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ENTRE CONTRAINTES ET IDEAUX : QUELLE POLITIQUE

LINGUISTIQUE POUR LE CAMEROUN ?

Ozias MBIDA
Université d’Angers/Université catholique de l’Ouest,
doctorant, Laboratoire CIRPaLL, équipe de recherche LICIA.
ozimbida@yahoo.fr

Résumé

Les différents modèles de politique linguistique appliqués au Cameroun


depuis la période coloniale allemande jusqu’à nos jours semblent être définis à
partir des objectifs à atteindre au mépris des contraintes du paysage
ethnolinguistique local. Le Cameroun indépendant a adopté le français et l’anglais
comme langues officielles avec pour ambition la réalisation de l’unité linguistique et
culturelle du pays. Cette perspective a permis au contraire le réaménagement du
paysage linguistique au profit du français. Une situation qui s’est soldée par une
crise où la langue française parait mise en cause parce que empiétant dans le
domaine de l’anglais et faisant ombrage aux langues nationales. Des solutions
proposées, l’idée de réduction de l’influence du français revient avec une certaine
récurrence.
Une telle proposition ne semble pas à notre avis répondre à la question. Ce
qui est en cause, ce n’est pas la langue française elle-même, mais les paramètres
de son emploi. Aussi, pensons-nous que le Cameroun a intérêt à résoudre sa crise
sociolinguistique actuelle dans le cadre d’une politique linguistique adéquate,
corresponde à son environnement et à ses objectifs. Un tel modèle de politique
linguistique s’ouvrira forcement sur la perspective de mixité linguistique qui
caractérise le pays. Lequel reconnaitra le rôle joué par les langues nationales tout
en légitimant les langues étrangères dans leur dimension réelle.

Mots clés : politique linguistique, contexte, posture, modèle.

Abstract

The different models of language policy applied in Cameroon from the


German colonial period to the present day seem to be defined on the basis of the
objectives to be achieved in defiance of the constraints of the local ethnolinguistic
landscape. Independent Cameroon has adopted French and English as official
languages with the ambition of achieving the country's linguistic and cultural unity.
This perspective has, on the contrary, enabled the rearrangement of the linguistic
landscape for the benefit of French. A situation which ended in a crisis where the
French language seems questioned because it encroaches on the field of English
and shadows the national languages. Of the solutions proposed, the idea of
reducing the influence of French comes up with a certain recurrence.
In our opinion, such a proposal does not seem to answer the question.
What is at stake is not the French language itself, but the parameters of its use.
Also, we believe that Cameroon has an interest in resolving its current
sociolinguistic crisis within the framework of an adequate language policy,
corresponding to its environment and its objectives. Such a model of language

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policy will necessarily open up to the perspective of linguistic diversity that
characterizes the country. Which will recognize the role played by national
languages while legitimizing foreign languages in their real dimension.

Keywords: linguistic policy, context, posture, model.

Introduction

De l’extension de la langue française en Afrique Subsaharienne,


Jean-Pierre Cuq et Isabelle Gruca (2005 : 21) retiennent la conquête
militaire comme l’unique voie de pénétration : « En Afrique Subsaharienne,
disent-ils, c’est une quinzaine d’Etats africains francophones qui furent peu
à peu conquis à partir du milieu du XXe siècle pour former l’Afrique
occidentale française (AOF) et l’Afrique équatoriale française (AEF),
jusqu’aux indépendances de 1960. » Ainsi, considérer le moyen militaire
comme le dénominateur commun de la conquête par la France de ses
territoires parait objectif mais n’explique pas, à lui seul, le complexe
mouvement d’ancrage du français en Afrique.
S’agissant particulièrement du Cameroun, le moyen militaire fut un
moyen parmi d’autres ayant facilité l’implantation du français dans ce
territoire.
Faut-il rappeler que le Cameroun fut une colonie allemande de 1884
à 1914, territoire sous mandat de la SDN1 puis sous tutelle de L’ONU2 entre
1914 à 1960. C’est principalement à ce titre que le français et l’anglais
s’implantent au Cameroun. C’est ce qui explique le morcellement du
territoire en deux entités linguistiques, anglaise d’une part, avec 1/5e du
territoire ; et française d’autre part, avec 4/5e du territoire.
Malgré ce morcellement, le Cameroun est demeuré statutairement
une entité unique, qui a pu se reconstituer en un Etat fédéral puis unitaire
avec les indépendances, et avec pour statut linguistique le bilinguisme
français/anglais.
Ce statut linguistique est aujourd’hui en crise. Il se peut que
l’environnement sociohistorique qui le justifiait ait évolué. D’où les
multiples remous autour des questions de langue et d’identité.
Concrètement, que représente aujourd’hui la politique linguistique
du Cameroun ? Autrement dit, quelle est la pertinence de ce modèle
linguistique où le paysage sociolinguistique est structuré autour des
langues étrangères ? L’article s’intéresse particulièrement à la place de la
langue française dans ce paysage : Comment cette langue en arrivée est à
occuper cette position centrale au cœur de la vie sociale et culturelle ?
Qu’est-ce qui explique la fébrilité que l’on observe autour de cette langue ?
En sortir exige une reconfiguration de la politique linguistique du
Cameroun. Mais quelle posture, quel modèle d’aménagement linguistique

1
SDN. Société Des Nations, devenu Organisation des Nations Unies à partir de 1946.
2
Organisation des Nations Unies

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correspondrait à l’environnement linguistique si spécifique qu’est le
Cameroun ? Nous commencerons par présenter le Cameroun linguistique,
tel qu’il apparait aujourd’hui dans les imaginaires. Puis nous analyserons le
cadre de la politique linguistique du Cameroun. Enfin nous nous
intéresserons aux critères nécessaires pour une politique linguistique
adaptée au Cameroun.

I- Le paysage linguistique Camerounais

I-1. Le français : une présence dominante

A l’échelle de l’Afrique, le Cameroun fait partie des grands pays


locuteurs du français. Selon le rapport 2018 de l’organisation internationale
de la francophonie, il est l’un des trois pays de l’Afrique francophone ayant
le plus de potentialités de scolarisation en français de sa jeunesse. De plus,
70% de la population des grandes villes telles que Yaoundé et Douala
s’expriment en français et plus de 60% des populations des mêmes villes
savent lire et écrire le français.
Ainsi, comparé à la langue anglaise et aux langues nationales, le
français semble de loin dominer la vie publique au Cameroun. Patrice
Tchouala et Hervé Efon (2005) constatent que « l’aire de prédilection de
l’anglais est circonscrite à deux régions sur les dix que compte le
Cameroun, le français est la première langue officielle dans les huit
autres régions ». En fait, le français comme l’anglais n’ont, semble-t-il, fait
que consolider leur position, chacun dans sa zone d’ancrage colonial.
Cette sanctuarisation des deux langues dans leur zone de confort a
eu pour conséquence la sécurisation des identités linguistiques française et
anglaise. Ce qui a longtemps donner l’impression que le bilinguisme
français / anglais au Cameroun est un modèle de politique linguistique
abouti. D’où sa célébration par les politiques comme un « acquis » de
l’unité nationalité.
Sur un autre plan, cette sanctuarisation a conduit à un phénomène
d’endogénisation linguistique du français. Cette endogénisation est
manifeste à la fois à l’oral et à l’écrit.
Sur le plan de l’expression orale, elle permet une représentation
territoriale du français au Cameroun en quatre pôles. Dans leur article sur
les variations linguistiques du français au Cameroun, Wamba et Noumsi
(2003) montrent que le français parlé au Cameroun connait une variation
déterminée par quatre accents :
L’accent de la région de l’ouest ou l’accent Bamiléké, qui se
caractérise la confusion entre « r » et « l » ; l’ajout d’un [k] à la fin des
voyelles nasales ; les consonnes /k/ et /g/ qui tendent à remplacer la
consonne « r » en position implosive et enfin la prononciation moins
marquée des consonnes apico-dentales /r/, /l/, /n/ quand elles
interviennent en position implosive.

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L’accent de la région du nord qui se traduit par : « une élocution
rapide et tendue avec des sons très aigus » (MENDO ZE, 1990 : 80). Par
conséquent, le son /r/ se prononce « rrr ». Les consonnes chuintantes /ž/,
/š/ sont remplacées par les sifflantes /z/, /s/; etc.

Dans l’accent de la région du littoral, l’écart se caractérise par le


remplacement systématique des voyelles /ø/, /œ/, /o/, /y/ qui n’existent
pas dans la langue maternelle par les voyelles /u/ et /i/.

Enfin, chez les locuteurs du français des régions du sud et du


centre, on observe une labialisation des consonnes intervenant avant la
voyelle « o ». Globalement, les voyelles antérieures arrondies : /y/, /ø/,
/ø/ sont remplacées /i/, /e/, /u/.
A l’écrit, et selon les mêmes auteurs, il se constate au niveau lexical
et sémantique des phénomènes de desémantisation/resémantisation des
mots, de dérivation impropre, de translation, de modification de collation,
de dérivation suffixale et de néologisme. Vient enfin le foisonnement des
particularismes morphosyntaxiques.
Dans l’ensemble, les variations phonologiques, les écarts
sémantique et syntaxique avec la norme, ont abouti à l’émergence d’un
français local et avec lui, une norme endogène. Malgré ces variations, le
français au Cameroun semble remplir avec satisfaction les fonctions
institutionnelles et sociales attachées à son statut. On peut, d’un regard
hâtif, être tenté de conclure que le triomphe du français au Cameroun est
le résultat d’une politique linguistique gouvernemental qui a porté ses
fruits.
Cependant, tirer une telle conclusion sur le français au Cameroun,
c’est, d’une part, faire abstraction dans l’analyse du contexte
sociohistorique ; et d’autre part, faire preuve d’ignorance de
l’environnement sociolinguistique réel de ce pays. Prétendre mener une
analyse aboutie sur la question, c’est dépasser certains points attachés à
une vision figée des langues pour l’appréhender autrement.

I.2. Le Cameroun de la diversité linguistique

Le Cameroun est, de par le profil physique de ses populations, de par


les coutumes matérielles de celles-ci, de par leurs modalités d’occupation
de l’espace, de par les langues qui y sont parlées, les croyances qui y ont
cours, considéré comme l’Afrique en miniature.
Ce qui suppose que le pays est fait de la pluralité des langues et de la
diversité des cultures que regorge l’Afrique. A cet effet, Adalbert Owona
(1973 :16-17), présentant le territoire précolonial qui est devenu le
Cameroun affirme :
On ne comptait pas moins d’une centaine de groupes
ethniques différents parlant chacun son dialecte adorant chacun
ses dieux possédant chacun son histoire ses coutumes et ses

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traditions. Les systèmes politiques allaient du type non étatique
chez les populations bantu de la forêt sud-camerounaise et les
populations dites païennes du Nord-Cameroun aux formes
étatiques du pouvoir des petits royaumes côtiers, des chefferies
Bamiléké, des royaumes Bamoun et Tikar, les principautés
Kotoko, les sultanats et lamidats du Nord-Cameroun etc. De la
même manière, les structures sociales variaient du type
clanique égalitaire au type féodal fortement hiérarchisé.

Disons sommairement que le Cameroun d’aujourd’hui, dans sa mouture


socioculturelle, garde encore tous les traits de cette diversité culturelle
historique. Sa population est partagée entre les croyances chrétienne,
animiste, islamique ; les membres des ethnies sont de tradition éleveurs,
agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, commerçants ; ils habitent la savane, la
forêt, les rivages et les montagnes. Ils parlent les mêmes langues que les
peuples du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de l’Afrique.
Malgré la présence dominante au Cameroun du français d’une part et
de l’anglais d’autre part, les ethnies, dans une proportion importante,
surtout en milieu rural, continuent d’interagir entre elles dans les langues
locales. C’est dire finalement que la représentation du statut linguistique
réel du Cameroun devrait être un tableau de contrastes linguistiques. Ce
contraste n’est pas malheureusement pris dans la représentation officielle.
Chercher à saisir ce contraste, à comprendre les conséquences de cette
dualité statutaire et ses incidences socioculturelles, c’est s’intéresser à la
relation sociohistorique entre les langues étrangères et nationales au
Cameroun. C’est surtout interroger la politique linguistique qui a conduit à
cette situation.

II. Les politiques linguistiques à l’œuvre au Cameroun

II.1. Les fondements théoriques

Pour Louis Pocher et Violette Faro-Hanoun (2000), la politique


linguistique repose sur quelques principes épistémo-méthodologiques qui
font sa particularité. Elle nécessite à la base une vision préalable propre à
une communauté, un État, un groupe d’États… Elle exige des objectifs
précis et des moyens de mise en œuvre, elle demande des décisions
pragmatiques et adaptées au contexte, elle exclut tout recours à
l’automatisme fonctionnel des autres secteurs d’activité. Bref, une politique
linguistique, à la différence la politique tout court, repose des modèles
conceptuels prédéfinis et des actions pragmatiques rigoureusement
articulées mais non point rigide.
Ainsi, toute politique linguistique se caractérise-t-elle par des
modalités et des contextualisations particulières. Les politiques

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linguistiques sont aussi multiples qu’il existe d’entités étatiques,
associatives et de groupes d’intérêts pour les concevoir et les mettre en
œuvre. De façon globale, les politiques linguistiques peuvent être
ramenées à deux essences : essentialiste d’une part et constructiviste
d’autre part.
La politique linguistique d’essence essentialiste apparait
généralement dans les situations d’exercice d’un pouvoir autoritaire
nationaliste ou dans un contexte de domination culturelle d’un groupe sur
les autres à l’instar de la colonisation.
Dans ce cas de figure, elle est engagée sur la voie de la réalisation
d’un destin historique que l’on croit être celui d’une langue, d’une culture
ou plus largement d’une identité. Elle revendique de ce fait un idéal
monoculturel. Elle se manifeste par la valorisation à outrance du
monolinguisme ou s’accommode d’une « diglossie sans bilinguisme »
(Fishman, 1971 : ).
Dans le contexte de la colonisation française en Afrique par
exemple, la politique linguistique de la France reposait sur ce que Calvet
(1971) appelle les « dogmes ». Lesquels sont entre autres : la surenchère
linguistique, la restriction du cadre d’expression des langues et cultures
locales, la conception hiérarchique des langues, la valorisation du
monolinguisme pour des objectifs assimilationnistes, l’instrumentalisation
de l’école comme outil d’autorité et de transformation de l’élite. Ces
dogmes eux-mêmes proviennent des thèses positivistes et de « l’esprit
colonialiste » de la IIIe République (Mbembe :2006) et qui ont pour objectif
la mise en exergue des différences, des contrastes et des singularités des
groupes ethniques.
Face à l’essentialisme, existe la posture d’essence constructiviste,
qui peut se décliner sous des formes variées. La politique linguistique
d’essence constructiviste est liée à l’idée de la diversité linguistique et
culturelle, elle valorise la pluralité linguistique des sociétés et défend le
droit au multilinguisme pour la personne. Elle est associé à l’idée d’une
identité culturelle hétérogène. Elle promeut l’appartenance identitaire
présente de la personne et relativise ses origines exclusives passées. Elle
parait récente et émerge généralement en contexte de libéralisme
démocratique ou le plus souvent dans le cadre d’une coexistence sociale
pacifique. Cette politique correspond plus ou moins à ce que beaucoup
d’Etats dans le monde revendiquent de nos jours.
Le Cameroun, comme la presque totalité des pays africains, est
passé par les politiques linguistiques d’essence essentialiste durant sa
période de colonisation.

II.2. L’influence des politiques linguistiques coloniales dans


l’aménagement du paysage sociolinguistique au Cameroun

Toutes les puissantes coloniales qui sont passées par le Cameroun ont
eu pour tentation le réaménagement à leur profit exclusif du paysage

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sociolinguistique. Ces dernières ont fait recours aux méthodes de violence
symbolique et/ou physique. C’est-à-dire qu’elles ont essentiellement fait
recours aux politiques linguistiques d’essence essentialistes. Mais leurs
objectifs ont-ils toujours été atteints ?
En premier, l’Allemagne. Selon Zang Zang (2010), de 1884 jusqu’en
1914, l’Allemagne expérimenta au Cameroun au moins deux modèles de sa
politique linguistique coloniale sans véritable succès. Le premier fut une
politique d’exclusion des communautés non germaniques et de sécurisation
de l’identité culturelle et de la langue allemande. Cette politique inspirée de
la doctrine nationaliste du pangermanisme se manifesta par l’usage exclusif
de la langue germanique par les allemands et la scolarisation des indigènes
en langue Douala, provoquant une situation de diglossie sans bilinguisme.
Cette politique eût malgré tout un résultat décevant pour le
colonisateur. Au lieu d’aboutir à la hiérarchisation des langues et des
cultures, au développement du sentiment de rivalité entres les
communautés linguistiques locales, elle a au contraire générer la fusion
identitaire de celles-ci autour des Douala et le développement d’un
sentiment anti allemand.
A cette politique, succéda une seconde qui se caractérisa par une
ouverture précautionneuse de la langue allemande aux indigènes. Elle se
manifesta entre autres part : l’enseignement en allemand, l’évangélisation
et création des journaux en langue germanique… pour des objectifs très
encadrés. Cette politique devait notamment maintenir les apprenants dans
l’incapacité de réaliser des compétences linguistiques de niveau
indépendant ou avancé, c’est-à-dire les priver d’esprit critique.
Malgré toutes ces précautions, cette autre politique n’a pu produire
des résultats différents de la première. Elle a au contraire abouti à la
critique puis à la contestation du système colonial. C’est toujours Zang
Zang (2010), qui observe qu’avant de partir du Cameroun, l’Allemagne
était obligé de couper la tête pour divers motifs à tous ceux qui parlaient sa
langue et connaissaient sa culture, faisant sans doute allusion à Rudolphe
Duala Manga Bell et à Martin Paul Samba deux officiers camerounais de
l’armée coloniale allemande.
La langue et la culture allemande n’eurent donc pas un ancrage au
Cameroun. Autrement dit, les tentatives de restructuration du paysage
linguistique n’aboutirent pas à la hiérarchisation espérée. Laquelle devait
refléter le rapport de force colonial. La France reprit ce projet à son propre
compte dès son installation au Cameroun.
La France trouva au Cameroun un paysage linguistique plurilingue,
plus ou moins inaltérée, qu’elle tentera de restructurer à sa façon et à son
avantage. Elle a, semble-t-il, tiré des leçons des tentatives et des échecs
des allemands. Aussi, a-t-elle déployé dans le territoire une politique
culturelle et linguistique offensive visant une assimilation intégrale.
Sur le plan socioculturel, la politique de l’assimilation s’est
caractérisée par la reconfiguration des ethnies du Cameroun en quelques
grands groupes aux traits culturels plus ou moins uniformes, circonscrites à

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l’intérieur des divisions territoriales administratives.
Sur le plan linguistique, elle s’est illustrée par le dénigrement des
langues locales en leur prêtant des traits caractéristiques rudimentaires,
sans liens avec l’ancrage social et le parcours historique de chaque langue.
L’objectif étant de ramener les cultures et les langues, selon Carmen-
Laboye (2009), à une « structure artificiellement unique »3 déterminant
leur incapacité à remplir les fonctions sociales liées à la modernité. Et pour
Calvet, (1971 : 130) : « Le discours colonial sur la langue n’est pas
seulement raciste, ou méprisant : ce ne sont là que ses manifestations
superficielles. Il est avant tout plus profondément fonctionnel, tout tendu
vers un but, la justification de la glottophagie et de la politique qui
l’englobe. »
Enfin, sur le plan scolaire, elle se traduit par le monolinguisme ou
disons la politique de l’usage d’une langue unique, la langue Française.
Jugée d’une nécessité implacable pour accéder à la modernité et donc à
l’« humanité », le français est perçu par le colon à la fois comme un outil
d’autorité et transformation de l’élite. Il a été rendu nécessaire au colonisé
comme un instrument de socialisation et d’accès aux droits.
Tout laisse croire que les objectifs poursuivis par cette politique ont
été atteints, au regard de la place que le français occupe au Cameroun.
Une place qu’il « partage », dans une certaine mesure, avec l’anglais.
Comparée à la politique linguistique coloniale française, la politique
linguistique anglaise fondée sur l’indirect rule apparait comme plus
respectueuse et plus tolérante, garante d’un espace d’expression plus
importante pour les langues et les cultures.
Mais le territoire camerounais sous occupation britannique, le
southern Cameroon, n’a pas bénéficié de la souplesse de ce mode
d’administration coloniale au même titre que les colonies telles que le
Nigéria, le Kenya ou l’Ouganda. La faute, semble-t-il, est à l’arrivée tardive
de ce territoire dans une fédération fondée depuis presqu’un siècle. D’où sa
position marginale. Selon Pierre Fandio (2008 : 28) : « Le southern
Cameroon n’a jamais véritablement bénéficié d’une attention particulière
de la part des autorités de tutelle, britanniques », concluant, à travers
l’observation de la qualité des infrastructures scolaires et routières de la
colonie, à une négligence bienveillante.
Car en réalité ce territoire a subi, de par son rattachement
administratif à la grande colonie nigériane, une double colonisation. Les
fonctionnaires coloniaux étaient des Ibo venant du Nigéria. De même, le
crédit financier accordé à cette colonie transitait par Lagos puis Calabar au
Nigéria avant d’arriver à Buea, avec à chaque étape des prélèvements
conséquents.

3
Husti-Laboye, Carmen, La dispora coloniale en France, Différence et Diversité, Limoges, PUL,
2009

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Ainsi, la politique linguistique anglaise dans le Southern Cameroon fut
véritablement inopérante faute de faisceaux d’infrastructures culturelles
capables de l’implémenter. Jusqu’à l’indépendance du territoire en octobre
1961, on n’y dénombrait que quelques écoles missionnaires, trois
établissements secondaires, aucune université ni bibliothèque publique ni
imprimerie… Choses qui expliquent en partie l’expansion du pidgin-english
dans ce territoire, synonyme d’une culture anglaise au rabais.
Avec l’indépendance, ce territoire a eu pour tout héritage linguistique
et culturelle un système administratif et un embryon de système éducatif
et judiciaire anglais qui ont servi de jalons pour bâtir l’Etat fédéral du
Cameroun occidental.
En somme, les allemands, les français et dans une certaine mesure
les anglais ont appliqué au Cameroun une politique linguistique d’essence
essentialiste avec des résultats contradictoires. L’Allemagne connut un
échec systématique. L’Angleterre s’y employa sans conviction. Seule la
politique linguistique de la France a abouti, avec pour conséquence la
restructuration profonde du paysage linguistique et le rôle prépondérant du
français dans la vie sociale et culturelle.
L’indépendance de 1960 devait ouvrir la voie à d’autres perspectives,
y compris celle non moins idéal d’un paysage linguistique reconfigurée
autour d’une langue nationale, telle que le rêvait l’UPC de Ruben Um
Nyobe. En effet, le programme d’indépendance de ce parti politique
prévoyait l’usage du fufuldé comme langue nationale. La perspective d’un
paysage linguistique reconstitué pour des besoins d’équilibre entre langues
nationales et étrangères, entre le français du Cameroun oriental et l’anglais
du Cameroun occidental restait possible, dans le pire des cas. Le Cameroun
indépendant se donna-t-il les moyens et la volonté nécessaire pour
atteindre l’un ou l’autre de ces buts ? Quelle a été la politique linguistique
du Cameroun ces soixante dernières années ? En a-t-elle vraiment une ?
Pour quelles conséquences ?

III. Les politiques linguistiques au Cameroun depuis 1960

L’histoire officielle du Cameroun semble aussi être son histoire


linguistique depuis les indépendances.
Le 1er janvier 1960, le Cameroun oriental devient un Etat
indépendant avec le français comme langue officielle. Le 1 er octobre 1961,
le Cameroun occidental ou Southern Cameroon devient à son tour
indépendant, avec l’anglais comme langue officielle. Les deux états
fédèrent pour former un seul Etat fédéré avec le français et l’anglais
comme langue officielle. Et avec la juxtaposition linguistique, se
juxtaposent les institutions que chacun des Etats a hérité de la
colonisation.
Le 20 mai 1972, un referendum est organisé qui fait passer les deux
Etats du statut de la fédération à celui d’Etat d’unitaire, avec la volonté de
fusion des institutions. Une fusion limitée aux seules institutions politiques,

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(parlements et exécutifs fédéraux) laissant de côté les institutions
judiciaires et éducatives, déjà ouvertes d’une façon ou d’une autre aux
influences anglaises et françaises.
Le contexte culturel et linguistique actuel au Cameroun est celui
d’une pleine crise dont les dimensions sont multiples. Crise linguistique non
seulement entre anglophone et francophone, crise non seulement entre le
français et l’anglais mais aussi entre les langues officielles et les langues
nationales.
L’Etat unitaire né en 1972 essaie malgré tout de survivre dans un
environnement qui connait des mutations sociohistoriques et socioculturels
rapides.
Déjà en 1985, face à la crise politique (nord/sud) que traversait le
pays, et dans le contexte du « renouveau » politique, eût lieu un colloque
sur l’identité culturelle nationale camerounaise qui se solda par deux
propositions majeures sur la question des langues.
La première, émanant de Jacques Fame Ndongo (1985) prône une
thèse proche des théories culturelles essentialistes et considère que les
langues nationales sont dans une position qui ne leur permet pas de
participer activement à la construction de l’unité nationale. D’où la
nécessité de garder les langues étrangères telles que le français et
l’anglais, seules capables de remplir la fonction unificatrice.
La deuxième proposition vient d’Engelberg Mveng (1985) qui conçoit
que l’identité culturelle camerounaise est fondée sur une mixture
identitaire antérieure à la colonisation. Il pense de ce fait qu’il y a une
identité culturelle camerounaise déjà constituée parce qu’elle est une
unicité composé des particularismes géographiques, historiques,
artistiques, linguistiques, culturels, cultuels, culinaires vestimentaires et
symboliques historiquement entrés en symbiose. Dans ce contexte, les
langues officielles française et anglaise n’ont pas l’importance qu’on leur
prête, celle de facteur primordiale de l’unité nationale. C’est sans surprise
que sa proposition sera rejetée.
En 1991, le retour au multipartisme et à la liberté d’association a
apporté la revendications par les communautés ethniques d’espace
d’expression culturelle et linguistique plus grande. C’est par la loi sur la
liberté des associations que l’Etat a répondu à la demande.
Depuis 2016, le Cameroun traverse une crise identitaire meurtrière
qui oppose les militants sécessionnistes aux forces gouvernementales. Les
solutions politiques et culturelles abondent. Mise en place du grand
dialogue national, création de la commission nationale du bilinguisme,
renforcement de l’autonomie des systèmes judiciaire et éducatif de type
anglo-saxon.
Les multiples solutions du gouvernement à la crise apparaissent
comme des tâtonnements qui sont la démonstration de l’inadéquation du
modèle d’aménagement linguistique dit « bilingue » au contexte
camerounais actuel.
Les solutions ponctuelles apportées aux crises linguistiques

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montrent surtout qu’il n’existe pas au Cameroun, depuis les
indépendances, une politique linguistique élaborée pour répondre aux
préoccupations spécifiques du paysage sociolinguistique camerounais sur la
durée. Ce que l’on présente comme la politique linguistique du Cameroun
ne renvoie pas une vision culturelle spécifique inhérente au contexte
camerounais. Les actions menées en faveur des langues à diverses
situations ne nous semblent pas être des actions de politique linguistique
mais des actions politiques en réponses aux attentes générées par le
manque d’un politique linguistique. Celles-ci ne sont pas à confondre avec
une initiative de politique linguistique du fait de leur désarticulation les
unes par rapport aux autres, du fait que la survenue de ces actions est liée
à des contingences sociopolitiques, et enfin du fait du contexte souvent
critique de leur application. S’il faille y ajouter l’idée que le Cameroun n’a
vraiment pas souverainement choisi le modèle d’aménagement linguistique
qu’il assume depuis 60 ans, il y a bien lieu de conclure que le bilinguisme
français/anglais du Cameroun est la conséquence d’une influence coloniale
plutôt qu’un choix souverain de politique linguistique.
Par contre, il existe bien au Cameroun une politique linguistique du
français et une autre politique linguistique de l’anglais dont le
gouvernement n’a pas l’initiative. Le caractère juxtaposé du bilinguisme
camerounais et la neutralisation des initiatives locales que cela occasionne
expose systématiquement la sphère nationale aux influences des politiques
linguistiques d’origine anglaise et française, et/ou au moins francophone et
anglophone. Or il n’y a qu’à travers une politique linguistique et culturelle
que l’on peut maîtriser sa sphère identitaire nationale parce qu’une
politique linguistique implique inéluctablement la maîtrise de la dynamique
sociohistorique et socioculturelle locale.
Peut-être que c’est là l’implicite qu’il importe de dérouler afin de
comprendre les sentiments contradictoires que soulèvent la langue
française dans cet espace.

IV. Le français, langue de polarisation

D’une sanctuarisation pacifique entre le français et l’anglais durant


la période coloniale, le Cameroun est devenu un sanctuaire de violence
linguistique après les indépendances, à cause de l’absence d’une politique
linguistique endogène pour occuper l’espace.
Il s’agit en l’occurrence de la violence du français contre l’anglais.
Manifeste d’abord, par des attitudes de protectionnisme culturel :
enseignement tardif de l’anglais aux francophones, rareté de livres en
anglais dans les bibliothèques et les librairies francophones. Ensuite par
des attitudes de captation de l’élite anglophone. Car en effet, les
anglophones qui tenaient à s’insérer dans l’espace public formel et
fonctionnel sont systématiquement contraints à l’adoption du français.
Biyouha Assomo (2003) constate que jusqu’au milieu des années 1990,

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date de la création de la première université anglophone, 9 étudiants
anglophones sur 10 faisaient leurs études supérieures à l’université de
Yaoundé qui est une université francophone.
D’autre part, et dans sa relation avec les langues nationales, le
français semblait obliger celles-ci à se positionner et à se redéfinir en
permanence par opposition à lui. Ainsi, le français est la langue de la
modernité et les autres langues de tradition. Ainsi le français est la langue
de communication publique et les langues locales réservées à la sphère
domestique. Ainsi le français est la langue de la science, de l’objectivité et
de la littérature écrite et les autres langues, celles des croyances
subjectives, de l’oralité et de socialité inférieure. Sur ce plan, même la
recherche est mise à contribution. Elle se caractérise par l’étude
permanente du contact entre le français et les langues nationales comme si
l’on assurait la veille autour de la langue française pour éviter sa contagion
par l’environnement linguistique d’accueil.
Cette mise à l’écart de l’anglais et des langues nationales
correspond à ce que Calvet (1971) appelle un « champ
d’exclusion linguistique » et qu’il considère comme une situation d’abus, du
moins le supra pouvoir d’une langue sur un champ linguistique. Aussi,
explique-t-il : « si la langue n’est toujours pas ici une superstructure, son
statut de langue exclusive ou de langue tendant à se développer sur un
champ d’exclusion est, lui, superstructurel. » (Calvet, 1971 : 65).
Une fois encore, après une certaine réussite de sa politique
d’assimilation culturelle à la période coloniale, le français triomphe dans la
période post colonisation en devenant une superstructure dans le paysage
linguistique camerounais, faisant ainsi totalement ombrage au
plurilinguisme de la société et mettant à mal le bilinguisme
français/anglais.
Cette domination « superstructurelle » du français qui semblait une
évidence dans les années 60, 70, et même 80 commença à devenir
problématique à partir des années 1990. L’unanimité semble faite sur l’idée
d’un nécessaire réaménagement du bilinguisme français/anglais afin de
l’adapter aux contraintes du nouvel environnement, aux exigences
institutionnelles de démocratie et enfin aux multiples attentes à caractère
identitaire.
Ainsi, entre autres problèmes, la langue française apparait au
Cameroun comme l’un des problèmes à résoudre pour un retour à
l’équilibre du paysage linguistique. Mais au lieu de chercher des solutions
aux problèmes linguistiques du Cameroun, en dehors de tout cadre
adéquat, c’est-à-dire de la politique linguistique, ne faudrait-il pas
commencer par les préalables ? Autrement dit, penser à la conception de la
politique linguistique qu’il faut au Cameroun, et par là amorcer la résolution
de ses multiples problèmes identitaires ?

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V. Quelles perspectives pour une politique linguistique
camerounaise

La rigidité du comportement, la violence physique, la précipitation


décisionnelle et les mésaventures qui résultent des attitudes politiques
camerounaises rappellent à certains égards les tâtonnements des autorités
coloniales allemandes. En sortir est une urgence vitale mais en sortir par
l’itinéraire indiqué serait certainement plus bénéfique.
Des propositions d’aménagement linguistique existent qui donnent
un aperçu de ce que pourrait être le schéma d’une politique linguistique
camerounaise.
Le schéma de Tadadjeu (1985) nommé le « Trilinguisme extensif »
viserait principalement à corriger les imperfections du bilinguisme
français/anglais en lui associant une langue locale qui soit avant tout la
langue maternelle de l’enfant. Développé dans une perspective éducative,
son modèle de planification linguistique et culturel élabore un nouveau
profil culturel de camerounais, plus ancré dans sa culture et s'exprimant à
l'oral et à l'écrit dans sa langue maternelle. En même temps, ce modèle
établit une nouvelle hiérarchie linguistique et culturelle en donnant la
primauté de l’enseignement aux langues et cultures nationales. En d'autres
termes, elle propose de commencer la scolarisation par la langue
maternelle pour l’étendre aux langues officielles. La finalité est d'intégrer
les langues nationales dans les usages des communications sociales et
professionnelles au même titre que le français et l'anglais.
A la suite de Tadadjeu, Tabi Manga (2000) propose le
« Quadrilinguisme ». Celui-ci intègre au Trilnguisme extensif les langues à
vocation véhiculaire sur le plan national, à savoir le Fufulde, le Beti-fang
(qui regroupe Ewondo et Bulu), le Douala et le Basaa. Il est, comme celui
de Tadadjeu, développé dans une perspective éducative et se donne pour
vocation de répondre à tous les besoins linguistiques des camerounais sur
différentes échelles.
Ces deux modèles d’aménagement linguistique ont le mérite de
sortir la question de la langue au Cameroun du cadre du
« bilinguisme français/anglais » devenu dogmatique, pour l’inscrire dans le
champ de la pluralité linguistique et de la diversité culturelle, soucieux de
refléter l’environnement socioculturel réel.

Mais selon Feussi (2008), les théories des deux auteurs semblent
sorties des analyses in vitro, c’est-à-dire menées sans contact avec la
réalité. La non prise en compte des déterminants sociopolitiques ainsi que
des facteurs sociohistoriques lui fait conclure au caractère idéal des
propositions.
Que les modélisations linguistiques soient immatures ou pas, une
chose est acquise : l’idée que la politique linguistique à venir du Cameroun
s’édifiera à partir de la représentation d’un Cameroun plurilingue. L’idée
aussi que le bilinguisme français/anglais a connu son heure de gloire.

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Considérer que le plurilinguisme est la caractéristique fondamentale
de la société camerounaise, c’est reconnaître qu’il existe au Cameroun une
autre dimension sociohistorique et sociolinguistique que celle qui justifie le
modèle du bilinguisme français/anglais. C’est se rapprocher de la théorie
de la « mixité » socioculturelle d’Engelbert Mveng.
En fin de compte, quels que soient les idéaux à défendre, une
politique linguistique ayant pour cadre le Cameroun, devrait à notre avis
reposer sur un minimum de principes contextuels convergents. Il est
devenu impossible d’édifier une politique linguistique en s’en tenant
uniquement aux objectifs à atteindre sans se soucier du contexte
sociohistorique et de l’environnement ethnolinguistique. Forcément, l’on
partira désormais du contexte vers l’objectif et non de l’objectif vers le
contexte. Une politique linguistique viable au Cameroun, c’est aussi une
politique définie dans des conditions de transparence sociopolitique et de
lisibilité sociohistorique et socioculturelle. Elle doit au maximum favoriser la
relation horizontale entre les langues au détriment de la relation verticale
et rigide que l’on connait depuis les indépendances. La flexibilité et
l’adaptabilité seront les critères de pertinence des modèles d’aménagement
linguistique.
Une politique linguistique qui remplirait ces conditions sera sans
commune mesure, à la fois un instrument de régulation socioculturelle
mais aussi de valorisation des langues et des identités.

Conclusion

L’expérience camerounaise nous montre que loin d’être un luxe, la


politique linguistique est d’une nécessité certaine dans la vie des
organisations, et surtout des Etats multiethniques comme la Cameroun.
Mais en même temps, la survenue d’une politique linguistique ne va de soi.
Prendre des décisions politiques ou entreprendre des actions politiques à
finalité linguistique n’est pas toujours l’expression d’une politique
linguistique.
Les colonisations germanique, française et anglaise se sont
caractérisées par des politiques linguistiques à essence essentialiste,
conduisant au réaménagement du paysage linguistique en faveur des
langues colonisatrices. Depuis son indépendance en 1960, le Cameroun n’a
pu mettre en place une politique linguistique répondant aux contraintes de
son paysage linguistique et à ses idéaux politiques, à la fois faute de vision
aboutie et de courage politique.
Par conséquent, le modèle d’aménagement linguistique mis en place
n’a pas permis, au bout de 60 ans d’indépendance, d’atteindre l’objectif
projeté, à savoir la réalisation de l’unité nationale. Au contraire, il a permis
à la langue française de faire du Cameroun une sorte de « zone d’exclusion
linguistique ». Le Cameroun traverse aujourd’hui une crise politique et
sociale née de la contestation de ce modèle d’aménagement linguistique.
Ce contexte critique a fini par faire du français au Cameroun une

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langue de polarisation des sentiments identitaires. Une certaine opinion
pense que réduire l’influence du français serait la solution. Des solutions
suscitées dans le cadre des crises actuelles du pays semblent tous aller
dans ce sens. Pour nous, la texture ethnique du Cameroun et l’histoire de
ses populations, vieille de plusieurs siècles, semble indiquer la voie à
suivre. Chercher des solutions dans le champ de la politique de façon
générale permet certes d’apporter des solutions aux problèmes urgents
mais ne constitue pas une perspective de politique linguistique. C’est à
mon avis, plutôt vers la recherche d’une politique linguistique consensuelle
qu’il faut aller.

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