Un Souterrain D'enfer
Un Souterrain D'enfer
Un Souterrain D'enfer
d’enfer
Un roman de
Philippe TASSEL
illustré par
Martine Belot
1 - Un étrange rendez-vous
2 - La mission !
3 - La découverte !
4 - Le piège
5 - Le trouble-fête
6 - À la bibliothèque
7 - Le mystérieux manuscrit
8 - La deuxième entrée
9 - Un prisonnier
10 - L’exploration
11 - La cage maudite
12 - Un cul-de-sac
13 - Libération
14 - La revanche
15 - Haut les mains !
16 - Chevalier Noir
17 - Le Mété
18 - Révélations
19 - Epilogue
Philippe Tassel
- Maintenant ?
Chapitre 1
- Le plus tôt que vous pouvez, proposa le paysan. J'ai
laissé passer le temps, j'osais pas vous dire, ajouta-t-il,
confus.
Chloé et Bérangère ressentaient pour le vieil original une
attirance mêlée de respect craintif. Bizarrement jamais
elles ne lui avaient adressé la parole. Sa vie en retrait
des autres ne facilitait rien et les rendait un peu in-
quiètes.
- Allons-y, enchaîna le cultivateur longiligne.
Les filles descendirent des bicyclettes. Le Berrichon les
accompagna de sa démarche ondulante. Ils bifurquèrent
sur un chemin de terre.
Ils avancèrent sur la crête d'herbe entre les profondes
ornières remplies d'eau où se reflétait le soleil. Des deux
côtés du chemin, les troncs d'arbres ressemblaient à des
sentinelles immobiles : on leur avait coupé les branches
Un paysan en veste bleue descendit de son tracteur. Il
pour faire du bois de chauffage.
s’avança jusqu’à la haie.
Chloé se penchait de temps à autre et délicatement
Il appela Chloé et Bérangère :
coupait une tige d'un coup sec, en prenant soin de
- Les d'moiselles, les d'moiselles ! laisser les racines. Elle s'était mis en tête de constituer
Chloé, la blonde, passait toujours les vacances en Berry un herbier. Alors elle cueillait de nouvelles plantes
dans la maison de ses parents. Bérangère, la brune, était chaque jour.
son amie. La chienne Cléopâtre ne les quittait pas. - Vous savez, il faut pas croire ce que les gens racontent
La fille blonde reconnut l'Emile, un cultivateur maigre sur le mété, dit soudain l'Emile. Il est pas pareil, c'est
comme un fil de fer, coiffé d'un béret. C’était un homme vrai. Il se moque souvent aussi. Pour ce qui est des
un peu simple qui se tenait voûté. dons, il en a... mais pas le mauvais don... Quand j'ai une
vache de malade, c'est à lui que je demande. Il connaît
- Ben voilà, j'ai une commission pour vous... Quelqu'un les herbes et les tisanes. Mais jamais je ne l'ai vu faire le
m'a demandé de vous dire... mal.
Le paysan bredouillait, mal à l’aise.
- C’est de la part de qui ce message ? demanda genti-
ment Chloé.
- Ben c'est l'Augustin... vous savez bien, le mété quoi !
bafouilla-t-il.
Chloé comprit alors sa gêne. On surnommait l'Augustin
le « météorologue » ou encore le « mété », parce qu'il
relevait les températures et le temps quotidien depuis
son enfance sur des cahiers d'écolier. A croire les ru-
meurs du village, le vieil homme possédait des pouvoirs
étranges. On le disait sorcier. Personne ne lui parlait.
Lui, prenait un malin plaisir à se moquer des autres.
Transmettre un message de l'Augustin, c'était risquer de
se fâcher avec le reste du village.
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Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Un cri qui ressemblait à la fois au pleur d’un enfant et au La lumière s'infiltrait par la porte. Elle dessinait une
miaulement d’un chat fit lever les yeux. Un oiseau aux grande plage qui s'étalait sur les larges pierres lisses et
larges ailes tournoyait au-dessus d'eux. irrégulières du sol. Elle montrait une chaise, un coin de
- C’est Chevalier Noir, souffla l'Emile, la buse du mété. table de ferme. Au-delà, la pièce disparaissait dans la
pénombre.
Les filles n’osèrent pas demander plus d’explications.
L'Emile fit un pas, d'un geste familier il convia les
Ils approchaient de la maison du vieillard. enfants à entrer. Puis il referma difficilement la porte,
Chloé revit alors une image qui une main sur la poignée, l'autre à plat sur le bois.
apparemment n'avait aucun rap- - Vous en avez mis du temps, les gamines. C'est-y que
port avec la situation : elle, petite, j'avions peur ? prononça une voix qui roulait les « r ».
Cléopâtre grogna
entrant pour la première fois à la
grande école, tant espérée et re-
doutée, enfin elle n'appartenait
plus au monde des petits.
De façon semblable en passant
l'entrée du jardin, elle se sentit
admise dans un univers désiré.
Elle avala pourtant sa salive avec
difficulté.
Là-haut, Chevalier Noir descendait
en cercle, de toute son envergure, puis s'élevait. Il
poussa un long cri de fauve blessé. On distinguait son
bec de rapace et son œil perçant et fier.
L'Emile frappa à la porte. Les deux filles n'entendirent
aucune réponse. Néanmoins leur guide ouvrit la porte.
Chloé retint une réaction de frayeur. Un souffle d'air lui
caressait l'oreille. Elle eut juste le temps d'entrevoir la
buse s'éloigner à l'intérieur de la maison et s'évaporer.
L’oiseau venait d'entrer en frôlant la fille blonde de son
aile.
J’ai tout compris...
L’auteur emploie différents mots pour qualifier les personnages du roman.
Place les mots suivants en face des personnages correspondants :
le vieillard ; les filles ; sorcier ; la buse du mété ; les gamines ; longiligne ; le mété ; le Berrichon ; un
paysan ; les d’moiselles ; un homme un peu simple ; leur guide ; la chienne ; le vieil homme ; les enfants ;
l’oiseau aux longues ailes ; le météorologue ; le vieil original ; un cultivateur maigre.
Augustin : ..................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................
Bérangère et Chloé : ..................................................................................................................................
Chevalier Noir : .........................................................................................................................................
Cléopâtre : .................................................................................................................................................
Emile : .......................................................................................................................................................
...................................................................................................................................................................
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
Cette visite si soudaine effrayait un peu les filles. L'Augustin marqua une pause, caressa la chienne Cléo
puis reprit :
Venu de nulle part, Chevalier Noir se percha sur le
dossier du mété. Il lui fit une auréole de plumes. Cléo- - Mon grand-père ne voulait léguer son secret à son fils
pâtre, assise entre ses deux maîtresses, se releva, que sur son lit de mort. Malheureusement mon père
remua la queue et alla s'installer aux pieds du vieil partit à la guerre. Mon grand-père mourut pendant ce
homme, le museau sur ses genoux. Chloé se sentit temps avec son secret. Durant sa vie, il ne laissa qu'un
trahie par cette intimité. indice du souterrain : son nom. Il l'avait appelé « le
secret de la pierre ». Une ou deux fois, je l'ai entendu
- Vous seules pouvez m'aider, commença le vieillard. parler d'une pierre plate aux inscriptions latines...
Vous ne m'êtes pas hostiles... Les enfants d'aujourd'hui
sont plus savants que ceux d'autrefois... Vous êtes Le mété s'arrêta de nouveau. Il se redressa. Sa voix plus
courageuses et tenaces. Vous n’êtes pas nées au vil- faible durant l'évocation de ces souvenirs reprit du
lage. Et Chloé connaît le pays... timbre. Il poursuivit :
- Comment pouvons-nous vous être utiles ? demanda - Au hasard d'une cueillette de champignons dans le
celle-ci d'un ton clair et distinct qui la surprit elle-même. Boismalin, j'ai découvert une telle pierre. Une des trois
entrées sans doute... Je n'ai jamais vérifié... Ce boyau
Chevalier Noir déplia ses ailes à moitié durant le silence de pierre m'importait peu... Quant à la paralysie, je
qui suivit. Les filles respectaient la lenteur de leur interlo- croyais y résister grâce aux vertus des plantes...
cuteur. Ici en Berry, chez les gens de la terre, le temps
n'avait pas la même valeur qu'en région parisienne où Il s'interrompit. Son intonation devint confidentielle. Il
elles habitaient le reste de l’année. L'alimentation, la s'inclina insensiblement vers Bérangère et Chloé.
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traite des vaches, les tâches des champs et des potagers - ... Il fallait que vous sachiez pour ce que j'ai à vous
rythmaient la vie plus sûrement qu'une horloge. demander...
Ici, le silence prenait un sens. Il n'était pas absence de Les deux filles redoublèrent d'attention.
bruit : il complétait les mots.
- La légende nous apprend qu'à l'époque des attaques de
A la manière dont l'Augustin prit la parole, Bérangère et brigands, une sorte de moine habita le village... Mon
Chloé comprirent qu'il ne fallait pas l'interrompre. grand-père prononça plusieurs fois le nom de Monillon.
- Il y a longtemps, notre village existait déjà. La vie Or les inscriptions de la pierre portent sa signature.
malmenait ses habitants plus qu'aujourd'hui encore. Les Bérangère se perdait dans ses détails. Elle brûlait p.1
richesses de cette époque s'appelaient santé, force et tant d'impatience qu'elle ne se retint pas : ch. 02
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
- Puisque vous avez découvert une - Félix reconstitue l'histoire de la chapelle de Lorme. Il ne
entrée, pourquoi ne pas essayer, semble pas pressé, comme d'habitude, plaisanta le mété
Le mété eut un geste d'amusement : en lissant son pantalon du plat de la main. Il vous
conduirait. Rappelez-lui ses intentions de se rendre à la
- Tu es un jeune poulain piaffant. A bibliothèque.
ceux qui violeraient la cachette, la
légende promet différents maléfices Félix était le seul jeune du village. Les autres s'instal-
menant à la mort. Apprends qu'une laient en ville. Chloé et Bérangère entretenaient de
légende ne ment pas complètement, bonnes relations avec lui. Souvent, tous les trois discu-
elle enjolive, elle amplifie. taient devant un verre de limonade.
Comment déjouer les pièges tendus Les deux filles étaient plongées dans leurs réflexions.
aux curieux par mes ancêtres, il y a si longtemps ? Il y a Elles désiraient depuis longtemps rencontrer l'Augustin
peut-être une solution. Voilà, Monillon prit sa retraite à et, à l'improviste, il leur confiait une mission. Elles
Argenton dans une communauté religieuse. Il y écrivit avaient espéré un moment jouer les aventurières dans
ses mémoires. En les lisant, on découvrirait sûrement le les souterrains secrets et voilà qu'il les envoyait chercher
moyen de se rendre dans le fameux souterrain. Et qui un livre poussiéreux.
sait ? Nous trouverions peut-être en même temps la Chloé jeta un coup d'œil circulaire. Au-dessus de la
recette qui a guéri mon grand-père de la paralysie. cheminée, sous le fusil, elle aperçut toute une série de
Chloé suivait le raisonnement du vieil homme. Un peu cahiers d'écolier. La couleur délavée de certaines cou-
déçue, elle continua ce qu'elle devinait de la pensée de vertures indiquait un âge avancé.
l'Augustin. - Ses grimoires, pensa-t-elle. Il y consigne ses relevés
- Vous voulez qu’on cherche les mémoires de Monillon ? météorologiques et ses recettes à base de plantes.
- Oui, je sens de la déception dans ta voix, acquiesça Son regard descendit dans la cheminée sans flamme.
son interlocuteur. Vous préféreriez foncer tête baissée Au fond une plaque en fonte protégeait le mur. La suie
sous cette pierre !... Il ne s'agit pas de se montrer cachait un peu les motifs. Chloé distinguait quand même
héroïque. Je voudrais que vous retrouviez les écrits du un homme levant un objet long. Il souriait.
moine. Je cherche à guérir, pas à vous plonger dans une - Maintenant, il faut vous en aller, intervint le mété. Vos
oubliette. parents vous attendent... Revenez quand vous aurez du
Bérangère s'agita sur son tabouret. Elle avait horreur de nouveau...
ce genre de siège et s'apercevait seulement maintenant
que le sien était particulièrement inconfortable.
- Cette communauté se trouve toujours à Argenton ?
s'inquiéta-t-elle.
L'œil du mété s'alluma. Les enfants accrochaient à son
projet. Son espoir grandissait.
- Non. Après des événements trop longs à expliquer, ses
archives furent entreposées à l'hôtel de ville. Madame
Mérialler, une amie bibliothécaire, les a triées et réperto-
riées. Par le passé, j'ai eu plusieurs occasions de sollici-
ter ses services lors de recherches au sujet de la flore de
notre région. Allez la voir. Recommandez-vous de moi.
Elle vous facilitera la tâche autant que possible.
- Argenton, ce n'est pas tout près, remarqua Chloé. Les
parents ne nous laisseront pas partir si facilement.
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Une bonne nuit de sommeil avait redonné du courage
aux filles. Elles n'entreraient pas dans le souterrain, c’est
ce qu’elles avaient décidé. Du coup, elles se sentaient
plus détendues.
Plusieurs minutes de débroussaillage plus tard, Béran-
gère buta contre une marche aux arêtes émoussées,
recouverte de mousse.
- Regarde ! fit-elle remarquer.
En silence, la fille brune finit d'en dégager les abords. Sa
compagne termina d'agrandir le tunnel jusqu’à en faire
une sorte de tonnelle où l’on pouvait se tenir debout
facilement. Puis elles grattèrent la roche grise avec des
Le lendemain matin, elles enfourchèrent les VTT en truelles. L'excitation gagna Chloé quand elle reconnut
direction du Boismalin... Elles évitèrent les profonds des lettres gravées. Elle s'activa de plus belle. Béran-
sillons creusés par les roues crantées des tracteurs... gère se releva. Elle jugeait la découverte : une pierre de
Dans la clairière, elles piétinèrent la végétation rabougrie schiste d'une quinzaine de centimètres d'épaisseur, sur
parsemée de champignons... Enfin, elles appuyèrent les cinquante de large et d'un mètre de long. Sans aucun
bicyclettes contre un tronc, elles se faufilèrent entre les doute, des inscriptions apparaissaient en creux.
chênes de la forêt. Ici la nature sauvage commençait. Chloé se redressa. Sans dire un mot, elle observa la
Bérangère et Chloé observaient le silence dans l'espoir trouvaille à son tour. Un imperceptible serrement dans la
de surprendre un chevreuil en promenade, ou bien poitrine trahissait son émotion.
d'entendre le chant mélancolique d'un oiseau forestier.
Les bruits inconnus ne suscitaient pas la peur. Au - Il n'a pas menti, remarqua Chloé en parlant du mété...
contraire, ils affûtaient la curiosité. - Qu'est-ce que cela prouve ? la coupa sa camarade d'un
Bientôt, elles atteignirent le buisson de mûrier où l'Au- ton brutal.
gustin avait aménagé son abri. Des branchages bou- Cette intonation ne trompa pas Chloé. L'existence du
chaient l'entrée. Elles pénétrèrent dans le tunnel taillé souterrain devenait plus probable. Alors Bérangère ne
dans les tiges épineuses. Elles parvinrent dans une sorte parvenait pas à dominer complètement son émotion.
de réduit rempli de cageots de pommes sauvages et de
Un piétinement régulier des feuilles jonchant le sol attira
champignons. A la lueur d'une lampe, Bérangère repéra
l'attention des filles. Le bruit se rapprochait... Non, il ne
un endroit où les tiges étaient plus minces. Munie de son
s'agissait pas d'une personne. Plutôt d'un animal. Elles
sécateur, elle commença à les couper.
distinguèrent un arrêt. Le trottinement reprit. Il se rappro-
Chloé, tout en observant les moindres plantes suscep- chait...
tibles de garnir son herbier, la regardait faire :
- Cela me rappelle l'histoire d'Aladin. Tu sais, ce garçon
envoyé dans une grotte par un faux oncle. Il doit remon-
ter la lampe merveilleuse...
- Je ne suis pas un garçon, s'énerva son amie brune. Si
tu te prends pour mon oncle tu devrais te laisser pousser
les moustaches !... J'aimerais bien ne pas être la seule à
me piquer les doigts, finit-elle en tendant l’outil à sa
copine.
A son tour, Chloé creusa le passage dans la végétation
si peu accueillante. Des piquants tiraient les mailles de
son pull. Elle baissait la tête pour ne pas se prendre les
cheveux dans les griffes du mûrier.
Chapitre 4
La présence de la pierre rendait cette approche mysté-
rieuse.
La veille, sous le charme de l'Augustin, elles avaient
espéré découvrir un trésor. Puis, décontenancées, elles
avaient accepté de simples recherches dans une biblio-
thèque poussiéreuse. Ensuite, la fièvre tombée, mé-
fiantes à l'égard du vieil homme, elles avaient tenu à
vérifier son histoire.
Tout à coup, cette pierre les replongeait dans une atmo-
sphère énigmatique. Elles sentaient peser sur elles les
dangers du souterrain. Elles auraient juré que des pil-
lards surgis du passé les guettaient, menaçaient de
nouveau le village.
manège continue. Chloé s'arrêta et la regarda. Vraiment
Les pas s'introduisaient dans le tunnel, hésitaient... cette chienne était comme aucune autre. Jamais la fille
- J'ai peur, murmura Chloé. blonde n'avait vu pareils jeux à une chienne. Elle en
venait à se poser des questions sur sa bonne santé
Elle se rapprocha de Bérangère. Elle braqua le faisceau mentale quand soudain il se produisit un incident surpre-
de la lampe électrique sur le tunnel. nant. Cléo avait abandonné le rongeur sur une dalle
- Cléopâtre ! s'extasia-t-elle rassurée. d'apparence normale. Elle s'était éloignée à reculons. Le
mulot mal en point se redressa péniblement. Il esquissa
Les filles caressèrent la chienne. Ce geste sans impor-
quelques pas. Le voyant reprendre vie, la chienne,
tance dissipa la tension qui s'était emparée d'elles. Cléo
vigilante, prit son élan, effectua un bond assez haut et
s'écarta, s'accroupit près de la fameuse dalle et elle
retomba sur sa proie. A cet instant précis, la dalle où se
urina dessus. Les deux filles éclatèrent de rire. L'acte
trouvaient les deux animaux s'enfonça de quelques
naturel de la chienne les faisait redescendre dans la centimètres dans le sol, tandis que la pierre gravée se
réalité de la vie quotidienne. Il leur rappelait qu'une déplaçait doucement en émettant un crissement.
pierre n’était qu’une pierre après tout.
Stupéfaites, les filles se figèrent sans voix. Cléo aban-
Les filles caressèrent l'animal. Puis Chloé se remit à donna son jouet. Elle se mit en arrêt, grogna, jetant
l'ouvrage. Elle s’appliqua à racler la terre autour de la parfois un regard interrogateur à ses maîtresses.
marche. Un dallage apparut, régulier. Elle en nettoya le
tour. Bérangère évacuait la poussière, les morceaux de La marche poursuivait inexorablement son chemin. Elle
racines et les débris de terre. découvrait derrière elle un trou ovale, noir comme un
four.
Le mulot avait retrouvé du tonus. Dans un dernier effort,
il rampa jusqu'à l'ouverture. Il s'y précipita. Cléo, fu-
rieuse de le perdre, aboya. Elle s'approcha du trou. Les
pattes de devant à plat, elle huma l'air.
- Tu restes ici ! Tu ne descends pas !
Curieuse, Chloé se saisit de la lampe torche. Elle éclaira
l'entrée mystérieuse qui venait de s’ouvrir. Heureuse,
Cléo suivait le mouvement du faisceau lumineux : une
sorte de puits d'environ deux mètres de profondeur
s'enfonçait dans le sol. Sur la paroi, s'agrippaient des
barreaux en fer rouillé.
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- Mais on avait dit que... plat ventre. A l'autre bout de la laisse, Cléopâtre aboyait,
La voix étranglée, elle termina : s'agitait, les pattes dans le vide. Bérangère glissait sans
trouver d'aspérités pour se retenir.
- ...on n'entrerait pas !
Affolée, elle disputa Chloé :
Résignée, la fille brune prit son sac à dos avec un geste
de mauvaise humeur. Elle s'aida des barreaux à son - Fais quelque chose ! Tu vois bien que je glisse. Je
tour. Ses semelles marquaient chaque échelon pesam- tombe dans le trou. Tom-ber ! Tu comprends ?
ment. La moutarde montait au nez de Bérangère. Chloé réagit enfin. Elle agrippa les chevilles de son amie
- Vite ! la pressa Chloé. Apporte la corde ! Je vais la qui s'immobilisa.
ligoter cette chienne de malheur. La saucissonner ! La - Ouf ! fit celle-ci. Il était temps !
mettre aux croquettes et à l'eau pendant une semaine ! - Qu'allons-nous faire ? se demanda Chloé. Si je te
Cléopâtre n'appréciait pas du tout les croquettes. lâche, vous tombez. Et je n'arrive pas à tirer.
Arrivée en bas, Bérangère découvrit une galerie horizon- Bérangère, le nez au ras de ce qu'il convenait d'appeler
tale, au plafond voûté. Un peu plus loin, Cléo faisait une oubliette, essayait de calmer Cléopâtre :
face, elle s'amusait avec son mulot. Chloé la tenait par - Doucement, doucement. Comment veux-tu que je te
la peau du cou. Bérangère passa la tête et les cuisses de remonte si tu gigotes comme cela ?
la chienne au travers de la corde à la façon des attelages
de chiens de traîneau. Puis elle explosa. Après deux ou trois minutes d'efforts de part et d'autre,
la situation s'avéra bloquée : impossible à Bérangère de
- On avait dit qu’on réfléchirait avant d'entrer dans le remonter la chienne, impossible à Chloé de tirer suffi-
souterrain, hurla-t-elle. Tu sais qu’on peut mourir ici, samment son amie pour sortir la chienne du trou.
espèce de nulle ! Mourir, tu sais ce que cela veut dire ?
- Je t'assure que cette chienne, je vais la... commença à
- Tu crois qu'elle a réfléchi, elle, répliqua Chloé sur le pester la fille blonde
même ton en désignant Cléopâtre.
La querelle dura encore.
Les voix résonnaient dans
le boyau de pierre. Cléo-
pâtre, elle, ne s'intéressait
qu'à son jouet vivant. Insou-
ciante, elle taquinait le mu-
lot du bout des pattes. Sou-
dain, elle effectua un saut
sur place et déclencha un piège ! Sous son poids, la
dalle où elle était venait de disparaître ! La pierre s’était
ouverte comme la porte d’une trappe. La chienne tomba
dans le nouveau trou qui occupait toute la largeur du
souterrain. Entraînée par l'animal, Bérangère s'étala à
Décris la situation dans laquelle se trouvent les filles et la chienne à la fin du chapitre.
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ch. 04
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
- Salut ! C'est sympa ici, dit calmement une voix de Sa remarque réussit à faire diversion. Les filles s'appro-
garçon qui fit sursauter les filles. On est dans un chèrent. Un long conduit s'enfonçait dans le sol. On ne
souterrain ? voyait pas le fond. Pourtant, très loin, de l’eau renvoyait
faiblement les rayons de la lampe torche. Celui qui
Chloé ne pouvait pas voir l’inconnu qui parlait derrière tombait là-dedans se fracassait le crâne contre les parois
elle, Bérangère encore moins. avant de se noyer.
- Tu peux m'aider à sortir ma copine de là ? dit précipi- - Astucieux ce piège, pensa Chloé, la gorge serrée.
tamment Chloé sans chercher à savoir qui avait parlé ni
comment il les avait rejointes. - Il est super votre souterrain, commenta le garçon,
dangereux mais super.
- Quelle copine ? demanda tranquillement le nouveau
venu dont les yeux ne s'étaient pas encore habitués à la - Tu t'appelles comment ? l'interrogea Bérangère.
pénombre. - Lucien Chavignolle.
- Celle que je tiens et qui va tomber, pressa la fille - Je ne t'ai jamais vu ici, intervint Chloé.
blonde. - Normal, c'est la première fois que je passe mes va-
Le garçon dépassa Chloé, ramassa la lampe tombée cances chez mon grand-père Alfred.
durant la glissade. Il éclaira la scène, une main dans la - Alfred ? celui qui habite sur la route de Maillet ?
poche.
- Oui, répondit Lucien.
- Ha oui, tiens ! Vous êtes deux. Je n'avais vu que toi,
précisa le garçon en s'adressant à Chloé. - Hé bien merci Lulu ! dit Bérangère. Tu m’as sauvé la
vie.
- C'est bientôt fini les politesses, s'énerva Bérangère. Tu
ne peux pas nous aider par hasard ? Elle s'approcha de lui. Elle l'embrassa sur les deux
joues.
- Ben, pourquoi tu ne te relèves pas seule ? interrogea
innocemment le garçon immobile. - Comme on est ingrates, on ne t'a pas remercié, suren-
chérit Chloé qui l'embrassa à son tour.
- Parce que je tiens une chienne à bout de bras depuis
trois heures et que j'ai envie d'aller au cinéma ! exagéra Lucien ne sembla pas apprécier le geste des filles. Du
la fille brune, hors d'elle. revers de la main, il s'essuya les joues :
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- Trois heures ? Une chienne ? Mais où est-elle ? - De rien. Je me promenais dans le bois. J'ai vu votre
percée dans les ronces. Je me suis demandé ce que
- Là, dans le trou ! Tu te dépêches ou je te fais un procès c'était. Alors je l'ai suivie. Là, j'ai découvert le trou, j'ai
pour non-assistance à personne en danger, s'égosilla entendu vos cris. Ma curiosité m'a poussé jusqu'ici...
Chloé à son tour. Vraiment vous êtes fortes d'avoir découvert un souter-
- OK, j'ai compris. Il y a urgence ! Je suis là, dit posé- rain. Il va jusqu'où ? Vous avez la carte ? Il y a un
ment l'inactif. trésor ?
Il posa la lampe à quelques centimètres de l'ouverture. Il Embarrassées, les filles ne savaient que répondre.
s'allongea sur les dalles humides. Il plongea ses bras Elles ne pouvaient révéler le secret du mété, p.1
dans le trou et saisit la corde. même si ce Lucien leur était sympathique. ch. 05
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
- Non... non... hésita Chloé. Ce - Bon sang ! Si j'avais fait cela pen-
n'est qu'une vieille cave. Ce n’est dant que vous étiez en bas... ima-
pas la première fois qu’on vient. gina Lucien.
Jusqu'à présent on n'a pas eu Les filles se regardèrent. Cette fois,
d’ennui... un frisson d'horreur leur parcourut le
Bérangère vint à son secours : dos : dans un cas pareil, elles au-
- Il y a certainement eu un effon- raient été prisonnières sous terre,
drement de terrain. D'ailleurs, enterrées vivantes !
c'est parce qu’on s’ennuyait qu’on Lucien tourna les talons.
est venues. Il n'y a rien de fantas- - A la prochaine, salua-t-il.
tique, ici, tu sais, le souterrain se
termine très vite. - Heu... Dis... essaya de le retenir
Chloé.
Chloé cajolait Cléopâtre toujours
allongée. Elle changea de A défaut de lui faire oublier tout de
conversation : suite ce qu'il venait de voir, elle
cherchait le moyen de le désintéres-
- Il n'y a pas de trésor... Je m'in- ser rapidement du souterrain. Elle
quiète pour Cléo. Il faudrait la voulait gagner du temps.
remonter. Ici nous ne pouvons
pas voir si elle est blessée. - Oui ? demanda Lucien qui s'ar-
rêta.
A la file indienne, ils escaladèrent
l'échelle. Chloé portait la chienne - Tu ne veux pas goûter à la
sur les épaules. Elle progressait doucement. Arrivée la maison ? proposa Bérangère sur la
première, Bérangère l'aida à poser son fardeau. Si même longueur d'onde que son amie.
joyeuse, si tonique tout à l'heure, Cléopâtre ne se remet- - Non merci, mon grand-père m'attend, rétorqua le gar-
tait pas du cauchemar qu'elle venait de vivre. çon d'un ton aimable.
Lucien monta sur la pierre qui avait déclenché le méca- - Tu sais ce n'est qu'une vieille cave sans intérêt, affirma
nisme d'ouverture. Il testa sa résistance par de petits rapidement Chloé.
soubresauts. La pierre couina et reprit sa position nor-
male. Lucien eut à peine une moue d'étonnement. Quant Lucien perçut la légère inquiétude de la fille blonde. Il dit
aux filles, elles venaient de ressentir une émotion si forte en s'éloignant :
qu'elles accordèrent peu d'intérêt au phénomène. C’est à - Ne t'inquiète pas, les vieilles caves, je m'en moque...
peine si elles frémirent quand la marche gravée glissa
Quelques pas plus loin, il ajouta sans se retourner :
lourdement et reboucha lentement le puits ovale d’où ils
venaient de remonter. - Je n'explore que les vrais souterrains…
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
de ne pas avoir à expliquer leur visite si soudaine à la
bibliothèque.
Lorsqu’ils furent parvenus à destination, Félix présenta
Bérangère et Chloé à Madame Mérialler, une grande
femme énergique et douce qui veillait jalousement sur
les rayonnages. Le jeune homme s'isola à une table en
compagnie d'une dizaine de livres.
D’abord, les filles se promenèrent sans but précis entre
les étagères. Puis elles finirent par s'approcher de la
bibliothécaire.
- Vous désirez un ouvrage ? demanda la dame préve-
nante.
- On vient de la part d'Augustin, commença Bérangère.
- Il ne peut pas se déplacer en ce moment à cause de
ses jambes qui lui font mal, compléta Chloé.
me vaut votre visite... Monillon... La Congrégation... Les
- Il nous envoie à sa place, précisa la fille brune. Il archives ont échoué ici, c’est exact... Le manuscrit, fort
voudrait des renseignements que vous seule pouvez lui ancien, et par miracle assez bien conservé, est malheu-
fournir. reusement en latin. Revenez la semaine prochaine... Je
- Ce cher Augustin. Il se souvient donc de moi, s'amusa pense que je vous aurai alors le renseignement.
madame Mérialler. Vous êtes de sa famille ? Non, vous L'expression des visages des « presque jeunes filles »
ne ressemblez pas à des Berrichonnes. Se faire assister changea soudain. La bibliothécaire put y lire une énorme
de deux fillettes, heu ! non, de deux... presque jeunes déception. Elle chercha à répondre à cette tristesse
filles, excusez-moi. Voilà une idée saugrenue qui lui muette.
ressemble. Que désire-t-il ?
- Je dois relire l'ouvrage. Je lisais le latin couramment,
Le souvenir du météorologue semblait replonger la mais voici assez longtemps que je ne l'ai pas fréquenté.
bibliothécaire dans de tendres souvenirs qui illuminaient
Les mines des filles se défirent un peu plus.
son visage.
- Peut-être qu'en me donnant deux ou trois heures,
- Dans le temps, un certain Monillon, un moine, a été
essaya timidement madame Mérialler, je pourrais peut-
hébergé par la communauté religieuse de la ville. Il y
être retrouver le passage... Mais je ne peux garantir le
aurait laissé ses mémoires, exposa Bérangère.
résultat, ajouta-t-elle avec fermeté.
Chloé prit le relais :
Les sourires de Bérangère et Chloé rivalisèrent de
- Ce Monillon a vécu à Lorme pendant plusieurs années. gaieté.
L'Augustin aimerait savoir ce qu'il a écrit sur le village.
- Nous vous remercions beaucoup, s'anima la fille
- En particulier, sur une cachette souterraine que ses blonde. Nous pouvons nous rendre utiles si vous le
aïeux avaient creusée à une époque de troubles. désirez.
La grande femme les avait regardées alternativement - Pourquoi, vous avez appris le latin ? s'étonna leur
durant les explications. Elle manifesta son admiration interlocutrice.
par une légère inclination de la tête :
- Non, rectifia Bérangère, mais nous savons poser des
- Au moins, vous possédez bien votre sujet. Votre maître étiquettes, remplir des fiches, porter des livres.
brille par son érudition. Elle s'emporta presque. Il aurait
- Excellente idée, vous êtes de braves filles, s'enthou-
dû poursuivre des études. Comment se contenter des
siasma la dame. Des piles d'ouvrages attendent au
vaches ? demanda-t-elle avec un mépris sensible. Avec
grenier. La fragilité de mon dos ne me permet pas de les
porter
les dons dont la nature l'a comblé ! Revenons à ce qui
Bérangère accomplit deux missions pendant que Chloé se rend chez Alfred. Lesquelles ?
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Philippe Tassel
Chapitre 7
- Mon écriture se lit facilement. Voyez en haut le texte - Parce que vous avez un solide appétit. Feuilleter des
latin, en bas une traduction rapide. Soyez indulgentes recettes, cela donne faim, plaisanta Sophie.
pour le style.
Plus tard dans la chambre, les deux filles déplièrent
Bérangère et Chloé se confondirent en remerciements. soigneusement le fameux papier rédigé par Madame
Madame Mérialler leur demanda de transmettre son bon Mérialler.
souvenir à l'Augustin. Et elles se séparèrent.
A la suite du texte latin, elles lurent la traduction :
Félix les attendait près de la sortie. A la vue de leur teint
rouge, il s'étonna : « A Lorme, une famille avait aménagé un refuge p.1
sous terre. Une entrée en pleine campagne ch. 07
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permettait à ses membres de s'y réfugier si des malfai- - Parce que... Parce que tu t'exprimes correctement,
teurs les surprenaient dans les activités agricoles. chercha à se justifier sa compagne.
Deux pièges la protégeaient : une dalle dissimulait une - Tu parles ! pouffa l'autre. Tu as peur, oui !
oubliette et une herse circulaire descendait du plafond. - Peur de quoi ? protesta Chloé d'un ton qui prouvait que
A la demande du patriarche de la famille, j'avais rédigé Bérangère avait vu juste.
un avertissement à l'attention des éventuels ennemis ou - Peur de lui. Evidemment, expliqua la brune. S'il posait
des curieux. Il fut gravé sur la pierre obturant l'entrée. des questions sur ce qu’on a fait, tu te sentirais à l'aise ?
Dans la maison du vigneron, une deuxième entrée don- Chloé hésita. Devait-elle se vanter de pouvoir affronter
nait accès au refuge souterrain. une telle situation ? Dans ce cas, elle ne pourrait plus
La troisième entrée s'ouvrait derrière celui qui unit les refuser d'aller voir le mété. Ou pouvait-elle avouer sa
cœurs, dans une maison proche du Moulin. L'enclume peur ? Là, elle reconnaissait qu'envoyer Bérangère seule
libérait le passage... n'était pas très sympathique. Elle trouva une solution :
Les trois feuilles d'orme protègent et libèrent. » - On n'a rien fait de mal, mais si tu préfères on ira
ensemble chez le mété. Ensuite on avertira ensemble
- Le mété a raison, remarqua Bérangère. L'entrée qu’on Lucien, d'accord ?
a empruntée est la plus dangereuse. On aurait lu ce
texte avant, on aurait peut-être évité des mauvaises Bérangère triompha. Une pointe d'ironie perça de ses
surprises. paroles.
Chloé se gratta la tête. Rétrospectivement, un frisson lui - Entendu, je t'accompagne chez le vieux. Tu parleras,
parcourut le dos. Si Cléopâtre n'avait pas déclenché le toi !
premier piège, une “ herse circulaire ”, autrement dit une Cléo gratta à la porte. La fille blonde lui ouvrit. La
cage, les aurait emprisonnées. chienne paraissait remise de ses mésaventures du ma-
Les enfants s'interrogèrent longuement sur les phrases tin. Elle s'installa sur le lit entre les filles.
mystérieuses : pourquoi les trois feuilles d'orme - Tu éteins ? demanda Chloé.
La pièce fut plongée dans le noir
protégeaient-elles et libéraient-elles ? Où était la maison
du vigneron ? Existait-elle encore ? Les indications sur
la troisième entrée étaient vraiment incompréhensibles.
- Le mété nous expliquera tout cela, philosopha Chloé.
- Tu as raison... Je suis vraiment fatiguée, dit Béran-
gère... Puis elle ajouta : Cléo n'est pas très dynamique.
Il faudrait la montrer au vétérinaire.
- Elle a eu plus de peur que de mal. Dans un ou deux
jours, elle ira mieux, rétorqua Chloé.
- Si demain elle ne va pas mieux, on l’emmènera chez le
vétérinaire, décida la fille brune.
- D'accord, en attendant, elle restera à la maison, ac-
quiesça Chloé. A propos de demain, le matin je propose
que tu ailles porter la traduction au mété pendant que
j'irai prévenir Lucien.
- Toi alors, tu es gonflée, s'offusqua Bérangère. Pour-
quoi j'irai seule chez l'Augustin ? Pourquoi pas toi ?
J’ai tout compris...
Pourquoi Chloé a-t-elle failli éclater de colère ?
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Philippe Tassel
Chapitre 8
Le lendemain matin, les enfants se débarrassèrent rapi-
dement de la corvée de la toilette. Elles avalèrent le petit
déjeuner. Julien et Sophie, les cheveux ébouriffés, les
yeux encore ensommeillés les regardèrent sans trop
comprendre.
- Rassurez-moi, supplia faussement le père. Il n'y a pas
d'école aujourd'hui ?
- C'est malin, répondit Chloé qui enfilait ses bottes. Son amie se tut. La fille blonde entra en poussant la
Bérangère boutonnait son blouson. porte de l'épaule.
- Les jours de vacances, il faut se lever tôt et profiter de - Regarde, il y a du feu.
la journée, expliqua-t-elle. - L'Augustin a dû sortir. Tu vois qu'il n'est pas là, observa
- D'accord, rit Sophie. Dorénavant, je vous réveillerai à Bérangère à mi-voix.
sept heures. Fini les grasses matinées. - Qu’est-ce qu’on fait ? On laisse la feuille sur la table ?
~~~~~~ demanda la fille blonde.
Dans la montée du Chêne-Mort, les filles échangèrent En silence, sa compagne l'entraîna dehors, peina à
leurs impressions. Elles marchaient côte à côte sans fermer la maison.
Cléopâtre. - Je préfère lui remettre en main propre. On ne sait
- La troisième entrée se trouve sans doute dans la jamais avec une porte ouverte...
maison du mété, supposa Bérangère. - Il a confiance pour partir en laissant une maison où l'on
- Tu crois qu'il sait déjà où elle est ? s'enquit sa cama- entre comme dans un moulin, critiqua Chloé.
rade. - Il faut être folles comme nous pour entrer chez lui,
- Je ne vois pas pourquoi il nous demanderait ce qu'il comme cela. Je te rappelle qu’on est allées dans son
sait déjà, objecta la fille brune, à moins qu'il nous cache abri de ronces sans autorisation. Et tu sais ce qui nous
ses vraies intentions. est arrivé !
- Je me méfie de lui. Pourtant je lui fais confiance. - Tu veux dire qu’on a failli tomber dans le trou parce
Bizarre, confia Chloé, pensive. En tout cas, je crois que le mété ne voulait pas qu’on aille voir sa resserre ?
savoir où est la deuxième entrée ! continua-t-elle Là, tu exagères !
contente. - C’est cela, c’est cela, répondit Bérangère impatiente.
- Ha ! fit Bérangère surprise. Viens, ne perdons pas de temps, allons chez Alfred !
- Même s'ils se transforment, les noms de lieux restent - Tu as raison, on reviendra cet après-midi, approuva
presque toujours les mêmes. Le texte de Monillon parle Chloé.
de la maison du vigneron. Or, une maison s'appelle Les Elles rebroussèrent chemin. En passant devant la Syl-
Vigneux. Devine ce qui trône au beau milieu de la vine, la maison de Julien et Sophie, elles enfourchèrent
grange ?... Un pressoir très ancien. L'endroit est à les bicyclettes. Elles roulèrent en direction de Maillet.
vendre du reste... Je brûle d'envie de le visiter. Elles doublèrent le dernier pâté de maisons.
- Non, protesta la fille brune, tu ne nous entraînes pas Elles arrivaient à la hauteur d'un portail en bois délabré,
une nouvelle fois dans un souterrain. rafistolé avec des ficelles de chanvre et de vulgaires
- Ne t'inquiète pas. Notre mésaventure d'hier m'a servi bâtons.
de leçon. - Regarde... Les Vigneux..., signala Chloé.
Elles approchaient de la masure du vieil homme mainte- Bérangère ralentit tant qu'elle dut poser un pied à terre.
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nant. Elles franchirent la haie, cognèrent à la porte. Au fond de la cour s'élevait une grange flanquée d'une
Aucune réponse. Elles jetèrent un coup d'œil à la ronde. partie habitation. On y apercevait un panneau « A
Rien ni personne. vendre ». L'accès à la grange se faisait par une avancée
Chloé tourna la poignée. Bérangère lui saisit le poignet. de la même hauteur que le bâtiment. Les toitures s'en-
chevêtraient en cascade car de nombreux appentis com-
- Tu es folle, on n'entre pas chez les gens comme cela !
plétaient le corps principal.
- Je n'ai pas de mauvaises intentions, dit-elle haut et
clair de manière à montrer à un éventuel témoin qu'elle
ne cherchait pas à se cacher. Imagine qu'il soit tombé, p.1
qu'il ait eu une crise par exemple. ch. 08
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Les filles se plaquèrent le long du mur. La porte de la
grange grinça. Quelques secondes s'écoulèrent. Un cla-
quement retentit. L'inconnu s'était juste contenté de
regarder dehors. Les filles respirèrent. En silence, elles
conduisirent les vélos dans un appentis encombré d'un
bric-à-brac indescriptible. Au milieu de ces objets divers,
personne ne pourrait les remarquer. Puis elles se dirigè-
rent vers une ouverture sur la gauche de la grange.
Chloé savait qu'elles y trouveraient une étable séparée
du reste de la grange par des poteaux de bois, au travers
desquels on nourrissait le bétail. En Berry, c'était la
disposition traditionnelle de ce type de bâtiment. Par
- C'est joli, finit par dire Bérangère. bonheur, la porte avait rendu l'âme. Elles entrèrent
Elle n'arrivait pas à redémarrer. La curiosité la taquinait. facilement. Des bottes de paille s'empilaient le long des
poteaux. Elles étoufferaient les bruits que les filles pour-
- On n'a pas le temps d'aller voir, hein ? demanda Chloé raient faire. Bérangère découvrit un trou entre deux
sans conviction. bottes. Délicatement, elle l'agrandit, suffisamment pour
- On doit prévenir Lucien, rappela Bérangère, l'œil terne. voir à deux, pas trop pour ne pas se faire repérer.
- Pourtant... Chloé glissa à l'oreille de son amie :
Les deux filles se lancèrent un regard rieur. Elles souri- - Ils n'ont pas l'esprit tranquille.
rent de se sentir si complices. Celle-ci approuva de la tête.
- Quelle paire on fait ! Elles espionnèrent les hommes. Ils roulaient précaution-
- Pas besoin de parler pour se comprendre ! neusement des fûts en fer. Ils les prenaient dans un
renfoncement à droite et les déplaçaient derrière l'impo-
C’était décidé, elles allaient jeter un œil aux Vigneux. sant pressoir qui occupait le centre de la grange. Lors-
Ensemble, elles poussèrent le portail. Elles avancèrent qu'ils passaient derrière l'appareil, seules les têtes dé-
jusqu'à la grange en marchant à côté des vélos. Savoir passaient, puis elles disparaissaient tandis que les fûts
la deuxième entrée du souterrain si proche, savoir que se cognaient de façon répétitive.
d'après Monillon aucun piège n'était à craindre les exci- - Ils doivent descendre, suggéra Chloé.
tait intérieurement. Elles retenaient leur souffle. Elles
glissèrent un œil entre les planches disjointes des portes Lentement, maîtrisant chaque mouvement, elle se diri-
de la grange. Chloé eut un brusque mouvement de recul. gea à l'arrière de l'étable. Elle escalada un monceau de
Elle mit un doigt sur la bouche et signifia à sa camarade foin. Elle ménagea une autre ouverture. Maintenant son
de s'écarter. champ de vision s'étendait derrière le pressoir. Béran-
gère aussi attentive à ses propres gestes, partagea
- Il y a du monde ! J'ai entendu du bruit, expliqua-t-elle. bientôt cet observatoire.
C’est bizarre pour une maison abandonnée !
De fait, les manutentionnaires descendaient un escalier.
- Tu rêves, commença Bérangère... Comme pour l'entrée du souterrain dans le buisson de
Elle s'interrompit, des chocs métalliques venaient de ronces, Chloé distingua deux pierres particulières. Sau-
retentir. Instinctivement, elles se cachèrent sur le côté de ter sur la première déclenchait certainement un méca-
l'avancée. Dans la manœuvre, une poignée de guidon nisme qui déplaçait la seconde et ouvrait un passage
s'accrocha à une sonnette. dans le sol. Ici, l'entrée dans le souterrain se faisait, non
pas par une sorte de puits, mais par un escalier qui
- Tu n'as pas entendu du bruit ? demanda une voix
commençait au ras du dallage et s'enfonçait en sous-sol.
d'homme à l'intérieur.
- La deuxième entrée ! pensa Chloé
- Je vais voir, fit une seconde voix.
J’ai tout compris...
Qui sont Julien et Sophie ? ..................................................................................................................
Selon Bérangère, où se trouve la troisième entrée ? ............................................................................
Quelle entrée découvrent-elles dans ce chapitre ? ....................................................................................
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Philippe Tassel
Qu'est-ce qui les avait trahies ? Elles hésitaient à respi- La camionnette démarra. Elle marqua une pause, le
rer. Que faire ? Courir, sortir, courir encore ? Impossible, temps de fermer la grange. Puis le moteur vrombit et les
les pollueurs auraient tôt fait de les rattraper ! pneus crissèrent sur le gravillon de la cour.
Ne sachant pas quoi faire, elles restèrent immobiles, Bérangère et Chloé soupirèrent profondément. Elles
elles se tassèrent juste un peu plus derrière la meurtrière s'adossèrent à la paille. La fille blonde essaya d'avaler
improvisée dans le foin. sa salive en vain : sa bouche était aussi sèche qu'une
pierre au soleil.
Contrairement aux craintes des filles, les malfaiteurs
empruntèrent l'escalier à pas de loup, l'un tenait la lampe L'homme qui restait seul sortit de sa poche un
baladeur. Bientôt, il se trémoussait. Il avait réglé p.1
prête à s'allumer, l'autre un manche d'outil. Des sons
le son si fort que les filles entendaient le ch. 09
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rythme de la batterie. Elles pouvaient parler sans crainte - Tu n'as pas dû chercher énormément parce que j'étais
d'être découvertes, maintenant. dans ma chambre, objecta Sophie, soupçonneuse.
- Pas la peine d'aller chez Alfred, constata Bérangère. Je - Je t'en prie, supplia Chloé, on s’amuse bien. On aime-
crois savoir où est Lucien. Je parie que c'est lui qui vient rait pique-niquer avec un copain qu’on a rencontré.
de se faire prendre. - Qui donc ?
- Pourvu qu'ils ne l'aient pas blessé ! espéra Chloé. - Lucien, le petit-fils d'Alfred. Il a notre âge. C'est génial.
Elle regarda sa montre : Tu nous laisses faire maman, dis ?
- Les parents nous attendent pour le repas ! - J'aurais aimé être au courant avant, fit Sophie d'un ton
- Impossible d'y couper, ajouta la fille brune. Nous de- ferme.
vons passer à la Sylvine. - Ho dis, c'est promis, la prochaine fois je te demanderai
- Pourquoi ? à l'avance ! C'est oui ?...
- On doit aller chercher une corde, une lampe, un cou- Chloé essayait les intonations qui pouvaient faire cra-
teau, une gourde... quer sa mère. Elle réussit. Sophie accepta.
- Arrête-toi ! Tu veux faire le tour de la terre ? - Pas d'imprudence ! A l'avenir, préviens d'abord.
- Mais non ! rectifia Bérangère. Seulement on ne peut Chloé enlaça sa mère. Elle l'embrassa chaleureusement.
pas s’aventurer dans le souterrain sans prendre - Merci maman !
quelques précautions... Elle se pressa de remplir la gourde. Dehors Bérangère
- Lucien nous a sauvé la vie. A nous de l'aider, comprit l'attendait déjà. Elles enfourchèrent les VTT et enclen-
Chloé. chèrent les vitesses les unes après les autres de façon à
aller le plus vite possible. Leurs jambes ressemblaient
aux ailes d'un moulin un jour de grand vent
Elle réfléchit un moment puis exposa son idée :
- En arrivant à la Sylvine, tu fileras dans la chambre. Tu
entasseras rapidement ce dont nous avons besoin, dans
un sac à dos. Je m'occupe de la gourde. Ensuite, tu sors
sans t'occuper de quoi que ce soit.
Toujours sur le qui-vive, les deux filles récupérèrent les
vélos dans l'appentis où elles les avaient cachés. Elles
pédalèrent à perdre haleine. Bérangère entra par la porte
de derrière. Par-là, elle risquait moins de rencontrer
quelqu'un. Chloé se rendit à la cuisine déserte. Pendant
qu'elle confectionnait des sandwiches, Sophie la surprit.
- Que trafiques-tu ? s'enquit-elle surprise.
- Je fais des casse-croûte. Je t'ai cherchée pour te
demander, mais je ne t'ai pas trouvée, mentit Chloé en
s'affairant.
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- La bande est au complet, cria Chloé. Ils vont voir ce - Regarde, on dirait que quelqu’un est passé par là ! fit
qu'ils vont voir ! observer Bérangère.
Elles ralentirent en débouchant dans le chemin. Elles - C'est sûrement l'œuvre de Lucien, commenta Chloé en
sélectionnèrent une vitesse moins rapide. Contrairement balayant le trou avec le faisceau lumineux de la lampe.
à leurs habitudes, elles ne respectèrent pas le silence du Pas bête, il a fait un pont.
Boismalin. Cette course folle ravissait la chienne qui En effet, une solide planche de chêne traversait le sol
jappait de plaisir. sur toute la longueur du trou.
Elles sautèrent des bicyclettes en marche. Celles-ci - Il faut quand même faire super attention en traversant !
échouèrent dans les brindilles et l'humus. Bérangère
pénétra la première dans le tunnel de ronces, Chloé la
suivit. Cléopâtre prenait du retard.
Chloé se préparait à sauter sur la dalle qui déclenchait le
mécanisme d'ouverture quand Bérangère l'arrêta :
- Vérifions que nous avons emporté le nécessaire. On ne
sait jamais, j'ai préparé le matériel si vite !...
Le sac de Chloé ne contenait que la nourriture qui avait
servi d'alibi à leur absence au repas familial. Quatre
mains fouillèrent donc celui de Bérangère.
- Corde, canif, chaussettes ?...
- Pourquoi tu as pris des chaussettes ? Nous ne partons
pas aux sports d'hiver !
- Deux lampes... J'ai pris des chaussettes parce que...
parce que... je ne sais pas. L'affolement sans doute.
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Pas question que tu dé- trop boueuse à son goût. Au
clenches encore une ma- fur et à mesure de leur
chine infernale. avance, le souterrain deve-
La chienne eut un regard nait de plus en plus abîmé.
éploré. Elle poussa une Les filles découvrirent une
plainte. Elle comprenait. La pierre tombée de la voûte.
petite troupe avançait très Elles levèrent les yeux. Au
précautionneusement. Les passage, elles reçurent une
lampes exploraient les parois poignée de terre du plafond.
et la voûte. Les pieds tapo- Bérangère s'épousseta d'un
taient le sol pour en tester la geste agacé.
solidité. Alors seulement les - Pourvu que cela ne nous
filles s'enhardissaient d'une tombe pas dessus, souhaita
cinquantaine de centimètres. Chloé.
- A ce rythme-là, les bandits ont cent fois le temps de... - Ne parle pas de malheur !
commença Chloé, maussade. Elles reprirent leur lente progression.
- Tais-toi ! la coupa Bérangère. On ne peut pas faire - Un escalier ! Un tournant ! s'exclamèrent-elles soudain.
autrement. Si on se retrouve prisonnières de la herse, on
perd toute chance de délivrer Lucien. Elles avaient parlé trop fort.
Les murs se couvraient progressivement de mousse. Au - Qui c’est ? interpella quelqu'un.
sol, la terre battue remplaçait les pierres. L'humidité Le sang des filles se figea. Qui appelait ? Un
transpirait de partout. La boue collait aux chaussures de malfaiteur ? Celui qui voulait tuer Lucien, par
sports des filles. Quelquefois, Cléo secouait une patte exemple ?
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Philippe Tassel
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Chloé qui venait de se meurtrir un doigt contre une
pierre, se leva. Tandis qu'elle se nettoyait la main avec
un mouchoir, son regard se posa sur le mur. Il lui sembla
apercevoir une partie gravée. Elle s'en approcha, gratta
la mousse et découvrit des traits en creux. Elle les
essuya.
- Ho ! Regardez ! s'exclama-t-elle.
Bérangère se releva.
- Trois feuilles, commenta-t-elle, d'orme sans doute.
Chloé sortit de sa poche la traduction de la bibliothé-
caire. Elle relut la fin à haute voix :
- « Les trois feuilles d'orme protègent et libèrent. » Si
nous appuyons dessus, la grille se relèvera peut-être,
imagina-t-elle.
Bérangère se précipita sous la cage. Elle se trouva
- Tentons le coup. Allez, on se tient prêtes à passer de bientôt à l'intérieur. Ses pieds dérapaient, les aspérités
l'autre côté, proposa Bérangère. Je ne fais pas confiance de la terre griffaient ses mains. La distance qui la
à la solidité du tunnel. séparait de la Lormesienne lui paraissait interminable.
Christine, sceptique, ironisa : Elle devait encore passer la seconde grille pour être
libre.
- Vous vous croyez dans un jeu de piste ?
Christine encourageait :
Bérangère se tourna vers elle. Elle prit sa mine la plus
convaincante : - Allez ! Du nerf les filles !
- Ne critique pas si vite. On t'expliquera... Partie la dernière, Chloé éprouvait une certaine an-
goisse. Elle recevait de la poussière. Elle ne remarqua
- De toutes manières au point où on en est... si cela peut
pas l'arrivée de Bérangère et de Cléo en lieu sûr. Des
me rendre la liberté, se résigna Christine.
gravats tombés du plafond la gênaient pour avancer.
La fille brune se mit à quatre pattes. Elle attira Cléopâtre
- Zut ! La grille s'arrête ! s'écria Bérangère.
contre elle, face à la herse. Christine fit de même,
tournée vers la suite du tunnel. Chloé compta. En effet, la herse venait de s'immobiliser. Chloé glissait,
dérapait. Le passage de ses camarades avait augmenté
- Un, deux... trois !
la couche de boue. Chloé se démenait comme une folle.
Elle appuya énergiquement sur les feuilles d'orme gra- Maintenant, elle arrivait juste devant le deuxième pan de
vées. Rien ne se produisit. Elle poussa un juron et la grille. Tout à coup, la catastrophe advint. Il y eut le
recommença immédiatement en appuyant comme une bruit angoissant de quelque chose qui se casse. Puis des
forcenée, cette fois. Un craquement déchira l'air. La gravats tombèrent en pluie ! Certains rebondirent sur la
herse trembla. On entendit comme un cran qui sautait. tête de Chloé, au risque de l’assommer. La fille blonde
La herse s'éleva à une allure désespérément lente. sursautait en les recevant.
Christine s'aplatit. Dès que la cage libéra une trentaine Quelque part une chaîne se tendait à l'extrême avec des
de centimètres de hauteur, elle y rampa comme un sons métalliques inquiétants, comme si un esprit malfai-
serpent. Sauvée ! Elle était sauvée ! Comme elle était sant s’amusait à taper sur des casseroles.
déjà dans la cage, elle n'avait eu à franchir qu'un côté de
- La herse ! La herse va retomber ! Le plafond s'écroule,
la grille. Des gravats rebondirent sur les barreaux de fer.
cria Bérangère. Chloé ! Tu vas rester bloquée ! Grouille,
bon sang, grouille !
La voûte s'effritait !
Chapitre 12
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La pièce où elles étaient se trouvait à la croisée de trois - Un vrai marathon, dit Christine.
tunnels : celui d’où elles venaient et deux autres. D’après Habituée à la marche, elle souffrait moins que ses
le texte de Monillon, l’un menait à la « maison du camarades. La petite troupe avait repris sa progression
vigneron » et l’autre donnait dans une « maison proche depuis un bon quart d'heure quand la Lormesienne
du Moulin ». s'écria :
- Essayons à droite, proposa Chloé. - Encore un cul-de-sac. Nous sommes coincées !
- On verra bien, dit Bérangère qui ne croyait pas vrai- - On devrait voir des fûts, remarqua Bérangère.
ment au sens de l'orientation de son amie.
- Et un garçon aussi, compléta Chloé.
Le couloir menait à un escalier raide et se terminait
rapidement en cul-de-sac. Chloé monta les marches. Le tunnel s'arrêtait là. Il fallait se rendre à l'évidence.
Elle baissa la tête car la voûte était de plus en plus - « Les trois feuilles d'orme protègent et libèrent », récita
basse, au fond. La fille blonde chercha des feuilles Christine. J'ai bien appris ma leçon.
d'orme gravées.
- Oui, mais où elles sont ces fameuses feuilles qui nous
- Regardez ! Les voilà, se réjouit-elle. ont déjà libérées de la cage ? s’interrogea Bérangère.
Elle appuya dessus, tapa, martela. Rien ne se produisit. Elles explorèrent les parois, grattèrent, frottèrent, au cas
- Il m'a semblé entendre un déclic pourtant, lui affirma où la poussière les aurait recouvertes. En vain.
Bérangère. - Par terre ! s'exclama Christine.
Elles cherchèrent à aider la pierre du fond à se déplacer. Elle montrait du doigt une pierre du dallage. Sans at-
Sans résultat. tendre, elle la tapa du pied. Un pan du mur pivota dans
- Tu n'as pas l'impression qu'elle est tiède ? demanda un crissement digne d’un film d’épouvante.
Chloé. - Lucien a dû ouvrir en marchant par hasard sur les trois
- Ecoute, on ne va pas s’éterniser devant une issue feuilles d'orme, déduisit Bérangère.
bloquée, raisonna Bérangère. Lucien n'a pas pu passer Les trois filles et Cléopâtre se faufilèrent dans le pas-
par là. D'ailleurs, je suis sûre qu'il a emprunté l'autre sage. A peine avaient-elles débouché de l'autre côté du
tunnel. mur que celui-ci reprenait sa place normale sans préve-
Christine approuva. Les trois filles tournèrent les talons, nir et toujours avec le même bruit horrible.
rebroussèrent la grande salle et s'engagèrent dans le - Mince alors ! Cette issue secrète se referme automati-
couloir de gauche. quement, commenta Chloé
- Qui a une montre ? demanda la fille blonde.
- Il est treize heures trente, annonça Christine.
- Aucune importance. On ne sait pas à quelle heure les
malfaiteurs ont découvert Lucien, coupa la fille brune.
- Pas de panique, la rassura Chloé. Ils n'ont pas encore
terminé de descendre les fûts. Quant à Lucien, je pense
qu'ils se contenteront de l'abandonner dans le souterrain.
- J'espère que tu as raison, marmonna lugubrement
Bérangère. Je préfère qu’on se dépêche, ajouta-t-elle.
Quel détail fait penser à Bérangère que les gens vivaient dans la grande salle pendant les troubles ?
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Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
dra à débloquer le mécanisme d’ouverture. - Et les deux bandits, qu’est-ce qu’ils deviennent ?
Christine repéra à nouveau les fameuses feuilles d'orme. - Ils ont apporté des barils, il y a quelques minutes.
Elle appuya dessus pour rouvrir le mur et rebrousser D'après ce que j'ai pu comprendre, ils attendent une
chemin dans le tunnel. nouvelle cargaison qui devrait déjà être là. Vous savez
- Mince alors, c'est encore bloqué ! maugréa-t-elle. que c'est super dangereux ce qu'il y a dedans ? Super
toxique...
Toutes leurs tentatives furent aussi infructueuses les
unes que les autres. Les filles se rendirent à l’évidence : - On sait, le coupa Chloé d'un ton neutre. C'est pour
ils sortiraient par la grange des Vigneux qui se trouvait cela qu’on est là. p.1
au-dessus de leurs têtes. ch. 13
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
- S'ils sont trois, que ferons nous ? s'inquiéta Christine.
- Jusqu'à présent ils sont toujours descendus seulement
à deux.
Chacun proposa son idée pour la capture des hommes.
On se mit d’accord sur un plan. Les enfants mimèrent la
scène pour que tout soit au point.
L'attente commença. Chaque membre de la bande se
tenait à son poste. Les minutes s'allongeaient démesuré-
ment... Et si les bandits décidaient de terminer la manu-
tention des fûts plus tard ? Si exceptionnellement, ils
arrivaient à deux en même temps ? Si l'un des enfants
avait trop peur au dernier moment et jouait mal son
rôle ? Si, si ?... Des doutes muets assaillaient les en-
fants. Mais chacun sentait que s’il renonçait, il mettait la
Bérangère poursuivit : vie de ses camarades en danger.
- En te prenant pour Superman, tu as failli faire échouer Soudain Cléopâtre grogna sourdement. Elle avertissait
nos plans. les enfants. Tout le monde tendit l'oreille. Il y eut un
frottement lourd et lent : la pierre qui commandait l'en-
- Je croyais que les chamailleries étaient terminées,
trée du passage secret se déplaçait. Un malfaiteur s'ap-
rappela gentiment Christine. Réfléchissons plutôt à une
prêtait à déposer la lampe dans la cave. Les respirations
solution pour sortir de ce piège à rat. Je manque d'air à
se suspendirent...
la fin.
Les enfants entendirent des pas, la descente de l’esca-
- Là-haut, ils sont deux ou trois gaillards patibulaires, lier, puis des pas réguliers de plus en plus sonores. Par
récapitula Bérangère. Ils nous maîtriseront sans difficulté moments, l'éclair d'une lampe torche qui se balançait au
dès qu’on pointera le museau dans la grange. bout d’un bras éclairait un fût. Frissonnants de peur dans
- Notre seule chance, c’est de les prendre par surprise, le noir, les trois filles et le garçon se tenaient prêts...
conclut Chloé. Restons ici et attendons-les.
Christine objecta :
- S'ils descendent ensemble, ils auront vite le dessus !
- Non, il y en a toujours un qui vient apporter une lampe
à gaz en premier, leur apprit Lucien, habitué des lieux. Il
repart. Ensuite seulement, les deux hommes apportent
les fûts un par un. Ils vont doucement à cause des
marches.
Le conciliabule se déroulait à voix basse.
- Dans ce cas, proposa Chloé, capturons le premier qui
descend. Et l'autre finira bien par venir aux nouvelles s'il
ne voit pas revenir son complice.
Que fait Lucien dès que Chloé lui libère les deux mains ?
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Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
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- Laisse la chienne, hurla-t-elle. - Je n'aime pas trop laisser une arme, même s'ils sont
Le malfaiteur frappait Cléo de sa torche électrique. Sans attachés. On ne sait jamais, dit Chloé.
résultat. Car la chienne enfonçait plus profondément - Sage précaution, acquiesça Christine.
encore ses crocs dans la chair. Elle reprit l'objet, en retira les balles qu'elle glissa dans
Christine s'approcha à une distance raisonnable. sa poche et le jeta par terre.
- Laisse la chienne, répéta-t-elle. - Tu sais comment ça fonctionne ? balbutia Bérangère.
L'homme s'immobilisa. Cléopâtre ne lâchait toujours pas - Mon oncle appartient à un club de tir. Je l'ai parfois
sa proie. Bérangère, la mine réjouie, attacha solidement accompagné, avoua Christine. J'ai vu comment il s'y
le deuxième prisonnier avec une corde sortie de son sac. prenait.
- Impossible d'utiliser celle-là pour mes amis. Elle vous Puis elle changea de conversation
était réservée, plaisanta-t-elle. C'est une corde spéciale
bandit. Sympa, non ?
Elle lui fit un magnifique sourire.
Les malfaiteurs furent bientôt ligotés. Christine soupira
en détachant ses camarades. D’un air dégoûté, elle saisit
l'arme par le canon entre deux doigts.
- J'ai horreur de ces trucs-là !
- Pourtant, j'ai bien cru que tu allais tirer, s'étonna Lu-
cien. Puis désignant le bandit, il ajouta : lui aussi, il t'a
prise au sérieux.
Elle posa le revolver sur le sol.
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Philippe Tassel
autres filles l'aidèrent en la soute- sant en revue les derniers fûts restés
nant sous les bras. là. Pour une fois ce fut Christine qui
- Que se passe-t-il ? murmura vint à son secours en changeant de
Christine à l'adresse de Lucien. conversation.
- J'ai... j'ai vu une bête, bafouilla - Tu ne sais pas si les saucissons
celui-ci. attendent de la visite ? questionna-
t-elle.
- C'est pour ça que tu nous
bouscules ? Tu as fait mal à Chloé, p.1
ch. 15
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Lucien profita de l'occasion pour racheter sa couardise Soudain un bruit sec leur sauta aux oreilles. Sans se
passée. Il expliqua en parlant vite, avec beaucoup de retourner, Chloé commença :
gestes : - Arrête de toucher à tout Lucien. Tu nous...
- Si, si ! Je les ai entendus discuter. Le chef et le conduc- Elle ne finit pas sa phrase.
teur de la camionnette doivent débarquer ici. Le prison-
nier qui avait une arme, disait que le patron voulait se - Haut les mains ! ordonna une voix d'homme.
rendre compte de la situation par lui-même. - On ne bouge plus ! fit en écho une seconde voix
- Tu veux parler de ta capture ? précisa Chloé.
- Oui, continua le garçon, légèrement gêné. Ils ne sa-
vaient pas ce qu'ils allaient faire de moi.
- Autrement dit, conclut Christine, on a intérêt à se tirer
d'ici le plus vite possible si on ne veut pas se retrouver
saucissonnés à notre tour !
- Et Chloé ? s'interrogea Lucien à voix haute. On ne peut
pas la laisser ici. On pourrait essayer de l’emmener,
non ?
Chloé lui fut reconnaissante de son attention. Elle
commença :
- Vous pourriez me cacher dans la paille...
Bérangère la coupa rapidement :
- Tu veux rire ! Pour qu'ils te trouvent parce qu'un brin de
paille t'aura chatouillé le nez et t’aura fait éternuer !
Numérote ces phrases dans l’ordre de l’histoire. [ ] Les enfants montent l’escalier.
[ ] Chloé se blesse à la cheville.
[ ] La troupe s’engage dans le couloir.
[ ] Chevalier Noir surprend Lucien.
[ ] Deux personnes menacent les enfants.
[ ] Lucien se montre très discret. p.2
ch. 15
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- On n'a rien volé, rien abîmé, vous savez. On est juste lieu de perdre de la hauteur, en gagnait, s'éloignant de
venu allonger notre copine dans la paille parce qu'elle celui qu’il considérait désormais comme sa proie. Puis
s'est fait mal. comme le malfaiteur s'apprêtait à poser sa botte sur la
première marche, la buse tomba littéralement à la verti-
Christine comprit à son tour la ruse :
cale à une vitesse vertigineuse, les serres grandes
- Vous n'êtes pas médecin par hasard ? demanda-t-elle ouvertes. Le conducteur hurla de douleur. Les griffes de
à l'homme en costume de ville. l'animal lui enserraient les tempes plus sûrement qu'un
- Vous n'avez pas une voiture pour la raccompagner étau. Déjà le sang coulait. Aveuglé, l’homme porta
chez ses parents ? s'enquit Lucien. ses mains à la tête. Mais Chevalier Noir remontait
p.1
déjà pour une nouvelle attaque.
ch. 16
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
serait vite loin, emportant avec lui le secret de toutes ses
cachettes mortelles où il avait fait dissimuler des pro-
duits fortement toxiques ! Ses mains s'affolèrent sur la
poignée ancienne et d'un fonctionnement incertain. En-
fin, la porte s'ouvrit. Le soleil pénétra violemment dans
la grange. Eblouis, les enfants fermèrent les yeux.
Quand ils les rouvrirent, le patron gisait à terre, à son
tour, à l'intérieur du bâtiment. En ombre chinoise, dans
l'encadrement de la porte, se découpait nettement une
silhouette voûtée et rêche comme un cep de vigne : le
météorologue !
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Philippe Tassel
mauvaise santé.
- Mes parents ? s'exclama Chloé, interloquée.
- Et les gendarmes ! ajouta le vieil homme, une lueur
dans l'œil.
Eberlués, les enfants restèrent muets. D'un geste doux
et ferme, le mété leur signifia de s'asseoir. Ils firent
cercle autour de lui. Cléopâtre se glissa entre ses
deux maîtresses. On se serait cru au temps passé, p.1
quand, le soir, les membres d'une famille s'as- ch. 17
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
semblaient devant la cheminée pour écouter les histoires Ensuite Chloé et Bérangère racontèrent comment elles
du patriarche. s'étaient rendues dans le souterrain pour délivrer Lucien,
Il s'adressa d'abord aux deux filles à qui il avait confié la ainsi que les événements qui en découlèrent : la libéra-
mission de retrouver le texte de Monillon. tion de Christine et celle de Lucien, la neutralisation des
pollueurs.
- J'ai rencontré Félix qui m'a fait part de ses découvertes
à la bibliothèque d'Argenton au sujet de la Chapelle. - Ils sont là ! Ils sont retrouvés !
Vous tardiez à me rendre visite. Cela m'a donné un Julien entrait dans la grange. Il exprimait sa joie. Deux
mauvais pressentiment. Je suis allé voir le père de gendarmes le suivaient.
Chloé et je lui ai expliqué la situation... - Je vous l'avais bien dit, fit l'un d'eux. A
Le mété s'exprimait sans détails inutiles, la campagne, on ne se perd pas.
d'une voix claire, un peu rauque. Il ra- Le mété retira discrètement sa mixture
conta comment Julien s'était proposé de de la cheville de Chloé à qui il
téléphoner à Madame Mérialler. Malgré chuchota :
ses réticences, l'Augustin qui n'avait ja-
mais voulu installer le téléphone chez - Allez, tu peux marcher maintenant.
lui et qui n'en avait jamais utilisé, avait Celle-ci se leva.
fini par accepter. La bibliothécaire avait Elle ne sentait plus aucune douleur !
confirmé que les enfants étaient en pos- Elle courut dans le bras de son père.
session de la traduction. Elle avait lu
celle-ci à Julien tandis que le mété en Lucien attira les gendarmes vers les
prenait note. Ensuite le père et le vieil prisonniers :
homme s'étaient dirigés vers l'entrée du - Je vais vous expliquer... commença-t-
mûrier. Ils avaient découvert la dalle de il.
l'oubliette bloquée et plus loin la cage et
Un nouvel arrivant entra. Il se présenta :
l'effondrement de terrain qui leur interdi-
rent le passage. Très préoccupé, Julien - Bonjour, fit-il à l'adresse des gen-
avait décidé de prévenir la gendarmerie darmes. Bertrand Tullier, photographe à
pour effectuer des recherches. L'Augus- la Voix du Berry, journaliste. Au com-
tin suivit le même raisonnement que les missariat, on m’a dit que vous étiez sur
deux apprenties détectives et se rendit, une disparition d'enfants. Je suis venu à
lui, à la maison du vigneron, Les Vi- tout hasard.
gneux. - Ils sont retrouvés.
- D'autant que je savais que cette maison appartenait - Je vais vous expliquer... recommença Lucien qui en-
autrefois à ma famille, précisa-t-il. traîna le journaliste. Vous pouvez dire que vous tombez
En chemin, il rencontra Alfred mécontent : son petit-fils à pic... Vous tenez un article superbe...
tardait à rentrer. On l'avait vu jouer avec Christine dont Le photographe prit cliché sur cliché, enfermant tous les
la mère était sans nouvelle. présents dans sa boîte
.......................... : Il est rudement costaud. .......................... : C’est lui qui a envoyé la buse.
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Chapitre 18
- Avec toi non plus, rit Bérangère. - Pouvez-vous m'aider à composer mon herbier ?
~~~~~~ Délicatement, le vieil homme se saisit des plantes de la
Quelques instants plus tard, elles montaient la côte du main gauche. De sa main droite, il les prenait une à une,
Chêne-Mort puis prenaient le chemin du Moulin. L'air en citant un nom latin suivi du nom commun. Il arriva à
frais stimulait les narines. Elles arrivèrent à la haie qui la dernière.
fermait le terrain du mété. Elles la franchirent. Bérangère - Ça, c’est un champignon. La lumière n'est pas néces-
frappa trois coups clairs et francs. Des paroles incompré- saire à son développement. Il me dit quelque chose.
hensibles résonnèrent derrière la porte. Les filles compri- Pourtant, je n'en ai jamais cueilli... Ce long col p.1
rent qu'elles pouvaient entrer. veiné, ces tentacules plissés... ch. 18
Un Souterrain d’Enfer, un roman de Philippe Tassel, illustré par Martine Belot, mis en page par Eric Chenavier
Il n'acheva pas sa phrase. Il se dirigea du Moulin ? demanda-t-elle à l'Augustin.
vers la cheminée. Celui-ci confirma d'un regard.
- Ha non ! Pas le tabouret, pensa Béran- - « L'enclume libérait le passage. » conti-
gère. nua Chloé en appuyant de toutes ses
- Je l'ai trouvé dans le souterrain, pré- forces sur l'enclume de la plaque de
cisa Chloé. cheminée.
L'Augustin posa un doigt sur l'un des Un craquement retentit, suivi d'un bruit
cahiers rangés au-dessus de la chemi- de frottement. Le fond de la cheminée
née, ceux que Chloé avaient remarqués lors de sa s'ouvrait ! Un corridor apparut, noir et humide.
première visite. Il le sortit, l'ouvrit, le feuilleta. Malgré Soudain très énervée, Chloé rappela à son amie :
son grand calme, les filles le sentaient tendu.
- Tu te souviens du cul-de-sac dans le souterrain ? Nous
- Voici une recette que m'avait donnée mon grand-père. y sommes ! La paroi était tiède. C’est normal puisque,
Il ne m'a jamais expliqué à quoi elle servait. Il m'avait derrière, l'Augustin devait faire du feu à ce moment-là.
juste dit qu'elle me serait utile quand j'aurais son âge. Je Tu te rends compte, on était juste derrière la cheminée.
n'ai jamais trouvé la plante qui entre dans sa composi-
tion. Voilà le secret de la pierre éclairci, mon grand-père - Voilà le chemin qu'empruntait mon grand-père pour
cueillait ce champignon dans le souterrain. Avec, il se aller cueillir les ingrédients de son remède, dit le vieil
fabriquait un remède contre cette maudite maladie fami- homme, ému.
liale. - Vous pourrez retourner au souterrain quand bon vous
- Ce spécimen vous permettra de soigner la prochaine semblera maintenant. Fini les crises de paralysie ! fit
crise, réfléchit Bérangère. Mais il faut à tout prix que Bérangère qui sous le coup de l'émotion s'assit sur le
vous puissiez vous en trouver régulièrement ! premier siège qu'elle rencontra : le tabouret.
Chloé n'écoutait pas ces propos. Elle fixait la cheminée, - Je savais que je pouvais compter sur vous les petites,
l'air absent. les remercia le météorologue.
- Dis Chloé, tu comprends, tu as trouvé la plante qui - Vous êtes dorénavant le seul à pouvoir pénétrer dans
guérit ! la rudoya Bérangère qui ne comprenait pas cette le boyau de pierre, conclut Bérangère. La première
brusque indifférence de son amie à un moment aussi entrée est définitivement obstruée par la herse, la
important. deuxième ne peut plus s'ouvrir de l'extérieur.
La fille blonde n'entendait pas. Elle entra à demi dans la - Tant mieux, remarqua Chloé. Si trop de gens s'amu-
grande cheminée. Elle s'approcha de la plaque en fonte saient à se promener dans le souterrain, son équilibre
qui garnissait le fond. Elle cita de mémoire la traduction écologique serait perturbé et peut-être que ces champi-
du manuscrit de Monillon : gnons ne pourraient plus pousser.
- « La troisième entrée s'ouvrait derrière celui qui unit les - Il faudra juste faire attention à ce que la plaque ne se
cœurs. » Regardez la plaque de cheminée. Vous voyez, ferme pas pendant que vous serez sous terre, ajouta
on dirait un forgeron qui soude deux cœurs ensemble. Bérangère. Le système intérieur de fermeture ne fonc-
Très symbolique ! « ... dans une maison proche du tionne plus. S’il fonctionnait encore, vous nous auriez vues
Moulin ». Il y avait un moulin dans le coin avant puisque débarquer ici, hier
le chemin qui mène à votre maison s’appelle le chemin
J’ai tout compris...
Quel détail fait penser à Chloé que le mété est « un brin sorcier » ?
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