Les Langues Des Écriteaux en République Centrafricaine
Les Langues Des Écriteaux en République Centrafricaine
Les Langues Des Écriteaux en République Centrafricaine
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Robert Beyom
Université de Bangui
République Centrafricaine.
1. DOMAINE ADMINISTRATIF
Le domaine administratif est le secteur public et donc son exploration nous
amène à vérifier si, sur le plan linguistique, l’État applique les textes
officiels qu’il a promulgués. Lorsqu’on observe les pancartes qui donnent
des informations sur les édifices administratifs, l’on constate que tout est
formulé en français : Université de Bangui, Ministère des Affaires
Etrangères, Lycée des Martyrs etc.
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2. DOMAINE COMMERCIAL
Si les écriteaux révèlent de façon significative la situation linguistique en
Centrafrique, c’est dans le domaine commercial qu’ils présentent une vue
plus globale du phénomène. De « Villa à louer », l’on arrive à « Maison à
louer », « Maison à Vendre », « Terrain à vendre », « Briques à vendre »,
« Voiture à vendre », etc. En ce qui concerne les établissements de
commerce, nous avons relevé les enseignes indiquant les restaurants, les
hôtels, les magasins, les pharmacies.
Dans ce domaine qui est privé, il est intéressant de constater que certains
de ces enseignes font apparaître de manière très pertinente le contraste des
différentes couches sociales. Il s’agit notamment des enseignes relatifs aux
« Maisons à louer ou à vendre », aux restaurants de la place. Par exemple
les restaurants des grands hôtels n’ont rien de comparable aux restaurants
ya139 na l’heure ou restaurants selon moyen des nganda140 (A. Queffélec,
1997 : 221). Il est évident que celui qui fréquente les restaurants d’hôtels
luxueux n’accepterait pas d’aller manger dans les restaurants ya na
l’heure. En revanche, ceux qui mangent dans la dernière catégorie de
139
Ya vient du sango et signifie en français ventre. Na est un adverbe sango et donc ya na l'heure
signifie que le ventre est plein à toute heure.
140
Bar-restaurant généralement en plein air, lieu de détente où l'on boit et où l'on mange.
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restaurants sus cités aspirent aux restaurants d’hôtels mais par manque de
moyen financier, ne peuvent pas y accéder.
Par ailleurs, nous pensons qu’il y a une corrélation entre les différents
niveaux de vie évoqués et les niveaux de langue des consommateurs. Les
clients des restaurants d’hôtels sont pour la plupart des locuteurs qui ont
une compétence linguistique non négligeable en français. En revanche, la
clientèle des restaurants bon marché est en majorité des locuteurs qui sont
peu ou non scolarisés mais qui ont appris le français sur le tas. Le contenu
d’un écriteau signalant l’un de ces restaurants est un exemple témoin :
3. DOMAINE RELIGIEUX
Le domaine religieux révèle de façon pertinente le plurilinguisme de la
République Centrafricaine. Ce plurilinguisme est liée à la multiplicité des
tendances religieuses. Si cela ne tenait qu’aux Catholiques, Protestants et
Baptistes qui utilisent le français et le sango, le phénomène resterait au
296 PENSER LA FRANCOPHONIE – Concepts, actions et outils linguistiques
CONCLUSION
Les premiers indices d’identité linguistiques que l’on rencontre dans un
pays sont les écriteaux, les affiches, les banderoles et les enseignes. Dans
les pays du sud, ces éléments traduisent l’officialité des langues. En effet,
les langues dans lesquelles sont formulées ces écriteaux, affiches,
banderoles et enseignes sont les langues officielles.
La République Centrafricaine connaît ce phénomène mais avec des
particularités. Nous rappelons qu’elle a deux langues officielles qui sont le
sango et le français. L’analyse que nous venons de mener révèle que ce
bilinguisme officiel est déséquilibré dans la mesure où la majorité des
productions et expositions langagières sont en français. Nous avons égale-
ment constaté qu’en plus des deux langues officielles l’anglais et l’arabe
apparaissent dans ce domaine. Certaines langues vernaculaires centra-
fricaines interviennent aussi mais ce cas de figure est très rare.
L’utilisation du sango dans l’exposition langagière est observable dans
les ministères de la santé et de la défense pour le secteur public et dans le
domaine religieux pour le secteur privé.
Les écriteaux relevés dans les quartiers font apparaître des particularités
lexicales, morpho syntaxiques et sémantiques. De ce fait, ils constituent un
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corpus du français écrit de Centrafrique. Il faut noter enfin qu’il existe une
correspondance entre ces particularités et le niveau social de leurs auteurs.
BIBLIOGRAPHIE
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