Qu'est-Ce Que La Linguistique - Ayad Abderrahmane

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Qu’est-ce que la linguistique ?

Dr Abderrahmane AYAD

Enseignant-chercheur en sciences du langage – Université de Jijel

La linguistique est l’étude scientifique du langage humain. (Essono, p. 20, 1998).

C’est une étude objective, descriptive et explicative des langues naturelles.


L’objet principal de la linguistique est l’analyse du fonctionnement et de
l’évolution des langues. Le fonctionnement est lié à la synchronie et
l’évolution est liée à la diachronie. Ces deux axes temporels permettent au
linguiste d’identifier non seulement les éléments systémiques sous-jacents
à la structure des langues, mais aussi de comprendre la manière de les
manier pour les employer, entre autres, dans la nomination des éléments
constituant le monde. Une activité liant signe et référent est incessamment
effectuée. (Ayad, p. 7, 2024).

Ferdinand de Saussure, dans son manifeste CLG (Cours de linguistique générale), assoit la
matière de la linguistique en disant :

« La matière de la linguistique est constituée d’abord par toutes les


manifestations du langage humain, qu’il s’agisse des peuples sauvages ou
des nations civilisées, des époques archaïques, classiques ou de décadence,
en tenant compte, dans chaque période, non seulement du langage correct
et du ‘’beau langage’’, mais de toutes les formes d’expression. Ce n’est pas
tout : le langage échappant le plus souvent à l’observation, le linguiste devra
tenir compte des textes écrits, puisque seuls ils lui font connaître les idiomes
passés et distants. » (Saussure, p. 20, 2004).

Ainsi Saussure établit très clairement la distinction entre la matière de la linguistique et son
objet. Celui-ci est « le sous-ensemble des manifestations du langage que le linguiste
‘’construit’’ en adoptant tel ou tel point de vue, en choisissant de s’intéresser à tel ou tel
aspect de la matière. Si la matière est donnée d’avance, l’objet, lui, résulte de décisions. »
(Auchelin ; Moeschler, p. 28, 2014).

C’est une étude objective, par opposition à la grammaire normative qui est foncièrement
prescriptive. Elle est descriptive des faits de langue dans toutes les diversités des pratiques
langagières, sans ne jamais émettre de jugements de valeur ni prétendre à la correction des
formes que le grammairien juge incorrectes. La linguistique décrit les faits de langue et les
explique ; autrement, elle les analyse d’un point de vue empirique, car elle s’intéresse à ce qui
se dit réellement et non à ce qu’on doit dire correctement (normativement). Ce point
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précisément : normativité grammaticale vs pratique et usage réel de la langue, exprime une
séparation claire et nette entre les méthodes de travail propres à la linguistique et celles de la
grammaire. Pour les linguistes, seule l’expérimentation est capable de relever les faits
linguistiques et de les mettre en lumière.

Dans ce sens, Dominique Maingueneau écrit :

« La linguistique contemporaine ne s’est pas édifiée seulement contre la


grammaire historique, en définissant véritablement l’étude du langage
comme une science au sens moderne du terme, c'est-à-dire une démarche
qui procède par hypothèse et vérification et qui élabore des modèles
formels. Pour s’affirmer, la linguistique moderne a aussi dû se dégager d’un
ensemble beaucoup plus ancien et beaucoup plus vaste et qui imprègne
fortement les mentalités : la grammaire traditionnelle (…) La linguistique
vise à décrire les faits de langue sans porter sur eux de jugement de valeur.
Comme la biologie ou la psychologie, elle se veut une science empirique,
dont les données sont constituées de ce qui se dit effectivement dans une
communauté linguistique… » (Maingueneau, pp. 16-17, 2009).

C’est une discipline scientifique, car elle a reçu son statut de scientificité depuis la publication
du Cours de Saussure en 1916 (Dubois, 1994), et du fait de son paradigme de recherche qui
est le même que celui des sciences expérimentales. Comme font les scientifiques dans ces
dernières, en linguistique, le linguiste se base dans son étude des faits de langue sur
l’observation, émet des questionnements, formule des hypothèses, les soumet à l’analyse et
en aboutit aux résultats, qui, à leur tour, seront interprétés et donneront accès à la
théorisation. Voilà pourquoi la linguistique est une science empirique.

« La linguistique est avant toute chose une discipline empirique : elle porte
sur un objet — les langues et le langage — qui préexiste à son étude. Le
langage ordinaire (on dit aussi les « langues naturelles » — le français,
l’anglais, le lingala…) n’a nul besoin du linguiste pour être. Le premier
objectif est ainsi de décrire ce que la réalité lui propose. Mais ce qu’il faut
d’emblée comprendre, c’est que la langue (le français, l’anglais…) n’est pas
directement observable. Ce que nous pouvons observer, ce sont des
productions langagières, des phrases en français ou en anglais, et non le
français ou l’anglais en soi, c’est-à-dire le système qui rend ces productions
possibles. Empreintes dans le cerveau de ceux qui la parlent, une langue
n’est accessible qu’à travers ses effets. Cela revient à dire que la langue en
soi, inappropriée à l’observation directe, ne peut être que l’objet d’une
construction théorique. La linguistique est forcément une science
théorisante. » (Martin, p. 16, 2002).

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Dans la même lignée que la linguistique, voire composant même la nomination en
juxtaposition, et partageant le paradigme de recherche, les sciences du langage forment tout
un composite de disciplines scientifiques en association avec la linguistique dans l’étude du
langage et des phénomènes linguistiques.

Ce terme, Les sciences du langage « regroupe la linguistique en tant qu’étude du système en


lui-même et pour lui-même avec les disciplines connexes, psycholinguistique et
sociolinguistique notamment, et prend en compte à la fois l’aspect théorique et l’aspect
applicatif des recherches. » (Dubois, pp. 416-417, 1994).

Différentiellement de la linguistique, qui est l’étude de la langue en elle-


même et pour elle-même, les sciences du langage, étant un champ plus
vaste ouvert sur la pluridisciplinarité, touchent à des domaines variés non
dédiés à la base aux études sur le langage et les langues. Allant de la
psychologie ou la sociologie depuis les années 50 du siècle dernier, et
aboutissant à l’époque moderne aux neurosciences ou encore au
traitement automatique des langues (TAL), entre autres disciplines
scientifiques, les linguistes e sont de plus en plus intéressés aux études sur
les langues réalisées par les scientifiques. (Ayad, pp. 116-117, sans date).

Bibliographie

1. Auchelin Antoine, et Moeschler Jean, Introduction à la linguistique contemporaine,


Armand Clin, Paris, 2014, p. 28.
2. Ayad Abderrahmane, Lexicologie et sémantique. Étude contrastive des mots de l’islam,
Wamda, Jijel, 2024, p. 7.
3. Ayad Abderrahmane, Lexique des concepts linguistiques, pp. 116-117. Inédit.
4. De Saussure Ferdinand, Cours de linguistique générale (édition critique établie par
Tullio de Mauro), Éditions Talantikit, Bejaia, 2014, p. 20.
5. Dubois Jean et coll., Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Larousse,
Paris, 1994, pp. 416-417.
6. Essono Jean-Mikael, Précis de linguistique générale, L’Harmattan, Paris, 1998, p. 20.
7. Maingueneau Dominique., Aborder la linguistique, Éditions du Seuil, Paris, 2009, pp.
16-17.
8. Martin Robert., Comprendre la linguistique, PUF, Paris, 2002, p. 16.

Publié sur : https://t.me/Cerclelinguistique/152

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