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JURISPRUDENCE COMMENTÉE AFFAIRES

CESSION DE CONTRAT

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Cession de contrat et information

du débiteur cédé
Solution. – En cas de cession de contrat, l’information du débiteur cédé est requise à peine
d’inopposabilité et peut être effectuée par tous moyens.
Impact. – La décision commentée révèle la souplesse de la cession de contrat, et pose la ques-
tion, en matière de cession de promesse, de l’attractivité du mécanisme alternatif qu’est la
clause de la substitution.

Compte tenu des incertitudes posées par la d’appel avait considéré que cet accord devait
STÉPHANE PIÉDELIÈVRE, technique de la cession de contrat, qui ne sont nécessairement intervenir par écrit et que
professeur à l’université de pas de nature à favoriser son essor, notam- faute d’un tel écrit, la cession était nécessai-
Paris-Est
ment sur sa nature juridique (par ex. F. Ter- rement nulle. La cassation était inévitable.
ré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, À cette occasion, la Cour de cassation pré-
Droit civil. Les obligations : Dalloz, 13e éd., cise « que l’accord du cédé à la cession du
Cass. com., 24 avr. 2024, n° 22-15.958 : 2022, n° 1667), il est nécessaire de s’arrêter contrat peut être donné sans forme, pourvu
JurisData n° 2024-005838 sur les solutions dégagées en cette matière par qu’il soit non équivoque ».

L
la jurisprudence et de les confronter à la solu-
a Cour de cassation, par un arrêt du tion alternative de la clause de substitution. REMARQUE
31 janvier 1866, avait posé le principe Par un arrêt du 24 avril 2024, la Cour de cas-
➜ Les juges du fond avaient appli-
de la cessibilité des promesses en indi- sation apporte quelques utiles précisions sur qué à l’accord du cédé les règles de
quant que « rien ne s’oppose à ce qu’une l’accord du débiteur cédé. l’acte de cession. L’article 1216, alinéa 3
promesse de vente devienne l’objet d’une du Code civil prévoit que la cession de
cession » (Cass. civ., 31 janv. 1866 : DP
1866, 1, 69). Cette solution n’a pas été remise
1. Le contexte contrat doit être constatée par écrit. La
sanction du défaut d’écrit consiste dans
en cause depuis lors (par ex., pour une pro- Les circonstances de fait ayant conduit à l’arrêt la nullité. La cession est également sou-
messe sous condition suspensive, Cass. 3e du 24 avril 2024 ne concernaient pas une pro- mise à la formalité de l’enregistrement
civ., 25 juin 1965 : Bull. civ. III, n° 523). messe de vente. Mais la solution adoptée par la de l’article 1589-2 du même code. Tou-
L’inconvénient de cette technique tenait à ce Cour de cassation a vocation à s’appliquer aux tefois, l’accord du cédé n’est pas visé par
l’article 1216, alinéa 3, ce qui explique
que cette opération devait respecter les for- cessions de contrats non spécifiquement régle-
l’absence de nécessité d’un écrit pour
malités prévues par l’article 1690 du Code mentés, quels que soient leurs objets. matérialiser cet accord.
civil, ainsi que celles de l’article 1589-2 du
même code. Pour contourner ce formalisme, Des faits, il suffit de retenir que deux sociétés
la pratique a imaginé la clause de substitution (A et B) avaient conclu un contrat pour l’ins- La seconde question concernait les consé-
qui était devenue le principal mode de trans- tallation de solutions de paiement en ligne quences de l’absence d’accord du débiteur
mission des promesses. auprès de sites Internet marchands. Quelques cédé. Il existait sur cette question une diver-
temps plus tard, une cession de contrat était gence. Pour certains, la sanction du défaut
La réforme du droit des contrats, par l’or- intervenue au profit d’une troisième société de consentement du débiteur cédé consistait
donnance du 10 février 2016, n’a pas vérita- (C). Puis, par une lettre recommandée avec nécessairement dans la nullité de la cession.
blement modifié la situation, même si l’ar- demande d’avis de réception, la société cé- Telle avait été la position des juges du fond.
ticle 1216 du Code civil consacre la cession de dante avait notifié cette cession de contrat à Les auteurs du pourvoi s’étaient quant à eux
contrat. Ce texte pose sous forme de principe la société cédée. Une procédure judiciaire a fondés sur l’article 1173 du Code civil, en
qu’« un contractant, le cédant, peut céder ultérieurement été ouverte en raison d’im- vertu duquel « les formes exigées aux fins
sa qualité de partie au contrat à un tiers, payés subis par le cessionnaire. La question a de preuve ou d’opposabilité sont sans effet
le cessionnaire, avec l’accord de son cocon- finalement tourné autour de la validité de la sur la validité des contrats ». La présente
tractant, le cédé ». En dépit de cette dispo- cession de contrat. décision adopte cette position en indiquant
sition, la pratique a majoritairement toujours que « le défaut d’accord du cédé n’emporte
recours à la clause de substitution qui lui La première question était relative à la forme pas la nullité de la cession du contrat, mais
convient parfaitement. que devait revêtir l’accord du cédé. La cour son inopposabilité au cédé ». Le défaut de

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consentement du cédé ne remet pas en cause tution – où la solidarité peut être exclue CONSEIL PRATIQUE
la validité de la cession entre le cédant et le mais est de fait toujours stipulée –, la
➜ L’avantage de prévoir dès le
cessionnaire. Mais il empêche la cession de solidarité est ici de principe, même si elle contrat de promesse la cession de contrat
contrat de produire ses pleins effets. L’opé- peut conventionnellement être écartée. est de permettre conventionnellement
ration n’aura plus, de fait, d’intérêt pour les La conséquence pratique en est d’en prévoir les conditions. On peut sti-
que si le cessionnaire refuse de lever puler des clauses similaires à celles exis-
parties, tout du moins en principe, puisque
l’option en cas de promesse unilatérale tant pour les clauses de substitution. Ce
son objectif est de créer des rapports entre le consentement anticipé devra prévoir
de vente, il appartiendra au cédant de
débiteur cédé et le cessionnaire. remplir ses obligations et c’est donc le les différentes conditions de sa mise en
bénéficiaire initial de la promesse qui œuvre pratique. Il est possible de la mode-
ler selon les besoins des contractants.
2. La portée perdra le montant de l’indemnité d’im-
Il est notamment possible de formali-
mobilisation s’il décide de ne pas conti-
La solution ainsi donnée par la Cour de cassa- ser conventionnellement cette opération
nuer la vente.
en prévoyant notamment les éventuels
tion est-elle de nature à rendre plus attractive
bénéficiaires de la cession. Il est aussi
la cession des promesses de vente immobi- possible de stipuler une cession ouverte
lières ? Les éclaircissements apportés par le La souplesse de la cession de contrat se mani- à tous ou limitée à certaines personnes
présent arrêt du 24 avril 2024 prouvent que feste ensuite dans l’appréciation de l’exigence ou catégories de personnes. De même,
ladite solution permet une certaine souplesse de la prise d’acte de ladite cession pour que on peut indiquer quelles sont les condi-
d’utilisation. Elle permet « une succession de celle-ci prenne effet. À cet égard, le fait que tions d’information du promettant cédé,
jusqu’à quelle date la cession peut inter-
contractants en cours d’exécution » (pour l’alinéa 2 de l’article 1216 prévoit expressé- venir. Il est opportun d’envisager le sort
reprendre la formule de M. Julienne, Ré- ment que la cession « produit effet à l’égard de l’indemnité d’immobilisation et plus
gime général des obligations : LGDJ, 4e éd., du cédé lorsque le contrat conclu entre le précisément comment le bénéficiaire ini-
2022, n° 279). cédant et le cessionnaire lui est notifié ou tial pourra la récupérer.
Le cédé promettant ne devient pas
lorsqu’il en prend acte » ne constitue ainsi pour autant une partie au contrat de ces-
Cette souplesse se retrouve d’abord dans l’ab- nullement un obstacle à son utilisation. Il est sion ; il donne seulement un consente-
sence de formalisme de l’accord du débiteur logique que l’identité du cessionnaire soit ment-autorisation qui peut d’ailleurs être
cédé dégagée par cet arrêt du 24 avril 2024. portée à la connaissance du cédé. simplement implicite.
L’accord peut être prévu initialement dans le La cession de contrat de promesse
La jurisprudence se montre d’ailleurs là en-
contrat de promesse. L’article 1216, alinéa 2 de vente présente seulement un intérêt
core peu formaliste sur la manière de prendre pratique si elle est opposable au débiteur
du Code civil prévoit à cet égard que « cet
acte d’une cession de contrat pour laquelle le cédé. Elle nécessite d’être stipulée dans
accord peut être donné par avance, notam- l’avant-contrat. Toutefois, il est toujours
cédé avait donné un accord anticipé (Cass.
ment dans le contrat conclu entre les futurs possible de la stipuler en cours d’exécu-
com., 9 juin 2022, n° 20-18.490 : JurisData
cédant et cédé, auquel cas la cession produit tion du contrat. Les parties ont la possibi-
n° 2022-009154 ; Contrats, conc. consom. lité de signer un avenant. Mais il est éga-
effet à l’égard du cédé lorsque le contrat
conclu entre le cédant et le cessionnaire lui 2022, comm. 148, obs. L. Leveneur ; D. lement possible que la cession intervienne
2022, p. 1692, obs. J.-D. Pellier). La notifi- au moment de l’option.
est notifié ou lorsqu’il en prend acte ».
cation n’est pas nécessaire. Le consentement Malgré tout, il sera nécessaire que
les conditions de forme du contrat entre
ATTENTION résulte également de l’exécution par le cédé le cédant et le cessionnaire, à savoir une
de son obligation, comme tel était le cas dans constatation par écrit de la cession (C. civ.,
➜ Cela ne signifie pas que le débi-
l’arrêt du 24 avril 2024. En matière de pro- art. 1216, al. 3), aient été au préalable res-
teur cédé consente pour autant à la libé-
messe de vente, il interviendra souvent par la pectées, puisqu’elles sont requises à peine
ration du cédant puisque, contrairement
de nullité.
à ce qui existe pour les clauses de substi- signature de l’acte de vente.

L’essentiel à retenir
• La souplesse conférée à la cession de contrat par cet arrêt du 24 avril 2024 est-elle de nature à lui permettre de supplanter la clause de subs-
titution dans les avant-contrats ?
• Même si ces deux techniques sont voisines, la cession de promesse unilatérale de vente pâtira toujours d’une infériorité due à un certain for-
malisme, par exemple la nécessité de l’enregistrer pour les promesses unilatérales de vente, ce dont a été dispensée la clause de substitution
qui a encore de beaux jours devant elle.

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