0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
15 vues131 pages

LEMESLE Mémoire2

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1/ 131

2017-2018

Master Didactique des Langues


Parcours Formation aux Langues, des Adultes et Mobilités

L’enseignement du genre
grammatical des
substantifs en français
Représentations d’enseignants anglophones
d’Angleterre et de Nouvelle-Zélande

Lemesle Kevin

Sous la direction de Mme


Ulma Dominique

Membres du jury
Ulma Dominique | Enseignante-Chercheure
Guérif Noémie | Doctorante

Soutenu publiquement le :
11 juin 2018
Despite working so hard and coming so far with the
French to help them with their freedom, I have never
mastered the gender of French nouns!

Winston Churchill, 1946


L’auteur du présent
document vous
autorise à le partager,
reproduire,
distribuer et
communiquer selon
les conditions suivantes :
- Vous devez le citer en l’attribuant de la manière indiquée par l’auteur
(mais pas d’une manière qui suggérerait qu’il approuve votre
utilisation de l’œuvre).

- Vous n’avez pas le droit d’utiliser ce document à des fins


commerciales.

- Vous n’avez pas le droit de le modifier, de le transformer ou de


l’adapter.

Consulter la licence creative commons complète en français :


http://creativecommons.org/licences/by-nc-nd/2.0/fr/

Ces conditions d’utilisation (attribution, pas d’utilisation


commerciale, pas de modification) sont symbolisées par
les icônes positionnées en pied de page.
Avant tout je souhaite remercier ma directrice de mémoire, Dominique
REMERCIEMENTS Ulma pour avoir su m’aiguiller et m’orienter, malgré les circonstances,
pour mener à bien ce travail de recherche.

Je souhaite également remercier toute l’équipe pédagogique du Master


Didactique des Langues à l’Université d’Angers qui, pendant 2 ans, m’ont
aidé à développer mes capacités de chercher en didactique des langues
ainsi qu’à parfaire ma professionnalisation dans l’enseignement du FLE.

Je tiens aussi à remercier chaleureusement les personnes que j’ai enquêté


pour ce travail, ainsi que mes intermédiaires, sur le terrain qui ont su pallier
le manque de moyens disponibles pour que je puisse mener à bien ma
recherche.

Je souhaite remercier également Noémie Guérif pour son écoute et son


attention à ma recherche, ainsi qu’Estafania Dominguez pour sa
motivation qui m’a parfois beaucoup aidé pour la rédaction de ce mémoire.

Je remercie également mes camarades du Master FLE sans qui je n’aurai


pas passé de si belles années.

Je remercie évidemment mes parents, qui ont toujours été derrière moi et
qui m’ont soutenu tout au long de cette rédaction.

Je remercie enfin Alexis qui partage ma vie depuis mon retour en France
et qui a souvent su trouver les mots pour me remotiver dans les moments
plus difficiles.
SOMMAIRE

INTRODUCTION .......................................................................................... 1
PARTIE I — CADRE CONCEPTUEL : LE GENRE GRAMMATICAL ............... 5
1. DÉFINISSONS LE(S) GENRE(S) ...................................................................................6
2. L’ACQUISITION DU GENRE GRAMMATICAL EN LANGUE MATERNELLE ............. 16
3. L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DU GENRE GRAMMATICAL EN FLE .......... 30

PARTIE II — CADRE MÉTHODOLOGIQUE.............................................. 38


1. RAPPEL DU QUESTIONNEMENT .............................................................................. 38
2. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ......................................................................... 40
3. LE RECUEIL DE DONNÉES ....................................................................................... 43
4. LA TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS ................................................................... 48
5. PRÉCAUTIONS D’ÉTUDE ......................................................................................... 52

PARTIE III — ANALYSES ET RECOMMANDATIONS DIDACTIQUES.......... 53


1. LA FORMATION ENSEIGNANTE .............................................................................. 53
2. L’ENSEIGNEMENT DU GENRE GRAMMATICAL, UN DÉTAIL ? .............................. 62
3. LES APPUIS DE L’INSTITUTION PUBLIQUE............................................................. 68
4. DISCUSSION ET PROLONGEMENTS......................................................................... 72

CONCLUSION GÉNÉRALE .......................................................................... 76


BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................... 78
TABLE DES MATIÈRES .................................................................... LXXXV
ANNEXES ....................................................................................LXXXVIII
TABLE DES FIGURES ........................................................................ CXXIII
TABLE DES TABLEAUX ..................................................................... CXXIII
INTRODUCTION
Dans le cadre du Master 2 en Didactique des Langues, parcours Formation aux
Langues, des Adultes et Mobilités que j’ai suivi à l’Université d’Angers, un certain
nombre de questions concernant l’enseignement du français comme langue étrangère me
sont apparues. Je tenterai, dans ce mémoire de recherche, de répondre aux questions
concernant l’enseignement d’un concept grammatical en particulier : le genre
grammatical des substantifs en français.
C’est une question qui, bien que nourrie par ma professionnalisation
grandissante grâce au Master, s’est posée à moi depuis plusieurs années. J’ai eu l’occasion
de rencontrer et d’échanger avec de nombreux apprenants de français — principalement
anglophones — sur leurs difficultés d’apprentissage et les mêmes remarques remontaient
régulièrement : le genre grammatical des substantifs (les noms et les pronoms) en français
leur paraissait au mieux abstrait, plus généralement incompréhensible. En tant que natif
du français il m’était, à l’époque, impossible de leur répondre ou de les aider dans cet
apprentissage : moi-même je n’avais pas le souvenir que l’on m’ait appris à déterminer
le genre grammatical d’un substantif. A posteriori, j’ai alors mis cela sur le dos de
l’opposition qu’il existe entre nos langues (en l’occurrence l’anglais et le français).
Plus tard, au cours d’une année en Nouvelle-Zélande pendant laquelle j’ai été
assistant de langue française, j’ai pu observer un certain nombre de raisons qui peuvent
induire la difficulté de détermination du genre grammatical d’un substantif par le public
anglo-saxon. C’est en effet à ce moment que je me suis aperçu, notamment, de la place
radicalement différente qu’occupait la grammaire dans l’enseignement-apprentissage des
langues du point de vue britannique face aux positions françaises sur ce sujet. Ces
expériences ont ainsi nourri ma réflexion quant à l’enseignement-apprentissage du genre
grammatical par les Anglo-Saxons.

Toutes ces questions m’ont ainsi amené à réfléchir à l’enseignement du genre


des substantifs, plus particulièrement auprès du public anglophone, de manière plus
concrète. Y a-t-il des difficultés particulières liées à la langue ? Quel est le rôle de la
grammaire dans cet enseignement ? Les méthodes utilisées pour l’enseignement du FLM
sont-elles applicables en FLE ? Voilà donc le faisceau de questions qui a émergé de ma
réflexion. J’ai alors voulu approfondir mes connaissances théoriques sur la question du
genre grammatical en français.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 1
Le genre grammatical est, d’après plusieurs auteurs (Meillet 1982, Fayol &
Jaffré 2014), un concept souvent flou. Comment le genre grammatical en français est-il
régi ? Existe-t-il des règles de détermination de cette caractéristique grammaticale ? Les
différences entre les langues ont-elles un impact dans l’apprentissage du français et plus
particulièrement du genre grammatical des mots ? Certaines recherches (Lambelet 2012,
Kasazian 2017) ont montré la difficulté que présentait le genre grammatical dans
l’enseignement-apprentissage des langues, du point de vue du FLE, et plus
particulièrement pour un public anglophone. Il s’agit pourtant d’une notion nécessaire à
la maîtrise à un haut niveau de la langue, qu’il faut acquérir dès les premières années
d’apprentissage.
D’un point de vue pédagogique, Catach, Gruaz & Duprez (2005) relèvent que
« les adjectifs (et noms) variables en lexique, ou nettement différenciés à l’oral sont au
contraire tout indiqués pour aborder et faire acquérir cette notion »
(Catach, Gruaz, & Duprez, 2005 : 211), et c’est pourquoi j’ai choisi d’aborder le genre
grammatical dans l’enseignement du FLE. Le choix du public anglophone propre à ce
travail de mémoire réside également dans la différence avec le français concernant la
place du genre dans la langue : très présent en français, il se fait beaucoup plus discret en
anglais. Nous traiterons la place de la notion de genre grammatical à travers le genre
grammatical des substantifs.

Les nombreuses questions qui ont motivé ce travail de recherche nous ont permis
de dégager une interrogation centrale que nous traiterons comme la problématique de ce
travail et que nous exposons ici :
Dans quelle mesure l’enseignement du genre grammatical représente-t-il un
point d’achoppement dans la maîtrise à un niveau élevé du français par des
apprenants de FLE ?
Nous tenterons de répondre à cette problématique en développant un certain
nombre d’hypothèses que nous tenterons de confirmer ou d’infirmer au cours de notre
recherche.
Les hypothèses qui nous intéressent sont les suivantes :
H1 : Les enseignants non natifs ne disposent pas d’une formation initiale leur permettant
d’appréhender le genre grammatical avec efficacité quand, a contrario les enseignants
natifs ne disposent pas de connaissances métalinguistiques sur le genre grammatical ;

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 2
H2 : Le genre grammatical est souvent associé au genre naturel, donnant lieu à des
incompréhensions et des représentations galvaudées de la notion ;
H3 : Les programmes nationaux ne proposent pas de solutions didactiques et
pédagogiques quant à l’enseignement du genre grammatical.
Ces trois hypothèses principales donneront lieu à des questionnements
intermédiaires auxquels nous répondrons lorsqu’ils se présenteront.

Nous présenterons notre travail de mémoire en trois grands axes. Dans un


premier temps, nous établirons le cadre conceptuel de notre recherche en faisant le tour
de la question principale.
Cette première partie sera d’abord axée sur le plan de la linguistique. Nous
procéderons à un retour sur la formation et l’évolution du genre grammatical afin de
comprendre sa composition et son comportement dans chacune des langues qui nous
intéresse, à savoir l’anglais et le français. Nous évoquerons ensuite les implications
sociopolitiques que le genre grammatical peut faire émerger, lorsqu’il est confondu avec
le genre sémantique, et en quoi ces implications peuvent altérer l’enseignement-
apprentissage d’une langue étrangère (LE). Enfin, nous nous intéresserons plus
précisément à l’enseignement du concept du genre grammatical auprès d’un public
d’apprenants anglophones afin de mettre en avant les difficultés et les remédiations qui
peuvent exister. Nous nous appuierons d’abord sur le processus d’acquisition du genre
grammatical en FLM, notamment pour mettre en lumière la chronologie de cette
acquisition et sa stabilisation dans le temps avant d’évoquer ce même processus
d’acquisition du genre en anglais langue maternelle. Nous mettrons ces recherches en
relation avec les recommandations ministérielles quant à la place du genre grammatical
dans les curriculums.
Dans un deuxième temps, nous présenterons la recherche que nous avons menée
pour tenter de vérifier ou falsifier nos hypothèses. Pour cela, nous présenterons la
démarche que nous avons adoptée ainsi que les outils que nous avons mis en place. Nous
préciserons également le contexte de la recherche, le terrain d’enquête ainsi que le profil
des informateurs. Nous justifierons le choix de l’entretien semi-directif, tout comme notre
positionnement hypothético-déductif. Nous poserons aussi les limites qui ont été les
nôtres lors de cette recherche, par les outils utilisés mais également par le contexte dans
lequel s’inscrit cette recherche.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 3
Dans une troisième partie, nous analyserons les données que nous avons pu
recueillir pour cette recherche afin de valider ou non les hypothèses que nous avions
posées en début de travail. Pour cela, nous mettrons en confrontation ces dernières avec
les résultats obtenus. Nous expliquerons, pour chaque hypothèse, les résultats qui
permettent d’y répondre favorablement ou non. Nous apporterons alors, à la lumière des
résultats de notre recherche et des réponses faites aux hypothèses, un certain nombre de
recommandations didactiques afin, nous l’espérons, de mieux appréhender
l’enseignement du genre grammatical auprès du public anglophone, pour les enseignants
de FLE natifs ou non.
Nous conclurons notre travail par un retour sur cette recherche et ce qu’elle a pu
apporter, ainsi que les limites que nous avons pu rencontrer.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 4
PARTIE I — CADRE CONCEPTUEL : LE GENRE GRAMMATICAL
Cette partie s’articulera en trois axes permettant de mettre en relation nos
questionnements avec nos hypothèses tout en apportant un cadre théorique et conceptuel
à notre recherche.
Dans le premier axe, nous nous intéresserons à la dimension linguistique que
soulève notre problématique : Qu’est-ce que le genre ? Comment se définit-il ? En existe-
t-il plusieurs ? Comment est-il apparu ? Est-il universel ? Cette première partie permettra
de donner une définition précise du genre tel que nous l’entendons dans notre travail,
définition confrontée aux autres définitions possible du terme. Ces définitions nous
mèneront à l’étude de l’évolution de ce concept, d’abord en indo-européen (dont
découlent les langues qui nous intéressent ici), puis en français, et en anglais.
Dans un second temps, nous reviendrons sur l’acquisition du genre grammatical
par des apprenants de langue maternelle. Nous nous concentrerons d’abord sur
l’acquisition du genre grammatical par les Français. Nous étudierons le processus
d’apprentissage et de stabilisation dans la détermination et le choix du genre des
substantifs par les enfants francophones. Nous comparerons ensuite ce processus avec
l’acquisition du genre grammatical en anglais par les enfants anglophones. Peut-on
trouver des similitudes, quelles sont les différences ? Nous nous interrogerons, pour
terminer cette partie, sur la question de la conceptualisation du genre dans la langue et ce
que cette conceptualisation peut induire dans l’acquisition ou l’apprentissage d’une
langue étrangère.
Dans le dernier axe de cette partie, nous nous intéresserons plus particulièrement
à l’aspect didactique de la question avec, notamment, les recommandations des
programmes scolaires français et anglais concernant l’acquisition du genre grammatical
en langue maternelle et en langue étrangère. Nous pourrons également succinctement
faire appel aux représentations générales des enseignants sur la place qu’ils accordent au
genre grammatical et à son enseignement. Nous mettrons ainsi en évidence les différences
qui peuvent exister entre enseignement du FLM et enseignement du FLE.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 5
1. Définissons le(s) genre(s)

1.1. Quelques définitions

Avant de nous intéresser à la question centrale de notre réflexion sur le genre, il


nous semble nécessaire de faire le point sur ce que nous entendons ici derrière ce terme
polysémique. Nous ferons ainsi dans un premier temps la distinction entre le genre dit
naturel, et celui qui nous intéresse, le genre grammatical. Notre réflexion se fera alors au
travers du prisme de la linguistique. Cette clarification permettra également de dissiper
les malentendus possibles qui existent quand il s’agit d’évoquer le genre.

1.1.1. Le genre naturel

Le genre naturel (ou biologique) est certainement la catégorie de genre à laquelle


la plupart d’entre nous pensent immédiatement lorsque l’on parle de genre sans précision.
Il nous semble cependant important de souligner que les études de genre (ou gender
studies), initiées dès les années 1930 par Margaret Mead notamment, ont posé une
distinction entre genre et sexe. Ainsi, le sexe fera référence aux attributs physiques et
génétiques d’un individu, tandis que le genre aura une origine plus personnelle et propre
à chacun. Dans notre travail, sans remettre en question la terminologie des gender studies,
le genre naturel fera référence au sexe des signifiés, sans considérations psychiques ou
personnelles. Le genre naturel se définit comme une catégorisation basée sur le sexe du
signifié. Le signifiant « fille » sera alors de genre naturel féminin car il se réfère à un
signifié de sexe féminin, tandis que le signifiant « garçon » sera de genre naturel
masculin, étant la représentation d’un signifié de sexe masculin. Ainsi, les êtres animés
(humains et animaux) ont un sexe, et donc un genre biologique, tandis que les inanimés
(les choses et les idées principalement) sont dénués de genre naturel puisqu’ils ne
disposent pas de sexe.
Dans la plupart des cas pour les êtres animés, d’ailleurs, le genre biologique et
le genre grammatical vont de pair. Pourtant, « le genre grammatical ne coïncide pas
toujours avec le sexe biologique. En français, les objets inanimés ont un genre mais pas
de sexe » (Bailly & Houdebine-Gravaud, 2008 : 29). C’est ce que nous expliquons dans
le paragraphe qui suit.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 6
1.1.2. Le genre grammatical

Tandis que le genre biologique ou naturel s’appuie sur des critères physiques
dans sa détermination, le genre grammatical ne suit pas cette règle. Le genre grammatical
(parfois simplement appelé « genre » par abus de langage), « est un terme déjà utilisé en
linguistique et en grammaire pour expliquer des variations morphologiques qui n’ont
parfois rien à voir avec le sexe anatomique ou biologique » (Bailly & Houdebine-
Gravaud, 2008 : 29). C’est ainsi qu’en français, « table », bien qu’inanimé et ne
présentant pas de sexe biologique, se voit attribué le genre grammatical féminin. Comme
le souligne l’annexe documentaire 12 d’ÉOLE1 à propos des substantifs dans les langues
romanes, « la répartition entre féminin et masculin est purement arbitraire. Il n’existe
pas de règles systématiques autres que celles de l’usage » (ÉOLE, 2003 : Annexe
documentaire 12).
Il est toutefois intéressant de remarquer que la distinction de genre (naturel ou
grammatical) ne se situe pas uniquement du point de vue de l’animé et de l’inanimé : « En
allemand, des mots qui désignent des jeunes femmes (Fräulein, Mädchen) sont de genre
grammatical neutre » (Bailly & Houdebine-Gravaud, 2008 : 29). Ainsi, il est tout à fait
possible, comme le montrent Bailly & Houdebine-Gravaud (2008), que les genres
grammaticaux et naturels ne coïncident pas non plus pour les signifiants des êtres animés.
De plus, le genre grammatical de certains substantifs diffère d’une langue à
l’autre, comme le remarquent Bailly & Houdebine-Gravaud : « Parfois aussi, certains
mots ont un genre grammatical dans une langue et le genre contraire dans une autre
langue. Par exemple, la lune est un nom féminin en français et masculin en allemand »
(Bailly & Houdebine-Gravaud, 2008 : 29). Bien qu’il puisse s’agir d’évolutions
linguistiques diverses (le français faisant partie des langues romanes quand l’allemand
est une langue germanique), cette différence se retrouve également dans une même
famille de langues. Le mot « tableau » (en tant que support mural d’écriture) est un
substantif de genre grammatical masculin en français, tandis qu’il est féminin en espagnol
(le tableau vs. la pizarra). La notion de genre grammatical est donc bien plus complexe
que la distinction de genre naturel. Nous aborderons dans la troisième partie de ce
développement, concernant l’apprentissage en langue étrangère que les apprenants,
suivant leur langue maternelle, sont soit confrontés à des difficultés liées à la différence
d’attribution du genre grammatical des substantifs entre le français et leur langue

1
ÉOLE : Éducation et Ouverture aux Langues à l’École.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 7
maternelle, soit qu’ils ont un déficit de conceptualisation de cette notion car leur langue
ne connaît pas le genre grammatical.
Le genre grammatical semble donc être une réelle particularité linguistique dans
les langues modernes. Citant la déclaration de 19842, Houdart & Prioul (2009) notent
ainsi : « « il convient en effet de rappeler qu’en français comme dans les autres langues
indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le
genre naturel » (déclaration de 1984) » (Houdart & Prioul, 2009 : 42).
La spécificité du genre grammatical ne serait alors pas uniquement un cas
français mais se retrouverait de manière régulière dans de nombreuses langues indo-
européennes. Meillet (1982) l’évoque également concernant l’indo-européen : « il n’est
guère de substantif indo-européen dont le genre « animé » (masculin ou féminin) ou
« inanimé » (neutre), ou flottant ne se laisser aisément justifier » (Meillet, 1982 : 228).
Le genre grammatical est alors une notion grammaticale faisant partie intégrante de notre
paysage linguistique depuis plusieurs milliers d’années au moins.

1.2. Le genre grammatical : quelques données

Nous l’avons vu, le genre grammatical ne se manifeste pas de la même manière


dans toutes les langues, même les plus proches. Afin de comprendre son fonctionnement,
nous souhaitons donner quelques données chiffrées quant à sa présence et sa structure
dans le reste des langues du monde. Pour cela, nous prenons appui sur l’atlas en ligne de
Corbett (2013).
Certaines langues, notamment n’organisent pas leur genre en fonction d’une
distinction de sexe, comme le montre ce graphique :

Le genre dans les langues du monde


11%

33% 56%

Pas de genre Basé sur le sexe Non basé sur le sexe

Figure 1 — Le genre dans les langues du monde


D’après (Corbett, 2013 : 31A).

2
La Déclaration de 1984 est une réponse de l’Académie Française au gouvernement français qui a lancé,
en février 1984, une Commission de terminologie visant à étudier la possibilité de féminisation des noms
de fonctions, de professions à laquelle l’Académie Française était fermement opposée.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 8
On peut ainsi observer que plus de la moitié des langues présentées dans l’atlas
de Corbett ne présentent pas de distinction de genre (on retrouve par exemple parmi les
145 langues sans genre grammatical le basque, l’arménien ou le cantonais). Les langues
présentant un genre grammatical basé sur le sexe sont au nombre de 84, on y retrouvera
notamment l’arable, le français, l’anglais ou l’allemand. Enfin, certaines langues
présentent un genre grammatical qui n’est pas en lien avec le sexe (au nombre de 28 dans
cet atlas). On y retrouve le swahili, le zulu, ou le chichewa.
Les langues présentant une flexion de genre (que cette flexion soit liée ou non à
une distinction sexuelle) s’organisent de différentes manières. Ainsi, il est possible de
trouver des langues à deux genres comme à cinq genres ou plus, comme le montre Corbett
(2013) :

Nombre de genres
21%

45%
11%

23%
2 3 4 5 ou plus

Figure 2 — Nombre de genres présents


D’après (Corbett, 2013 : 30A).
Le système à deux genres reste le plus répandu parmi les langues recensées par
Corbett, on y trouve ainsi le français, l’espagnol, le gaélique ou l’amharique. Au total, ce
sont 50 langues qui possèdent un système à deux genres. 26 langues possèdent un système
à 3 genres, parmi lesquelles on retrouve l’anglais, le grec, l’allemand ou encore le russe.
Seulement 12 langues (parmi les 257 recensées et les 112 langues connaissant le genre)
ont un système à quatre genres, tandis que les 24 langues restantes présentent un système
complexe à cinq genres ou plus. Ces langues organisent généralement leur structure selon
des classes nominales, comme nous le verrons par la suite.
Cet aperçu de l’organisation du genre grammatical dans les langues du monde
nous montre à quel point cette notion est complexe et propre à chaque langue. Qu’elle
soit basée ou non sur le sexe (le genre naturel), qu’elle possède deux, trois ou cinq
flexions, chaque langue possède un système propre qui représente donc un défi pour
quiconque tente d’apprendre une nouvelle langue.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 9
Nous tenterons de mettre en évidence dans la suite de notre travail l’évolution
qu’a pu connaître le genre grammatical en indo-européen, d’abord, puis dans les langues
qui nous intéressent dans cette recherche, à savoir le français et l’anglais.

1.3. L’évolution du genre grammatical

Avant toute chose il nous semble pertinent de faire remarquer que le genre
grammatical ne s’articule pas de la même manière dans toutes les langues. Le cas du
français, qui dispose de deux genres grammaticaux (le masculin et le féminin) ne
représente en rien une norme universelle. L’allemand (comme le grec ou le latin pour ne
citer que ces langues) possède par exemple trois genres : le masculin « der », le féminin
« die » et le neutre « das ». Nous l’avons vu, le genre grammatical est une notion
complexe, quelle que soit la langue dans laquelle cette notion s’inscrit. Afin de
comprendre plus spécifiquement comment le genre grammatical fonctionne, nous avons
fait le choix de revenir sur son évolution au cours des milliers d’années qui séparent
l’indo-européen du français et de l’anglais. Nous nous intéresserons dans un premier
temps à l’évolution du genre grammatical en indo-européen, à ses mutations, avant
d’avoir un regard sur ce qu’il est devenu en français et en anglais.
Avant de procéder à ce retour, il nous semble intéressant de noter que « Les
procédés par lesquels on distingue les substantifs désignant des mâles de ceux désignant
des femelles se sont constitués seulement au cours de l’histoire propre de chacune des
langues indo-européennes et ils sont toujours restés incomplets » (Meillet, 1982 : 204).
Meillet nous prouve ici que même la distinction dans les substantifs désignant des animés
n’est pas terminée. Cela vient corroborer les propos de Bailly & Houdebine-Gravaux
(2008) quant à certains substantifs désignant des femmes de genre grammatical neutre.
Toutefois, une étude sociologique de la langue permet d’expliquer en partie cette
catégorisation, notamment en allemand. La jeune fille (das Mächen) n’est pas un être
sexué (au sens de la reproduction), et l’allemand ayant conservé un marqueur de genre
neutre lui attribue ce genre. Comme le remarque Meillet (1982), « la question du genre
grammatical, où bien des détails ne sont pas encore élucidés, se laisse déterminer
clairement en ses traits essentiels. Plus on l’examine, et mieux on voit que la différence
entre « animé » (masculin-féminin) et « inanimé » et celle entre masculin et féminin sont
hétérogènes » (Meillet, 1982 : 229). Comment, alors, a évolué le genre grammatical en
indo-européen ? Qu’est-il devenu dans les langues qui en descendent, notamment dans

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 10
les langues slaves (russe ou polonais), les langues romanes (le cas du français), et les
langues germaniques comme l’anglais ?

1.3.1. Le genre grammatical en indo-européen

Comprendre le fonctionnement du genre grammatical n’est pas une mince


affaire, comme le signale Meillet (1982) : « Or, le genre grammatical est l’une des
catégories grammaticales les moins logiques et les plus inattendues » (Meillet, 1982 :
202). Il ajoute même « Presque toujours dénuée de sens, au moins à l’époque historique,
la distinction des genres grammaticaux était de plus incohérente dans la forme dès
l’époque indo-européenne » (Meillet, 1982 : 203). Le genre grammatical semble donc
être dès l’indo-européen, un marqueur instable et incohérent. Meillet note malgré tout que
« En tant qu’ils ont une valeur sémantique, les genres masculin et féminin désignent des
êtres animés, de sexe mâle ou femelle, et le genre neutre désigne ce qui est inanimé »
(Meillet, 1982 : 211). Toujours d’après Meillet, « l’indo-européen commun exprimait les
mêmes catégories de façon très diverses. Par exemple, les formes casuelles ont des
caractéristiques distinctes (…) suivant qu’il s’agit d’un nom neutre ou d’un nom masculin
ou féminin » (Meillet, 1982 : 200). La distinction semblait alors plutôt stable : le masculin
et le féminin étaient utilisés pour définir des êtres animés mâles ou femelles tandis que le
neutre s’utilisait pour les inanimés. Il y a eu, pourtant, au cours de son évolution, une
complexification de l’indo-européen, par l’évolution de sa société et donc de ses
différents biais de communication. Il a fallu faire correspondre la langue aux nouvelles
situations qu’elle rencontrait. C’est pourquoi le genre grammatical est alors apparu,
d’abord grâce à une distinction animé/inanimé. Il a ensuite fallu faire transparaitre dans
la langue des différences plus précises entre les êtres animés. Le masculin et le féminin
se sont donc dissociés. Le genre grammatical n’a cependant jamais été un concept fixe et
immuable. Alors qu’il existait par exemple trois genres grammaticaux en indo-européen
(masculin, féminin et neutre) dans les premières formes de la langue, comme en français,
le neutre s’est peu à peu fondu dans le masculin, « tandis que le neutre se perdait dans le
masculin » (Meillet, 1982 : 206). De l’indo-européen ont découlé un certain nombre de
langues, dont les langues romanes (comme le français, l’italien, le roumain), mais aussi
les langues germaniques (telles l’allemand, l’anglais ou le néerlandais par exemple) ou
encore les langues slaves (qui comprennent par exemple le russe, le polonais, ou le croate)
pour lesquelles nous donnerons un bref aperçu du fonctionnement du genre grammatical.
Comment le genre grammatical a-t-il pu évoluer dans ces nouvelles langues alors que,

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 11
comme le souligne Meillet (1982), « la différence entre le masculin et le féminin ne laisse,
au contraire, presque jamais remonter à une signification définie » (Meillet, 1982 :
228) ?

1.3.2. Le genre grammatical dans les langues slaves

Les langues slaves dont font partie, entre autres, le russe et le polonais possèdent
encore aujourd’hui une morphologie très marquée concernant le genre grammatical. Nous
reviendrons brièvement sur son fonctionnement dans cette partie afin de mettre en
perspective la morphologie du genre grammatical dans ces langues face au
fonctionnement dans les langues romanes et germaniques.
Le genre grammatical en polonais est très distinctement marqué. Avec la
présence, pour les substantifs, de sept cas (nominatif, génitif, datif, accusatif,
instrumental, locatif et vocatif), trois genres (masculin, féminin, et neutre) et trois
nombres (singulier, pluriel et duel) les possibilités sont nombreuses, comme le notent
Dziadkiewicz & Thomas : « Par exemple, en polonais, les inanimés terminés au
nominatif singulier par – o (kłamstwo - mensonge), ou par – e (pole - un champ) se voient
attribuer le genre neutre. Chaque genre entraînant un type de déclinaison pour les
substantifs y appartenant, il faudra, de ce fait, parler de genres flexionnels »
(Dziadkiewicz & Thomas, 2007 : 38), précisant ensuite : « en polonais, on distingue au
singulier cinq genres flexionnels : masculin – personnel, masculin – animal, masculin –
inanimé, féminin et neutre » (Dziadkiewicz & Thomas, 2007 : 38). Il est intéressant de
remarquer ici que le genre grammatical se décline beaucoup plus qu’en français
notamment, avec la présence de trois masculins différents, rien qu’au singulier. Bien que
cela semble d’une relative complexité, le fonctionnement du genre grammatical (et son
attribution) suit un schéma stable grâce à des terminaisons distinctes pour chaque cas de
figure.

1.3.3. Le genre grammatical en français

Le genre grammatical, en français, est donc constitué de deux formes : le


masculin et le féminin. Pourtant, il aurait existé une forme neutre à une époque de son
évolution. C’est ce que rapporte Paris (1894) quant à la présence d’un pronom sujet
impersonnel, neutre, qui n’aurait pas survécu aux évolutions de la langue : « Il est vrai
que de très bonne heure, en France propre, en Normandie, en Picardie, en Champagne
et en Lorraine, l’ancien el, comme sujet des verbes impersonnels, avait été remplacé par

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 12
le masculin il » (Paris, 1894 : 167). Bien qu’il ait depuis longtemps disparu, il a donc
existé un genre neutre en français. La forme neutre « el », proche du masculin « il » n’aura
pas survécu aux évolutions de la langue, le premier s’estompant alors dans le second.
Cette disparition du « el » dans le « il » est attesté également par Grevisse, comme le note
Marchello-Nizia (1989) : « M. Grevisse (Le Bon Usage, 7ème édition) reconnaît qu’il n’y
a plus de forme spéciale pour le neutre en ce qui concerne le nom ou l’adjectif, mais qu’il
y a un neutre sémantique qui se retrouve dans les formes ou les emplois des pronoms »
(Marchello-Nizia, 1989 : 177). Prenons pour exemple la phrase « Il fait beau. » Ici, le
pronom sujet « il » ne fait en rien référence à un signifié masculin mais bien à un neutre
impersonnel. Il en va de même avec les constructions du type « c’est… » ou « ce n’est
pas… ». Si le pronom sujet de genre grammatical neutre a disparu au profit du pronom
sujet masculin, la catégorie grammaticale neutre des substantifs n’avait, elle, aucun
ancrage dans la langue française. Le neutre impersonnel semblait n’être utilisé que pour
exprimer, indifféremment, la présence d’hommes et/ou de femmes. Si la question du
genre grammatical des pronoms s’explique par l’évolution de la langue, la catégorisation
grammaticale en substantifs masculins / substantifs féminins en français semble tenir son
origine ailleurs.
D’après Catach, le genre grammatical est un concept sans justification
particulière. Catach note notamment : « On sait qu’en dehors des oppositions lexicalisées
ou morphologiques de genre animé (père/mère, homme/femme), les noms de choses ou
de notions ont un genre arbitraire et déterminé, qui n’a que de très lointains rapports
avec leur sens » (Catach et al., 2005 : 207). Il ne semble pas y avoir de lien direct et franc
entre le genre grammatical d’un substantif et son sens originel. C’est une idée partagée
par d’autres auteurs : « Le français aurait donc une tendance générale à personnifier les
objets du monde, objets du discours » (Mathieu, 2007 : 67). Le genre animé est ainsi le
seul repère clair dans la catégorisation de genre grammatical des noms de choses ou de
notions. Mis à part ces distinctions de référent « mâle » et « femelle », le genre
grammatical semble être arbitrairement et aléatoirement attribué aux noms. Pourtant, il
existe un certain nombre de règles qui semblent régir le fonctionnement de ce concept
que nous aborderons dans notre point I-2.1. Les étapes de l’acquisition de la notion de
genre grammatical en français langue maternelle. Notons cependant dès à présent que le
genre grammatical en français est régi de trois manières : « Le genre grammatical se
manifeste en français par trois catégories d’indices : (…) la dimension sémantique du
genre dit naturel (chien/chienne) (…), la dimension morphosyntaxique et la troisième

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 13
dimension, sous-lexicale, [qui] concerne les terminaisons des mots statistiquement
associées au genre » (Fayol & Jaffré, 2014 : 93). Il existe donc 3 règles permettant, en
français, de déterminer le genre grammatical d’un substantif. Nous développerons ces
règles lors de la partie sur l’acquisition du genre grammatical en FLM (Français Langue
Maternelle).
Certains auteurs ont pourtant essayé d’expliquer la « sexualisation » des
substantifs inanimés pour justifier de la distinction masculin/féminin : « Prenant
l’exemple du terme mer, passé directement du neutre latin au féminin en français,
Damourette et Pichon y virent une preuve supplémentaire de leur démonstration : La mer
est d’aspect changeant comme une femme, journalière, d’humeur mobile comme une jolie
capricieuse, attirante et dangereuse comme une beauté perfide. Le citadin qui lui
consacre ses vacances est amoureux d’elle ; elle est l’amante meurtrière du marin
[...] » (Mathieu, 2007 : 67). Au-delà de la couleur relativement misogyne de leurs
justifications, qui ne peuvent en aucun cas faire office de règle formelle sur la
catégorisation de genre, Damourette et Pichon semblent cependant mettre en exergue un
des travers des locuteurs francophones et de l’apprentissage, à savoir le non-discernement
du genre grammatical et du genre naturel, comme le cite Mathieu (2007) : « Considérant
ainsi la langue comme la toile projective de la pensée française, Damourette et Pichon
estimaient que la différence sexuelle fonde la civilisation française »
(Mathieu, 2007 : 68). L’Académie Française rappelle cependant à cet égard qu’une
distinction existe et se justifie entre genre grammatical et genre naturel. Elle souligne
d’ailleurs que « Le genre dit couramment « masculin » est le genre non marqué, qu’on
peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments
relevant de l’un et l’autre genre » (Dumézil & Lévi-Strauss, 1984). Nous nous
interrogeons d’ailleurs sur la possibilité d’utiliser en classe la dénomination de
l’Académie Française à savoir « genre extensif » et « genre intensif », permettant ainsi
d’éviter l’amalgame entre genre naturel et grammatical. Nous reviendrons sur cette
question dans la partie 3 de ce travail.
Pourtant, comme l’a également souligné Meillet dans son ouvrage Linguistique
historique et linguistique générale (1982), en indo-européen déjà, lors de la
conceptualisation de nouvelles notions plus abstraites ou inanimées, le choix du genre
grammatical pouvait se faire selon des caractéristiques se rapportant au genre naturel.
L’anglais, lui aussi issu de l’indo-européen, comme on peut facilement le
constater, n’a pas subi les mêmes évolutions dans sa catégorisation de genre grammatical.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 14
Nous nous proposons de revenir sur le genre grammatical en anglais dans le
point qui suit.

1.3.4. Le genre grammatical en anglais

En anglais, le genre grammatical est beaucoup moins présent qu’en français.


Seul subsiste-t-il dans les pronoms personnels et les adjectifs possessifs comme l’indique
Meillet : « Le seul débris de genre qu’il ait conservé consiste dans l’emploi du pronom
he « il » en parlant d’hommes, she « elle » en parlant de femmes, it « ceci » en parlant
d’animaux et de choses ; cette différence constante, propre au pronom, n’a plus aucun
des anciens inconvénients du genre, et l’anglais a réalisé sur ce point un progrès décisif »
(Meillet, 1982 : 204).
Meillet considère ainsi que l’anglais a procédé à une évolution plus rapide de sa
construction par rapport à d’autres langues indo-européennes comme les langues romanes
qui ont conservé deux genres grammaticaux, ou même que l’allemand qui possède encore
aujourd’hui trois genres grammaticaux pour ses substantifs. Ces propos sont d’ailleurs
repris par Michard (2001), « il estime que l’anglais, « plus avancé » que l’allemand, « a
profité de la destruction totale de la fin de mot où figurait la marque de genre pour
écarter une distinction inutile » » (Meillet 1982, cité par Michard, 2001 : 34). L’anglais
a ainsi fait disparaitre le genre grammatical des substantifs en éludant les terminaisons de
ses mots, là où le marqueur de genre était généralement placé. Cette élision a été d’autant
plus possible que, comme le précise Mathieu (2007) : « Si l’anglais, par exemple, offre
le choix lexical d’opposer dans un même contexte linguistique le mâle lion (lion) de la
femelle lioness (lionne), il ne soumet pas globalement les déterminants de ces noms à une
forme particulière, comme ont l’habitude de le faire les langues à genre »
(Mathieu, 2007 : 69). Le genre grammatical en anglais n’affectait pas les déterminants
des substantifs concernés. Ne subsiste donc aujourd’hui en anglais, qu’une opposition
lexicale, naturelle du genre, en ce qui concerne les substantifs. Tandis que Meillet
considère que l’anglais a fait un progrès indéniable sur les autres langues à ce propos,
nous préférons parler d’une évolution alternative afin d’éviter un quelconque classement
dans la manière qu’ont eu les langues de se transformer.

1.4. Le genre dans les langues du monde

Ces quatre exemples ne sont pour autant pas nécessairement représentatives du


concept de genre répandu dans toutes les langues. En effet, bien que les langues étudiées

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 15
ici aient toutes une classification de genre, certaines langues en sont dépourvues. C’est le
cas par exemple des langues bantoues (le swahili, le bambara, le yoruba, etc.) qui
procèdent à une classification nominale des substantifs : « le nombre peut dépasser la
dizaine (classe des êtres humains, des êtres vivants, des plantes, … » (ÉOLE, 2003 :
Annexe documentaire 12). Certaines langues, à contrario, n’expriment pas
systématiquement le genre, bien qu’il soit présent dans la langue, parmi lesquelles les
langues malayo-polynésiennes, le chinois, le coréen, etc..

Pour conclure, nous citerons Meillet quant à la présence toujours inexpliquée du


genre grammatical dans les langues modernes : « Dans l’espace d’environ quatre milliers
d’années, la plupart des langues indo-européennes, organes des civilisations les plus
élevées du monde, n’ont pu se débarrasser de la catégorie du genre grammatical, qui n’a
aucun sens dans la plupart des cas » (Meillet, 1982 : 209). Le genre grammatical est une
catégorie grammaticale qui n’aurait pas dû survivre à l’évolution de la langue et qui,
malgré tout, est encore présente dans nombre d’entre elles. Et c’est généralement une
catégorie qui pose de véritables difficultés d’apprentissage, surtout en langue étrangère,
tant ses règles semblent être absolument arbitraires, tandis que l’accord des éléments co-
occurrents (adjectifs, verbe, etc.) ne semblent pas être aussi opaques : « on peut dire que
les règles qui gouvernent l’attribution de genre en français sont très opaques. Mais une
fois que le genre du nom a été fixé, les formes pour exprimer l’accord en genre sur
l’adjectif sont plus transparentes » (Granfeldt, 2016 : 40). Nous étudierons dans la partie
suivante les différents processus d’acquisition-apprentissage du genre en langue
maternelle d’abord, et en langue étrangère ensuite afin de comprendre comment ces règles
peuvent servir à l’apprentissage.

2. L’acquisition du genre grammatical en langue maternelle

Le genre grammatical fait partie intégrante de la langue française. À tel point, il


nous semble, que lorsque l’on demande à un francophone natif d’essayer de se souvenir
de la manière dont il a appris cette catégorisation des noms entre le féminin et le masculin,
les réponses restent évasives. Il ne s’agit pourtant pas d’une notion « innée » qui serait
présente de facto lorsque l’on commence à parler. Dans cette partie, nous reviendrons
dans un premier temps sur les étapes par lesquelles passent les apprenants natifs du

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 16
français dans l’acquisition du genre grammatical. Nous évoquerons notamment l’âge
critique auquel la notion se stabilise, mais aussi sur la différence que nous faisons entre
l’acquisition de l’attribution de genre avec l’acquisition des règles d’accord des
déterminants et des adjectifs en fonction du nom. Nous reviendrons dans un deuxième
temps sur les différents outils qui sont à disposition des apprenants (et qu’ils utilisent
généralement à leur insu) dans l’attribution du genre grammatical des substantifs. Dans
un troisième temps, nous étudierons l’acquisition de la notion de genre grammatical en
anglais du point de vue des natifs anglophones, le contexte de présence du genre
grammatical en anglais étant différent du contexte français. Enfin, nous aborderons
brièvement les biais que la catégorisation de genre grammatical peut apporter dans la vie
quotidienne d’un locuteur francophone, ainsi que sur la vision qu’il aura du monde qui
l’entoure. Nous ferons, pour conclure ce chapitre et introduire le suivant, un parallèle
entre l’acquisition du genre grammatical en langue maternelle française et en langue
maternelle anglaise.

2.1. Les étapes de l’acquisition du genre grammatical en FLM

Le genre grammatical en français est maîtrisé très tôt dans l’apprentissage de la


langue. Yaguello (1995) explique clairement la primauté de cette catégorisation
grammaticale : « C’est que la distinction entre le masculin et le féminin est au fondement
même de la langue française. L’enfant s’en saisit de façon très précoce. Cette distinction
structure pour lui l’apprentissage du lexique » (Yaguello, 1995 : 11). Nous reviendrons
alors dans les paragraphes suivants sur les étapes clés de l’acquisition de cette notion au
cours du développement de l’enfant. Que se passe-t-il avant sa scolarisation, et pendant
sa scolarisation ? Existe-t-il un lien entre l’acquisition de l’attribution du genre des
substantifs et la maîtrise de la règle d’accord en genre (et en nombre) des adjectifs et
déterminants ? Ces questionnements viendront introduire la suite de notre réflexion qui
abordera les différents outils et indices dont on dispose quant à cette attribution.

2.1.1. Y a-t-il un âge d’acquisition optimal ?

Reprenant une citation de Rousseau3, Meisel (2011) précise à de nombreuses


reprises, « Language is a species-specific endowment of humans4 » (Meisel, 2011 : 246).
Pourtant, ce don n’est pas à proprement parler inné. Granfeldt (2016) relève notamment

3
(Rousseau & Starobinski, 1990) : « Le langage de convention n’appartient qu’à l’Homme. »
4
Traduction libre : « La langue est un don caractéristique de l’espèce humaine. »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 17
l’importance de l’input, une nouvelle fois, dans le développement de la capacité
d’attribution du genre grammatical : « En résumé, on peut dire […] alors que le
développement de l'attribution du genre, un phénomène lexical, est clairement régi par
l'input » (Granfeldt, 2016 : 44).
D’après une étude menée par Seigneuric et al. (2007), « Results indicated that
as young as 3 years, children associated the determiner corresponding to the ending bias
at greater than chance levels5 » (Seigneuric, Zagar, Meunier, & Spinelli, 2007 : 229).
Ainsi, avant même d’être scolarisés et de bénéficier d’un enseignement sur la langue, et
donc sans connaissances métalinguistiques développées, les enfants sont capables de
correctement associer le couple déterminant (le/la ou un/une) + nom. Ces propos sont
d’ailleurs soutenus par Günes (2014), s’agissant du développement du genre grammatical
des francophones : « Les locuteurs natifs du français démontrent non seulement une
maitrise précoce du genre, mais également une habileté d’attribuer le genre aux noms
qui leur sont inconnus […] ce qui met en doute la mémorisation comme moyen
d’apprendre le genre » (Günes, 2014 : 3). Pourtant, Seigneuric et al. (2007) précisent
dans leur étude que l’acquisition d’une langue relève d’une connaissance complexe de
celle-ci : « Acquiring language requires discovering the complex morphosyntactic system
that defines the underlying organization of the language6 » (Seigneuric et al., 2007 : 230).
L’enfant semble donc, avant même sa scolarisation, être en mesure de comprendre le
fonctionnement de sa langue, lui permettant de l’utiliser de façon intelligible. Kupish et
al. corroborent ces propos en ajoutant : « It has been frequently demonstrated that the
acquisition of gender is unproblematic in L1 acquisition7 » (Kupisch, Akpınar, & Stoehr,
2013 : 158). En français et en italien langues maternelles, notamment, les enfants
produisent très peu d’énoncés erronés quant à l’attribution du genre grammatical.

2.1.2. A l’entrée à l’école

Fayol & Jaffré (2014) partent d’un constat simple : « A l’entrée à l’école
élémentaire, les enfants francophones disposent ainsi d’une connaissance du genre et du
nombre pour une quantité non négligeable de noms » (Fayol & Jaffré, 2014 : 93). Il peut

5
Traduction libre : « Les résultats ont montré que dès l’âge de 3 ans, les enfants associent le déterminant
correspondant à l’indice suffixal à un taux au-delà du hasard. »
6
Traduction libre : « Acquérir une langue requiert de découvrir le système morphosyntaxique complexe
qui définit l’organisation sous-jacente de la langue. »
7
Traduction libre : « Il a souvent été démontré que l’acquisition du genre n’est pas problématique dans
l’acquisition de sa L1. »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 18
alors être intéressant de s’intéresser au rôle de l’école maternelle dans la stabilisation de
l’attribution du genre grammatical chez les francophones. En effet, comme nous l’avons
vu dans le paragraphe précédent, l’attribution du genre grammatical a déjà commencé à
se stabiliser chez les enfants avant même l’entrée au Cours Préparatoire (CP). Cependant,
les élèves francophones natifs continuent à l’école la stabilisation du genre grammatical
grâce à l’enseignement prodigué. Plus précisément, avant l’entrée à l’école, les enfants
possèdent « la compétence linguistique de la grammaire générative, qui réfère à la
connaissance tacite de la grammaire de la langue, n’implique pas la maitrise
métasyntaxique » (Gombert, 1990 : 59). Les enfants sont capables d’utiliser des règles
mais ne sont pas en mesure de les verbaliser, ni d’analyser leur discours et expliquer leurs
choix. Cette compétence métasyntaxique devient nécessaire lors de l’apprentissage de la
lecture. Elle est plus particulièrement nécessaire pour comprendre l’accord en genre des
éléments entourant le substantif (les adjectifs et les déterminants notamment) plutôt que
pour son attribution pour les substantifs et ainsi comprendre un texte dans sa globalité.
La notion de genre grammatical est une caractéristique importante de la langue écrite
comme de la langue orale. Catach et al. (2005) notent d’ailleurs que son enseignement
doit se faire oralement dans un premier temps. C’est en effet à l’oral, en entendant la
distinction entre le masculin et le féminin que la notion a le plus de chances de se stabiliser
et de devenir pérenne : « la notion de genre doit d’abord être acquise à l’oral, là où elle
est la plus perceptible » (Catach et al., 2005 : 211).
Nous l’avons expliqué, le processus d’attribution du genre grammatical est
stabilisé très tôt chez l’enfant. Selon Bassano (2010), le taux de réussite d’utilisation du
déterminant (et donc de l’attribution du genre grammatical) passe de 39 % à l’âge de 20
mois à 96 % à l’âge de 39 mois, soit avant l’entrée à l’école maternelle. Pourtant l’école
joue un rôle important dans le développement de cette compétence : en effet, bien que
l’attribution semble maîtrisée, elle ne s’appuie pas sur des compétences méta syntaxiques
explicites. La scolarisation va permettre aux enfants de conceptualiser la notion et
d’analyser son utilisation. Cela sera notamment utile pour l’étape suivante que nous
évoquons dans le prochain paragraphe : l’accord en genre des mots associés.

2.1.3. Entre attribution du genre et accord des mots associés

Alors que l’attribution du genre grammatical à tout substantif français n’est donc
pas une affaire de règles strictement applicables (tout du moins simplement), l’accord est
dans la syntaxe, lui, parfaitement stable et explicable. Bien que Bourdin, Leuwers, &

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 19
Bourbon (2011) remarquent que « même si le traitement des marques d’accord de genre
est relativement précoce, automatique et irrépressible à l’oral (dès deux ans pour les
déterminants) […] la morphologie du genre semble être acquise beaucoup plus
tardivement à l’écrit » (Bourdin, Leuwers, & Bourbon, 2011 : 134), précisons toutefois
que Bourdin et al. semblent omettre ici les années de pratique de la langue (et donc
d’attribution quasi-systématique du genre grammatical, corrigé par son entourage s’il y a
lieu) par l’enfant avant son apprentissage de l’écriture (où il sera confronté aux questions
morpho-phonologiques sur l’accord en genre et en nombre). De plus, il semblerait que ce
passage à l’écrit, cognitivement plus demandeur vienne perturber cette acquisition,
comme l’indiquent également Bourdin et al. (2011) : « le coût cognitif de la production
écrite interfère chez les jeunes enfants avec le maintien des informations en mémoire de
travail et/ou avec la mise en œuvre des processus de plus haut niveau » (Bourdin et al.,
2011 : 135). À l’oral, le genre grammatical est donc pérennisé très tôt. Il ne demande plus
d’effort cognitif important, tandis que le passage à l’écrit vient perturber cette pérennité.
Nous expliquons cet accroissement de difficulté par le système même de
l’orthographe française organisé en trois catégories (que nous résumons sommairement
dans l’encart ci-après). Notons d’ailleurs que même chez le francophone natif, l’accord
reste instable, comme le remarquent Bourdin et al., : « ainsi l’accord ne serait pas encore
complètement automatisé à la fin de l’école primaire, et poserait des problèmes de
gestion » (Bourdin et al., 2011 : 135).
L’attribution et l’accord en genre resteraient également des étapes complexes pour
les enfants du cycle primaire orsque les phrases se complexifient, comme le soulignent
Bourdin et al. (2011) : « chez les enfants de quatre et de six ans, les erreurs d’accord en
genre augmentaient en fonction de la complexité des syntagmes déterminants » (Bourdin
et al., 2011 : 135). Cette complexification s’explique notamment par la multiplication des
indices du syntagme déterminant qui peuvent brouiller l’analyse d’un locuteur-scripteur
encore en apprentissage.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 20
Le système orthographique français se compose de trois catégories :
§ Les phonogrammes : le phonogramme est la représentation graphique d’un
son (phonème). Il en existe 130 dans la langue française. Cela correspond à
l’adage « j’écris ce que j’entends ». Par exemple, dans le terme « château » on
retrouve quatre phonogrammes : ch-a-t-eau.
§ Les morphogrammes : le morphogramme est la représentation graphique d’un
marqueur (grammatical ou lexical). Les morphogrammes grammaticaux
donnent une indication sur le genre, le nombre, ou la personne par exemple.
Ainsi dans le terme « agneaux », nous retrouvons trois phonogrammes (a-gn-
eau) et un morphogramme grammatical (ici marqueur de nombre), le x. Les
morphogrammes lexicaux donnent une indication sur la famille de mots dont
fait partie un terme. Par exemple, dans le terme « enfant », il y a trois
phonogrammes (en-f-an) et un morphogramme lexical, le t, liant le mot enfant
avec les termes enfanter, enfantillages, etc.)
§ Les logogrammes : le logogramme peut également être d’ordre lexical ou
grammatical. Le logogramme grammatical permet d’effectuer la distinction
entre deux homonymes grammaticaux : ou/où, est/et, etc. Le logogramme
lexical permet de différencier des oppositions lexicales : bon/bond,
repaire/repère, etc.
Selon cette classification de Catach, les phonogrammes représentent 85% du
système de représentation graphique de la langue, les morphogrammes 10% et les
logogrammes 5%.
(d’après Catach, Duprez, & Gruaz, 2005)

2.2. Les étapes dans l’acquisition du genre grammatical en FLM

Plusieurs hypothèses régissent aujourd’hui les processus d’acquisition du genre


grammatical par des apprenants de français langue maternelle. Nous prendrons appui
pour cette présentation sur l’étude faite par Lambelet (2012). Jeanmaire (2010) propose
également une étude sur l’acquisition du genre grammatical par les natifs francophones.
Il nous dit ainsi : « Il semble donc qu’il intègre naturellement le genre grammatical de la
plupart des noms grâce à un « mécanisme » interne qui l’amène à mettre inconsciemment
en œuvre des critères formels, tant contextuels que phonético-graphiques,
morphologiques et sémantiques, inhérents à la structure des noms français » (Jeanmaire,

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 21
2010 : 71). Nous développerons dans ce paragraphe les trois hypothèses les plus courantes
dans le processus d’acquisition de la notion de genre grammatical en langue maternelle.
Nous nous intéresserons d’abord à l’effet de collocation, très présent en début
d’acquisition, avant même l’apprentissage de la lecture. Nous étudierons ensuite les
règles morpho-phonologiques telles que présentées par Nina Catach avant de nous
intéresser aux règles sémantiques qui peuvent induire cette acquisition.

2.2.1. L’effet de collocation

L’effet de collocation, comme l’explique Lambelet consisterait pour l’apprenant


à ne voir le couple article-nom que comme une seule entité. « Il traiterait ainsi le nom et
l’article comme un tout indissocié (chunks) » (Lambelet, 2012 : 19). Le lexème désignant
une voiture, par exemple, ne serait pas du type [la] (ou [une]) + [voiture] mais simplement
du type [*lavoiture] (ou [*unevoiture]). Cet effet ne se retrouve d’ailleurs pas uniquement
dans le syntagme nominal mais dans la totalité d’une production. Il s’agirait de la
première hypothèse dans le processus d’acquisition. Grâce à l’effet de collocation, un
apprenant associerait systématiquement un même article (qu’il soit défini ou indéfini) à
un nom. Avant l’apprentissage de la lecture, cette hypothèse ne vient pas être contredite
puisqu’il n’existe pas oralement, pour l’apprenant de différence entre « la voiture » et
« *lavoiture ». Grâce à un input conséquent, comme défini par Granfeldt (2016) :
« Traditionnellement, l'input a été estimé à partir de la durée d'exposition à la langue ;
ce qui dans le cas des enfants monolingues et des enfants bilingues simultanés dès la
naissance veut dire que le temps d'exposition correspond à l'âge biologique de l'enfant »
(Granfeldt, 2016 : 35), les duos formés par un article et un nom forment une règle
permettant la mécanisation du processus et donc la diminution de la demande cognitive.

2.2.2. L’application des règles morpho-phonologiques

La deuxième hypothèse venant appuyer les étapes de l’acquisition du genre


grammatical en langue maternelle concerne l’application des règles morpho-
phonologiques de la langue, comme le souligne Lambelet (2012) : « La deuxième
hypothèse, elle, soutient que l’enfant apprend le genre grammatical en suivant les règles
morpho-phonologiques de la langue qu’il est en train d’apprendre » (Lambelet,
2012 : 19). Ces règles morpho-phonologiques sont de plusieurs ordres, comme le détaille
Nina Catach. Nous voudrions revenir plus longuement ici sur ces règles afin de
comprendre le processus d’acquisition de la langue pour un apprenant natif.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 22
2.2.3. La morphologie du genre grammatical

S’agissant de la morphologie générale du genre grammatical, Catach la définit


comme suit : « Le genre (masc. ou fém.) est, à l’oral, en général marqué en français par
le déterminant des noms, parfois par les finales. Pour les adjectifs, il est marqué par une
variation orale dans 33 % des cas environ. C’est par ces cas-là qu’il faut approcher tout
d’abord la notion de genre » (Catach et al., 2005 : 207). Catach note ici l’importance des
déterminants dans la morphologie du genre grammatical. Le déterminant permet en effet,
pour un locuteur non naïf d’immédiatement repérer le genre grammatical d’un substantif,
au-delà des terminaisons dont nous reparlerons par la suite.

2.2.3.1. Le « -e » final est-il réellement un marqueur du féminin ?


Alors que pour certains adjectifs, l’accord en genre féminin se traduit par l’ajout
d’un -e final à la forme masculine (par exemple : « un joli garçon / une jolie fille », cette
règle ne peut pas s’appliquer aux substantifs dont il faudrait déterminer le genre
grammatical. En effet, reprenant une étude de Séguin, Catach nous dit : « sur 13 595 mots
en -e final (…), 47 % sont masculins (6 450) contre 53 % féminins 7 145), c’est-à-dire
presque autant. Le -e final n’est donc pas une marque générale du genre féminin en
français » (Catach et al., 2005 : 210). Près de la moitié des mots qui se terminent par un
-e sont donc de genre grammatical masculin. La présence du -e final ne peut donc
vraisemblablement pas représenter un marqueur fiable pour l’attribution du genre
grammatical d’un substantif. En revanche, son absence est un fort signe pour l’attribution
du genre masculin : « l’absence de l’-e final en cas d’alternance ou la présence d’une
consonne finale muette (canard, chat) constituent le plus souvent deux indices importants
du masculin » (Catach et al., 2005 : 207). Pourtant, certaines recherches ont montré que
plusieurs suffixes pouvaient nous aider à déterminer le genre d’un nom, et ainsi lui
attribuer le déterminant qui convient.

2.2.3.2. Les terminaisons fiables pour l’attribution du genre grammatical


Comme l’a remarqué Catach, il n’y a que peu de recherches approfondies sur les
finales de noms et d’adjectifs permettant de déterminer le genre grammatical d’un
lexème. Pourtant, certaines règles existent (Catach et al., 2005). Il existe donc des
terminaisons relativement fiables quant à l’attribution du genre grammatical des mots.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 23
Nous reprenons ci-dessous les terminaisons étudiées par Rigault8 :
Finales de mots féminins Finales de mots masculins

Suffixe Exemple Fréquence Suffixe Exemple Fréquence

[Gi] tabagie 98 % [œ+] bonheur 94 %

[sj7] solution 99,8 % [jé] abricotier 98 %

[zj7] confusion 99,9 % [sm] tabagisme 100 %

[0z] gueuse 100 %


Tableau 1 — Fiabilité des terminaisons dans l'attribution du genre grammatical
D’après (Catach et al., 2005 : 212).
Ce tableau montre ainsi les principales terminaisons sur lesquelles les apprenants
peuvent se fier pour attribuer le genre grammatical d’un nom. En effet, nous pouvons
observer, par exemple, que 100 % des noms qui se terminent en [0z] seront de genre
féminin tandis que 100 % des mots qui terminent par [sm] seront de genre masculin.
Toutefois, comme le souligne Catach, « ces chiffres ne sont donnés qu’à titre indicatif.
Cependant, associés à d’autres considérations, grammaticales ou lexicales, ils peuvent
aider grandement à l’acquisition des mécanismes d’accord, surtout par ceux dont le
français n’est pas la langue maternelle » (Catach et al., 2005 : 213).
Cependant, il paraît peu recommandé de proposer ce type d’approche dans
l’acquisition du genre grammatical. En effet, le nombre d’exceptions et la quantité de
terminaisons possibles rendraient la tâche ardue pour les apprenants. C’est ce que notent
Seigneuric et al. (2007) : « To give a rough idea, Séguin (1969) identified 570 different
word endings for the masculine words only9 » (Seigneuric et al., 2007 : 231). Il faudrait
alors enseigner les 570 terminaisons possibles de mots masculins, en excluant les
exceptions possibles, et faire de même pour les terminaisons typiquement féminines. La
question sur l’enseignement du genre grammatical des substantifs est un véritable défi en
didactique des langues, encore aujourd’hui.

2.2.4. L’application de règles sémantiques

D’après Lambelet (2012), la troisième règle qu’utiliseraient les apprenants natifs


dans l’attribution du genre grammatical serait l’application des règles sémantiques, au

8
Rigault a mené une étude sur Le Petit Larousse de 1962 et vérifiée sur plus de 1700 substantifs du Français
Fondamental, d’après Catach et al., 2005.
9
Traduction libre : « Pour donner un ordre d’idée, Séguin (1969) a identifié 570 finales différentes pour
les formes masculines uniquement. »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 24
moins pour les animés. L’apprenant effectuerait un lien entre le genre biologique (ou
naturel) et le genre grammatical : « enfin, selon la troisième hypothèse, l’enfant est plutôt
influencé par les règles sémantiques régissant le genre grammatical »
(Lambelet, 2012 : 19). Bien que cela soit majoritairement stable en français (le genre
grammatical correspondant presque toujours au genre naturel), il existe cependant des
exceptions. C’est ainsi qu’une sentinelle bien qu’étant de genre grammatical féminin fait
généralement référence à un individu de sexe masculin (et donc de genre naturel
masculin).

2.2.5. Le masculin par défaut

Comme le souligne Roché (1992), « Malgré son caractère binaire apparemment


symétrique, il accorde au masculin un rôle prééminent dû à son statut de genre non
marqué » (Roché, 1992 : 114), le genre masculin représente en français le genre non
marqué, que l’on pourrait qualifier de forme « neutre ». Mathieu (2007) s’appuyant sur
Damourette et Pichon précise : « Cela permettait, selon Damourette et Pichon, de
comprendre la maxime grammaticale « Le masculin l’emporte sur le féminin », non plus
comme l’explicitation de la supériorité des hommes sur les femmes, mais bien plutôt
comme un classement en masculin de l’indifférencié et en féminin du spécifique »
(Mathieu, 2007 : 67). La distinction, toujours binaire, ne relèverait alors pas d’une
classification entre masculin « mâle » et féminin « femelle », mais plutôt comme une
classification en masculin « neutre » et féminin « non neutre ».
De plus, le masculin à valeur générique se justifie à plusieurs niveaux, bien que
de manière non-systématique, comme le signale Elmiger (2008) : « Le masculin est ainsi
d’usage quand le signal est « contradictoire » ou « brouillé » (Roché, 1990b : 138). C’est
bien dans ces cas-là que « le genre à proprement parler est neutralisé » et que l’on peut
considérer le masculin comme « genre non marqué » » (Elmiger, 2008 : 109). En tant que
genre non marqué, le masculin porte une valeur générique, faisant abstraction totale du
sexe (et donc du genre biologique s’il y en a) des substantifs en question.
Dans l’attribution du genre grammatical d’un nom nouveau, Lambelet (2012)
reprenant une étude de Boloh Ibernon (2010) nous disent : « Les résultats de cette étude
de Boloh et Ibernon (2010) montrent que les participants, enfants comme adultes,
utilisent la stratégie du « masculin par défaut » lorsqu’ils sont confrontés à devoir parler
d’un objet sans avoir été informés du genre grammatical » (Lambelet, 2012 : 23). Cela
permettrait de justifier de l’usage du masculin comme une forme neutre, et non plus

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 25
comme faisant référence au masculin nécessairement « mâle ». À ce titre d’ailleurs, nous
proposons d’adopter la terminologie de l’Académie Française pour la catégorisation de
genre, à savoir le genre extensif comme étant le genre non marqué, pour lesquels les
substantifs seront précédés, au singulier, de l’article défini « le » ou indéfini « un », et le
genre intensif pour les substantifs utilisant les articles « la » et « une ».
D’un point de vue pédagogique, le réflexe du masculin par défaut pourrait être
estompé, pour reprendre les recommandations de Catach (2005), citant la grammaire du
français parlé : « On a avantage, quand on enseigne le genre grammatical des adjectifs
en français moderne parlé, à prendre pour point de départ la forme féminine et non pas,
comme c’est la coutume, à former le féminin en partant du masculin… En partant du
féminin, on fait… d’une pierre deux coups : on apprend aux élèves non seulement à
obtenir la forme orale masculine par élimination de la consonne finale de la forme orale
féminine mais également à écrire correctement la forme graphique du masculin » (Catach
et al., 2005 : 211-212). Ajoutons d’ailleurs à cela qu’en partant du féminin, on permet
également de faire apparaître pus facilement la formation de l’adverbe, qui se construit
sur la base féminine de l’adjectif auquel on adjoint le suffixe – « ment ».

2.3. Des difficultés spécifiques aux anglophones

Notre expérience personnelle vient ici se confronter avec la littérature sur


l’acquisition du genre grammatical par le public anglophone. En effet, s’agissant de son
acquisition, Houdart & Prioul (2009) nous disent : « C’est là-dessus qu’achoppent aussi
les anglophones : l’anglais connaît le genre — il en possède même trois —, mais celui-ci
ne se marque qu’au travers des pronoms et des possessifs : ni le substantif (…) ni
l’article ni l’adjectif ne se différencient en genre et la majorité des mots relèvent du
neutre » (Houdart & Prioul, 2009 : 40). En effet, même si comme nous l’avons vu
précédemment, l’anglais est lui aussi régi par la catégorisation de genre, puisqu’il en
possède trois, sa présence est bien plus discrète qu’en français. Nous nous intéresserons
ici aux difficultés liées à cette différence en développant notamment l’utilisation du genre
grammatical en anglais et son acquisition par les anglophones natifs.

2.3.1. Le genre grammatical anglais : une moindre tâche ?

Dans notre étude linguistique en première partie, nous avons pu observer que
l’anglais était une langue qui connaissait le genre grammatical, puisqu’elle en possède
trois (le masculin, le féminin, et le neutre). Les anglophones sont donc coutumiers de la

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 26
notion de genre grammatical et ce n’est pas ce qui peut poser problème aux apprenants
anglophones lorsqu’ils apprennent le français, comme le souligne Lambelet (2012) :
« Nous avons souligné les résultats de plusieurs études qui permettent de penser que
l’apprentissage du genre grammatical est en règle générale plus difficile pour les
apprenants ne connaissant que le genre naturel dans leur L1 » (Lambelet, 2012 : 43).
Toutefois, les anglophones ne sont pas autant confrontés au genre que les francophones :
ni les substantifs, ni les mots en cooccurrence (les adjectifs, les déterminants) ne portent
de marque de genre. Il ne subsiste en effet, comme l’a souligné Meillet (1982) que dans
le cas des pronoms personnels « he », « she » et « it » et des possessifs « his », « her » et
« its ».

2.3.2. L’accord de l’adjectif possessif

La difficulté principale du genre grammatical des anglophones se situe au niveau


des déterminants possessifs « his », « her » et « its », mais également des pronoms
possessifs « his » et « hers » qui portent le genre grammatical non pas de l’objet mais du
sujet. Cette caractéristique peut poser problème au singulier comme au pluriel. Ainsi, au
pluriel, l’Anglais dira dans le cas d’un objet pluriel « These are her/his books. » quand le
Français dira « Ce sont ses livres. ». En français, le déterminant possessif ne change pas,
car l’objet ne change pas. À l’inverse, en anglais, le déterminant possessif change parce
que le sujet change. De même, au singulier, alors qu’en français, on aura « PaulMASC a
cassé saFEM voitureFEM. », en anglais, la phrase sera plutôt « PaulMASC broke hisMASC
carNEUT. », le déterminant possessif s’accordant avec le sujet et non avec l’objet. Nous
reviendrons dans le troisième chapitre sur le problème que peut poser cette différence
dans l’acquisition du FLE par des anglophones. Pourtant comme le souligne Lambelet
(2012) s’agissant d’anglophones apprenant l’espagnol : « ces sujets montrent plus de
facilité à apprendre le genre grammatical des animés que des inanimés » (Lambelet,
2012 : 31). Nous pouvons donc en déduire que la notion même de genre est assimilée par
les anglophones lorsqu’il s’agit de catégoriser des animés tandis que l’attribution du genre
pour les inanimés, en langue étrangère pose un certain problème.

2.4. L’impact du genre grammatical dans la langue et ses représentations

Nous l’avons vu, le genre grammatical, aussi complexe soit-il à appréhender, est
au cœur de la structure de la langue. Sans entrer dans une étude sociologique poussée,
nous nous posons légitimement la question de la vision du monde que peuvent avoir les

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 27
francophones, confrontés dans leur langue, à cette distinction constante entre
« masculin » et « féminin ». C’est une question qui revient souvent dans l’étude du genre
grammatical, comme le souligne Yaguello (1995) : « le genre apparaît comme le point
de rencontre entre une structure grammaticale à la fois contraignante et fluctuante et les
représentations sémantiques collectives des locuteurs francophones »
(Yaguello, 1995 : 13). Nous reviendrons dans les lignes qui suivent sur l’impact que la
grammaire peut avoir sur la société, et vice-versa. Cette réflexion clôturera cette partie
sur l’acquisition de la notion de genre grammatical en langue maternelle tout en
introduisant la suivante qui traitera de l’acquisition en langue étrangère de cette catégorie
grammaticale à part.

2.4.1. Le français, langue à genre, donc langue sexiste ?

Le débat sur le genre grammatical n’est pas récent. En témoigne notamment la


Déclaration de 1984 de l’Académie Française dont nous avons parlé précédemment.
Dès les années 1980 donc, la question de l’usage du genre grammatical s’est posée. L’une
des principales interrogations de l’époque se trouvait au niveau des noms de métiers. En
effet, de nombreuses femmes ont fait leur apparition dans les instances politiques et le
milieu, historiquement réservé à la gent masculine a fait face à quelques problématiques
linguistiques. Notons par exemple, de manière tout à fait anecdotique l’intervention de
François Mitterrand : « Parlant d’Yvette Roudy10, le président de la République remarque
en effet : « Voyez comme prononçant son nom, j’ai dû faire précéder sa fonction de
Mme le ministre des droits de la femme : là il faudrait organiser la grammaire pour savoir
de quoi il retourne » » (Baudino, 2001 : 29). Par cette remarque, Mitterrand pointe du
doigt l’une des particularités de la langue : le lien très fort qu’il existe entre le genre
naturel, biologique et le genre grammatical. Baudino (2001) s’interroge alors : « Doit-on
accorder l’article défini avec le sexe de la personne désignée ou avec le genre du nom
désignant la fonction qu’elle occupe ? » (Baudino, 2001 : 29). Le terme de ministre était
alors grammaticalement un signifiant de genre masculin, il est aujourd’hui considéré
comme épicène. Qu’il se réfère à un individu de genre naturel masculin ou de genre
naturel féminin ne devrait donc pas être pris en compte dans la construction d’un
syntagme nominal faisant référence à une femme. Pourtant, certains et certaines
voudraient « féminiser » les noms de métiers. Nous pensons que cela reviendrait à

10
Yvette Roudy a été Ministre déléguée aux Droits de la femme entre 1981 et 1984 (sous le gouvernement
Mauroy), puis Ministre des Droits de la femme de 1984 à 1986 (sous le gouvernement Fabius).

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 28
accentuer la confusion entre genre naturel et genre grammatical. Il en est de même pour
la masculinisation de ces référents : la sentinelle reste grammaticalement de genre
féminin, que son signifié soit un homme ou une femme, tout comme la fonction de sage-
femme.
La féminisation de certains noms de métiers semble ne poser aucun problème sur
le plan linguistique : ainsi on parlera d’un acteur mais d’une actrice, d’un chanteur et
d’une chanteuse. Toutefois, certains noms semblent moins évidents à féminiser : ministre,
peintre en sont des exemples. Il existe toutefois la possibilité de rendre ces substantifs
épicènes. Il existe déjà plusieurs noms épicènes dans le répertoire français (après-midi,
notamment). Nous pensons que l’utilisation de substantifs épicènes pourrait modifier à
terme, la vision du monde des locuteurs de français. Nous nous appuyons pour cela sur
un entretien réalisé par Yaguello & Baider en 2007 : « FB : D’après votre connaissance
de ces langues et vos recherches, pensez-vous que la manière dont est exprimé ou non le
genre grammatical (existence d’un neutre, inexistence d’un féminin) peut vraiment
influer la vision du monde, celle des sexes ? MY : Mais il me semble évident malgré tout
que pour une langue où le marquage de genre est obligatoire, c’est évidemment plus
contraignant pour les structures mentales » (Yaguello & Baider, 2007 : 105).
Une étude d’Elmiger (2015) revient d’ailleurs sur la féminisation de certains
substantifs. « Si la forme auteure, revendiquée par la critique féministe du langage, peut
encore faire l’objet d’un certain débat, personne n’a sérieusement demandé la
féminisation (ou la masculinisation) de noms comme planète ou objet »
(Elmiger, 2015a : 5).

2.4.2. De la différence de classification du genre

Kupisch et al. remarquent que l’apprentissage du genre grammatical reste


problématique pour un apprenant ne connaissant pas la même catégorisation :
« Moreover, there appears to be consensus that gender marking causes persistent
problems for L2ers, especially, but not only, when the L1 does not mark gender11 »
(Kupisch et al., 2013 : 161). Cette difficulté, Aguerre (2018) l’explique par la stratégie
d’enseignement-apprentissage utilisée : « La stratégie la plus répandue est la
mémorisation du couple « article (défini ou indéfini) + nom » et cela que leur langue ou

11
Traduction libre : « De plus, il semble y avoir consensus sur le fait que le marquage de genre pose des
problèmes récurrents pour des apprenants de langue étrangère, principalement mais pas uniquement
lorsque la langue maternelle ne marque pas le genre. »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 29
non ait un genre grammatical » (Aguerre, 2018 : 7). Nous reviendrons dans notre partie
3.3.2. Apprendre ou conceptualiser, telle est la question ? sur cette problématique.

3. L’enseignement-apprentissage du genre grammatical en FLE

Comme nous l’avons exposé dans le chapitre précédent, le locuteur-scripteur natif


du français passe par trois étapes dans l’acquisition du genre grammatical. Avant sa
scolarisation, les effets de collocation permettent à l’enfant francophone d’utiliser (à
l’oral) le genre grammatical approprié en exploitant l’article (défini ou non) et le
substantif comme un seul lexème. À son arrivée à l’école, aidé par l’input conséquent
depuis sa naissance, un certain nombre de règles morpho-phonologiques prennent place
lui permettant, après une adaptation plus ou moins longue, de transposer ses
connaissances orales de la langue en compétences d’écriture. Le passage de l’oral à
l’écrit, par sa demande cognitive accrue ne se fait pas sans problème. Enfin, l’enfant
francophone se basera également sur les règles sémantiques qui régissent l’attribution et
l’accord du genre grammatical, à savoir la proximité qui existe, en français, entre le genre
naturel et le genre grammatical pour les sujets animés. En résumé, le natif recourt à des
mécanismes internes parfois inconscients dans l’attribution du genre grammatical qui
peuvent l’induire en erreur : « Toutefois, en l’absence de stimuli, nous verrons que cette
démarche naturelle se révèle être inopérante et, souvent même, source de « fautes » de
genre » (Jeanmaire, 2010 : 71). Jeanmaire (2010) propose que ces mécanismes soient
épaulés par des règles d’attribution : « La démarche du natif présente donc des limites
que d’autres critères et quelques « règles » ou lois empiriques pourraient lui permettre
de pallier » (Jeanmaire, 2010 : 71).
Nous tenterons de comprendre dans ce chapitre en quoi l’apprentissage du genre
grammatical pour un public non francophone (et plus précisément anglophone dans notre
recherche) diffère de l’acquisition par un francophone. Dans un premier temps, nous nous
intéresserons aux différentes recherches qui ont été menées concernant l’acquisition du
genre grammatical en FLE en général. Nous reviendrons ensuite sur la manière d’aborder
la grammaire dans les classes anglophones, à travers les contenus du National Curriculum
ainsi que par des pratiques déclarées déjà étudiées. Nous comparerons enfin les approches
en FLE et en FLM afin de comprendre où peut se situer la frontière et la différence entre
ces deux contextes. Cette comparaison sera également l’occasion de mettre en avant les

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 30
possibles aménagements à proposer pour améliorer l’acquisition du genre grammatical,
si cela est possible, par les apprenants anglophones.
Enfin, nous conclurons ce chapitre par un retour sur les principales informations
développées en lien avec notre problématique. Nous ferons également le point sur nos
hypothèses afin d’introduire notre méthodologie de recherche qui sera ensuite développée
et justifiée dans la deuxième partie de notre travail.

3.1. Les recherches sur l’acquisition du genre en FLE

Pendant longtemps, les recherches en FLM et en FLE ont été dissociées. Nous
souhaitons dans cette partie mettre en évidence les liens qui peuvent exister entre ces deux
contextes afin de mieux comprendre les enjeux autour de l’enseignement du genre
grammatical dans le contexte du FLE. Nous reviendrons dans un premier temps sur les
étapes dans l’acquisition en FLM que nous avons vues, comparées aux étapes par
lesquelles passent les apprenants de FLE lorsqu’ils sont confrontés au genre grammatical.
Nous évoquerons dans un second temps la méthodologie utilisée de nos jours d’après les
études d’Aguerre (2018), Lyster (2010) et Meshoub-Manière (2016).

3.1.1. Entre théorie et en pratique

En toute vraisemblance, les apprenants anglophones ne passent pas par les mêmes
étapes dans l’acquisition du genre grammatical que les apprenants natifs du français.
Nous l’avons vu plus tôt, les apprenants francophones, avant leur scolarisation acquièrent
une maîtrise dans l’utilisation du genre grammatical grâce aux effets de collocations.
Cette étape ne peut se retrouver pour un apprenant anglophone, comme le souligne
Lambelet (2012) : « la première étape de l’acquisition [l’effet de collocation] du genre
grammatical durant laquelle les éléments co-occurrents seraient indissociés dans le
lexique mental de l’apprenant ne se retrouve pas dans une aussi forte mesure en
apprentissage L2 » (Lambelet, 2012 : 30). Ainsi ; dans la construction de son lexique
mental, l’apprenant anglophone n’associera pas systématiquement un article (défini ou
non) à un substantif. Par extension, il pourra même être amené à alterner l’utilisation d’un
déterminant masculin et d’un déterminant féminin pour un même substantif. Cette étape
de collocation ne se retrouve d’ailleurs qu’à l’oral chez l’apprenant natif de la langue,
avant qu’il ait appris l’écriture. La question de sa faisabilité en langue étrangère se pose
alors.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 31
3.1.2. La méthodologie utilisée en FLE

Comment enseigner efficacement et durablement le genre grammatical des


substantifs aux locuteurs anglophones ? Cette question, au centre de notre réflexion n’est
pas nouvelle. Aujourd’hui, l’enseignement du genre grammatical prend très largement
appui sur le genre naturel, et donc sur la distinction homme/femme. Pourtant comme le
note Kasazian (2017), « La présentation du genre grammatical qui allie un symbole à un
objet non animé traduit une vision erronée et incomplète de la notion de genre
grammatical. Elle laisse penser que les genres masculin et féminin correspondent
systématiquement au sexe des choses » (Kasazian, 2017 : 281). Prenons un exemple
extrait de Kasazian (2017) : « Selon Meshoub-Manière, « il est essentiel de faire observer
aux élèves que, pour la majeure partie des noms, le genre est arbitraire, qu’il faut
l’apprendre pour le savoir. » » (Kasazian, 2017 : 283). Cette remarque de Meshoub-
Manière est d’ailleurs reprise par Aguerre pour expliquer en quoi c’est un problème : « le
genre grammatical est vu comme une caractéristique à mémoriser avec chaque nom »
(Aguerre, 2018 : 7). Cette acception nous semble sensiblement défaitiste et démotivante
pour un apprenant naïf. Nous pensons, a contrario, qu’une approche métalinguistique
permettant aux apprenants de comprendre et conceptualiser la notion de genre
grammatical favoriserait l’acquisition pérenne et à un haut niveau, comme nous le
développerons dans la dernière partie de notre travail.

3.2. La place de la grammaire dans le curriculum britannique

Alors que la grammaire a occupé une place prépondérante dans la scolarité


française depuis toujours, elle n’avait pas une place aussi ancrée dans la culture scolaire
britannique. Nous souhaitons revenir succinctement ici sur la place de la grammaire dans
le système anglo-saxon, sur son évolution ainsi que sur les pratiques enseignantes que des
études antérieures ont pu mettre au jour. Nous examinerons dans un premier temps la
place de la grammaire depuis la réforme de 2013, avant de nous intéresser à l’étude de
Kasazian (2017) sur les enseignants britanniques.

3.2.1. Le contenu du Curriculum National actualisé

L’enseignement des langues étrangères en Angleterre mettait jusqu’alors l’accent


sur la communication et la pratique de langue sans porter de réel intérêt à sa structure. La
grammaire n’était pas explicitement étudiée et le système de la langue n’était pas analysé.
Cet angle d’enseignement faisait finalement corps avec l’enseignement de la langue
Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —
Représentations d’enseignants anglophones 32
maternelle, puisque la grammaire anglaise n’était pas non plus enseignée comme peut
l’être la grammaire française en France. Kasazian relève d’ailleurs : « De manière
générale, les modifications apportées dans le CN d’anglais vont vers une consolidation
des connaissances linguistiques » (Kasazian, 2017 : 125). L’enseignement de la langue
maternelle s’enrichit, grammaticalement parlant, permettant ainsi aux apprenants
d’apprendre à analyser la langue et non plus seulement à l’utiliser telle qu’elle est sans en
connaître les ressorts. Kasazian précise d’ailleurs que c’est cette modification qui
impliquera les changements dans le CN pour les langues étrangères : « C’est la raison
pour laquelle les nouvelles versions du CN comprennent une section « grammaire et
vocabulaire » qui établit les objectifs pour les différents niveaux de cycles primaires et
secondaires, en plus de la section « compétence linguistique » » (Kasazian, 2017 : 128).
Ainsi, dans le CN publié en 2013, nous pouvons lire, s’agissant des compétences
grammaticales à acquérir : « understand basic grammar appropriate to the language
being studied, including (where relevant): feminine, masculine and neuter forms12 »
(Department for Education, 2013). Toutefois, il reste important de noter que ce
curriculum ne donne aucune recommandation concernant la pratique en tant que telle
mais seulement les buts auxquels parvenir, laissant une certaine liberté pédagogique aux
enseignants. C’est ce point auquel nous allons nous intéresser dans le paragraphe qui suit.

3.2.2. Les pratiques enseignantes constatées

Dans ses travaux sur la place de la grammaire en contexte anglophone, Kasazian


(2017) note, concernant le genre grammatical : « Pour la majorité des enseignants
interrogés, le genre grammatical est un des concepts les plus ardus à enseigner »
(Kasazian, 2017 : 279). Rejoignant ainsi les remarques de Houadart & Prioul (2009) ou
Lambelet (2012), le genre grammatical est perçu, par les enseignants comme un concept
difficile, et donc comme une notion complexe à enseigner. Pourtant, nous l’avons vu,
cette catégorisation est indispensable dans la langue. Le genre grammatical est enseigné
auprès du public anglophone, mais l’est-il de la manière la plus efficace, permettant aux
anglophones d’atteindre un niveau sinon équivalent, au moins proche de celui des
natifs francophones ? Certains enseignants tentent, malgré la pauvreté des ressources
proposées par les programmes, de nouvelles approches. C’est le cas notamment d’un
enseignant interrogé par Kasazian : « Selon lui [Renaud], il serait possible de rapprocher

12
Traduction libre : « Comprendre la grammaire de base de la langue étudiée, incluant (le cas échéant) :
les formes féminines, masculines et neutres ».

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 33
l’anglais et le français pour aborder le genre grammatical » (Kasazian, 2017 : 280).
Plutôt que de mettre l’accent sur la différence entre les deux langues, cet enseignant
propose de les rapprocher, de trouver des similitudes. La catégorisation masculin/féminin
calquée sur le genre naturel (avec les symboles ♀(femme) et ♂(homme) ou les
« traditionnelles » couleurs roses et bleues), nous semble au mieux ne correspondre qu’au
cas des substantifs animés, au pire crée une confusion entre genre grammatical et genre
naturel, attribuant de facto un « genre naturel » aux substantifs inanimés. À ce titre,
Kasazian remarque d’ailleurs : « Il s’agirait alors de représenter l’arbitraire, ce qui
paraît délicat. Toutefois, à défaut de « trouver une image », on peut aussi casser les
représentations ordinaires en proposant de distinguer les genres par d’autres couleurs »
(Kasazian, 2017 : 284). C’est ici, finalement, qu’il existe un blocage. En effet, le
rapprochement entre genre grammatical (intrinsèquement abstrait) et le genre naturel
(visuellement marquant) semble inévitable pour expliquer la notion de genre
grammatical.

3.3. La maîtrise du genre grammatical : une cause perdue ?

Comme nous avons pu le voir précédemment, l’apprenant anglophone de FLE ne


passera pas par l’étape de collocation lorsqu’il apprendra la langue et plus spécifiquement
le genre grammatical. Il pourrait s’agir d’un élément important dans la compréhension de
la différence qui existe et de la difficulté des anglophones (notamment) quant à la maîtrise
du genre grammatical en français : « cette différence peut constituer une distinction
fondamentale en ce qui concerne la place du genre grammatical en lien avec les lexèmes
dans le lexique mental » (Lambelet, 2012 : 30). Pourtant, toujours d’après Lambelet, cette
différence ne constitue pas un écart flagrant : « En résumé, la difficulté que pose
l’apprentissage du genre grammatical en L2 par rapport à son acquisition en L1 ne
semble être liée ni à l’âge, ni à des différences fondamentales de processus
d’apprentissage » (Lambelet, 2012 : 44). Nous nous intéresserons alors dans la suite de
cette partie à la particularité que présente le public bilingue afin d’essayer de comprendre
comment ils arrivent à un tel niveau de maîtrise, parfois proche d’apprenants natifs. Nous
parlerons pour conclure d’une étude menée par Lyster (2010) permettant de remédier, au
moins partiellement, au problème d’acquisition incomplète du genre grammatical par des
apprenants allophones.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 34
3.3.1. Le cas particulier des bilingues

Les acquisitions de la notion de genre grammatical en L1 (langue maternelle) et


en L2 (langue étrangère) ne sont donc pas radicalement opposées, bien qu’elles présentent
des différences. Pour expliquer les liens qui peuvent exister, les chercheurs se sont
penchés sur une situation intéressante : les bilingues précoces. L’étude de Kupisch et al.
(2013) relève notamment : « German-French bilingual children acquire most definite
and indefinite articles in both languagees around age 2,6 using definite article in French
with accuracy rates around 95 % before the age of three years13 » (Kupisch et al.,
2013 : 159). Ils notent cependant que lorsque le français est acquis en tant que langue
mineure, le taux d’erreur dans l’attribution de l’article est notablement plus important
(Kupisch et al., 2013). Nous l’avons vu en deuxième partie de notre travail, le français
forme le genre grammatical selon des règles sémantiques (l’appui sur le genre naturel des
signifiés animés) mais aussi selon des règles formelles (règles morpho-phonologiques,
etc.). Cette double contrainte semble être à l’origine des difficultés d’intégration de la
notion par les non-natifs, comme le relèvent Kupisch et al. (2013) : « Overall, French
displays a combination of formal and semantic rules controlling gender assignment.
However, one cannot expect learners to perform in an entirely native-like manner on the
basis of rule-knowledge alone14 » (Kupisch et al., 2013 : 157). Pourtant, Grandfeldt
(2016) constate que « pour ce qui est du développement de l'attribution de genre, les
résultats montrent que dans un premier temps les enfants 2L1 ont un retard significatif
par rapport aux enfants L1 du même âge. Pourtant cette différence quantitative semble
disparaître peu avant 9 ans » (Granfeldt, 2016 : 44). Par leur affirmation, Kupisch et al.
remettent en cause l’apprentissage du genre grammatical par l’application de règles. C’est
pourquoi, comme le remarque Aguerre (2018), la conceptualisation devrait prendre une
part importante dans l’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère, comme nous
le développerons ci-après.

13
Traduction libre : « Les enfants bilingues allemand-français maitrisent l’utilisation à la fois des articles
définis et indéfinis, dans les deux langues aux alentours de 2,6 ans, utilisant l’article défini en français
avec un taux de réussite autour de 95% avant l’âge de trois ans. »
14
Traduction libre : « Globalement, le français dispose d’une combinaison de règles formelles et
sémantiques contrôlant l’attribution du genre grammatical. Cependant, on ne peut pas attendre d’un
apprenant qu’il la maitrise à la manière d’un natif sur la seule connaissance de ces règles. »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 35
3.3.2. Apprendre ou conceptualiser, telle est la question ?

Comme le rappelle Aguere (2018), « les enjeux de l’apprentissage du genre


grammatical en FLE diffèrent selon l’existence et le fonctionnement du genre
grammatical dans la L1 des apprenants, et possède trois niveaux » (Aguerre, 2018 : 4).
Ces trois niveaux, toujours d’après Aguerre sont l’intégration du concept, la
catégorisation des termes et l’application dans l’accord. Il apparait alors nécessaire pour
l’apprenant d’intégrer le concept avant de pouvoir le maitriser. Mieux encore,
l’intégration progressive et complète du concept donne lieu à une maitrise améliorée dudit
concept. Pourtant, Aguerre souligne que, de manière générale, l’intégration de la notion
(la conceptualisation) n’est pas pratiquée en classe : « la solution proposée, au moins
implicitement, est de mémoriser le genre des noms au fur et à mesure de l’apprentissage
du lexique, bien loin de propositions conceptualisantes » (Aguerre, 2018 : 5). De telles
remarques se retrouvent chez Meshoub-Manière (2016) s’agissant de l’enseignement de
l’accord en genre à l’école élémentaire. Comme nous l’avons souligné dans le premier
chapitre, il est primordial de distinguer le fonctionnement du genre grammatical des noms
animés de celui des noms non animés. Cette position s’appuie sur la remarque de
Meshoub-Manière (2016) : « il est essentiel de faire observer aux élèves que, pour la
majeure partie des noms, le genre est arbitraire, qu’il faut l’apprendre pour le savoir.
Une fois ce trait de langue posé, il pourra alors être possible de leur faire observer la
variation en genre d’une certaine sous-classe de noms, les noms animés, pour les aider
à en connaitre les règles de formation » (Meshoub-Manière, 2016 : 42).
Ces activités de conceptualisation proposées par Aguerre ont déjà été mises en
place lors d’une étude de Lyster (2010), dont les résultats ont été relativement probants :
« Pris dans leur ensemble, les résultats aux tâches de production tant écrite qu’orale
montrent que l’ECF15 améliore l’aptitude des élèves à attribuer correctement le genre
grammatical » (Lyster, 2010 : 82). Dans son étude, Lyster propose un enseignement du
genre grammatical centré sur la forme, c’est-à-dire que les erreurs sont analysées, les
formes rencontrées le sont aussi ce qui permet aux apprenants de construire par eux-
mêmes les règles morpho-phonologiques (notamment) d’attribution du genre. Cet
enseignement s’appuie alors sur la construction de connaissances métalinguistiques
auprès d’apprenants de L2. Lyster conclut d’ailleurs : « Le fait que leur [aux étudiants
n’ayant pas suivi un enseignement de type ECF, KL] rendement ait été nettement

15
Terminologie de Lyster : Enseignement Centré sur la Forme.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 36
inférieur à celui des élèves exposés à l’ECF met en lumière l’efficacité de l’option
donnant aux apprenants de L2 des occasions d’acquérir des représentations déclaratives
du genre grammatical axées sur des règles par le truchement d’activités de
conscientisation et de pratique dans le contexte de l’enseignement d’une matière »
(Lyster, 2010 : 82). Notons cependant que la validation (ou l’infirmation) de ces
représentations déclaratives restent indispensables à la rétention de l’information. Cette
conclusion se retrouve d’ailleurs également chez Aguerre : « Des activités de
conceptualisation sur les dimensions lexicales et morpho-syntaxiques du genre
grammatical en FLE peuvent être utiles à l’acquisition du genre grammatical et au
développement de stratégies de gestion de ce genre par les apprenants de FLE »
(Aguerre, 2018 : 12).

dc

Nous avons pu voir dans les trois chapitres constituant cette première partie que
le genre grammatical était une notion complexe, tant dans son enseignement en langue
étrangère que dans sa conceptualisation, même en langue maternelle. Le genre
grammatical fait partie de ces catégorisations grammaticales pour lesquelles, au moins
pour sa phase d’attribution (la phase d’accord étant généralement travaillée avec l’accord
en nombre en langue maternelle), les francophones s’appuient sur leurs connaissances
épilinguistiques plus que sur leurs connaissances métalinguistiques. C’est-à-dire que
l’input qu’ils reçoivent depuis leur naissance, jusqu’à leur scolarisation leur permet
d’assimiler et conceptualiser les règles de fonctionnement de la langue, et donc
d’attribution du genre grammatical.
Pour rappel, notre recherche s’inscrit, d’un point de vue didactique sur la
compréhension des mécanismes d’acquisition-apprentissage du genre grammatical des
substantifs par les anglophones afin de proposer des éléments de remédiation qui
pourraient permettre à ces apprenants de mieux maitriser l’attribution du genre
grammatical des substantifs français.
La deuxième partie de notre travail détaillera la méthodologie avec laquelle nous
avons mené notre recherche, tandis que la troisième et dernière partie sera consacrée à
l’analyse des données que nous avons recueillies, permettant ainsi de répondre à notre
problématique, en vérifiant nos hypothèses et en proposant un positionnement didactique
adapté au contexte.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 37
PARTIE II — CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Après un premier chapitre, notre cadre conceptuel, permettant de contextualiser
notre recherche et nos questionnements, comme l’expliquent Blanchet & Chardenet
(2011) : « un cadre théorique c’est aussi une sorte de « boite à outils » : il comporte des
« cases » (les catégories par lesquelles il est organisé) et des « outils » d’analyse et de
compréhension (les notions, les concepts, donc les termes conceptuels et leurs
définitions) chacun rangé dans une ou possiblement dans plusieurs cases. Reste à choisir
une méthode qui mettra en action et en relation ce cadrage épistémologique, ces options
théoriques et l’investigation sur le terrain » (Blanchet & Chardenet, 2011 : 3), ce
deuxième chapitre sera donc consacré à la justification des choix que nous avons eu à
faire pour mener notre recherche à son terme et trouver réponse à nos questions de
recherche.
Nous reviendrons donc dans un premier temps sur le choix du positionnement de
notre recherche, à savoir un positionnement hypothético-déductif. Nous expliquerons ce
choix ainsi que les conséquences qui en ont découlé dans le déroulement de notre
recherche. Nous nous attarderons notamment sur notre choix de recherche hypothético-
déductive tout en adoptant une démarche qualitative.
Dans un second temps nous détaillerons les outils qui nous ont permis de conduire
cette recherche. De sa justification à sa conception, en passant par ses limites, nous
détaillerons le choix qui a été le nôtre de nous baser exclusivement sur des entretiens
semi-directifs. Nous reviendrons bien évidemment sur le choix des personnes interrogées
et sur la manière de procéder aux entretiens.
Nous reviendrons également sur les choix que nous avons fait concernant l’analyse,
ceci afin d’introduire le dernier chapitre de ce travail sur l’analyse à proprement parler
des données que nous avons pu recueillir au cours de cette recherche.

1. Rappel du questionnement

Avant de détailler notre protocole de recherche dans les chapitres suivants, nous
trouvons important à ce stade d’effectuer un retour sur les questions et sur les hypothèses
qui animent et motivent cette recherche.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 38
1.1. La problématique

Comme présentée en début de recherche, la question centrale qui nous intéresse


ici s’attache à comprendre les difficultés liées à l’enseignement-apprentissage de la notion
de genre grammatical auprès d’un public anglophone. Ce choix, nous le rappelons, est
d’abord un choix faisant suite à une observation personnelle et non scientifique de nos
différents contacts avec des locuteurs anglophones, qu’ils soient apprenants du français
ou non. Nous avons fait le choix, avec cette recherche, d’apporter un regard éclairé et
plus scientifique sur ce problème. Nos expériences, mais également les différentes
lectures que nous avons faites et dont nous détaillons le cheminement dans la première
partie nous ont menés à émettre un certain nombre d’hypothèses que nous rappelons ci-
après.

1.2. Nos hypothèses

Afin de comprendre le phénomène qui nous intéresse et répondre à notre


problématique, nous avons posé trois hypothèses principales que nous rappelons :
H1 : Les enseignants non natifs ne disposent pas d’une formation initiale leur permettant
d’appréhender le genre grammatical avec efficacité quand, a contrario les enseignants
natifs ne disposent pas de connaissances métalinguistiques sur le genre grammatical ;
H2 : Le genre grammatical est souvent associé au genre naturel, donnant lieu à des
incompréhensions et des représentations galvaudées de la notion ;
H3 : Les programmes nationaux ne proposent pas de solutions didactiques et
pédagogiques quant à l’enseignement du genre grammatical.
Ces hypothèses sont à l’origine à la fois de notre cheminement théorique précédent,
mais également de notre canevas d’entretien, et des diverses analyses que nous avons
menées.
Ce rappel ayant été fait, nous souhaitons maintenant présenter le protocole de
recherche que nous avons mis en place pour répondre à notre problématique et valider
(ou non) nos hypothèses.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 39
2. Méthodologie de recherche

Dans tout travail de recherche, il est important, en amont, et même s’il est
susceptible d’évolution, de comprendre et d’accepter le positionnement qui sera le nôtre,
et de savoir le justifier. La méthodologie de recherche, telle que la définissent Reuter &
Perrin-Glorian (2006) est la suivante : « Une méthode de recherche peut se définir comme
la forme prise par la démarche de travail mise en place pour tenter de répondre à une
question dans une discipline de recherche déterminée » (Reuter & Perrin-Glorian,
2006 : 17). La méthode que nous utilisons vient donc construire un cadre grâce auquel
nous pourrons répondre aux hypothèses que nous nous posons. Nous reviendrons dans
cette partie sur le choix du positionnement hypothético-déductif que nous avons fait.
Nous développerons également ce qui pour nous, représentent les atouts de ce
positionnement, tout en gardant à l’esprit les limites que cette posture peut imposer à tout
chercheur.

2.1. La recherche qualitative

Nous l’avons dit, nous avons choisi pour cette recherche de prendre le parti de la
réflexion hypothético-déductive avec une approche qualitative. Avant toute considération
méthodologique, nous justifions ce choix par notre propre expérience et notre vécu face
à la problématique centrale. En effet, comme le soulignent Benabdeljalil et al., « la
pertinence d’une méthode s’évalue à la lumière de la finalité de la recherche »
(Benabdeljalil, Desjeux, & Garabuau-Moussaoui, 2009 : 14). Ainsi, la finalité de notre
recherche relevant de la compréhension de pratiques de classes s’agissant de
l’enseignement du genre grammatical, il apparait clair qu’une recherche qualitative sur
les pratiques enseignantes était le choix le plus judicieux. Il ne s’agissait pas dans cette
recherche de faire un tableau exhaustif des pratiques en usage dans toutes les classes,
mais de comprendre précisément quelques pratiques, auprès d’un échantillon restreint
d’enseignants. Nous développerons dans un point ultérieur le choix des personnes
interrogées.
La finalité que nous voulons donner à notre recherche, et donc les réponses que
nous souhaitons apporter à notre problématique consiste en la compréhension des
pratiques déclarées et à leurs confrontations afin de dégager, a minima, des préconisations
didactiques. En ce sens, la recherche qualitative se justifie d’autant plus, toujours d’après
Benabdeljalil et al. qui la définissent ainsi : « ou encore comme préparation à l’action et

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 40
à la résolution de problèmes » (Benabdeljalil et al., 2009 : 14). Une approche quantitative
aurait parfaitement pu être choisie, permettant de mener un certain nombre de statistiques
sur la réussite des apprenants confrontés à telle ou telle pratique de classe et pourra faire
l’objet d’une recherche ultérieure. Cependant, notre positionnement qualitatif permet
malgré tout une certaine généralisation des résultats, par sa rigueur : « la rigueur
nécessaire à la généralisation des résultats d’une enquête qualitative souligne l’intérêt
même de l’approche » (Benabdeljalil et al., 2009 : 18).
Conscients du caractère préconstruit de notre positionnement face à cette
problématique, nous avons donc cherché à rendre compte scientifiquement de nos
interrogations auprès d’une quantité raisonnable et raisonnée d’enseignants en poste. En
accord avec les valeurs de l’approche qualitative, notre recherche, comme les autres
« cherchent, avant d’être critiques ou dénonciatrices, à comprendre la logique sociale de
chaque acteur » (Benabdeljalil et al., 2009 : 20). C’est pourquoi, et nous l’expliquerons
plus en détail par la suite, l’analyse des pratiques n’a pas vocation à mettre en porte-à-
faux les enseignants vis-à-vis de leurs pratiques mais plutôt de s’en inspirer et de les
comprendre afin de proposer une approche « idéale » de la question du genre grammatical
en classe de langue étrangère. C’est en ce sens que le positionnement hypothético-
déductif est naturellement venu structurer notre recherche. Nous avions en effet pour
objectif de confronter nos présupposés à la réalité du terrain en interrogeant les
enseignants sur leurs pratiques, ainsi que les pratiques entre elles afin d’avoir une vision
d’ensemble de l’enseignement du genre grammatical des substantifs français qui est fait
aujourd’hui.

2.2. La recherche hypothético-déductive dans les sciences sociales

Pour cette recherche, nous avons fait le choix d’une démarche hypothético-
déductive. Cette démarche implique un cheminement en trois axes, que Giordano et
Jolibert (2012) présentent comme suit :

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 41
Les grandes Dans l’approche
Leur contenu
étapes hypothético-déductive
1 Choix de l’objet
Objet ou problématique et question(s) 2 Revue de littérature
Concevoir
de recherches 3 Construire un cadre théorique
4 Déduire des hypothèses
Construire le canevas ou architecture
(design) de la recherche) 5 Opérationnaliser les concepts
Lier les concepts et données 6 Construire un plan de recherche
Mettre en Collecter les données, 7 Choisir un échantillon, collecter
œuvre Choisir l’échantillon des données et les coder
Coder et traiter les données

8 Tester les hypothèses Analyser


les données et interpréter les
Interpréter les résultats
résultats, apprécier leur validité
Apprécier leur validité
9 Conséquences théoriques et
pratiques des résultats obtenus
Analyser et
évaluer
Tableau 2 — Les étapes de la démarche hypothético-déductive
(d’après (Giordano & Jolibert, 2012 : 49-50))

2.2.1. Les raisons du choix hypothético-déductif

Comme le souligne Føllesdal (1979) la recherche hypothético-déductive « is an


application of two operations : the formation of hypotheses and the deduction of
consequences from them in order to arrive at beliefs which —although are hypothetical—
are well supported, through the way their deuctive consequences fit in with our
experiences and with our other well supported beliefs16 » (Føllesdal, 1979 : 321). De fait,
nos trois hypothèses (réponses hypothétiques à notre question centrale) sont alors
appuyées par notre expérience et ce que nous savons du terrain avant la recherche. Le
rôle de la recherche est alors de vérifier si ces hypothèses peuvent être confirmées par la
confrontation à d’autres expériences et d’autres croyances ou si alors elles doivent être
reconsidérées comme ne pouvant apporter une réponse satisfaisante à notre question.

16
Traduction libre : « c’est une application de deux opérations : la formation d’hypothèses et la déduction
de leurs conséquences pour arriver à des croyances qui —bien qu’elles soient hypothétiques— sont
appuyées par le fait que leurs conséquences déduites correspondent à nos expériences et nos autres
croyances elles-aussi étayées »

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 42
2.2.2. Les limites de la recherche hypothético-déductive

La recherche hypothético-déductive doit être menée avec beaucoup de


précautions. Il s’agit en effet d’une méthode de recherche qui fait appel aux connaissances
antérieures du chercheur, tant dans son cadrage conceptuel que dans son recueil de
données. Les hypothèses que tentera de vérifier le chercheur peuvent être biaisées par le
prisme avec lequel il regarde son objet d’étude. De plus, il pourra, selon les outils qu’il
utilisera pour recueillir et analyser ses données, avoir un regard tronqué sur ceux-ci, sous
couvert qu’ils puissent répondre à ses questions.
En ce qui concerne notre recherche, il nous faudra être particulièrement vigilent
à nos présupposés concernant l’enseignement anglo-saxon et l’enseignement français
ainsi que concernant les réponses apportées par certains enseignants interrogés avec
lesquels nous avons eu l’opportunité de travailler.

3. Le recueil de données

Il n’est pas de recherche sans recueil de données à analyser par la suite. Le recueil
de données constitue ainsi une part importante presque cruciale du travail de chercheur.
Pour répondre à sa question, le chercheur doit alors se mettre à la poursuite d’informations
diverses. Nous aborderons dans cette partie comment nous avons mis en place notre
terrain d’enquête et comment nous avons mené nos entretiens. Nous présenterons
brièvement les enquêtés et détaillerons le processus d’entretien pour obtenir nos données.

3.1. Le terrain d’enquête

Le terrain d’enquête est à la base d’une recherche. Il est important pour un


chercheur de savoir délimiter son terrain dans le but de mener à bien son travail. Nous
avons choisi de concentrer notre recherche auprès d’enseignants anglophones
(britanniques ou néo-zélandais) de FLE auprès d’apprenants eux aussi anglophones et
suivant des cours de français dans l’enseignement secondaire. Le choix de ces deux pays
s’explique par la proximité de leurs systèmes éducatifs ainsi qu’au réseau que nous
possédons dans l’enseignement à l’étranger. Les enseignants ayant accepté de prendre
part aux entretiens seront présentés succinctement dans le paragraphe suivant.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 43
3.1.1. Le profil des enseignants interrogés

Nous visions initialement 5 à 6 entretiens dans le cadre de cette recherche.


Diverses contraintes nous ont finalement amené à disposer de 3 entretiens dans le cadre
de notre étude. Les enseignants ayant répondu sont présentés ci-dessous :

HJB DT SH
Nationalité Anglaise Néo-zélandaise Néo-zélandaise
Sexe F F M
Formation Initiale Français des affaires Littérature française Littérature française
(Business french)
Expérience ± 20 ans ± 5 ans ± 30 ans
d’enseignement
Pays d’enseignement Angleterre Nouvelle-Zélande Nouvelle-Zélande
Contexte École secondaire mixte École secondaire pour École secondaire pour
d’enseignement filles garçons
Autres postes Subject Leader in N/A Tête du département de
MFL17 français

Autres langues espagnol, allemand espagnol N/A


enseignées
Tableau 3 — Présentation des enseignants interrogés

S’agissant du terrain d’enquête d’une étude qualitative, Benabdeljalil et al. nous


disent : « un terrain d’enquête qualitative oscille entre une rigueur méthodologique à
priori et une certaine souplesse, provenant du rapport au terrain » (Benabdeljalil et al.,
2009 : 76-77). La rigueur méthodologique, dans le cadre de notre recherche se manifeste
par la présence d’un entretien semi-directif dont nous détaillerons les modalités dans un
paragraphe ultérieur. La souplesse de notre est apparue au cours de recherches
préliminaires lors qu’il nous a fallu déterminer le terrain et les enseignants à interroger.
Nous souhaitons revenir sur ce dernier point dans le paragraphe suivant.

3.1.2. Le choix des enseignants à interroger

Pour mener à bien notre recherche nous avons été confronté à diverses
problématiques. D’abord, il nous a fallu, avant même la recherche d’enseignants
volontaires pour répondre à nos questions, nous interroger sur les autres sources

17
MFL : Modern Foreign Languages

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 44
d’informations. Nous avions dans un premier temps pensé faire une analyse comparée de
diverses méthodes de FLE utilisées dans les établissements britanniques et néo-zélandais.
Nous n’avons pas choisi de retenir cet aspect dans son ensemble mais de le faire en lien
plus étroit avec les entretiens, sur lesquels nous reviendrons par la suite.
Le choix opéré, s’agissant des entretiens à mener possède plusieurs origines.
Ainsi, nous avons fait le choix de solliciter notre réseau professionnel en Nouvelle-
Zélande, d’une part parce que nous connaissons le système éducatif néo-zélandais ainsi
que la place de la grammaire, d’autre part parce que c’est un système jumeau du modèle
britannique qui nous intéresse particulièrement, mais surtout, parce qu’interroger des
enseignants c’est entrer dans leur intimité professionnelle, comme le relèvent
Benabdeljalil et al., « par le terrain, il entre dans la vie de personnes qui ne l’attendent
pas mais qui acceptent de le recevoir, pour un temps limité, dans leur quotidien »
(Benabdeljalil et al., 2009 : 77).
Interroger des enseignants que nous connaissions déjà a permis d’éviter
l’appréhension et la retenue caractéristique d’une première rencontre. Toutefois, il a pu
exister une certaine connivence avec ces enseignants par le fait qu’il connaissait déjà
quelque peu leurs pratiques. C’est une information qu’il nous semble important de garder
en mémoire pour l’analyse des discours. Nous tenterons malgré tout de conserver notre
posture objective quant au traitement de ces données.

3.2. L’entretien semi-directif : un choix pertinent

Dans le cadre de notre recherche, nous avons été amenés à réaliser des entretiens
semi-directifs, si l’on reprend la définition de Blanchet & Chardenet (2011) : « l’enquête
semi-directive est constituée de questions ouvertes auxquelles l’informateur peut
répondre tout ce qu’il souhaite, de préférence lors d’un entretien » (Blanchet &
Chardenet, 2011 : 125). Ce choix s’explique par le fait que nous voulions des informations
précises sur les pratiques enseignantes sans toutefois proposer une catégorisation rigide
de ces pratiques construite à partir de nos présupposés. En effet, lors de l’élaboration d’un
canevas d’entretiens semi-directifs, Benabdeljalil et al. nous rappellent qu’ « il s’agit de
construire une trame souple de questions, qui traduit les questionnements de la
problématique et les hypothèses en questions concrètes, formulées simplement, à poser à
l’interlocuteur » (Benabdeljalil et al., 2009 : 84). Nous détaillerons l’élaboration de notre
canevas dans le paragraphe qui suit.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 45
3.2.1. L’entretien à distance ou sous-traité : vers un juste équilibre

Notre recherche possède ceci de particulier que le terrain de recherche qui nous
intéressait, et dont nous ne voulions pas nous séparer ne nous était pas directement
accessible. Il ne nous était en effet pas possible de nous déplacer, ni au Royaume-Uni, ni
en Nouvelle-Zélande (pour des raisons matérielles et financières évidentes pour une telle
recherche). Nous avons alors tenté de trouver la meilleure solution pour mener notre
recherche. Plusieurs pistes ont été étudiées, nous les détaillerons dans ce paragraphe.
Dans un premier temps nous avions pensé faire conduire nos entretiens par les
étudiants du Master PGCE18 de l’université de Worcester, avec leur accord. Des
contraintes de temps et de disponibilité ont empêché cette pratique. La possibilité de
mener des entretiens de cette manière (en sous-traitance, finalement) se justifie par la
présence des trois unités théâtrales nécessaires à la conduite d’un entretien : la
programmation temporelle, la scène et la distribution des acteurs (Blanchet & Gotman,
2010). S’agissant de la programmation temporelle, il aurait été relativement commode
pour les enseignants interviewés ainsi que pour les étudiants menant l’entretien de trouver
un moment commun pour enregistrer l’entretien rapidement. Les entretiens ayant
probablement lieu au sein de l’établissement cela aurait permis de rassurer à la fois
l’enseignant et l’étudiant, puisque dans un environnement connu et commun. Enfin,
chaque acteur aurait pu trouver sa place dans cet entretien. Pourtant, cette méthode
possède quelques désavantages. Ainsi, concernant la distribution des acteurs, Blanchet &
Gotman (2010) notent : « on fait référence à l’influence du sexe, de l’âge, de la position
sociale etc., des protagonistes dans l’entretien et leurs effets sur les représentations que
l’interviewé se fait de son rôle dans l’entretien » (Blanchet & Gotman, 2010 : 70-71). Il
est possible alors que les réponses données par les enseignants lors des entretiens soient
biaisées par la supériorité hiérarchique de l’enseignant sur l’étudiant-intervieweur qui
peut conserver même malgré lui son rôle de tuteur.
Nous avons alors choisi de mettre à profit Internet pour mener à bien nos
entretiens. Nous avons choisi de faire les faire passer grâce à un logiciel de
visioconférence (Skype) pour plusieurs raisons. D’abord, car la visioconférence permet
de pallier l’absence de scène dont nous évoquions l’existence précédemment. Grâce à la
visioconférence une nouvelle scène, neutre et fabriquée, permettait de conduire les

18
PGCE : Postgraduate Certificate in Education, diplôme préparé en 1 ou 2 ans permettant d’obtenir le
statut d’enseignant qualifié au Royaume-Uni et permettant ainsi d’enseigner dans l’enseignement primaire
et secondaire.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 46
entretiens à distance sans (trop) perdre en authenticité face à un entretien réalisé en
présentiel. De plus, l’entretien réalisé directement par le chercheur apporte de nombreux
atouts, parmi lesquels la possibilité pour le chercheur d’écouter attentivement
l’enseignant interrogé lui permettant de le relancer selon ses questions, qu’il connait
mieux que ses sous-traitants. Notons aussi que d’après Benabdeljalil et al., l’écoute joue
un rôle primordial dans l’entretien, « la qualité de son écoute reste en effet un critère
déterminant de la richesse de l’étude » (Benabdeljalil et al., 2009 : 78).

3.2.2. L’élaboration du canevas d’entretien

La difficulté principale de l’entretien semi-directif relève du travail préparatoire à


réaliser en amont : l’élaboration du canevas d’entretien (ou de la grille d’entretien). En
effet, il faut une double casquette à ce moment de la recherche : dans un premier temps,
le chercheur doit penser aux données dont il a besoin pour répondre à ses hypothèses, il
doit donc penser les questions et les relances en fonctions de ses besoins de recherche.
Dans un second temps, le chercheur doit également penser aux réponses qu’il récoltera :
en ce sens, il doit tenter de garder le plus d’objectivité dans son raisonnement et ainsi
éviter d’induire des réponses trop éloignées de la réalité, comme le soulignent Blanchet
& Chardenet (2011) : « la difficulté principale de ce type d’enquête est double :
premièrement le pré-établissement du questionnaire induit des réponses […] on
reproche souvent à ce genre d’enquête de refléter davantage les représentations à priori
du chercheur que celles de informateurs […] deuxièmement, la situation explicite et plus
ou moins formelle de l’enquête développe des attitudes et discours d’ajustement du
témoin » (Blanchet & Chardenet, 2011 : 125).
Nous avons choisi d’organiser notre entretien sous trois grandes thématiques :
« Le genre grammatical en classe », « Les recommandations et les outils disponibles » et
« La formation initiale et/ou continue s’agissant de la grammaire ». Pour chaque
enseignant, nous avons suivi le même déroulement. Comme le signalent Blanchet &
Chardenet (2011), « Ces deux types d’enquête [(semi)-directives] partagent la
caractéristique fondamentale d’être organisés, présentés et réalisés auprès des
informateurs en tant qu’enquêtes explicites » (Blanchet & Chardenet, 2011 : 124). Cette
rigueur dans la conduite des entretiens permet d’obtenir des réponses que l’on peut se
permettre de comparer entre elles.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 47
3.2.3. La constitution du corpus

Lorsque le chercheur tente de répondre à ses questionnements, il doit avant tout


s’interroger sur ce qui va lui permettre d’y répondre. Où va-t-il chercher de
l’information ? Que souhaite-t-il en faire ?
Nous voulions interroger des enseignants déjà en poste, de préférence natifs de
l’anglais afin de comprendre comment leur formation (initiale ou continue) leur
permettait d’appréhender le genre grammatical auprès des apprenants anglophones. Bien
qu’il eût été intéressant de comparer les résultats de ces enseignants avec des enseignants
francophones, nous réservons cette analyse pour un travail ultérieur. Des pistes sont à
creuser, peut-être du côté de l’acquisition de la notion de genre grammatical par les
enseignants eux-mêmes. De plus, constituer notre corpus de données exclusivement de
locuteurs d’une même langue nous permettra de mieux comprendre certaines variables
dans l’approche didactique et pédagogiques de chacun.

4. La transcription des entretiens

Mener des entretiens semi-dirigés implique, pour le traitement des données qui
suit cette étape de collecte, de retranscrire les discours tenus par l’enquêteur-chercheur et
par les enseignants enquêtés le plus fidèlement possible. Nous souhaitons revenir dans
cette partie sur les choix que nous avons opéré pour retranscrire ces entretiens. Nous
parlerons d’abord du choix de la norme de transcription, puis de la langue dans laquelle
nous avons conduit ces entretiens et ce que cela implique pour notre recherche. Nous
reviendrons enfin sur l’intérêt que présente la transcription d’un entretien pour notre
recherche.

4.1. Normes de transcription

Afin de retranscrire le discours des enseignants interrogés de la meilleure des


manières, nous avons fait le choix d’utiliser une norme de transcription inspirée de la
convention ICOR dans sa version de 2013. Les caractéristiques de cette norme sont
présentes en annexes de ce travail. La norme de transcription permet de rendre compte à
la fois du verbal, mais également du para-verbal grâce à la transcription des pauses, des
rires et des hésitations. Du fait de l’absence de support vidéo lors de nos entretiens, nous

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 48
n’avons pas pu retranscrire les éléments non verbaux tels que les regards et autres signes
cinétiques courants lors d’un échange.

4.2. Langue des entretiens

Nous avons fait le choix de conduire les entretiens en anglais, mais ce n’est pas
une décision que nous avons prise dès le début de notre recherche. Nous revenons ici sur
les raisons qui ont motivé cette position, ainsi que les questions qu’elle continue de
soulever.

4.2.1. Choix de la langue d’entretien : pour une compréhension optimale

Dans un premier temps nous pensions conduire nos entretiens en français. Nous
avons rapidement fait le choix de changer de stratégie et de les mener en anglais, langue
maternelle des enseignants interrogés. Ce choix s’explique par notre besoin de recueillir,
lors de ces entretiens, le plus d’informations possibles concernant les pratiques et les
représentations des enseignants s’agissant du genre grammatical. Bien qu’ils enseignent
le français, ce retour personnel et réflexif sur leur enseignement peut parfois être difficile
à faire lors d’un entretien, d’autant plus avec un enquêteur dont la langue maternelle est
le français. De plus, les enseignants avaient ainsi la possibilité de développer plus en
détail leurs pratiques et représentations sans risquer l’incompréhension. La difficulté était
alors décalée de l’incompréhension des deux participants vers la compréhension, a
posteriori, du discours de l’enseignant interrogé par le chercheur dont l’anglais n’est pas
la langue maternelle. C’est ce que nous abordons dans le paragraphe qui suit.

4.2.2. De l’entretien à la transcription : conserver le discours de l’enquêté

Nous venons de le voir, les entretiens ont été menés dans la langue maternelle
des enseignants interrogés et non dans la langue maternelle de l’enquêteur. Ce choix se
justifie de plusieurs manières comme nous avons commencé à l’aborder précédemment.
En effet, il était plus facile pour les enseignants de verbaliser de manière plus précise sur
leurs pratiques de classes dans leur langue maternelle, l’anglais. Nous avons choisi de
mettre en annexe de notre travail les transcriptions originales (en anglais) des entretiens ;
tandis que lorsque nous analysons certains tours de parole pour répondre à nos questions,
nous avons choisi de les traduire en tentant de rester le plus proche du discours des
enseignants. Notre expérience et notre expertise en anglais nous a permis de transposer
ces discours en anglais vers des analyses en français.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 49
Nous détaillerons dans la suite de cette partie sur le recueil de données l’intérêt
que revêt le passage par la transcription d’un entretien lors d’une recherche telle que la
nôtre.

4.3. L’intérêt de la transcription

La plupart des recherches font appel à la transcription d’un document sonore


(qu’il s’agisse d’un entretien, d’une captation d’interactions de classes, ou autres). Notre
recherche ne déroge pas à cette règle. Nous expliquerons dans les paragraphes suivants
l’intérêt que relève le travail de transcription dans la collecte et l’analyse des données.
Pourtant, il est important de noter que la transcription est à utiliser et à analyser avec
précaution car d’après Cicurel dans Blanchet & Chardenet (2011), « la transcription reste
une image de l’oral, aussi fidèle que possible mais intrinsèquement imparfaite » (Cicurel,
dans Blanchet & Chardenet, 2011 : 325). La transcription, dans notre cas, est l’image que
nous nous faisons des représentations et des pratiques que les enseignants veulent bien
(consciemment ou non) partager avec nous. Il y a donc une triple précaution à prendre
lors de l’analyse : la compréhension de la langue, la pertinence du discours émis, et la
pertinence du discours compris.
Avant toute chose, nous souhaitons porter à l’attention du lecteur que bien que
les entretiens 1 et 2 aient été réalisés à l’oral via Skype et en direct, pour des raisons de
commodités et de disponibilités, l’entretien 3 a été réalisé sous un format écrit. De fait,
nos analyses ne pourront porter sur les silences, hésitations, reformulations des entretiens
1 et 2 mais seulement sur le contenu des discours. Les réponses données par l’enquêté 3,
complètes et fournies, nous autorisent à garder cet entretien pour notre corpus d’analyse.

4.3.1. Un travail de pré-analyse

Bien qu’il s’agisse d’une étape fastidieuse dans la création et la préparation des
données à analyser lors d’une recherche, la transcription nous semble impossible à éviter
pour le chercheur, pour plusieurs raisons. D’abord cela permet au chercheur de se rendre
compte s’il a bien compris son interlocuteur. Cela lui permet également de vérifier que
ses propres interventions durant l’entretien ont eu l’effet désiré, lui délivrant un retour et
si besoin des pistes d’améliorations pour les entretiens futurs.
Mais pour le chercheur, c’est également l’occasion de commencer une pré-
analyse de ses données. Pendant le travail de transcription nous avons ainsi pu commencer
à relever certains points intéressants pour notre recherche. Le vocabulaire utilisé, les

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 50
moments d’hésitations, les points les plus développés sont autant d’informations qui
permettent au chercheur de comprendre plus en détail la pensée de la personne interrogée.

4.3.2. Une analyse simplifiée mais plus complète du discours

L’analyse que nous menons de nos entretiens tente d’être le plus proche possible
des discours qu’elle traite. C’est pourquoi nous avons choisi de procéder à une analyse
par étape du corpus de données. Dans un premier temps, nous observerons et comparerons
les discours (représentations et pratiques) des enseignants. Dans un second temps nous
analyserons les discours des enseignants indépendamment dans un premier temps afin
d’avoir une vision d’ensemble de leurs représentations et de leurs pratiques, puis nous
comparerons ces discours afin de construire une réponse à notre problématique, de valider
ou non nos hypothèses. Nous souhaitons pour cela expliquer le choix de cette double
analyse dans les points suivants.

4.3.2.1. Comparaison globale des entretiens


Cette première phase d’analyse permet de préparer l’analyse intrinsèque du
corpus qui suivra. La comparaison des discours, grâce au panel d’enseignants, nous
permettra d’avoir un aperçu global de l’enseignement du genre grammatical en classe et
des grands courants de pratiques s’il y en a. Cela permettra également d’obtenir des
informations générales plus proches de la réalité en recoupant les informations distillées
par les enseignants. Enfin, cette comparaison nous autorisera la création d’un modèle sur
lequel nous baserons notre analyse des pratiques et des représentations de chaque
enseignant.

4.3.2.2. Analyse des pratiques et des représentations


Comme l’indique Combessie (2003), les données « doivent, de ce fait, être
comparables entre elles et pouvoir être soumises à un traitement systématique »
(Combessie, 2003 :62-63). C’est ce que la première partie de notre analyse se propose de
résoudre. Dans cette seconde partie d’analyse, nous disposerons alors d’une grille
commune permettant d’analyser chaque discours enseignant. Nous utiliserons pour cela
l’analyse de contenu telle que développée par Combessie (2003), à savoir l’extraction,
l’identification puis le classement. La phase d’extraction est nécessaire pour ne retenir du
discours que ce qui nous intéresse dans le cas de notre étude. Une fois cette extraction
effectuée, il s’agira d’identifier les thèmes et sous-thèmes qui nous intéressent grâce à

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 51
certains mots-clés. Enfin, nous procéderons à un classement de ces thèmes en fonction
des mots-clés. Nous pourrons alors comparer des aspects plus précis des discours de
chaque enseignant.

5. Précautions d’étude

Notre recherche ne se veut pas généralisatrice ni prescriptrice. En effet, la taille


de notre échantillon ne permet pas d’apporter une réponse universelle à la problématique.
En ce sens, s’agissant des études qualitatives, Dépelteau (2000) précise que « l’analyse
de données qualitatives est souvent moins rigoureuse que l’analyse qualitative »
(Dépelteau, 2000 : 375), ajoutant également que « l’analyse qualitative est plus subjective
que l’analyse quantitative » (ibid.). Cela s’explique par la manière de traiter les données :
les statistiques amenées par les études quantitatives sont moins sujettes à l’appréciation
du chercheur qui ne pourra que constater les résultats chiffrés, même si une part de
subjectivité dans le rapport aux données peut apparaitre. Dans le cas d’une analyse
qualitative, c’est le contenu du discours qui est analysé, l’enquêteur pouvant donc porter
un jugement sur celui-ci.
Nous tentons toutefois dans notre recherche, dans le cas des trois personnes
interrogées, de conserver le plus d’objectivité possible face à leurs réponses afin d’obtenir
une réponse à notre problématique par la validation ou la falsification de nos hypothèses.

dc

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 52
PARTIE III — ANALYSES ET RECOMMANDATIONS DIDACTIQUES

1. La formation enseignante

1.1. La formation initiale des enseignants répond-elle aux attentes ?

L’une des raisons que nous avons pu mettre en avant lors de la définition de
notre recherche et de sa problématique se trouve du côté des processus d’apprentissages
pouvant différer entre le francophone natif et l’anglophone. Nous souhaitions également
comprendre s’il n’y avait pas des différences dans la pratique enseignante. Nous l’avons
évoqué plus haut, nous n’avons malheureusement pas pu interroger des enseignants
francophones travaillant dans un contexte anglophone. Nous pouvons tout de même
déduire un certain nombre de remarques concernant la formation initiale de chacun des
types d’enseignant, étant nous-même de formation en didactique du FLE.

1.1.1. Le cas des enseignants natifs du français

Nous partirons du fait, comme sous-entendu dans l’hypothèse principale, que les
enseignants natifs du français disposent d’une connaissance épilinguistique concernant le
genre grammatical leur octroyant une maitrise (quasi-)parfaite du genre grammatical
(nous n’évoquons pas ici ses compétences didactiques ou pédagogiques mais simplement
de la maitrise de la notion à titre personnel). Ils ne semblent donc pas avoir besoin, dans
leur formation initiale, d’une « mise à niveau » afin de maitriser tous les savoirs savants
relatifs à l’attribution du genre grammatical en français. On peut toutefois noter qu’il
pourrait être intéressant de s’interroger sur la nécessité de leur fournir des outils leur
permettant de verbaliser/extérioriser ces savoirs ainsi que les didactiser pour pouvoir les
transmettre de manière efficace aux apprenants non natifs. Notre recherche ne permet pas
de répondre à cette question, mais elle permet d’aller plus loin s’agissant des enseignants
non natifs du français, comme nous le développons dans le paragraphe suivant.

A contrario, les enseignants non natifs du français ne disposent pas de


connaissances épilinguistiques concernant le genre grammatical, ou tout du moins, ils
n’en ont pas une maitrise aussi précise que les enseignants natifs du français. Nous
développerons dans ce paragraphe, en analysant les discours tenus par les enseignants
que nous avons interrogé, si la formation initiale de ces derniers permet, grâce à
l’acquisition de connaissances métalinguistiques, une maitrise équivalente du genre

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 53
grammatical, et si elle autorise un parallèle entre les pratiques des uns et des autres. Nous
nous intéresserons dans un premier temps aux enseignants ayant suivi un parcours FLE
(le cas des enquêtés 2 et 3) et de l’enseignante n’ayant pas un parcours FLE (enquêté 1)
afin de comparer les deux formations sur le plan du genre grammatical.

1.1.2. La formation initiale des enseignants ayant un parcours FLE

Les enquêtés 2 et 3 ont ainsi suivi un parcours FLE afin d’enseigner le français.
Le genre grammatical est-il étudié de manière précise dans la formation en FLE des futurs
enseignants anglophones ? C’est ce que nous avons voulu savoir. Dans le cas de l’enquêté
3 (SH), ce dernier nous dit :
« In the course of learning French and teacher training I can’t remember ever having
had any specific content related to gender, apart from the overall subject of correction of
student work, how to achieve accuracy in general » SH-68_70
A l’instar de la formation en FLE pour des francophones, donc, SH nous dit ne
pas avoir eu de cours de grammaire spécifiquement sur le genre grammatical. Il précise
toutefois y avoir été confronté par la correction de travaux d’étudiants. Les propos de SH
sont appuyés par l’expérience de DT, qui précise toutefois :
« when i was learning it was all grammar grammar grammar grammar and then (inaud.)
when i was at university it became very uncool » DT-28
Bien que n’ayant pas été confrontée au genre grammatical en tant que tel, DT
précise que l’enseignement qu’elle a reçu lorsqu’elle apprenait le français (au collège et
au lycée) était très centré sur la grammaire. On peut donc en déduire que l’enseignement
des règles grammaticales était de mise. Un changement a eu lieu quand elle est entrée à
l’université où l’accent a principalement été mis sur la compétence de communication.
DT avoue d’ailleurs que l’enseignement pour la communication lui parait aujourd’hui
bien plus pertinent :
« i was so grammar focused when i was young (inaud.) i think it’s a terrible way of doing
it » DT-28
DT ajoute d’ailleurs un peu plus tard dans l’interview que l’enseignement quasi
exclusivement centré sur la grammaire ne lui avait pas été d’un grand secours lors d’un
voyage en France :
« i learned like that and that turned out to be useless because of course when i went to
france i couldn’t speak a word and i ended up uncomfortable speaking » DT-28

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 54
DT revient ensuite sur la manière d’aborder la langue à l’université, précisant
ainsi comment cette compétence de communication était travaillée :
« by that time it was more about communication university was moving on to (inaud.) it
was more about watching news broadcasts and quite a bit of dictation but not gender
(inaud.) in two thousand and eight or nine/ » DT-32
Nous pouvons alors conclure, s’agissant de la formation initiale des enseignants
ayant suivi un parcours FLE que le genre, même s’il peut être travaillé dans le cadre
d’exercices de correction comme dans le cas de SH, ne possède pas un poids important
dans ce contexte. Outre les règles que ces enseignants possèdent par leur acquisition
scolaire et universitaire du français (que nous pouvons rapprocher d’une grammaire
d’apprenant), leur expertise ne se manifeste que par leur propre intérêt pour la notion de
genre grammatical pour laquelle ils pourront plus ou moins faire des recherches. Existe-
t-il alors une différence avec les enseignants non issus d’un parcours FLE ? C’est ce que
nous analyserons grâce à l’entretien avec HJB.

1.1.3. La formation initiale des enseignants non issus du FLE

Dans le premier entretien, l’enseignante nous fait la remarque suivante, après


que nous lui avons demandé si elle avait reçu des cours concernant le genre grammatical :
« but there are i don’t remember having langua- grammatical language lessons at
university but i did a business language degree (.) so it might be that if you took a french
degree i did a business language degree with french or business french degree and if you
took a french degree as a literature and language degree maybe it would have been
different for someone who did that style of course i don’t know » HJB-30
On apprend donc ici que cette enseignante n’a pas préparé une licence en
français ce qui, selon elle, pourrait être une des raisons pour lesquelles elle n’a pas
bénéficié de cours spécifiques de grammaire sur la notion de genre grammatical en
français.
HJB semble s’interroger alors sur le contenu de la formation en FLE. Peut-être
cela pourrait-il effectivement être un « manque » de sa formation pour laquelle elle
n’aurait alors pas eu d’information comparé à des enseignants issus du FLE ? Les
réponses de DT et SH disent le contraire. Comme nous l’avons vu avec DT et SH, eux
non plus n’ont pas bénéficié d’un enseignement (tout du moins explicite) du genre
grammatical, si ce n’est par la confrontation avec des travaux erronés d’étudiants.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 55
Par conséquent, ni les enseignants natifs du français, ni les enseignants non natifs
du français, qu’ils aient suivi un programme FLE ou pas ne semblent armés lorsqu’il
s’agit d’enseigner le genre grammatical à des apprenants. Précisons d’ailleurs, pour
reprendre les propos de HJB :
« and it’s very difficult especially when you’re a new teacher to have even an idea at
where to start and for a native speaker as well it’s difficult to know what the students are
going to find difficult because you didn’t find that difficult yourself so yeah it’s tough it’s
really hard » HJB-38
HJB relève ici à la fois le problème des enseignants francophones natifs, qui ne
perçoivent pas nécessairement les difficultés des apprenants anglophones, puisqu’eux-
mêmes ne les ont pas vécues, tandis que les enseignants anglophones de leur côté sont
noyés dans la complexité du travail et ne savent pas par où commencer. Du point de vue
de la formation initiale, chaque contexte (enseignant natif du français ou non) fait face à
des difficultés. Cela vient confirmer l’idée que, d’un côté, les enseignants natifs du
français disposent de connaissances épilinguistiques sur le genre grammatical et qu’ils se
retrouvent désarmés lorsqu’ils doivent expliquer les règles de fonctionnement du genre
grammatical des substantifs français et de son attribution ; et d’un autre côté que les
enseignants non natifs du français sont confrontés à la multitude de règles (et donc de
connaissances métalinguisitques) à maîtriser et parfois à transmettre pour l’utilisation du
genre grammatical.
Nous aborderons dans le point suivant divers aspects de la formation continue
des enseignants pour essayer de mettre en lumière des pratiques qui nous paraissent
intéressantes pour parfaire son enseignement et plus spécifiquement la maîtrise du genre
grammatical et de sa transmission aux apprenants par les enseignants non natifs du
français.

1.2. La formation continue : une évolution des pratiques

Les enseignants, comme dans bien d’autres domaines sont en formation


constante. Nous l’avons évoqué en première partie de ce travail, les curriculums (en
Angleterre et en Nouvelle-Zélande) ont évolué ces dernières années. La fluctuation de la
place de la grammaire accordée par ces derniers a irrémédiablement eu un impact sur les
pratiques enseignantes. Nous nous intéressons ici à ces évolutions et à la manière dont les
enseignants accueillent ces modifications. Nous verrons dans un premier temps ces
Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —
Représentations d’enseignants anglophones 56
évolutions de pratiques, puis nous ferons un point sur une conséquence de la structure
même des curriculums, à savoir l’importance, pour les enseignants, de partager et
d’échanger ensemble sur les notions et les approches.

1.2.1. Évolution des pratiques pédagogiques

Parmi les enseignants ayant répondu à nos sollicitations, comme nous les avons
présentés en partie deux, trois générations sont ici représentées. DT est une relativement
jeune enseignante avec six années d’enseignement, HJB enseigne depuis déjà vingt ans
et SH arrive au terme de sa carrière enseignante. Nous avons donc dans ce corpus un
panorama large de l’évolution de l’enseignement en contexte anglophone, bien qu’il ne
faille surtout pas généraliser ces discours. Tous ont eu des informations pertinentes
s’agissant de leurs pratiques de classes personnelles.

Quand HJB a commencé à enseigner (il y a une vingtaine d’années) la


grammaire occupait une place prépondérante dans l’enseignement, comme on peut le lire
ici :
« when i first started teaching grammar was (.) very popular and we taught grammar
specifically from grammatical exercises (.) so we would learn le la les and then we would
do (.) a whole range of exercises practicing nouns about rules » HJB-10
La grammaire était alors enseignée de manière explicite, grâce, semble-t-il à des
exercices structuraux permettant une automatisation des savoirs. HJB ne fait pas mention
de métalangage (ou d’une catégorisation masculin/féminin) mais on peut imaginer que
c’est de cette manière que la distinction s’opérait. HJB a plus tard effectué un changement
radical dans son enseignement en décentrant l’attention portée à la grammaire à
proprement parler, comme elle l’explique :
« what we tend to do now is instead of (.) grammar exercise after grammar exercise that’s
written format we do quizzes, games activities that practice a grammar rule orally first
in competition with a partner » HJB-10
D’exercices structuraux, très frontaux dans l’enseignement d’une notion de
grammaire, HJB est passée à un enseignement plus ludique (grâce aux quizz). Mais le
plus gros changement se trouve selon nous dans la manière de travailler la notion
grammaticale. D’un contexte d’exercices individuels écrits, l’enseignante préfère
maintenant passer un certain temps à l’oral et en binôme. Ce genre d’activités permet

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 57
d’aborder la notion grammaticale avec plus de recul, et surtout, de la contextualiser dans
une situation de communication concrète. Elle rejoint de ce point de vue les
recommandations faites par Aguerre (2018) et Lyster (2010).
De son côté, ST a également opéré un changement important dans ses pratiques,
très tôt dans sa carrière. Notons principalement :
« when I began teaching I adopted the method I had learnt by of placing masculine and
feminine nouns in different columns. I soon abandoned this and have not adopted any
colour-coding » SH-58_60
ST adopte une posture claire quant à la catégorisation en deux colonnes
masculin/féminin lorsqu’il s’agit de définir le genre grammatical des substantifs. Il
précisé également qu’il a choisi de ne pas adopter de code-couleur (quelles que soient les
couleurs) pour aider à l’acquisition de la notion, même s’il note :
« although I can see this could be helpful » SH-60
Cette précision est pour nous d’une importance capitale. Même s’il comprend
que le code-couleur ou la création d’un tableau à deux colonnes peut représenter une aide
à la compréhension et à l’appropriation de la notion pour les apprenants, il s’est toujours
refusé à utiliser ce genre d’outils. À la place, il procède à ce qui s’apparente à des
exercices structuraux, tout en adoptant une méthode moins individuelle :
« Typically when introducing adjectives and agreement I would display a board/screen
with a word pool containing jumbled adjective forms with all possible endings and then
read sentences or get a student to the board to indicate his/her choice and keep up this
process until understanding is demonstrated » SH-61_64
La grammaire semble donc toujours être un aspect important de l’enseignement
d’après SH, qui tente de « faire passer la pilule » en rendant les exercices interactifs.
L’utilisation du tableau et des adjectifs en désordre (jumbled adjective forms). On peut
aussi remarquer l’importance de l’erreur dans ce processus. En effet, les erreurs sont ici
utilisées pour jauger de la compréhension de la notion. L’enseignant se sert de ces erreurs
comme d’un feedback pour déterminer quand/si la notion est comprise par la classe (ou
tout au moins par l’apprenant au tableau au moment t).
De son côté, DT avoue elle aussi que sa pratique de classe a changé depuis
qu’elle a commencé à enseigner. Elle relève ainsi :

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 58
« yes my method has changed a lot euh i started off teaching quite traditionally i think
with a very grammatically grammar focused then i met XX and i stopped doing that »
DT-26
Bien qu’elle soit plus novice que HJB et ST, DT précise qu’elle a, elle aussi,
commencé par un enseignement très traditionnel basé sur la grammaire (et les exercices
structuraux). Pourtant, elle a rapidement changé sa méthode. En fait, elle a changé sa
pratique de classe après avoir rencontré et échangé avec un autre enseignant de français,
comme elle le souligne elle-même. En revanche, depuis ce virage soudain, sa méthode ne
semble pas avoir évolué, comme elle le remarque :
« my method since probably two thousand and (.) i’d say two thousand and thirteen has
pretty much remained the same so i’ve been teaching six years i did one year of more
traditional and then totally changed ((rires)) » DT-26
L’évolution des pratiques semble être là encore multifactorielle. Il y a d’abord
les changements dans les programmes nationaux et les curriculums ministériels, comme
l’ont évoqué HJB et SH, mais la rencontre et l’échange avec les pairs permet aussi de
faire évoluer sa pratique de classe. Nous souhaitons à ce sujet revenir sur quelque chose
dont certains enseignants nous ont fait part, à savoir le partage de ressources (activités,
exercices, connaissances, etc.).

1.2.2. De l’importance du partage des ressources

Un enseignant n’est généralement pas seul dans la structure dans laquelle il


enseigne. Il l’est encore moins depuis le développement d’internet et des TICE. En effet,
DT et HJB nous ont parlé de l’importance du partage de ressources entre enseignants.
Toutefois, lorsque nous en avons parlé avec DT, cette dernière s’est montrée plus réservée
à ce sujet :
« euh they have a french teachers euh memberships (inaud.) and that’s people pool
resource and it’s phenomenal i don’t like it because i don’t like the way they teach
((rires)) but for people who teach similarly it’s a wonderful wonderful thing » DT-42
DT ne semble pas être en accord avec les pratiques des enseignants qui partagent
leurs ressources sur les espaces dédiés, mais elle reconnait leur utilité et leur intérêt pour
les enseignants qui se reconnaissent dans les pratiques des personnes postant ces
ressources. Remarquons cependant que DT utilise de son côté un certain nombre de
ressources en ligne :

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 59
« but me i usually use le point du f- de fle or du fle som- something like that which is a
website (inaud.) and i prefer that because there are so many resources (inaud.) » DT-42
Outre l’importance pour les jeunes enseignants de se rapprocher de leurs pairs
expérimentés et des réseaux de partage de ressources, HJB soulève l’importance des
méthodes de FLE disponibles dans les établissements. Elle les considère comme des
ressources en début de carrière :
« textbooks are very valuable when you- you first starting out as a teacher because it
gives you lots of ideas on how to explain complex grammatical topics quite simply » HJB-
48
Selon HJB, ces livres permettraient, pour les enseignants non natifs du français
d’avoir un rappel du fonctionnement de certaines notions parfois complexes. HJB
concède qu’un enseignant débutant peut ne pas avoir toutes les connaissances
métalinguistiques (qu’ils soient natifs du français ou non) s’agissant de certains aspects
de la langue.
Concernant le partage de ressources, HJB en relève quelques pistes ci-dessous :
« we have facebook groups and euh (.) there is a newspaper called the times in the u k
and they have an educational section and we can put messages and resources and share
things there » HJB-38
Au-delà des sites institutionnels, il existe des groupes d’enseignants sur lesquels
il est possible d’échanger sur ses pratiques, ses doutes, ses questions et de partager
certaines ressources. Ces groupes ont tendance à se généraliser, en Angleterre mais
également en France. Ils sont une mine d’informations pour les enseignants qui débutent
et sont à la recherche de repères pédagogiques et didactiques.

Nous avons pu observer, grâce aux réponses des enseignants que la formation
continue (qu’elle soit formelle ou non) a généralement permis une adaptation des
enseignants à leur contexte d’enseignement. S’agissant des enseignants anglophones,
leurs connaissances métalinguistiques, de leur avis personnel, se trouve parfois
insuffisante malgré leur formation. Nous reviendrons dans le point suivant plus en détail
sur notre première hypothèse et en quoi notre recherche a permis de la confronter.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 60
1.3. Retour sur la première hypothèse

Toutes ces informations nous permettent d’avoir un regard plus éclairé sur notre
première hypothèse, qui était la suivante :
H1 : Les enseignants non natifs ne disposent pas d’une formation initiale leur permettant
d’appréhender le genre grammatical avec efficacité quand, a contrario les enseignants
natifs ne disposent pas de connaissances métalinguistiques sur le genre grammatical.
Cette hypothèse tire son origine du fait que nous imaginions nécessaire pour les
enseignants non natifs du français de bénéficier d’une formation plus approfondie que
leur apprentissage scolaire du genre grammatical en classe pour complètement maîtriser
la notion. Nous pensions également que les enseignants francophones pouvaient parfois
être perdus face à l’incompréhension d’apprenants face à une notion qu’ils n’étaient pas
en mesure de verbaliser suffisamment clairement pour ces apprenants. Comme nous
l’avons formulé en début de partie deux, la deuxième moitié de l’hypothèse n’a pas pu
être confronté durant cette recherche, du fait de l’absence d’enseignants de FLE natifs du
français dans notre échantillon. Une nouvelle recherche pourra s’attacher à cet aspect de
l’hypothèse.
S’agissant de la première partie de l’hypothèse, comme nous le pensions, les
enseignants non natifs ne disposent pas, dans leur cursus de formation initiale (de
coloration FLE ou non), d’une approche significative, d’un point de vue de la
« grammaire enseignante », du genre grammatical. Il n’en reste pas moins qu’ils sont tout
à fait capables d’enseigner le genre grammatical à des apprenants. Ils disposent d’outils
et des connaissances nécessaires pour dispenser un enseignement complet.
Nous avons pu avoir un aperçu de ces connaissances au travers de l’explication
de HJB concernant le genre des noms qu’elle donne à ses apprenants :
« if they are more able students then we tend to work on the basis that ninety percent of
the french nouns that end in e are feminine so and some words like natation those kinds
of words or feminine so they learn rules of groups of names that generally have a certain
gender and that helps them to make less mistakes » HJB-20
Notons cependant que, bien que cette règle soit utilisée par la plupart des
enseignants, elle n’est en fait exacte. Comme l’a souligné Catach (voir notre paragraphe
2.2.3.1. Le « -e » final est-il réellement un marqueur du féminin ?), c’est en fait l’absence
de -e final qui est généralement marqueur du masculin, et non sa présence qui marque le
féminin.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 61
Pourtant, les enseignants interrogés avouent parfois manquer de ressources
pertinentes ou en accord avec leur pratique tout en ne sachant pas comment proposer une
approche nouvelle. Nous voulions revenir à ce sujet sur un moment de l’interview de DT
dans lequel elle annonce :
« it’s very difficult and i find this as well (.) euh in french to think ahead of what you’re
saying so you know you might (inaud.) want to say passeport but you’ve got this sort of
you know (…) in french you really must think ahead and then you come back and you
have to make a choice between just taking (.) sort of the first euh you know un or une or
le la or whatever that pops into your head and then go back to it » DT-14
La détermination des substantifs semble représenter un frein d’après DT pour une
production orale fluide même à son niveau. Même si sa maîtrise du genre grammatical
est excellente, elle émet toutefois des réserves quant au fait de pouvoir l’utiliser avec
autant de facilités qu’un locuteur francophone natif. Toutefois, notre recherche ne nous
permet pas, selon nous, de valider l’hypothèse dans cette forme. La formation initiale et
continue des enseignants non francophones natifs n’est pas une raison de la difficulté
d’enseignement-apprentissage du genre grammatical par les apprenants anglophones.

2. L’enseignement du genre grammatical, un détail ?

Au vu de la falsification de la première hypothèse, nous nous interrogeons


maintenant sur la place occupée par la grammaire en classe, et plus spécifiquement à la
place qu’occupe le genre grammatical dans les classes des enseignants que nous avons
interviewé. Nous nous sommes posé la question, si la confusion entre genre « naturel »
et genre « grammatical » était fréquente et si elle pouvait ralentir l’acquisition de la
notion. Nous revenons dans ce point sur les représentations des enseignants à ce sujet. Au
travers des discours des enseignants, nous tenterons de définir la place qui est celle du
genre grammatical et reviendrons sur notre deuxième hypothèse.

2.1. La place laissée au genre grammatical en classe

2.1.1. La présentation de la notion en classe

Afin de visualiser la place faite au genre grammatical dans les classes de nos
enseignants interrogés, nous leur avons demandé comment ils abordaient la notion. Nous

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 62
voulions aussi savoir s’ils parvenaient à faire remarquer la distinction et la non-
corrélation (pour les inanimés) entre genre et sexe.
Sur ce premier point, SH s’est montré relativement expansif. Sa pratique de
classe, bien que tournée vers la compétence de communication laisse une place
importante à la grammaire. Il précise notamment comment il aborde le genre, et comment
il parvient à induire la distinction entre genre et sexe :
« I demonstrate the phenomenon by indicating objects using the appropriate indefinite
article and giving the students plenty of sentences to listen to first. I then ask students to
deduce a « rule » from what they have heard i.e. before which words did they hear
« un « and which « une ». When they realise that there is no rule based on the actual
characteristics of the object, I then give a brief explanation of the notion of gender,
making the distinction between sex and gender » SH-6_11
En d’autres termes, SH procède d’abord à un input important donnant aux
apprenants de nombreux exemples de phrases desquels les apprenants tentent de déduire
une proto-règle. En définissant son fonctionnement, les apprenants se rendent ainsi
compte que les caractéristiques d’un objet n’ont pas d’incidence sur l’attribution du genre
grammatical. SH revient rapidement après cela sur l’importance de la distinction entre
genre (grammatical) et sexe. Les apprenants ont alors toutes les clés pour ne pas les
confondre. La quantité d’input est d’ailleurs un facteur important selon SH quant à la
compréhension pérenne du fonctionnement du genre, comme il le précise plus tard :
« The intention throughout this exercise is to make the students hear as many times as
possible the correct use of gender » SH-12_14
SH remarque cependant que l’enseignement du genre grammatical ne doit pas
se faire de manière frontale et explicite, comme il l’explique dans les deux extraits
suivants :
« In my experience, the teaching of grammatical gender and agreement does not need to
be explicit (apart from a few short sessions which may be necessary to to give a brief
explanation of the phenomenon to speakers of English unfamiliar with it » SH-112_113
.. /..
« the intention is to focus their attention on the goal of communication without needing,
in the process, to focus specifically on gender » SH-15_16
Le genre grammatical est abordé dans le cadre du développement de la
compétence de communication et ne doit donc pas être au centre de la leçon ou d l’unité

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 63
abordée. SH ne minimise cependant pas le poids de la difficulté que représente la maîtrise
du genre grammatical. C’est d’ailleurs pour cela qu’il préconise une explication (au
moment opportun) de la notion :
« Grammatical gender is clearly a challenge and a source of much error particularly for
Anglo-saxon learners and as such will require a measure of explanation » SH-38_39
HJB possède une méthode relativement similaire à SH en ce sens que le genre
grammatical est présenté avec un input important, quelle que soit la manière. HJB
explique d’ailleurs que depuis qu’elle a commencé à enseigner, sa méthode a beaucoup
changé. Alors qu’auparavant elle présentait dix animaux avec la structure j’ai/je n’ai pas,
elle se focalise maintenant beaucoup plus sur les différentes formes verbales (présent,
passé, conditionnel, etc.) avec un nombre restreint d’animaux :
« so previously i would have taught a student j’ai and ten animals and then je n’ai pas
and the same animals whereas now i would teach them j’ai je n’ai pas de j’aurais and
j’avais and then teach them two to three maybe animals because nouns are things that
they can find very easily in the dictionary » HJB-10
Ce changement ne change pas nécessairement l’input et le genre grammatical et
son fonctionnement peuvent alors être étudiés et repérés tout aussi facilement. Nous
avons d’ailleurs interrogé les enseignants sur la manière de présenter (à l’écrit, tout au
moins) un nom nouveau. D’expérience, nous avons vu des enseignants poser les noms
uniquement au tableau, d’autres utiliser les articles définis/indéfinis, et certains autres
utiliser les abréviations que l’on retrouve dans le dictionnaire, à savoir n.m. pour un nom
masculin et n.f. pour un nom féminin. À ce sujet, tous les enseignants nous ont dit préférer
l’utilisation des articles (définis ou indéfinis). HJB propose une justification pertinente
pour ce choix :
« no definitely le or la » HJB-12
.. /..
« i don’t think i’ve ever taught the m in brackets and the f in brackets because you don’t
hear then in your head i think it’s important that they know when they say something that
sounds wrong if they make mistakes » HJB-18
L’inconvénient, selon HJB de l’utilisation des abréviations relève du fait que,
oralement, ce n’est pas un indicateur de genre. L’abstraction nécessaire pour associer
cette abréviation à une production correcte d’un ensemble article + nom dépasse la
quantité de ressources dont l’apprenant a besoin pour concrétiser ce savoir. HJB ne nous

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 64
a cependant pas précisé si elle présentait cette abréviation et sa signification aux
apprenants, d’autant plus qu’elle leur propose d’aller chercher de nouveaux substantifs
dans les dictionnaires, plus facile à trouver que les formes verbales conjuguées.
Le genre grammatical est finalement toujours en filigrane de l’apprentissage. Il
peut d’ailleurs se révéler être une tâche insurmontable pour les apprenants qui se
retrouvent débordés par un fonctionnement qui ne suit pas leur logique de locuteur
anglophone. Nous souhaiterions développer brièvement dans un point suivant comment
certains enseignants rendent cet apprentissage « nécessaire » pour leurs apprenants.

2.1.2. L’importance accordée au genre grammatical en général

Nous allons, pour exemplifier ce point, nous intéresser à une justification de DT


concernant l’importance du genre grammatical dans l’apprentissage de la langue
française. Pour dédramatiser le genre grammatical et lui donner une certaine portée dans
l’acte de communication, DT nous dit :
« for me it is important because you know it it it’s very difficult but something that they
need to persist with (inaud.) you go over to france you’re looking for a boyfriend or
girlfriend and (inaud.) if you sound like an idiot you’re not going to get one » DT-44
En faisant du genre grammatical un pilier dans la communication pour « ne pas
passer pour un idiot », DT donne une raison à l’apprentissage de la notion, la retire de
son abstraction pour lui donner une dimension communicationnelle forte. Nous
reviendrons dans le point 4.2. Recommandations didactiques sur les implications que
cette attitude peut avoir sur l’apprentissage d’une notion aussi abstraite.
Quelle que soit la méthode, les enseignants tentent toujours de rendre le genre
grammatical le plus réel possible. En ce sens, HJB ne s’attardera que sur les mots qui, en
changeant de genre changent de sens (même s’ils sont peu nombreux). Elle explique
ainsi :
« we tend to then only teach the words that have dual gender so that they know the
difference for us for example le livre and la livre it’s important because we need to teach
them how to say a pound in english as well as a book so those sorts of words we would
teach them the difference but usually i would say it’s not a big deal » HJB-20
Pour les autres noms communs, le genre grammatical ne revêt pas, pour HJB un
caractère important. Elle vient d’ailleurs à l’opposé de ce que dit DT au tour de parole 44
(voir ci-dessus) en précisant que ce n’est pas très grave, et en ajoutant :

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 65
« they don’t have trouble attributing gender they just don’t always understand why it’s
necessary euh if i have a very weak student i might say if you make a mistake it doesn’t
really matter because a french person will still understand if you say le glace instead of
la glace they will understand what you’re asking for » HJB-20
Ces deux positions nous amènent à nous poser la question de l’importance à
accorder au genre grammatical. Qu’il s’agisse d’un point de grammaire important ou non,
il est intéressant de se demander à partir de quel moment le fait de ne pas savoir le
maîtriser porte préjudice au locuteur. Nous développerons ce point dans le paragraphe
4.1. « Le genre grammatical et moi ».
Nous voudrions à présent revenir sur la distinction genre/sexe (que nous avons
présentée brièvement en première partie de ce travail) avant d’effectuer un retour sur
notre deuxième hypothèse.

2.1.3. La confusion entre sexe et genre grammatical

SH, nous l’avons vu plus tôt, explique la différence entre genre et sexe lorsqu’il
fait travailler ses apprenants sur le fonctionnement du genre. Ainsi, la confusion entre
genre et sexe laisse place à la sensation d’arbitraire dans l’attribution du genre
grammatical des substantifs non animés. Mais cette coupure franche n’est pas
nécessairement le choix opéré par tous les enseignants. Nous relevons ainsi l’intervention
de DT en début d’entretien :
« they don’t need to know WHY un or une or anything like that IF they ask me euh i-i will
tell them i’ll say because in french you know all words are either boys or girls or
something but we DON’T get into it too much » DT-6
Cette position nous apprend d’abord que DT ne procède pas à une explication
concernant l’attribution du genre grammatical des substantifs. Elle ne pense pas que cela
soit nécessaire pour la compréhension de ses apprenants. Elle précise que si un apprenant
avait besoin d’une explication, elle dirait que c’est comme cela que cela se passe en
français, que « tous les mots sont soit des garçons soit des filles ». Nous nous interrogeons
sur la terminologie utilisée par DT ici qui laisse penser que genre grammatical et sexe
sont liés. Toutefois, il est possible que ce ne soit pas la terminologie qu’elle utilise en
classe. Comme nous l’évoquions en première partie du travail, nous pensons que les deux
notions ne devraient pas partager la même terminologie pour éviter certains amalgames.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 66
2.2. Retour sur la deuxième hypothèse

La deuxième hypothèse que nous ayons formulée était la suivante :


H2 : Le genre grammatical est souvent associé au genre naturel, donnant lieu à des
incompréhensions et des représentations galvaudées de la notion.
Nous pensions que dans le cadre de l’enseignement du genre grammatical en
langue étrangère (et en langue maternelle mais ce n’était pas notre angle de recherche),
une confusion pouvait naitre entre genre grammatical et sexe engendrant une
représentation faussée de la réalité de la langue en attribuant un « sexe » aux substantifs
inanimés. Une recherche auprès des apprenants pourra venir compléter notre travail, mais
il semblerait que du point de vue de l’enseignant, bien que globalement la confusion n’ait
pas lieu, il semble difficile pour les enseignants de passer à côté de repères « visuels »
inspirés de la distinction entre le sexe masculin et le sexe féminin. Nous relevons à ce
sujet la manière de présenter les noms et adjectifs nouveaux de HJB :
« on the projector we would write masculine words in blue feminine words in red all of
the adjectives in the same corresponding colours again that kind of visual colour will
help them » HJB-24
En utilisant un code-couleur (ici, bleu/rouge), et bien qu’un tel code puis
indéniablement être d’une aide précieuse, notamment pour les apprenants ayant une
dominance de l’intelligence visuelle/spatiale, il y a un risque de faire appel à l’inconscient
collectif qui, malheureusement encore aujourd’hui, associe certaines couleurs à un sexe
ou à l’autre.
De plus, l’utilisation d’un tableau à colonnes masculin/féminin, là encore repère
visuel important pour certains apprenants ne semble pas convenir aux enseignants,
comme l’illustre ce passage de l’interview de DT :
« i wish i could say i didn’t but yes i do and i don’t like teaching that way it’s laziness it’s
sheer laziness (inaud.) it’s a good point of reference but in my ideal world i probably
wouldn’t do it but when you got thirty kids in a class yes a table on le la les or un une des
it makes it very easy they can refer back to it » DT-20
DT concède que l’utilisation du tableau ne lui convient pas, mais qu’elle n’a pas
trouvé d’autre moyen de donner de repère clair sur la catégorisation grammaticale du
genre.
En conclusion, nous ne pouvons pas vérifier cette hypothèse (qui devra être
confrontée à une étude auprès d’apprenants), mais sa falsification n’est pas non plus

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 67
complète. En effet, même si les enseignants sont parfaitement conscients de la distinction
à effectuer entre genre et sexe, cette différence ne semble, à ce jour, pas avoir trouvé de
solution pratique. La plupart des outils, des repères pour les apprenants prennent encore
appui en majorité sur une distinction similaire entre genre grammatical masculin/féminin
et sexe masculin/féminin. Au vu de ces résultats, nous pouvons alors partiellement
affirmer que la distinction genre/sexe peut être une entrave à la maîtrise du genre
grammatical, sans toutefois affirmer que cette entrave soit liée à cette confusion mais
plutôt aux outils mis en place pour expliquer la notion. C’est l’objet de notre dernière
analyse.

3. Les appuis de l’institution publique

Nous venons de le voir, ni la formation des enseignants ni la proximité qui peut


exister entre genre et sexe ne permettent de justifier un problème d’apprentissage du genre
grammatical par des apprenants anglophones. De toute évidence, les enseignants ne sont
pas seuls et laissés libres quant aux connaissances à transmettre. Nous nous sommes alors
interrogés sur l’obstacle que pouvaient représenter les textes officiels, ou tout du moins
si leur contenu et leur orientation pouvait être une cause de l’échec (relatif) dans la
maîtrise du genre grammatical. Nous souhaiterions effectuer un retour sur les
représentations et les positions des enseignants face à ces textes et s’ils considèrent que
ces derniers puissent être la cause de cette situation.

3.1. L’absence d’aide didactique : un réel problème ?

Notre réflexion ici ne s’attache pas à rendre compte du contenu à proprement


parler des textes officiels mais plutôt à l’image que les enseignants ont de ces textes et
leur manière de les comprendre pour adapter leur enseignement aux exigences
ministérielles.
Nous avions dans un premier temps demandé, de manière globale, si la
grammaire était mise en avant dans les recommandations britanniques. HJB nous a alors
répondu :
« yeah absolutely euh with much more emphasis now than previously we have a keystag-
keystage two and a keystage three framework so students from seven years old to sixteen
years old have a framework of grammatical point that they should be able to understand »
HJB-32

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 68
Comme ce que nous avons pu observer en 3.2.1. Le contenu du Curriculum
National actualisé, la grammaire occupe (depuis peu), une place prépondérante dans
l’enseignement britannique. Cependant ce curriculum suit un objectif plutôt généraliste,
comme nous avons pu l’observer lors de notre échange avec HJB :
« are they giving you some tools or whatever or are they saying they have to know that
just do whatever you want » KL-35
.. /..
« yeah that’s essentially what they say » HJB-36
Sur ce point, les curriculums britanniques et néo-zélandais se rejoignent comme
nous avons pu le constater avec SH :
« there is nothing as specific as gender, which is not surprising given the generic nature
of the curricula » SH-79_80
Pour les enseignants, il est évident que les curriculums n’ont qu’une valeur
générique, de guidage. Ils ne s’attendent pas à y trouver des ressources ou des pistes de
travail. Pour cela, d’ailleurs, HJB nous dit que les enseignants sont quelque peu laissés à
eux-mêmes, qu’ils doivent tous et chacun « réinventer la roue » en faisant ses propres
ressources :
« every single teacher in the u k is reinventing the wheel we are all making our own
resources to try and keep engaging students and keep teaching students and look for more
initiatives and everyone is doing the same thing and we share ideas with each other »
HJB-38
Nous avons toutefois remarqué une différence entre les curriculums britanniques
et néo-zélandais. En effet, DT précise que le curriculum néo-zélandais ne prête pas
attention à la grammaire, jusqu’à se concentrer exclusivement sur la compétence de
communication :
« the new curriculum is so focused on communication communication communication
that the students don’t have any guidance » DT-36

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 69
DT ne semble pas voir d’un très bon œil cette orientation. Même si elle nous a
dit plus haut (voir DT-28) que faire de la grammaire sans développer une compétence de
communication empêchait la production orale. DT se montre aussi très critique quant aux
examens auxquels sont confrontés les apprenants19 :
« the point is grammar is unimportant in all ways and really so long as they can get part
of the message across even (inaud.) they’ll get the certificate » DT-34
D’après elle, les barèmes ne sont pas assez stricts. Elle trouve que le niveau des
apprenants n’est pas suffisant. Elle trouve même que le niveau des apprenants a fortement
baissé depuis la mise en place du nouveau curriculum. Nous pouvons cependant émettre
quelques réserves quant à ces affirmations étant donné le jeune parcours de DT dans
l’enseignement :
« as a result the actual level of french that students can produce at school has gone way
down\ » DT-34
De son côté, SH s’appuie sur les ressources des éditeurs (les manuels,
principalement). La plupart des manuels de FLE utilisés en Nouvelle-Zélande sont en fait
d’origine britannique. Ils prennent donc appui sur le curriculum britannique et non néo-
zélandais, ce qui leur vaut d’avoir des pages d’explications et des pages d’exercices
traitant spécifiquement du genre grammatical, comme il nous en fait part ici :
« Language textbooks normally come from outside New Zealand (usually British) and
often contain explanations of gender and more specific exercises » SH-81_82

Il était important pour nous d’avoir le sentiment des enseignants envers leurs
curriculums respectifs afin de comprendre comment ils étaient utilisés par ces derniers et
dans quelle mesure ils pouvaient avoir une incidence sur leurs pratiques. Grâce à ces
entretiens, nous avons pu construire une idée plus précise des attendus des enseignants
envers le curriculum. Nous reviendrons plus en détail sur notre troisième et dernière
hypothèse dans le dernier point de ce chapitre avant de consacrer un chapitre à quelques
discussions et recommandations didactiques.

19
Dans la plupart des écoles néo-zélandaises, deux types d’examens sont dispensés. Les apprenants passent
les examens de Cambridge (qui ont une renommée internationale), pour lesquels DT montre une globale
satisfaction, ainsi que les examens NCEA (National Certificate of Educational Achievment), des examens
nationaux qui, selon DT, sont parfois trop centrés sur la communication (voir DT-36).

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 70
3.2. Retour sur la troisième hypothèse

La troisième hypothèse que nous avons formulée pour répondre à la


problématique de notre recherche se concentrait sur les programmes nationaux mis en
place. Elle annonçait :
H3 : Les programmes nationaux ne proposent pas de solutions didactiques et
pédagogiques quant à l’enseignement du genre grammatical.
Notre recherche nous a permis de définir plus précisément les objectifs des
curriculums nationaux quant à l’enseignement du genre grammatical. Nous avons trouvé
que malgré des systèmes éducatifs proches, les curriculums britanniques et néo-zélandais
avaient, depuis quelques années, des orientations différentes. En effet, alors que le
curriculum britannique a redonné une place importante à la grammaire (permettant une
maîtrise du fond et de la forme), le curriculum néo-zélandais, d’après nos informateurs
est très orienté vers la communication (s’attachant alors plus au fond qu’à la forme).
Toutefois, il est important de noter que ces curriculums n’ont que des
orientations générales et que les enseignants restent libres dans leur pratique concernant
les moyens mis en œuvre pour atteindre ces objectifs. Pour obtenir de l’aide dans leur
pratique et travailler le genre grammatical, les enseignants créent leurs propres ressources
ou utilisent des manuels.

Bien que notre hypothèse de départ soit de facto correcte (les curriculums ne
donnent effectivement pas d’indication de travail sur le genre grammatical), nous ne
pensons pas que ces curriculums soient un des responsables dans la différence de maîtrise
du genre grammatical d’apprenants anglophones. En effet, les enseignants n’attendent
pas de ces documents des recommandations didactiques ou pédagogiques mais de simples
orientations de travail générales.
En revanche, nous pensons qu’avec des textes un peu plus détaillés, avec
notamment des exemples concrets de mise en application de certaines notions à enseigner,
et spécifiquement du genre grammatical, il pourrait y avoir une certaine harmonisation et
une constance dans l’enseignement du genre grammatical quel que soit l’enseignant.
Nous souhaiterions dans le dernier chapitre de notre travail proposer un retour
sur le sentiment des enseignants face à la notion de genre grammatical avant de proposer
des solutions didactiques qui nous semblent répondre, au moins en partie, à la
problématique que nous nous sommes fixés au début de ce travail.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 71
4. Discussion et prolongements

Après être revenus sur nos trois hypothèses, nous voulions effectuer un retour
sur comment les enseignants perçoivent le genre grammatical. Nous exposerons avant de
conclure cette recherche, quelques recommandations didactiques basées sur ce que les
enseignants nous auront appris pendant les entretiens.

4.1. « Le genre grammatical et moi »

Nous avons pu nous rendre compte au fil des entretiens que le genre grammatical
occupait une place différente pour chacun des enseignants. Un enseignant est avant tout
un être humain et il y a des notions pour lesquelles il a une affinité particulière. La
remarque conclusive de SH illustre parfaitement ce sentiment :
« To sum up, while accuracy in gender is to be valued and encouraged, and is in itself a
subject of curiosity and interest to learners, it is a comparatively low priority on the level
of overall communication » SH-127_129
SH rejoint HJB quant au fait que le genre grammatical n’est pas un aspect
primordial de la langue, même si, sans surprise il encourage sa maîtrise. Il précise
également que c’est une notion qui suscite l’intérêt des apprenants. Il reconnait cependant
la difficulté continue qu’observent les apprenants à maîtriser parfaitement le genre
grammatical :
« While most students I have taught over the years and who have advanced to higher
levels in oral and written French have continued to exhibit problems with correct gender
use. The more students can be led to hear and read correct examples of language, the
more they will come to imitate this correct use in their own production oral and written »
SH-102_105
DT considère que le genre grammatical est une notion importante à connaître et
à maîtriser (nous l’avons exposé plusieurs fois dans nos analyses). Au-delà de ce
sentiment, elle s’intéresse aussi au moment où le manque de maîtrise devient
problématique :
« i’m sure there is a line in there where an occasional mistake (inaud.) not a big deal and
consistent mistake makes them just sound (inaud.) and i’d be interested in to know what
that line was and if that line relates to common things versus a more (inaud.) word » DT-
48

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 72
Cette remarque est intéressante et nous fait nous questionner, en tant que
chercheur, sur cette même question. Il pourrait être intéressant de mener une recherche
s’attachant à trouver la perception que se font des enseignants ou les locuteurs natifs du
français sur la maîtrise du genre grammatical par des allophones. Existe-t-il un équilibre
dans cette maitrise ? À partir de quel moment n’est-il plus ennuyeux de faire des erreurs
d’attribution du genre ? Nous réservons ces questions pour une étude sociologique
ultérieure.

4.2. Recommandations didactiques

Cette recherche nous a amené à nous interroger sur les outils les plus efficaces,
les ressources les plus adaptées pour proposer un enseignement du genre grammatical
complet et pérenne. Nous n’avons à ce jour pas trouvé de méthode parfaite quant à cet
enseignement, en revanche nous voudrions émettre quelques recommandations à la suite
des entretiens que nous avons effectués.

4.2.1. Animés et inanimés, vers une différence de traitement

Nous pensons que le traitement du genre grammatical des substantifs animés et


des substantifs inanimés devrait être enseigné comme deux fonctionnements distincts. En
effet en français le genre grammatical des substantifs animés (la plupart des animaux et
les êtres humains) correspond au sexe du signifié. Seules quelques exceptions (les
animaux dont le nom est épicène) viennent perturber cette règle. La simplicité (relative)
de ce fonctionnement nous semble être un point de départ intéressant quant à l’acquisition
du fonctionnement du genre grammatical en français.
Comme l’a soulevé DT, il est important que l’apprentissage se fasse en contexte :
« if i could design a (inaud.) to teach gender i would design one that’s topic based » DT-
40. Il pourrait être intéressant dans ce cas par exemple de proposer une activité de
découverte grâce à un jeu de 7 familles adapté (les cartes « Le papa », « La maman » mais
aussi « Le cousin » et « La cousine », « Le copain » et « La copine », etc.. Un jeu similaire
avec des animaux est également imaginable.
S’agissant des substantifs inanimés, nous rejoignons la proposition de SH qui
propose un input important ainsi qu’une co-construction et une déduction de la règle.
Nous n’avons toutefois pas trouvé, de manière absolument pratique, de méthode
répondant à toutes les exigences à ce sujet. Nous proposerons dans le dernier point un
regard quant à l’utilisation de supports visuels.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 73
4.2.2. Une utilisation raisonnée des supports visuels

Les entretiens que nous avons menés ont confirmé notre supposition initiale. Les
supports visuels comme les tableaux à colonnes « masculin / féminin » ou les code-
couleurs (que ce soit rose/bleu ou tout autre code) associés aux termes masculin et féminin
(ou boys et girls) nous semblent inappropriés.
Bien sûr, ils permettent une compréhension plus rapide et facilitée, notamment
pour les apprenants ayant développé une intelligence visuelle/spatiale, mais malgré toutes
les précautions des enseignants, nous pensons qu’une interférence peut avoir lieu,
résultant en une confusion possiblement renforcée entre genre grammatical et sexe.
Malheureusement nous n‘avons, à ce jour, pas trouvé de manière claire d’exprimer la
distinction de genre grammatical. En effet, la notion étant intrinsèquement abstraite dans
le cas des substantifs inanimés, il est difficile d’imaginer comment représenter cette
distinction. Cela devra faire l’objet d’une réflexion ultérieure.

4.2.3. Conceptualiser pour maîtriser ?

Nous pensons également que la clé dans la maîtrise du genre grammatical relève
de la pédagogie utilisée. Ainsi, nous rejoignons Aguerre (2018) et Lyster (2010) quant à
l’importance de conceptualiser les notions abordées. Il nous semble important, dans le
cas du genre grammatical (et cela fait écho à la manière de faire de SH), de faire
comprendre le fonctionnement de l’attribution du genre grammatical par un jeu de
déductions de règles, d’exemples et de contre-exemples afin que les apprenants puissent
s’approprier la notion. Grâce à ce cheminement, les apprenants auront un regard plus
détaché et abstrait du fonctionnement du genre grammatical, leur permettant ainsi de se
concentrer sur le reste du message de manière plus concrète et sans avoir à se poser de
questions outre mesure.

4.2.4. L’importance de faire des liens avec la langue maternelle

Enfin, nous pensons qu’il est important que les apprenants puissent se référer à
leur langue maternelle et particulièrement au fonctionnement du genre dans leur langue,
qu’il diffère ou qu’il s’en approche. Le genre étant quelque chose qu’ils maîtrisent
théoriquement dans leur langue maternelle, nous pensons que cela leur permettra de
mieux appréhender le genre grammatical en français. Des travaux dont d’ailleurs déjà
évoqué cette possibilité (voir Kasazian, 2017).

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 74
Nous n’avons trouvé, aujourd’hui, aucun support permettant de rendre compte
de manière simple mais exacte la catégorisation entre masculin et féminin dans
l’enseignement du genre grammatical en français. Aucun des supports utilisés par les
enseignants (voir Annexes, Illustrations 1 à 5) ne répondent aux exigences de « neutralité
sexuelle » que nous préconisons dans l’enseignement du genre grammatical.
Un glissement dans notre réflexion permet de relativiser ce manque de
ressources en ce sens que la maîtrise parfaite du genre grammatical ne représente pas un
objectif en soi tandis que la maîtrise suffisante pour une compréhension exempte de toute
confusion (ou de toute moquerie) représente un objectif bien plus réaliste. Comme
annoncé précédemment, une recherche sur ce niveau critique de la maîtrise du genre
grammatical pourra être menée.

dc

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 75
CONCLUSION GÉNÉRALE
Ce travail de mémoire de recherche se voulait être une réflexion sur les raisons
des difficultés d’enseignement-apprentissage du genre grammatical des substantifs
français auprès d’un public anglophone.
Après avoir effectué un retour sur la structure et le fonctionnement du genre
grammatical, en français et en anglais, nous avons proposé un panorama sur l’acquisition
de cette catégorie grammaticale, en langue maternelle et en langue étrangère. Ces
considérations théoriques nous ont permis d’appuyer notre recherche portant sur
l’acquisition généralement incomplète du genre grammatical en français par des
apprenants anglophones.
Cette acquisition partielle a été au cœur de notre problématique. Nous nous
sommes interrogés sur les facteurs possibles pouvant influencer la différence
d’acquisition entre un francophone natif et un apprenant anglophone (et allophone par
extension) s’agissant du genre grammatical. Pour cela nous avons mené une recherche
hypothético-déductive en interrogeant des enseignants anglophones (d’Angleterre et de
Nouvelle-Zélande), à la fois sur leur formation (initiale et continue), mais également sur
leurs représentations du genre grammatical et sur leurs pratiques de classe pour aborder
cette notion.
Malgré un échantillon restreint (deux enseignants néo-zélandais et une
enseignante britannique) nous avons pu apporter des réponses, ne serait-ce que partielles
(elles aussi) à nos interrogations. Pourtant, bien que nos hypothèses aient trouvé des échos
dans l’analyse des discours des enseignants interrogés, et malgré les recommandations
que nous faisons dans la dernière partie du travail, la question de l’acquisition du genre
grammatical par des apprenants non natifs reste en suspens.
Bien sûr, les réponses auxquelles nous arrivons dans ce travail ne peuvent faire
l’objet d’une généralisation, au vu de la taille de l’échantillon. Nous espérons en revanche
que ce mémoire sera utile pour les enseignants ayant répondu à nos questions, mais
également à tout enseignant s’interrogeant sur la place du genre grammatical et son rôle
dans l’enseignement de la langue française. Nous pensons également qu’il peut être
intéressant de mener une recherche plus vaste et approfondie sur le sujet. Bien qu’il ne
relève pas directement de la compétence de communication, nous pensons que le genre
grammatical joue une place prépondérante dans les interactions et dans les représentations
que se font les locuteurs d’une langue.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 76
Nous avons, en ce qui nous concerne, pu développer notre réflexion à la fois en
tant qu’enseignant de FLE natif du français, mais également en tant que chercheur novice
lorsqu’il s’agit des théories d’acquisition d’une langue en général et d’un fait de langue
en particulier. À ce titre, nous émettons d’ailleurs des réserves quant à certaines
dispositions techniques. Il a en effet été parfois laborieux de transcrire un enregistrement
audio issu d’une conversation Skype, la qualité n’étant pas toujours optimale. Nous
pensons que pour le confort du chercheur, il est plus pertinent de pouvoir avoir accès à
ses informateurs en chair et en os. C’est une considération qu’il nous faudra intégrer pour
de futures recherches.

dc

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 77
BIBLIOGRAPHIE
Cette bibliographie est classée thématiquement. Les ouvrages précédés d’un
astérisque (*) ont été consultés pour une meilleure compréhension de certains aspects de
ce mémoire sans avoir été explicitement cités dans le corps du travail.

Le genre grammatical :
Bailly, S., & Houdebine-Gravaud, A.-M. (2008). Les hommes, les femmes et la

communication. Budapest : L’Harmattan.

Baudino, C. (2001). Politique de la langue et différence sexuelle. Paris : L’Harmattan.

*Burr, E. (2012). Planification linguistique et féminisation. Intersexion. Langues

romanes, Langue et genre, 29-39. Consulté à l’adresse

https://www.academia.edu/4901337/Planification_linguistique_et_feminisation

*Camussi-Ni, M.-A., & Coateval, A. P. (2013). Comprendre la grammaire. Grenoble :

Presses Universitaires de Grenoble.

Catach, N., Gruaz, C., & Duprez, D. (2005). L’orthographe française. Paris : A. Colin.

*Catach, N., Honvault, R., & Rosier-Catach, I. (2001). Histoire de l’orthographe

française. Paris : H. Champion.

Corbett, G. G. (2013). Sex-based and Non-sex-based Gender Systems. Consulté à

l’adresse http://wals.info/chapter/31

Dumézil, G., & Lévi-Strauss, C. (1984). Féminisation des titres et des fonctions.

Académie Française. Consulté à l’adresse http://www.academie-

francaise.fr/actualites/feminisation-des-titres-et-des-fonctions

Dziadkiewicz, A., & Thomas, I. (2007). Les langues slaves et le français : approches

formelles dans les études contrastives. Bulag, (32), 35-53.

Elmiger, D. (2008). La féminisation de la langue en français et en allemand. Paris : H.

Champion.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 78
*Elmiger, D. (2013). Pourquoi le masculin à valeur générique est-il si tenace, en français ?

Romanica Olomucensia, 25 (2), 113-119.

Elmiger, D. (2015a). Le genre des noms inanimés utilisés comme noms communs de

personnes. Consulté à l’adresse

https://www.academia.edu/29993250/Le_genre_des_noms_inanim%C3%A9s_uti

lis%C3%A9s_comme_noms_communs_de_personnes

*Elmiger, D. (2015b). Masculin, féminin : et le neutre ? Le statut du genre neutre en

français contemporain et les propositions de « neutralisation » de la langue.

Consulté à l’adresse

https://www.academia.edu/17634961/Masculin_f%C3%A9minin_et_le_neutre_L

e_statut_du_genre_neutre_en_fran%C3%A7ais_contemporain_et_les_proposition

s_de_neutralisation_de_la_langue

*Elmiger, D. (2017). Binarité du genre grammatical – binarité des écritures ? Mots. Les

langages du politique, (113), 37-52.

Fayol, M., & Jaffré, J.-P. (2014). L’orthographe. Paris : Presses Universitaires de France.

*Grinevald, C. (1999). Typologie des systèmes de classification nominale. Faits de

langues, 7(14), 101-122.

Houdart, O., & Prioul, S. (2009). La grammaire c’est pas de la tarte ! Paris : Éditions du

Seuil.

Marchello-Nizia, C. (1989). Le neutre et l’impersonnel. LINX, 21(1), 173-179.

https://doi.org/10.3406/linx.1989.1139

Mathieu, C. (2007). Sexe et genre féminin : origine d’une confusion théorique. La

linguistique, 43(2), 57-72.

Meillet, A. (1982). Linguistique historique et linguistique générale. Paris : H. Champion.

Michard, C. (2001). Le sexe en linguistique. Torino : L’Harmattan.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 79
Paris, G. (1894). Le pronom neutre de la 3e personne en français. Romania, 23(90),

161-176. https://doi.org/10.3406/roma.1894.5817

*Pradalier, N. (2010). Sexe et genre en français. La linguistique, 46(1), 113-120.

Roché, M. (1992). Le masculin est-il plus productif que le féminin ? Langue française,

96(1), 113-124. https://doi.org/10.3406/lfr.1992.5785

Rousseau, J.-J., & Starobinski, J. (1990). Essai sur l’origine des langues. Paris :

Gallimard.

*Vaillant, A. (1958). Grammaire comparée des langues slaves. Lyon : Éditions IAC.

*Violi, P. (1987). Les origines du genre grammatical. Langages, 21(85), 15-34.

https://doi.org/10.3406/lgge.1987.1526

Yaguello, M., & Baider, F. H. (2007). Du Sexe des mots. Nouvelles Questions Féministes,

26(3), 102-108. https://doi.org/10.3917/nqf.263.0102

Yaguello, M. (1995). Le sexe des mots. Paris : Belfond.

L’acquisition du genre en langue maternelle :


*Bassano, D. (2008). Acquisition du langage et grammaticalisation : le développement

pour les noms et les verbes en français. Aspects du développement conceptuel et

langagier, 17-50. Edition Publibook Université. Consulté à l’adresse

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00601130

Bassano, D. (2010). L’acquisition du déterminant nominal en français : une construction

progressive et interactive de la grammaire. CogniTextes. Revue de l’Association

française de linguistique cognitive, 5. https://doi.org/10.4000/cognitextes.315

*Bassano, D., Maillochon, I., & Mottet, S. (2008). Noun grammaticalization and

determiner use in French children’s speech: A gradual development with prosodic

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 80
and lexical influences. Journal of Child Language, 35(2), 403-438.

https://doi.org/10.1017/S0305000907008586

*Boloh, Y., & Ibernon, L. (2010). Gender attribution and gender agreement in 4- to 10-

year-old French children. Cognitive Development, 25(1), 1-25.

Bourdin, B., Leuwers, C., & Bourbon, C. (2011). Impact des contraintes linguistiques et

cognitives sur l’acquisition de l’accord en genre de l’adjectif en français écrit.

Psychologie Française, 56(3), 133-143.

*David, J., & Wattelet, S. (2016). Approcher, comprendre, maitriser l’orthographe

grammaticale au CE1. Le français aujourd’hui, (192), 73-96.

https://doi.org/10.3917/lfa.192.0073

Gombert, J.-É. (1990). Le Développement métalinguistique. Paris : Presses Universitaires

de France.

*Marchal, H. (2011). L’acquisition du genre grammatical, en français langue maternelle

et langue seconde chez des enfants de 5 à 11 ans : perspectives développementale

et computationnelle. (Thèse de doctorat). Université de Grenoble.

Meshoub-Manière, K. (2016). D’une étrange conception de la langue dans quelques

manuels scolaires de l’école élémentaire : le cas du « féminin des noms ». Le

français aujourd’hui, (192), 33-44. https://doi.org/10.3917/lfa.192.0033

*Ulma, D. (2016). Construction de savoirs grammaticaux et conceptualisation. Le

français aujourd’hui, (192), 97-106. https://doi.org/10.3917/lfa.192.0097

L’acquisition du genre en langue étrangère :


Aguerre, S. (2018). La conceptualisation dans l’apprentissage du genre grammatical par

des apprenants adultes de FLE. Recherches en didactique des langues et des

cultures. Les cahiers de l’Acedle, 15(15-1). https://doi.org/10.4000/rdlc.2719

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 81
*Bai-Sheka, A. (2006). A new approach to French grammar. Lanham: University Press

of America.

Department for Education. (2013). National curriculum in England: languages

programmes of study. Consulté 19 avril 2018, à l’adresse

https://www.gov.uk/government/publications/national-curriculum-in-england-

languages-progammes-of-study/national-curriculum-in-england-languages-

progammes-of-study

*Ervin-Tripp, S. M. (1974). Is Second Language Learning like the First. TESOL

Quarterly, 8(2), 111-127. https://doi.org/10.2307/3585535

Granfeldt, J. (2016). Rôles de l’âge, de l’input et de la L1 dans le développement du

français par des enfants L2. Revue française de linguistique appliquée, XXI (2),

33-48.

*Guillelmon, D., & Grosjean, F. (2001). The gender marking effect in spoken word

recognition: The case of bilinguals. Memory & Cognition, 29 (3), 503-511.

Günes, A. (2014). Le développement du genre grammatical en français: étude

longitudinale et comparative sur l’attribution du genre chez deux enfants bilingues

successifs et un enfant bilingue simultané âgés de 4 à 6 ans (Mémoire en

linguistique). Université de Lund.

Kasazian, E. (2017). Pratiques d’enseignement et descriptions grammaticales des

langues étrangères dans le contexte scolaire. Le cas de l’Angleterre (Thèse de

doctorat). Paris Sorbonne Cité.

Kupisch, T., Akpınar, D., & Stoehr, A. (2013). Gender assignment and gender agreement

in adult bilinguals and second language learners of French. Linguistic Approaches

to Bilingualism, 3 (2). https://doi.org/10.1075/lab.3.2.02kup

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 82
Lambelet, A. (2012). L’apprentissage du genre grammatical en langue étrangère : à la

croisée des approches linguistiques et cognitives (Thèse de doctorat). Université de

Fribourg.

Lyster, R. (2010). Enseignement centré sur la forme et acquisition du genre grammatical

en français L2. Canadian Journal of Applied Linguistics / Revue Canadienne de

Linguistique Appliquée, 13 (2), 73-94.

*Makassikis, M., & Pellat, J.-C. (2017). Apprendre l’orthographe française quand on est

étudiant allophone. Saint-Denis : Connaissances et savoirs.

Meisel, J. M. (2011). First and Second Language Acquisition: Parallels and Differences.

Cambridge : Cambridge University Press.

Seigneuric, A., Zagar, D., Meunier, F., & Spinelli, E. (2007). The relation between

language and cognition in 3- to 9-year-olds: The acquisition of grammatical gender

in French. Journal of Experimental Child Psychology, 96 (3), 229-246.

*Singleton, D. (2003). Le facteur de l’âge dans l’acquisition d’une L2 : remarques

préliminaires. Acquisition et interaction en langue étrangère, (18), 3-15.

La méthodologie de recherche :
Benabdeljalil, S. A., Desjeux, D., & Garabuau-Moussaoui, I. (2009). Les méthodes

qualitatives. Paris : Presses universitaires de France.

Blanchet, A., & Gotman, A. (2010). L’enquête et ses méthodes. Paris : Armand Colin.

Blanchet, P., & Chardenet, P. (2011). Guide pour la recherche en didactique des langues

et des cultures. Montréal : Agence universitaire de la francophonie.

Combessie, J.-C. (2003). La méthode en sociologie. Paris : La Découverte.

Dépelteau, F. (2000). La démarche d’une recherche en sciences humaines. Sainte-Foy :

Presses de l’Université Laval.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 83
Føllesdal, D. (1979). Hermeneutics and the hypothetico-deductive method. Dialectica,

33 (3-4), 319-336. https://doi.org/10.1111/j.1746-8361.1979.tb00759.x

Giordano, Y., & Jolibert, A. (2012). Spécifier l’objet de la recherche, Méthodologie de la

recherche. Réussir son mémoire ou sa thèse en sciences de gestion, 47-86.

Reuter, Y., & Perrin-Glorian, M.-J. (2006). Les méthodes de recherche en didactiques.

Villeneuve d’Ascq : Presses universitaire du Septentrion.

Les ressources utilisées par les enquêtés :


Honnor, S., & Mascie-Taylor, H. (2000). Encore Tricolore 1. Cheltenham : Nelson

Thornes.

Honnor, S., Mascie-Taylor, H., & Spencer, M. (2012). Tricolore Total 1. Cheltenham :

Nelson Thornes.

McNab, R. (1998). French Grammar. Portsmouth : Heinemann.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones 84
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION .......................................................................................... 1
PARTIE I — CADRE CONCEPTUEL : LE GENRE GRAMMATICAL ............... 5
1. DÉFINISSONS LE(S) GENRE(S) ...................................................................................6
1.1. Quelques définitions...........................................................................................6
1.1.1. Le genre naturel .................................................................................. 6
1.1.2. Le genre grammatical.......................................................................... 7
1.2. Le genre grammatical : quelques données ........................................................8
1.3. L’évolution du genre grammatical ..................................................................10
1.3.1. Le genre grammatical en indo-européen............................................ 11
1.3.2. Le genre grammatical dans les langues slaves ................................... 12
1.3.3. Le genre grammatical en français ..................................................... 12
1.3.4. Le genre grammatical en anglais ....................................................... 15
1.4. Le genre dans les langues du monde ...............................................................15
2. L’ACQUISITION DU GENRE GRAMMATICAL EN LANGUE MATERNELLE ..............16
2.1. Les étapes de l’acquisition du genre grammatical en FLM ...........................17
2.1.1. Y a-t-il un âge d’acquisition optimal ? ............................................... 17
2.1.2. A l’entrée à l’école ............................................................................ 18
2.1.3. Entre attribution du genre et accord des mots associés ...................... 19
2.2. Les étapes dans l’acquisition du genre grammatical en FLM ......................21
2.2.1. L’effet de collocation ......................................................................... 22
2.2.2. L’application des règles morpho-phonologiques................................ 22
2.2.3. La morphologie du genre grammatical .............................................. 23
2.2.3.1. Le « -e » final est-il réellement un marqueur du féminin ?...............23
2.2.3.2. Les terminaisons fiables pour l’attribution du genre grammatical ...23
2.2.4. L’application de règles sémantiques .................................................. 24
2.2.5. Le masculin par défaut ...................................................................... 25
2.3. Des difficultés spécifiques aux anglophones ..................................................26
2.3.1. Le genre grammatical anglais : une moindre tâche ?......................... 26
2.3.2. L’accord de l’adjectif possessif .......................................................... 27
2.4. L’impact du genre grammatical dans la langue et ses représentations .........27
2.4.1. Le français, langue à genre, donc langue sexiste ? ............................ 28
2.4.2. De la différence de classification du genre ........................................ 29
3. L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE DU GENRE GRAMMATICAL EN FLE ...........30
3.1. Les recherches sur l’acquisition du genre en FLE .........................................31
3.1.1. Entre théorie et en pratique ............................................................... 31
3.1.2. La méthodologie utilisée en FLE ....................................................... 32
3.2. La place de la grammaire dans le curriculum britannique .............................32
3.2.1. Le contenu du Curriculum National actualisé .................................... 32
3.2.2. Les pratiques enseignantes constatées ............................................... 33
3.3. La maîtrise du genre grammatical : une cause perdue ? ................................34
3.3.1. Le cas particulier des bilingues ......................................................... 35

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones LXXXV
3.3.2. Apprendre ou conceptualiser, telle est la question ? .......................... 36

PARTIE II — CADRE MÉTHODOLOGIQUE.............................................. 38


1. RAPPEL DU QUESTIONNEMENT ...............................................................................38
1.1. La problématique..............................................................................................39
1.2. Nos hypothèses .................................................................................................39
2. MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE ..........................................................................40
2.1. La recherche qualitative ...................................................................................40
2.2. La recherche hypothético-déductive dans les sciences sociales ....................41
2.2.1. Les raisons du choix hypothético-déductif ......................................... 42
2.2.2. Les limites de la recherche hypothético-déductive ............................. 43
3. LE RECUEIL DE DONNÉES ........................................................................................43
3.1. Le terrain d’enquête .........................................................................................43
3.1.1. Le profil des enseignants interrogés .................................................. 44
3.1.2. Le choix des enseignants à interroger ................................................ 44
3.2. L’entretien semi-directif : un choix pertinent.................................................45
3.2.1. L’entretien à distance ou sous-traité : vers un juste équilibre ............ 46
3.2.2. L’élaboration du canevas d’entretien ................................................ 47
3.2.3. La constitution du corpus .................................................................. 48
4. LA TRANSCRIPTION DES ENTRETIENS ....................................................................48
4.1. Normes de transcription ...................................................................................48
4.2. Langue des entretiens .......................................................................................49
4.2.1. Choix de la langue d’entretien : pour une compréhension optimale ... 49
4.2.2. De l’entretien à la transcription : conserver le discours de l’enquêté 49
4.3. L’intérêt de la transcription .............................................................................50
4.3.1. Un travail de pré-analyse .................................................................. 50
4.3.2. Une analyse simplifiée mais plus complète du discours ..................... 51
4.3.2.1. Comparaison globale des entretiens ...................................................51
4.3.2.2. Analyse des pratiques et des représentations .....................................51
5. PRÉCAUTIONS D’ÉTUDE ..........................................................................................52

PARTIE III — ANALYSES ET RECOMMANDATIONS DIDACTIQUES.......... 53


1. LA FORMATION ENSEIGNANTE ...............................................................................53
1.1. La formation initiale des enseignants répond-elle aux attentes ? ..................53
1.1.1. Le cas des enseignants natifs du français ........................................... 53
1.1.2. La formation initiale des enseignants ayant un parcours FLE............ 54
1.1.3. La formation initiale des enseignants non issus du FLE..................... 55
1.2. La formation continue : une évolution des pratiques .....................................56
1.2.1. Évolution des pratiques pédagogiques ............................................... 57
1.2.2. De l’importance du partage des ressources ....................................... 59
1.3. Retour sur la première hypothèse ....................................................................61
2. L’ENSEIGNEMENT DU GENRE GRAMMATICAL, UN DÉTAIL ? ...............................62
2.1. La place laissée au genre grammatical en classe ............................................62
2.1.1. La présentation de la notion en classe ............................................... 62

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones LXXXVI
2.1.2. L’importance accordée au genre grammatical en général ................. 65
2.1.3. La confusion entre sexe et genre grammatical ................................... 66
2.2. Retour sur la deuxième hypothèse ..................................................................67
3. LES APPUIS DE L’INSTITUTION PUBLIQUE..............................................................68
3.1. L’absence d’aide didactique : un réel problème ? ..........................................68
3.2. Retour sur la troisième hypothèse ...................................................................71
4. DISCUSSION ET PROLONGEMENTS..........................................................................72
4.1. « Le genre grammatical et moi » .....................................................................72
4.2. Recommandations didactiques ........................................................................73
4.2.1. Animés et inanimés, vers une différence de traitement ....................... 73
4.2.2. Une utilisation raisonnée des supports visuels ................................... 74
4.2.3. Conceptualiser pour maîtriser ? ........................................................ 74
4.2.4. L’importance de faire des liens avec la langue maternelle ................. 74

CONCLUSION GÉNÉRALE .......................................................................... 76


BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................... 78
TABLE DES MATIÈRES .................................................................... LXXXV
ANNEXES ....................................................................................LXXXVIII
Canevas de l’entretien ..................................................................... LXXXIX
Transcriptions ..................................................................................... XCIII
Norme de transcription ................................................................................... XCIII
Transcription de l’entretien HJB_1-5-18 ..................................................... XCIV
Transcription de l’entretien DT_25-5-18......................................................... CIV
Entretien SH_26-5-18.......................................................................................... CXI
Curriculum National ............................................................................ CXVI
Niveau 2.............................................................................................................. CXVI
Niveau 3............................................................................................................. CXVII
Supports utilisés par les enquêtés ....................................................... CXVIII
Supports utilisés par HJB ............................................................................ CXVIII
Supports utilisés par DT.................................................................................. CXIX
Supports utilisés par SH .................................................................................. CXXI

TABLE DES FIGURES ........................................................................ CXXIII


TABLE DES TABLEAUX ..................................................................... CXXIII

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones LXXXVII
ANNEXES ANNEXES

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones LXXXVIII
Canevas de l’entretien
Entretien – Enseignants de FLE en Angleterre (et en Nouvelle-Zélande) — FR
Dans le cadre d’une recherche sur la place de la grammaire, et plus
particulièrement sur le genre grammatical dans l’enseignement du FLE aux niveaux
débutants, souhaiterions interroger des professeurs de FLE en contexte anglophone. Cet
entretien a pour but de comprendre les pratiques enseignantes déclarées quant à
l’appréhension de cette notion en classe avec des apprenants anglophones.

(Seules les initiales sont recquises)


Enquêteur-trice : ________

Interrogé-é : __________

Nationalité : ___________

Nombre d’années d’enseignement : ______

Pays d’enseignement principal : _______

Date de l’enregistrement : ________

Thème : Le genre grammatical en classe


• Le genre grammatical est une notion complexe, difficile à traiter en classe.
Pouvez-vous me dire comment vous l’abordez ?
o Le genre des adjectifs ? des substantifs (noms) ?
o À l’oral/ à l’écrit ?
o Représentations morphographiques ? (subst. (n.m/f) ou le/la ou un/une ?)
o Avez-vous fait évoluer votre pratique ?
• Le public anglophone n’est pas coutumier du genre grammatical des substantifs :
cela semble-t-il représenter une difficulté dans l’appropriation de la notion ?
o Dans l’attribution du genre ?
o Dans l’accord des subst/adj ?
• Existe-t-il des outils que vous utilisez pour aborder la notion et ses règles
d’utilisation ?
o Les règles morpho-phonologiques (terminaisons) ?
o L’appui sur le genre naturel ?

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones LXXXIX
o Les règles sémantiques ?
• Utilisation de biais ? tableaux bleus/roses ? colonne (masc.) / (fém.), etc ?
Thème : Retour sur ma formation
• On est confrontés au genre grammatical toute sa vie de locuteur de français. Est-
ce un point qui s’inscrit dans votre formation initiale ?
o Formation précise sur le genre grammatical (savoirs savants ?)
o Abordé dans la formation à l’enseignement du FLE ?

Thème : Le contenu des programmes


• Le genre grammatical est-il inscrit dans les curricula nationaux ? Dans quelle
mesure ? A quels niveaux ?
o Son importance selon les textes ? Selon vous ?
o Des outils sont-ils mis à votre disposition ? Avez-vous des moyens sur
lesquels vous appuyer ?
o Comment les manuels que vous utilisez l’abordent ? cela fait-il partie de
vos attentions dans le choix de manuels ?

Clôture de l’entretien
• Une dernière remarque sur cette notion grammaticale ?
o Votre propre questionnement concernant le genre grammatical et son
travail en classe ?
o Vos doutes ?
• Possibilité d’avoir une photocopie de syllabus/de programme/de manuel
concernant le genre ? (facultatif)

Remarques :

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XC
Interview – FSL teachers in England (and New Zeland) — ENG

As part of my Master’s degree thesis, I am running a research on the place of


grammar, and particularly on French grammatical gender of nouns in beginners FSL
classes. To this matter, I am willing to interview some teachers in English speaking
countries. This interview aims to understand teachers’ practices when it comes to
grammatical gender with English speaking learners.

(Only initials are required)


Interviewer: ________

Interviewed: __________

Nationality: ___________

Years of teaching: ______

Main teaching country: _______

Date of the interview: ________

Theme: Grammatical gender in class


• Grammatical gender is a complex notion to work in class. Can you tell me how
you do?
o Working on adjectives gender? noun genders?
o Oral? Writing?
o How do you write it? (le/un une/la or « n.m. » / « n.f. »)?
o Has your method evolved?
• English speaking learners are not used to attributing a gender to every noun. Does
is seem to be a difficulty in your classes?
o When attributing a gender to a noun?
o When agreeing adjectives etc. to the gender of the noun?
• Are there any tools you’re using to work on the rule of attribution and on how to
use it?
o Morpho-phonological rules (terminations)?
o Semantic rules (based on natural gender)?

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCI
• Are you using bias when teaching the notion?
o Pink/blue tables? Masculine/feminine columns?
Theme: Feedback on my student years
• We’re facing grammatical gender throughout all our French speaker life. Is the
notion part of your initial training?
o Precise training on grammatical gender? Teachers knowledge?
o Specified when taking a master’s degree in MFL?

Theme: National curriculum contents


• Is grammatical gender specified in the National Curriculum? At what levels? How
is it specified if it is?
o Its importance according to texts? According to you?
o Are there any tools that you can use in class provided by the National
Curriculum or any Government source?
o How do the books you’re using (if you’re using books) dealing with
grammatical gender? Are there any specific lessons about that aspect?

Ending questions
• Any last word on this grammatical aspect of French?
o How do you feel about grammatical gender in class?
o Any doubts?
• Is there, by any chance, the possibility for me to have access either to the syllabus
you’re using (just the part dealing with grammatical gender)/a copy of a page of
the book you’re working with dealing with it? (NOT compulsory)

Notes:

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCII
Transcriptions
Norme de transcription
Phénomène Convention Exemple
Participants Initiales KL, HJB
Tours de parole Initiales du participant HJB-2
+ n° du tour
Acronymes En minuscules, avec g c s e
espaces
Pause courte Pause inférieure à 0,2s (.)
Pause moyenne Pause supérieure à 0,2s (..)
mais inférieure à 0,5s
Pause longue Pause supérieure à 0,5s (...)
Amorce de mots Amorce coupée par un grammat-
tiret
Intonation Syllabe suivie d’une yes/
montante barre oblique sans espace
Intonation Syllabe suivie d’une rules\
descendante barre oblique inversée
sans espace
Chiffres et En toutes lettres sixteen
nombres
Chevauchements Crochets ouverts alignés in your [classrooms
au moment du [ok
chevauchement
Non verbal Action entre doubles ((rires))
parenthèses
Manquements Passages inaudibles d’une (inaud.)
longueur supérieure à 3
syllabes
Anonymisation Noms et coordonnées XX
transmises anonymées par
un double x majuscule

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCIII
Transcription de l’entretien HJB_1-5-18
Enquêteur : KL Début de l’entretien : 21h15
Enquêtée : HJB Fin de l’entretien : 21h45
Nationalité : Anglaise Durée de l’entretien : 30 min
Années d’enseignement : 20 ans Date de l’entretien : 1 mai 2018
Pays d’enseignement : Angleterre Référence entretien : HJB_1-5-18

// Début de l’enregistrement //
KL 1 so i wanted to ask some euh teachers in england and in new
zealand how they dealt with euh grammatical gender euh in
their classrooms (.) and so first of all i will ask you some
questions about how you deal with grammatical gender in class
what kind of tools or euh (.) kind of stuff you use in your
[classrooms
HJB 2 [ok

KL 3 then i’ll be asking you about how you were taught the euh
grammatical gender in french euh if you had some specific
lessons about that when you were studying at school or for
your euh euh master’s degree in modern foreign [languages
HJB 4 [ok

KL 5 and then maybe ask you some questions about what the national
curriculum is saying about the grammatical gender and then
we’ll have (.) like an informal chat about what you thought
about the interview and what else you can tell me about the
grammatical gender
HJB 6 ok

KL 7 ok/

HJB 8 yes

KL 9 good, so euh about the grammatical gender i know this is a


complex notion to work in class can you tell me how YOU do
like are you working first on adjectives or on noun genders
euh do you prefer oral or writing or (.) how how do you do
HJB 10 ok so i’ve been teaching for twenty years now and when i first
started teaching grammar was (.) very popular and we taught
grammar specifically from grammatical exercises (.) so we
would learn le la les and then we would do (.) a whole range
of exercises practising nouns about rules and we would (.)
always do that again until the student understood the
grammatical rule\ (..) and then the exam the national

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCIV
examinations for sixteen-year-olds completely changed and
grammar became something that was no longer important and
students learned (.) set phrases to pass an exam (.) which
was fantastic for sixteen year olds who didn’t want to learn
grammar but was very very pointless for stud- university
students or students who wanted to continue with their
language learning who then didn’t have any understanding of
grammar (..) and NOW grammar is again very important (.) but
what we tend to do now is instead of (.) grammar exercise
after grammar exercise that’s written format we do quizzes,
games activities that practice a grammar rule orally first in
competition with a partner i made mini whiteboard and then
brought in written form when the people feel that confident
that they understand the rule and have had lots of
opportunities to make mistakes, discuss rules with their
partners and the teacher and then they (.) then get to write
it in their book (.) so we tend do that now euh i would say
that even from a very early age we start looking at not just
we learn about adjectives and then we learn (.) i don’t know
adverbs and then we learn quantifiers we tend to put as much
euh (..) grammar in terms of tenses into the work as we can
so previously i would have taught a student j’ai and ten
animals and then je n’ai pas and the same animals whereas now
i would teach them j’ai je n’ai pas de j’aurais and j’avais
and then teach them two to three maybe animals because nouns
are things that they can find very easily in the dictionary
themselves but the grammatical phrases in the different tenses
are not something they can find easily in the dictionary
themselves so they can use more complex structures much more
quickly with a smaller range of vocabulary maybe but much
better command of the structure so when we do teach the
grammat- grammatical point they already have a good
understanding of lots of examples of that grammar point does
that make sense
KL 11 yeah (..) yeah ok euh when euh when you are introducing new
vocab- for example euh let’s say new animal names or whatever
euh would you rather tell or write euh le (.) chat or whatever
or la + souris or write as i’ve seen from experience in new
zealand write chat and then (.) like in the kind of commas
saying okay that’s masculine there like n dot m or n dot f if
that’s a feminine

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCV
HJB 12 no definitely le or la

KL 13 yeah

HJB 14 and we tend to learn say if they learn le chat then they learn
le chat un chat mon chat
KL 15 hmhm [alright

HJB 16 [so they understand the different euh articles then very very
quickly and often because very often students will use le la
or les wanted to use un or une but they haven’t thought about
it properly so hopefully if we teach them all three forms at
the same time they can interchange them much more easily and
quickly
KL 17 yeah

HJB 18 i don’t think i’ve ever taught the m in brackets and the f in
brackets because you don’t hear them in your head i think
it’s important that they know when they say something that
sounds wrong if they make mistakes
KL 19 yeah yeah good euh so (.) euh english learners are not used
to attributing a gender to like every noun euh does it seem
to be a (.) difficulty euh in your classes like (.) are
students having a trouble doing that like attributing gender
HJB 20 they don’t have trouble attributing gender they just don’t
always understand why it’s necessary euh if i have a very
weak student i might say if you make a mistake it doesn’t
really matter because a french person will still understand
if you say le glace instead of la glace they will understand
what you’re asking for and we tend to then only teach the
words that have dual gender so that they know the difference
for us for example le livre and la livre it’s important
because we need to teach them how to say a pound in english
as well as a book so those sorts of words we would teach them
the difference but usually i would say it’s not a big deal
and if they are more able students then we tend to work on
the basis that ninety percent of the french nouns that end in
e are feminine so and some words like natation those kind of
words or feminine so they learn rules of groups of names that
generally have a certain gender and that helps them to make
less mistakes so they don’t they don’t find it difficult they
just don’t like it
KL 21 yeah they’re just like WHY do we [have to do that

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCVI
HJB 22 [why yeah why is a copy feminine and the walls masculine they
just don’t understand why but when you talk about the fact
that the vast majority of languages have genders and where
the odds ones out then they start to think okay this might
help me with learning german or this might help me learning
spanish so euh yeah they can usually be taught around they
just don’t like it
KL 23 yeah i guess so euh that was actually kind of my next question
euh about euh tools you’re using do you work the rule of
attribution like you- you- you were just saying you used like
termination (..) euh maybe sometimes the natural gender basis
as well like maman WOULD be definitely feminine [because (...)
HJB 24 [yeah (.) which they find more helpful in french actually
because in german the word for girl is neuter (inaud.) so we
would use all of our grammar books have sections of words so
months of the y- year are masculine days of the week are
masculine those sorts of things they are already grouped into
(inaud.) we use the whiteboard a lot in the classroom and so
on the whiteboard on the projector we would write masculine
words in blue feminine words in red all of the adjectives in
the same corresponding colours again that kind of visual
colour will help them sometimes to think okay i don’t remember
the gender but i do remember that this or that was written in
blue so that must be a masculine word so that helps too
KL 25 yeah euh al- all of these kinds of visual aids are really
helpful for the students i guess
HJB 26 yeah yeah definitely (..)

KL 27 ok euh, yeah euh (.) about when you were learning french (.)
euh just a quick kind of feedback about euh is the grammatical
gender part of your euh initial training like did you have
precise lessons on grammatical gender or is it something like
it is assumed to be known when you are euh you know getting
your degree to be a french teacher
HJB 28 euh at school myself/

KL 29 yeah

HJB 30 so when i was at school we did grammar lessons i actually


learned more english grammar in french lessons and german
lessons than i ever learned in english lessons so have a lot
of friends from belgium and a lot of friends from france who
talked about grammar lessons at school and the teacher would

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCVII
say euh i don’t know first person present tense of jouer and
all the class would have to say je joue and then second person
conditional of whatever euh we didn’t have that at all i
didn’t understand what the conditional tense was the imperfect
tense the perfect tense until i learned a language euh so i
definitely had specific grammatical lessons in my language
lessons which was really helpful to me for learning languages
at university euh (.) but there are i don’t remember having
langua- grammatical language lessons at university but i did
a business language degree (.) so it might be that if you
took a french degree i did a business language degree with
french or business french degree and if you took a french
degree as a literature and language degree maybe it would
have been different for someone who did that style of course
i don’t know
KL 31 yeah ok (.) euh about what the government is saying euh about
that euh grammatical gender stuff is it euh specified in the
national curriculum that students should be able to in french
say le or la or in german say der die das or-
HJB 32 yeah absolutely euh with much more emphasis now than
previously we have a keystage- keystage two and a keystage
three framework so students from seven years old to sixteen
years old have a framework of grammatical point that they
should be able to understand we have a euh a group of high-
frequency words that they should be able to understand so
words that constantly appear in a language euh and we have
set times that those are supposed to be introduced to student
across the the all age range from primary school to secondary
school euh it’s very recent and it isn’t always adopted by
everybody euh it should be euh the new style of the g c s e
exams require it to be but they the new euh we do a y- i
presume you know about the educational system in the u k but
we do national examinations at sixteen and they’re called g
c s e and so those exams four example the french exam i think
is on the fifteenth of may and every single student in the
whole country sits the same exam at the exact same time and
those exams are marked by examiners and then the results are
sent to the schools in august so and that grade will determine
if the student can go to study from sixteen to eighteen or if
they have to get a job or if they go to college for some kind
of vocational course so in order to pass the current exams

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCVIII
students need to have a better understanding of grammar and
be able to speak and write much more spontaneously than ever
before so yes it’s definitely becoming more of a requirement
at school but it’s difficult because current students have
not been trained in that form of learning so they’re being
tested with no no real understanding of how that works (.)
euh which is always the way with the british government
unfortunately and education system so which is very sad for
the students but we work with what we have so euh right from
eleven years of age when they start in secondary schools we
start teaching them grammar because we know they’re going to
need it when they get to their exams at sixteen so yes
definitely a much bigger agenda for the government
KL 33 yeah, euh is it something YOU think is important for the
students as well
HJB 34 i think it’s definitely important and for the students who
are very intelligent or who have a level of intelligence that
can access grammatical comprehension and apply that grammar
to other concepts it’s fantastic but for students who really
struggle with that idea it prevents them from learning and
enjoying languages in a way that you would want a person
doesn’t have a fantastic grammatical understanding can still
love and speak french and enjoy french lingua then i think
for some students we are (.) discouraging them from wanting
to learn and enjoying their learning because we are forcing
this grammar that actually isn’t always essential lots of
english people don’t understand english grammar but they do
very well in english so it’s balancing act to try to (.) euh
really push the more intelligent students to give them the
skills that they need at university without isolating the
students who just don’t cope well with that even in their own
language so yeah it’s fun ((rires)) (.)
KL 35 euh, (.) are there any euh tools provided by- by the
government saying okay maybe you could euh teach them this
way our use these kinds of rules or visual stuff euh that euh
like are they giving you some tools or whatever or are they
saying they have to know that just do whatever you want
HJB 36 yeah that’s essentially what they say

KL 37 [((rires))

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones XCIX
HJB 38 [do whatever you want so publishing companies make lots and
lots of money from schools because they make resources that
we can buy and well essentially this has been the biggest
thing for me teaching- every single teacher in the u k is
reinventing the wheel we are all making our own resources to
try and keep engaging students and keep teaching students and
look for more initiatives and everyone is doing the same thing
and we share ideas with each other we have Facebook groups
and euh (.) there is a newspaper called the times in the u k
and they have an educational section and we can put messages
and resources and share things there but essentially the
government give us absolutely nothing at all except for an
overview of what should be taught and we then teach it however
however we want which is (.) yeah very difficult very
expensive to buy resources euh we looked at a listening
package today for grammar for our older students our sixteen
to eighteen year old students and it was three hundred pounds
for one year because publishing companies are getting very
clever at online subscriptions for one year so you have no
products that you can keep physically that you have to keep
paying every single year we just don’t have the funds to do
that so yeah essentially i mean if you speak to XX she would
tell you euh that she is making all of her resources herself
(inaud.) and it’s very difficult especially when you’re a new
teacher to have even an idea at where to start and for a
native speaker as well it’s difficult to know what the
students are going to find difficult because you didn’t find
that difficult yourself so yeah it’s tough it’s really hard
(..) we have a fantastic euh presenter who lives in the u k
euh she might be a good person for you to contact for your
research because she’s teaching grammar for- (.) teaching
teachers how to teach grammar for years she is called XX (.)
euh so you may then- i’ll text you her information if you
want
KL 39 i’d really like so

HJB 40 yeah she she’s constantly euh researching and sharing new
ideas for teaching grammar so all of my new ideas about
practising orally before you write anything down all of these
ideas came from her research so yeah she is brilliant she
really is an enthusiastic little french woman she’s lovely
(.)

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones C
KL 41 yeah well i- i- i’ll try to message her some- sometimes

HJB 42 i’m sure she would be happy to talk to you

KL 43 that’s sweet that’s perfect (.) euh about euh the books you
might be using (.) euh do you know how they deal with the
grammatical gender like are they are they all doing kind of
the same stuff like saying okay like there are masculine and
feminine nouns in french euh deal with it euh in blue are
masculine nouns in euh pink or red are feminine nouns just
learn it and you’ll be fine
HJB 44 yeah essentially euh every textbook we use at school have a
grammar section have a dedicated grammar section at the back
of the book as well as exercises throughout the book i can
take some pictures of some pages if you want and for you to
have a look at and send them but yeah they all tend to do it
the same way they’re trying to teach the grammatical points
in a topic where it makes sense someone in four example or we
teach the future tense and the conditional tense in the topic
of holidays because you can talk about future holidays and
dream holidays and talk about euh work experience at school
i don’t know if it’s something you do in france but our
students go for two weeks to work in a company as part of
their learning so then they can understand what it’s like to
be in the world of business and we teach the past tense when
we teach that topic because they’re talking about an
experience they already had so euh yeah and i think textbooks
do that too they try to stick the grammatical point with the
topic that makes sense but yeah especially students just have
to learn it practice loads of time
KL 45 yeah, yeah and (.) there is no (.) answer to the WHY question

HJB 46 i don’t, i don’t think so but it is explained very very simply

KL 47 yeah

HJB 48 so euh (.) textbooks are very valuable when you- you first
starting out as a teacher because it gives you lots of ideas
on how to explain complex grammatical topics quite simply so
(.) yeah (..)
KL 49 ok, all good euh s- do you do you have any last kind of word
about grammatical gender or grammatical stuff in french in
general when you’re teaching it in class (..)
HJB 50 euh i think the biggest thing for me is to talk students about
(..) th- the communication grammar from a point of view of

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CI
communication [be]cause there are a lot of mistakes that you
can make in spoken french in written french but if you change
the meaning of what you’re trying to say if you change the
communication then it’s not it’s not effective so i might say
to student if you say le or la it’s not a big deal because a
french person would understand but if you say i don’t know
euh (.) je m- je mangé and you use je and a past participle
or you use je vais mangé with the past participle instead of
an infinitive the person doesn’t know if you’re- if it’s
something that’s already happened or something that was going
to happen and then you’re missing the communication so the
grammar is important because without it the communication
can’t be effective and it’s (.) euh (..) that’s the biggest
thing for me not to scare pupils or put them off or worry
them too much (inaud.) explain to them and make it very clear
to them that if it affects the communication that they’re
trying to have there is no longer conversation and that’s
really important whether you’re writing or whether you’re
speaking so yeah i think i think actually (.) students
actually quite- depending on how grammar is taught students
actually quite like knowing the rules and understanding how
to then continue in that set of rules they quite like to see
the patterns and learn that if this pattern work with this
then this pattern must work with this as well i have a year
seven group so they just started french this september and we
did some preparation for an exam today and i taught them
j’aimais for i used to like and then we looked at je lisais
je regardais and they can see that it follows the same pattern
that they can understand the meaning by using the pattern of
the previous word and so i think actually students (.) if-
if- if it’s approached in the right way even for (.) l- less
intelligent students (.) if they (.) euh enjoy and accept
then they’ll enjoy knowing that the rules are there then they
can follow the rule and they can communicate in different
ways so they could look of any new infinitives take off the
e r and then add the new ending and make new used to phrases
so the quite like that i think
KL 51 hmhm [yeah i guess so

HJB 52 [and i think grammar is something students you know don’t


like and don’t want to do really especially the more able

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CII
students who want to be creative with their language they
like to know what the rules and following them
KL 53 yeah just need to find the right way to treat grammar and not
scare them to death like oh no yeah ((rires))
HJB 54 definitely they just don’t like when the rules change

KL 55 i guess [so

HJB 56 [when you give them a rule and then there is an exception
that’s what they don’t like but then there is fifteen thousand
more exceptions in english than in french so you know we’re
in no position to if we are gonna complain
KL 57 alright euh you were mentioning it earlier i would actually
very much like if you could send me like euh a few things on
books you’re using dealing with grammatical gender or
something or even if you have a (.) syllabus for your euh
classes that IS dealing with just just you know the few things
that mention grammatical gender that would be very very useful
euh i think i believe
HJB 58 so syllabus books XX information

KL 59 yeah

HJB 60 yeah/ perfect

KL 61 that would be grand

HJB 62 ok no problem [was nice talking to you

KL 63 [yeah thank you very much for taking this interview hopefully
this going to be very helpful i will in any case send to you
my mémoire when it’s submitted euh end of june early july i
think so i’ll send it to you and you’ll be able to read it if
you feel like so
HJB 64 yeah it will be interesting

KL 65 euh in the meantime i think i’m good + i’ve asked everything


i needed to + euh so we might finish this interview now + i
guess
HJB 66 brilliant ok
// Fin de l’enregistrement //

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CIII
Transcription de l’entretien DT_25-5-18
Enquêteur : KL Début de l’entretien : 11h20
Enquêtée : DT Fin de l’entretien : 11h50
Nationalité : Néo-zélandaise Durée de l’entretien : 30 min
Années d’enseignement : 6 ans Date de l’entretien : 25 mai 18
Pays d’enseignement : Nouvelle- Référence entretien : DT_25-5-18
Zélande

// Début de l’enregistrement //
KL 1 so i wanted to ask you some questions about euh how you treat
grammatical gender when teaching french (.) because i’m doing
my master’s degree thesis on the teaching of grammatical
gender and how is it that not french speaking learners have
troubles with euh grammatical gender throughout their whole
life or so i-i-i still have teachers in france they are
american or english they have been living in france for like
thirty years they still can’t (..) understand the gender
DT 2 yeah
KL 3 and i’m like how-how is that/ is there something specific
about the grammatical gender that french euh just you know
KNOW how to use it and how that’s possible that english
learners just just can’t what is not wrong but where is the
difference (..) so that’s my concern even if euh no one
actually cares because that’s not- euh you don’t need
grammatical gender to- like you don’t need to use grammatical
gender for (..) like to be perfectly understood so that’s not
a big deal but i’m like okay there might be some reasons/ and
maybe someday we’ll find something to have people deal with
grammatical gender/ (.) and so as you have seen on the
questions first i will talk i will ask you some questions
about how you deal with grammatical gender in class euh then
i’ll be asking you about when euh you were studying french
and (.) doing your master’s degree to be a french teacher how
like was it something you dealt with at some point and then
ask you some questions about what the kiwi government is
saying about the grammatical gender if they are saying
something and then some genera- general questions about what
you feel- how you feel about euh grammatical gender if you
have any doubts or anything or any euh euh complementary euh
euh thing to say alright/

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CIV
DT 4 perfect
KL 5 all good so about grammatical gender i know this is a complex
notion to work in class (.) how YOU personally do like are
you working first on adjectives and then on nouns or or you
prefer oral or writing do you (.) do you write le la or un
les or un la un une or euh like XX was going putting in
brackets n dot m or n dot f or like how how do you do and has
it changed/
DT 6 okay euh so the way i teach at my current school is based on
a thing so they start off euh in euh sixième i think it is
the first- yeah it’d be about year one euh they start off
learning euh about à l’aroport and that’s the (inaud.) that
they’ve got to do is they’ve got to check on airport and so
i don’t worry too much about gender and you know we’ll just
go through flashcards or something and you’ll have une valise
or (.) une boisson un repas you know and they just have to
repeat repeat repeat until i tell to them qu’est-ce que c’est/
or qu’est-ce qu’il y a dans votre VAlise/ il y a (.) UN repas
or une boisson etc so it’s just euh getting it int- into
memory as they need to use it why so they don’t need to know
WHY un or une or anything like that IF they ask me euh i-i
will tell them i’ll say because in french you know all words
are either boys or girls or something but we DON’T get into
it too much euh they just need to remember that and then i’ll
put them on a website called cram dot com c r a m dot com and
euh they have to click on the picture and associate that with
the french word and that and you know you might have to
picture of euh a drink and then une boisson next to it and
they’ve got to just click it and it gets to their mind very
very well as opposed to doing a written exercise and then the
first year (inaud.) ((rires))
KL 7 [yeah
DT 8 [yeah i mean as you as you sort of as they get older then
then you might but at first i’d like to push them as long as
i can to get a natural (inaud.)
KL 9 hmhm yeah (.) do you do you find that your students have like
(.) difficulties when euh attributing a gender like i-if if
if there is (.) a noun they’ve probably learned a bit earlier
they’re just not quite sure if they should say un or une or
do [you feel they have
DT 10 [i sort of-

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CV
KL 11 yeah/
DT 12 yeah
KL 13 yeah do you think they have difficulties
DT 14 i do i think the biggest problem is speaking if you get them
to write it down they usually do okay they usually got sense
of it but when you’re speaking (.) it’s very difficult and i
find this as well (.) euh in french to think ahead of what
you’re saying so you know you might (inaud.) want to say
passeport but you’ve got this sort of you know an english
speaker’s when you always put the (inaud.) first you know euh
(.) you’d sort of be going through it like that but in french
you really must think ahead and then you come back and you
have to make a choice between just taking (.) sort of the
first euh you know un or une or le la or whatever that pops
into your head and then go back to it as opposed to be able
to move through it sequentially and so i find that the
students have trouble with that as well but either can speak
sort of fluently or make themselves understood and not sound
like idiots and go quickly and take a guess or stop and think
about it for a- for a long amount of time but if they stop
and think they will get it and they’ll lose the spontaneity
and (.) the ability to communicate naturally so it’s a very
tough call
KL 15 hmhm yeah i guess euh when (.) let’s say your students are
learning new words or (..) you know th- they encount-
encounter some new words they ask you but why is this one
masculine or why is this one feminine (.) do you tend to use
like euh what are called morpho-phonological rules like do
you say every (.) word ending in i s m e is a masculine so
just just don’t think about it and be like if if you encounter
one that ends in -isme then (parenthèse féline, 15 sec.) if
there is a new word that you don’t know the gender just look
at the end of the word and sometimes you may have some clues
like if it’s -isme then you know it’s masculine or/
DT 16 yes when they get to year five
KL 17 yeah
DT 18 from year five onwards i will tell i will tell them that up
until the form five i just go there are no rules you got to
learn it you just got to hear it and get that through year
four and by the time they get to year five (inaud.) but i
mean when you’re speaking and communicating you’re not

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CVI
thinking le garage it ends in you know a g e you you don’t
have time to think like it it’s more useful for their writing
or essay
KL 19 (..) euh yep alright euh i was wondering if you used some
kind of euh like tables or saying like when the word is
masculine you always write them in blue and then when it’s
feminine you always write them in red or (.) are [you using
like
DT 20 [i wish i could say i didn’t but yes i do and i don’t like
teaching that way it’s laziness it’s sheer laziness (inaud.)
it’s a good point of reference but in my ideal world i probably
wouldn’t do it but when you got thirty kids in a class yes a
table on le la les or un une des it makes it very easy they
can refer back to it (inaud.)
KL 21 alright yeah euh has it- has your method changed through like
the few years you’ve been teaching
DT 22 yes yes it has (..)

INTERRUPTION DE L’APPEL

KL 23 hello back
DT 24 you need to rerecord or [press record or
KL 25 [euh it’s alright i’m all good
DT 26 okay sweet yes my method has changed a lot euh i started off
teaching quite traditionally i think with a very grammatically
grammar focused then i met XX and i stopped doing that
((rires)) but yes it has changed a lot euh (.) i’m definitely
happy doing it his way euh the kids the kids love it and it’s
it’s i’ve probably changed a little bit in terms of how i was
teaching boys and now i teach girls so with boys you have to
draw a lot and repeat repeat repeat (inaud.) you can almost
give them the concept and say okay you’re a girl you can learn
it and they will ((rires)) they always do that and then
they’ll come back to you but yeah my method since probably
two thousand and (.) i’d say two thousand and thirteen has
pretty much remained the same so i’ve been teaching six years
i did one year of more traditional and then totally changed
((rires))
KL 27 alright ((rires)) good when you were actually studying french
(.) either when it was high school or whatever or later at
university did you have some (.) precise grammatical like

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CVII
points on grammatical gender like was it part of your training
or/
DT 28 right i’m twenty-eight now i’m sort of old enough that when
i was learning it was all grammar grammar grammar grammar and
then (inaud.) when i was at university it became very uncool
but of course because i’ve learned like that at school it was
attached to me it was very important to have all of the notes
and all of the rules and so i learned like that and that
turned out to be useless because of course when i went to
france i couldn’t speak a word and i ended up uncomfortable
speaking (inaud.) i was so grammar focused when i was young
(inaud.) i think it’s a terrible way of doing it
KL 29 yeah (.) and when you were euh doing your euh euh you did a
french degree right/
DT 30 hm
KL 31 when you were at university was there any (.) euh gender focus
when you were studying that when you were learning to be a
teacher/
DT 32 (.) no by that time it was more about communication university
was moving on to (inaud.) it was more about watching news
broadcasts and quite a bit of dictation but not gender
(inaud.) in two thousand and eight or nine/
KL 33 yep (.) alright now talking about the what the government
says what the national curriculum is euh (.)is grammatical
gender something important for new zealand education system
or are they like you know what as long as they can kind of
speak french be understood by others understand what a
frenchman is saying it’s alright
DT 34 yes the new zealand education system our wonderful friend
((rires)) the point is grammar is unimportant in all ways and
really so long as they can get part of the message across
even (inaud.) they’ll get the certificate it’s absolutely
(inaud.) and as a result the actual level of french that
students can produce at school has gone way down\
KL 35 yeah
DT 36 the new curriculum is so focused on communication
communication communication that the students don’t have any
guidance has to what (inaud.) because it’s subjective and
they actually prefer sitting a cambridge exam because that’s
more logical and so when we do a practice cambridge then they
(inaud.) they do well at it then they’re doing n c e a exam

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CVIII
(inaud.) even though easy and i understand absolutely
everything because what they are asking for is not (inaud.)
the questions but there’s nothing to do with the text (inaud.)
no grammar just communication
KL 37 hm, okay euh so i-i guess then they’re not giving you any
tools saying ok this might help you teaching grammar or this
may help you with the euh (.) mastering of gender or this
might help y- so you could use this or you could use that
DT 38 nope nothing we we’re absolutely on our own with that (.) and
it doesn’t work when it comes to n c e a (inaud.) france don’t
do it
KL 39 ((rires)) (.) and do books in new zealand use like euh do
they teach gender in any way
DT 40 yes euh a typical (.) student book will have the boxes
(inaud.) explanation that doesn’t change too much and that’s
still pretty traditional (.) i mean what i’d like to see if
i could design a (inaud.) to teach gender i would design one
that’s topic based on the topics that i was teaching because
i teach euh airport customs la douane then it will be metro
then it will be (.) something else that all would be very
practical (inaud.) a textbook that’s focused on practical
topics and they covered the objects that you’d want in it for
example un ticket de metro or un billet or whatever with that
un or une or whatever that’s related to that unit so the
students can see it over and over again (inaud.) if i could
change something about new zealand books it would be a way of
(.) euh putting putting the more relevant unit into that and
i think because the students (inaud.) with objects and having
to communicate with these objects the gender would become a
lot more natural (inaud.) than the abstract unit on family or
clothing
KL 41 hm yeah euh alright euh euh are there any (interruption, 8
secondes) i was interviewing an english teacher the other day
and she told me euh well government is not helping us but we
help each other we share our resources we we have facebook
groups like for sharing some resources or whatever is this
something you have new zealand as well
DT 42 euh they have a french teachers euh memberships (inaud.) and
that’s people pool resource and it’s phenomenal i don’t like
it because i don’t like the way they teach ((rires)) but for
people who teach similarly it’s a wonderful wonderful thing

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CIX
euh and people are constantly designing new euh new resources
and everything like that but me i usually use le point du f-
de fle or du fle som- something like that which is a website
(inaud.) and i prefer that because there are so many resources
(inaud.)
KL 43 yeah euh alright euh (..) we are coming slowly to the end of
this interview euh i was wondering how you felt about
grammatical gender in class what how important is it to you
even if it’s definitely not that important for communication
but you know when when you want to really master the french
language sometimes in your learning presses you will have to
master the gender because you want to be like completely
fluent in french or whatever so sometimes you might want to
euh master gender even if it’s not definitely compulsory so
how how do you feel about grammatical gender in class do do
you think euh it is important that students learn euh
grammatical gender
DT 44 yes (..) ((rires)) for me it is important because you know it
it it’s very difficult but something that they need to persist
with (inaud.) you go over to france you’re looking for a
boyfriend or girlfriend and (inaud.) if you sound like an
idiot you’re not going to get one
KL 45 ((rires, long))
DT 46 it’s important (inaud.) i will i will always (inaud.) and and
this is a high stress situation that they are already stressed
out it doesn’t matter but just from the moment learning
grammar (inaud.)
KL 47 alright good do you have any euh questions or suggestions or
other remarks that you might want to share with me
DT 48 only that it’s it’s very (.) it’s very difficult in terms of
assessment to know how much you should want the right gender
or grammar and how much should be about communication and
(inaud.) at what point does someone lack of understanding
gender goes from being forgiveable to being to making
themselves go stupid because i’m sure there is a line in there
where an occasional mistake (inaud.) not a big deal and
consistent mistake makes them just sound (inaud.) and i’d be
interested in to know what that line was and if that line
relates to common things versus a more (inaud.) word you know
if they say la garage instead of le garage and you say no it

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CX
ends with a g e it’s obvious (inaud.) so that would be
interesting way of teaching the class (inaud.)
KL 49 i actually hope i find this line
DT 50 ((rires, long))
KL 51 ((rires)) euh and yeah i will definitely let you know if i
find this line euh (.) last thing would euh you be able to
share with me euh i don’t know a (.) part of your syllabus or
a textbook you’re using that is dealing with grammatical
gender
DT 52 yes of course
KL 53 alright that’s perfect then euh (.) i think i asked everything
i euh needed to (..) so if you don’t have any other questions
or remark we might call an end to this interview XX
DT 54 (conclusion féline)
// Fin de l’enregistrement //

Entretien SH_26-5-18
// Début de l’enquête //
KL - Pouvez-vous me dire comment vous l’abordez [le genre grammatical] ? Le genre
des adjectifs ? des substantifs (noms) ? À l’oral/ à l’écrit ? Représentations
morphographiques ? (subst. (n.m/f) ou le/la ou un/une ?) Avez-vous fait évoluer votre
pratique ?
5 SH - When gender first comes into play with the learning of words to describe the
classroom and familiar objects, I demonstrate the phenomenon by indicating objects using
the appropriate indefinite article and giving the students plenty of sentences to listen to
first. I then ask students to deduce a « rule » from what they have heard i.e. before which
words did they hear « un » and which « une ». When they realise that there is no rule
10 based on the actual characteristics of the object, I then give a brief explanation of the
notion of gender, making the distinction between sex and gender. I will then intensively
drill this skill using objects at hand as well as numerous pictures. The intention throughout
this exercise is to make the students hear as many times as possible the correct use of
gender. Finally I will ask them to describe without prompting a number of objects. As
15 always the intention is to focus their attention on the goal of communication without
needing, in the process, to focus specifically on gender.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXI
My object is always to gain oral mastery before written and for written to be merely a
transcription of what they have been comfortable speaking. I may provide some exercises
but usually ones requiring a minimal choice on the part of the student.
20 To lead into accurate writing, my preferred strategy is to provide a pool of words spread
out on the screen in jumbled order e.g. un règle des stylo une livres etc etc. then ask
students to create their own sentences using these already correctedly-spelled words or
copy from dictation by choosing words from the word pool.
Textbooks and current courses on the whole direct students to learn to indicate gender
25 firstly by the indefinite article but only because this is the most useful form for description
of the immediate environment. However, this is very quickly backed up by sentences
which describe spatial relationships and which involve use of the definite article and/or
possessive adjectives. E.g. mon stylo est dans ma trousse etc. or sentences expressing
likes / dislikes. Later, after adjective agreement has been encountered, gender is again
30 grappled with when the partitive article is introduced. (although « des » is used at the
outset as the plural of « un » and « une ».
I have only modified my practice by making less and less of a « fuss » about gender and
providing more and more practice. Caveat : this does not mean that I am not frustrated
later on when students continue to make frequent errors of gender.
35 KL - Le public anglophone n’est pas coutumier du genre grammatical des substantifs :
cela semble-t-il représenter une difficulté dans l’appropriation de la notion ? Dans
l’attribution du genre ? Dans l’accord des subst/adj ?
SH - Grammatical gender is clearly a challenge and a source of much error particularly
for Anglo-saxon learners and as such will require a measure of explanation. The idea is
40 not to overestimate its importance in the overall scheme of things so as not to discourage
learners from the outset and overload them with difficulties which in fact rank as a lower
priority than the overall aim of successful communication.
Clearly agreement of adjectives becomes important as soon as students start to describe
things, (usually starting with pets, family members, house…) Again communication is
45 the most important but there are ways to bring attention to focus on the change in spelling
of adjectives. For instance, two pictures of animals etc both similar in colour/size.
Students describe one then the other.
KL - Existe-t-il des outils que vous utilisez pour aborder la notion et ses règles
d’utilisation ? Les règles morpho-phonologiques (terminaisons) ? L’appui sur le genre

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXII
50 naturel ? Les règles sémantiques ? Utilisation de biais ? tableaux bleus/roses ? colonne
(masc.) / (fém.), etc ?
SH - It quickly becomes apparent that the notion of « genre naturel » is of extremely
limited use in the mastery of gender. However, it can be useful to underline as they occur,
the basic gender / spelling correspondences. (while warning of the dangers of final « e »
55 = feminine !). Again, the ideal way, in my opinion, is to provide examples from which
the students are asked to come up with their own « rules ». i.e. « based on these examples
which endings do you think are always feminine and which masculine ? »
When I began teaching I adopted the method I had learnt by of placing masculine and
feminine nouns in different columns. I soon abandoned this and have not adopted any
60 colour-coding although I can see this could be helpful.
Typically when introducing adjectives and agreement I would display a board/screen with
a word pool containing jumbled adjective forms with all possible endings and then read
sentences or get a student to the board to indicate his/her choice and keep up this process
until understanding is demonstrated.
65 KL - On est confrontés au genre grammatical toute sa vie de locuteur de français. Est-ce
un point qui s’inscrit dans votre formation initiale ? Formation précise sur le genre
grammatical (savoirs savants ?) Abordé dans la formation à l’enseignement du FLE ?
SH - In the course of learning French and teacher training I can’t remember ever having
had any specific content related to gender, apart from the overall subject of correction of
70 student work, how to achieve accuracy in general.
KL - Le genre grammatical est-il inscrit dans les curricula nationaux ? Dans quelle
mesure ? A quels niveaux ? Son importance selon les textes ? Selon vous ? Des outils
sont-ils mis à votre disposition ? Avez-vous des moyens sur lesquels vous appuyer ?
Comment les manuels que vous utilisez l’abordent ? cela fait-il partie de vos attentions
75 dans le choix de manuels ?
SH - National curricula in New Zealand, being generic across all languages, are expressed
in terms of general outlines of achievement objectives which indicate competency at each
level. Although there is a strand called « language knowledge » which describes the way
students should learn about how language functions, there is nothing as specific as gender,
80 which is not surprising given the generic nature of the curricula.
Language textbooks normally come from outside New Zealand (usually British) and often
contain explanations of gender and more specific exercises. I chose textbooks according
to how they fitted in with the overall communicative strategy.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXIII
KL - Une dernière remarque sur cette notion grammaticale ? Votre propre
85 questionnement concernant le genre grammatical et son travail en classe ? Vos doutes ?
Possibilité d’avoir une photocopie de syllabus/de programme/de manuel concernant le
genre ? (facultatif)
SH - Statement of overall philosophy
In my opinion, the teaching of grammatical gender should fit in with the overall guiding
90 principle of communicative teaching i.e. that the best way to learn a language is by using
it rather than having it explained to you. Students should be guided to practice and use
the language as a means to the end of communication (in as real (often, in the classroom
environment, simulated) a context as possible). This means that the teacher should refrain
from interrupting the flow of communication by undue correction of errors and insistence
95 on total grammatical accuracy especially where this is not crucial to communication. This
approach, being widely accepted in New Zealand, is now enshrined in the New Zealand
curriculum documents and students are assessed according to criteria which reflect this
methodology.
It is for this reason that grammatical gender, although clearly a challenge and a source of
100 many errors particularly for Anglo-saxon learners, ranks as a lower priority in the overall
aim of successful communication.
While most students I have taught over the years and who have advanced to higher levels
in oral and written French have continued to exhibit problems with correct gender use.
The more students can be led to hear and read correct examples of language, the more
105 they will come to imitate this correct use in their own production oral and written.
This does not mean that the teacher cannot as he/she deems fit, intervene to point out
errors from time to time, or to direct students to the occasional exercise or drill to focus
their attention on the correspondences between spellings and gender. This is particularly
so where there is a systemic problem e.g.masculine words ending in –ème which have a
110 high frequency in more complex French.
In my experience, the teaching of grammatical gender and agreement does not need to be
explicit (apart from a few short sessions which may be necessary to to give a brief
explanation of the phenomenon to speakers of English unfamiliar with it. introduce
beginners to the notion of gender in French and point out certain patterns which may
115 allow students to guess gender from spelling.
However, right from the outset mastery of gender should arise gradually and naturally
from a mixture of a small amount of drilling as necessary and practice.

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXIV
Students generally come across the notion first when asked to learn words which describe
their familiar environment (classroom objects and the like). By focussing their attention
120 on the use of the words in the act of communication, they usually come to take the notion
of gender in their stride.
Although it may not be strictly in keeping with the communicative approach, I find drills
useful too, if and only if they involve direct use of French to talk about real objects or
pictures of same (on screen, in textbook etc).
125 The definite article (and therefore gender) will also be used when students go on to
express likes and dislikes. E.g. j’aime le sport.
To sum up, while accuracy in gender is to be valued and encouraged, and is in itself a
subject of curiosity and interest to learners, it is a comparatively low priority on the level
of overall communication.
// Fin de l’enquête //

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXV
Curriculum National
Niveau 2

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXVI
Niveau 3

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXVII
Supports utilisés par les enquêtés
Supports utilisés par HJB

Illustration 1 — Le genre des noms, précis de grammaire, dans French Grammar,


Heinemann

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXVIII
Supports utilisés par DT

Illustration 2 — Le genre des noms, exercices, dans Tricolore Total 1, Nelson Thornes

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXIX
Illustration 3 — Le genre des noms, dossier-langue, dans Tricolore Total 1, Nelson
Thornes

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXX
Supports utilisés par SH

Illustration 4 — Le genre des noms, précis de grammaire, dans Encore Tricolore 1,


Nelson Thornes

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXXI
Illustration 5 — Le genre des noms, exercices, dans Encore Tricolore 1, Nelson
Thornes

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXXII
TABLE DES FIGURES
Figure 1 — Le genre dans les langues du monde ................................................................8
Figure 2 — Nombre de genre présents .................................................................................9

TABLE DES TABLEAUX


Tableau 1 — Fiabilité des terminaisons dans l'attribution du genre grammatical .......... 24
Tableau 1 — Les étapes de la démarche hypothético-déductive ..................................... 42
Tableau 2 — Présentation des enseignants interrogés ...................................................... 44

Lemesle Kevin | L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français —


Représentations d’enseignants anglophones CXXIII
L’enseignement du genre grammatical des substantifs en français
Représentations d’enseignants anglophones d’Angleterre et de Nouvelle-Zélande

Kevin LEMESLE

Ce mémoire de recherche s’intéresse à l’enseignement du genre grammatical des


RÉSUMÉ
substantifs français dans un contexte anglophone. Plus précisément, il est question
dans cette recherche de la place qu’occupe cet enseignement en classe de FLE et
sur les représentations qu’ont les enseignants britanniques et néo-zélandais sur le
genre grammatical en français. Nous tentons de répondre, dans ce travail, à la
problématique suivante : Dans quelle mesure l’enseignement du genre
grammatical représente-t-il un point d’achoppement dans la maîtrise à un niveau
élevé du français par des apprenants de FLE ? Pour répondre à cette question, nous
avons formuler en amont de notre recherche un certain nombre d’hypothèses que
ce mémoire tente de vérifier. Pour ce faire, après avoir éclairci les questions qui
entourent la notion de genre, ainsi que les processus d’apprentissage en langue
maternelle et en langue étrangère de cette notion, nous avons mené des entretiens
auprès de trois enseignants de FLE natifs de l’anglais. Ces entretiens avaient pour
but de comprendre la raison pour laquelle le genre grammatical semble difficile à
maîtriser pour les anglophones et s’il existe un moyen de pallier cette difficulté en
s’inspirant du processus d’apprentissage en langue maternelle. En conclusion de ce
travail, nous proposons un certain nombre de recommandations quant à
l’enseignement de la notion de genre grammatical en classe de FLE.

mots-clés : genre grammatical, genre naturel, enseignement, apprentissage, FLE,


FLM, didactique, Angleterre, Nouvelle-Zélande

This thesis focuses on the teaching process of grammatical gender of French


ABSTRACT

substantives in an English-speaking environment. More precisely, this research


raises the question of the place given to this notion in an FSL class and on mental
representations that British and New Zealander teachers have on French
grammatical gender. With this work, we try to answer to the following problematic:
To what extend does teaching grammatical gender represents a stumbling block in
the mastery of French language by FSL learners? To answer this question, we
have put together a handful of research questions that this thesis tries to answer to
validate. To do so, after some clarification around the notion of gender on its own,
as well as a few keys on learning processes of grammatical gender both in FFL and
FSL, we conducted some interviews with three English-speaking teachers of FSL.
These interviews helped us to understand the reason of the discrepancy between
FSL and FFL when it comes to grammatical gender acquisition, especially in an
English-speaking context. They also helped to find if there was a preferred method,
inspired by FFL learning. To conclude this research, we are giving a few
recommendations as for the teaching approach of grammatical gender in FSL class
we think is the most effective.

keywords: grammatical gender, natural gender, teaching, learning, FSL, FNL, didactics,
England, New Zealand

Présidence de l'université
40 rue de rennes – BP 73532
49035 Angers cedex
Tél. 02 41 96 23 23 | Fax 02 41
96 23 00
ENGAGEMENT
DE NON PLAGIAT
Je, soussigné(e) LEMESLE KEVIN ...................................................
déclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une
partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet,
constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.
En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées
pour écrire ce rapport ou mémoire.

signé par l'étudiant(e) le 04 / 06 / 2018

Cet engagement de non plagiat doit être signé et joint


à tous les rapports, dossiers, mémoires.

Présidence de l'université
40 rue de rennes – BP 73532
49035 Angers cedex
Tél. 02 41 96 23 23 | Fax 02 41 96 23 00

Vous aimerez peut-être aussi