HISTOIRE D UNE COLONISATION SEMESTRE I

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Cours de Master

Littérature Générale et Comparée


Séminaire Histoire d’une colonisation

Préparé et assuré par


ARAB Hacène
« […] le passé remontant sans cesse et l’avenir redescendant sans cesse […] »
Mohammed Dib, La Danse du roi.

Pourquoi un cours sur l’histoire d’une colonisation dans un master de


littérature ?
Avant de répondre à cette question que se posent les étudiants inscrits en master
de littérature, il y a lieu de rappeler que la colonisation de l’Algérie fut une
blessure très profonde qui ne s’est jamais refermée même après l’indépendance.
En effet, considérée encore aujourd’hui par les algériens comme une date on ne
peut plus douloureuse, 1830 a marqué et marque plusieurs textes produits par les
écrivains algériens. Selon Jean Déjeux : « l’effondrement du pays en 1830 lors
de la conquête française a été un traumatisme déséquilibrant pour toute la
société1. »
Nabile Farès, lui, voudrait bien effacer la date fatidique de 1830. Il écrit ainsi
dans La Mémoire de l’absent : « Nous sommes mordus au plus tendre de nous-
mêmes… 1830. ». Mais il a compris très vite que cette date qui a marqué
violemment plusieurs génération, ne peut-être effacée : « on a beau tourner
autour, c’est là qu’on revient, du moins pour le moment […] »
De ce point de vue, notre présent cours consiste à montrer comment
1830 a marqué le début de l’ère coloniale française ; et à expliquer comment
l’entreprise coloniale émanait d’une volonté de la France de modeler l’Algérie à
son image, et ce en s’attaquant à la personnalité algérienne déjà ternie par les
envahisseurs précédents. Il s’agit également d’aborder la politique coloniale qui
consistait à faire croire aux algériens qu’ils étaient citoyens français. Mais
c’était, pour reprendre le terme si suggestif de Mouloud Mammeri, un véritable
« opium ». C’est pourquoi, il est nécessaire d’expliquer aujourd’hui aux
étudiants inscrits en littérature le rôle majeur joué par les écrivains dans la
production d’un discours pour contrer la propagande colonialiste ainsi que leur
volonté d’œuvrer pour restaurer cette personnalité ternie.
I-Objectifs du séminaire :
1
Jean Déjeux, La littérature algérienne contemporaine.
Ce séminaire se veut une réflexion sur la colonisation, son origine, son
évolution historique et son rôle dans le contact de civilisations et de cultures
dans la violence. Il s’agit donc de revenir sur cette date fatidique de 1830
marquant le début d’une très longue nuit coloniale, et sur ses incidences
immédiates sur l’Algérie.Ensuite, nous aurons à aborder la résistance au
colonialisme : en dépit de la résistance armée, l’accent sera mis sur la résistance
culturelle notamment à travers l’écriture romanesque. Ce séminaire se veut une
invitation à la mémoire, à la connaissance et à la nécessaire réflexion sur la
colonisation.

II-Plan du séminaire :
Ce séminaire s’articule autour de trois axes fondamentaux répartis sur
21 séances, sans compter les séances qui seront réservées aux Contrôles
Continus. Le premier axe consiste à expliquer l’origine de la colonisation avec
la conquête de l’Amérique à partir de 1492 ; le second axe est consacré à la
conquête de l’Algérie en 1830 ; et le dernier axe aborde la résistance au
phénomène colonial. Ce séminaire sera organisé comme suit :

Introduction SEMESTRE I
Séance1 : Définition de la colonisation
Séance 2 : Le fait colonial
Séance 3 : L’idéologie coloniale
Premier axe : Origine de la colonisation/découverte de l’Amérique
* Séance 4 : Projection du film 1492
*Séance 5 : Débat et analyse du film à travers notamment l’explication de
certaines séquences.
*Séance 6 : Christophe Colomb, portrait d’un conquistador à partir d’un texte
de Tzvetan Todorov. (Extrait de la préface du livre, La
Conquête de l’Amérique, la question de l’autre, Le Seuil,
1982)
*Séance 7 : Extermination de la civilisation aztèque : illustré par des extraits du
chapitre du livre de T. Todorov, « Moctezuma et les
signes »
*Séance 8 : La disparition de la civilisation aztèque vue par un écrivain
algérien, Mouloud Mammeri. Etude de la préface du livre
Le Banquet : « La Mort absurde des aztèques »
*Séance 9 : Enseignements d’une découverte/conquête (conséquences politique,
économique et culturel de l’entreprise colombienne)
Contrôle Continu

Deuxième axe : La Colonisation de l’Algérie SEMESTRE II


Dans l’introduction de ce chapitre, il est nécessaire d’expliquer les véritables
visées des colonisateurs, à savoir, l’implantation d’une colonie de peuplement.
Ce qui implique l’extermination des populations autochtones.
* Séance 10 : Histoire d’un parjure ou le début de la colonisation, (cours Illustré
à travers des extraits du livre de Michel Habart, Histoire
d’un parjure, Minuit, 1960.)
* Séance 11 : La colonisation ou la prise d’Alger vue par Hamdane Khodja
* Séance 12 : Tocqueville et la colonisation de l’Algérie
* Séance 13 : Séquestration des biens des algériens et expropriation forcée
* Séance 14 : Coloniser, exterminer : massacres, enfumades, razzias…
* Séance 15 : Statut du colonisé.

Troisième axe : La résistance


* Séance 16 : Les résistances au XIXe Siècle.
* Séance 17 : Lutte politique et guerre de libération nationale
* Séance 18 : La résistance à la colonisation selon Frantz Fanon
* Séance 19 : Albert Memmi et le phénomène colonial
* Séance 20 : Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire
* Séance 21 : La fin de l’ère coloniale avec la décolonisation de l’Algérie
Contrôle Continu
Introduction

L’introduction de ce séminaire, conçue sous forme de trois cours distincts, est


entièrement consacrée à la définition des concepts clefs.
I-La Colonisation
I-1 : Evolution du concept
Selon le Dictionnaire des Notions (publié par Encyclopaedia Universalis), si
l’usage du mot colonie remonte à l’Antiquité2 et apparaît en français en 1308,
colonisation n’y entre, comme extension substantivée du verbe coloniser, qu’en
1769, par emprunt à l’anglais colonization.
« Le concept s’impose au XIXe siècle avec son double sens d’assujettissement
d’un pays et d’un peuple au statut politique de colonie dépendant d’une
métropole, et de mise en valeur ou d’exploitation.
A la fin du XIXe siècle, colonisation tend à s’identifier à colonialisme,
apparu en anglais après 1860 puis en français en 1896, sous la plume de
l’économiste libéral Gustave Molinari, conçu au sens britannique de système
d’expansion, de domination et d’exploitation des sociétés mises en dépendance
politique par les métropoles occidentales et par le Japon.
I-2 Proposition de définition
Selon certains historiens, avant de définir le phénomène colonial, il est
nécessaire de rappeler que « la colonisation suppose tout d’abord que plusieurs
personnes quittent leur pays pour aller s’établir ailleurs. » C’est là l’idée
première et essentielle. Néanmoins cette idée ne suffit pas à elle seule, car elle
donnerait de la colonisation une vision trop large et trop générale, par la suite,
inexacte. « Supposons en effet, écrivent certains chercheurs, une tribu barbare
qui, poussée par la faim, abandonne un territoire où les produits de la chasse ne

2
Il faut signaler que les caractéristiques de la colonisation sont déjà posées aux VIIIe et VIIe Siècles avant Jésus
Christ. En effet, la fondation de colonies en terre étrangère se décide sous pression démographique et par la
volonté de chercher des débouchés commerciaux, elle consiste à installer des colons sur une nouvelle terre pour
exploiter celle-ci, et à donner à cette expansion territoriale une dimension religieuse.
sont plus assez abondants, pour aller planter ses tentes plus loin : nul ne dira que
ces sauvages colonisent. »
La colonisation est cependant un phénomène de domination. Dès le XVe
siècle, le modèle de la colonisation se caractérise, selon les termes de Tzvetan
Todorov par la conversion, l’échange inégal, la violence et la volonté de
soumettre l’autre. Elle se caractérise donc par la terreur et le racisme comme l’a
si bien écrit Aimé Césaire en 1954 : « Le colonialisme, souligne-t-il, porte en lui
la terreur. Il est vrai. Mais il porte aussi en lui plus néfaste encore peut-être que
la chicotte des exploiteurs, le mépris de l’homme, la haine de l’homme, bref le
racisme. Que l’on s’y prenne comme on voudra, on arrive toujours à la même
conclusion. Il n’y a pas de colonialisme sans racisme. »

II- Le Fait colonial français


Expliquer le fait colonial consiste à cerner les différents systèmes de
discours qui ont accompagné, expliqué et justifié la colonisation. Il s’agit aussi
de déterminer les spécificités des conflits coloniaux engagés par la France en
Algérie et ailleurs.
Par ailleurs, il est nécessaire de s’interroger sur les méthodes singulières
(enfumades, massacres de prisonniers et de civils, razzias, destructions de
cultures et de villages) couramment employées par les militaires français ainsi
que sur la nature de la guerre menée pour « pacifier » l’Algérie. Cela nous
conduit à se poser une autre question, à savoir : pourquoi de nombreuses
mesures racistes et discriminatoires ont-elles été élaborées puis appliquées au
cours de la conquête et de la colonisation de l’Algérie ? Comment furent-elles
codifiées puis étendues aux autres territoires conquis par la France ?
Le fait colonial ne peut-être envisagé en dehors de la violence qui le
caractérise. Car selon les historiens, le fait colonial s’est fondamentalement
constitué sur la base de la terreur exercée par l’armée sur les populations
autochtones : « des expéditions répétitives, trois par an, et des colonnes mobiles
sillonnent le pays semant la mort et la destruction en procédant aux fameuses
razzias. »
Le phénomène colonial, considéré comme un processus de conquête,
s’attache, plus qu’à dominer un territoire et des hommes, à « désarticuler les
réseaux sociaux traditionnels comme le «ashira» (tribu) et cible les liens sociaux
comme « asabiyya» sentiment de solidarité[…] La terreur devenant l’arme la
plus importante dans cette lutte : enlèvement, exécutions sommaires, assassinats
purs et simples, torture et agressions sexuelles produisent Metrus atrox une
«peur terrible», par laquelle les commandants pensent détruire des liens sociaux
existants et entraîner une population à la docilité. »

III- L’Idéologie coloniale

La conquête puis la colonisation difficiles et meurtrières de l’Algérie


doivent être considérées comme une sorte de vaste laboratoire au sein duquel
des concepts (ceux de « races inférieures », de « vie sans valeur » et d’ « espace
vital » promis à l’avenir et à l’usage que l’on sait) ont été forgés. Ces concepts
sont employés afin de construire un argument justifiant la colonisation : le corps
expéditionnaire est investi d’une mission civilisatrice. L’anthropologie qui sert
cette thèse connaît ses plus belles années entre 1860 et 1880. Elle établit une
hiérarchie des sociétés en retenant le progrès technique comme critère principal,
pour mesurer le degré de civilisation d’une société (certaines sociétés sont
déclarées arriérées). Civiliser ces sociétés était donc dans l’esprit du colonisateur
une façon de les assimiler au modèle européen. Ce procédé consiste à acculturer
ces sociétés.
Le discours colonial développe également l’idée de reprendre ce que les
théoriciens de la colonisation appellent « l’héritage de Rome. »Albert Memmi
explique ainsi, dans son livre publié en 1957, Le Portrait du colonisé, précédé
du portrait du colonisateur, cette entreprise colonialiste qui vise à asseoir un
discours idéologique afin de se justifier. Il considère que le colonisé est soumis à
une série d’opérations de négation. Il est présenté en termes de manque par
rapport au modèle européen, en termes de perversion des qualités humaines : il
est jaloux, fanatique, exclusif… Même ce qui pourrait faire son originalité,
construire son altérité (l’hospitalité) est également présenté sous le signe de
négativité. Donc, tout ce que fait le colonisé est marqué du signe négatif.
Ce qui caractérise également le discours colonialiste, c’est le refus de
personnalité, le refus de l’individualisation : « le colonisé est toujours frappé de
la marque du pluriel ». Cette entreprise de transformation du colonisé par le
discours aboutit à faire des peuples autochtones des êtres sans aucune
personnalité : des sauvages, des attardés, des laissés en marge de la
civilisation…
On doit dire que cette théorie coloniale se déploie dans les discours des
parlementaires, dans des ouvrages théoriques, dans la presse, dans les manuels
scolaires, dans diverses manifestations comme les expositions coloniales, dans
les gravures populaires, dans la littérature et dans l’art.
En définitive, l’idéologie coloniale véhicule un certain nombre d’arguments qui
construisent un discours dont l’objectif est de justifier le fait colonial.
Ainsi, pour illustrer et expliquer cette idéologie coloniale aux étudiants, il
est nécessaire de citer les discours et les écrits des personnalités civiles et
militaires qui justifié l’entreprise coloniale au nom du progrès et de la
civilisation. Car les termes employés, la négation de l’autre, la violence non
dissimulée et ouvertement assumée, nous renseignent sur l’état d’esprit des
artisans et des partisans d’une colonisation totale. Cela nous montre également
que la France Coloniale du milieu du XIXe siècle était consciente de ses faits et
gestes en Algérie qu’elle compte conquérir par la force et la violence du glaive.
Violence souvent revendiquée par les esprits les plus avertis. Citons à ce propos
Tocqueville qui croyait que « le droit de la guerre nous autorise à ravager le
pays et nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la
récolte, soit dans tous les temps en faisant de ces incursions rapides qu'on
nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes et des troupeaux
» Tocqueville, cet apôtre de la colonisation, auteur de La Démocratie en
Amérique, fut ainsi un partisan farouche des destructions, des massacres et des
déportations en Algérie.
Nous pouvons dire, en somme, que l’idéologie coloniale ne peut-être cernée
sans un effort d’ordonner les actions, les forces matérielles et les idées sous-
jacentes en faisant ressortir les logiques propres et totalisantes de l'action
coloniale.

Portrait d’un conquistador : Christophe Colomb


(Séance inaugurale : visionnage du film 1492)

Débat : portrait de Colomb (1451-1506)

Le personnage de Colomb n’est que le résultat de certaines circonstances,


de quelque chose qui existait à l’époque, c’est-à-dire à la fin du XVe siècle. Il
s’agit du rêve de découverte, d’un autre monde, d’un nouveau monde. Dans le
film il le dit clairement : « Toute ma vie, j’ai rêvé de mettre les pieds sur ce
territoire inexploré. »
Grand navigateur (à 14 ans, il prit la mer et participa à plusieurs
expéditions), Colomb s’intéressait beaucoup à l’astronomie et surtout à la
cartographie. Aventurier, Christophe Colomb totalement baigné dans l’illusion,
est surtout, selon Todorov, un personnage pétri de contradictions.
Pour cerner son portrait, il faut développer deux axes avec les étudiants à
partir du film 1492 et du livre de T. Todorov, La Conquête de l’Amérique : la
question de l’autre. Ces axes concernent la découverte de l’Amérique et les
Visions de Colomb.
1. Qu’est ce qui a poussé Colomb à découvrir l’Amérique ?
-Désir essentiel de découvrir un nouveau monde
-La quête de l’or
-Financer une entreprise pour délivrer Jérusalem
-Satisfaire la Cour
-Répandre le christianisme
2. Ses Visions
Les visions de Colomb peuvent être schématisées sur trois plans :
-axe naturel : jouir de découvrir
-axe divin : christianiser
-axe humain : enrichissement
Dans l’esprit de Colomb cohabitent deux types de croyance : l’une est en rapport
avec le monde divin, et l’autre avec le monde fantastique. Tout ce qu’il voit est
en relation avec une foi archaïque : c’est le cas par exemple de sa vision du
paradis. Il est incapable de faire le discernement entre ce qu’il voit et sa
croyance. C’est quelqu’un qui préfère l’argument d’autorité à celui des
expériences. Toutefois, il est plus perspicace quand il s’agit de la nature
contrairement à tout ce qui concerne les hommes. Autrement dit, il porte une
attention constante aux événements naturels.

Une fois le portrait établi, il faut expliquer aux étudiants d’abord, l’intérêt
historique de la « découverte/conquête » de l’Amérique. Intérêt qui explique la
jonction de la soif de découvrir un nouveau et la volonté d’expansion
territoriale. Ensuite, il faut mettre l’accent sur un aspect fondamental qui
caractérise la personnalité de Colomb et qui va marquer plus tard l’ensemble des
partisans de la colonisation, à savoir : le déni de la culture du colonisé. Cet
aspect se manifeste chez Colomb dans sa méconnaissance linguistique et sa
tendance à chosifier l’autre, le colonisé.

Titre : Aux origines de la colonisation, la conquête de l’Amérique


Texte d’appui : « Moctezuma et les signes », in La Conquête de l’Amérique,
la question de l’Autre de Tzvetan Todorov.

Méthode de travail : -Rappel des quelques événements


-étude du texte : 1- définir la nature du texte
2- énonciation dans le texte de Todorov.

I- Rappel de quelques événements

A partir de 1492, une nouvelle période commence (les historiens évoquent le


début de l’époque moderne). Elle se caractérise par l’expansion et la domination
de l’Europe. Ainsi, l’hégémonie européenne commence à prendre forme avec la
chute de Grenade et le départ des Arabes chassés d’Espagne. Elle se manifeste
aussi dans les différentes formes de l’expansion, comme l’émigration massive
des européens vers des terres plus ou moins connues, la diffusion de nouvelles
techniques, l’importation de capitaux et la colonisation. Colonisation dans le
sens de la mise en exploitation de terres hors du pays par des gens venus
d’Europe, et ce pour le profit des exploitants.

II- Etude du texte de Todorov


Avant de procéder à l’analyse du texte, il faut rappeler aux
étudiants les objectifs de Christophe Colomb tout en mettant l’accent sur
l’intérêt économique et financier ainsi que la propagation du christianisme.
(Soulignons que les motivations religieuses sont plus déterminantes. C. Colomb
débarque aux Bahamas avec une vision préalable : être dans un paradis terrestre)

Nature du texte : il s’agit d’un discours composé et d’un récit


d’une conquête.
L’énonciation dans le texte : nous pouvons remarquer qu’il y a
deux types d’énonciation dans le texte : l’auteur utilise le « Je » et le « Nous ».
Le Premier renvoie à Todorov et le second à l’Europe.
L’Idée Générale : la question de l’altérité.
Il s’agit d’expliquer comment Todorov à partir de l’analyse des visions du
monde de deux protagonistes (les espagnols et les aztèques), explique la défaite
des aztèques face à une poignée d’espagnols.
L’analyse de ces visions va aboutir à comprendre :
1- Les aztèques sont considérés comme des êtres indéterminés (pas de
différence entre eux en tant que humain et les choses), tandis que le statut
humain dont jouissent les espagnols les différencie des autres choses ou
objets. Ce statut selon Todorov est en quelque sorte le garant du sentiment
de supériorité qu’ils affichent face à l’autre.
2- Les aztèques existent en tant qu’objets du monde et non pas en tant que
sujets. Leur destin est déjà déterminé. Cette pensée exclue toute liberté de
l’individu. Ce dernier est dans une position de celui qui subit sans réagir.
3- Les aztèques disposait d’un système d’altérité particulier : le même
(l’individu en personne ou sa propre tribu), l’autre (les tribus voisines) et
l’inconnu. Ce système ne leur a pas permis de comprendre l’arrivée des
espagnols sur leur terre. Autrement dit, ils n’ont pas pu intégrer les
espagnols dans leur système d’altérité.
4- Les aztèques privilégient la communication entre l’homme et le monde.
Pour eux, l’homme doit subir son destin qui est déjà tracé. Pour eux,
l’individu est l’objet de son destin. Cette vision du monde exclue (à nos
yeux) le libre choix et le libre soi de l’être.
5- La civilisation aztèque interdit à l’être humain d’être le sujet de son
destin. Chez les espagnols, il ya une distinction entre l’homme et Dieu.
L’espagnol existe en tant que sujet. Ce qui lui permet d’adapter le monde
à ses propres choses.
A la lumière de ces remarques, nous pouvons déduire que l’histoire de la
conquête de l’Amérique qui fait partie de l’histoire du colonialisme, trouve
son explication dans la différence des systèmes de communications. Les
aztèques ne pouvaient pas dépasser leur vision du monde.

Récapitulatif du cours

Todorov propose une réflexion sur la rencontre entre l’ancien et le


nouveau monde. Il s’interroge sur la victoire des espagnols, pourtant
inférieurs en nombre et ne se battant pas sur leur sol. Il lui semble que les
raisons de cette victoire tiennent surtout au postulat de différence qui se
traduit chez les espagnols en complexe de supériorité. Pour Todorov,
l’explication se trouve au niveau du mode de communication. Il ne s’agit pas
du phénomène de langue surtout que ce sont des Indiens qui ont servi
d’interprètes. Le problème se pose donc dans l’interprétation des messages.
Les Aztèques optent pour la forme de communication entre l’homme et le
monde, tandis que les Espagnols optent pour la forme de communication
entre l’homme et l’homme. A l’arrivée des Espagnols, les Aztèques vont être
déroutés par les événements. Ils savaient s’informer sur les ennemis, mais à
condition qu’ils soient connus, c’est-à-dire intégrés dans leur système
d’altérité.
Todorov voit cette conquête dans les récits qui commencent tous par des
présages qui annoncent des nouveaux venus, et qui prédisent leur victoire.
Cette attitude paralyse les Aztèques et donne l’avantage de la surprise aux
Espagnols. La défaite s’explique en somme par l’incapacité des Aztèques à
percevoir l’identité humaine des autres.
Bibliographies
Ouvrages
Christiane Chaulet Achour, Echos littéraires d’une guerre – Œuvres
algériennes et guerre de libération nationale, Boudouaou (Algérie), Dar
Khettab, 2019.

Christiane Chaulet Achour, Dans le sillage de Frantz Fanon, Alger,


Casbah éditions, mars 2019.
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, éditions Réclame, Paris, 1950 ;
éditions Présence africaine, 1955.
Alice Cherki, Frantz Fanon : portrait, Seuil, 2000, réédition en 2011.
Françoise Dufour, De l’idéologie coloniale à celle du développement,
L'Harmattan.

Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952, rééd., Le Seuil, col.
« Points », 2001. L'An V de la révolution algérienne, 1959,
rééd., La Découverte, 2011. Les Damnés de la Terre, 1961,
rééd., La Découverte, 2002.

Ferro Marc, (Dir.), Le livre noir du colonialisme, XVIè – XXIè siècle : de


l’extermination à la repentance, Hachette Littératures, coll. « Pluriel » 2004.
Olivier Le Cour Grandmaison, Coloniser, exterminer, FAYARD, 2005.
Habart Michel, Histoire d'un parjure, Minuit, 1960.

Hamdane Khodja, Le miroir. Aperçu historique et statistique sur la Régence


d’Alger, Sindbad, La Bibliothèque arabe, 1985.

Hosni Kitouni, Le désordre colonial: L'Algérie à l'épreuve de la colonisation de


peuplement, L’Harmattan, 2018.

Mouloud Mammeri, Le Banquet, précédé d’un dossier, « la mort absurde des


aztèques », Paris, Librairie académique Perrin, 1973.

F. Maspero, L’honneur de Saint Arnaud, Casbah édit. Alger, 2004.

Albert Memmi, Portrait du colonisé, précédé du portrait du


colonisateur (préf. Jean-Paul Sartre), Paris, Buchet/Chastel, 1957.
Tzvetan Todorov, La conquête de l'Amérique, la question de l'autre, Le Seuil,
1982.

Stora Benjamin, Harbi Mohammed, La Guerre d’Algérie : 1934-2004. La fin de


l’amnésie, Robert Laffont, 2004.
Articles

Christiane Chaulet Achour, « Fanon, héritier de Césaire », Colloque


international, « Aimé Césaire : œuvre et héritage », Centre Césairien d’Etudes et
de Recherches pour le Centenaire de la naissance d’Aimé Césaire », Fort-de-
France, 24-28 juin 2013, Paul-Christian Lapoussinière (dir.).

Blanchard Pascal, Bancel Nicolas, Lemaire Sandrine, « La question coloniale,


longtemps occultée, peut éclairer les pans de notre présent»,
in Oumma.com, 2005. B. Benjamin Brower, « Les violences de la conquête », in
Histoire de l’Algérie à la période coloniale, ed. Barzakh-La Découverte, Alger,
Paris, 2012.

Jean Pierre Castellani, Du temps des colonies/Michel Perret (Le Premier convoi,
1848), Diacritik, décembre 2019.

Youssef Jebri, « Un certain regard sur l'idéologie coloniale » AgoraVox le


média, 2008.

Hosni Kitouni (Chercheur indépendant, Algérie) : « Massacres coloniaux :


donner sens et nom aux souffrances des victimes », communication, colloque
Massacres et répressions dans le monde colonial : Archives et fictions au
service de l’historiographie ou du discours officiel ?, Colloque international et
interdisciplinaire, Université de Bretagne Sud - Université libre de Bruxelles,
Les 27-28-29 novembre 2014, Lorient, Amphithéâtre François Chappé.

Nathan Wachtel, « La vision des vaincus : la conquête espagnole dans le


folklore indigène », in Annales, Année 1967/ 22-3, pp. 554-585.

Film

1492, Christophe Colomb, est un film de Ridley Scott de 2 h 34 min. Il est


projeté dans les salles de cinéma le 12 octobre 1992.
Avec Gérard Depardieu, Armand Assante, Sigourney Weaver

*En 1492, Christophe Colomb quitte l'Espagne pour trouver une nouvelle route
maritime vers les Indes. Il fera une découverte bien plus inattendue.

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