Une Délicieuse Surprise - Rebecca Daniels
Une Délicieuse Surprise - Rebecca Daniels
Une Délicieuse Surprise - Rebecca Daniels
COLLECTION HORIZON
Résumé
Traduction française de
DANY OSBORNE
HARLEQUIN®
est une marque déposée du Groupe Harlequin
et Horizon® est une marque déposée d’Harlequin S.A.
*
**
— Jenny dit que c’est vous qui lui avez donné ça ! tonna
Colt.
Casey sursauta et porta la main à son cœur tout en pivo-
tant sur elle-même. Bon sang, quelle frayeur… Elle était
absorbée dans ses calculs, mètre et équerre posés sur une
planche, quand son client avait hurlé derrière elle.
Elle le regarda en face et secoua la tête d’un air réproba-
teur.
— On n’a pas idée de crier comme ça. Vous m’avez fait
une de ces peurs !
Colt comprit qu’elle attendait des excuses, et qu’il justi-
fie son éclat. Mais non. Il n’allait pas lui demander pardon.
En revanche, elle ne serait pas longue à connaître les rai-
sons de sa colère.
Il brandit une grosse tranche de gâteau enveloppée dans
du papier sulfurisé sous le nez de la jeune femme.
— J’ai trouvé ça dans la mallette de Jenny. Elle allait
l’emporter pour son goûter ! Selon elle, c’est vous qui
l’avez préparé.
La colère faisait trembler la voix de Colt. Il se rendit
compte que les yeux de la jeune femme, écarquillés de stu-
péfaction, allaient de son expression courroucée au pa-
quet.
— Euh… C’est un cake aux fruits et aux noix de pécan.
Et, oui, je l’ai fait moi-même. Où est le problème ?
— Le problème, c’est que je veux que ma fille mange sai-
nement. Toutes ces pâtisseries gorgées de sucre, d’arômes
artificiels, de levure chimique sont du poison ! Je ne veux
pas de ce genre de saleté chez moi ! Je veux que Jenny
goûte avec des fruits, et je déteste que des étrangers lui
donnent à mon insu toutes sortes de préparations sus-
pectes sans se soucier de sa santé !
Casey cilla, puis fronça les sourcils. Quelle mouche pi-
quait Colt Wyatt ? il perdait la tête ! Comment pouvait-il se
mettre en fureur à cause d’un innocent morceau de gâ-
teau ? Depuis le début de la semaine, elle apportait des
friandises à Jenny, mais aussi des salades, de la viande
froide… L’alimentation de la fillette était parfaitement dié-
tétique. Davantage, en tout cas, que lorsqu’elle mangeait
ce que lui confectionnait Emma, qui n’était avare ni de
beurre ni de graisses végétales ! Pourquoi tout à coup le
père de l’enfant se mettait-il dans cet état ?
L’envie de lui rabattre le caquet la dévorait, mais elle sut
y résister : Wyatt était un important client. La diplomatie
était de mise, de son côté à elle du moins.
Casey leva les mains en signe d’apaisement tout en se
forçant à sourire.
— Monsieur Wyatt, si j’ai fait quelque chose qui vous
déplaît, sachez que j’en suis navrée. Je ne pensais vraiment
pas mal faire en gâtant un peu Jenny et…
— C’est exactement là la source du problème : vous ne
pensez pas. Alors à l’avenir, soyez gentille : réfléchissez
avant d’agir. Je ne veux plus que vous apportiez ce genre
de… de truc malsain pour Jenny.
Tout en parlant, il agitait le gâteau sous le nez de Casey.
Puis il se détourna, avisant la poubelle. D’un geste précis,
il lança le cake dedans avant de tourner les talons.
Casey resta pétrifiée alors qu’il pénétrait dans la maison.
Il ne lui avait même pas laissé la possibilité de
s’expliquer ! L’étonnement l’avait rendue muette, et main-
tenant que les mots se bousculaient dans sa gorge, Wyatt
avait disparu ! Mais elle aurait pu lui dire que rien n’était
artificiel dans le gâteau ! Pas davantage la levure, qu’elle
fabriquait elle-même, que le sucre roux, ou les fruits con-
fits par ses soins ! Les arômes étaient tous naturels : va-
nille, cannelle, gingembre…, et la farine d’origine
biologique. Ce gâteau ne contenait pas une once de produit
chimique ! Comment avait-il osé le qualifier de poison ?
La colère l’avait envahie, mais aussi une irrésistible en-
vie de pleurer. Elle se hâta d’essuyer les larmes qui lui brû-
laient les yeux. Ce type ne méritait pas qu’elle pleure à
cause de lui. Ce n’était qu’un goujat. Un grossier person-
nage. Un fou capable de monter en épingle le plus anodin
incident pour le transformer en drame !
D’accord, elle était en position de faiblesse. Le client
avait toujours raison, disait-on. Mais en l’occurrence, le
problème qu’elle avait avec lui n’était pas d’ordre profes-
sionnel.
Il n’y avait donc pas de raison pour qu’elle laisse passer
l’affront.
La colère avait maintenant pris le pas sur le chagrin. Elle
croissait, embellissait, tant et si bien que la jeune femme
s’avança jusqu’au perron que Colt venait de gravir et appe-
la d’une voix vibrante de fureur :
— Wyatt !
Il apparut sur le seuil.
— Qu’y a-t-il ? Vous voulez quelque chose ?
— Oui, je veux quelque chose.
Elle se rendait compte que son intonation était aussi
coupante que le fil d’un rasoir, mais c’était plus fort
qu’elle : elle ne parvenait pas à se raisonner. Colt Wyatt
allait apprendre ce qu’il en coûtait de piétiner la dignité de
Casey Sullivan.
— Je voudrais éclaircir un point, reprit-elle toujours
aussi durement. J’aimerais savoir ce que j’ai fait pour vous
mettre en pétard.
— En… pétard ?
Il paraissait choqué par la vulgarité de l’expression.
— Oui, en pétard. Au bord de l’explosion. Il me semble
que vous ne me connaissez pas assez pour me détester, ni
que vous ayez matière à me reprocher quoi que ce soit
dans mon travail. Donc il y a autre chose. Alors, quoi ?
Les yeux de Colt s’étrécirent. De là où elle se trouvait,
elle ne distinguait plus qu’une fine ligne gris acier entre les
cils.
— Je ne comprends rien à ce que vous racontez, made-
moiselle Sullivan.
— Non ? Alors je vais éclairer votre lanterne. Vous faites
une montagne d’une taupinière, vous inventez n’importe
quoi pour créer une situation conflictuelle. Et je vais vous
dire pourquoi : parce que vous êtes perpétuellement de
mauvaise humeur, vous en voulez au monde entier, alors
vous cherchez des boucs émissaires !
Casey ponctua sa tirade d’un vigoureux hochement de
tête puis croisa les bras sur sa poitrine et le défia du re-
gard.
Il glissa ses mains dans ses poches pour qu’elle ne vît
pas ses poings serrés. Il se rendait compte que son pouls
s’était emballé, que la colère décuplait ses battements.
Mais aussi, que le spectacle de la poitrine de Casey, sou-
levée à brefs intervalles par une respiration accélérée, con-
tribuait à perturber son rythme cardiaque.
— Vous délirez, mademoiselle Sullivan, lança-t-il d’un
ton qu’il espérait égal. Je ne fais que m’occuper de ma fille,
et je n’ai aucune excuse à vous fournir. Je veille sur elle et,
à ce titre, j’ai le droit de vous dire votre fait quand j’estime
que vous outrepassez vos fonctions… qui consistent à ré-
parer ma maison !
D’ailleurs, il aurait dû songer à cela avant de revenir sur
ses pas lorsqu’elle l’avait appelé ! Il n’avait pas de comptes
à rendre à son entrepreneur en menuiserie. Comment
avait-il été assez stupide pour se laisser embarquer dans
cette dispute ?
Il n’existait quasiment aucun moyen de ramener la si-
tuation à la normale. Casey se dressait sur ses ergots, et
lui, il s’apprêtait à rendre coup pour coup. Quelle sottise…
La consternation chassa tout à coup ce qui restait de co-
lère en lui. Sortant les mains de ses poches, il les présenta
à Casey, paumes ouvertes.
— Je… je suis peut-être allé un peu loin, mademoiselle
Sullivan.
— Parce que je suis une femme ?
Soudain, il eut peur. Seigneur, voilà qu’elle touchait là
où cela faisait mal… Comment avait-elle compris que, oui,
ce qui le gênait par-dessus tout, c’était son sexe ?
— Cela vous gêne qu’une femme fasse un métier
d’homme, enchaîna-t-elle. Vous êtes trop macho pour
supporter ça.
Il dissimula un soupir de soulagement : contrairement à
ce qu’il avait craint, elle ne soupçonnait pas la vérité. Elle
le traitait de macho alors qu’il admirait sa compétence
professionnelle, son ardeur au travail, son courage, car il
en fallait pour assumer un métier d’homme…
— Les types comme vous sortent tout droit du Moyen
Age ! reprit-elle, les joues joliment empourprées par
l’indignation. Ils voudraient que les femmes lavent encore
le linge à la main, ne sortent pas de la maison sans leur
autorisation, fassent autant d’enfants qu’ils le désirent et
reprisent leurs chaussettes ! Mais moi, Wyatt, je ne suis
pas de cette espèce-là ! Je suis une femme libre, et je traite
avec les hommes d’égale à égal. Et dans mon job, je suis la
meilleure du comté ! Fichez-moi donc à la porte et rempla-
cez-moi : vous vous en mordrez les doigts, parce que per-
sonne dans le coin n’est à la hauteur. Et c’est alors que, la
tête basse, vous reviendrez me chercher. Et moi, à ce mo-
ment-là, je vous enverrai sur les roses !
— Mademoiselle Sullivan, je ne…
— Trouvez quelqu’un qui respectera les délais comme je
le fais ! Vous en serez pour vos frais !
— Mademoiselle…
— Demandez à n’importe qui à des kilomètres à la
ronde : on vous dira que Casey Sullivan, c’est le top du top
dans sa branche !
— Je vous en prie, écoutez-moi…
— Pendez-vous au téléphone et parlez à qui vous vou-
drez, et vous n’entendrez que des louanges ! Jamais je n’ai
eu un procès pour malfaçon, jamais !
— Casey !
Pour faire enfin cesser le flot de paroles, il avait usé de la
seule arme qui lui restait : l’intimité que pouvait établir
l’usage réciproque du prénom.
Et cela marcha. Casey se tut dans l’instant et le fixa avec
stupéfaction.
— Vous m’avez appelée Casey…, murmura-t-elle, l’air
ébahie.
— Vous pouvez m’appeler Colt.
— Mais je ne…
— Vous avez dit tout ce que vous aviez sur le cœur. C’est
mon tour maintenant, Casey.
— Peut-être que…
— Chut… Je veux que vous sachiez que vous vous trom-
pez de A à Z. Vous faites fausse route lorsque vous imagi-
nez que je suis un macho borné. Je trouve admirable que
vous exerciez la profession de menuisier-charpentier. Je
mets chapeau bas dès que je rencontre une femme capable
de bousculer les traditions et de se faire sa place sous un
soleil qui ne profitait jusqu’alors qu’aux hommes. Mais…
— Mais… ?
— Mais dès que l’on touche à ma fille, je vois rouge. Je
vous prie donc de m’excuser.
Colt n’en revenait pas : il avait demandé pardon ! Et
s’était donné la peine de justifier son éclat !
Au point où il en était, autant boire la coupe jusqu’à la
lie…
Il offrit sa main.
— Pourrions-nous faire la paix et recommencer sur de
meilleures bases, Casey ?
La jeune femme hésitait. Tout balayer par la magie d’une
poignée de main, c’était un peu facile. Wyatt s’était montré
réellement odieux. Insultant, méprisant… Vraiment, effa-
cer le contentieux lui semblait difficile.
Mais, d’un autre côté, Wyatt était un gros client. Et il y
avait Jenny, qui n’aurait pas compris que sa nouvelle amie
disparaisse du jour au lendemain.
Alors, rengainant rancœur et rancune, Casey prit la
main tendue et la serra.
La sensation qu’elle éprouva lorsqu’elle logea sa paume
dans celle de Colt la saisit. Elle eut l’impression qu’une
douce chaleur s’insinuait dans ses veines et se répandait
dans ses membres. Troublée, elle retira sa main en hâte et
la plaqua contre son dos, à l’abri de tout contact.
Jamais aucun homme ne l’avait émue ni intimidée de
cette manière. Les paroles de Colt l’avaient mise en colère,
mais pas bouleversée. En revanche, une simple pression de
ses doigts autour des siens lui avait arraché des frissons…
délicieux.
Elle se recula d’un pas, vaguement effrayée.
— Hé, je ne vais pas vous mordre ! lança Colt.
Et il lui sourit. Pour la première fois depuis qu’elle le
connaissait.
Eperdue, elle découvrit que ce sourire achevait de la
troubler, de lui ôter toute sa pugnacité.
— Vous… vous serez gentil, désormais ? s’entendit-elle
demander avec consternation : elle s’exprimait comme une
enfant !
— Je ne mens jamais. Surtout pas aux femmes de votre
trempe.
— J’ai bien peur que ma trempe ne soit bien entamée…,
murmura Casey.
*
**
— Hé, ho ! Où êtes-vous ?
— Nous sommes ici, Colt !
Casey se tourna vers la porte, un ours en peluche à la
main : en compagnie de Jenny, elle rangeait les jouets
dans la chambre de la fillette.
— Quelle chance vous avez, mesdames, dit Colt en en-
trant dans la pièce. Il fait un froid de loup, dehors. Je crois
qu’il va neiger.
— C’est normal, papa : c’est Noël. A Noël, il doit y avoir
de la neige.
— Mmm. On s’enrhume, quand il gèle. A propos, Casey,
comment vas-tu ? Tu ne te sens plus patraque ?
Casey échangea un discret regard de connivence avec
Jenny, puis se tourna vers son mari, qui l’embrassa.
— Ça va très bien, Colt. En superforme. Nous pourrons
décorer le sapin ce soir.
— Il ne faut pas te fatiguer, ma chérie. Un gros rhume,
c’est mauvais. As-tu encore eu des nausées ce matin ?
— Non.
— Ah ! Les sinus devaient être responsables de ces ma-
laises. Je suppose qu’ils ne sont plus infectés.
Jenny éclata de rire.
— Qu’as-tu, fillette ? Une sinusite n’a rien d’amusant,
remarqua Colt en soulevant l’enfant dans ses bras.
Cette fois, le regard qu’échangèrent sa femme et sa fille
n’échappa pas à Colt.
— Oh, oh ! On complote contre moi, ou je n’y connais
rien ! Deux femmes contre un seul homme, ce n’est pas
juste !
Casey rit à son tour, ce qui déclencha une quinte de toux.
Indiscutablement, elle était enrhumée. Mais les nausées ne
venaient pas d’un coryza.
— Colt, que dirais-tu si nous agrandissions ?
— Hein ? Tu veux encore ajouter une pièce à la maison ?
Mais c’est de la folie ! Emma n’est pas surhumaine ! Elle
ne tiendra jamais le coup !
— Mais si. Il ne s’agirait que de casser le mur de la salle
de jeux et de bâtir une chambre supplémentaire. J’en ai
déjà parlé à Jake et Ronnie et…
Colt leva les mains.
— Une chambre supplémentaire… mais nous n’allons
pas ouvrir un hôtel, tout de même !
— Papa, où dormira mon petit frère, si Casey ne fait pas
sa chambre ?
Colt ouvrit la bouche. Aucun son n’en sortit tout d’abord,
puis il bredouilla :
— Un… un bébé ? c’est vrai, Casey ?
— Oui, mon amour. Un garçon. Est-ce que cela te con-
vient ?
Colt lui ouvrit les bras. Elle se nicha contre sa poitrine.
— Si ça me convient ? Oh, mon Dieu, oui !
— On était une vraie famille, bientôt on sera une vraie
grande famille ! lança Jenny en se faisant une place entre
Casey et son papa.