PAULBIYA

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Monsieur TSOUNGUI Paul Yaoundé le …..........

2018
et
Monsieur XXXXXXXXXX
Détenus à la
Prison centrale de Kondengui
Yaoundé

à
Monsieur Le président de la République
Palais de l'Unité
Yaoundé

Objet : affaire criminelle FOUDA

Monsieur Le Président de La République,

Nous réclamons une stricte et impartiale application de la justice et du droit.

Voilà désormais 4 ans que nous sommes détenus dans le cadre d'une
procédure criminelle actuellement traitée par une formation dédiée du tribunal de
grande instance de Yaoundé. Cette procédure a été déclenchée à la suite de la mort de
notre ami William FOUDA connu non seulement pour avoir appartenu à la garde
présidentielle, mais aussi et surtout pour être le fils du contre-amiral FOUDA qui
sert la République à vos côtés comme conseiller spécial du Chef de L’État.

L'intérêt de cette lettre est de réclamer comme dit plus haut que Justice passe.
Il n'est pas de dresser un inventaire des incohérences et des invraisemblances,
même si nous pouvons difficilement en faire l’économie.

Tout commence le mardi 14 avril 2015. William FOUDA est retrouvé sans
vie sur un tronçon du chemin de fer. Une enquête est ouverte et très vite, nous,
amis, qui étions dans l’entourage de William FOUDA sommes appréhendés.
Suivent alors des investigations dont les conclusions pour certaines vont laisser
perplexe tout esprit rationnel.

Par exemple :
Aucune trace de défense (griffure, coup, ecchymose), sang ou d'ADN de la
victime n'a été trouvée sur nous. Les rapports des officiers de police judiciaire
laissent aussi penser que la dépouille a été transportée jusqu’aux rails où a eu lieu la
découverte. Un contact quelconque entre la victime et son agresseur a tout
logiquement pu avoir lieu. Mais malgré, entre autres, les perquisitions ou l’examen
du médecin-légiste n’indiquant pas de prise de drogue ou de somnifère, aucun
élément matériel n’a permis d’établir le moindre indice d’un contact mortuaire entre
la victime et nous. d’où la question suivante :

Peut-on vraiment imaginer le meurtre crapuleux d'un militaire très entraîné,


rompu aux techniques du combat rapproché dont pas un signe n’apparaît sur ses
bourreaux désignés ?

L’accusation ou plutôt la Police judiciaire à, ce jour, et par une pure


construction intellectuelle a bâti son argumentaire sur le fait que nous sommes les
assassins parce que pendant les heures précédant la découverte du drame des
échanges téléphoniques ont eu lieu entre la victime et nous. Rien de surprenant a-
priori à cela puisqu’il est de coutume que des amis s’appellent. Ne pas communiquer
précisément ce jour là aurait même été hautement suspect.

Fort curieusement les services de gendarmerie, agissant dans le cadre de cette


mission de police judiciaire n’ont pas suffisamment exploité (peu importe que ce fût
à charge ou à décharge) les éléments que la téléphonie pouvait utilement leur
procurer.

Il est possible aujourd’hui dans notre pays et dans d’autres de savoir de quel
poste a été passé un appel, le lieu où a été passé cet appel et même de suivre
l’itinéraire physique d’un téléphone et donc de son détenteur grâce aux relais qu’il
déclenche. Cette vérification qui aurait pu être très instructive n’est nulle part
mentionnée dans le dossier. Elle aurait pourtant permis de savoir quelles téléphones
étaient présents aux côtés de la victime tout au long au moins des 24 heures
précédant le meurtre, quelles téléphones avaient suivi l’itinéraire macabre, à quelles
heures...etc. On aurait pu ainsi déterminer l’itinéraire et l’identité du ou des vrais
assassins. Mais il n’en a rien été.

Face à l’impossibilité d’apporter des éléments matériels nous liant au meurtre,


les services de gendarmerie ont implicitement suggéré la théorie d’un complot en
raison d’orgies ou de pactes prétendument homosexuels. Ces histoires font parler
dans les bars. Cela a donné lieu à des analyses médico-légales sur nos orifices anaux
qui ne se fondaient sur rien et qui n’apportait strictement rien.

Dans une nation où on est bien plus instruit et cultivé que dans les années de
l’indépendance, il est surprenant que les schémas intellectuels reposent encore sur la
foi absolue en la sorcellerie, les superstitions, l’homosexualité en l’espèce et non sur
la Raison et l’analyse critique.

Nous n’avons pas l’intention d’imposer notre analyse comme devant être la
seule envisageable. Nous concédons en effet que la contradiction puisse nous être
apportée par des éléments dits à charge ou à décharge. Mais nous souhaitons
simplement que ce débat contradictoire permettre une véritable expression des uns et
des autres dans un contexte épurée de toutes formes de contraintes réelles ou
supposées, ou de peur.

Or cette contrainte, pire cette peur ont été ressenties à chaque instant.
Au niveau de l’enquête préliminaire, tout a été mis en œuvre pour nous broyer
physiquement et psychologiquement. Il n’existe pas de réelle nécessité à vous faire
part de nos conditions de vie dans les cellules. Nous avons la naïveté de penser que
les services de l’État vous en font part.

Il était en tout cas très clair que la Gendarmerie était plus motivée par le
besoin de faire plaisir (il n’en demandait pas tant) au Contre-amiral FOUDA plutôt
que de mener une vraie enquête à charge et à décharge. Tout était bon pour susciter
une obligeance y compris en pleine nuit à l’égard de personnes prétendant venir de
la présidence qui nous sortaient sans titre et sans raison de notre cellule pour se livrer
à des sorties hors du centre-ville de Yaoundé, à des intimidations et à des simulacres
d’exécution extrajudiciaire dans le but d’obtenir (ou se rassurer de ne pas les
obtenir) on ne sait quelles informations.

Dans la phase purement judiciaire, cette peur s’exprime tout autant. Tres vite,
on nous a indiqué que le dossier est très sensible. Et nous avons très bien compris
que beaucoup de magistrats qui l’avaient en charge étaient paralysés par la peur.

Nous avons par exemple saisi en référé le juge des libertés (Habeas corpus)
pour faire constater que la gendarmerie n’était en possession d’aucun titre permettant
notre détention. Le colonel de gendarmerie convoqué ne s’est pas présenté et par 3
ou 4 fois le titre légal permettant la détention n’a pas pu être présenté. Tout
logiquement nous aurions dû faire, aux termes de notre législation, l’objet d’une
libération immédiate. Il n’en a rien été.

Par ailleurs, depuis presqu’un an, nous sommes de temps en temps appelés
devant le tribunal pour des audiences de jugement qui se tiennent parfois à 2 heures
du matin et qui durent moins de 5 minutes.

Comparaison n’est pas raison. Nous observons que les audiences dans certains
procès financiers ou d’autres bénéficient d’un temps de traitement important (5 jours
ou plus). L’institution judiciaire dont vous êtes le garant et l’idée que nous nous
faisons de la justice ne peuvent pas se satisfaire de constater que ce dossier que l’on
estime si hautement sensible soit traitée comme s’il s’agit d’un vol de poule ou de
manioc.

Il y a eu un meurtre dans des circonstances d’une barbarie indicible. La justice


doit être rendue à la victime. Vérité, justice et réparation sont dues à la famille et aux
proches de la victime.

Mais on ne peut pas se satisfaire d’une justice qui en toute conscience et par
pure crainte refuse de s’exercer.

Le respect dû à la victime et à ses proches commande que l’institution


judiciaire agisse sans pression. qu'elle puisse explorer toutes les pistes, que tous ceux
qui peuvent apporter des éclairages sur les faits, la vie de la victime et sa personnalité
puissent être auditionnés. C’est le cas des amis, voisins, parents, collègues...etc.

Un accent particulier peut aussi être mis sur les constatations matérielles.
l’examen de la dépouille est désormais impossible. Mais des perquisitions dans
l’intérêt de la manifestation de la vérité peuvent encore être opérées au domicile de la
victime ou sur son lieu de travail.

Enfin, la justice doit s’octroyer un temps d’audience conséquent et non pas 5


minutes pour traiter efficacement cette affaire. Notre système judiciaire si souvent
critiquée doit avoir un sursaut d'orgueil.

Cette affaire a eu un fort retentissement national. Certains analystes, à tort ou


à raison, ont même cru y voir une opérations de règlements de compte lié à la
gestion des affaires d'otages de BOKO HARAM. Quand d'après la presse, le contre-
amiral FOUDA, découvrant la dépouille de son fils sanglote et dit « Ils n'ont pas pu
m'avoir et ils s'en sont pris à mon fils », cela interpelle.

Qui sont ces « ILS » . Nos services de gendarmerie habituellement très


professionnels auraient dû interroger le contre-amiral dans ce sens quitte à se voir
opposer le secret défense ou la raison d’État.

Monsieur Le président de la République,

Nous voulons coopérer avec la justice. Qu’elle nous condamne si elle nous
juge raisonnablement coupables.

Ou alors qu'elle nous redonne notre liberté et notre honneur parce qu'elle aura
alors estimé que des charges suffisantes n'existent pas à notre encontre. Et très
raisonnablement, il n'y en a pas.

Dans tous les cas, nous vous prions de mettre en œuvre votre énergie pour
rappeler la nécessité de rendre la justice en toute sérénité et sans pression ou
sentiment de pression.

En ôtant cette peur à nos juges, vous permettrez à la justice pénale tout
entière d'être mieux comprise et acceptée de tous ceux, grands ou petits, puissants
aujourd’hui ou impuissants demain, criminels et victimes qui pourront être
confrontés à elle.

Dans l'attente, nous vous prions, Monsieur Le Président de la République, de


trouver ici l'expression de notre très profonde gratitude.

Copies à

-Monsieur Le Ministre de la Justice ;


-Madame La Présidente du tribunal de Grande instance de Yaoundé ;
-Monsieur Le Procureur de la République près le TGI de Yaoundé ;

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