.

C’est-à-dire un mélange assez intéressant entre un pouvoir fort et l'adhésion du peuple.

Alors, sans que l'on puisse faire des comparaisons un peu trop osées, la Constitution de 1958 est une
forme de Constitution dans laquelle le peuple a été amené à dire, oui ou non, à un texte rédigé par le
gouvernement par l'exécutif.
Et le peuple français, consulté le 28 septembre 1958, n'a eu comme pouvoir que celui de dire, oui ou
non, au texte qui était déjà rédigé et sur lequel il n'y avait aucun pouvoir d'amendement.

Voilà pour la 1re forme d'adoption démocratique.

Il y en a une 2e, qui passe par le biais de l'élection d'une Assemblée constituante.

C'est à dire que le peuple, les électeurs, vont élire une Assemblée, à qui sera confier le soin de
rédiger une Constitution.

Ici, la démocratie se situe en amont, c'est-à-dire dans l'élection de l'Assemblée, mais le peuple n'est
pas convoqué pour adopter le texte élaboré par cette Assemblée.

Il y a essentiellement des cas d'Assemblée constituante « monocaméral » :


C'est une seule Assemblée constituante qui rédige une constitution, il peut y avoir un cas dans lequel il
y a 2 Assemblées qui vont rédiger la Constitution nouvelle, mais on se doute que c'est un tout petit
peu plus compliqué.
Cette Assemblée constituante, peut rédiger sous la menace d'un délai :
C’est-à-dire qu'un délai peut lui être imposé pour rédiger le texte de la Constitution.

Ce qui pose d'ailleurs la question de savoir ce qui se passe en cas de non-respect de ce délai ?

Est-ce qu'il va y avoir élection d'une nouvelle Assemblée ou non ?

Dans l'histoire de France, on a rencontré plusieurs Assemblées constituantes, pour lesquelles il n'y
avait pas de fixation de délai au départ et qui ont siégé selon une durée plus ou moins grande.

La 1re Assemblée constituante à siéger 2 ans, de 1789 à 1791.

L'Assemblée constituante qui s'est tapé la convention élue en 1792, a siégé 3 ans jusqu'en 1795.

Mais elle a eu le temps de faire 2 Constitutions :


La 1re ayant été adoptée n’est jamais véritablement entrée en vigueur,
Et puis l'Assemblée constituante de 1871, au lendemain de la défaite de Sedan, a siégé 4 ans jusqu'en
1875, pour adopter les fameuses lois constitutionnelles de 1875 que l'on a rencontré.

Donc, il peut y avoir un délai fixé, mais dans d'autres cas il n'y a aucun délai et c'est presque l’usure
qui fait que l'Assemblée va être amené à adopter une Constitution.

Cette assemblée constituante peut être convoquée, élue, avec comme seul mission de rédiger une
Constitution, sans avoir d'autres fonctions qui viendraient perturber son travail constituant.

D'autres fonctions, comme celles de faire la loi ou de désigner et contrôler un gouvernement.

C'est le cas, aux États-Unis, notamment historique, de la convention de Philadelphie, qui s'est réunie à
l'été 1787 et qui avait été convoqué pour modifier les articles de la Confédération et qui sous le poids
des fédéralistes à rédiger une nouvelle Constitution de l'Etat fédéral.

Ce n'est pas le cas dans la tradition française, les Assemblées constituantes ont toujours été des
Assemblées qui ont fait autre chose.

C’est-à-dire, pendant la durée de leur fonction, elles ont adopté des lois, désigné des gouvernements
parfois en ont renversé, et donc des Assemblées dans lesquelles le travail ordinaire, budgétaire aussi,
ce n'est pas sans importance, a été mêlé au travail constituant.

Le cas de la convention élu en 1792 est encore plus flagrant parce que non seulement cette Assemblée
a rédigé 2 Constitutions, a voté des lois, mais a rendu la justice (elle a condamné Louis XVI et Marie-
Antoinette en 1793).

Les pouvoirs de l'Assemblée constituante peuvent être illimités, c’est-à-dire qu'il n'y a aucune
condition, il peut y avoir dans certains cas une contrainte pour élaborer une Constitution nouvelle avec
des règles qui sont plus ou moins préétablies par le pouvoir en place.

Et puis, il y a un 3e mode de d'adoption démocratique d’une Constitution, c'est tout simplement


association des 2 précédentes.

C’est-à-dire, l'association d'une Assemblée constituante et du référendum.

C'est à priori, le mode le plus démocratique dans lequel il y a l'application de la démocratie semi-
directe semi (parce qu'il y a à la fois de la démocratie directe et de la démocratie représentative) et
c'est celle par laquelle le peuple intervient au moins 2 fois.

C’est-à-dire le peuple ou le suffrage universel, désigne une Assemblée qui travaille, fait un texte
constitutionnel et le soumet au peuple, qui dans un système démocratique peut être libre de le
rejeter.

Voilà donc un système qui présente beaucoup d'avantages, de vertus, encore faut-il que toutes les
conditions de la démocratie soient respectées.

En 1792, la convention a été élue au suffrage universel pour faire une Constitution.

Cette Assemblée, c'est appeler ; « la convention », a rédigé une Assemblée, qui est celle de l'an 1, de
1793, qui a été soumise au suffrage au référendum.
Ce suffrage, s’est étalé pendant l'été 1793 (ce n’était pas le mécanisme que nous connaissons de du
vote sur une seule journée).

Et, quelques semaines après l'adoption du texte constitutionnel, le pouvoir en place, la convention a
décidé de suspendre l'application de la Constitution, qui donc à peine adoptée, a été suspendue et qui
n'est d'ailleurs jamais entrée en vigueur ensuite.

Le cas le plus significatif de cette double intervention du peuple, c'est celui de la Constitution de
1946.

En effet, une loi constitutionnelle initier par le gouvernement provisoire de la République française,
lui-même issue des forces de la résistance en 1944, avait fait voter un texte prévoyant qu'une
Assemblée serait élue le 21 octobre 1945, et qu'en même temps le peuple français serait convoqué
pour un référendum.
Ce référendum original a 2 questions :
« Voulez-vous que l'Assemblée élue ce jour soit constituante ?
« En cas de réponse positive à la première, voulez-vous que cette Assemblée constituante fonctionne
selon les règles ? (D’un texte qui était fourni aux électeurs et qui organisaient les rapports entre
l'exécutif et le législatif).

Ces députés ont été élus, le peuple français ayant répondu très majoritairement en faveur d'une
Assemblée constituante qui a été chargée de rédiger une Constitution.

Mais, cette Constitution devrait être rédigée dans un délai qui était fixé à l'avance de 7 mois, donc on
voit que ce n’est pas tout à fait le cas qu'on a pu rencontrer dans l'histoire de France.

Puis, le texte soumis et adopté par le peuple français, avait prévu qu’en cas de non-adoption d'un
projet de Constitution par l'Assemblée constituante ou si le projet était rejeté par le peuple français,
qu’une 2e Assemblée constituante serait élue, qui élaborerait un 2nd projet de Constitution, qui une
2e fois serait soumis au peuple français.

C'est exactement ce qui s'est produit en 1946 avec une intervention à plusieurs stades du peuple
français, dans un système qui se voulait le plus démocratique possible.

4. LES REVISIONS DE LA CONSTITUTION

Après l'adoption des constitutions, vient le temps des révisions de la Constitution.

En effet, l'usure du temps, ou les adaptations coutumières qui ont pu être constatées peuvent rendre
nécessaires des révisions de la Constitution.

Ce sont des révisions formelles, c’est-à-dire des révisions de du texte écrit.

Parfois, une révision partielle d'un texte peut être préférable à la modification complète du texte,
c’est-à-dire qu’on va adapter le texte à l'évolution du temps et ça peut être parfois préférable à des
changements plus brutaux nés de la rue ou de révolution, plus ou moins violentes.
D'ailleurs, la déclaration des droits précédents la Constitution du 24 juin 1793, celle de l'an 1, avait
dit dans l'art. 28 :
« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génération
ne peut assujettir à ces lois les générations futures. »
Sous-entendu un texte constitutionnel ne pouvait pas emprisonner toute une société pendant trop
longtemps.

Donc, ce pouvoir constituant va être amené à intervenir et on va souvent l'appeler « pouvoir


constituant dérivé », car il va procéder à la révision de la Constitution mais dans le cadre, selon les
formes, prévues par la Constitution existante, c'est en cela qu'il est « dérivé », par opposition au
pouvoir constituant « originaire ».

Ce mécanisme de révision peut être donc prévu par le texte constitutionnel, il peut :
Faire la part au pouvoir exécutif,
Au pouvoir législatif,
Ou associés les deux,
Il peut prévoir des conditions de fond, c’est-à-dire interdire la modification de certaines règles
constitutionnelles,
Et il peut également prévoir des périodes dans lesquelles il n'est pas possible de réviser la
Constitution.

Et, se pose une question qui est très théorique et dont la réponse n'est pas absolue, ni unique, qui est
celle de :
« Faut-il savoir si, le pouvoir constituant dérivé n'est pas parfois synonyme de pouvoir constituant
originaire ? »

Pourquoi ?

Lorsque le pouvoir constituant dérivé modifie complètement la Constitution existante, alors qu'il n'est
là en principe que pour réviser ce texte, ne devient-il pas alors un pouvoir constituant originaire.

La doctrine a beaucoup écrit sur cette question, sur les limites qui peuvent exister, elles peuvent être
imposés au pouvoir constituant dérivé, et certains auteurs estimant de manière tout à fait sérieuse
qu’il n'y a pas d'opposition entre le pouvoir constituant dérivé et le pouvoir constituant originaire.

Alors, ce pouvoir de révision dépend aussi d'une classification que l'on n'a pas encore rencontrée et
qui oppose les constitutions souples et les constitutions rigides.

Les Constitutions souples sont celles pour lesquelles la modification du texte constitutionnel est
relativement simple, relativement aisée, n'obéit pas à des contraintes excessives, puisque le texte de
la Constitution peut être révisé, modifié, comme la loi, c’est-à-dire aussi simplement que la loi, sans
mécanisme contraignant.

C'est le cas du Royaume-Uni où le Parlement est souverain et il peut souverainement aussi bien
changer la loi que changer la Constitution.
Ce qui pose la question de savoir s'il y a une distinction réelle entre Constitutions et loi aux au
Royaume-Uni ?
C'est le cas aussi, d'Israël, dans lequel le Parlement israélien, qui s'appelle la Knesset, peut décider
d'adopter des lois fondamentales, qui sont donc des éléments de la Constitution, aussi facilement
qu’adopter des lois ordinaires.

Et, c’est le cas aussi dans les pays d'inspiration marxiste, les pays qui proclament le socialisme
scientifique, la Constitution de la Chine ou de la République populaire démocratique de Corée (la Corée
du Nord), prévoient que l'Assemblée populaire, c’est-à-dire le Parlement, a parmi ses fonctions, celle
de réviser ou d'amender la Constitution aussi librement que de réviser et d'amender les lois, par
exemple, l'art. 91 de la Constitution de la Corée du Nord.

Donc c'est une très grande souplesse qui bien sûr présente des avantages, notamment pour le pouvoir
en place, mais qui présente certains risques, parce que rien n'échappe à ce pouvoir de révision, et les
principes inscrits dans la Constitution peuvent être très facilement abrogés par le pouvoir
constituant.

Et puis, à côté des Constitutions souples, il y a des Constitutions rigides.

C'est-à-dire celles dans lesquelles les révisions ne peuvent être faites que selon des formes, des
procédures particulières, qui sont différentes de celles utilisées pour les lois ordinaires.

Par exemple, des majorités renforcées pour réviser la Constitution par rapport à l'adoption des lois.

Ça peut être aussi, le recours direct au peuple pour réviser la Constitution, alors que ce n'est pas le
cas pour l'adoption des lois. C'était le cas dans la Constitution de 1946 par exemple.

Et, une Constitution rigide peut avoir aussi pour objet de garantir certains principes, comme le
fédéralisme.

Dans la plupart des États fédéraux, les Constitutions sont rigides pour protéger l'autonomie des
États fédérés.

Ça peut être aussi le cas lorsqu'il est nécessaire de protéger des minorités ethniques ou autres, et
donc la révision de la Constitution doit être utilisée avec une certaine prudence, d'où la rigidité du
mécanisme constitutionnel.

Le cas des États-Unis est très intéressant puisque, la Constitution américaine dans son article 5,
exige que :
« Les Assemblées des États acceptent aux ¾, ratifient les amendements apportés à la Constitution ».

C’est-à-dire que ces amendements doivent être adopté au niveau fédéral, mais ensuite, il faut que les
Assemblées des États fédérés, appelées parfois les législatures, adoptent avec une majorité des ¾ les
amendements qui sont apportés à la Constitution.

C'est ainsi, par exemple, que le 27e amendement de la Constitution américaine, qui était relative au
salaire des membres du Congrès et qui avait été adopté au niveau fédéral le 25 septembre 1789, ne
fut ratifiés définitivement, c'est-à-dire après l'exigence des 3/4 des États, que le 7 mai 1992, plus
de 200 ans entre l'adoption et la ratification.
Voilà un symbole de rigidité tout à fait important et tout à fait significatif.
Alors très souvent dans les textes constitutionnels qui existent dans le monde, la réalité se situe
entre la souplesse complète et la rigidité absolue que l'on peut rencontrer.

Mais alors, en dehors de cette classification entre souplesse et rigidité, on peut dire quelques mots,
des mécanismes de révision des Constitutions, de manière un peu théorique, sans se focaliser sur un
seul pays ou un seul exemple.

Et donc, il y a des règles de procédure, par exemple parce que l'on va distinguer l'organe compétent
pour être à l'initiative de la révision.

Qui décide finalement de réviser la Constitution ?

On rencontre une très grande diversité des règles sur ce point.


C’est-à-dire que ça peut être :
Très souvent le pouvoir exécutif, plus spécialement le gouvernement lorsqu'il y a une distinction au
sein de l'exécutif, entre un chef de l'État et le gouvernement,
Ce peut être, notamment dans les traditions républicaines, en France, le pouvoir législatif, à qui est
confié ce pouvoir d'initiative,
Ou cela peut être un pouvoir d'initiative, partagé entre l'exécutif et le Parlement.

C'est le cas, par exemple :


De la Constitution du Royaume d'Espagne dans son article 87,
De la Constitution de la République de Pologne, de 1997, dans son article 235,
De la Constitution de la République d'Afrique du Sud, c’est encore plus compliqué, puisqu'il y a plus de
modalités de révision, avec des modalités différentes selon l'objet.

Lorsque le pouvoir d'initiative appartient au Parlement, il faut déterminer si les 2 Assemblées,


lorsqu'il y en a 2, se partagent ce pouvoir d'initiative.

Il y a donc plusieurs possibilités.

Est-ce qu’une Assemblée est privilégiée par rapport à une ou autre ou non ?

Lorsque c'est une Assemblée qui a ce pouvoir d'initiative, est-ce que l'on va exiger un seuil, par
exemple de parlementaires, pour être à l'origine de l'initiative de révision ?

Ou, est-ce que chaque parlementaire est à même de proposer une révision de la Constitution ?

C'est le cas de la France, dans l'art. 89, s'agissant encore une fois du pouvoir d'initiative.

Et, une fois que ce cette initiative existe, lorsque qu’elle est constatée, quel est l'organe compétent
pour procéder à la révision ?

Là encore, une très grande diversité existe selon l'histoire et selon la géographie.

La modalité la plus courante, c'est le fait que le Parlement révise ou adopte la révision de la
Constitution.

Là aussi, soit une seule Assemblée, soit les 2, et lorsqu'il y en a 2 est-ce que ce sont les 2 Assemblées
séparées ou réunies ? Ou l'addition des 2 phénomènes ?
C’est-à-dire, d'abord un vote par les 2 Assemblées séparées, ensuite un vote par les 2 Assemblées
réunies dans une sorte de Congrès ou d'Assemblées constituantes.

Ce dernier cas, est celui de la France, de l'article 89, alinéas 2 et 3, qui prévoit à la fois un vote
séparé par les 2 Assemblées, puis un vote conjoint par les 2 Assemblées réunies à Versailles.

Ça peut être aussi le cas d'une Assemblée réunie spécialement pour réviser la Constitution.

C'est le cas des conventions aux États-Unis, qui est le nom donné aux Assemblées réunies
spécialement pour réviser la Constitution et dont le rôle n'est que celui-ci.

C'était le cas dans la Constitution française de 1848, qui prévoyait une Assemblée de révision dont le
seul rôle, c'était de réviser cette Constitution.
Ce n'est pas vraiment une surprise puisque la Constitution de 1848 est sans doute dans l'histoire de
France, celle qui a été le plus influencée par le modèle, l'expérience Américaine.

Et bien sûr, l'organe compétent pour procéder à la révision, ça peut être le peuple par le biais d'un
référendum.

Voilà donc, s'agissant des règles de procédure.

Mais il peut y avoir des limites qui sont apportées à la révision et qu'on pourrait appeler
circonstancielles ou temporelles, c’est-à-dire qu’il peut y avoir des contraintes de temps qui
s'imposent aux constituants.

Alors plusieurs types de contraintes :

D'abord, il peut y avoir l'interdiction de procéder à la révision de la Constitution avant un certain


délai.
Les constituants sont souvent persuadés que leur œuvre est parfaite et donc il ne faut pas trop y
toucher, ils peuvent imposer une durée, la calculée, et qui empêche que la révision ne se fasse trop
tôt.
C'était le cas de la Constitution de 1791 qui avait calculé 3 fois une législature, donc 3 fois 2 ans,
c'est à dire 6 ans.
C'était le cas de la Constitution de 1848, qui là aussi imposait des délais.
Mais ce système, qui paraît en soi compréhensible, présente un grave danger, c’est-à-dire que si la
Constitution ne peut pas être révisée par des voies normales, la tentation sera alors de violer la
Constitution et de la réviser autrement.
C'est un peu ce qu'a fait Louis Napoléon Bonaparte en 1851 avec le coup d'État du 2 décembre, parce
qu’il ne pouvait pas procéder à la révision de la Constitution, comme il l'entendait.

Et puis ces limites de temps peuvent être alors cette fois-ci, associées à des périodes au cours
desquels il n'est pas possible de réviser la Constitution.
C'est notamment dans les périodes de guerre, dans les périodes d'état d'urgence ou des périodes
d'occupation du territoire.
Alors les formules existent de manière différente selon les pays, selon les périodes.
Par exemple la Constitution du Portugal prévoit qu'aucun acte de révision constitutionnelle ne peut
être accompli pendant l'état de siège ou l'état d'urgence, c'est l'article 289 de la Constitution
actuelle du Portugal.
C'est le cas aussi de la Constitution de Roumanie, qui prévoit que la Constitution ne peut pas être
révisée pendant la durée de l'état de siège ou de l'état d'urgence, ni en cas de guerre.
Même chose de la Constitution du Royaume de Belgique.

Et puis la Constitution française, dans une tradition qui remonte à la fois à 1940 et à 1870, prévoit
qu’aucune révision ne peut être effectuée en cas d'occupation du territoire.
À l'heure actuelle, c'est l'art. 89, alinéa 4 de la Constitution qui l’interdit.
Bien sûr, c'est un souvenir de période relativement troublée.

Et puis de manière un petit peu moins dramatique, la Constitution Française prévoit dans son article 7,
qu’il ne peut pas être procéder à une révision de la Constitution pendant l'intérim présidentiel, c'est à
dire pendant la période qui est courte, 35 jours au maximum, au cours de laquelle le président du
Sénat assure les fonctions de président de la République.

Et puis, à côté des limites circonstancielles, il y a des limites matérielles qui vont s'imposer au pouvoir
de révision de la Constitution.
C’est-à-dire des limites qui empêchent que certaines dispositions du texte soient modifiées par le
pouvoir constituant.

Ce fut le cas en France, de la République, de la forme républicaine du gouvernement, et notamment à


partir de 1884, lorsque la République est installée politiquement en France, le constituant intervient
pour interdire de modifier la forme républicaine du gouvernement dans une loi constitutionnelle du 14
août 1884.

Or, il est intéressant que cette interdiction à perdurer dans le cadre de la Constitution de 1946, à
l'art. 95 et dans le cadre de la Constitution française de 1958, dans l'art 89 alinéa 5, qui se trouve à
l'heure actuelle être la dernière disposition, donc la lecture du texte de la Constitution de 1958.

Cette interdiction pose toute une série de questions, elle a fait l'objet de très nombreux travaux et
écrits, car :
Que veut dire la forme républicaine du gouvernement ?
Est-ce que c'est simplement l'opposition entre la monarchie et la République ?
Ou est-ce que ce sont des principes républicains sur lesquels il ne serait pas possible de revenir ?

La forme républicaine renvoyant alors à la définition de la République qui figure à l'art 1er de la
Constitution française actuelle.
Cette question n'est pas du tout résolue, ni en doctrine, ni devant une juridiction.

L'exemple français n'est pas le seul et un certain nombre de pays ont inscrit, ce qu'on appelle des
« clauses d'éternités ».
C'est-à-dire, des règles considérées comme intangibles, éternelles, sur lesquelles il n'est pas possible
de revenir.

C'est le cas du Brésil dans l'art 60 de la Constitution de la République fédérative du Brésil qui
remonte à 1988.

C'est le cas de la Constitution de la loi fédérale allemande, de la loi fondamentale allemande, de 1949,
dans son art 79.
On voit dans ces 2 cas qu'il s'agit de textes constitutionnels qui ont été adoptés après des périodes
de dictature.
Le nazisme et une dictature qui avait quand même duré quelques décennies au Portugal.

Donc l'idée sous-jacente, c'était de ne pas revenir en arrière, de ne pas toucher à certaines
dispositions considérées comme essentielles et dans les 2 cas qu'on vient de citer les dispositions en
question touchent les droits fondamentaux dans ces 2 pays.

Mais encore faut-il qu'il y ait un mécanisme de sanction.

Dans le cas français, il n'est rien prévu et certains auteurs éminents ont pu dire :

« Il serait très possible de réviser la forme républicaine du gouvernement en procédant en 2 temps ;


1er temps ; on révise la Constitution et on supprime l'alinéa 5 de l'art 89, 2e temps ; on remplace la
République par une monarchie. »

Cet art 89 alinéa 5 ne serait qu'un phénomène de retardement de la révision constitutionnelle.

Dans le cas allemand, les choses sont un peu plus complexes, parce que la Cour constitutionnelle
allemande a la possibilité de contrôler les lois constitutionnelles et de vérifier si ces lois
constitutionnelles ne remettent pas en question les clauses d'éternité que l'on trouve dans la
constitution allemande.

Voilà donc des mécanismes intéressants.

On peut en citer un dernier un peu différent, puisque dans le cas espagnol par exemple :
C'est l'art 168 de la Constitution du Royaume d'Espagne, le pouvoir de révision n'appartient pas aux
mêmes organes en fonction de l'objet et plus l'objet est considéré comme important par la
Constitution, plus il doit y avoir un recours au référendum.
C’est-à-dire qu’en fait la procédure de révision suit le contenu de la Constitution et une révision sur un
objet moins conflictuel, peut être adopté par le Congrès, l'équivalent du Congrès en Espagne, et si le
sujet est considéré comme plus important, il faut alors le recours au référendum.

Faisons bien attention, tel n'est pas le cas de la France dans la Constitution de la 5e République, la
Constitution peut être révisée quelle que soit la modalité de révision et quel que soit l'objet, le choix
est alors politique.

Et donc se pose la question de savoir si ce pouvoir constituant dérivé est véritablement libre, y a-t-il
des limites ?

On le voit avec l'exemple de l'art 89 alinéa 5, le pouvoir constituant peut lui-même changer la règle
qui interdit de toucher à la Constitution et dans ce cas-là, le pouvoir constituant dérivé est aussi libre
que le pouvoir constituant originaire et il n'y a pas véritablement de limite.

Le Conseil constitutionnel, dans une jurisprudence très importante en 1992, qui a été reprise plusieurs
fois, c'est la décision numéro 92-312 DC du 2 septembre 1992, relative au traité de Maastricht,
décision qu'on appelle parfois « Maastricht 2 », parce que c'est la 2e décision sur le traité sur l’UE :
Il avait fixé, rappelé, les règles qui encadraient le pouvoir de révision, et notamment les règles
circonstancielles qu'on a vues, la règle de fond qu'on vient de rappeler, et il avait indiqué donc que le
pouvoir constituant était libre, mais sous réserve de respecter ces règles.

La difficulté, c'est qu’il y a des règles, mais personne n'est là pour faire appliquer ces règles.
Et un pouvoir politique qui souhaiterait passer par-dessus ces règles pourrait le faire très librement.

Et cette décision a été rappelée plusieurs fois, d'autant plus que quelques années après, dans une
décision 469 DC du 26 mars 2003, le Conseil constitutionnel a refusé de se reconnaître un pouvoir
d'examen des lois constitutionnelles, il a estimé qu'aucune disposition constitutionnelle ne lui donnait
ce pouvoir.

Donc on le voit ici, ce pouvoir constituant dérivé est relativement libre et la limite serait alors une
limite extérieure aux pays considérés.

L'existence de droits fondamentaux ayant une valeur supra constitutionnelle et ils s'imposeraient aux
États de la communauté internationale.

Encore faut-il qu'il y ait un mécanisme permettant d'imposer ces principes, notamment en matière de
droits fondamentaux, aux pays qui ont souscrit au traité.

Parce que ces droits fondamentaux, très souvent, sont inscrits dans des traités internationaux, ce qui
pose un autre problème délicat, celui des relations entre la Constitution et les Traités.

Cela nous conduit à nous interroger sur la supériorité de la Constitution.

5. LA SUPERIORITE DE LA CONSTITUTION ET LES SANCTIONS POLITIQUES

On l'a bien compris la méconnaissance de la Constitution est une sorte de tentation permanente pour
les pouvoirs publics puisque la Constitution encadre le pouvoir politique, donc c'est une contrainte et
donc la tentation c'est de méconnaître la Constitution.

Le problème est celui de prévoir d’éventuelles sanctions en cas de méconnaissance de la Constitution


au nom de la prééminence du texte constitutionnel, mais aussi la prééminence de l'État de droit.

Le mouvement des idées c'est développé dans ce sens depuis le 18e siècle, en même temps que ce
qu'on a appelé le « constitutionnalisme ».

C’est-à-dire que la Constitution doit s'imposer comme un acte supérieur s'imposant aux autres règles
de droit.

C'est la raison pour laquelle il est mieux que la Constitution soit écrite.

Cette supériorité va s'accompagner de sanctions pour qu'elle soit véritablement efficace et il y a


donc des sanctions politiques, par lesquelles il faut commencer.

Ces sanctions peuvent intervenir pour n'importe quelle cause et pas simplement pour des raisons
tenant au non-respect du droit par les gouvernants.
Ici, le droit étant la Constitution, mais tout simplement parce que les pouvoirs publics ne respectent
pas les pouvoirs qui sont les leurs.

Et, cela met en cause par exemple, le phénomène de destitution gouvernants qui auraient violé la
Constitution.

Mais ces sanctions politiques présentent des difficultés parce que souvent elles sont inorganisées.

C’est-à-dire, qu'elles ne correspondent pas vraiment à des dispositions constitutionnelles précises.

C'était le cas dans les constitutions révolutionnaires françaises en 1791, en 1793 aussi, 1795 qui
confiaient la garde de la Constitution aux bons citoyens.

La Constitution de 1791, pour ne citer que celle-là, confiait, dans le chapitre 5, titre 7, art 8 :
« La garde de la Constitution à la vigilance des pères de famille, aux épouses et aux mères, à
l'affection des jeunes citoyens et au courage de tous les Français. » (Dernier art de cette
Constitution)

On trouve des formules à peu près identiques dans les 2 constitutions révolutionnaires suivantes,
1793 et 1795.

Cette confiance dans les citoyens disparaît avec la Constitution de l'an 8, avec la Charte de 1814, mais
réapparaît dans la Constitution de 1848, qui essaie de renouer avec la tradition révolutionnaire, et
dans son art110 proclamait que :
« L'Assemblée nationale confie le dépôt de la présente Constitution et des droits qu'elle consacre, à
la garde et au patriotisme de tous les Français. »

Ne pensons pas que c’est réservé à la France, on trouve des formules similaires dans une Constitution
beaucoup plus récente et d'un autre pays qu'est la Constitution hellénique de la Grèce en 1975, c'est
l'art 120 et dernier.

Mais il y a des sanctions politiques qui sont plus organisées et qui associes le politique et le pénal.

C’est-à-dire, des sanctions dans lesquelles les procédures ont un caractère, des formes pénales,
répressives, mais avec un but politique consistant à empêcher des gouvernants d'agir et parfois à les
destitués.

C'est souvent le pouvoir exécutif qui est visé dans ce type de procédure parce qu’il est jugé le plus
dangereux pour les libertés des citoyens, pour l'équilibre des pouvoirs.

Pourquoi ?

Car c'est le pouvoir exécutif qui dispose de la force, c'est lui qui commande à l'armée, à la police.

Donc ce sont des sanctions qui visent plutôt le chef de l'État, les ministres ou parfois des
fonctionnaires publics, en cas d'abus.

Au départ, il s'agit d'une logique de responsabilité pénale, mais qui vont sanctionner des
comportements politiques.
Il y a encore des traces de ce mélange entre les 2, notamment dans 2 pays qui ont la même tradition
juridique et politique qui sont :
Le Royaume-Uni,
Et les États-Unis.

Ils ont mis en place, d'abord au Royaume-Uni, puis aux États-Unis, une procédure « d'impeachment »,
d'empêchement, qui passe par une mise en accusation des personnes concernées devant une
Assemblée.
Celle-ci va statuer, va juger en quelque sorte, va éventuellement condamner et va donc procéder à la
destitution.

C'est le cas, dans le système américain où il y a un acte d'accusation qui est dressé par une des 2
chambres, qui est la Chambre des représentants.
Puis le jugement, le procès, se déroule devant le Sénat, autre chambre du Congrès.

Aux États-Unis, il y a une seule procédure qui a été conduite à son terme contre le président Andrew
Johnson, en 1868, et il a été acquitté.

Même chose à propos de Monsieur Clinton en 1999 et le Sénat n'a pas pu reconnaître sa culpabilité à
propos d'une affaire un peu un peu scabreuse, où il avait été accusé d'avoir menti devant le Congrès.

Donc une procédure très lourde et qui aboutit peu.

Et le président Nixon, qui avait été soupçonné d'agissements illégaux, a préféré démissionner quand il
a compris que le Congrès pouvait voter son impeachment.

Mais cette technique de l'impeachment existe dans d'autres États, indépendamment de la tradition
anglo-saxonne.

C'est le cas par exemple du Brésil où la Présidente Mme Dilma Rousseff a été destituée par le
Congrès, par les Assemblées du pays.

Cette procédure existe dans d'autres pays, par exemple au Venezuela, mais jusqu'à présent elle n'a
jamais pu être mise en œuvre contre le Président Nicolas Maduro.

Et puis en France, il y avait une procédure un peu différente, qui était la procédure de la haute
trahison, qui était prévue dans les art 67 et 68 de la Constitution.

Elle visait à ce qu’une juridiction, composée de parlementaires et qui s'appelait la Haute Cour de
justice, pouvait juger le Président de la République, en cas de haute trahison.
Ce qui conduisait, en principe, à sa destitution.

La difficulté venait du fait que personne ne savait, dans le cadre de la Constitution de 1958, ce
qu'était la haute trahison, elle ne le précisait pas.
Et aucuns textes ne prévoyaient ce qu'était la haute trahison.

En 2007, le constituant est intervenu, à la suite de différentes affaires et a voulu séparer le politique
et le pénal.
Il a voulu prévoir qu'une procédure de destitution du Président de la République, en cas de :
« Manquement manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. »
C'est l'art 68 de la Constitution, issue de la rédaction de la loi constitutionnelle du 23 février 2007.

Dans ce cas, la procédure met en œuvre les 2 Assemblées, qui doivent se prononcer et mettre en
accusation le Président de la République ou plutôt vouloir sa destitution.
Mais dans un cadre qui n'est pas nécessairement pénal parce que le manquement peut être de
différentes sortes.
Et lorsqu'il est mis en accusation dans cette 1re phase, le cas du Président est alors examiné par la
Haute-Cour.
Comme la Haute-Cour n'est plus de justice, c'est en fait le Parlement, les 2 Assemblées réunies
ensemble.
Cette Haute-Cour n'a comme pouvoir que de prononcer ou de refuser la destitution, selon des règles
de majorité un peu qualifiées, pour que cette décision ne soit pas adoptée un peu à la légère et trop
rapidement.

Donc il y a une volonté de couper le lien entre le pénal et la politique, car la procédure prévue en 2007.

Celle-ci s'inspire de la procédure italienne, de la Constitution italienne, qui est une procédure
essentiellement politique.

Voilà donc quelques exemples de sanctions politiques, en cas de non-respect de la Constitution.

6. LA SUPERIORITE DE LA CONSTITUTION ET LES SANCTIONS JURIDIQUES

Alors on le voit, les sanctions politiques présentent un certain nombre de défauts, d'inconvénients.

D'abord, parce que ça ne concerne pratiquement pas le Parlement, qui peut lui-même commettre des
violations de la Constitution.

C'est la raison pour laquelle se sont développées des sanctions juridiques, par le biais du contrôle de
de constitutionnalité.

Ces sanctions ne peuvent exister vraiment qu’au profit de Constitutions formelles, c’est-à-dire écrite.

C'est plus facile, car le texte est connu et accessible.

Dans cette hypothèse, il faut alors faire constater, par un organisme, que la Constitution est
méconnue par une autorité publique, a été adoptée en violation de la Constitution, ou s'applique de
manière contraire à la Constitution.

Le principe d'un tel contrôle de constitutionnalité n'est pas évident à faire accepter aux États.

Puisque cela, revient à mettre en cause, ce que Jean-Jacques Rousseau appelait « la volonté
générale ».
C’est-à-dire, considérer que la loi peut être mauvaise, que la loi peut « errer » selon sa formule, se
tromper.
On comprend, qu’en France, très fortement inspiré par cette tradition issue de Jean-Jacques
Rousseau qu'on appelle parfois « le légicentrisme », cette tradition a empêché l'existence d'un
contrôle de constitutionnalité s'agissant des lois.

Mais il ne faut pas oublier, qu'un contrôle de constitutionnalité existe à l'égard des actes des
autorités administratives, et cela depuis l'existence du Conseil d'État, depuis la période
napoléonienne.

Il y a eu des évolutions dans le sens d'un véritable contrôle.

Mais ces juridictions, notamment administratives, le Conseil d'État en en France où c’est toujours le
cas, ce sont souvent refusés à connaître des lois.

C’est-à-dire, ils ont toujours refusé de juger de la constitutionnalité des lois, pour des raisons qui
tiennent à ces principes, à cette tradition que l'on qualifie de républicaine te qui s'oppose au
jugement de la loi.

Cette tradition, a été renforcée sous la 3e République à cause du parlementarisme absolu, c’est-à-
dire, de la toute-puissance du Parlement, qui est aussi celle de de la loi.

L'expression de « parlementarisme absolu », est due à un grand auteur de cette époque qui s'appelait
Carré de Malberg et qui expliquait en quoi il était difficile ou impossible de remettre en cause la
volonté du Parlement.

Donc, le principe même d'un contrôle de constitutionnalité, a mis du temps à être adopté en France,
un peu moins dans d'autres pays.

Et, il y a un pays qui avait mis en œuvre un contrôle de constitutionnalité bien avant les autres, mais
qui connaît des modalités tout à fait particulières, ce sont les États-Unis d'Amérique.

Cela permet de distinguer un modèle américain de contrôle de constitutionnalité, avant de voir ensuite
un modèle européen.

7. LE MODELE AMERICAIN DE CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITE

Le « modèle » américain, …

Le mot modèle doit être pris avec beaucoup de précautions, car c'est quelque chose qui a existé où qui
existe aux États-Unis d'Amérique, qui a pu se diffuser dans d'autres pays, parfois d'ailleurs pas
simplement sur le continent américain et lorsque cette technique s'est développée ou a été utilisée
dans d'autres pays, c'est parfois en le déformant, donc le modèle n'est pas forcément toujours
parfait lorsqu'il est appliqué ailleurs.

La même chose pour l'Europe, on verra qu'il y a une grande diversité.

Donc, ce mécanisme de contrôle dit « américain », de contrôle diffus, n’est pas inscrit dans la
Constitution fédérale de 1787.
Il est le fruit, essentiellement, de la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis.
Même s'il y avait une tradition d'examen des lois locales des administrations coloniales, par les
juridictions des colonies britanniques avant 1776, c’est-à-dire avant la déclaration d'indépendance.

C'est lors de la convention de Philadelphie, réunie pour élaborer la Constitution 1787, que le débat va
opposer ceux qui veulent transposer au niveau de l'Union (c’est-à-dire de la Fédération), la
subordination de la législation à l'autorité de la Constitution et ceux qui s'y opposaient.

Il y avait les libéraux, partisans d'une fédération forte et d'un contrepoids aux excès de la
démocratie.
Puis en face, il y avait les démocrates, comme Thomas Jefferson, Thomas Payne, qui était anti
fédéraliste, qui se méfiait de tout ce qui pouvait limiter le pouvoir des États, donc le pouvoir des
peuples.

Puisqu’il y avait une tradition démocratique dans ces États, qui n'étaient pas vérifiées à 100%, mais en
tout cas une volonté de respect des volontés du peuple, même s'il s'agissait des élites.

La Constitution fédérale du 1787, devant ce débat important, compliqué, avait décidé de ne rien faire.

Mais le pouvoir judiciaire aux États-Unis est confié à une Cour suprême, mais aussi à toutes les
juridictions qui existent, à la fois au niveau fédéral et dans les États.

C'est donc la Cour suprême, en 1803, dans un arrêt très célèbre, qui s'appelle « Marbury contre
Madison », qui a décidé que :
« Il lui revenait d'examiner la conformité d'une loi à la Constitution fédérale », aussi bien d'une loi
d'un État fédéré, qu'une loi fédérale.

Cette décision, a dû au « Chief justice », c’est-à-dire au président de la Cour suprême, qui s'appelait
« Marshall », qui était un fédéraliste convaincu.

C'est-à-dire, partisan du fait que le système fédéral et la Constitution fédérale devait primer sur les
actes des États.

La décision « Marbury vs Madison », est donc le 1er cas de contrôle de constitutionnalité, au nom de la
hiérarchie des normes.

C’est-à-dire, au nom du principe selon lequel, en cas de contradiction entre 2 règles de droit, c'est la
règle supérieure qui devait l'emporter, qui devait primer.

Mais dans le système de la Cour suprême et plus généralement dans le système judiciaire américain, il
n'est pas question de juger la loi examinée, il est question simplement d'écarter son application en
faveur du texte supérieur.

Ce texte, n'est ni annulé, ni abrogé par le juge, et lorsque le litige est réglé, la règle inférieure
reprend toute sa place dans la hiérarchie des normes.

Ce contrôle s'appelle « diffus », parce que n'importe quelle juridiction peut procéder à ce type
d'examen, n'importe quelle juridiction peut décider d'écarter une loi contraire à la Constitution,
notamment fédérale.
Voilà le mécanisme de contrôle de constitutionnalité des lois, dans un système qui relève du
« modèle » américain.

Se greffe et s'ajoute à ce mécanisme, une règle qui est propre au régime de « Common Law ».

C’est-à-dire, des régimes juridiques inspirés du droit britannique, qui pourrait se traduire par « droit
commun ».

C'est une règle qui s'appelle ; « La règle du précédent ».

Elle veut, que dans les pays de Common Law, lorsqu'un juge a statué, sa décision vaut force de loi.

C’est-à-dire, qu’on doit s'en tenir à cette décision, telle qu'elle est prise par un juge et qui doit être
appliqué par les autres juridictions confrontées au même problème, à la même question.

Donc contrôle diffus, mais en même temps règle du précédent, qui donne une autorité aux décisions
du juge.

La Cour suprême des États-Unis, est une juridiction tout à fait essentielle, qui est composée de de 9
membres.

Mais cette juridiction, qui joue un peu dans le cas français le rôle du Conseil constitutionnel, de la
Cour de cassation et du Conseil d'État, puisqu’il n'y a pas 2 ordres de juridiction aux États-Unis, a
attendu le milieu du 19e siècle pour considérer qu'une loi était contraire à la Constitution.

Il ne faut pas penser qu’à partir de 1803, date de l'arrêt « Marbury vs Madison », la Cour suprême a
considéré que beaucoup de lois étaient contraires à la Constitution, pas du tout.

Et puis, autre phénomène, la Cour suprême se réserve la liberté d'examiner ou non, les recours qui lui
sont donnés.

Elle procède donc à un filtre très sévère et environ 95% des requêtes sont jugées irrecevables par la
Cour suprême.

Elles ne jugent que quelques décisions car elle écarte beaucoup de requêtes.

Voilà pour ce système à l'américaine, mais qui montre un autre un autre phénomène, c'est-à-dire la
toute-puissance du juge aux États-Unis.

Le juge est véritablement un pouvoir, au même titre que le Congrès, que le Président des États-Unis.

C'est à ce propos, qu’un auteur français qui s'appelait Edouard Lambert, avait forgé l'expression de :
« Gouvernement des juges ou de juges qui gouvernent. ».

C’est-à-dire, que ces membres de la Cour suprême peuvent s'opposer aux autres pouvoirs.

On l'a vu à la période du « New Deal », la Cour suprême a cherché à s'opposer à Roosevelt, initiateur
de cette politique du New Deal, à partir de 1933.
Il y a donc un véritable pouvoir judiciaire, ce qui n'est pas tout à fait le cas dans un certain nombre de
pays européens.

8. LE MODELE EUROPEEN DE CONTROLE DE CONSTITUTIONNALITE

Le modèle Européen est très différent du modèle américain.

En effet, il est confié à une Cour constitutionnelle, qui est donc une institution spécialisée dans le
contentieux constitutionnel.

Ce contrôle est alors concentré, c’est-à-dire exercé par 1 juridiction, qui peur porter le nom de Cour
constitutionnel ou de Tribunal constitutionnel.

Cette Cour ou Tribunal, se situe en dehors de la pyramide des juridictions, donc complètement
différent du système américain.

En principe, ces Cour constitutionnelle ont le monopole du contentieux constitutionnel.

Le contrôle peut être « a priori », avant l’entrée en vigueur de la loi.

Il peut être « a posteriori », lorsque la loi est entrée en vigueur.

Ce contrôle peut être lié à un litige, cad, c’est à l’occasion de ce litige que la question de
constitutionnalité est posée.

Ou cela peut être en dehors du litige, et on va distinguer un contrôle concret dans un 1ercas, d’un
contrôle abstrait dans le 2ndcas.

Ce contrôle peut être la l’initiative de certaines autorités politiques ou à tous les citoyens.

On le voie, des situations différentes, d’un pays à l’autre, d’une histoire à l’autre, et ce modèle
européen est né de la réflexion théorique du juriste autrichien Hans Kelsen.

Au nom du principe de la hiérarchie des normes, où les normes inférieures devaient respectées les
normes supérieures, il fallait introduire un mécanisme de contrôle des lois par rapport à la
Constitution.

Ce schéma est tout à fait à l’opposé du système américain.

Il y avait des prémices de ce mécanisme ancien, notamment sous la Révolution française, l’Abbé
Sieyès, avait tenté de mettre en place une forme de « jury constitutionnaire », l’avait-il appelé.

C’était une sorte de juridiction constitutionnelle, mais qui a été écartée par l’Assemblée constituante
en 1795, comme étant trop dangereuse, car c’est elle qui aurait la réalité du pouvoir.

Alors, Hans Kelsen a beaucoup inspiré la Constitution autrichienne, Constitution républicaine, après la
1re guerre mondiale, en 1920.
Il est à l’origine de la Haute-Cour constitutionnelle, chargée de ce rôle et inspiré par ses travaux, ses
réflexions.

Mais cette Cour constitutionnelle a fini par disparaitre, avant même l’annexion de l’Autriche par
l’Allemagne hitlérienne, et Hans Kelsen lui-même avait démissionné de la Haute-Cour constitutionnelle.

Ce modèle européen a connu des vagues, des périodes, de création de Cour constitutionnelle dans le
monde et au niveau européen.

D’abord une 1revague à la suite de la 2ndeguerre mondiale, avec la création en Autriche et en République
Fédérale Allemande, de juridictions constitutionnelles.

On comprend qu’il s’agissait de marquer la fin du nazisme et de consacrer l’importance de principes


fondamentaux et leurs places qui devaient s’imposer aux lois.

Rappelons ce qu’on a dit sur les mécanismes de révision de la Constitution.

A la même époque, l’Italie a mis en place une Cour constitutionnelle italienne, dans la Constitution de
1947, qui se prononce sur un certain nombre de cas.
Mais il a fallu attendre des années pour que cette Cour entre en fonction.

Ensuite, la 2ndevague, ce sont les juridictions nées dans le pays de la péninsule ibérique, là-aussi à la
suite de période de dictature, de changements plus ou moins brutaux de pouvoir.

En Epagne, en 1978.
Au Portugal, à partir de 1982.

Donc, 2 cas de Tribunaux constitutionnels disposant de pouvoirs très importants, mais chargés de
contrôler les lois, dans des pays qui accédaient à la démocratie.

Et, la 3e vague, ce sont les pays de l’ex-bloc soviétique.


Après la chute du mur, ces pays se sont dotés de juridictions constitutionnelles inspirées souvent du
modèle allemand ou italien, visant à contrôler les lois.

Alors que dans la logique inspirée par le marxisme, il était inenvisageable de prévoir une juridiction
chargée de contrôler la loi.

Donc, c’est une autre conséquence de l’accession de ces différents pays, à une forme de démocratie
qualifiée de différente.

On le voie, le cas de la France, avec la création du Conseil constitutionnel, en 1958, obéi à une tout
autre logique, puisque la France n’a pas été citée dans ces différentes vagues, mais parce que la
création du Conseil Constitutionnel avait été voulu pour obéir a un autre objectif.

C’est ce que l’on verra plus tard, au cours du 2ndsemestre.


III. LA DEMOCRATIE.

1. DEFINITION DE LA DEMOCRATIE

Après l'État et la Constitution, il faut nous intéresser à un autre pilier du droit constitutionnel qui est
la démocratie.

Cette question intéresse, en effet, les relations entre les gouvernants et les gouvernés, donc de la
place du peuple puisque dans démocratie il y a le mot « peuple », « demos » en grec et le mot
« cratie » qui venait en fait du verbe « pouvoir », c'est le pouvoir du peuple et pour le peuple.

Cette définition très célèbre, est empruntée à Abraham Lincoln.

Alors, ce n'est pas la Grèce antique mais c'est un discours qu'il a prononcé à Gettysburg, en 1864, en
disant :

« Que la démocratie, c'est le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

On constatera, avec intérêt, que l'art 2 de la Constitution française dans sa rédaction contemporaine
indique que c'est le principe même de de la République :

« Gouvernement du peuple, parle le peuple et pour le peuple. »

Alors même que le mot de « démocratie » ne figure pas dans ces quelques mots.

Mais tout le monde aura compris qu'il s'agit bien de la définition de la démocratie.

Puisque l'on parle de la Constitution de 1958, on peut rappeler que l'art 1er ,qui définit la République,
nous indique que :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

L'adjectif y figure, mais sans qu'il y ait un lien absolument évident entre cet art 1er et l'art 2, que
l'on vient de citer.

Un grand juriste autrichien, qui s'appelait Hans Kelsen, définissait d'ailleurs la démocratie comme
étant :

« L'identification des gouvernés aux gouvernants. »

Ce qui revient à dire, que la démocratie signifie :

La participation des citoyens aux affaires publics.

Puisque nous sommes dans les définitions, on peut rappeler le mot fameux de Winston Churchill :

« La démocratie est préférable à tous les systèmes. »

Il disait, en fait, la démocratie est un mauvais système, mais elle est le moins mauvais de tous les
systèmes.

Voilà tout ce qui caractérise en quelque sorte ce terme riche de sens de démocratie.

Mais ces sens, ont un peu évolué au cours du temps.


Ainsi, dans l'Antiquité grecque, à l'époque des cités grecques, qui étaient en quelque sorte des mini-
États, ces cités, ne connaissaient pas la liberté individuelle.

La liberté, pour les Grecs anciens, consistait surtout en la participation au pouvoir politique.

Donc, étaient citoyens, ceux qui participaient à la vie politique, donc ceux qui participaient à cette
fameuse démocratie, qu'on appelle parfois athénienne et qui remonte au 5e siècle av J-C.

Quand on parle de citoyens, on ne dit pas tout le monde dans la Grèce antique, puisque seuls ceux qui
avaient ce titre de citoyens pouvaient participer à la vie publique, mais tous les autres, notamment les
esclaves, étaient exclus de la vie politique, parce qu’ils n’étaient pas des citoyens.

Donc, la démocratie peut être « riche », mais en même temps, elle peut être réservée à certains.

La démocratie, en ce qu'elle signifie la participation au pouvoir politique, consiste à se soumettre à


des règles, qui sont élaborées par ceux qui sont soumis à ces règles.

C’est-à-dire, qu’en réalité, par le biais de la démocratie, on se soumet aux règles que l'on a soi-même
créés.

Cela permet de distinguer la démocratie, de l'autocratie.

C’est-à-dire, le pouvoir exercé par un seul et qui décide à la place des autres.

Cette démocratie signifie donc, l'adhésion des gouvernés aux gouvernants sans que cela signifie une
obéissance aveugle, mais cela signifie que le pouvoir auquel on adhère, auquel on se soumet, est
légitime, puisqu’il est issu des règles de la démocratie.

Cette démocratie politique, peut connaître des formes assez diverses, on le verra.

Elle peut être directe ou représentative.

On verra aussi, qu’il peut y avoir des solutions intermédiaires et l'on parlera de démocratie « semi-
directe ».

On peut en trouver un exemple dans l'art 3 de la Constitution de 1958, qui prévoit que :

« La souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum. »

Le référendum, c'est donc la démocratie directe.

Les représentants, sont la démocratie représentative.

Cette démocratie, nécessite sans doute un certain nombre de conditions.

On a évoqué le lien avec la liberté, on verra que dans certains cas les 2 ne sont pas absolument
évidents, à relier entre eux.

Mais pour qu'il y ait démocratie véritable, il faut qu'il y ait des conditions, notamment le respect du
pluralisme.

C’est-à-dire, qu’il faut qu'il y ait échange des idées, il faut sans doute qu'il y ait débat.

Et pour que ce débat existe, il faut que ce débat soit libre.

Il faut donc garantir le pluralisme des idées et des médias.


C’est-à-dire, des moyens de communication.

Sur ce point, le droit français a fait quelques progrès, puisque cette idée était déjà mentionnée dans
la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans une décision sur la liberté de communication, qui nous
indiquait que :

« Le pluralisme des courants d'expression socio-culturel, est lui-même un objectif de valeur


constitutionnelle. Et le respect de ce pluralisme, est une des conditions de la démocratie. »

Ces décisions, qui portent le N° 217 DC, du 18 septembre 1986, n'étaient en quelque sorte que la
francisation d'une jurisprudence européenne de la CEDH, celle de Strasbourg, dans un arrêt qui
s'appelait « Handyside vs Royaume-Uni », qui date du 7 décembre 1976.

Décision, dans laquelle, la Cour exprimait que :

« La liberté d'expression vaut pour les informations ou les idées accueillies avec faveur ou
considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent, qui choquent ou qui inquiètent,
l'État, ou une fraction quelconque de la population. »

C'était donc la définition, de la liberté de communication.

Mais, c'est la suite qui est encore plus intéressante pour nous.

« Ainsi, le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de
société démocratique. »

On conçoit alors que le pluralisme des idées, va avec le pluralisme des partis politiques.

Sur ce point, la révision constitutionnelle française du 23 juillet 2008, a apporté un certain nombre
d'innovations.

Ainsi, l'alinéa 2, donc nouveau, de l'art34, confie à la loi la compétence pour fixer les règles
concernant le pluralisme et l'indépendance des médias.

Ici, il s'agit du pluralisme des moyens de communication et il n'est pas fait mention de la démocratie.

Mais il y a sans doute un lien entre les 2 et il est fait, plus directement, dans une autre disposition
introduite en 2008, qui est l'alinéa 3, nouveau, de l'art 4, à propos des partis politiques, qui consacre
la place, l'existence, la liberté, des partis politiques en droit français. Il précise que :

« La loi, garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et
groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

On retrouve ici l'adjectif « démocratique », qui figure dans l'art 1er de la Constitution de 1958.

Cette démocratie est très souvent associée à l'élection des représentants, ou la votation lorsqu'il
s'agit de démocratie directe, et l'on s'intéresse nécessairement à la question du suffrage.

Or, cette question du suffrage a connu des évolutions très importantes dans l'histoire des sociétés
humaines.

Mais, c'est la consécration du suffrage universel.

Le suffrage universel est en quelque sorte l'une des conditions modernes de la démocratie.

Il est désormais masculin, féminin, et il peut être encadré avec des limitations d'âge.
C’est-à-dire, que tous les Français ne sont pas nécessairement des électeurs, mais il faut atteindre un
certain âge.

On sait que c'est 18 ans, pour pouvoir participer à la vie politique.

Donc, on le voit, la démocratie charrie avec elle, toute une série de concepts :

De liberté,

De pluralisme,

Et de suffrage universel.

2. SOUVERAINETE NATIONALE ET SOUVERAINETE POPULAIRE

La démocratie, c'est aussi l'expression de la souveraineté, nous dit l'art 3, alinéa 1er, de la
Constitution de 1958.

Mais cette souveraineté, peut avoir des fondements différents dans l'histoire et l'on oppose, assez
traditionnellement, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire.

Cette distinction est apparue en France, au moment de la Révolution française en 1789, et elle doit
beaucoup à l’Abbé Sieyès, qui est l'un des premiers constitutionnalistes modernes.

Il était relativement hostile à la souveraineté populaire.

C'est-à-dire, au fait de donner un droit de suffrage à tous les citoyens français, et il a participé à
inventer le concept de souveraineté nationale.

Souveraineté nationale renvoie évidemment à l'idée de Nation.

La Nation, chez les hommes de 1789, était un concept abstrait qui n'était pas nécessairement
synonyme du peuple.

C’est-à-dire, de l'ensemble des personnes vivant en France au moment de la Révolution française.

Comme la Nation était un être abstrait, elle pouvait être représentée par des individus, des électeurs,
qui pouvaient être choisis, qui pouvaient être déterminés en fonction de leur qualité diverses et
variées.

On peut ainsi dire, que la Nation ne peut être représentée que par ceux qui ont un intérêt.

Comment déterminer cet intérêt ?

Par un critère financier, qui est le fait de payer une certaine somme d'impôts.

Cette certaine somme d'impôts porte le nom de « cens », on parle ainsi de « suffrage censitaire ».

Ce suffrage censitaire, inventé au début de la Révolution française, a permis de distinguer ceux qui se
sont appelés « les citoyens actifs et les citoyens passifs ».

Seuls les premiers pouvaient participer à la vie publique et politique parce qu'il y avait un intérêt,
parce qu'ils payaient cette fameuse somme d'impôts.
Alors que les citoyens passifs, qui avaient tous les autres droits reconnus dans la DDHC de 1789, ne
pouvaient pas participer à la vie publique, ils ne pouvaient pas être électeurs.

Cette distinction se trouve, très nettement, dans la Constitution du 3 septembre 1791 (la 1re
Constitution écrite française), dans les art 1er et suivant, de la section 2, du chapitre 1er, du titre 3.

Cette numérotation, est non continue dans les chiffres et ces articles qui constituent l'introduction
du titre consacré aux pouvoirs publics dans cette Constitution, indiquent bien la conception de la
souveraineté nationale, telle qu'elle était prévue par les hommes de 1791.

La Constitution, du 22 Fructidor an 3 (du 22 août 1795), était ici plus explicite et notamment dans son
article 35, qui définissait les conditions pour être électeur, on pouvait y lire :

« Nul ne pourra être nommé électeur s'il n'a 25 ans accompli et s'il ne réunit aux conditions
nécessaires pour exercer les droits de citoyen français l'une des conditions suivantes, à savoir dans
les communes au-dessus de 6000 habitants, celles d'être propriétaire ou usufruitier d'un bien évalué
un revenu égal à la valeur locale […]. »

C’est-à-dire, des conditions financières pour déterminer la condition d'électeurs dans la Constitution
de 1795, qui ressemble sur ce point à celle de 1791, et qui repose sur le suffrage censitaire.

On sait, un peu plus tard, au 19e siècle, que le suffrage censitaire était dominant dans les Chartes
monarchiques, donc constitutionnelles, celle de 1814, celle de 1830.

Et, il faudra attendre 1848, pour que le suffrage universel soit accordé à tous les individus capables
juridiquement, ce qui excluait à l'époque les femmes et les mineurs.

A cette souveraineté nationale est opposée fréquemment, la souveraineté populaire.

Le texte le plus limpide pour définir le la souveraineté populaire, c'est la Constitution intermédiaire,
entre 1791 et 1795, c’est-à-dire, la Constitution du 24 juin 1793 (Constitution dite de l'an 1).

Cette Constitution de 1793 est souvent présentée comme l'une des plus démocratique de l'histoire
constitutionnelle française, même si elle n'a jamais été véritablement appliquée.

Mais ce qui nous intéresse ici, c'est son art 7, qui est intégré dans une subdivision qui s'intitule :

« De la souveraineté du peuple. »

On a ici la réponse à notre question.

Mais cet article est encore plus précis :

« Le peuple souverain et l'universalité des citoyens français. «

L'universalité renvoie au suffrage universel, laissons de côté la question des femmes.

On voit bien que le souverain, c'est le peuple, qui n'est pas synonyme de Nation.

C'est donc l'ensemble des citoyens français, vivant à un moment donné, dans sur le territoire de la
République française.

Donc on a bien une opposition, semble-t-il, entre 2 formes de souveraineté, qui reposent sur des
considérations qui étaient politiques.
La Constitution de 1958, comme le texte de la Constitution de 1946, utilisent une formule qui a
parfois été qualifiée de paradoxale, ou d'ambigu, mais que l'on peut expliciter.

Il s'agit de l'art 3, déjà cité, dans l'alinéa 1er, qui dit la chose suivante :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum. »

Ce qui nous intéressé ici, ce sont les premiers mots :

« La souveraineté nationale appartient au peuple ».

Une lecture un peu rapide de cette disposition, semble indiquer un mélange des genres.

S'agit-il de souveraineté nationale ?

S'agit-il de souveraineté populaire ?

En réalité, il faut bien comprendre que la souveraineté appartient au peuple.

Nous sommes dans un régime qui se veut démocratique, qui se veut moderne, en 1958 et qui reprend
les concepts, les fondements de la Constitution de 1946.

Mais cette souveraineté est quand même qualifiée de nationale.

Pourquoi ?

Parce qu'elle appartient au peuple français.

Et, l'adjectif « national », qui figure dans cette disposition, renvoie en fait à la qualité du peuple, qui
est le peuple français.

On verra d'ailleurs que cette disposition à un certain nombre de conséquences.

Ça veut dire, entre autres, qu’il n'y a pas d'autre peuple que le peuple français, et que les conditions
pour être électeurs sont essentiellement des conditions de nationalité.

Il faudra attendre, longtemps, en 1992, pour que d'autres que des Français puissent avoir un droit de
vote à certaines élections, notamment aux élections européennes et municipales.

Mais pour cela, il aura fallu une révision de la Constitution en 1992.

Pour autant, cette souveraineté nationale, est bien une souveraineté qui repose sur le peuple.

Et de ce fait, l'opposition que l'on faisait traditionnellement, qui avait été théorisé par de nombreux
auteurs, n'a sans doute plus lieu d'être dans la Constitution de 1958.

3. LA DEMOCRATIE DIRECTE

On l'a évoqué, la démocratie peut avoir des formes diverses.

Elle peut être directe et représentative.

Parfois, la démocratie directe est présentée comme étant la seule acceptable, parce que c'est celle
par laquelle le peuple s'exprime directement, indique ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas.
Sans vouloir sacrifier à une actualité récente, on peut se rappeler que parmi les revendications de
certaines manifestations, figure l'idée d'un « référendum d'initiative citoyenne ».

Et ce référendum, reposerait sur l'idée que le peuple voudrait quelque chose, souhaiterait une
modification de l'État du droit et qu'il suffirait de demander pour que cette modification soit
adoptée.

L'idée d'une démocratie directe, participative, qui voudrait que la participation du peuple ne se limite
pas seulement aux droits de vote, mais impliquerait un contrôle permanent sur les élus, une
participation aux citoyens par le biais, par exemple, d'un tirage au sort.

Voilà, toutes les idées, qui sont parfois derrière l'expression de démocratie directe, conçue comme la
seule véritable démocratie.

Et sur ce point, la démocratie directe bénéficie, c'est vrai, d'un prestige intellectuel, théorique, aussi
politique, mais qui n'est pas tout à fait consacrée par le droit français.

Dans cette démocratie directe, c'est la participation du peuple à l'exercice du pouvoir.

Il n'y a pas de représentation, pas de délégation du pouvoir, et dans ce sens, le suffrage ne peut être
alors qu'un universel.

Un peu, comme le suggérait l'art 7 de la Constitution de 1793, qui a voulu privilégier des formes de
démocratie directe.

Le suffrage est universel parce que tout citoyen est membre de droit de la communauté politique,
sous réserve des conditions d'âge, de capacité, sur lesquelles on reviendra.

Donc, la souveraineté ne peut être que populaire, puisque tout membre de la société est titulaire
d'une fraction de cette souveraineté, à partir du moment où il remplit les fameuses conditions.

Cette démocratie peut prendre des modalités assez variées, à la fois dans le temps, mais aussi dans
l'espace, c’est-à-dire selon les différents pays.

Alors, ce qui vient souvent à l'esprit à propos de la démocratie directe, c'est l'idée d'un peuple
rassemblé et qui discute, qui délibère, mais qui décide aussi par un vote, un peu comme dans une
assemblée générale, dans un cadre plus ou moins élargie.

On conçoit bien, que cette forme de démocratie directe est un peu difficile à mettre en œuvre sur
des territoires très vastes, pour des populations très nombreuses, dans des États relativement
grands.

C'est la raison pour laquelle, on considère qu'il existe encore des « survivances » de cette démocratie
directe, dans 2 petits Cantons de la Suisse, de la Confédération helvétique moderne :

Les Cantons de Glaris et d'Appenzell Rhodes-Intérieures.


Mais, dans ces Cantons, n'habite que quelques dizaines de milliers de citoyens et, rappelons-le, ce sont
des États fédérés au sein de ce qui s'appelle la Confédération helvétique, mais dont on a déjà qu'il
s'agissait d'une véritable fédération.

Ces citoyens sont rassemblés sur une place, ils se réunissent, dans ces Cantons Alémaniques, donc qui
parlent une langue qui ressemble à l'allemand, dans des « Landsgemeinde » (des Assemblées du pays).

Ces assemblées se réunissent une fois par an, votent les lois, adoptent le budget et parfois révisent la
Constitution de manière un peu anecdotique, et les femmes n'y ont été admises que très récemment.

Ce qui prouve bien que la démocratie directe peut avoir aussi quelques limites, c’est-à-dire, ne pas
être totalement démocratique.

On conçoit, que cette forme de démocratie directe est difficile à réaliser.

Donc, le procédé le plus fréquent, le plus utilisé dans la plupart des pays, du moins ceux qui acceptent
cette pratique, c’est le référendum.

C’est-à-dire, le fait de voter oui ou non, ou avec d'autres modalités, à une question.

Et, ce référendum doit être distingué de plusieurs notions, parfois proches de la consultation ou du
plébiscite.

De la consultation, tout d'abord, parce qu'il s'agit bien dans le référendum, d'obtenir une véritable
décision qui va s'imposer, au même titre que si elle était adoptée par un organe politique, par exemple,
une Assemblée.

Sur ce point, le référendum se distingue de la consultation, qui ne permet que d'obtenir un avis dont
on pourra tenir compte, mais qui n'aura pas nécessairement valeur de consultation.

Et puis, de manière très historique, le référendum est distingué du plébiscite.

Pourquoi de manière historique ?

Parce qu’un certain nombre de périodes de l'histoire politique et constitutionnelle française ont
beaucoup pratiqué le plébiscite.

D'ailleurs, le mot « plébiscite » est souvent associé à l'adjectif « napoléonien », parce qu'il s'applique
aussi bien à Napoléon Bonaparte (1erConsul, puis 1erEmpereur), mais aussi à Napoléon 3 (Louis-Napoléon
Bonaparte).

Le plébiscite est souvent présenté, comme étant une manière pour le pouvoir politique de poser une
question au suffrage, au peuple, quelle que soit sa définition, qui vise en réalité à demander l'accord
du peuple, à la personne, qui pose la question, à légitimer celui qui détient le pouvoir.

On conçoit alors, que très souvent, dans les régimes qui pratiquent ce qu'on appelle ici « plébiscite »,
dans ces pays, dans ces régimes, le peuple vote à 95%, parfois à 99%, des suffrages exprimés en
faveur de la question posée, en réalité, en faveur de la personne qui a posé cette question.
Alors, ne nous leurrons pas, on parle de « plébiscite napoléonien » parce que l'on parle de l'histoire de
France, mais l'on peut trouver, dans un certain nombre de pays qu'on préférera ne pas nommer, au 21e
siècle, des référendums qui sont évidemment des plébiscites, c'est-à-dire, l'adhésion à un homme ou
une femme.

Ça, c'est la définition habituelle du mot « plébiscite ».

Mais on peut en donner une autre du mot « plébiscite » par rapport au référendum, qui doit permettre
le choix, de répondre oui ou non dans la plupart des cas, avec la possibilité de répondre non, c'est-à-
dire, de refuser la question qui est ici posée.

Et, une réponse négative n'entraîne pas dans un véritable référendum, un chaos n'entraîne pas une
anarchie, c’est-à-dire, que le fait de répondre non ne bouleverse pas la vie institutionnelle, qui peut
continuer son cours, alors même que les électeurs ont répondu non.

Dans un plébiscite, à la différence, il n'y a donc pas de solution de rechange, de solution alternative.

Et dans ce cas-là, le suffrage est pratiquement conduit à répondre oui, parce que s'il répond ou non,
« C'est l'aventure », comme disait parfois le Général de Gaulle.

Donc on le voit, le référendum, c'est aussi la liberté de répondre non.

Le plébiscite, c'est pratiquement l'impossibilité de répondre non.

On voit d'ailleurs que les 2 significations, que l'on essaye de donner au mot « plébiscite », peuvent se
rejoindre, parce que le plébiscite où il n'y a pas de possibilité de répondre. non, on le rencontre dans
les régimes autoritaires qui cherchent à asseoir la légitimité de celui qui a posé la question.

Alors, l'histoire de France plus récente que les régimes napoléoniens, nous permet de trouver
quelques exemples de référendum négatif, c’est-à-dire, de véritables référendum à propos desquels,
le peuple français, les électeurs, ont pu répondre non.

Alors on peut les citer :

D'abord, le 1er référendum constituant du 5 mai 1946, pour adopter la constitution de la future 4e
République, et les électeurs ont répondu non.
Mais sur ce point, il n'y a pas eu de drame constitutionnel, parce que la loi qui prévoyait l'élaboration
de la Constitution de 1946, qui était une loi constitutionnelle du 2 novembre 1945, avait prévu qu'en
cas de réponse négative, il devrait y avoir l'élection d'une nouvelle Assemblée constituante, puis d'un
nouveau référendum, qui devait approuver ou non, le texte élaboré par cette 2e Assemblée
constituante.
Et, c'est bien ce qui s'est produit, sans qu'il y ait « l'aventure » dont on parlait tout de suite.

2e exemple de référendum négatif, celui du 27 avril 1969, soumis par le général De Gaulle au peuple
français, sur un projet à la fois de réforme du Sénat et de la régionalisation.
Les électeurs ont répondu non à la question, mais aussi non au général De Gaulle, parce qu’il avait
commis, ce que certains ont pu appeler « l'erreur » ou au contraire « la sagesse » diront d'autres, de
mettre en jeu son mandat.
Et de dire que si les électeurs français répondent non, il serait amené à quitter le pouvoir.
Les électeurs français ont répondu non, on le sait, à plus de 52% des suffrages, donc le général De
Gaulle a démissionné.
On voit bien ici, que le titulaire du pouvoir, le président de la République de l'époque, en 19609, avait
mis son mandat en jeu.
Et il y avait évidemment, et cela lui était reproché, une démarche plébiscitaire, pour lequel les
électeurs français ont pu répondre librement, non.

3e cas de référendum négatif, de triomphe du non, celui du 29 mai 2005, à propos de la ratification
du traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Ce qui s'est beaucoup appelé à l'époque ; la Constitution européenne.
Et au terme d'une campagne très importante, très riche, les électeurs français ont répondu non,
assez largement d'ailleurs, à ce projet de loi de ratification du traité.
Il n'y a pas eu de conséquences majeures sur le plan de la vie politique française, sur le plan de la
construction européenne, c'est autre chose, mais il n'y a pas eu de conséquence autre que le
remplacement du gouvernement de Mr Raffarin, qui s'était impliqué dans la campagne pour le oui, par
un gouvernement dirigé par Mr de Villepin, tout cela se passait à l'époque du quinquennat de Jacques
Chirac.

Ce référendum, signifie aussi, liberté de choisir et donc possibilité de dire non.

Il y a d'autres cas de référendum, mais qui ne sont pas pratiqués en France, mais que l'on trouve en
Italie, qui sont les référendums « abrogatifs ».

Un référendum abrogatif, c'est une démarche par laquelle les citoyens vont vouloir remettre en
cause, abroger donc, une loi déjà existante, modifiée en quelque sorte l'état du droit.

Pour cela, il faut un minimum de citoyens signant une pétition, pour demander que ce référendum soit
exercé, il faut ensuite que les électeurs se prononcent par oui ou par non.

On voit d'ailleurs, sur ce point, que le référendum abrogatif rejoint une autre forme de démocratie
directe qui est « le droit de pétition ».

Pour que ce référendum puisse se mettre en place, il faut qu'il soit demandé.

Comment peut-on vérifier qu'il soit demandé ?

Par le biais de pétition, qui existe aussi pour les référendums constituants, par exemple dans la
Confédération helvétique.

Le droit français a longtemps ignoré ceci, il faut attendre la révision de 2008 pour que soit introduit
ce qui s'appelle le référendum d'initiative partagée, qu'on appelle parfois d'initiative populaire.

Mais cette expression est fausse, car en réalité le référendum en question vise à proposer une loi au
référendum, à l'initiative d'un certain nombre de parlementaires, c’est-à-dire, 1/5e des
parlementaires, soutenue par 1/10e des électeurs.

Si l'on compte bien les chiffres contemporains de 2019, cela signifie qu'il faut 185 parlementaires
pour être à l'initiative de ce référendum, soutenus par 1/10e des électeurs, c’est-à-dire, 4.4 millions
de citoyens français qui signent une pétition.
Ce référendum s'appelle d'initiative partagée.
Il a été mis en place en 2008, pour cela il a fallu une loi organique pour compléter les conditions, qui a
fini par être adopté le 6 décembre 2013.

Et puis, on a beaucoup entendu parler, ces derniers temps, de référendum d'initiative citoyenne,
appelé parfois le RIC, par opposition au RIP, c’est-à-dire, d'initiative, partagée.

Et le RIC c'est quoi ?

Puisque ça n'existe pas en droit français pour l’instant, ce serait un référendum d’initiative seulement
populaire ou citoyenne, qui nécessiteraient un certain nombre de signatures, pour que le référendum
soit proposé au peuple français.

Et puis il y a d'autres modalités de la démocratie directe, qui n'existent pas en droit français, mais
qui est parfois réclamé aussi dans des manifestations contemporaines, qui seraient « la révocation ».

C’est-à-dire, la possibilité pour des citoyens de voter, pour mettre en cause le mandat d'élus locaux,
nationaux, celui auquel on pense immédiatement, c'est le Président de la République, parce que lui-
même est élu au suffrage universel direct.

Donc, il suffirait de mettre en jeu son mandat, par le biais de cette procédure de révocation.

C'est ce que les Américains appellent le « Recall » (le rappel), qui existe dans certains États fédérés
américains, pas au niveau fédéral, comme la Californie, qui a permis, il y a de cela quelques années, le
« rappel » de ce gouverneur, qui avait le malheur de déplaire aux électeurs californiens.

Donc on le voit, des modalités quand même très variées, très différentes, ne parlons même pas des
référendums locaux qui peuvent exister à l'initiative d'élus locaux.

Beaucoup de pays pratiquent le référendum, par toujours de manière démocratique.

Mais si on prend le cas de l'Italie, le gouvernement de Monsieur Renzi, avait soumis au référendum en
décembre 2016, une révision constitutionnelle d'ampleur, qui n'a pas abouti parce que les électeurs
ont répondu non.

Et puis en Turquie, le président Erdoğan a voulu renforcer ses pouvoirs, par une consultation en 2017,
par rapport au chef du gouvernement.

Il arrive aussi que des citoyens mettent en place un phénomène de référendum, pour contester le
pouvoir en place.

Ça a été le cas, au mois de juillet 2017, au Venezuela, depuis la situation ne s'est pas beaucoup
améliorée dans ce pays.

Et puis, il y a des pays qui refusent, ou en tout cas qui pratiquent très peu le référendum pour des
raisons de principe.

C'est le cas de l'Allemagne, non pas parce que ce n'est pas un pouvoir démocratique, qui à cause du
passé du 3e Reich, entre 1933 et 1945, se méfie un peu de toutes les formes de démocratie qui
pourraient conduire au populisme et à un régime de type autoritaire.
Donc, il n'y a pas de de référendum en Allemagne fédérale depuis la 2nde Guerre mondiale.

Autre pays très démocratique, c'est le Royaume-Uni, qui n'a pas une tradition de démocratie directe,
parce que c'est le Parlement qui constitue le cœur du pouvoir politique.

Dans le Parlement britannique, il faut concevoir qu'il y a les 2 assemblées, mais aussi le monarque.

Donc, la démocratie britannique est une démocratie essentiellement parlementaire.

Il y a eu malgré tout quelques référendums tout à fait importants, au 20e et 21e siècle.

Le 1er, a eu lieu en 1975, sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de la CEE, à laquelle les
Britanniques venaient d'adhérer.
Donc 3 ans après, on leur a posé la question de savoir s'ils voulaient déjà rester.
Les Britanniques ont répondu oui, à ce moment-là.

Le 2é referendum, au mois de mai 2001, à propos de l'introduction d'un mode de scrutin qui devait
mettre fin au mode de scrutin majoritaire à un tour qui existait, les Britanniques ont voté non.

Le 3e référendum, qui continue de faire des vagues, du 23 juin 2016, à propos de l'appartenance du
Royaume-Uni à l’UE, qui s'est appelé le « Brexit ».
Les Britanniques ont eu à répondre à la question de savoir s'ils voulaient quitter l'UE ou s'il voulait au
contraire y rester.
Et, les électeurs ont répondu oui, ce qui donne lieu à la procédure très compliquée du Brexit.

On peut rappeler, pour mémoire, un référendum tout à fait important au Royaume-Uni, mais qui n'a
concerné que l'Écosse.
C'était en septembre 2014, sur l'accession de l'Écosse à l'indépendance ou non.
Ce sont des électeurs écossais, qui ont répondu non à ce référendum, quant à l'indépendance de cette
partie qui est encore le Royaume-Uni.

Donc on le voit, la démocratie directe à des formes, des pratiques très différentes, d'un pays à
l'autre, pour des raisons culturelles qui tiennent à la liberté qui peut exister ou non.

Car on sait qu'il y a des référendums dans certains pays qui existent, mais qui ne signifient pas
nécessairement le respect de la démocratie.

4. LA DEMOCRATIE REPRESENTATIVE

À cette démocratie directe, présentée comme le sommet de toute la démocratie, s'oppose la


démocratie représentative.

Elle nécessite le recours à des représentants.

Cette démocratie représentative elle intéresse les membres d'Assemblées, qui vont donc représenter
la nation ou le peuple.

Mais, elle peut aussi concerner des titulaires de fonctions exécutives et notamment, des présidents
de la République ou des présidents.
Pour autant, la représentation peut ne pas être synonyme d'élections, et l'on peut trouver un cas
symbolique, significatif, même s'il est relativement ancien, c'est celui de la Constitution française de
1791 et 1reConstitution écrite.

Or, c’est une Constitution monarchique.

C’est-à-dire, qu'il y avait encore le roi, qui était qualifié de représentants de la Nation, au même titre
que le corps législatif.

La Nation était représentée par 2 pouvoirs :

Le pouvoir législatif, confiée à un corps législatif,

Et un roi, qui exerçait la fonction exécutive.

C'est l'art 2, du titre 3, de la Constitution de 1791, dont ce titre était consacré au pouvoir public.

Cette démocratie représentative est née du constat de l'impossibilité de concevoir la démocratie


directe, dans des États ou dans des structures trop importantes du fait de la taille ou de la
démographie.

Elle a aussi été instituée pour donner une forme de concrétisation de la Nation, que l'on voulait
mettre en avant comme titulaire de la souveraineté.

Et on retrouve la question de la distinction entre souveraineté nationale et souveraineté populaire.

Il fallait faire représenter la Nation, entité abstraite, qui ne pouvait s'exprimer que par des
représentants.

Donc on retrouve l’Abbé Sieyès dont il a déjà été question.

Il était alors admissible, que seuls quelques membres du corps social, puissent être jugés dignes de
s'exprimer au nom de la Nation, et le suffrage universel n'était alors pas une obligation.

Dans ce cas, on parle d'électorat « fonction », car en réalité les citoyens qui peuvent voter exercent
une fonction, celle de représenter la Nation, par opposition à l'électorat « droit », c’est-à-dire, un
droit qui est donné à tous les citoyens dans le cadre de la souveraineté populaire.

On voit donc que tout se tient dans cette réflexion.

Pour autant, l'évolution des sociétés politique, notamment en Europe, a imposé le suffrage universel
d'abord masculin, par une loi du 5 mars 1848.

Et les 1re élections au suffrage universel ont eu lieu les 23, 24 avril 1848, pour élire une Assemblée
nationale chargée de rédiger une nouvelle Constitution.

Il faudra attendre, assez longtemps en France, pour que le suffrage universel intègre les femmes à
côté des hommes, cela par une ordonnance signée par le général De Gaulle du 21 avril 1944, dont
l'objet principal était l'organisation des pouvoirs publics après la libération.

Les 1re élections qui ont vu les femmes voter, furent les élections municipales des 29 avril et 13 mai
1945.

Encore une fois, la France n'est pas très en avance sur ce point et on peut par exemple citer,
s'agissant du droit de vote des femmes :
La Nouvelle-Zélande en 1893,

L'Australie en 1894,

Le Royaume-Uni en 1918,

Et les États-Unis d'Amérique en 1920.

L'idée de représentation veut donc dire, qu'il y a des « mandants » et des « mandataires ».

Les mandants ; sont ceux qui donnent un mandat à des représentants, pour décider, statuer à leur
place.

On retrouve alors une notion bien connue des juristes plutôt de droit privé, qu'est la notion du
mandat.

Mais ce mandat existe en droit privé dans d'autres conditions, car le mandat c'est un pouvoir qui est
donné à quelqu'un pour agir à la place de celui qui donne un mandat et qui doit agir conformément au
souhait, aux vœux, aux désirs, de celui qui donne le mandat.

Un exemple très simple se trouve dans le droit immobilier lorsque l'on veut vendre un bien et que l'on
donne un mandat à une agence immobilière, pour vendre ou pour acheter un bien, mais pas n'importe
lequel, pas n'importe comment, pas à n'importe quel prix.

Et donc le mandat ici est extrêmement encadré.

Or, dans la vie politique et notamment dans la démocratie représentative, le mandat n'est pas tout à
fait identique.

On peut revenir en arrière et se retrouver au début de la Révolution française.

On se rappelle que cette révolution était précédée par la rédaction de cahiers de doléances, dans
lesquelles figuraient toute une série de réclamations.

Et les élus aux États généraux, au mois de mai 1789, étaient porteur de ces réclamations et se
considéraient comme de véritables mandataires, au sens du droit civil.

C’est-à-dire, qu'ils voulaient que ce que les Français avaient rédigé dans les cahiers de doléances
soient ainsi portées au roi et soient si possible adoptées.

Mais très vite, dès la fin juin 1789, lorsque les États généraux se sont transformés en Assemblée
nationale constituante, ils se sont sentis déliés du mandat en question, et ils se sont alors considérés
comme de véritables représentants.

Dans ce cas-là, ils retrouvaient leur liberté de décision, liberté de parole, liberté de vote, et ils sont
donc passés du statut de mandataire au statut de représentant.

C'est évidemment une évolution tout à fait considérable et qui met en avant un mandat représentatif.

D'un point de vue plus contemporain, l'art 27 de la Constitution de 1958, condamne d'ailleurs tout
mandat impératif, qui est celui de l'agent immobilier dont on parlait.

Et l'article 27 nous dit :

« Tout mandat impératif est nul »


Ça veut dire que les élus, qu'il s'agisse d'ailleurs des élus au sein des Assemblées parlementaires ou
du président de la République, ne sont pas véritablement titulaires d'un mandat impératif.

Au contraire, ils peuvent retrouver une liberté de décision et cette conception du mandat peut
entraîner un certain nombre de d'insatisfactions de la part des électeurs, puisqu'ils constatent que
les engagements qu’ont pris les élus ne sont pas toujours tenus car le mandat n'est pas véritablement
impératif.

On, on peut citer un exemple de mandat impératif, mais dans un régime qui n'est pas forcément un
régime très démocratique, c'est celui de la Constitution de la République populaire démocratique de
Corée, l'art 7 nous dit :

« Les électeurs ont le droit de révoquer en tout temps leurs élus si ces députés ont trahi leur
confiance. »

Voilà une définition du mandat impératif.

Mais l'on sait que la pratique du régime de Corée du Nord, n'est pas nécessairement synonyme de la
démocratie la plus parfaite.

Alors on l'a dit, démocratie directe, démocratie représentative, il y a très rarement l'une à la place
de l'autre, il y a très souvent des situations intermédiaires.

Et la doctrine a forgé un terme qui a le mérite d'indiquer qu'on se situe dans une zone un peu
intermédiaire, c'est le terme de démocratie « semi-directe ».

C’est-à-dire, des pays dans lesquels on associe, on utilise de manière conjointe la démocratie
représentative et la démocratie direct.

Et l'art 3, encore lui, de la Constitution de 1958 en France, en constitue un très bon exemple.

On rappelle ce texte :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants (il s'agit des
représentants du peuple) et par la voie du référendum. »

On devine bien que le mot « et », est le plus important ici parce qu’il met sur le même plan la
démocratie directe, la démocratie représentative.

Pour autant, pourrait-il y avoir des synergies entre les 2 ?

Est-ce que la démocratie directe pourra revenir sur l'expression de la démocratie représentative, ou
l'inverse ?

On a évoqué le cas du référendum abrogatif en Italie, par lequel précisément le peuple revient en
arrière sur des lois adoptées par le Parlement italien.

Donc on le voit, il peut y avoir des modalités un peu intermédiaires.

On peut prendre un autre exemple, tirer cette fois-ci de la révision de la Constitution, qui peut se
faire par le biais du Congrès, c’est-à-dire du Parlement réuni, ou par la voix du référendum.

C'est l'art 89 de la Constitution française de 1958.


Et puis l'on peut prendre encore un dernier exemple de démocratie semi-directe, c’est-à-dire de la
possibilité de jumeler les 2 formes de démocratie. C'est à propos des lois autorisant la ratification de
traité.

L'art 11 qui est consacré au référendum que l’on peut appeler législatif, qui consiste à adopter des
lois, prévoient que ce référendum peut être organisé pour faire adopter des lois autorisant la
ratification de traités.

Mais ça veut dire aussi que puisqu'il s'agit de loi que le Parlement peut adopter ces mêmes lois et donc
on va retrouver un choix comme dans la révision de la Constitution dont il était fait mention.

Et on peut prendre l'exemple de la loi soumise au peuple français au mois de mai 2005 et à propos de
l'autorisation de ratifier ou non le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Les Français ont donc été conviés, convoqués, ils ont voté, ils ont répondu non.

Donc le traité en question n'a pas pu être ratifié.

En 2008, avec un autre président de la République, un autre traité était élaboré, c'est le traité de
Lisbonne qui date de décembre 2007.

Le président de la République s'est bien gardé à ce moment-là de soumettre la loi autorisant la


ratification du traité de Lisbonne au peuple français, craignant sans doute que quelques temps après
2007, le peuple français continue de répondre non, à ce traité.

Ce n'est pas ce qu'il a voulu faire parce qu'il tenait beaucoup à ce que ce traité entre en vigueur et
donc c'est le Parlement qui a adopté la loi autorisant la ratification de ce traité.

5. LES CONDITIONS DE JOISSANCE DU DROIT DE VOTE

La démocratie, on l'a dit, implique le suffrage et dans les sociétés contemporaines, ce suffrage est
universel.

Malgré tout, il y a des conditions pour exercer ce suffrage.

On a rappelé la question du droit de vote des femmes, mais de manière plus contemporaine, il y a des
conditions qui sont énoncées à l'alinéa 3 de la Constitution de 1958.

Cette fois-ci, c'est l'alinéa 4 de l'art 3 qui fixe les conditions pour être électeur.

Et, cet art 3, alinéa 4 nous dit :

« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des 2
sexes jouissant de leurs droits civils et politiques. »

On le voit donc des conditions positives comme la majorité, la nationalité et le fait d'être de l'un ou
l'autre des 2 sexes (ce qui peut-être un jour, finira par poser quelques difficultés si un 3e sexe
devait émerger).

Et puis une condition négative, celle de ne pas être privée des droits civils et politiques.

Ces conditions s'appliquent essentiellement aux élections politiques, c’est-à-dire celles qui ont recours
au suffrage universel.
Et il faut opposer les élections politiques, à des élections administratives qui existent pour élire toute
une série d'institutions administratives, ou l'on peut prendre aussi l'exemple des élections
universitaires où par exemple, peuvent voter des étudiants étrangers qui n'ont pas la nationalité
française, mais parce que ces élections n'ont pas lieu au suffrage universel.

Donc ces conditions sont relativement simples puisqu’elles renvoient à la majorité.

Cette majorité est fixée, depuis la loi du 5 juillet 1974, à 18 ans (auparavant 21 ans) et elle est à la
fois la majorité civile, c'est-à-dire celle qui permet d'accomplir un certain nombre d'actes dans la vie
juridique, mais c'est aussi la majorité politique, les 2 pouvant être dissociés, ça a été très souvent. Le
cas dans l'histoire française.

Et puis, sont concerner ceux qui jouissent des droits civils et politiques, ceux qui n'en sont pas privés.

Et comment peut-on être privé de ces droits civils et politiques ?

Essentiellement, par une décision judiciaire, c’est-à-dire une sanction pénale qui peut prévoir une
peine quelconque, d'amende ou de prison, et qui peut assortir cette sanction pénale d'une peine
complémentaire, accessoire, qui est celle de la privation des droits civils et politiques.

Mais pour cela, il faut que le juge le décide au cas par cas.

Mais il ne faut pas oublier non plus, que ne jouissent pas de ces droits civils et politiques, les majeurs
sous tutelle.

Et là, ce n'est pas une condamnation pénale, c'est aussi le fruit d'une décision de justice qui fait que
certaines personnes ne peuvent plus jouir de leurs droits civils et politiques et donc ne peuvent plus
voter ou participer à la vie démocratique.

On a évoqué la question des condamnations pénales, ce qui permet d'ajouter une petite précision qui
correspond à un problème d'ailleurs très contemporain, qu’est celui de l'exercice du droit de vote en
prison, pour les personnes qui ne sont pas privées du droit civil et politique.

Parce que, la condamnation à laquelle ils ont été condamnés n'entraîne pas nécessairement cette
sanction complémentaire, il y a parfois de grandes difficultés pratiques pour exercer ce droit de
vote, mais dont ils ne sont pas privés.

Voilà un sujet de réflexion.

On devine que la condition la plus politique, c’est celle de la nationalité.

En effet, il y a un lien très fort dans l'histoire, pas seulement en France, entre le droit de vote et le
fait d'être un citoyen de l’Etat.

Il n'y a eu qu'une seule exception dans l'histoire dans la Constitution de 1793, celle de l'an 1, qui
accordait le droit de vote aux étrangers, mais sous certaines conditions.

Il a fallu attendre de manière plus contemporaine, le traité sur l’UE de 1992, le traité de Maastricht,
pour que ce droit de vote soit reconnu aux citoyens de l’UE, pour les élections européennes et pour les
élections municipales.

Le Conseil constitutionnel ayant statué sur ce traité, a considéré que l'octroi du droit de vote de ces
citoyens non nationaux français, étaient contraires à la Constitution.
Il a fallu alors, réviser la Constitution, par une révision du 25 juin 1992, pour que ce soit introduit
l'art 88-3, qui figure dans le titre 15, consacré à l'heure actuelle à l’UE.

Cet article prévoit que :

« Le droit de vote est d'éligibilité aux élections municipales, peut être accordées aux seuls citoyens
de l'Union résidant en France. »

Donc on le voit, petite limite « les seuls citoyens », sous-entendu les étrangers qui ne sont pas des
citoyens de l'UE ne peuvent pas se voir reconnaître ce droit.

Ensuite, il faut une résidence en France, même si la durée de cette résidence n'est pas très longue.

Et puis on le voit, cette possibilité existe précisément sous la forme d'une possibilité :

« La France peut accorder ce droit de vote…)

Ce qui voudrait dire qu'éventuellement, il pourrait ne pas l'accorder, ce qui placerait la France dans
une situation délicate par rapport aux instances de l'UE.

Mais voilà une entorse, dans le lien entre nationalité et citoyenneté, qui a nécessité une révision de la
Constitution.

Et, on notera également, que cette disposition figure dans un titre spécifique consacrée à l'UE, qui ne
remet pas en cause le principe même du droit de vote accordé aux seuls citoyens de l'Union, qui figure
à l'art 3.

On peut simplement faire remarquer que le droit de vote accordé aux citoyens de l'UE n'est pas
présenté dans le même article, comme une espèce de dérogation aux droits de vote accordé aux seuls
citoyens français, mais comme simplement une possibilité donnée dans le cadre de l'UE et seulement
dans ce cadre-là.

6. LES CONDITIONS D’EXERCICE DU DROIT DE VOTE

Après les conditions de jouissance de droits de vote, il nous faut voir les conditions d'exercice du
droit de vote.

Ces conditions sont plus techniques, puisque ce sont elles qui permettent aux citoyens, tels qu'ils ont
été définis précédemment, de pouvoir exercer réellement leur droit de vote.

Donc il ne suffit pas d'être majeur, français, …, pour pouvoir voter, il faut ensuite faire une démarche
pour pouvoir voter, pour pouvoir exercer ce droit.

Dans le système français, comme beaucoup d'autres pays, les conditions d'exercice du droit de vote
sont liées à l'inscription sur une liste électorale.

Pendant très longtemps, cette liste électorale était unique, c’était la seule qui existait pour les
élections qui avaient lieu au suffrage universel direct.
Les choses ont évolué finalement, très récemment, du fait de la construction européenne, puisque
c'est le traité de Maastricht de 1992, qui a été ensuite repris par les autres traités qui n'ont pas
changé cette disposition.

Les autres traités ont prévu d'accorder un droit de vote pour certaines élections aux citoyens de
l'UE, qui peuvent ainsi voter dans d'autres États que celui dont ils ont la nationalité ou la citoyenneté.

Il s'agit, comme on l'a déjà dit, des élections européennes et des élections municipales. En tout cas,
ce qui en tient lieu dans les pays concernés de l'UE.

Pourquoi parler de cela ?

C'est, tout simplement, parce que pour ces électeurs, qui ne sont donc pas des nationaux français, il
faut aussi qu'ils s'inscrivent sur une liste électorale distincte ou spéciale.

Et, comme ce sont 2 élections différentes, pour les municipales et les européennes, et qu’un européen
vivant en France mais avec une nationalité qui n'est pas la nationalité française, peut très bien vouloir
voter pour les élections européennes, mais pas pour les élections municipales en France, ou
réciproquement.

Donc c'est la raison pour laquelle, il y a 2 listes spéciales, pour les européennes, pour les municipales, à
côté de la liste principale.

Concentrons-nous sur cette liste principale qui concerne les nationaux français.

L'inscription, en France, est obligatoire sur la liste électorale, avec une particularité ; que cette
obligation n'est pas assortie d'une sanction.

Ce qui veut dire qu’il y a un nombre relativement important de personnes qui ne sont pas inscrites sur
les listes électorales, soient parce qu'ils ne savent pas qu'il faut le faire, soit parce que
volontairement ils ne veulent pas participer au processus électoral, qu’ils peuvent éventuellement
qualifier de jeu de dupes ou de tout autre qualificatif, et donc qui refusent de s'inscrire sur une liste
électorale.

Les modalités d'inscription sur les listes électorales ont été profondément modifiées, par une loi du 1
août 2016, qui a rénové les modalités d'inscription.

Et, cette loi a été adoptée en même temps que 2 autres lois du même jour, des lois organiques sur le
des sujets tout à fait voisins.

Cette loi avait donc été adoptée pour renforcer, favoriser l'inscription des citoyens français sur les
listes électorales, afin de lutter contre l'abstention.

Donc, différents moyens sont possible, notamment celui de faciliter l'inscription sur les listes
électorales.

Pendant longtemps, ces listes étaient révisées, chaque année, a période bien précise, avant le 31
décembre de chaque année, donc beaucoup d'électeurs oubliaient la date fatidique, et comme les
élections ont lieu en France, très souvent au printemps, ces électeurs ne pouvaient pas accomplir leurs
devoirs.
Donc les choses ont été assez considérablement assouplies.

Mais en même temps, il s'agissait, et il s'agit toujours, de vérifier que les électeurs ne soient pas
inscrits sur 2 listes en même temps, puisque le système tel qu'il existait faisait qu'on pouvait ne pas
être radié d'une ancienne liste et demander une inscription sur une nouvelle, donc on pouvait
éventuellement voter 2 fois.

Entre autres, parce que le système était déconcentré.

C’est-à-dire, géré par les communes administrativement (compétences des maires agissant au nom de
l'État).

C'est la raison pour laquelle, il vaut mieux parler de déconcentration sur le plan juridique, mais ça veut
dire surtout que les communes géraient chacune leur liste électorale.

Désormais, le système est plus centralisé, avec un répertoire électoral unique, qui est donc tenu par :

« L'Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques » (INSEE)

De ce fait, le système va être informatisé, va être géré de manière beaucoup plus automatique, et on
pourra ainsi vérifier qu'une personne n'est pas inscrite 2 fois.

Ce qui veut dire simplement, qu’à la base, l'inscription se fait au niveau communal, mais elle est gérée
ensuite au niveau national.

Ce sont donc bien toujours les maires et les services des mairies, qui gèrent concrètement
l'inscription sur les listes électorales.

Et, les listes communales qui vont servir pour chaque élection, puisqu’en France on vote donc au niveau
de la commune, seront extraites de la liste nationale gérée par l'INSEE, par le biais d'une
dématérialisation des échanges, entre l'Insee et les mairies ou les communes.

De la même manière, cette loi a voulu assouplir les conditions et a prévu, à partir du 1 janvier 2019,
que les conditions de date seraient assouplies.

La loi permet désormais à tout électeur de s'inscrire, jusqu'à 30 jours avant l'élection, et il n'y a pas
une révision annuelle des listes électorales, comme cela existait jusqu'à présent.

Il suffit de ne pas laisser passer le délai entre la clôture des inscriptions et la date de l'élection, qui
peut être autour d'une trentaine de jours, mais en dehors de cette condition il est facile de
s'inscrire.

Maintenant, où doit-on s'inscrire ?

Le lien avec la commune, qui existait dans le droit ancien antérieur à la loi de 2016, est maintenu et il
suffit d'avoir un lien avec la commune, soit par le biais du domicile, soit par le biais du statut ou de la
qualité de contribuable local (payer un impôt local, c'est la taxe d'habitation par exemple ou la taxe
foncière), il suffit d'avoir un bien ou de d'avoir une petite cabane qui permet de de payer des impôts
locaux, pour pouvoir être inscrit sur une liste électorale d'une commune.
Les résidences secondaires peuvent être également un critère de choix et quelqu'un qui aurait de
multiples propriétés sur l'ensemble du territoire français, pourrait choisir l'une de ces résidences,
bien sûr au détriment des autres et de son domicile principal.

Dernière information, la procédure d'inscription d’office est prévue pour les personnes qui atteignent
l'âge de 18 ans, pour forcer les jeunes à devenir électeurs, mais à la condition qu'ils remplissent leurs
devoirs lors de la journée citoyenne.

Donc le fait de participer à la journée citoyenne rend, en quelque sorte l'inscription obligatoire.

Il en est de même d'ailleurs pour les personnes qui acquièrent la nationalité française, sous-entendu,
le fait de devenir français oblige, en quelque sorte, à être inscrit sur une liste électorale.

Voilà quelles sont les conditions d'exercice du droit de vote, avant de s'intéresser aux
caractéristiques du suffrage.

7. LES CARATERISTIQUES DU SUFFRAGE

Il s'agit cette fois-ci, des dispositions de l'art3, alinéa 3, qui précise que :

« Le suffrage est toujours universel et qu'il est égal et secret, et qu'il peut être direct ou indirect. »

Mais on le sait, l'élection indirecte est réservée en France pour les élections politiques, à l'élection
des sénateurs.

Le caractère universel du droit de suffrage, ne pose plus vraiment de difficultés dans le système
français, au moins depuis 1848 pour les hommes, et depuis 1944 pour les femmes.

Et, il faut nous intéresser essentiellement aux 2 autres qualificatifs du suffrage, c’est-à-dire :

L’égalité

Et la liberté.

Les 2 posent un certain nombre de questions tout à fait intéressantes s'agissant du droit
constitutionnel.

L'égalité du suffrage tout d'abord.

Elle signifie que chaque citoyen, chaque homme, met au sens large du mot, équivaut à une voix, en
application donc d'un principe très individualiste, « un homme, une voix ».

Ce système qui paraît sinon logique, relativement simple à appréhender, n'a pas toujours existé.

Il y a eu des périodes, dans lesquelles on a pu vouloir privilégier d'autres modalités de suffrage, ou


des pays dans lesquels ça a pu se pratiquer, et il peut y avoir aussi des revendications dans certains
partis politiques en faveur d'un système dans lequel un homme est équivaudrait à plusieurs voix.

C'est ce qu'on appelle parfois le « vote plural ».

Alors ce vote plural, on peut le concevoir de différentes manières.


Par exemple, sur le fondement de la richesse et considérer qu’une personne qui paye un certain niveau
d'impôts, à non pas une voix, mais plusieurs voix, ce qui est une sorte de retour de suffrage « en
citerne ».

On peut qu’un employeur qui emploie plus de « X « salariés, qui contribue à l'essor économique de la
France, peut et doit avoir plusieurs voix.

De la même manière et avec un autre critère, on peut considérer que la famille peut donner plusieurs
voix et des parents d'une famille nombreuse auraient ainsi plusieurs voix.

Tel n'est pas le système qui existe en en droit français.

En revanche, c'est posé une question beaucoup plus récente, qui a conduit à une révision de la
Constitution qui est la question du quota sur les listes de candidat.

Or, il faut bien comprendre que l'égalité du suffrage et le droit de suffrage, c'est bien sûr la
possibilité de voter, mais c'est aussi la possibilité d'être élu.

Car, une des conditions d'éligibilité, c'est d'être électeur.

Et le législateur, en 1982, à propos d'une loi relative aux élections municipales dans les communes de
3500 habitants et plus, avait prévu que les listes de candidats ne devraient pas avoir plus de 75% de
personnes du même sexe.

On a compris, qu'en 1982, le législateur voulait qu'il y ait donc au moins 25% de personnes éligibles, de
personnes candidates, qui seraient des femmes.

C’était un moyen détourné de favoriser l'accès des femmes au scrutin politique.

Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel qui a rendu une décision fort importante et qui s'est
d'ailleurs saisie d'office de cette question, alors même qu'elle n'était pas contestée par les auteurs
de la saisine du Conseil constitutionnel.

Celui-ci a censuré cette disposition au nom du principe selon lequel :

« Tous les citoyens sont égaux, tous les citoyens sont uniformisés »

C’est-à-dire, qu'on ne peut pas faire des distinctions, des catégories, à l'intérieur des citoyens (par
sexe ou d'autres), qu'on pourrait imaginer et qui seraient plus ou moins avouables.

Donc cette disposition a été fortement censurée, directement censurée, par le Conseil
constitutionnel, dans une décision 146 DC, du 18 novembre 1982, qu'on appelle très souvent :

« Quotas par sexe ».

Le législateur en 1999, à propos d'une loi sur les élections régionales, a voulu en quelque sorte
récidiver et imposer, que les listes de candidats soient cette fois-ci paritaires (autant d'hommes que
de de femmes).

C'est plus un système de quotas, mais un système de parité.

Le Conseil constitutionnel a été saisie, par des parlementaires de l'opposition de l'époque, il a en


quelque sorte récidivé, il a appliqué sa même jurisprudence et il a même dit qu'il avait déjà posé le
principe dans une décision de 1982, qu'il cite dans la décision de 1999.
Le Conseil n'était pas totalement dupe, parce qu’il précise que l'état du droit est celui-ci, au mois de
janvier 1999, mais que c'est l'état du droit à ce moment-là.

Pourquoi prend-il cette précaution ?

Parce qu'il savait, ou qu'il supposait, que le constituant allait intervenir et introduire ce qu'on va
appeler la parité.

C'est une décision 407 DC, du 14 janvier 1999, qui concerne les élections régionales.

Le constituant n'a d'ailleurs pas trop tardé pour suivre cette d'indication formulée par le Conseil
constitutionnel.

Et une loi constitutionnelle a été adoptée le 8 juillet 1999, donc 6 mois après la décision du Conseil
constitutionnel et à introduit le principe selon lequel :

« La loi doit favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions
électives ».

Cette disposition avait été introduite à l'art 3, alinéa 5.

La révision de 2008, a voulu renforcer la solennité de la parité et à déplacé cette disposition à l'art
1er, alinéa 2, en ouvrant l'obligation de parité, non seulement aux mandats électoraux et aux fonctions
électives, mais aussi aux responsabilités professionnelles et sociales.

Donc, la disposition n'a pas changé sur le fond, elle a simplement été déplacée, pour lui donner une
plus grande visibilité, une plus grande Solennité.

La disposition constitutionnelle, héritée de 1999, dit simplement que la loi doit favoriser l'égale accès,
ou favorise l'égal accès, ce qui veut dire que la loi peut trouver des mécanismes pour favoriser cet
accès, soit en imposant la parité complète sur des listes lorsqu'il y a des listes de candidats, soit en
inventant des systèmes de sanctions essentiellement financières, à l'encontre des partis politiques
qui ne respecteraient pas cet objectif de parité entre les femmes et les hommes pour les élections de
nature politique.

Enfin, l'égalité devant le suffrage, pose une autre question, qui est tout à fait intéressante, qui est le
problème du poids électoral de chaque électeur dans les différentes circonscriptions.

Alors bien entendu, cette question se pose lorsqu'il y a un découpage des circonscriptions, qu'il
s'agisse d'élections législatives ou d'élections locales, départementales ou régionales, tout
simplement parce que les circonscriptions (les découpages électoraux), ne sont pas identique du point
de vue du nombre d'habitants, puisque c'est le nombre d'habitants d'ailleurs qui constituent la règle
de base et non pas le nombre d'électeurs.

Ce qui veut dire, qu'un élu peut l’être par exemple 3000 voix, et que dans une circonscription voisine
peut l’être par 10 mille voix.

Non pas parce que les résultats politiques sont différents, mais tout simplement parce que le nombre
d'électeurs, qui dépend du nombre d'habitants, n'est pas le même.

Donc c'est ce qui s'appelle le poids électoral de de chaque électeur.

Le Conseil constitutionnel a bâti, petit à petit, une jurisprudence relativement contraignante à l'égard
du législateur en imposant une sorte de moyenne, c’est-à-dire en prenant toutes les circonscriptions, à
l'intérieur par exemple d'un département ou à l'intérieur d'une région, ou sur l'ensemble du
territoire national, pour faire en sorte, que dans cette moyenne on ne puisse pas dépasser plus de
20%, ou moins de 20%, entre le nombre de candidats et le nombre d’habitants.

Donc, cette règle est tout à fait intéressante, elle n'aboutit pas à une égalité arithmétique, ce qui
serait tout à fait impossible, mais elle permet de censurer des lois qui méconnaîtraient cette fameuse
fourchette de plus ou moins 20%.

La dernière décision, très claire sur ce point, est une décision 573 DC, du 8 janvier 2009.

A côté de l'égalité, il y a donc la liberté du suffrage, pour reprendre les qualificatifs qui figurent à
l'art 3, alinéa 3, de la Constitution.

La liberté du suffrage peut avoir plusieurs modalités ou plusieurs formes.

Ça veut dire simplement qu’il peut y avoir la liberté de voter ou de ne pas voter.

Et aussi, la liberté de voter pour qui l'on veut.

Ce 2e aspect de la liberté, correspond aussi à la question du pluralisme et de la démocratie, et il n'est


peut-être pas nécessaire d'insister trop sur cette question qui a déjà été abordée précédemment.

En revanche, la question de la liberté de voter ou de ne pas voter est tout à fait importante, parce
qu'on a bien compris qu’il s'agit du droit de vote obligatoire ou non.

Un certain nombre de pays pratiquent ce droit de vote obligatoire.

Il s'agit pour prendre des pays proches de la France, de la Belgique, du Luxembourg ou de la Grèce.

Et dans ces pays, voter n'est pas seulement un devoir, mais c'est une obligation qui est assortie d'une
sanction, qui peut être une forme d'amende ou l'impossibilité, lorsque le délit est constaté plusieurs
fois, de ne plus pouvoir voter pendant un certain nombre d'années.

Dans le cas français, seuls les élections sénatoriales font l'objet d'une obligation de vote, sous peine
d'une amende, qui est à l'heure actuelle de 100€, mais c'est assez logique dans la mesure où les
électeurs sont des grands électeurs, qui ont un statut particulier, ce sont surtout des élus locaux, et
pour lesquels voter est plus qu'un droit, c'est une sorte de fonction, pour reprendre des
terminologies parfois anciennes.

Ces électeurs français, peuvent décider de ne pas voter et ne pas voter cela conduit à l'abstention,
qui est très variable, d'une élection à une autre.

Il y a des élections pour lesquelles le taux d'abstention est relativement faible, d'autres pour
lesquels il est très fort.

Et avec un mouvement que l'on constate sur au moins une vingtaine d'années, une diminution du
nombre de votants, ou si l'on préfère, une augmentation très nette de l'abstention.

Plusieurs techniques, plusieurs solutions, ont été inventées ou testées, pour essayer de faciliter le
droit de vote, pour encourager les électeurs à voter.

Par exemple, rendre concomitante des élections différentes le même jour, c’est-à-dire faire en sorte
que les électeurs ne se déplacent qu'une fois.

Mais, toutes ces solutions ne sont pas forcément couronnées de succès.


On parlait d'élections qui connaissent un taux d'abstention important, ce sont les élections
européennes très souvent, parce que les électeurs ne perçoivent pas toujours les enjeux, certaines
élections locales pendant longtemps, ce qu'on appelait les élections cantonales, qui sont devenus les
élections départementales, et de manière traditionnelle, l'élection présidentielle a souvent été celle
où les électeurs se déplaçaient le plus.

On disait souvent, c'est la reine des élections parce que le choix du président de la République engage
l'avenir du pays.

D'ailleurs, l'élection présidentielle de 1974, est celle qui a vu le nombre de votants le plus important
en France, sur une assez longue période.

L'élection de 2017 en revanche, a été marqué par un assez fort taux d'abstention, notamment au 2nd
tour, puisque les électeurs ont estimé que le choix qui leur était proposé, ne leur convenait pas
suffisamment.

Et puis, très proche de cette question est celle du vote blanc, qui est le vote par lequel un électeur va
voter, c'est-à-dire qu'il estime qu'il doit faire son devoir électoral, mais qu’aucuns candidats, aucunes
listes, ne lui convient.

Donc, il ne veut pas voter nul, c’est-à-dire en faisant comme s'ils se trompaient de bulletin ou en
écrivant des mots plus ou moins injurieux sur un bulletin de vote, mais donner un bulletin blanc qu'on
prépare parfois chez soi et qu'on glisse dans l'enveloppe comme un électeur ordinaire.

Pendant très longtemps, le vote blanc a été assimilé au vote nul et dans les décomptes on disait, vote
blanc est nul, « X% » de voix.

Les partisans du vote blanc étaient hostiles à cela parce qu'ils estimaient qu'on les confondait avec
ceux qui s'étaient trompés.

La législation a un peu évolué, mais pas totalement aux yeux de certains, il a fallu attendre une loi du
21 février 2014, qui a modifié l'art 65, du code électoral, pour que le vote blanc soit décompté à part
des votes nuls.

Mais, les votes blancs ne font pas partie des suffrages exprimés, ce qui veut dire que l'on compte, par
exemple, pour savoir si Mr ou Mme Untel est élu, uniquement les suffrages exprimés, et pas les votes
blancs.

Et donc, il faut avoir 50% par exemple, au 2e tour de l'élection présidentielle, des suffrages
exprimés, sans compter les votes blancs.

Evidemment, si comme le souhaitent certains, et ça fait partie aussi de revendications relativement


contemporaines, les votes blancs étaient comptés dans les suffrages exprimés, il pourrait y avoir des
solutions assez curieuses, paradoxales ou même gênantes, dans lesquelles le vote blanc arriverait en
tête.

C’est-à-dire, que ce serait déclaré vainqueur non pas Mr ou Mme Untel, mais Mr Blanc (le vote blanc),
ce qui évidemment poserait quelques problèmes politiques.

Donc le vote blanc, est certes une question importante, maintenant il faut sans doute manier cette
expression du suffrage, avec quelques précautions.

Et puis, dernier élément de la liberté de vote, c'est le secret.


D'ailleurs, c'est ce que dit l'art 3, alinéa 3.

Ce principe, du caractère secret de l'élection, est donc inscrit dans la Constitution et il impose
notamment 2 conséquences, que tout électeur connaît s’il a déjà voté, c'est le recours obligatoire à
l'isoloir dans les bureaux de vote.

Et puis l'utilisation d'enveloppe uniforme, par la couleur, car toutes les enveloppes sont de même
couleur.

Voilà de quoi respecter la liberté du suffrage.

8. LES MODALITES DE SCRUTIN

La démocratie, c'est donc le suffrage universel, mais il y a des techniques de suffrage qui ne sont pas
nécessairement les mêmes.

On ne fait pas référence au suffrage direct et au suffrage indirect, mais on fait référence ici à ce
qu'on appelle les modes de scrutin.

Ces modes de scrutin sont tout à fait déterminants quant aux résultats d'une élection.

Des études, très savantes, montrent que selon un mode de scrutin ou un autre, le résultat n'est pas le
même, donc les choix politiques, la désignation des représentants, n'est pas la même.

Il y a des élections pour lesquelles le mode de scrutin va de soi.

Il s'agit de l'élection du président de la République, puisqu'on élit une personne, et il ne peut pas être
élu avec un système proportionnel.

Donc c'est nécessairement un scrutin uninominal et un scrutin majoritaire.

Les modes de scrutin ont donc un effet sur la vie politique, mais aussi sur la stabilité.

C’est-à-dire, que selon les modes de scrutin, il peut y avoir des majorités qui peuvent se dégager et
des majorités qui peuvent être relativement stables, alors que d'autres modes de scrutin peuvent
entraîner une instabilité.

Dans beaucoup de pays, le choix du mode de scrutin est fait par le constituant, donc ça veut dire qu'il
est inscrit dans la Constitution, ce qui veut dire évidemment que ce mode de scrutin ne peut pas être
modifié très facilement, il faut procédure de révision de la Constitution, et l'on sait que cette
procédure peut être longue en droit français, et c’'est le législateur qui est le maître du mode de
scrutin.

Et, ce n'est même pas une loi organique, mais c'est une loi ordinaire, qui détermine le mode de scrutin.

Donc une loi qui est relativement facile à adopter, et comme on le verra, cette loi ordinaire peut être
adoptée sans même l'accord du Sénat.

Donc on le voit, c'est un choix tout à fait politique qui est fait par le droit français, de privilégier la
loi ordinaire.

2 grands modes de scrutin existent, qui sont les modes de scrutin majoritaires et les modes de
scrutin proportionnel, qu'on appelle souvent d'ailleurs représentation proportionnelle.
À ces modes de scrutin viennent s'ajouter d'autres choix :

Soit un système uninominal, binominal ou de liste, mais toujours majoritaire,

Ou un système de liste, dans le cas de la représentation proportionnelle.

Et puis, peut se greffer une autre alternative, 1 tour ou 2 tours.

Il y a des pays qui sont des adeptes de l'élection à un tour. Ce sont notamment les pays de tradition
britannique, c’est-à-dire le Royaume-Uni, les États-Unis pour prendre les principaux.

Et puis, y a des pays au contraire, qui privilégient l'existence de 2 tours. C'est le cas de de la France
puisque selon une formule :

« Au premier tour, on choisit au 2e tour on élimine. »

Dans le système français, il y a un petit peu de tout, pour les élections politiques, que ces élections
soient nationales ou locales.

Alors quelques mots sur le scrutin majoritaire.

Ce scrutin majoritaire vise donc à faire élire une personne, si celle-ci obtient la majorité des voix.

Et lorsqu'il y a 2 tours, cette majorité se calcule alors avec une majorité absolue, c’est-à-dire ;

La moitié plus 1 voix, par rapport au suffrage exprimés.

Et s'il y a un 2nd tour, c'est celui qui arrive en tête qui remporte l'élection, c'est une forme de
majorité qui n'est pas nécessairement la moitié plus 1 voix.

Dans les élections dans lesquelles il n'y a que 2 candidats, c'est le cas de l'élection présidentielle en
France ou dans beaucoup de pays qui ont copié le système, majorité absolue au 1ertour se confond avec
la majorité relative au 2nd tour, parce que celui qui arrive en tête sur 2 à nécessairement la moitié
plus 1 des voix.

Mais, il y a des élections dans lesquelles le 2nd tour peut voir s'opposer 3,4, parfois 5 candidats.

Ce scrutin majoritaire est souvent associé à un système uninominal.

C’est-à-dire, que dans une circonscription donnée, c'est une personne qui est élue, donc on vote pour
une personne, d'où le mot « uninominal », un représentant par circonscription.

Ce choix conduit à la personnalisation de l'élection, a conduit à établir un lien entre l'élu et la


circonscription, c'est-à-dire principalement les électeurs.

Ce choix est parfois préféré à d'autres choix parce que précisément, il permet d'identifier le futur
élu parmi les candidats.

C'est le mode de scrutin qui est privilégié, pour l'élection des députés, sous la 5e République.

La 5e République, comme d'ailleurs la 3e République, a fait le choix d'un scrutin uninominal majoritaire
à 2 tours.

Ce système majoritaire peut conduire aussi à élire 2 personnes en même temps, une sorte de binôme,
et l'on peut en parler un tout petit peu, puisqu’une loi du mois de mai 2013, à introduit ce mode de
scrutin pour les élections départementales dans le cadre des cantons.
Jusqu'à 2013, les électeurs désignaient une personne, donc un scrutin uninominal.

À partir de cette loi de 2013, donc des élections départementales de mars 2015, les électeurs avaient
à élire 2 personnes qui formaient une sorte de ticket, c’est-à-dire que les 2 personnes étaient de sexe
différent, car le but était celui-ci en fait, de forcer les électeurs à faire élire des femmes, et les
électeurs élisaient 2 personnes qui formaient un ticket, si on peut dire indissoluble.

Et puis, il peut y avoir un système majoritaire de listes.

Dans ce cas-là, c'est toute la liste qui arrive en tête, qui est ainsi élue, c'était le cas dans les
élections municipales, jusqu'en 1982, du moins dans les communes les plus importantes.

Lorsqu'il y a 2 tours, ce qui est encore une fois la règle pratiquement en France, pour toutes les
élections politiques.

Lorsqu'il y a 2 tours, se pose la question de l'accès au 2nd tour.

Est-il réservé à quelques personnes ?

C’est-à-dire par exemple à 2 personnes.

C'est le cas de l'élection présidentielle, c'est l'art 7 de la Constitution qui le prévoit.

Ou, doit-on exiger un certain seuil de voix au 1ertour, pour participer au 2nd tour ?

C'est le cas notamment des élections locales et des élections législatives.

Et dans ce cas-là, on peut se trouver dans des situations où il n'y a plus qu'un seul candidat au 2nd
tour, parce que tous les autres ont été éliminés, parce qu'ils n'ont pas obtenu un nombre suffisant de
suffrages exprimés.

Et, quand c'est un système de liste, il peut y avoir entre les 2 tours un mécanisme de fusion de listes,
c’est-à-dire que les listes n'ont pas obtenu suffisamment de voix pour avoir une quelconque chance de
remporter l'élection, peuvent fusionner avec une liste plus importante, c'est notamment le cas pour
les élections municipales depuis 1982, puisque ces élections municipales additionnent un mode de
scrutin majoritaire et une forme de représentation proportionnelle.

On le voit, le système majoritaire peut conduire à l'émergence d'une majorité gouvernementale, d'une
majorité parlementaire d'abord, mais qui permet la constitution d'un gouvernement.

Et c'est notamment ce mode de scrutin qui peut conduire à ce qu'on appelle le « fait majoritaire »,
l'existence d'une majorité pendant toute la durée du mandat.

C'est notamment ce qui s'est produit en France, sous la 5e République, à partir des élections
législatives de 1962.

Ce mode de scrutin majoritaire uninominal, principalement, est plus facile à mettre en œuvre et à être
pratiquée dans les pays dans lesquels il n'y a que 2 grands partis.

C’est-à-dire, qu'il y a une forme d'alternance entre ces 2 grands partis, il y a une majorité, une
minorité, et au gré de chaque élection la minorité peut devenir la majorité, et réciproquement.

Tel n'est pas le cas dans les pays qui pratiquent la représentation proportionnelle.

Ce mode de scrutin, qu'on appelle parfois la « RP », nécessite des listes de candidats, c’est-à-dire
qu'il ne peut pas y avoir un système uninominal, et ce mode de scrutin conduit à répartir les sièges par
une opération qui va se diviser arithmétiquement en 2, on va calculer le quotient et ensuite on va
répartir les sièges.

Le but recherché par ce mode de scrutin, de permettre la représentation politique de toutes les
opinions, de tous les courants de pensée, par l'attribution d'un nombre de sièges correspondant donc
à leur influence réelle au sein de l'électorat.

Quand on dit « presque toutes », ça veut dire qu'il peut y avoir un seuil pour pouvoir participer au
partage des sièges, à la répartition des sièges., un seuil suffisant de suffrages exprimé, par exemple
5%.

Ce qui veut dire qu’en dessous de 5%, les listes de candidats n'ont aucune chance d'avoir 1 siège.

Ce mode de scrutin, peut conduire aussi, à un système de liste « bloquée », c'est à dire des listes dans
lesquelles les électeurs ne peuvent pas choisir, la liste est ainsi proposée aux électeurs et il ne peut
pas y avoir de noms qui sont rayés, il ne peut pas y avoir de noms qui soient interchangés, …

Les listes sont donc bloquées.

C'est le cas dans les élections municipales d’une certaine taille, dont on a dit qu'ils pratiquaient une
addition des 2 modes de scrutin principaux majoritaires et représentation proportionnelle, donc des
listes pour les municipales, pour les listes de candidats, et ces listes sont bloquées cette fois-ci à
partir de 1000 habitants, le seuil qui était fixé auparavant à 3500 ayant été descendus par la loi de
mai 2013 dont il a été question il y a y a quelques instants.

C'est le cas aussi pour les élections régionales, et pour les élections européennes.

Alors on a parlé de 2 opérations.

La 1rec'est donc le quotient.

C'est en fait le résultat d'une opération de calcul, qui est faite après le scrutin, qui consiste un peu
comme en arithmétique simple, a effectué une division, dans chaque circonscription du nombre de
suffrages exprimés par le nombre de sièges à pourvoir, ensuite chaque liste se voit attribuer autant
de sièges qu'elle contiendra de fois le quotient électoral.

Mais comme c'est une division, se pose la question des restes.

Et donc ici, il y a 2 mécanismes de répartition des sièges, soit le plus fort reste, soit la plus forte
moyenne, qui permettent de répartir les sièges qui ne sont pas attribuées par le système du quotient
électoral.

Donc voilà un mécanisme de représentation proportionnelle, qui se pratique dans le droit politique ou
français, pour les élections européennes, qui d'ailleurs connaissent une autre particularité, c'est que
les listes sont redevenues, par une loi de 2018, des listes nationales, alors qu'elles avaient été
éclatées en très grandes régions.

C'était d'ailleurs le cas initialement dans la loi de 1977, qui s'est appliquée jusqu'en en 2004.

Mais ces listes, elles, peuvent être beaucoup plus petites, bien sûr, dans le cadre des élections
régionales, il y a des listes régionales, mais qui sont elles-mêmes découpées en section départementale
et chaque électeur vote pour la section départementale de la liste régionale qui le satisfait, qui
correspond à ses souhaits politique.
Il y a des pays qui connaissent ce mode de scrutin, de représentation proportionnelle.

C'est le cas par exemple d'Israël où la représentation proportionnelle est poussée pratiquement
jusqu'à l'extrême, parce qu'on peut prévoir qu'il n'y a pas de seuil de participation, donc même si on a
très peu de voix on peut avoir une chance d'avoir un siège.

Et, le système de la représentation proportionnelle conduit souvent une forme d'instabilité politique,
parce que justement les partis politiques ayant chacun assez peu de sièges, sont obligés de
s'entendre avec d'autres.

Mais c'est aussi une forme de rançon de la démocratie, car la représentation proportionnelle est aussi
une forme de photographie de l'opinion et sur ce plan-là il paraît plus juste, mais peut-être moins
efficace que le mode de scrutin majoritaire.

IV. LA THEORIE DE LA SEPARTION DES POUVOIRS.

1. LES ORIGINES HISTORIQUES DE LA SEPARATION DE POUVOIRS

Le 4e fondement d'un système constitutionnel, du moins dans les pays qui se veulent démocratiques et
dans les périodes contemporaines, c'est la séparation des pouvoirs.

Cette séparation des pouvoirs est au départ une sorte de théorie formulée par un certain nombre de
penseurs du 17e , 18e siècle, mais une théorie dont on va bien sûr indiquer qu’elle se fondé sur
l'observation de ce qui existait sous les yeux de ces théoriciens.

Essentiellement, la Grande-Bretagne au dix-septième et au dix-huitième siècle.

Le pouvoir politique, qui s'incarne dans l'État, qui s'exprime dans l'État, qui est encadré par la
Constitution, qui peut être plus ou moins démocratique, peut connaître ou ne pas connaître, une forme
de séparation des pouvoirs.

Il s'agit en fait de la question des organes au sein d'un État et des attributions qui sont exercées par
ces organes.

Attributions qui sont étatiques, comme faire la loi, l'exécuter, rendre la justice, éventuellement
conduire les relations internationales avec d'autres États.

Et donc, la question de la séparation des pouvoirs, c’est celle de la répartition de ces différentes
fonctions entre les organes, soit en les regroupant, soit en les séparant.

Alors, évidemment, dans un système comparable à des monarchies absolues, par exemple la France
jusqu'en 1789, ne connaissait pas du tout la séparation des pouvoirs et était régie par un système de
concentration absolue des pouvoirs.

La France n'est pas le seul exemple et on pourrait trouver d'ailleurs dans le monde contemporain au
21e siècle, des pays dans lesquels la confusion des pouvoirs existe toujours.

Cela permet de comprendre aussi, en remontant un petit peu en arrière, que la théorie de la
séparation des pouvoirs est née dans des régimes qui connaissaient justement la confusion des
pouvoirs et la séparation des pouvoirs a été un moyen de lutter contre cette confusion des pouvoirs,
de rechercher une plus grande souplesse dans la répartition des pouvoirs.

C'est en cela que la séparation des pouvoirs est finalement une arme dirigée contre le despotisme, que
c'est un instrument vers une plus grande forme de liberté politique.

Mais il faut faire très attention et ne pas considérer que la séparation des pouvoirs est
nécessairement synonyme de démocratie.

On peut très bien connaître un système de séparation des pouvoirs dans un pays dans lequel, par
exemple, le suffrage est encore très censitaire, il n'y a pas de lien automatique entre les 2.

En revanche, on peut concevoir aussi et on le verra, des pays qui sont fondés sur la démocratie, sur le
suffrage et, en principe un suffrage libre, mais qui ne recherche pas la séparation des pouvoirs.

Donc il faut faire très attention, parce que dans le monde de l'Europe de l'Ouest et plus spécialement
en France, séparation des pouvoirs et démocraties vont un petit peu de pair, l'on considère que l'une
ne va pas sans l'autre, aussi peut-être parce que l'une et l'autre ont été acquises à peu près
définitivement, si tant est que le définitif existe en matière constitutionnelle, à la même époque,
c’est-à-dire au début de la 3e République.

Très souvent, la séparation des pouvoirs était aussi politiquement une forme de combat en faveur de
la liberté.

Ce qui est intéressant, c'est que cette théorie, qui naît à partir de l'observation de situations
concrètes, a donné lieu à des applications différentes, entre autres choses, parce que les lecteurs de
des auteurs en question , n’ont pas nécessairement toujours bien compris ce que souhaitait les
auteurs.

D’ailleurs, peut-être, ces derniers n'avaient-ils pas non plus une idée très claire des objectifs qu'ils
recherchaient.

Des objectifs politiques certainement, des objectifs théoriques.

C’est-à-dire qu'elle était exactement le système politique qu'ils envisageaient ?

Les choses sont peut-être un petit peu plus incertaines.

Donc ceux qui ont lu, et notamment ceux qui ont préparé la révolution américaine, ceux qui ont préparé
la Révolution française, si on peut parler de préparation d'ailleurs, en tout cas, qui ont lu ces auteurs
avant les différentes révolutions, n’ont peut-être pas nécessairement bien compris ces auteurs.

Et du coup, les applications du système de la séparation des pouvoirs, d'abord sont diverses, c’est-à-
dire qu'il n'y a pas qu'une seule application de la séparation des pouvoirs, parfois elles sont
contradictoires, c’est-à-dire que l'on aboutit à des conséquences assez différentes, à des régimes
politiques qui sont assez différents, mais aussi, parce que tout cela a pu reposer sur une forme
d'incompréhension.

Alors, on a déjà rencontré la notion de séparation des pouvoirs dans un enregistrement précédent, à
propos de ce que l'on appelle désormais la séparation verticale des pouvoirs, c’est-à-dire le fait de
repartir à différents niveaux de territoire dans un État donné des pouvoirs, soit politiques, soit
administratifs.
On rappelle que cela évoque la décentralisation ou mieux encore, d'une certaine manière, le
fédéralisme.

Ici, ce n'est pas ça dont il est question.

C'est ce qu'on appelle par comparaison, la séparation horizontale des pouvoirs, c’est-à-dire qu'on se
trouve en présence d'organes, donc de pouvoirs différents, mais qui se situe sur le même plan, pas
nécessairement avec la même force, pas nécessairement avec la même autorité.

Pour cela, il faut distinguer des missions de l'État, des fonctions du pouvoir politique.

On évoquait tout à l'heure faire la loi, l'exécuter, …

Et c’est Aristote, grand philosophe grec, qui est le 1er à essayer de distinguer des fonctions au sein de
de l'État, qui était essentiellement des cités à son époque.

Et Aristote a écrit un ouvrage qui s'appelle ; « La politique », où il distingue dans le pouvoir politique,
le pouvoir qui délibère, les tâches de l'État, le pouvoir d'agir au sein de l'État et le 3e pouvoir qui
correspond à ce qu'on appellerait des juridictions, c’est-à-dire un pouvoir qui tranche des litiges.

Voilà en quelque sorte l'origine de la séparation des fonctions.

Aristote ne raisonne pas en termes d'organes à qui confier ces différentes attributions.

Il distingue simplement les attributions au sein d'un État.

Si l'on saute par-dessus les siècles, il faut attendre donc le 17e siècle pour que des auteurs, des
philosophes, des penseurs, mais animés d'une volonté politique, cherchent non pas simplement à
distinguer les fonctions de l'État, mais à les répartir, à les séparer entre les différents organes.

Et comme on l'a dit, cette recherche philosophique était dirigée essentiellement contre les
monarchies absolues.

Et c'est la raison pour laquelle, on trouve ces penseurs en Europe au 17e siècle, puis au 18e siècle.

Donc pour l'essentiel, cette doctrine de la séparation des pouvoirs est née de l'observation de la
société anglaise.

Cette observation de la réalité anglaise a donné lieu à une œuvre d'un britannique, qui s'appelait John
Locke, mais elle a inspiré aussi un auteur français bien connu des philosophes français et qui étaient
Montesquieu.

2. JOHN LOCKE OU L4INVENTEUR DE LA SEPARATION DE POUVOIRS

Voyons tout d'abord, John Locke et l'inventeur de la séparation des pouvoirs.

Le mot « inventeur » est un peu forcé, car ce n'est pas une discipline exacte, mais c'est le 1er qui a
cherché à réfléchir à comment séparer les pouvoirs.

Alors, pourquoi la Grande-Bretagne est-elle en quelque sorte un laboratoire de la séparation des


pouvoirs, avec l'objectif de lutter contre le despotisme, sans rechercher la démocratie comme
objectif politique ?
La séparation des pouvoirs dont il est question, ne l'oublions pas, c'est la séparation des pouvoirs
constitués, qu'il faudrait aussi distinguer de la séparation des pouvoirs, entre le pouvoir constituant
et les pouvoirs constitués, c'est ce qui a été vu précédemment.

Parce qu'il y a des causes, des raisons sociales, politiques de cette séparation des pouvoirs.

Très rapidement, sans faire trop d'histoires britanniques, le régime féodal britannique était
différent du système français.

Dans le système féodal britannique, les nobles et tiers-État ou l'équivalent britannique du tiers-État,
se sont alliés contre la monarchie.

Alors qu'en France, le tiers-État a recherché plutôt l'appui du roi contre les féodaux.

Voilà une présentation un tout petit peu schématique, mais qui permet d'assez bien comprendre
pourquoi les 2 pays, avec un certain nombre de similitudes, ne serait-ce qu'en matière de
développement intellectuel et économique, ont évolué vers des horizons différents.

Dans le système français, par exemple, les États généraux qui devaient regrouper l'ensemble des
forces de la société réunies autour du roi, à partir de Philippe Lebel en 1302, ont petit à petit cessé
de se réunir.

Après 1614, il n'y a eu aucune réunion des États généraux jusqu'en 1789.

Tel n'était pas le cas dans le système britannique.

Il a une autre explication aussi que l'on donne au fait que le système politique a évolué différemment
en Grande-Bretagne et en France, c'est tout simplement que la Grande-Bretagne est une île, qu'elle
n'a pas connue d'invasion militaire depuis 1066, la bataille d'Hastings et Guillaume le conquérant, et
que le roi d'Angleterre, puis ensuite le roi du Royaume-Uni, avaient moins besoin de pouvoir militaire
et le pouvoir militaire va généralement de pair avec une concentration ou même une confusion des
pouvoirs.

Donc le pouvoir Royal était d'une certaine manière plus faible.

Alors le système féodal britannique reposait sur ce qu'on appelait le grand Conseil, le « Magnum
Concilium », c’est-à-dire le « Conseil des vassaux », qui entourait le roi de ces conseils.

Ce Magnum Concilium va recevoir, profitant un peu de l'affaiblissement du roi, qui s'appelait Jean
Santerre, après ce que les Anglais considèrent comme la défaite de bouvines, ce que les Français
appellent la victoire, pour arracher aux rois ce qui s'appelle la « Grande Charte » de 1215.

Qu'on appelle souvent de son nom latin la « Magna Carta ».

Et, qu'est-ce que donne cette Magna Carta, aux vassaux du roi (nobles britanniques) ?

Elle donne le pouvoir de consentir à l'impôt et le pouvoir de présenter des pétitions au roi.

Bien sûr, c'est pas un pouvoir législatif, mais c'est le pouvoir de présenter des pétitions.

Et ce grand conseil du roi va petit à petit, se séparer en 2 chambres :

La Chambre des Lords


Et la Chambre des communes, qu'on appelait donc en latin ; « Commune concilium », c’est-à-dire la
« Chambre qui représente les personnes », des individus du commun État, les non nobles qui ne sont
pas des grands clercs, des grands ecclésiastiques, ni des nobles.

Donc petit à petit on est à l'origine du « bicaméralisme ».

C’est-à-dire, 2 assemblées au sein du Parlement.

Les rois britanniques ont cherché petit à petit à renforcer leur pouvoir, un peu sur le modèle français.

Cela va d'ailleurs conduire à une 1re Révolution, qui va entraîner d'ailleurs la mort du roi Charles Ier,
qui va être exécuté en 1649.

Il y a un épisode, celui de Cromwell et de la république, qui n'a pas laissé de très bons souvenirs aux
Britanniques.

Puis, il y a une restauration après cet épisode de Cromwell, la restauration des « Stuart », qui étaient
des catholiques, en 1660, avec Charles II et Jacques II, qui vont chercher à copier les tendances
absolutistes sur le modèle français.

Cela va produire une 2e Révolution, que les Britanniques appellent la « glorieuse révolution », en 1688,
et Jacques II est détrôné et conduit à l'exil, ou en tout cas à l'abandon du pouvoir.

Et il faut ensuite appeler un roi, qui va s'appeler Guillaume III, qui va accéder au trône grâce à un
pacte, à une sorte d'accord politique, avec le Parlement anglais, en 1688.

Et cela marque évidemment le retour du Parlement.

Ce pacte est consacré par un texte bien connu dans l'histoire politique, l'histoire des libertés qui
s'appelle le « Bill of Rights », c’est-à-dire « la loi des droits », en 1689.

Par ce texte, le roi renonce à légiférer par ordonnance, c’est-à-dire des actes qui ne passeraient pas
par le Parlement, et il pratique des ordonnances qui remontaient au début du 16e siècle avec le roi
Henri VIII.

Puis, le roi s'engage à ne pas lever de taxes d'impôts sans le consentement du Parlement.

Et, il y a un autre acte qui est celui de « l'établissement », en 1701, qui est une nouvelle limitation de
la couronne, qui vise aussi à garantir les droits et les libertés des sujets, mais qui a un autre objectif,
c'est d'écarter les catholiques de la succession au trône afin de prévenir le retour des Stuart.

Donc, le Parlement fait partie cette fois-ci directement de la vie publique britannique, c'est un
élément tout à fait important.

L'auteur qui s'appelle donc John Lock, qui était contemporain de cette période, qui était favorable à
la glorieuse révolution, a voulu théoriser cette révolution et a voulu donc être une sorte d'inventeur
de la séparation des pouvoirs.

Il le fait dans un ouvrage qui paraît en 1690 et qui s'appelle dans sa traduction française ;

« Essai sur le gouvernement civil. »

Le but politique est de prévenir le retour de l'absolutisme et d'instaurer, en revanche, une monarchie
qu'on pourrait appeler contractuelle ou une monarchie constitutionnelle.
On comprend bien d'ailleurs, que John Locke va chercher dans son ouvrage, à justifier ce qui vient de
se passer, tout autant qu'à prévoir l'avenir.

Il s'agit de dire que la révolution glorieuse de 1688 était une très bonne chose et qu’il ne faut surtout
pas revenir en arrière.

Et c'est une théorie contractuelle du pouvoir, chez John Locke.

C’est-à-dire l'idée que les sociétés reposent sur un « contrat social ».

Cette idée n'est pas nouvelle chez Locke, elle était formulée dans un 1er temps par un autre auteur
britannique, qui s'appelait Hobbs, dans un ouvrage lui aussi célèbre qui s'appelait « Le Léviathan ».

Simplement chez Locke, les hommes abandonnent une partie de leur liberté, dans le contrat social.

Contrat social, qui comme son nom l'indique, fonde la société.

Mais le roi doit respecter un certain nombre de libertés naturelles, c’est-à-dire qu'il ne peut pas
empiéter sur toutes les libertés.

Et parmi les libertés, il y en a une particulière qui est le droit de propriété, mais qui est tout à fait
importante.

Et du coup, la violation de ces libertés naturelles par le roi, pourraient conduire les sujets à ne pas lui
obéir, à se révolter, ce qui est une manière de justifier la glorieuse révolution, qui vient de se
produire.

On trouve un écho d'ailleurs de cette théorie contractuelle, à la fois dans l'art 2 de la DDHC, qui nous
dit que :

« Le but de toute société est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. »

Et puis, on trouve un écho de cela aussi dans un autre grand texte de la même période, avec une autre
révolution, celle de la déclaration d'indépendance américaine du 4 juillet 1776, qui dit :

« C'est pour garantir ses droits inaliénables que les gouvernements sont établis parmi les hommes. »

Tout cela, d'une certaine manière, c'est du « Locke » directement transposé.

Donc 1er théoricien de la séparation des pouvoirs, bien après Aristote.

3 pouvoirs dans l'État pour John Locke :

Le pouvoir législatif,

Le pouvoir exécutif,

Et un pouvoir nouveau, en tout cas par rapport à Aristote, qui est le pouvoir fédératif.

Qui est celui, de conduire les relations internationales.

Pour John Locke d'ailleurs, il ne devait pas y avoir une séparation absolue des pouvoirs exécutifs et
législatifs, parce qu'il s'agissait d'éviter le désordre.

Et pour lui d'ailleurs, il y avait une forme de hiérarchisation entre ses pouvoirs et le pouvoir suprême,
c'était le pouvoir législatif, parce que dans son esprit c'était le pouvoir qui devait être exercé par le
Parlement.
3. MONTESQUIEU ET LA SYSTEMATISATION DE LA SEPARATION DES
POUVOIRS

Alors, Charles-Louis de Secondât, baron de la Brède et de Montesquieu, est un auteur français, un


parlementaire, au sens du 18e siècle, un haut magistrat, qui appartenait à la noblesse de Robe.

Il va chercher dans toute son œuvre à limiter les pouvoirs du roi, au nom donc d'une certaine
conception du libéralisme.

Mais Montesquieu n’a rien d'un démocrate, il veut rechercher la liberté politique, il veut rechercher la
sûreté contre un pouvoir arbitraire

Son œuvre majeure, s'agissant de la séparation des pouvoirs, s'appelle « De l'esprit des lois », parus
en 1748, donc bien après John Locke.

Dans cet ouvrage, il y a un chapitre bien connu, qui est le chapitre 6 du livre 11, qui s'appelle « De la
Constitution d'Angleterre ».

Ce chapitre se veut, au moins en apparence, une description du système britannique, que Montesquieu
avait pu observer parce qu'il s'était rendu en Grande-Bretagne, mais en réalité c'est une forme
d'idéalisation du système britannique et en rien une description de la réalité politique britannique au
moment où il l'écrit.

Donc, en réalité, il fait semblant de décrire l'Angleterre comme il dit, mais pour échapper à la
censure royale française, parce que cette description du système britannique est en même temps une
critique de la confusion des pouvoirs.

L'expression de théorie de la séparation des pouvoirs, ou même les mots séparation des pouvoirs, ne
figurent pas directement dans l'œuvre de de Montesquieu.

En fait, pour lui, il s'agit de distinguer des fonctions qu'il appelle dans ce chapitre, qui a donné lieu à
de nombreuses interprétations et il distingue, que des pouvoirs ou des puissances qui sont aussi des
fonctions et qui sont décrites par leur objet, le pouvoir de faire les lois, le pouvoir de les exécuter et
le pouvoir de juger les litiges ou les différends.

Cela permet donc de distinguer, sur ce point au moins, Locke et Montesquieu.

En fait la difficulté chez Montesquieu, c'est de savoir ce qu'il entend par le mot pouvoir.

Entend-il les organes ?

C’est-à-dire, par exemple, le Parlement, un roi.

Ou distingue-t-il des fonctions ?

C’est-à-dire, la fonction de faire la loi ou la fonction de les exécuter.

Pour Montesquieu, ces fonctions doivent être séparées, au nom toujours de la liberté, et cela repose
sur une petite phrase que l'histoire à retenue et qui est d’une très grande modernité :

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abusé, il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. »

Cette phrase est une sorte de résumé de la séparation des pouvoirs et aussi de la justification de
cette séparation car il nous dit aussi, c'est toujours Montesquieu qui l'écrit :
« Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le
pouvoir. »

Chez Montesquieu pour autant, il ne s'agit pas d'une séparation totale, ni des pouvoirs, ni des
fonctions.

Il s'agit surtout d'éviter que 2 fonctions, par exemple ; faire la loi et juger les différents sur le
fondement de ces lois, soient intégralement attribuées à une même puissance, entendue ici comme
synonyme d'organes.

En revanche, une même fonction peut être distribuée, répartie entre plusieurs mains, plusieurs
organes, et dans l'autre sens, un même organe peut exercer plusieurs fonctions.

Par exemple, la fonction législative peut être séparée entre une Assemblée qui vote la loi ou 2
Assemblées dans un Parlement bicaméral, et le chef du pouvoir exécutif, un roi dans l'esprit de
Montesquieu, qui va participer par le biais de l'initiative de la loi ou par le biais de la sanction ou du
véto.

Chez Montesquieu, l'idée est que le pouvoir est un pouvoir positif, il faut un pouvoir qui peut statuer,
qui peut décider, mais c'est aussi un pouvoir d'empêcher, c’est-à-dire un pouvoir de freiner, un
pouvoir d'agir négativement, d'empêcher en quelque sorte les autres pouvoirs d'agir.

C'est donc un système de poids, de contrepoids ou d'enchaînement mutuel, des forces avec une idée
d'une grande sagesse, c'est que tout pouvoir est en même temps une forme de contre-pouvoir.

Donc il n'y a pas de séparation étanche entre les organes et les fonctions chez Montesquieu.

Si on le comprend bien, c'est séparation qui conduirait à ce que chaque fonction soit attribuée à un
seul organe, avec en quelque sorte un mur entre les 2.

Beaucoup ont vu dans l'œuvre de Montesquieu, l'idée qu'il fallait donc une séparation tranchée, c’est-
à-dire qu'en fait, même si on peut penser raisonnablement que ce n'est pas ce que souhaitait
Montesquieu, beaucoup l'ont compris comme cela et ils ont compris séparation des pouvoirs comme
étant une séparation rigide des pouvoirs.

C'est cette conception qu'on va retrouver dans le système américain qui va être décrit bientôt.

C'est le système qui existait un tout petit peu dans la Constitution de 1791, car les hommes de la
Révolution française avaient lu Jean-Jacques Rousseau, mais ils avaient lu aussi Montesquieu.

C'est une séparation partiellement stricte, que l'on va trouver en 1795, dans la Constitution de l'an 3.

Mais pour Montesquieu, qui avait observé la réalité britannique, c'était la seule qu'il avait d'ailleurs
sous les yeux, allant un peu dans le sens de ce qu'il souhaitait, pour lui il fallait que ces puissances,
c’est-à-dire ces organes aillent de concert, marche ensemble.

Donc, une Constitution doit organiser les pouvoirs de telle façon qu'elles puissent garantir la liberté
politique, mais aussi la liberté individuelle.

Pas nécessairement que tous les citoyens.

D'ailleurs, le mot de « citoyen », n'est pas dans le vocabulaire de Montesquieu, mais au moins dans
ceux qui le méritent, c’est-à-dire les nobles, les nobles d'épée, mais aussi la noblesse de Robe,
n’oublions pas que Montesquieu était un parlementaire.
Donc plus que la séparation des pouvoirs, ce qui était recherché par Montesquieu, c'est une forme
d'autonomie des pouvoirs permettant à ce que chacun puisse agir pour lui-même et aussi agir sur les
autres, c'est-à-dire empêcher les autres.

De la théorie de Montesquieu est donc née, un mythe, un dogme, celui de la séparation des pouvoirs
qu'on trouve dans de très nombreux textes constitutionnels, bien après la période où il a vécu.

C'est en cela qu'on peut parler de mythe ou de dogme, mais c'est aussi un instrument considérable
pour la liberté.

Et si l'on regarde les révolutions les plus contemporaines de cet enregistrement, on s'aperçoit que le
thème de la séparation des pouvoirs est toujours présent, et lorsqu'on veut lutter contre le
despotisme de l'un ou de l'autre, sans citer de nom, on va invoquer la séparation des pouvoirs.

Donc c'est une théorie qui n'a pas du tout vieilli.

4. LES CRITIQUE DE LA SEPARATIONS DES POUVOIRS

On peut s'intéresser malgré tout aux critiques qui sont adressées à la séparation des pouvoirs, car
cette théorie, n'est pas la seule susceptible de comprendre le pouvoir politique, et on peut avoir
d'autres conceptions de l'organisation des pouvoirs.

Alors sans aller chercher trop loin, on peut citer Jean-Jacques Rousseau, plus ou moins contemporain
de Montesquieu, un peu plus jeune que lui, mais qui a cherché à développer une théorie politique très
différente.

Notamment, dans son ouvrage célèbre qui s'appelle : « Du contrat social ».

Chez Jean-Jacques Rousseau, il n'est pas question de diviser les pouvoirs, il n'y a qu'un seul pouvoir,
c'est le pouvoir politique qui appartient à la volonté générale, qui s'exprime par les citoyens, et il n'y a
pas de véritable fonction qui pourraient être réparties entre les organes distincts.

Donc la théorie de Jean-Jacques Rousseau est à l'opposé de celle de Montesquieu.

La difficulté, c'est que lorsqu'on va regarder ce qui va se passer sous la Révolution française et ne
serait-ce que dans la rédaction de la DDHC de 1789, on va bien sentir qu'il y a des influences des uns
et des autres, pas seulement d'ailleurs de Montesquieu et de Rousseau, mais notamment de ces deux-
là, et comme il ne voulait pas tout à fait la même chose, ça permet de comprendre l'ambiguïté des
textes et des objectifs des révolutionnaires.

Puis, sans qu'il y ait un lien absolu entre les Jacques Rousseau et Karl Marx, la théorie marxiste est
allée aussi dans le sens d'une critique de la séparation des pouvoirs, en considérant que tout cela
n'était qu'une théorie parfaitement illusoire, que ce n'est pas sa du tout qui permettait la liberté.

Parce que pour Marx et ses épigones, la question n’était pas celle des pouvoirs, mais celle des classes
sociales, et dans un État, l'oppresseur c'était la classe dominante, ce n'était pas nécessairement le
pouvoir exécutif, le pouvoir législatif.

Aux yeux de Karl Marx, tout ça n'avait aucune importance.

Donc, seul le renversement des classes sociales, leur disparition, pouvait permettre une société libre.
Et pas simplement de répartir les fonctions de l'état entre différents organes.

Mais malgré tout, la séparation des pouvoirs a été et est encore une, un mécanisme, une théorie,
permettant de lutter contre toutes les formes de despotisme.

Pour autant, comme on l'a déjà évoqué, la séparation des pouvoirs n'est pas synonyme de démocratie.

Pour que la séparation des pouvoirs soit démocratique il faut qu'il y ait un contexte, qui permettent
celle-ci, il faut que la liberté d'opinion existe, il faut que la liberté de la presse existe et de façon
plus moderne, la liberté de communication et pas seulement de de la presse.

Donc il faut en quelque sorte un « bain » démocratique, pour que la séparation des pouvoirs
corresponde à un certain état d'une société, qui correspondrait à une forme d'idéal de démocratie
séparant les pouvoirs.

Mais, il va permettre de dire quelques mots sur une nouvelle forme de démocratie, qui est apparue
alors tout à fait récemment et qui sont ce qu'on appelle les démocraties « illibérales », c’est-à-dire
contraire à au libéralisme, entendu au sens politique du mot.

C'est un néologisme, c'est un mot nouveau.

C'est bien la preuve, un peu par l'absurde, en tout cas de manière un peu négative, que démocratie et
recherche de la liberté, c’est-à-dire notamment par le biais de la séparation des pouvoirs, ne vont pas
nécessairement ensemble, ne vont pas nécessairement de pair et qu'elles peuvent même être
antagonistes d'une certaine façon.

Cette notion de démocratie « illibérale », vise à privilégier l'expression du peuple, l'expression par le
suffrage, que l'on met en avant, que l'on glorifie en disant que le peuple a tranché et qu’il a
nécessairement raison.

On retrouve d'ailleurs un peu un écho de la théorie de Jean-Jacques Rousseau.

Et, mettre en avant l'expression du peuple alors même que le pouvoir politique est concentré entre
quelques mains, parfois 2 mains seulement, c’est-à-dire d'une seule et même personne, mais qui est un
grand démocrate parce qu’élu, réélu parfois triomphalement, mais qui veut concentrer les pouvoirs.

Les exemples sont assez nombreux, y compris dans le cadre de l'UE, ce qui pose d'ailleurs quelques
problèmes à l'intérieur même du cadre européen, la notion est apparue :

Dans la Russie post-soviétique, avec Vladimir Poutine,

On en trouve des éléments dans la Hongrie de Viktor Orban,

On en trouve quelques éléments aussi dans la Pologne tout à fait contemporaine,

On trouve aussi des éléments en Turquie,

Sans aller chercher d'autres exemples plus lointains, comme dans les Philippines.

Et donc, l'idée est tout simplement de privilégier l'expression du peuple, tout en rognant petit à petit,
en tout cas, quand on regarde certains de ces pays, les libertés civiles, les libertés d'opinions, ou en
rognant parfois le fait de pouvoir même se présenter à des élections.

Dans les pays que l'on vient de citer, pas dans tous, les opposants ont parfois du mal à être candidats
à des élections.
Alors certes, il y a démocraties, mais il y a peu de concurrent.

C'est une manière comme une autre, de remporter des élections.

Donc, on n'est pas très loin aussi d’un notre phénomène, qui est celui du populisme.

Dans la mesure où ces détenteurs du pouvoir s'appuient sur la volonté du peuple, y compris en niant
toute forme de séparation des pouvoirs.

5. LES REGIMES DE CONFUSION DES POUVOIRS ET LE PRESIDENTIALISME

Sans que ce soit nécessairement l'application de ces critiques doctrinales, parfois reposant sur des
philosophies complètes, on pense naturellement au marxisme, il y a des régimes politiques qui ont
cherché à dépasser la séparation des pouvoirs, en tout cas avoir une certaine conception de la
séparation des pouvoirs qui ne vise pas seulement à les séparer, mais aussi parfois à les hiérarchiser
au profit de l'un ou de l'autre de ces pouvoirs.

Donc, cette hiérarchisation peut se faire au profit de l'exécutif et on parlera de « présidentialisme ».

Elle peut se faire aussi, au profit d'une Assemblée ou d'un Parlement, mais très souvent d'une
assemblée unique, et l'on parlera alors de régime « conventionnel ».

Tout d'abord, le présidentialisme.

C’est-à-dire, les régimes de confusion des pouvoirs au profit de l'exécutif.

Alors, il faut déjà se méfier du terme « présidentialisme », qui n'a peu avoir avec un régime
présidentiel, qu'on va décrire dans l'enregistrement suivant.

Un régime présidentiel, c'est notamment le régime américain, depuis la fin du 18e siècle.

Un régime présidentialiste, c'est un régime qui concentre les pouvoirs au profit d'un chef de l'État,
qui va porter le titre de Président, d'où le mot de « présidentialisme », ce chef d'État va exercer la
réalité du pouvoir.

Il pourrait y avoir d'autres organes, mais qui seront parfois plus apparents que réels.

Ce présidentialisme a été forgé, pour parfois décrire de manière négative, les régimes africains nés
après l'indépendance et notamment dans les régimes qui avaient connu la colonisation française, c'est-
à-dire après 1960.

Et dans ces pays, souvent, le président qui pouvait être élu, y compris démocratiquement, étaient
dotés de pouvoir très importants et en outre, ce président pouvait s'appuyer sur une Assemblée, qui
était un peu à ses ordres, du fait que la majorité était fidèle au président en question.

Ce président disposait d'une légitimité très grande, soit parce qu’il avait conduit le pays à
l'indépendance, soit aussi parce qu'il était réélu, plus ou moins triomphalement, au suffrage universel
direct.

Donc tous ces phénomènes conduisent à une forme de concentration des pouvoirs, au profit du chef
d'État.
L'expression de « présidentialiste » est d'ailleurs beaucoup plus intéressante et plus proche de la
vérité, que l'expression de régime « semi-présidentiel », qu'on trouve parfois dans une partie de la
doctrine, ce qui ne signifie pas forcément grand-chose, car personne ne sait bien exactement ce
qu’est une « moitié » de régime présidentiel.

Donc le présidentialisme n'est en rien une forme de dénaturation du régime présidentiel.

Pour autant, des régimes présidentialistes, il y en a eu beaucoup dans l'histoire et sans chercher trop
à forcer le trait, le régime politique de la 5e République française, s'apparente à une forme de régime
présidentialiste, certains parfois de monarchie présidentielle, mais c'est aussi pour se moquer de
certains travers des détenteurs du pouvoir exécutif.

Pourquoi un régime de type, présidentialiste ?

Parce qu’on est en présence d'un président, élu au suffrage universel direct, en France, qui est dotée
dans le texte constitutionnel de pouvoir important, on verra cela dans les enregistrements du 2nd
semestre, mais qui peut disposer d'une majorité stable, à cause du mode de scrutin, notamment celui
qu'on a évoqué précédemment, qui permet de dégager une majorité forte au sein du Parlement et
notamment au sein de l'Assemblée nationale.

Cette situation conduit à une forme de concentration des pouvoirs, sauf lorsqu'on se trouve en
période de cohabitation, c’est-à-dire de la coexistence de 2 majorités différentes, celle du président
de la République et celle de l'Assemblée nationale.

3 périodes dans l'histoire de la 5e République, ont connu cette situation de cohabitation, et là,
évidemment, le président de la République dispose de beaucoup moins de pouvoirs, parce qu'il ne peut
pas s'appuyer sur une majorité parlementaire.

Ce que l'on a appelé « l'inversion du calendrier ».

C’est-à-dire, le fait par une loi organique de 2001, que les élections législatives aient lieu désormais
après l'élection présidentielle, dans les conditions qu'on évoquera ultérieurement, évite la
cohabitation, en tout cas, est destinée à éviter, à empêcher la cohabitation considérée comme
critiquable, dommageable, pour l'équilibre du pays, pour la conduite des affaires politiques.

Et, depuis 2002 et l'introduction de ce nouveau calendrier, on a constaté effectivement en France,


que les majorités parlementaires suivent les majorités présidentielles et renforce d'une certaine
manière le présidentialisme, en tout cas le rôle du président de la République.

Toute la question est donc celle du contrepoids.

Et, on retrouve toute la force de la pensée de Montesquieu, de la théorie de la séparation des


pouvoirs et le fait qu’il faut qu'il y ait des contre-pouvoirs, pour arrêter le pouvoir, selon la fameuse
formule.

Et, ces contre-pouvoirs peuvent être :

Soit une 2nde Assemblée, par rapport à l'Assemblée élue au suffrage universel, par exemple.

Ce contre-pouvoir peut être dans des pouvoirs locaux et dans les États fédéraux, comme les États-
Unis par exemple, mais qui n'est pas un régime présidentialiste, mais les pouvoirs des États
contrebalancent beaucoup le pouvoir de la Fédération, le pouvoir de Washington comme on le verra
dans l'enregistrement qui va suivre.
Donc 2e Assemblée, pouvoir locaux, respect des libertés fondamentales, respect des droits
fondamentaux et évidemment un système dans lequel ces libertés n'existent plus, ne serait-ce que le
droit de vote, s'il est trop fortement encadré, limité, ….

Dans ce cas-là, le présidentialisme touche un petit peu à la dictature ou au régime autoritaire.

Donc, on le voit, les conditions concrètes de la manière dont les pouvoirs sont exercés, y compris
séparés ou non séparés, sont tout à fait importantes.

Puis, ce régime présidentialiste repose en principe sur l'élection et donc dans le monde moderne, sur
le suffrage universel.

Et, si le suffrage universel existe réellement, il peut éventuellement conduire à congédier le titulaire
du pouvoir, c’est-à-dire que le peuple peut se révolter démocratiquement en votant contre lui.

Et, la démocratie existe et la séparation des pouvoirs peut exister aussi, dans ce cas-là, si le titulaire
du pouvoir accepte de quitter le pouvoir.

S'il se cramponne, comme on dit, au pouvoir malgré le résultat des urnes, alors là on est dans une
situation qui dépasse le présidentialisme et l'on confine à la dictature.

Dictature qui ne faut pas confondre avec les régimes totalitaires, parce que dans les régimes
totalitaires, il y a bien tout cela, concentration des pouvoirs, …, mais aussi un contrôle complet sur la
société.

C'est ce qui existait bien sûr dans le 3e Reich allemand, mais aussi en Union soviétique, pendant de
très longues périodes, pensons notamment à la période stalinienne.

6. LES REGIMES DE CONFUSION DES POUVOIRS ET LE REGIME CONVENTIONEL

Et puis cette confusion des pouvoirs, elle peut se faire au profit d'une Assemblée ou d'un Parlement.

On est bien en présence d'une forme, à défaut de concentration, mais de hiérarchisation du pouvoir,
qui se fait au profit du pouvoir législatif, du moins au départ.

Ce pouvoir est souvent qualifié de « conventionnel », parce qu’il est apparu pour la 1refois dans
l'histoire, en France, à l'époque de la Convention, qui est le nom d'une Assemblée, qui a gouverné
entre 1792 et 1795.

Cette Convention avait été élue, rappelons-le, pour faire une Constitution.

Mais cette Assemblée, ne s'est pas contentée de cela, d'abord parce qu'elle a bien d'autres choses à
faire et qu'elle a mis un peu de temps à établir, à élaborer des constitutions.

Elle a légiféré au quotidien, fait des lois au nombre très important, dirigé le gouvernement de la
France dans le sens où elle a exercé des fonctions exécutives, ou du moins elle a cherché à encadrer
la pouvoir exécutif.

Puis, elle a même rendu la justice, puisque c'est elle qui a condamné à mort à la fois Louis XVI et
ensuite Marie Antoinette.

Donc une Assemblée toute puissante.


Cette Assemblée, qui était en plus pléthorique avec plus de 700 membres au départ, avait désigné des
organes en son sein pour effectuer certaines fonctions et elle avait désigné des comités à partir du
printemps 1793, dont le plus célèbre dans l'histoire était le « Comité de salut public ».

Et, au sein de ce Comité de salut public, qui devait être en principe renouvelé fréquemment, ont
émergé un certain nombre de personnages, qui ont pris petit à petit le pas sur les autres, en les
éliminant, en les envoyant à la guillotine, ça c'est un peu fini par la dictature de Robespierre et de
Saint-Just.

Jusqu'à ce que l'Assemblée se révolte parce qu’elle voyait que c'était bientôt le tour de certains
d'être envoyé à la guillotine, donc à un moment donné, la majorité silencieuse, « le marais » comme on
disait, c'est révolté et a conduit les Robespierre et ses amis eux-mêmes à la guillotine.

Donc, tout ça pour indiquer que le régime conventionnel, qui est en principe le régime d'une
Assemblée, peut conduire en fait à un régime dans lequel ce sont quelques hommes qui exercent
réellement le pouvoir.

C’est-à-dire, une forme un peu d'inversion du système, de la conception initiale, du régime


conventionnel.

Ce régime conventionnel a inspiré, assez souvent, les pays d'obédience marxiste et lorsqu'on regarde
les textes des constitutions, y compris des pays qui se réclament encore du marxisme, on pense à la
Chine, à la Corée du Nord, à Cuba par exemple, on a le sentiment que c'est l'Assemblée qui est toute
puissante, qui exerce réellement le pouvoir.

En réalité, lorsqu'on regarde comment les choses fonctionnent, d'abord, il a la présence d'un parti
unique, qui vient compliquer un peu la présentation du régime conventionnel, il y a aussi le fait qu’en
réalité, c'est le sommet qui dirige la base, pas l'inverse.

C’est-à-dire, ce sont ceux, qui sont en principe qui sont désignés par l'Assemblée, qui la dirigent.

Cette Assemblée, qui très souvent, se réunit très peu dans l'année, ce qui n'est pas un très bon signe
d'un véritable régime d'Assemblée.

Alors, ce régime d'Assemblée existe assez peu.

Il existe surtout en Suisse, avec cette un Parlement bicaméral, parce qu’on est en présence d'un État
fédéral, comme on le sait, donc il faut une Assemblée qui représente le peuple, qui représente les
États, c'est-à-dire les Cantons.

Et puis, on a un organe exécutif, qui est un organe collégial, composé de 7 membres, qui s'appelle le
Conseil fédéral.

Ce Conseil fédéral est en principe un organe qui exécute les ordres de l'Assemblée fédérale, du
Parlement bicaméral, parce que le président de la Confédération est désigné chaque année, de manière
un peu tournante, parmi les membres du Conseil fédéral.

Et, c'est ce président de la Confédération qui représente, au moins à l'extérieur, la Confédération


helvétique, comme interlocuteur des autres chefs d’État.

Donc en principe, le Conseil fédéral est subordonné à l'Assemblée fédérale comme dans un régime
conventionnel idéal.
Il n'y a pas de droit de dissolution, pas de question de confiance, donc il y a les apparences d'un
régime d'Assemblée.

Mais en réalité, et c'est là où l’on voit qu’entre la théorie et la pratique il y a parfois un monde, le
Conseil fédéral, l'organe dit « exécutif », jouit d'une très grande stabilité.

Parce que les membres de ce Conseil sont très souvent réélus, avec une durée moyenne de fonction
d'une dizaine d'années, et ça donne évidemment un poids considérable par rapport aux Assemblées, et
ce Conseil fédéral, organe exécutif, comme tous les organes exécutifs dans le monde, dispose de
l'administration, et c'est bien entendu un pouvoir tout à fait important.

Dernier mot, sur ce régime d'Assemblées, la 3e République française, la 4e République française, ont
parfois été qualifiés de « régime d'Assemblée », pour indiquer qu'en réalité ce n'était pas un régime
parlementaire, mais une forme de déformation de celui-ci, qui avait conduit à un véritable régime
d'Assemblée dans lequel, l'Assemblée, le Parlement et notamment la Chambre des députés et puis
ensuite l'Assemblée nationale, détenaient la réalité du pouvoir.

Mais pour plus d'éléments sur cette question, il faudra se reporter à l'histoire constitutionnelle
française.

V. LE REGIME PRESIDENTIEL

1. DEFINITION DU REGIME PRESIDENTIEL

On l'a vu, la théorie de la séparation des pouvoirs a donné lieu à des interprétations différentes et
parfois même à des incompréhensions.

Mais, sans vouloir trop chercher à systématiser, on peut dégager 2 grandes applications possibles de
la séparation des pouvoirs :

L'une qui repose sur une conception absolutiste de la séparation des pouvoirs, une conception qu'on
appelle « rigide » de la séparation des pouvoirs, qui donne naissance à un régime, que l'on l'a baptisé
de régime présidentiel pour les raisons que l'on verra plus loin.

Et puis, il y a une autre lecture qui considère que ces pouvoirs, certes sont séparés, mais pas de
manière stricte, pas de manière étanche, qu'il faut en réalité que ces pouvoirs puissent marcher « de
concert », en reprenant la formule de de Montesquieu.

Cela donne naissance à des régimes de séparation « souple » des pouvoirs.

La 1recatégorie porte le nom de régime présidentiel.

La 2nde porte la dénomination de régime « parlementaire ».

Il faudra faire attention, tout au long de ces développements, de ne pas confondre que régime
présidentiel, ne voudra pas dire que le président fait tout, régime parlementaire ne veut pas dire que
le Parlement fait tout.

Une fois qu'on a bien ces expressions en tête, on peut s'intéresser alors à l'application réelle de ces
interprétations différenciées, applications réelles dans des États.
Et, le régime présidentiel est associé dans tous les ouvrages de droit constitutionnel, au régime
américain du Nord, c'est-à-dire celui des États-Unis.

Alors que le régime parlementaire est né surtout au Royaume-Uni au 18esiècle, au 18esiècle, et qu'il a
été ensuite diffusé dans d'autres pays.

Mais du coup, cela conduit à considérer qu'il y a des modèles.

C’est a dire, que le régime présidentiel est nécessairement le régime américain, et que le régime
parlementaire est surtout le régime britannique.

Voir donc se méfier de cela, car ces modèles n'en sont d'ailleurs pas vraiment.

Ils ont été parfois déformés, y compris dans leur application dans d'autres pays, y compris dans les
pays où ces modèles sont nés, et où l'histoire a conduit à des évolutions.

Et que le régime présidentiel du 21e siècle n'a pas grand-chose à voir avec celui de la fin du 18e.

Même chose le Royaume-Uni.

Donc, le terme de « modèle » ne doit pas être vraiment compris comme tel, car il n'y a pas de modèle
pur, il n'y a pas de régime présidentiel pur, il n'y a pas de régime parlementaire pur, car aucun ne
répond à des canons qui seraient écrits quelque part et qu'il faudrait recopier.

Pour autant, pour permettre de bien comprendre cela, on prendra des exemples qui sont pour le
régime présidentiel essentiellement tirés du système américain, et on verra pour le régime
parlementaire que l'origine historique et britannique du régime parlementaire permet de comprendre
la logique même du régime parlementaire, en tant que système homogène, sinon en tant que modèle.

Tout d'abord, le régime présidentiel.

C'est un régime de séparation des pouvoirs, qui semble prendre au pied de la lettre cette expression
de séparation des pouvoirs, peut-être en déformant la pensée des auteurs que nous avons déjà
présenté.

Le terme est trompeur, on l'a dit, parce qu'il ne désigne pas ce régime présidentiel, un régime dans
lequel le Président est tout puissant, pourrait tout faire sans l'accord d'autres organes, d'autres
pouvoirs, sans être limité par d'autres contre-pouvoirs.

Au contraire, on le verra, dans un régime de type présidentiel, il y a plutôt une concurrence entre
organes placée sur le même plan, un Président, un Parlement, et un pouvoir judiciaire ou juridictionnel.

D'ailleurs, l'expression de régime présidentiel n'est pas née aux États-Unis, aussi curieux que ça
puisse paraître, elle a été forgée par un écrivain britannique au milieu du 19esiècle.

Cet écrivain s'appelait Walter Bagehot et il a écrit un ouvrage en 1867 qui s'appelle : « The English
Constitution », c’est-à-dire « La Constitution anglaise ».

Et quel rapport ?

Alors qu'évidemment la Constitution anglaise, si tenté qu'il y en ait une, ne met pas en place un régime
présidentiel, mais c'est un peu par comparaison que Bagehot décrit le système britannique, la
Constitution anglaise par rapport au système américain, qu'il avait examiné, parce qu'il avait exploré
et étudié la constitution américaine.
Il avait été très frappé par le rôle très important de Lincoln, dans les années 1860, jusqu'à ce que
celui-ci, on le sait, soit assassiné.

Le rôle très important de Lincoln dans la conduite de la guerre de sécession que les Américains
appellent d'ailleurs « la guerre civile ».

Cette guerre civile avait renforcé les pouvoirs du président, d'où l'expression de régime présidentiel,
pour souligner le rôle particulier de ce président Abraham Lincoln, mais il faut se méfier encore une
fois, du sens donné au mot régime « présidentiel ».

Pourquoi ?

Aussi, parce que, les Américains, les États-uniens, pensaient aménager, au moment de leur
indépendance, au moment où l'État se construit, le système de monarchie limitée qu'ils avaient
observé en Grande-Bretagne, ou du moins dont ils avaient gardé le souvenir pour certains d'entre eux,
ou dont ils avaient lu des descriptions dans des ouvrages.

Une monarchie limitée avec éventuellement un roi.

Mais il se trouve d'abord que le régime britannique, qu'ils avaient en tête, n'était pas du tout le
régime britannique tel qu'il existait au moment de la naissance des États-Unis.

Là, encore une fois, il faut faire la place à l'écoulement du temps, à l'espace, aux communications qui
étaient un peu moins rapides que qu'à l'heure actuelle.

Puis, un 2e phénomène s'est produit, c'est que George Washington, le père de l'indépendance, avait
été élu 1erprésident des États-Unis, avait refusé la couronne qu'on lui proposait, mais il avait accepté
de faire un 2nd mandat, mais pas plus, mais il avait refusé de se transformer en roi.

Voilà à quoi les choses peuvent éventuellement tenir, sinon le régime présidentiel américain ne serait
pas du tout celui que nous connaissons.

Donc, ce régime présidentiel est né aux États-Unis, s'y est développé, mais n'a pas connu beaucoup
d'applications dans le monde en dehors de l'Amérique latine, pour des raisons assez simples à
comprendre, ne serait-ce que de proximité géographique.

En dehors de la France du 1848, de la 2nde République, lorsqu'on regarde la Constitution de cette


période, on s'aperçoit d'un certain nombre de similitudes avec le système de type présidentiel.

Sans trop insister sur l'influence de Tocqueville, sur l'écriture de la Constitution de 1848.

Tocqueville, qui avait écrit un ouvrage « De la démocratie en Amérique ».

C'est le texte constitutionnel français qui est sans doute le plus proche, ou du moins le moins éloigné,
du régime politique américain.

Et puis, le régime russe actuel (pas soviétique), peut parfois être présenté comme un régime
présidentiel, mais avec quand même beaucoup de déformations par rapport au système américain, ne
serait-ce qu'à cause de l'histoire de la Russie, héritière de l'Union soviétique.

Donc, le régime présidentiel existe dans un certain nombre de pays, notamment aux États-Unis, c'est
celui qui veut appliquer strictement la séparation des pouvoirs.

C’est-à-dire, un régime dans lequel l'organisation et les relations entre les pouvoirs publics reposent
sur cette idée de pouvoirs séparés, c’est-à-dire de pouvoir qui est exercé par un organe, qui
correspond à un pouvoir, et chacun de ces organes trouve sa légitimité dans le peuple, directement ou
indirectement, mais aucun de ses pouvoirs ne dépendent d'un autre pouvoir.

C'est sans doute là, une des grandes distinctions entre un régime de type présidentiel et un régime de
type parlementaire.

Il n'y a pas d'investiture, c’est-à-dire de phénomènes de confiance, qui fait qu'un organe donne sa
confiance à un autre, par un phénomène donc d'investiture.

Il y a donc une « totale » liberté, on verra que ce mot nécessite peut-être quelques guillemets, une
liberté de chacun des organes par rapport à l'autre, non pas une indépendance, mais une autonomie.

Donc dans le régime de type présidentiel, chacun de ces pouvoirs a une fonction spécifique, avec une
spécialisation fonctionnelle et les pouvoirs n'ont pas de moyens d'action réciproque l’un sur l'autre.

2. LE CONTEXTE AMERICAIN DU REGIME PRESIDENTIEL

Ce régime présidentiel ne se comprendrait pas sans le contexte américain.

Il était très souvent associé dans les ouvrages aux États-Unis d'Amérique et ça permet de
comprendre aussi comment le régime présidentiel est né.

Il faut se rappeler que les colonies britanniques, de l'Est de l'Amérique, ce qui n'était pas encore les
États-Unis à l'époque, bénéficiaient d'une certaine autonomie par rapport à la couronne d'Angleterre,
elles allaient depuis le New Hampshire jusqu'à à la Géorgie.

Puis, lorsque les Anglais ont fini par battre les Français en 1763, les colons américains ont revendiqué
une plus grande indépendance à l'égard de la métropole, de Londres, et notamment en matière fiscale,
en estimant que les votes du Parlement de Londres ne s'appliquait pas à eux, puisqu’ils ne disposaient
d'aucun représentant.

Donc leur opposition s'est cristallisée sur un grand principe qui est bien connu ; « No taxation without
representation », c’est-à-dire « Pas d'impôt sans représentation », c’est-à-dire sans pouvoir consentir
à l'impôt, qui se traduirait par le consentement à l'impôt dans le système français.

Cela a été marqué aussi, par un événement qui s'est appelé la « Boston Tea Party », en 1773, au cours
de laquelle des habitants de Boston ont détruit les cargaisons de thé des navires de la compagnie des
Indes, pour provoquer la réaction de Londres, mais cela a provoqué un autre phénomène, c’est-à-dire
l'unité des colonies américaines.

Et, ces colonies ont pris l'habitude de se réunir ensemble, ne serait-ce qu'à Philadelphie, dans un
congrès continental, qui a donné un pouvoir militaire à Georges Washington.

Puis, qui a conduit les colonies à se révolter, à faire la guerre, ce qui a conduit à la Déclaration
d'indépendance du 4 juillet 1776, pour les 13 colonies.

Ce texte a pour auteur Thomas Jefferson, assisté de John Adams, de Benjamin Franklin, il proclame :

L'égalité des hommes,

L'existence de droits inaliénables, qu’étaient la vie, la liberté et la recherche du bonheur.


Ce texte proclame une forme de droit à l'insurrection, lorsque le gouvernement ne respecte plus les
libertés essentielles des hommes dans le cadre du contrat social, on renvoie à la théorie de John
Locke, qu'on a présenté précédemment.

Mais en même temps, ces colonies américaines qui étaient devenues indépendantes, ne serait-ce que
par cette déclaration d'indépendance, ont rédigé des constitutions écrites qui sont les premières
dans l'histoire du droit constitutionnel.

Et la 1refut celle du New Hampshire, qui date du 5 janvier 1776, qui était suivie par d'autres et
notamment par celle de l'État de Virginie, du 5 juillet 1776.

La Constitution de Virginie a été rédigée par un grand homme, sur le plan du droit constitutionnel, qui
était Thomas Jefferson.

Elle présente la particularité d'être précédée d'une déclaration des droits.

Et, on y trouve la référence à Montesquieu, la référence à la séparation des pouvoirs, mais aussi une
certaine méfiance à l'égard de tout pouvoir, qui doit être renouvelée fréquemment par des mandats
courts dont on sait que c'est une donnée tout à fait importante de la vie politique américaine.

Le problème, c'est que ces indépendances des 13 États, qui étaient de très anciens Colonies, étaient
susceptibles d'affaiblir ces nouveaux États.

Il a fallu qu'ils se regroupent dans une Confédération, au sens fort et propre du mot, on renvoie à une
leçon précédente.

Une Confédération dans laquelle chacun des États est placé sur un pied d'égalité, dispose d'un droit
de véto, l'un par rapport à l'autre, et chaque décision de la Confédération engage et nécessite
l'unanimité.

Le seul organe prévu était un Congrès, dans lequel chaque État disposait d'une voix et était
représenté par une sorte de diplomate, qui représentait son État au sein de la Confédération.

Ce système, qui était donc très souple, à vite montrer ses limites, ses failles, son inefficacité, pour
prendre les décisions.

Donc, il fut décidé, un peu après en 1787, de réunir une nouvelle Assemblée, un Congrès, qui s'est
appelé ; « une Convention », qui était chargée de modifier le texte du traité.

Et, en réalité, il en est sorti une véritable Constitution et non plus un traité, c’est-à-dire un texte de
droit international.

Une Constitution qui a donné naissance à un État fédéral.

On se reportera encore une fois à un enregistrement précédent.

Et cette Convention, qui est a siégée à Philadelphie, qui était composée de quelques personnes, 55,
qu'on appelle aux États-Unis ; « les pères fondateurs », qui étaient parfois considérés comme des
demi-dieux tellement leur œuvre paraissait tout à fait exceptionnelle et destinée à durer
éternellement dans le temps.

Cette convention a donné naissance à une Constitution d'un État fédéral.

Finalement, de l'ancienne Confédération, n'est restée que le nom de l'État, c’est-à-dire les États-Unis
d'Amérique.
Et, cette Constitution est restée en vigueur, jusqu'à aujourd'hui, au moins son cœur, ses principes.

Elle a été amendée, c’est-à-dire complétée, mais non pas modifiée, par 27 amendements jusqu'à ce
jour, qui ne sont que des compléments.

Certains de ces amendements supprimant des amendements précédents, c'est le cas bien connu de la
prohibition supprimée par un autre amendement quelques années plus tard.

Tout cela donne naissance à un culte de la Constitution aux États-Unis et le régime présidentiel
repose sur un texte quasiment sacré.

D'ailleurs, le Président des États-Unis lorsqu'il prête serment après son élection, prête le serment
sur la Bible, du moins pour ceux qui y croient. Eh bien, de prêter serment à la Constitution, de
respecter la Constitution.

Tous les juristes américains connaissent la Constitution, les amendements et les droits qui en
découlent.

3. LA NECESSAIRE SEPARATION DE POUVOIRS

Thomas Jefferson, l'auteur de la Déclaration des droits de l'État de Virginie, pensait que le meilleur
gouvernement était celui qui gouverne le moins.

Il y a donc une conception très particulière du pouvoir politique, une conception de la séparation des
pouvoirs un peu particulières, parce qu’il fallait que le pouvoir politique intervienne le moins possible.

Cette phrase, cette maxime, peut être lue et comprise de différentes manières, elle peut se
comprendre sous l'angle du fédéralisme.

C’est-à-dire que pour un non fédéraliste, il ne fallait pas que le pouvoir fédéral soit trop important, il
fallait respecter les droits des États fédérés au nom de la liberté et au nom de des droits des
peuples, que le pouvoir fédéral c'était un pouvoir qui pouvait devenir oppressant.

Ceci est tout à fait important, car cette idée perdure dans toute l'histoire des États-Unis
d'Amérique et se retrouvent en à l'heure actuelle.

Les critiques adressées au pouvoir de Washington sont adressées au nom des pouvoirs des États.

Et, il ne faut pas que le centre, la fédération, empiète trop sur les pouvoirs des États.

Mais aussi, la phrase de Jefferson peut être comprise cette fois-ci, non pas dans les relations
verticales, mais dans les relations horizontales.

C’est-à-dire, il faut que chacun des pouvoirs exerce ses fonctions et n’empiète pas sur les fonctions
des autres, il faut finalement un système d'équilibre dans lequel le pouvoir politique ne soit pas trop
puissant, il faut limiter le pouvoir par la séparation des pouvoirs et on retrouve ici tout à fait les
formules très célèbres de Montesquieu que l'on a déjà mentionnées.

Et, c'est en cela que le régime présidentiel se veut un régime d'équilibre qui a multiplié « les facultés
d'empêcher », c'est une autre formule de Montesquieu.

Les facultés d'empêcher, toutes aussi importantes que les facultés d'agir.
Il faut empêcher qu'un pouvoir prenne trop d'importance.

Donc on le voit finalement, le fédéralisme et le régime présidentiel permettent de déterminer assez


bien le système politique américain et il faut faire la part de l'un et de l'autre, même si les 2 sont
évidemment, historiquement, très liés.

Ce système de séparation des pouvoirs condamne en quelque sorte les pouvoirs à s'entendre entre
eux, il faut trouver des compromis.

On parlait d'équilibre, mais ce sont aussi des compromis qui doivent sortir de la confrontation entre
les pouvoirs.

Le régime présidentiel est une sorte de mariage, mais sans divorce possible, il faut que chacun
s'entende avec l'autre, dans lequel chacun des pouvoirs est condamné à supporter l'autre, ou les
autres, si on considère qu'il y a 3 pouvoirs comme on le verra.

Donc, l'exécutif, le législatif, le judiciaire sont bien séparés.

Ne serait-ce que par leurs origines, on va le voir, par leurs désignations, par leurs élections la plupart
du temps, mais aussi dans leurs compétences.

C'est un peu chacun chez soi.

Mais attention, derrière cette affirmation, il faudra apporter un certain nombre de nuances, il faudra
montrer que la séparation n'est pas aussi stricte et rigide qu'elle peut apparaître.

Puis, le système est facilité aussi par le fait que l'équilibre est possible parce qu’aux États-Unis
notamment, berceau du régime présidentiel, à défaut d'être le modèle, il existe un système politique
bipartisan, c'est-à-dire essentiellement 2 partis politiques :

Les républicains,

Et les démocrates.

Ils ont d'ailleurs évolué, l'un et l'autre, en passant de la droite, à la gauche, et réciproquement, d'une
certaine façon dans l'histoire.

Un système bipartisan, qui explique d'ailleurs qu’aux élections présidentielles il n’y a toujours que 2
candidats, la plupart du temps, un démocrate et un républicain, et donc que les candidats
indépendants n’ont que très peu de chances de remporter la moindre élection.

Un système bipartisan dans lequel les partis politiques sont beaucoup moins opposés qu'en Europe, et
notamment en France.

C'est à dire un système dans lequel, en tout cas jusqu'à maintenant, les partis politiques étaient
d'accord sur l'essentiel, du moins sur les idéaux de la démocratie américaine.

Aucun des 2 grands partis n'a cherché à saper le système américain.

Il n'y a pas l'équivalent d'un Parti communiste, même s'il y a eu un parti communiste américain, mais
en tout cas tellement faible qu’il a peu compté.

Et, il y a certes des pensées extrémistes, mais pas vraiment de courant extrémistes représenté par
des grands partis.
Donc le parti démocrate et le parti républicain ont pendant très longtemps été d'accord sur
l'essentiel.

Donc, tout cela permet l'alternance entre les majorités et permet aussi la recherche d'équilibre.

Et les Américains sont très friands de textes qu'ils appellent bipartisan, c'est-à-dire de textes de loi
qui sont adoptés à la fois par des républicains et des démocrates.

Ce qui est l'exemple typique de cette recherche d'équilibre.

Alors bien sûr, tout cela n'est pas idyllique, tout cela ne doit pas être présenté comme un monde dans
lequel tout est parfait, et il faut aussi constater que l'élection de Donald Trump, en novembre 2016,a
abouti à introduire un clivage important entre les partis politiques, en tout cas entre les républicains,
qui sont de plus en plus tournés vers la droite de l'échiquier politique, et les démocrates, qui pensent,
qui espèrent pour certains d'entre eux en tout cas, que ce sont des solutions, que les Américains
appellent libérales, mais « libérales » pour les Américains ça veut dire « de gauche », que les solutions
libérales sont les meilleurs et que c'est une manière d'emporter l'élection.

Donc ici, on assiste à une période tout à fait intéressante, dans laquelle les oppositions politiques
semblent plus marquées qu'à une certaine époque.

Alors même que Donald Trump a été élu en novembre 2016, un peu à la surprise générale, en tout cas
des Européens.

Et, puisqu’il a lui-même remporté la primaire républicaine et qu'il a été ensuite élu, comme on le
rappellera dans quelques minutes.

4. LE POUVOIR EXECUTIF MONOCEPHALE

Pour qu'il y ait un régime présidentiel, il faut donc qu'il y ait des pouvoirs séparés, on l'a dit.

Et, ces pouvoirs séparés, se séparent en 3 selon la logique héritée de Montesquieu :

D'abord par un pouvoir exécutif,

Ensuite par un pouvoir législatif,

Et avec un pouvoir judiciaire.

Les 3 étant plus ou moins indépendants l'un de l'autre, le « plus ou moins » étant ici tout à fait
important.

D'abord un pouvoir exécutif « monocéphale ».

C'est un terme qui vient du grec et qui signifie ; « une seule tête ».

Une seule tête pour quoi ?

Car le pouvoir exécutif est confié en entier, dans sa totalité, à une seule et même personne, à un seul
et même organe, et c'est donc le Président, le président des États-Unis, puisqu'on ne dit pas
Président de la République aux États-Unis.

L'art 2 de la Constitution fédérale américaine, de 1787, est en fait consacré au pouvoir exécutif.
Et dedans, il y a une section 1requi décrit notamment ce pouvoir exécutif et qui dit :

« Le pouvoir exécutif sera dévolu à un Président des États-Unis d'Amérique. »

Alors faisons bien attention, il y a assez peu d'articles dans la Constitution américaine, si on la
compare avec les Constitutions des pays européens par exemple, ou même d'autres pays.

Mais ces articles sont eux-mêmes très longs, très divisés et il ne faut pas avoir une idée fausse de la
présentation de la Constitution américaine.

Le chef de l'État, aux États-Unis, dans un régime de type présidentiel, exerce donc les fonctions de
chef de l'État, mais aussi de chef du gouvernement.

Il est à la fois, pour prendre une comparaison française, le Président de la République et le Premier
ministre.

Et, si l'on veut poser une question piège à quelqu'un, on lui demande le nom du Premier ministre
américain, pour qu’on lui réponde : « Il n'y a pas de Premier ministre aux États-Unis ».

Le Président des États-Unis est à la tête de l'administration fédérale, donc à la tête des services
administratifs fédéraux de l'administration, à la tête des armées, il est le chef des armées, c'est lui
qui conduit la guerre et il lui arrive même d'aller parfois sur le terrain, en visite bien entendu, mais
pour remonter le moral des troupes.

De ce fait, il dispose de pouvoir tout à fait exceptionnel en temps de guerre et la lutte contre le
terrorisme, qui est une forme de guerre moderne, a d'ailleurs renforcé les pouvoirs du président,
pour mener à bien cette lutte.

Mais, s’il est chef de guerre, il est aussi chef de paix, responsable de la paix.

C’est-à-dire, que c'est lui qui incarne aux yeux du monde, non seulement les Américains, mais aussi
tout le monde extérieur, il incarne les États-Unis, c'est lui qui est les États-Unis à l'extérieur, peut-
on dire.

Et, il négocie les traités, il peut être amené à les ratifier, il va diriger la politique extérieure et l'on
voit, chaque fois qu'un chef d'État ou un chef de gouvernement se rend aux États-Unis, il va dans le
bureau ovale du Président des États-Unis.

Il s'appelle « bureau ovale », parce que la pièce est elle-même ovale, tout simplement.

Et, ce Président des États-Unis, qui dirige la politique extérieure, mais aussi il fait exécuter les lois
fédérales sur l'ensemble du territoire.

Puis, c'est aussi lui qui dispose du droit de grâce, uniquement pour les condamnations prononcées au
niveau fédéral, c'est-à-dire par des juridictions fédérales, qui elles-mêmes jugent, statuent, sur des
crimes fédéraux, car c'est là aussi une conséquence du fédéralisme, il y a des juridictions fédérales,
mais il y a aussi des juridictions fédérées, comme on le verra.

Donc, le droit de grâce ne s'exerce que pour les crimes fédéraux.

Ce Président des États-Unis est élu pour 4 ans à un suffrage universel, mais dont on dira qu'il n'est
pas direct, et il n'est rééligible qu'une seule fois.

Cela seulement depuis le 22eamendement, qui a été ratifié le 27 février 19051.


« Ratification » ; qui signifie donc une révision constitutionnelle aboutie et adoptée.

Et pourquoi ce 22eamendement ?

Parce que Roosevelt avait été réélu pour un 4e mandat en 1944, mais que la maladie l'a atteint en
cours de mandat, d'ailleurs même avant qu'il ne soit réélu, et il est mort donc en fonction.

Finalement, 4 mandats, c'était sans doute trop pour un seul homme.

Il a fallu limiter le nombre de mandats.

Donc, les présidents des États-Unis, au mieux, exercent leur pouvoir 8 ans, on l'a vu pour Barack
Obama, pour Bill Clinton, pour George W. Bush, au début du 21e siècle, donc 2 fois 4 ans, ce qui est peu
finalement, compte tenu de la puissance des hommes qui sont ainsi élus.

Ce président est entouré de collaborateurs pour exercer ses fonctions, il ne le fait pas tout seul.

Et, des collaborateurs qui sont les siens, qui sont directs, qui sont soumis à son autorité, et qu'il
choisit, qu'il nomme et qu'il révoque, et qu'il révoque, selon une formule latine ; « ad nutum », c’est-à-
dire « d'un signe de tête ».

Ça veut dire qu'il n'est pas contraint d'avoir recours à des procédures pour les révoquer, il peut les
nommer aussi librement qu'il peut les révoquer.

Et ce président des États-Unis n'est pas tenu par une quelconque majorité parlementaire.

D'ailleurs, ces hommes du président, c'est le titre notamment d'un livre et d'un film, ne sont pas
choisis dans la majorité du Congrès, ils ne doivent pas faire partie du Congrès, ils peuvent être choisis
dans la finance, dans l'université, dans l'armée, donc tout cela dans la société civile, et il n'est pas
besoin que ces hommes ou ces femmes soient titulaires d'un mandat électoral quelconque.

La présidence de Donald Trump a été marquée à ses débuts, par des révocations nombreuses, quelques
semaines après l'intronisation du président des États-Unis, qui s'est débarrassé de personnes soit un
peu douteuses, en tout cas pour son image politique, soit avec lesquelles il était en désaccord complet.

Par exemple, un peu après, le secrétaire d'État, c’est-à-dire l'équivalent du ministre des Affaires
étranges, qui s'appelait Rex Tillerson, qui était issue de la grande industrie, parce qu'il était le PDG
d’ExxonMobil, a été révoqué en l’apprenant par un tweet.

On sait que Donald Trump gouverne beaucoup avec des tweets, c’est-à-dire un procédé de réseau
social.

Et pourquoi l'a-t-il révoqué ?

Parce que d'après ces explications, il avait de nombreuses divergences, notamment sur l'accord
nucléaire américain avec Donald Trump.

Donc on le voit, le président des États-Unis « règne » sur son administration et parfois avec un
« turnover » assez rapide, c’est-à-dire que les personnes ne restent pas très longtemps en fonction,
en tout cas, la présidence de Donald Trump illustre assez bien ce phénomène.

D'ailleurs, ceux qu'on pourrait appeler ou considérer comme des ministres, sont des secrétaires :

Le secrétaire d'État, qui est donc le 1erd'entre eux et qui exerce la fonction de ministre des Affaires
étrangères dans d'autres pays.
Le secrétaire au Trésor,

Le secrétaire à la Justice, qui sont en réalité de véritables ministres.

Mais, ces secrétaires ne sont pas distincts du Président.

Ils décident, par l'intermédiaire du Président.

Il n'y a donc pas de gouvernement américain, même si parfois on emploie cette expression au sens
parlementaire du mot, c’est-à-dire il n'y a pas un organe collégial présidé par quelqu'un qui serait
distinct du président des États-Unis.

Lorsqu'il réunit ces ministres autour de lui, ce sont ces collaborateurs qui sont ainsi réunis.

D'ailleurs, souvent, les Américains préfèrent le mot d'administration, on parlera de l'administration


Trump, de l'administration Obama, pour désigner l'exécutif autour du président en question.

L'indépendance de cet exécutif monocéphale est assurée par l'élection du président au suffrage
universel indirect, à 2 degrés.

A « 2 degrés », pourquoi ?

Parce que les électeurs, nous sommes un pays démocratique, avec une élection au suffrage universel,
hommes et femmes, donc ils désignent des « grands électeurs », qui se réunissent ensuite et
désignent le Président.

C'est en cela que c'est un système indirect.

Mais ces grands électeurs sont choisis, État par État, non pas sur l'ensemble du territoire des États-
Unis.

Tout cela conduit à une situation qui s'est produite plusieurs fois dans l'histoire américaine, dans
laquelle le Président peut avoir sur l'ensemble du territoire américain moins de voix que son
adversaire, et très souvent il n'y a que 2 candidats, mais il emportera en quelque sorte plus d'États
que son adversaire, plus de délégués dans certains États, que son adversaire, notamment dans les
États qui envoient plus de délégués que d'autres.

Pour parler clairement, cela signifie, que ce système est voulu par le fédéralisme, il fallait éviter que
les électeurs des tout petits États du Nord-Est des États-Unis, qui ont moins d'un 1 milloin
d'habitants, soient noyés dans la masse des électeurs américains, qui sont très nombreux, plusieurs
centaines de millions, et notamment dans la masse par exemple, des électeurs de Californie, de
Floride ou du Texas.

Donc, en séparant l'élection État par État, cela donne à chacun des États, même les plus petits, un
certain poids dans la désignation du président américain.

C'est un système qui paraît un peu compliqué vu de France, mais qui se comprend très bien lorsqu'on
pense au fédéralisme et au respect de chacun des États.

Ce qui fait d'ailleurs que ces grands électeurs sont élus avec une sorte de mandat impératif, on a
évoqué cette question précédemment, c’est-à-dire que ces grands électeurs, en principe, s'engagent à
voter pour l'un ou l'autre des candidats.

Il y a finalement très peu de surprise ou pas du tout.


C’est-à-dire, qu’il serait difficile pour un grand électeur de trahir le vœu de ces électeurs, qui l'ont
élu directement.

Du coup, la réunion de ces grands électeurs est un phénomène qui passe un peu inaperçu aux États-
Unis, dans le monde encore plus, puisqu’encore une fois les jeux sont faits d'avance.

Donc, c'est bien l'élection des grands électeurs qui est tout à fait essentielle.

Cette élection à lieu tous les 4 ans, on l’a dit, le mardi qui suit le 1erlundi du mois de novembre, pour
reprendre cette règle tout à fait inspirée des règles de jeu aussi compliquées que le cricket ou le
baseball.

Cette élection, tous les 4 ans, coïncide à l'heure actuelle avec les années bissextiles, c'est un moyen
comme un autre de s'en souvenir, autre moyen encore plus contemporain avec les Jeux olympiques,
même s'il n'y a aucun rapport l'un avec l'autre.

Ce Président des États-Unis n'est pas responsable devant le Parlement, devant le Congrès, devant
l'Assemblée, il n'est éventuellement responsable que devant le peuple en cas de non-réélection.

Il n'y a pas beaucoup de cas de de non-réélection, mais il y en a quand même eu récemment, à la fin du
20esiècle, Jimmy Carter en 1980, Bush père en 1992.

Sinon, les successeurs ont tous été réélus.

On verra si l'élection de 2020, permet de confirmer ou non cela Mr Donald Trump.

Une seule forme de responsabilité pour le Président des États-Unis, c'est une responsabilité de
nature pénale au départ, qui porte le nom « d'impeachment », qui permet de le sanctionner et de le
condamner en cas de trahison, de concussion, ou d'autres crimes et délits.

On retrouvera cette question ultérieurement.

5. LE POUVOIR LEGISLATIF BICAMERAL

À côté du pouvoir exécutif, il y a donc un pouvoir législatif.

Aux États-Unis, il est détenu par le Congrès, qui se compose de 2 Assemblées.

C'est donc un parlement bicaméral.

Mais, il ne faut pas penser que le bicaméralisme du Parlement américain est lié au régime présidentiel.

En réalité, ce bicaméralisme est lié au fédéralisme, on se reportera à l'enregistrement consacré au


fédéralisme.

En effet, pourquoi 2 Assemblées ?

On le sait, une Assemblée qui représente la population et une Assemblée qui représente les États-
Unis.

C'est l'art 1erde la Constitution américaine qui est consacré au Congrès, au pouvoir législatif, et
l'ordre de présentation est un signal intéressant de l'intention des rédacteurs de la Constitution de
1787, qui pensaient que le congrès était peut-être plus important à leurs yeux que le pouvoir exécutif.
Mais c'est un signe, c'est un symbole.

Ce bicaméralisme peut ne pas exister dans le régime présidentiel et on peut prendre le cas de la
France de la 2nde République, du régime né en 1848, dans lequel il n'existait qu'une seule Assemblée
nationale.

C'est l'art 20, au nom de l'unité de la souveraineté, il ne devait y avoir qu'une seule Assemblée.

Donc, le bicaméralisme américain est bien lié au système fédéral.

D'ailleurs, dans ces 2 Assemblées, il y a un Sénat, qui est élu directement par les électeurs qui
représentent les États fédérés, sur une base égalitaire, c’est-à-dire autant de sénateurs par État.

C’est-à-dire, qu'il y a dans chaque Etat 2 sénateurs, quelle que soit la taille de l'État et quel que soit
le nombre d'habitants, donc il s'agisse encore une fois d'un État de moins d'un million d'habitants ou
d'un État aussi grand et aussi peuplé que la France, comme la Californie.

Et, ce Sénat a une particularité, son mandat, qui est relativement long, il est de 6 ans.

Mais, le Sénat est renouvelé par tiers tous les 2 ans.

Donc, c'est une Assemblée qui veut éviter les bouleversements, les changements de majorité.

À côté du Sénat, il y a une 2e Assemblée, qui est la Chambre des représentants.

Qui est une Chambre avec un nombre assez peu important de membres, comparés à des parlements
européens par exemple, puisqu’elle ne comprend que 435 membres.

Elle représente la population, chaque État désignant un nombre différent de représentants en


fonction de la population et d'un recensement, mais qui n'est pas toujours à jour.

C'est ainsi que la Californie désigne à l'heure actuelle 52 représentants, tandis que le Vermont, qui
est un tout petit État du Nord-Est, n'en désigne qu'un seul.

Donc, il faut au minimum qu'il y ait 1 représentant par État.

Le Sénat, évoqué tout à l'heure, comprend 100 membres, car le chiffre est très facile à comprendre,
2 sénateurs par État, 50 États, donc ça fait 100 sénateurs.

Mais, 435 membres pour la Chambre des représentants, c'est finalement très peu.

Si on compare ce chiffre avec les 577 députés français ou les 650 membres de la Chambre des
communes du Royaume-Uni.

Donc finalement, le nombre de parlementaires n'est pas lié à la population de chacun des États.

En revanche, il faut bien comprendre que le pouvoir fédéral n'est que l'un des pouvoirs aux États-Unis
et qu'à côté ou en dessous du pouvoir fédéral, donc en dessous du pouvoir législatif fédéral, il y a des
pouvoirs législatifs fédérés qui exercent un rôle tout à fait important, et dont on a bien dit qu'ils
n'avaient rien à voir avec les attributions de collectivités territoriales dans un régime ou dans un État
unitaire, même décentralisée.

Cette Assemblée, qui est la Chambre des représentants, se renouvelle tous les 2 ans, ce qui est un
mandat extrêmement court, par rapport à beaucoup de pays, par rapport au Président des États-Unis,
dont le mandat est de 4 ans.
Mais, le mandat très court de la Chambre des représentants, illustre tout à fait la pensée de
Jefferson.

C’est-à-dire, qu’il faut que le gouvernement gouverne le moins possible.

Et, un des moyens qu’il gouverne le moins possible, c'est d'avoir des mandats extrêmement courts.

Les élections, d'ailleurs, au Congrès ont lieu au mois de novembre, tous les 2 ans, soit pour renouveler
complètement la Chambre des représentants, soit pour renouveler partiellement le Sénat, et ces
élections s’appellent ; des « Midterm Election », c’est-à-dire des « élections de mi-mandat » du
Président des États-Unis.

Ces élections des Midterm peuvent provoquer des changements politiques majeurs, si le Président voit
au sein des Assemblées, que la majorité n'est plus celle du parti politique auquel il appartient ou qu'il
est censé représenté.

Et, il y a donc eu de très nombreux cas, pour prendre le plus récent, les élections de Midterm en
novembre 2018 ont bien montré que les démocrates, qui avaient été battus largement en 2016 aussi
bien à l'élection présidentielle que pour les élections législatives, parlementaires dirions-nous, que ces
démocrates ont réussi à obtenir une majorité au sein de la Chambre des représentants.

Ce qui va compliquer les relations entre l'exécutif et le législatif, pour les 2 ans à venir, jusqu'à ce
qu'il y ait de nouvelles élections, mais qui cette fois-ci ne seront pas des Midtrems, puisque ces
élections auront lieu en même temps que l'élection présidentielle.

Le Congrès est donc un organe totalement délibérant, c'est lui qui fait la loi, c'est lui qui dispose du
pouvoir législatif, il est maître de ce pouvoir législatif, depuis l'origine jusqu’au vote de la loi, et, en
théorie du moins, le pouvoir exécutif n'intervient pas dans ce pouvoir législatif.

Et, ce Congrès apparaît alors comme un véritable contre-pouvoir du Président.

En outre, puisque l'on parle de Parlement bicaméral, de Congrès bicaméral, les 2 Assemblées ont des
attributions égales, donc parlera de bicaméralisme égalitaire, si on le veut.

Et ce Congrès d'ailleurs, à une toute puissance puisqu'il ne peut pas être dissous.

Le président des États-Unis, alors même qu'il n'est pas du tout satisfait des travaux d'une des
Assemblées, ou des 2, n'a aucun moyen de les dissoudre.

Il est donc condamné à vivre avec le Congrès, comme on l'a vu.

6. LE POUVOIR JUDICIARE INDEPENDANT

Puis, il y a un 3epouvoir aux États-Unis, c'est le pouvoir judiciaire.

Il faut préciser d'ailleurs qu’aux États-Unis, il n'existe qu'un seul ordre de juridiction, qu'on peut
appeler judiciaire, mais qui a aussi des fonctions, qu'on pourrait qualifier d'administrative si on était
dans un pays pratiquant la dualité des juridictions, comme la France, et donc ici, il n'y a pas de
distinction à faire entre les Tribunaux administratifs et les Tribunaux judiciaires.

Ce pouvoir judiciaire est illustré par l'existence d'une institution, qui est connue dans le monde
entier, qui est la Cour suprême des États-Unis.
Pour cela, on peut se reporter à un enregistrement précédent, sur la question du contrôle de
constitutionnalité, sur le rôle qu'a pu jouer la Cour suprême aux États-Unis dans ce contrôle,
notamment sur les lois fédérales.

Et, la Cour suprême n'est qu'à la tête d'une pyramide de juridiction.

Son nom indique bien ce qu'elle est, comme cela a été dit d'ailleurs précédemment, l'équivalent en
France du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation et du Conseil d'État.

La Cour suprême est la juridiction fédérale qui est au-dessus des autres juridictions fédérales.

Pourquoi faut-il préciser cela ?

Parce qu’il y a des juridictions fédérées, il y a des Tribunaux fédérés, avec dans les États des Cours
suprêmes d'État, c’est-à-dire de juridiction fédérée.

D'ailleurs, il faut se rappeler aussi que beaucoup de juges, ce qu'on appellera aussi des procureurs,
sont élus par les électeurs.

On parlait de l'indépendance des organes dans le système américain, où le poids du fédéralisme est
très important, la plupart des juges, notamment les juges fédérés, sont élus par des électeurs et leur
fonction dépend de ce qu'ils font et du bon vouloir des électeurs.

D'où parfois, la tentation pour certains juges, d'aller dans le sens de leur électorat, ce qui peut poser
éventuellement quelques problèmes.

Seuls les juges fédéraux sont nommés par le Président des États-Unis.

Et cette nomination, elle est vraie aussi pour les membres de la Cour suprême.

Aussi curieux que ça puisse paraître, la Cour suprême, organe tout à fait indépendant et qui incarne le
pouvoir judiciaire aux États-Unis, doit son existence, sa composition, au Président des États-Unis, qui
les nomme et en plus à vie.

Cette Cour suprême, on le sait, est composée de 9 membres qu'on appelle des « Justice », avec à leur
tête un « Chief Justice », c’est-à-dire un président de la Cour suprême.

C'est d'ailleurs devant le Président de la Cour suprême, que le Président des États-Unis et
nouvellement intronisé, prête serment sur la Bible.

C'est la même chose dans d'autres régimes de type présidentiel, on va trouver un Tribunal fédéral
suprême, qui est composé quant à lui de ministres.

Mais le mot de « ministre », qui est un mot d'origine latine, signifie des « serviteurs ».

Donc, les membres du Tribunal suprême fédéral brésilien sont des ministres, mais ce Tribunal est un
peu l'équivalent de la Cour suprême des États-Unis.

Il y a un adage s'agissant de la Cour suprême des États-Unis qui assure que :

« Ils ne démissionnent jamais et ils meurent rarement. »

Sous-entendus, les membres de la Cour suprême sont bien nommés à vie.

Il y en a très peu qui acceptent de démissionner, le dernier en date c'est en juillet 2018, le juge
Anthony Kennedy et sa démission a d'ailleurs provoqué un véritable séisme politique, parce que sa
position politique (sans rapport avec la famille des Kennedy), était celle d'un équilibre au sein de la
Cour suprême.

C’est-à-dire, qu'il pouvait arbitrer des éventuels conflits entre les partisans d'une sorte et les
partisans d'une autre, au sein de la Cour suprême.

Son remplacement a donné lieu à un débat très fort entre le Président et le Sénat américain, puisqu’il
a voulu nommer quelqu'un qui lui était proche, qui défendait ses idées, à la fois sur le plan sociétal et
sur le plan économique, donc cette désignation, sa confirmation par le Sénat, a été assez difficile.

Il s'agissait de Mr Kavanough, qui a été désigné et confirmé en octobre 2018.

Il y a un juge qui a battu des records, un membre de la Cour suprême, qui s'appelait le juge Douglas,
qui est resté en fonction 36 ans.

On voit bien, ils ne démissionnent jamais, en tout cas rarement, et ils meurent rarement, mais ça
arrive malgré tout.

Donc, nomination par le Président, mais confirmation par le Sénat.

On retrouvera cette question dans quelques minutes.

Cette indépendance du pouvoir judiciaire est extrêmement grande aux États-Unis.

Elle repose aussi sur quelque chose d'important, on a parlé à plusieurs reprises de culte de la
Constitution, mais on pourrait aussi parler plus largement du culte du droit, du rôle du droit aux
États-Unis.

Les Américains sont des juristes et les professions juridiques sont extrêmement importantes et très
nombreuses.

Aux États-Unis, le nombre d'avocat est considérable et chaque question donne lieu à du droit, donne
lieu parfois à des à des litiges.

Et, le culte du droit, c'est donc aussi le culte du juge.

Et lorsque le juge s'est prononcé, c'est aussi important que si c'était la loi ou la Constitution.

On retrouve cela avec le système de contrôle de constitutionnalité où chaque juridiction, fédérée ou


fédérale, peut écarter l'application de la loi si elle est contraire, notamment à la Constitution.

On rappellera l'importance de l'arrêt « Marbury vs Madison », rendu le 24 février 1803, qui est un
peu le point de départ du contrôle de constitutionnalité, non seulement aux États-Unis, mais d'une
certaine manière dans le monde, puisque là aussi, sur ce point, il y a une sorte de modèle, de type
américain du contrôle de constitutionnalité.

On le voit, les questions sont assez liées.

Et, pour bien comprendre le droit constitutionnel, il faut s'habituer petit à petit, en commençant ces
enregistrements, à faire des rapprochements entre les différentes questions, qui ne sont évidemment
pas complètement séparées les unes des autres.

7. LES MOYENS D’ACTION DU CONGRES SUR LE PRESIDENT


Ce régime présidentiel est donc un régime de séparation des pouvoirs.

Mais cette séparation des pouvoirs, alors que parfois on la présente comme telle, n'est pas absolue
dans le système de type américain, ce que l'on peut d'ailleurs vérifier dans d'autres pays qui
pratiquent un régime s'inspirant du modèle présidentiel.

En effet, si l'on veut éviter tout affrontement, tout blocage, du pouvoir politique, donc au-delà de la
société tout entière, il faut permettre des liens entre les pouvoirs.

On parlait de compromis précédemment, c'est de ça dont il s'agit dans cette question des moyens
d'action.

Car en effet, on présente souvent le régime présidentiel comme étant un régime dans lequel il n'y a
pas de moyens d'action, mais ça serait sans doute une erreur.

Donc, la séparation des pouvoirs ne repose pas, on l'a dit et redit, sur des cloisons totalement
étanches, c'est plutôt là aussi l'autonomie des pouvoirs qui est ainsi recherché, au nom de la règle de
Montesquieu :

« Le pouvoir arrête le pouvoir. »

Les Américains appellent ça d'ailleurs des « Checks and balances », qu'on traduit en français parfois
par « freins et contrepoids », parce que c'est assez parlant dans le langage français, mais en réalité
cela la désigne : « contrôle et équilibre ».

« Checks » ; comme dans checklist si l’on veut.

C’est-à-dire, que chacun contrôle l'autre pour aboutir à un équilibre, qui est l'objectif recherché, pour
limiter le pouvoir.

On retrouve, encore une fois, Montesquieu.

Il y a donc des formes de collaboration, l'un avec l'autre, même s'il n'y a pas de moyen direct d'un
pouvoir sur un autre.

On a dit pas de droit de dissolution du Président sur les Assemblées, pas de renversement d'un
quelconque gouvernement, d'ailleurs, il n'y a pas de gouvernement et donc il n'y a pas de
renversement non plus du Président.

Malgré tout, il y a la procédure d'impeachment, mais qui n'est pas réservée au seul Président, elle
existe, elle peut être utilisé pour le vice-président, pour les ministres et les secrétaires, au niveau
fédéral et pour un certain nombre de hauts fonctionnaires au niveau fédéral.

Et, il y a aussi d'ailleurs des procédures d'impeachment dans les États fédérés.

Mais concentrons-nous sur le niveau fédéral, la procédure d'impeachment, c'est donc une procédure
pénale qui vise à accuser et qui vise éventuellement à sanctionner, c’est-à-dire à condamner, le
Président en principe à quitter ses fonctions, en cas de trahison, de concussion ou d'autres crimes et
délits.

Et la formule est très large, elle peut recouvrir évidemment beaucoup d'infractions.

C'est la raison pour laquelle l'impeachment peut être tentant pour s'opposer à un Président des
États-Unis et pour le Congrès.
Pourquoi ?

Parce que la procédure d'impeachment passe par les 2 Assemblées.

D'abord la Chambre des représentants qui accus,

Et le Sénat qui juge.

Donc on voit bien ici, cette recherche d'équilibre.

C'est dans l'art 2, section 4, de la Constitution Américaine, qui règle cette question de
l'impeachment.

Mais la procédure est tellement lourde qu'elle n'a finalement très peu aboutie.

Elle a abouti au 19esiècle, sous Nixon, à cause de l'affaire du Watergate, en 1974.

Mais Richard Nixon, qui était menacé par une procédure d'impeachment, qui pouvait conduire à sa
destitution, à préférer démissionner avant que la honte ne l'atteigne complètement.

Et puis sous Bill Clinton, dans les années 1990, qui était accusé d'avoir menti au peuple américain
parce qu'il avait caché une aventure avec une stagiaire dans le Bureau ovale à Washington, a été
accusé, puis relaxé en quelque sorte par le Congrès, qui a reconnu qu'il n'était pas coupable.

Puis, on le sait, depuis l'élection de Donald Trump en 2016, ceux qui n'étaient pas satisfaits de
l'élection de Donald Trump, ont cherché à utiliser cette procédure d'impeachment pour aboutir à sa
destitution.

Mais encore fallait-il que les conditions soient remplies, qu'il y ait des majorités suffisantes à la
Chambre des représentants et au Sénat.

Tel n'était pas le cas, y compris depuis les Midterm de 2018.

De plus, une procédure d'impeachment met en cause la figure du Président des États-Unis.

Donc, c'est une arme qui est extrêmement lourde, qu'on ne peut manier qu'avec précaution.

Et pour l'instant, jusqu'en 2020, Monsieur Donald Trump peut dormir tranquille sur ce point, il ne
fera pas l'objet d'un impeachment, qui peut présenter autant de dangers, que davantage.

La séparation n'est pas absolue, il y a donc des moyens d'action et d'abord du Congrès sur l'exécutif,
c’est-à-dire sur le Président.

D'abord, parce que le Président ne peut pas obliger le Congrès à voter une loi, car il possède une sorte
de pouvoir législatif à l'envers, la fameuse faculté d'empêcher (impeachment).

De même, le Congrès détient les moyens budgétaires, car il peut voter le budget ou ne pas le voter.

On sait par exemple, qu’en ne votant pas le Congrès peut paralyser la politique du Président.

Ce fut le cas notamment lors de la guerre du Vietnam, lorsque les présidents successifs ont dû
négocier avec le Congrès pour avoir les crédits nécessaires pour mener cette guerre, qui coûtaient
très cher.

Au bout d'un certain temps, le Congrès a fini par couper les crédits et le Président Nixon a été obligé
de mettre fin à la guerre du Vietnam, faute des moyens suffisants.
Il y a eu d'autres épisodes, en 1995, le Président Clinton s'est trouvé en opposition avec le Congrès.

Le même phénomène s'est reproduit sous Obama en octobre 2013.

Puis en janvier 2018, Donald Trump s'est retrouvé face à cette situation, ainsi que dans l'hiver 2018,
2019.

Or, le refus de voter certains crédits, de la part du Congrès, entraîne un phénomène très américain,
enfin qui n'a pas vraiment son équivalent ailleurs, que les Américains appellent le « Shutdown », c’est-
à-dire la « fermeture », la mise à l'arrêt si l'on préfère, des services fédéraux.

Et l'on sait que le shutdown entraîne, par exemple, la fermeture de tous les musées fédéraux qui sont
gérés par les l'État fédéral.

Donc plus d'argent, plus de musée, et, les fonctionnaires, les agents, sont condamnés à rester chez
eux sans être payés.

Ce système montre bien la recherche de l'équilibre.

Et, dans le cas de l'hiver 2018, 2019, le Congrès nouvellement réélu par les Midterms de novembre
2018, c'est heurté de front, notamment la Chambre des représentants, à Donald Trump, à propos
d'une demande de celui-ci, pour lui donner des crédits suffisants pour bâtir le mur de séparation
entre le Mexique et les États-Unis.

Promesses qu'il avait faites devant les électeurs.

La Chambre des représentants lui refusant de voter ces crédits, l'exécution du budget s'est arrêté
au moins pendant un certain temps, et le shutdown de cette période a été le plus long de l'histoire,
parce qu'il a duré plus d'1 an.

Donc, le Congrès dispose d'un pouvoir législatif important, positivement, négativement, mais il dispose
aussi d'un pouvoir de contrôle sur le Président, sur l'administration fédérale, notamment par des
commissions d'enquête que les Américains appellent des « Hearings », c’est-à-dire la possibilité
« d'entendre » ces travaux des commissions d'enquête, qui sont publiques et désormais retransmises
par tous les moyens de communication qui peuvent exister.

Et ces commissions d'enquête sont parfois extrêmement efficaces et mettent à mal ceux qui sont
auditionnés, parce qu'ils sont poussés dans leurs retranchements par un Sénat notamment, qui est
extrêmement combatif à l'égard des membres de l'administration fédérale.

Et puis, le Sénat dispose d'autres armes, il dispose d'un pouvoir d'approbation de certains actes du
Président, notamment un pouvoir de ratification des traités que le Président négocie, mais qui ne
peuvent entrer en vigueur que si le Sénat autorise la ratification par le Président.

Et il est arrivé à quelques reprises que le Sénat refuse la ratification de certains traités.

L'exemple le plus célèbre, le plus lourd de conséquences dans l'histoire, c'est le refus du Sénat
américain de ratifier le traité de Versailles en 1919.

Traité signé voulu par le président Wilson, mais qui a entraîné par la non-ratification, le fait que les
États-Unis n'aient pas fait partie de la société des Nations, qui est l'ancêtre, on le sait, des Nations-
Unies.
De même, en 1999, le Sénat a refusé au président Clinton la ratification du traité sur l'interdiction
totale des essais nucléaires.

Ratification des traités, mais aussi acceptation de certaines nominations.

On a vu que le président des États-Unis disposait d'un vaste pouvoir de nomination, notamment de ce
qu'on pourrait appeler les fonctionnaires fédéraux, mais aussi des ministres, des membres de la Cour
suprême.

Et donc, toutes ces personnes doivent être acceptées par le Sénat, toutes ces personnes peuvent
être entendus par le Sénat, pour que celui-ci se fasse une opinion sur eux, pour savoir s'ils sont dignes
d'exercer les fonctions.

C'est le cas par exemple, du directeur de la CIA, des ambassadeurs, des membres de la Cour
suprême.

Au total, ce sont plusieurs dizaines de milliers de personnes qui peuvent être concernées par cette
procédure.

C'est ainsi, par exemple, que le Sénat avait refusé à Mr Clinton la nomination de 2 femmes comme
« Attorney General », c’est-à-dire « Procureur Général », l'équivalent du ministre de la Justice, car
elles avaient employé des personnes de nationalité mexicaine qui n'avaient pas été déclarées.

Donc le Sénat estimait que ces 2 personnes que Bill Clinton voulait nommer comme Attornay general,
n'étaient pas digne de la confiance du Sénat.

Et donc, il y a un contrôle ici très fort, et on voit que la séparation des pouvoirs n'est pas aussi
absolue qu'on pourrait le penser.

8. LES MOYENS D’ACTION DU PRESIDENT SUR LE CONGRES

Il y a aussi des moyens d'action dans l'autre sens, il y a des moyens d'action de l'exécutif sur le
législatif, qui illustre toujours la nuance que l'on faisait, que l'on indiquait, à propos de la séparation
des pouvoirs.

On l'a évoqué, le Président ne dispose pas d'un pouvoir d'initiative des lois en principe, la loi c'est
l'œuvre du Congrès depuis le début jusqu'à son vote.

Mais en réalité, le Président peut émettre des suggestions, il peut souhaiter le vote de telle ou telle
réforme, d'un plan de réforme de la santé, ou au contraire la suppression d'un plan vis-à-vis de la
santé pour tous, pour prendre des exemples récents.

Et comment communique-t-il ses intentions ?

Par différents canaux informels qui peuvent exister, mais aussi de manière plus formelle par un
message annuel que le Président adresse à la Nation, mais par l'intermédiaire du Congrès qui est ainsi
réuni, les 2 Assemblées se réunissent dans une seule et même Chambre devant laquelle le Président
prononce, ce qui s'appelle le discours sur l'état de l'Union.
Cela se produit généralement fin janvier, début février, de chaque année, discours sur l'état de
l'Union qui est prévu à l'art 2, section 3 de la Constitution américaine.

Dans ce discours annuel le Président énonce un programme législatif qu'il souhaiterait voir adopté par
le Congrès.

Donc c'est une forme de droit d'initiative indirect.

De même, se pratique ce qu'on appelle la législation ou le parlementarisme de couloir, ceci consistant à


penser que le Président peut suggérer des projets de loi qui peuvent être ensuite discutés et adoptés
par le Congrès.

Comment ?

Par des parlementaires amis, c’est-à-dire de ceux qui peuvent être proches du Président des États-
Unis, par exemple dans le cas de Donald Trump, par des parlementaires républicains.

Donc, c'est bien le Congrès qui vote, mais parfois sur l'initiative du Président et s'agissant du budget,
certes, c’est le Congrès qui vote le budget, mais c'est l'exécutif qui le prépare.

C'est vrai dans tous les pays, en matière budgétaire, seul l'exécutif peut être à l'origine du texte,
préparer le texte parce que c'est un texte très technique, qui nécessite de très nombreuses
informations, que seul l'exécutif est en passe d'obtenir.

Mais le moyen le plus connu, le plus visible, de l'opposition de l'exécutif vis-à-vis du législatif, c'est le
fameux « véto » présidentiel sur les lois votées.

Alors on sait que « véto » vient d'un verbe latin qui signifie ; « j'interdis ».

Et ici, ça veut dire quoi ?

Ça veut dire que le Président peut refuser d'apposer sa signature sur une loi avec laquelle il est en
désaccord et de ce fait la loi ne peut pas être exécutée.

Donc on voit ici, toutes les limites de la séparation des pouvoirs.

Ici, la rigidité de cette séparation est quand même très largement battue en brèche.

Ce véto peut avoir des modalités tout à fait différentes et le Président peut ainsi refuser sa
signature à une loi, qui ne peut pas être exécutée, mais le terme de « véto » est assez mal choisi,
d'une certaine manière, parce que le Président ne peut pas s'opposer de manière définitive à une loi.

Pourquoi ?

Parce que son opposition peut être surmontée par le Congrès, qui peut revoter le texte a une majorité
renforcée, pour bien montrer qu’il souhaite adopter ce texte malgré le véto.

Par le véto d'ailleurs, le Président participe au pouvoir législatif et on retrouve bien l'idée qu'une
fonction peut être partagée entre plusieurs organes.
Puis, il y a une autre forme de véto qui s'appelle ; le « Pocket véto ».

Et, comme son nom l'indique, ça veut dire « véto de poche », c’est-à-dire que le Président peut, à la fin
d'une session parlementaire, donc chaque année, mettre la loi dans sa poche, comme s'il avait un peu
oublié de signer ce texte.

Dans ce cas-là, le véto de poche ne peut pas être surmonté et il faudra que le Congrès recommence
complètement la procédure d'adoption de ce texte, qui est dans la poche du Président des États-
Unis.

Voilà donc des mécanismes tout à fait efficaces, même si le Congrès peut, pour le véto qui n'est pas
de poche, surmonter l'opposition du Président.

On se rappelle pour l'histoire que Louis XVI avait comme surnom « Mr véto », puisqu'il y avait un
phénomène qui ressemblait beaucoup à ce qui existe aux États-Unis, un phénomène de sanction de la
loi, d'acceptation de la loi, mais lorsque le Roi était en désaccord avec cette loi, il pouvait donc
opposer son véto, qui n'était alors que suspensif, c'est-à-dire simplement valable pendant quelques
temps.

Les Présidents américains, pour revenir à eux, ont usé de ce droit de véto, parfois abusé pourrait-on
dire, mais de manière très différente.

Roosevelt, par exemple, a opposé 631 fois son véto, dont 260 vétos de poche, il n'y a eu que 9 vétos
qui ont pu être surmonté par le Congrès.

Mais on sait que Roosevelt s'est opposé frontalement au Congrès, entre autres pour des raisons
politiques, à cause de sa politique de « New Deal ».

Et puis Cleveland, qui est un Président du 19esiècle, qui a été élu 2 fois, en 1885, puis réélu ensuite en
1893, avec aucune interruption entre les 2, il l’avait utilisé 684 fois, en 8 ans, d'ailleurs son surnom
était « Mr veto ».

On voit bien alors, que la séparation des pouvoirs n'a rien de rien d'absolu et en même temps, il faut
bien que les pouvoirs collaborent entre eux, pour que la démocratie fonctionne aux États-Unis.

Il faut que chacun des pouvoirs, des organes ici, soit persuadés que le programme pour lequel ils ont
été élus ne pourra pas être appliqués complètement, parce qu'il aura toujours en face un pouvoir qui
pourra s'y opposer.

Que ce soit le pouvoir législatif face au Président ou que ce soit le pouvoir judiciaire, on a bien vu
aussi, avec la politique migratoire voulue par le Président Trump, que les juridictions ont cherché à
paralyser les décisions du Président en considérant qu'elle portait atteinte par exemple, à un certain
nombre de droits fondamentaux à la Constitution.

On a évoqué la question du mur avec le Mexique, voilà à un élément du programme du Président Trump,
dont il n'est pas certain qu'il pourra le réaliser à cause de l'opposition du Congrès.

Mais c'est vrai, ces pouvoirs sont malgré tout autonomes l'un par rapport à l'autre, puisqu'ils ne
dépendent pas l'un de l'autre, c'est sans doute aussi ce qui caractérise le régime présidentiel à
l'américaine, pour toute une série de raisons qui tiennent à l’histoire et au fédéralisme, comme on l'a
dit, et qui tiennent aussi aux partis politiques américains.

Mais, il n'y a pas toujours une discipline de vote au sein des Assemblées américaines, c’est-à-dire que
les groupes parlementaires, si on peut dire, les républicains d'un côté et les démocrates de l'autre, ne
sont pas totalement homogènes et ne votent pas forcément tous comme un seul homme, comme cela
peut se rencontrer dans les parlements européens.

Donc certes, il y a bipartisme, mais à l'intérieur des partis politiques, il peut y avoir des nuances qui
sont parfois extrêmement importantes.

Pour autant, la démocratie américaine fonctionne depuis plus de 200 ans sur ce schéma, certains
d'ailleurs, considèrent qu’il faudrait revoir les fondements de cette démocratie, revoir le texte de la
Constitution, mais ce texte étant assimilé à un texte quasiment sacré, peut-on dire, alors la révision
du système politique américain risque d'être un petit peu longue et difficile.

VI. LES REGIMES PARLEMENTAIRE

1. DEFINITION DU REGIME PARLEMENTAIRE

Il nous faut voir maintenant, la 2nde application des régimes qui pratiquent la séparation des pouvoirs,
sous réserve d'autres formes d'application, mais par rapport au régime présidentiel qui a fait l'objet
du précédent enregistrement.

C'est cette 2nde application de la séparation des pouvoirs est souvent désignée sous le nom de
« régime parlementaire ».

Comme l'indique de cet enregistrement, il y a presque autant de régimes parlementaires qu'il y a de


pays car ce régime se retrouve dans un certain nombre de pays d'Europe, d’Afrique, d’Asie, mais aussi
sur le continent américain avec le cas du Canada.

Pour autant, le régime parlementaire est un peu comme le régime présidentiel et les États-Unis, très
marqué par la question anglaise, l'exemple britannique.

C'est en effet dans ce pays qu’est né le régime parlementaire, à la suite d'ailleurs d'une très longue
évolution, et les autres pays qui pratiquent le régime parlementaire ont souvent cherché, on le verra, à
copier une sorte de modèle, qui évolue sans cesse.

Ce régime de séparation des pouvoirs est parfois présenté comme un régime de séparation souple des
pouvoirs.

A tel point d'ailleurs, que l'on parle de « collaboration » des pouvoirs et l'on verra dans certains
exemples, on peut déjà citer le cas du Royaume-Uni, qui est un régime dans lequel les pouvoirs sont
parfois confondus tellement ils peuvent collaborer entre eux.

Ce régime de collaboration des pouvoirs nécessite, on va le voir, un bicéphalisme de l'exécutif.


C’est-à-dire, un chef de l'État et un gouvernement, avec à sa tête un chef, qui prend le nom par
exemple au Royaume-Uni de 1erministre, mais à côté il y a un Parlement, dont on dira qu'il peut être
bicaméral, mais qu'il n'est pas nécessairement.

Pour autant, le régime parlementaire ne se caractérise pas par une toute puissance du Parlement, pas
plus, comme on l'a vu, que le régime présidentiel se caractérise par la toute-puissance du Président.

Il faut donc faire attention, encore une fois, à ce qu'on peut appeler les faux amis lorsqu'on apprend
une langue étrangère.

Pourquoi parle-t-on de régime parlementaire ?

Parce que dans l'histoire du Royaume-Uni, précisément ce pays a vu l'émergence d'un Parlement, de
manière très ancienne, on peut faire remonter cette origine à 1215, avec la « Magna Carta ».

Donc, ce régime marque l'existence d'un Parlement.

Mais pour autant, ça ne veut pas dire que le Parlement peut tout faire, on l'a vu dans un
enregistrement précédent consacré à la théorie de la séparation du pouvoir, que dans l'histoire du
Royaume-Uni, ce Parlement a dû lutter pour conquérir sa place à côté du Roi, à l'égal du Roi pendant
une longue période, et désormais, surpassant en quelque sorte le Roi, du point de vue de la réalité des
pouvoirs, mais ne surpassant pas nécessairement le gouvernement qui fait partie, en théorie du moins,
du pouvoir exécutif.

Ce système de collaboration des pouvoirs passe donc par des mécanismes, qui permettent précisément
à ses pouvoirs de collaborer, qui peuvent être parfois des solutions de conflit, c’est-à-dire qui ne sont
pas nécessairement pacifiques.

Le 1erexemple que l'on peut prendre est celui de la procédure d'engagement de responsabilité d'une
partie de l'exécutif devant le Parlement, qui s'explique parce que le chef de l'État étant
irresponsable, comme on va le voir dans un régime parlementaire, il faut trouver en quelque sorte un
responsable qui est le gouvernement, avec à sa tête un chef de gouvernement.

Donc, ce gouvernement peut être responsable.

Que veut dire responsable ?

Ça veut dire la possibilité d'être renversé par le Parlement, c’est-à-dire de voir sa fonction
interrompue par un vote qui va sanctionner la politique du gouvernement telle qu'elle est appréciée par
le Parlement.

Et lorsque l'on dit le Parlement, toujours de manière un petit peu abstraite et théorique, ça peut
vouloir dire une Assemblée, lorsqu'il n'y en a qu'une seule bien sûr, ça peut vouloir dire une seule des
2 Assemblées lorsqu'il y a bicaméralisme, dans ce cas-là ça voudra dire qu'une Assemblée prend le pas
sur l'autre s'agissant de la responsabilité du gouvernement, ce pourrait être dans certains cas, qui
sont relativement rares, mais c'est par exemple le cas de l'Italie avec les 2 Assemblées qui peuvent
engager la responsabilité du gouvernement.

On voit déjà une palette de situations différentes d'un pays à l'autre, et parfois aussi, d'une période
à l'autre, car les régimes parlementaires, on va le voir, ont connu des évolutions dans le temps et pas
simplement au Royaume-Uni.
Mais en face de l'engagement de responsabilité, il y a la dissolution possible par le pouvoir exécutif, là
encore, les cas de figure sont très variés et historiquement, c'était par le chef de l'État, le Roi, qui
décidait de mettre fin au mandat du Parlement.

Et lorsque l'on parle de dissolution, ce peut être aussi, dans d'autres pays et à d'autres périodes, le
chef du gouvernement qui peut décider la dissolution.

Mais lorsqu'on parle de dissolution, ça peut être une Assemblée, lorsqu'il y en a qu'une, lorsqu'il y a 2
Assemblées, c'est ce qu'on va appeler la « Chambre basse », qui va être dissoute.

« Basse », parce que c'est l'Assemblée qui, au 21esiècle, est élu au suffrage universel direct et qui est
donc l'héritière de la Chambre du peuple, de la Chambre commune, de la Chambre des personnes
communes, puisque c'est le sens du mot Chambre des communes au Royaume-Uni.

Donc lorsqu'il y a bicaméralisme, le droit de dissolution ne s'applique pas nécessairement aux 2


Assemblées.

Ce régime parlementaire est né au Royaume-Uni, dans un pays dans lequel il n'y avait pas de
Constitution écrite.

On l'a déjà évoqué, ça ne veut pas dire qu'il n'y avait pas de règles écrites.

On a déjà rappelé l'existence de la Magna Carta, mais il y en a eu d'autres par la suite.

Mais malgré tout, ce pays n'a jamais eu de Constitution très rigide et il y a, dans le système
constitutionnel britannique, une addition de règles écrites, mais aussi d'un certain nombre de
coutumes, de règles, qui sont nées de la pratique.

De ce fait, le régime parlementaire a pu se créer, petit à petit, sans être prisonnier d'un certain
nombre de règles contraignantes, parce qu’elles étaient écrites.

Donc, l'écoulement du temps, la Constitution en partie coutumière, explique aussi la naissance du


régime parlementaire au Royaume-Uni.

Il faut ajouter une donnée, qui est tout à fait importante dans le système britannique, qui est en fait
culturel, c'est ce qu'on appelle parfois le pragmatisme britannique, c’est-à-dire le fait qu’il faille que
les règles constitutionnelles puissent s'adapter à la réalité plutôt que l'inverse.

Cela permet aussi, de comprendre la subtilité des règles du régime parlementaire britannique, presque
aussi complexe que les règles du cricket.

2. LES FORMES DU REGIME PARLEMENTAIRE : DU DUALISME AU MONISME

On l'a dit, ce régime parlementaire a beaucoup évolué et une évolution qu'il faut retracer d'emblée,
c'est celle qui a vu le régime parlementaire passer du dualisme au monisme.

Là encore une fois, il faut faire attention au sens des mots quitte à troubler, peut-être l'auditeur, le
dualisme ne veut pas dire 2 Assemblées.

On rappelle que le bicaméralisme signifie l'existence de 2 Assemblées.


Donc là, ce n'est pas ça du tout dont il est question.

Le régime parlementaire dualiste est déjà le plus ancien dans l'histoire, notamment au Royaume-Uni,
mais aussi dans le cas de la France avec un certain temps de retard car le régime parlementaire
français est né au moins 50 ans après le régime parlementaire britannique.

Le dualisme, ça signifie en fait un régime dans lequel il y a 2 forces politiques, plus ou moins
équivalentes, ou en tout cas qui ont les 2 une légitimité concurrente, mais qui peuvent bien sûr ne pas
être d'accord sur le plan politique.

Quelles sont ces légitimités ?

Celle du Roi et celle d'un Parlement ?

Le Roi tire sa légitimité de l'histoire et de l'hérédité pour l'essentiel.

Le Parlement, quant à lui, tire sa légitimité principalement de l'élection, que celle-ci se fasse à un
suffrage censitaire, ce qui a été le cas longtemps au Royaume-Uni ou en France, ou que cette élection
se fasse au suffrage universel direct, au moins pour l'une des 2 Chambres.

Le dualisme signifie alors que le gouvernement, c'est-à-dire l'ensemble des ministres, qui est une
donnée tout à fait essentielle dans un régime parlementaire, est responsable devant ces 2 forces
politiques, le Roi historiquement et le Parlement.

Et, le gouvernement est en quelque sorte, non pas seulement, responsable mais il peut être tiraillé
entre ces 2 forces politiques car il doit avoir la confiance de ces 2 forces politiques.

Et, c'est lorsque l'une d'entre elle manque, qu'il pourra y avoir alors des mécanismes comme ceux
qu'on a déjà mentionnés, qu'on va retrouver, comme par exemple, la dissolution de la Chambre basse.

Par opposition, le régime parlementaire moniste est un régime dans lequel le gouvernement n'est
responsable que devant l'une de ses forces politiques.

Et l'évolution historique a fait que cette force politique, devant laquelle le gouvernement est
responsable, est le Parlement ou parfois l'une des Chambres du Parlement.

Dans les 2 régimes parlementaires les plus anciens, c’est-à-dire le Royaume-Uni et la France, ils ont
connu une évolution du dualisme vers le monisme.

Au Royaume-Uni, le régime parlementaire dualiste est apparu en 1782, avec la démission du


gouvernement de l'ordre « North », et il s'est donc achevé avec l'avènement sur le trône de la Reine
Victoria en 1837.

Donc on le voit, une petite cinquantaine d'années, sépare le dualisme du monisme, ou en tout cas, voit
l'évolution de l'un vers l'autre.

En France, le régime parlementaire dualiste est souvent qualifié de régime « orléaniste ».

Pourquoi ?
Parce qu'il s'est développé sous un Roi qui s'appelait Louis Philippe 1er, qui était issu de la branche des
d'Orléans, c’est-à-dire la branche cadette des Bourbons.

Louis Philippe 1er a régné entre 1830 et 1848, et ce régime parlementaire dualiste a connu aussi un
début de fonctionnement dans les premières années de la 3e République, c’est-à-dire à partir des
années 1870, mais ça ne va pas durer très longtemps, car le dualisme va assez vite céder la place au
monisme, avec ce que l'on va appeler la Constitution « Grévy ».

On verra dans un enregistrement consacré à l'histoire constitutionnelle française, ce à quoi


correspond cette Constitution Grévy, qui signifie principalement, non seulement le passage du
dualisme au monisme, mais ça correspond également à l'affaiblissement du pouvoir exécutif.

Ce n'était pas un Roi puisque nous étions sous la 3e République, mais un Président de la République ou
un chef d’Etat.

On voit donc que ce dualisme, ce monisme, peuvent exister dans des régimes qui peuvent être des
régimes républicains.

Pour autant, l'histoire du régime parlementaire est également très marquée par la présence de
monarques, c’est-à-dire d'un chef de l'État qui n'est pas responsable, et qui ne peut pas l'être.

Pourquoi ?

Parce que ce chef de l'État bénéficie d'une sorte de sacralisation de sa personne, et donc il ne veut
pas être renversé, ne serait-ce que parce qu’il existe l'hérédité du pouvoir, la transmission
héréditaire, familiale en principe, du pouvoir.

Donc ce régime parlementaire s'explique aussi par la présence des rois sur le trône, ce sont des
pouvoirs politiques qui sont dotés d'une légitimité, mais des pouvoirs politiques qui ne sont pas
simplement honorifiques.

On peut citer, pour prendre le cas de la France, une phrase assez célèbre d'un ministre important de
la période de Louis-Philippe qui s'appelait Guizot, qui expliquait que :

« Le trône n'est pas un fauteuil vide », disait-il.

Sous-entendu, le Roi, qui était le Roi des Français et non plus le Roi de France à cette époque-là, et il
exerçait un véritable pouvoir politique, donc les ministres devaient en quelque sorte se sentir
responsable devant ce Roi, au même titre qu'ils se sentaient et étaient responsable devant la majorité
de la Chambre des députés à l'époque.

Cette situation, se comprend dans des régimes, dans des pays, dans lesquels le pouvoir exécutif
dispose d'une grande autorité.

Dans un régime dualiste, le chef de l'État demeure un acteur politique et le gouvernement sert de
liaison entre le chef de l'État et le Parlement.

Ce gouvernement, ce sont des ministres qui vont former un organe collégial et qui vont avoir à leur
tête un chef de gouvernement.
Ce régime parlementaire dualiste correspond aussi à une phase de compromis politique entre un chef
de l'État et un Parlement, dont la puissance est historiquement grandissante, c’est-à-dire qu’au bout
d'une certaine durée le Parlement va finir, c'est le cas du Royaume-Uni, ça a été le cas aussi de la
France, par prendre le pas sur le monarque.

Ce régime parlementaire dualiste, on le conçoit, est très souvent un stade passager dans l'histoire
des régimes politiques et notamment des régimes parlementaires.

Ce qui signifie que l'on passe de l'un à l'autre, du dualisme au monisme, et qu'il n'y a pas de cas de
passage dans l'autre sens.

Si le compromis, nécessaire à l'équilibre entre le Roi et le Parlement, cède, le gouvernement tombe,


c’est-à-dire qu'il doit remettre sa démission.

Dans ce cas-là, la dissolution n'est pas forcément une solution, car les électeurs peuvent renvoyer la
même Assemblée, et donc le chef de l'État, le Roi dans la plupart des cas, se trouve en quelque sorte
pris dans une impasse, il n'a pas beaucoup de solution politique que de recourir à la force, c’est-à-dire
de transformer son pouvoir en un pouvoir autoritaire.

Ce fut la tentation de Charles X, en 1830, qui précède Louis Philippe 1er dont on a parlé tout à l'heure,
et il a voulu imposer une politique par le biais d'ordonnances, c'est-à-dire de textes qu'il avait édicté
lui-même.

Mais on le sait, les ordonnances en 1830 ont provoqué une Révolution, journée de juillet 1830, et l'exil
de Charles X.

C’est la 1resolution.

La 2nde solution, c'est lorsque le chef de l'État est amené alors à céder devant le Parlement.

Ce fut le cas de Mac Mahon, qui était Président de la République, au moins nominalement en 1879,
parce que les électeurs français avaient envoyé à la Chambre des députés une majorité qui était
hostile aux vues politiques de celui-ci.

Donc, il a été obligé d'abandonner en quelque sorte son pouvoir, a laissé la place à Jules Grévy, qui est
l'auteur de ce qu'on appelle la Constitution Grévy.

En réalité, il s'agit d'une décision par laquelle ce nouveau Président de la République, qu’était Jules
Grévy, a décidé de ne de ne pas recourir au droit de dissolution, d'abandonner en quelque sorte ce
droit.

Ce monisme peut d'ailleurs succéder au dualisme, puisque c'est bien ce qui s'est passé en 1879 en
France, sans même que le texte constitutionnel soit modifié.

Et en réalité, c'est une autre lecture du texte constitutionnel qui s'applique et qu'on appelle
précisément la Constitution Grévy, qui est une nouvelle lecture, une nouvelle pratique, du texte des
lois constitutionnelles de 1875, qui fondaient la 3e République.

Beaucoup plus près de nous, dans l'histoire, chronologiquement parlant, en France sous la 5e
République, lorsque les majorités présidentielles et parlementaires sont identiques, c'est-à-dire
correspondent, le régime de la 5e République est un système qui peut se rapprocher du régime
parlementaire dualiste.

Le gouvernement, on le voit presque tous les jours, doit avoir la confiance, à la fois du Président de la
République élu au suffrage universel direct, ce qui lui donne bien sûr une grande légitimité, mais aussi
la confiance de la majorité de l'Assemblée nationale.

On a employé le mot tout à l'heure de « tiraillement », on le voit bien, le gouvernement sous la 5e


République en France, est parfois tiraillé entre le chef de l'État et la majorité parlementaire.

Bien sûr, cette situation n'existe pas toujours sous la France de la 5e République, en période dite de
« cohabitation », c’est-à-dire lorsqu'il y a existence de 2 majorités différentes, celle qui a élu le
Président de la République et celle qui a élu la majorité du Parlement.

Le passage du dualisme au monisme, caractérise donc une forme d'affaiblissement du chef de l'État.

On a cité tout à l'heure Guizot, on peut citer une autre maxime qui explique ce qu'est le régime
parlementaire moniste, cette fois-ci britannique qui dit :

« Le Roi ne peut mal faire puisqu'il ne peut rien faire. »

Dans ce cas-là, pour reprendre la comparaison avec le texte Guizot, le trône devient vide.

Au mieux, il peut incarner une magistrature morale, une magistrature d'influence, il peut incarner
aussi la représentation de l'État, incarner l'État, s'il s'agit notamment d'une monarchie, comme au
Royaume-Uni ou comme en Espagne.

On voit bien d'ailleurs, pour prendre ces 2 exemples, tout ce que représente à l'heure actuelle encore
le Roi du Royaume-Uni, qui est en quelque sorte le symbole même de la Nation.

Même si ce cette Nation est parfois éclatée entre l'Écosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord.

Mais ce qui sert en quelque sorte de ciment à cet ensemble, c'est le Roi.

Même chose en Espagne lorsque la monarchie a été restaurée à partir de 1975, à la suite du régime de
dictature de Franco, il incarne encore la continuité de l'État et l'unité de la Nation, même si parfois
celle-ci et est menacée.

On l'a vu, il y a déjà quelques décennies, lorsqu'il y a eu une tentative de putsch militaire, c'est le Roi
Juan Carlos qui était intervenu à la télévision pour, en quelque sorte, mettre fin à la sédition des
militaires.

C'est donc lui qui a incarné l'État et heureusement sans doute pour lui, les militaires sont en effet
rentrés dans les casernes.

Beaucoup plus près de nous, dans la crise catalane, qui n'est d'ailleurs pas réglée au moment de cet
enregistrement, le Roi, qui est le fils de Juan Carlos, est intervenu, là aussi de manière publique, pour
incarner l'unité du Royaume d'Espagne face à la menace, qu'il a présenté comme tel, de
l'indépendance de la Catalogne.
Donc on le voit, le régime parlementaire moniste est certes marqué par un affaiblissement du pouvoir
exécutif, incarné par un Roi ou un Président de la République, mais il n'a pas perdu tout pouvoir, il peut
représenter au moins l'État ou la Nation.

Dans certains cas d'ailleurs, le monisme peut conduire au fait que l'Assemblée devient toute puissante
dans le régime politique, au risque peut-être de se transformer en un régime d'Assemblée, qui a été
présenté dans l'enregistrement précédent, ce qui pouvait caractériser la France de la 3e République
ou de la 4e République.

Et, les rédacteurs de la Constitution de 1958, notamment Michel Debré, ont voulu restaurer,
introduire, un véritable régime parlementaire, parce qu'ils estimaient que celui qui a existé en France
sous la 4e République n'était plus un régime parlementaire, mais un véritable régime d'Assemblée.

Le régime parlementaire moniste domine, dans le monde actuel, les États parlementaires, sauf
quelques-uns dans lesquels, effectivement, le chef de l'État dispose de pouvoir plus ou moins
important en dehors de la France.

On peut citer le cas de la Finlande ou du Portugal.

Et on le voit, le régime parlementaire dualiste correspond à un équilibre, mais qui peut être
provisoire.

3. LES ORIGINES HISTORIQUE DU REGIME PARLEMENTAIRE BRITANNIQUE

Il a souvent été que le Royaume-Uni était parfois présenté comme une sorte de modèle du régime
parlementaire, pour des raisons qui tiennent au fait que le régime y est né.

On dit souvent que l'Angleterre, pour se cantonner à elle, est la « mère » des parlements, mais elle
est aussi, pourrait-on dire, la mère du parlementarisme.

Les origines britanniques du régime parlementaire expliquent les caractéristiques de ce régime.

Celui-ci est né dans le contexte d'une lutte politique entre le Parlement et le pouvoir Royal, qui avait
trouvé une forme de point d'aboutissement, au moins provisoire, dans la glorieuse révolution de 1688.

Ce qui est donc intéressant pour marquer l'évolution du régime parlementaire, c'est ce qui s'est passé
après 1688.

En effet, cette période qui est inaugurée à la fin du 17e siècle, est marquée par un équilibre entre 2
pouvoirs :

Un pouvoir du Roi, qui a décliné par rapport aux tentatives de monarchie absolue au 17e siècle.

Et le Parlement.

Mais, cet équilibre va évoluer lui-même parce que la monarchie ne correspondait peut-être plus à
l'état de la société, ni au progrès de la démocratie.

Et le déclin du pouvoir royal illustre au Royaume-Uni le passage du dualisme au monisme, tel que nous
l'avons déjà décrit.
Ce régime parlementaire, en Grande-Bretagne, est marqué par l'existence d'un cabinet, c’est-à-dire
d'un gouvernement, qui devait bénéficier, historiquement parlant, dans la 1re phase du régime
parlementaire, de la double confiance du monarque et du Parlement.

Ces ministres, au départ, étaient de simples conseillers du Roi, nommés, révoqués par le Roi, puisqu'on
était dans un régime dans lequel le Roi avait des pouvoirs extrêmement importants.

Ils pouvaient donc être révoqués ; « Ad nutum », c'est une expression latine qui signifie « sur un signe
de tête ».

Ces ministres se réunissaient dans un cabinet de travail qui était en fait le cabinet du Roi, son bureau.

D'où le nom que l'on va donner à cet ensemble, à ces ministres formant un cabinet, et l'on dit parfois
d'ailleurs que le régime parlementaire est un régime de cabinet.

Ces ministres vont servir aussi, pour employer une formule un peu plus technique, de « fusibles », ou
de « paratonnerres », puisque lorsque les tensions politiques entre le Roi et le Parlement, entre autres
la Chambre des communes, sont devenues trop fortes ou lorsqu'elles devenaient trop fortes, ils
devaient protéger le Roi et démissionner, puisque le roi ne pouvait pas être mis en cause, du fait de
son caractère sacré, du fait que sa personne était inviolable et sacrée.

Le Fusible, le paratonnerre, c'est bien une forme de protection.

Il s'agissait d'éviter que l'on mette en cause le Roi et les ministres, eux, pouvaient être mis en cause
par une procédure de motion de défiance, ils pouvaient être renversé, c'est l'engagement de
responsabilité dont il a déjà été question.

Historiquement, les choses se comprennent assez bien.

Or en Grande-Bretagne, parce que la famille de Hanovre, qui est une famille, comme son nom l'indique
d'origine allemande, va monter sur le trône britannique à partir de Georges 1er, en 1714.

La famille de Hanovre d'ailleurs, c'est la famille qui règne encore au Royaume-Uni, au 21e siècle.

Ce premier Roi venu d'Allemagne, Georges 1er, était un peu médiocre, il ne parlait pas l'anglais, et on
peut dire à cause de lui, la monarchie anglaise va un peu péricliter, ou du moins décliner.

Comme il ne comprenait pas ce qui se passait autour de lui, ce Roi va se désintéresser, petit à petit, de
la vie publique au profit du Cabinet et de son chef.

Et le chef de Cabinet était celui auquel les rois, d'abord Georges 1er, puis ensuite Georges II son fils,
s'adressaient pour avoir une sorte de résumé, de succinct, traduit des délibérations du Cabinet et
des débats dans les Chambres du Parlement.

Il avait une sorte de traducteur qui lui expliquait les grandes lignes de la vie politique britannique.

George II, est donc le fils de Georges 1er, il a régné quand même très longtemps de 1727 à 1760 ,et
semble-t-il, ne s'était pas mis non plus à la longue anglaise, donc il a continué la tradition inaugurée
par son père.

Celui qui lui servait de traducteur, ce principal ministre, servait d'intermédiaire entre le Roi et le
Cabinet, donc il va avoir une influence considérable dans le système monarchique, ce qui lui vaudra le
titre officieux de Premier ministre, avant même que ce nom devienne officiel.
La fonction de Premier ministre apparaît réellement avec un homme politique de grande importance au
18e siècle, qui s'appelait Walpole, qui est resté en place de 1721 à 1742, donc c'est une grande
longévité.

En même temps, ce Roi va être plus ou moins contraint de choisir ses ministres dans une mouvance,
dans une tendance, qui partage les mêmes idées que son Premier ministre, et qui adhèrent donc à une
politique d'ensemble.

Donc, ces ministres vont être, petit à petit, choisis sur proposition du Premier ministre.

Ils vont devenir un ensemble, non seulement collégial, mais aussi solidaire.

La solidarité, c'est le fait d'être engagé par les décisions des autres, donc ici des décisions politiques.

Parallèlement à ce phénomène, la responsabilité pénale des ministres va devenir une responsabilité


politique.

La responsabilité pénale, c'est donc d'être accusée d'avoir commis un crime ou un délit.

Cette responsabilité pénale, elle est en principe individuelle.

La responsabilité politique, ce n'est pas commettre un crime ou un délit, mais c'est mener une
politique avec laquelle on est en désaccord.

Dans ce cas-là, cette responsabilité politique peut être collective, collégiale, donc elle va devenir
solidaire, c'est l'ensemble du Cabinet du gouvernement, peu importe le nom que l'on donne, qui va être
mis en cause et qui va être amené à démissionner.

Entre 1742 et 1782, va se passer un phénomène tout à fait considérable qui marque précisément la
naissance de la solidarité gouvernementale.

La démission de Walpole en 1742, n'avait pas entraîné celle des autres membres du gouvernement, car
la primauté du Premier ministre, dont il a été question précédemment, n'allait pas jusqu'à entraîner le
départ des ministres, en même temps que le départ du chef de Cabinet.

Il n'y a donc pas eu de solidarité.

40 ans après exactement, en 1782, Lord North, dont il a déjà été question, avait rencontré l'hostilité
de la Chambre des communes et il était amené alors à démissionner, cette fois-ci en même temps que
tous les ministres qui ont donc assumé les choix politiques de celui-ci.

Ainsi est né en 1782, le principe de la solidarité du Cabinet, qui repose sur la collégialité des décisions,
c’est-à-dire la participation de chacun à l'élaboration des décisions importantes, mais qui peuvent
ensuite leur être reprochés et dont ils sont responsables, c'est bien ça le sens du mot « solidarité »
qui existe dans d'autres disciplines que le droit constitutionnel.

Et le parlementarisme, et notamment tel qu'il est né au Royaume-Uni, est donc une construction
coutumière fondée sur la répétition de précédents, ce qui caractérise aussi le droit britannique, pas
seulement le droit public.

Ce parlementarisme n'est pas né de l'application d'un texte qu'il fallait plus ou moins respecter.

Mais ce qui est intéressant, c'est qu'on peut faire la même constatation, les mêmes évolutions en
France au 19e siècle, donc plus tard qu'au Royaume-Uni, à partir des Chartes constitutionnelles de
1814 et de 1830.
1814, c'est la Restauration, comme on le verra dans un enregistrement suivant.

1830, c'est la monarchie de Juillet et Louis Philippe 1er, dont il a été question ici.

Ici, il y avait bien des textes constitutionnels, mais qui étaient quand même relativement sommaires
et qui ne décrivaient pas les mécanismes du régime parlementaire, mais c'est quand même dans le
cadre de ces textes que ce régime parlementaire est né aussi de la pratique, et c'est ce régime
parlementaire qui va se mettre en place de manière progressive tout au long de cette période.

On l'a dit en commençant cet enregistrement, le régime parlementaire, c'est un régime dans lequel il
y a des moyens d'action réciproques de l'exécutif sur le législatif, et vice versa, peut-on dire.

On vient de voir, la responsabilité politique qui s'est installée, sous une forme moderne en 1782.

Mais parallèlement, le droit de dissolution, qui est donc l'autre élément, a aussi évolué en Grande-
Bretagne.

En effet, pendant très longtemps, le Roi ne prononçait pas la dissolution de la Chambre des communes,
Chambre qui était élue pour 3 ans à partir de 1694, donc peu de temps après la glorieuse révolution,
ensuite élue pour 7 ans à partir de 1716.

On ne parle bien sûr que de la Chambre des communes et de sa dissolution possible, puisque la
Chambre des Lords, composée de pairs laïques ou ecclésiastiques, ne pouvait pas être dissoutes par
principe, puisque ses pairs étaient, pour l'essentiel, du moins à l'époque, héréditaires.

Donc ce Roi face à la Chambre des communes ne pouvait faire qu'une chose, c’est-à-dire les
ajournées, lorsqu'il était en désaccord avec elle.

Les ajourner, c’est-à-dire suspendre leurs travaux jusqu'à ce que finalement, les uns et les autres,
trouvent un compromis.

La dissolution était, en effet, un acte un peu différent, avec une autre connotation, car elle était
prononcée lorsque le Roi avait un doute sur la représentativité des députés, c’est-à-dire des membres
de la Chambre des communes.

Et, puisque l'on avait un doute sur cette représentativité, il valait mieux dissoudre la Chambre des
communes et renvoyer tout le monde devant les électeurs.

La pratique va aussi changer lorsque William Pitt le Jeune, succède à Lord North en 1782.

Pourquoi « le Jeune » ?

Parce qu’il y a un autre, William Pitt qui est l’Ancien.

Ce William Pitt le Jeune est bien connu dans l'histoire de France, parce que ça sera un des
adversaires de Napoléon Bonaparte un peu plus tard, et il va rencontrer l'hostilité des communes,
mais il va refuser de démissionner malgré 16 votes le mettant en minorité.

Donc il refuse en quelque sorte d'engager sa responsabilité devant la Chambre des communes.

En même temps, ce Premier ministre, donc ce chef du gouvernement, sentait, savait, que l'opinion
soutenait son programme qui était un programme de réforme, et il demandait alors au Roi, qui était à
l'époque Georges III, qui a régné de 1760 à 1820, qui lui parlait anglais, mais qui a souffert
d'aliénation mentale dans les 10 dernières années de son règne, c'est celui qu'on appelle le « Roi
fou », au moment de 1784 il ne l'était pas du tout.
Donc il demande à Georges III de prononcer, en 1784, la dissolution des communes afin que le pays
soit l'arbitre du conflit entre le gouvernement, c’est-à-dire cette branche de l'exécutif qui entoure
le Roi, et le Parlement.

Et, les élections furent un triomphe politique pour William Pitt, donc le nouveau Parlement a été acquis
à la cause du gouvernement.

Désormais donc, le droit de dissolution est un moyen pour le gouvernement de demander au Roi, de
faire du pays l'arbitre des conflits entre l'exécutif et le législatif.

On le voit donc, à la fin du 18e siècle, 1782, 1784, la concomitance ne pas être plus parfaite, les
éléments du régime parlementaire sont en place ou au Royaume-Uni.

Le gouvernement doit se retirer, s'il fait l'objet d'une motion de défiance votée par les communes, ou
du moins bien sûr la majorité de cette Assemblée, et en même temps, cette Chambre peut être
dissoute par le Roi, mais à la demande du chef de gouvernement, pour que les électeurs, même s'il ne
s'agit pas de suffrage universel à l'époque, puissent choisir entre la politique défendue par le
gouvernement et celle qui est voulue par les communes en cas d'opposition au même gouvernement.

Cette présentation du régime parlementaire, historiquement parlant, ne doit pas faire oublier que le
Roi dispose encore de prérogatives importantes, à ce moment-là, à la fin du 18e siècle, et qui peut
encore choisir plus ou moins librement le Premier ministre, mais à l'intérieur d'une majorité ou d'une
tendance, les partis politiques étant loin d'être structurés à cette époque-là, et encore moins
monolithique.

Il ne faut pas pour autant, exagérer le caractère démocratique du régime anglais.

On a montré dans un enregistrement précédent, consacré à la théorie de la séparation des pouvoirs,


que séparation des pouvoirs équivaut peut-être à libéralisme ou à recherche de la liberté, mais n'est
pas nécessairement synonyme de démocratie.

L'exemple de l'histoire britannique est ici extrêmement éclairant.

En effet, à l'époque dont on parle, c’est-à-dire la fin du 18e siècle et le début du 19e siècle, le
découpage, pour l'élection des députés, n'était pas véritablement démocratique et il n'avait pas été
revu depuis le 16e siècle.

Donc de nombreux bourgs, c'est-à-dire de gros villages et de petites villes, avaient perdu, pour
certains d'entre eux du moins, la quasi-totalité de leurs habitants.

Mais, ils avaient malgré tout, des représentants, ils avaient la possibilité d'élire des députés.

C'est ce que les Anglais ont appelé des « bourgs pourris », parce qu'en réalité il n'y avait personne
dans ces circonscriptions, c'est la traduction de l'expression anglaise « Rotten Boroughs », ce qui
signifie en quelque sorte que les élus ne représentaient rien, ou en tout cas plus personne.

En outre, les Lords, c'est à dire les « pairs laïques », qui étaient de grands propriétaires fonciers à
l'époque, possédaient une partie de ces bourgs et les électeurs votaient selon les instructions des
Lords.

C'est quelque chose qui se pratique dans d'autres pays plus tard, et qui ont rencontré, même en
France au 19e siècle.
Donc, il suffit au Roi de s'appuyer sur ces Lords, pour que la composition de la Chambre des communes
lui soit favorable.

Il faut attendre 1832, avec une réforme du droit de suffrage, pour que ces bourgs pourris soient
supprimés, ce qui va accélérer le déclin de la monarchie et en même temps le déclin de la Chambre des
Lords, qui certes ne peut pas être dissoute, mais qui a perdu la possibilité de renverser le Cabinet.

Donc, le Lord Salisbury, fut en 1902, le dernier chef de gouvernement issu de la Chambre des Lords.

Le suffrage reste censitaire pendant longtemps, au 19e siècle, et seuls 7% des habitants étaient des
électeurs à ce moment-là.

Le suffrage universel masculin va être accordé par étapes, n'oublions pas le pragmatisme britannique.

D'abord, aux hommes des villes en 1867, puis aux hommes des campagnes en 1884, et autre élément
de démocratie, il faut attendre 1872 pour que le vote secret remplace le vote public.

On rappelle, puisqu'on parle de suffrage universel, que ce n'est qu'à partir de 1918 que le droit de
vote sera accordé aux femmes.

A partir de 1911, la Chambre des Communes va être élue pour 5 ans, au lieu de 7 ans depuis le début
du 18e siècle.

La loi qui s'appelle le « Parliament Act », qu'on pourrait traduire par « la loi sur le Parlement », de
1911, empêche la Chambre des Lords de bloquer les projets financiers, le budget.

Et voilà une arme tout à fait essentielle dont va être privée désormais la Chambre des Lords.

L'impeachment, qu'on a rencontré à propos des États-Unis, mais dont on sait qu'il s'agit en fait d'une
règle venue du Royaume-Uni, faisait dans la Chambre des Lords une Haute-Cour de Justice, chargée
de juger les ministres pénalement responsables.

A partir du moment où la Chambre des communes va refuser d'utiliser cette procédure et de la


mettre en œuvre, la Chambre des Lords est également privée d'un autre pouvoir important, et les
ministres ne se sentent plus responsables devant elle.

Donc une très longue évolution, qui permet de comprendre le régime britannique.

Mais le régime parlementaire, va retrouver en Grande-Bretagne et dans d'autres pays, va garder les
éléments essentiels de cette histoire héritée de plus d'1 siècle du système politique britannique.

4. LE POUVOIR EXECUTIF BICEPHALE

Il nous faut voir un peu plus précisément les éléments du régime parlementaire, c’est-à-dire
présenter le pouvoir exécutif, présenter le pouvoir législatif.

Commençons par le pouvoir exécutif.

Le pouvoir exécutif est un exécutif « bicéphale » dans un régime parlementaire, c'est une condition
tout à fait essentielle de ce régime parlementaire et qui le distingue profondément du régime
présidentiel à l'américaine.
Bicéphale, ça veut dire 2 têtes, c’est-à-dire 1 tête qui correspond au chef de l'État et 1 autre tête
qui correspond au gouvernement.

Un élément fixe le chef de l'État, un élément mobile politiquement, ça veut dire tout simplement que
ce gouvernement n'a pas une durée de fonction fixée à l'avance, il peut être renversé.

C'est une des conditions, on l'a vu, du régime parlementaire.

Le chef de l'État, élément fixe, ça veut dire aussi un élément permanent, qui ne dépend pas des
contingences politiques, à la différence, encore une fois, du gouvernement.

Ça veut dire aussi, dans beaucoup de régimes parlementaires, que l'élément fixe, l'élément
permanent, est finalement un élément moins politique, moins politisé.

Et, on le comprend fort bien, dans les régimes parlementaires qui sont en même temps des
monarchies.

Ces monarchies incarnent l'État mais ne sont pas nécessairement des représentants d'un courant
politique.

Ce n'est évidemment pas le cas du gouvernement, qui non seulement est un élément mobile, mais est
un élément extrêmement politique, puisqu'il dépend de la majorité d'une Chambre ou de plusieurs
Chambres.

L'image souvent employée pour décrire l'exécutif bicéphale, c'est un aigle à 2 têtes, mais il arrive que
ces 2 têtes n'est pas la même taille et n'est pas les mêmes attributions.

Ce chef de l'État incarne, symbolise, l'Etat.

Que ce chef de l'État soit un monarque héréditaire ou qu'il soit un Président élu.

L'important, c'est que ce chef de l'État n'a pas besoin d'une investiture parlementaire.

Investiture parlementaire, ça signifie en fait que le Parlement accorde sa confiance à une autorité du
pouvoir exécutif, c'est-à-dire principalement le gouvernement.

Investiture, ça veut dire investir quelqu'un, lui donner sa confiance.

Le chef de l'État, dans un régime parlementaire, n'a pas besoin de cet investiture, soit parce que
c'est le Roi, héritier d'une famille, soit tout simplement parce que ce chef de l'État est lui-même élu
de son côté.

C'est le cas bien sûr, de la France de la 5e République.

Ce chef de l'État est politiquement irresponsable et les conflits, qui peuvent exister entre le
Parlement et le gouvernement, ne le concernent pas.

Comme l'avait dit Thiers, autre grand homme politique du 19e siècle, en 1829, et cette phrase
s'oppose un peu à celle de Guizot, citée tout à l'heure :

« Le roi règne mais ne gouverne pas. »

Voilà, je crois, une bonne explication de la distinction de l'exécutif bicéphale.

Ce rôle politique du Roi peut malgré tout être très variable et dépendre de nombreux paramètres, ce
qui explique la formule un peu opposée de Guizot, selon lequel « Le trône n'était pas un fauteuil vide ».
Mais petit à petit, pour rester dans l'image, le trône va petit à petit se vider, encore une fois, c'est le
passage du dualisme au monisme.

À côté, on n'ose pas dire en-dessous, du chef de l'État, il y a donc le gouvernement, qui peut porter le
nom de Cabinet dans certains pays, on m'a expliqué pourquoi ce gouvernement portait ce nom, qui
constitue le lien entre l'exécutif et le Parlement.

Au Royaume-Uni et au 21e siècle cette fois-ci, le mot de « cabinet » désigne la forme la plus
restreinte du gouvernement, parce que ce Cabinet ne réunit que les ministres les plus importants,
c’est-à-dire une vingtaine à ce jour, il y a une composition un peu concentrée de l'exécutif collégial au
Royaume-Uni, donc le cabinet est, peut-on dire, le plus petit cercle au sein de ce gouvernement.

Mais ce gouvernement, au sens large, au sens habituel du mot, en tout cas dans les pays d'Europe
continentale, ne peut agir qu'avec la confiance de la majorité parlementaire, qui est issue au 21e siècle
des élections.

À tel point, qu'il existe, dans les régimes parlementaires toujours, une compatibilité entre les
fonctions parlementaires et les fonctions gouvernementales.

Par opposition à ce qui existe dans le régime présidentiel où il n'est pas possible à un secrétaire
d'État, un secrétaire au Trésor ou autre chose, aux États-Unis, c’est-à-dire un ministre du Président
des États-Unis, d'être en même temps membre du Congrès.

Au contraire, dans un régime parlementaire, il y a une presque obligation d'être en même temps
membre du Parlement et membre du gouvernement.

Les ministres siègent à la Chambre des communes en tant que membres, ils sont assis sur ces fameux
bancs verts, que l'on voit parfois, en tant que membre de cette Assemblée.

Et, lorsque l'on interview dans les médias un membre du gouvernement, on le présente avec les 2
lettres, « MP » comme « Member Parliament », c'est à dire « membre du Parlement ».

Et donc, il y a une compatibilité qui existe, en tout cas, dans le système britannique.

Ce n'est pas le cas dans le système de la 5e République, qui a emprunté, sur ce point, un élément du
régime présidentiel, en interdisant cette fameuse compatibilité entre la fonction gouvernementale et
la fonction parlementaire.

Ce gouvernement est un organe collégial, on l'a dit, on a montré comment les choses avaient pu
apparaître, mais aussi un organe solidaire, puisque les décisions engagent l'ensemble des membres de
ce gouvernement.

Ce gouvernement est organisé autour d'un chef, le nom de celui-ci est très variable selon les pays :

On va rencontrer le Premier ministre au Royaume-Uni,

On va rencontrer un Premier ministre en Israël,

On va rencontrer un Premier ministre en France, mais seulement depuis 1958,

On va rencontrer un Président du Conseil en Italie, mais aussi en France sous les 3e et 4e République,

Dans les pays de langue allemande, on va trouver un Chancelier, en République Fédérale d'Allemagne
(RFA),
Un Chancelier en Autriche,

Mais on va trouver aussi un Président du gouvernement, dans l'Espagne démocratique depuis 1978.

Dans tous les cas, quel que soit son nom, le chef du gouvernement est précisément le principal
ministre et c'est lui qui doit organiser, coordonner, le travail des autres membres du gouvernement.

5. LA PARLEMENT SOUVENT BICAMERAL

À côté du pouvoir exécutif, il y a donc un pouvoir législatif, puisque nous sommes bien dans un système
de séparation des pouvoirs.

On va donc rencontrer un Parlement, mais qui est souvent bicaméral, mais qui ne l’est pas
obligatoirement.

L'existence de 2 Chambres, n'est pas une condition nécessaire du régime parlementaire et le


bicamérisme, ou bicaméralisme, les 2 mots peuvent être utilisés, n'existe pas partout.

Si l'on prend l'exemple d'Israël qui est un régime parlementaire, qui s'est d'ailleurs beaucoup inspiré
du système britannique, il n'y a qu'une seule Chambre qui s'appelle la « Knesset ».

C'est le cas aussi du Danemark, qui ne connaît que le monocaméralisme.

En revanche, dans d'autres pays qui connaissent un régime parlementaire, il existe un bicaméralisme.

Celui-ci peut avoir des causes et des origines très variées.

Ce fut le cas, dans les régimes politiques qui sont nés dans des monarchies, en Grande-Bretagne et en
France, puisque dans ces 2 pays, il existait une division de la société, peut-on dire, entre les nobles et
les personnes communes, et cette division de la société s'est reflétée dans les 2 Assemblées.

On l'a vu dans l'histoire britannique, on le verra un peu dans l'histoire constitutionnelle française, qui
va être retracée dans d'autres enregistrements, avec une « Chambre noble » et une « Chambre
roturière ».

D'ailleurs, le vocabulaire est très parlant puisque la Chambre noble, qu’on appelle très souvent la
« Chambre haute ».

Alors que la Chambre roturière, la Chambre des communes personnes peut-on dire, s'appelle la
« Chambre basse ».

On le voit donc, une distinction sociale très forte, historiquement parlant bien sûr, qui peut justifier
le bicaméralisme.

Mais il existe des pays pratiquant le régime parlementaire dans lesquels le bicaméralisme a une tout
autre logique, repose sur une tout autre cause, c'est le pas des États fédéraux, on se reportera à un
enregistrement précédent, comme l'Allemagne par exemple, dans lequel il y a 2 Assemblées.

Parce que tout simplement, il y a une Assemblée qui représente le peuple, élu au suffrage universel
direct au 21e siècle, puis une Assemblée qui représente les États, on sait que c'est ce qui distingue en
Allemagne, le Bundestag élu au suffrage universel direct et le Bundesrat, qui est l'Assemblée des
États fédérés en Allemagne fédérale.
Donc, le bicaméralisme n'est pas une condition absolue du régime parlementaire, même si
historiquement, la Chambre haute a souvent été celle soutenant le monarque.

Dans un régime, qui n'était pas du tout un régime parlementaire, mais qui est celui du directoire,
c'est-à-dire celui inauguré par la Constitution de l'an 3 bois, Boissy d’Anglas, qui était un homme
important à ce moment-là, expliquait en 1795, pour justifier le bicaméralisme qui est né en France à
ce moment-là, dans un contexte qui n'avait rien à voir avec le régime parlementaire, il expliquait donc,
que :

« L'une de ces Assemblées était l'imagination de la République et l'autre la raison. »

Encore une fois, si le système tel qu'il le décrivait n'a pas donné naissance à un régime parlementaire,
cette distinction entre 2 Assemblées, peut se retrouver comme justification du bicaméralisme dans
les régimes parlementaires.

Si l'on prend le cas de la 5e République, les sénateurs se présentent souvent comme étant une
Assemblée parfois plus sage que l'Assemblée nationale, pour reprendre un peu la terminologie en
empruntée à Boissy d'Anglas.

Plus « sage », parce qu’élus d'abord pour une durée un peu plus longue, maintenant il n'y a plus qu'1 an
d'écart entre les 2, on parle toujours de la France de la 5e République, mais aussi « plus sage », disent
les sénateurs, parce qu'ils ne sont pas élus directement par le suffrage universel, qui ne dépendent
pas des humeurs, éventuellement changeantes, des électeurs.

On voit bien que cette logique peut aussi caractériser le régime parlementaire dans d'autres pays.

Ce bicaméralisme, qui peut donc exister ou ne pas exister, peut être égalitaire, c’est-à-dire que les 2
Assemblées ont exactement ou à peu près les mêmes attributions.

C'est le cas, à l'heure actuelle, de l'Italie encore, malgré des tentatives de réformes visant à
privilégier une Assemblée sur une autre.

C'est le cas aussi en Belgique.

Et ce fut le cas aussi de la France, mais sous la 3e République, et là, on précise bien sous la seule 3e
République.

Au contraire, ce bicaméralisme peut être inégalitaire, et là encore, il peut être très inégalitaire ou un
peu inégalitaire.

Très inégalitaire, c'est le cas de la France, de la 4e République.

Partiellement inégalitaire, c'est le cas de la France de la 5e République.

Pourquoi cette inégalité, qui existe donc dans certains pays et pas dans d'autres ?

A cause du poids du suffrage universel direct, qui peut expliquer l'importance politique de la Chambre
basse, qui représente de manière plus directe, plus immédiate, le peuple ou la Nation, qui peut
justifier ces pouvoirs par cette représentation immédiate.

Alors qu'en revanche, les Assemblées qui ne sont pas élus directement par le peuple, bénéficient
d'une légitimité, du moins c'est ce que disent certains, moins grandes.
Cette inégalité entre les 2 Assemblées, peut se manifester au moins dans 2 domaines importants, le
fait qu'une des 2 Assemblées puisse imposer son point de vue sur l'autre dans le vote des lois, faire
en quelque sorte prédominer son opinion sur l'opinion de l'autre Assemblée.

C'est ce qui se passe avec ce qu'on appelle ; « le dernier mot », dans la Constitution française de la 5e
République.

On retrouvera cela dans un enregistrement du 2nd semestre.

Cette primauté se manifeste ou peut se manifester, dans la possibilité ou non de renverser le


gouvernement.

Dans un régime bicaméral égalitaire, les 2 Assemblées peuvent renverser, à peu près de la même
manière, le gouvernement, mettre en cause la légitimité du gouvernement.

Ce fut le cas sous la 3e République.

C'est encore le cas dans l'Italie contemporaine.

Dans d'autres situations, au contraire, seulement l'Assemblée élue directement peut renverser le
gouvernement et pas l'autre Assemblée.

C'est le cas de la France de la 5e République.

Donc, dans certains cas, cette 2nde Assemblée ne peut pas véritablement concurrencer la 1re.

Elle peut jouer un rôle, malgré tout, de contrepoids à l'influence, jugée parfois trop forte, de
l'Assemblée élue directement au suffrage universel.

Pour finir avec la France, en matière constitutionnelle ou en matière constituante, les 2 Assemblées
ont les mêmes attributions et chacune a, en quelque sorte, un droit de véto, puisqu'il faut que les
projets de loi constitutionnelle soient adoptés dans les mêmes termes par les 2 Assemblées.

6. LES RELATIONS ET LES COLLABORATIONS ENTRE LES POUVOIRS

Le régime parlementaire se caractérise, on l'a dit, par des relations entre les pouvoirs publics, par
des moyens d'action, mais se caractérise aussi par l'absence de concordance entre les organes et les
fonctions.

On rappellera que dans un régime de type présidentiel, il y a au moins dans un premier temps, une
correspondance entre un organe et une fonction.

Ça veut dire qu'un organe de type législatif exerce la fonction législative, c'est-à-dire celle de faire
les lois.

À un organe qualifié d'exécutif revient la fonction d'exécuter les lois et il n'y a en principe pas
d'interférence de l'un sur l'autre.

On a vu que les choses n’étaient pas aussi nettes, ni aussi claires, notamment dans le régime
présidentiel à l'américaine.
Dans un système parlementaire il y a en quelque sorte un mélange entre les organes et les fonctions et
chacun des organes peut être chargé des compétences de l'autre.

Les compétences sont ainsi ouvertes, peut-on dire, ou concurrentes.

Le meilleur exemple est sans doute tiré de la compétence législative, qui est en principe une
compétence de l'organe législatif, mais qui en réalité illustre fort bien la collaboration entre les
pouvoirs.

On le sait, historiquement, c'est le Parlement qui a arraché au pouvoir Royal la participation à la


fonction législative, même si ce fut dans des termes très prudents et très archaïques.

Ce fut le cas de la fameuse Magna Carta de 1215 au Royaume-Uni.

Mais c'est malgré tout le Parlement, qui a conquis le pouvoir de participer à l'élaboration de la loi.

Et, il en a été de même de la fonction budgétaire, c’est-à-dire d'accepter le budget de l'État et


principalement de voter l'impôt, le consentement à l'impôt est extrêmement lié historiquement à
l'histoire des Parlements, on l'a déjà évoqué.

D'ailleurs, la fonction budgétaire, la fonction financière, est très souvent associé, ce qui est assez
logique, à la fonction législative, puisque cette fonction budgétaire va se caractériser par le vote
d'une loi de finances, dirions-nous à l'heure actuelle.

On considère d'ailleurs au Royaume-Uni que ce que les Britanniques appellent le Parlement, est
composé en fait de 3 pieds, peut-on dire :

La Chambre des communes,

La Chambre des Lords,

Et le Roi, plus paradoxalement, du moins pour un esprit français.

Le Roi fait partie du Parlement, ce qui explique que le Parlement soit souverain et qu'il peut tout faire
au Royaume-Uni, sauf, on le sait, changer un homme en femme.

Cette fonction législative est partagée au stade de l'initiative, puisque dans un régime parlementaire,
autant le gouvernement que le Parlement peut être à l'origine des textes, des projets de loi, des
propositions de loi.

Pas nécessairement de manière égale, mais il peut y avoir une initiative conjointe ou partagée.

Et puis, à la fin du processus législatif, le pouvoir exécutif peut intervenir en apposant sa sanction,
c’est-à-dire son acceptation de la loi telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.

Alors cette acceptation, a connu une évolution assez profonde dans le temps, entre le 18e siècle
britannique et le 21e siècle, dans les régimes parlementaires, puisque en réalité, cette sanction n'est
plus, au mieux, que l'équivalent de la promulgation.
C’est-à-dire, le fait d'apposer une signature sur la loi, sans avoir la possibilité de refuser, alors que
dans ce qu'on appelle la sanction, il y avait une acceptation par le Roi de la loi.

Il y a donc ici une diminution de l'importance de ce pouvoir, qui illustre aussi le déclin du pouvoir
exécutif, tel qu'on l'a déjà mentionné.

Et, cette acceptation peut se transformer bien sûr en un véto, c’est-à-dire en un refus de la loi.

Véto, dont on a bien parlé à propos du régime présidentiel, et dont on voit que ça peut être aussi un
élément d'un régime de type parlementaire.

Ce partage de la fonction législative, on peut donc le rencontrer au niveau de l'initiative, on peut le


rencontrer aussi au niveau de l'acceptation, mais on peut aussi le rencontrer dans l'adoption de la loi.

Notamment, lorsque le gouvernement, et ça existe dans un certain nombre de pays, on le verra,


dispose de moyens très puissants pour faire adopter ces projets de loi, pour en quelque sorte imposer
ses volontés au Parlement, c'est ce qui va caractériser, on le dira dans quelques minutes, le
parlementarisme rationalisé.

Mais il peut y avoir d'autres formes de partage des fonctions entre plusieurs organes.

Par exemple, le pouvoir exécutif peut être associé, puisque l'on parle de partage, au pouvoir
juridictionnel, en nommant les juges, pas nécessairement librement car ça peut être également des
nominations qui sont le résultat de procédures de concours.

C'est le cas de la France contemporaine.

Mais aussi, il peut être associé ce pouvoir exécutif au pouvoir juridictionnel, à la fonction
juridictionnelle, en exerçant une autorité hiérarchique sur le Parquet, sur ce qu'on appelle le
ministère public.

Les procureurs sont dans une dépendance hiérarchique du ministre de la Justice, c’est-à-dire qu'il y a
bien ici un mélange entre l'exécutif et le juridictionnel, ou le judiciaire dans le cadre ici du Parquet.

De manière, disons plus ponctuelle, moins quotidienne, le pouvoir exécutif peut exercer le droit de
grâce qui intervient, alors non pas dans le prononcé des peines, mais dans leur exécution.

Il ne faut pas oublier que le droit de grâce existe, alors même que la peine de mort à a disparu, du
moins dans le cas français.

Le Parlement peut aussi empiéter sur les attributions du pouvoir juridictionnel, par le biais de lois
d'amnistie, qui vont effacer cette fois-ci toutes les fautes prévues par des lois, qui sont prononcées,
ces peines, par des juridictions.

Il y a donc ici une intervention du pouvoir législatif dans le fonctionnement de la Justice.

Léon Blum, bien connu dans l'histoire française, indiquait que le régime parlementaire était un peu
comparable à « une vie de ménage », disait-il, ce qui implique la confiance et la collaboration entre les
2 pouvoirs et qui ne sont pas d'ailleurs de ce fait réellement séparés.
Mais, en cas de crise, en cas de mésentente entre les pouvoirs, il y a des solutions juridiques qui sont
aussi bien sûr des solutions politiques, alors que dans le régime présidentiel, un régime présidentiel
pur, peut-on dire, les solutions sont surtout politiques, la recherche du compromis, mais il n'y a pas de
mécanismes juridiques, du genre dissolution ou engagement de responsabilité.

En principe, ces 2 moyens doivent s'équilibrer dans un régime parlementaire où l'on parle de
collaboration des pouvoirs et lorsque ce n'est pas le cas, il y a nécessairement un déséquilibre qui se
fait au profit de l'un ou de l'autres, historiquement, le déséquilibre a surtout été marqué au profit du
pouvoir législatif du Parlement, jusqu'à devenir quasiment un régime d'Assemblée.

Lorsque le droit de dissolution disparaît, ce qui fut le cas en France à partir de 1879 et la fameuse
Constitution Grévy, il n'y a plus d'autorité du chef de l'État et le Parlement n'a plus le contrepoids et
il contrôle le gouvernement, à travers la responsabilité qu'il peut mettre en œuvre, qu’il peut engager.

Ce fut le cas de la France sous la 3e et la 4e République.

L'équilibre peut donc être manifesté par une collaboration entre les pouvoirs, par des moyens d'action
réciproque, même si la réciprocité n'est pas toujours de mise.

Cet équilibre peut se manifester encore, par la responsabilité gouvernementale, c’est-à-dire le fait
d'assumer politiquement ces actes, ces décisions politiques, jusqu'à encourir éventuellement un
renversement du gouvernement.

C’est-à-dire, en fait l'obligation de démissionner lorsque la ou les Chambres ne sont plus d'accord
avec la politique menée par le gouvernement.

On a montré comment au Royaume-Uni, cette responsabilité est devenue à la fois politique et


collective.

Il y a plusieurs procédés d'ailleurs, pour mettre en jeu cette responsabilité politique, l'initiative peut
provenir du Parlement, soit des 2 Assemblées, soit d'une seule, s'il y a bicaméralisme égalitaire ou
inégalitaire, et cette Assemblée ou ces Assemblées, peuvent voter une « motion de censure ».

C’est-à-dire, un texte par lequel les Assemblées déclarent qu'elles ne sont plus d'accord avec la
politique menée par le gouvernement.

Mais cet engagement de responsabilité peut venir aussi de l'exécutif, du gouvernement lui-même, qui
peut poser ce qu'on appelle une question de confiance au Parlement, c’est-à-dire soit aux 2
Assemblées, soit à une seule d'entre elles, selon que le bicaméralisme est égalitaire ou non.

Donc on le voit cette procédure de responsabilité peut avoir comme origine l'exécutif ou le législatif.

Et, tout cela aboutit à un vote, dont l'enjeu est le maintien ou au contraire le renvoie du
gouvernement, un vote qui se fait à la majorité, mais là aussi, les majorités peuvent être différentes
d'un pays à l'autre, on peut exiger une majorité des suffrages exprimés ou une majorité des
membres, ce qui n'est pas tout à fait la même chose du point de vue du nombre.

Et en face, peut-on dire, il y a donc la dissolution, c’est-à-dire la décision par laquelle il est mis fin aux
fonctions d'une Assemblée avant l'expiration du mandat de ses membres.
En effet, dans un régime qui se veut démocratique, une Assemblée doit avoir une durée de vie fixe, à
l'avance, 4 ans, 5 ans, 6 ans, peu importe, c'est une condition, encore une fois, de la démocratie.

La dissolution n'est pas forcément contraire à la démocratie, mais c'est une atteinte à la durée du
mandat des membres de l'Assemblée.

La dissolution peut concerner les 2 Assemblées éventuellement, mais c'est relativement rare, ou une
seule lorsqu'il y a bicaméralisme toujours, et lorsque c'est le cas, c'est la Chambre basse qui peut
être victime, peut-on dire, de la dissolution, c’est-à-dire la Chambre populaire, la Chambre élue au
suffrage universel direct, mais ce n'est pas toujours le cas.

Encore une fois, l'exemple de l'Italie le montre.

Le pouvoir de dissolution appartient au chef de l'État, en principe, c'est un élément de l'équilibre,


c'est une sorte de survivance du pouvoir Royal, mais lorsque le chef de l'État, qu'il s'agisse d'un Roi
ou d'un Président de la République ou autre, a perdu la réalité politique du pouvoir, alors c'est le chef
du gouvernement qui exerce réellement ce pouvoir.

Il peut y avoir, d'ailleurs, un pouvoir qui est nominalement exercé par le chef de l'État, mais qui est
politiquement exercé par le chef du gouvernement.

Concrètement, ça veut dire que le chef du gouvernement demande au Roi, dans ce genre de situation,
de prononcer la dissolution du Parlement.

C'est le cas du Royaume-Uni à l'heure actuelle.

Ce droit de dissolution peut être plus ou moins encadré, il peut être libre, comme c'était le cas au
Royaume-Uni jusqu’en 2011, ce qui signifie que le chef du gouvernement pouvait décider du moment de
la dissolution.

Il demandait à la Reine de prononcer la dissolution lorsqu'il sentait que le climat politique était
favorable et que les élections allaient renvoyer une majorité encore plus forte ou au moins aussi forte
que celle qui existait jusque-là.

Mais aussi, ce droit de dissolution peut être soumis à des conditions.

Comme l'existence d'une ou de plusieurs crises politiques, c'était le cas sous la 4e République.

C'est le cas encore dans l'Allemagne actuelle.

Si l'on reprend le cas du Royaume-Uni, une loi tout à fait importante qui s'appelle :

« Fixed-term Parliaments Act », du 15 septembre 2011, a instauré au Royaume-Uni un mandat fixe de


5 ans pour la Chambre des communes.

Un « mandat fixe », c'est ce que veut dire l'expression « fixed-term », c'est à dire « un terme
fixe ».

C’est-à-dire, qu’en principe, la dissolution ne peut pas être prononcée avant l'expiration de ce délai de
5 ans.
Alors, en réalité, les choses sont un peu plus compliquées, il y a possibilité malgré tout de mettre fin
au mandat de cette Chambre des communes, mais à des conditions qui sont beaucoup plus encadrées
qu'auparavant.

C'est soit lorsque la Chambre des communes prononce son autodissolution, qui doit être votée à la
majorité des 2/3 des députés, 1re condition, donc en quelque sorte, la Chambre des communes se fait
« hara-kiri », elle décide de retourner devant les électeurs, mais un hara-kiri, peut-on dire, souhaité,
sollicité, par le chef du gouvernement.

Ou bien, 2e condition, c'est lorsque la Chambre des communes a retiré sa confiance au gouvernement,
mais qu’elle n'a pas pu accorder sa confiance à un nouveau gouvernement dans un délai de 14 jours,
donc en cas de crise, en quelque sorte, la Chambre des communes décide, ou par la force des choses,
de retourner devant les électeurs.

Dans les 2 cas, la dissolution est suivie d'élections qu'on appelle générale, c’est-à-dire qu'il procède au
renouvellement de l'ensemble des membres de l'Assemblée dissoute.

On trouve un exemple d'application de cette loi dite du « terme fixe », pour prendre la traduction
française dont on redit qu'elle date de 2011, en juin 2017, puisqu’à la demande de Mme Theresa May,
la Chambre des communes a été dissoute, parce que la Chambre des communes avait décidé, en
quelque sorte, de se dissoudre.

Les uns et les autres, c’est-à-dire la majorité et l'opposition de l'époque, les conservateurs dans la
majorité, les travaillistes dans l'opposition, pensant gagner les élections, c'est toujours bien sûr un
pari un peu risqué.

Il n'y avait pas une nécessité juridique de prononcer cette autodissolution puisque les élections
générales avaient eu lieu en 2015, qu'elles avaient vu d'ailleurs une victoire assez large des
conservateurs qui avait été emmenée par David Cameron, qui avait retrouvé une majorité absolue à la
Chambre des communes.

Mais entre-temps, est intervenu un événement tout à fait important dans la vie politique, et pas
seulement politique d'ailleurs, du Royaume-Uni, puisqu'il est intervenu le fameux référendum sur le
« Brexit », en juin 2016.

Madame May, qui avait donc hérité de la fonction de Premier ministre en juin 2016, à la suite de la
démission de Cameron qui avait perdu le référendum pour lequel il s'était engagé pour le oui ou pour le
maintien dans l'Europe, on sait que les électeurs ont voté pour le « leave », c’est-à-dire pour quitter
l'UE.

Madame May a voulu, en quelque sorte, asseoir son autorité sur une majorité qui lui serait plus fidèle,
en quelque sorte.

Elle a donc provoqué cette autodissolution, manque de chance, les électeurs ne sont pas allés dans ce
sens-là et les conservateurs, le parti de Madame May, a perdu en fait un certain nombre de sièges, ce
qui a obligé Madame May à chercher une alliance avec des députés d'un petit parti d'Irlande du Nord,
un parti unioniste démocrate, qui lui a apporté les 10 voix qui lui manquait pour constituer une
majorité.
Ce choix politique qui est une illustration du régime parlementaire, pèse d'un poids très lourd dans la
vie politique britannique contemporaine, puisque cette absence de majorité, qui soutient Madame May,
ou en tout cas d'une majorité relativement composite, compliqué que les discussions avec l'UE, pour
organiser la sortie du Royaume-Uni.

7. PARLEMENTARISME RATIONALISE, PARLEMENTARISME MAJORITAIRE

Nous l'avons dit en commençant cet enregistrement, plutôt que de parler d'un régime parlementaire,
il vaut mieux parler de régimes parlementaires, au pluriel, tellement il y a des exemples dans le monde
ou même, en se limitant à notre continent, en Europe.

Alors, nous avons d'ailleurs montré une évolution historique, qui est déjà plutôt ancienne entre le
parlementarisme dualiste et le parlementarisme moniste, voilà déjà encore 2 formes de régimes
parlementaires.

Mais il faut nous intéresser, pour l'instant, à des formes plus modernes, plus contemporaines, du
régime parlementaire que l'on peut rencontrer.

Alors, il y a sans doute d'autres cas, mais on va se limiter ici à 2 exemples intéressants, qui sont d'une
part, ce qu'on appelle le régime parlementaire rationalisé, et d'autre part le régime parlementaire
majoritaire.

On verra, comme souvent d'ailleurs, quand on fait des comparaisons, des distinctions, que ces 2
formes de régime peuvent éventuellement se marier ou se retrouver dans un seul et même pays.

Ce régime parlementaire rationalisé est né de la volonté de mettre fin ou de corriger des excès du
régime parlementaire moniste, dont il a été dit précédemment, qu'il était marqué par un déséquilibre,
puisqu’il n'y a, d'une certaine façon, plus qu'un seul pouvoir fort, qui est le Parlement.

Et, le gouvernement peut être, en quelque sorte, sinon l'otage du moins, être au service du Parlement
et de la majorité de celui-ci, au point de transformer le régime, en un régime d'Assemblée comme on
l'a dit.

Ce régime parlementaire rationalisé vise à essayer de rétablir un équilibre, non pas au profit du chef
de l'État, que celui-ci soit un Roi, un Président élu ou désigné, mais au profit plutôt du gouvernement.

D'ailleurs, c'est sans doute ce qui caractérise ces 2 formes de régimes parlementaires plus modernes,
c'est d'essayer finalement de redonner du lustre, de l'importance et du pouvoir au gouvernement,
dont on sait que c'est l'une des têtes du bicéphalisme du régime parlementaire.

L'expression, d'ailleurs, de régime parlementaire rationalisé ne se trouve pas dans un texte.

C'est une expression doctrinale qui a été formulée par un juriste, qui était d'origine russe, qui était
venu en France et qui s'appelait Boris Mirkine-Guetzévitch.

C’était un auteur de la 1re moitié du 20e siècle, il avait voulu décrire la Constitution allemande de
Weimar de 1919.

Cette Constitution est célèbre dans l'histoire, d'abord parce que c'est la 1re Constitution républicaine
de l'Allemagne moderne, après sa défaite en 1918 et aussi plus malheureusement, parce que cette
République de Weimar a finalement accouché du National-socialisme.
C’est-à-dire qu'en fait Hitler et ses partisans ont été élus, dans un 1er temps, dans le cadre des
institutions de la République de Weimar.

Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit.

Le but de cette rationalisation du régime parlementaire, c'était de protéger le gouvernement, par une
série de techniques, par une série de mécanismes, contre l'absence probable de majorité qui
pouvaient soutenir ce gouvernement au Parlement.

Donc, il s'agissait de prévenir, par des moyens institutionnels, les crises ministérielles, c'est-à-dire
l'absence de majorité et des renversements de gouvernement trop fréquents, et en quelque sorte,
trop facile.

Donc, ces mécanismes étaient en partie prévu dans la Constitution allemande, qu'on appelle encore une
fois, de Weimar.

Ces mécanismes sont techniques et doivent permettre au gouvernement de pouvoir gouverner, c’est-à-
dire de pouvoir décider, même en l'absence de majorité parlementaire.

Par exemple, en réglementant la motion de censure pour éviter que, trop facilement, une majorité
parlementaire renverse le gouvernement au moindre prétexte et avec des conditions de majorité pas
très nettes.

Donc, il s'agit de prévoir, notamment dans cette réglementation, des majorités suffisantes pour que
le gouvernement soit renversé.

En prenant un exemple très simple, ce n'est pas la même chose de calculer une majorité sur les
suffrages exprimés ou sur les membres de l'Assemblée ou du Parlement, peu importe le cas de figure.

Donc, il suffit de prévoir une majorité sur les membres et on peut même prévoir une majorité dans
certains cas renforcée, c'est à dire 2/3 ou 3/4 ou n'importe quel autre chiffre, ce qui rend bien
entendu beaucoup plus difficile l'adoption d'une motion de censure.

Voilà un 1er élément de rationalisation du régime parlementaire.

Autre technique, autre moyen possible, c'est donner au gouvernement le pouvoir de fixer l'ordre du
jour des travaux de l'Assemblée ou des Assemblées, lorsqu'il y en a 2.

C'est un moyen très commode, très simple à imaginer, mais très efficace pour le gouvernement, parce
qu'il va pouvoir imposer au Parlement la discussion des textes que lui gouvernement aura choisi, ce qui
permet évidemment d'accélérer le vote de certains textes et au contraire de repousser loin dans le
temps, peut-être à jamais, la discussion et l'adoption éventuelle de ce texte.

On peut donc trouver des mécanismes relativement intéressants.

On peut donner encore un autre exemple, qui est ce qu'on appelle le vote bloqué, c’est-à-dire
permettre au gouvernement de demander à l'Assemblée de voter, non pas article par article, d'un
projet de loi, mais un ensemble d'article, un chapitre complet d'une loi, pour éviter des discussions
sur certains points qui pourraient heurter la majorité du Parlement.

Voilà donc, toute une série de techniques que l'on trouve dans différentes constitutions, car on a
parlé de la Constitution de Weimar, car c'était l'objet d'études de Boris Mirkin-Guetzévitch, mais ce
sont des techniques qu'on va rencontrer dans la Constitution française de 1958, qui ont d'ailleurs
prouvé leur efficacité, car on verra que sous la 5e République il n'y a eu qu'un seul gouvernement
renversé depuis 1958, jusqu'à aujourd'hui.

Restons en Allemagne, en prenant un autre exemple de rationalisation du régime parlementaire, et


tiré, cette fois-ci, de l'art 67, de la loi fondamentale allemande, donc le texte applicable à l'heure
actuelle et dont l'essentiel remonte à 1949.

La loi fondamentale allemande, qui signifie ou qui désigne en réalité la Constitution allemande, prévoit
ce que l'on appelle la « motion de défiance constructive ».

Elle organise un lien entre le renversement du gouvernement et la désignation de son successeur.

Ce qui veut dire que la Chambre basse du Parlement allemand, qui s'appelle, on le rappelle, le
Bundestag, ne peut renverser le Chancelier, c’est-à-dire le gouvernement, qu'en élisant un successeur
à sa place, à la majorité des membres de l'Assemblée.

Ce qui veut dire que c'est bien une motion de défiance, c’est-à-dire que l'on veut renverser le
gouvernement en place, mais elle va être constructive, c'est-à-dire qu'elle ne va pas déboucher sur le
vide, mais sur la désignation d'un successeur, pour qu'il n'y ait pas de crise ministérielle, comme la
France a pu en connaître sous la 3e , la 4e République, ou d'autres pays, ne serait-ce qu'en pensant à
l'Italie.

Donc en fait, ce mécanisme fonctionne très bien et explique finalement qu’il y a eu très peu de
gouvernements renversés en Allemagne fédérale depuis 1949.

Cette technique de motion de défiance constructives existe aussi en Espagne, mais on sait que le droit
constitutionnel espagnol a été, celui datant de 1978 et du tournant démocratique, beaucoup inspiré du
droit constitutionnel allemand.

Et, pour prendre l'exemple espagnol, c'est d'ailleurs cette procédure qui a été utilisée en juin 2018,
pour renverser le gouvernement de Mr Mariano Rajoy et le remplacer par un gouvernement de Mr
Sanchez.

Le 1er était conservateur, le 2e un social-démocrate.

Ce dernier a été élu par une conjonction d'opposition à Mr Rajoy, donc avec une majorité
extrêmement fragile, d'ailleurs, cette majorité, qui a certes permise le renversement du
gouvernement, n'a pas tenu très longtemps et Mr Sanchez a été obligé de provoquer de nouvelles
élections, pour essayer cette fois-ci d'obtenir une véritable majorité sur son propre nom.

Ce parlementarisme rationalisé a été tenté, peut-on dire, sous la 4e République, c’est-à-dire que la
Constitution de 1946, a essayé de mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes de ce type.

Mais de manière intéressante, cette tentative n'a pas été couronnée de succès, c’est-à-dire que les
mécanismes n'ont pas suffi à empêcher les crises ministérielles.

Pour un certain nombre de raisons tenant au contexte politique, tenant peut-être aussi au mode de
scrutin qui existait et de manière très intéressante des techniques identiques ont été prévues dans la
Constitution de 1958, mais cette fois-ci, elles ont fonctionné et elles ont permis l'existence de
majorité stable, de majorité relativement forte, ce qu'on appelle précisément le fait majoritaire.

On retrouvera cela dans les enregistrements du 2nd semestre.


Et précisément, cela permet de nous intéresser à une autre forme de régime parlementaire
contemporain, que l'on appelle parfois le régime parlementaire majoritaire.

Et ici, ce ne sont pas du tout des techniques constitutionnelles ou des techniques parlementaires, qui
permettent en quelque sorte à ce régime parlementaire de fonctionner, le succès vient plutôt de
l'existence et du poids des partis politiques et donc d'une majorité suffisamment cohérente pour
pouvoir gouverner.

Mais rappelons-le, ces 2 formes de parlementarisme ne sont pas nécessairement antagonistes et


peuvent très bien se concilier, c’est-à-dire qu’on peut très bien avoir un régime parlementaire fondé
sur une majorité fidèle, homogène, pour les raisons qu'on va indiquer dans quelques minutes, mais qui
dispose aussi de techniques, de moyens, relevant du parlementarisme rationalisé.

Alors, dans le régime parlementaire majoritaire, le gouvernement dispose d'une majorité qui est forte
ou lorsqu'elle ne l'est pas, d'une majorité disciplinée au sein de la Chambre, essentiellement celle qui
conditionne l'existence du gouvernement.

C’est-à-dire, pour reprendre ce vocabulaire, la Chambre basse.

Et pourquoi ce gouvernement dispose-t-il d'une majorité de ce type ?

Car, très souvent, à cause du mode de scrutin qui est choisi dans la Constitution ou par la coutume et à
cause aussi du fonctionnement des partis politiques.

Dans ce cas, le gouvernement et l'Assemblée, la Chambre basse, sont alors extrêmement liés entre
eux et le gouvernement, en réalité, va dominer l'Assemblée.

Et, cette collaboration des pouvoirs qui caractérise le régime parlementaire devient une forme de
confusion des pouvoirs, au profit de l'exécutif gouvernemental.

On aura sans doute deviné que le régime parlementaire majoritaire existe au Royaume-Uni.

C'est dans ce pays qu’existe finalement, une alliance extrêmement forte, entre le gouvernement et la
majorité de la Chambre des communes.

On a évoqué précédemment, le fait que les membres du gouvernement étaient, avant tout des « MP »,
des membres du Parlement, parce qu’il n’y a finalement pas de séparation entre le gouvernement et le
Parlement, donc il y a un certain paradoxe à ranger ce régime dans une classification des régimes qui
pratiquent la séparation des pouvoirs.

Mais rappelons que la séparation des pouvoirs c'est entre la tête de l'exécutif, c’est-à-dire le Roi, la
Reine ou peu importe, et le Parlement.

Alors, comment les choses fonctionnent elle au Royaume-Uni ?

D'abord, cette confusion des pouvoirs exige une discipline des partis et il existe au Royaume-Uni des
députés qui sont chargés de faire régner cette discipline, que les Britanniques appellent des
« whips », c’est-à-dire des « fouets ».

Ils sont chargés de rameuter les députés pour les faire voter et bien sûr dans le bon sens voulu par le
gouvernement, mais aussi dans le sens voulu par l'opposition, car il y a des whips de la majorité et des
whips de l'opposition.
Ce parlementarisme, on l'a dit, existe essentiellement au Royaume-Uni, en tout cas, il y en a une
illustration très significative, où le 1er ministre est le leader du parti majoritaire et où du coup le
Parlement n'est plus qu'une tribune pour l'opposition qui a très peu de chances d'obtenir gain de
cause, puisqu'elle est précisément l'opposition et donc elle est majoritaire, et le chef du parti, c'est
nécessairement le 1er ministre.

Pour autant, la vie politique britannique connaît quelques surprises, de manière plus récente les
élections législatives de 2010, par exemple, ont montré qu'il pouvait y avoir un gouvernement
comprenant une alliance entre 2 parties, faute de la majorité au profit d'un seul, une alliance entre
les conservateurs, ce que les Anglais appellent les « Tories », qui étaient dirigés par Mr Cameron et
les libéraux-démocrates.

Cela a fonctionné entre 2010 et 2015, les libéraux démocrates, qui sont un parti centriste, avaient un
peu hésité entre s'allier avec les uns et s'allier avec les autres, ils ont fait le choix de s'allier avec ce
qu'on pourrait appeler la droite de Mr Cameron.

Cette situation ne s’était d'ailleurs pas produite depuis des élections remontant à février 1974, ça n'a
d’ailleurs pas duré très longtemps, car en réalité aucun parti ne pouvait vraiment gouverner et de
nouvelles élections ont eu lieu dès le mois d'octobre 1974.

En 2010, elle a fonctionné, plus ou moins bien, mais cela a fonctionné pendant 5 ans, c’est-à-dire la
durée du mandat de la Chambre des communes.

Depuis 1895, si on met à part cette période 2010, 2015, 2 gouvernements seulement ont été
renversés par la Chambre des communes.

On voit donc bien que le système fonctionne bien.

Un gouvernement de Mr Ramsay Macdonald, en 1924.

Puis, plus près de nous, le gouvernement de James Callaghan, en 1979, d'ailleurs à une simple voix de
majorité.

Ce phénomène majoritaire se rencontre plus aisément dans les pays qui connaissent un système
bipartisan, c'est-à-dire des pays dans lesquels il y a 2 parties dominants, qui sont les seuls qui peuvent
avoir des chances de gouverner et de diriger un gouvernement.

Les autres partis, lorsqu'ils existent, ne peuvent servir en quelque sorte que d’appoints.

Et donc, c'est un système qui ne peut pas fonctionner lorsqu'il y a un éclatement des partis politiques
qui exigent des coalitions, qui conduisent à des coalitions, qui sont nécessairement fragiles pendant
toute la durée du mandat de l'Assemblée concernée.

Donc, 2 parties, facilitées aussi par le mode de scrutin britannique, peut-on dire, et qui est le mode de
scrutin majoritaire à 1 tour.

Dans le mode de scrutin britannique, les choses sont très simples, remporte l'élection celui qui a
obtenu le plus de voix à l'issue du 1er tour, quand bien même il n'y aurait que 3 voix d'écart entre le 1er
et le 2e , c'est donc le 1er qui l'emporte.

Les Britanniques ont d’ailleurs une expression pour désigner ce mode de scrutin qui dit :

« Le premier qui passe le poste à gagner. »


Le « poste », c'est en fait le poteau qui délimité l'arrivée des courses de chevaux et on sait que les
Britanniques aiment beaucoup les courses de chevaux et les chevaux en général.

Et donc, ce mode de scrutin est très injuste, bien sûr, parce que l'opposition est réduite à rien, en
tout cas dans une circonscription donnée, quand bien même elle aurait presque autant de voix que le
vainqueur, elle n'a aucune chance d'occuper le siège.

C'est donc un système très injuste, mais très efficace qui permet la constitution de majorité.

Le système est un peu différent dans les autres pays.

Ça a été le cas pendant un certain nombre d'années en Allemagne fédérale, jusqu'à ce que finalement,
il y ait une forme d'éclatement des partis politiques, qui obligent les partis, soit à organiser des
coalitions, soit à s'allier avec d'autres partis politiques.

Dans une moindre mesure, c'est aussi le cas de la France de la 5e République, mais essentiellement
depuis 1962, lorsque est apparu ce qu'on appelle le « fait majoritaire », c'est-à-dire l'existence d'une
majorité stable et d'une majorité cohérente, d'une majorité qui reste fidèle au gouvernement qui est
en principe issu d'elle.

8. LA DIVERSITE DES REGIMES PARLEMENTAIRES

Les 2 cas qui viennent d'être présentés montrent donc une très grande diversité des régimes
parlementaires dans le monde.

On a dit que le régime parlementaire était né au Royaume-Uni, on l'a montré, mais que ce régime
parlementaire a été exporté dans de nombreux pays, parfois d'ailleurs par le mécanisme de la
colonisation.

C’est-à-dire, que lorsque les Anglais, les Britanniques, se sont installés quelque part, ils ont
généralement transplanté un régime parlementaire, lorsque bien entendu la démocratie existait.

Et ces régimes qui se sont développés dans des pays, sous des climats et des continents très
différents, ont connu des évolutions également différentes, diversifiées.

En réalité, il y a plusieurs formes de régimes parlementaires, on l'a dit et redit.

Et donc il y a un modèle, qui est le modèle britannique, si tenté encore une fois qu'il y ait un modèle.

Puis, il y a des imitations ou des copies.

Et très souvent, quand tu il y a des copies, celles-ci sont moins bonnes que l'original.

Ce régime parlementaire s'est répandu en Europe, au 19e siècle, dans les monarchies en France, on l'a
un peu évoqué, on le retrouvera dans les enregistrements consacrés à l'histoire constitutionnelle.

Aussi en Belgique, à peu près à la même époque, au Pays-Bas et dans les pays d'Europe du Nord.

Ce régime parlementaire s'est développé au lendemain des guerres, au lendemain notamment de la


guerre de 1914-1918, dans un certain nombre de pays d'Europe centrale, aussi dans certains pays
après la 2nde guerre mondiale, notamment chez ceux qu'on peut appeler les « vaincus », comme l'Italie
et l'Allemagne fédérale, puis dans les démocraties qui sont apparues ou réapparues dans les années
1970.

On pense aux 2 pays de la péninsule ibérique, c’est-à-dire le Portugal et l'Espagne, dans l'ordre
chronologique.

Et puis ce régime parlementaire s'est implanté dans les nouveaux États indépendants d'Afrique, on
parlait tout à l'heure de la colonisation, c’est-à-dire notamment dans les pays qui avaient été sous
domination britannique, qui ont formé ce qu'on appelle le « Commonwealth ».

Alors c'est vrai, notamment d'un certain nombre de pays d'Afrique noire.

Mais c'est vrai aussi, alors ce n'est pas les mêmes conditions politiques, mais en Australie, au Canada,
en Nouvelle-Zélande.

D'ailleurs, ces 3 pays, rappelons-le, ont conservé comme chef de l'État, le Roi ou la Reine, régnant à
Londres.

Il n'y a que l'Afrique du Sud parmi les grands pays qui est devenue une République précisément, qui
s'est débarrassé, peut-on dire, de la couronne britannique comme chef de l'État.

Car il s'agit vraiment là d'un chef de l'État nominal qui n'exerce pas vraiment de pouvoir sur
l'Australie, le Canada ou la Nouvelle-Zélande.

Dans les pays d'Afrique noire, ces régimes parlementaires n'ont pas tous très bien évolué et certains
ont fini par connaître des régimes autoritaires, des régimes qu'on pourrait appeler de
présidentialiste, pour reprendre un terme que l'on a déjà utilisé, quand ce n'était pas dans certains
cas des dictatures plus ou moins sanglantes.

Ce régime parlementaire est donc plutôt adapté à des pays assez développés sur le plan économique,
qui ne connaissent pas des crises majeures sur le plan économique et social, et aussi, il est adapté à
des pays qui sont en paix.

Les guerres généralement, sont propices à la concentration des pouvoirs, généralement au profit d'un
seul, et le régime parlementaire ne fonctionne pas toujours très bien en période de guerre.

Le Royaume-Uni, pendant la 2nde Guerre mondiale, a montré qu’il y avait une exception de taille
précisément, car le régime parlementaire a continué d'exister malgré cette guerre.

On en trouve aussi, des traces de ce régime parlementaire, des éléments, dans les pays d'Europe
centrale et orientale, après 1989 et la chute du mur, mais avec des adaptations, avec des formes
diverses.

De la même manière, le régime parlementaire ne se conçoit que dans des pays où il y a une démocratie
politique, c'est-à-dire l'existence du pluralisme.

Il ne peut pas y avoir de régime parlementaire dans des pays à parti unique, il faut au moins qu'il y ait
un bipartisme, avec 2 parties, qui peuvent alterner avec une opposition et une majorité, l'opposition
ayant vocation à devenir la majorité.

D'ailleurs, dans le régime britannique, l'opposition forme ce qu'on appelle le « Shadow Cabinet »,
c’est-à-dire le « cabinet fantôme », composé de personnes qui ont vocation à remplacer le
gouvernement en place.
C’est-à-dire, que du jour au lendemain, si le gouvernement devait tomber, il y a alors une majorité de
rechange, qui était l'opposition, et des personnes qui peuvent occuper immédiatement les places,
puisqu’il y a un « shadow » ministre de l'Education, un « shadow » ministre de la Justice et un
« shadow » Premier ministre, qui est le leader du parti de l'opposition.

Alors précisément, puisque l'on parle du Royaume-Uni, on sait que depuis 2016, la vie politique y a été
dominée par le référendum sur le Brexit et sur le changement de 1er ministre, puisqu’à Mr Cameron a
succédé Mme Theresa May, depuis le 1er juin 2016.

Et ce gouvernement dirigé par Mme May est occupé depuis cette date, par les négociations relatives à
la sortie du Royaume-Uni de l'UE, ce qui a plutôt eu tendance à paralyser un peu la vie politique
britannique.

On a évoqué précédemment aussi le fait que Mme May a voulu retrouver une majorité en provoquant
des élections législatives en juin 2017, mais qu'elle malheureusement perdue.

Donc, pour l'instant, la vie politique est un peu suspendue à l'avenir du Royaume-Uni dans le cadre ou
non de l'UE.

Prenons le cas de l'Allemagne, autre grand régime parlementaire, dans lequel les parlementaires, les
députés, les membres du Bundestag, sont élus pour 4 ans, des élections assez fréquentes et une vie
politique qui a été longtemps dominée par la « CDU », le parti chrétien-démocrate, conservateurs.

Puis les sociaux-démocrates, le « SPD », qui était l'équivalent d'un parti socialiste.

L'Allemagne fédérale qui connaît un mode de scrutin un peu compliqué, parce qu'il y a une addition
d'un mode de scrutin majoritaire et d'un mode de scrutin proportionnel, a connu plusieurs périodes de
ce que les Allemands appellent une « grande coalition ».

C’est-à-dire un gouvernement dans lequel il y a des sociaux-démocrates et des chrétiens-démocrates.

Ça a été le cas entre 2013 et 2017.

Et ce système, qui peut apparaître comme parfaitement démocratique, parce qu’aucun parti politique
ne disposait d'une majorité suffisante au sein de l'Assemblée, conduit malgré tout à ce que les points
de vue se rapprochent et que ceux qui ne sont pas d'accord avec la grande coalition, vont rechercher
des idées et des partis politiques, qui se situent à chaque bord de l'échiquier politique.

Soit vers la gauche, plus extrême, soit vers la droite extrême.

Et pour prendre le cas de l'Allemagne, soit vers un parti qui s'appelle « Die Linke », qui veut dire
simplement « La gauche », soit vers un nouveau parti qui s'appelle « l'Alliance pour l'Allemagne », dont
les lettres sont « AFD » parce qu’en fait ça veut dire « Allianz für Deutschland », qui est un parti
d'extrême droite.

Ces partis, bien sûr, fragilisent ceux qu'on appelait les partis de gouvernement, c’est-à-dire les 2
grands partis historiques qu'on a mentionnés.

Et donc il y a eu des élections en 2017, en Allemagne fédérale, mais qui n'ont pas permis l'émergence
d'un gouvernement pendant de nombreux mois, malgré des tentatives de coalition différentes et
variées, on passera les détails.

Et finalement, en mars 2018, une grande coalition a été reconstituée, non sans mal, parce que les
points de vue sont quand même un petit peu différent.
Et puis, l'Allemagne fédérale étant confrontée à un problème très délicat, qui est celui de la place des
migrants, de l'arrivée des migrants en Allemagne, cette question a un peu fragilisée la vie politique et
du coup la majorité et le gouvernement.

C'est pour des raisons différentes aussi, la situation de l'Italie s'est fragilisée.

Il y a eu des élections en mars 2018, avec une victoire de 2 parties un peu opposés en apparence, 2
partis que l'on qualifie d'anti système, c’est-à-dire qui se situaient en dehors des partis habituelles,
traditionnels, qui existaient en Italie, même s'il n'y a jamais eu de bipartisme à l'anglaise ou à
l'allemande en en Italie.

Et donc 2 parties, l'un qui s'appelle le « Mouvement 5 étoiles », qui mélange à la fois des idées très
novatrices et d'autres beaucoup plus réactionnaire et hostile à une certaine forme de construction
européenne.

Et puis un autre parti qui s'appelle « la Ligue », qi est l'héritière d'un parti qui s'appelait la « Ligue du
Nord », qui comme son nom l'indique, représentait, défendait les intérêts des régions du Nord de
l'Italie, contre le Sud, car on le sait du point de vue économique, une des grandes questions de la vie
italienne, économique, politique, sociale.

Et il y a donc un régime parlementaire, avec un président du Conseil, qui est le chef du gouvernement.

Et les 2 partis vainqueurs des élections, qui sont arrivés en tête, qui à eux 2, peuvent constituer une
majorité, ont choisi un président du Conseil neutre, en tout cas quelqu'un qui pouvait essayer de
d'arriver à une unité entre ces 2 partis.

C’était Mr Giuseppe Conte et aujourd’hui Mme Giorgia Meloni.

Mais il y a 2 vice-présidents qui sont les hommes forts, peut-on dire du gouvernement, l'un qui
représente le mouvement 5 étoiles et l'autre le parti qui s'appelle la Ligue.

Et en Italie, le Président de la République, car c'est une République et il y a bien un chef de l'État, qui
est un président, mais qui n'est pas élu au suffrage universel direct, il n'a qu'un rôle très minime au
sein de la vie politique, il a essentiellement un rôle un peu honorifique ou parfois de garde-fous, dans
le sens où il avait refusé, lors de la constitution de ce gouvernement Conte, de nommer un ministre qui
était trop hostile à l'UE, du moins à ses yeux.

Et puis le dernier pays dont on peut parler pour terminer ce tour d'horizon des régimes
parlementaires, l'Espagne, dont il a été dit qu’elle était confronté au problème de la Catalogne depuis
quelques années, notamment depuis 2017, cette crise a affaibli le gouvernement central espagnol.

Et comme on l'a évoqué précédemment, cela a conduit à une motion de censure, au renversement du
gouvernement de Mr Rajoy et à la désignation d'un gouvernement dans le cas de la motion de défiance
constructive, mais d'un gouvernement à la tête d'une coalition de partis.

Et cette coalition a montré qu'elle était très fragile et elle a échoué, donc il y a des élections
législatives en Espagne nouvelle qui pourront, peut-être ou non, permettre l'émergence d'une majorité
de gouvernement.
VII. L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE FRANCAISE 1789-1814

1. LES PARTICULARITES DE L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE ET SES


ORIGINES

Les 4 enregistrements qui vont suivre sont consacrés à l'histoire constitutionnelle française à partir
de 1789, jusqu'à 1958, puisque l'après 1958 fait partie du programme traditionnellement du 2nd
semestre.

Le 1er enregistrement est consacré à la période 1789-1814.

Alors on pourra discuter, éventuellement, les choix des dates qui ponctuent et qui rythment ces
différentes périodes.

Il peut y avoir des hésitations quant aux choix qui sont opérés.

Evidemment, il y a une dimension pédagogique de clarté dans ses choix.

Mais on peut constater malgré tout que la période 1789-1814 est marquée par une profonde unité, qui
est celle de la Révolution, peut-on dire, et de ses suites.

Car, même si on peut le discuter longuement chez les historiens, le régime napoléonien trouve quand
même un certain nombre de ses fondements dans la Révolution française, même si, comme on le verra,
cette Révolution française est relativement multiple.

Il s'agit donc de retracer les grandes lignes d'une évolution, les lignes de force de l'histoire
constitutionnelle, de montrer ce qu'on peut appeler des constantes, mais aussi de montrer
d'éventuelles ruptures.

Continuité et discontinuité, peuvent rythmer en quelque sorte ces différentes périodes.

Il n'est pas question évidemment d'étudier dans le détail chacune des constitutions, on verra qu'il y a
eu quand même quelques-unes dans l'histoire française, mais de replacer ces constitutions dans leur
contexte, afin de retrouver éventuellement des lignes de force.

C'est d'autant plus vrai que chaque régime politique, en France comme ailleurs bien entendu, réagit
par rapport à son ou à ses prédécesseurs.

C’est-à-dire, par rapport au régime précédent.

Et le système constitutionnel, que l'on peut observer à un moment donné, est le résultat d'une
évolution, d'une somme finalement de réactions à la fois positives par rapport au passé, c'est-à-dire
l'acceptation du passé, un héritage si l'on préfère, mais aussi des réactions négatives, c'est-à-dire le
rejet, la modification dans le but d'améliorer le régime politique précédent.

Les exemples sont nombreux et on les retrouvera au fil de ces enregistrements.

Pour montrer ces évolutions, il sera malgré tout nécessaire de respecter la chronologie depuis la fin
de l'ancien régime, jusqu'au 4 octobre 1958, et donc de respecter les découpages qui seront ainsi
proposés.

La question en matière d'histoire et d'histoire constitutionnelle notamment, est déjà celle du point de
départ.
À partir de quand peut-on parler d'histoire constitutionnelle ?

Alors, il y avait bien une société politique sous l'ancien régime, il y avait bien des pouvoirs politiques, il
existait peut-être une Constitution coutumière, c'est-à-dire un ensemble de règles, pour
l'essentielles non écrites, et que l'on appelle d'ailleurs des lois fondamentales du Royaume qui
structuraient essentiellement d'ailleurs la transmission du pouvoir Royal, qui avait fixé ces règles.

Un certain nombre d'interdictions, par exemple, celles des femmes pour occuper le trône de France,
qu'on appelait la loi « salique ».

Parce que cette loi trouverait son origine dans une vieille règle des francs saliens, à la fin de l'Empire
Romain.

Donc sans doute une société politique, mais sans doute pas un droit constitutionnel conçu comme un
ensemble de règles de droit régissant les rapports entre les gouvernés et les gouvernants.

Pas de droit constitutionnel non plus, parce qu'il n'y avait pas de sanction au sens juridique du mot en
cas de non-respect de ces règles juridiques.

Les règles coutumières de l'ancien régime concernaient l'État, les titulaires du pouvoir, mais
certainement pas les sujets, qu’on n’appelait évidemment pas des citoyens.

Le pouvoir était limité par le droit, ce qui est une condition nécessaire pour qu'il y ait un système
juridique, mais cette limitation ne concernait que les règles relatives à la transmission du pouvoir.

Autre raison de commencer cette évolution historique en 1789, que c'est sous la Révolution française
que sont nées les principes constitutionnels actuellement applicables, plus ou moins applicables, mais
en tout cas qui sont dans le fonds de commerce, peut-on dire, du droit constitutionnel.

Des principes tels que la séparation des pouvoirs, tels que l'idée d'une déclaration des droits
précédant le texte constitutionnel, tels que celui de la primauté de la Constitution sur les autres
règles de droit.

De la même manière, les réflexions sur la souveraineté, les réflexions sur le suffrage, universel ou
non, date finalement de cette période de la Révolution française.

On rappellera que lorsqu'on parle de la Révolution, en pensant à 1789, on doit l’écrire avec « R »,
même s'il y a eu d'autres révolutions en France avant celle-là, mais aussi après.

Autre caractéristique, c'est que la France est un pays, dit-on, très consommateur de constitution.

C’est-à-dire, d'un pays qui a mis en place, pas toujours appliqué, mais mis en place un certain nombre
de constitutions.

C'est une grande différence par rapport aux pays, qu'on peut appeler rapidement anglo-saxons.

Qu'il s'agisse du Royaume-Uni, on a montré comment le système politique Britannique s'était


construit, certes, avec une Constitution essentiellement coutumière, mais une seule.

Puis on a montré aussi, que le régime américain datait, constitutionnellement parlant, de 1787 et que
cette Constitution était toujours en vigueur.

S'agissant de la France, il y a même une incertitude quant au nombre de constitutions.


De 1789 à 1958, il y aurait eu 14 constitutions, 3 sous la Révolution, 3 sous le Consulat et l'Empire, 2
Chartes, plus la Constitution de 1815 qu'on appelle la Constitution des 100 jours, plus les constitutions
de 1848, 1852, 1875, 1946 et 1958.

Mais ce chiffre de 14, on n'est pas obligé de le retenir d'ailleurs, prend en compte des constitutions
qui n'ont pas été appliquées.

Comme celle de 1793, qu'on va appeler celle de l'an 1.

Ou celles qui ont été fort peu appliquées, le texte de 1815, qu'on appelle donc des 100 jours.

Ou simplement, des textes qui n'étaient que des modifications de Constitutions initiales, en 1802, en
1804 à l'époque Napoléonienne.

Mais en même temps, ce chiffre ne prend pas en compte les régimes qui n'étaient pas organisés par
une Constitution.

Comme le gouvernement révolutionnaire de 1793-1794,

Ou les gouvernements provisoires de 1848, 1870,

Puis on peut aussi citer celui de 1944.

Et puis ce chiffre ne tient pas non plus compte des changements coutumiers à l'intérieur de
l'application d'un même texte.

Notamment pas, par exemple, de ce qu'on a déjà appelé ensemble et qu'on retrouvera bientôt, la
Constitution Grévy à partir de 1879.

Donc une très grande instabilité constitutionnelle, notamment par rapport aux États-Unis, on l'a dit.

D'autant plus que les changements de textes constitutionnels se sont faits en France de manière non
pacifique, pour la plupart des cas.

C’est-à-dire, des changements qui ne respectaient pas les formes prévues par les textes antérieurs,
qui pouvaient prévoir des évolutions constitutionnelles, mais dans la quasi-totalité des cas, les
changements de Constitution ne se sont pas faits en appliquant ces règles relatives aux changements
de Constitution, à la modification de Constitution.

Lorsqu'il y a eu des révisions de Constitution, ce fut parfois une révision totale, c’est-à-dire qu'il ne
s'agissait pas de modifier certains articles de la Constitution, mais de changer complètement le
texte.

Ce fut le cas en 1958, pour prendre l'exemple le plus récent à ce jour.

Mais cette instabilité des contextes constitutionnels, qui est réelle, est parfois plus apparente que
réelle.

D'abord parce qu’un certain nombre de personnages de l'histoire ont pu rester en place, à travers les
régimes, à travers les institutions, certains ont traversé même presque un siècle, donc des régimes
très différents.

On peut citer le cas de l’Abbé Sieyès , on peut citer Talleyrand, on peut citer Adolphe Thiers, on peut
citer Clémenceau, on peut citer le général De Gaulle et puis on peut citer François Mitterrand.

Tout cela, dans l'ordre chronologique, peut-on dire de leur apparition sur la scène politique.
Et puis, en dehors des hommes, et on a vu que dans cette liste qu’il n'y avait pas de femme, mais des
hommes au sens générique du mot.

À côté de cela, les institutions ont pu perdurer, malgré les régimes, des institutions politiques ou
administratives, qui ont d'une certaine façon survécu aux tempêtes.

Comme le Conseil d'État, comme les grandes administrations, comme les administrations locales, à
l'image des Préfets.

Et donc des auteurs, ont pu souligner la grande continuité administrative, c’est-à-dire les institutions
administratives qui ont traversé les décennies et même parfois des siècles, derrière une apparente
discontinuité constitutionnelle.

Alors il faut faire très attention lorsqu'on fait de l'histoire constitutionnelle, a essayé d'éviter de
tout envisager sous l'angle de la Constitution actuelle, de ne montrer les évolutions, les institutions et
les problèmes, que par rapport à ceux que l'on peut connaître à l'heure actuelle.

Évidemment, chaque régime avait sa logique, chaque régime avait son identité et chaque régime n'est
pas simplement une sorte de préliminaire du régime de la Constitution de 1958.

Il y a donc un travers dans lequel il ne faut pas tomber, même si parfois on est un peu tenté de le
faire, ne serait-ce que par faciliter ou dans une tentative de rapprochement ou de comparaison.

Y a-t-il d'ailleurs une évolution qui a un sens, qui a une logique dans toute cette histoire
constitutionnelle ?

C'est parfois difficile à trouver.

Même le thème de la séparation des pouvoirs, qui est un thème essentiel, on l'a vu, n'a pas été
toujours au cœur même des différents régimes politiques.

Et, la France a connu toute une série, toute une couleur, enfin tout un ensemble de couleurs dans une
palette de régimes politiques, depuis un régime d'Assemblée, jusqu'au régime présidentialiste,
confinant parfois un régime très autoritaire.

On pense au régime Napoléonien.

Il y a malgré tout un mouvement vers plus de démocratie, vers le suffrage universel, mais ce n'est pas
propre à la France, si on compare à des pays comparables.

Et puis aussi parce que ce mouvement correspond un peu à l'évolution des sociétés modernes.

Voilà donc, si vous voulez, ces particularités de l'histoire constitutionnelle, qui trouve ses fondements
dans l'ancien régime, car évidemment, tout n'a pas commencé en 1789.

L'ancien régime, d'ailleurs le terme est lui-même une espèce de reconstruction à partir de la
Révolution française, était organisée autour du pouvoir Royal, qui avait connu à peu près 10 siècles de
stabilité politique.

Ça ne veut pas dire d'ailleurs, qu'il n’y a eu ni guerre, ni crise, ni autre, mais en tout cas la monarchie
était restée en place, peut-on dire, avec un Roi qui était devenu un Roi héréditaire, un Roi absolu,
même si ces caractères sont apparus relativement tard dans l'histoire.

L'hérédité, par exemple, n'est acquise qu'à partir du 13e siècle, après des mécanismes qui
ressemblaient un peu à de l'élection, du Roi.
La monarchie Capétienne, dont l'acte de naissance est 987, va essayer de se servir des institutions
féodales pour asseoir l'autorité royale, en faisant un peu du Roi une sorte de suzerain des suzerains,
c’est-à-dire d’un grand seigneur féodal, au-dessus des autres grands seigneurs féodaux.

Et c'est au 14e siècle que les légistes du roi, c’est-à-dire les juristes, les conseillers du Roi, qui
étaient essentiellement des juristes, vont développer l'idée de souveraineté.

Mais il faut citer le nom de Jean Bodin qui au 16e siècle, va écrire un ouvrage, « Les 6 livres de la
République », c’est-à-dire sur l'État, pour essayer de définir et de justifier l'existence d'une
monarchie qui allait petit à petit devenir absolue, jusqu'à Louis XVI.

Ce pouvoir du Roi, bien sûr, est caractérisé par la confusion des pouvoirs, qui veut que le Roi dispose
de tous les pouvoirs dans l'exercice législatif, exécutif et même juridictionnel.

Et le Chancelier Lamoignon, qui était donc l'équivalent d’un ministre de la Justice, de la monarchie
d'ancien régime en 1787, disait :

« Au Roi seul appartient la puissance souveraine dans son Royaume. »

Les pouvoirs exécutifs, administratifs, sont concentrés dans les mains du Roi, qui est représenté dans
les provinces par des Intendants, qui sont un peu l’origine des Préfets.

La Justice est rendue au nom du Roi, notamment au sein d'institutions, pour lesquels il ne faut pas
commettre de confusion, qui sont des Parlements.

Mais des Parlements d'anciens régimes, ce sont des Tribunaux supérieurs, l'équivalent de Cours
d'appel.

Et ces Parlements avaient une fonction qui était d'enregistrer les édits royaux, c’est-à-dire les actes
du Roi.

Les enregistrer, ça voulait dire les inscrire dans des registres et parfois les Parlements ont refusé
d'inscrire, d'enregistrer, certains édits royaux avec lesquels ils étaient en désaccord.

D'où de nombreux conflits à la fin de l'ancien régime entre les Parlements, et notamment celui de
Paris, et le Roi de France.

On en trouve notamment une trace très sanglante, la période de la « fronde », à la fin des années
1640, avant l'accession au trône de Louis XIV.

Et c'est par exemple, Louis XV, qui a été confronté à une crise de cette sorte en 1766, qui était venu
devant le Parlement de Paris lors d'une séance qui s'appelle la séance de la « flagellation ».

Ce qui indique en fait que le Roi a voulu, en quelque sorte, rétablir l'ordre et montrer sa toute-
puissance, d'où le mot de flagellation.

Et Louis XV s'est adressé au Parlement de Paris en rappelant ;

« Où se trouve le pouvoir ! », à l'occasion d'une séance de lit de justice.

Le lit de justice est donc une séance solennelle, au cours de laquelle le Roi vient en personne au sein
du Parlement de Paris et impose sa volonté aux parlementaires, qui refusaient d'enregistrer un édit
ou une ordonnance royale.

Et ce Louis XV s'est adressé dans ces termes au Parlement de Paris :


« C'est en ma personne que réside l'autorité souveraine, dont le caractère propre et l'esprit de
conseil, de justice et de raison. C'est à moi seul qu'appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et
sans partage. L'ordre public tout entier émane de moi. »

Alors pourquoi un lit de justice ?

Parce que le Roi venait siéger au cours de cette séance solennelle sur un ensemble de coussins qui
pouvaient ressembler plus ou moins à un lit.

Cet absolutisme du Roi de France, se combine avec le caractère divin de la monarchie française, qui
faisait du Roi le représentant de Dieu sur terre et à qui les sujets devaient obéissance au même titre
qu'à Dieu.

Il n'y a pas de constitution écrite.

Il n'y a que des lois fondamentales, encore une fois, dont l'essentiel sont essentiellement des lois
coutumières.

Mais ces lois, malgré tout, pouvaient s'imposer au Roi.

On se rappelle qu’Henri VI par exemple, a dû abjurer la religion protestante, ce par une formule
célèbre selon laquelle :

« Paris vaut bien une messe parce que les Rois de France devaient être catholiques. »

Plus que des limitations de droit, il existait des limitations de fait, des limitations concrètes.

La présence de ce qu'on appellerait à l'heure actuelle des corps intermédiaires, c’est-à-dire des
organes qui s'interposent entre le Roi et la Nation.

L'existence de 2 ordres privilégiés, la noblesse et le clergé, qui, certes avaient été un peu
domestiqués, surtout pour la noblesse, à partir notamment de Louis XIII, mais qui restaient encore
puissant en ces ordres, au moins sur le plan financier.

Et puis le pouvoir judiciaire était malgré tout relativement indépendant, comme l'ont montré les
différentes révoltes des Parlements au 17e siècle.

Et puis il y avait des pouvoirs locaux car il y avait des provinces, qui ont bénéficié d'une relative
autonomie, des villes également qui bénéficiaient de ce qu'on appelait des franchises, c’est-à-dire des
libertés.

Quant aux Tiers- État, c’est-à-dire le 3e ordre, en dehors et à côté de la noblesse et du clergé.

Et « tiers » ne veut pas dire le 3e, comme le chiffre peut le signifier de bonne vue arithmétique, mais
en fait, ça signifie ce qui n'est ni noble ni clair, c’est-à-dire autre chose, et ce tiers État représentait
98% de la société, mais lui-même ce tiers-État était très peu homogène socialement.

Il y avait des grands bourgeois et il y avait des paysans journaliers qui se vendaient à des
propriétaires pour une journée de travail.

La lenteur des moyens de communication ne facilitait pas non plus la circulation des idées, pas non plus
la circulation des instructions du pouvoir et donc le pouvoir Royal ne pouvait pas être véritablement
absolu, par rapport à des régimes totalitaires dans lesquels les ordres sont exécutés dans la seconde,
mais parce que les moyens techniques, le permettent.
Et puis il existait des Conseils et notamment depuis Philippe Lebel, c'est-à-dire depuis 1302.

Ce qu'on appelait des États généraux, qui rassemblaient des députés des 3 ordres, de la noblesse, du
clergé et du tiers-État.

Et à l'occasion des réunions des États généraux, les sujets adressaient des cahiers de doléances,
ordres par ordre, cahiers de doléances de la noblesse, du clergé, etc.

Et les États généraux réunissaient donc ces 3 ordres autour du Roi, mais ces 3 ordres devaient siéger
séparément, on ne mélangeait pas en quelque sorte les éléments de la société.

Ces États généraux, d'ailleurs, n'avaient que des pouvoirs consultatifs pour donner des avis au Roi et
celui-ci était libre de les suivre ou non.

Normalement, les États généraux devraient consentir l'impôt pour le Roi, qui avait toujours besoin
d'argent, ne serait-ce que pour mener la guerre.

Et donc on voit que la situation est très différente du système britannique, qu'on a déjà décrit, car
en 1789, il y avait déjà 2 Assemblées au sein du Parlement britannique.

On était loin de tout cela dans la France de la fin de l'ancien régime.

Les États généraux s'étaient réunis pour l'avant dernière fois en 1614, au lendemain de l'assassinat
d'Henri IV.

Et jusqu'en 1789, il ne s'était rien passé s'agissant des Etats généraux.

Mais la monarchie, c’est-à-dire Louis XVI, avait un cruel besoin d'argent, la monarchie était en dette,
en quelque sorte, la cassette royale était vide, donc Louis XVI est contraint de convoquer des États
généraux en 1789, avec une difficulté, c'est que plus personne ne se souvenait exactement comment
ça devait se passer, quelles étaient les règles qui devaient s'appliquer.

Et donc il a fallu, en quelque sorte, retrouver la manière dont les choses devaient fonctionner.

Ce sont ces Etats généraux réunis à Versailles au mois de mai 1789, qui vont donner naissance à la
Révolution française.

2. LA REVOLUTION DE 1789

Tout commence donc le 5 mai 1789 par la réunion des Etats-généraux, solennelle, à Versailles, en vue
de ce que les hommes de l'époque appelaient, « la régénération de l'État », parce que la monarchie
semblait toute puissante et personne n'avait envisagé que quelques 2 ans après elle serait mise à bas.

Le chiffre des représentants du tiers-État avait d'ailleurs été doublé, par une décision royale du 24
janvier 1789, ce qui veut dire que les membres du tiers-État étaient aussi nombreux que ceux des 2
ordres privilégiés réunis.

Mais ça ne changeait pas grand-chose finalement aux décisions, puisque le vote était toujours par
ordre et non pas par tête, ce qui continuait de poser le problème de la délibération séparée, chaque
ordre, en quelque sorte, discutant de son côté.
On a évoqué la question des cahiers de doléances qui ont été rédigés au cours de l'hiver 1788-1789,
d'où émergeait :

Une volonté de maintien de la monarchie,

Mais aussi un souhait en faveur de l'égalité juridique, l'égalité devant la loi,

La volonté de rédiger une véritable constitution écrite dont on pensait qu'elle serait la solution aux
différents problèmes politiques,

Le souhait d'une réforme administrative sur de nouvelles bases, notamment des circonscriptions, des
découpages territoriaux beaucoup plus rationnels que ceux qui existaient et qui étaient le produit du
passé,

Et puis la nécessité de loi claire et simple, voilà un souhait d'ailleurs, qui n'a pas pris une ride de plus
200 ans après.

Ces états généraux, réunis pour conseiller le Roi, vont procéder à une véritable révolution juridique, à
un coup d'état juridique, puisqu’ils vont se transformer en Assemblée nationale constituante.

C'est en effet le 17 juin 1789, après quelques hésitations, parce qu'on voit qu'il ne s'est pas passé
grand-chose entre le 5 mai et le 17 juin, que le tiers-État, qui était composé de beaucoup de juristes,
d’avocats, de journalistes aussi, va décider de manière unilatérale et bien entendu contre la volonté du
Roi, de se transformer et de se déclarer en Assemblée nationale.

C’est-à-dire, en tant que représentant de la nation tout entière.

Et on trouve à l'origine de cela, quelqu'un qui va jouer un rôle très important dans les 10 années qui
vont suivre, qui était l'Abbé Sieyès.

Et c'est lui qui va pousser, en quelque sorte, ces collègues à ce que cette Assemblée devienne une
Assemblée nationale.

Le tiers-État avait évidemment convié, invité les 2 ordres privilégiés, les nobles et les clercs à venir la
rejoindre, mais quelques membres du clergé, c'était déjà joint à eux.

Et dans le texte du 17 juin, il est fait référence à la « nation française », censée être regrouper et à
une forme de souveraineté nationale.

C'est un véritable coup d'État, on insiste dessus, juridique.

Le roi, poussé par la noblesse, va chercher à annuler les décisions du 17 juin, va interdire les
prochaines réunions de l'Assemblée.

Cette Assemblée, n'ayant pas d'endroit pour siéger en quelque sorte, va se réfugier dans une salle qui
est la salle du jeu de paume (l'ancêtre du tennis).

Elle va prononcer un texte que l'on connaît bien dans l'histoire qui est :

« Le serment du jeu de paume. »

Il consistait à ne pas se séparer tant que le Royaume de France ne sera pas doté d'une Constitution
affermie sur des fondements solides.

Donc, voilà une sorte de coup de force, encore une fois.


Quelques jours après le serment du jeu de paume en date du 20 juin, le Roi cède le 23 juin, en
ordonnant la réunion en ordre séparé.

Ce à quoi Mirabeau répond :

« Nous ne quitterons nos places que par la puissance des baïonnettes. »

Et le 27 juin, le Roi se résout à la fusion des ordres, ce qui entérine le coup d'État du 17 juin.

L'Assemblée nationale devient véritablement « nationale » et sa 1re tâche va être de vouloir rédiger
une Constitution.

Et pour cela d'ailleurs, elle établit un plan de Constitution dans un comité chargé de rédiger la
Constitution.

Un comité divisé entre, on va dire, des partis politiques.

D'une part, ceux qu'on va appeler les « monarchiens », c’est-à-dire les partisans de la monarchie, mais
d'une monarchie à l'anglaise, d'une monarchie constitutionnelle limitée, qui sont ce qu'on pourrait
appeler des modérés.

Et puis en face d'eux, peut-on dire, une minorité de « patriotes », c'est le nom, qui s'opposent aux
monarchiens, et qui vont s'opposer sur différentes questions, notamment sur le bicaméralisme.

Les patriotes vont être favorables à une seule Assemblée, avec l'idée que la souveraineté ne se divise
pas, alors que les monarchiens, inspirés par la Grande-Bretagne, vont souhaiter une forme de
bicaméralisme avec une Chambre des nobles et puis une Chambre des communes.

Et dans ces patriotes, on trouve l'Abbé Sieyès, on trouve Le Chapelier, on trouve aussi Talleyrand qui
était pourtant à la fois un noble et un évêque, mais qui était un privilégié, qui avait rejoint le camp,
peut-on dire, du tiers-État.

Et ce Comité de constitution va décider que la future Constitution serait précédée d'une déclaration
des droits de l'homme et du citoyen.

3. LA DECLARATION DES DROITS DE L’HOMME ET DU CITOYEN

La discussion de cette déclaration des droits de l'homme va durer une partie de l'été 1789 et va
s'achever, au départ provisoirement, mais en réalité définitivement, le 26 août 1789.

C’est-à-dire, que à ce jour-là, les travaux de rédaction de la déclaration vont être suspendus, parce
que l'Assemblée a d'autres questions à régler et tout le monde pensait sans doute que ce texte allait
être repris par la suite, du moins sa discussion.

Or il n'en fut rien et donc le texte arrêté le 26 août est le texte que l'histoire nous a légué.

Cette DDHC de 1789 est une déclaration de droit naturel.

C'est à dire un texte qui ne crée pas des droits, mais qui reconnaît l'existence de droits qui sont le
résultat, en quelque sorte, du contrat social.
La DDHC est très inspirée par la philosophie du 18e siècle, celle du contrat social qu'on trouve dans
l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau bien sûr, mais aussi dans la doctrine contractualiste, que l'on peut
faire remonter jusqu'à John Locke, que l'on a rencontré à propos de la théorie de la séparation des
pouvoirs.

Ce texte se voulait comme un préambule de la future Constitution, devait être inscrite en tête de la
future Constitution et donc elle n'était pas conçue, considérée, comme un simple exposé de principes
fondamentaux et philosophiques, mais en réalité comme un texte parfaitement juridique.

Les sources, les influences, de ce texte sont d'ailleurs très nombreuses.

Malgré tout, on y trouve :

L'école du droit naturel,

La théorie du contrat social, on l'a dit,

La théorie de la loi, selon laquelle celle-ci est l'expression de la volonté générale, et là, on retrouve
bien sûr Montesquieu,

La théorie de la séparation des pouvoirs,

Une certaine influence du christianisme avec une doctrine individualiste, c’est-à-dire chaque homme
est en quelque sorte pris en tant que tel, il n’y a pas de reconnaissance de groupe dans le texte,

Une certaine influence également de la déclaration d'indépendance américaine de 1776,

Et un peu de Voltaire, peut-on dire, notamment dans la référence à l'être suprême dans
l'introduction.

Donc une un ensemble d'influences qui font de ce texte qu’il est à la fois très original mais qui ne
reflète pas l'esprit du temps, c'était la fin du 18e siècle.

Les conditions de son élaboration, qui ont été évoquées, montrent que la logique du texte n’était pas
parfaite, puisque sans doute à la lecture du texte, on peut s'apercevoir que l'art 16 aurait pu être le
dernier.

Puisque c'est celui qui définit ce que doit être une vraie Constitution.

Et en réalité, les hommes de 1789 ont rajouté ensuite un article, avant le 26 août, consacré aux droits
de propriété, qui est l'art 17 et dernier, mais qui n'a pas nécessairement sa place en tant que dernier
article.

Mais l'histoire, encore une fois, nous a légué ce texte et il faut le prendre tel quel.

Le préambule de la déclaration, c’est-à-dire les quelques lignes qui précèdent l'art 1er, montre bien que
la déclaration a pour but de reconnaître des droits.

Et c'est parce que ces droits ont été ignorés, oubliés, par les temps précédents, par les périodes
précédentes, que la société française est, entre guillemets, dans le malheur.
Et donc, il suffit de réaffirmer ses droits, mais un peu de les expliquer, de les justifier, pour que, si
on peut formuler ça de cette manière, tout aille beaucoup mieux.

C'est parce qu'ils n'ont pas été enseignés que la déclaration est nécessaire car il faut de nouveau
rappeler leurs existences.

C'est un texte d'ailleurs qui est assez doctrinal et pas vraiment pragmatique, à la différence des
textes qui ont proclamé des libertés dans les pays, notamment d'origine anglo-saxonne, peut-on dire,
c'est à dire à la fois dans les textes de l'histoire britannique, mais aussi dans les quelques
déclarations qui précédaient les constitutions des États fédérés Américains.

La DDHC d'ailleurs, n'organise pas ces libertés.

Elle laisse le soin de l'organisation, de la concrétisation de ses libertés à la future Constitution.

Cette déclaration est difficilement séparable du texte de 1791 et la suppression de cette


Constitution, sa mise à l'écart au moment de la révolte des Tuileries au mois d'août 1792, a entraîné
la fin de la déclaration des droits de l'homme.

Mais pour autant, comme on le verra au fil des enregistrements consacré à l'histoire, la DDHC a
survécu notamment à la Constitution, dont elle ne devait être que le préambule, et elle a traversé les
décennies, les siècles.

Les droits qui sont consacrés dans cette déclaration sont des droits qui sont naturels, c’est-à-dire
qu'ils sont inhérents à la nature de l'homme et la société ne peut pas retirer ces droits qui sont
inaliénables.

Mais aussi les tiers, les autres peut-on dire, ne peuvent pas empiéter sur les droits des de individus.

En même temps, les titulaires de ces droits ne peuvent pas véritablement y renoncer.

Ces droits sont naturels, mais ils sont les mêmes pour tous, donc il y a une égalité des droits, puisque
la nature humaine est identique.

Et c'est ce qu’explique fort bien l'art 1er de cette déclaration :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. »

Et donc l'égalité juridique est le corollaire (la conséquence) du caractère naturel de ces droits.

Ces droits sont également universels, parce que tous les hommes ont la même nature et cette
déclaration vaut pour tous les hommes, quelle que soit leur origine, leur coutume, leur religion.

Et d'une certaine manière, les sexes, car même s'il y a eu quelques années après une déclaration des
droits des femmes, le texte est rédigé de manière tellement abstraite que, de manière plus
contemporaine, plus récente, il peut être lu comme étant la déclaration des droits de l'homme en tant
que genre humain, quel que soit le sexe concerné.

Ces droits préexistent à la société, ils sont naturels, on l'a dit.


Donc ce qui conduit, et c'est peut-être un aspect plus négatif, à considérer que la société ne doit rien
aux hommes, elle ne doit aucune prestation, aucune créance, a-t-on dit plus tard, aucun droit à la
santé, aucun droit à l'éducation.

Il n'y a que des libertés et il n'y a pas de véritable créance.

Pour autant, cette déclaration reconnaît aussi des droits du citoyen, que l'on trouve dans les articles
12, 13, 15, mais aussi dans l'article 14 qui proclame le consentement à l'impôt.

Ce texte est souvent présenté comme un texte abstrait.

Il ne faut sans doute pas exagérer l'abstraction de ce texte, parce qu’il obéit également un certain
nombre de contraintes et de besoins de l'époque.

C’est-à-dire, ceux de la fin du 18e siècle.

En effet, ce texte consacre par exemple, la liberté de communication qui répondait à un souci très
présent en 1789.

C’est-à-dire, permettre la parution des journaux, lutter contre la censure du Roi, qui existait jusqu'à
la fin de de l'ancien régime.

L'art 7, qui condamne les arrestations arbitraires, vise à lutter contre ce qui se pratiquait sous
l'ancien régime, c’est-à-dire les lettres de cachet.

L'art 6, qui proclame l'accès aux emplois publics, vise à éviter que les emplois supérieurs dans l'armée,
dans l'administration, soient réservés aux nobles et soient désormais accessibles aussi aux bourgeois,
alors que la fin de l'ancien régime avait été marqué parce que les historiens appellent une réaction
nobiliaire, c’est-à-dire la volonté de fermer l'accès à certains emplois, militaires ou civils, aux non
nobles.

La Révolution française par l'art 6, fait en quelque sorte sauter ce verrou qui était évidemment très
mal perçu par les membres du tiers-État, les plus évolués qui pouvaient prétendre accéder à ces
emplois.

Donc il y a une forme d'abstraction, certes, mais aussi un réalisme très net dans ce texte qui sont
imbriqués dans la déclaration des droits de l'homme.

Et derrière les formulations abstraites, il y avait des condamnations très précises de la situation de
la fin de l'ancien régime.

Mais ce qui fait la richesse de ce texte, c'est que ces condamnations sont rédigées dans une langue
qui, entre parenthèses, est une langue parfaite sur le plan de la qualité du Français, mais dans une
langue suffisamment universelle pour que les préoccupations de l'époque soient oubliées plus de 200
ans après, mais que restent les principes qui y sont affirmés.

La présomption d'innocence par exemple, vaut aussi bien au 21e siècle qu'à la fin du 18e siècle.

Et donc, on a parfois qualifié ce texte comme proclamant des libertés formelles, par opposition aux
libertés réelles.
En réalité, peut-on dire, les libertés qui sont proclamées dans la déclaration des droits de l'homme
sont extrêmement concrètes, peut-on dire, à la fois présent à l'époque mais aussi présent à
différentes périodes de notre histoire.

Pourquoi consacrer autant de temps à la DDHC ?

Parce que cette DDHC va finir par être reconnue comme un texte juridique, mais bien après, on a dit
qu'elle avait traversé les décennies, et, après des hésitations, après des discussions doctrinales et
d'éventuels retours en arrière, il faudra attendre 1946, la Constitution de la 4e République pour que la
DDHC soit considérée comme un véritable texte contenant des droits et des libertés, soit affirmée
comme un texte véritablement juridique.

Et ce positivisme, c’est-à-dire le caractère applicable de la DDHC sera réaffirmé dans le préambule


de 1958, on verra dans quelles conditions, ce qui permet de dire qu’au moment où ces enregistrements
sont faits, la DDHC de 1789, est un élément tout à fait essentiel du droit français contemporain.

4. LA CONSTITUTION DE 1791

On l'a dit, la DDHC devait précéder le texte de la Constitution, dont les discussions ont d'ailleurs
commencé dès le mois de septembre 1791, après l'adoption du texte.

La difficulté, c'est que les discussions vont traîner, peut-on dire, ne seront pas achevés avant 1791, il
faudra presque 2 ans pour rédiger ce texte constitutionnel, depuis le fameux serment du jeu de
paume.

Et entre-temps, il s'est passé évidemment beaucoup de choses dans l'histoire politique.

L'Assemblée nationale, constituante, chargée de faire une Constitution, n'a pas chômé malgré tout
pendant toute cette période.

Elle a adopté de très nombreuses lois, elle a réformé de grands pans entiers de la société française,
qu'il s'agisse de l'administration locale, de l'Église, de la Justice et d'autres questions.

Et donc en quelque sorte, la question constitutionnelle avait été un peu mise de de côté.

Mais il s'est passé beaucoup de choses, notamment une méfiance à l'égard du Roi, qui n'existait
évidemment pas dans l'été 1789, mais qui est apparu au fil des années, enfin des 2 ans qui séparent
1789 à 1791.

Et cette méfiance, évidemment aggravée par la fuite du roi an juin 1791 et son arrestation, ou quasi-
arrestation à Varennes.

Et puis, les antagonismes sociaux, les oppositions entre les possédants et les autres, se sont un peu
exacerbés et ceux qu'on peut appeler les possédants, vont petit à petit craindre le peuple.

Donc, l'unanimisme des premières journées révolutionnaire va assez vite s'estomper.

Mais pour autant, un certain nombre de principes constitutionnels, de mécanismes constitutionnels,


notamment le droit de véto, qui va être reconnu à au Roi, ont été posés dès le mois d'octobre 1789,
dans une sorte de mini Constitution provisoire, ou en tout cas quelques éléments qui vont forger un
peu et organiser le fonctionnement du pouvoir politique pendant les 2 ans.
Et puis, il faut bien mettre fin à tout cela et il ait décidé que Thouret, qui était un membre de
l'Assemblée constituante, rédige un texte constitutionnel et le présente devant eux.

L'Assemblée a adopté ce texte et le Roi a fini par lui donner son accord, sa sanction royale, accepter
cette Constitution et lui jurer fidélité.

Ce qui explique que la Constitution à 2 dates, la 1re étant la date de l'adoption par l'Assemblée, la 2e
étant la date de l'acceptation de la même Constitution par le roi Louis XVI.

Ces 2 dates sont 3 et 14 septembre 1791.

Ce texte de la 1re Constitution écrite française, se présente en 7 titres, 209 articles, mais numérotés
de façon discontinue.

Ce texte consacre le principe de la souveraineté nationale.

On a déjà rencontré ce texte d'ailleurs, quand on s'est intéressé au fondement du droit


constitutionnel.

L'art 1er, du titre 3, proclamait :

« La souveraineté appartient au peuple, aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s'en
attribuer l'exercice. »

Et puis l'art 2 du même titre, qui proclame un autre principe :

« La Constitution française est représentative, les représentants de la nation sont le corps législatif
et le Roi. »

Cette nation est une personne juridique distincte des individus qui la compose, on se rappelle
l'opposition entre souveraineté nationale et souveraineté populaire.

Pour autant, ces 2 pouvoirs ne sont sans doute pas conçus sur le même plan par les constituants de
1791 et il y a de manière certaine, une forme de primauté du corps législatif, de l'Assemblée, puisque
finalement, c'est cette Assemblée qui vote la loi.

Et c'est la loi qui est la source, finalement, de l'ensemble du droit à ce moment-là.

Donc la souveraineté de la loi rejaillit sur la souveraineté du corps législatif, mais en même temps
réciproquement.

C'est parce que le corps législatif représente la nation, que la loi est l'œuvre, en quelque sorte, de la
nation.

Ce que Jean-Jacques Rousseau appelait « la volonté générale », sauf que pour lui, la démocratie
n'était pas une démocratie représentative mais une démocratie directe.

La Constitution de 1791 consacre, on l'a vu précédemment, la théorie de « l'électorat-fonction », qui


s'oppose à « l'électorat-droit », qui veut que le droit de vote ne soit pas donné à tout le monde et que
la nation peut choisir qui sera digne de la représenter.

Et ce sont simplement ceux qui paye un certain impôt, ou un impôt suffisant, qui va s'appeler un
« Cens », seuls ceux-ci vont pouvoir être des citoyens actifs, par opposition aux citoyens passifs.

Et être un citoyen actif, ça veut dire pouvoir voter et élire des représentants.
Les autres, les citoyens passifs, auront tous les autres droits, mais pas celui-ci.

Alors que dans la théorie de l'électorat-droit, comme son nom l'indique, tous les citoyens ont le droit
de voter.

Tel n'est pas le pas dans la théorie de l'électorat-fonction.

Il y avait d'ailleurs un « Cens » pour être électeur, un autre Cens pour être grand électeur, c’est-à-
dire qu'il y avait un système 2 degrés.

Mais curieusement, il n'y avait pas de Cens pour l'éligibilité, ce qui veut dire qu'un citoyen pouvait
être élu à l'Assemblée alors même qu'il n'aurait pas pu être électeur.

Mais en réalité, le système ne va pas beaucoup fonctionner, parce que la Constitution de 1791 ne va
avoir que quelques mois d'application.

La Constitution de 1791 va consacrer, également, le principe de la séparation des pouvoirs.

Avec d'une part une Assemblée, relativement importante avec 745 membres, élus pour 2 ans, c'est
une assemblée unique, par refus donc du bicaméralisme, car pour les rédacteurs de la Constitution de
1791, la souveraineté nationale n'est pas divisible, donc il ne peut n’y avoir qu’1 seule Assemblée.

Derrière cet argument de principe, il y avait surtout la crainte du retour d'une Chambre des
privilégiés à l'anglaise, avec une Chambre élue et une Chambre des pairs, une Chambre des nobles
peut-on dire.

Et comme un certain nombre de membres de l'Assemblée constituante ne voulaient certainement pas


du retour d'une Chambre des privilégiés, ils ne voulaient certainement pas d'un système
parlementaire à l'anglaise, ils ont refusé le bicaméralisme.

Cette Assemblée siège en permanence, elle ne peut pas être dissoute par le Roi.

A côté, il y a donc le Roi qui incarne le pouvoir exécutif, avec des ministres qui sont choisis, qui sont
nommés par lui et qui ne sont responsables que devant lui.

Et il n’y a donc pas de mécanisme de responsabilité des ministres devant l'Assemblée.

Donc là aussi, refus du système de type parlementaire d'inspiration britannique.

Il n'y a aucune trace d'une responsabilité politique, au mieux, il y a une responsabilité pénale dans le
texte de 1791.

Et puis, à la suite d'un débat, qui a beaucoup agité l'Assemblée constituante, le Roi dispose d'un véto,
mais d'un veto suspensif, c'est-à-dire une solution un peu intermédiaire entre le refus du véto et un
véto qui serait permanant.

Ça signifiait que le Roi, lorsqu'il avait opposé son véto, la loi ne pouvait absolument pas entrer en
vigueur.

Le véto suspensif, ça voulait dire que le véto n'était valable que pendant un certain temps, c’est-à-
dire 6 ans après l'adoption du texte par le corps législatif.

C'est d'ailleurs à l'occasion du vote de l'Assemblée nationale constituante, fin août 1789, que sont
apparues les notions, de droite et de gauche.

Car les partisans du véto absolu du Roi se sont rangés à la droite du président.
Et les adversaires, se sont rangés à la gauche du Roi.

Car les notions de droite et de gauche sont appréciées, et c'est vrai encore dans les Assemblées
modernes par rapport au Président.

Cette séparation, que l'on pourrait qualifier de physique, rendait le calcul des voies plus simples que le
vote par assis et levé qui étaient en vigueur jusqu'à cette époque.

Ce droit de sanction était une façon de faire participer le Roi à la fonction législative et on retrouve
des discussions que l'on a présentées à propos de la théorie de la séparation des pouvoirs, d'une
certaine lecture de Montesquieu :

« La loi n'était parfaite dans le texte de 1791 que si elle avait été sanctionnée », c'est-à-dire
acceptée par le Roi.

Cette Assemblée constituante a adopté, mais assez difficilement, la Constitution.

Elle se sépare le 30 septembre 1791.

Mais l'année qui va suivre va être émaillée de conflits de toutes sortes, de crainte d'une invasion des
armées étrangères, autrichiennes, prussiennes.

Et donc le 10 août 1792, le Roi va apposer son véto à 2 décrets de l'Assemblée, l'un sur les émigrés et
l'autre sur les prêtres réfractaires.

Vétos qui sont conformes à la lettre de la Constitution, mais qui vont être très difficilement acceptés
parce que l'on soupçonne le Roi à, à tort ou à raison, de d'intelligence avec l'ennemi.

C’est-à-dire de trahison des intérêts de la France.

N'oublions pas que sa femme était autrichienne et que cette qualité, entre guillemets, était ressentie
à l'époque comme le défaut majeur, c'était d'ailleurs le surnom de Marie-Antoinette,
« l'autrichienne ».

En réaction à ce refus, du roi Louis XVI, d'opposer son véto, le corps législatif va prononcer la
suspension de Louis XVI, juste après l'invasion des Tuileries par la population le 10 août 1792, et le
corps législatif va désigner un exécutif collégial de quelques membres, ses ministres exactement.

Et puis l'Assemblée, le corps de législatif, va décider la réunion d'une convention nationale, terme
d'ailleurs emprunté au vocabulaire américain.

Convention, c'est une Assemblée qui va être chargée de rédiger une nouvelle Constitution parce que
celle de 1791 est morte le 10 août 1792, lorsque le Roi va être suspendu par l'Assemblée, par le corps
législatif.

Donc il faut un nouveau texte et donc de nouvelles Assemblées élues, mais cette fois-ci au suffrage
universel.

Cet épisode, bien sûr sanglant car il y a eu quelques morts, montre bien que les conflits politiques dans
la France révolutionnaire ne pouvaient pas se conclure par des mécanismes juridiques, par des
mécanismes pacifiques et qu’il a fallu, en quelque sorte, le recours à la force pour que les oppositions
entre le corps législatif et le Roi trouvent une solution.
Ceci va peser d'un poids relativement lourd dans l'histoire constitutionnelle française parce que,
comme on l'a dit en commençant, les changements de Constitution ne se sont pas faits de manière
pacifique et dans les formes prévues.

C'est à chaque fois une révolution, un coup de force, un coup d'État, qui va changer le texte
constitutionnel et changer le régime politique.

Il faudra attendre le 20e siècle pour que les choses se passent de manière un petit peu plus pacifique.

5. LA CONSTITUTION DE L’AN I, SYMBOLES ET REALITES

Cette convention a donc été élue à un suffrage universel mais théorique, car en réalité, seulement
1/10e des citoyens, des hommes en plus, bien sûr, ont voté le 26 août 1792, parce que le droit de vote
n'était pas reconnu aux femmes.

Et pourquoi seulement 1/10e des citoyens ?

Parce que le vote était public, non pas secret et que pour ne pas afficher ses opinions, peut-être
valait-il mieux ne pas aller voter.

Cette convention s'est réunie le 20 septembre 1792, elle prononce, et quasiment immédiatement, la
déchéance du Roi, en proclamant que la royauté est abolie, donc que la République apparaît à ce
moment-là.

Donc l'acte de naissance de la République française le 21 septembre 1792.

Cette Convention va rédiger un texte constitutionnel qui est la Constitution du 24 juin 1793.

Mais comme cette Constitution ne va pas être appliquée, alors la même convention va rédiger un 2e
texte constitutionnel, mais beaucoup plus tard, en 1795.

Donc, une Assemblée élue pour faire rapidement un texte constitutionnel et qui va mettre 3 ans à
faire 2 textes constitutionnels, dont l'un ne s'est pas appliqué.

Alors ce texte est celui du 24 juin 1793, la 1re Constitution adoptée par cette Assemblée qu’est la
Convention.

Cette Constitution de 1793 porte le nom dans l'histoire ; de Constitution de l'an 1.

Car n'oublions pas que le calendrier a été modifié et que l'an 1 de la République française est née,
précisément le 21 septembre 1792, naissance de la République.

On a refait le calendrier, un petit peu à l'envers peut-on dire, en tout cas en repartant de cette date
antérieure à la fabrication du calendrier.

Cette Constitution a été d'ailleurs difficilement rédigé, parce qu'il y a eu un 1er projet rédigé par
ceux qu'on appelait des « Girondins », c’est-à-dire parce qu’un certain nombre de membres de ces
rédacteurs étaient élus dans le département de la Gironde, de la région de de Bordeaux.

Et c'est un homme que l'histoire connaît bien, qui s'appelait Condorcet, qui est l'un des rédacteurs de
ce projet de constitution, qui était sans doute impossible à mettre en œuvre concrètement, qui était
une espèce de monstre de plus de 400 articles.
Et ce texte avait le malheur, entre guillemets, de ne pas plaire à une faction de la Convention, c’est-à-
dire la faction la plus à gauche.

Les Girondins, d'ailleurs une partie d'entre eux du moins, vont payer ça de leur vie, certains seront
guillotinés.

Et comme le projet Girondin va être, sans mauvais jeu de mots, enterré, il faut un nouveau texte
constitutionnel.

Et c'est le texte du 24 juin 1793, qui est beaucoup plus court, beaucoup moins dense, que le texte
Girondin.

Ce texte, qui est inspiré, rédigé, par un ami de Robespierre et de Saint-Just, et qui s'appelait ;
Hérault de Séchelles.

Ce texte devait être soumis à la ratification populaire, une sorte de référendum, au cours de l'été
1793.

Ce texte de Constitution était précédé d'une déclaration des droits de l'homme et du citoyen de
1793, un peu comme si le texte de 1789 était considéré comme nul et non avenu.

On a déjà évoqué, il y a quelques instants, le fait que ce texte de 1789 va au contraire traverser les
régimes.

Celui de 1793 à l'époque, bien sûr, était considéré comme un nouveau texte destiné à remplacer
l'ancien et le texte de la Déclaration des droits de l'homme était un peu plus tourné vers l'égalité.

Puisqu’il était marqué aussi par l'air du temps, la période de la Convention ici va être une période
beaucoup plus révolutionnaire que la période précédente.

Cette Constitution de l'an 1 est assez proche des idées de Jean-Jacques Rousseau.

C'est sans doute celle qui, dans l'histoire, était la plus démocratique dans le texte, qui proclame la
souveraineté du peuple et non plus la souveraineté nationale.

On rappellera que l'art 7 disait :

« Le peuple souverain et l'universalité des citoyens français. »

Cette Constitution reconnaissait le droit de vote à certains étrangers particulièrement méritants, qui
avaient pris notamment la défense de la France.

Et cette Constitution va jouir d'un grand prestige dans l'histoire politique, dans l'histoire
constitutionnelle française, jusqu'à au moins la moitié du 20e siècle, jusqu’après la 2e Guerre mondiale.

La Constitution de 1793 d'ailleurs ne repose pas sur le concept de séparation des pouvoirs, mais plutôt
sur une forme de hiérarchisation des pouvoirs, au profit de l'Assemblée.

On rappelle que c'est ce régime du texte de l'an 1 qui donne naissance, à une sorte de modèle ou de de
de théorie, de la séparation des pouvoirs, d'une forme de séparation des pouvoirs, qui s'appelle le
régime conventionnel.

On se reportera à un enregistrement précédent.

Le pouvoir législatif est donné à une Assemblée unique, qui est élue pour 1 an, qui siège en permanence
et qui est l'auteur des lois et des décrets.
Mais à l'époque lois et décrets signifient à peu près la même chose, sauf que les lois correspondent
aux textes sur les sujets les plus importants et que les décrets, eux, correspondent à des matières
qu'on pourrait qualifier de moins importantes.

Mais les 2 sont l'œuvre de l'Assemblée.

Et puis les lois pouvaient être soumises à ratification populaire, c’est-à-dire que si une partie des
citoyens estimait qu'il fallait le consentement du peuple, par un phénomène de pétition, les lois étaient
soumises à référendum.

Ce texte, donc qui devait s'appliquer, a été adopté par le peuple Français dans l'été 1793, avec là
aussi une abstention très grande.

Mais Rappelons que le vote n'était pas secret et qu'il fallait mettre son nom ou une croix à côté de
son nom dans un dans un registre.

Et donc ce texte devait s'appliquer.

6. LE GOUVERNEMENT REVOLUTIONNAIRE DE 1793

En réalité, dès le 10 octobre 1793, c’est-à-dire dans le calendrier révolutionnaire le 19 vendémiaire an


2, la Convention toute puissante, qui n'avait pas vraiment de pouvoir concurrent, décréta sur un
rapport de Saint-Just que ; « Le gouvernement serait révolutionnaire jusqu'à la paix ».

Ce qui a conduit à la suspension de fait de la Constitution de 1793.

Ce gouvernement révolutionnaire était organisé selon des dispositions qui n'étaient pas
constitutionnelles et donc il est souvent qualifié d'organe a constitutionnel, c'est-à-dire à côté de la
Constitution.

Pourquoi ?

Mais parce que les membres du gouvernement révolutionnaire estimaient finalement que les
contraintes constitutionnelles empêcheraient le pouvoir révolutionnaire de triompher des obstacles.

Il ne faut pas oublier que cette période, l'année 1793 notamment, était marquée par des dangers de
toutes sortes, une insurrection dans un certain nombre de grandes villes de France, comme Lyon, dans
un certain nombre de territoires, ce qu'on appelle de manière un peu réductrice la guerre de Vendée,
mais aussi des menaces extérieures d'invasion du territoire par les alliés, c'est-à-dire en fait par les
monarchies européennes qui menaçaient de mettre fin à la Révolution et de replacer un Roi sur le
trône de France.

Et donc la Convention a essayé de théoriser le gouvernement révolutionnaire dans un décret, c’est-à-


dire en réalité une loi du 14 Frimaire an 2, c’est-à-dire le 4 décembre 1793, en indiquant que le centre
unique de l'action du gouvernement est la Convention, c’est-à-dire l'Assemblée.

Cette Assemblée d'ailleurs disposait du pouvoir constituant, on rappelle que c'est pour ça qu'elle avait
été élue, mais elle disposait de la totalité du pouvoir législatif, c'est elle qui faisait les lois.

Puis, elle avait peut-on dire sous ses ordres un conseil exécutif provisoire qui était en réalité
étroitement soumis aux vœux de l'Assemblée.
Cette Convention a même joué un rôle juridictionnel, parce que c'est elle, ne l'oublions pas, qui a
condamné Louis XVI et Marie-Antoinette, jugés et ensuite condamnés.

Donc, cette Convention qui était pléthorique, qui avait plus de 700 membres, ne pouvait pas vraiment
tout faire et elle a créer en son sein des comités, une vingtaine au total, dont le plus célèbre est le
Comité de salut public qui avait été créé en avril 1793 et à qui a été confié les décisions les plus
importantes.

Il s’est produit un phénomène fréquent dans les révolutions.

C'est ce comité qui a fini par prendre le pas sur la Convention qui a en réalité dominé l'Assemblée,
tout simplement parce que ce Comité de salut public pouvait décider bien plus rapidement que
l'Assemblée, parce que ces membres étaient beaucoup moins nombreux que ceux de l'Assemblée, qui
étaient la Convention.

Et puis, au sein du Comité de salut public, dont les membres en principe devaient être renouvelés tous
les mois, ils ont fini par être dominés par quelques hommes qui sont restés en place pendant quelques
mois.

Et lorsque les Girondins ont été éliminés par la force, ce sont les Montagnards qui ont pris le pouvoir
au sein du Comité de salut public et dans ces montagnards, il y avait des personnages connus de
l'histoire, Robespierre, Saint-Just, Couthon et qui vont petit à petit introduit une forme de
dictature, en tout cas de régime extrêmement révolutionnaire qui s'appuyait sur la terreur, avec des
lois liberticides, des Tribunaux révolutionnaires qui n'avaient le choix qu'entre 2 solutions,
l'acquittement ou la condamnation à mort et les choses allaient extrêmement vite.

Donc l'Assemblée, la Convention, était sous la domination, sous la terreur, de ces quelques
personnages.

Et cette Convention a fini par se révolter et à arrêter les auteurs de la terreur, à terroriser les
auteurs de la terreur, et notamment donc à condamner, à juger et à exécuter, Robespierre et ses
amis le 27 juillet 1793, c’est-à-dire le 9 thermidor an 2.

Et si l'on cite ce mois, c'est parce que cet événement s'est appelé la réaction Thermidorienne, c’est-
à-dire qu'en fait le marais de la Convention, ceux qui n'avaient pas osé prendre parti pour les uns ou
pour les autres, a fait une sorte de contre-révolution et le terme de « Thermidorien », dans
l'histoire, a fini par qualifier les ennemis des révolutions ou les ennemis des excès des révolutions.

Et il s'en est suivi une période d'incertitude constitutionnelle, pendant quelques mois.

La Convention va de nouveau concentrer les pouvoirs, s'est poser la question de savoir si la


Constitution de l'an 1 devait être complétée, devait être remise en vigueur.

Et puis au bout de quelques temps, il fut décidé de jeter, « Dans la même tourbe qui a dévoré nos
tyrans », disait Boissy-d'Anglas, le texte de 1793.

Et donc, il fut décidé de faire une nouvelle Constitution, qui a donné naissance à un nouveau régime.

7. LE RETOUR A L’ORDRE ET LA CONSTITUTION DU DIRECTOIRE

Ce régime est marqué par une volonté de retour à l'ordre.


Ce régime est celui du Directoire, qui est fondé sur la Constitution de l'an 3, c’est-à-dire 1795.

Cette Constitution est la plus longue dans l'histoire constitutionnelle française, 377 articles, et elle a
voulu tirer les leçons des échecs des régimes précédents, a voulu éviter à la fois le retour de la
monarchie de l'ancien régime, mais aussi le retour de la terreur dont les membres sortaient à peine.

Cette Constitution est précédée d'un texte qui s'appelle ; la « Déclaration des droits et des
devoirs ».

Et bien sûr, voilà l'apparition des devoirs dans un texte constitutionnel.

C’est un texte qui est beaucoup moins révolutionnaire, peut-on dire, que les textes précédents,
notamment que la déclaration de 1793.

Mais on le voit, en 6 ans, il y a eu 3 déclarations des droits qui se sont ainsi succédés.

La déclaration 1795 proclame seulement l'égalité devant la loi, mais certainement pas l'égalité
politique, car on va retrouver des citoyens actifs et d'autres qui ne le sont pas, même si le vocabulaire
est un peu différent.

L'énumération des pouvoirs mêle une sorte de philosophie, un petit peu plate, du genre ; « Nul n'est
bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon ami, bon époux », et des préoccupations qui sont
beaucoup plus concrètes, comme l'article 8 de la Déclaration des devoirs ; « C'est sur le maintien des
propriétés que repose la culture des terres, toutes les productions, tout moyen de travail et tout
l'ordre social. »

Il est donc fondé sur le maintien des propriétés.

Ce texte de la Déclaration des droits et des devoirs, donne le sentiment que la Convention a cherché à
se délivrer des peurs que ses membres ont pu connaître pendant la terreur.

Cette Constitution est également marquée par une définition des pouvoirs avec, ce qu'on pourrait
appeler, l'invention du bicaméralisme.

Voilà une grande nouveauté dans l'histoire constitutionnelle, mais qui n'a commencé que 6 ans avant,
en 1789, puisqu'il y a désormais 2 Assemblées.

Un Conseil des anciens, composé de 250 membres et un Conseil des 500, qui comprend évidemment
500 membres.

Il s'agissait d'éviter la dictature d'une Assemblée, en souvenir très proche de la Convention.

Les conditions d'éligibilité ne sont pas les mêmes, il fallait être plus âgé pour être membre du Conseil
des anciens, ce qui est assez naturel et il fallait être marié ou veuf parce que on se méfiait un peu des
célibataires ou des divorcés.

Ces Assemblées sont élues pour 3 ans, mais renouvelables par tiers, ce qui marque aussi un autre
phénomène intéressant dans l'histoire constitutionnelle, c’est-à-dire le renouvellement partiel, pour
assurer une certaine continuité et éviter de trop brusques changements de majorité.

Seuls les contribuables sont des électeurs, car pour pouvoir voter il fallait notamment payer une
contribution directe, un impôt direct et c'est la défense des propriétaires.

Et on retrouve donc la théorie de l'électorat-fonction, qui est a déjà été présentée.


Les pouvoirs de ces 2 Assemblées n'étaient pas les mêmes.

Les projets sont votés par les 500, tandis que le Conseil des anciens peut simplement approuver ou
rejeter les lois qui sont votées par la Chambre basse, c’est-à-dire les 500, mais sans pouvoir modifier
les textes.

À côté de ce bicaméralisme nouveau, la Constitution de l’an 3 invente quelque chose de très neuf dans
l'histoire française, un exécutif collégial qui va s'appeler précisément le Directoire, qui va donner son
nom au régime lui-même.

Directoire, puisqu’on va trouver 5 directeurs, nommés pour 5 ans, mais renouvelable chaque année par
1/5e, donc il y a une sorte de tour qui est qui est organisé.

Et les directeurs sont assistés par des ministres qui ne sont que des agents d'exécution, qui n'ont pas
de pouvoir politique.

Les seuls hommes politiques, peut-on dire, ce sont les directeurs qui exercent le pouvoir exécutif.

On le voit, une division des pouvoirs législatifs, exécutifs, pour éviter toute forme, en quelque sorte,
de pouvoirs autoritaires.

C'est cette Constitution de l'an 3 qui est fondée sur une certaine conception très rigide de la
séparation des pouvoirs, ce qui va d'ailleurs conduire aussi à certains excès, puisque la Constitution de
l'an 3 est sans doute celle qui va mettre en place une séparation très rigide des pouvoirs, dans la
typologie des pouvoirs qu'on a déjà rencontré, cette Constitution est très intéressante sur ce point.

En fait, tout est fait pour que les 2 pouvoirs ne se rencontrent pas.

Les directeurs ne participent pas à l'œuvre législative, ils n'ont pas d'initiative, ils n'ont pas de véto,
et la loi est l'œuvre du corps législatif qui en a le monopole.

Donc la séparation des pouvoirs est poussée, peut-on dire, à l'extrême.

Le corps législatif n'a aucun moyen d'action sur le Directoire et en cas de conflit, aucun mécanisme
constitutionnel n'est prévu, sinon le recours au coup d'État.

Pas de responsabilité non plus de l'exécutif devant le législatif.

Précisément, les coups d'État, il y en aura beaucoup, en 4 ans au moins 1 par an.

Des coups d'État de la part des monarchistes, des coups d'État de la part de la gauche qu'on appelait
aussi les « Babouvistes » (des partisans de l’égalité absolue entre tous les hommes), des coups d'État
contre le Directoire, des coups d'État contre le corps législatif, c’est-à-dire les 2 Assemblées.

Et tout cela a fini par discréditer la Constitution de l’an 3.

Il fallait réviser la Constitution, mais cela n'était pas possible parce que le texte constitutionnel avait
prévu des délais extrêmement longs pour que la Constitution soit révisée.

Évidemment, personne n'avait le temps d'attendre et donc il fallait recourir à un nouveau coup d'État,
pour mettre à bas le régime de l'an 3.

Il fallait, selon le mot de l’Abbé Sieyès ; « Une épée ».

Et cette épée a été trouvée dans la personne de Napoléon Bonaparte, qui revenait d'Égypte, qui
avaient participé à quelques campagnes victorieuses en Italie.
Bonaparte va donc réaliser, ce qu'on peut appeler, un coup d'État, le 18 brumaire an 8, le 9 novembre
1799, qui va mettre fin, d'une certaine façon, à la période révolutionnaire proprement dite.

Le texte de la future Constitution, qu'on va présenter, était précédée d'une proclamation, qui est en
fait une sorte de d'exposé des motifs, pourrait-on dire, dans laquelle les Consuls, pouvoir exécutif de
la nouvelle Constitution, s'adressaient aux citoyens leur disant ; « Citoyens, la révolution est fixée aux
principes qui l'ont commencé : elle est finie. »

La difficulté, c'est que ceux qui ont réalisé le coup d'État, qui espéraient manipuler Napoléon
Bonaparte, vont être dépassés par lui et c'est lui qui va exercer la réalité du pouvoir.

Et Parmi ces conjurés, il y avait, si on peut dire, l'éternel Abbé Sieyès qui avait traversé toute cette
période troublée.

8. LE REGIME NAPOLEONIEN, DE LA REPUBLIQUE A L’EMPIRE

En fait, le coup d'État du 18 Brumaire va être fatal, bien sûr, au régime du Directoire, car le pouvoir
exécutif est confié à une Commission composée de 3 Consuls qui va être chargée de réorganiser les
administrations, qui va être chargée de rétablir l'ordre et puis de négocier la paix, même si ça ne va
pas durer très longtemps, s'agissant de la paix.

Le pouvoir législatif est suspendu.

La Constitution est préparée par un petit groupe d'hommes dans lequel on retrouve Sieyès et le
général Bonaparte, qui va entendre jouer un rôle politique et pas simplement se contenter d'être une
épée.

Et ce petit groupe d'hommes va élaborer la Constitution du 22 Frimaire an 8, c’est-à-dire le 13


décembre 1799.

C'est un texte très court, par rapport au texte de l’an 3, qui ne comprend pas de déclaration des
droits, donc on met fin à cette tradition héritée de la Révolution française d'une constitution
précédée de déclarations des droits.

Et puis autre innovation majeure, c'est que ce texte constitutionnel va consacrer la primauté du
pouvoir exécutif au détriment des assemblées.

Et là, encore une fois, c'est la fin de la toute-puissance des assemblées et il faudra attendre assez
longtemps pour que le Parlement, que le pouvoir législatif, retrouve un peu de vigueur.

Dans ce texte constitutionnel, on trouve un pouvoir exécutif concentré.

Pourquoi « concentré » ?

Parce que c'est un organe apparemment collégial, composé de 3 consuls, le terme évoque un peu la
République romaine, mais dans ces 3 consuls qui étaient Bonaparte, Lebrun et Cambacérès, en réalité
seul le 1er Consul, Napoléon Bonaparte exerce la réalité du pouvoir.

Les 2 autres sont un peu des figurants, dit-on.

Donc c'est un organe apparemment collégial, collectif, en réalité, ce n'est pas le cas.
Ce pouvoir exécutif concentre les pouvoirs parce que c’est lui qui est à l'initiative des lois, qui est à
l'initiative du budget, c'est lui qui dispose du pouvoir de faire la guerre mais aussi de faire la paix.

Cette Constitution crée un organe qui va jouer un rôle très important, qui est le Conseil d'État, qui a
une double fonction dans la Constitution de l'an 8, mais ça sera vrai plus de 2 siècles encore après.

Et ce Conseil d'État est chargé de rédiger des projets de loi, de rédiger ce qu'on appelle les
règlements d'administration publique, on dirait de façon moderne les décrets d'application des lois,
mais aussi il est chargé de préparer les projets de solutions en matière, de ce qu'on pourrait appeler,
le contentieux administratif.

C’est-à-dire, « Les difficultés qui s'élèvent en matière administratives », nous dit l'article 52 de la
Constitution de l'an 8.

Le Conseil d'État se voit ainsi consacré avec une dualité des fonctions consultatives, rédactionnelles,
d'une part, et contentieuse de l'autre.

À côté, en face du pouvoir exécutif, il y a donc un pouvoir législatif qui est éclaté, qui est divisé,
puisque le régime napoléonien va inventer, peut-on dire, le multi-caméralisme, et la fonction législative
est partagée entre le Tribunat, qui est composé de 100 membres, chargé de discuter les projets de
loi.

Et puis, le corps législatif, qui est composé quant à lui de 300 membres, statue par bulletin secret sur
les textes qui lui sont soumis, mais sans aucune discussion de la part de ses membres.

On l’aura deviné, ce corps législatif va être très vite baptisé du nom peu glorieux de « Corps des
muets ».

Et, à côté de ces 2 assemblées et du Conseil d'État qui en amont aide à la rédaction des textes, la
Constitution de l'an 8 va créer un Sénat conservateur composé de personnes nommées à vie, choisies
par le 1er Consul, qui va très vite se révéler un organe très docile aux volontés du 1er Consul, c’est-à-
dire Napoléon Bonaparte.

D'ailleurs, ce Sénat va être amené à être l'auteur, formellement en son temps, des révisions de la
Constitution.

C'est la raison pour laquelle ces révisions vont porter le nom de « Sénatus-Consulte », pour désigner
les textes qui seront des modifications de la Constitution.

Et, ces modifications vont avoir lieu par étapes.

D'abord, par un Consulat à vie, donné on s’en doute à Napoléon Bonaparte, par le Sénatus-Consulte du
16 Thermidor an 10, c’est-à-dire 4 août 1802, qui va permettre aussi une modification de la
Constitution en renforçant les pouvoirs de l'exécutif et en diminuant les attributions des assemblées.

Par exemple, les séances du Tribunat vont cesser d'être publics, c'est là ou en principe les
parlementaires, peut-on dire, discutaient, et désormais, les séances ne seront plus publiques.

Et le texte va diviser par 2 le nombre de ses membres.

Et puis, comme ça ne suffisait sans doute pas ce Consulat à vie, 2 ans après, nouveau Sénatus-
consulte, celui du 28 floréal an 12, c’est-à-dire le 18 mai 1804, dont l'article 1er est resté célèbre dans
l'histoire ; « Le gouvernement de la République est confié à un empereur ».
En réalité donc, la marche vers l'Empire était déjà sans doute préparée par ces différents textes et
Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon 1er, sera finalement sacré par le pape Pie VII, à Paris le 2
décembre 1804.

Et, dans ce contexte impérial, les autres pouvoirs ne vont jouer qu'un rôle de figuration sur le plan
constitutionnel.

Le Tribunat et le corps législatif seront fondus en un seul pouvoir, qui va quand même retrouver la
parole, le Sénat va perdre tout indépendance.

La Constitution avait créé des Commissions chargées de protéger les libertés au sein du Sénat ; une
commission sur la liberté de la presse, une autre sur la liberté individuelle, mais les activités de ces 2
commissions dans la protection des libertés fondamentales, dirions-nous, cette activité, ce rôle, sera
quasi nul et cela va peser d'un poids assez lourd sur le rôle du Sénat dans l'histoire constitutionnelle
française.

Il faudra attendre finalement la défaite militaire, pour que le régime napoléonien soit remplacé.

Les victoires ont contribué à l'installation du pouvoir de Napoléon Bonaparte.

Les défaites vont contribuer à son exil.

VIII. L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE FRANCAISE 1814-1870

1. LE CONTEXTE HISTORIQUE

Cette période va donc de 1814 à 1870.

À priori, il n'y a pas beaucoup d'unités dans cette période qui a connu, on va le voir, des régimes très
différents ; la monarchie, la République, l'Empire, donc on a un petit peu de mal à trouver un fil
directeur.

Pourtant, il en existe 1, qui est la naissance, l'apparition, du régime parlementaire en France.

Ce régime parlementaire, on le sait, est né en Grande-Bretagne au 18e siècle notamment, il va mettre


un certain temps à traverser la Manche, peut-on dire, et à arriver dans les 1re périodes de cette
longue période de 1814-1870, notamment au cours des Chartes constitutionnelles.

Et encore, ce régime parlementaire sera très balbutiant, il y aura quelques traces dans les textes
constitutionnels, et c'est surtout la pratique qui va faire naître un certain nombre de règles qui
s'apparentent à ce qu'on appelle, ce que l'on connaît sous le nom, de régime parlementaire.

Donc, c'est à peu près la seule ligne de force qui traverse cette période, qui ne brille pas par sa
cohérence politique, en dehors de cela.

Cette période est marquée par 2 dates, parce qu'il faut bien trouver des dates, mais qui peuvent faire
l'objet de discussions d'ailleurs l'une et l'autre.

Pourquoi ?
Parce que 1814, c'est l’abdication de Napoléon Bonaparte, à la suite de la campagne de France, les
adieux de Fontainebleau, il est donc condamné, peut-on dire, à l'exil sur l'île d'Elbe.

S'ensuit donc, l'arrivée de Louis XVIII au pouvoir, le 1er des frères de Louis XVI.

Il est appelé sur le trône et va restaurer ou vouloir restaurer, la monarchie française.

Et cette période s'appelle précisément « la Restauration ».

Il y aura un 1er texte constitutionnel que l'on va présenter.

Mais cette période va connaître une interruption puisque Napoléon Bonaparte, à l'île d'Elbe, va rêver
de reconquête du pouvoir.

Il va revenir en France sur un petit bateau, débarquer à Golf Juan, remonter tout le territoire
français depuis la Provence jusqu'à Paris, comme un « aigle volant », a-t-on dit, de ville en ville, pour
retrouver le pouvoir.

Napoléon Bonaparte se réinstalle à Paris, fait rédiger, en urgence, un texte constitutionnel qui va
s'appeler « l'Acte constitutionnel des 100 jours », de 1815.

Mais, cette période va très vite s'interrompre puisqu’il y aura de nouveau la guerre avec les alliés,
avec les forces qui l'avaient battu une 1re fois en 1814.

Et là, ça sera la défaite de Waterloo, au mois de juin 1815.

Les alliés vont se méfier de Napoléon Bonaparte, ils vont donc l'exiler beaucoup plus loin, sur l'île de
Sainte-Hélène, au sud de l'océan Atlantique.

Et là, Napoléon Bonaparte, on le sait, ne reviendra pas et il mourra même à Sainte-Hélène.

Donc, c'est la raison pour laquelle 1814, mais c'est aussi 1815, parce qu’après Waterloo, Louis XVIII
va revenir sur le trône.

Puis, cette période de la Restauration va être marquée par une révolution en 1830, on va le voir.

Il va donc s'installer un nouveau régime, qui est celui de la monarchie de Juillet, en 1830.

Et, ce régime, qui va durer 18 ans, va lui-même connaître une révolution en 1848.

Alors, va naître une 2nde République, on verra pourquoi 2nde et pas 2e.

Ce régime de la 2nde République va être marqué par un coup d'État, réalisé par Louis Napoléon
Bonaparte, le neveu de Napoléon Bonaparte, qui va installer un pouvoir fort, pendant quelques temps,
qui va se transformer en Empire, c'est-à-dire le 2nd avec Napoléon III.

Voilà donc, ce contexte politique qui va marquer cette période.

D'ailleurs, si l'on revient un petit peu en arrière, en avril 1814, le Sénat napoléonien, de manière assez
peu glorieuse, va profiter du fait qu'il est en place pour élaborer une Constitution, qu'on va appeler
d'ailleurs « sénatoriale ».

Elle sauvegardait les acquis du régime ancien, c’est-à-dire les acquis du régime de Napoléon
Bonaparte, elle sauvegardait également les privilèges des sénateurs, mais conciliait, un petit peu, le
régime ancien napoléonien et le retour de la monarchie.
Et, la monarchie était présentée dans ce texte comme étant, finalement, librement accepté par le
peuple français.

Mais Louis XVII, qui revient de son exil anglais, ne veut absolument pas de cette Constitution, qui lui
semble imposée par le Sénat et sous-entendu par le peuple français, qui finalement n'a pas joué un
grand rôle dedans, on s'en doute.

Donc, Louis XVII, qui est revenu, dans ce que on appelait à l'époque les « fourgons des armées
étrangères », puisque en fait, c'est grâce à la victoire de ces étrangers qu’il revient sur le trône.

Il prend le titre de « Roi de France et de Navarre ».

Ce qui dénote évidemment une volonté de retour au passé, à la monarchie d'ancien régime.

Il proclame ses intentions dans un texte qui s'appelle ; « la Déclaration de Saint-Ouen », parce qu'elle
a été prononcée à Saint-Ouen, aux portes de Paris, le 2 mai 1814.

Et, il annonce les bases du futur régime, et surtout, il rejette toute idée du texte sénatorial.

Il proclame en fait le principe d'un gouvernement représentatif, la nécessité d'un bicaméralisme, le


maintien des biens nationaux et le respect de certaines libertés publiques.

Dans l'esprit de Louis XVIII, il s'agissait de réaliser une synthèse, très difficile d'ailleurs, très
délicate, entre certains acquis de la Révolution française, sur lesquels il n'était plus possible de
revenir, les principes et aussi le vocabulaire de l'ancien régime.

C'est sur ces bases, de la Déclaration de Saint-Ouen, que fut donc rédigé la Charte du 4 juin 1814.

Et, c'est l'application de cette Charte qui va être interrompue par le retour de Napoléon Bonaparte,
comme on l'a indiqué.

La rédaction de ce qui s'appelle ; « L'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire », avait été
confiée à Benjamin Constant.

Et d'ailleurs, ce texte, on l'a appelé dans l'histoire ; « La Benjamine », du nom de son rédacteur.

Cet acte additionnel, qu'on appelle parfois ; « L'acte additionnel des 100 jours », parce qu’encore une
fois le régime ne va pas durer plus de 100 jours, date du 22 avril 1815.

Et, encore une fois, c'est la défaite de Waterloo qui va y mettre fin.

Cette période des 100 jours, d'ailleurs, va être marquée par un nouvel exil de Louis XVIII, mais cette
fois-ci il ira moins loin, il ira à Gand, en Belgique.

D'ailleurs, l'un de ces surnoms, parce qu'il y a eu quelques-uns, c'était ; « Le père de Gand ».

A été évoqué, il y a quelques instants, le fait que cette période pouvait être discutée du point de vue
des dates.

On vient de voir pourquoi 1814 et pas 1815 et on aura bien compris.

Mais pourquoi 1870 ?

Parce que c'est la fin de la période du 2nd Empire, du régime de Napoléon III.

Mais, on verra dans l'enregistrement suivant, que le début de la période qui va suivre, sera lui-même
marqué par une incertitude des dates.
Est-ce que ça sera 1870 ?

Est-ce que ça sera 1871 ou 1875 ?

Mais finalement, peu importe, cette période couvre donc une bonne partie du 19e siècle.

2. LA CHARTE CONSTITUTIONNELLE DE 1814 : LA RESTAURATION

La 1re Charte constitutionnelle, qui date du 4 juin 1814, va connaître 2 rois, Louis XVIII et Charles X,
qui sont les 2 frères de Louis XVI.

Louis XVIII s’appelant le comte de Provence, va mourir en 1824.

Et puis, Charles X, qui va lui succéder, s’appelait le comte d'Artois, avant d'accéder au trône de
France en 1824, on aura bien compris.

Cette Charte de 1814 contient une subdivision qui s'appelle ; « Droit public des Français ».

Elle reprend les apports principaux de la Déclaration 1789.

Ce qui illustre un phénomène politique et idéologique très intéressant, c'est-à-dire l'impossibilité de


rayer 25 ans d'histoire.

Il n'est pas possible, en 1814, de revenir complètement à la France de l'anciens régime.

Il faut donc maintenir un certain nombre de règles ou de principes hérités de la Révolution.

Par exemple :

L'égalité des Français devant la loi,

L'égal admission aux emplois civils et militaires,

Les libertés de religion, mais le catholicisme est proclamé comme religion d'État,

La liberté d'opinion,

Mais aussi, quelque chose de tout à fait essentiel à l'époque, le maintien des propriétés acquises
depuis la Révolution.

Notamment, le maintien de ce qu'on a appelé les « biens nationaux », c'est-à-dire les biens de l'Église,
les biens des nobles, qui avaient fui la France, qui s'étaient exilés et dont les biens avaient été
rachetés, essentiellement par des hommes du tiers-État, et qui avaient bâti des richesses sur ces
biens.

Et, proclamer le maintien de ces propriétés, c’était le moyen de maintenir l'équilibre économique de la
France du début du 19e siècle.

La littérature est très riche de cela, notamment, il suffira de se reporter au roman d'Honoré de
Balzac.

Cette Charte est donc un texte octroyé par Louis XVIII et c'est la raison pour laquelle ce texte ne
s'appelle pas une constitution, parce que le terme de « constitution », évoquait beaucoup trop la
période révolutionnaire, la place du peuple, la place de la nation, et le mot de « charte », évoque la
Magna Carta de 1215, dont il a été plusieurs fois question.
Cette charte consacre, on s'en doute, une place prépondérante au Roi.

La personne du roi est inviolable, elle est sacrée, et les autres pouvoirs sont organisés autour du Roi.

C'est au Roi qu’appartient la puissance exécutive, il est le chef suprême de l'État, en matière
législative il propose la loi, il la sanctionne, on retrouve donc la participation de l'exécutif à l'œuvre
législative, et aucun amendement n'est recevable sans l'accord du Roi.

On voit donc la toute-puissance du Roi.

Il y a certes un Parlement, mais ses attributions sont quand même étroitement encadrées.

De la même manière, ce Roi désigne les ministres, qui sont responsables.

C'est ce que nous disent les articles 54 et 55 de la Charte constitutionnelle.

Ils sont responsables pénalement devant les assemblées.

Ils peuvent d'ailleurs être membres d'une des 2 assemblées.

Voilà un élément d'un futur régime parlementaire, parce que les ministres ne sont pas séparés des
assemblées.

Ce roi dispose du droit de dissolution, autre élément important, de la Chambre basse, qui va s'appeler
la Chambre des députés.

Mais en cas de dissolution, il doit alors provoquer de nouvelles élections, il ne peut pas ajourner
indéfiniment le Parlement, plus spécialement la Chambre basse, la Chambre des députés.

Donc à côté du Roi, un pouvoir législatif, partagé entre 2 assemblées.

Une Chambre des pairs, qui sont nommés à vie ou pour d'autres qui sont héréditaires et nommés, on
s’en doute par le Roi.

Et puis, une Chambre des députés des départements, c'est le nom complet de cette Assemblée, qui
sont élus pour 5 ans, mais par un suffrage extrêmement censitaire, qui permet à presque 110 milles
hommes d'être électeur sur une population d'environ 30 millions d'habitants dans la France de 1814.

C'est donc la pratique qui va faire émerger le régime parlementaire en France, puisque les ministres
vont, petit à petit, considérer qu'ils ne peuvent se maintenir en fonction lorsqu'ils n'ont plus la
confiance des Chambres, alors même qu’ils ne sont pas juridiquement obligés de le faire puisque les
textes ne disent rien.

Donc les ministres vont prendre aussi l'habitude d'être dirigés, coordonnés, par l'un d'entre eux, qui
va devenir petit à petit un principal ministre, un chef du gouvernement, et la solidarité
gouvernementale apparaît.

On constate alors, si on se reporte à l'enregistrement qui portait sur le régime parlementaire


britannique, à peu près les mêmes phénomènes, mais avec un certain décalage dans le temps.

Mais on constate aussi, comme en Grande-Bretagne, que ce régime a pu naître dans le cadre d'une
monarchie.

Louis XVIII meurt assez tôt, en 1824.


Il est remplacé par son frère, qui prend le titre de Charles X, qui se fait sacrer à Reims, alors que le
précédent avait été Louis XVI.

Et pourquoi ce fait-il sacré à Reims ?

Afin, dit-il ; « de renouer avec la chaîne des temps ».

Ça veut dire que la Restauration ici se veut plus complète, plus parfaite d'une certaine manière, il
s'agit presque d'aller jusqu'au bout de cette logique de restauration.

Et, la vie politique, dans les quelques années qui vont marquer la fin de cette période, est marquée par
la volonté du Roi, d'assumer tous les pouvoirs.

Du coup il va se heurter aux Chambres et notamment à la Chambre des députés.

Donc, il y aura une opposition qui deviendra de plus en plus difficile.

La Chambre des députés voudra que le gouvernement ait aussi sa confiance.

On se rappelle ce qu'est le régime parlementaire dualiste, dans lequel le gouvernement doit avoir la
confiance du Roi et d'une des chambres, notamment de la Chambre basse.

Et là, la Chambre des députés des départements souhaitait finalement avoir un certain contrôle sur
les ministres, au même titre que le Roi.

Cet affrontement va très mal se finir, d'une certaine manière, puisqu’en fait, la révolution de 1830 va
entraîner la chute du régime.

Elle va entraîner un changement au profit d'une autre Charte, qui va être la Charte de 1830.

3. LA CHARTE CONSTITUTIONNELLE DE 1830 ET LA MONARCHIE DE JUILLET

En effet, cette 2ndepartie de la période qui va de 1814 à 1848, va naître d'une révolution, les fameuses
« 3 glorieuses journées », de juillet 1830.

Cette révolution va chasser Charles X, qui va connaître une lui aussi un exil, mais cette fois-ci en
Autriche.

Pourquoi une révolution ?

Car, à la suite de 4 textes, de 4 ordonnances, voulues, signées, par Charles X, et particulièrement


réactionnaires, par rapport à l'esprit du temps, et notamment parce que l'une portait sur la liberté de
la presse, pour la restreindre, et l'autre restreignant encore la loi électorale, c’est-à-dire le droit de
suffrage.

Et là, ça va provoquer une sorte de révolution, ça va mettre le feu aux poudres, mais une révolution
Parisienne.

Il est vrai, que la Charte de 1814 permettait au Roi de prendre des ordonnances, afin de prendre
toutes les mesures nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État.

Donc, des ordonnances, qui se trouvaient à côté du pouvoir législatif et qui ne faisaient pas intervenir
le Parlement.
Mais ici, c'est le contenu de ces ordonnances, beaucoup plus que l'existence même des ordonnances,
qui va provoquer la chute de Charles X.

Cette révolution, essentiellement parisienne, qui n'a duré que ces fameuses 3 glorieuses, va permettre
l'accès au trône de Louis-Philippe d'Orléans, issu de la branche cadette de la famille des Bourbons.

Et, la Chambre des députés va rédiger une nouvelle charte qu'elle va se mettre à Louis-Philippe
d'Orléans, qui va l'accepter.

De ce fait, on considère que la Charte de 1830 est, en quelque sorte négociée, contractuelle, par
rapport à celle de 1814 qui était donc directement octroyée.

Voilà un passage qui paraît relativement anodin, mais qui consacre une évolution très profonde de la
monarchie constitutionnelle en France.

La 1re, peut-on dire, la Restauration, ressemblait beaucoup à la monarchie d'ancien régime, certes
tempérée par les acquis de la révolution.

La Charte constitutionnelle de 1830 devient véritablement une charte un peu à l'anglaise peut-on dire,
c’est-à-dire un régime qui se veut beaucoup plus tempéré.

D'ailleurs, la Charte de 1830 va être essentiellement une sorte de correction de celle de 1814, c’est-
à-dire que pour l'essentiel, on va retrouver les mêmes éléments, mais en ayant éliminé tous les
archaïsmes.

Alors il ne s'agit pas des archaïsmes de rédaction, mais toutes les institutions, tous les aspects, qui
ressemblaient trop à un texte réactionnaire, au sens fort du mot, un texte de restauration.

Donc ici, par exemple, dans la Charte de 1830, le Roi n'est plus le roi de France, mais le roi des
Français, la religion catholique n'est plus que celle de la majorité des Français et non pas la religion de
l'État, et, disposition un peu symbolique, le texte de l'article 67 dit que ; « La France reprend ses
couleurs », ce qui veut dire tout simplement, c'est l'adoption du drapeau français, du drapeau
tricolore, par rapport au drapeau blanc qui étaient en vigueur lors de la restauration entre 1814 et
1830.

Le Roi conserve des attributions très importantes, il partage l'initiative des lois avec les 2
assemblées, sous la restauration, on rappelle, le roi était le seul auteur de l'initiative des lois.

Et, on retrouve la formule qu'on a déjà citée dans un enregistrement précédent, formule de Guizot ;
« Le trône n'est pas un fauteuil vide », ça veut dire que le roi entend exercer un véritable pouvoir
politique.

Le Cens électoral, c’est-à-dire la somme d'impôts nécessaire pour être électeur, est abaissée, ce qui
permet l'accès limité, mais un accès à la vie politique de représentants, cette fois-ci de la
bourgeoisie.

Pour autant, on cite le cas d'un député élu dans une circonscription de l'Aveyron par 385 électeurs en
1845, donc un nombre très restreint d'électeurs dans une circonscription de type rural.

Pourtant, la fin de la période de la monarchie de Juillet va être marquée par une certaine forme de
crispation, c'est-à-dire le refus d'ouvrir plus loin le droit de vote à certaines fonctions, à certains
titulaires de diplômes, ceux qu'on appelait dans le vocabulaire de l'époque, les Capacités.
Cela va conduire à une nouvelle révolution, elle aussi parisienne, et à une chute de la royauté, à la fin
de la monarchie en 1848.

Le régime parlementaire, qui s'était développé au cours de cette période sous la forme d'un dualisme
un peu à la Britannique, va être abandonné au moins jusqu'à la fin de la période qui nous intéressé ici,
c'est-à-dire jusqu'en 1870.

Il y aura d'autres expériences constitutionnelles qui vont se mettre en place, mais en dehors de la
volonté de mettre en place un régime parlementaire.

4. LA IIe REPUBLIQUE 1848-1851

1848, c'est donc une révolution, au mois de février, à la suite d'un phénomène politique qui s'appelle ;
« La campagne des banquets républicains ».

Pourquoi des banquets ?

Parce que c'était l'occasion de faire de la politique autour d'une table, puisque le droit d'association
n'existait pas, les partis politiques n'étaient pas tolérés et la seule manière de se réunir c'était de
manger ensemble, peut-on dire.

A la suite de cette campagne, une révolution qui conduit à une autre abdication, celle du roi Louis-
Philippe, et on s'en doute, à son exil.

Et, un gouvernement provisoire est constitué rapidement, fin février 1848, dans lequel on retrouve
des noms bien connus dans l'histoire :

Lamartine, qui est aussi un écrivain,

Ledru-Rollin,

Arago,

Crémieux,

Garnier-Pagès,

Un socialiste qui s'appelait Louis Blanc,

Et de manière symbolique, l'ouvrier Albert (Alexandre Martin), puisque la révolution de 1848 a fait
participer une nouvelle couche de la société ; les ouvriers, le prolétariat.

Ce gouvernement provisoire proclame la République, se dote du drapeau tricolore et non pas du


drapeau rouge réclamé par certains.

Puis, ce gouvernement provisoire proclame des mesures tout à fait révolutionnaires :

L'instauration du suffrage universel masculin,

L'abolition de la peine de mort pour des raisons politiques,

La suppression de l'esclave, c'est le rôle de Victor Schœlcher par exemple,

Et, la création d'ateliers nationaux destinés à résorber le chômage.


Ce gouvernement est provisoire, pourquoi ?

Parce que son rôle, est de faire élire une Assemblée nationale constituante, car il faut donner à la
France une nouvelle Constitution.

Les élections ont lieu très rapidement, fin avril 1848.

Et, sont élus essentiellement des républicains, mais modérés, qui craignent toute révolution populaire.

C'est d'ailleurs parce que l'on souhaitait qu'il y ait des républicains modérés, que les élections ont eu
lieu très rapidement, pour éviter que les forces les plus révolutionnaires ne puissent faire campagne
trop longtemps.

Cette Assemblée élue détient le pouvoir constituant, on l'a compris, mais aussi le pouvoir législatif.

Cette période, de l'année 1848, est marquée par des émeutes ouvrières provoquées par le chômage et
un événement tout à fait important ; la fermeture des ateliers nationaux.

Les émeutes ouvrières sont réprimées par le général Cavaignac, qui était pourtant un républicain.

Mais ce sont les journées de juin 1848 et il va y avoir ainsi une coupure politique, qui va durer quelques
temps, entre le peuple des villes, des ouvriers, et la République.

Les ouvriers ne vont plus croire en la République comme garantie de l'évolution sociale, puisque
finalement la République leur a tiré dessus, si l'on peut dire ça de manière un petit peu brutale.

La question sociale, c’est-à-dire l'opposition entre les ouvriers et les bourgeois, va devenir une
question tout à fait importante, primordiale, au cours de cette période, et va diviser la vie politique
entre la droite et la gauche.

La droite, c'est à la fois la droite monarchiste, mais républicaine, car la distinction, finalement ici
n'est plus vraiment entre la monarchie et la République.

C'est dans ce climat, très tendu socialement, qu’est élaboré la Constitution du 4 novembre 1848, qui
énumère les objectifs de la Révolution française dans un préambule tout à fait intéressant, voilà une
autre innovation constitutionnelle, un préambule qui précède le texte de la Constitution.

On proclame les bases de la République française :

Famille,

Travail,

Propriété,

Ordre public.

Mais on met aussi l'accent de la fraternité à côté de la liberté et de l'égalité.

Finalement la devise républicaine, que tout le monde connaît :

« Liberté, Egalité, Fraternité », trouve son origine dans le préambule de la Constitution de 1848.

Cette constitution, en dehors du préambule, proclame également des droits nouveaux, moins
individualistes qu'en 1789, en proclamant :

Le droit au travail,
La liberté de l'enseignement,

Le droit d'association.

Puis, ce texte est intéressant sur le plan de l'histoire constitutionnelle, parce que-il est sans doute
l’un de ceux qui a cherché à séparer au maximum les pouvoirs, parce que, nous dit l'article 19 de la
Constitution de 1848 :

« La séparation des pouvoirs et la première condition d'un gouvernement libre ».

On a rencontré précédemment un régime qui avait cherché à mettre en place une séparation très
rigide des pouvoirs, très stricte des pouvoirs, c'est la Constitution de l'an 3.

Celle de 1848 va aller dans le même sens quant à la séparation des pouvoirs, mais avec des institutions
totalement différentes et sans qu'il y ait de comparaisons possibles entre le Directoire et la 2nde
République.

Mais dans les 2 cas, ces régimes de séparation stricte des pouvoirs vont assez mal se finir.

On a vu que le Directoire s'était achevé par le coup d'État de Napoléon Bonaparte.

On se doute que le régime de la 2nde République va être marqué par un autre coup d'État, cette fois-
ci, celui de Louis-Napoléon Bonaparte.

Et, pour en revenir au texte de la Constitution du 4 novembre 1848, l'innovation majeure consiste en
la création d'un président de la République.

Voilà une grande innovation.

Il est élu pour 4 ans, au suffrage universel direct, c'est l'article 41 de la Constitution de 1848.

Mais, avec une particularité, c'est qu'il n'était pas immédiatement rééligible et on va voir que cela va
conduire au coup d'État.

Ce président de la République incarne à lui seul le pouvoir exécutif.

Les ministres sont nommés, révoqués, par lui.

Et, il a des pouvoirs très larges, parce qu'il possède notamment l'initiative des lois, mais il n’est pas le
seul.

A côté de ce monocéphalisme, c’est-à-dire un exécutif à une seule tête, on va rencontrer un


monocaméralisme, c’est-à-dire un pouvoir législatif qui est confié à une seule Assemblée.

Comme finalement la 1re Assemblée révolutionnaire de 1789-1791, parce que la souveraineté ne se


divisé pas.

Une Assemblée pléthorique, 750 membres, élus pour 3 ans, mais élus au suffrage universel direct,
comme le président de la République nouvellement créé.

Et puis, comme en l'an 3, sur ce point que la comparaison peut être faite, en cas de conflit entre les 2
pouvoirs, la Constitution n'a prévu aucun mécanisme de relation entre eux.

Donc les risques de blocage vont être très grands.


Un président de la République qui doit être élu, donc il y a une campagne électorale, une élection au
suffrage universel en décembre 1848, au cours de laquelle Louis-Napoléon Bonaparte, donc le neveu
de Napoléon 1er, va développer des techniques, pourrait-on dire, de communication très moderne.

Il va comprendre le 1er, ce que veut dire une élection au suffrage universel direct, par rapport à ses
concurrents.

Il va faire une véritable campagne, pas seulement sur son nom, mais en faisant un certain nombre de
de promesses.

Il est donc très largement élu, contre notamment le fameux général Cavaignac.

Mais, Louis-napoléon Bonaparte, président de la République, va se heurter très vite à une assemblée
monocamérale, élue seulement au mois de mai 1849, qui est composée majoritairement de partisans de
l'ordre.

Louis Napoléon Bonaparte va jouer un petit peu sur cet antagonisme, en se présentant comme une
sorte de défenseur des intérêts du peuple et aussi des ouvriers.

Mais, ce que souhaite Louis-Napoléon Bonaparte, c'est de se faire réélire au bout des 4 ans.

Mais rappelons-le, le texte de la Constitution ne prévoit pas une éligibilité après un 1er mandat.

Donc, il va chercher à faire réviser la Constitution pour lui permettre de d'effectuer un 2e mandat,
mais évidemment, l'Assemblée va ne va pas lui faire ce cadeau.

Et, pour rester au pouvoir, il n'a qu'une seule solution, c'est le recours au coup d'État.

Sur ce plan-là, encore une fois, la comparaison avec le régime de Napoléon 1er, la comparaison est
évidemment très tentante.

5. LE RETOUR DU CESARISME

En effet, Louis-Napoléon Bonaparte va donc réaliser coup d'État, mais avant, il va chercher à
déconsidérer l'Assemblée nationale pour se rendre populaire, pour montrer qu'il défend les intérêts
du peuple.

Et, il va réclamer l'abrogation d'une loi électorale, du 31 mars 1850, qui privait du droit de vote à peu
près 3 millions de citoyens, essentiellement des ouvriers.

Parce que cette loi exigeait, pour être électeur, la possession continue d'un domicile fixe pendant 3
ans.

Or, les classes populaires étaient obligées, en quelque sorte, de bouger, pour trouver des emplois,
pour trouver des chantiers, de trouver un travailler.

Donc, les 1re victimes de cette loi, ce sont les classes populaires.

En se faisant, Louis-napoléon Bonaparte va se présenter comme un défenseur des intérêts populaires.

Les conditions sont donc mûres pour un coup d'État, et celui-ci est réalisé dans la nuit du 1er au 2
décembre 1851.
Cette date n'avait pas été choisie au hasard, parce que le 2 décembre, c'est à la fois la date du sacre
de Napoléon 1er en 1804, mais aussi la date de la victoire d'Austerlitz en 1805.

Bien entendu, ici la place du symbole est extrêmement forte.

Le coup d'État procède à la dissolution de l'Assemblée monocamérale, on l'a dit, du Conseil d'État,
car il a survécu à tous ces régimes.

On ne l’a pas évoqué, mais le Conseil d'État existait toujours, la Constitution de 1848 lui avait redonné
un rôle tout à fait important.

Le suffrage universel est rétabli par Louis Napoléon Bonaparte, à l'occasion de de ce coup d'État.

Et, le peuple est convoqué pour approuver tout cela.

C'est la tradition plébiscitaire que l'Oncle (USA), avait déjà beaucoup pratiqué.

Le peuple est censé, destiné, à approuver 5 bases, 5 fondements, de la nouvelle organisation politique
nouvelle, c’est-à-dire en fait futur.

C’est-à-dire qu'ici, le peuple n'est pas appelé pour adopter une constitution déjà faite, mais pour fixer
des principes sur la base desquelles la Constitution devrait être rédigée.

Il y a donc un caractère apparemment démocratique, mais en réalité, c'est Louis-Napoléon Bonaparte


qui décide pratiquement de tout.

Et, par le plébiscite, il va se donner une sorte d'onction populaire pour légitimer le coup d'État qui
vient d'avoir lieu.

Car évidemment, le coup d'État était parfaitement inconstitutionnel.

À ce coup d'État d'ailleurs, Paris et notamment le Paris populaire, ne fait que réagir mollement,
puisque le régime de 1848 était déconsidéré.

La répression s'abat malgré tout sur les opposants au coup d'État.

Certains vont être déportés en Guyane, d'autres en Algérie.

Tout cela entraînera des conséquences assez importantes, sur la population ou le peuplement de
l'Algérie.

Puis, il y aura un autre exilé célèbre et qui aura un peu moins, Victor Hugo qui ira à Guernesey.

Donc, la République qui s'était appelée la 2nde République, parce qu’on pensait, ou les républicains
pensaient, en 1848, qu'il n'y en aurait pas d'autres.

Cette République n'était pas la 2e, mais la 2nde.

Cette République, finalement, sombre dans une forme d'indifférence, sauf bien sûr pour ceux qui sont
condamnés à l'exil.

Le 20 décembre 1851, le suffrage universel délègue à une écrasante majorité, c'est à dire plus de 7
millions de oui, contre 592 milles non.

Le pouvoir constituant acquis bien une Commission, dont les membres sont étroitement choisis par
Louis Napoléon Bonaparte.
Cette Commission va rédiger la Constitution qui va porter la date du 14 janvier 1852.

On le voit, même pas un mois et demi entre le coup d'État et l'adoption de la nouvelle Constitution.

Mais certes, c'est une Constitution très courte, précédée d'un très long texte qui
s'appelle ; « Proclamation », qui explique aux Français les bases constitutionnelles du nouveau régime.

Cette proclamation dans laquelle Louis-Napoléon Bonaparte explique qu'il faut revenir aux traditions
et aux institutions politiques du Consulat et de l'Empire, puisqu'elles ont donné à la France des
institutions absolument parfaites et qui ont fait leurs preuves.

Donc, il faut en quelque sorte recopier ce qui s'est fait en 1800, 1802 et 1804.

Le texte de la Constitution de 1852, se caractérise bien sûr non seulement, par la volonté d'imiter les
institutions du régime de l'an 8, mais se caractérise par un retour au suffrage universel, qui est
présenté comme la source apparente du pouvoir, mais du pouvoir du président car il y a encore un
président à ce moment-là.

La Constitution met en place toutes les caractéristiques d'un régime qu'on peut appeler autoritaire ou
césariste.

Et, un régime césariste, c'est quoi ?

C'est un régime dans lequel un chef de l'État exerce les pouvoirs d'un César, puisqu’il y a la volonté de
s'inspirer aussi des traditions de la République romaine, c'est-à-dire de quelqu'un qui dispose d'un
pouvoir très important, mais en se fondant sur le peuple.

C’est-à-dire, un petit peu ce qu'on appellerait de façon plus moderne une forme de populisme, c'est-à-
dire qu'on se réclame du peuple, mais pour exercer un pouvoir plus qu’autoritaire, en tout cas
autoritaire.

Le président de la République, dans la constitution de 1852, est le centre du pouvoir et les autres
organes gravitent, peut-on dire, autour de lui.

Il dispose d'un mandat de 10 ans, donc la question de la rééligibilité ne se pose pas.

Il n'est responsable, d'après le texte, que devant le pape, il n’ y a pas de responsabilité devant les
assemblées évidemment.

Et, il est assisté par des ministres qui ne dépendent que de lui, qui ne sont responsables que devant
lui.

Il est assisté aussi par un Conseil d'État composé de membres nommés.

Puis, il y a une autre Assemblée quand même, qui est le Sénat, dont les membres sont des notables
inamovibles, à vie, qui est un peu le gardien de la Constitution et des libertés publiques.

Il faut quand même bien une Assemblée élue au suffrage universel, donc un corps législatif, mais élu
pour 6 ans, à côté du président de la République, il y a donc 2 autorités apparemment élues au
suffrage universel direct.

Ce corps législatif discute la loi, vote la loi, mais il ne dispose pas du pouvoir d'initiative des lois, qui
n'appartient qu’au président.

Mais, l'évolution n'est sans doute pas complète pour aller jusqu'à l'imitation de l'Oncle.
Donc, le Sénatus-consulte, on retrouve le vocabulaire napoléonien, du 7 novembre 1852, propose au
peuple français d'approuver par plébiscite le rétablissement de la dignité impériale et héréditaire.

Là aussi, il y a plus de 7 millions de oui, pratiquement 8 millions.

Louis-napoléon alors, devient Napoléon III, puisqu’entre les 2, n'oublions pas qu'il y avait le Roi de
Rome, le fils de Napoléon 1er, qui, même s'il n'a jamais gouverné, ni règne, est considéré dans
l'imagerie napoléonienne comme étant le successeur de Napoléon 1er, d'où le choix de Napoléon III.

Donc, le Sénatus-consulte adapte la Constitution de 1852, aux nouvelles conditions impériales et il


faut pour cela un nouveau Sénatus-Consulte du 25 décembre 1852, c’est-à-dire le jour de Noël.

6. LA CONSTITUTION DE 1852 ET LE SECOND EMPIRE

Donc, le 2nd Empire s'installe, il nait à ce moment-là, mais on voit qu'il a été quand même préparé par
différents épisodes.

Ce 2nd Empire, qui va donc durer de 1852 à 1870, se distingue, traditionnellement dans les ouvrages
d'histoire, entre en 2 périodes, 2 phases.

L'une dite de l'Empire autoritaire,

L'autre qualifiée d'Empire libéral.

La date charnière entre les 2, est très exactement 1860.

Évidemment, les choses ne sont pas aussi schématiques, mais il y a quand même, malgré tout, une
différence entre 2 parties du 2nd Empire.

Cette période est marquée par une forme de confiscation du suffrage universel, non pas parce qu’on
empêche les Français de voter, mais parce que le suffrage est en quelque sorte organisé, notamment
par le biais et la pratique de ce qu'on appelle des « candidatures officielles », c’est-à-dire des
candidats du pouvoir, que l'on distingue des autres, ne serait-ce que par la couleur des affiches et
donc ça permet en fait de faire élire plus facilement des partisans du pouvoir.

Et puis, cette période est également marquée par l'encadrement sévère des journaux, l'encadrement
des publications, l'encadrement également du droit de réunion.

Les libertés politiques sont assez limitées.

Il est vrai que jusqu'en 1860, la vie politique est pratiquement inexistante.

Alors que cette période, connaît un essor économique et financier important de la France, et que les
succès de la politique au cours de cette 1re partie du 2nd Empire permettent finalement aux Français
de se détourner de la politique, les victoires sont un bon moyen finalement de ne pas parler politique.

Et, c'est notamment la guerre de Crimée en 1854, qui est un succès pour la France.
Mais, Napoléon III va commettre quelque chose de contestable, de critiquable, aux yeux d'une partie
de l'opinion, car il va être favorable à la réunification de l'Italie, à la naissance de l'Italie moderne, et
donc il va se dresser contre l'Autriche et contre la papauté.

Il va rencontrer finalement l’hostilité des milieux catholiques, mais aussi des milieux d'affaires.

De ce fait, pour essayer de trouver des appuis, Napoléon III va chercher à s'appuyer sur les libéraux,
sur les républicains, c’est-à-dire ces opposants de la 1re heure.

Petit à petit, le régime va renforcer les droits du Parlement, en restaurant le vote de l'adresse au
discours du trône.

Le discours du trône est une sorte de discours sur la situation politique prononcé par l'Empereur et
dans lequel il indiquait ses projets politiques.

L'adresse est une réponse du Parlement et une réponse qui peut être aussi une forme de critique.

En 1860, cette adresse, donc ce texte de réponse, est soumise au vote, ce qui est un événement, un
changement, relativement important.

Il faut attendre 1861, pour que les débats parlementaires soient publiés « in extenso », dans leur
totalité, au Journal officiel.

Il faut attendre 1861 toujours, pour que le vote du budget ne se fasse pas de manière globale, mais
par chapitre et par section.

Donc, ça veut dire que chacun des chapitres, chacune des sections, peuvent être discutés, notamment
par l'opposition, et donc cela permet un meilleur contrôle par les députés du budget.

En 1866, la durée des sessions est allongée et il est très intéressant d'observer dans les différents
pays la durée des sessions parlementaires.

Plus la session est courte, plus le régime est autoritaire.

Et, à chaque élection, l'opposition gagne des sièges, aussi aidés par une loi de 1868 sur la liberté de la
presse et aussi sur la liberté de réunion.

Et, il faut attendre finalement tardivement, les élections de 1869 et l'arrivée au corps législatif, de
125 députés libéraux, donc en principe adversaire du régime impérial, pour que le régime soit
transformé un petit peu, mais de manière quand même significative.

L'initiative des lois est partagée désormais, entre l'Empereur et le corps législatif.

Les ministres peuvent être membres des assemblées.

Tout ça est le fruit d'un Sénatus-consulte, donc d'une révision constitutionnelle, du 8 septembre
1869.

Donc, il y a des éléments vers le régime parlementaire.


En effet, il y a un autre Sénatus-consulte, du 21 mai 1870, tous ces Sénatus-consultes d'ailleurs sont
soumis au peuple français, n'oublions pas que nous sommes dans un régime plébiscitaire et qu’ils sont
adoptés par une large majorité.

Ce texte consacre un régime de type parlementaire, nous sommes donc au milieu de l'année 1870, avec
2 assemblées législatives ;

Un corps législatif,

Et un Sénat.

Donc une Chambre basse et une Chambre haute.

L'Empereur nomme et révoque des ministres, mais dont le texte nous dit qu'ils sont responsables,
sans préciser devant qui et donc il pouvait y avoir en germe les éléments d'un régime parlementaire.

Pourquoi parler au passé ? (qui ne s'est pas produit)

Tout simplement, à cause de la guerre avec la Prusse en 1870 et surtout la défaite militaire de Sedan,
le 2 septembre 1870, qui contraint Napoléon III, qui est fait prisonnier, à l'abdication, qui n’est même
pas vraiment une abdication formelle, mais de fait il ne peut plus être l'Empereur.

Donc la guerre, une fois encore en France, est constitutionnelle licide, c’est-à-dire selon une formule
que l'on emprunte à Robert Badinter, avocat, professeur de droit, ministre, président du Conseil
constitutionnel, qui signifie donc :

« En France les guerres ont souvent provoqué la chute des constitutions ».

1870, en est un exemple parfait.

Il faudra le retour de la paix aussi pour qu’il y ait un nouveau régime qui va naître dans les années
1870.

IX. L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE FRANCAISE 1870-1940

1. LA RECHERCHE D’UN NOUVEAU REGIME

L'installation de la 3e République est un exemple intéressant de naissance d'un régime politique et


constitutionnel.

C'est une période au cours de laquelle, s'affronte notamment la République, la monarchie.

C'est une période au cours de laquelle se dessine les traits principaux du futur régime et des régimes
suivants, puisque la 4e République s'inscrira dans une certaine continuité par rapport à la 3e
République.

Et, la 5e République, on le verra au 2nd semestre, s’est organisée, s'est construite, en réaction au
régime précédent, que ce soit la 3e ou la 4e République.
Les 5 premières années de cette période, 1870-1875, ont été également très riches en événements
de toute nature, comme la guerre avec la Prusse et toutes les conséquences qui en ont découlé,
notamment le phénomène de la commune de Paris.

La défaite militaire du 2nd Empire à Sedan, le 2 septembre 1870, marque donc la naissance du régime,
puisque Napoléon III capitule.

Dès le 4 septembre, un gouvernement provisoire se constitue autour de députés parisiens, qui étaient
hostiles au 2nd Empire.

Et ce gouvernement provisoire notamment, cherche à contrecarrer les initiatives de l'impératrice


Eugénie, qui voulaient instaurer un régime de type impérial.

Le gouvernement provisoire est présidé par le général Trochu, qui comprend Gambetta et ceux qu'on
appelait les « 3 Jules », du fait de leur prénom, Jules Ferry, Jules Simon et Jules Favre.

Ce gouvernement, proclame la République, au balcon de l'hôtel de ville de Paris, comme en 1848.

C'est un gouvernement non seulement provisoire, mais aussi de défense nationale, qui est censée faire
la guerre avec l'Allemagne.

C’est un gouvernement de fait qui s'est autoproclamé, en prenant le pouvoir, et une fois de plus on voit
que la transition constitutionnelle entre le régime du 2nd Empire et le futur régime, qui pour l'instant
n'a pas encore de nom, se fait dans une forme de violence constitutionnelle, puisque ce changement ne
respecte pas les règles prévues au départ.

Mais ce gouvernement ne pouvait signer la paix avec l'ennemi, ni même lui donner une nouvelle
Constitution, faute d'une légitimité nécessaire.

En effet, le Chancelier allemand Bismarck, ne voulait signer qu'avec des interlocuteurs réguliers et
les hommes du 4 septembre, en plus des républicains, ne lui inspiraient pas confiance.

Il fallait donc organiser des élections pour élire une assemblée constituante, pour réaliser l'objectif
de rédaction d'une nouvelle Constitution.

Ces élections, ont été retardées du fait de la poursuite de la guerre et des revers militaires, et elles
ne purent avoir lieu qu’après la signature de l'armistice le 28 janvier 1871.

Ces élections ont donc eu lieu le 8 février 1871.

L'Assemblée nationale se réunit à Bordeaux, puis à Versailles, à partir du mois de mars 1871.

Cette Assemblée constituante avait été élue sur la base de la question principale, c’est-à-dire la
continuation de la guerre ou la paix ?

Les Français se prononcèrent pour la paix, donc pour les candidats monarchistes, puisque ceux-ci
étaient favorables à la paix, et notamment sous l'influence de la France de province qui était en partie
envahie par les troupes prussiennes et sur le territoire de laquelle se déroulait les combats.

Les républicains, au contraire, étaient plus bellicistes et ils se retrouvent donc minoritaire, alors que
ce sont les républicains qui avaient proclamé, non seulement la République, mais qui avait conduit à
cette élection de l'Assemblée constituante.

Sur les 650 membres que compte l'Assemblée constituante, il y avait 400 monarchistes.
Cette situation politique, qui est due essentiellement à la situation militaire, va avoir un poids
considérable pour la suite des événements.

La situation politique est donc paradoxale, la République est proclamée, mais l'Assemblée est dominée
par des monarchistes qui sont eux-mêmes divisés entre 2 courants peut-on dire :

Les légitimistes,

Et les Orléanistes.

C'est-à-dire en fait, les partisans des 2 branches de la même famille des Bourbons.

Mais, ces 2 branches sont opposées quant à la conception de la future monarchie souhaitée.

Les orléanistes souhaitent un retour à un régime de type de la monarchie de Juillet.

Les légitimistes sont plus favorables à un régime qui ressemblerait à la restauration, Louis XVIII ou
Charles X.

Quant aux républicains, ils sont aussi divisés entre une gauche modérée et une gauche plus radicale.

Ils refusaient d'ailleurs que l'Assemblée soit directement constituante peut-on dire, parce que
comme cette Assemblée était majoritairement monarchiste, les républicains craignaient qu'elle
n’élabore une constitution monarchiste.

Cette Assemblée se consacre donc essentiellement à la paix.

Elle signe le traité de Francfort du 10 mai 1871, qui entraîne comme conséquence, on le sait, la perte
de l'Alsace-Moselle.

Dès le 18 février 1871, l'Assemblée avait nommé Adolphe Thiers, en tant que chef du pouvoir
exécutif, c'était son titre provisoire et en dehors d'un texte constitutionnel.

Et, en tant que chef du pouvoir exécutif, il était chargé de gouverner sous l'autorité de l'Assemblée,
mais avec des ministres qu’il choisissait et qu'il dirigeait sur la base d'une résolution adoptée par
l'Assemblée.

Un régime donc, qui tenait un peu du régime d'Assemblée de type conventionnel, mais en même temps
qui ressemblait à un régime plus parlementaire d'une certaine manière.

Bien que républicain, Thiers bénéficie d'un très grand prestige politique auprès de la majorité de
l'Assemblée, ce qui explique d'ailleurs son choix, et cela avait évité en outre à un monarchiste
d'endosser la responsabilité d'une paix qui était nécessairement humiliante, compte tenu de la perte
d'une partie du territoire français.

C'est au cours de cette période, que se situe le phénomène politique, militaire, social, insurrectionnel,
de la commune de Paris, entre la fin mars 1871, jusqu'au 28 mai 1871.

Pour autant, craignant Thiers et voulant sauvegarder les champs de la monarchie, l'Assemblée fit
voter 3 lois matériellement constitutionnelles, en ce sens où ces lois, ont un contenu constitutionnel.

Mais ces lois sont provisoires et elles sont votées en attendant l'adoption d'une future constitution.

Et ce n'est que plus tard que cette même Assemblée réussit à adopter 3 lois constitutionnelles, mais
cette fois-ci, qui seront définitives.
Pour autant, les 3 premières lois, dîtes provisoires dans l'histoire constitutionnelle, vont avoir des
conséquences très importantes sur la suite des événements et au moins pour l'une d'entre elles sur la
suite des régimes.

2. LES LOIS CONSTITUTIONNELES PROVISOIRES

Les 3 lois constitutionnelles provisoires sont en réalité au nombre de 4, dont l'une est restée de droit
positif, au moins en théorie.

Première de ces lois constitutionnelles provisoires, la Constitution Rivet ou loi du 31 août 1871.

Cette loi, avait pour objet de diminuer l'influence de Adolphe Thiers, sur l'Assemblée, tout
simplement parce que ses talents oratoires exerçaient une très forte influence sur celle-ci et que la
majorité monarchiste craignait qu’il ne retourne l'Assemblée en sa faveur.

Le titre de président de la République lui est conféré, mais en guise de récompense, car la paix est
faite avec l'Allemagne, la commune est réprimée et l'on sait que Thiers était le principal adversaire
des communards.

Mais le titre de président de la République qui lui est conféré, est sans conséquence sur l'évolution du
régime, c'est un titre quasiment honorifique.

La loi décide ainsi, que le chef de l'exécutif prendra le titre de président de la République, mais ses
pouvoirs prendront fin en même temps que ceux de l'Assemblée.

Nous sommes dans un régime provisoire, dans un régime de transition.

Il s'agissait bien d'un président de la République, puisque celle-ci avait été proclamée, contre le vœu
des monarchistes sans doute, le 4 septembre 1870.

La loi Rivet déclare que les ministres sont responsables devant l'Assemblée.

Ce qui fait évoluer le régime un peu plus vers un régime de type parlementaire, avec une sorte de
gouvernement responsable et un chef de l'État (Adolphe Thiers), dont on souhaitait d'ailleurs qu'il
eut un rôle moins direct.

2e loi constitutionnelle, c'est la loi Tréveneuc, du 15 février 1872.

Il s'agit donc du texte de droit positif, c'est à dire d'un texte qui pourrait être appliqué, car il n'a
pas été abrogé, à la différence des autres textes.

En fait, cette loi organise la suppléance de l'Assemblée nationale ou de celles qui lui succéderont, car
elle a un caractère permanent.

Cette suppléance s’organise, par une assemblée de délégués des conseils généraux, au cas où elles
seraient illégalement dissoutes ou empêchées de se réunir.

Dans l'hypothèse donc, où l'Assemblée nationale, quelle que soit le régime, ne pourrait pas se réunir,
c'est une espèce de fédération des départements qui exerceraient le rôle législatif.

L'application de cette loi Tréveneuc avait été envisagée en 1944, au moment de la libération du
territoire, lorsque l'Assemblée nationale ne pouvait pas se réunir, compte tenu des événements.
En réalité, ce n'est pas cette solution, comme on le verra, qui a été adoptée.

Cette loi en fait, organise l'avenir en cas de coup de force, qui était craint de la part d'Adolphe
Thiers.

3e loi constitutionnelle provisoire, ce que l'on appelle encore la constitution de Broglie, du 13 mars
1873.

En fait, cette loi cherche à obtenir ce que la loi Rivet n’avait pu obtenir, c’est-à-dire diminuer
l'ascendance de Thiers sur l'Assemblée.

Pour ce faire, la loi met en place un système, très complexe, de communication entre le chef de
l'exécutif et l'Assemblée.

Système tellement complexe d'ailleurs, que Thiers l'avait qualifié de « cérémonial chinois », tellement
les mécanismes de collaboration entre Thiers et l'Assemblée étaient complexes.

Il s'agissait, rappelons-le, de diminuer l'influence concrète, l'influence personnelle de Thiers sur


l'Assemblée.

Ce cérémonial chinois s'est déroulé de la manière suivante.

Le président, qui avait donc le titre de président de la République, ne peut plus communiquer avec
l'Assemblée que par ses ministres :

Soit dans un sens par des messages lus par eux,

Soit dans l'autre sens par des interpellations adressées par les députés.

Thiers ne peut donc prendre la parole dans l'Assemblée que dans 3 hypothèses qui sont organisées,
par des procédures complexes, et aucun débat ne peut avoir lieu après ces messages.

Voilà donc le fameux cérémonial chinois.

Interpellé le 24 mai 1873, par le duc de Broglie, Thiers est mis en minorité.

On revoit donc un mécanisme finalement de contrôle de l'exécutif par le législatif.

Et, Thiers se sent contraint de démissionner.

Il est alors remplacé par le maréchal de Mac Mahon, dès le soir même, et le changement d'homme est
capital sur le plan politique, même si les textes ne sont pas du tout modifiés.

En effet, Mac Mahon n'est pas du tout un orateur, il n'est pas député, il est partisan du comte de
Chambord sur le plan politique, c’est-à-dire que c'est un légitimiste et donc il souhaite le retour de la
monarchie et d'une monarchie de type restauration.

Mais en même temps, il faut noter que les différentes élections partielles, qui avaient eu lieux après
1871, avaient vu la victoire des républicains.

Les monarchistes souhaitaient restaurer la monarchie au plus vite, puisqu’ils voyaient la menace
républicaine gagner du terrain, au moins au sein de l'Assemblée nationale constituante.

Mais on va le voir, la « querelle du drapeau », va empêcher ce retour de la monarchie.

4e loi constitutionnelle provisoire, la loi sur le septennat ou la loi du 20 novembre 1873.


En effet, les monarchistes étaient partagées entre 2 courants.

D'abord, comme on l'a dit, les partisans du comte de Chambord, petit-fils de Charles X, favorable au
retour à l'ordre ancien, jusqu'où, nul ne le sait.

Il est favorable au drapeau à fleur de Lys, aux drapeaux blancs de la monarchie française.

Puis, l'autre courant monarchiste, c'était les partisans du comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe
et donc Orléaniste, issu de la branche cadette de la famille des Bourbons et partisan du drapeau
tricolore.

On rappelle, que c'est sous la monarchie de Juillet, que la France avait retrouvé ses couleurs, selon la
formule de la Charte de 1830.

Il s'agit donc d'une monarchie constitutionnelle, proche de la monarchie de Juillet, qui est souhaitée
par les partisans du comte de Paris.

Mais, il fallait organiser l'accession au trône et organiser le provisoire, en attendant que ces 2
prétendants, comptes de Chambord et comptes de Paris, s'entendent ou alors, en attendant que le
comte de Chambord meurt et il n'avait pas d’enfant.

Comme l'un des orateurs le dit, dans les débats de la loi sur le septennat :

« Il fallait attendre que la providence veuille bien fermer les yeux de Monsieur le Comte de
Chambord, à défaut d'avoir pu les lui ouvrir à temps. »

Le Comte de Chambord, en effet, n'acceptait pas de recevoir la couronne d'une Assemblée.

Il n'acceptait pas non plus une constitution rédigée par elle.

Ce qui explique le refus du drapeau tricolore qui était le symbole d'un régime qu'il refusait.

Voilà donc, ce que l'histoire a appelé la « querelle du drapeau ».

La loi du 20 novembre 1873, organise donc ce provisoire en prévoyant une présidence, mais cette fois-
ci personnelle, une forme de régence, au profit du maréchal de Mac Mahon, ça tombe bien, c’était un
monarchiste.

Et, cette loi dispose que :

« Le pouvoir exécutif est confié pour 7 ans au maréchal de Mac Mahon »,

Ce qui consacre, évidemment, la règle du septennat qui va connaître de nombreux développements par
la suite.

La situation est donc gelée sur le plan politique, en attendant que la monarchie ou la République
triomphe.

Et la République, qui était conçue comme provisoire par la majorité de l'Assemblée, pouvait être
facilement transformée en monarchie, puisque le pouvoir était confié de manière personnelle à Mac
Mahon, et non pas de manière institutionnelle.

Ce chef du pouvoir exécutif, n'était pas responsable devant l'Assemblée et celle-ci ne pouvait le
révoquer.

Le chef du pouvoir exécutif gouvernait par l'intermédiaire de ministres responsables devant elle.
On le voit, les instruments du régime parlementaire étaient prêts et les lois constitutionnelles de
1875 qui vont suivre, n'ont eu qu'à consacrer ce régime parlementaire.

3. LES LOIS CONSTITUTIONNELLES DE 1875 ET LA REPUBLIQUE

Les lois constitutionnelles de 1875, ont une particularité dans l'histoire constitutionnelle, elles vont
en fait servir de Constitution à la 3e République, qui est, jusqu'à ce jour, le régime qui aura duré le
plus longtemps, 65 ans.

Ce régime n'était donc fondé que sur 3 lois constitutionnelles, dont on va voir qu’elles sont
relativement brèves et techniques.

La loi du 20 novembre 1873, consacrée au septennat, avait également décidé la nomination d'une
Commission de 30 membres, appelée précisément la « Commission des 30 », pour rédiger les lois
constitutionnelles.

Il fallait sortir de ce provisoire.

En réalité, ça faisait 3 ans que la France n'avait pas de gouvernement constitutionnel.

Les débats se sont éternisés, l'Assemblée c'est lassé.

Et, le 30 janvier 1875, un amendement fut déposé par Henri Vallon, le député, qui transformait le
septennat personnel du Maréchal Mac Mahon, en septennat impersonnel, qui était rédigé de la manière
la plus discrète possible :

« Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre
des députés réunis en Assemblée nationale, il est nommé pour 7 ans. »

Voilà donc une disposition apparemment anodine.

On garde le septennat, mais au lieu de préciser que la fonction de président est confiée au maréchal
Mac Mahon ou à un autre, on nous dit simplement, le président de la République est élu et de manière
donc impersonnelle.

Cet amendement fut adopté à 1 voix de majorité, après qu’Henri Vallon eut déclaré :

« Si la République ne convient pas à la France, la plus sûre manière d'en finir avec elle c'est de la
faire. »

Sous-entendu, tentons la République et on verra si finalement cela convient à la France.

Cet amendement est sans doute le plus célèbre de l'histoire constitutionnelle française ou au moins
Républicaine.

Cet amendement, sur le plan politique, a été voté grâce à la conjonction des centres, au sens politique
du mot, par un accord tacite des membres de l'Assemblée, sur le caractère provisoire des textes
adoptés.

Ce qu'on peut appeler le centre droit, c’est-à-dire les monarchistes Orléanistes, a accepté le principe
de la République, en échange de la possibilité de réviser la Constitution.
Dans un sens monarchique, il suffisait de remplacer le président de la République par le Roi, et le tour
était joué.

De l'autre côté, le centre gauche, c'est-à-dire les républicains modérés, se satisfaisaient de la


victoire de la République.

Enfin, on avait la République, et d'ailleurs la 2nde lecture du texte, puisqu’en fait, l'amendement n'avait
été adopté qu’au cours de ce qu'on peut considérer comme une 1re lecture, donna une majorité bien
plus large à l'amendement.

Les uns et les autres, s'étant rallié finalement à ce compromis politique.

L'ensemble du texte dans lequel s'insérait cet amendement fut d'ailleurs adopté le 25 février 1875.

Et, c'est la 1re des lois constitutionnelles, qui va fonder la 3e République.

En effet, il y eut 3 lois constitutionnelles.

La dernière étant postérieure à février, parce qu'il fallait un petit peu de temps pour aménager les
rapports entre les pouvoirs publics.

La 1re loi constitutionnelle, du 25 février 1875, est relative à l'organisation des pouvoirs publics.

La 2e de ces lois, du 24 février 1875, est relative à l'organisation du Sénat.

Cette chronologie est un peu curieuse, mais l'antériorité des lois ou des dates s'explique par la
décision de l'Assemblée de subordonner l'acceptation de la République, c’est-à-dire celle contenue
dans la loi du 25 février 1875, à l'institution d'une 2nde Chambre conservatrice, ce qui était la
condition mise par les monarchistes à l'acceptation de la République.

La loi sur le Sénat fut donc votée, avant celle relative aux pouvoirs publics, mais fut promulguée après
elle.

Ces lois sont toujours présentées dans cet ordre, malgré la chronologie des dates.

La 3e loi constitutionnelle fut celle du 16 juillet 1875, sur les rapports entre les pouvoirs publics.

L'installation de la République et du régime constitutionnel mis en place, nécessitaient que


l'Assemblée vote la loi organique du 2 août 1875, sur l'élection des sénateurs, et la loi organique du
30 novembre 1875, cette fois-ci, sur l'élection des députés.

Le caractère organique de ces lois, sans que cette qualification ait un sens juridique très précis,
souligne malgré tout l'importance de ces textes qui viennent compléter les textes proprement
constitutionnels, et qui sont nécessaires à la mise en œuvre de ces lois constitutionnelles.

Mais sur le plan de leurs valeurs juridiques, ces lois organiques ne sont que des lois ordinaires.

3 lois constitutionnelles, modestes par leur taille, par leur objet, qu'il s'agisse simplement de prévoir
les institutions, d'organiser les rapports entre ces institutions.

3 lois, qui ne sont pas précédées d'un préambule, ni d'une déclaration des droits, mais qui fondent la
3e République pour 65 ans.

Ces lois comprenaient au total 34 articles.

C'est donc de loin la Constitution la plus courte de l'histoire constitutionnelle, à ce jour.


D'ailleurs, au terme des différentes révisions qui vont avoir lieu au cours de cette période, il ne
restait plus que 25 articles applicables en 1940, date de la fin de la 3e République.

C'est la 1re fois, qu'en France, un texte constitutionnel est aussi laconique, aussi peu solennel, mais le
caractère laconique de ce texte, va peut-être expliquer aussi le succès du régime constitutionnel mis
en place.

4. LES POUVOIRS PUBLIC SOUS LA IIIe REPUBLIQUE

Le régime né des lois constitutionnelles de 1875, instaurait un parlementarisme dualiste susceptible


de fonctionner aussi bien, dans le cadre d'une République, que sous une monarchie modérée, du fait du
compromis politique passé entre les différentes forces qui composaient l'Assemblée nationale
constituante.

Ces lois, d'ailleurs, n'ont subi qu'un faible nombre de révisions, dont l'une a surtout consacré
symboliquement l'installation de la République.

Ces lois appliquent donc l'essentiel des principes du régime parlementaire, mais elles confient des
pouvoirs très importants au président de la République, parce que, comme on l'a dit, certains membres
de l'Assemblée avaient imaginé qu'un Roi puisse succéder à ce président.

Donc, les éléments du parlementarisme dualiste sont tout à fait en place.

On trouve un pouvoir exécutif bicéphale.

C'est tout à fait logique dans un régime parlementaire, qui plus est un régime parlementaire de type
dualiste.

Ce président de la République est élu par les 2 chambres réunis en Assemblée nationale, expression
qui désigne la réunion des 2 Assemblées, Chambre des députés et Sénat.

Ce président est élu à la majorité absolue, à la différence du régime de l'élection directe par le
peuple, comme en 1848.

Un élu, au suffrage universel, était considéré par les républicains de 1875 comme une menace sur la
République.

Tout le monde se souvenait du coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte.

Le vote se fait malgré tout au scrutin secret, pour éviter les pressions de l'Assemblée, et cela
interdit en quelque sorte l’indiscipline des partis. Chacun vote dans sa conscience.

Et, il ressort de ce vote un président qui n'est pas forcément l'otage des différents partis politiques.

Ce président est rééligible sans limite.

Mais dans l'histoire de la 3e République, seuls 2 présidents de la République seront élus 2 fois :

Jules Grévy, au début du régime,

Et Albert Lebrun, à la fin de la 3e République.


Ce président de la République, qui aurait pu être un Roi, est nécessairement irresponsable, sauf
l'hypothèse, qu'on pourrait presque qualifier de classique, de haute trahison, sans que l'on sache ce
que l'on met derrière cette expression.

Et, cette irresponsabilité du chef de l'État, est bien sûr une caractéristique du régime parlementaire.

De ce fait, la loi constitutionnelle du 25 février 1875, précise bien que :

« Chacun des actes de ce président doit être contresigné par un ministre. »

Mais, ce président dispose de pouvoir très important, toujours avec l'éventualité d'une
transformation de la République.

Ces pouvoirs sont énumérés aux articles 3 et 5, de la loi du 25 février 1875, et dans plusieurs articles
de la loi du 16 juillet 1875.

A ce titre, par exemple, le président a le pouvoir de convoquer les Chambres, d'adresser des
messages, c'est le souvenir du cérémonial chinois qui avait été imposé à Thiers.

Il a le pouvoir de dissoudre la Chambre des députés, élément caractéristique du régime


parlementaire.

Et il a également l'initiative des lois.

D'un point de vue plus juridique et technique, il dispose du pouvoir réglementaire, c’est-à-dire du droit
d'édicter des règles générales et impersonnelles, pour compléter la loi sous la forme de décret.

Il est aussi le commandant de la force armée, il a le pouvoir de négociation, de ratification des


traités, et de manière plus symbolique, il a la faculté d'utiliser le droit de grâce.

Au moins apparemment sans contrainte, d'après le texte, c’est-à-dire librement, le président de la


République nomme et révoque les ministres.

Les ministres constituent la 2e tête du pouvoir exécutif bicéphale.

La réunion de ces ministres forme le cabinet, qui constitue l'élément instable du pouvoir exécutif,
dans la logique d'un régime parlementaire.

Dans la Constitution, dans les lois constitutionnelles 1875, rien n'empêche que ces ministres soient
considérés comme les collaborateurs directs du président, dans un régime qui aurait alors ressemblé
davantage à un régime de type présidentiel.

Mais la réalité sera autre.

Le Cabinet, en effet, n'est pas prévu par la Constitution, le mot n'existe pas, mais l'article 6 de la loi
du 25 février 1875 prévoit que :

« Les ministres sont solidairement responsables devant les Chambres, de la politique générale du
gouvernement et individuellement de leurs actes personnels. »

L'élément essentiel de définition du régime parlementaire est prévu, avec la solidarité associée à la
responsabilité.

Le choix du chef du gouvernement sera, après 1869, le seul acte politique du président de la
République.
Le chef du gouvernement soumettra à la signature du président de la République, la nomination des
autres membres du gouvernement, ce qui n'est pas du tout le sens initial des lois constitutionnelles de
1875.

Quant à la révocation, elle n'a pratiquement jamais été utilisée, puisque les ministres démissionnent
lorsqu'ils sont mis en minorité.

La fonction de président du Conseil n'est cependant pas prévue par la Constitution, simplement le
principe d'un chef du gouvernement existe depuis la restauration.

Le Président du Conseil est une nécessité dans un régime parlementaire, ne serait-ce que pour assurer
la direction des affaires publiques, aussi bien sur le plan politique que sur le plan administratif, mais
aussi pour représenter le gouvernement devant l'opinion, devant le Parlement.

Le Conseil des ministres est prévu de manière incidente dans la Constitution, à propos de quelque
chose qui peut apparaître anodin, à propos de la nomination des conseillers d'État, qui sont nommés en
Conseil des ministres, c'est l'article 4 de la loi du 25 février 1875.

Mais, ce Conseil des ministres est présidé par le président de la République, le chef du gouvernement
ne présidant alors que les Conseils de cabinet, qui se réunissent en dehors de la présence du président
de la République.

La présidence du Conseil des ministres par le président de la République, qui durera sous la 3e
République, sous la 4e République, fait que le régime mis en place en France se distingue dès le départ
du régime britannique.

On rappelle que c'est l'impossibilité de dialoguer, entre le Roi britannique et ses ministres, parce
qu'ils ne parlaient pas la même langue, qui explique la coupure physique entre le roi britannique et les
ministres.

Évidemment, ce cas de figure ne s'est pas présenté dans l'histoire constitutionnelle française.

À côté du pouvoir exécutif, il y a donc le Parlement bicaméral.

L'Assemblée nationale, sous la 3e République, est donc la réunion de la Chambre des députés et du
Sénat.

De manière tout à fait essentielle, ce bicaméralisme était, en 1875, la condition du ralliement des
monarchistes au régime mis en place, car le Sénat devait représenter aux yeux des monarchistes
l'élément stabilisateur, l'élément conservateur, du régime qu'il souhaitait.

C'est un bicaméralisme presque égalitaire qui est mis en place.

Tout d'abord, la Chambre des députés, élue au suffrage universel direct, masculin, même si les
militaires en activité sont privés du droit de vote à cette époque.

La Chambre des députés est élue pour 4 ans, renouvelée intégralement et elle comprend plus de 600
circonscriptions.

Les députés sont élus au scrutin uninominal d'Arrondissements qui ressemble un peu au mode de
scrutin que la 5e République va mettre en place, à la différence que les circonscriptions correspondent
aux arrondissements qui sont des circonscriptions administratives.
La Chambre des députés possède 2 missions essentielles, elle vote la loi et elle peut mettre en cause
la responsabilité du gouvernement.

Là encore, les éléments du régime parlementaire sont en place.

À côté de la Chambre des députés, il existe donc un Sénat qui est susceptible de modérer les excès
présumés de la Chambre, qui est élue au suffrage universel direct.

Ce Sénat est composé de 300 membres, dont 75 étaient inamovibles en 1875, afin de rendre ce Sénat
encore plus conservateur.

Ces sénateurs doivent être âgés de 40 ans minimum, alors qu'il ne fallait que 25 ans pour être élu à la
Chambre des députés.

Et, cet âge de 40 ans est censé garantir une certaine sérénité, une certaine sagesse.

Ces sénateurs, en dehors des sénateurs inamovibles, sont élus pour 9 ans, renouvelables par tiers tous
les 3 ans, afin d'empêcher les changements brusques de majorité.

Cette règle du renouvellement partielle va là aussi connaître une très grande longévité.

Ces sénateurs ne sont pas élus au suffrage universel direct, mais par un collège électoral de grands
électeurs, dans lequel figure les députés, les conseillers généraux et les représentants des conseils
municipaux.

Chaque commune, quelle que soit la taille, n’élisait, dans le texte constitutionnel de 1875, qu'1 délégué
sénatorial.

Comme la France possède de nombreuses communes, qui sont petites, qui sont rurales, et qui sont
traditionnellement plus conservatrices, la représentation des campagnes fait du Sénat une Assemblée
très modérée, c'est le moins qu'on puisse dire.

Gambetta désignait alors le Sénat d'une formule qui va faire fortune elle aussi, comme étant :

« Le grand Conseil des communes de France. »

Les attributions du Sénat sont nombreuses et elles illustrent le bicaméralisme égalitaire.

Le Sénat vote la loi, aussi bien constitutionnel que la loi ordinaire.

Et, le Sénat peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement.

Mais le Sénat ne peut pas être dissous.

En revanche, le président de la République doit obtenir l'autorisation du Sénat pour dissoudre la


Chambre des députés, ce qui constitue une spécificité de la 3e République.

C'est l'article 5 de la loi du 25 février 1875.

Spécificité, qu'on ne retrouve donc pas dans d'autres régimes parlementaires.

Ces lois constitutionnelles de 1875 ont fait l'objet de quelques révisions, mais finalement très peu
pour un régime qui a duré aussi longtemps.

3 révisions peuvent être distinguées.


L'une d'entre elles, la dernière du point de vue chronologique, a même un caractère constitutionnel
discutable, au moins sur le plan matériel.

La 1re révision fut celle du 21 juin 1879, portant abrogation de l'article 9 de la loi constitutionnelle du
25 février 1875.

Cette révision est un peu symbolique puisqu’elle visait à redonner à Paris son rôle de siège des
pouvoirs publics, à la place de Versailles qui avait été choisi en 1871 et on sait que le mot de
« Versailles » avait donné naissance à l'adjectif « versaillais » pour désigner les adversaires de la
commune.

C'est ainsi que la République, qui s'installe en 1879, enterre la commune de Paris et redonne à cette
ville son rôle de capital politique.

2e révision constitutionnelle, c'est celle du 14 août 1884.

Cette révision s'est faite de manière un petit peu plus complexe et étalée dans le temps, que celle de
1879.

En effet, il fut d'abord décidé que la forme républicaine du gouvernement ne pouvait faire l'objet
d'une proposition de révision.

Ensuite, il fut décidé que les membres des familles ayant régné sur la France étaient inéligibles à la
présidence de la République.

Cette dernière règle était un souvenir du coup d'État de Louis Napoléon Bonaparte, du 2 décembre
1851.

Elle visait les descendants de la famille Bonaparte et les descendants de la famille des Bourbons.

Pour autant, ces obstacles, au retour à la monarchie, étaient relativement fragiles, parce qu'il
suffisait éventuellement de réviser cette révision, c'est-à-dire de revenir sur la loi constitutionnelle
du 14 août 1884, pour que les membres de ces familles soient de nouveau éligibles.

Mais, il s'agit cependant d'une étape intéressante historiquement, parce qu’elle consacre la victoire
complète de la République au milieu des années 1881 et l'installation définitive au pouvoir des
républicains sous la 3e République.

Cette même loi constitutionnelle du 14 août 1884, opère aussi un autre changement.

Elle prononce, en effet, la déconstitutionnalisation des articles 1 à 7, de la loi du 24 février 1875.

Or, ces articles étaient relatifs à l'organisation du Sénat et concernaient le mode de désignation des
sénateurs, notamment ceux élus par l'Assemblée nationale, et inamovibles.

Le 2nd acte est alors réalisé par une loi ordinaire, puisque les dispositions ne sont plus
constitutionnelles, n'ont plus un caractère constitutionnel.

Ces dispositions peuvent être modifiées plus facilement par une loi ordinaire.

Et, ces articles de la loi constitutionnelle furent modifiés par une loi ordinaire du 9 décembre 1884,
qui supprime les sénateurs inamovibles, au nom des exigences de la démocratie, au nom d'une
conception plus moderne et plus démocratique de la République.
Les 75 sénateurs inamovibles resteront malgré tout en fonction jusqu'à leur mort et seront
progressivement remplacés par des sénateurs élus dans les départements, comme les autres
sénateurs.

En outre, cette loi de décembre 1884 modifie la composition du collège sénatorial.

Le principe du délégué unique par commune, pour le collège sénatorial, est supprimé et le nombre de
délégués devient variable selon la taille de la commune, sans que l'on aille jusqu'à une proportionnalité
exacte.

De ce fait, avec la composition de ce nouveau collège électoral, ce sont plutôt les gros bourgs, les
chefs-lieux de canton, qui sont favorisés au détriment cette fois des petites communes rurales.

La 3e loi constitutionnelle, de révision des lois constitutionnelles de 1875, est un petit peu plus
curieuse, c'est la loi du 10 août 1926.

Elle porte, en effet, sur la caisse de gestion des bons de la défense nationale et d'amortissement de
la dette publique.

Et, elle précise que : « L'autonomie de cette caisse a un caractère constitutionnel. »

On peut s'interroger, sur le contenu constitutionnel de cette révision insérée dans un texte
constitutionnel, pour lui donner une plus grande solennité.

Il s'agit surtout de rassurer les épargnants en pleine crise financière.

Et, cette révision illustre la différence qui peut exister entre la forme et le contenu des
constitutions, entre la définition formelle et la définition matérielle.

Mais, indépendamment de ces révisions textuelles, formelles, le système mis en place en 1875, ne va
fonctionner, tel qu'il a été prévu à ce moment-là, que pendant 2 ans.

En effet, le régime va connaître une crise qui va orienter le fonctionnement du régime dans un sens
différent et va entraîner le régime vers un parlementarisme moniste, ce que certains considéreront
comme un déséquilibre du régime parlementaire.

5. LE REGIME PARLEMENTAIRE MONISTE DE LA IIIe REPUBLIQUE

En effet, la pratique de la 3e République a modifié l'équilibre des textes de 1875.

Ce déséquilibre est né d'une crise qui porte la date du 16 mai 1877.

Cette crise a opposé le président de la République Mac-Mahon, toujours à ce moment-là, et la


majorité parlementaire.

Les 2 autorités, président de la République, majorité parlementaire, relevaient en effet de 2


majorités politiques différentes.

Ce conflit juridique se double aussi d'un conflit de légitimité, entre la monarchie qui est un peu en
perte de vitesse, l'idée monarchique qui perd de son influence, et en face la République qui est au
contraire gagne du terrain, qui correspond aussi à l'émergence d'une nouvelle classe sociale, la
bourgeoisie moyenne autour des notables.
La crise du 16 mai 1877 va entraîner une pratique politique, institutionnelle, très différente de ce que
les lois constitutionnelles 1875 avaient prévu.

Examinons les faits de cette crise, très rapidement.

Le 16 mai 1877, le maréchal Mac Mahon, qui est donc un président de la République monarchiste,
adresse au président du Conseil, Jules Simon qui est un républicain modéré, une lettre désapprouvant
sa politique.

Ce chef du gouvernement démissionne, il est remplacé alors par le duc de Broglie, qui est un
monarchiste.

La Chambre des députés et le Sénat sont ajournés par le président de la République.

Et, la Chambre des députés qui est républicaine, cette fois-ci qui a une majorité des 3/5e, s'élève
contre ce qu'elle appelle un coup de force du président de la République, et elle voté le 21 juin un
ordre du jour déclarant que : « Le gouvernement n'a pas la confiance des représentants de la nation. »

Le 25 juin 1877, le Président de la République, après avis conforme du Sénat, ce qui est prévu,
rappelons-le, par les lois constitutionnelles de 1875, prononce la dissolution de la Chambre.

La crise est nouée et chacun a utilisé les armes, la parole est en quelque sorte au peuple, au suffrage
universel pour trancher le litige entre le chef de l'exécutif et la Chambre des députés.

Et, la campagne électorale s'engage et au cours de celle-ci, les républicains, autour de Gambetta,
déclarent que :

« Le président de la République devra se soumettre où se démettre en cas de victoire des


républicains. »

Là aussi, cette formule fera fortune.

La victoire est acquise aux républicains à la suite de ces élections législatives.

Le gouvernement de Broglie est remplacé par un gouvernement, dont les membres sont pris en dehors
du Parlement, c'est le choix initial de Mac Mahon.

Donc, le président de la République ne se soumet pas.

Mais le 24 novembre, la Chambre déclare qu'elle ne veut pas entrer en rapport avec ce ministère,
qu'elle ne connaît pas entre guillemets et qui est composée de membres pris en dehors de la majorité
de la Chambre.

Et, Mac-Mahon est alors conduit à se soumettre, à nommer et à constituer un gouvernement Dufaure,
qui est un républicain modéré, qui va appliquer une politique différente de celle souhaitée par le
président.

Dans cette hypothèse, le conflit entre le gouvernement et le président devenait inéluctable.

En janvier 1879, les républicains obtiennent la majorité au Sénat et Mac Mahon perd son dernier
appui, il démissionne et donc il se démet.

Les 2 Chambres réunies élisent un nouveau président, il s'agit de Jules Grévy, qui est un républicain,
et qui déclare dans le message qu'il adresse au Parlement après son élection ; « qu'il n'entrera jamais
en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. »
Ces organes constitutionnels sont ceux qui expriment la volonté nationale, c’est-à-dire dans l'esprit
de Jules Grévy, les Assemblées et plus spécialement encore la Chambre des députés.

Cette déclaration est connue dans l'histoire sous le nom de Constitution Grévy.

Il ne s'agit évidemment pas d'un nouveau texte.

Il s'agit d'une lecture nouvelle des lois constitutionnelles du 1875.

Il s'agit d'un renversement des équilibres institutionnels prévu par les lois, du fait de cette
interprétation très particulière de ces lois.

Mais, les textes quant à eux n'ont pas été modifiés.

La conséquence essentielle de la crise du 16 mai 1877, c'est qu'elle va entraîner un bouleversement du


fonctionnement du régime parlementaire.

D'abord, le caractère dualiste du régime est abandonné.

Les ministres ne sont plus responsables que devant les Chambres et plus devant le président de la
République.

Et, celui-ci donc perd un des moyens essentiels d'intervention dans la conduite des affaires du pays.

Ce président de la République n'a plus de moyens d'action, il est irresponsable.

Le chef de l'État devient un personnage effacé et la procédure de dissolution tombe en désuétude,


puisque l'utilisation qu'on a faite Mac-Mahon a conduit à la défaite du président de la République.

La dissolution ne sera alors plus utilisée sous la 3e République.

La disparition de ces 2 éléments, que sont le dualisme et la dissolution, déséquilibrent le régime


parlementaire au profit des Assemblées.

Le gouvernement est entièrement dans les mains des Chambres.

Plus largement, cette crise structure le régime institutionnel jusqu'en 1958.

L'effacement politique et juridique du chef de l'État renforce, en effet, la puissance des


Assemblées, qui ne rencontrent aucune limite juridique.

Face à cette situation et malgré quelques titulaires d'envergure, certains présidents du Conseil ayant
laissés leurs traces, leur image dans l'histoire, la présidence du Conseil n'arriva pas véritablement à
s'imposer face aux Chambres.

Cette situation, finalement de faiblesse de la présidence du Conseil, constitue une autre différence
avec le régime britannique, dans lequel le Premier ministre domine la majorité de l'Assemblée.

Dans le cas français, c'est presque l'inverse qui s'est produit.

Donc, l'effacement du chef de l'État, dû à la crise du 16 mai 1877, ne profite pas véritablement au
gouvernement et la 3e République présente un bicéphalisme, dont les 2 têtes sont affaiblies.

Cette situation explique que 104 gouvernements se sont succédé en 70 ans, de 1871 à 1940.

Et, cette situation marque donc la faiblesse de la 3e République, du fait de l'instabilité ministérielle.
La Constitution n'a en effet prévu aucune procédure particulière pour la mise en jeu de la
responsabilité du gouvernement.

Et, ce gouvernement prend l'habitude de se retirer dès qu'il est mis en minorité, par l'une ou par
l'autre des Assemblées, même s'il s'agit d'une question d'importance politique mineur.

Le gouvernement démissionne aussi, parfois, à la suite de dissensions internes, parce que la majorité
de ce gouvernement est fragile et qu’il suffit d'une crise entre 2 représentants, de 2 partis, pour que
le gouvernement soit amené à démissionner.

Le gouvernement démissionne aussi, sous la 3e République, à la suite de scandales qui furent


nombreux, qu'il s'agisse du Boulangisme en 1884, qu'il s'agisse de l'affaire Dreyfus en 1898 ou, plus
tard, après la 1re Guerre mondiale, de l'affaire des ligues factieuses qui s'en prenaient à la
République.

Cette situation donnait au Parlement des pouvoirs législatifs très étendus, un pouvoir de contrôle très
développé.

Mais, en même temps, ce Parlement ne pouvait pas tout faire et il fut contraint d'abandonner une
partie de ses attributions législatives au profit du gouvernement.

C'est la pratique des « décrets-lois » qui va naître principalement après la 1re Guerre mondiale, qui va
permettre d'ailleurs au Parlement de ne pas endosser certaines mesures impopulaires et de confier ce
soin, si l'on peut dire, au gouvernement.

Ces décrets-lois sont donc une catégorie juridique née en dehors de la Constitution.

Ce sont des textes hybrides.

Le contenu de ces décrets est fixé à l'avance par les législateurs, pour un temps déterminé, mais le
contenu est parfois très étendu, avec des formules du genre :

« Le gouvernement peut prendre toute mesure nécessaire pour parvenir à l'équilibre du budget. »

Ces décrets devaient ensuite être soumis à la ratification du Parlement et cela entraînait un
changement de leur valeur.

De simple décrets, ils acquéraient alors une valeur législative, d'où leur nom de décret-loi.

Cette ratification pouvant être d'ailleurs express ou implicite, lorsqu'une loi postérieure visait où
modifiée un décret-loi antérieur.

Une bonne partie de la législation de cette époque, après la 1re Guerre mondiale, fut prise sous la
forme de décret-loi.

Et, les 1re lois d'autorisation furent votées en 1924, on en trouve en 1926.

Les gouvernements Doumergue 1934, Laval 1935, Chautemps 1937 et Daladier 1938, vont beaucoup
utiliser la technique de ces décrets-lois.

Pour autant, cette période de la 3e République fut très riche sur le plan politique.

Elle voit la naissance des grands partis politiques, en 1901 le Parti radical et radical-socialiste, en
1905 la section française de l'Internationale ouvrière (la SFIO) et en 1920 la création du Parti
communiste français (PCF).
De la même manière, c’est une qui a développé les droits, les libertés, avec le vote de très nombreux
textes ;

La loi de 1881 un sur la presse, la loi du 1884 sur le droit syndical, la loi de 1901 sur la liberté
d'association et puis la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État.

De la même manière, la 3e République va consacrer aussi à un phénomène de décentralisation, avec le


vote en 1871 de la loi sur les Conseils généraux et surtout de la loi sur l'administration communale du
5 avril 1884 qui va structurer le monde local pour une très longue période.

C'est de cette époque que date la véritable naissance de la tradition républicaine en France, tradition
qui ne sera interrompue que par le régime de Vichy.

X. L’HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE FRANCAISE 1940-1958

1. LES GOUVERNEMENTS DE FAIT 1940-1944

La période qui va de 1940 à 1958, est une période relativement troublée.

Elle débute en effet par des régimes que l'on a souvent appelé des régimes de fait, dans la mesure où
il n'était pas organisé par des textes constitutionnels et qu’ils apparaissent parfois comme des
parenthèses.

Ces régimes de faits étaient parallèles dans le temps, mais opposés sur le plan politique.

D'un côté le régime de Vichy et de l'autre une structure politique née autour des autorités qui
menaient la lutte contre l'occupant, ces autorités devenant progressivement le gouvernement
provisoire de la République française.

Si la 1re Guerre mondiale n'avait pas eu d'influence directe sur la 3e République, du moins sur le plan
institutionnel, ni même sur le plan politique, une partie d'avant la 1re Guerre mondiale étant restée les
mêmes après cette guerre, la 2nde Guerre mondiale, en revanche, a profondément modifié les
structures constitutionnelles, et elle a profondément fait évoluer le régime entre la 3e et la 4e
République.

Malgré tout, cette affirmation doit être nuancée, car il faudra distinguer entre la volonté des
hommes de la 4e République de créer un régime différent de celui de la 3e, et la permanence de
certaines habitudes, de certaines modalités, qui fera que la 4e République s'apparente malgré tout à la
3e République.

La 4e République, qui voulait lutter contre les excès, contre les inconvénients, de la 3e République,
pourra retrouver une partie de ses excès et de ses inconvénients, et la 4e République est marquée,
entre autres, par l'échec de la tentative de rationalisation du régime parlementaire.

Les gouvernements, de fait, apparaissent donc comme une parenthèse dans l'histoire
constitutionnelle, ils n'ont duré qu'à peine 4 ans, de 1940 à 1944, ils ont en commun de se situer dans
des logiques qui sont inscrites en dehors de l'application d'un texte constitutionnel, ou bien celui-ci
est suspendu pour le régime de Vichy, ou bien celui-ci n'existe pas du tout pour les forces de la
résistance ou les forces de la France libre.

Ces 2 régimes sont établis pour répondre à des situations de crise exceptionnelles, liés à la défaite
militaire de juin 1940, et liés à l'occupation du territoire français.

La France, en effet, présente la particularité de voir ses régimes constitutionnels assez mal résister
aux défaites militaires, tel avait été déjà le cas du 2nd Empire.

On peut remarquer, en revanche, que l'occupation partielle du territoire français pendant la 1re
Guerre mondiale n'a pas conduit à un changement constitutionnel, ni même politique.

Il y a eu des influences sur la conduite de la guerre évidemment, mais sur le terrain strictement
constitutionnel, cette occupation n'a pas eu de conséquence.

Il faut dire que celle de 1940 se présentait sous un jour et dans des conditions fort différentes des
conditions de la 1re Guerre mondiale.

Les 2 régimes, de fait, ont en commun d'être en plus radicalement opposés quant à l'attitude à avoir
face à l'occupant, évidemment, puisque c'est sur ce critère qu'ils se sont constitués, mais aussi quant
à l'idéologie qui les sous-tend.

Et quant à l'organisation du régime politique, les conceptions constitutionnelles, malgré tout, de ceux
qui les soutiennent, se rapprochent cependant sur certains points, puisque les uns et les autres qui
étaient des hommes formés dans les mêmes écoles et avec la même culture, les uns et les autres,
avaient subi l'influence d'un mouvement de réflexion né à la fin de la 3e République et qui porte le nom
de « révisionnisme constitutionnel », puisque ce mouvement avait pour objet, et bien, de corriger les
excès du régime de la 3e République.

Il n'est donc pas surprenant que l'on retrouve des héritiers, des partisans, de ce révisionnisme
constitutionnel aussi bien à Vichy qu'à Londres.

La défaite militaire de 1940 est l'occasion, pour certains hommes politiques mais aussi pour certains
intellectuels, pour certains doctrinaires, de permettre enfin un changement de régime qu’ils
n'auraient pas pu mettre en place par la voie légale et par la voie démocratique.

C'est un des aspects aussi de la défaite de 1940, c'est qu'elle permet la formation d'un
gouvernement qui était souhaitée par un certain nombre de membres et d’hommes politiques de la 3e
République, mais qu'ils ne pouvaient pas mettre en place dans les conditions normales.

Après que le gouvernement, préside par le maréchal Pétain, ait signé l'armistice en juin 1940, le
Parlement vote la loi du 10 juillet 1940, qui est une loi constitutionnelle, et qui attribue au maréchal
Pétain les pleins pouvoirs pour élaborer une nouvelle Constitution.

Parallèlement, dès le 18 juin 1940, le général De Gaulle, depuis Londres, appelle à la poursuite du
combat et condamne la signature de l'armistice.

Les institutions de la France libre se transforment alors progressivement en un gouvernement


provisoire.
Le gouvernement de l'État français à Vichy pose la question de la constitutionnalité du régime de
Vichy.

Il faut distinguer sans doute la constitutionnalité formelle de la dévolution du pouvoir au maréchal


Pétain, et la constitutionnalité de l'exercice du pouvoir par le maréchal Pétain.

Paul Reynaud, président du Conseil, hostile à l'armistice, on le rappelle, qui est pourtant décidé par la
majorité de son gouvernement, démissionne le 16 juin 1940 et Albert Lebrun, président de la
République, charge le maréchal Pétain de constituer un nouveau gouvernement.

L'armistice entre en vigueur le 24 juin, et un décret fixe à Vichy au 8 juillet le siège des pouvoirs
publics.

La légalité de ce gouvernement, présidé par le maréchal Pétain, est peu discutable en droit, la suite
l'est peut-être.

Les chambres sont convoquées pour réviser la Constitution et le gouvernement prend, en effet,
l'initiative d'une proposition de révision constitutionnelle.

Pour cela, il faut que les 2 Assemblées émettent un vœu, qui aillent dans le même sens, ça c'est
réaliser très vite par un vœu de la Chambre des députés, un vœu du Sénat, à des majorités qui sont
totalement écrasantes.

Ce vœu prévoit la possibilité de réviser complètement la Constitution.

On pense, en effet, dans cette situation dramatique dans laquelle se trouve la France, qu'une révision
constitutionnelle est nécessaire.

Lorsque l'Assemblée nationale se réunit, toujours à Vichy, c’est-à-dire lorsque la Chambre des
députés et le Sénat se retrouvent au sein de la même Assemblée, le texte de la résolution commune
obtient une majorité très forte de parlementaires favorables à cette résolution, 559 voix contre 80.

Ces 80 voix sont restées dans l'histoire comme étant précisément les 1er opposants au pouvoir du
maréchal Pétain.

Cette procédure, dans sa lettre, est conforme à l'article 8 de la loi constitutionnelle du 25 février
1875, qui prévoyait les modalités de révision du texte constitutionnel.

Cette révision porte la date du 10 juillet 1940 et il s'agit d'une loi constitutionnelle qui dispose que :

« L'Assemblée nationale donne tout pouvoir au gouvernement de la République, sous l'autorité et la


signature du maréchal Pétain, à l'effet de promulguer par un ou plusieurs actes une Constitution de
l'État français. Cette Constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie.
Elle sera ratifiée par la nation et appliquée par les Assemblées qu'elle aura créé. »

Cette loi est promulguée par le président de la République dans les conditions tout à fait normales,
conformes à la Constitution de 1875, et cette loi est bien sûr contresignée par le président du Conseil
qui est le maréchal Pétain.

Le contenu de cette loi n'est pas non plus entaché d'inconstitutionnalité manifeste.
En réalité, le texte réalise une modification du mode de révision, ce qui était prévu par la loi
constitutionnelle de 1875 est modifié constitutionnellement, et en quelque sorte cette loi de 1940
révise le processus de révision, ce qui est toujours possible dans les conditions constitutionnelles.

Toute proportion gardée et sans faire d'autres comparaisons, c'est un mécanisme similaire qui sera
utilisé en 1958 pour réviser la Constitution de 1946.

L'une des questions posées, par la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940, était de savoir aussi si cette
loi avait aboli la République.

Sur ce point, des interprétations alors peuvent apparaître de manière divergente.

La Constitution, qui doit être établie, devra être celle de l'État français, et on trouve donc pour la 1re
fois l'apparition de cette notion.

Mais le mandat qui est donné, est donné au gouvernement de la République et donc il y a une
incertitude quant à la nature même du régime en question, est-ce que c'est encore un régime
républicain, ou est-ce que ce n'est déjà plus un régime républicain ?

De la même manière, le texte constitutionnel devra garantir les droits du travail, de la famille et de la
patrie.

Ces 3 objectifs, bien sûr, se distinguent de la devise républicaine liberté, égalité, fraternité.

Et, voilà un indice supplémentaire, peut-être, du glissement du régime vers quelque chose d'autre que
la République telle qu'elle était, ou au moins conçue, sous la 3e.

Pour autant, les premiers actes constitutionnels qui seront pris dès le 11 juillet 1940, c’est-à-dire les
actes qui constituent, d'une certaine manière, les premières mesures constitutionnelles prises par le
maréchal Pétain, parce qu'il faut bien organiser le pouvoir qui est à Vichy, à défaut de pouvoir faire
une Constitution dans les quelques jours qui suivent, les actes constitutionnels disposent ainsi que :

« Le maréchal Pétain assume les fonctions de chef de l’Etat. »

Et, l'acte constitutionnel N° 1 du 11 juillet 1940 abroge ainsi l'article 2 de la loi du 25 février 1875,
relatif à l'élection du président de la République.

Alors même que cet article, qui résulte de l'amendement Wallon, est considéré comme la marque de
l'instauration de la République, sa disparition est-elle suffisante pour considérer que la République est
de ce fait abolie ?

En effet, s'il ne peut exister de président de la République sans République, cette dernière peut
toujours exister sans un président.

De même, on peut relever que dans un projet de Constitution qui avait été préparé et qui n'a jamais
été adopté, il était question dans un article 14 que :

« Le chef de l'État porte le titre de président de la République. »


Mais ce projet date de 1943, c’est-à-dire dans un autre contexte militaire et politique que celui de
l'installation du régime de Vichy.

En fait, ce qui constitue la question presque principale de savoir si l'on a ou non changé de régime,
c'est finalement la signature de l'armistice.

En effet, pour les hommes de la Résistance, qui vont d'une certaine manière réécrire un peu
l'histoire, c'est cet armistice qui entache d'irrégularité, en réalité plutôt d'illégitimité, le
gouvernement qui s'y est prêté.

Et donc, c'est parce que ce gouvernement a signé l'armistice, aux yeux des hommes de Londres, que la
République est en quelque sorte morte à ce moment-là.

Pour autant, si l'on sort du strict cadre juridique et constitutionnel, il faut bien remarquer que
l'exercice des attributions du pouvoir par le maréchal Pétain est allé à l'encontre d'un certain nombre
de principes républicains, notamment sur la question des droits fondamentaux, puisque l'égalité des
citoyens devant la loi a été partiellement rompu, puisque le statut des Juifs qui est mis en place dès
octobre 1940 entraîne une forme de discrimination qui va à l'encontre des principes républicains.

De la même manière, la séparation des pouvoirs, qui constituent un des fondements du régime mis en
place en 1875, est niée puisque le gouvernement du maréchal Pétain va gouverner la France sans
Assemblées et puisque ce régime parlementaire qui constitue l'un des fondements de la 3e République
ne peut fonctionner faute d'Assemblées.

Ces Assemblées étant en quelque sorte ajournées dès le 10 juillet 1940.

C'est donc plus dans la manière d'exercer le pouvoir, que dans l'arrivée au pouvoir du maréchal Pétain,
que se trouvent les doutes quant à la constitutionnalité du régime de Vichy.

De l'autre côté, à tous les sens du mot d'ailleurs, on peut retrouver le gouvernement dit de la France
libre.

Ce gouvernement est né de la volonté du général De Gaulle dès l'appel du 18 juin, de constituer une
structure qui ait les apparences d'un gouvernement afin de conforter sa propre légitimité, dont il
faut bien convenir qu'elle était très faible au début de la guerre.

Rappelons que le général De Gaulle n'était que général de brigade à titre temporaire et qu'il avait été
dans le gouvernement de Paul Reynaud, celui qui précède au gouvernement du maréchal Pétain, sous-
secrétaire d'État à la guerre.

C'est d'ailleurs cette qualité officielle qui lui avait permis d'aller à Londres pour voir comment la
France et le Royaume-Uni pouvaient associer leurs forces au moment où le territoire français
commençait à être totalement envahi.

Pour autant les institutions de la France libre se sont mises en place de manière très progressive,
d'abord par la création d'un comité national français entre 1941 et 1942 à Londres et qui est composé
de commissaires, qui sont en fait des équivalents de ministres responsables devant le général De
Gaulle.
Mais évidemment, ces commissaires n'avaient que peu d'influence sur ce qui se passait sur le
territoire français.

Et puis, à partir de 1942, ont coexisté 2 organisations, l'une dirigée par le général De Gaulle à
Londres et l'autre par le général Giraud à Alger.

N'oublions pas que les Américains étaient très hostiles au général De Gaulle.

En 1943, sous la pression des alliés, ces organismes sont fusionnés en un organe unique, coprésidés au
départ par le général Giraud et par le général De Gaulle, et puis présidés ensuite par le seul général
De Gaulle, celui-ci ayant pris le pas sur son rival et concurrent.

Cet organe était le Comité français de libération nationale, qui a fonctionné entre 1943 et 1944.

Il était d'ailleurs assisté d'une Assemblée consultative, provisoire.

On met en place des éléments, des organes, qui ressemblent au fonctionnement d'un véritable régime
politique, même si tout cela se déroule loin du territoire français métropolitain.

Et puis, en 1944, la dernière étape est franchie, il est installé un gouvernement provisoire de la
République française.

Ce gouvernement provisoire de la République française (GPRF), va édicter de très nombreuses


mesures sous la forme d'ordonnances.

D'ordonnances, évidemment, parce qu'il ne peut pas y avoir de lois.

Et Parmi ces ordonnances, il faut mettre en avant celle du 9 août 1944 relative au rétablissement de
la légalité républicaine.

Cette ordonnance affirme dans son article 1er que :

« La forme du gouvernement de la France est et demeure la République en droit, celle-ci n'a pas cessé
d'exister. »

L'article 7 de cette même ordonnance fait référence à l'autorité de fait, se disant gouvernement de
l'État français.

L'article 2 de l'ordonnance déclare nuls les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires,


promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement
du gouvernement provisoire de la République française.

Voilà donc l'essentiel de ce texte.

On constate que la date est celle du 16 juin 1940, c’est-à-dire en fait la date de la démission du
gouvernement de Paul Reynaud et de l'accession à la présidence du Conseil du maréchal Pétain, qui va
diriger un gouvernement qui va demander l'armistice.

Donc c'est cette date qui constitue, en quelque sorte, la coupure entre l'avant et l'après.
On constate aussi dans cette ordonnance du 9 août 1944 que le gouvernement de Vichy est à ses yeux
un gouvernement de pure fait et que le seul gouvernement légitime, le seul gouvernement légal, c'est
celui entre guillemets de la République française, même s’il ne porte ce nom que depuis quelques mois,
puisqu'on l'a vu auparavant, il y avait d'autres structures institutionnelles.

En même temps, ce texte de l'ordonnance du 9 août 1944, qui proclame la nullité de tous les actes du
régime de Vichy, a admis qu’il fallait que cette nullité soit expressément constatée.

Tous les actes pris pendant la période de 1940 à 1944 ne méritaient pas en effet d'être totalement
annulés, d'être considérés comme n'ayant jamais existé, puisqu’un certain nombre de ces textes qui
n'avaient pas un caractère politique marqué, avaient créé des droits, avaient créé des institutions que
l'on pouvait conserver, et au nom de la sécurité juridique, on ne pouvait pas effacer 4 ans ainsi de
production d'actes juridique.

Et donc, les actes du gouvernement de Vichy furent alors considérés comme applicables, sauf
déclarations expresses.

Il est vrai que, encore une fois, la grande masse des Français avait vécu sous l'empire de ces actes du
régime de Vichy et que malgré la proclamation de la nullité du régime de Vichy, il fallait bien constater
que celui-ci avait, qu'on le veuille ou non, existé et qu'on ne pouvait pas l'effacer totalement.

Pour autant, l'ordonnance du 9 aout 1944, sur le rétablissement de la légalité républicaine, est une
date tout à fait essentielle parce qu'elle permet de s'interroger sur la distinction entre la légalité et
la légitimité, elle permet aussi de considérer que la République n'avait pas disparu en 1940,
simplement, elle s'était transportée de l'autre côté de la Manche, elle avait suivi le général De Gaulle
à Londres.

On se souvient d'ailleurs que lorsque Paris fut libéré, lorsque le général De Gaulle est allé à l'hôtel de
ville le 25 août 1944, et qu'on lui avait demandé de proclamer la République, celui-ci avait proprement
et fermement refusé, en considérant que la République n'avait pas besoin d'être proclamée
puisqu'elle n'avait jamais cessé d'exister.

Et donc, cet acte du 9 aout 1944 a des conséquences juridiques, mais c'est aussi un acte tout à fait
symbolique, qui d'ailleurs sur le plan international faisait que la France se situait du côté des
vainqueurs, faisait partie des alliés, cela a eu de grandes conséquences par la suite, y compris dans
l'histoire européenne.

2. LA TRANSITION CONSTITUTIONNELLE 1944-1946

Le rétablissement, dont il est question dans l'ordonnance du 9 aout 1944, est relatif à la légalité
républicaine.

Mais, cette légalité républicaine n'est pas nécessairement celle de la 3e République.

Il n'était pourtant pas absurde d'imaginer que la libération du territoire s'accompagna du retour à la
situation d'avant le 10 juillet 1940.

Ce régime de Vichy aurait été une parenthèse, cette parenthèse étant fermée, on revenait à la
situation antérieure.
Les institutions n'avaient pas disparu, on pouvait peut-être reconvoquer les Chambres, même si
certains de ses membres avaient malheureusement disparu entre-temps, un gouvernement pouvait
être constitué à partir de ces Assemblées.

Ce n'était pas du tout ce que souhaitait le général De Gaulle.

Cette logique d'une sorte de restauration de la 3e République n'était pas du tout la sienne, il
souhaitait au contraire profiter, si l'on peut dire ça ainsi, de ces événements tout à fait
extraordinaires pour mettre en place des institutions politiques nouvelles.

C'est d'ailleurs ce souci de faire du neuf, qui a conduit à écarter complètement l'application de la loi
Tréveneuc, dont il fut question dans un enregistrement précédent, du 15 février 1872.

C'est ainsi que l'ordonnance du 21 avril 1944, antérieure donc à celle du 9 août, tentait d'organiser la
période séparant le départ de l'occupant de la mise en place d'un régime politique neuf.

L'essentiel des dispositions de cette ordonnance consistait à prévoir la convocation d'une Assemblée
constituante dès que les circonstances permettront de procéder à des élections régulières.

Et, cette ordonnance du 21 avril 1944 organisait progressivement les pouvoirs locaux au fur et à
mesure de la libération du territoire, car il faut bien aussi penser que les pouvoirs locaux avaient été
suspendus par le régime de Vichy et qu'il fallait donc là aussi procéder à des élections locales, des
élections municipales, des élections cantonales, pour redonner un tissu administratif à l'organisation
française.

C'est dans cette ordonnance du 21 avril 1944 que se trouve la reconnaissance, pour la première fois,
du droit de vote des femmes.

L'ordonnance d'avril 44 fait référence à la possibilité d'organiser des élections régulières.

Il ne faut pas oublier qu'il y avait plus de 2 millions de prisonniers de guerres, sans compter les
déportés, et que l’on pouvait concevoir des élections sans que ces prisonniers soient de retour.

Ce qui explique d'ailleurs que la réalité fut différente de ce qu'avait imaginé l'ordonnance d'avril 44
qui n'a pas pu recevoir une application concrète.

Il fallut attendre, en effet, sur le plan national, le référendum du 21 octobre 1945 pour que le sort
des institutions de la 3e soit réglé.

En effet, le général De Gaulle considérait que le peuple devait exprimer sa volonté à l'occasion de
l'élection d'une Assemblée constituante.

Ce référendum avait la particularité de contenir 2 questions.

La 1requestion était la suivante :

« Voulez-vous que l'Assemblée, élue ce jour, soit constituante ? »

Cette question était tout à fait essentielle, en répondant oui cela signifiait que les Français ne
voulaient pas du retour à la 3e République.

La 2e question posée aux Français était :

« Dans l'hypothèse d'une réponse positive, voulez-vous que les pouvoirs publics soient organisés de la
manière prévue par le texte en question ? »
Il s'agissait d'organiser le provisoire, d'organiser la transition, jusqu'au vote, jusqu'à l'adoption,
d'une nouvelle Constitution.

Il y avait donc 2 questions, 2 réponses possibles, d'où une campagne électorale relativement complexe
entre les partisans du oui-oui, les partisans du non-non, les partisans du oui-non, et on pouvait même
imaginer le non-oui.

Il se trouve que les Français, très majoritairement, ont répondu oui aux 2 questions, c'est ce que
souhaitait le général De Gaulle et il est assez logique que, en octobre 1945, les Français aient suivi
finalement ce que leur avait indiqué le général De Gaulle.

Par ce référendum, la 3e République est définitivement morte.

Si l'on pouvait se poser des questions en juillet 1940, il est clair que le vote des Français considérant
que l'Assemblée élue le jour même devait être constituante, ce vote entraînait la disparition de la 3e
République, ou plutôt entraînait le non-retour à la 3e.

Le texte organisant la Constituante, c'était l'objet de la 2e question soumise aux Français, est
devenue la loi du 2 novembre 1945.

Donc, jusqu'en octobre 1946, la France a vécu sous le régime constitutionnel établi par ces textes.

C'était un régime d'Assemblée, avec une Assemblée unique, l'Assemblée constituante, élue au moment
de ce référendum.

Et, un chef de l'exécutif unique, élu par l'Assemblée, qui faisait donc fonction de chef de l'État et de
chef du gouvernement.

C'est cette Assemblée qui va être chargée d'élaborer une Constitution.

3. L’ADOPTION DE LA CONSTITUTION DE 1946

L'élaboration et l'adoption de la Constitution, qui sera celle de 1946, furent assez difficiles et de
manière intéressante sur le terrain constitutionnel, cette élaboration et cette adoption donnèrent
naissance à la rédaction de 2 textes.

Un 1er projet qui a été rejeté par le peuple français et un 2nd qui a été adopté, distinguons-les.

Le projet de Constitution du 19 avril 1946, constitue donc le 1er projet de Constitution.

Il est connu dans l'histoire comme étant le projet d'avril.

La loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 laissait à l'Assemblée constituante, un délai relativement


bref de 7 mois pour que l'Assemblée constituante élabore un projet de Constitution, projet qui devait
être ensuite soumis à référendum, selon un procédé très démocratique de rédaction d'un texte par
une Assemblée élue au suffrage universel direct, et d'adoption éventuelle de ce texte par le même
suffrage universel direct.

La composition de l'Assemblée constituante, chargée d'élaborer ce texte, était marquée par une
domination des partis de gauche, le parti communiste et le parti socialiste, qui s'appelait à l'époque la
SFIO.
Ce sont ces 2 partis qui disposent de la majorité des sièges.

Cette composition politique explique peut-être que le général De Gaulle s'est cru contraint de
démissionner dès le 20 janvier 1946 et cela permet de comprendre, peut-être, qu'il fut remplacé par
un socialiste qui s'appelait Félix Gouin.

Ce projet est donc adopté par cette majorité.

En face, on trouvait le MRP (mouvement républicain populaire) qui se situait plus au centre gauche et
qui correspondait au moins dans un 1er temps aux partisans du général De Gaulle, et qui petit à petit va
devenir un mouvement démocrate-chrétien.

Et parmi les opposants figuraient également les radicaux modérés, qui se situaient donc là aussi plus
ou moins dans une mouvance centriste.

Le projet adopté par cette Assemblée constituante est précédé d'une Déclaration des droits de
l'homme, qui reprend en partie les droits, les libertés, édictées par la Déclaration de 1789, mais qui
aussi consacrent des droits nouveaux de caractère économique et social.

Cette déclaration avait comme ambition, comme objet, de remplacer la déclaration de 1789.

Sur le plan plus institutionnel, le projet d'avril 46 établit un régime d'Assemblée dans lequel se
trouve une Assemblée unique qui élit le président de la République et le président du Conseil.

Ce projet fut malgré tout rejeté par le peuple le 5 mai 1946.

Il fut rejeté parce qu’entre autres le général De Gaulle s'y était opposé.

Un certain nombre des opposants à ce texte y ont vu un danger, celui d'une Assemblée unique, toute-
puissante, qui aurait accaparé le pouvoir et qui aurait pu conduire à une forme de dictature.

D'une certaine manière et toute proportion gardée, car il faut se garder des comparaisons trop
faciles, le texte en question ressemblait un peu à la Constitution de 1793 et pouvait conduire aussi à
un régime qui avait donné naissance à une forme de dictature qui était celle de Robespierre.

C'est sans doute pour ces raisons, le rejet du bicaméralisme par exemple, que les Français se sont
dressés contre ce texte.

Mais il fallait alors élire une nouvelle Assemblée constituante, ce qui fut fait très rapidement, qui
devait élaborer nouveau projet de Constitution.

L'élection de l'Assemblée constituante, bis si l'on peut dire, marqua un déplacement des sièges au
détriment de la gauche et au profit du MRP.

Donc il y a eu sur le plan politique une forme de recentrage de la majorité de l'Assemblée


constituante.

C'est au cours de cette période que le général De Gaulle prononça un discours très célèbre à Bayeux,
le 16 juin 1946.

Discours dans lequel il énonce ses vues constitutionnelles et pour critiquer notamment les projets qui
sont en cours de discussion.
Ces vues constitutionnelles n'auront d'ailleurs pas beaucoup d'impact sur les rédacteurs de la
Constitution de 1946, qui ne vont pas beaucoup écouter ce que le général De Gaulle avait dit lors de ce
discours.

En revanche, ces vues constitutionnelles, on les retrouvera dans le texte constitutionnel de 1958.

Le texte du 2nd projet est marqué donc par un retour du bicaméralisme, mais inégalitaire, entre une
Assemblée nationale et un Conseil de la République, et le texte consacre également le renforcement
de la position du président du Conseil.

Le projet est précédé d'un préambule, et non plus d'une déclaration, il s'agit donc d'un texte moins
solennel, avec une valeur juridique moindre, et il n'est d'ailleurs pas rédigé en articles.

Les 3 grands partis, qui ont réussi à se mettre d'accord de manière plus ou moins contrainte sur le
texte, font campagne pour le oui, le général De Gaulle fait campagne pour le non, puisque ce n’étaient
pas ces vues constitutionnelles qui avaient été adoptées, et le projet est adopté par référendum.

Il fallait bien appliquer la loi constitutionnelle du 2 novembre 1945, adoptée par un référendum, qui
exprimait, disait-on à l'époque, une certaine lassitude des électeurs qui avaient été convoqués quand
même de nombreuses fois depuis le mois d'octobre 1945, et voyant en quelque sorte que la situation
était relativement bloquée, les Français ont fini par accepter ce texte qui va mettre en place le
régime constitutionnel de la 4e République.

4. LE REGIME POLITIQUE DE LA IVe REPUBLIQUE

Ce texte, de la 4e République, mérite qu'on s'y intéresse en consacrant un peu de temps à la


présentation du préambule de 1946, avant de voir quelles étaient les institutions et les pouvoirs
publics de ce régime.

Il faut, en effet, s'arrêter au préambule de 1946, puisqu’il a déjà une valeur en lui-même, il marque
une étape importante dans la consécration des droits et des libertés, mais aussi parce que le
préambule de 1946 a acquis une valeur de droit positif par l'intermédiaire du préambule de 1958.

On retrouvera, lors des enregistrements relatifs au 2nd semestre, cette question de la valeur du
préambule, d'abord de 1958 et par voie de conséquence de la valeur du préambule de 1946, puisque
celui de 1958 renvoie à celui de 1946.

Tout cela est un peu complexe, mais cela permet de comprendre que le préambule de 1946 mérite tout
notre intérêt.

Ce préambule de 1946 rappelle tout d'abord les droits et les libertés issus de la Déclaration des
droits de l'homme de 1789.

On se rattache ainsi au passé, à l'histoire de la Révolution, mais le préambule de 1946 proclame


également les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, c’est-à-dire les grands
principes tirés des lois de la 3e République, par exemple, la liberté d'association tirée de la loi du 1er
juillet 1901.
Il y a donc un rappel du passé, mais il y a également l'affirmation de principes nouveaux, qui sont
considérés comme étant des principes politiques, économiques et sociaux, particulièrement
nécessaires à notre temps.

Il s'agit alors de l'affirmation de nouveaux droits, de nouvelles libertés, comme l'égalité entre
l'homme et la femme, comme le droit au travail qui est le corollaire du devoir de travailler selon le
préambule, comme la non-discrimination dans le travail selon les origines, les opinions et les croyances,
comme la liberté syndicale, comme le droit de grève, comme également le droit à l'instruction, à la
formation professionnelle et à la culture, et le droit de la famille et de l'individu aux conditions
nécessaires à leur développement.

On voit alors, dans ce préambule, l'affirmation de droits totalement nouveaux, il ait même prévu
l'obligation de nationaliser les entreprises qui exploitent un service public national ou qui sont en
situation de monopole de fait.

C'est un préambule qui est à la fois très marqué par les circonstances de son époque et qui en même
temps constitue une 2e phase dans la proclamation des droits et des libertés, après la phase libérale
de 1789, existe donc une phase plus sociale.

On reconnaît des droits de créances au profit des citoyens, au profit des administrés, et c'est l'État,
c'est la nation, qui doit assurer un certain nombre de ses droits, d’où le terme de créance.

Le préambule 1946 précède donc le texte de la Constitution.

Constitution qui organise pour l'essentiel les pouvoirs publics.

Finalement, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif mis en place par la Constitution du 27 octobre
1946, présentent des similitudes avec les pouvoirs rencontrés sous la 3e République.

On trouve un pouvoir législatif qui est marqué par un bicaméralisme, mais très inégal, à la différence
de la situation qui prévalait sous la 3e République.

On rencontre une Assemblée nationale et l'on préfère cette dénomination beaucoup plus
révolutionnaire, que celle de Chambre des députés qui évoquait un peu trop le régime des Chartes
constitutionnelles du début du 19e siècle.

Cette Assemblée nationale est élue au suffrage universel direct, avec un mode de scrutin
proportionnel dans le cadre départemental.

Ce mode de scrutin favorise les petits partis, favorise l'expression de tous les courants de pensée,
mais favorise aussi l'instabilité gouvernementale, parce que des majorités vont être difficiles à
trouver dans son sein.

Jusqu'à la révision constitutionnelle du 7 décembre 1954, qui est la révision sous la 4e République,
l'Assemblée nationale vote seule la loi.

À partir de 1954, elle le fera avec la 2e Assemblée, la 2e Chambre, simplement en cas de désaccord
entre ces 2 assemblées, après la révision de 54, c'est l'Assemblée nationale qui peut faire valoir de
sa propre initiative sa volonté.

Cette Assemblée nationale est la Chambre qui peut mettre en cause la responsabilité du
gouvernement, c'est une distinction importante, bien sûr, avec la 2e Assemblée.
Cette 2e Assemblée porte le nom de Conseil de la République, parce que les hommes de 1946 voulaient
évacuer le terme de Sénat qui évoquait beaucoup trop les régimes anciens, qu'il s'agisse des régimes
napoléoniens ou du régime de la 3e République, et il fallait éviter de considérer que cette 2e
Assemblée soit conçue comme une Assemblée conservatrice, ce qui était le rôle du Sénat, on le
rappelle.

Donc le Conseil de la République avait nécessairement un caractère beaucoup plus républicain.

Pour autant, les membres du Conseil de la République dès 1948 se sont octroyé le titre de sénateur.

Sénateur, membre du Conseil de la République.

Ce Conseil de la République est élu au suffrage universel indirect, par un collège d'élus nationaux, mais
surtout d'élus locaux, finalement comme sous la 3e République, mais pour un mandat plus court, 6 ans
et renouvelable par moitié.

Les pouvoirs du Conseil de la République sont extrêmement réduits.

Avant 1954, ils ne pouvaient faire qu'émettre des avis sur les lois qui étaient votées par la seule
Assemblée nationale, et ce n'est qu’après 1954 qu'ils participent au vote de la loi.

Ce Conseil de la République ne peut pas mettre en cause la responsabilité du gouvernement, en


souvenir de la 3e République, et qui avait vu le Sénat renverser les gouvernements, notamment du
Front populaire.

Et donc, pour éviter le retour de ces mauvais souvenirs aux yeux des hommes de 1946, le Conseil de la
République est privé de la possibilité de renverser le gouvernement.

Le pouvoir exécutif, quant à lui, est un pouvoir qui est plus faible.

On y trouve un président de la République, élu pour 7 ans, c'est la loi du septennat issu de la loi de
1873 qui continue de s'appliquer, et ce président est élu par le Parlement, c’est-à-dire par la réunion
des 2 Chambres qui se réunissent à Versailles.

Ce président de la République dispose de beaucoup moins de pouvoirs que ceux qui étaient prévus dans
les lois constitutionnelles de 1875.

Mais rappelons que ces lois constitutionnelles avaient été élaborées dans l'objectif de pouvoir
remplacer éventuellement le président de la République par un Roi.

Le déclin du chef de l'État, qui était patent sous la 3e République à partir de la crise du 16 mai 1877,
est donc consacré dans le texte même de la Constitution de 1946.

Pour autant, ce président de la République dispose d'une autorité morale relativement grande,
d'autant que les titulaires de la fonction ont joué leur rôle de manière parfaitement satisfaisante,
qu'il s'agisse de Vincent Auriol, le 1er président de la 4e République, son mandat étant entre les dates
de 1947 et 1954, ou qu'il s'agisse de René Coty qui a été président de la République entre 1954 et
1958.

Ce dernier, pourtant, René Coty, n'avait été élu président de la République qu’après 6 jours de longs
débats et au 13e tour de scrutin, ce qui montre bien que l'élection du président de la République par le
Parlement n'était pas nécessairement une mince à faire, et qu'il s'agissait de se mettre d'accord sur
un candidat à la fois capable d'assumer la fonction, mais pas trop emblématique pour ne pas exercer
les pouvoirs de manière trop visible, trop importante.
Ce président de la République, sous la 4e, dispose d'un pouvoir qui continue à être important, celui de
désigner le président du Conseil, de choisir le président du Conseil.

Or, dans les périodes des crises, et la 4e République en connaîtra beaucoup, le pouvoir de nommer le
président du Conseil reste un pouvoir tout à fait important.

Évidemment, ce président de la République étant irresponsable, ces actes sont soumis aux
contreseings des ministres.

À côté de lui, pourrait-on dire, existe donc le président du Conseil, qui voit son autorité renforcée, en
revanche, par rapport au président du Conseil de la 3e République.

En outre, la fonction, le titre, sont constitutionnalisés dans le texte de 1946 puisque, rappelons-le,
sous la 3e République le Président du Conseil n'existait pas dans le texte constitutionnel.

Ce président du Conseil, on l'a dit, est désigné par le président de la République, mais il reçoit seul
l'investiture de l'Assemblée nationale, à la majorité absolue, après avoir présenté son programme.

Ensuite, il fait nommer par ce dernier les ministres qu'il a choisi.

Cette procédure, assez complexe, sera modifiée après la révision constitutionnelle de 1954.

Ce président du Conseil a 3 fonctions principales, il est chef réel de l'exécutif, il choisit les ministres
et dans la pratique il peut éventuellement les révoquer, et puis il est aussi, du moins il essaye de
l'être, le chef de la majorité parlementaire et il dirige la coalition des partis qui soutiennent le
gouvernement.

5. L’ECHEC DE LA RATIONALISATION DU PARLEMENTARISME

Ce régime de la 4e République avait donc voulu tirer les leçons de l'échec de la 3e République.

Soit en inscrivant dans le texte ce que la pratique avait fait apparaître, soit au contraire en
supprimant les dispositions jugées les plus dangereuses.

Pour autant, la 4e République est marquée principalement, en dehors des questions de société, en
dehors des questions relatives à la décolonisation, par l'échec de la rationalisation du régime
parlementaire.

En effet, la 4e République n'a pas réussi à modifier les rapports entre les pouvoirs publics, ce ne fut
pas faute d'avoir essayé.

La rationalisation du régime parlementaire passait notamment par une réglementation des rapports
entre le président du Conseil et l'Assemblée nationale.

Mais, il n'était nullement question de remettre en cause la souveraineté de l'Assemblée nationale,


considérée comme l'organe qui représente la volonté de la nation.

Et, puisque cette Assemblée nationale devait rester toute puissante, les rapports entre cette
Assemblée et les gouvernements étaient nécessairement viciés, peut-on dire, à la base.
La révision du 7 décembre 1954, outre le fait qu'elle a porté sur des questions mineures, ne fut pas
suffisantes pour empêcher l'échec de la rationalisation des institutions.

Avant 1954, s'agissant de l'investiture du gouvernement par l'Assemblée nationale, la procédure


mettait en valeur le président du Conseil et le mettait en position de force pour constituer son
gouvernement.

C'était le but des rédacteurs de la Constitution de 1946, afin de renforcer ce président du Conseil.

Mais, l'Assemblée qui avait accordé la confiance au président du Conseil, au départ tout seul, n'était
pas toujours d'accord avec la composition du gouvernement, composition qui était en principe le choix
du président du Conseil, d'où, dans la pratique, l'existence d'une double investiture.

C’est-à-dire, une procédure très lourde puisque le président du Conseil devait se présenter 2 fois
devant l'Assemblée nationale.

Une 1re fois tout seul et une 2e fois avec son gouvernement.

Cette 2e investiture avait l'inconvénient de faire perdre au président du Conseil le bénéfice de son
investiture solitaire, car on imagine fort bien que l'Assemblée nationale devait discuter, en quelque
sorte, la composition du gouvernement, avec comme objectif 1er le souci de faire représenter dans ce
gouvernement tous les partis qui constituaient la majorité du moment à l'Assemblée nationale.

Après 1954, le président du Conseil, désigné par le président de la République, présente son
programme et son gouvernement à l'Assemblée nationale, qui l’investit, mais cette fois-ci à la majorité
simple, ce qui avait pour effet d'affaiblir la position du président du Conseil.

Finalement, en simplifiant la procédure, on a affaibli celui qui devait bénéficier de cette procédure.

De la même manière, la rationalisation du régime parlementaire devait passer par une réglementation
de la question de confiance.

Pour éviter le recours systématique à cette procédure, qui est destinée rappelons-le à renverser le
gouvernement, la Constitution de 1946 avait cherché à solenniser cette question de confiance.

D'une part, seul le président du Conseil pouvait poser cette question de confiance, après
l'autorisation du Conseil des ministres ce qui constituait une différence avec la pratique de la 3e.

D'autre part, le vote, sur cette question de confiance, ne pouvait intervenir qu’1 jour franc après son
dépôt.

Il s'agissait de laisser réfléchir, en quelque sorte, les parlementaires pour savoir s'ils voulaient
vraiment renverser le gouvernement et s'il n'y avait peut-être pas d'autres solutions.

Enfin, il était nécessaire que la majorité absolue des députés se prononcent contre la conscience, pour
que le gouvernement soit renversé.

Voilà un élément tout à fait significatif de la volonté de rationaliser le régime parlementaire.

3e élément, le droit de dissolution.


La rationalisation du régime parlementaire aurait dû exiger que le gouvernement puisse disposer d'un
pouvoir discrétionnaire de dissolution, afin d'équilibrer la puissance du Parlement.

Rappelons que le régime parlementaire, c'est aussi un régime d'équilibre entre l'exécutif et le
législatif.

En fait, la dissolution, dans le texte de 1946, n'est envisagée que comme un moyen de mettre un
terme au mandat d'une Assemblée qui s'est montrée incapable de définir une politique.

Elle sous-entend alors non pas une crise ministérielle, mais des crises répétées, et il fallait 2
renversements ministériels en 18 mois, dans les conditions prévues par la Constitution, c’est-à-dire à
la majorité absolue, pour que la dissolution soit possible.

Cette dissolution a été prononcée formellement par le président de la République, mais la décision
politique était prise en Conseil des ministres, c'est-à-dire sous l'influence du président du Conseil.

En décembre 1955, Edgar Faure, président du Conseil, procéda néanmoins à la dissolution de


l'Assemblée nationale, et il eut le courage politique de rompre, si l'on peut dire, l'ostracisme dont la
dissolution était marquée depuis la crise du 16 mai 1877.

Ce ne fut pas suffisant pour sauver le régime de la 4e République, mais c'est malgré tout la dissolution
de la 4e République.

Tous ces mécanismes finalement institutionnels, ont plus ou moins échoué.

D'abord, parce que le Parlement déléguait au gouvernement ses compétences par le biais de
délégalisations, alors même que la Constitution interdisait ce procédé.

Ainsi, l'Assemblée nationale empêchait le gouvernement d'agir, mais ne gouvernait pas à sa place, et la
situation que l'on avait rencontrée sous la 3e République se reproduisait.

Et, si l'on ne parle plus vraiment de décret-loi, officiellement sous la 4e République, la pratique des
décrets pris par le gouvernement à la place de la loi a continué d'exister au cours de cette période.

D'autre part, les mécanismes qui devaient assurer la stabilité du gouvernement ne l'ont pas protégé,
puisque mis en minorité à la majorité relative, un gouvernement se sentait politiquement obligé de
démissionner, alors même qu'il ne l'était pas constitutionnellement, et ce renversement, opéré dans
des conditions qui n'étaient pas celles prévues par la Constitution, ne pouvait pas être pris en compte
pour rendre possible une dissolution, et de ce fait cette dissolution devenait une prérogative inutile.

Ces échecs avaient aussi des raisons politiques.

La 1re était constituée par l'absence de majorité parlementaire, stable.

Les communistes quittent le gouvernement en 1947, au moment donc du début de la guerre froide, et
le Parti communiste ne reviendra plus au pouvoir jusqu'en 1981.

La SFIO et le MRP, qui sont les 2 autres grands partis issus de la résistance, sont alors obligés de
chercher des appuis au centre droit, et du fait du glissement à droite, de l'électorat de 1951 à 1956,
les socialistes ne participent plus au gouvernement durant cette 2e législature de la 4e République.
Le personnel politique de la 3e République est encore présent, sauf ceux qui malheureusement avaient
disparu lors de la guerre, et notamment on retrouve les radicaux, et qui donnent à la constitution de la
4e République une interprétation très proche du fonctionnement de la 3e République.

De manière un peu imager, on prend les mêmes et on recommence.

Le régime fonctionne plutôt mal, il fonctionne plutôt comme un régime d'Assemblées.

La souveraineté du Parlement, qui est déduite du régime représentatif, le Parlement est issu de la
nation, conduit à l'exaltation de la loi et à la relégation de la Constitution.

Le Parlement est, à tort ou à raison, assimilé à la démocratie, l'exécutif n'a pas les moyens d'agir.

Pour autant, il ne faut pas négliger les aspects positifs de la 4e République.

Malgré ses questions constitutionnelles ou même institutionnelles, la 4e République est le régime qui a
permis de sortir des suites de la 2e Guerre mondiale.

La 4e République a accompagné le développement économique de la France au cours de cette période,


la France s'est considérablement modernisée pendant les 12 ans de la 4e République.

Et, souvent d'ailleurs, c'est le régime de la 5e République qui va en tirer le bénéfice politique, et la 4e
République à malgré tout, et quoi qu'on en dise, permis le début de la décolonisation, dans des
conditions parfois douloureuses, comme en Indochine, mais aussi de manière plus pacifique, comme
pour le Maroc et la Tunisie.

Ce sera l'Algérie qui, en revanche, sera la cause de la chute de la 4e République.

Par Ruddy A.

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